Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 4, rue du Bouloi (Cl. 8.233,98.)
ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DBS CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS FONDE PAR MM. MAVIDAL et E. LAURENT CONTINUÉ PAR
M. L. LATASTE CHEF-ADJOINT DU BUREAU DES PROCÉS-VERBAUX ET DE L'EXPÉDITION DES LOIS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS M. LOUIS CLAVEAU COMMIS PRINCIPAL DU BUREAU DES PROCÉS-VERBAUX DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
M. CONSTANT PIONNIER SOUS-BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS M. ANDRÉ DUCOM ARCHIVISTE PALÓGRAPHE, COMMIS PRINCIPAL DU BUREAU DES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799)
TOME LIII
PARIS IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT, Éditeur 4, RUE DU BOULOI, 4
1898
ERRATA AU TOME CINQUANTE-DEUX
ADDITIONS ET CORRECTIONS A LA LISTE DES DÉPUTÉS ET DES DÉPUTÉS SUPPLÉANTS élus a la CONVENTION NATIONALE
Page 2. Colonne 1. —Au lieu de Asse. — Voir Dugué d'Asse, lire : vissé. — Voir
Dugué d'Assé.
Page 2. Colonne 2. — Au lieu de Bal, député du Mont-Blanc, est remplacé par Dumas,
lire : est remplacé par Dumaz.
Page 2. Colonne 2. — Au lieu de Balan. — Voir Lambert de Balan, lire : Belan. —
Voir Lambert de Belan.
Page 2. Colonne 2. —Au lieu de Balland, député suppléant des Vosges, procureur
syndic du district de Brugères, lire : district de Bruyères.
Page 2. Colonne 2. —Au lieu de Bancal (Jean-Henri), lire : Bancal des Issards (Jean-
Henri).
Page 2. Colonne 2. — Au lieu de Barbaroux, député des Bouches-du-Rhôna, mis en
arrestation le 20 juin 1793, lire : le 2 juin 1793.
Page 3. Colonne 1. —Après Barbeau du Barran, lire : Bardy (François), député suppléant de la Haute-Loire. Est appelé à siéger en vertu de Varticle 1er de la loi du 7 ventôse an III (25 février 1795).
Page 3. Colonne 1. —Au lieu de Barras, député suppléant du Var, etc. Remplace
Dubois du Crancé, lire : Dubois de Crancé.
Page 3. Colonne 1. —Au lieu de Bassy. — Voir Carrelli de Bassy, lire : Carelli de
Bassy.
Page 3. Colonne 2. — Au lieu de Becker, député de la Moselle, juge de paix à Saint-
Avord, lire : Saint-Avold.
Page 4. Colonne 2. — Au lieu de Blaux, députe de la Moselle, maire de Sarguemines,
lire : maire de Sarreguemines.
Page 8. Colonne 1. —Au lieu de Choltière. — Voir Paichard-Choltière, lire : Plai-
chard-Choltière.
Page 8. Colonne 1. —Lire Cloots (Jean-Baptiste-Anacharsis), député d e l'Oise et de
Saône-et-Loire. Opte pour l'Oise et est remplacé dans Saône-et-Loire par Montgilbert.
Page 8. Colonne 2. — Lire : Condorcet, député de l'Aisne et de la Gironde. Opte pour
l'Aisne et est remplacé dans la Gironde par Bergoieng aîné.
Page 9. Colonne 1. — Après Crassous de Médeuil, lire : Creuzé (Michel-Pascal),
député de la Vienne, maire de Poitiers.
Page 9. Colonne 2. —Au lieu de Danton, député de Paris, est remplacé par Vaugeols,
lire : est remplacé par Vaugeois.
Page 10. Colonne 1. —Au lieu de Delcasso, député suppléant des Pyrénées-Orientales,
remplace Birotteau dès le 13 août 1773, lire: Dès le 13 août 1793.
Page 10. Colonne 2. — Au lieu de Depinay, député du Bas-Rhin, administrateur du
district de Benefeld, est remplacé par Christian, lire .- administrateur du district de Benfeld, est remplacé par Christiani.
Page 10. Colonne 2. — Au lieu de Deslandes. — Voir Enguerran-Deslandes, lire : En-
gerran-Deslandes.
Page 11, Colonne 1. — Supprimer Devron, député de la Haute-Marne, mis pour Drevon.
Page 11. Colonne 1. — Au lieu de Dormay, ancien député suppléant de l'Aisne, lire :
député suppléant de l'Aisne.
Page 11. Colonne 1. — Supprimer Doutrou-Bornier, mis pour Dutron-Bomier.
Page 11, Colonne 2. — Lire : Dubois Crancé : est remplacé par Barras, dans le Var, et
par Charrel, dans VIsère.
Page 13. Colonne 1. — Avant Églantine, lire Égalité (Louis-Philippe-Joseph de
Bourbon, duc d'Orléans), député de Paris, ancien constituant. Est condamné à mort le 16 brumaire an II (6 novembre 1793) ; est remplacé par Bourgain le 27 brumaire an II (17 novembre 1793).
Page 14. Colonne 1. — Au lieu de Fourmy, député suppléant de l'Orne, remplace
Gorsas qui a opté pour la Sarthe, lire : pour Seine-et-Oisè.
Page 14. Colonne 2. — Mettre Garnier-Anthoine, après Garnier {Jacques).
Page 15. Colonne 2.-^ Supprimer Gordas (Antoine-Joseph), député de l'Orne, etc., lire :
Gorsas.
Page 18. Colonne 2. Au lieu de Lagesse, voir Perez de Lagesse, lire : Pérès de
Lagesse.
Page 20. Colonne 1. — Mettre Lefeb vre de Chailly après Lefebvre, député suppléant de
VOise.
Page 20. Colonne —Au lieu de Le Preux-Poincy (Louis-Philippe), lire : (Louis-
François)v
Page 22. Colonne 1. —Au lieu de Malhes (Joseph), est remplacé par Mailhes (Pierre),
lire : Malhes {Pierre).
Page 22. Colonne 2. — Après Marrast mettre Martel (Poùrçain), député de l'Allier.
Page 25. Colonne 2. — Au lieu de Peuvergue, lire : Peuvergne.
Page 27. Colonne 1. — Supprimer Puligny. — Voir Edouard.
Page 27. Colonne 1. — Au lieu de Quiot, député suppléant de la Drôme, remplace Sau-
tayras, lire : Sautayra.
— VII —
Page 29. Colonne 2. —Au lieu de Sartre l'aîné, député Suppléant du Lot, remplace
Albouy, lire Albouys.
Page 31. Colonne 1. — Lire : Vallée, député de l'Eure, remplace Brissot, optant pour
Eure-et-Loir.
Page 31. Colonne 2. — Au lieu de Vidalin (Étienne), député suppléant de l'Allier, remplace Vernier, lire : Vernin.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu d'André est remplacé par Thomas-La-Prise, lire : est
remplacé par Desgronas.
Page 53. Colonne 1. —Au lieu de Priestley est remplacé par Desgroûas, lire: est
remplacé par Dubois.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu de Sieyès est remplacé par Fourmy, lire : est remplacé
par Thomas-la-Prise.
Page 53, Colonne 1. — Au lieu de Gorsas est remplacé par Dubois, lire : est remplacé
par Fourmy.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu de Thomas-la-Prise remplace André, lire : remplace
Sieyès.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu de Fourmy remplace Sieyès, lire : remplace Gorsas qui
a opté pour Seine-et-Oise.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu de Dubois remplace Gorsas, lire : remplace Priestley.
Page 53. Colonne 1. — Au lieu de Desgroûas remplace Priestley, lire : remplace André.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Séance du
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 26 octobre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
,secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1 ° Lettres et pièces envoyées par le procureur général syndic du département deVAisne, relatives a la réquisition du maréchal de camp Duhamel, pour la prompte réparation des routes depuis le Bac-à-Berry jusqu'à Laon.
(La Convention renvoie le tout au ministre de l'intérieur.)
2° Lettre du tribunal du district de Châteaulin, qui sollicite la solution de différentes questions, sur lesquelles la loi n'a pas prononcé.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
3" Lettres et pièces adressées à la Convention, par les administrateurs du directoire du département de la Manche, concernant le remplacement des curés qui n'ont pas voulu reconnaître l'évê-que de ce département. Un membre : Je réclame Tordre du jour. (La Convention passe à l'ordre du jour.) 4° Lettre du lieutenants-colonel du bataillon de Mauconseil, y joint une copie de celle du conseil de guerre à cet officier.
(La Convention renvoie les deux lettres au ministre de la guerre;)
5° Lettre du citoyen Laurent-Gabriel Claude, ex-député à l'Assemblée constituante, juge de paix deLongwy; il annonce qu'il a été amené, chargé de fers, a Verdun, et renfermé pendant cinq semaines dans les cachots de la citadelle de cette ville, au pain et à l'eau.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
6° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Haute-Garonne, à laquelle est
joint un état des revenus du collège de l'Esquille de Toulouse, avant 1791 et 1792.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'instruction.)
7? Lettre du citoyen Marc Donadïlle, fédéré du département du Tarn, blessé grièvement à la journée du 10 août, qui demande des secours.
(La Convention renvoie la lettre au comité des secours.)
8° Lettre des citoyens vétérans de la compagnie de Daubarède, qui demandent à remplacer la gen darmerie nationale dans la capitale.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
9° Pétition de Valla, ci-devant grenadier au régiment de Diesback, ensuite chasseur soldé dans la garde nationale parisienne, renvoyé par La-favette avec une cartouche infamante ; il réclame contre ce renvoi arbitraire.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre.)
10° Lettre et adresse des administrateurs du district de Moulins, relatives aux forêts nationales.
(La Convention renvoie le tout au comité des domaines.)
11° Adresse de la municipalité de Luçon, qui réclame la résiliation des baux passés par les ci-devant chanoines avec leurs églises, pour s'assurer la jouissance d'une maison à vie; ils demandent que cette résiliation s'étende aux-baux à vie, comme aux autres.
(La Convention renvoie l'adresse au comité d'aliénation.)
12° Lettre de la veuve du citoyen Gallerot, officier au régiment du Port-au-Prince, elle réclame des secours.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des secours.)
13° Adresse envoyée par plusieurs soldats détenus dans les prisons militaires de Strasbourg, qui réclament un prompt jugement.
(La Convention renvoie l'adressé au ministre de la guerre.)
14° Adresse et lettre tendant à la justification du citoyen Pellegrin, capitaine de la gendarmerie nationale de Verdun.
(La Convention renvoie l'adresse au ministre | de la guerre.)
15° Lettre du citoyen Droqua, ancien officier de marine; il demande qu'il soit fait un rapport à la Convention sur le sort des malheureuses victimes du pouvoir arbitraire.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
16° Pétition du citoyen Pasnier, lieutenant dans le'.50® régiment, qui réclame des créances sur le domaine de la Ville; il demande à jouir du bénéfice de la loi rendue en faveur des citoyens qui marchent à la défense de la patrie.
(La Convention renvoie la pétition au comité des domaines.)
17° Pétition du citoyen d'Acquin, caporal-fourrier aw.3® bataillon du Pas-de-Calais, grièvement blessé à Fontoy de deux coups de feu ; il démahdé, polir récompense de ses services, une place de contrôleur ou receveur des domaines nationaux.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
18° Lettres et pièces du citoyen Imbert. officier de la marine nationale, qui justifie qu'il n a pu se trouver à la revue du 15 mars; il réclame le payement de ses appointements, et de l'emploi dans la marine.
(La Convention renvoie le tout au minisire de la marine.)
ip Lettre du citoyen Eyroux, qui offre dé ddtinér un modèle dé pantalon à guêtre à l'américaine ; ils pourront suppléer l'hiver aux culottes, bas et Souliers dont manquent les soldats et volontaires nationaux.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
20° Pétition et~ autres pièces envoyées par plusieurs municipalités du département de l'Allier, qui récliament contre l'arrêté de ce département, relatif au placement des notaires publics.
(La Convention renvoie le tout au comité dé division.)
21? Adresse des administrateurs composant le directoire et conseil général du département ctlfidre-et-Loire, qui observent qu'excepté six membres, ils sont tous électeurs; que la session du conseil du département commençant le 2 novembre^ et j devant être tenue sans interruption, si l'Assemblée électorale tient ses séances à Château-Re naud, il faudra, ou que la session du conseil général soit interrompue, ou qu'elle soit tenue par cinq ou six membres, ou que les administrateurs manquent de se rendre à l'assemblée électorale. Ils demandent que l'assemblée électorale tienne ses séances à Tours.
lin membre : Je demande le renvoi au comité de division.
Un autre membre : Et moi, je demande l'ordre du jour.
(La Convention passa à l'ordre du jour.)
2"2° Lettre du citoyen Dalmeras, prêtre, ci-devant religieux du ci-devant ordre de Citeaux, qui offre à la patrie 50 livres, par chaque trimestre, sur sa pension de 900 livres, tout le temps que durera La guerre. Il désire que son exemple soit suivi par seâ confrères.
* (La Convention ordonne la mention honorable.)
23° Pétition du comité permanent de la section de la Cité, en faveur de la femme du trésorier de la ci-devant confrérie de la Vierge, et gardienne
des ornements, linges, vases, reliquaires et autres ustensiles de cette confrérie.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
24° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle en est jointe une de ce même ministre au confeeil général de la commune de Paris, relativement à la demandé du sieur Coiny, d'une provision de 6,000 livres.
(La Convention renvoie la lettre au comité de liquidation.)
25° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, à laquelle il joint un mémoire ; il consultera Convention sur la question de savoir si les quittances qui sont délivrées par les receveurs des districts aux payeurs généraux des départements, et toutes celles qui seront délivrées par ces receveurs pour raison de l'exercice de leurs fonctions, et dont ils ne pourront pas répéter le droit de timbre à des particuliers, ne seront pas assujetties au timbre. Il sollicite une prompte décision.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
26° Lettre de M. Clavière, ministre des contributions publiques, qui prie l'Assemblée de décider: 1° si les personnes qui recueillent, à titre de succession, doiiou legs, des domaines nationaux, doivent payer, pour raison de ces biens, le droit d'enregistrement proportionnel, fixé par le tarif; ou si elles ne doivent payer que le droit fixe de quinze sols, auquel sont seulement assujetties, pendant 15 ou 5 années, les acquisitions, ventes, reventes et cessions desdites biens; 2° si celui qui acquiert des biens nationaux de l'héritier aes^ donataires ou légataires, doit lé droit d'enregistrement proportionnel, ou seulement celui fixé de 15 ans. 11 prie la Convention de statuer promptemênt sur cet objet.
(Là Cônverition renvoie la lettre aux comités des finances et d'aliénation.)
27° Lettre de M. Clavière, ministre dés contributions publiques, à laquelle est joint tin compté qu'il rend en exécution de la loi du 23 août 1792, avéc l'état des sommes réclamées par les communautés laïques, sur le prik des bois Versé au Trésor public.
(La Convention renvoie la lettre au comité des domaines et des finances.)
28° Lettre de M. Clavièré, ministre des contributions publiques, à laquelle est joint un mémoire dès entrepreneurs a'une manufacture d'armes établie dans des bâtiments nationaux appelés Petites Ecuries. Ils demandent qu'il leur soit passé bail sans publication ni enchères, et seulement d'après la valeur locative de ces bâtiments. Le ministre observe qu'à là Convention seule appartient lé dtoit de déroger à la loi sur cet objet, ou d'ordonner qu'il sera procédé aux termes de la loi.
(La Convention renvoie la lettre au coniité d'aliénation.)
29° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui réclame en faveur de plusieurs citoyens ci-devant établis dans des bâtiments attenant à ceux du Temple et qui ont été évincés de leurs logements ou de leurs propriétés dans le coui-s des dispositions que la commune a faites pour la sûreté du local et de la garde de Louis XVÏ.. Paripi eux se trouvent plusieurs manufacturiers, dont les ateliers, ustensiles et approvisionne-
ments sont essuyé de très grands dommages ; ils réclament tous dès indemnités. Le ministré demande sur quels fonds pourront être imputées ces indemnités.
(La Convention renvoie la lettre aux comités des domaines et des finances, réunis.)
30° Lettre du président du tribunal de cassation, relative à la procédure commencée par l'assesseur du juge de paix de Saint-Astier, district de Périgueux, contre le citoyen Mandary, ci-devant commissaire du roi près le tribunal du district de cette ville, et le citoyen jRellevaux, capitaine de la gendarmerie nationale ; il soumet à l'Assemblée différentes questions sur lesquelles il appelle sa prompte décision.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
31° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, relative aux monuments, meubles et objets d'art mis sous sa surveillance et qui dépendaient de la ci-devant liste civile; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le er de la République française.
« Monsieur le Président (1),
« La Convention nationale ayant confirmé toutes les mesures que j'ai prises pour assurer l'exécution du décret du 17 septembre dernier, concernant la branche d'administration qu'elle m'a attribuée relativement aux monuments, meubles et objets d'art qu'elle a mis sous ma surveillance spéciale, et qui dépendaient cirdevant de la liste civile, il est indispensable qu'à l'avenir je ne sois plus contrarié soit par les commissaires à la régie des biens nationaux,, soit par les corps administratifs, soit, enfin, par toute autre personne, tant pour le mobilier de Paris que pour celui de Versailles, Compiègne, Fontainebleau, Saint-Cloud, etc. Tous ces effets étant dépendants de la ci-devant liste civile et du garde-meubles, qui n'est qu'un, il semble que le régime ne doive non plus être qu'un, le décret surtout le voulant ainsi.
« Dans ma lettre du 13 de ce mois à la Convention nationale, à la suite du compte que j'ai rendu à l'Assemblée, j'ai annoncé des vues et des observations importantes sur les bâtiments des Tuileries, du Louvre, ainsi que sur les maisons particulières qui sont dans les dépendances de ces monuments nationaux ; et il me tarde de remplir mes engagements à cet égard ; mais le plan que j'ai embrassé exige que j'expose à l'Assemblée quelques réflexions préalables.
« La vente des maisons inutiles dans les domaines-ci-devant réservés à la
Couronne doit être préparée par des examens réfléchis pour être faite
avec le plus d'avantage possible et ces examens me demanderont
nécessairement du temps, non seulement par la nature des objets sur
lesquels ils doivent porter, mais encore par les difficultés que
j'éprouve à rassembler les éléments de mon travail, tout étant
incohérent dans les diverses administrations de la ci-devant liste
civile, et ayant un régime à part : les bâtiments avaient des revenus
particuliers ; les. domaines avaient des bâtiments à loyer ; lés
écuries, les menus plaisirs, le garde-meubles, avaient des maisons qui
leur étaient propres,
« J'y parviendrai malgré les entraves qu éprouvent mes opérations : j'ai déjà rassemble de nombreux matériaux pour éclairer l'Assemblée sur tous les biens et objets d'art nationaux dans le département de Paris et ils ne tarderont pas à être en ordre.
« Mais, en attendant que je puisse appeler l'attention de l'Assemblée sur tous les bâtiments du Louvre, des Tuileries/ ainsi que sur la destination provisoire de ces bâtiments nationaux, en attendant que je puisse l'occuper des établissements publics, du Muséum et des manufactures, et lui présenter des plans et des vues générales sur tous ces objets, je la supplie de m'autoriser à suspendre et à m'opposer à toute espèce d'établissement dans les palais du Louvre, des Tuileries et leurs dépendances, jusqu'à ce que, par mon prochain rapport, l'Assemblée puisse connaître à leur égara mes dispositions générales et statuer sur les avantages qui pourron résulter de leur exécution.
« Je suis etc...
« Le ministre de l1intérieur, « Signé : Roland» »
Un membre : Je convertis en motion la proposition du ministre.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du ministre de Vintérieur, qui transmet à la Convention la demande des administrateurs du département de la Moselle, relative à une indemnité pour leurs frais de déplacement et de résidence à Metz, nécessitée par l'état de permanence dans lequel Ils sont depuis l'acte du Corps législatif qui déclare la patrie en danger; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président
« Les administrateurs du département de la Moselle m'ont écrit au commencement de ce mois pour me représenter que l'état de permanence dans lequel ils sont depuis l'acte du Corps législatif, qui déclare la patrie en danger, leur donne quelques droits de réclamer la juste indemnité de leurs frais de déplacement et de leur résidence à Metz où ils sont éloignés de leurs foyers et de leurs affaires.
« Ils me marquent que le conseil du département, dans sa dernière session, avait forcé cette indemnité à 6 francs par jour de présence à chaque administrateur qui l'a touchée sur ce pied ; ils ajoutent qu'en adoptant cette fixation, elle ne saurait paraître exagérée dans un moment surtout où, par les circonstahcës de la guerre, le prix des comestibles est presque doublé, â Metz et où, victimes pour la plupart du pillage dé l'ennemi, ils ont eu le courage d'abandonner leurs propriétés à ses dévastations, et leurs femmes et leurs ènfants à sa rage.
« Je viens de leur répondre qu'aucune loi né permettant aux membres
composant les conseils de département de recevoir un traitement, je ne
« Mais, Monsieur le Président, je ne sens pas moins que les conseils généraux des administrations étant en activité depuis la proclamation du danger de la patrie et pouvant y être encore longtemps, il serait juste que les citoyens qui les composent reçussent une indemnité. La demande en a été faite par plusieurs départements. Je l'ai soumise à l'Assemblée législative au commencement du mois dernier et, tout récemment, à la Convention nationale.
« Je la prie, Monsieur le Président, de prendre cet objet en considération.
« Je suis, etc...
« Le ministre de l'intérieur, « Signé : Roland. »
(La Convention ajourne cette demande jusqu'au renouvellement des corps administratifs.)
, secrétaire, poursuit la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui sollicite, en faveur du Conseil général de la commune ae Soissons, une somme de 100,000 livres, acompté du seizième qui revient à cette commune sur !e produit des biens nationaux qu'elle a vendus. 11 représente à l'appui de Cette demande que cette commune est épuisée par les grands sacrifices qu'elle a faits à la chose publique, depuis que la patrie est en danger.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'aliénation, pour faire un rapport général.)
2° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui prie l'Assemblée de porter son attention sur les dépenses que les entants trouvés pourront occasionner cette année, et de prononcer le plutôt possible sur la demande qu'il avait déjà faite d'une somme de 600,000 livres, le 28 avril dernier, à l'Assemblée législative.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
3° Lettre de Lebrun, ministre de la guerre par intérim, accompagnée de l'état des payements ordonnés jusqu'au 15 octobre inclusivement, sur les fonds assignés pour les dépenses extraordinaires de la guerre.
(La Convention renvoie la lettre au comité de l'examen des comptes.)
4° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, accompagnée d'un mémoire relatif à l'adjudication de la forêt de Pertïcalle, dans l'île de Corse, faite le 16 mal dernier, par le directoire du district de l'île Rousse, aux sieurs Darche et compagnie.
(La Convention renvoie la lettre au comité des domaines.)
5° Lettre des maire et officiers municipaux de Marseille, qui font passer un mémoire important sur le commerce de l'alun, qui éprouve quelques obstacles de la part des douanes.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de commerce et des finances.)
6° Pétition de la commune de Touquin -en-Brie,
3ui demande une subrogation sur un décret 'aliénation de domaines nationaux, fait en faveur de la municipalité de Rosay.
Elle demande aussi que les fermiers ne vendent leurs grains que sur les places publiques,
car sans cela les accaparements la feront mourir de faim.
: (La Convention renvoie la pétition au comité d'aliénation.)
7° Pétition des déserteurs prussiens qui, depuis le mois de juillet dernier, servent dans les chasseurs du 5e régiment à Chauny, et qui demandent leur brevet de pension et une indemnité pour leurs fusils, sabres et gibernes.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
8° Mémoire des juges, accusateur public et commissaire du tribunal du département du Tarn ; ils demandent à la Convention une nouvelle loi pénale et correctionnelle, vu, disent-ils, qu'ils ont été obligés de suspendre les jugements qu'ils avaient à prononcer dans la dernière session, attendu la contrariété des plans tracés par les nouvelles lois.
(La Convention renvoie le mémoire au comité de législation.)
9° Pétition des citoyens sous-officiers invalides en détachement à Fontainebleau, au nombre de quinze, qui demandent à la Convention de vouloir bien ordonner que leurs femmes et enfants jouiront de leur paye d'invalide, pendant tout le temps qu'ils resteront sur les frontières au service de la guerre.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
10° Lettre des citoyens de Loudéac, département des Côtes-du-Nord, qui envoient une adresse qu'ils ont. faite à la 7e compagnie dite Loudéac, du 1er bataillon de ce département, en garnison à Condé, pour les exhorter à ne pas profiter de la loi qui leur permet de quitter l'armée.
(La Convention ordonne la mention honorable) ;
11° Pétition du citoyen Dulac, adjoint aiioc adjudants généraux de l'armée du Nord; il demande le revenu des biens qui ont été séquestrés par le département de la Haute-Loire; ils réclament les reprises du chef de leur mère : leurs revenus leur sont nécessaires pour leur service militaire.
(La Convention renvoie la pétition au comité des émigrés.)
12° Adresse signée de plus de cent citoyens de la ville de Libourne, département de la Gironde, qui demandent :
1° Un décret pour exclure des fonctions municipales et administratives tout citoyen faisant le commerce des grains et des farines;
2a Qu'il soit donné des ordres au ministre pour tirer des grains de l'étranger ;
3° Que les grains et farines, destinés pour la ville de Libourne, soient purtés au marché;
4° Que le premier jour de séance des assemblées primaires, soit un samedi, parce qu'il n'est employé qu'à la nomination du président et des scrutateurs, et que les -principales élections se fesant alors le dimanche, tous les ouvriers y pourraient assister;
5° Que les directeurs de la poste aux lettres soient changés.
(La Convention renvoie l'adresse au pouvoir exécutif.)
13° Adresse du conseil général de la commune de Rouen, dans laquelle il expose, que depuis le 29 avril dernier, où, à la suite d'une sédition, le pain fut taxé à un taux très inférieur au prix du blé, les citoyens de la commune supportent
le poids de l'indemnité fournie auxboulangers, montant à 5,000 livres par jour; que pour éviter la ruine des contribuables, et la disette absolue des approvisionnements, le conseil général a mis en délibération de régler la taxe du pain dans une juste proportion avec le prix du blé, sauf à délivrer aes cartes de secours aux indigents; mais que sur cette question, tandis que la majorité des sections en nombre a émis un vœu conforme à la justice et à la nécessité, la majorité des individus, placés surtout dans les sections où abondent les indigents, que des agitateurs égarent sur leurs vrais intérêts, a épis un vœu conlraire en ne voulant pas que le prix du pain soit augmenté ; sur quoi le conseil général prie la Convention de lui subvenir par une loi, qui prévienne les effets désastreux de la délibération des sections ;
14° Lettre du Président de la section de Molière] et la Fontaine: il informe la Convention, au nom de cette section, qu'elle n'a pas adhéré à l'adresse présentée, au nom des quarante-huit sections de Paris, contre le projet d'une garde prise dans les 83 départements.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
15° Lettre des administrateurs du district de Vézelise, pour annoncer à la Convention qu'ils ont prêté le serment exigé par la loi du 5 septembre dernier, qui prescrit à toutes les autorités le serment de maintenir de tout leur pouvoir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir, s'il le faut, pour l'exécution de la loi.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
16° Pétition des ci-devant employés à la recette des droits sur les draperies et soieries à Paris, qui réclament le secours de 50 livres par mois, auquel ils disent avoir droit.
(La Convention renvoie la pétition aux comités des secours et de commerce.)
17° Adresse de la société populaire de Lyon, qui s'élève contre le projet d'une force armée tirée des 83 départements
, (La Convention nationale passe à l'ordre du jour.)
18° Pétition du citoyen Jean-Baptiste-François Dupais, employé supprimé ; il demande un emploi et des secours, se plaint que les jeunes gens sont placés à son préjudice, quoiqu'il ait 29 ans de service.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
19° Pétition de la citoyenne Salomon, fille du Grand Salomon, chef de tribu de la nation juive: elle expose à la Convention qu'étant née de parents très riches, elle fut sollicitée de faire abjuration, et selon la loi juive elle devient inhabile à la succession de ses père et mère ; son parrain, M. Depaulmi, ci-devant gouverneur de l'arsenal, et sa marraine, Mme la ci- devant duchesse de Luxembourg, sa fille, prirent soin d'elle; aujourd'hui que ses protecteurs sont émigrés et que la Convention a décrété la vente des biens des émigrés* elle prie la Convention de lui faire un petit bien-être sur les biens de ses parrain et marraine émigrés, vu qu'elle n'a quitté sa fortune qu'à leurs sollicitations, et qu'en citoyenne fidèle elle a mieux aimé manquer de nécessaire, que de les suivre ;
20° Pétition du citoyen Tontine, député de la Guadeloupe; ildemandele payementdes200livres accordées à chaque député des colonies.
(La Convention renvoie la pétition au comité colonial.) .
21° Pétition de Pierre Lemaur et Catherine Aymez, son épouse, habitants de Paris, paroisse de Saint-Jean-en-Grève, qui exposent que sur 17 enfants qu'ils ont eus de leur mariage, il leur en reste nuit encore vivants, dont 5 sont au service de la République, 2 d'entre eux dans le 35e régiment, un autre dans la marine; un autre sert dans l'un des-bataillons de la section Beaubourg; le dernier vient de mourir à l'hôpital de Bapaume et servait comme volontaire dans l'un des bataillons de Paris. Agés de plus de 60 ans, la vue si affaiblie qu'ils sont hors d'état de travailler, et chargés dè l'entretien de deux filles en bas âge, ils réclament des secours.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
22° Adresse de la commune de Baume, département du Jura; elle adhère au décret qui abolit la royauté et elle sollicite par les plus puissantes considérations la justice de la Convention en faveur du citoyen Montrichard, ci-devant chanoine, pour la jouissance d'une maison reconstruite à ses frais; le département et le district ont reconnu la justice de sa demande.
(La Convention renvoie j'adresse aux comités des secours et des domaines.)
23° Adresse de la commune de Château-Thierry, qui sollicite la permission d'autoriser les frères Perrier à fournir deux canons et des boulets à la charge par cette ville d'en payer le montant.
Un membre: Je convertis en motion la demande de la commune de Château-Thierry.
(La Convention autorise le pouvoir exécutif à accorder à cette commune les deux canons qu'elle demande, à charge d'en payer le montant.)
24° Adresse de la commune d'Autun, qui présente un projet de manufactures d'armes.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre.)
25° Lettre du citoyen Belair, directeur en chef des travaux du camp sous Paris, qui prévient l'Assemblée qu'hier il s'est trouvé bloqué chez Rolland, commissaire des guerres, par des troupes d'ouvriers, à qui des agitateurs perfides avaient persuadé qu'il fallait exiger de lui des signatures ue feuilles de journées non dues, dans lesquelles ils comprenaient, les uns les quatre premiers jours de la semaine, les autres toute la semaine présente: prétention exorbitante à laquelle il n'a résisté qu'avec beaucoup de peine. Plusieurs bons citoyens, qu'il a désignés dans une lettre écrite hier, lui ont facilité les moyens de se soustraire, sans commotion, à la nécessité de donner les signatures que ces citoyens égarés lui demandaient.
Cependant il s'est vu ..contraint d'accompagner les ouvriers à la section de l'Oratofre, où se faisait la distribution. Alors il b'jest aperçu que la foule était beaucoup diminuée,_ et réduite à quelques centaines des plus obstinés; il n'y avait plus personne dans les rues ; tous les réclamants étaient dans les cours de l'Oratoire. Enfin, il est parvenu à sortir après avoir été quatre heures entre les mains de ces ouvriers. Le conducteur Malant, soutenu par la force publique, faisait assez tranquillement sa paye. Belair a contribué à lui sauver la vie, en ne fléchissant point sous l'ascendant du grand nombre qui paraissait décidé à toutes sortes de violences pour le contraindre à enfreindre la loi. Il finit en disant
qu'il se trouvera bien récompensé, si l'Assemblée approuve sa conduite.
, secrétaire. Des croix de Saint-Louis et autres décorations militaires pleuvent de toutes parts. Je les dépose sur le bureau, ainsi que les dons patriotiques. En voici la liste pour la séance de ce jour :
1° Le citoyen Jean-Pierre Deleger, capitaine d'infanterie à la citadelle de Doullens, offre pour les frais de la guerre, un assignat de 5 livres ;
2° Anne Jobert, épouse du citoyen Pâris, capitaine du centre à Troyes, offre sa croix d'or à la Jeannette, seul bijou qu'elle possède ;
3° P.-B. Pevran, citoyen agricole républicain de la commune de Frontenai, envolé pour les braves Lillois un assignat de 50 livres ;
4° Le citoyen Saint- Cyr, capitaine des grenadiers de la garde nationale d'Alençon, donne ses deux épaulettes en or ;
5° Simon-Edme Menassié, capitaine invalide à Montbard, remet 50 livres pour les incendiés de Lille et de Thionville, en un assignat; et en même temps il remet sa croix de Saint-Louis ;
6° Claude Bourgoin, ancien capitaine résidant à Troyes, remet sa croix de Saint-Louis avec son brevet ;
7° Un citoyen de Montmorency, qui veut rester inconnu, offre sa croix de Saint-Louis, qu'il avait remise à sajmunicipalité, ily a plus de quinze jours;
8° Le citoyen Pâ,r%$, capitaine à cheval de la légion du centre en garnison à Troyes, remet sa croix de Saint-Louis ;
9° La Bonde, capitaine au 109® régiment d'infanterie en quartier à Vannes, remet la sienne ;
10° Le Febvre, capitaine au corps, d'artillerie des colonies remet la sienne ;
11° Chavanne, second lieutenant-colonel du troisième bataillon de l'Orne, la sienne;
12° Desbrest, capitaine de gendarmerie à la résidence de Montluçon, remet sa croix de Saint-Louis et son brevet;
13° D'Angenoust, maréchal de camp, ci-devant colonel au corps d'artillerie, retiré à. Metz, remet sa croix de Saint-Louis ;
14° Piet-Beerton-Deniort, ancien major du ré-, aiment ci-devant de Provence, remet sa- croix de Saint-Louis et son brevet;
15° Guillerman Freval, commandant du 4e bataillon de la seconde légion du district de Châlons, remet sa croix seulement ;
16° Louis-Victor Flamant, lieutenant au 17e régiment d'infanterie à Metz, remet sa croix de Saint-Louis et son brevet;
17° Louis-Antoine Simon, lieutenant au 17e régiment d'infanterie à Metz, remet aussi sa croix et son brevet.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un membre propose, en demandant de déclarer que la Patrie n'est plus en danger, de faire cesser la permanence des conseils de commune et d'administration.
- (La Convention ajourne la discussion de cette proposition jusqu'après le renouvellement des corps administratifs.)
Un autre membre : Je demande que le eomité des secours soit tenu de vous faire au plus tôt
un rapport sur les secours à accorder aux ecclésiastiques vieux et infirmes.
(La Convention renvoie la demande au comité des secours publics.)
Un membre, au nom du comité des décrets, présente la rédaction de l'acte rf'accusation contre le général Lanoue; elle est ainsi conçue :
« Sur la dénonciation du ministre de la guerre, du refus fait par le lieutenant général Lanoue, (l'envoyer au secours de Lille les troupes qui lui étaient demandées par le général La Bourdon-naië;
« Vu l'extrait d'une dépêche de ce général au ministre, par laquelle il lui annonce qu'il a suspendu le lieutenant général Lanoue de son commandement de Maupeuge, parce qu'il n'a pas exécuté le mouvement qu'il lui avait ordonné, et cela sous le prétexte qn il fallait 60,000 hommes pour assiéger Lille, tandis que, pendant ce temps, 16,000 suffisaient pùur incendier la ville par un bombardement ;
« La Convention nationale a décrété, le 4 du courant, qu'il y avait lieu à accusation contre le lieutenant général Lanoue ;
« En conséquence, elle l'accuse par le présent acte devant le tribunal criminel du département -du Nord, comme prévenu d'avoir comprQmis, par sa désobéissance au général, la sûreté de la République, en refusant d'exécuter l'ordre de marche qui tendait à secourir la ville de Lille, livrée aux horreurs du canon et du bombardement des Autrichiens et des émigrés. »
(La. Convention adopte cette rédaction.)
Le même membre, au nom du comité des décrets, propose des mesures pour accélérer les renvois et la rédaction des décrets d'accusation,
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer et passe à l'ordre du jour.)
Le même rapporteur, au nom du comité des décrets, rend compte de l'expédition du décret sur les émigrés du 9 octobre et de celui relatif aux habitants de Lille, du 11 du même mois.
propose que la Convention nationale décrète que le pouvoir exécutif procédera sans délai au remplacement de tous les officiers de l'armée qui ont été suspendus ou destitués, tant pàr les commissaires auprès des armées, que par ceux envoyés par le Corps législatif.
(La Convention adopte la proposition.) _
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des gardes nationaux marseillais. Ils exposent qu'ils ont été requis hier par le commandant des sections armées, de fournir 300 hommes pour assurer la tranquillité au camp de Paris, et qu'ils se sont rendus à cette réquisition. Ils en avertissent la Convention et sollicitent aussi l'avantage de concourir à sa garde avec leurs frères du département de Paris. Ils se plaignent en miême temps de ce qu'ils n'ont pu encore obtenir de lits, de draps, ni d'eau de fontaine. (Murmures.)
Je demande que la Convention nationale décrète que le ministre de la guerre sera tenu de faire fournir sans délai, aux gardes nationaux des départements qui sont à Paris, tout ce qui est nécessaire à leur logement; et à la charge de surveiller immédiatement tout ce qui est relatif à leur discipliné et à leur service.
(La Convention décrète cette proposition.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret pour ordonner au ministre de la guerre de rendre compte
des mesures qu'il a prises contre les régisseurs des vivres qui ont fait des achats de numéraire pour le compte de la nation; le projet le décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que le ministre de la guerre lui rendra compte, sous trois jours, des mesures qu'il a prises contre les régisseurs des vivresjqui, au mépris de la loi du 29 juin dernier, ont fait des achats de numéraire pour le compte de la nation. »
(La Convention adopte le projet de décret.)
J'ai encore à vous parler de Louis XVI, mais c'est pour le supprimer. (Rires et applaudissements.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur le type à adopter pour les assignats de 25 sols ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que les deux timbres secs qui doivent être employés à la fabrication des assignats de j25 sols, seront remplacés, savoir : celui qui devait représenter la tête de Louis X.VI, par un timbre sec qui représentera une ruche et un soleil levant, ayantpoupinscription: République française, et pour exergue lez1 septembre 1792; et celui qui devait représenter le reversv de la monnaie de cuivre, la Nation, la Loi, le Roi, par un timbre sec représentant un faisceau et une branche de chêne en sautoir, supportés par le génie delà France et surmontés par le génie de la liberté rayonnant, ayant pour inscription: règne de la Loi, et pour exergue : Van Ier de la République, »
(La Convention adopte le projet de décret.)
Je demande à ajouter deux mots. (Montrant Voriflamme supendue av>x voûtes de la salle des séances.) Je vois sur pet emblème de l'heureuse réunion de tous les Français sous les auspices de la liberté, le nom de son dernier oppresseur en France. Je demande qu'il en soit effacé et qu'à la place des trois mots -ta Nation, la Loi et le Roi, on inscrive ceux-ci : la République Française.
(La Convention adopte la proposition de Yer-gniaud.)
Citoyens, le citoyen Sagèt, président du département de la Moselle, que vous avie? mandé à la barre, est prêt à paraî tre au moment que la Convention vaudra lui indiquer.
Plusieurs membres : Demain ! demainl
D'autres membres : Tout de sùiïte !
Un membre : Je demande à faire, avant que la Convention prononce à cet égard, un rapport sur l'objet du décret qui a mandé ce citoyen à la barre.
(La Convention décrète d'entendre immédiatement ce rapport.) (1).
Un membre, au nom du comité des domaines et de sûreté générale réunis, fàit un rapport et présente un. projet de décret sur les pétitions relatives au citoyen Saget, président du département de la Moselle et sur les affaires relatives à l'abbaye de Wadegasse:
Il explique combien grande fut la négligence du département de la Moselle
et pourquoi furent mandes à la barre le président et le procureur
général syndic de ce département. 7
Le rapporteur conclut en demandant à la Convention de rapporter le décret du 27 août dernier, mais de notifier au sieur Saget le décret du 11 août et de charger son comité de sûreté générale d'établir la série des questions qu'il y aurait à lui présenter. Il propose, au surplus, de charger le comité des domaines de lui présenter les moyens d'indemniser la nation des pertes qui résultent du retard apporté dans la vente des biens de l'abbaye de Wadegasse par le directoire du département de la Moselle.
Suit le texte du projet de décret :
« La Convention nationale, sur le rapport qui ) lui a été fait, au nom de ses comités des domaines et de sûreté générale réunis, de l'objet de la pétition du citoyen Saget, ci-devant président du département de la Moselle, a rapporté le décret de l'Assemblée nationale législative du 27 août dernier, en ce qui concerne ledit Saget et renvoie à son comité des domaines les pièces relatives à la ci-devant abbaye de Wadegasse et l'examen de la conduite qu'a tenue le directoire du département de la Moselle, à l'occasion de la vente des biens de cette maison.
« Charge le pouvoir exécutif provisoire de faire notifier au citoyen Saget le décret du 11 août dernier et le comité de sûreté générale d'établir la série des questions à faire audit Saget. » .
(de fhionville). Je viens combattre le dernier paragraphe de ce projet de décret.
Citoyens, quand le département de Paris provoquait le veto, et toutes les perfidies dé la Cour, l'Assemblée nationale voulut bien tirer un voile sur les prévarications passées, en déclarant qu'à l'avenir ceux qui braveraient la loi seraient foudroyés par elle. Je demande que la Convention nationale accorde la même faveur au président du département de là Moselle, qui n'a commis que les mêmes fautes; qu'elle renvoye le citoyen Saget dans son département, et passe à l'ordre du jour. J'appuie la demande du comité que l'Assemblée renvoie au comité dés domaines tout ce qui concerne l'abbaye de Wadegasse.
J'appuie la proposition de Merlin. Les
adresses et les pétitions du départément de la Moselle sont pareilles à celles qui furent présentées par le département de Paris au ci-devant roi et à l'Assemblée législative ; l'Assemblée les a anéanties, et a déclaré mauvais citoyens ceux qui leur donneraient quelques suites. Il faut que ce décret s'étende à toutes les pétitions pareilles des autres départements.
appuie les observations de Ëassal.
(La Convention adopte le projet du comité, moins le dernier paragraphe, dont la suppression est demandée par Bassal et Thuriot.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, sur le rapport qui lui a été fait, au nom de ses comités des domaines et de sûreté générale, réunis, de l'objet delà pétition du citoyen Saget, ci-devant président du département de la Moselle, a rapporté le décret de l'Assemblée nationale législative du 27 août dernier, en ce qui concerne ledit Saget, et renvoie à son comité des domaines les pièces relatives à la ci-devant abbaye de Wadegasse, et l'examen de la conduite qu'a tenue le directoire du département de la Moselle, à l'occasion de la vente des biens de cette maison. » ,
, au nom des comités de sûreté générale et diplomatique réunis, fait part à la Convention d'une lettre du ci-devant marquis de Toulongeon aux frères du roi, et présente un projet de décret d'accusation contre lui; il s'exprime ainsi :
La Convention nationale se rappelle les troubles excités en Franche-Comté et les désertions de quelques régiments français, désertions qui se seraient bien plus multipliées, si la masse des soldats eût été moins patriote : eh bien ! la pièce dont je vais vous donner lecture prouvera que ces troubles, que ces désertions étaient l'effet de la coalition de Louis XVI avec ses deux frères, l'empereur et nos ci-devant généraux :
Voici cette pièce :
Fribourg, le
« J'ai fait connaître à Leurs Altesses Royales les motifs qui m'empêchèrent de me rendre h Coblentz. Je les supplie de se rappeler ce que j'ai tenté en Franche-Comté, pour les servir. Si j'ai appelé des troupes françaises dans le Bris-gaw, c'était pour servir encore la cause générale. Je ne suis point allé à Coblentz, parce qu'on m'a calomnié auprès de Leurs Altesses Royales ; on est remonté j usqu'au commencement de& Etats généraux : mes sentiments ont toujours été ceux d'un royaliste pur. On a dit que mon projet était de livrer les troupes françaises à l'empereur. Je savais que l'on prêtait cette intention à mon voyage à Vienne, voyage dans lequel toutes mes démarches ont été connues de M. le duc dé Polignac. On a calomnié mon aidé de camp, ainsi que M. de Vallery, mon neveu, tandis que ce dernier voulait ramener son régiment aux bords du Rhin, pour le conduire à Leurs Altesses Royales, si elles l'ordonnaient. Voilà la position de trois fidèles serviteurs du roi et de Leurs Altesses. Dans le repos d'une conscience irréprochable, nous n'avons pas voulu séparer nos fortunes. Le roi a daigné approuver ma conduite, me le dire, et me le faire mander. (Murmures). Leurs Altesses Royales m'ont honoré de témoignages écrits de leur satisfaction. Je suis toujours le même : cependant je suis calomnié. L'honneur me fait un devoir de ma justification. Je pars pour Vienne ; j'espère que l'empereur
ne se refusera pas à montrer mon innocence dans tout son jour, et à rendre l'honneur à un gentilhomme.
« Signé : le marquis de Toulongeon, lieutenant général. »
Citoyens, les comités de sûreté générale et diplomatique ont pensé que la lecture de cette pièce suffirait pour vous déterminer à prononcer le décret d'accusation.
Voici ce projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de sûreté générale et diplomatique, décrète qu'il y a lieu à accusation contre Toulongeon, qui a écrit et signé la lettre, datée de Fribourg, le 6 août 1792, et renvoie au comité des décrets pour rédiger l'acte d'accusation. »
Je trouve ce décret inutile. Toulongeon est émigré et visé par la loi sur les émigrés, qui comporte la confiscation des biens et la mort. Que voulez-vous décider de plus contre lui? Je demande la question préalable.
Je demande que l'on supprime, dans la rédaction du décret, les épithètes que la loi proscrit et que l'on renvoie la lettre originale pour servir de conviction dans le procès du ci-devant roi.
Il n'est pas de la justice de l'Assemblée de rendre un décret d'accusation contre un particulier émigré que vous avez banni, et qui, par conséquent, ne peut venir se justifier devant le tribunal et purger ce décret. ; (La Convention adopte le projet de décret présenté par Bewbell.)
Un membre : Chaque jour multiplie les preuves des trahisons de ceux qui ont pris les armes contre la patrie; chaque jour on décrète d'accusation des traîtres subalternes. Je demande qu'enfin on prononce le décret d'accusation contre le principal, contre Louis XVI.
La Convention a chargé le comité de législation de faire un rapport sur cet objet. Dès le lendemain le comité s en est occupé, et la discussion a été continuée pendant plusieurs séances. J'ai été nommé rapporteur; je m'occupe sans relâche de cette affaire. Quoique cette question ne doive souffrir aucune difficulté, cependant il faut la traiter avec la plus grande solennité, non pour la nation française, qui déjà est convaincue des trahisons de Louis XVI, mais pour l'Europe, mais pour donner un grand exemple a toutes les nations de l'univers. (Applaudissements.)
Vous savez comment on cherchera à calomnier la nation' française sur les mesures qu'elle va prendre relativement au ci-devant roi; vous savez combien on a calomnié la nation anglaise sur le jugement qu'elle prononça contre Charles Stuart, non parce qu'il fut condamné à mort, mais parce que, dans ce grand procès, les formes prescrites par les lois n'avaient pas été remplies ; et voilà pourquoi les historiens, mêmes les plus philosophes, ont calomnié le peuple anglais sur ce qu'ils appelaient, non la punition, mais l'assassinat de Charles Stuart.
Ce grand exemple à été une leçon pour le comité aelégislation ; il doit en être une pour vous.
Le comité m'a chargé de préparer le rapport de cette importante affaire; je prie la Convention d'être persuadée que je ne perds pas un moment pour satisfaire sa juste impatience, et celle de toute la République. (Applaudissements.)
Mailhe vous a dit, citoyens, que la justice que le peuple anglais a faite de l'infâme Charles Stuart n'a été justifiée par aucun historien ; il se trompe : John Milton, auteur du Paradis perdu, a fait la justification du peuple anglais; et dans son livre, vous trouverez de fortes raisons pour condamner Louis XVI.
{de Thionville). Je demande que le ministre de la justice soit tenu de déclarer si, Conformément aux lois, il a dénoncé au juré d'accusation du tribunal criminel de Paris la ci-devant reine.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(de Thionville). Si vous passiez à l'ordre du jour, vous encourageriez tous les criminels, qui n'ont d'autre différence avec la ci-devant reine que d'être moins coupables qu'elle.
(La Convention ajourne cette question jusqu'après le rapport du comité de législation.)
fait lecture d'une lettre de Thomas Paine, ainsi conçue :
« Citoyen président,
« J'ai le bonheur de présenter, au nom des députés du département du Pas-de-Calais, les félicitations du conseil général de la commune de Calais, sur l'abolition de la royauté. On ne peut s'empêcher de gémir de la folie de nos ancêtres, qui nous ont mis dans la nécessité de discuter l'abolition d'un fantôme. (Vifs applaudissements.)
« Je suis, etc...
« Signé : THOMAS PAINE. »
Le citoyen Saget, procureur général syndic du département de Moselle, est admis à la barre (1).
Il s'exprime ainsi :
Citoyens, je reçus le décret du 29 juillet le 7 août; le 9, après avoir rassemblé les pièces propres à justifier le directoire, je me rendais à Paris. J'étais à Châlons, le 11 août, lorsque j'appris le décret qui déclarait infâme et traître à la patrie, quiconque ne resterait pas à son poste ; je retournai au mien. J'arrivai à Metz, j'écrivis au ministre de l'intérieur; il me répondit que j'avais pris le change, que le décret 'qui m'était personnel me tirait de la classe générale. Je me dispose à partir, le directoire me trace une route ; mes malles étaientfaites, lorsque la poste apporta, par les journaux, que le président et le procureur général syndic du département étaient mandés à la barre. La gendarmerie crut m'ar-rêter, et je ne différai que pour avoir des chevaux de poste. Je pars: une heure après, je suis arrêté par des hussards prussiens. J'observais que, n'étant pas militaire, je ne pouvais pas être arrêté; je le fus néanmoins, et conduit à Verdun. Je présentai un mémoire au duc de Brunswick,
Eour insister sur ce que je devais me rendre à la
arre de l'Assemblée nationale. Il fut répondu à mon mémoire : « Défense de sortir de Verdun, sous peine de la vie, par ordre du roi de Prusse. » Voilà le mémoire que je dépose sur le bureau de la Convention.
Ce n'est donc que du succès des armes françaises que j'ai du attendre ma délivrance. Dès que j'ai été libre, je me suis rendu ici ; telle a été ma conduite.
Quant à l'affaire de l'abbaye de Wadegasse, je
Il fait lecture de ses réquisitoires, dans lesquels il demande que les biens de l'abbaye de Wadegasse soient mis sous la main de la nation, et que les décrets soient suivis.)
Avez-vous connaissance d'un arrêté du mois de novembre, par lequel les membres du district de Sarrelouis sont institués comme surveillants sur les biens de l'abbaye de Wadegasse; en avez-vous fait le réquisitoire?
Le citoyen Saget — Non.
Avez-vous connaissance d'un arrêté du mois de février qui lève l'interdiction des membres du district de Sarrelouis?
Le citoyen Saget. — Non.
Le directoire du département n'a-t-il pas paralysé le district de Sarrelouis, par un second arrêté du 16 février 1791, sur la pétition d'un nommé Gros-Bois, se disant con*-seilier plénipotentiaire du prince de Nassau ?
Le citoyen Saget. —; J'en ai eu connaissance, voilà les pièces.
Je demande que les questions faites et à faire au procureur général syndic du département de la Moselle lui soient communiquées ; qu'il soit tenu de mettre ses réponses à la marge, et de remettre le tout aux comités réunis des domaines et de sûreté générale, qui en feront leur rapport.
(La Convention décrète la proposition.)
Vous avez entendu le décret qui vient d'être rendu. Un questionnaire vous sera remis au nom delà Convention, vous serez tenu d'y mettre vos réponses en marg^e, et vous remettrez le tout aux comités réunis des domaines et de sûreté générale, qui en feront leur rapport.
Je consulte la Convention sur votre admission à la séance.
Quand l'Assemblée admet à sa séance un citoyen, c'est un témoignage d'estime et de bienveillance qu'elle lui donne ; mais quand un citoyen dénoncé est mandé à la barre pour présenterses moyens de justification, l'Assemblée nationale ne doit préjuger ni sa condamnation, ni son innocence. Je demande, et je fais cette motion d'une manière générale, je demande qu'un citoyen mandé à la barre ne puisse êlre admis à la séance avant qu'un décret de justification ait été rendu. (Applaudissements.)
Mais la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, et il faut ajouter au décret qu'on va rendre, ces mots à Vavenir.
Plusieurs membres s'opposent àcetamendement.
Et moi, je soutiens qu'il est conforme aux principes et je l'appuie sur un fait. (Vives interruptions.)
Un grand nombre de membres : La clôture ! la clôture !
(La Convention prononce la clôture, rejette l'amendement de Thibault et adopte la proposition de Vergniaud.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que tout citoyen mandé à la barre ne pourra être admis aux honneurs de la séance, qu'il n'ait été acquitté, par un décret, sur l'objet à raison duquel il a été mandé. »
Citoyens, le tribunal criminel établi à Paris, par la loi du 17 août, demande à être admis.
Plusieurs membres observent que, d'après la hiérarchie des pouvoirs, les membres de ce tribunal doivent s'adresser d'abord au ministre de la justice.
répond que l'objet de la pétition a rapport à la proposition faite de supprimer ce tribunal.
Le tribunal criminel a eu connaissance de la proposition qui a été faite hier à son égard ; ce n'est point sa suppression qui l'affecte, car il sait que les causes qui ont déterminé sa création n'existant plus, la Convention pourrait un jour l'ordonner; mais ce sont les motifs qui ont appuyé la demande faite de le supprimer. C'est sur cela qu'il veut se faire entendre,
Plusieurs membres interrompent et réclament l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens d'Arles, sur les troubles de cette ville.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
Le même secrétaire donne lecture à!une lettre des citoyens Carra, Sillery et Prieur (Marné), commissaires de la Convention nationale à Varmée du Cintre, qui est ainsi conçue :
« Longwy, le er de la République française.
« Gitoyens,
« Notre mission est terminée, et nous allons quitter les armées pour nous rendre à Paris. Nous sommes obliges de prendre la route de Metz, les chemins étant impraticables par l'autre route.
« C'est avec bien de la satisfaction que nous vous avons annoncé, dans notre dernière lettre, le succès que l'avant-garde du général Valence vient d'avoir.
« Elle a successivement forcé les villages de Saint-Rémi, Latour, Saint-Marc, Chenoy, Vieux-Virton, et enfin le poste important de Virton.
« Tous ces postes étaiént occupés par les Autrichiens, et ils ont fait une vigoureuse résistance.
« Le poste de Virton était défendu par 1,500 hommes et quatre pièces de canons, Après une canonnade très vive de part et dliutre, les volontaires de la Charente-Inférieure ont chargé avec la plus grande valeur, la baïonnette au bout du fusil, et ils ont emporté le poste. (Applaudissements réitérés.) Il y a eu environ 200 hommes de tués et une vingtaine de prisonniers; nous avons perdu une quinzaine d'hommes dans cette attaque; les généraux Neuilly et Lamarche font les plus grands éloges des troupes.
« L'armée française a surpassé son antique caractère, discipline et bravoure ; elle défend la liberté, elle sera invincible. (Vifs applaudissements.)
« Les commissaires de la Convention nationale,
« Signé : Sillery, Carra, Prièur. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Lamarque et Lazare Çarnot,
commissaires de la Convention nationale à Varmée des Pyrénées, qui est ainsi conçue :
« Bayonne, le er de la République française.
« Citoyens nos collègues,
« Nous^vous avons instruits par deux lettres, l'une écrite de Bordeaux, le 7, et l'autre de Bayonne, le 16 de ce mois, des premières mesures que nous avons prises pour remplir la mission dont vous nous avez chargés; mission qui a pour but l'organisation d'une force capable de repousser victorieusement les ennemis qui se présenteraient pour nous attaquer vers les frontières des Pyrénées; nous poursuivons cet objet avec la plus grande activité,, et noûs trouvons partout des coopérateurs tels que nous pouvions les désirer. La levée des bataillons s'execute rapidement ; on s'occupe sans relâche à rassembler des armes, à réunir les choses nécessaires pour l'habillement et l'équipement des troupes, a se procurer des effets de campement; le plus beau zèle anime les citoyens de Bayonne.
Nous avions besoin de 500 lits pour que la troupe fût casernée, comme l'exige Je bon ordre ; les négociants ont fourni, au prix de la facture, les uns de la toile, d'autres de la laine, d'autres des couvertures. (Applaudissements.) Un dernier a fait don de 10 bois de lits , il a de plus offert gratis, ses bras, ses ouvriers et ses outils pour exécuter le reste. (Applaudissements.) Les citoyennes ont voulu contribuer à cette œuvre civique ; elles se sont chargées de tailler et de coudre les draps, les paillasses et les matelas. Ces lits, que l'entrepreneur ordinaire ne pouvait fournir avant trois mois, seront livrés dans quinze jours (Applaudissements),seront beaucoup meilleurs qu'ils ne l'eussent été, et coûteront beaucoup moins. Vous trouverez ci-joint l'extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune à ce sujet. Chacun s'empresse à nous procurer les renseignements qu'il pense nous être utiles; on est au niveau de la Révolution, et l'esprit public fait chaque jour de nouveaux progrès. (Applaudissements.) Nous n'oublions rien de ce qui peut honorer les patriotes, enhardir les tièdes et désespérer les aristocrates. (Applaudissements. ) Nous ne faisons grâce à aucun emblème de la féodalité ; les pièces de la fortification s'appelaient, celle-ci Contregarde du roi, une autre Bastion de la reine, celle-là Cavalier Dauphin ; nous avons substitué à ces dénominations des noms plus analogues au régime de la liberté et de l'égalité. (Applaudissements.)
« Nous avons une artillerie de place assez respectable, et il existe des moyens de la compléter; mais nous manquons absolument d'artillerie de campagne : il n y a point de temps à perdre pour s'en pourvoir. Il s'est trouvé 464 quintaux de cuivre à vendre. (Applaudissements.) Nous avons requis J.-G. Lacuée, commissaire du pou? voir exécutif, de le faire examiner et de l'acheter au nom de la République. Copie de la réquisition est ici.
« Le prix de ce cuivre est modéré ; il partira au premier jour pour Rochefortoù il sera fondu, et-il en résultera 80 pièces de canon de bataille. (Applaudissements.) La plus sévère économie sera observée dans toutes nos opérations ; mais nous devons espérer que les fonds ne manqueront point, car ce n'est pas avec des paroles qu'on lève-et outille une arméehde 40,000 hommes.
« Nous avons visité les casernes'; elles sont dans un état pitoyable : le soldat y souffre; mais sa patience est admirable. (Applaudissements,) La confiance est tout entière dans la Convention nationale; il est temps que de tant de promesses vaines qui lui ont été faites, quelques-unes enfin se réalisent. (Applaudissements.) T^ous avons chargé le commissaire du pouvoir exécutif de nous présenter un tableau estimatif des réparations indispensables à faire dans ces casernes, et nous nous proposons d'y apporter remède sur-le-champ.Nous avons aussi remarqué des abus intolérables dans la fourniture des lits ; c'est un objet capital dont il faut que yous ayez une connaissance exacte, et nous vous la donnerons au premier jour.
« Nous avons successivement passé en-revue tous les corps militaires : leur émulation,, leur maintien, leur discipline ont surpassé nos espérances. Le soldat est enfin délivré de cette inquiétude perpétuelle que lui donnait l'incivisme de ses chefs; il prouve, par sa docilité, qu'il n'y a de bonne et véritable subordination que celle qui est inspirée par la confiance. (Applaudissements.)
« Le 80* régiment, sur le patriotisme duquel on avait élevé des doutes à la Convention nationale, a paru très affecté de ce reproche, fondé sur une erreur de date ; il est très vrai que dans un temps,, il l'a mérité jusqu'à un certain point; mais depuis que presque totalité des officiers a lâchement déserte, le régiment ne le cède en rien aux gardes nationales : tous sont également consommés en républicanisme. (Applaudissements,) Les officiers de ces corps qui avaient la décoration militaire se sont empressés de la remettre en nos mains, pour la déposer à notre retour sur l'autel de la patrie; ils ont été imités par les citoyens Fpuilnac et Duvignau, officiers du génie, ainsi que par les citoyens Jean Buibielle, âgé de 81 ans, sous-lieutenant de port à Rayonne, Ni-'çolas Geoffroy, capitaine de la gendarmerie nationale, Caupenne l'aîné et Labage, commandant du fort de Château-Vieux.
« Nous ne pouvons nous dispenser de rendre compte à la Convention du fait particulier qu'on va lire. A l'inspection que nous fîmes du 80e régiment dont nous venons de parler, un jeune homme vêtu de l'uniforme nous fut présenté : sa figure était intéressante, mais il était trop jeune pour être admis comme soldat; on nous demandait cependant de le recevoir comme tel ; les commandants, les soldats, tous paraissaient s'y intéresser vivement. Un de ces derniers, nommé Rerthin, les larmes aux yeux, tenait le jeune homme par la main : il nous dit qu'il était son père adoptif; que l'ayant trouvé à Metz exposé sur les remparts, la pitié l'avait engagé à le faire nourrir et à l'élever, sur ses épargnes ; qu'il l'offrait à la patrie comme un enfant digne de la servir, et au-dessus de son âge; que la vérité de ses assertions était parfaitement connue de tous ses camarades, et constatée par le registre des délibérations des administrateurs de l'hôpital de Metz, dont il nous a remis l'extrait.
« Cette scène était trop touchante pour que nous résistassions à la prière de ce brave soldat : nous reçûmes celui qu il nous présentait parmi les défenseurs de la patrie, aux acclamations des nombreux spectateurs dont nous étions entourés. Si chez un peuple libre l'expression "du sentiment est le précurseur des lois, sans doute l'adoption sera bientôt comprise dans le code de la République.
« Une de nos opérations les plus importantes sera, nous osons l'espérer, la fondation d'un hôpital militaire ; ce qui existe ici sous ce nom n'est qu'une sorte de refuge obscur, sans ressources et sans capacité. Aucun établissement ne peut être d'une nécessité plus absolue, plus urgente et exécuté à moins de frais ; notre projet est de placer cet hôpital dans une des maisons nationales, habitée ci-devant par des religieux ; quelques lits s'y trouvent, et il y aura bien peu de changements à faire pour y recevoir ceux qui auraient toujours dû 1 habiter.
« Nous craignons un peu, citoyens, que la mesure prise par nous, de suspendre momentanément l'exportation des bœufs par nos montagnes, ne vous ait paru téméraire et hasardée ; mais nous voyons avec satisfaction qu'elle réunit l'assentiment unanime des citoyens. On nous presse même pour l'étendre aux autres animaux vivants ; il passe un grand nombre de cochons qu'on tue et sale en Espagne; si ce commerce était suspendu, les Espagnols n'en achèteraient pas moins ces cochons dont ils ne sauraient se passer, et on gagnerait en France la main-d'œuvre de la salaison ; mais comme cette spéculation est purement commerciale, et n'a que peu de rapport à la consommation des troupes, nous nous sommes refusés au vœu que les citoyens nous avaient manifesté à cet égard. Nous joignons ici copie de notre réquisition sur l'exportation des bœufs.
« Quoique l'Espagne fasse quelques rassemblements de troupes sur ses frontières au delà des Pyrénées, nous ne pouvons jusqu'à présent regarder ces mesures que comme absolument et purement défensives; il est à croire qu'elle fera son profit de la leçon donnée aux ennemis dans les départements du Nord ; elle se trouvera sans doute fort heureuse de trouver son salut dans les principes mêmes qu'elle paraît tant redouter, dans la loyauté de ce même peuple dont elle aurait probablement assez volontiers partagé les dépouilles, s'il eût succombé sous les efforts de ses nombreux et barbares agresseurs.
« Non, citoyens nos collègues, nous n'avons plus d'ennemis à craindre, que ceux qui sont au milieu de nous, que ceux qui veulent rompre l'unité de la République, et faire dominer une section du peuple sur toutes les autres.
« La France vous observe, elle s'indigne des obstacles qu'on ne se lasse point d'opposer à votre courage; persévérez, citoyens, continuez à déployer toute votre énergie contre les malveillants ; pulvérisez ces agitateurs qui, par l'anarchie et la division, veulent vous ramener à l'état monarchique, et, s'ils le pouvaient, à quelque chose de plus détestable encore. (Applaudissements.)
« Les commissaires de la Convention nationale à V armée des Pyrénées^
« Signé: L. CARNOT, F. LAMARQUE. >
Au bas est une note ainsi conçue :
« Notre collègue Garreau n'est pas encore de retour du département des Landes. »
Réquisition des commissaires de la Convention nationale à Varmée des Pyrénées, au sujet de Vexportation des bestiaux erL Espagne :
« Nous, commissaires de la Convention nationale à l'armée des Pyrénées, vu la pétition à nous adressée le 15 de ce mois par les administrateurs- du district d'Ustaritz, tendant à demander la défense provisoire de l'exportation des bestiaux en Espagne; considérant que le
même vœu nous a déjà été manifesté par un très grand nombre de citoyens : informés par divers rapports que cet Etat voisin paraît prendre à notre égard une attitude hostile; que les Français y éprouvent chaque jour de nouvelles défaveurs de la part du gouvernement; que des troupes de cette nation se rassemblent, avec attirail de guerre, sur les bords de la Bidassoa, et dans les forteresses voisines ; que ces troupes tirent de France une partie considérable de leurs comestibles : considérant, déplus, que de grands approvisionnements de subsistances vont devenir nécessaires dans les départements voisins des Pyrénées, pour subvenir aux besoins de l'armée française qui s'y organise en ce moment, que ses subsistances déjà fort chères pourraient venir à manquer totalement, ou se trouver hors de prix lors du rassemblement des troupes :
« Requérons les citoyens administrateurs des départements des Hautes et Basses-Pyrénées, ainsi que ceux des districts et municipalités comprises dans ces départements, de veiller à ce que provisoirement, et jusqu'à ce que la Convention nationale en ait autrement ordonné, il ne soit point exporté de bœufs par les frontières d'Espagne; leur enjoignons ae faire exécuter cette loi avec la plus grande célérité possible,
« A Bayonne, le B octobre 1792, l'an Ier de la République française, c Les commissaires dé la Convention nationale, « Signé : L. carnot, F. Lamarque. »
Autre réquisition des mêmes commissaires à la même armée.
« Nous, commissaires de la Convention nationale à l'armée des Pyrénées,
« Sur la proposition qui nous a été faite par les citoyens Gabarus père et fils, négociants, d'acheter pour le compte de la République, 464 quintaux de cuivre qui se trouvent en ce moment à leur disposition-, considérant qu'il n'existe encore presque aucune pièce de canon de bataille pour l'armée qui s'organise actuellement sur les frontières des Pyrénées :
« Requérons J.-G. Lacuée,* adjudant général, commissaire du pouvoir exécutif, de se faire représenter, sans délai, des échantillons du cuivre proposé, de les examiner, et faire examiner par experts pour en connaître la qualité; et dans le cas où ce cuivre serait trouvé propre à la fabrication des canons de bronze, enjoignons au citoyen J.-G. Lacuée de l'acheter pour le compte de la République, aux conditions les moins onéreuses; voulons que ce marché soit conclu au-thentiquement au directoire du district d'Usta-ritz, en séance publique.
« Et le marché conclu, J.-G. Lacuée prendra les mesures les plus actives pour que ce métal soit transféré àRochefort, à l'effet d'y être fabriqué en pièces de canons de campagne; autorisons le citoyen Lacuée à conclure, pour ces transport et fabrication, tous marchés nécessaires, à la charge de nous donner connaissance, ainsi qu'au ministre de la guerre, de toutes les mesures qu'il aura prises à cet effet, ainsi que pour faire verser dans la caisse du payeur général de la guerre les sommes indispensables à l'exécution de l'opération prescrite par la présente réquisition.
« A Bayonne, le 17 octobre 1792, l'an Ier de la République française.
« Les commissaires de la Convention nationale, « Signé : F. Lamarque, L. Carnot. »
, au nom de la commission des neuf, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) contre les provocateurs au meurtre et à Vassassinat ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez chargé votre commission des neuf de vous présenter un projet de décret contre les provocateurs au meurtre et à l'assassinat. Nous avons rempli notre mission, nous venons vous en offrir le résultat.
La loi que nous vous proposons de décréter aura sans doute aussi des détracteurs, quelque insuffisante qu'elle doive vous paraître, en s'iso-lant des autres mesures dont vous la ferez suivre de près. A la vérité, elle combat des passions bien indociles, son exécution peut contrarier bien des projets; on peut aussi se populariser avantageusement en la combattant par des objections très fortes, très puissantes; mais c'est du balancement des inconvénients de la loi elle-même, avec les dangers de la position où son absence vous laisse, que doit résulter votre détermination.
On ne peut se dissimuler qu'une loi contre les provocateurs au meurtre, par des écrits ou des placards, est difficile à se concilier avec la rigueur des principes, et que la liberté indéfinie de la presse paraît s'en inquiéter. Il faut le dire, parce que cela est vrai, parce qu'on n'a rien à cacher quand il s'agit du bien public, et qu'on ne doit taire aucune objection dans l'examen des mesures à prendre pour le salut de la patrie.
La provocation suppose un fait, une intention dont le concours est un crime; les modifications infinies qu'elle peut subir ne sauraient être désignées par la loi, dont l'application semble, dès lors, menacer d'une sorte d'arbitraire.
Mais l'institution bienfaisante du juré balance cet inconvénient; elle assure une protection à l'innocence; elle lui donne une sauvegarde contre la rigueur ou l'imperfection de la loi; elle console de la nécessité de celle que vous devez porter aujourd'hui.
Oui, cette nécessité existe; elle est triste, mais est grande et pressante; elle résulte de ce que nous sommes, et de ce que nous avons à faire.
Je ne vous dirai pas qu'il doit paraître fort extraordinaire que ce soit un crime punissable de menacer d'incendier la maison d'un citoyen, et qu'un scélérat puisse impunément provoquer contre lui les assassins.
Je ne vous dirai pas qu'il est du plus pressant intérêt pour la ville de Paris d'y ramener la paix et d'y réprimer la criminelle audace de quelques hommes féroces qui ont su la maîtriser elle-même par l'épouvante, et en chasser les citoyens aisés et paisibles, sur la fortune desquels reposait la subsistance d'une grande partie des habitants pauvres de cette ville.
Je m'élève à des idées plus importantes, à des considérations plus pressantes.
Nous sortons à peine, ou plutôt nous sommes environnés de ces révolutions
qui donnent à l'âme humaine tout son ressort, mais qui développent en
même temps toutes les passions dont une société corrompue a nourri les
semences. Ainsi, d'une part, l'élévation du caractère, l'énergie du
sentiment, l'activité de l'esprit, la grandeur de l'enthousiasme
trouvent aes aliments, et tracent une carrière aux hommes généreux,
tandis que la basse cupidité, la cruelle envie,
. Dans Te choc des intérêts, le changement de tous les rapports, ces individus pullulent et se réunissent sur le - théâtre des grandes villes; -c'est là qu'ils aident aux révolutions. " C'est aussi là qu'ils les renversent, car ils ont besoin de mouvements, et quand ils n'en ont plus de salutaires à produire, ils en occasionnent de funestes.
Bientôt ils se rapprochent par analogie de ce vil ramas d'étrangers qu'une politique cruelle soudoie dans tous les pays où 1 on croit honorer le sien en dégradant l'espèce chez les autres, où l'on aime à troubler ceux qu'on ne peut vaincre, où l'on a besoin de fatiguer la liberté de ses voisins, pour dégoûter les siens des avantages qu'il faut acheter par le sacrifice des plus douces jouissances de la vie.
Ces affreuses associations de tous les vices, de tous les crimes, produisent bientôt les. effets qu'on doit en attendre. Le peuple toujours agité, toujours misérable, finit par regretter le repos du despotisme, et s'y laisse entraîner par lassitude et par épuisement. Voilà où les Français arriveront infailliblement, si vous ne les arrêtez pas d'une main ferme et hardie, sur le bord du précipice où de perfides flatteurs veulent les précipiter; que l'histoire des révolutions dont le succès fut malheureux, soit utile du moins à la nôtre. Les hypocrites amis du peuple ont porté dans tous les temps le même masque et parlé le môme langage que les nôtres; et Gromwell et ses partisans ne conduisirent pas autrement le peuple anglais du gouvernement républicain au protectorat, et du protectorat à la royauté.
Nous sommes à l'époque où nous n'avons plus rien à craindre que des partis; c'est aussi celle où ils peuvent se former plus aisément, et agir avec plus d'activité pour nous précipiter de nouveau sous quelque, empire destructeur de la liberté.
Le despotisme èst anéanti ; jusqu'à son ombre s'est évanouie avec l'abolition de la royauté ; les armes.de la République triomphent sur les en-némis extérieurs ; elles vont porter l'épouvante jusqu'aux trônes des tyrans; nous n'avons besoin que de rester unis pour méditer dans le calme les moyens d'assurer la prospérité commune.
11 importe donc d'éviter ou de contenir les effets de celte inquiétude naturelle, qui élève une opposition utile contre les entreprises du despotisme, tant qu'il existe, et qui, après lui, ne tarde pas de se diriger contre l'action même du gouvernement qui lui est substitué.
Couverts encore delà fange d'une corruption, du sein de laquelle la force des circonstances et l'état des lumières nous ont tirés; exposés aux serments de la jalousie, des haines et de la vengeance, il nous faut contre nous-mêmes des précautions sévères pour conserver la paix et l'indépendance nécessaires à rétablissement d'une bonne Constitution. Est-ce au milieu des cris de meurtres et d'assassinats que nous pouvons nous disposer aux douceurs de l'union et de la fraternité ? Sera-ce dans les convulsions de l'anarchie que nous pourrons apprendre à aimer le bon ordre et les lois ? Les proscriptions de Ma-
rins et de Sylla ne m'étonnent plus dans Rome dégénérée; elle ne devait bientôt plus combattre que pour le choix de ses maîtres ; mais un peuple qui sent le prix de la liberté qu'il a conquise, et qui se croit digne d'en jouir, ne se prépare pas sous des auspicés aussi cruels à la générosité des mcéurs républicaines; un repaire d'assassins ne peut pas être la patrie des hommes libres.
C'était dans le profond silence de la retraite et du recueillement que les anciens législateurs méditaient le bonheur des hommes : c'est loin des passions qui les agitent qu'on peut calculer le jeu de ces passions mêmes, et le parti qu'il faut en tirer pour la perfection de l'espèce et le bon ordre de la société.
Serait-ce au milieu de leurs frémissements, des torches qu'elles agitent, des poignards qu'elles appellent, qu'une Assemblée de législateurs-modernes poserait froidement les bases de la félicité d'une grande nation ? Quelle confiance lui inspireraient ses travaux? Quel respect pou rirait-elle concevoir pour un ouvrage qu'elle pourrait supposer le produit de la faiblesse où de la peur? Il faut donc en écarter jusqu'au plus léger soupçon ; c'est un' devoir doutant plus sacré pour la Convention nationale, que les circonstances où elle se trouve sont plus orageuses, et que les soins dont elle est chargée sont plus importants.
AU sortir des scènes désastreuses de ces derniers temps, au moment de prononcer sur le régime dont 25 millions d'hommes attendent leur bonheur, sachons en imposer à l'agitation, à la malveillance; qu'une loi provisoire, mais nécessaire, austère et sage, réprime les passions cruelles, nées de dissensions politiques, et capables d'enfanter les discordes civiles; qu'elle contienne l'aveugle erreur, etnous procure, dans le silence des pervers et la confiance des justes le calme précurseur des discussions profondes qui doivent présider à votre Constitution.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des neuf, décrète provisoirement ce qui suit :
« Art. 1er. Toute personne qui, par des placards ou affiches, par des écrits publics ou comportés, par des discours tenus dans les lieux ou assemblées publiques, aura provoqué ou conseillé, à dessein, le meurtre, l'assassinat ou la sédi-. tion, sera puni de douze années de fers, si le meurtre ou l'assassinat ne s'en est pas suivi.
« Art. 2. Si le meurtre ou l'assassinat s'en est suivi, celui ou celle qui l'auront provoqué ou conseillé à dessein, seront punis de mort.
« Art. 3. L'imprimeur, le colporteur et l'afficheur d'écrits par lesquels le meurtre ou l'assassinat ou la sédition auront été provoqués ou conseillés, seront punis, savoir : l'imprimeur, de quatre années de gêne, et le colporteur et l'afficheur, de trois mois d'emprisonnement, s'ils ne savent pas lire, et de six mois d'emprisonnement, s'il savent lire, par voie de police correctionnelle. »
Un membre : Je demande l'impression et l'ajournement de la discussion à jour fixe.
Plusieurs membres : La division! la division!
La division est de droit; je consulte la Convention sur l'impression.
(La Convention décrète l'impression du rapport et du projet de décret présenté par Bu-zot.)
Je mets aux voix l'ajournement de la discussion à jour fixe.
Plusieurs membres: Nous demandons que la discussion ait lieu sur-le-champ.
Je Voudrais qu'avant de se livrer à cette discussion, on décrétât préalablement la demande faite dimanché dernier par les citoyens du faubourg Saint-Antoine, de l'abolition ae la loi martiale. Par ce moyen, en établissant une loi sévère dont l'objet est d'arrêter le crime, vous abolirez une loi inhumaine, dont l'innocence était le plus souven Ivictime.
Il est plus instant que jamais que vous adoptiez la loi qui vous est proposée. En vain auriez-vous aboli la féodalité et détruit ses usages les plus vexatoires; en vain auriez-vous poursuivi l'aristocratie jusques dans ses derniers retranchements; en vain auriez-vous brisé le sceptre de la royauté et arraché jusqu'au tronc de cet arbre antique, vous n'auriez rien fait pour le bonheur du peuple, pour l'affermissement du gouvernement que vous voulez donner à la République, si vous n'exterminez, si vous ne foudroyez un monstre renaissant de ses propres ruines, l'anarchie. Loin que cette loi soit une loi de sang, elle sera bienfaisante, protectrice, salutaire. Lorsque l'urgence d'une loi est reconnue, le moindre retard est un préjudice considérable. Rien n'est plus urgent que la répression des désordres causés par les provocations incendiaires. Etrangers a toutes les factions, nos commettants n'ont pu voir sans inquiétude les troubles dont cette ville était le théâtre, au moment où nous sommes partis des diverses parties de la République pour nous réunir en Convention nationale. (Ifwr-mures.)
Je n'attaque personne nominativement, mais ie suis convaincu que si le crime levait plus longtemps sa tête audacieuse, le ressort du gouvernement serait détruit, et tous nos efforts pour assurer le bonheur du peuple seraient vains.
Plusieurs membres : Nous demandons qu'on vote sur l'ajournement !
Je conclus à cë que la loi ne soit point ajournée, et que la discussion soit ouverte a l'instant.
Un grand nombre de membres : La clôture ! la clôture!
(La Convention ferme la discussion et décrète l'ajournement.)
Plusieurs membres : Nous demandons qu'il soil fixé à lundi!
Je pense que la Convention ne doit point décréter un ajournement trop rapproché, et que la proposition qui est faite est susceptible de méditation. Pour appuyer mon observation, je m'offre de prouver, par le relevé des registres, que depuis l'existence de la Convention, il a été commis, à Paris, moins de^ crimes que dans un seul jour sous la dernière législature; que par conséquent la confiance du peuple dans 'la Convention est seule propre à arrêter les maux qu'on veut prévenir.
Plusieurs membres demandent l'ajournement à mardi.
(La Convention décrète que cette discussion aura lieu lundi prochain.)
Citoyens (1), je viens appeler votre attention sur une proposition importante, que je regarde comme indispensable pour éteindre, au milieu de nous, tout esprit de parti, et déjouer toute espèce d'intrigues. (Applaudissements.)
La France, à peine échappée aux convulsions de deux révolutions successives, recèle &ans son sein des ferments de troubles et de divisions qu'il importe d'étouffer. Une secrète inquiétude, inséparable des affections violentes, une méfiance qui tient à la nature même des choses, à l'atrocité des trahisons que nous avons si longtemps éprouvées, agite encore tous les esprits. Dans toutes les parties de la République, le besoin de la paix, du retour à l'ordre et d'un bon gouvernement se fait sentir; le peuple a reconnu que le maintien de sa liberté et la conservation des droits de chaque individu, était attaché à Pexistence d'une autorité tutélaire toujours active et jamais opprimante. Et cependant, c'est dans une situation d'esprit où le jugement des hommes les plus sages et les plus éclairés peut être si facilement égaré par les préventions et les passions particulières, que vous allez en créer les bases, et que le peuple délibérera pour les sanctionner. Vous le savez, citoyens, et l'expérience dé tous les siècles ne l'a que trop appris, l'esprit de parti et les factions sont les maladies ordinaires des républiques. L'unité de la République française, l'immense étendue de son territoire, et la difficulté de corrompre l'esprit public et d'égarer la majorité du peuple, à d'aussi grandes distances, seront pour l'avenir le remède infaillible à ces maux; mais dans les circonstances où nous nous trouvons, combien n'avons-nous pas à redouter leur fatale énergie ; déjà même, et pourquoi nous le dissimulerions-nous, cet esprit de parti et les funestes animo-sités qu'il enfante, n'ont-ils pas éclaté jusques parmi nous?
Il est des hommes qui n'existent que par les troubles ; qui, couverts du
manteau populaire et ennemis nés de tout gouvernement raisonnable, ne
feignent de servir le peuple que pour le tromper; dont le Coeur est
oppressé par la tranquillité publique (.Applaudissements); qui ne
s'abreuvent que dè sang, ne respirent qu'au milieu des proscriptions et
des meurtres, et dont l'anarchie est l'élément. (Applaudissements.) Ces
hommes sont déjà aux aguets, ils attendent votrè ouvrage commeces
harpies» dont le souffle impur flétrit tout ce qu'il touche
(Applaudissements.) Ils s'attacheront à le décrier. Ici même et dans les
assemblées primaires, ils profit i?oit le t méfiance, de cette
inquiétude si naturelle après les longues trahisons que nous avons
éprouvées, pour présenter, comme l'effet de projets ambitieux, tout ce
qui peut tendre à donner au gouvernement une salutaire énergie, pour
prolonger cet état d'anxiété, pour propager le desordre, pour
établir-l'anarchie en système, et appeler ainsi, ou la division violente
de toutes les parties ae la République, ou l'infaillible résurrection du
despotisme. (Nouveaux applaudissements presque unanimes^) Je ne veux
faire d'application à personne; mâis au milieu d'une génération, que
l'habitude de l'esclavage a corrompue, il est de mon devoir de raisonner
sur ces suppositions; oui, ils peuvent exister, ces hommes ; il peut
exister aussi des ambitieux.
Je vous propose d'arrêter qu'aucun des membres de la Convention ne pourra, avant dix années, accepter et remplir une fonction publique.
Tous les membres .'Oui ! Oui ! AUX voix ! aux Voix! (La Convention, entraînée par un seul et même mouvement, se lève pour sanctionner cet acte de renoncement et décHie, par acclamation, la proposition de Gensonni.)
Voici» dès lors, quel serait le texte de ce décret :
« La Convention nationale décrète qu'aucun de ses membres ne pourra accepter et remplir aucune fonction, publique que six ans (j) après l'établissement de la nouvelle Constitution. »
(La Convention adopte cette rédaction.)
Je demande la parole sur le décret qui vient d'être rendu* L'on s'est mépris sur sa rédaction; la voici telle que je l'avais proposée : « La Convention nationale décrète qu'aucun de ses membres ne pourra accepter, ni remplir aucune des fonctions publiques que dix ans après l'établissement de la nouvelle Constitution. »
Je n'en excepte que les fonctions municipales, parce que presque partout elles sont gratuites ; et celles de l'instruction publique, parce qu'il importe d'en relever l'importance.
Cette résolution honorable pour vous est utile. Je dirai plus, elle est nécessaire au bonheur de la République. 11 est temps que les divisions cessent, que les masques tombent et que les hoitiffles, qui ne veulent que le bien, puissent se rallier et se reconnaître; c'est ên vous élevant ainsi à une hauteur où la calomnie ne pourra vous atteindre, que vous écarterez les petites passions, les basses jalousies, la haine des individus et les méfiances; que vous provoquerez un examen impartial sur votre ouvrage et qu'on oubliera les hommes pour ne s'occuper que des choses. Je vois là l'un des moyens les plus sûrs de donner à la République française un bon gouvernement, d'en faciliter l'adoption dans les assemblées primaires et de déjouer à la fois les projets des intrigants et des anarchistes. Applaudissements.)
On nous calomnie auprès des nations étrangères; on dit que l'abolition de la royauté en France est l'ouvrage d'une poignée de factieux qui veulent s'en partager les dépouilles. Voilà notre réponse. (Acclamations unanimes.)
Songez enfin, citoyens, au bien que pourront faire dans leurs
départements 745 législateurs, qui, restés purs au milieu des plus
grands orages, revêtus par leur désintéressement même de la
Quant à vous, citoyens, je ne vous parlerai point du sacrifice personnel que cette résolution vous impose. Après avoir assuré, par l'établissement d'un bon gouvernement, le bonheur de la République* quelle autre ambition: pourrait vous toucher? (Vifs applaudissements.) Quel est celui d'entre vous qui, après avoir rendu ce service à sa patrie, qui au moment où il aura ainsi affermi la liberté publique* où il pourra transmettre à ses enfants ce précieux héritage, qui enfin après avoir abattu la royauté, créé pour 25 millions d'hommes une Constitution appelée à devenir un jour le code général du genre humain, ne croira pas avoir suffisamment rempli sa carrière ?
Un membre : Je demande l'impression du discours dé Gensoriné et du décret voté par l'acclamation de l'Assemblée.
(La Convention décrété à l'unanimité l'impression du discours de Gensonné et du décret voté par acclamation.)
Un autre membre : J'en demande l'envoi aux 83 départements.
(La Convention décrète cette proposition.)
Les acclamations de l'Assemblée ne m'ayant pas permis de tue faire entendre pour prévenir le mouvement d'enthousiasme qui vient de l'entraîner, je la prie de m'écouter en ce moment avec" quelque indulgence ; car je demande le rapport du cfécret. (Interruptions.)
Plusieurs membres : Mais la proposition de Gensonné n'a pas été décrétée !
Le décret a été mis aux voix et adopté.
Je ne vous rappellerai pas la manière dont il a été mis aux voix, parce qu'il fait honneur au sentiment qui l'a fait naître; j'observerai seulement que l'enthousiasme, qui peut produire d'excellentes actions, ne peut presque jamais produire de bonnes lois ; l'enthousiasme a cet inconvénient, qu'il empêche de faire usage de la faculté la plus essentielle dans un législateur. celle d'une raison calme, qui peut examiner le bien et le mal, les avantages et les préjudices d'une loi*
Mais il est une considération d'une bien haute importance, sur laquelle votre attention ne s'est pas fixée en adoptant la proposition de Gen-sônué : c'est qu'elle est attentatoire auxdroits du peuple, qu'elle les restreint, et qu'elle est contraire aux principes de la souveraineté. Vous avez décrété que la Constitution que vous allez établir serait soumise à sa sanction, et par le
décret que vous venez de rendre, vous venez de borner son choix.
Je dis donc que le décret est mauvais dans Son principe et dans ses conséquences; j'en demande le rapport et le renvoi au comité de Constitution.
Je demande, au contraire, que la proposition de Gensonné s'étende aux membres qui donneraient leur démission. Il est temps de faire jouir le peuple, d'une Constitution qui soit pour lui, ejt non pour ceux qui voudraient le gouverner; et je réponds au préopinant que si le décret constitutionnel par lequel la Convention a aboli la royauté a déjà reçu d'une manière non équivoque la sanction et l'approbation du peuple (Applaudissements), à plus forte raison celui-ci, qui lui assure des lois im -partiales, obtiendra-t-il cette sanction. Je conclus au maintien du décret.
Le décret que vous venez de rendre contient une disposition qui paraît en atténuer le mérite. Je crois que les principes qui y sont consacrés doivent être adoptés sans aucune réstriction, et que nous devons y réserver quoi que ce soit qui puisse faire croire que nous avons travaillé pour nous en posant les bases de la nouvelle Constitution.
Je ne voudrais pas même qu'après leur mission les législateurs pussent remplir les fonctions municipales et d'instructien publique. Il faut que le sacrifice soit complet ; s'il en est encore un à faire, j'invite tous les citoyens à nous l'indiquer, et j'ose garantir d'avance qu'il sera consacré par un décret.
Citoyens, un législateur célèbre dont nous admirons encore la sagesse et les principes de liberté, écrivit au peuple, en lui envoyant les lois qu'il avait faites pour son bonheur : « Je vous invite à respecter ces lois jusqu'à ce que je revienne » ; et if ne revint jamais... Je demande que les législateurs de la France renoncent aux places publiques pendant leur vie entière.
A la belle et patrior tique proposition de Gensonné, j'en ajoute une autre : c'est que la Convention nationale s'engage solennellement à terminer la Constitution d'ici à un an, s'il est possible. {Murmures.)
Votre enthousiasme est celui de la yertu ; et les hommes qui vous ont proposé des sacrifices, en ont encore oublié un. Ainsi on pourrait vous demander pourquoi, dans ce grand mouvement de générosité, aans cet oubli de vous-mêmes, dans cette entière abnégation de tout intérêt personnel, vous ne comprenez pas formellement l'exclusion des places qui pourront être à la nomination du pouvoir exécutif cons-tutionnél. Mais vous voudrez, sans doute, qu'une discussion froide suive ce premier élan de la générosité. Je parle donc contre la proposition de Gensonné riî y a quelque courage à opposer les faibles efforts delà raison à l'enthousiasme de la vertu ; cependant, je viens remplir ce rigoureux devoir.
Je dis d'abord que cette proposition a été discutée par des hommes à qui vous avez- accordé quelque confiance, et que le comité de Constitution a presque unanimement pensé qu'elle était dangereuse pour un gouvernement naissant, qu'elle préparait une espèce de désorganisation. Mais je passe à d'autres considérations.
Si j'avais cru, ainsi que celui qui en a fait la proposition généreuse, que ce beau sacrifice pût
mettre fin aux dangers de la patrie, pût intimider les intrigants et les agitateurs, déconcerter leurs manœuvres et faire cesser l'anarchie dans cette ville, j'aurais partagé votre enthousiasme. Mais, citoyens, cette mesure, qui vous honore, est inutile contre les anarchistes. Demain les agitateurs recomménceront leurs intrigues.
Je votai pour une mesure semblable dans l'Assemblée constituante; mais les circonstances étaient bien différentes : nous avions alors un roi dont nous soupçonnions la bonne foi ; nous avions une Cour corrompue et corruptrice; nous avions une liste civile immense, et qui, jetée dans une Assemblée nationale, en pouvait corrompre une grande partie. Les Barnave, les La-meth agitaient dans ce temps la revision, et mul-tiplaient leurs instruments d'intrigues. Nous voulions prévenir la ruine de la patrie. Robespierre proposa une mesure généreuse ; elle fut adoptée avec enthousiasme ; elle devait l'être : il s'agissait de la liberté. Nous sentions bien que c'était restreindre la souveraineté du peuple, que c'était gêner l'exercice de son droit d'élection ; Thouret parla contre, et parla avec les armes qu'il sait si bien manier ; mais il fallait ce sacrifice. Nous le devions à la paix publique ; nous le devions pour creuser un abîme aux factions.
Aujourd'hui les circonstances sont changées, et votre détermination ne doit plus être la même. Vous ne pouvez pas aujourd'hui restreindre la souveraineté du peuple et la liberté de son choix. Vous ne pouvez pas exhéréder civilement 745 citoyens qui, j'espère, auront bien mérité de la patrie.
Si vous rendiez un pareil décret, vous condamneriez la nation à faire encore des choix aveugles et de nouvelles expériences, à s'exposer à de nouveaux dangers. Jugez du peu de danger de la rééligibilité par l'exemple de l'Assemblée constituante : sur 1,200 hommes passés à travers la filière de l'opinion publique, 80 ou 90 seulement sont revenus à la Convention nationale.
Législateurs, vous n'êtes pas ici pour votre intérêt, mais pour l'intérêt du peuple; vous n'êtes pas ici pour votre gloire, mais pour le bonheur et la gloire de la nation.
Cette mesure, dites-vous, influera sûr la bonté de vos lois. Eh 1 quel est donc le frein des législateurs? N'est-ce pas l'opinion publique? Eh bien, si^vous mainteniez votre décret, l'opinion publique planerait inutilement sur les membres de la Convention nationale; et je dirais aux intrigants, aux ambitieux, aux agitateurs, aux scélérats, s'il s'en trouvait ici, je leur dirais : Soyez tranquilles, l'opinion publique ne frappera point sur vous; vous serez confondus, aux réélections, avec les meilleurs citoyens, et vous pouvez continuer impunément vos manœuvres. L'émulation et toute ambition légitime seraient donc détruites parmi vous.
Voilà, citoyens, les inconvénients de la proposition que vous avez adoptée avec enthousiasme.
Vous ne pouvez pas, sans décourager l'homme vertueux, sans étouffer l'esprit public, sans attenter à la souveraineté du peuple, sans exposer la patrie à de nouveaux dangers, vous ne pouvez pas adopter la proposition de Gensonné. Je demande que le décret soit rapporté. (Applaudissements.)
J'insiste de nouveau pour le rapport du décret qui a ordonné l'im-
pression du discours,, de Gensonné et je demande qu'on ajourne la discussion du projet de décret qu'il nous a présenté et que nous avons, d'acclamation, adopté.
Je m'y oppose, citoyens, le décret est rendue et vous n'en rendrez jamais de plus digne de vous, puisqu'il fera cesser les clameurs contre une partie des représentants de la nation. Il nous restera assez d'autres moyens de servir le peuple ; nous le servirons par l'exemple de nos vertus publiques, par l'exemple de notre soumission aux lois, et en l'éclairant sur ses droits et ses devoirs, comme l'a dit Gensonné, dans les sociétés populaires. Je crois, en ma conscience, qu'il importe à la tranquillité publique, au bonheur de tous les citoyens, que ce décret soit maintenu. Toute la France aura la certitude que vous ne serez point, comme tant d'autres, un gouvernement exprès pour les gouverneurs. Elle verra que l'unique but de vos travaux est le bonheur et la liberté du peuple. Dès lors les défiances cesseront, l'intérêt public occupera seul et sans réserve tous les législateurs, et les lois seront bonnes et durables. (Vifs applaudissements.)
Vous voulez déjouer, dites-vous, les manœuvres des agitateurs; mais, citoyens, si vous rapportiez votre décret, les agitateurs diraient au peuple, pour l'égarer sur vos intentions, qu'on a fait cetté motion pour la décréter d'enthousiasme et la rapporter ensuite. Il faut prévenir cette calomnie. Je demande que le décret soit maintenu, et qu'il ne porte aucune exception. (Nouveaux applaudissements.) ,
Je pense que le décret est dangereux. Je demande qu'il soit rapporté. Permettez-moi de développer mon opinion. 3 Un grand nombre de membres : La discussion est fermée!
(Le Président observe qu'ayant mal entendu la proposition de Gensonné, il n'a mis aux voix qu'une exclusion de six ans.)
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à rapporter le décret, et le maintient tel qu'il a été prononcé par le Président, et ainsi qu'il suit.)
« La Convention nationale décrète qu'aucun de ses membres ne pourra accepter ni remplir aucune fonction publique quelconque, que six ans après l'établissement de la nouvelle Constitution » (1).
Pour éviter tous les inconvénients présentés par Barère, donner à la fois uri plus grand exemple de désintéressement, et laisser aux membres de la Convention les moyens de servir la patrie, je demande que le décret porte : aucune fonction publique salariée. Ainsi on ne condamnera pas à la nullité dès hommes qui peuvent encore être utiles à leur patrie, et nous déjouerons les intrigues de ceux qui, d'après votre décret, calculent peut-être déjà les moyens de dissoudre cette Assemblée pour se débarrasser des hommes qui les gênent et pour nous remplacer. (Murmures.)
Camus élève là des soupçons qui, véritablement, le feraient lui-même
soupçonner d'intrigues. Ce n'est pas seulement au salaire que nous
devons renoncer, mais au pouvoir ; car s il y a quelque chose à craindre
de la part des
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de Camus.)
(La séance est levée à cinq heures et demie.)
a la séance de la convention nationale du
Opinion de Joseph Guites (2), député du département des Pyrénées-Orientales, sur un acte de la Convention nationale, à la date du 27 octobre 1792, qui défend aux membres qui la composent d'exercer des fonctions publiques pendant six ans, à compter de la fin de sa session.
Lorsque le citoyen Gensonné a eu fait la motion à la suite de laquelle est intervenu l'acte que j'examine, l'enthousiasme a gagné la grande majorité de l'Assemblée au point qu'il était aisé de prévoir qne celui-là n'eût pas pu dire quatre mots de suite à la tribune, qui y serait monté pour la combattre. Il a fallu attendre que le temps ait permis à la réflexion de mûrir cette motion et l'acte subséquent, de les examiner sous tous les rapports et de les juger.
Je disais, lorsque la Convention, a eu prononcé, qu'elle venait de rendre le décret d'enterrement ae tous ses membres; en effet, ceux-ci se répandront dans les départements, où ils ne pourront être que d'une médiocre utilité, si toutefois, avec la meilleure volonté ils peuvent être utiles ; car loin des affaires publiques l'esprit languit, le cœur devient tiède, et l'individu finit par s'y rendre étrangér, surtout lorsque c'est à une immense intervalle qu'il entrevoit l'époque où il lui sera permis d'y être admis. Voilà donc 745 citoyens français éclairés par toutes les discussions auxquelles ils ont assisté, dans lesquelles ils se seront distingués, capables par conséquent de donner la vraie direction à l'opinion ae leurs concitoyens ; les voilà paralysés au grand détriment de la chose publique : je pourrais ajouter, les voilà punis pour avoir bien servi leur patrie dans des temps orageux; mais, sans m'arrêter à l'individu, j envisage ici l'intérêt de la République.
Et qu'on remarque bien le temps où cet acte de la Convention ordonne aux citoyens qui la
composent de vivre dans la nullité. C'est dans un temps où le peuple, sortant d'une longue et pénible agitation, senlira nécessairement le besoin de se reposer à l'abri de la sage administra-lion d'un citoyen depuis longtemps investi de la confiance publique, d'un citoyen qui lui fasse enfin connaître et qui puisse lui persuader qu'il est près, qu'il touche à son bonheur ; c'est dans un temps où le peuple, sortant à peine de ces profondes anxiétés où l'a plongé 1 anarchie des opinions, et ne sachant encore fixer ses idées sur ses vrais intérêts, sentira le besoin de trouver un homme qu'il croit capable de l'éclairer, de le diriger ét de faire disparaître devant lui toutes les ombres qui n'ont jusqu'alors servi qu'à l'égarer.
Qui ne sait, en effet, que depuis la Révolution les écrits et les discours les plus contradictoires ont tyrannisé l'opinion des citoyens et que l'homme probe, mais peu éclairé, a vraiment cherché dans les journaux patriotes un abri contre cette tyrannie? Le citoyen, le fonctionnaire que celui-ci élevait jusqu aux nues, l'autre le ravalait jusqu'à terre. La loi que l'un envisageait comme la sauvegarde de la liberté publique, l'autre la regardait comme une mesure évidemment contre-révolutionnaire. L'esprit de parti s'est emparé de l'opinion, elle n'en a reçu que des secousses.
Ainsi donc il faut que des hommes sages, éclairés et revêtus de ce caractère qui décide la confiance du peuple, la fixent et la dirigent. Or, ces tommes seront toujours pris avantageusement dans Je nombre de ceux qui ont représenté le souverain et exercé ses pouvoirs.
On dira peut-être que leurs écrits peuvent répandre la lumière parmi les citoyens et leur rendre les mêmes services que s'ils occupaient un poste public. Eh! qui ne sait que tout le monde ne lit pas, que plusieurs de ceux qui lisent n'entendent rien aux écrits? D'ailleurs, écrire n'est pas dans la volonté de. tous les citoyens qui sont en état de le faire.
Il en est bien autrement si vous permettez à ceux qui ont posé les bases du gouvernement de concourir à la confection des lois, d'occuper un poste public. Devenu municipal, administrateur, juge de paix, le voilà rapproché du peuple et à portée de l'instruire tous les jours. Sa nomination est un nouveau garant de la confiance de ses concitoyens et personne n'ignore tout le bien qu'il peut faire. Mettez l'écrivain à côté de lui et jugez d'après le parallèle.
Ce n'est pas tout : jetons les yeux sur la législature qui remplacera immédiatement la Convention. Les membres qui la composeront,.entièrement étrangers aux grands et sublimes travaux qui les appellent, vacilleront peut-être pendant longtemps dans leur mission et la calomnie est à côté, toujours prête à saisir le moment de les avertir. L'expérience, interrogée sur cette question, ne laisserait peut-être aucun doute sur ce cjue je viens d'avancer, et je soutiens que ce serait là une calamité publique dont les suites effrayent tout homme réfléchi.
Et de bonne loi peut-on ne pis voir la condamnation de cet acte dans la forme d'organisation des pouvoirs publics? Ce n'est que par moitié que sont renouvelés à chaque élection les municipalités, les districts et les départements. L'Assemblée constituante n'a pas eu besoin de longues discussions pour parvenir à connaître la nécessité de cette organisation ; et l'expérience a appris que, lorsque, dans les derniers renouvèl-
lements des départements, les membres des di" rectoires ont été tous, sans exception, choisis parmi les nouveaux élus, ces directoires ont été et sont demeurés ineptes, incapables de remplir leurs fonctions. Enfin il n'est pas jusqu'à ses comités que la Convention a soumis à cette forme d'organisation. Jamais, dans le cas contraire, elle ne verrait la fin de ses travaux. Je le demande maintenant, les mêmes motifs ne parlent-ils pas, et avec plus de force, en faveur de la législature et des autres pouvoirs constitués? Je conclus que l'acte qui en écarte les membres de la Convention est funeste à la République. Il y a plus : il consacre, à mon^vis, une grande injustice.
Ici je vais faire voir combien une assemblée, dont le principal soin doit être de ne jamais compromettre la dignité, se fait très souvent le plus grand tort, lorsqu'elle fait avec précipitation des actes qui sont toujours attendus par la censure publique. Si, au lieu de se lever tout entière à la voix du citoyen Gensonné, elle eût discuté sa motion, qui doute qu'elle ne se fût convaincue que la mesure proposée par ce citoyen, était une mesure violatrice du droit des citoyens, considéré, tant sous le rapport d'électeur, que sous celui d'éligible ? Qu'elle n'a pas d'autorité pour contraindre celui qui a de la confiance à tel citoyen, pour le contraindre, dis-je, à lui refuser le suffrage? Qu'il est difficile de se persuader qu'elle puisse annuler la volonté générale d'une assemblée primaire ou électorale?
Enfin que, lorsqu'il s'agit de droits naturels, imprescriptibles et inaliénables, c'est à la volonté du citoyen à le faire ; ce n'est pas à l'autorité à le .commander?
Je neveux pas savoir qu'elles ont été les vues du citoyen Gensonné en proposant cet acte à la Convention.
Mais quelque grandes qu'elles soient, quelque considération que puissent leur donner les circonstances, elles doivent fléchir devant les principes que je viens de rappeler. Que serait-ce si ces vues étaient illusoires? et cette hypothèse est possible.
Maintenant, j'examine l'acte de la Convention sous le rapport de son essence métaphysique, et je dis qu'on ne peut le définir un décret ni une déclaration; qu'on ne peut pas même l'envisager comme un acte de la Convention, mais uniquement comme un engagement pris par un grand nombre de citoyens, de n'accepter des charges publiques qu'après un intervalle de dix ans.
Et cet engagement obligatoire dans les temps ordinaires et tant que les circonstances ne changeront pas peut être rompu par des considérations majeures qu'on ne peut pas prévoir, par des événements inopinés qui changeraient l'état des choses ; car je ne croirai jamais qué le citoyen qui s'est ainsi engagé, cessât d'être probe, lorsque la patrie étant en danger il recourrait à la voix de ses concitoyens pour se mettre à la tête d'une administration. C'est lorsque, dans le même cas, par une timide et sotte délicatesse, il resterait dans l'inertie qu'il serait criminel.
Voilà donc à quoi se réduisent, et la motion du citoyen Gensonné, et l'acte de la Convention. L'enthousiasme les a accueillis avec transport; la froide raison les repousse avec sévérité.
On nous a cité l'exemple d'un législateur de l'ancienne Grèce, qui s'exila après avoir établi le gouvernement de son pays ; mais indépendamment de ce qu'il serait téméraire d'établir, en thèse, que l'état politique de la République
que ce législateur avait institué, était le même que sera celui de la République française à la lin des travaux de la Convention : je ne vois pas en quoi l'exemple d'un individu est applicable à une assemblée de législateurs, à une Convention nationale.
Je me résume, et je dis : 1° que l'acte par lequel la Convention nationale a décrété qu'aucun de ses membres ne pourra accepter et remplir aucune fonction publique que six ans après l'établissement de la nouvelle Constitution, est nuisible à l'intérêt de la République; 2° qu'à l'égard de chacun des membres de la Convention, cet acte serait injuste, s'il n'était évidemment nul; 3° que cet acte ne devrait pas porter le nom de décret, mais de déclaration de plusieurs citoyens, membres de la Convention nationale, et qu'il devrait être signé d'eux; et enfin qu'il ne devrait être inséré dans les registres de la Convention que comme un dépôt apporté par les déclarants.
Telle est mon opinion. Qu'on me prouve qu'elle est erronée et je suis prêt à l'abandonner.
Séance du
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 27 octobre 1792.
Le décret par lequel les membres de la Convention, sur la proposition de Gensonné, se sont volontairement interdits toute fonction publique pendant six années aprèsl'établissement de la nouvelle Constitution, a été voté d'enthousiasme (1), mais il n'est pas douteux qu'il entraîne avec lui une foule d'inconvénients etqu'au lieu de faire cesser les maux qu'il prétend éviter, il en crée, au contraire, de plus grands. Je prie la Convention, avant l'adoption définitive du procès-verbal de la séance d'hier, d'en ordonner le rapport. Ce sera là une sage mesure, à laquelle la République et surtout le peuple, a tout à gagner.
Je demande l'ordre du jour sur la proposition de Manuel et je la motive sur la dernière phrase par laquelle il a terminé son discours. Il a parlé du peuple et de l'intérêt qu'il a au rapport de ce décret. Mais le peuple sait mieux que personne ce qu'il a à faire, et comme il sera appelé un jour à sanctionner vos décrets, soyez bien persuadés que si cette loi lui paraît injuste, il saura bien la rejeter. (Applaudissements.)
En tous cas, j'observe à la Convention, qu'elle ne peut, de par le règlement, se livrer aujourd'hui dimanche à cette discussion. Je demande l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour, et adopte la rédaction du procès-verbal de la séance de la veille, lue par Kersaint.)
J'expose à la Convention que l'élection prochaine des administrateurs et
des juges dans le département de Mayenne et Loire est physiquement
impossible à l'époque fixée par la
Je propose d'autoriser le conseil général du département de Mayenne et Loire à proroger l'ouverture de l'assemblée électorale jusqu'au 21 du mois de novembre, s'il le juge nécessaire.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre du général Biron, qui envoie aux secrétaires de la Convention une lettre décachetée, qui leur était adressée et signée Miser, officier français, du rassemblement de Condé, prince français; cette lettre est ainsi conçue :
A Strasbourg, le
« Citoyens (1),
« Je vous envoie deux lettres qui m'ont été adressées timbrées de Bâle. Je ne me rappelle pas du tout avoir connu celui qui les écrit.
« Le citoyen commandant en chef l'armée du Rhin.
« Signé : Biron. »
Malberg,
« Monsieur (2),
« La réputation que vous vous êtes justement acquise et que vous soutenez si bien, jointe à votre bienfaisance que j'ai connue autrefois, et dont j'ai entendu parler lorsque vous commandiez la légion royale, me font vous adresser une lettre pour MM. les secrétaires de la Convention nationale, où nous espérons que vous voudrez bien ajouter un mot pour nous les rendre favorables. Nous vous l'adressons ouverte, vous verrez que ce sont des malheureux repentants de leurs fautes qui n'espèrent qu'en vous et dans la clémence des représentants de la patrie.
« J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Miser,
« Officier français du rassemblement de M. de Condé.
« P.-S. Je n'attends de réponse que par la voie du Moniteur qui jusqu'à présent nous passe, les lettres nous exposeraient à ne pas jouir du bonheur que nous nous promettons; nous sommes épiés d'une manière affreuse. »
,secrétaire. J'ai dans les mains la lettre adressée aux secrétaires, qui est très longue et qui sollicite, d'une façon très naïve, un décret d'amnistie. La Convention décrète-t-elle que je lui en fasse la lecture?
Un grand nombre de membres : Non ! non ! l'ordre du jour !
(La Convention passe à l'ordre du jour) (3).
Le même secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine, qui
annonce l'envoi de deux
Au quartier général de Mayence, le
« Citoyen président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer les originaux de deux lettres de deux anciens gardes du corps; vous y verrez leur repentir et combien ils désireraient rentrer dans leur patrie. Je n'ai pu prendre sur moi de leur envoyer des passeports; je vous prie de vouloir bien demander à la Convention nationale de me fixer sur ce que je dois faire.
« Je prie aussi la Convention de décider ce que je dois faire des émigrés qui viennent s'offrir aux généraux et de ceux qui sont pris sans avoir les armes à la main. J'ignore s'il y a des décrets rendus sur eux; je vous prie ae me les faire passer s'il y en a. Plusieurs émigrés ont été pris sans armes et le commis-commissaire auditeur des guerres ne sait quoi ordonner sur leur sort.
« Je suis, etc.
Le général d'armée, « Signé : Custine. »
Je demande l'ordre du jour sur la demande des deux anciens gardes du corps. La meilleure réponse que l'on puisse faire aux généraux et plus particulièrement au général Custine, qui en fait la demande, c'est de leur envoyer lès décrets. En ce qui concerne les émigrés, le Code pénal qui les regarde est rédigé; si la Convention accepte d'en entendre la lecture demain, elle pourra satisfaire aussitôt au désir exprimé par le général Custine.
(La Convention passe à .l'ordre- du jour sur la demande des deux anciens gardes du corps, et renvoie au lendemain l'audition de la rédaction du décret sur les émigrés.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine, qui envoie l'état des prisonniers de guerre qu'il a faits; cette lettre est ainsi conçue :
Au quartier général de Mayence,
le
Citoyen Président,
« J'ai l'honneur de vous, envoyer un état des prisonniers de guerre que leurs femmes viennent réclamer. Ils promettent de ne j3lus porter les armes contre la^iépubliqûè française. Je vous prie de me faire passer une réponse pour pouvoir satisfaire ces femmes. Les prisonniers sont à Troyes.
« Je suis etc...
« Le général d'armée.
Signé : Custine. ».
(La Convention renvoie la lettre et l'état des prisonniers au Comité de la Sûreté générale.
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du général Custine qui annonce l'entrée des troupes de la République à Francfort-sur-le-Mein I et envoie la réponse qu'il a adressée, aux observations présentées par les magistrats de cette ville, ainsi que le texte de la proclamation adressée à ses habitants.
Suit la teneur de ces différentes pièces : Lettre du général Custine pour annoncer Ventrée des troupes de la République à Francfort-sur-le-Mein.
Au quartier général à Mayence,
le
« Citoyen Président,
« Les troupes de la République sont entrées dans Francfort-su r-le-Mein. ( Vifs applaudissements.) J'ai exigé de cette ville, qui a montré une protection si ouverte aux émigrés et aux ennemis de la Révolution, une contribution de 1,500,000 florins (Applaudissements) et j'ai l'honneur de vous envoyer copie de la réponse que j'ai faite aux observations des magistrats de cette ville, et par laquelle j'ai consenti à réduire la contribution de deux millions de florins, à 1,500,000.
« Je suis occupé aujourd'hui à achever l'approvisionnement dé l'intéressante conquête que vient de faire la République. La force de Mayence égale, j'ose l'avancer, celle de Landau. Lorsque les fronts de l'Allemagne seront découverts, et que l'on aura mis à l'abri de toute insulte le bord dn Rhin, ce qui sera très facile, et je m'en occupe déjà, rien n'enlèvera à nos armes la clef de cette forteresse, qui domine le Rhin, et tient l'embouchure du Mein. L'on y a déjà compté 165 pièces d'artillerie, et il y en a beaucoup davantage (Applaudissements) une énorme quantité de poudre, de fer coulé, de boulets et d'armes.
« J'avais été assez bien instruit par les observateurs que j'y avais envoyés, et je n'hésite pas de dire, d'après le courage et la discipline des hommes auxquels je commande, que si elle n'avait capitulé, elle eût été enlevée la nuit même, d'après les dispositrons faites pour sa défense, dont je m'étais procuré une parfaite connaissance. (Applaudissements.)
« Qu'il m'a été doux d'épargner le sang de mes concitoyens 1 et j'éprouverai toujours un grand bonheur à m'en montrer avare (Vifs applaudissements) ; je ne dois disposer que du mien, et le donnerais avec plaisir, si, en le voyant couler, il pouvait assurer la liberté des peuples. (Vifs applaudissements.)
« J'ai l'honneur de vous adresser, citoyen Président, une copie de ma proclamation dans cette cité; j'en attends l'eflèt. Je vais envoyer la même proclamation à Worms et à Spire. L'instant est arrivé de frapper les plus grands coups aux ennemis de la liberté des peuples; et le républicain ne doit pas ralentir son activité après quelquës succès ; il ne doit cesser dé frapper que lorsqu il ne lui reste plus d'ennemis à com-, battre. (Applaudissements.)
« J'aurai l'honneur d'adresser incessamment à la Convention le plan de la ville de Mayence ; le système des mines, des ouvrages avancés, est un des plus beaux qui existent : les galeries sont toutes voûtées. (Applaudissements.)
« Signé : le citoyen français, général d'armée, Custine. »
Réponse du général Custine, aux observations adressées parles magistrats de Francfort.
« Messieurs,
« Après m'être fait rendre compte du contenu des pièces que vos députés m'ont remise de
votre part, je n'ai pu y voir des preuves de votre attachement à la République française, et à sa Révolution. Les défenses multipliées de recruter pour les émigrés, et pour le prince Virkengtein, dans la ville de Francfort, sont au contraire une preuve que l'on y recrutait. Si ces défenses eussent été sincères, si vous aviez pris les bons moyens pour les rendre efficaces, vous n'auriez pas eu besoin de les multiplier. Ces défenses n'ont été faites qu'après la sommation faite, par la nation française aux puissances allemandes, de renvoyer les émigrés.
« Quant aux défenses promulguées pour empêcher les Français fugitifs d'insulter vos femmes et vos filles, ces défenses ne sont-elles pas une preuve certaine de leur existence dans cette ville?
« Et cette gazette rédigée sous vos yeux, qui ne pouvait paraître qu'avec votre, approbation, qui a plus influé à fausser l'esprit des Germains sur les principes de la Révolution française; je vous le demande, est-ce là une preuve d'attachement à la nation? Sans doute vous reconnaissez aujourd'hui votre erreur. J'aime à penser que, rendus aux principes de justice dont l'évidence aurait dû frapper vos yeux, vous adopterez une Révolution qui rend aux nations leurs droits, ne détruit que les pouvoirs usurpés, ne tire de vengeance que des trahisons, ne fait participer aux frais d'une guerre onéreuse que ceux qui l'ont provoquée, ou qui, le pouvant, ne l'ont point empêchée; que ceux enfin qui ont souflert que l'on faussât l'esprit public, qui ont voulu éteindre la lueur de vérités éternelles.
« Cependant malgré l'évidence des torts du magistrat de la ville de Francfort, il n'aura pas intercédé en vain ; et la nation française, par mon organe, consentira à la remise de 500,000 florins de contribution.
« Je la réduis à 1,500,000 florins. (Applaudissements.) Je donne des ordres en conséquence au général Newinguer, et vous engage à ne pas différer le payement. (Applaudissements.)
Le citoyen général d'armée, Signé : Gustine. »
Proclamation au nom de la République française,
faite par Adam-Philippe Custine, citoyen français, général des armées de la République.
« Lorsque les Français se sont décidés à faire la guerre, ils ont été provoqués par l'injuste agression des despotes, de ces hommes élevés dans les préjugés qui leur persuadaient que les nations semées sur le globe, n'y existaient que pour satisfaire leur vaine gloire, et que leur or devait servir à saturer leurs passions.
« Les représentants du peuple français, la nation tout entière, distingueront toujours, dans leur justice, les peuples assez malheureux pour s'être vus forcés à courber leur tête sous le joug du despotisme de ces hommes injustes. Une nation qui, la première, a donné l'exemple à tous les peuples, de rentrer dans leurs droits, vous oll're la fraternité et la liberté. (Applaudissements.)
« Un vœu spontané doit décider de votre sort; et si vous préférez l'esclavage aux bienfaits qui vous sont offerts, je laisserai aux traités à prononcer lequel des despotes doit vous rendre des fers.
« Je maintiendrai les anciennes impositions; je n'exigerai de contribution que de ces hommes
qui, faisant porter tout le poids des charges sur vous seuls, avaient bien su s'en affranchir. ( Applaudissements.)
« Je ferai respecter toutes les autorités constituées; je les soutiendrai jusqu'à l'époque où un vœu libre aura fait connaître la volonté des peuples.
« Je vais mettre cette ville dans l'état le plus redoutable, et quoique l'on se soit plu à répandre parmi vous, que j'avais le projet de l'abandonner, je jure de la défendre même contre tous les efforts de nos ennemis réunis. Puisse-t-elle devenir le boulevard de la liberté de tous les peuples de l'empire germanique! (Applaudissements.) Puissent de son sein partir ces principes d'éternelle vérité ! Puisse leur évidence frapper tous les hommes courbés sous le joug de la servitude ! (Applaudissements.) Pour moi, fier du beau titre de'citoyen français, j'ai abjuré toutes les distinctions qu'avait inventées l'orgueil : la seule ambition d'un homme, doit être de vivre dans la mémoire de ses concitoyens. (Vifs applaudissements.)
Signé : Custine.
secrétaire. Citoyens, le bureau est saisi de deux autres lettres dont je demande à donner le résumé à la Convention avant de savoir si elle en ordonne la lecture en raison des détails qu'elles contiennent sur les opérations militaires non exécutées, et qu'il serait dangereux, à mon avis, de publier :
L'une, du général Custine, donne le plan de la future compagne et expose, comment ce générai, hardi à entreprendre n'a cependant rien abandonné au hasard et s'est toujours ménagé une retraite sûre. Custine ajoute qu'il n'a eu sous ses ordres, pour exécuter ce qu'il a fait, qu'une armée de 16,000 hommes, et que si ses troupes avaient été portées à 45,000 hommes comme on le lui avait promis, la Révolution serait faite aujourd'hui dans l'empire. Il termine en demandant que le général Kellermann lui fasse passer une vingtaine de mille hommes, qui seront aujourd'hui plus utiles sur les bords du Rhin, que dans la contrée où Kellermann commande.
L'autre lettre est du général Biron et est adressée au ministre de la guerre. Le général y regrette que l'expédition brillante et utile du général Gustine n'ait pas été retardée jusqu'au mouvement général que toutes les armées français vont faire bientôt. Cependant, continue Biron, cette expédition a eu des avantages inestimables. Elle a jeté dans toute l'Allemagne la terreur et les germes d'une insurrection inévitable. D'ailleurs elle a facilité la rentrée des approvisionnements dont nous avions le plus grand besoin. Enfin elle a mis de notre côté tout l'avantage de la campagne.
(La Convention déclare se contenter de cette analyse et renvoie ces deux lettres au comité ae la guerre.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine au ministre de la guerre, pour demander l'autorisation de former une légion composée de troupes allemandes; cette lettre est ainsi conçue :
Au Quartier général à Mayence,
le
Citoyen ministre, placé aux bords du Rhin par l'occupation de Mayence, je me trouve en
mesure, non seulement de propager les principes de la liberté dans le centre de l'Empire, mais même de réunir sous ses drapeaux les prosélytes que je lui aurai faits.
« Il est d'autant plus essentiel que je puisse en former un corps, que nombre d excellents officiers et soldats aimant la liberté, pourraient le composer. Il serait formé avec une grande promptitude, composé d'individus qui connaîtraient parfaitement l'Empire, et nous donneraient de grandes facilités, en portant la guerre dans son sein au printemps prochain.
« Je vous prie, citoyen ministre, de me faire autoriser par la Convention nationale à lever cette légion, où j'attirerai l'élite des officiers et des troupes allemandes.
« Signé : le général dl armée, custine. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
Citoyens , le général Custine, après avoir fait la conquête de Francfort, a imposé cette ville à 1,500,000 florins, et y a laissé le général Newinguer, pour en surveiller la perception. Je ne vois pas que cette somme soit exorbitante, car en nous la payant, elle ne nous fait que rendre l'argent que les émigrés français y ont porté, et qu'ils tiraient de cette énorme liste civile qui nous a tant fait de mal. Mais j'observe qu'il est parmi ses habitants de pauvres citoyens qui n'en ont pas profité, et qui pourraient se trouver grevés. On m'écrit de Francfort qu'une pauvre veuve, affligée de ne pouvoir trouver de quoi payer son contingent, a été accostée par deux chasseurs de l'armée française qui ont été touchés de sa position. Ces braves soldats se sont transportés à la maison commune, et se sont informés de la somme à laquelle cette bonne femme était imposée. Ils y ont appris qu'on lui demandait douze francs, aussitôt ils ont remis cette somme entre les mairis du percepteur. (Vifs applaudissements.)
Ce trait, citoyens, rappelle celui du chevalier Bayard, à l'égard de la veuve de Vérone; je trouve même qu'il le surpasse en générosité, car Bayard rendait aux filles de cette veuve une somme quf lui était remise, et dont il pouvait aisément se passer ; mais ces généreux chasseurs se sont privés de leur nécessaire pour obliger la bonne femme dont je vous ai parlé. (Applaudissements.)
Citoyens, il a été pris en otage à Landau deux magistrats, l'un desquels est un vieillard âgé de 73 ans, père d'un marchand de Bordeaux. Son fils vous prie, par mon organe, de le rendre à sa famille. (Murmures.) :
Un membre demande que le comité de la guerre présente un rapport pour régler le mode par lequel les généraux français imposeront les villes conquises : il demande que ce mode soit établi de manière que la classe indigente des citoyens, les sans-culottes de l'empire soient ménagés.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur cette proposition et sur celle de Rûhl, motivé sur ce qu'elle entraverait les mesures des généraux dans l'échange des prisonniers.)
Les membres du tribunal criminel de Paris, établi par la loi du il août, sont admis à la barre.
Le Président, au nom de tous ses collègues, se plaint d'avoir été calomnié et présente sa justification.
« On nous a, dit-il, accusés à tort, et donné le qualificatif de magistrats sanguinaires alors que nous n'avons fait quappliquer la loi. Mais tout cela sera en vain : nous sortirons de la carrière que nous étions dévoués à parcourir, dignes du peuple, dignes des législateurs, dignes de nous-mêmes. » (Applaudissements.)
Le plus grand malheur dont puissent être accablés les nommes chargés de prononcer sur là vie de leurs semblables, est sans doute le soupçon d'arbitraire et de prévarication. La Convention examinera votre pétition. Elle vous accorde les honneurs de la séance.
Je demande l'impression du mémoire de ce tribunal, qui fait une ombre précieuse au tableau, à l'égard de la Haute-Cour nationale : car il a condamné les grands coupables à perdre la tète, tandis que la Haute-Cour n'en a condamné aucun.
Je ne vois aucune raison de dépenser l'argent du Trésor public à l'apologie d'un tribunal qui, sans doute, n'en a pas besoin. Au reste, il ne me paraît pas qu'il ait répondu à l'inculpation qui lui a été faite par un de nos collègues, d'avoir condamné à mort pour récèle-ment : Je demande l'ordre du jour et le renvoi au comité de législation.
(La Convention passe à l'ordre du jour et ordonne le renvoi au comité de législation.
Une députation des citoyens de la ville de Rennes est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture d'une pétition en faveur de quelques citoyens de Lo-rient, détenus dans les prisons pour avoir massacré le 15 septembre, dans cette ville, un négociant nommé Gérard, prévenu de faire embarquer, sous une fausse déclaration, 42 pièces de canon.
La Convention nationale ne reconnaît de justice que celle qui est faite au nom de la loi. C'est calomnier le peuple que de lui attribuer des excès qui n'appartiennent qu'aux agitateurs et aux perturbateurs du repos public.XaConvention examinera votre pétition; en attendant elle vous invite à sa séance.
Un membre : Le comité de législation est chargé de faire, mardi prochain, un rapport sur cette affaire. Je demande que la pétition lui soit renvoyée et qu'en attendant on passe à l'ordre du jour.
(La Convention adopte cette proposition.)
Une députation des 22 sections de Paris est admise à la barre.
L'orateur de la députationréclame, au nom de la majorité des sections, pour les ouvriers du camp sous Paris.
« Mandataires du peuple , dit-il, vous avez promis aux ouvriers au camp sous Paris de leur donner de l'ouvrage ou du pain. Les sections de Paris attendent que vous réalisiez celte promesse.
« Vingt-deux sections ont signé l'adresse que je vous, présente, vingt y ont donné leur adhésion.
« Législateurs, soyez nos pères ; des pères doivent nourrir leurs enfants. »
Les représentants du peuple sont les pères de 25 millions de citoyens ; c'est entre eux que doit être répartie la fortune de la République.{Applaudissements). La Convention yous invite à sa séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours publics.).
Une députation de la municipalité de Paris est admise à la barre.
Le citoyen Moucher, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Citoyens, le corps municipal a été dénoncé par le conseil général comme coupable d'imprévoyance, d'impéritie, et même d'incivisme. Nous ne confondrons par les amis de la liberté avec des intrigants qui, depuis que les dangers sont passés, sont venus s'asseoir à côté de nous, moins pour partager la gloire de sauver la chose publique, que pour y chercher des bénéfices que plusieurs y ont trouvés. (Applaudissements.) Le corps municipal vient déclarer qu'il lui est impossible de répondre de la sûreté de la chose publique, s'il n'est entièrement maintenu dans les fonctions qui lui sont confiées, non par une section, mais par la Commune entière. C'est le corps municipal qui, le premier des corps administratifs, a donné l'exemple de la publicité de ses séances'; c'est lui qui s'est attaché à combattre sans cesse le conseil général contre-révolutionnaire de 1791. C'est lui qui a été persécuté à l'occasion de la fête de la liberté ; c'est lui qui a partagé, avec Pétion, la reconnaissance publique, pour avoir empêché, le 20 juin, le sang du peuple de couler; c'est lui qui, dans la nuit du 10 août, est venu chercher Pétion aux Tuileries, pour le ravir à la mort qu'on lui préparait. Nous y étions aussi le jour; nous méritons donc d'être comptés parmi les hommes du 10 août ; mais nous laissons à ceux qui sont venus depuis, l'honneur de la journée du 2 septembre. (Vifs applaudissements. ) Bientôt, à la fin de notre carrière, nous déposerons cette écharpe ; si quelques gouttes de sang s'y trouvent, ce ne sera que celui des fonctionnaires qui la portent.
Bidermann, membre de la députation, rend le compte de sa conduite, comme administrateur de la municipalité. Il expose toutes les difficultés qu'on apporte, toutes les entraves qu'on cherche à mettre dans ses fonctions, par des pouvoirs qui se croisent. Il se plaint du compte partiel que le conseil général a rendu relativement à la maison de secours, dont il n'a présenté que l'état passif. Il en donne l'actif, qui s'élève à environ 1,600,000 livres.
Un autre membre de la députation annonce qu'aux termes de l'engagement pris par la municipalité de Paris, le 18 août, de présenter en octobre les rôles de 1792, il vient offrir ces rôles à la Convention.
Il rappelle la demande de la municipalité sur l'adjonction de la petite-poste et du Mont-de-Piété à son administration.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention décrète l'impression de la pétition du corps municipal de Paris et de la réponse du président) (1).
Il y a un objet dans cette pétition relatif à la maison de secours. On
vous a dit que l'actif de cette maison était de 1,620,000 livres, dont
700,000 livres de douteux provenant de quelques marchandises des
colonies; mais ce n'est là qu'une sorte d'aperçu, puisque l'on vient de
vous aire que, depuis le mois d août, c'est le
(La Convention décrète la proposition de Cambon.)
Citoyens, vous savez qu'avant peu le corps municipal doit être complètement renouvelé. Comme la lenteur des élections est toujours dangereuse, je pense qu'il serait bon de faire à Paris ce qu'on fait à Londres. Là, quand on établit une municipalité nouvelle, les livres sont ouverts pour l'élection de la municipalité prochaine. Alors on connaît sans délai le vœu du peuple, dès qu'il est besoin de renouveler la municipalité existante. Je demande que le comité de législation nous présente un mode nouveau de renouveler et d'organiser la municipalité de Paris.
appuie cette proposition.
Et moi je demande qu'elle soit rejetée. J'observe que les sections sont assemblées pour procéder à cette nomination et que si on leur promet un nouveau mode, elles l'attendront et resteront dans l'inaction. D'ailleurs, vous ne devez faire que des lois générales. Je propose la question préalable sur la proposition au Manuel.
(La Convention repousse, par la question préalable, la proposition de Manuel.)
Une députation des citoyens de la section du Marais se présente à la barre.
Target, orateur de la députation, s'exprime ainsr :
Citoyens représentants de la République, la liberté n'est pas un vain nom, l'égalité des droits n'est pas illusoire. Si, dans les temps de révolution, il est quelquefois nécessaire de couvrir la loi d'un voile religieux; quand l'orage est dissipé, la loi doit reparaître dans tout son éclat. Nul n'est esclave quand la loi est obéie; quand elle est méprisée, aucun citoyen n'est assuré de sa liberté. Nous venons vous dénoncer la violation de cette loi dans sa partie la plus importante. Il y est dit, en effet, que tout accuse ou prévenu doit être interrogé dans les vingt quatre heures, que le jour de son arrestation, les pièces doivent être remises, et que l'accusé, s'il y a lieu, doit être renvoyé sous trois jours au directeur du juré. Ainsi le veut la loi; voici maintenant les faits :
Les prisons ont été vidées il y a sept semaines, par une sanguinaire catastrophe ; elles sont déjà remplies. On ne sait sur quels motifs tant de citoyens sont arrêtés ; les écrous ne sont point en règle, et aucune plainte n'a été portée aux tribunaux par les officiers de police. Ainsi les commissaires de la commune réduisent les tribunaux à l'hiaction ; de là vient que les citoyens d'une république sont plus opprimés qu'on ne l'est sous le despotisme. Les ambitieux d'un iour, les déprédateurs qui ne peuvent cacher leurs malversations que dans les troubles, (Applaudissements) saisissent ces prétextes pour faire croire au peuple que la loi est impuissante pour l'égarer, l'agiter et le porter à des excès.
Citoyens représentants, nous vous proposons d'ordonner qu'attendu la nature des circonstances, il sera, dans chaque section nommé, deux commissaires visiteurs des prisons. Nous demandons qu'ils soient chargés de prendre connaissance des noms des citoyens incarcérés, de l'état des écrous et de la manière dont ces prison-
niers sont traités. Nous demandons qu'après avoir rempli celte mission, ces commissaires fassent connaître aux représentants de la République toutes les violations de la loi. ( Vifs applaudissements).
répond au citoyen Target et accorde à la députation les honneurs de la séance.
11 y a un décret du 8 octobre dernier, qui porte que les membres du comité de sûreté générale se diviseront pour aller dans les prisons faire l'examen de toutes les arrestations. Sous peu de jours le comité vous rendra le compte général. Je demande que la pétition lui soit renvoyée.
(La Convention renvoie la pétition des citoyens de la section du Marais au comité de sûreté générale.)
Citoyens, vous voyez qu'on appelle l'ordre et le respect des lois de tous côtés. On vient de vous remettre sous les yeux deux époques bien différentes, le 10 août et le 2 septembre. L'une a fait des héros, l'autre des assassins ; je vais vous lire dans quel état ce triste et funeste exemple a jeté la ville de Lyon. Ecoutez cette lettre que le ministre de l'intérieur vient d'adresser à l'Assemblée :
Paris, ce
« Monsieur le Président (1),
« J'eus l'honneur de vous instruire hier qu'un courrier extraordinaire, envoyé par la munici-
{)alité de Lyon, venait en solliciter le renouvel-ement ; j'annonçais à l'Assemblée l'urgente nécessité de faire droit à cette réclamation ; sans doute, les objets intéressants qui occupèrent la séance d'hier ne vous permirent pas de donner connaissance de ma lettre.
« Je reçois aujourd'hui un second courrier extraordinaire de la même ville; les nouvelles qu'il apporte sont alarmantes : des citoyens égarés ont forcé le lieu où était déposée la guillotine, l'en ont sortie, et ont mis cet appareil sur la place qui est au devant de l'hôtel commun. Ils sont allés de là aux prisons et, après en avoir forcé les portes et arraché 7 détenus, ils les ont conduits à la municipalité, qui malgré ses efforts en a vu périr deux sous ses yeux et n'a pu sauver qu'avec beaucoup de peine les cinq autres.
« La ville de Lyon, Monsieur le Président, est en proie à des agitateurs que la municipalité et les corps administratifs ne peuvent plus contenir. Il faut une autorité supérieure pour y ramener le calme, il faut que la Convention nationale y envoie des commissaires pris dans son sein, qu'elle les investisse des plus grands pouvoirs et que le séjour de ces commissaires y soit prolongé jusqu'à ce que le renouvellement de la municipalité et des corps administratifs doit effectué.
« Sans cette mesurer il paraît impossible de contenir les malveillants.
« Le ministre de l'intérieur,
Signé : Roland.
« Cejourd'hui , vingt-six octobre mil sept cent quatre-vingt douze, sur les dix heures du soir, nous, officiers municipaux, notables et membres de la commune de la ville de Lyon, séance tenante à la maison commune, nous avons vu venir à la maison commune une troupe de gens de tous sexes, armés et non armés, les-
auels sont montés tumultueusement à la salle es séances, ont demandé qu'on leur délivrât là guillotine; nous leur avons représenté que cet instrument de supplices ne pouvait être à notre disposition; ils ont insisté; nous leur avons réitéré les plus vives instances pour les engager à se retirer, ils sont descendus de la salle des séances, en jurant qu'ils l'auraient bien.
En effet, ils sont descendus dans un bas où elle était déposée, ont enfoncé les portes, brisé les barrières et aux acclamations de la multitude qui grossissait, ils l'ont portée au milieu de la place des Terreaux, en face de l'hôtel commun,l'ont établie en protestant qu'ils allaient en faire l'essai de suite; partie de cette troupe est restée en petit nombre auprès de la guillotine; l'autre partie s'est portée aux prisons de Roanne où, après avoir forcé le concierge d'ouvrir les portes, ils ont arraché soit des prisons, soit des cachots, après en avoir forcé les portes, sept prisonniers qu'ils ont traduits à l'hôtel commun.
« Cependant, et dès les premiers instants que l'attroupement a paru dangereux, nous avons invité les administrateurs du département et du district de se réunir dans la salle de nos séances pour aviser, de concert, au parti à prendre dans une circonstance aussi urgente ; le zèle de ces citoyens lésa, sur-le-champ, conduits au milieu de nous ; les réquisitions avaient été données au commandant de la garde nationale, de nombreuses patrouilles faisaient des rondes successives.
« Mais pendant que l'on exécutait toutes les mesures que la prudence pouvait suggérer, nous avons vu arriver la nombreuse troupe, qui s'était portée aux prisons, amener avec eux les sept prisonniers enlevés des prisons de Roanne; aussitôt tous les membres des corps administratifs sont allés au-devant d'eux ; la troupe les a forcés de retourner à la salle" des séances.
« Ni prières, ni représentations, ni le langage expressif de la loi n'ont pu apaiser la fureur ae cette partie du peuple agité; elle a persisté à vouloir les conduire au supplice disait-elle, puisque la justice ne voulait pas les punir.
« Ils 'ont été conduits de force au pied de la guillotine ; les corps administratifs ont redoublé d'instances, de prières, de supplications pour engager cette partie du peuple à les laisser reconduire en prison. La garde nationale cernait l'écbàfaud, présentait un front imposant au peuple agité, l'ordre allait être donné de repousser la violence, lorsqu'enfin cette troupe furieuse s'est rendue aux instances réitérées de ses magistrats, le langage de la loi a triomphé et on a obtenu que les prisonniers seraient reconduits en prison sous la promesse que la justice serait prompte à punir les coupables.
« La garde a emmené les prisonniers qu'une partie de la troupe égarée
accompagnait, aussi
« Dont et de tout ce que dessus a été rédigé le présent procès-verbal, fait et clos dans la séance du conseil de la commune ledit jour, 26 octobre 1792, l'an Ier de la République française sur les quatres heures du matin. .(Applaudissements.)
« Extrait collationné :
' Signé : Teillard, Secrétaire en Vabsence de greffier.
« Pour copie certifiée conforme à l'original :
« Signé : Roland. »
Citoyens, il est temps de punir le crime ; quand on n'a plus de roi, c'est la loi qu'il faut mettre sur le trône, c'est à ses pieds qu'il faut se prosterner pour être libres. (Applaudisements).
Tous ces maux sont l'ouvrage des corn" missaires se disant envoyés par la commune de Paris; (Mouvement d'indignation) ils ont jeté parmi les citoyens les soupçons et les défiances ; ils ont prêché le mépris des lois et des autorités constituées ; et les agitateurs de Lyon sont en correspondance avec les agitateurs de Paris. (L'indignation de l'Assemblée semble s'accroître encore.) Le désordre est à son comble, les massacres se renouvellent; bientôt, peut-être, Lyon sera le repaire des scélérats et le refuge "des contre-révolutionnaires.
Citoyens, je vous en conjure, confiez à des commissaires le soin de rappeler l'ordre et la paix dans cette ville : il est temps que la loi reparaisse, il est temps que la liberté ne soit plus confondue avec la licence, et que le crime soit également puni dans toute la République.
Je propose le projet de décret suivant :
« La Convention nationale décrète que la municipalité de Lyon sera renouvelée sur-le-champ, et avant-les autres corps administratifs; et que des commissaires pris dans le sein de la Convention seront envoyés à Lyon pour y rétablir l'ordre et y faire respecter des lois. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Nous avons fait jurer aux sections du peuple de Lyon, lorsque nous y étions comme commissaires, et elles ont promis de respecter la loi; depuis je n'ai pas connaissance qu'il soit parti des commissaires de la commune de Paris pour se rendre dans cette ville.
(La Convention désigne pour se rendre à Lyon, les citoyens Yitet, Boissy d'Anglas et Delacroix.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre des corps administratifs réunis de la ville et du ci-devant comité de Nice, qui annonce le vœu unanime de leurs concitoyens pour la réunion de leur territoire à la République française et qui sollicitent le grade de maréchal de France pour le général Anselme ; cette lettre est ainsi conçue : « Représentants du peuple, « Nice et sa ci-devant comté sont libres. Un général, l'idole et le père de ses soldats, grand par sa bravoure autant que par sa modestie, a dû gagner tous les cœurs et rendre indissolubles les liens qui uniront à jamais nos frères de la ci-devant comté de Nice aux vertus d'un peuple libre et généreux. Affranchis du joug de l'esclavage, fiers depuis que leurs fers sont bri-
sés, souverains depuis qu'ils ont repris les droits sacrés et imprescriptibles de la nature, hommes enfin, ils veulent et sont dignes d'être Français.
« Ce vœu manifesté avec l'expression de la plus vive sensibilité, avec cet enthousiasme d'une volonté libre et ardente, ce cri unanime et universel : Nous voulons être Français, touche sensiblement nos cœurs. Le serment civique lui succède, tout un peuple élève; il jure union et fidélité à la France ; il nous charge de vous exprimer son vœu.
« Fiers d'être les organes d'un peuple républicain, jaloux de propager des principes qui vont triompher dans l'univers, nous vous offrons l'hommage des citoyens de la ville et ci-devant comté de Nice. Nous vous offrons leur serment d'être toujours Français.
« Représentants d'un peuple libre, daignez les accueillir, daignez les associer à vos illustres travaux, daignez les admettre dans votre sein, daignez les rendre témoins de la valeur et des vertus d'un grand peuple.
« Après l'expression de ces sentiments, il nous reste à vous faire une prière instante, il nous reste à vous porter un vœu bien cher:c'est celui d'une vaste cité, c'est le nôtre. D'Anselme, investi de la confiance publique, entouré d'une grande autorité. Aimé des citoyens et des soldats, son armée triomphera partout des tyrans armés contre la liberté.
« Le grade maréchal de France, dont tous voudraient le voir revêtu, est le but de nos pressantes sollicitations, comme il serait la récompense d'un guerrier qui a bien mérité de la patrie.
« Recevez, représentants de la République, les assurances de notre entier dévouement, de notre ardent amour pour la liberté, le serment que nous faisons de mourir pour la défendre et de conserver une haine éternelle aux orgueilleux, aux tyrans et aux rois. »
« Suivent les signatures. »
Sur la demande d'un titre qui doit être aboli, je propose l'ordre du jour; la République ne peut avoir des généraux qu'en temps de guerre.
Et quand ils rentreront parmi les simples citoyens, en temps de paix, ils traîneront la charrue. (Applaudissements.)
Je demande positivement l'anéan-| tissement du titre de maréchal de France. (Nou-' veaux applaudissements.)
Ajournons cette question jusqu'à ce que nous traitions du Code militaire et de l'organisation générale.
Vous devez vous occuper d'abord de savoir si vous pouvez adjoindre des peuples à votre république. Je demande que l'Assemblée charge le comité diplomatique de lui présenter le mode suivant lequel on réunira à la France les peuples qui en auront manifesté le vœu.
(La Convention renvoie à son comité diplomatique la réunion proposée par les habitants de Nice et passe à l'ordre du jour sur la demande du grade de maréchal de France en faveur du général Anselme.)
Le citoyen Francastel, canonnier du 14 juillet 1789, section du Pont-Neuf, et fabricant des ci-devant ordres de France, se présente à la- barre.
Il apporte à la Convention tous les modèles, poinçons et matrices, formant 569 pièces gravées
sur acier et 1,596 modèles en cuivre et plomb, composant la collection complète de tpus les ordres. 11 demande que tous ces objets soient brisés et employés à l'usage du canon, qui doit servir à charger les ennemis de la patrie, pour leur graver sur la poitrine les croix dont la République les honore.
félicite le donateur de cet acte de civisme et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
, secrétaire, donne lecture ù'une pétition du sieur Pierre-Antoine Coste, négociant à Pontarlier, tendant à obtenir la restitution d'une somme de 800 louis en espèces, arrêtée par les douaniers de Pontarlier et confisquée au profit de la nation.
(La Convention renvoie la pétition au comité de sûreté générale.)
Le même secrétaire annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Tredos de la Roque, de Vitry-le-Français, remet sa croix;
2° Le citoyen Leser de Siougeat, ci-devant commandant de la place d'Hesdin, pour les habitants de Lille, une croix;
3° Le citoyen Forestier, ancien capitaine d'artillerie et chef de la légion dy, district de Gray, une croix ;
4° Le citoyen Boveron Pontignac, chef de légion du district de Valence, département de la Drôme, a fait remettre sa croix ae Saint-Louis.
(La Convention aceepte ses offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Garat, ministre de la justice, entre dans la salle et demande la parole.
La parole est au ministre de la justice.
Garat, ministre de la justice. Les membres qui composent la Convention nationale doivent se rappeler cette conspiration d'un nommé Dusail-lant. A cette époque, un nommé Mounier fut arrêté; on trouva dans ses^ papiers une liste de personnes qui paraissaient tenir à cette conspiration. Elles furent arrêtées et incarcérées. Mais, après avoir supprimé la Haute-Cour, la Convention, par un décret, a renvoyé au comité les questions des procès commencés, et n'a rien prononcé sur les affaires non entamées. Il en résulte que les détenus ne savent plus, à cette heure, par qui ils seront jugés. Sera-t-il organisé un tribunal particulier pour les crimes de lèse-nation? Ou bien ces délits seront-ils, comme les autres, renvoyés aux tribunaux criminels des départements ? Dans cette dernière hypothèse sera-ce l'accusateur public qui sera chargé de cette importante accusation, ou sera-ce un aussi puissant accusateur que le Corps législatif qui continuera ces fonctions?
Ces diverses questions préoccupent non-seulement les détenus, mais elles préoccupent également le ministre de la justice. 11 y a urgence à prononcer à cet égard. Ce n'est pas seulement les départements du Midi qui vous le demandent, mais la France tout entière.
Je demande que vous renvoyez cet objet au comité de législation pour en faire son rapport incessamment.
(La Convention décrète le renvoi.)
La demande du ministre de la justice m'amène à vous faire, à mon tour, une pareille proposition.
Soixante-trois citoyens, prévenus de conspiration, avaient été traduits à Marseille. La Convention avait décrété que le tribunal criminel du département des Boucnes-du-Rhône jugerait ces particuliers. Mais, dans l'intervalle, ils ont été tirés des prisons par les sections du peuple et conduits au pied de l'arbre de la liberté. Là, il a été établi un tribunal populaire qui a prononcé sur les délits de ces prévenus. Ce tribunal a jugé et absous les innocents. Je demande que l'Assemblée déclare si ces particuliers doivent être soumis àiin nouveau jugement.
(La Convention renvoie la question au comité de législation.)
Le citoyen Delaage, adjudant-major du premier bataillon de Mayenne-et-Loire, est admis à la barre, au nom des compagnons d'armes de Beau-repaire ; il s'exprime ainsi (1) :
Citoyens législateurs, je viens, au nom du premier bataillon de Mayenne-et-Loire, mettre sous les yeux de la Convention nationale les manœuvres qu'ont employées les ennemis de la liberté pour enchaîner notre courage dans les murs de Verdun. Nous attendions, pour vous dénoncer les traîtres, le moment où nous pourrions les convaincre. Le soldat français ne combattra jamais les ennemis de son pays, même après leurs perfidies, que. lorsqu'ils seront en état de se défendre.
Maintenant que Verdun est rentré au pouvoir de la France, nous venons remplir un devoir pénible ; nous venons acquitter une dette sacrée. Beaurepaire fut notre commandant, jnais il fut en même temps notre père, notre ami. Des lâches.l'ont forcé de terminer des jours qu'il aurait pu rendre plus utiles à la défense de la patrie : ses enfants viennent vous les dénoncer et vous demander vengeance.
Nous vous dénonçons, citoyens législateurs, nous vous dénonçons les corps administratifs et judiciaires, pour avoir, dans leur délibération du 1er septembre dernier, interprété la loi du 26 juillet et pour avoir forcé le conseil défensif à livrer la place avant que la brèche fût praticable.....Nous les rendons, devant vous, devant la République, responsables de la mort de Beaurepaire et de la reddition d'une place que nous eussions peut-être vu réduire en cendres, mais dont nous eussions pu conserver les murs à la patrie.
Nous vous dénonçons Boussemard, ingénieur en chef, et Vercly, commandant l'artillerie, qui tous deux rassurèrent le conseil défensif sur les préparatifs du siège et lui firent prendre la délibération du 31 août, portant que, d'après leur rapport, la place était susceptible de défense, et qui, le 2 septembre, assurèrent qu'il n'y avait ni cartouches, ni gargousses, ni fusées à bombes, ni mitraille, ni crapauds, ni affûts de rechange, et qu'une longueur de 200 toises de murailles était coupée par des brèches praticables.
Nous vous dénonçons Brunelly, adjudant-ma-jor de place, que Beaurepaire
avait destitué, pour cause d'incivisme, huit jours avant l'attaque et
qui, le jour de la capitulation, arbora à nos yeux la cocarde blanche.
Nous vous dénonçons les deux commandants de la garde nationale, qui ont eu la lâcheté d'escorter le sieur Viart dans l'émeute qu'il avait suscitée, et dont l'exemple entraîna les commandants des gardes nationales des districts voisins, qui s'étaient jetés dans la place pour la défendre et qui, réunis avec les habitants, formaient un corps de plus de 5,000 hommes qui menaçaient de tourner leurs armes contre l,o00 volontaires seulement, qui formaient toute la garnison,
Nous vousjdénonçons Piehon, commissaire des guerres, qui, malgré les ordres réitérés de Beau-repaire, ^ne lit approvisionner Ja citadelle que la veille du bombardement et qui, au lieu de déposer les munitions dans les casemates qui y étaient destinées, les fit placer dans un grenier qui, dans la nuit, fut percé par trois bombes et qui ne fut préservé de l'incendie que par notre vigilance.
Nous vous dénonçons Nayon, lieutenant-colonel du second bataillon de la Meuse, qui n'avait pas eu le courage, pendant la vie de Beaurepaire, de prendre le commandement de la place, que lui assignait son droit d'ancienneté, et qui ne se nble l'avoir pris après sa mort que pour la livrer à l'ennemi; nous vous dénonçons Nayon, qui a arboré la cocarde blanche le jour de "la capitulation, qui, quelques jours après, commandait au nom du roi de Prusse dans un village voisin, et qui, lorsque le bataillon de Mayenne-et-Loire avait juré de .venger la mort de Beaurepaire ou de s'ensevelir comme lui sous les ruines de la citadelle, lui envoya, par trois ordonnances consécutives, l'ordre de cesser son feu et défense de tirer sur l'ennemi.
Voilà, citoyens législateurs, voilà les crimes que vous avez à punir : ils sont accompagnés de circonstances dont nous déposerons les détails sur le bureau, pour ne pas abuser de vos moments. Vous avez à venger l'un des plus zélés défenseurs delà liberté : la France attend votre jugement, et les volontaires de Mayenne-et-Loire le sollicitent.
Trahi par tous les chefs de l'état-major, abandonné par les habitants d'une cité indignedu nom français, Beaurepaire e&pérâit encore conserver à sa patrie la citadelle qui lui avait été confiée; il était du moins déterminé à périr honorablement sur la brèche avec le bataillon de Mayenne-et-Loire.
« Dites à votre maître (répondait-il encore à l'officier parlementaire la veille de sa mort) que si, dans 1 assaut, nous sommes forcés de céderau grand nombre d'assaillants, nous connaissons les magasins à poudre; et nous ouvrirons le tombeau des vainqueurs dans le champ même de la victoire. » ( Vifs applaudissements.)
Cette réponse hardie étonna les traîtres, mais ne les déconcerta pas : elle leur apprit qu'ils n'avaient pasde temps à perdre pour consommer leur trahison; et bientôt ils se dévoilèrent. Les choses étaient a i point qu'il ne nous restait plus qu'un seul parti à prendre, celui que nous
inspirait notre courage. Beaurepaire nous assemble : il nous peint la lâcheté des habitants, l'impossibilité de tenir à la fois et contre eux et contre les assiégeant ; il nous rend compte des dispositions du conseil défensif, qui paraissait prêt à ouvrir les portes ; il nous propose de passer au' milieu du camp ennemi et de vendre chèrement notre vie, ou de périr au champ de l'honneur. Nous ne vous dirons pas que cette proposition fut accueillie avec enthousiasme : quand on a juré de vivre libre ou de mourir, on ne connaît point de danger, et Beaurepaire marchait à notre tête. (Applaudissements.) Déjà nos dispositions étaient faites pour sortir par la porte du Secours, en appuyant notre gauche sur la Meuse, et protégeant notre droite par notre artillerie de campagne. On remet à Beaurepaire un billet de la main d'un des membres du conseil défensif, par lequel le général prussien était averti de surveiller la porte du Secours, parce que cette porte était la seule qui pût favoriser notre sortie. Plusieurs d'entre nous ont vu ce billet. 11 ne tenait qu'à Beaurepaire de convaincre le traître et de le faire arrêter ; en vain l'en avons-nous sollicité : toujours grand, toujours généreux, il s'arrache à nos sollicitations et rentre au conseil. Depuis ce moment, abandonnés à nous-mêmes, nous n'avons appris sa mort que par les ordres de l'infâme Nayon, qui venait de signer le capitulation.
Nous ne retracerons point ici des images qui affligeraient vos cœurs : Beaurepaire n'est plus; réduits à d'impuissants et inutiles regrets, nous nous sommes estimés heureux d'emporter sur la terre de la liberté les restes d'un grand homme qui nous est cher à tant de titres. Nous avons devancé l'honorable décret par lequel vous avez essuyé nos larmes. Vous avez rendu à sa mémoire ce que lui devait la patrie reconnaissante, mais il n'est pas encore vengé.
Justice I citoyens législateurs, justice pour lui, justice pour nous! et que l'Europe apprenne que nous n'étions pas-indignes d'être les compagnons d'armes de Beaurepaire. (Applaudissements.)i
,répondant a la députation. « Citoyens, vos bras ont été enchaînés, mais votre âme républicaine n'a pu l'être. Recevez, dans les témoignages de satisfaction que la Convention donne à votre récit, la marque certaine de l'estime de vos concitoyens. La Convention prononcera, d'après sa justice, contre ceux qui ont lâchement trahi la liberté.
« Pour vous, citoyens, vous avez servi deux fois la patrie : en vous consacrant à sa défense et en lui dénonçant ceux qui l'ont osé trahir^ (.Applaudissements.)
« Je vous invite à la séance.
Un membre : Je demande l'impression de celte adresse et de la réponse du président.
Un autre membre : Je .demande que le nom du capitaine qui l'a présentée soit inscrit au procès-verbal avec mention honorable.
(La Convention ordonne l'impression de ce discours et dé la réponse du président et que le nom du citoyen Delaage soit inscrit sur le procès-verbal avec mention honorable.)
Un membre annonce] qu'il a entre ses mains un mémoire contraire en faits avec l'adresse du bataillon de Mayenne-et-Loire. 11 demande le renvoi de l'adresse et du mémoire au comité de surveillance, où le général Dillon remettra, dit-il, des pièces à l'appui de ce mémoire.
Que Dillon se justifie d'abord lui-même avant de justifier les autres. (Applaudissements des tribunes.)
(La Convention prononce le renvoi.)
Le citoyen Salvert, ancien militaire, se présente à la barre.
Il expose son passé militaire et rend compte des 18 années de services qu'il a passés à servir son pays. Il demande qu'il lui soit assigné un poste où il puisse être encore utile et qui lui fournisse des moyens de subsister.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours publics.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Dumouriez, qui adresse au ministre de la guerre une lettre du général Omoran, commandant à Condé, qui lui annonce que son aile droite a été attaquée et que les ennemis ont été repoussés avec perte.
Suit la teneur des deux lettres :
« Paris, le
« Le ministre de la guerre, au président de la la Convention nationale.
« Je m'empresse, citoyen président, d'adresser à la Convention nationale les détails que je reçois en en ce moment du général Dumouriez, sur une petite affaire qui a eu lieu entre une partie des troupes, aux ordres du lieutenant général Omoran, et les Autrichiens, dans laquelle ces derniers ont été repoussés avec perte.
« Signé : Pache. »
Copie de la lettre écrite au général Dumouriez
par le lieutenant général Omoran, commandant
à Condé.
Bon-Secours, le er de la République française.
« Je m'empresse, mon cher général, de vous faire part de mon succès. Mon aile droite a été attaquée. J'étais dans ce moment à l'aile gauche à faire mes dispositions. Je suis accouru, j'ai chassé l'ennemi. Ça été aux cris réitérés de : Mve la nation ! que j'ai tiré grand parti de mon monde.
« Si ma santé me le permet, je rendrai, j'espère, tous ces jeunes gens bien belliqueux.
ii Je dois aussi vous dire, mon cher général (si vous croyez qu'il y ait quelque mérite), que j'ai fait ramasser quelques-uns ae leurs blessés, que j'ai fait placer sur des charrettes et conduire à Condé. il ne doit pas y avoir de nation plus généreuse que la nation française.
« Mon aide de camp a reçu une contusion à la poitrine, et le citoyen Patar, commandant de l'artillerie, dont je ne puis vous dire assez de louanges, une à la jambe.
« J'aurai la demande d'une place d'officier à faire pour un dragon du 17e régiment, qui a été grièvement blessé àcôté de moi. Je le pleurerais amèrement s'il devait en mourir, car je donnerais mon sang pour les braves gens de son espèce. (Applaudissements.)
« Le lieutenant général employé, « Signé : omoran. » « Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
( La Convention renvoie ces deux lettres au comité de la guerre.)
Le citoyen Roussel, ex-ecclésiastique, accompagné de son épouse, se présente à la barre.
II réclame le payemeut des arrérages de son traitement, qui lui ont été refusés, sous prétexte qu'il a tardé à prêter son serment et que, par conséquent, il se trouvait dans le cas prévu par la loi au mois d'août dernier; il proteste de son civisme et énonce les preuves multipliées qu'il en a données.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je convertis en motion la demande de Roussel. Lorsqu'un prêtre se marie, il avance les mœurs publiques, il donne une preuve de son civisme et cet acte vaut tous les serments.
Garat, ministre de la jiistice. Je prie l'Assemblée de m'accorder la parole sur cet objet. Le citoyen Roussel a produit toutes les pièces justificatives de son attachement à la cause de la liberté et de son zèle ù le défendre. Dès la commencement de la Révolution, dans le temps où il y avait du courage à le faire, il a bravé les persécutions des prêtres fanatiques, en propageant les principes de la Révolution. Le citoyen Roussel s'est encoré montré le défenseur ardent de la vérité, en ne voulant pas obtenir son traitement au prix d'une dissimulation. Le citoyen Roussel a prêté tous les serments exigés des citoyens, et la maladie de son épouse a seule pu l'empêcher de satisfaire à la rigueur de la loi.
Vous avez rendu un décret qui qui ordonne que tous les ecclésiastiques non employés ne recevront point leur traitement d'avance, et si vous accordiez la demande qui vous est faite, vous rétabliriez les privilèges du clergé qui ont été si justement abolis. J'entends demander des privilèges- pour des prêtres et je n'entends p oint parler des invalides : ceux-ci sont pères de famille et leurs droits à votre bienfaisance sont incontestables. Je demande la question préalable sur la proposition. (Applaudissements.)
Cambon est dans l'erreur. Le pétitionnaire ne demande point de privilèges, il sollicite des arrérages qui lui sont légitimement dus. Le traitement qu'il a réclamé, lui a été refusé, parce que le directoire de son département l'a cru mauvais citoyen : il a bien fait; mais tout prouve, et le ministre vient de vous en convaincre,que le citoyen Roussel a constamment été animé d'un patriotisme pur, qu'il en a professé les principes au moment où des agitateurs calotés s'efforçaient d'en arrêter les progrès. Je demande donc que vous passiez à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi du mois d'août ne peut lui être appliquée.
(La Convention ordonne que le traitement du citoyen Roussel lui sera acquitté.)
Le citoyen Mille, ancien curé et vicaire métropolitain, est admis à la barre.
Il fait hommage à la Convention d'un discours républicain, prononcé le 21 octobre 1792, à l'occasion du Te Deum chanté dans la métropole de Paris, en actions de grâces des heureux succès des armées françaises.
remercie le donateur et lui accorde les honneurs de la séance.
(LaConvention ordonne la mention honorable.)
Un autre pétitionnaire se présente à la barre.
Il présente des vues sur les subsistances.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention ordonne le renvoi de cet exposé aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
a la séance de la convention nationale du
Lettre de M. Miser, officier français, du rassemblement de M. de Condé, à MM. les secrétaires de la Convention nationale (2).
« Messieurs,
« Nous avons lu avec la plus grande attention votre décret relatif aux émigrés, inséré au Moniteur du 10. Nous y avons vu que tout émigré, pris les armes à la main, sèrait condamné à mort; la même peine est portée contre tout émigré pris et convaincu, à la décision de cinq personnes choisies par l'état-major de l'armée, d'avoir servi contre la France.
« Votre intention est d'être justes : une loi peut-elle avoir un effet rétroactif? et doit être claire. Un nombre considérable de Français attend la décision et l'éclaircissement de ce décret pour rentrer d'après les moyens que l'explication de votre décret leur laissera.
« Voici donc les questions que nous osons adresser aux représentants .de la République; lorsque nous nous sommes émigrés, la France avait un roi, et le serment que nous lui avions fait nous liait, à ce que nous pensions, jusqu'à ce que le peuple eût clairement manifesté son vœu; il ne l'a pu que lorsque la Convention nationale a été élue, puisqu'alors, dans les assemblées primaires, l'on a su l'objet précis qu'elle devait traiter ; de ce moment, nul doute que le peuple existant avant le souverain et ayant avec lui un traité, dès qu'il y a manqué, il est libre; le peuple en a usé et alors chaque membre de la grande famille doit se soumettre au vœu général; voilà quelle était notre position, la plupart obligés de fuir parce que, faisant partie d'une caste, qui n'a, il est vrai, jamais existé dans la nature, avait des préjugés de naissance, toujours difficiles à vaincre, s'était attiré la haine du peuple et s'était vu menacer; elle ne s'est pas cru en sûreté, elle a fui. Bercée par des folliculaires qui ont péri, elle s'est rassemblée près des frères de son roi, elle a cru qu'elle servait son roi et le peuple.
« Depuis qu'elle est sur les bords du Rhin, elle a été à même de lire les feuilles qui ont instruit le peuple;elle a vu les machinations de la cour, elle est rentrée en elle-même, mais au moment où elle se disposait à revenir dans sa patrie, où elle appréciait le mot liberté, a paru votre décret ; elle a été désespérée et c'est ce désespoir qui, aujourd'hui, se fait entendre. Ecoutez la voix du repentir, ce sont vos frères
qui espèrent que vous les recevrez repentants et plus attachés, s'il est possible, que ceux qui n'ont pas failli; ils ont à réparer, et ils répareront soyez-en sûrs; d'ailleurs, obligez-les à se présenter dans leurs municipalités toutes et quantes fois vous le voudrez jusqu'à ce qu'ils aient mérité de leurs concitoyens d'être unis à eux pour la défense de la grande famille. S'ils ont cru devoir être fidèles à un roi qui accablait son peuple, combien ne le seront-ils pas davantage à un peuple qui a rappelé chez lui le temps du bonheur, car la nature répugne à l'esclavage, tout l'appelle à la liberté !
« Que nous puissions donc voir encore un délai à votre décret; veuillez nous donner un terme, si court que vous le voudrez; que'vos décrets bienfaisants rappellent dans des cœurs repentants l'espérance et la joie; qu?il soit dit, par un décret explicatif, que ceux mêmes qui ont servi dans les rassemblements des princes et qui ne sont point rentrés sur le territoire français pourront revenir dans tel temps, sans être sujets à aucune peine en, par eux, se présentant à leurs municipalités, et qu'ils soient admis à faire service dans la garde nationale, ou même jusqu'à ce qu'on soit certain de leur repentir, obligés d'entretenir un ou deux gardes nationaux, et ce suivant leurs moyens.
« Vous rendrez la vie et le bonheur à ceux qui vous jurent une fidélité et un respect qui ne finiront qu'avec leur vie, et qui vous prient de présenter leur respectueuse adresse à la Convention nationale.
« J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé : Miser, « Officier français au rassemblement de M. de Condé. »
Séance du
présidence de guadf.t, président, et de pétion, ancien président.
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de deux commandants du quatrième bataillon du département de la Haute-Saône, qui écrivent à la'Convention nationale que les soldats de ce bataillon ont consacré deux journées de leur,paie, pour le soulagement de leurs frères d'armes de la ville de Lille. (Applaudissements.)
(La Convention ordonne la mention honorable.)
Le même secrétaire présente l'analyse d'un grand nombre d'adresses de conseils d'administration de départements, de districts et de communes, de tribunaux et de sociétés des amis de la liberté et de légalité, qui portent toute l'adhésion la plus entière au décret qui a établi la République en détruisant la royauté.
Ces adresses sont celles :
1° Des administrateurs des départements de la Vienne, des Basses-Pyrénées, et des Basses-Alpes ;
2° Des districts de Clermont (département de l'Oise), de Montlieu, Alais, Strasbourg, Crest, Mar-
tigues, Marennes, Lunéville, Arbois, Bar-sur-Aube ;
3° Des conseils généraux du district et de la commune de Montmorillon;
4° Des administrateurs du district de la Guerche, du conseil général de la commune, des juges du tribunal, du juge de paix et son gref/iier, et des citoyens composant le conseil d'administration de la garde nationale de eette ville ;
5° Des administrateurs composant le conseil général du département du Norq;
6° Du conseil général et de la Société de amis de la République de la ville de Saint-Pol, département du Pas-de-Calais ;
7° Des conseils généraux des communes de Li-moux, 'd'Hesdin, d'Avranches, Soliés, Landau, Ca-rignan, Authon, Fontainebleau ;
8° Des communes de Paillet, Tonneins, Montmorency, Cuisery, Vezelise, Monter eau, Laon et Pau ;
9° Des membres composant le bureau d'administration de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône;
10° Du conseil général de la commune de Saint-Florent-le-Viel; des citoyens de Raye (Département de la Gironde), dePertuis, Aurai, Montbar, Péronne, Toulouse, Tonneins, Pont-de-Vaux, Lorient, Gui-nes, Mathas, Lormes, Brêmont, Agde, Bar-sur-Seine ;
11° De plusieurs citoyens de Lyon et de Bourbon-Lancy, qui prend le nom de Bellevue-les-Bains ;
12° Du tribunal du district de Soissons ;
13° Du tribunal du district de Castel-Sarrasin, et des commissaires réunis pour l'organisation des districts de Vaucluse et Louvèxe.
(La Convention ordonne la mention honorable de ces différentes adresses.)
La commune de Montréal, district de Condom, département du Gers, m'a chargé de déposer sur le bureau de la Convention nationale, son adhésion la plus formelle au décret qui abolit la royauté ; elle s'exprime ainsi :
« Le peuple souverain, indigné de la perfidie de Louis Capet, a désiré l'abolition de la royauté; vous l'avez prononcée, vous avez rempli votre devoir. »
Je ne puis passer sous silence une circonstance qui me paraît remarquable, et qui peut-être sera digne de mériter votre approbation: les citoyennes de ce petit village, accourues pour entendre lire l'adresse qu'on vous envoyait, ont demandé d'être admises à la signer, et elles vous disent avec l'enthousiasme du patriotisme, qu'ayant vu partir d'un œil sec leurs époux, leurs enfants et leurs frères pour l'armée, lors même qu'il y avait un roi parjure à la tête de nos forces; jugez, disent-elles, de notre contentement, lorsque nous avons appris que ce que nous avons de plus cher, va désormais combattre pour le bonheur de la République, car nous aussi nous étions républicaines avant le 10 août.
La même commune a pris un arrêté en conseil général, pour vous inviter de vous occuper le plus promptement possible de l'instruction publique. Ces citoyens patriotes pensent que l'instruction du peuple est la première sauvegarde des lois, et le seul moyen qu'il y ait pour anéantir les tyrans.
La commune de la Graulet, même district et même département, vous dit à peu près les mêmes choses. Je dépose ^ur le bureau toutes
ces adresses; mais je demande que la Convention nationale, satisfaite du zèle et du patriotisme des citoyennes de Montréal, en décrète la mention honorable.
Je pourrais même ajouter que ce petit village, quoique très peu fortuné, a fourni, lors de la formation des bataillons de volontaires gardes nationaux, une compagnie complète. On doit tou-t cela à l'énergie des citoyens patriotes et à la pusillanimité des gentillâtres de ces contrées qui ont tous émigré.
(La Convention ordonne la mention des adresses des communes de la Graulet et Montréal.)
Un membre, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à accorder un secours provisoire de 600 livres au citoyen Lefebvre, père de douze enfants actuellement aux frontières; il s'exprime ainsi :
Vous aviez, citoyens, renvoyé à votre comité de secours publics une pétition présentée par le citoyen Lefebvre (1), vieillard, âgé de 86 ans, qui, après avoir servi dans les dernières guerres de l'ancien régime, avait obtenu une modique pension de 500 livres, sur la cassette du ci-devant roi. Depuis la journée du 10 août cette pension ne lui est plus payée.
Lefebvre est père de 12 enfants; 10 servaient déjà dans les troupes de ligne, lorsque les dangers de la patrie, devenus plus imminents par la reddition de Longwy et de Verdun; il est venu offrir ses deux derniers enfants pour la défense de la liberté.
Ce vieillard est très pauvre, et, pour cause d'infortune, il est malade depuis 15 jours.
Pour toutes ces raisons, votre comité a décidé de prendre en considération la demande du pétitionnaire. Il a pensé qu'il serait juste de lui faire payer, sur les 2 millions accordés par la loi du 22 août 1790, une somme de 600 livres par forme de secours provisoire. Il a décidé, en outre, de vous proposer le renvoi de la pétition au comité de liquidation, pour vous présenter incessamment un projet de décret sur la pension à accorder, tant au citoyen Lefebvre, qu'à son épouse.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics;
« Décrète qu'il sera payé, sur les 2 millions accordés par la loi du 22 août 1790, au citoyen Lefebvre, père de 12 enfants, qui sont actuellement sur les frontières, au service de la patrie, une somme de 600 livres par forme de secours provisoire.
« Renvoie au surplus la pétition du citoyen Lefebvre à son comité de liquidation, pour lui présenter incessamment un projet de décret sur la pension à accorder, tant au citoyen Lefebvre qu'à son épouse ».
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Citoyens, vous n'ignorez pas que par suite de l'option de plusieurs de
nos collègues, élus en même temps à deux ou plusieurs comités, un bon
nombre de nos commissions se trouvent sinon désorganisées, du moins fort
incomplètes. Il en résulte un certain désarroi dans les affaires en
cours et par suite un retard assez accentué dans la mise au point des
rap
Je vous propose de décréter qu'il sera fait, ce matin, une liste de'candidats pour le complément du comité de liquidation et qu'il ^sera procédé au scrutin pour la nomination des onze membres qui manquent.
Je vous propose de décréter aussi que les membres des autres comités indiqueront ce matin le nombre qui manque dans chaque comité incomplet afin qu'il soit procédé au scrutin pour la nomination des membres de supplément.
(La Convention adopte la proposition de Gos-suin.) - . Suit le texte définitif du décret rendu : « La Convention nationale décrète qu'il sera fait, ce matin, une liste de candidats pour le complément du comité de liquidation, et qu'il sera procédé au scrutin pour la nomination des onze membres qui manquent - décrète aussi que les membres des autres comités indiqueront ce matin le nombre qui manque dans chacun desdits comités, qu'il sera fait une liste de candidats pour chaque comité incomplet, et procédé aux scrutins pour la nomination des membres de supplément. »
,secrétaire, donne lecture d'une adresse des députés du conseil général de la commune de Lorient (1), qui demandent à rétablir la vérité des faits relatifs à l'assassinat de Gérard, et adresse les copies de deux lettres des administrateurs du département du Morbihan sur le même objet :
Suit la teneur de ces pièces :
« Citoyens législateurs, députés vers vous par le conseil général de la commune de Lorient pour restituer la vérité des faits relatifs à l'assassinat de l'infortuné Gérard, notre premier soin fut de vous présenter un mémoire, le 18 de ce mois (2), dans lequel nous nous bornâmes au récit simple et vrai de ce malheureux événement et des circonstances qui l'accompagnèrent.
« Le rapport que le citoyen Lequinio vous a fait de cette affaire est
faite (3). Ce député à la Convention nationale avait été induit en
erreur par un défenseur officieux des fauteurs d'un grand crime, et par
des personnes intéressées à les représenter comme des gens égarés, mais
non coupables, d'avoir fait justice par eux-mêmes d'un mauvais citoyen,
d'un traître à sa patrie. Par un zèle indiscret, le citoyen Lequinio
flétrit publiquement la mémoire d'un innocent, et calomnia sans le
savoir une municipalité et des citoyens, qui, depuis le premier instant
de la Révolution, n'ont cessé de mériter de la patrie par des services
en tous genres non interrompus jusqu'à ce jour. Il devait au moins
attendre, avant de vous faire son rapport sur une affaire de cette
nature, des détails officiels, de la part, soit du département, qui
avait envoyé un commissaire sur les lieux pour prendre des informations,
soit du district, dont deux membres s'étaient joints à la municipalité
le matin du iour ou Gérard fût sacrifié, soit de la municipalité
elle-même.
« Deux mémoires viennent de paraître : l'un souscrit du citoyen Lequinio, et l'autre de la citoyenne La Cour.
« Le citoyen Lequinio semble révoquer en doute les faits dont nous avons prouvé l'authen-cité : il qualifie la justification de la municipalité de Lorient de cause des riches, c'est-à-dire ae l'aristocratie d'argent contre les pauvres, et persiste à vouloir faire croire Gérard réellement coupable. Ici nous sommes obligés de nous répeter.
« Gérard avait reçu en juin et juillet trente-quatre caisses, qu'on lui annonçait contenir des armes; et en septembre huit caisses ou colis, qu'on lui avait marqué contenir de la quincaillerie, suivant les lettres d'avis des expéditionnaires, jointes aux pièces justificatives de notre premier mémoire, et déposées entre les mains au président du comité de législation.
caisses
d'armes, de quincaillerie.
« Le 18 juin époque de la première réception, Gérard fit déclarer à la douane et prit un permis de charger pour les colonies françaises, d'après celui donné par la municipalité, vingt-six caisses, contenant ensemble 650 fusils, ci...... 26 »
« Le 26 juillet suivant autre déclaration, il chargea huit caisses, contenant 200 fusils, ci........... 8 *
« Enfin le 14 septembre il fit faire la déclaration de charger, et char-gea effectivement huit caisses ou colis, contenant quincaillerie, ci.. » 8
Total des déclarations et chargements, conforme aux avis reçus, ci................... 34 , 8
« Gérard avait pu charger des armes pour les colonies de laJlépublique avant le 22 août, date du décret qui en prohibe absolument la sortie de France. C'est ici le lieu d'observer que Gérard ne recevait ces caisses qu'en passe-debout, et qu'il n'était pour rien dans cet envoi. .
« La veille, le jour de la fin tragique de notre concitoyen et jours suivants, la municipalité fit décharger le navire la Bellone, et transporter à l'hôtel commun, entre autres objets, ceux chargés par Gérard. On fit fit publiquement l'ouverture et la vérification des caisses; et il fut reconnu que, des vingt-six caisses déclarées le 18 juin, vingt-quatre seulement contenaient six cents fusils, et les deux autres de la quincaillerie, ci (à reporter)................ 24 2
caisses
d'armes, "de quincaillerie.
Ci............................ 24 2
« Que les huit caisses, chargées le 26 juillet, contenaient deux cents fusils, ci......................... 8 »
« Et que, sur les huit dernières caisses ou colis, déclarés et chargés le 14 septembre sous le titre de quincaillerie, suivant les avis , six seulement contenaient de la quincaillerie, et deux cinquante fusils, ci......................... 2 6
Total.................. 34 8
« De tout ce détail, il résulte que Gérard n'avait chargé que trente-quatre caisses d'armes, conformément à ses déclarations de juin et juillet; qu'il y a erreur sur les dates et sur les marques ; que cette erreur provient des expéditionnaires, qui, sur le premier envoi, ont annoncé vingt-six caisses d'armes, au lieu de vingt-quatre, et, sur le dernier, huit caissbs de quincaillerie, au lieu de deux caisses d'armes et six de quincaillerie.
« Gérard est innocent. Pour le faire croire coupable on lui suppose cent mille livres de rentes. Quelle est donc cette logique...? La loi n'est-elle donc pas le sauvegarde de tous les citoyens, dans quelque classe qu'ils se trouvent placés ? Gérard était aisé, n'était pas riche; il ne devait cette aisance qu'à son industrie, à la réputation d'honnête homme dont il jouissait. Bon citoyen, bon fils, bon père, bon ami : il fit les plus grands sacrifices depuis le commencement de la Révolution jusqu'au jour de sa mort. Ce fut ce même Gérard qui, en 1789, proposa et fournit gratuitement des fusils d'armement aux citoyens de Lorient à la première nouvelle de la Révolution.
« Le 14 septembre 1792 le crime était encore inconnu à Lorient. La loi avait toujours été respectée; la tranquillité publique et le bon ordre y étaient maintenus, malgré les intrigues et les cabales des agitateurs, toujours déjoués par la prudence d'une municipalité entourée de la confiance, du zèle et de l'activité des bons citoyens de toutes les classes. Lorient est le dépôt de grandes richesses : la République y a une propriété de plus de 60 millions, et le commerce de France a toujours existant dans ses magasins pour 50 millions de marchandises.
« Certes, dans un lieu où des étrangers et des hommes de tous états affluent continuellement de toutes parts, il a fallu une grande surveillance pour le maintien de l'ordre et celui du respect dû aux lois dans des temps difficiles.
« Si le citoyen Lequinio eût assisté à la dernière audience que nous accorda le comité de législation, il n'aurait pas persisté dans l'erreur où il paraît être encore sur l'innocence de Gérard et la bonne conduite de la municipalité de Lorient : il serait convenu de la nécessité dans laquelle se trouvent les citoyens de toutes les classes de la ville que nous représentons de réclamer l'exécution des lois. La suspension de leur activité, dans la circonstance, pourrait attirer les plus grands malheurs, et occasionner le désordre le plus affreux dans un département dont les habitants, dans les campagnes, sont
toujours prêts à seconder les instigations du fanatisme et de l'aristocratie, et dont l'administration laborieuse et active eût été perpétuellement traversée et entravée, si elle n'eût toujours reçu à sa première demandeles secours les plus prompts et les plus efficaces d'une ville qui fait toute sa force.
« Répondant à l'inculpation d'aristocratie d'argent que fait le citoyen Lequinio contre ceux des citoyens de Lorient à qui il suppose de grandes richesses, nous dirons que, si nous avons toujours tendu une main secourable à l'indigent, de quelque pays qu'il ait été, si nous avons protégé spécialement et alimenté la veuve et l'orphelin, si notre contribution patriotique s'est élevée à plus que les trois quarts de nos facultés réelles, si, jusqu'à ce moment, nous avons pourvu par l'avance gratuite de nos fonds à l'achat des grains nécessaires à l'approvisionnement de notre ville, si nous n'avons pas fatigué de nos demandes de secours les assemblées constituante et législative, si outre plus de 80d hommes sortis de notre ville, enrégimentés, tant dans les troupes de ligne que dans la garde nationale soldée au besoin desquels nos concitoyens ont généreusement pourvu, ils ont encore équipé complètement à leurs frais une compagnie de chasseurs volontaires de 150 hommes, composée de l'élite de leurs enfants, à qui ils fournissent un supplément de solde; nous devons croire que l'inculpation tombe d'elle-même, et nous flatter que tous ces faits, que nous ne révélons ici que pour nous montrer tels que nous sommes, nous méritent l'estime de la patrie.
« C'est autant d'après le vœu de la Société des amis de la liberté et de l'égalité, manifesté dans son adresse du 11 de ce mois au président de la Convention nationale, que d'après celui des citoyens de toutes les classes, exprimé dans leur lettre au ministre de l'intérieur, dont nous avons déposé le duplicata entre les mains du président du comité de législation, que nous persistons à demander la question préalable sur toute pétition tendant à suspension de la procédure contre les prévenus de l'assassinat Gérard. Nous respectons trop la douleur que doit avoir la citoyenne La Cour, pour répondre aux mémoires souscrits par elle et rédigés par ses défenseurs officieux.
«Au surplus nous avons rétabli les faits dans toute leur vérité ; et pour que la Convention puisse se le persuader de la manière la moins équivoque, nous demandons qu'elle nomme des commissaires pris dans son sein, qui se rendront à Lorient et qui y prendront toutes informations « Les députés du conseil général de la commune de Lorient près la Convention nationale.
« Signé : Puchelberg, j. Garnier, Godin, Cosson, Deschiens. »
Paris, le
Suit la copie de la lettre des administrateurs du département du Morbihan aux députés de la commune de Lorient à Paris.
Vannes, le
« Nous avons reçu, citoyens, votre lettre du 20 et le mémoire y joint relatif à l'affaire Gérard. Nous partageons votre indignation, et vous en aurez une preuve bien complète dans la copie que nous vous remettons de l'adresse que nous
avons présentée à la Convention à l'occasion de cette affaire.
« Que pouvions-nous vous dire sur l'inculpation d'incivisme faite à la ville de Lorient ? Il n'est donc point de cité patriote, et de vils calomniateurs parviendront à travestir en crime les
vertus du citoyen.....Courage, concitoyens; votre
cause est celle de la République; poursuivez-la, le succès vous attend, ou il faut désespérer du salut de l'Etat.
Les administrateurs composant le directoire du département du Morbihan,
« Signé : Faverot, Bigarré, Bosquet, Danet l'aîné, Gaillard, procureur général syndic. »
« Certifié conforme à l'original resté entre nos mains, par nous députés du conseil général de la commune de Lorient près la Convention nationale.
« A Paris, le 26 octobre, l'an I8r de là République.
tt Signé : puchelberg, godin, deschiens, Cosson, J. Garnier. »
Adresse des administrateurs du département de Morbihan sur le meurtre de Gérard.
Vannes, le
« Citoyen président,
« Plus à portée de juger les événements de la ville de Lorient que nos concitoyens les députés du département du Morbihan, nous sommes loin de partager leur opinion sur la journée qui a vu.périr Gérard sous le fer de ses assassins. Le citoyen Lequinio a dit, dans l'assemblée de la Convention nationale, que Gérard était coupable ;-mais où sont les preuves de cette assertion ?.
« Nous qui sommes sur le terrain; nous, que la plus vive inquiétude a portés à la suite des faits, et qui les connaissons par mille et mille rapports, nous n'avons dû ajouter foi et nous n'avons cru qu'au procès^verbal de la municipalité de Lorient, que nous nous sommes fait représenter. Et qu'en résultera-t-il donc qui ait pu motiver l'opinion de la députation de Morbihan?
« Gérard a dû envoyer 26 caisses de fusils au mois de juin dernier. Une erreur fut commise alors ; on n'en embarque que 24 avec 2 caisses de quincaillerie. Les deux caisses de fusilfe, réputées quincailleries dans le magasin de Gérard, se sont retrouvées, et ont été embarquées avec ' une déclaration analogue à l'erreur où il paraît qu'on était.
« Mais, fût-il coupable ce Gérard, que nous ne croyons que malheureux, était-ce au peuple à le juger, à l'exécuter?
« La loi était là pour en faire justice, et le peuple n'est pas l'instrument de la loi.
« On a proposé à la Convention une amnistie sur cette scène d'horreur ; en d'autres termes on lui a proposé le décret d'anarchie universelle. Oui, citoyen président, si la sagesse de l'Assemblée était séduite par une telle proposition, quelque couleur qu'on lui donne, le sol de la France serait bientôt désert.
« La loi a ses ministres dans un Etat bien gouverné; et si un groupe altéré de sang se met à la place des ministres de la loi, la République sera bientôt dissoute. « La faveur que méritent les événements relaie Série. T. LI1I.
tifs à la Révolution du 10 août n'a point de rapport avec l'assassinat de Gérard, ou bien vous décréterez que tous les crimes trouveront protection dans le temple de la loi.
Nous demandons justice des assassins de Gérard.
« Nous demandons, pour éviter les risques de la translation des prévenus des prisons de lorient dans la maison de justice du département, que le tribunal criminel et les jurés soient autorisés, par un décret, à se transporter à Lorient.
« Un grand exemple, citoyen président, dans la circonstance d'un grand crime, peut seul en imposer à ces hommes qui n'ont d'existence que dans l'anarchie. Nous ne le sollicitons pas, car nous ne sollicitons rien. La loi.....Oui la loi...*.
« Nous en demandons le règne le plus entier, le plus absolu.
« C'est là le vœu des administrateurs du directoire du département.
« Les administrateurs composant le directoire du département du Morbihan,
« Signé : bigarré, faverot, Danet aîné, Gaillard, procureur général syndic.
« Certifié conforme à l'original.
Paris, le
« Les députés du conseil général de la commune de Lorient près la Convention nationale.
«- Signé : J. Garnier, Deschiens , Godin, Puchelberg, Cosson. » ;
(La Convention renvoie ces pièces au comité de sûreté générale.)
,secrétaire, continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Lettre des membres du conseil de guerre, séant à Mézières, qui sollicitent instamment l'exécution de la .loi du 11 septembre dernier, qui porte : qu'il sera présenté à la Convention un nouveau plan sur l'organisation de la cour martiale et les jugements militaires. Ils représentent -que plusieurs militaires, détenus dans les prisons de Mézières, sollicitent une loi qui mette les cours martiales à portée de prononcer sur leur sort; plusieurs ont déjà subi des détentions plus longues que celles que la loi aurait pu prononcer» contre eux.
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
2° Pétition du citoyen Jean-Louis Bayez, chirurgien à Toulouse, à laquelle est jointe la copie d'une signification qui lui a été faite par le tribunal de Toifiouse ; il réclame eontre une infraction à la loi.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la justice.)
3° Lettre des administrateurs du département de l'Yonne, à laquelle est joint un arrêté, relativement au séquestre des biens d'Anne-Léon, Montmorency, sorti de France depuis 1790. Plusieurs pièces relatives à cet objet important ont été renvoyées au comité des domaines dans le courant d'août, et ces administrateurs sollicitent de la Convention une prompte décision.
(La Convention renvoie cette lettre au comité d'aliénation.)
4° Pétition det nommés Schneider et Laurent,
tous deux vainqueurs de la Bastille, entrés dans la gendarmerie formée des vainqueurs de la Bastille, à la veille de partir pour les frontières, sollicitent de la Convention radmission de leurs enfants à la pension du citoyen Paulet, section de Popincourt.
(La Convention renvoie cette pétition au comité d'instruction publique.)
5° Adresse des citoyens de la section de la Cité qui transmettent à la Convention un arrêté de leur section, relatif au mode des élections.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
6° Lettre du procureur général syndic du département de l'Ain, qui consulte la Convention sur la question de savoir :
1° Si les pères des émigrés, à qui la puissance paternelle donne dans ce pays l'usufruit du bien ae leurs enfants, peuvent encore conserver, pour l'avenir, ces usufruits, et empêcher ou retarder, par ce moyen, la vente des biens de leurs enfants émigrés ;
2° Si ceux qui doivent des pensions viagères à des émigrés, peuvent prétendre qu'elles sont éteintes par le seul fait de l'émigration ;
3° Il soumet à la Convention plusieurs observations tendant à prouver que la loi du 20 septembre dernier, qui détermine le mode de constater l'état civil des citoyens, est d'une exécution impossible pour les trois quarts des municipalités de campagne.
Il réclame la prompte" décision de la Convention sur le mode d'éxecution du décret du 28 août dernier, qui porte que les majeurs ne seront plus soumis à la puissance paternelle.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'aliénation.) *
7° Lettre du citoyen Bacon, qui fait offrande à la patrie d'une invention économique, approuvée par l'Académie des sciences, d'une chaudière de nouvelle construction, particulièrement utile à la marine et aux hôpitaux de l'armée.
La Convention ordonne la mention honorable.)
8° Extrait du registre des délibérations du conseil d'administration du 9e bataillon des volontaires nationaux, auquel est joint un certificat de bonne vie et mœurs donné à ce bataillon par la municipalité dePéronne. Ces citoyens soldats se' plaignent d'avoir été injuriés par Philippe Rous-sin, commissaire du pouvoir exécutif, lorsqu'il "les passa en revue, et de ce qu'il s'est même permis de réformer des volontaires, qui, aux termes de la loi, avait toutes les conditions exigées pour servir la patrie. Ils protestent de leur soumission aux lois ; ils demandent d'être armés promptement, et d'être casernés, tant qu'ils seront à Péronne, dans un endroit plus sain que celui qu'ils y occupent.
(La Convention renvoie la lettre au comité de. la guerre.)
9° Adresse du conseil général de la commune du Sault, qui se plaint du retour de plusieurs volontaires pris dans son sein; les uns sont revenus dans cet endroit avec des congés du ministre de la"guerre; les autres sans congé ni permission. Le conseil général demande que -ces volontaires rejoignent sur-le-champ leurs compagnies, à moins que la Convention n'en ordonne autrement.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
10° Pétition de la 33e division dé la gendarmerie nationale; ils réclament 25 jours de leur paye.
(La Convention renvoie la pétition au conseil exécutif.)
.11° Pétition des grenadiers de la 33e division, passés dans la compagnie des grenadiers gendarmes avec leur habillement ; ils demandent qu'il soit tenu compte à la 33e division du montant de l'habillement qu'ils ont gardé en sortant de ce corps.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
12° Pétition des citoyens formant la cavalerie de réserve de la section des Tuileries, qui sollicitent l'exécution du décret du 19 septembre pour la formation d'une cavalerie des 48 sections, afin de former un corps de réserve pour la sûreté de cette ville.
Un membre : Je demande l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
13° Lettre du citoyen Tredos La Roque, ancien major de dragons, qui adresse à la Convention un projet pour la formation d'un corps de tireurs adroits, sous la dénomination d'arquebusiers de France ; il offre ses services à la République.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
14° Pétition du citoyen Jean Faubert, citoyen de la ville de Vienne, département de l'Isère, qui réclame, auprès de la Convention, la pension de sous-officier d'invalides, en remplacement de celle de sous-officiers retiré.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
15° Pétition de la municipalité de Bmançois, gui demande de faire l'acquisition de plusieurs domaines nationaux.
(La Convention renvoie la pétition au comité d'aliénation.)
Le même secrétaire annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Ferville, directeur du grand théâtre de Nantes, donne un assignat de 200 livres pour les habitants de la ville de Lille. - 2° Le citoyen Wurms, de Strasbourg, a fait compter, par le citoyen Hoffman, secrétaire général du département du Ras-Rhin, la somme de 800 livres dans la caisse du citoyen Chommera-zet, qui en a délivré le récépissé envoyé à la Convention.
3° Le citoyen Deleau, capitaine et quartier-maître trésorier du 92® régiment, remet sa croix de Saint-Louis et son brevet.
4Q Le citoyen Royhen, capitaine audit 92® régiment, remet sa décoration militaire.
5° Le citoyen Obrien, capitaine commandant du 1er bataillon au 92e régiment, remet sa croix de Saint-Louis.
6° François-Henri Tiersant-Bourgmarie, brigadier des armées, résidant à Belmont, district de Bellay, département de l'Ain, remet sa croix de Saint-Louis.
7° Pyerre-Reymond Rouvière, ci-devant administrateur du département de la Drôme, remet sa croix de Saint-Louis.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
(de Douai), au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret pour ordonner la punition des désordres commis par des gendarmes nationaux dans la ville de la Charité -sur-Loire ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre sur les désordres commis par des gendarmes nationaux dans la ville de la Charité-sur-Loire, renvoie au pouvoir exécutif pour faire exécuter les lois et rendre compte, sous huitaine, de leur exécution. »
(La Convention adopte le projet de décret.)
(de Douai), au nom, du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret pour la punition des voies de fait commises en la ville de Roye, lors du passage des deux premières divisions de la gendarmerie nationale de Paris; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de la guerre, des voies de fait commises en la ville de Roye les 6, 7 et 8 de ce mois, lors du passage des deux premières divisions de la gendarmerie nationale de Paris, renvoie au pouvoir exécutif pour faire exécuter les lois, et rendre compte, sous huitaine, de leur exécution. »
(La Convention adopte le projet de décret.)
,au nom du comité des domaines, présente le tableau des revenus des biens des émigrés.
Il annonce que les régisseurs du droit d'enregistrement ont envoyé'l'état du produit des revenus de ces biens, pendant le cours du mois de septembre. Il se monte à 710,343 livres, pour 39 départements. Ainsi, à juger les revenus de l'autre moitié, d'après cette base, on pourrait évaluer le produit annuel de la totalité de ces biens à 18,000,000 livres.
,secrétaire, donne lecture des deux lettres suivantes ;
1° Lettre du citoyen Sautayra, député du département de la Drôme, qui sollicite un congé de deux mois ;
2° Lettre du citoyen Gardien, député du département d'Indre-et-Loire, qui sollicite un congé de plusieurs jours.
(La Convention accorde ces deux congés.)
, au nom. du comité de la guerre, présente un projet de décret tendant à ordonner que le ministre de la guerre rendra compte à la Convention, dans le délai de huit jours, de l'exécution de la loi relative /aux invalides retirés dans les départements; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que le ministre de la guerre sera tenu de lui rendre compte, dans le délai de 8 jours, de l'exécution de la loi du 16 mai dernier, et du payement de l'augmentation de pension accordée, par le titre IV de cette loi, aux Invalides retirés dans les départements, à compter du jour de la promulgation de cette loi, et de lui rendre également compte des motifs de l'inexécution de cette loi »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, donne lecture des lettres adresses et pétitions suivantes :
1° Adressé des membres du corps électoral du district de Muret, qui félicitent la Convention sur
le succès de ses premiers travaux et font le serment de vivre républicains ou de mourir.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
2° Lettre du citoyen Delacroix, député du département d'Eure-et-Loir, qui déclare ne pouvoir faire partie des~ trois commissaires envoyés par la Convention nationale à Lyon, et donne sa démission.
(La Convention nomme pour le remplacer,' le citoyen Alquier.)
3° Pétition du troisième bataillon de l'Eure, qui demande qu'il lui soit donné deux canons.
Je propose de convertir cette pétition en motion et je demande que le décret soit général.
(La Convention décrète cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que le ministre de la guerre fournira, le plus prompte-ment possible,.deux pièces ae canon a chaque bataillon de volontaires nationaux, dans lesquels se trouvent des compagnies de canonniers, et qui sont actuellement, soit aux frontières, soit en état de réquisition dans l'intérieur de la République, en commençant cette distribution par les bataillons qui sont actuellement sur les frontières ».
Un membre fait la proposition d'autoriser, par un décret général, les communes chefs-lieux de districts, dont la- population est au-dessus de 6,000 habitants, d'acquérir, dans les formes pres-crites, les maisons ci-devant religieuses, qui peuvent servir à des établissements publics.
(La Convention renvoie cette proposition au comité d'aliénation.)
Un autre membre propose qu'il soit distribué, à chacun des comités de la Convention, un exemplaire de la Table des lois imprimées par le citoyen Prault. (La Convention décrète cette proposition.) Un troisième membre demande, par article [ additionnel, que cette distribution d'un exemplaire soit faite à chacun des membres de la Convention nationale.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition additionnelle-)
Je viens demander le rapport du décret enlevé samedi par l'enthousiasme (1),( Vifs murmures.)
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour.
Mais, c'est l'ordre du jour que je vais traiter! (Vives interruptions.)
(Un grand nombre de membres parlent à la fois; les uns veulent que VAssemblée soit consultée, d'autres demandent l'ordre du jour.)
Vous m'entendrez malgré vous...... On veut vous précipiter dans l'abîme..... C'est un piège tendu à votre vertu... (Nouvelles et violentes interrup lions.)
Comme il s'agit de nos droits personnels, nous porterons nos
réclamations jusqu'à ce que nous soyons entendus. Si la Convention se
refuse à m'entendre, j'appellerai au
(L'Assemblée reste quelque temps dans l'agitation.)
Je demande, pour que la Convention conserve l'attitude qui lui convient, qu'elle passe à l'instant à l'ordre du jour sur la proposition du rapport du décret.
Plusieurs membres : L'ordre du jour, nous demandons l'ordre du jour!
Et moi je demande la liberté d'exprimer son opinion à la tribune.
Il est inconcevable qu'on veuille ôter à un membre la liberté d'énoncer son opinion. Ce n'est pas par des clameurs* mais par de bonnes raisons que vous devez lui fermer la bouche.
consulte l'Assemblée.
(La Convention décide que Rewbell sera entendu).
Si j'insiste autant pour le rapport du décret, c'est qu'on a, en le rendant, violé tous les principes ; c'est que vous ne pouviez pas le rendre, que vous n'en aviez pas le droit. Le décret sur la liste civile a aussi été rendu par enthousiasme. Je ne répéterai point que ce décret attente à la souveraineté du peuple. On a répondu que le peuple lui accorderait ou lui refuserait sa sanction; mais cela même prouve la nécessité du rapport, car je n'imagine pas que votre intention soit de soumettre au peuple la Constitution partiellement, mais en masse. Le décret attente encore à la propriété. Quand je suis venu ici, j'étais citoyen, c'était ma propriété la plus chère, la plus sacrée ; vous n'avez pas le droit de m'en priver. Oui, je ne veux pas d'une République où je ne serai pas citoyen. Qu'aurait dit Lycurgue, si on lui eût annoncé qu'il ne serait pas citoyen de cette République qu'il mûrissait dans sa tête. Lycui'gue s'est rétiré volontairement.
Sans doute il y aura parmi nous des hommes vertueux qui, contents d'avoir
assuré à la France une bonne République, iront jouir dans la retraite du
repos et du bonheur de leur patrie; mais vous ne pouvez priver des
droits de citoyens ceux qui n'étant point accoutumés à cette vie
sédentaire, et n'étant point arrivés à cette perfection monacale,
voudront lui être utiles encore. Rien ne peut leur ôter ce droit, pas
même l'espoir de prêcher la liberté dans les sociétés populaires. Je ne
releverai pas cette naïveté du membre qui l'a énoncée, je ne parle pas
des sociétés populaires des départements qui n'auront jamais beaucoup
d'influence. Mais ne serait-ce pas faire entendre qu'on veut attribuer
l'action du gouvernement aux sociétés populaires de la grande cité ?
Rappelez-vous ce qui s'est passé à l'occasion d'un décret pareil rendu
par l'Assemblée constituante, alors pourtant que des plus puissants
motifs que ceux qui vous ont déterminé hier l'appuyaient. Il fut saisi
avec empressement, et tout ce que l'Assemblée contenait de plus
exécrables citoyens l'adopta avec enthousiasme. Maisqu'ar-riva-t-il?
D'abord la calomnie s'est attachée au décret; on a dit qu'il avait été
arraché par l'aristocratie et la médiocrité ; on a dit qu'il
Croyez-vous que votre décret ne sera pas attaqué aussi par la calomnie? Craignez qu'on ne dise que ceux qui ne veulent pas de fonctions publiques, ne veulent pas la République. Craignez qu'on ne s'aperçoive que ce décret a jeté parmi vous la méfiance, la haine, la discorde. Craignez qu'on ne vous reproche de ne vouloir pas de gouvernement énergique, mais de tendre à un gouvernement anarchique. De grands événements se préparent, bien des incidents retarderont vos travaux ; on veut vous éliminer parce que vous aimez l'ordre; on veut vous désunir, vous dissoudre même. Ayez le courage de surmonter une fausse honte en rapportant votre décret, et renvoyez cette motion pour la discuter avec votre Constitution. Alors vous la ferez bonne, parce que vous la ferez avec maturité.
Au nom du danger de la patrie, revenez sur vos pas ; les plus courtes erreurs sont les meilleures. (Applaudissements.)
Je n'entrerai que subsidiairement dans la discussion du fond de la question que l'on ramène avec un courage digne d'éloges, mais avec une grande irréflexion, aux débats de la Convention nationale. Sans doute, il est beau de voir une assemblée de législateurs convenir qu'elle s'est trompée, et de cette hauteur où le vœu du peuple la place, l'aveu d'une erreur est un exemple qui n'est pas perdu pour les nations; mais sous un autre point de vue, je ne sais si, avant de se déterminer à une pareille démarche, elle ne doit pas calculer en même temps ce qu'elle doit au caractère d'immutabilité qui constitue la loi ; et quoi qu'on vous ait dit contre le décret de samedi, je ne vois pas qu'on ait estimé cette dernière considération, et qu'ici les prétendus inconvénients de ce décret l'emportent sur le danger réel de l'instabilité. Je ne parlerai pas des craintes qu'on a voulu insinuer, que ceci ne servît de manteau à l'intrigue ; il est difficile de concevoir que l'intrigue puisse subsister quand on en brise le principal ressort (Applaudissements) ; mais on a paru craindre le renouvellement de ces expériences bisannuelles que ferait un grand peuple dans le choix de ses représentants ; on semble désirer que ceux qui auront combiné la nouvelle machine ne soient point exclus de l'honorable fonction de la faire marcher; on a pensé enfin que la Convention avait plutôt consulté, dans l'adoption de cette mesure, l'intérêt de sa propre réputation que celui de l'Etat.
Il faut observer que la situation où nous nous trouvons est aussi extraordinaire que notre mission; qu'on aurait tort par conséquent d'appliquer à d'autres temps ce que nous ferions pour l'époque présente, et de faire dériver ce qui conviendra alors de ce qui est nécessaire aujourd'hui ; un temps viendra sans doute où la
terre de la liberté sera paisible et heureuse, où la loi sera aimée de tous, parce qu'elle sera la volonté de chacun ; où à ces agitations profondes qui accompagnent la chute des trônes et le bouleversement des erreurs humaines, succédera l'énergie d'un républicain qui connaît ses droits et ses devoirs, et surtout ce mouvement sage et régulier qui annonce la vie et la santé (.Applaudissements); ce temps n'est pas encore le nôtre, et tandis que nos armes propagent au loin l'amour de l'égalité, ce qui reste des aristocraties détruites, cherche à se réunir pour nous combattre au-dedans; calomnies, défiances exagérées, jalousies, cupidité, tout ce qu'un régime dépravé a pu faire naître de passions basses et factices, tels sont leurs leviers.
Or, je vous le demande, est-il de l'intérêt de l'Etat que vous prêtiez de nouveaux aliments à leur haine, en rapportant un décret qui semble fait pour les éteindre ? Il est bon que dans une République une salutaire surveillance^environne les dépositaires du pouvoir; il est même bon que cette surveillance s'augmente à mesure que le pouvoir s'agrandit; considérez-donc celui qui vous est confié, et dites si, simples citoyens, vous le verriez sans inquiétudes dans d'autres mains ; si vous n'applaudiriez pas aux précautions qu'on pourrait prendre pour préserver de ses influences la fortune publique.
Il ne s'agit point simplement de votre propre réputation; mais plus vous écartez de la Constitution que vous allez élémenter, le soupçon d'en combiner les parties par des vues personnelles, plus vous préparez le peuple à environner vos travaux de la confiance qui leur est nécessaire, à juger cette Constitution sans prévention, à l'établir au plus tôt, à l'aimer comme son propre ouvrage, et à vous payer ainsi le plus digne de prix de votre mission. (Applaudissements.)
Je ne parlerai point des risques que la liberté peut courir quand les mêmes hommes ont l'espérance de se perpétuer dans les places; ce serait discuter absolument le fond de la question; mais je m'interroge et je me demande, si pour être dégagé de toutes suggestions intérieures en établissant les rapports sociaux d'un peuple, il ne convient pas que, pendant la durée de cette mission, je sois dépouillé de toute espérance de participer aux avantages du nouvel ordre de choses, autrement que dans la vie privée. Il suffit que cette situation puisse contribuer à la perfection de notre ouvrage, pour qu'il soit de notre devoir de la prendre. (Applaudissements.)
Vous l'avez fait par votre décret, il est de la prudence de le maintenir; vous ne restreignez pas les droits du souverain, mais par une généreuse résolution vous l'éclairez sur l'abus qu'il pourrait en faire (.Applaudissements), et de toutes les instructions que vous donnerez à vos concitoyens, celle de se préserver de l'idolâtrie et de l'engouement pour les personnes, ne sera pas la moindre. (Vifs applaudissements.)
Non, vous ne ferez pas dire à vos détracteurs que la Convention nationale de la République a usé d'une lâche adresse pour se mettre en évidence et se présenter aux suffrages populaires dans la distribution des places, et c'est là ce qu'ils induiraient du rapport de votre décret. Ce n'est point ainsi que doit commencer la Constitution. Vous avez fait un sacrifice, s'il tenait à des besoins personnels; des considérations d'intérêt public pourraient, comme dans l'Assemblée législative, vous obliger de revenir sur vos pas ; mais en ce qui vous est relatif, il ne peut
concerner que l'ambition. Vous devez donc le consommer dans sa plénitude, et cette discussion même ajoutera à son importance; car elle prouvera qu'il n'a point été fait inconsidérément. Rapporter le décret, ce serait le faire rendre par le peuple qu'égareraient ses ennemis. C'est surtout, quand le législateur lui-même peut y paraître intéressé, que l'instabilité dans les lois serait funeste ; effacez le lendemain ce que vous avez émis la veille, et bientôt vos lois ressemblent à l'expression des passions humaines ; la soumission devient douteuse; le respect les fuit, et l'homme qui lésa enfreintes, les regardant comme des produits du caprice, que le caprice peut détruire, n'a plus, dans son délit, cette crainte religieuse, ce remords qui poursuit le crime, et qui est la première des lois pénales. (Applaudissements.)
L'inflexibilité de la loi ôte l'espérance de la mépriser impunément ; et en ce qui vous regarde dans cette question, de pareils exemples de désintéressement seront toujours les meilleures réponses à faire aux malveillants, et les plus sûrs garants que vous donnerez à l'opinion publique de la sagesse de vos décrets. Laissez goûter à ce peuple inquiet et tant de fois abusé, le plaisir si doux de penser que vous ne pouvez avoir que son bonheur en vue en travaillant, et que son estime sera votre seule récompense : quand ceux qui l'agitent voudront le soulever contre une de vos lois, laissez-lui leur répondre : Quel intérêt ont-ils à me tromper? (Vifs applaudissements.)
On a dit que c'était à ceux qui connaissaient le gouvernement à l'affermir. Ah! sans doute; et rendus chez vous, il vous restera une grande et noble tâche à remplir, une nouvelle carrière à parcourir; non seulement vous aurez à faire aimer les lois, à aider vos concitoyens de vos conseils, à nourrir le feu de la liberté et la haine des tyrans dans les sociétés populaires ; à anéantir les dépôts des poisons de tous les genres que travaillera longtemps encore la malveillance; (Applaudissements.)
Mais, législateurs, fondateurs de la Constitution de la première République du monde, vous aurez à enseigner, par votre exemple, que ce n'est pas assez d'adopter en théorie les principes d'une philosophie austère et républicaine, qu'il faut encore savoir les pratiquer, s'habituer aux privations du luxe, et s'accoutumer à ne devoir qu'à soi le soutien de son existence. (Applaudissements.)
Commerçants, agriculteurs, artisans, vous honorerez et l'indigence et l'état que vous embrasserez; vous éclairerez par vos écrits votre patrie, vous la soutiendrez par vos bras; soumis aux lois, fiers d'être Français, intrépides défenseurs de vos droits et de l'égalité, votre vie entière sera une continuation de magistrature bénie par le peuple, et chacun de vos jours offrira l'image vivante de la Constitution que vous aurez fondée. (Vifs applaudissements.)
Tel est, citoyens, le sort que vous prépare ce décret, que le peuple cependant jugera comme tous les autres décrets constitutionnels. Au surplus, si vous admettez le rapport qu'on vous demande, je ne vois qu'inconvénients, et pour vous, et pour la loi, et pour le peuple. Je demande donc que le décret soit maintenu, et que l'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de Jean Debry.
D'autres membres : Pas du tout, nous réclamons la question préalable !
Je demande à faire une motion d'ordre. Tandis que nos généraux se conduisent comme ils le font, il est Honteux que nous passions ainsi notre temps. Je demande l'ajournement de cette question au moment où nous ferons la Constitution.
Un graind nombre de membres : Appuyé, appuyé 1
(La Convention rejette l'impression.)
Plusieurs membres demandent la clôture de la discussion et réclament vivement l'ajournement.
Ce n'est pas tant de rapporter ce décret qu'il importe aujourd'hui, mais de montrer les inconvénients de ce décret. Il importe donc qu'il soit discuté sur-le-champ(l).
, ministre de Vintérieur, entre dans la salle et demande la parole, pour des faits importants.
Il nous faut entendre le ministre. Il ne peut, comme nous, perdre son temps en de vains débats.
consulte l'Assemblée.
La Convention décrète que le ministre sèra entendu.
, ministrede l'intérieur. C'est le tableau de la situation de Paris que je viens présenter à la Convention, conformément au décret qui me l'ordonne. Si ma poitrine était aussi forte que mon courage, je lirais moi-même ce mémoire ; mais comme je ne pourrais me faire entendre, je prie un dès secrétaires d'en faire le lecture.
,secrétairei donne lecture de ce mémoire ; il est ainsi conçu (2) ;
La Convention nationale m'a chargé, par son décret du 26 (3), de lui rendre compte, sous trois jours, de l'état où se trouvent les autorités publiques à Paris depuis le 10 août, des obstacles que l'exécution des lois éprouve en cette ville, et des moyens d'y remédier.
Elle a senti que le tableau |de ce qui est, se compose nécessairement des faits ou de l'inaction du jour et des faits précédents dont ils sont la suite ou le résultat nécessaire. Elle m'oblige de jeter un .coup d'œil sur le passé : je le ferai rapidement ; je serai réservé dans les jugements, mais précis et sévère dans l'exposé des faits; car je cherche la vérité pour la connaître, je la présente pour qu'elle soit utile, sans autre passion que de me rendre tel moi-même, en remplissant mes devoirs.
La Révolution du 10 août, à jamais glorieuse et célèbre, cette belle
époque à laquelle nous devons la République et qui ne doit être
confondue avec aucun autre événement, n'a pu arriver et s'effectuer que
par un grand mouvement, dont l'effet se propage et se fait sentir
longtemps encore après que la cause dont il est le produit, a perdu son
action. Un nouvel ordre de choses a dû naître : nous en avons le
principal résultat dans la Convention, qui doit assurer les desti^
A Dieu ne plaise que je veuille considérer les personnes, juger les intentions, confondre le zèle aveugle avec la malveillance, ou l'inexpérience en administration, avec la volonté d'usurper une autorité illégale ; je n'ai point, sur cet objet, d'opinion A établir, mais des faits à présenter. Pour satisfaire pleinement à la loi, je suivrai, dans leur marcne le département et la commune, ensemble ou séparément, suivant la nature des faits ou la concurrence des événements. J'examinerai l'effet de leurs opérations et de leur conduite, par rapport aux propriétés et à la sûreté individuelle, ces deux grands objets de toute association, dont la conservation, l'intégrité, sont le but et la preuve d'un bon gouvernement, d'une sage administration.
Il serait absurde de prétendre, injuste d'exiger que le bouleversement d'une révolution n'entraîne pas quelques malheurs particuliers, quelques opérations irrégulières : c'est la chute ou la perte d'arbres et de plantes dans le voisinage d'un fleuve débordé dont le cours rapide occasionne des dégâts ên surmontant de grands obstacles. Mais il faut soigneusement distinguer ce qui appartient à la nature des choses, de ce qui peut résulter des passions ou des desseins prémédités de quelques individus; car on doit entourer avec courage, tolérer avec patience, adoucir ou effacer à force de sagesse et de vigilance, ce qui vient de la nécessité; tandis qu'il faut surveiller avec attention, contenir avec force, réprimer avec sévérité ce qui résulterait de l'extravagance de l'ambition, ou des entreprises de la scélératesse. Ainsi 1 examen scrupuleux des faits à masse, le froid calcul de leur cause et de leur influence, doivent précéder tout jugement et.toute mesure.
La Cour avait vu tourner contre elle lés précautions mêmes qu'elle avait prises pour anéantir la liberté. Louis XVI, enfermé au Temple avec sa famille, n'offrait plus qu'un grand exemple des vissiçitudes humaines de la stupidité des rois, et du sort qui les attend lorsquils Veulent être injustes dans un siècle éclaire. Le peuple de Paris, triomphant sur les bords du précipice qui lui avait été préparé, entraîné par i'accelération d'un mouvement qui lui avait été salutaire, ayant rompu l'organisation des pouvoirs par le besoin de les changer, en permanence dans ses sections, agissant par lui-même, se trouvait, pour ainsi dire, à une nouvelle naissance. Il devait avoir cette activité, cette assurance, cette présomption qui accompagnent une existence et une liberté avec lesquelles on n'est point encore familiarisé, et dont on est prêt d'abuser par le plaisir de les sentir et de les exercer. Le département, méprisé ou haï, n'avait que des membres épars, dont les ombres disparurent bientôt devant une commission nouvelle. Le temps nécessaire à sa fonction ; son action, d'abord lente et peu sensible parce qu'elle était nulle pour tout ce qui intéresse la sûreté générale, le décret du 13 août ayant conféré cette partie aux ttiUnicipàlités, et parce qu'elle était subordonnée dans le fait à celle d'une commune toute puissante, retinrent cette administration
dans une sorte d'obscurité. J'aurai bientôt à lui rendre d'honorables témoignages. L'Assemblée législative terminait sa carrière, et couronnait le vœu public par l'appel d'une Convention.
Le pouvoir exécutif, chargé de grandes opérations et d'immenses détails, créait des armees, approvisionnait l'Empire, faisait venir, des points les plus éloignés, des munitions nécessaires, répandaient 1 instruction sur les derniers évé-ments, appelait de toutes parts les citoyens au secours et la patrie, et préparait les moyens de défense.
Les armées ennemies s'avançaient avec audace sur le territoire français ; la trahison et la lâcheté avaient favorisé leur invasion. L'indignation, la crainte même, se manifestaient à Paris ; la défiance, naturelle au peuple qui a été opprimé, la défiance, qu'accroît toujours le danger, comme la peur s'augmente par les ténèbres, agitait les esprits ; elle entretenait cette fermentation avant-coureur des orages, qu'excitent encore les hommes sans mesure qui ont besoin de mouvement, les désœuvrés auxquels il faut des changements, et lés malveillants qui veulent du trouble. (Applaudissements.) La commune régnait seule dans Paris. Enfantée par la Révolution, agissant au milieu d'elle, objet de la confiance du peuple, dont elle était l'ouVrage, elle faisait faire ou parler les lois, suivant ce que lui paraissait exiger le salut public, dont elle était devenue le juge suprême. Mais la commune a oublié, comme il est aisé de le faire dans l'ivresse de la victoire, que tout pouvoir révolu^onnaire doit être momentané ; que la subordination dés autorités constituées les unes à l'égard des autres et la marche régulière des lois, doivent être promptement rétablies, pour le maintien même des révolutions qui les ont un instant suspendues ; et que Paris, eût-il été seul à combattre la Cour et vaincre les tyrans, devait se hâter de restreindre sa propre influence, s'empresser à donner l'exemple de l'obéissance aux lois, dont le respect est nécessaire à la conservation. L'oubli de ceîs vérités a entraîné de grands désordres. La philosophie et l'histoire les envisageront peut-être comme des résultats nécessaires; mais les contemporains les sentent comme des malheurs; par conséquent, les hommes publics doivent les combattre ou les réparer. Obligé, par ma place, de correspondre souvent avec la commune de Paris, soit pouf lui communiquer les ordres, ou lui faire passer les lois de l'exécution desquelles elle est chargée, soit pour avoir les renseignements et les connaissances que je ne puis obtenir que par son moyen sur ce qui intéresse l'ordre public, j'ai été fort exact dans mes envois, fort pressant dans mes demandes ; mais la commune n'a pas mis la même exactitude dans ses réponses, et souvent même elle ne m'en a fait aucune. Dès lors, j'ai été mal instruit, ou je suis demeuré sans influence. Je ne parlerai pas des entreprises extérieures de la commune, de sea commissaires envoyés dans les départements, de leurs procédés et des plaintes qui les ont suivis; je ne rappellerai point la circulaire imprimée, envoyée partout et prêchant des mesures répré-hensibles; ces divers objets vous ont été dénoncés, quelquefois par moi-même; et la nécessité de remplir cette obligation a indisposé la eommune; elle a donné lieu aux personnes susceptibles ou mal instruites, de supposer une partialité qui n'existait pas ; elle a aigri. C'est ainsi que des faits très simples, mais, dont l'en-
chainement est inévitable, concourent quelquefois à troubler les opérations publiques : Il faut s'en servir pour apprécier les choses avec plus d'exactitude et juger les personnes avec plus d'indulgence.
Dans les premiers moments de la Révolution* la commune a exercé son activité et porté ses recherches sur les propriétés nationales. Cette vigilance, louable dans le principe, est devenue abusive dans ses effets.
Je demande l'impression de ce mémoire, nous perdons du temps ici à en entendre la lecture. (Murmures.)
Plusieurs membres : Nort, non! la lecture! la vérité!
(La Convention décidé que la lecture sera continuée.)
,secrétaire, reprend :
« Par exemple, le 13 septembre, deux commissaires du comité de surveillance de la commune de Paris sont allés à Senlis; ils y ont requis le maire et un officier municipal de les accompagner dans une visite dont ils se disaient chargés/ Ils se sont rendus à l'hôpital, se sont emparés de l'argenterie de cette maison et de celle de la supérieure; ont mis le scellé sur un cabinet, emmené à Paris deux des administrateurs desquels ils ont pris l'argent monnayé, les billets, 1 argenterie. Arrivés a Paris, on a renvoyé ces administrateurs, sans lecture du procès-verbal, avec un certificat dé civisme. On ne dit pas si leurs effets leur ont été rendus ; mais les démarches de la commune de Senlis n'ont pu lui faire restituer l'argenterie de l'hôpital et de la supérieure, et les scellés sont demeurés sur le Cabinet. (Murmures.)
Sans doute que la commune de Paris aura fait passer cette argenterie à la Monnaie; mais ce n'était pas à elle de s'en emparer. Elle devait du moins m'instruire de ce qu'elle avait fait ; je n'ai pu l'obtenir.
« Des commissaires envoyés par elle àChantilly, en ont enlevé une grande quantité d'habits, d'effets de chasse et autres haraes d'équipement, dont plusieurs avec garniture, ou galons et monture en or et en argent; aucun compte ne m'en a été rendu.
« Longtemps après le décret du 15 septembre, deux commissaires dé la commune ont continue d'opérer à l'hôtel de Coigny et dans ses dépendances, appartenant à la nation. Des matelas, en très grande quantité, en avaient disparu ; on y en retrouva une partie, après la menace faite d'une dénonciation par des commissaires que j'y envoyai; mais ces commissaires n'ont pu obtenir communication du travail des autres; aucun compte n'a été rendu, même depuis que des injonctions réitérées sont parvenues à faire retirer les agents de la commune. . « J'ai écrit à la Convention, le 5 de ce mo;s, pour la prévenir que le citoyen Fournier, chargé de conduire une force armée de 1,000 hommes à Orléans, avait ramené, avec les prisonniers, tous leurs effets, dont plusieurs très précieux, de l'or et de l'argent monnayé : que le tout avait été remis à la commune de Paris ainsi qu'un paquet confié en secret par M. Leffait, contenant des lettres de Change et autres papiers importants; je n'en ai pas eu de compte. Je ne préjuge rien, je le répète, sur la disposition des objets, mais je devais la connaître ; elle m'a été célée.
« J'avais été informé qu'il y avait au Temple une très grande quantité d'argenterie sous scellés,
dont ne parlaient plus ceux qui les avaient apposés. J'écrivis à ce sujet au comité de surveillance de la commune le 12 octobre : je n'ai pas eu de réponse. (Murmures.)
« Je sais que le 27 août, lors de l'apposition des scellés chez M. Septeuil, trésorier de la liste civile, le citoyen Tiffet, en remettant le procès-verbal au comité de surveillance de la commune, lui remit aussi un carton qu'il déclara contenir, tant en assignats qu'en or, la somme de 34(1,000 livres, ainsi que des registres, une montre et deux grands portefeuilles contenant des papiers signés du roi et de la reine. Le 30 le même citoyen a remis au même comité un carton de bijoux et d'effets précieux, trouvé à Saint-Firmin, près Chantilly, cnezle sieur La Haye, qui avait déclaré tenir ces effets de M. Septeuil.
« Vers le 24 ou le 25 octobre, ce citoyen a vu, en présence de Morillon, secrétaire de Septeuil, les objets contenus dans le carton qu'il avait remis le 30 août. Les scellés avaient été levés sans lui, quoique son cachet y eût été apposé : ils l'avaient été également sur le carton dés 340,000 livres. Sans sa participation et malgré l'apposition de son cachet, de manière qu'il ignore si ces effets intéressants ont été conservés dans leur intégrité. Je n'ai pas eu plus de compte sur cet objet que sur aucun autre.
« Un membre de la commune, chargé de faire faire des cartouches pour l'armée, s'est établi à l'hôtel des Invalides, où l'on a fait le dépôt de beaucoup de matières, plombs, cuivre, etc.
« J'avais donné la consigne de ne rien laisser sortir de l'hôtel qu'à la connaissance de l'administration et sur des récépissés.
« La consigne a été violée, en maltraitant de paroles mes préposés ; le membre de la commune a fait sortir ce qu'il a jugé bon, et il a disposé des plombs sans donner de reçu. (Murmures prolongés.)
« Le 4 de ce mois j'ai écrit à la municipalité pour qu'elle donnât, à ses différents commissaires, l'ordre de rendre* compte et de rétablir au garde-meuble national tous les objets qui auraient pu en être distraits depuis le 10 août; je n'ai eu d'autre satisfaction sur cet objet qu'une réponse de M. Boucher-Réné, officier municipal, agissant pour le maire, portant qu'il communiquerait ma lettre au conseil général; mais rien n'est rentré au garde-meuble par cette voie.
« Les sections s'étant permis, dans les premiers moments de la Révolution, d'enlever des effets qu'elles voulaient conserver à la nation, ou d'apposer les scellés sur ceux dont on craignait la disparition, elles ont eu soin de dresser des procès-verbaux, appuyés de pièces justificatives, de ces opérations, et de remettre le tout à la commune : celle-ci, plusieurs fois pressée d'en rendre compte, ne m'a rien fait passer encore qui y soit relatif. (Murmures.)
« Je m'étais adressé,'le 8 octobre, à la commune, à l'effet de savoir comment Louis XVI était gardé et traité au Temple; quels étaient les changements que l'on disait avoir été apportés dans sa situation depuis quelques jours, et quel compte je pourrais en rendre a la Convention nationale, A ces questions pressantes je n'ai reçu aucune réponse instructive: j'ajoutais, dans la même lettre, qu'un décret venant de m'ordonner de présenter incessamment le compte des dépenses faites jusqu'à ce jour, et un aperçu de celles à faire, tant pour la sûreté et la disposition du local que pour la subsistance et l'entretien de
Louis XVI, je recommandais au conseil général de s'occuper sans délai d'arrêter les mémoires,, des fournisseurs, afin que j'en ordonnasse le paiement; comme aussi ae me rendre un compte exact et circonstancié des dispositions déjà effectuées, ou seulement projetées, pour la conservation du dépôt dont la commune de Paris répond à toute la République. A ceci je n'ai pas eu plus de réponse qu'à ce qui précède. (Vives exclamations.) Trois ou quatre fournisseurs sont venus avec des mémoires, que j'ai fait payer. Deux de ces mémoires concernaient des fournitures faites à la table de l'officier municipal et des officiers militaires de Louis XVI. Un autre mémoire, subdivisé en trois parties, avait rapport à des enlèvements de terre et de gravats aux travaux du Temple. Comme ce paiement intéressait une multitude d'ouvriers pauvres, je l'ai fait acquitter sur les 500,000 livres, pour ne pas laisser ces ouvriers sans pain. J'avais droit d'attendre, non des mémoires isolés, mais un compte en masse des dépenses déjà faites, et un exposé approximatif aes dépenses à faire : c'est ce que j'ai demandé par ma lettre du 8; et c'est ce que je ne puis obtenir.
J'ai été informé dernièrement qu'il s'était fait, dans la maison d'un émigré, située sur la section de la Croix-Rouge, un enlèvement d'argenterie, qui a été porté, par un officier municipal, au comité de surveillance de la commune : j'ai écrit hier au département de Paris, pour avoir des informations certaines de ce fait et pour lui enjoindre, s'il est vrai, de le dénoncer à l'accusateur public, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire porter l'argenterie à la Monnaie.
Les administrateurs qui composent actuellement le département de Paris, paraissent animés des meilleures intentions; si l'exercice, par la commune, de tout ce qui intéresse la sûreté, joint à Pactivité de cette commune pour étendre ses pouvoirs, leur ont laissé peu d'action, du moins tous les objets sur lesquels ils ont pu déployer leur zèle ont été traités avec intelligence et rapidité. (Applaudissements.) L'organisation de l'hôtel des Invalides devait être, conformément à la loi de mars dernier, complétée dans deux mois, et cependant elle n'avait pas été commencée au 10 août par l'ancien département : je n'ai eu besoin que d'indiquer cet important travail à^celui d'aujourd'hui, et bientôt il touche à sa fin." Déjà les braves vétérans qui étaient entassés comme des victimes dans l'orgueilleux monument de louis XIV, respirent à leur aise, grâce à la retraite des administrateurs, qui occupaient plus de la moitié de l'hôtel (l'architecte ayant, lui seul, 44 croisées de face). (Rires.)
Le département a eu à gémir sur la conduite criminelle de deux de ses membres, coupables d'avoir détourné, à leur profit, quelques articles du mobilier d'émigrés dont ils faisaient l'inventaire. Aussitôt que le conseil général en a été instruit, il me les a déférés : j'ai provoqué la suspension des prévenus, au conseil exécutif, le 23 de ce mois, et leur dénonciation à l'accusateur public.
La promulgation des lois s'est faite par le département, pour tout ce qui le concerne, avec exactitude et célérité; je joins ici, pour preuve, un extrait de ses registres : je pourrais observer que cette preuve m'intéresse autant que lui, mais j aurai bientôt à faire une observation plus étendue sur l'expédition des lois sans le ministère de l'intérieur.
Le département de Paris a déjà beaucoup fait pour assurer à la nation les biens des émigrés ; mais il éprouve souvent des retards dans l'exécution des lois, de la part de la commune, faisant les fonctions de district. C'est elle qui, d'après la loi du 23 août, a dû recevoir, dans la huitaine, les déclarations des officiers publics ou dépositaires des objets appartenant aux émigrés; c'est elle qui doit remettre l'extrait de ces déclarations au département, pour former de nouvelles listes. Ces extraits n'ayant pas encore été fournis, le département a écrit le 23 octobre à la commune : il n'a pas reçu de réponse. 11 lui avait écrit le
10 octobre, pour lui recommander de s'occuper sans délai de la proclamation ordonnée par la loi du 2 septembre, portant confiscation du bien des émigrés, afin d'ouvrir le délai des deux mois, déterminé avant de procéder à la vente ; il a écrit de nouveau le 18 pour demander si les proclamations étaient faites; les districts ruraux ont répondu que oui, la commune n'a pas fait de réponse. (Murmures.)
Le décret du 24 de ce mois, qui me charge de faire procéder à la vente du mobilier des émigrés, a été expédié le 25 au département, qui, le même jour, l'a envoyé aux districts et à la commune. Dès le 22 j'avais écrit au département pour lui témoigner ma surprise de ce qu'on procédait à la vente du mobilier de l'hôtel d'Egmont ; le même jour le directoire avait envoyé copie de ma lettre à la commune, en lui demandant les motifs pour lesquels cette vente se faisait sans que le ministre en fût informé ; la commune n'a pas fait de réponse. Le 26 on est venu prévenir le procureur-syndic que la vente se continuait :
11 a écrit à l'agence des biens nationaux pour lui recommander de la faire suspendre. La commune s'est occupée de l'administration des hôpitaux, quoique les lois l'aient attribuée au directoire du département. La commission des hôpitaux, nom-meepar le directoire, est maintenant présidée par des officiers municipaux, qui ne veulent pas correspondre avec le directoire : un de ces officiers municipaux a nommé individuellement aux places vacantes dans les hôpitaux, sans la confirmation du département. La commune a plus fait : elle s'est immiscée dans l'administration de la maison de Bicêtre, qui n'est pas dans son arrondissement. Quant aux prisons, elle les administre également, et elle a cessé toute correspondance à cet égard. (Murmures prolongés.)
Pour l'administration et la vente des domaines nationaux, ainsi que pour les affaires ecclésiastiques, le directoire correspond à la commune avec une commission particulière, nommée hors des seize administrateurs de cette commune. Depuis le 10 août, cette commission, partageant l'erreur de la commune, ne croyait plus reconnaître d'administration supérieure; en conséquence, elle n'envoyait plus ses délibérations à 1 examen du directoire. Depuis le décret qui a ordonné au département de Paris de quitter le titre de- commission administrative, la correspondance a repris; mais soit que les affaires se trouvent moins multipliées, soit par quelqueautre cause inconnue au directoire, les relations sont beaucoup moins fréquentes que par le passé. Entre plusieurs objets sur lesquels cette commission est en retard vis-à-vis du directoire, on peut citer :
1° L'état général des domaines nationaux qui, d'après la loi du 3 août, devait être fourni dans la première quinzaine du mois d'octobre; il ne l'est pas encore ; mais le grand nombre de domai-
nes, que les lois des 18 et 19 août ont déclaré nationaux, peut être cause de ce retard ;
2° Des états de frais de vente des sel et tabac, demandés depuis le 12 mai, en exécution d'une loi du 25 mars;
3° Des propositions sur l'emploi du produit de ses cloches, et le remplacement de 100,000 livres que le directoire lui a avancées;
4° Le compte des ci-devant Augustins de la place des Victoires qui, faute de son apurement, ne touchent que leur demi-pension ;
Enfin, l'état de la population des paroisses, nécessaire pour la répartition des biens de fabrique.
Le département, conformément à la loi du 9 septembre, a pressé la compagnie des Eaux de Paris, de remettre au directoire l'état desa situa-tion. il n'y a pas encore de réponse.
Quant à la caisse des Secours, j'ai déjà, depuis quelque temps, rendu compte à la Convention de l'emploi des 3 millions qui lui avaient été accordés. J'ai exposé que les recouvrements n'étaient' pas encore faits, malgré la célérité employée a lever les scellés, et à faire la description des effets. L'évasion de Guillaume regardait particulièrement la commune, en conséquence du décret du 15 septembre; cependant le procureur-syndic a fait faire, sur-le-champ, un procès-verbal de cette évasion ; il a été envoyé ainsi que le signalement de Guillaume et celui des officiers qui le gardaient, à toutes municipalités du département et aux 48 sections. Si je passe actuellement à la partie des travaux publics pour le département de Paris, je remarque deux objets qui peuvent occasionner à quelques citoyens ae l'inquiétude et du mécontentement.
Le premier c'est ce qui se trouve dû aux entrepreneurs, fournisseurs et ouvriers, pour les travaux faits au compte du département, depuis le commencement de l'année 1791. Le directoire actuel ne peut pourvoir à ces paiements, parce qu'il manque absolument de fonds, attendu le retard qu'a éprouvé le recouvrement des contributions publiques, et, par suite, celui des fonds additionnels pour l'acquit des dépenses locales. Le directoire a fait, depuis un mois, plusieurs demandes tendant à obtenir, à titre d'avance, les fonds nécessaires pour payer les créanciers, et il est important que sa demande soit prompte-ment accueillie. Le second objet est la distribution de la somme de 120,000 livres, faisant partie du secours de 150,000 livres, accordé au département de Paris, par la loi au 6 avril dernier.
Dès le 5 mai, la municipalité de Paris avait été invitée à proposer au directoire le mode de distribution, et l'emploi des 120,000 livres qui lui ont été destinées; et cette opération n'est point encore faite.
Il en résulte de l'ensemble des faits que je viens d'exposer, que le département actuel se conduit bien (Applaudissements); et que, s'il a peu fait, c'est qu il a été entravé dans sa marche. Il résulte que la commune, précipitée par le mouvement de la Révolution, entraînée par son zèle, égarée dans ses prétentions, s'est emparée de tous les pouvoirs, et ne les a pas toujours justement exercés (Murmures); elle a laissé en arrière beaucoup d'opérations administratives et intéressantes, et elle a fait un grand nombre d'actes irréguliers et répréhensibles. Elle a confondu sa propre organisation ; le conseil général, qui n'est fâit que pour délibérer, a voulu administrer ; tandis que les lois renferment l'action, pour la rendre plus vive et plus
prompte, non seulement dans le corps, mais dans le bureau municipal qui en est comme le directoire.
L'exemple des anticipations de la commune a entretenu, dans Paris, le dédain et l'oubli des autorités constituées. L'idée de la souveraineté du peuple, reppelée avee affectation par les hommes qui ont intérêt à persuader au peuple qu'il peut tout, pour lui faire faire ce qu'ils veulent (Applaudissements) ; cette idée, mal appliquée, détachée de la suite des principes dont elle fait partie, a familiarisé avec l'insurrection, et en a inspiré l'habitude, comme si l'usage devait en être journalier. On a perdu de vue qu'elle est un devoir sacré contre l'oppression, mais une révolte condamnable dans l'état de liberté ; que le paFti de l'opposition, si nécessaire contre le despotisme d'un seul ou l'aristocratie de plusieurs, devient funeste au régime de l'égalité ; car, dans le premier cas, il balance ou il surveille un pouvoir dangereux, tandis que dans le second, il contrarié la volonté générale, et paralyse l'action du gouvernement. (.Applaudissements.) Cet esprit, entretenu par les propos des mécontents, par les calomnies et les soins perfides de la malveillance, par les déclamations de ces hommes ardents dont l'imagination fantastique ou les passions violentes n'enfantent que des excès, s est répandu de toutes parts ; il a pénétré dans les sections, il y a introduit ce genre de tyrannie qui étonne ou contraint le bon sens par l'audace, et la raison par le bruit; le citoyen faible ou timide s'est tenu à l'écart. Dès lors, pour ceux qui restaient, la foree a paru le droit, et l'emportement, l'énergie ; l'indépendance de la nature a été substituée à l'empire de la volonté générale» qui fait la liberté sociale ; et une férocité sauvage a paru, dans quelques instants, prendre la place des mœurs d'un peuple civilisé. (Vifs applàudssements.)
Les relations contre la commune, le département et les sections, une fois confondus, celles-ci n'ont plus connu leurs limites et se sont portées quelquefois aux démarches les plus irrégulières ; invasion chez des particuliers, violation d'asile, saisies d'effets, ventes de propriétés nationales, toutes ces mesures extrêmes, dont la commune donnait l'exemple, dont plusieurs furent peut-être inévitables dans les premiers moments, mais qui toutes devaient être promptement suspendues, ont été imitées.
C'est ainsi que la section de l'Observatoire a, pour son propre compte, levé les scellés et por-cédé à la vente du mobilier du couvent de la Visitation. Pressée, pârjiioi, de suspendre et de rendre compte, elle a allégué le besoin où elle était dé payer ses ouvriers. C'est ainsi que, des imbéciles ou des pervers ayant répandu le faux bruit que des armes étaient cachées dans les fondations du dôme des Invalides, deux sections adjacentes ordonnent qu'on fouillera sous le dôme à la profondeur de 25 pieds. Je suis averti, je vois les atteintes qui peuvent être portées à la solidité d'un édifice intéressant; je fais des défenses; on les brave; je les réitère, elles sont inutiles ; je veux opposer la force, on menace d'une insurrection ; et la fouille s'est faite, à la profondeur indiquée, sans que les sections aient trouvé autre chose que la honte d'avoir désobéi. Je pourrais multiplier les exemples, ils sont affligeants; j'ai des lettres de particuliers malheureux, victimes de soupçons inconsidérés, ou de vengeances secrètes; persécutés au nom de la patrie dont ils n'avaient pas démérité. J'ai
fait part àj la Convention, le 17 de ce mois, des renseignements que je me suis procurés relativement au mode d'élection du maire de cette ville et dont il résulte : 1° que des 48 sections, 25 seulement ont répondu ; 2° que de ces 25, 12 ont émis leur vœu pour le scrutin secret ; 3° que les 13 autres ont procédé au scrutin à haute voix.
Le citoyen Boucher-Réné avait promis, par la lettre du 15, d'envoyer lés nouveaux renseignements qui lui parviendraient ; mais rien ne m'a été communiqué depuis cette époque. J'ai écrit avant hier à la commune et à la section du Panthéon français pour m'informer de l'étrange arrêté publié dans le Moniteur, et attribué à cette section, par lequel il est dit que si la Convention ne l'approuve pas, les citoyens de la section se rendront en armes à la barre ; je n'ai pas reçu de réponse. (Murmures prolongés.)
La confusion des pouvoirs à Paris est évidente ; les atteintes portées à la propriété, à la fortune publique, sont trop réelles ; la sûreté individuelle a-t-elle été respectée? Ici je m'arrête, et je ne reporte qu'avec effort mes regards douloureux sur ces jours de désastre que la mauvaise foi veut en vain confondre avec la grande journée du 10 août, mais dont l'histoire fera justice, dont les hommes de bien ont horreur, et qu'ils dénonceraient comme je l'ai fait moi-même, poux? laver la Révolution d'une tâche honteuse qu'on Voudrait lui imprimer, pour la venger de l'indécente attribution d'attentats qui ne sont point son ouvrage, qui n'appartiennent qu'à un petit nombre d'agents séduits ou égarés, et de scélérats instigateurs. J'ai bravé leurs sinistres projets ; je le fais encore à la face de l'Europe,, quoique je sache très bien qu'ils en méditent le renouvellement et qu'ils en espèrent le succès. (Murmures.) Leur rage n'est point assouvie, parce qu'ils n'ont pas atteint leur but. Il leur faut du pouvoir et de l'argent, et dans un état devenu libre, dans un gouvernement qui n'est plus corrompu, les méchants n'obtiennent l'un et l'autre que par le renversement des chosés et l'anéân-tissement des hommes vertueux. Mais le sort de la République ne resterait pas dans leurs mains ; les victimes qu'ils pourraient faire accéléreraient leur propre chute : c'est tout ce qu'il importe de sentir à l'homme public qui s'est dévoué. (Applaudissements.) Je continuerai donc de citer les faits avec courage.
J'avais dénoncé les meurtres prolongés des premiers jours de septembre et l'inutilité de mes réquisitions pour en arrêter le cours. Il n'est, pas douteux cependant qu'un grand nombre de bons citoyens aurait contribué avec zèle à la repression de ces excès : pourquoi donc se sont-ils commis sans obstacles ? C'est ce que peuvent seules expliquer la désorganisation delà force publique, le défaut de volonté de ceux qui devaient l'employer, la terreur imprimée par l'audace du petit nombre, et l'inaction des autorités. Eh bien ! cette erreur n'est plus sans doute ; l'organisation de la,garde nationale doit être faite; mais le défaut de volonté de ceux qui peuvent la requérir ou la commander, n'existe-t-il pas encore? car le service public se fait mal, malgré mes plaintes éternelles et mes réquisitions répétées. Il se commet des vols; la maison de Montfermeil, émigré, située Chaussée-d'Antin, a été vidée, la nuit du 25 au 26, et ce n'est pas le seul événement récent de ce genre ; il y a même eu quelques meurtres nocturnes. (Murmures). Lors du vol du garde-meuble, l'inspecteur qui a la surveillance de ce
dépôt faisait, depuis quinze iours, des réquisitions au commandant général, à celui de la sèc-tion, toujours inutilement. J'en ai fait moi-même de très fréquentes au commandant général, par écrit et de vive -voix, soit au conseil, en présence de mes collègues, soit à la commission du camp sous Paris, devant les membres qui la composent. Je n'ai jamais Obtenu que des promesses. (Nouveaux murmures.) Les postes ont été dégarnis en très grande partie, presque toujours la|nuit et aux heures des repas, notamment au garde-meublè, où souvent la garde est demeurée quarante-huit heures, et même soixante heures sans être relevée, n'ayant plus par conséquent le mot d'ordre. Le poste du Carrousel, pour la garde des effets nationaux au château des Tuileries, s'est trouvé quelquefois tellement dégarni que j'y ai vainement requis, en personne, une force armée pour arrêter les dilapidations qui se passaient sous mes yeux. (Murmures prolongés.) L'administration des approvisionnements de Paris m'a demandé des postes pour le magasins ; mes réquisitions sont inutiles pour cet objet, comme pour les autres. Enfin samedi dernier, à six heures du soir, les commissaires que j'ai préposés à la conservation des effets nationaux aux Tuileries, m'ont prévenu que le poste majeur n'était composé que de 13 hommes au lieu de 60 ; qu'une seule section y faisait le service, qu'elle avait envoyé 27 hommes sans commandant ni sergent, avec un seul caporal pris de vin ; que la sentinelle, rebutée de faire sept à huit heures de service, menaçait de quitter le poste. (Vives exclamations.)
Assurément je suis loin d'inculper la garde nationale parisienne, je reconnais son zèle, son activité, son service; cette garde, ce sont nos concitoyens, c'est nous-mêmes ; mais il y ar défaut d'ordre dans le service, et ce défaut la compromet en même temps qu'il expose la chose publique. Mille inconvénients naissent de cette source et s'aggravent réciproquement; le premier de tous, est le dégoût même du citoyen qui peut quitter, pour quelques instants, ses foyers, sa famille; les affaires, pour le maintien de l'ordre et la paix dont il sent le prix ; mais qui ne saurait le faire avec empressement qu'autant, qu'il aperçoit le terme de ses sollicitudes et qu'elles sont également partagées entre tous. Après 24 heures de garde, tout homme a droit de retourner dans ses foyers ; et si aux besoins du cœur, à la loi de l'intérêt, à l'attrait du plaisir dans une ville de corruption comme Paris, l'inertie de la chose publique dans les personnes qui commandent, fait joindre encore le dégoût, en ne relevant pas exactement les postes, ne les visitant jamais, n'y établissant aucun ordre, il est évident que le zèle doit s'éteindre et le service s'annuler entièrement. . Lorsque je rapproche de cet état de choses, les actes arbitraires qui ont fait remplir les prisons sitôt après les terribles exécutions qui les avaient vidées, actes dont j'ai fourni la preuve à l'Assemblée nationale, en déposant sur son bureau cinq à six cents mandats d'arrêts, dont quelques-uns sont signés d'une seule personne sans caractère, la plupart de deux ou trois membres seulement du comité de surveillance de la commune, beaucoup sans aucun motif énoncé, et les autres avec la seule allégation du soupçon d'incivisme; lorsque j'observe que les fédérés qui arrivent à Paris, et dont jusqu'à présent la loi avait confié le soin à la commune, sont mal
logés, mal traités, souvent envoyés chez moi pour avoir des emplacements, des lits, comme si j'eusse été chargé de ces objets, tandis qu'ils étaient à la disposition de la commune, laquelle semblait avoir aessein de les laisser souffrir et de leur persuader que ces souffrances, qu'il doit tenir à elle de les faire cesser, étaient l'ouvrage du ministère, lorsque fournissant des matelas ou des lits dans les casernes, je n'obtiens aucun compte de ces objets, et j'apprends qu'ils disparaissent; lorsque je reçois ces nombreuses dé-putatiofts des sections, qui viennent m}interroger sur l'état des subsistances de la ville, que la commune devait connaître; lorsque j'entends traiter d'émigrés 33 étrangers pleins de confiance amenés militairement à Paris, et sur lesquels la Commune me demande des renseignements après qu'elle les a interrogés et qu'elle a dû se mettre en état de m'en donner à moi-même ; lorsque j'apprends en même temps les fausses inculpations répandues contre les hommes publics qui réunissent au caractère quelques talentsjf et se sont fait connaître par leur intégrité ; lorsque je vois affecter la supposition de partis ou de factions qui n'ont jamais existé, mais à l'aide de laquelle on chercne à rendre odieux ou suspects les plus sages ou les plus intrépides défenseurs de la liberté ; lorsqu'enfin les principes de la révolte et du carnage sont hautement professés, applaudis dans des assemblées, et que des clameurs s'élèvent contre la Convention elle-même.....ie ne puis plus douter que des partisans de l'ancien régime, ou de faux amis du peuple, cachant leur extravagance ou leur scé-. îératesse sous un manque de patriotisme, n'aient conçu le plan d'un renversement dans lequel ils espèrent s'élever sur des ruines et des cadavres, goûter le sang, l'or et l'atrocité. (Vifs applaudissements.)
Département sage mais peu puissant ; commune active et despote; peuple excellent, mais dont une partie saine est intimidée ou contrainte, tandis que l'autre est travaillée par les flatteurs et enflammée par la calomnie; confusion des pouvoirs, abus et mépris des autorités; force publique faible ou nulle, par un mauvais commandement : voilà Paris.
Plusieurs membres : Très bien, très bien, nous demandons une seconde lecture de cette phrase.
,secrétaire, donne une seconde lecture de cette phrase et continue ainsi :
Je sens qu'en offrant un pareil tableau, s'élèvent des murmures qui me couvrent de défaveur;
Les mêmes membres : Non, non! (Applaudissements.)
,secrétaire. Je déplais aux faibles, qui craignent une lumière dont. ils se sentent incommodés; aux pervers, qui s'irritent de celle qui les font connaître ; aux ignorants, toujours prêts à se fâcher de la preuve de ce qu'ils n'avaient pu soupçonner ; les bons eux-mêmes s'inquiètent un moment ; ils voudraient douter du mal qui les afflige et qu'ils n'ont pas su prévoir ; mais entre la vérité qui blesse et qui sert, la flatterie qui tue, ou le silence qui trahit, je n'hésiterai jamais un instant, ma vie même y fût-elle intéressée. (Vifs applaudissements.) En vous énonçant les faits, j'ai indiqué les causes; ils se tiennent immédiatement. Suites nécessaires d'un grand mouvement et d'une terrible révolution qui a entraîné la désorganisation, et où se sont développées de nobles affections et des passions atroces ; succès-
sion rapide de grands périls et de sentiments opposés ; faiblesse du Corps législatif qui vous a précédés; délai, peut-être trop prolongé, delà part de la Convention, à prendre des mesures vigoureuses (Nouveaux applaudissements)-, yo'ùk les causes principales et les plus saillantes. Leurs effets se perpétueraient par l'impunité des provocations au meurtre; par la défiance qu'inspirent les dispensateurs de deniers publics et l'exemple dangereux qu'ils donnent, lorsqu'ils négligent d'en rendre le compte le plus rigoureux ; par les délibérations illégales, supposées du peu-
Kle, tandis qu'elles sont l'ouvrage de quelques ommes turbulents, et qu'une indiscrète tolérance laisserait subsister ; par l'indifférence avec laquelle on admet dans la garde nationale des personnes inconnues et non domiciliées ; par le retard de l'instruction publique et des institutions qui doivent la favoriser. (Applaudissements.)
L'exposé des maux et de leurs causes présente naturellement la connaissance des moyens de les détruire ; je dois en laisser la discussion à votre sagesse ; ils sont dans vos mains. Représentants de la nation, chargés de vouloir provisoirement pour elle, vous sauverez la République et vous lui donnerez une sage Constitution, en méprisant tout danger , repoussant toute influence, réprimant les factieux et donnant force à la loi. (Applaudissements.)
Ferme à mon poste, fidèle à remplir mes devoirs, je serai toujours prêt à rendre compte des affaires commises à mes soins ; mais j'observerai que leur multiplicité, leur importance, join-
tes aux difficultés résultant de l'état de contraction où nous sommes encore, mériteraient peut-être qu'on se livrât moins aisément à la légèreté des inculpations. J'ai été accusé dans cette Assemblée, il y a trois jours, de mettre de 4a négligence dans l'envoi des décrets ; c'était d'un législateur, moins que de tout autre, que j'aurais dû attendre cette accusation ; car il eût pu savoir que tous les matins j'envoie à la Convention, comme je faisais à la législature, le Bulletin des décrets que j'ai expédiés la veille, de manière que je suis à jour et de l'expédition, et du compte de l'expédition.
Je joins à mon rapport quelques pièces qui viennent à l'appui des faits qu'il contient. Parmi ces pièces se trouve la copie certifiée d'une lettre adressée au ministre de la justice, et qui indique le dessein de renouveler quelques massacres dans lesquels on me ferait l'honneur de me comprendre avec plusieurs membres de la Convention. Quelque peu civique que soit ce projet, je crois qu'il mérite moins d'attention que l'état général de la capitale auquel d'ailleurs il pourrait tenir, et dont la continuité aurait une toute autre influence; car les individus ne font rien devant l'espèce. Nous passerons vile, nous pouvons périr ; mais il faut que les lois demeurent, parce que ce sont elles qui assurent le bonheur des générations. (Applaudissements.) Il faut donc aussi les faire bonnes, et pour cela, que la ville où vous les discuterez soit maintenue dans l'ordre et dans la paix. (Vifs applaudissements.)
tableau.
PIÈGES ANNEXÉES AU MÉMOIRE DU MINISTRE DE L'INTÉRIEUR.
PREMIÈRE PIÈCE. Extrait des registres du département de Paris.
NUMÉROS des LOIS. DATES des LOIS . DATES des lettres d'envoi du ministère. DATES de Ja consignation. DATES de la réponse au ministère. DATES de l'envoi à la municipalité de Paris et aux districts. OBJETS DES LOIS.
80......... 4 octobre. 18 octobre. 19 octobre. 19 octobre. 19 octobre. Effets des casernes de Saint-Denis.
88......... 12 Idem. Idem. Idom, Uem. Idem. Guidon des émigrés.
21, 27..... 16,21,30 juil. 19 Idem. Idem. Idem. Idem. Bois des généralités.
40........ 6 octobre. Idem. Idem. Idem. Idem. Suppléant à la Cour.
41......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Secours provisoires.
9 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Nomination de Garat.
50......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Manufactures d'armes.
51......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Payement des religieuses.
88......... 14 Idem. 19 Idem. 23 Idem. 23 Idem. 23 Idem. Cuivre pour Saint-Denis.
74......... 16 Idem. 20 Idem. Idem. Idem. Idem. Objets trouvés au Louvre.
52......... 12 Idem. 19 Idem. Idem. Idem. Idem. 300,000 livres pour remboursement de
billets de parchemin.
70......... 18 Idem. - Idem. Idem. Idem. Idem. Jugements qui condamnent à la mort.
71......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Camp sous Paris.
48........ 9 Idem. 21 Idem. Idem. Idem. Idem. Rapport de l'article 12 de la lui du 5 sep-
tembre.
60......... 22 septemb. Idem. Idem Idem. Idem. Renouvellement des corps administratifs.
57......... il octobre. 21 Idem. 25 Idem. 25 Idem. 25 Idem. Communaux en culture.
56......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Assignats de 10 livres.
54......... 10 octobre. Idem. Idem. Idem. Idem. Archives de la République.
2,404...... 3 septemb. 17 Idem. Idem. Idem. Idem. Officiers généraux pour le camp sous §
Paris.
2,867...... 2 août. Idem. Idem. Idem. Idem. Jugement par les gradués.
33......... 6 octobre. Idem. Idem Idom. Idem. Habillement des troupes.
39......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Brisement des sceaux de l'Etat.
42......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idom. Peine des fers.
43......... 8 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Translation des prisonniers.
11 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Délits de volontaires de Mauconseil et de
15 Idem. la République.
1 61......... Idem. Idem. Idem. Idem. Chevaux de la ci-devant Cour.
g 80......... 18 Idem. 23 Idem. Idem. Idem. Idem. Monuments des arts.
1 90......... 22, 24 oct. 25 Idem. Idem. Idem. Idem. Mobilier du château des Tuileries.
83......... 22 octobre. 24 Idem. Idem. Idem. Idem. Biens des ordres de Malte.
76......... 19 Idem. 25 Idem. Idem. Idem. Idem. Exécution du décret du renouvellement
des corps administratifs.
104........ 25 Idem. Idem. Idem. 27 Idem. Idem. Maison de secours.
84......... 20 Idem. 24 Idem. 27 Idem. Idem. 27 Idem. Organisation d'une réserve.
85......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Ventes des meubles des maisons royales.
98......... 18 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Logement de deux compagnies de gen-
darmerie près le Corps législatif.
99......... 20 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Suppression de l'état-major du camp
sous Paris.
100........ Idem. Idem. Mem. Idem. Idem. Garde nationale de Paris.
63......... 13 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Commission nationale près les tribunaux.
I 62......... 10 Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Gratifications des employés.
| 64......... 13 Idem Idem. Idem. Idem. Idem. Manufacture d'armes.
§ 65......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Dispositions de Custine pour Spire et
Worms.
1 66......... Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Secours de 300,000 livres.
21 septemb. Idem. Idem. Idem. Idem. Discours de François Neufchâteau.
i » ..... 19 octobre. Idem. Idem. Idem. Idem. Adresse de la Convention nationale aux |
armees.
S 47......... 9 octobre. 25 Idem. Idem. Idem. Idem. Escadron de cavalerie.
I 93......... 22 Idem. 27 Idem. Idem. Idem. Idem. Solde des fédérés.
Pour extrait conforme aux registres : Pour copie conforme :
Signé : RAISSON, secrétaire général. Signé : ROLAND.
DEUXIÈME PIÈCE.
Lettre adressée au ministre de la justice (1). « J'étais hier au matin
chez le quidam féroce
« Je n'ai pas voulu demander le nom de ce particulier, paree que j'ai craint que l'on ne soupçonnât l'usage que j'en voulais faire. Cependant, si vous êtes jaloux de le savoir, je pourrai vous le dire sous deux jours au plus tard. Il est temps et grand temps d'arrêter la fureur des assassins. Je gémis à mon particulier de voir les horreurs qu'on nous prépare. Bmot leur déplaît beaucoup, Vergniaud, Guadet, Lasource, etc. voilà ceux que l'on nomme pour être de la cabale de Roland ; ils ne veulent entendre parler que de Robespierre.....
Un membre ; Ah ! le scélérat!
,secrétaire, continue :
« Je ne signe pas, et vous savez bien ,que ce n'est pas la confiance qui me manque; mais je crains de vous compromettre.
« Je ne connais guère qu'un moyen de tempérer l'àrdeur des assassins : ce serait de solliciter la loi déjà proposée contre les provocations au meurtre; et sitôt qu'elle serait promulguée de mettre à leur trousse des gens sûrs qui les dénonçassent. Si on en punissait un seul, il n'y aurait plus de prédicateurs de l'assassinat, et l'ordre régnerait incessamment.
« L'accusateur publié est grand ami du quidam chez lequel j'étais. Il lui a fait tenir une lettre au tribunal; mais j'ignore ce qu'elle contient.
« L'homme dont on ne savait pas le nom, c'est un nommé Fournier, Américain, demeurant rue Neuve-du-Luxembourg, ehez un apothicaire.
« Je soussigné, certifie que la présente lettre m'a été adresée par le citoyen Marcaudier, qui connaît mon amour pour la patrie. En foi de quoi j'ai signé le présent, aujourd'hui vingt-six octobre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an premier de la République.
« Signé : Dubail.
« Vice-président de la seconde section du tribunal criminel de Paris, Rue de Vaugirard..
« Pour copie conforme :
« Signé : Roland. »
( Vif mouvement d'émotion.)
troisième pièce.
Extrait du registre des délibérations du conseil exécutif provisoire.
« Lecture faite d'une lettre communiquée au ministre de la justice, par un citoyen digne~dev foi, et qui contient des indices d'un projet tendant à renouveler les scènes sanglantes qui ont affligé la capitale, le conseil exécutif arrête que cette lettre sera remise au ministre de l'intérieur chargé, par un décret de la Convention nationale, de lui rendre compte de la situation de la capitale.
t Pour ampliation conforme au registre : « Signé : grouvelle, secrétaire. « Pour copie conforme :
« Signé : Roland. »
quatrième pièce.
Copie du récépissé donné le
« Nous, administrateurs au département de poliee et au comité de surveillance et de salut public, certifions que le sieur Tisset, accompagné du sieur Frenin Giraudot, nous a remis le procès-verbal fait chez le sieur Septeuil, en vertu de l'ordre donné audit Tisset, le 23 août présent mois ; certifions pareillement qu'il nous a remis un carton ficelé fil rouge, scellé de deux bandes de papier, au bout desquelles il a apposé son cachet en cire rouge, en six endroits différents, ou six autres cachets aux armes de la commune ; lequel carton le sieur Tisset nous a déclaré contenir, tant en assignats qu'en or, la somme de 340,000 livres; nous a remis un paquet de registres, enveloppé d'une serviette, lié d'un ruban fil rouge, scellé de plusieurs cachets en cire noire, et une montre attachée audit paquet et scellée en cire rouge ; lesquels registres trouvés chez différents particuliers, qui les avaient reçus des ordre de MM. Septeuil et ûorvilliers ; il nous a aussi remis deux grands portefeuilles également scellés, contenant des papiers signés du roi et de la reine. Déclarons en outre que le sieur Tisset-, en notre présence, a retiré dudit carton un assignat de la somme de 1,000 livres, qui lui a été alloué par nous pour les dépenses par lui faites ou à faire, dont il s'engage de rendre compte. Ce 27 août 1792, l'an quatrième de la liberté, et le premier de l'égalité. « Les administrateurs du comité de surveillance.
« Signé : Cailly, Goban, Goret, Rossignol, Sergent, Danjou, et scellé des armes de la commune de Paris.
« Pour copie conforme à l'original resté en mes mains.
« Signé : tlsset. »
Rue de la Barillerie, n° 13, à Paris.
Copie du récépisé donné par le comité de surveil-. lance de la commune de
Paris, au sieur Tisset le
« Par le présent, donnons décharge aux sieurs Tisset et Giraudot d'un carton maroquin rouge, qu'ils nous entremis, qui contient, ainsi que le constate le procès-verbal déposé également, des bijoux et effets précieux trouvés chez le sieur Delahaye, à Saint-Firmin près Chantilly, lequel sieur Delahaye a déclaré que cette boite lui a été remise par le sieur Septeuil, trésorier de la liste civile.
« Ont signé ; les administrateurs au département de police et de salut public,
« Signé: CaillY, Danjou, Ch. Goret, avec paraphe, et scellé des armes de la commune de Paris. Pour copie comforme à Voriginal resté en mes mains.
« Signé : Tisset. »
Observations. Le sieur Tisset a vu, vers le 24 ou25 octobre,"en présence du sieur Morillon, secrétaire de Septeuil, les objets contenus dans le carton du récépissé du 30 août, depuis la levée du scellé qui avait été faite sans lui : cette levée s'est faite malgré l'apposition du cachet des citoyens Tisset et Delanaye.
Le citoyen Tisset observe que, sans lui, ont été également levés les scellés des effets du récep-pissé du 27 août, quoiqu'il y eût son cachet et celui du citoyen Puteau, domestique de Septeuil.
Le citoyen Tisset ne sait pas si ces effets sont conservés en entier ou non.
Pour copie conforme t
« Signé : Roland.
cinquième pièce,
Mémoire en réclamation.
« Le 20 août dernier au milieu de la nuit, en l'absence de François-Denis Drouin occupant l'appartement du premier étage,, dans uné maison appartenant au sieur Graindorge, rue l'Evêque, butte Saint-Roch, n°4, une troupe de gens armés a enfoncé les portes de son appartement; de prétendus commissaires, sans aucune instruction, ni jugement préalable, ont forcé toutes les armoires, commode, tiroirs de tables et bureaux, et deux secrétaires à ravalement, dont un avec bas d'armoire; et sans aucun inventaire ni description, ont emporté tous les papiers qui se trouvaient chez ce citoyen.
« Absent, avec toute sa famille qui habite la campagne, sait-il si son linge, ses habits ët quelques effets précieux n'ont pas été également enlevés?
« Jamais les droits de l'homme ne furent violés avec'plus d'audace. Jamais on n'exerça une tyrannie pareille, au mépris des lois et des décrets rendus pas les assemblées constituante, législative et conventionnelle.
i; C'est sous les yeux des législateurs, c'est au moment où l'on vient de prêter le serment de l'égalité et de la liberté que, sans aucune forme légale, on pille un citoyen î
« On le dépouille non seulement des papiers appartenant à des personnes qni lui avaient donné leur confiance et qui ont action contre lui, mais encore on lui enlève tous les titres de. ses-propriétés ; des actes légaux de toutes espèces qui constatent son droit à des successions litigieuses, ou le mettent en état de se défendre ae demandes Jbrmées contre lui ; des quittances de droits payés pour des successions echues, dont le défaut de représentation l'expose à payer deux fois et à encourir des peines comme n'ayant pas payé dans les délais prescrits; des quittances depuis celles des impositions et contributions, jusqu'à ' celles dé ses loyers, et des marchands, ouvriers, et fournisseurs de toute nature ; des effets actifs, assignats, feillets de la caisse d'escompte ; des comptes arrêtés par la régie générale pour la gestion d'Adrien Drouin, son frère décédé, directeur de la régie générale à Domfront, en janvier 1790, et des décisions dé _ cette régie ; sa correspondance avec des personnes chargées, en province, de recouvrements à son profit, qui constate qu'il leur en a permis les titres ; des oppositions au remboursement d'offices liquidés dont les titulaires sont ses débiteurs ; enfin, tous les papiers qui sont la suite des affaires heureuses ou malheureuses d'un homme arrivé à l'âge de 65 ans. Çomptable envers sâ femme et sa fille de la dot et du douaire de la première, et des droits attribués à la seconde par la coutume de Normandie où sont situés ses biens patrimoniaux, comment se fera-t-il restituer près de 20,000. livres en assignats, excepté 1,000 livres en billets de la caisse d'escompte, que ce citoyen malheureux avait ras-
semblés, tant du cautionnement de son frère de 6,000 livres qui lui a été rendu avec les intérêts d'une somme de 26,000 et quelques livres, prises au décès de ee frère par le receveur de la régie à Domfront, à lui rendues par ordre de la régie, que de différents billets, trouvés à la dite sue-cession qui lui ont été payés depuis? Ces effets, gardés dans un mauvais portefeuille, enfermé dans son secrétaire, étaient destinés à faire, au profit de sa femme, le remplacement de sa dot et de son douaire; il en avait pour 19,600 livres, « Prévenu qu'on voulait lui rembourser une rente foncière au capital de 1,500 livres, il n'attendait que l'époque de l'échéance de ses revenus pour compléter, avec 900 livres, les 22,000 livres, à quoi devait monter ce remplacement.
« Quelle ressource reste-t-il à cette famille? Le père, accablé par la perte de sa fortune, occasionnée par la plus inouie vexation, dévoré d'in-quétudes pour lui, sur ses vieux jours, et pour les siens après lui, ne voyant pas de moyens d'éviter des condamnationsfcet des exécutions de la part de ses créanciers auxquels il ne peut justifier de ses payements d'acompte, privé des moyens de percevoir ce que lui doivent ses débiteurs en fermages, rentes ou autrement ; la spoliation illégale et affreuse exercée contre lui, le met hors d état de réussir en y consacrant même le reste de ses jours à réparer ses pertes, le dévoue à la misère et le force de paraître banqueroutier en mourant.
« Le
Signé : drouin.
Pour copie conforme :
Signé : Roland »
sixième pièce.
Rapport fait au ministre de l'intérieur sur l's 33 prétendus émigrés, déposés à la conciergerie le dimanche 21 octobre, Van premier de la République.
« 31 soldats, Prussiens, Hollandais, Flamands, Suisses et Allemands, étaient le 25 septembre à Auchêne, en la ci-devant Champagne ; consignés, en cet endroit, après la retraite de l'armée ennemie, pour protéger 3 charriots ^restés en arrière, ils ont conçu le projet de se rendre en France. A l'aspect de 10 nussards qui passaient dans le village, où ils étaient arrêtés, ils allèrent d'eux-mêmes au-devant de l'un d'eux, et ils le prièrent de les recevoir avec lui et de les conduire à l'armée française. Les 10 hussards réunis, conduisirent ces soldats à Voisi. 6 chasseurs à cheval les conduisirent de là au quartier général, d'où ils furent menés sous la même escorte à Sainte-Menehould. 3 gendarmes s'en emparèrent et les amenèrent à Châlons, où ils restèrent 5 à 6 jours, et ils vinrent de Châlons à Paris, accompagnés de 8 autres gendarmes, qui, sans manifester au concierge aucun ordre, les déposèrent dans sa prison.
« On publie dans Paris que ce sont encore des émigrés, et on cherche à animer le peuple contre eux. Je les ai tous vus et entendus les uns après les autres. Je puis certifier que, dans ceB 31 soldats, il n'y en a pas un seul d'émigré. Deux seuls parlent un peu le français, et aucun des autres ne le parle ni ne le comprend. Le plus grand calme, la plus grande confiance règne sur leur visage. Longtemps trompés par les princes, français, mal payés, mal nourris, bien battus, Ils
n'attendaient que l'occasion de se joindre à nous : ils ont saisi la première avec avidité, et ils paraissent compter sur la loyauté française.
« On a emmené avec eux de Ghâlons deux domestiques français, qui, n'étant payés de leurs maîtres qu'en coups de bâton, les ont quittés, et s'en retournaient, l'un en Alsace, l'autre en Basse-Normandie, et ont été arrêtés faute de passeports.
« Signé : Grandpré, chargé par le ministre de l'intérieur de la partie des prisons.
Pour copie conforme :
« Signé : Roland. »
Un membre : On empoisonne les sociétés populaires d'écrits incendiaires, je demande l'impression du mémoire du ministre Roland et je demande qu'il soit envoyé à tous les départements, à toutes les communes et surtout à toutes les sociétés populaires, car il importe au salut public qu'aucun français ne reste dans l'erreur.
Je demande à parler contre l'impression de ce rapport.
Plusieurs membres refusent d'entendre Robespierre et insistent pour que l'impression du rapport de Roland soit ordonnée.
J'observe que l'on ne peut décréter une proposition avant d'avoir entendu celui qui veut la combattre.
(La Convention décrète que Robespierre sera entendu sur l'impression.)
Je demande la parole sur le rapport du ministre de l'intérieur en général et sur le fait qui m'est personnel dans la lettre qui a été lue à la suite ae ce rapport; je veux aire sur cette information dangereuse jetée au milieu de cette Assemblée... (Violentes interruptions.)
Président, maintenez la parole à l'orateur, et moi aussi je la demande après; il est temps que tout cela s'éclaircisse.
Un membre : Si Robespierre veut parler contre l'impression, il le peut; mais un membre ne peut sortir de l'ordre de la délibération ; il ne s'agit maintenant que de savoir si l'on imprimera, oui ou non, le rapport du ministre, et le vœu d'un membre ne peut arrêter celui de la Convention. (Applaudissements.)
Robespierre, vous n'avez la parole que sur la proposition qui est faite d'ordonner l'impression du mémoire du ministre, car il ne s'agit pas encore du fond de la question.
Je n'ai pas besoin de vos officieuses instructions. (Murmures prolongés.)
Un membre : A l'ordre! à l'ordre! Robespierre a insulté l'Assemblée en insultant le président; je demande l'application du règlement contre lui. (Applaudissements.)
Il a déjà à la tribune son expression dictatoriale.
Robespierre, parlez contre l'impression.
J'invoque la justice de l'Assemblée ; j'invoque, pour un représentant du peuple, la même attention, la même impartialité qu'on met à entendre un ministre. Je lui observe que si elle m'écoute avec d'autres dispositions, je perdrai la cause que je veux défendre. (Rires ironiques et murmures.)
Je lui observe que plus son pouvoir est immense, plus elle doit écouter toutes les opinions, tous les hommes avec une parfaite impartialité; et lorsque je vous demande la parole sur une chose qui m'intéresse, cette chose ne consistât-elle qu'à écarter des soupçons, me serait-il possible de remplir cetle tâche, si j'étais tellement environné de persécutions, que ma voix fût étouffée par des murmures ?
Plusieurs membres : Au fait! au fait ! parlez de l'impression !
J'arrive au fait, mais permettez-moi de vous dire auparavant que, lorsque je demande la parole pour vous entretenir des choses qu'il vous importe le plus de connaître, ces choses ne consistassent-elles qu'à écarter un système d'oppression au-dessus de la tête d'un grand nombre de citoyens...
Plusieurs membres : Des scélérats.
et même des représentants du peuple qui n'ont pas mérité de perdre, ni votre confiance, ni celle de la nation, me serait-il possible de remplir cette tâche, si, au moment où je monte à la tribune, je me trouvais tellement environné de préventions que je veux combattre, ma voix fût étoulîée, et si un président s'occupait de circonscrire tellement les vérités que j'ai à dire, que ma justification dût se réduire a une misérable question d'impression ? (Murmures prolongés.)
Robespierre, si vous ne parlez pas contre l'impression, je vais la mettre aux voix.
Au moins, écoutez ce que je veux dire !
Plusieurs membres : Nous ne voulons pas le savoir.
D'autres membres : Aux voix l'impression !
Comment ! je n'aurai pas le droit de vous dire que les rapports que l'on vous fait de temps à autres sont toujours insidieusement dirigés vers un but unique, et que ce but est d'opprimer les patriotes qui déplaisent.
Plusieurs membres : Dites plutôt de démasquer les imposteurs! (Applaudissements.)
Je vais rappeler les interrupteurs à l'ordre.
Si vous ne voulez pas m'entendre; si vous m'interrompez sous différents prétextes; et si le président, loin de faire respecter la liberté des suffrages et la pureté des principes, emploie lui-mêmes des prétextes plus ou moins spécieux.....(Vives interruptions.)
Un grand nombre de membres : A l'ordre! à l'ordre ! il a insulté le président!
Robespierre, vous voyez les efforts que je fais pour ramener le silence : c'est une calomnie de plus que je vous pardonne et que je prie l'Assemblée de permettre de vous pardonner. (Vifs applaudissements.)
Depuis que je parle je n'ai cessé d'entendre autour de moi les clameurs de la malveillance. (Nouvelles interruptions.)
Un grand nombre de membres : Au fait, au fait !
Je réduis la ques tion à, un point bien simple. Je vois qu'avec des
insinuations perfides, on s'applique à désigner sous le nom ae faction des hommes qui ont bien mérité de la patrie, et quoique je n'aie pas cet honneur, on me fait cependant celui de m'y comprendre. (Murmures.) Il me semble que la première règle de la justice est que dans les mêmes lieux, devant les mêmes hommes qui ont entendu une accusation, la défense soit écoutée avec la même indulgence. Je ne vois aucune raison pour qu'un représentant du peuple ne puisse être écouté comme celui qui l'inculpe, quel que soit le titre de ce dernier. (Le silence achève de se rétablir.)
S'il en était autrement, pour perdre le meilleur citoyen, il suffirait ae l'inculper aux yeux de la France entière, de jeter sur lui des soupçons vagues, liés à un système suivi d'accusation, de faire envoyer ces calomnies dans toutes les parties de la République, avec le sceau de l'autorité de l'Assemblée nationale, et si les clameurs de la prévention empêchaient l'accusé de se faire entendre, quelle serait alors la ressource de l'innocence opprimée? Ne serait-il pas évident qu'on pourrait alors vous accuser d'avoir foulé aux pieds toutes les règles de la justice? Il suffirait donc que quelques intrigants qui seraient dans votre sein, abusassent de votre confiance pour que nous nous trouvassions accablés de toute l'immensité du pouvoir dont vous êtes investis.
Je fais ici des observations générales, qui nous seront utiles dans la suite.
Qu'y a-t-il dans ces principes qui ne soit pas dans vos cœurs, et que vous puissiez désavouer ? Et s'il était ici des hommes qui, applaudissant à toutes les accusations, étouffant par des clameurs atroces les cri3 de ceux qui voudraient se justifier, entraîneraient ainsi 1 Assemblée qui se trouverait, sans le savoir, menée par une faction d'intrigants, n'en résulterait-il pas que l'Assemblée nationale réaliserait le plus dangereux et le plus cruel système de persécution, et l'intérêt de la chose publique n'est-il donc pas compromis par les éternels murmures, dont on nous accable ?
Un membre : Occupons-noUs de l'intérêt public et non des hommes,
Est-ce que la réputation et le droit de voter d'une partie des représentants du peuple, ne fait pas partie de l'intérêt national? Peut-on, sans porter atteinte aux droits du peuple, détruire d'avance leurs suffrages et les soumettre à des vengeances atroces, préparées de longue main? Quoi, lors-qu'ici il n'est pas un homme qui osât m'accuser en face, en articulant des faits positifs contre moi; lorsqu'il n'en est pas un qui osât monter à cette tribune et ouvrir avec moi une discussion calme et sérieuse....
,s'avançant devant la tribunal et regardant Robespierre .-Je m'offre contre toi, Robespierre, et je demande la parole pour t'accuser 1
Et nous aussi, nous allons l'accuser!
(Un grand silence se fait dans la Convention ; tous les yeux se tournent sur Louvet de Couvrai. Maximilien Robespierre, immobile dans la tribune, le regarde et paraît ému.)
Oui, Robespierre, c'est moi qui t'accuse!
(Le silence dure encore un moment; Maximilien Robespierre garde son attitude.)
monte à la tribune. (Vifs applaudissements.)
Continue, Robespierre, les bons citoyens sont là qui t'entendent ! (Applaudissements dans quelques tribunes.)
Je demande que Louvet soit entendu ; il faut que les rayons de la vérité confondent les calomniateurs. (Murmures et agitation prolongée.)
(le jeune). Je demande que les accusateurs de mon frère soient entendus avant lui.
(de Thionville.) Je demande, Président, que vous mettiez aux voix l'impression du mémoire du ministre; ce n'est pas ici le lieu d'entendre des disputes entre Robespierre et des hommes tels que Rebecquy et Louvet. Si on veut établir une lutte entre eux, c'est dans le forum de Paris qu'elle doit avoir lieu ; c'est là d'ailleurs que doit être connu ce rapport, qui peut mieux que tout jeter du jour sur la dénonciation qui vous est faite.
Je réclame la liberté de terminer mon opinion. Oh! ce n'est pas ici une querelle particulière ! car si le système que je viens de développer pouvait prévaloir, le succès des plus grandes conspirations serait assuré d'avance, et la liberté bientôt compromise par l'oppression d'une partie de ses défenseurs. Déjà l'on m'a fait deux espèces d'accusations : la première très grave en apparence ; mais si vague, si légère, si peu soutenue, qu'elle semblait avoir été jetée en avant, non pas pour amener des preuves, mais pour laisser dans vos esprits des impressions fâcheuses; car c'est là le grand art delà calomnie. (Ah! ah ! ah!) La seconde est celle qni se trouve dans la lettre qui vient de vous être communiquée par le ministre de l'intérieur.
Plusieurs membres : Au fait, au fait !
Si une centaine de membres pouvaient impunément étouffer ma voix par leurs murmures, ne s'ensuivrait-il pas que les patriotes, que les nommes inculpés, quels qu'ils soient, seraient jugés non pas par l'Assemblée, mais par les ennemis même contre lesquels nous réclamons ? (Murmures; quelques applaudissements à l'extrême gauche et dans certaines tribunes.) Vous n'avez pas interrompu l'accusateur par vos clameurs et par vos injures : je viens au fait. Je dis que de la permission qui a été accor- , dée au ministre de lire ici successivement une foule de rapports dirigés tous dans le même esprit, et inculpant principalement un homme qu^on cherche à désigner sans oser le nommer; je dis que de ces inculpations dirigées contre moi en particulier, résulte pour moi le droit de demander que la Convention ne s'accoutume pas à envoyer, à chaque instant et sans examen, les rapports et les dénonciations des ministres dans les-83 départements; mais qu'elle entende une discussion sur ces rapports, qu'elle écoute le pour et le contre, et que les clameurs de nos ennemis ne lui fassent pas fermer l'oreille à la vérité. (Murmures.) Ne vous fâchez pas de ce que je dis là, les ministres n'en auront pas moins beau jeu de nous perdre. Avons-nous comme les ministres des trésors à notre disposition, toute la puissance du gouvernement, la correspondance d un grand empire, et tant d'autres moyens d'influence? Ayant de tels moryens à combattre, eussions-nous mille fois raison, nous serions toujours calomniés dans toutes les parties de la République, et
par les correspondances ministérielles, et ^>ar l'Assemblée nationale elle-même, à laquelle on surprendrait des décrets pour envoyer officiellement dans les départements comme des pièces qui intéresseraient le salut public, les pièces de nos accusateurs. Je demande qu'elle veuille bien, après avoir ordonné, si elle le veut, l'impression du mémoire du ministre, mais non pas l'envoi officiel aux 83 départements, fixer un jour où il soit permis de discuter ce rapport; car cette discussion franche doit dissiper bien des préventions, bien des erreurs, étouffer des haines funestes; et puisqu'un membre s'est présenté pour m'accuser, je demande qu'il soit entendu, mais qu'on m'entende à mon tour.
Un grand nombre de membres : C'est juste.-.
Voilà à quoi je réduis ma motion. (Applaudissements à l'extrême gauche et dans quelques tribunes.)
Il est aussi parlé de moi dans la lettre communiquée par le ministre de l'intérieur; eh bien, je m'avoue coupable. On m'accuse d'être membre d'une cabale : je déclare que si vouloir les lois est une cabale, que si estimer Roland comme un honnête homme est une cabale, je m'honore d'être de cette faction. (Murmures.)
Un grand nombre de membres : Nous sommes tous des amis de Roland, mais pour l'instant il ne s'agit pas de cela. Vous n'êtes pas accusé, passons aux voix.
On m'observe, Lasource, que vous n'êtes pas accusé. Si vous ne vous opposez pas à l'impression, je vais la mettre aux voix.
(La Convention ordonne l'impression du mémoire du ministre de l'intérieur et des pièces qui y sont annexées.)
Je demande l'envoi de ce mémoire aux 83 départements.
Plusieurs membres insistent avec chaleur sur cette proposition.
J'ai applaudi au mémoire du ministre de l'intérieur, mais je crois que l'Assemblée ne pourrait, sans s'exposer à donner une nouvelle force à l'esprit de parti, envoyer ce mémoire dans les départements, et lui donner, par là, une apparence d'approbation indirecte, avant d'avoir examiné si tous les faits qu'il contient sont vrais. Je demande donc l'ajournement de cette proposition jusqu'après la discussion du mémoire.
(La Convention décrète l'ajournement de'l'envoi du mémoire de Roland aux 83 départements jusqu'après la discussion.)
demandent que la discussion sur le rapport du ministre soit ajournée à jour fixe.
Je demande, moi, à combattre cette proposition.
Et moi, je demande à l'appuyer. J'ai peine à concevoir comment l'Assemblée hésiterait à fixer décidément à un jour prochain, la discussion que nécessite le rapport au ministre. Il est temps enfin que nous sachions de qui nous sommes les collègues; il est temps que nos collègues sachent ce qu'ils doivent penser de nous. (Applaudissements.) On ne peut se dissimuler qu'il existe dans l'Assemblée un grand germe de défiance entre ceux qui la composent..... (Quelques interruptions.) Si j'ai dit une vérité, que vous sentez tous, laissez m'en donc tirer les consé-
quences. Eh bien, ces défiances, il faut qu'elles cessent, et s'il y a un coupable parmi nous, il faut que vous en fassiez j ustice. ( Vifs applaudissements.) Je déclare, à.la Convention et à la nation entière, que je n'aime point l'individu Marat (Applaudissements); je dis avec franchise que j'ai lait l'expérience de son tempérament; non seulement il est volcanique et acariâtre, mais insociable. Après un tel aveu, qu'il me soit permis de dire que moi aussi je suis sans parti et sans faction. Si quelqu'un peut prouver que je tiens à une faction, qu'il me confonde à 1 instant..... Si, au contraire, il est vrai que ma pensée soit à moi, que je sois fortement décidé à mourir plutôt que d'être cause d'un déchirement, ou d'une tendance à un déchirement dans la République, je demande à énoncer ma pensée tout entière sur notre situation politique actuelle. (Applaudissements.)
Sans doute il est beau que la philanthropie, qu'un sentiment d'humanité fasse gémir le ministre de l'intérieur et tous les bons citoyens sur les malheurs inséparables d'une grande révolution ; sans doute on a droit de réclamer toute la rigueur de la justice nationale contre ceux qui auraient évidemment servi leurs passions particulières au lieu de servir la Révolution et la liberté. Mais comment se fait-il qu'un ministre qui ne peut pas ignorer les circonstances qui ont amené les événements dont il vous a entretenus, oublie les principes et les vérités qu'un autre ministre (1) vous a développés sur ces mêmes événements? Rappelez-vous ce que le ministre actuel de la justice vous a dit sur ces malheurs inséparables des révolutions. (Murmures.) Je ne ferai point d'autre réponse au ministre de l'intérieur. Si chacun de nous, si tout républicain a le droit d'invoquer la justice contre ceux qui n'auraient excité des mouvements révolutionnaires que pour assouvir des vengeances particulières, je dis qu'on ne peut pas se dissimuler non plus que jamais trône n'a été fracassé sans que ses éclats blessassent quelques bons citoyens; que jamais révolution complète n'a été opérée sans que cette vaste démolition de l'ordre de choses existant n'ait été funeste à quelqu'un; qu'il ne faut donc pas imputer ni à la cité de Paris, ni à celles qui auraient pu présenter les mêmes désastres, ce qui est peut-être l'effet de quelques vengeances particulières, dont je ne nie pas l'existence; mais ce qui est bien plus probablement la suite de cette commotion générale, de cette fièvre nationale qui a produit les miracles dont s'étonnera la postérité.
Je dis donc que le ministre a cédé à un sentiment que je respecte; mais
que son amour passionné pour l'ordre et les lois lui a fait voir sous la
couleur de l'esprit de faction et de grand complot d'Etat (Murmures), ce
qui n'est peut-être que la réunion de petites et misérables intrigues
dans leur objet comme dans leurs moyens. (Nouveaux murmures.)
Pénétrez-vous de cette vérité qu'il ne peut exister de faction dans une
République (Murmures) ; il y a des passions qui se cachent, il y a des
crimes particuliers, mais il n'y a pas de ces complots vastes et
particuliers qui puissent porter atteinte à la liberté. (Murmures
prolongés.) Et où sont donc ces hommes qu'on accuse'comme des conjurés,
comme des prétendants à la dictature ou au triumvirat?
Plusieurs membres : Bah [ bah ! c'est un pygmée !
Oui, nous devons réunir nos efforts pour faire cesser l'agitation de quelques ressentiments et de quelques préventions personnelles, plutôt que de nous effrayer par de vains et chimériques complots dont on serait bien embarrassé d'avoir à prouver l'existence. Je provoque donc une explication franche sur les défiances qui nous divisent; je demande que la discussion sur le mémoire du ministre soit ajournée à jour fixe, parce que je désire que les faits soient approfondis, et que la Convention nationale prenne des mesures coiitre ceux qui peuvent être coupables.
J'observe que c'est avec raison qu'on a réclamé contre l'envoi aux départements de lettres qui inculpent indirectement des membres de cette Assemblée. Roland aurait dû envoyer cette lettre où il est question de massacres au ministre de la justice ou à l'accusateur public pour la dénoncer aux tribunaux; et la, sans doute, on aurait reconnu que tous ces projets sinistres sont de vaines chimeres. (Murmures.) Je le déclare hautement, parce qu'il est temps de le dire ; tous ceux qui parlent de la faction Robespierre, sont à mes yeux ou des hommes prévenus ou de mauvais citoyens. (Applaudissements à l'extrême gauche, murmures à gauche et sur tous les autres bancs.) Que tous ceux qui ne partagent pas mon opinion me la laissent établir avant de la juger. Je n'ai accusé personne, et je suis prêt à repousser toutes les accusations. G est parce que je m'en sens la force et que je suis inattaquable que je demande ra discussion à lundi prochain.
Non pas.
Si, je la demande pour lundi, parce qu'il faut que les membres qui veulent accuser, s'assurent de leurs matériaux, et. puissent rassembler leurs pièces, et pour que ceux gui se trouvent en état de les réfuter, puissent préparer leurs développements et repousser à leur tour des imputations calomnieuses. Ainsi, les bons citoyens qui ne cherchent que la lumière, qui veulent connaître les choses et les hommes, sauront bientôt à qui ils doivent leur haine ou la fraternité, qui seule peut donner à la Convention cette marche sublime qui marquera sa carrière. . (Quelques applaudissements.)
Je ne pense pas que l'on veuille nous donner le change sur le véritable état de la question. Cependant, de quoi s'agit-il ? Il faut vous reporter tranquillement à la situation dans laquelle vous étiez lorsque vous avez exigé du ministre de l'intérieur un compte sur Paris et sur l'état des autorités constituées dans cette ville; il serait étrange que l'on voulût transformer la Convention nationale en club, et faire de ce lieu une arène de gladiateurs se battant les uns pour les autres, pour des passions privées. Vous devez, ce me semble, vous occuper uniquement de ce qui a trait à la commune de Paris. Le mémoire au ministre contient à cet égard des faits importants, il faut vérifier ces faits ; s'ils sont vrais, y appliquer des remèdes ; s'ils sont faux, prendre des mesures contre le ministre. Je m'y trouve aussi compromis pour quelque chose. Si cependant on est compromis quand il s'agit de partager le sort d'un ministre vertueux et j uste.....(Murmures et rumeurs à l'extrême gauche.) Je ne veux pas plus parler dé cette lettre, par rapport à moi,que Robespierre n'en eût dû parler
par rapport à lui. S'il se trouve calomnié, qu'il s'adresse aux tribunaux, le dénonciateur est connu.
En ce cas, que la Convention fasse les frais du procès.
Robespierre, voulez-vous que je mette votre proposition aux voix ?
Je dis que la Convention ayant fait les frais de l'impression de l'accusation, devrait aussi, si elle ne veut pas m'entendre, faire les frais de l'impression de ma réponse. (Rires ironiques et murmures.)
sonne (Le silence se rétablit.)
Je demande la clôture de la discussion. (Mûrmures.)
S'il fallait que chacun de nous repoussât les calomnies auxquelles il est exposé..... :
, s'élançant vers la tribune. Ce n'est pas par des ministres que vous êtes accusé. (Murmures.)
Je demande qu'un individu n'exerce pas le despotisme de la parole qu'il a su exercer ailleurs.
Robespierre, je vous rappelle à l'ordre et à votre place.
Je vais éloigner de moi cette discussion sur les personnes, déjà trop longue et fastidieuse ; car mon intention n'est pas de jeter de nouveaux ferments de troubles dans cette assemblée. J'en reviens à la question.
Vous avez demandé au ministre de l'intérieur un compte sur l'état actuel de la ville de Paris. Il vous présente des faits, il vous offre les résultats ae ses opérations et les moyens de remédier au mal ; on vous demande de discuter ce rapport, et pourquoi? Est-ce pour renouveler les divisions et les personnalités? II s'agit ici des choses, et non des personnes. Je demande que vous vous occupiez des deux rapports que ie vous ai faits, principalement de celui contre les provocateurs au meurtre.
Un membres : Ah ! voilà le nœud de la question.
Ceux qui trouvent qu'il est Jjon que l'on puisse assassiner ou provoquer à l'assassinat, tandis qu'il est défendu par les lois de menacer même la maison de son voisin, pourront nous faire part de leurs idées; (Applaudissements.) Je tâcherai de défendre mon projet, et l'Assemblée décidera. Il est possible aussi que la difficulté de faire une bonne loi à cet égard fasse naître de nouvelles lumières ; je provoque moi-même la discussion. Mais il est impossible, à moins que de vouloir ouvrir l'arène à toutes les passions haineuses, d'établir une discussion sur le rapport du ministre en lui-même. Je demande que nous nous occupions uniquemment des mesures à prendre pour la tranquillité publique et l'exécution des lois; et je conclus à ce que la proposition de Danton soit rejetée, et le mémoire du ministre renvoyé à un comité. Je demande aussi que les membres de cette Assemblée ne soient pas toujours offensés par des maximes générales, en se les appliquant; et je déclare, quant à moi, que je ne m'applique aucune de celles qu'on débite tous les soirs dans certaines sociétés. (Vifs applaudissements.)
Un grand nombre de membres : La clôture ! la clôture !
consulte l'Assemblée.
(La Convention prononce la clôture de la discussion.)
Je demande la parole contre cette décision précipitée et surprise à l'Assemblée (Murmures) : Buzot a fait une proposition nouvelle ; j'ai le droit de la combattre.....( Violentes interruptions.)
met aux voix la priorité pour la proposition fait par Buzot du renvoi du mémoire du ministre de l'intérieur à la commission des Neuf.
(La Convention accorde la priorité.)
réclame contre cette nouvelle décision.
(La Convention ordonne le renvoi à la commission des Neuf.)
cède le fauteuil à PÉTION, ancien président.
Présidence de Pétion, ancien président.
se présente à la tribune.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour et insistent pour qu'il soit mis aux voix.
La Convention décrète que Louvet de Couvrai sera entendu.)
(1). Une grande conjuration publique avait un instant menacé de peser sur la France, et avait trop longtemps pesé sur Paris. Vous arrivâtes; nous crûmes que votre présence mettrait un terme aux fureurs des ambitieux, et intimiderait les conspirateurs. Mais nous étions trompés : l'état où nous sommes annonce que les complets n'ont été qu'un instant interrompus.
Quand vous arrivâtes, l'autorité nationale, représentée par l'Assemblée législative, était méconnue, avilie, foulée aux pieds. Aujourd'hui on s'attache de même à décrier cette assemblée ; on emploie de semblables moyens pour l'avilir. Sur les places publiques, au Palais de la révolution, et ailleurs, vous m'entendez : que dis-je ! jusque sur la terrasse des Feuillants, jusqu'aux porte de ce temple des lois, on prêche l'insurrection .contre vous, contre les représentants du peuple en Convention.
Il est temps de savoir s'il existe une faction ou dans sept à huit membres de cette assemblée, ou dans les sept cent trente autres qui la combattent. Il faut que de cette lutte insolente vous sortiez vainqueurs ou avilis. Il faut que vous rendiez compte à la France des raisons qui vous font conserver dans votre sein cet homme sur lequel l'opinion pu blique se développe avec horreur. Il faut et je ne crains pas de le dire, ou nous délivrer de sa présence ou par Un décret solonnel, insulter à la raison pumique, et le proclamer innocent.
Il n'est pas moins pressant que vous preniez des mesures, et contre cette
commune désorga-nisatrice qui prolonge une autorité usurpée, et contre
les agitateurs qui sèment le trouble par leurs discours et par leurs
placards. En vain prodigueriez-vous des mesures partielles, si vous
n'attaquez pas le mal dans le mal même, c'est-à-dire dans les hommes qui
en sont les j auteurs ; est c'est ici que l'on sent combien est
On vous a dit qu'il faut s'occuper des choses et non pas des personnes : mais dans une conjuration publique, les choses et les hommes sont intimement liés ; et je défie bien qu'on puisse dénoncer une conjuration sans dénoncer les conjurés. C'est aussi le moment de relever une absurdité politique, bien maladroitement avancée ; c'est que dans une République, il ne peut exister de factieux ; tandis que l'expérience des siècles atteste que les factions sont les maladies presque périodiques des républiques. On vous a dit qu'il ne fallait pas accuser la ville de Paris. Un sentiment contraire m'anime. Ceux-là ont calomnié le peuple de Paris, qui lui ont attribué les horreurs commises par quelques personnes couvertes de son masque et de son nom. Leur masque, je l'arracherai ; leur nom, je le dirai : je vais rendre à chacun ce qui lui appartient.
Dans une de vos premières séances, on vous dénonça des tentatives criminelles faites par quelques ambitieux, pour changer le gouvernement ; et si vous passâtes à l'ordre du jour, ce ne fut pas que vous n'eussiez point un commencement de preuves, ni que l'accusation ne vous parût très grave, mais parce que vous voulûtes fermer les yeux sur un péril passé, et jeter un voile sur des complots avortés, que votre présence semblait devoir empêcher de renaître. Moi-même je fus entraîné par ces flatteuses espérances. Autrement, on m'aurait mis en pièces plutôt que de me faire consentir à réléguer dans le portefeuille ces dénonciations toutes prêtes.
Je vais donc aujourd'hui révéler leurs complots; je les prouverai, non par des pièces, mais par des faits. Les pièces sont au comité de surveillance; elles sont partout ; Paris tout entier sera mon témoin. Je m'efforcerai d'être court. Soutenez-moi de votre attention. (Murmures à l'extrême gauche et vifs applaudissements sur les autres bancs.) Et vous, citoyen-président, tâchez qu'on ne m'interrompe point; car dès que je toucherai le mal, on criera. (Applaudissements). J'ai à dire des vérités qui déplaisent mortellement à quelques-uns.
Encore une courte réflexion, je pourrais d'abord m'étonner que Danton, que personne n'attaquait, se soit élancé à cette tribune pour déclarer qu'il est inattaquable; qu'on soit venu tout d'un coup et d'avance désavouer un collègue, comme si on ne s'en était pas servi pour quelque chose dans cette combinaison vaste d'un grand complot qui a existé ; et j'observe que si l'on a fait l'expérience du mauvais tempérament de cet homme, on ne doit pas en etre tout à fait quitte, pour déclarer maintenant qu'on y renonce. On vous a rappelé les observations d'un ministre, sur les événements du commencement de septembre. Je pense, en effet, qu'on y a trouvé un grand mérite ; mais moi, qui considère depuis un an ces mouvements du peuple de Paris, et ceux qui l'agitent, je ne me laisserai pas égarer par une éloquence trop subtile. Celle du nouveau ministre de la justice l'a entraîné ; il a fait des rapprochements plus ingénieux que solides : les faits vont le démontrer.
Je comparerai à la Révolution du 10 août, celle du 2 septembre. Robespierre, c'est de l'ensemble de vos actions et de.votre conduite que sortira raetusation !
Ce fut dès le mois de janvier dernier, que dans un lieu où se rassemblaient mille à quinze cents hommes, jugés les meilleurs ou les plus ardents patriotes de Paris ; dans un lieu qu'à cause du respect qu'il lui faut porter pour d immenses services antérieurement rendus à la patrie, je vous prie de me dispenser de nommer.
Un membre:Non, républicain, point de petits ménagements; nommez!
Un très grand nombre de membre : Oui, nommez!
Je prie l'accusateur de toucher le mal et de mettre le doigt dans la blessure (Murmures.)
Oui, Danton, je vais le toucher le mal : mais ne criez donc pas d'avance. (Rires et applaudissements.)
Ce fut au mois de janvier dernier qu'on dut remarquer aux Jacobins un parti (Ah /) faible de nombre et de moyens, fort d audace et de toute espèce d'immoralités; un parti qui s'était venu jeter au milieu de nous pour couvrir de notre nom glorieux son nom justement suspect; pour s'emparer du bien que nous avions fait et se l'attribuer; pour propager dans notre local plus commode que le sien, sa doctrine qu'il disait être la nôtre ; pour pervertir notre institution à son profit et contre nous-mêmes ; pour inquiéter, écarter par tous les moyens de la plus vile tactique, quiconque essaierait de ramener à sa pureté primitive cet établissement aujourd'hui si méconnaissable, qu'il ne lui reste, en vérité, que son titre, dont les usurpateurs abusent pour appeler et retenir au milieu d'eux quelques hommes de bien qu'ils trompent indignement. (Interruption à l'extrême gauche.)
Silence, les blessés! (Applaudissements.)
Je fais observer aux interrupteurs que toutes les interlocutions particulières et les personnalités sont proscrites par le règlement.
(Le calme se rétablit.)
Ce fut dès le mois de janvier, qu'on vit succéder aux discussions profondes ou brillantes qui nous avaient honorés et servis dans l'Europe, ces misérables débats qui auraient pu nous y perdre. Ce fut alors qu'à travers les inculpations infiniment justes dont une cour traîtresse méritait d'être poursuivie, on eut soin de jeter directement contre l'excellent côté gauche de l'Assemblée législative les accusations les plus étranges, dont le germe devait se développer terrible, quand le jour des des calomnies directes serait arrivé. Alors on vit quelques personnes, assurément privilégiées, vouloir parler, parler sans cesse, exclussivemènt parler, non pour éclairer les membres de l'ag-grégation, mais pour jeter entr'eux des seman-ces de division toujours renaissantes, mais surtout pour être entendus de quelques centaines de spectateurs dont il parut qu'on cherchait à conquérir les applaudissements, à quelque prix que ce fut : alors on vit qu'apparemment il était convenu que tour à tour les affidés se relayeraient pour représenter tel ou tel décret, tel ou tel individu du côté gauche de l'Assemblée à l'animadversion de ces spectateurs crédules, et au contraire à leur admiration de mille manières provoquée, tel constituant dont les partisans fougueux faisaient constamment le plus fastueux éloge, à moins qu'il ne le fit lui-même. Nous,
cependant, demeurés en petit nombre à cause des dégoûts dont on nous environnait; nous, observateurs assidus malgré les persécutions naissantes, nous nous sentions oppressés d'éton nement beaucoup plus que d'inquiétude.
Nos yeux ne s'étaient pas tout à fait ouverts ; nous nous bornions à gémir sur l'humaine faiblesse de quelques personnages que nous voulions encore estimer assez pour les croire seulement travaillés de jalousie vive envers autrui, d'estime désordonnée pour eux-mêmes. Mais après la fameuse journée du 10 mars, Lessart ayant été frappé d'accusation, et des patriotes se trouvant saisis des rênes du gouvernement, quelle fut notre surprise d'entendre ceux qu'alors nous reconnûmes pour des agitateurs, déclamer contre un ministère jacobin, avec plus de chaleur cent fois qu'ils n'en avaient mise à surveiller un ministère conspirateur! A cette époque ils ne craignirent pas ae laisser tomber un premier masque devenu trop incommode : les harangues ne furent permises qu'à celui qui dénigrait les meilleurs décrets emportés par le courage du côté gauche de l'Assemblée ; qu'à celui qui calomniait tel philosophe, tel écrivain, tel orateur patriotes; qu'à celui qui déclarait avec le plus d'impudeur, qu'un tel était en France le seul homme vertueux, le seul à qui l'on pût confier le soin de sauver la patrie ; qu'à celui qui prodiguait les plus basses flatteries à quelques centaines de citoyens d'abord qualifiés le peuple de Paris, et plus absolument le peuple, et puis le souverain ; qu'à celui qui présentait à des hommes réputés libres, une idole ; et surtout elles ne furent permises qu'à l'idole même, qu'à cet usurpateur superbe, de qui déjà sa faction disait presque qu'il était un dieu ; et qui lui-même répétant l'éternelle énumération des mérites, des perfections, des vertus sans nombre dont il se reconnaissait pourvu, ne manquait jamais, après avoir vingt fois attesté la force, la grandeur, la bonté, la souveraineté du peuple, de protester qu'il était peuple aussi...
interrompt. (Murmures.)
Plusieurs membres : Encore un blessé.
ruse aussi grossière que coupable, au moyen de laquelle confondant ensemble et l'idole, et les adorateurs, et le prétendu souverain, on parvenait à les rendre, pour ainsi dire, inattaquables : de sorte que quiconque avait encore assez de courage pour contester au chef adoré, je ne dis pas le moindre de ses mérites, mais seulement la plus absurde ou la plus calomnieuse de ses opinions, était aussitôt poursuivi comme ayant outragé le peuple; ruse grossière, mais qu'on ne doit pas, quelque méprisable qu'elle soit, repousser par le seul mépris ; car on sait trop que c'est elle qui a réussi à tous les usurpateurs, à tous, depuis César jusqu'à Cromwel, depuis Sylla jusqu'à Ma-zanielïo.
Alors, représentants du peuple, tous ceux qui ne voulurent pas rester dans l aveuglement, durent voir. Il devenait incontestable qu'entre ces hommes toujours plus unis, plus intolérants, plus audacieux dans leurs calomnieuses persécutions, plus rampants dans leurs populacières flagorneries, plus impudents dans leurs ridicules apothéoses, à mesure qu'elle s'avançait plus inévitable et plus sainte, cette insurrection que d'autres aussi provoquaient, mais dans des intentions bien différentes : il devenait incontestable, qu'entre ces hommes il existait un
pacte secret dont le but devait être, puisqu'ils poursuivaientde toutes parts les talents et.les vertu 3, de faire tourner au profit de leur ambition personnelle la révolution qui se préparait ; d'opprimer le peuple, puisqu'en feignant d'en éclairer une portion ils ne cherchaient qu'à les égarer toutes ; d'anéantir la représentation nationale, puis qu'afin de l'avilir ils décriaient tous ses actes; enfin puisqu'ils voulaient qu'on adorât leur chef, de se constituer sous lui, avec lui, et bientôt peut-être sans lui ; au moment où le roi traître allait tomber, de se constituer rois eux-mêmes, rois, ou tribuns ou dictateurs, ou triumvirs, qu'importe le nom? (Murmures à Vextrême gauche et vifs applaudissements sur les autres bancs.)
Nous, cependant, membres anciens de l'ag-grégation presque détruite, nous constamment demeurés fidèles aux principes de l'austère égalité, convaincus des mauvais desseins de cçtte horde de faux-frères conjurés, inquiets de la marche qu'ils comptaient suivre, et nous demandant quels étaient leurs moyens, nous avancions de notre côté dans la carrière révolutionnaire, nous avancions frappant ensemble une cour traîtresse et de traîtres agitateurs ; et surtout redou-blantd'efforts pour que la considération également due au caractère et à la conduite de deux cents et quelques députés que nous regardions comme les dignes représentants de la nation, ne pût leur être ravie; pour qu'ils en restassent environnés pendant cette commotion violente, où il était si nécessaire de conserver un centre d'union autour duquel puisent se reconnaître et se rallier tous les amis vrais de la liberté; nous avancions, bien résolus, quoi qu'il pût arriver, à ne jamais consentir qu'on substituât au saint amour de la patrie l'idolâtrie sacrilège d'un homme; bien décidés à ne courber un front soumis que devant la majesté de tout un peuple légitimement représenté; et nous flattant d'ailleurs qu'après avoir renversé l'ancien tyran, la toute-puissance nationale saurait bien abattre les tyrans nouveaux. (Vifs applaudissements.)
Certes, et pourquoi le nierais-je! ils ont, dans la journée du 18 août, contribué pour quelque chose à la chute de celui qu'ils comptaient remplacer. Mais l'utilité de leur sécours suffirait-elle pour en effacer la tâche? Ou je n'ai qu'une fausse idée des mœurs républicaines, ou la liberté, pure comme la vertu, son inséparable "compagne, réprouve ceux qui l'ont servie par des motifs indignes d'elle : et d'ailleurs comment ne pas punir leurs complots, lorsqu'ils en reprennent l'exécrable trame?
Représentants du peuple, une journée à jamais glorieuse, celle du 10 août, venait de sauver la France. Deux jours encore s'étaient écoulés; membre de ce conseil général provisoire (Murmures), j'étais à mes fonctions ; un homme entre, et tout à coup il se fait un grand mouvement dans l'assemblée. Je regarde, et j'en crois à peine mes yeux : c'était lui; c'était lui-même! Il venait s'asseoir au milieu de nous... Je me trompe ; il était allé déjà se placer au bureau : depuis il n'y avait plus d'égalité pour lui.....
Un membre à Vextrême gauche : C'est mauvais, cela.
Et moi, dans une stupeur profonde, je m'interroge sur cet événement, imprévu je l'avoue. Quoi ! Robespierre, l'orgueilleux Robespierre, qui dans de3 jours de péril
avait abandonné le poste important où la confiance de ses concitoyens l'avait appelé, qui depuis, avait pris vingt fois l'engagement solennel de n'accepter aucune fonction publique, qui seulement un soir, devant 1,500 témoins, avait bien voulu s'engager à se faire le conseiller du peuple, pourvu que le peuple en témoignât le vif désir : le conseiller du peuple ! pesez l'expression, je vous prie : Robespierre se commettant au point de devenir comme nous un officier municipal I De ce moment il me fut démontré que ce conseil général devait sans doute exécuter de grandes choses, et que plusieurs de ses membres étaient appelés à de hautes destinées.
Mais reposons-nous un instant sur cette Révolution du 10 août. Vous savez, représentants, qu'ils s'en attribuent l'honneur ; et certes, je m'étonne que ceux-là qui se portent sans cesse les défenseurs du peuple, et paraissent ne se complaire qu'à vanter sa prudence et sa force, veuillent aujourd'hui lui disputer la gloire de cette journée, et ne craignent de soutenir que sans leur appui faible, il allait tomber dans l'abîme. La Révolution du 10 août est l'ouvrage de tous; elle appartient à nos faubourgs qui se levèrent tout entiers, à ces braves fédérés qu'il ne tint pas1 aux chefs des agitateurs qu'on ne reçût point dans nos murs.
Un membre: Cela n'est pas vrai!
Cela est si vrai que pendant deux séances consécutives aux jacobins, il a déclamé contre le camp de 20,000 hommes : je l'ai entendu. La Révolution du 10, elle appartient à ces deux cents courageux députés qui, là même, au bruit des décharges de l'artillerie, rendirent le décret de la suspension de Louis XVI et plusieurs autres que la commission des vingt-un tant calomniée tenait tout prêts (.Applaudissements); elle appartient, et grâces leur soient rendues, à la vaillance des généraux guerriers du Finistère, à l'intrépidité des dignes enfants de la fière Marseille (Applavr dissements); elle appartient à tous, la Révolution du 10 août. Mais celle du 2 septembre, conjurés barbares, elle est à vous ; elle n'est qu'à vous ! et vous-mêmes, vous vous en êtes glorifiés. Eux-mêmes, avec un mépris féroce, ils ne nous désignaient que les patriotes du 10 août : avec un féroce orgueil ils se qualifiaient les patriotes du 2 septembre. Ah! qu'elle leur reste, cette distinction digne de l'espèce de courage qui leur est propre (Vifs applaudissements) ; qu'elle leur reste pour notre justification durable et pour leur long approbe !
Messieurs, nous voici donc à l'époque fatale : pourrai-je contenir mon indignation ? Les prétendus amis du peuple ont voulu rejeter sur le peuple de Paris les, horreurs dont la première semaine de septembre fut souillée ; ils lui ont fait le plus mortel outrage; ils l'ont indignement calomnié. Je le connais, le peuple de Paris, car je suis né, j'ai vécu au miliéu de lui; il est brave; mais, comme les braves, il est bon; il est impatient, mais il est généreux; il ressent vivement une injure, mais après la victoire il est magnanime.
Je n'entends pas parler de telle ou telle portion qu'on égare, mais de l'immense majorité, quand on la laisse à son heureux naturel. (Applaudissements.)
Il sait combattre, le peuple de Paris ; il ne sait point assassiner.(Nouveaux applaudissements.)
11 est vrai qu'oïl le vit tout entier le 10 août devant le château des Tuileries; il est faux qu'on l'ai vu le 2 septembre devant les prisons. (Applaudissements réitérés.) Dans leur intérieur, combien les bourreaux étaient-ils ? Deux cents, pas deux cents, peut-être ;• et au dehors, que pouvait-on compter de spectateurs attirés par une curiosité véritablement incompréhensible? Le double, tout au plus. Un membre à l'extrême gauche interrompt.
Eh bien! vous niez? Qu'on interroge la vertu ! Le fait que j'avance, je le tiens de Pétion; c'est Pétion qui me l'a dit. (Applaudissements.)
Mais, a-t-on dit, si le peuple n'a pas participé à ces meurtres, pourquoi ne les a-t-il pas empêchés ?
Pourquoi? parce que l'autorité tutélaire dé Pétion était enchaînée ; parce que Roland parlait en vain; parce que le ministre de la justice ne parlait pas (Applaudissements réitérés)-, parce que les présidents des 48 sections, prêtes à réprimer tant d'affreux désordres, attendaient des réquisitions que le commandant général ne fit pas ; parce que des officiers municipaux, couverts de leurs écharpes, présidaient à ces atroces exécutions. (Mouvement d'horreur.) Mais l'Assemblée législative? l'Assemblée législative ! Représentants du peuple, vous la vengez. L'impuissance où vos prédécesseurs étaient réduits, est, à travers tant de crimes, le plus grand de ceux dont il faut punir les forcenés que je vous dénonce.
rend le fauteuil à Grnadet, président.
présidence de guadet, président.
L'Assemblée législative! elle était journellement tourmentée, méconnue, avilie par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner dés décrets ; qui ne retournait au conseil général, que pour la dénoncer ; qui revenait, jusques dans la commission dés vihgt-un, menacer du tocsin... (Mouvements d'indignation.)
C'est faux ! Plusieurs membres : Oui, oui, rien n'est plus vrai ! (Agitation prolongée.) .
(Tous les membres sont debout dans le mouvement d'indignation qui soulève l'Assemblée.)
Pusieurs membres désignent du geste Robespierre.
Misérable! Voilà (montrant son bras), voilà l'arrêt de mort des dictateurs !
Je demande la parole pour exposer le fait que Louvet vient d indiquer. Quelques jours après le 10 août, pendant ma présidence à l'Assemblée législative, un soir que j'avais cédé le fauteuil à Hérault de, Sechelles, vice-président, Robespierre vint à la barre de l'Assemblée législative, à la tête d'une députa-tion du conseil général de la commune,: pour lui demander de confirmer l'anéantissement que ce conseil venait de prononcer du directoire du département. J'eus le courage de combattre cette proposition ; et l'Assemblée législative, celui de passer à l'ordre du jour. En descendant de la tribune, je me retirai dans l'extrémité de la salle du côté gauche ; alors Robespierre me dit que si l'Assemblée n'adoptait pas de bonne volonté ce qu'on lui demandait, on saurait le lui faire adopter avec le tocsin.
Un grand nombre de membres : Misérable ! misérable !
(Le tumulte s'accroît de plus en plus.) Maximilien Robespierre s'élance à la tribune ; son frère le suit.
Plusieurs membres lui barrent le passage et le tiennent immobile en formant le cercle autour de lui.
D'autres membres veulent qu'il sé place à la barre.
D'après cette menace qui fut répétée par plusieurs membres du conseil de la commune et entendue par plusieurs de mes collègues, je quittai ma place et je vins à la tribune dénoncer le fait et faire cette réponse : « La commune peut bien nous faire assassiner, mais nous faire manquer à notre devoir, jamais! » (Applaudissements). Plusieurs de mes collègues sont parmi nous, ils peuvent me rendre justice.
Plusieurs membres se lèvent et attestent la vérité de ce fait.
Je dois à l'Assemblée législative la justice de dire que malgré ces horribles menaces elle passa une seconde fois à l'ordre du jour.
Robespierre et les autres membres de la dé-putation retournèrent ensuite à la commune dénoncer l'Assemblée nationale, et deux heures après plusieurs de mes collègues vinrent m'avertir de ne pas passer par la cour des Feuillants, parce qu'on m'y attendait pour m'égorger. (Mouvement d'horreur.)
Je demande la parole.
Un membre : J'observe à la Convention qu'elle ne peut entendre à la tribune un homme accusé d'un pareil crime ; il faut qu'il descende à la barre.
J'insiste, Président, pour avoir la parole.
Plusieurs membres : Pas du tout, il faut la rendre à Louvet pour terminer son discours.
C'est sur le fait dénoncé par Delacroix que je veux parler.
Robespierre, la Convention ne vous refusera pas la justice de vous entendre, après que vos accusateurs auront été entendus; mais je vous prie d'attendre que vous ayez la parole.
Je n'ai qu'une observation à faire.
Eh bien, je vais consulter l'Assemblée.
(LaConvention décrète que Robespierre ne sera entendu qu'après Louvet de Couvrai.)
Plusieurs membres Recommencez la phrase qui a été interrompue.
reprend. L'Assemblée législative ! elle était journellement tourmentée, méconnue, avilie par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner des décrets; qui ne retournait au conseil général, que pour la dénoncer.; qui revenait, jusques dans la commission des vingt-un, menacer du tocsin ; qui toujours l'injure, le mensonge et les proscriptions à la bouche, accusait les plus dignes représentants du peuple d'avoir vendu la France à Brunswick, et les accusait, la veille du jour où le glaive des assassins allait se tirer; qui, ne
pouvant arracher tous les décrets, en faisait lui-même ; et contre une loi formelle tenait les barrières fermées, et conservait son conseil général inutilement cassé par un décret. C'est ainsi que déjà ce despote approchait du but proposé : celui d'humilier devant les pouvoirs de la municipalité, dont il était réellement le chef, l'autorité nationale, en attendant qu'il pût l'anéantir : oui, l'anéantir ; car en même temps, par ce trop célèbre comité de surveillance de la ville, des conjurés couvraient la France entière de cette lettre où toutes les communes étaient invitées à l'assassinat des individus ; et, ce qui est plus horrible encore ! donnez ici toute votre attention à l'ensemble de leurs forfaits ; et, ce qui est plus horrible encore ! à l'assassinat de la liberté, puisqu'il ne s'agissait de rien moins que d'obtenir la coalition de toutes les municipalités entre elles, et leur réunion à celle de Paris, qui devenait ainsi le centre de la représentation commune, et renversait de fond en comble la forme de votre gouvernement. Tel était assurément leur système de conjuration, que vous les voyez maintenant même poursuivant encore; tel était leur plan exécrable; et s'il peut rester quelque doute, sachez ou rappelez-vous qu'alors nos murs furent déshonorés par des placards d'un genre inconnu dans l'histoire des nations les plus féroces, c'était là qu'on lisait qu'il fallait piller, massacrer sans cesse : c'était la qu'on trouvait d'affreuses calomnies contre les patriotes les plus purs, visiblement destinés à une mort violente ; c'était là que Pétion, digne lui, bien digne de sa popularité qu'au reste on s'était efforcé mille fois de lui ravir; c'était là que Pétion, dont l'inflexible vertu devenait trop gênante, était journellement attaqué ; c'était la
Su'on désignait comme des traîtres que la justice
u peuple devait se hâter de sacrifier, les nouveaux ministres, un seul excepté, un seul, et toujours le même.... (Murmures.) Et puisses-tu, Danton, te justifier de cette exception devant la postérité 1 ( Vifs applaudissements. ) Enfin, c'était là qu'on osait essayer de préparer l'opinion publique à ces grands changements si ardemment désirés, a l'institution de la dictature, ou, ce qui eût mieux accordé les nouveaux despotes, à l'institution du triumvirat.
Et n'espérez pas nous donner le change en désavouant aujourd'hui cet enfant perdu de l'assassinat. S'il n appartenait point à votre faction, qui donc lui donna tout à coup la hardiesse de sortir vivant du sépulcre auquel lui-même il s'était condamné? Si vous ne deviez l'accueillir et le protéger, qui lui inspira cette confiance, à lui de qui vous nous laissiez croire, quelques semaines auparavant, que son existence était un problème, et qui fit lui-même l'aveu de sa misère extrême, quand il vint demander les 15,000 livres que Roland lui refusa? S'il n'était pas des vôtres, qui donc lui fournit les fonds nécessaires pour ces nombreux placards ; dépenses assurément exorbitantes pour lui? S'il n'était pas initié à tous vos projets d'oppression; si son dévouement à les servir ne lui avait pas mérité quelque récompense, pourquoi le pro-duisîtes-vous dans cette assemblée électorale que vous dominiez par l'intrigue et par l'effroi... (Vivesinterruptions.)... vousquime fîtes insulter pour avoir eu le courage de demander la parole contre Marat.....Dieux 1 j'ai prononcé son nom!
Oui, cet être fut désigné comme candidat dans
un discours où Robespierre venait de calomnier Priestley. Je demandai la parole contre lui; aussi, en sortant de l'assemblée électorale, fus-je insulté par les gardes du corps de Robespierre, ces hommes armés de gros bâtons à sabre, qui l'accompagnaient presque partout. L'un d'eux, pendant que je passais sur le seuil de la porte, me dit : « Avant peu, tu n'y passeras plus. » Je cite ces faits pour vous faire connaître l'homme bien plus que pour attaquer tous les choix de Paris sans exception ; car il y en a plusieurs de bons, mais ils ont passé malgré eux.
Je reprends : Pourquoi le produisîtes-vous dans cette assemblée électorale que vous dominiez par l'intrigue et par l'effroi, à qui vous ordonnâtes ses suffrages pour lui, et du sein de laquelle vous le jetâtes au milieu de nous, où il est encore, mais où, s'il y a quelque justice sur la terre, il ne restera pas? (Vifs applaudissements.)
Revenons à ses maîtres : Par quelle voie espéraient-ils accomplir leurs suprêmes destinées? par celle à travers laquelle ils s'avançaient déjà cruellement enorgueillis ; par de nouveaux massacres : il en fallait encore pour que la terreur fût complète, et pour écarter quiconque, en ces jours de deuil et de subversion, plus attaché à la liberté qu'à la vie, tentait d'opposer quelque résistance a leurs triomphes exécrés. Aussi nous entendîmes bientôt, jusques dans les places publiques, des voies impies réclamant une immense liste où se pressaient entassées des milliers de signatures, la plupart surprises à une aveugle crédulité; des voix impies qui déjà sollicitaient les biens et le sang de l'innombrable foule des proscrits. Alors la consternation fut générale. Pendant quarante-huit heures, et 50,000 familles désolées seront mes témoins, chacun trembla pour l'objet de ses affections les plus chères : des épouses, des enfants en pleurs, venaient nous couiurer d'épargner la vie de leurs pères et de leurs époux. Hélas ! à travers l'inutile prière, nous sentions le reproche déchirant : nous demander d'empêcher les assassinats à commettre c'était nous accuser des assassinats commis. Les empêcher ! comment l'aurions-nous pu ? nous-mêmes nous étions sous les poignards. Tous ceux qui avaient défendu les droits du peuple avec constance, courage et désintéressement, étaient calomniés, poursuivis, menacés. Grands dieux 1 où donc étions-nous?
Lorsqu'en regardant autour de moi je vis les plus purs patriotes persécutés, une visite outrageante et du plus menaçant augure, faite chez un énergique, républicain, dont les écrivains agitateurs, comme naguère ceux de Louis XVI, voulaient que le nom devînt une injure; des mandats d'amener préparés contre ceux qui, dans l'assemblée législative avaient mis en état de suspension le despote précipité des Tuileries au Temple; et pour comble d'horreur, un mandat d'arrêt contre Roland, contre cet homme!..... son vertueux courage est au-dessus des éloges d'un homme. (Vifs applaudissements.) Quand je vis tant d'atrocités liberticides, je me demandai si j'avais, dans la journée du 10 août, rêvé notre victoire, ou si déjà Brunswick et ses cohortes contre-révolutionnaires étaient dans nos murs. Non ; mais de farouches conjurés venaient de cimenter par le sang leur autorité naissante ; et pour l'affermir, il leur fallait encore 28,000 cadavres I Alors je me ressouvins de Sylla, qui commença par frapper dans Rome des citoyens détestés, et qui bientôt fit porter sur les places
publiques et sur la tribune aux harangues, les têtes des citoyens les plus recommandables par leurs vertus et leurs talents. Ainsi la faction dé-sorganisatrice, escortée de la terreur et toujours précédée des placards de l'homme de sang, s'avançait rapidement vers son but; ainsi les conjurés allaient sur les débris de toutes les autorités et de toutes les réputations, commencer leur règne; ainsi tu marchais à grands pas, Robespierre, vers ce pouvoir dictatorial dont la soif te dévorait, mais où t'attendaient enfin plusieurs hommes de quelque résolution, et que, n'en doute pas, ils l'avaient juré par Ërutus, tu n'aurais pas gardé plus d'un jour. (Applaudissements réitérés.)
Qui les arrêta cependant ? Ce furent quelques citoyens courageux qui se serrèrent ; ce fut la force d'inertie que Pétion leur opposa ; ce fut la force d'activité que leur opposa Roland, qui mît à les dénoncer devant toute la France, plus d'intrépidité qu'il ne lui en avait fallu pour démasquer le plus fourbe des rois ; ce furent encore le mauvais succès de cette lettre du comité de suryeillance, dont les anarchiques invitations furent repoussées avec horreur par les lumières ou le bon sens de toutes les communes ; et ce cri d'indignation qui, parti de toutes les extrémités tle Fempire, vint retentir jusqu'au centre; et les premières espérances que rit concevoir Dumouriez, trop faible encore pour arrêter l'ennemi, mais assez heureux déjà pour l'inquiéter; ce futsurtoutce génie protecteur de la France, qui paraît avoir veillé sur elle pendant trois annees de révolutions successives, qui, dans les plus furieux orages, semblait jusqu'à présent avoir toujours pris sous sa sauvegarde particulière ce Paris, le centre et le foyer de toutes les commotions violentes, ce Paris que, dans les circonstances où nous sommes, il doit sauver encore, pour peu que vous l'aidiez.
Robespierre, je t'accuse d'avoir depuis longtemps calomnié les plus purs, les meilleurs patriotes; je t'en accuse, car je pense que l'honneur des bons citoyens et des représentants du peuple ne t'appartient pas 1
Je t'accuse d'avoir calomnié les mêmes hommes, avec plus de fureur à l'époque des premiers jours de septembre, c'est-à-dire, dans un temps où les calomnies étaient des proscriptions !
Je t'accuse d'avoir, autant qu'il était en toi, méconnu, persécuté, avili la représentation nation nationale, et de l'avoir fait méconnaître, persécuter, avilir 1
Je t'accuse de t'être continuellement produit comme un objet d'idolâtrie ; d'avoir souffert que devant toi l'on dit que tu étais le seul homme vertueux de la France, le seul qui pût sauver la patrie, et de l'avoir vingt fois donné à entendre toi-même !
Je t'accuse d'avoir tyrannisé l'assemblée électorale de Paris par tous les moyens d'intrigue et d'effroi!
Je t'accuse d'avoir évidemment marché au suprême pouvoir ; ce qui est démontré et par les. faits que j'ai indiqués et par toute ta conduite qui pour t'accuser parlera plus haut que toi!
Je demande que l'examen de ta conduite soit renvoyé à un comité.
Législateurs, il est au milieu de vous un autre homme dont le nom ne souillera pas ma bouche, un homme que je n'ai pas besoin d'accuser, car il s'est accusé lui-même. Lui-même il vous a dit que son opinion était qu'il fallait faire tomber
268,000 têtes : lui-même il vous a avoué ce qu'au reste il ne pouvait nier, qu'il avait conseillé la subversion du gouvernement, qu'il avait provoqué l'établissement du tribunal, de la dictature, du triumvirat : mais quand il vous fit cet aveu, vous ne connaissiez peut être pas encore toutes les circonstances qui rendaient ce délit vraiment national ; et cet homme est au milieu de vous ! et la France s'en indigne, et l'Europe s'en étonne. Elles attendent que vous prononciez.
Je demande contre Marat un décret d'accusation... (Murmures à l'extrême gauche; vifs applaudissements sur les autres bancs.) et que le comité de sûreté générale soit chargé d examiner , la conduite de Robespierre et de quelques autres.
Je demande que vous ajoutiez à ces mesures générales (car frapper les principaux chefs c'est prendre), en matière de conspiration, une mesure générale, je demande que vous ajoutiez à celle que je vous propose, celle que vous commande votre situation nouvelle.
Un instant le complot fut ajourné, un instant ils ont voulu vous observer;... et moi aussi, je vous observe : ils ont pris votre indulgence pour faiblesse; et moi aussi, je vous observe : vous êtes forts. Vous sentirez que les prédications anarchiques faites par des patriotes qu'on dit exagérés, mais qui, dans ce sens, seraient encore des insensés, des furieux ; que pour le bien public on devrait les enchaîner, que leurs prédications, dis-je, doivent être renforcées par la foule d'intrigants soldés au milieu de vous par les puissances étrangères, qui ne peuvent nous vaincre qu'en nous divisant; qui n'ont plus d'autre moyen d'abattre la République naissante que d'allumer dans son sein la guerre civile. Législateurs, vous devez donc porter vos regards sur l'anarchie, pour mettre obstacle à ses progrès. Vous devez arrêter cette faction forcenée qui se répand dans les sections, qui se répand dans les places publiques, qui se répand aux Jacobins, qui continuellement y prêche l'insurrection contre vous. (Murmures à l'extrême gauche; vifs applaudissements sur les autres bancs.)
Vous le devez; et après avoir porté le décret d'accusation contre Marat, qu'il n est plus temps de différer, vous prononcerez la loi contre les monstres qui provoquent au meurtre et à l'assassinat. (Applaudissements.) Vous sentirez aussi qu'on doit prendre des mesures de sûreté générale contre cette faction qui nous déchire, contre cette faction qui pourrait perdre Paris, mais qui, pour cela, ne perdrait pas la République. Vous devez empêcher que le sang coule dans cette villè ; vous devez décréter que le pouvoir exécutif pourra, en cas d'émeute, en cas de sédition, requérir toutes les forces militaires qui sont dans le département de Paris, à la charge... (Violentes interruptions à l'extrême gauche.)
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre pour avoir proposé de transmettre la dictature au vertueux Roland.
On aurait dû, avant de m'interrompre, me laisser terminer ma phrase.
Je demande que le ministre de l'intérieur soit autorisé, en cas de troubles dans Paris, à requérir la force publique qui se trouve dans le département, à la charge d'en donner avis sur-le-champ à la Convention nationale, qui en délibérera. Mais j'insiste surtout, afin de prévenir désormais, autant que possible, des conjurations semblables à celles que je vous dénonce, pour que vous fassiez examiner par votre comité de
Constitution, la question de savoir si, pour le maintien de la liberté publique, devant lequel tout intérêt particulier doit disparaître, vous ne porterez pas, comme dans l'ancienne Grèce, une loi qui condamne au banissement tout homme qui aura fait de son nom un sujet de division entre les citoyens. (Vifs applaudissements.)
s'élance vers la tribune.
Plusieurs membres : Attendez ! attendez ! ( Vive agitation.)
J'insiste surtout pour qu'à l'instant vous prononciez sur un homme dont les crimes sont prouvés ; que si quelqu'un a le eourage de le défendre, qu'il monte à la tribune (Applaudissements.) et, croyez-moi, pour notre gloire, pour Uhonneur de la patrie, ne nous séparons pas sans l'avoir jugé.
Un grand nombre de membres : Oui, oui, tout à l'heure!
descend de la tribune au milieu des plus vifs applaudissements.
Un membre : Je demande l'impression du discours de Louvet.
(La Convention décrète l'impression du discours de Louvet de Couvrai.j
Plusieurs membres : Prononçons contre Marat; commençons par celui-là.
Un membre : Je demande que la discussion s'ouvre sur Marat, et que, quant à Robespierre, il soit mandé demain à la barre, pour rendre compte de sa conduite.
J'observe que la Convention, ayant renvoyé à l'examen de son comité de sûreté générale plusieurs dénonciations contre Marat, elle ne peut rien prononcer contre lui, sans entendre le rapport que ce comité est chargé de lui faire. Je soutiens également que la Convention ne peut se dispenser d'entendre Robespierre, qui demande la parole.
Je demande donc que l'on renvoie au comité de de sûreté générale ce qui concerne Marat dans la dénonciation de Louvet et que la parole soit accordée à Robespierre.
Citoyens, je vous demande la parole, par un décret qui me l'assure, ou que vous rendiez contre moi un décret de proscription. (Violents murmures.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Laissez parler Robespierre.
Un membre : Adoptons d'abord la première partie de la proposition de Delacroix ; renvoyons ce qui est relatif à Marat au comité déjà chargé de l'examen de sa conduite et imposons à ce comité l'obligation de faire son rapport incessamment. Il importe, sur cet homme trop fameux, de fixer enfin l'opinion publique.
Un grand nombre de membres : De main! demain !
(La Convention renvoie au comité de sûreté générale tout ce qui concerne Marat dans l'accusation portée par Louvet de Couvrai, et le charge de lui faire, dès le lendemain, un rapport sur cette affaire.)
La parole est à Robespierre.
Mon intention n'est pas de répondre en ce momént à la longue
diffamation préparée dès longtemps contre moi. Je me bornerai à faire une motion d'ordre que la justice nécessite, et que je juge absolument indispensable pour que vous puissiez me juger d'une manière impartiale, et décider en connaissance de cause.
Je demande un délai pour examiner les inculpations dirigées contre moi, et un jour fixe pour y répondre d'une manière satisfaisante et victorieuse.
Plusieurs membres : C'est juste.
Je demande que vous décrétiez purement et simplement que lundi je serai entendu.
Un grand nombre de membres : Appuyé ! appuyé !
(La Convention décrète cette proposition.)
(La séance est levée à six heures.)
a la séance de la convention nationale du
Opinion de Roger-Dueos, député à la Convention nationale, sur le décret suivant : « La Convention nationale décrète qu'aucun de ses membres ne pourra accepter et remplir aucune fonction publique que six ans après rétablissement de la nouvelle Constitution. » (2).
Citoyens, l'enthousiasme est l'ivresse de la vertu :ii a produit depuis quatre années de belles actions et de mauvaises lois. Nous lui devons les sacrifices du 4 août et le scandale de la liste civile, l'abolition de la royauté et le décret que je viens combattre. Législateurs de 1792, soyez en défiance contre les élans de votre âme : le peuple ne vous demande paè dé bruyants sacrifices, mais de sages décrets. Il ne vous a pas permis d'immoler à votre gloire, dans un accès de désinterressément, les témoignages de confiance qu'il peut vous accorder pour son utilité; il ne vous a pas laissé la liberté d'être injustes, même envers vous, et d'aliéner vos propres droits, au détriment des siens. Citoyens, si quelquefois le délire de la générosité vous entraîne, appelez de votre enthousiasme à votre raison ; examinez si ces beaux mouvements en morale ne seraient pas quelquefois de graves erreurs en politique, ou plutôt, si quelque rivalité secrète, exerçant en vous, à votre insu même, sa maligne influence, et déguisant son envieuse animosité sous les beaux semblants de là modé ration, n'a pas adouci les douleurs d'un grand sacrifice, par la joie d'y contraindre des ennemis; surtout ne votez point par acclamations la constitution de la République.
La Convention nationale a décrété qu'aucun de ses membres ne pourra accepter et remplir aucune fonction publique, que six ans après l'établissement de la nouvelle Constitution. Pouvait-elle porter ce décret? le devait-elle? les principes de la liberté lui en donnaient-ils le droit? Les circonstances lui en faisaient-elles un devoir ? J'examinerai brièvement ces deux questions. Le premier des droits politiques du citoyen
dans un Etat représentatif, est la faculté d'élire et d'être élu aux fonctions publiques par le peuple. Diviser ce droit c'est l'anéantir; c'est distinguer deux classes pour en privilégier une ; c'est détruire l'égalité. Le droit ae cité est peut-être susceptible de restrictions ou de modifications dans une République; mais il ne peut jamais être restreint ni modifié que par une loi antérieure, ratifiée par le peuple en personne. C'est une clause du contrat social, qui détermine les conditions de l'association politique. En priver un membre du souverain, sans qu'une loi ait prononcé d'avance le cas de l'exclusion, c'est une peine arbitraire; c'est un attentat tyran-nique à la souveraineté du peuple; car ce n'est point sur des individus isolés que porte cette exclusion, mais sur des parties au tout, qui est le souverain.
Vous devez vous considérer ici sous un double rapport : comme législateurs et comme citoyens. Comme chargés de donner des lois fondées sur l'égalité, pouvez-vous en décréter de particulières à vous-mêmes, en tant que membres de l'Etat ? Si vous avez le droit de vous imposer des privations exclusives, vous avez sans doute aussi celui d'établir pour vous seuls des avantages personnels. Car il serait aussi légitime de violer l'égalité en sa faveur qu'à son détriment, je nie toutefois que les fonctions publiques doivent être considérées comme des avantages. On peut n'y voir que des titres honorifiques dans les monarchies, où la vanité est le plus puissant ressort du gouvernement; mais elles sont de véritables charges dans un état libre. Or, d'après ce principe, vous ne pouvez pas plus légitimement vous exclure des fonctions publiques (ce qui serait un refus de payer de vos personnes), que vous exempter de toute contribution publique (ce qui serait un refus de payer de vos facultés).
On a cité très oratoirement l'exemple de ce législateur ancien, qui, après avoir donné des lois à Sparte, s'en exila volontairement. Je n'aurai point la sévérité d'analyser avec les lumières de la raison une figure de rhétorique; je n'examinerai point si la distance infinie de nos principes philosophiques à ceux qui servirent de bases aux constitutions des anciens, permettent entre eux et nous quelque rapprochement. Mais je demanderai si Lycurgue, qui avait, ainsi que vous, le droit de s'éloigner ou de demeurer dans sa patrie, fit de son exil un article du code de Lacédémone. Le peuple eût pu lui répondre en ce cas : Législateur, la vanité vous égare; ce n'est pas de vous, mais de nous-mêmes qu'U s'agissait dans le code que vous nous présentez (1).
La faculté de servir ou d'abandonner sa patrie, en renonçant aux avantages de citoyen, est un droit naturel; mais vous ne pouvez pas faire de cette renonciation une obligation politique. Car mes droits sont ma propriété, et ma propriété ne peut être aliénée sans mon consentement. Ici la minorité ne saurait être engagée par la majorité, parce qu'il s'agit d'un acte de la volonté morale et individuelle, du sacrifice
d'un intérêt personnel que chacun est maître de consentir ou de refuser. Décréter que je serai privé, malgré moi, de l'exercice des droits de citoyen, lorsque j'ai pour en jouir les conditions requises par les lois antérieures, c'est un acte de tyrannie. Déclarer en mon nom que j'y renonce volontairement, lorsque cet abandon est contraire à mon opinion, à mon intérêt, à mon vœu, c'est une injuste décision.
A l'instant même où l'Assemblée législative déclara la guerre aux tyrans d'Autriche, emportée par un mouvement de générosité, elle décréta un don patriotique du tiers de son indemnité, pour concourir aux frais de la dépense commune. Revenu à des sentiments plus justes et moins libéraux, elle s'aperçut qu'au lieu d'une offrande libre, elle avait voté une contribution forcée sur une classe particulière de citoyens. Elle voulut restituer à chacun de ses membres l'honneur et le mérite d'un sacrifice volontaire; elle rapporta son décret.
Mais si le vôtre est attentatoire à la souveraineté du peuple, en ce sens qu'il exclut du pacte social des membres de l'Etat il la viole plus ouvertement encore, en ce qu'il restreint la faculté d'élire indistinctement entre tous les citoyens. Mon choix n'est plus libre, si vous en excluez un seul candidat; car celui-là est peut-être l'unique sur qui repose ma confiance ; et si vous me privez du droit de lui accorder mon suffrage, je voterai pour un citoyen que je n'aurai pas librement choisi, ou ie m'abstiendrai de voter. Dans aucun de ces deux cas, je ne serai représenté. Législateurs, vous pouvez bien prescrire des règles, mais non poser des bornes à la liberté.
Veuillez peser cette observation : toute loi est vicieuse, qui n'est pas l'expression de la volonté présumée et de l'intérêt général du peuple : or, vous présumez par la vôtre que la volonté du peuple est de ne point accorder de suffrages à ses représentants à la fin de leur mission; car, ou vous lui supposez ce vœu, ou vous lui contrariez le sien. Vous déclarez à l'avance que l'intérêt du peuple sera de ne point vous admettre aux emplois publics; après un tel aveu il faut beaucoup compter sur vous-mêmes, pour être sûrs de conserver sa confiance.
Mais, citoyens, quels motifs si pressants pouvaient porter la Convention nationale à oublier une fois les principes sacrés de la souveraineté du peuple ? Le plaisir de déjouer les intrigues, de confondre les calomnies, et de s'environner de la confiance publique? Eh bien, ce but même ne sera point rempli. Enlever aux intrigants les moyens honnêtes et légitimes d'ambition, c'est en quelque sorte, les mettre à l'aise; c'est les rendre à leur élément; c'est les ramener au plaisir de nuire. Le décret qui interdisait la réélection des membres de l'Assemblée constituante, exila Du port et Lameth dans les antichambres de Louis et d'Antoinette; c'est de là qu'ils agitaient les fils qui faisaient asseoir ou lever à leur gré le côté droit de l'Assemblée législative. Leurs plans de tactique s'exécutaient, leurs opinions se débitaient à la tribune; ils étaient présents en esprit et en intrigue parmi nous-, et ils trouvaient cet avantage à ne pas y assister en personne, que la majorité des législateurs ne les y voyait pas.
Quant à la calomnie, citoyens, je vous rends la justice qu'elle sera toujours plus habile que vous : c'est par le mépris, et non par les lois qu'il la faut repousser. Ce n'est pas ae celui qui
la débite, mais de celui qui l'écoute qu'elle reçoit son existence. Vous avez rendu un décret pour confondre les calomniateurs. Eh bien, citoyens, ils calomnieront votre décret : vous vous serez occupés d'eux, ils auront eu l'avantage sur vous.
J'avais cru, je l'avoue, que les sublimes fonctions de législateurs vous avaient été confiées pour le bonheur du peuple, et non pour l'intérêt ae vos réputations; j'étais Join de penser que vous pourriez vous armer de l'immense pouvoir qu'il vous délègue, comme d'un bouclier pour repousser les traits de vos ennemis; je vois dans votre loi la pusillanimité tyrannisée par la malveillance, et la timide vertu immolant ses droits aux crimes audacieux, pour en obtenir quelque répit. Ne vous y trompez pas, législateurs, vos sacrifices, loin d'apaiser les détracteurs de vos travaux, accroîtront leurs prétentions insolentes; vous leur avez livré le secret de votre faiblesse, et si, pour prévenir quelques accusations mensongères, vous avez pu consentir à leur abandonner d'avance votre patrimoine civique, leur marche est tracée; ils vous influenceront par la calomnie, ils vous maîtriseront par la crainte; et chaque jour opprimant la liberté de vos délibérations, ils vous feront acheter la paix par de nouvelles aliénations de vos principes et de vos devoirs.
Gardez-vous de croire encore que cette loi fût nécessaire pour vous environner de la confiance du peuple. Le peuple, dont l'éducation politique a fait de si rapides progrès, ne se laisse plus éblouir par ces actes de dévouement extérieur, dont l'amour-propre échauffé déguise l'amertume, et dont l'enthousiasme enlève le mérite; il juge, comme Jean-Jacques, des signes d'un bon gouvernement par les salutaires effets des lois sur son propre bonheur. Si vous méritez son estime, il vous blâmera de vous être dérobés à son choix; il vous contraindra de l'accepter: si vous ne remplissez pas son espoir et ses vœux, votre décret était superflu.
Barère vous a présenté une réflexion si judicieuse, qu'elle gagnera peut-être à être répétée : vous avez voulu porter une peine contre quelques-uns; vous avez prononcé une proscription contre tous. Vous avez enveloppé dans votre vengeance anticipée, et les obscurs ambitieux, et les amis purs ae la liberté. Le peuple les discernera sans pouvoir les distinguer, et vous lui enlevez à la fois le droit de flétrir les uns par un ignominieux abandon, et celui de récompenser les autres par de nouveaux témoignages de confiance. J'ose le dire, citoyens, cette loi n'est pas très morale, qui frappe l'homme vertueux pour atteindre le coupable, qui eût condamné au même exil les protecteurs de Delessart, et les ennemis de Lafayette; enfin qui détruit un mobile puissant de vertu dans le cœur humain, l'émulation. N'estimons pas encore les hommes ce qu'ils devraient valoir pour être dignes de la liberté; surtout ne nous estimons pas trop nous-mêmes, et n'exposons pas des citoyens nouveaux, marqués encore des fers du despotisme, à la nécessité de se montrer vertueux, sans intérêt de l'être.
Citoyens, il est plus beau de mériter la confiance du peuple que d'y renoncer.
Mais, a-t-on répondu, si cette loi contrarie les vœux et les droits du souverain, le souverain saura l'écarter. Ce sera un beau spectacle pour l'Europe qu'une assemblée de législateurs se dépouillant de tout intérêt personnel, procla-
mant leur renonciation aux emplois du gouver nement qu'ils vont établir; et une nation généreuse leur restituant, pour prix de leur désintéressement et de leurs travaux, les droits mêmes dont ils lui avaient fait hommage.
Citoyens, n'est-ce point convenir des vices du décret que d'en attendre la censure de l'examen du peuple? Vous croyez-vous dégagés du devoir de ne présenter à sa satisfaction que des lois justes, parce qu'il peut anéantir votre ouvrage, et vous ordonner de lui soumettre un Code plus digne de la raison publique. Etes-vous dispensés d'être sages, parce que le peuple est tout puissant? Vous attendez la restitution de vos droits pour récompense de l'abandon que vous en aurez fait. J'entends : vous voulez ajouter au mérite du sacrifice l'honneur d'en être dispensés; vous prétendez que votre loi témoigne avec éclat votre désintéressement, jusqu'au jour où elle commencerait à vous imposer de rigoureuses privations; vous renoncez à tout emploi public, pendant que vous remplirez les premières fonctions de la République. L'effort est rare et pénible, et la nation doit applaudir aux calculs de votre générosité I Citoyens, il est digne de vous d'abandonner ces simagrées politiques aux charlatans couronnés; qui fondent leur empire sur la crédulité du peuple; ne cherchez pas à paraître plus sages et plus habiles que lui, occupez-vous ae son bonheur, et laissez-lui le soin de s'occuper de votre gloire.
Citoyens, revenez avec loyauté sur une loi dont les conséquences funestes pourraient dessécher les germes naissants de la prospérité publique. Soyez plus grands qu'avant votre erreur, sachez Ja rétracter ; on a parlé de la stabilité des lois ; je réclame la stabilité des principes et je demande le rapport de votre décret.
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
opinion de Camille Desmoulins, (1) député du département de Paris, sur le décret du 27 octobre 1792, qui exclut les membres de la Convention, de toutes les fonctions publiques pendant six années, après l'achèvement de la Constitution (3).
Citoyens-législateurs,
Il faut savoir sacrifier à la patrie jusqu'à sa
réputation, et rien ne pourra m'empêcher de faire tout ce qui est en moi pour sauver la République, fût-ce même en perdant pour le moment une réputation de patriotisme que je ne recouvrerai que trop tôt par l'expérience et par l'accomplissement fatal de mes prédictions.
Il ne sera pas besoin d'un grand développement pour prouver que le décret si patriotique, en apparence, que vous avez rendu hier, semble le fruit de l'astuce la plus profonde, et le résultat de la politique la plus raffinée et la plus perfide. Quant à moi, je ne crains pas de le aire, je ne vois dans ce décret rien moins que l'anéantissement de la République.
Ou nous sommes tous aes Gâtons et des patriotes incorruptibles; et dans ce cas, vous m'avoueréz que nous n'aurions pas été corrompus par l'espoir des places, et alors, à quoi bon votre décret ? Ou bien, il n'y a pas de milieu, nous sommes corruptibles; et alors vous avez ôté le seul frein de la corruption, cette opinion que la patrie récompenserait ceux qui auraient bien mérité d'elle, ou du moins qu'elle ne les livrerait pas aux besoins, et ne les laisserait
Sas sans l'asile du prytanée contre l'indigence, r, en leur ôtant cette espérance, vous avez fait des Vatinius de tout ce qui n'est pas Gaton ; et les Gâtons sont toujours bien rares, et presque seuls dans leur siècle. Vous avez découragé tous les gens de bien, au lieu d'imiter l'exemple bien différent que vous donnait Collatinus, quand après avoir chassé les Tarquins, ne pouvant faire rien de plus pour les patriotes, il bâtissait du moins un temple à l'espérance.
Oui, ou nous sommes tous des Aristides et des Fabricius, auquel cas votre décret est la loi du monde la plus inutile; ou par ce décret vous avez fait de la Convention une place de marché, une bourse de législation, et la plus infâme boutique de décrets et d'intrigues, et je défie d'abord de répondre à ce dilemme sans réplique.
C'est à vous que je m'adresse ici, hommes de bien de l'Assemblée ; comment ne voyez-vous pas que ce décret n'est autre chose qu'une peine et une amende prononcée contre l'incorruptibilité ? Ce n'est point sur le vice et la corruption que frappe en effet cette loi:car la corruption n'a pas besoin de vos places alimentaires qu'elle dédaigné. Le vautour s'amuse-t-il à prendre des moucherons! et s'il y avait parmi vous des hommes corrompus, n'auraient-ils pas l'immense proie des listes civiles de Londres, d& Madrid, de la Haye, de Berlin et de Vienne? Car, ou toutes ces cours sont en démence, ou tout l'or de leur liste civile doit couler ici pour détruire l'unité, si formidable pour eux, du peuple français, pour désunir l'Assemblée, pour calomnier Paris, et pour nous diviser en républiques fédératives : et sans parler de ces listes étrangères, pensez-vous qu'il fût difficile à Louis XVI de marchander encore, non pas 150,000 livres comme une certaine loi l'an passé, mais 15 et 30 millions, un décret qui le sauvât d'une condamnation inévitable ; car nos commettants nous ont envoyés ici pour juger Louis XVI, et non point pour juger Marat. Ce n'est donc point sur le vice, la vénalité, à qui s'offrent d'ailleurs tant d'objets de spéculations, que frappe votre décret, mais c'est sur la vertu que tombe tout son poids, et c'est elle seule qu'il menace.
Et n'est-ce pas un chef-d'œuvre de combinaison, n'est-ce pas le dernier raffinement de la
politique, et le comble de l'art, que d'avoir trouvé le secret de se procurer une grande popularité, en disant, en d'autres termes, aux gens de bien : vous serez pervers, intrigants, corrompus comme nous; vous trafiquerez comme nous de vos jugements, et de la paix, et de la guerre, ou bien attendez-vous à six années de misère et à une ingratitude si longue, que d'autres noms auront effacé le vôtre, au bout de six ans, de la mémoire de vos concitoyens.
Avons-nous donc une si riche moisson de vertus, pour qu'il-faille en exiger l'exportation ?
Serions-nous arrivés sitôt à cet âge heureux de la République, où l'ingratitude devient un élément nécessaire de sa constitution? Vous voyez quel est aujourd'hui l'embarras de choisir un seul homme, un maire de Paris : dites-moi donc quelle nécessité si grande y a-t-il d'interdire d'avance de tous les emplois, pendant l'espace de six années, tous ceux qui se seront montrés gens de bien dans la Convention ? Avez-vous peur que le concours trop nombreux de patriotes pour mériter les suffrages de leurs concitoyens, n'oppose un obstacle trop fort à certaines vues ?
O art merveilleux, dans de siècle, de calomnies contre le civisme le plus pur, et de désespoir pour la vertu philosophe qui n'a pas toujours le bonheur de se persuader que les récompenses de l'autre vie l'attendent ; ô art merveilleux des fripons politiques, pour achever de décourager et d'abattre le patriotisme, de ne mettre ^devant ses yeux d'autres perspective que celle de six années de besoins et d une si longue expiation de son incorruptibilité. Législateurs, ou rapportez ce décret rendu précipitamment et sans discussion, quiôte à la vertu la reconnaissance publique et les récompenses dè la patrie, ou bien décrétez donc, par un article additionnel, l'immortalité de l'âme (1).
Séance du
PRÉSIDENCE DE GUADET, président.
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1e Les ouvriers du port de Lorient donnent,
pour les habitants de Lille qui ont le plus souffert, en numéraire 811
1., 1 s., et en assignats
2° Les ouvriers de la régie des vivres de la marine du port de Lorient pour le même objet, en assignats 85 livres, et une pièce argent 1 1. 10 s., en tout la somme de 86 1. 10 s.
3° Le détachement des gendarmes nationaux du département de l'Ain, pour les infortunés de Lille, en 60 assignats de 5 livres, 300 livres.
4° La garnison de Sarrelouis donne un jour de sa paye pour les pauvres citoyens de Lille, montant à la somme de 4,338 1. 10 s.
Plus, le bataillon de l'Indre en garnison à Sarrelouis, en supplément /au don patriotique ci-dessus, la somme de 148 livres.
Ën tout, la somme de 4,486 1. 10 s..
5® La Société des amis de la liberté et de l'égalité de Bagnères donne, pour les frais de la guerre, la somme de 625 livres.
6° Le citoyen Monnier, lieutenant-colonel de la 25e division ae la gendarmerie nationale de Cler-mont, département du Puy-de-Dôme, donne sa croix de Saint-Louis.
7° Le citoyen Jean-Philippe Roche, de Caraman, envoie une croix de Saint-Louis qui lui est restée d'un parent dont il a hérité.
8° Le citoyen Pierre Thollois, de Troyes, sa croix de Saint-Louis.
(La Convention accepte ces dilFérentes offrandes avec les plus vifs applaudissements et en ordonne la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Je demande a déposer également sur le bureau de la Convention quatre croix de Saint-Louis, qui m'ont été remises par les citoyens Forey, Lespinasse et deux autres personnes qui désirent garder l'anonyme. (Vifs appaudisse-ments.)
J'ai une offrande pareille à faire de la part du citoyen Jean Raymond Rouvière, ci-devant administrateur du département de la Drôme, qui m'a chargé également de remettre à la Convention sa croix de Saint-Louis. (Nouveaux applaudissements.)
Un membre, au nom du comité de division, présente le tableau du placement des assemblées électorales qui doivent incessamment procéder au renouvellement des corps administratifs ; il est ainsi conçu :
DÉPARTEMENTS. DISTRICTS.
Aisne................. Montluel.
Allier................. Saint-Quentin
Alpes (Hautes-)........ Cusset.
Alpes (Basses-)........ Sisteron.
Ardèche.............. Rhetel.
Ardennes............ Mirepoix.
Ariège............... Arcis-sur-Aube.
Aube................. La Grasse.
Aude.................Aubin.
Aveyron............... Marseille.
Bouches-du-Rhône..... Falaise.
Calvados............. Falaise.
Cantal................ Mauriac.
Charente.............. Confolens.
Charente-Inférieure____ Saint-Jean-d'Angely.
Cher..................Sancerre.
Corrèze............... uzerches.
Corse................. lle Rousse.
DÉPARTEMENTS. DISTRICTS.
Côte-d'Or.................. Châtillon-s.-Seine.
Côtes-du-Nord............. Lamballe.
Creuse..................... Felletin.
Dordogne.................. Bergerac.
Doubs..................... Ornans.
Drôme..................... Le Crest.
Eure....................... Pont-Audemer.
Eure-et-Loir............... Châteauneuf.
Finistère................... Lesneven.
Gard....................... Uzès.
Garonne (Haute-)........... Villefranche.
Gers........................ Condom.
Gironde.................... La Réole.
Hérault.................... Lodève.
Ile-et-Vilaine............... Dol.
Indre...................... La Châtre.
Indre-et-Loire............. Château-Renaud.
Isère....................... Saint-Marcellin.
Jura...................... Salins.
Landes..................... Tartas.
Loir-et-Cher................ Romorentin.
Loire (Haute-).............. Yssengeaux.
Loire-Inférieure............ Châteaubriant.
Loiret..................... Neuville.
Lot........................ Lauzerte.
Lot et-Garonne............. Casteljaloux.
Lozère..................... Florac.
Manche................... Cherbourg.
Marne.................... Ste-Menehould.
Marne (Haute-)............. Bourbonne.
Mayenne.................. Lassay.
Mayenne-et-Loire........... Bauge.
Meurthe.................. Blamont.
Meuse..................... Commercy.
Morbihan................. Hennebond.
Moselle................... Briey.
Nièvre..................... Décise.
Nord....................... Avesnes.
Oise....................... Granvilliers.
Orne....................... Argentan.
Paris...................... Bourg-l'Egalité.
Pas-de-Calais............... Saint-Omer.
Puy-de-Dôme............... Ambert.
Pyrénées (Hautes-)......... Bagnères.
Pyrénées (Basses-).......... Oléron.
Pyrénées-Orientales......... Prades.
Rhin (Haut-)................ Belfort.
Rhin (Bas-)................. Wissembourg.
Rhône-et-Loire.............. Montbrison.
Saône (Haute-).............. Lure.
Saône-et-Loire............ Louhans.
Sarthe..................... Château-du-Loh*.
Seine-et-Oise................ Mantes.
Seine-Inférieure............ Montivilliers.
Seine-et-Marne.............. Provins.
Sèvres (Deux-).............. Parthenay.
Somme.................... Péronne.
Tarn............... ....... Alby.
Var........................ Hyères.
Vendée..................... Montaigu.
Vienne.................... Loudun.
Vienne (Haute-)............. Bellac.
Vosges..................... Saint-Dié.
Yonne.................... Joigny.
demande l'ordre du jour sur ce projet. Il observe que le seul motif de prévenir l'effet des petites passions particulières avait porté le comité de division à présenter ce tableau, mais il ajoute que la Convention ne doit point se laisser entraîner à de semblables considérations ; qu'en outre chacun des départe-
ments y trouverait des incommodités locales gui auraient des inconvénients plus graves. Il demande qu'on ne change rien quant à présent à ce qui est établi.
, au contraire, représente que le maintien de l'égalité exige ce changement. Il fait observer que si les assemblées électorales pour la nomination des députés à la Convention eussent été toutes tenues dans les chefs-lieux de département, l'incivisme reconnu de plusieurs d'entre eux et leur influence sur les cantons environnants auraient dirigé les choix sur un nombre considérable d'aristocrates.
Cet inconvénient, dit-il, dans la réélection des corps administratifs, fût-il le seul, vous devez adopter le projet de comité.
(La Convention adopte le tableau, présenté par son comité de division, pour la tenue des assemblées électorales.)
fait lecture d'adresses des conseils généraux des districts et communes de Lauzun et ae Loubès, département de Lot-et-Garonne, et de la Société des amis de la liberté et {de Végalité de Laumn, portant adhésion aux décrets rendus et à rendre de la Convention, et serment de les maintenir. Il demande la mention honorable.
s'oppose à cette proposition. Il accuse ces adresses d'adulation ser vile. Les représentés, dit-il, ne doivent pas juger ainsi la conduite de leurs représentants. Ce n'est pas par une confiance aveugle qu'on maintient ses droits.
Ce n'est pas ainsi qu'il faut interpréter ces sentiments, mais plutôt les attribuer a la reconnaissance de ces citoyens pour la Convention nationale. J'appuie la proposition de Boussion.
(La Convention ordonne la mention honorable de ces différentes adresses dans son procès-verbal.)
(de Thionville). Je viens demander à la Convention de s'occuper sans délai de la loi relative aux prisonniers émigrés. Les prisons de Thionville sont remplies de ces malheureux qui se traînent à genoux en demandant qu'on décide de leur sort. Il y a là une question d'humanité qui s'impose, d'autant que dans cette loi il y a des exceptions à envisager. L'homme qui est aux gages d'autrui et qui, pour ne pas perdre une situation, s'est vu dans la nécessité de suivre son maître à l'étranger ne saurait être traité de la même façon que celui qui volontairement a abandonné sa patrie ou porté les armes contre elle.
Je propose que le rapport sur cette loi nous soit fait séance tenante.
(La Convention décrète cette proposition.)
(de Thionville). J'ai à formuler une second.demande : c'est pour empêcher l'exécution du décret qui ordonne que les maisons de Longwy seront rasées. Je demande que les maisons soient données aux malheureux habitants de Lille qui sont sans propriétés. Sans doute ilest des citoyens qui ne voudront pas quitter une ville qu'ils ont honorée parleur constance et leur héroïsme; il s'y trouve aussi des infortunés qui seront très flattés de cette faveur, et qui s'empresseront d'aller réparer par leur patriotisme le déshonneur des habitants de Longwy.
s'oppose à cette proposition ; il dit qu'il ne faut pas que les infâmes habitants de
Longwy jouissent plus longtemps de l'impunité de leurs crimes.
[La Convention renvoie la demande de Merlin (de Thionville) au comité militaire.]
Je demande qu'en ordonnant ce renvoi, la Convention décrète que l'exécution-de la loi concernant la démolition sera suspendue. Sans cette mesure le pouvoir exécutif, devrait, aux termes du décret, ordonner la démolition.
(La Convention décrète la suspension demandée par Lasouree.)
propose, pour des motifs d'intérêt local, d'autoriser le conseil général du département de Maine-et-Loire à proroger l'ouverture de l'assemblée électorale jusqu'au 21 du mois de novembre, si cela est nécessaire.
(La Convention décrète cette proposition).
au nom des commissaires envoyés par VAssemblée législative dans les manufactures Parmes de Moulins et de Saint-Etienne, pour connaître la situation de la fabrication et en accélérer le travail, rend compte de son mandat.
La manufacture de Saint-Etienne est montée pour 12,000 armes par an; les fabriques particulières, connues sous le nom de fabriques de commerce et qui occupent près de 3,000 bras, peuvent fournir six et huit fois plus. La loi désastreuse du 28 juillet 1792, avait tellement multiplié les demandes que, dans moins de deux mois, le prix des fusils était monté de 23 à 50 et 60 livres. Sur la fin on ne parlait plus de prix, on le laissait à la discrétion de quelques nommes avides qui fournissaient sans pudeur de très mauvaises armes qu'on recevait sans examen et qu'on payait sans mesure.
Tous les prix particuliers avaient augmenté en proportion. Le platineur, qui en travaillant bien, recevait naguère un écu, a reçu dans cette circonstance 10, 11 12 livres d'une platine : le forgeur canon nier a vu sa journée s'élever de 7 livres à 40 et 48 livres. Les amis de l'art gémissaient de ce brigadage et fermaient leur atelier pour ne pas prendre part à un commerce aussi scandaleux, qui tendait à épuiser les caisses publiques, à désoler les bataillons et à jeter le découragement et l'effroi dans nos armées.
Les commissaires ont attaqué le mal dans sa source et ils y ont remédié par une adresse aux citoyens, en leur parlant souvent en Assemblée générale, en faisant concourir le zèle et la surveillance des amis ardents de l'égalité et de la liberté, en empêchant la sortie des armes à feu jusqu'à ce qu'elles soient vérifiées.
(La Convention renvoie l'exposé présenté par Romme aux comités militaire et de commerce réunis, pour en faire le rapport incessamment.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse des administrateurs du district de Pont-Croix, département du Finistère, qui font connaître à la Convention le dépôt qu'ils ontfait d'une somme de 1,620 livres en assignats, entre les mains du receveur de ce district, pour subvenir aux frais de la guerre.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux administrateurs du district de Pont-Croix.)
demande que deux commandants de la garnison de Lille, dont l'un est blessé au bras,
et qui ont des détails intéressants à communiquer à la Convention, soient admis demain à l'ouverture de la séance.
(La Convention décrète cette proposition.)
, au nom du comité de l'examen des comptes, présent e un projet de décret sur la manière dont les ministres devront rendre leurs comptes : ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur la motion d'un de ses membres, décrète ce qui suit :
Art. ler.
« Les ministres seront tenus d'énoncer dans leurs comptes, à chaque article de dépense, le décret qui l'a autorisée.
Art. 2.
« Ils rappelleront le montant des fonds accordés pour chaque nature de dépense, et ce qui en a été employé par leurs prédécesseurs.
Art. 3.
« Ils détailleront les motifs qui ont donné lieu à chaque ordonnance, et produiront, à l'appui des marchés, des états et pièces qui peuvent constater la nécessité de la dépense.
Art. 4.
« Les ex-ministres joindront à leurs comptes des copies des marchés qu'ils auront passés, et donneront les renseignements nécessaires pour en justifier les clauses et conditions. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(Hérault), au nom des comités d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner l'envoi de commissaires, pris dans le sein de la Convention nationale, dans les départements de Seine-et-Oise, Seine-Inférieure, Eure, Aisne et Somme, pour y assurer la libre circulation des subsistances ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vos comités d'agriculture et de commerce, depuis l'instant de leur organisation, n'ont pas cessé de s'occuper de l'objet intéressant des subsistances. Ils se sont fait présenter l'analyse des pétitions nombreuses que vous leur avez renvoyées ; ils ont reçu du ministre de l'inté-térieur des renseignements sur notre situation actuelle et sur nos ressources extérieures. Divers plans leur ont été présèntés ; ils les ont discutés, et bientôt ils seront à même de vous présenter un projet de loi générale sur les subsistances; mais ce projet a besoin d'être profondément médité : il est si aisé de s'égarer dans cette matière importante, et les erreurs peuvent être d'une conséquence si dangereuse. Concilier les intérêts de l'agriculture avec ceux du consommateur, surveiller le commerce sans le gêner, entretenir une abondance constante dans une vaste République, la faire circuler dans les parties les plus stériles: voilà le problème,et il n'est pas aisé à résoudre ; mais des députés des départements de Seine-et-Oise leur ont donné des détails qu'ils n'ont pas cru devoir retarder de vous faire connaître, inquiet sur les subsistances, le peuple s'agite, sans voir la main cachée qui le pousse ;il creuse lui-même le précipice où l'on veut le jeter. Des agitateurs soudoyés attisent le désordre, et tourmentent, par des craintes chimériques, un peuple bon, dont ils osent se dire les
amis. Une insurrection s'est manifestée dans le district de Montfort -Amaury ; des citoyens armés se sont portés dans les marchés; les commissaires envoyés par le pouvoir exécutif avaient reçu de quelques fermiers la soumission, libre ou forcée de fournir le blé à un prix convenu.
Cette soumission impolitique a bientôt amené la disette dans ces marchés. Le peuple l'a regardée comme une taxe, a exigé qu'on lui livrât le blé au même prix ; les vendeurs se sont éloignés, et la disette s'est fait sentir au milieu de l'abondance. Les troubles vont cependant toujours en augmentant, les personnes, les propriétés, les administrateurs sont menacés, la circulation est interrompue; à Etampes, on se plaint des approvisionnements faits pour Paris. On menace ae détruire les moulins, et un commissaire du département n'a pu parvenir à calmer l'effervescence. Le ministre de l'intérieur nous a fait part que dans les départements delà Somme et de l'Aisne, la circulation éprouvait les plus grandes entraves. Pour rémédier à ces maux présents, vos comités ont cru devoir vous proposer d'envoyer dans ces départements 3 commissaires de la Convention nationale. Leur utile influence, la*confiance dont ils seront revêtus, rétablira bientôt le calme, et la soumission aux lois. La circulation, qui ne peut être un instant interrompue sans les plus grands dangers pour la République sera rétablie. L'instruction doit être la seule arme du républicain, il doit répandre des lumières, et non point proclamer de loi martiale. Eclairons les citoyens, et le règne des agitateurs passera; ils ne se plaisent que dans les ténèbrés, c'est là qu'ils aiment à ourdir leurs trames.
Le conseil exécutif a présenté au comité une instruction sur les subsistances, qui paraît remplir parfaitement vos vues, et qu'il a dessein de vous soumettre pour que vous la revêtiez de votre approbation. (1) Vos comités vous proposent de décréter qu'il sera envoyé 3 commissaires pris dans le sein de la Convention nationale, dans les départements de Seine-et-Oise, Seine-Inférieure, de l'Aisne et de la Somme, pour rétablir la tranquillité publique, et y assurer la libre circulation des subsistances. (Applau-disseménts.)
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce, décrète que des commissaires, pris dans le sein de la Convention nationale, seront envoyés dans les départements de Seine-et-Oise, Seine-Inférieure, l'Aisne et la Somme, pour y établir la tranquillité publique et y assurer la libre circulation des subsistances.
« Elle nomme pour commissaires les citoyens.....»
Je demande qu'on prenne les mêmes mesures à l'égard du département de l'Eure où le prix du blé est exorbitant.
Tout en convenant des bons effets que l'envoi des commissaires de la
Convention a souvent produits, je m'oppose à ce que cette mesure soit
employee de nouveau. Sans doute l'instruction est une excellente chose,
mais telle confiance qu'inspireront vos commissaires, le plus essentiel
est de procurer du pain au peuple.
Voilà 3 jours .que je sollicite la parole pour un rapport sur les subsistances ; si la Convention eût voulu m'écouter, la discussion qui se présente aujourd'hui n'aurait pas lieu, Je ne ferai point ae dénonciation, mais je crois qu'il existe un moyen de prévenir les intrigues des agitateurs et de déjouer leurs complots sans effusion de sang. Il suffirait, à mon avis, d'un projet de décret, dont le but serait de forcer tous, les citoyens à faire chacun à leur municipalité respective la déclaration de la quantité de grains qu'us ont en magasin ; de punir de trois jours de prison tous ceux qui s'y refuseraient; enfin de faire dresser, par les directoires de districts, un état des subsistances qui se trouveraient dans leur arrondissement, lequel état serait envoyé au ministère de l'intérieur qui le ferait passer avec celui de population des divers départements à la Convention, qui en ordonne.-rait l'impression afin de les rendre publics.
Je viens assurer la Convention que le comité d'agriculture s'occupe d'un travail dont le résultat remplira les vues des préopinants, et qu'il a pris tous les renseignements propres à diriger les mesures qu'il présentera incessamment à l'Assemblée. Mais je dois observer que si dans les départements où on ne recueille pas de grains, où le pain vaut 8 à 9 sous la livre, l'on attend paisiblement votre loi sur la circulation des subsistances, dans les départements, au contraire, ou l'on recueille fe plus de blé, l'on s'oppose à main armée à sa sortie. Le mallà est pressant, des agitateurs alarment les fermiers, et pour acquérir de la popularité, répandent la défiance parmi les citoyens.
Je suis convaincu qu'une bonne loi sur les subsistances est fort difficile à faire et ne peut être faite dans une matinée; d'un autre coté je reconnais qu'il est urgent de faire cesser les troubles et de donner au peuple la tranquillité en attendant de lui donner du pain.- (Applaudissements.)
C'est pourquoi, à l'encontre de Delacroix, j'appuie la proposition du comité d'envoyer des commissaires dans les départements où des séditions ont éclaté. C'est le seul moyen, à mon avis, de rétablir le bon ordre et de punir les agitateurs. (Applaudissements.)
(La Convention décrète d'envoyer 3 commissaires dans les départements de Seine-et-Oise, de Seine-Inlérieure, de l'Eure, de la Somme et de l'Aisne, pour y rétablir la tranquillité publique et y assurer la libre: circulation des subsistances.) :
Je vais mettre aux voix maintenant la nomination des 3 commissaires.
Je propose, comme amendement, de ne pas nommer des commissaires parmi les députés du département qui les a élus, dans la crainte que les visites qu'ils seraient obligés de faire à leurs parents et à leurs connaissances les détournassent de l'objet de leur mission: C'est le peuple qu'il faut voir, qu'il faut ramener aux principes et ce ne sont pas les riches qu'il faut visiter.
Un mémbrè : Je m'oppose à cette proposition, car l'expérience a prouvé, au contraire, que c'est l'envoi des commissaires d'un même département qui a produit le meilleur résultat. Eux seuls peuvent donner des renseignements utiles, parce qu'ils sont plus au courant des localités. {Applaudissements.)
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de Legendre et nomme pour commissaires Lidon,de la Corrèze, Tellier, de Seine-et-Marne, et Lefebvre de Chaiily, de Nantes). Suit le texte définitif du décret rendu : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce, décrète que des commissaires, pris dans le sein de la Convention nationale, seront envoyés dans les départements de Seine-et-Oise, Seine-Inférieure, l'Eure, l'Aisne et Ja Somme, pour y rétablir la tranquillité publique, et y assurer la libre circulation des subsistances.
Elle nomme pour commissaires les citoyens Lidon, de la Corrèze Tellier, de Seine-et-Marne, et Lefebvre de Chaiily, de Nantes. »
,ministre des contributions publiques, présente, au nom de la commission des monnaies, un mémoire sur la refonte des monnaies et les nouvelles empreintes (1) ; il s'exprime ainsi :
En abolissant la royauté, vous avez supprimé, par cela même, tous ses attributs, quelque part qu'ils se trouvent, vous avez donc prononcé la suppression des empreintes des monnaies, et leur refonte est devenue indispensable.
Loin qu'elle puisse occasionner des embarras dans la circulation, la chose publique en recevra au contraire de grands avantages. L'abondance des assignats maintient la continuité des échanges ; celle des métaux dans vos hôtels des monnaies donne le moyen d'entreprendre la fabrication, sans que le Trésor public ait besoin de faire aucune avancé; et la nécessité où seront tous les citoyens, de changer contre la monnaie nouvelle, leurs écus et leurs louis, lorsqu'ils seront déchus de leur qualité monétaire, occasionnera un mouvement qui ne peut manquer de jeter beaucoup d'espèces vieilles et nouvelles dans le commerce; et, par conséquent," d'attaquer avec succès le prix abusif auquel l'agiotage et l'incivisme ont porté nos métaux.
Mais qiiels principes monétaires adopterons-nous'? Quels seront la valeur, le diamètre, lé poids et les empreintes de nos monnaies nouvelles?
L'érudition sur cette matière est devenue parfaitement inutile. Personne
n'ignore aujourd'hui que les monnaies renferment deux valeurs : celle du
métal considéré comme marchandise, et celle de ce même métal Considéré
dans l'intention de la loi, qui, en le convertissant en monnaie, a voulu
en faire la mesure comparative des valeurs, le langage par lequel on
exprime celle
Mais ce qu'on ne distingue point assez, c'est la monnaie telle que l'exige notre commerce avec les étrangers, et la monnaie qui suffit au commerce intérieur de la République.
Si nous ne faisions aucun commerce avec l'étranger, et que l'or et l'argent nécessaires à la fabrication de la monnaie, fussent un produit de notre sol, les valeurs intrinsèques et monétaires de ces métaux ne différeraient jamais entre elles ; la loi pourrait la fixer arbitrairement; comme elle serait égale pour tout le monde, elle n'aurait, quel qu'en fut le taux, d'inconvénient pour personne.
Mais notre commerce avec les étrangers est utile, nécessaire, inévitable, et nous ne pouvons pas les soumettre à nos lois. Nos monnaies d'or et d'argent ne peuvent avoir chez eux qu'une valeur très peu supérieure à celle qu'ils donnent à ces métaux en lingots, dégagés de toute matière hétérogène. Il en est de même chez nous à leur égard ; nous n'estimons leurs espèces d'or et d'argent que comme ils estiment les nôtres.
Il est donc vrai de dire qu'une nation puissante peut avoir deux sortes de monnaies : l'une, dont le cours dans l'étranger ne soit pas nécessaire; l'autre, qui étant de nature à être admise dans tout pays commerçant puisse, sans inconvénient pour le commerce intérieur, changer partout de valeur, comme toute autre marchandise, selon qu'elle est rare ou abondante.
La première est une monnaie proprement dite, une mesure purement domestique, dont la matière doit être très abondante, et coûter peu, afin qu'elle puisse recevoir de la loi une valeur invariable. La seconde ne sera jamais, quoiqu'on imagine, qu'une marchandise sur laquelle la loi ne peut rien faire de plus, que de déterminer : 1° les signes qui certifieront le titre et le poids de la matière ; 2° les formes les plus propres à en rendre la circulation commode et générale.
L'or et l'argent sont les seuls métaux propres à la monnaie-marchandise. Précieux et recherchés par toute la terre, leur grande valeur, relative à leur volume, fait que les frais de transport ne sont considérés que comme une dépense peu importante dans les transactions commerciales.
Et puisque les monnaies d'or et d'argent ne ne sont considérés entre les nations étrangères l'une à l'autre, que dans la valeur intrinsèque qu'ils accordent à ces métaux purgés de toute autre matière, il s'ensuit que la marge, connue sous le nom de remède d'aloi, leur .est parfaitement inutile. Elle ne sert dans le commerce, qu'à embarrasser le calcul et à favoriser des friponneries.
Aussi ne doit-elle son origine qu'à la mauvaise foi. C'est une altération inventée par le despotisme, qui, foulant toujours aux pieds la morale et les principes, a voulu, par ce moyen, vendre à ses esclaves, du cuivre au prix de l'or ou de l'argent ; et plutôt que de renoncer à cette escroquerie, il en a fait un art mystérieux, auquel on attache beaucoup d'importance. L'alliage par lequel on a dégradé la valeur de l'or et ae l'argent a été regardé comme nécessaire ; on a prétendu qu'il donnait aux espèces une solidité, sans laquelle leur poids diminuerait par le frottement. C'est une erreur ! la dureté du métal ne sert, au contraire, qu'à lui faire perdre plus facilement une partie de son poids par l'usage ; tandis qu'en lui maintenant sa
souplesse naturelle, les parties se refoulent longtemps les unes sur les autres, avant de se séparer en se brisant.
L'usage d'allier l'or et l'argent avec d'autres matières, pour les convertir en monnaie, n'a donc aucune utilité qui puisse en compenser les désavantages; et comme son origine et son but sont vicieux, la République française, attentive à prévenir tout ce qui ne sert qu à favoriser la fraude, se déterminera sans doute à ne présenter jamais dans ses monnaies d'or et d'argent, que ces mêmes métaux, aussi parfaitement épurés qu'il est possible ; ce qui aura encore l'avantage d'offrir aux artistes qui les emploient, une ressource propre à les garantir des méprises dangereuses pour leur réputation.
Mais quelle sera la valeur de ces monnaies? Il faut encore observer ici les limites que la loi ne pourra jamais franchir.
L'or et l'argent sortent des entrailles de la terre ; elle en recèle des quantités inconnues; et l'on ne peut les extraire et leur donner la qualité et les formes monétaires que par le travail.
C'est pourquoi ces métaux seront toujours une marchandise, dont la valeur dépend de sa quantité relative aux besoins, et du prix de la main-d'œuvre qui les façonne.
Cette valeur variera donc sans cesse ; et comme, dans le commerce, les prix haussent ou baissent dans un lieu, selon les variations qu'ils éprouvent dans un autre, il est parfaitement inutile de vouloir fixer le prix de l'or et de l'argent nulle part, dès qu'il sert d'intermédiaire dans nos relations commerciales avec l'étranger.
Tout ce que la loi tente d'impossible ne sert qu'àaffaiblir son empire; ainsi le meilleur système monétaire, destiné à unir le commerce intérieur au commerce extérieur, sera celui dans lequel on se contentera de fabriquer des pièces d'or et d'argent purs, d'un poids exempt de fractions, comme d'une once, d'une demi-once, d'un quart d'once, etc., et d'imprimer sur chacune de ces pièces la désignation de leur poids et le degré de pureté du métal.
Leur valeur, dès lors, se mesurera par le plus ou le moins de denrées, de marchandises, ou de services qu'on obtiendra contre une once ou une portion d'once ; et la quantité d'or et d'argent en poids deviendrait bientôt l'unique langage servant à exprimer la valeur des choses.
Mais il est certaines idées habituelles dont on ne peut se débarrasser que longtemps après en avoir reconnu le vice ou l'inutilité. Nous sommes accoutumés à exprimer les valeurs d'une manière complexe et peu intelligible ; tel est le mot insignifiant de livres; et ce mot est consacré sur nos assignats et dans les contrats, dont l'effet se prolonge d'année en année.
Mais la Convention nationale ne sera point gênée par cette habitude ; il suffira qu'elle déclare dans son décret la valeur du marc de ces métaux épurés, afin de ne pas étonner par la simplicité du nouveau système.
Sur quelle base reposera cette valeur? sur la plus basse possible. En effet, dès qu'elle ne peut pas rester fixe, dès que les éléments qui servent à l'établir varient sans cesse, il ne faut pas risquer de l'élever par l'autorité de la loi, qui, jusqu'à certain point, en impose à ceux qui ne sont pas initiés dans le calcul de la valeur intrinsèque des monnaies. Or les tarifs de 1773 pour l'argent, et 1785 pour l'or, ont jusqu'à présent régi nos monnaies. Les livres ex-, primées par nos assignats se rapportent à ces
:tarifs ; c'est aussi le terme le plus bas auquel la le l'or et de l'argent puisse descendre ; en valeur de l'or et de l'argent puisse s'en écartant on tombe dans les incertitudes de l'arbitraire, et une fixation légale qui s'écarterait de ces tarifs, serait d'autant plus difficile, que, dans les conjectures actuelles, le véritable prix de l'or et de l'argent a disparu sous les effets d'une multitude ae causes extraordinaires.
Il faudra donc se contenter de faire connaître par les décrets la valeur des monnaies nouvelles, comparativement à celles de vieilles monnaies qui seront reçues en échange ; cette valeur sera en quelque sorte le point d'appui sur lequel on verra leur prix s'élever, plus ou moins, selon l'état des rapports commerciaux avec l'étranger et l'empire des circonstances politiques.
Et quant à la fabrication de ces monnaies avec des lingots que les particuliers apporteront en place de vieilles espèces, on leur rendra, sous la déduction des frais de monnoyage, la même quantité de trente-deuxièmes ou de grains de tin, qu'ils auront livrée.
A l'égard des empreintes, dès que les mon? naies aor et d'argent seront considérées comme la monnaie du commerce universel, il paraît convenable qu'elle soit caractérisée par des emblèmes qui indiquent cette grande destination ; ainsi les pièces a'une étendue suffisante porteront, d'un côté, le génie du commerce avec ses attributs essentiels, ceux qui rappellent la liberté, la fidélité et l'abondance; les petites pièces seront moins chargées ; l'inscription des unes et des autres portera, liberté, fidélité et sûreté; sur le revers représentant une balance dans un encadrement ae fers de lances (1), seront inscrits le titre et le poids de la pièce; et sur la tranche des pièces qui en sont susceptibles, on lira République française.
Examinons maintenant ce qui concerne la monnaie nationale, celle qui, destinée pour les échanges intérieurs, ne doit pas servir au commerce étranger.
Nous avons actuellement en circulation évidente deux sortes de monnaies nationales, les assignats et les sÔûï de cuivre ; la première est la monnaie de la Révolution, c'est la représentation d'une richesse qui a sauvé la liberté, et qui favorise des efforts et des développements qui nous rendent invincibles. Cette richesse n'est point encore tarie, et sans doute que l'usage des assignats perfectionnés dans leur fabrication, se prolongera par delà les remboursements destinés à les éteindre. Il sera trop facile de leur donner une base propre à nous conserver cette monnaie, que sa commodité, et le peu qu'elle coûte à la richesse publique, mettent beaucoup au-dessus des métaux.
Mais les assignats ne doivent pas descendre à de trop petites valeurs ;
cette surchage de papiers peut en effet les avilir. La peine qu'éprouve
la plupart des hommes à généraliser leurs idées, fait qu'ils attachent
sans cesse au papier l'idée du remboursement ; celui des coupures de
très petite valeur ne peut guère s'effectuer que par leur anéantissement
dans le Trésor public, à mesure qu'elles y arrivent; et ce remboursement
ne pouvant paraître ni prompt, ni important, à cause de la prodigieuse
dissémination de ces coupures, il en résulte qu'on regarde la petite
monnaie métallique comme propriété plus
Il faut donc conserver l'usage d'une monnaie nationale métallique, et la disposer de manière qu'elle supplée aux coupures, dès l'instant où la sécurité régnant sur tous les points du sol français, la petite monnaie ne se resserrera plus.
Nos pièces de 15 et 30 sous qui ne circulent point, ne peuvent être ni conservées, ni renouvelées.
1° Leur fabrication est onéreuse à la nation ; elle y perd les frais, l'alliage, est très probablement un grain de fin, puisque le remède d'aloi n'est qu'à deux grains, tandis que celui des écus est à trois ;
2° L'alliage de cette monnaie est combiné au titre que les artistes emploient pour souder l'argent; ils épargnent ainsi la dépense du métal d'alliage ;
.3° Cette monnaie est au titre de beaucoup de monnaies d'Allemagne, qui sont de plus haute valeur ; d'où il résulte que les princes mon-noyants sont invités, par l'appât d'un gain considérable, à mettre sous leurs balanciers nos pièces de 15 et de 30 sous; ce qui ne nous convient pas, dès que la fabrication est onéreuse.
Reste nos monnaies de cuivre et de bronze. Si celle de cuivre pur a l'inconvénient de se ternir, de s'encrasser et de communiquer une odeur désagréable, celle de bronze actuelle a des inconvénients bien moins tolérabless sa fabrication a été mal combinée, mai dirigée, et plus mal exécutée encore ; elle fait honte à nos -moyens. Heureusement que son effigie nous contraint à la refondre ; la beauté d'une monnaie, soit pour le métal, soit pour l'empreinte, n'est point indifférente à sa circulation.
Mais il ne faut pas que le peuple souffre du du changement devenu indispensable. La commission des monnaies propose une fabrication qui aura l'avantage de la beauté, et celui de remplacer les sous actuels, sans perte pour les individus, et sans que la nation ait aucun sacrifice à faire.
La Convention pèsera, dans sa sagesse, s'il faut s'en tenir à cette monnaie et aux assignats, pour compléter le système de la monnaie nationale ; ou si, pour la commodité de la circulation et pour le service des armées, il faut des pièces métalliques d'une plus grande valeur.
On ne peut les rendre commodes qu'en y introduisant assez d'argent pour leur conserver un petit volume. Ces monnaies présentent, dit-on, un grand bénéfice aux contrefacteurs ; mais cet inconvénient, dont on peut se garantir par la perfection du monnayage, disparaît devant les grands effets d'une circulation active et facilitée. D'ailleurs les fausses monnaies ne peuvent jamais être répandues en bien grande quantité ; il est dificile que tout ce qu'on sacrifierait à la crainte de cet abus, en s'abstenant de fabriquer des espèces d'argent mêlée de cuivre, ne fût pas plus considérable que le mal réel de la fausse monnaie.
La commission des monnaies a donc cru qu'elle devait également s'occuper d'une monnaie nationale fabriquée avec de l'argent de bas aloi, afin de pouvoir fournir à circulation des secours plus variés.
Voici ses propositions.
MONNAIE DE SUIVRE.
Elle sera composée du métal de sous de cloches épuré par la refonte, et allié avec quelques mé-
taux propres à lui donner une couleur qui ne noircisse pas à l'air, comme le cuivre pur.
On joint ici des échantillons de la nouvelle préparation.
Cette monnaie sera divisée en pièces d'un demi-gros, valant demirsou. De deux gros, valant un sou. Et de quatre gros, valant deux sous. Ainsi, la livre de poids de cette monnaie, vaudra 64 sous (1).
La monnaie actuelle sera reçue contre la nouvelle, sur le pied de 40 sous la livre, qui, joint, aux frais de monnayage, porteront la dépense à 26 s. 2 d. par marc, ou à 52 s. 4 d. par livre.
Savoir : Fabrication et polissage des flaons, tant sur le champ que sur la tranche, ci, par marc... » 1. 5 s. » d.
Pour les coins............. » » 8
Monnayage................. » » 6
Achat du métal, à 40 sous la livre fait par marc........... 11. » »
Total par marc...... 11. 6 2 d.
Il reste donc en bénéfice, au Trésor public, 5 s. 6 d. par marc, réduits à 4 s. 3 d., par le remplacement du déchet à la fonte ; ce qui élève le bénéfice de l'opération à 3,800,000 livres , en supposant la refonte de tous les sous fabriqués depuis la Révolution.
One société se présente pour exécuter cette opération; elle s engage à l'établir dans les hôtels des monnaies et sous la direction des directeurs, afin que la fabrication soit surveillée par les officiers de la nation. Mais il faut rejeter ces offres ; elles cachent toujours de très grands dangers ; elles sont contraires aux principes d'une sage administration, qui repoussent l'affermage des monnaies. Il faut que cette fabrication soit faite par les directeurs des monnaies ; et néanmoins, comme les hôtels des monnaies actuels ne suffiront pas pour l'accélération de la refonte, il faut autoriser le ministre des contributions à la faire exécuter encore dans les nouveaux ateliers qui ont été élevés en vertu du décret du mois de janvier, et sous l'inspection des commissaires qui seront nommés par le pouvoir exécutif. Les commissaires rejetteront tout flaon non poli, et qui ne serait, pas d'une couleur conforme au modèle. La monnaie de Paris sera exemptée de ce travail ; les flaons qui y seront frappés, seront fabriqués aux Rar-nabites, où se fait la fabrication actuelle; ainsi qu'à Romilly et Maronne, où pourront également être fabriqués les flaons pour d'autres hôtels des monnaies où il serait trop embarrasant d'établir ce genre d'atelier.
MONNAIE DE BAS ABGENT.
Nos monnaies nationales, contenant argent, seront au titre de 6 deniers de fin, avec l'alliage qui sera indiqué, conformément aux essais faits par ordre de la commission des monnaies, et vérifiés sous ses yeux. Ces espèces seront en rapport de poids avec celles de cuivre.
La pièce de 20 sous ou d'une livre, pèsera 2 gros, comme celle d'un sou.
La pièce de 10 sols pèsera un gros, comme celle d'un demi-sou.
Si la Convention veut qu'il soit fabriqué des pièces de 40 sous, ou de 2 livres, elles pèseront 4 gros, comme la pièce de 2 sous.
Et, afin qu'on n'argente pas les pièces de cuivre pour tromper le public, les empreintes en seront différentes; toutes celles d'argent auront, à la place de l'effigie, un cheval en pleine course, avec un fer de lance (1) sur la tête. Ce symbole de la liberté française rappellera la monnaie de nos ancêtres, les Gaulois.
Le tableau joint à ce mémoire présente toutes ces nouvelles monnaies, distinguées les unes des autres, par leur nature, leur diamètre, leur poids et leur impression. On y voit la correspondance des espèces de cuivre, et cuivre et d'argent de bas ailoi.
EMPREINTES.
MONNAIES DE CUIVRE.
Pièces d'un quart de sou ou d'un gros.
Cette monnaie étant plus particulièrement celle du pauvre, portera un niveau et le bonnet de la liberté, avec cette inscription : libres et égaux devant la loi.
Au revers :
Ces mots : quart de sou ou demi-gros, dans un encadrement de feuilles de chêne.
Pièces de demi-sou ou d'un gros.
L'empreinte d'un demi-sou sera le livre de la loi, sur l'autel de la patrie; pour inscription, le cri du Français : Vive la nation, vive la loi; le revers sera le même que celui du quart de sou, avec ces mots : demi-sou ou gros.
Pièce d'un sou ou de deux gros.
L'empreinte du sou représentera un sabre surmonté du bonnet de la liberté, avec l'inscription : Citoyens-soldats, soldats-citoyens, 1789. Sur le revers, un faisceau d'armes dans un encadrement de chêne ; autour, l'inscription : notre union fait notre force. A l'un des côtés du faisceau, on lira ces mots : un sol ; de l'autre côté, ceux-ci : deux gros.
Pièces de deux sous ou de quatre gros.
L'empreinte de la pièce de deux sous sera la Constitution nouvelle, gravée sur un bouclier posé sur deux piques en sautoir, avec l'inscription : nous la maintiendrons.
Le revers, Hercule combattant l'hydre, avec l'exergue : plus d'abus; et l'inscription : deux sous ou quatre gros.
MONNAIE DE BAS ARGENT.
Pièce de cinq sous ou d'un demi-gros.
On a dit que toutes les pièces d'argent à six deniers auraient pour empreinte un cheval en pleine course, avec un fer ae lance en tête; l'inscription sera : Nation française et Loi ; en exergue : A la liberté.
Le revers des pièces de cinq sous sera un en-
Pièce de dix sous ou d'un gros.
Le revers de la pièce de dix sous sera le même, à ces mots près, qui seront : Dix sous, ou un gros d'argent.
Pièce de 20 sols ou de deux gros.
Le revers des pièces de 20 sous représentera le génie de la France, gravant, avec la pointe d'une pique, la Constitution, sur une table d'airain, posée sur l'autel de la patrie, que l'on reconnaîtra pour être celle des Français, par les fers de lancé sans nombre qui orneront l'autel. L'inscription sera France libre: en exergue : une livre ou deux gros, A C.
Pièce de 40 sous ou de quatre gros.
Le revers sera : La France victorieuse, assise sur un cube, tenant de la main droite l'olivier de la paix ; à ses pieds une corne d'abondance. On placera avec intelligence une charrue, symbole ae l'agriculture ; un ballot de marchandises symbole du commerce; des livres, avec ces mots : Philosophie, Arts et Lois. Inscription : Félicité publique. En exergue, ces mots : deux livres ou demi-once. A. C,
CONCLUSION.
La Convention nationale est donc suppliée de considérer :
1° Que la suppression de tous les attributs de de la royauté, oblige nécessairement à changer les empreintes des monnaies de France, et con-séquemment les monnaies elles-mêmes;
2° Qu'il importe d'ordonner la fabrication de nouvelles espèces, avec des types analogues à la République française ;
3° Qu'il importe de distinguer la véritable monnaie intérieure, d'avec de simples signes d'échange, utiles au commerce des Français avec les autres peuples;
4° Que la perfection à. laquelle les arts sont parvenus en France, exige que les monnaies soient de la plus parfaite exécution ;
5° Qu'une refonte des monnaies actuelles, occasionnée par ces causes, ne peut avoir que l'effet de redonner une plus grande activité à leur circulation ;
6° Enfin, s'il n'est pas pressant de décréter :
1° Que toutes les monnaies actuellement existantes , portant des caractères où attributs de royauté, seront et demeureront supprimées; que néanmoins elles auront cours jusqu'à ce qu'il ait pu être procédé à une quantité ae nouvelles monnaies françaises, suffisante pour les besoins du commerce.
2° Que la monnaie française n'aura, à l'avenir, de valeur que celle qui sera déterminé par la loi ;
3° Qu'on entendra par monnaies françaises : 1° les assignats ; 2° les espèces métalliques suivantes : savoir, les pièces d'un demi-gros, d'un gros, de 2 et de 4 gros de cuivre, allié à d'autres métaux, dans les proportions qui seront indiquées dans l'instruction monétaire qui sera dressée à cet effet; les pièces de demi-gros, d'un gros, de 2 et 4 gros d'argent, allié par moitié, avec d'autres métaux, dans les proportions indiquées pareillement dans l'instruction moné-
taire, lesquelles pièces seront de la valeur d'un demi-sou, de 1 sou, de 2 sous, de 5 sous, de 20 sous ou de 1 livre, de 40 sous ou de 2 livres;
4° Que l'or et l'argent ne seront plus regardés que comme marchandises et que cependant, pour la commodité du commerce de France avec les autres peuples, et pour sûreté des artistes qui emploient ces métaux, et auxquels il im-
Eorte de les avoir dans leur pureté, il sera fa-
riqué des pièces rondes, des poids d'un gros, de 2 gros ou quart d'once, de demi-once, et d'une once d'or et d'argent, au titre le plus fin ; que leur empreinte garantira la fidélité au titre ; qu'elle représentera le génie du commerce avec les emblèmes de liberté, fidélité et abondance, avec l'inscription : Garantie nationale de France. Sur le revers, dans un encadrements d'angons ou de fers de lance, une balance, et entre ses bassins, l'énonciation du titre et du poids-de la pièce;
5° Que les empreintes des monnaies métalliques seront ainsi qu'il suit :
Pour la pièce d'un demi-gros de cuivre, ou du quart de sou, le bonnet de la liberté et un niveau, avec l'inscription libres et égaux devant la loi; sur le revers , dans un encadrement de branches de chêne, les mots : demi-gros, ou quart de sou; l'inscription sera : 1792, an Ier de la République Française; ensuite le différent de l'hôtel des monnaies, entre ceux des directeurs et graveurs.
Que l'empreinte de la pièce d'un gros de cuivre, ou d'un demi-sou, sera le livre de la loi sur l'autel de la patrie, avec l'inscription : Vive la nation, vive la loi.
Que le revers sera pareil à celui de la pièce d'un quart de sou avec ces mots : Un gros, ou demi-sou.
Que l'empreinte de la pièce de 2 gros, ou de 1 sou, sera un sabre surmonté du bonnet de la liberté, avec l'inscription : Citoyens-soldats, Soldats-citoyens, 1789; suivie des trois différents. Sur le revers, un faisceau d'armes dans un encadrement de branches de chêne ; à l'un des côtés du faisceau les mots, deux gros ; de l'autre côté ceux, un sou; et pour l'inscription : Notre union fait notre force. An Ier de la République française.
Que l'empreinte de la pièce de 4 gros, ou de 2 sols, sera la Constitution nouvelle gravée sur un bouclier posée sur deux piques en sautoir, avec l'inscription : Nous la maintiendrons, suivie des trois différents. Sur le revers, Hercule combattant l'hydre, avec l'exergue,plus d'abus; l'inscription sera : 4 gros, ou 2 sous, 1792, an Ier de la République française.
Que l'empreinte des pièces d'argent sera un cheval en pleine course, un angon de fer de lance sur la la tête, avec l'inscription : La nation, la loi; en exergue : à la liberté.
Que l'empreinte de revers des pièces de 5 et de 10 sous, sera un encadrement d'angons ou de fers de lances, avec les mots : 5 sous, demi-gros d'argent à six deniers : ou 10 sows, demi-gros d'argent à 6 deniers ; et pour inscription : 1792, an jf de la République française, suivie des trois différents ;
Que l'empreinte de revers de la pièce de 20 sous, sera le génie de la France, gravant, avec la pointe d'une pique, la Constitution sur une table d'airain posee sur un autel semé d'angons ou de fers de lances, avec l'exergue : France libre, et l'inscription : 20 sous ou 2 gros argent à 6 deniers, suivie de trois différents ;
Qu% l'empreinte de revers de la pièce de
40 sous, sera la France victorieuse assise sur un cube, tenant Tolivier de la paix, et entourée des emblèmes de Vagriculture, du commerce, des arts, de la philosophie et de l'abondance.; en exergue les mots, félicité publique; l'inscription sera, 40 sous, ou demi-once, argent à 6 deniers, suivie des trois différents ;
Que la marque sur tranche, sera : République française, pour toutes les espèces qui en seront susceptibles ;
6° Que la commission générale des monnaies commettra incessamment le nombre des graveurs nécessaires pour accélérer l'émission de la nouvelle monnaie ;
7° Que l'échange des monnaies nouvelles contre les anciennes, sera faite de manière que le public reçoive, en monnaies nouvelles, la même somme qu'il livrera en monnaies anciennes ;
8° Que la nouvelle monnaie de cuivre, portant argent, sera livrée sur le pied du cours légal, contre des louis et des écus ; les premiers, sur le pied de 24 livres, et les écus, sur le pied de 6 livres ;
9° Que ceux qui demanderont des signes commerciaux en place de leurs écus et louis, recevront autant de 32 centimes ou de grains de lins qu'ils en auront apportés, mais seront tenus de payer les frais d'affinage et de fabrication ; et que pour l'instruction au public il sera dressé un tarif indicatif de la valeur des onces d'or et d'argent fins, en écus et en louis évalués au prix de ces métaux d'après les tarifs de 1773 et 1785.
10° Que pour accélérer la fabrication des monnaies nouvelles, et des pièces d'or et d'argent qui serviront de moyens d'échange pour la facilité de notre commerce avec les étrangers, le ministre des contributions publiques sera autorisé à commettre des directeurs dans les nouveaux ateliers monétaires où se fabriquent, en ce moment, les espèces de bronze de cloches, et à confirmer les commissaires qui y sont, et ce, en exécution du décret du 20 septembre dernier, ou à en faire nommer d'autres par le conseil exécutif provisoire, conformément au décret du 18 du même mois ;
11° Que les directeurs de monnaies, et ceux énoncés dans l'article précédent, seront tenus de compter des anciennes espèces de cuivre ou de bronze de cloches, sur le pied 40 sous la livre;
12° Que les flaons qu'ils fourniront seront conformes, pour la matière, la forme, le poids et la perfection, aux modèles qui seront déposés dans les hôtels des monnaies, et que les commissaires desdits hôtels rebuteront tous les flaons qui ne seront pas exactement conformes à ces modèles, sous peine de destitution ;
13° Que les droits de fabrication des directeurs des monnaies, seront, pour le marc des pièces d'un quart de sou, 5 sous et un quart ;
Pour le marc des pièces de demi-sou, 5 sous ;
Pour le marc des pièces d'un sou, marquées sur tranche, 4 sous et trois quarts ;
Pour le marc des pièces de 2 sous, marquées sur tranche, 4 sous et demi ;
Pour le marc des pièces de 5 sous, marqueés sur tranche, 14 sous;
Pour le marc des pièces de 10 sous, marquées sur tranche, 13 sols ;
Pour le marc des pièces de 20 sous, marquées sur tranche, 12 sous ;
Pour le marc des pièces de 40 sous, marquées sur tranche, 10 sous 6 deniers.
Le déchet des pièces de cuivre sera de 6 0/0. Celui des pièces d'argent sera 1 et 1/2 0/0.
Le remède de poids sera d'un 20e pour la monnaie de cuivre; d'un 96e, ou de 48 grains par marc, pour les pièces de 5, 10 et 20 sous; et d'un 192e, ou de 24 grains par marc, pour les pièces de 40 sous. Le remède d'aloi sera de 2 grains, dont l'un en dehors, et l'autre en dedans ;
14° Que les droits des directeurs des monnaies qui ne feront qu'inspecter le monnayage des pièces de cuivre, et en faire la recette, sera de 6 deniers par marc, pour les 100,000 premiers marcs, de 4 deniers pour les 100,000 marcs suivants, et de 2 deniers pour le surplus de la fabrication de l'année ;
15° Que le ministre des contributions publiques et la commission générale des monnaies seront autorisés à suppléer, pour les détails de la fabrication, à l'insuffisance du décret à intervenir, et à donner les ordres nécessaires pour la plus prompte et la plus belle fabrication ;
16° Qu'à commencer du 1er janvier prochain toutes les transactions, tant dans l'intérieur de la République qu'au dehors, qui seront stipulées payables en onces d'or ou d'argent, frappées au coin de la République, auront leur exécution ; et que ceux qui auront accepté des lettres tirées de l'étranger, payables en France, en onces d'or ou d'argent, seront contraints au payement, suivant les formes usitées ;
17° Que les espèces d'or et d'argent pur étant réputées marchandises et le prix en étant, par cela même, variable, il sera défendu d'en troubler le commerce sous quelque prétexte que ce soit, et sous peine de 10 ans de gêne, à tous ceux qui le troubleront;
18° Qu'il sera, par contre, défendu de trafiquer la monnaie nationale, sous la même peine que ci-dessus.
(La Convention décrète l'impression du mémoire et le renvoi au comité des assignats et monnaies pour faire un rapport.)
, ministre des contributions publiques, donne lecture d'un mémoire sur le compte à rendre par le comité de surveillance de la commune de Paris, au sujet de la saisie opérée chez le sieur Septeuil, ci-devant trésorier de la liste civile (Y).
Je dois instruire la Convention nationale d'un fait qui importe spécialement à la surveillance qui m'a été confiée au privilège des créanciers de la ci-devant liste civile sur ce qui doit former la masse de son actif.
Le 26 août dernier, le sieur Tisset, accompagné du sieur Firmin Giraudot, tous deux commis par les administrateurs au département de police et au comité de surveillance delà commune de Paris, se sont transportés au domicile du sieur Septeuil, trésorier de la ci-devant liste civile et dans d'autres maisons où l'on soupçonnait que ce particulier avait déposé des effets et des papiers, ils y ont trouvé de l'or, des assignats, des bijoux et diamants; enfin, plusieurs registres et portefeuilles concernant la liste civile, et dont il paraît avoir été dressé procès-verbal.
Le sieur Tisset a fait transporter ces divers effets au comité de
surveillance après en avoir donné décharge au sieur Morillon, secrétaire
du sieur Septeuil.
De son côté, le sieùr Tisset s'est pareillement fait donner une décharge par les administrateurs du même comité. Copie en est aussi ci-jointe sous le n° 2.
La Convention sera, sans doute, surprise de la différence qui se trouve entre les deux décharges; j'en avais été frappé d'abord, mais depuis peu de jours, le secrétaire du sieur Septeuil a éclairci le fait. Il a vérifié sur le registre même du comité que la décharge donne au sieur Tisset portait 340,000 livres, quoique dans l'expédition dont le sieur Tisset est porteur, il ne soit énoncé que 300,000 livres, ce qui paraît être une simple erreur. Il a pareillement vérifié que les diamants et bijoux détaillés dans la décharge n° 1er avaient été-déposés au comité, quoique la décharge du 27 août, n° 2, n'en fît aucune mention.
Ainsi, jusque-là tout paraît assez en règle, quoique péchant par les formes.
Trois jours après ce dépôt au comité de surveillance, c'est-à-dire le 30 août, le même sieur Tisset, sans doute chargé d'ordres, s'est transporté au village du sieur Firmin, près Chantilly, dans une maison où la dame de Septeuil s'était retirée. Il l'a mise en état d'arrestation, s'est emparé d'un riehe écrin qui lui appartenait, et l'a conduite à Paris, à la prison de la Force. Je n'ai point, sous les, yeuxr Ie procès-verbal qui a dû être fait lors de cette arrestation, ainsi j'ignore s'il contient la déclaration et le détail des diamants et bijoux contenus dans l'écrin. Je joins seulement ici, sous le n° 3, la description qu'en a donnée dans mes bureaux la dame de Septeuil elle-même.
Elle y a ajouté qu'elle est restée à la Force pendant quatre jours sans être interrogée, et qu'elle n'en est sortie que le 3 septembre* après avoir été jugée sous la forme usitée à cette époque.
Il résulte de ces faits que le comité de surveillance de la commune de Paris doit être dépositaire de 340,104 livres en or, assignats et monnaie et d'une grande quantité de diamants et bijoux d'une valeur peut-être, plus considérable. Enfin, il a entre les mains des registres et portefeuilles dont les pièces doivent être delà plus grande importance pour la liste civile.
Le sieur de Septeuil était trésorier _de cette liste et, d'après un aperçu delà situation, que j'ai mis sous les yeux de la Convention nationale lors de mon rapport sur l'état de mon département, il paraît être reliquataire de plus de 10 millions. ~
J'ai donc cru de mon devoir et de l'intérêt des créanciers de la liste civile "de prendre connaissance, tant de ce qui peut répondre du reliquat du sieur de Septeuil, que de toutes les pièces qui peuvent fixer irrévocablement sa situation. C'est pourquoi à la première lecture des deux décharges dont je viens de parler, et frappé de la différence énorme qui se trouve-dans leur énon-ciation. que je ne prévoyais pas n'être qu'une erreur, j'ai écrit à MM. les administrateurs du comité de police et de surveillance de la commune de Paris pour me procurer les renseignements dont j'avais besoin. Leur réponse, du 21 de ce mois, ne m'a point donné les lumières que je désirais: Copie est ci-jointe sous le n° 4.
J'ai insisté, et le lendemain j'ai écrit à MM. les administrateurs en leur observant que je ne leur avais pas encore demandé de se dessaisir des
matières d'or et bijoux trouvés chez le sieur de Septeuil, mais seulement de me dire pourquoi la décharge donnée du sieur Tisset différait dej celle que ce particulier avait donnée au sieur Morillon, et de m'informer de ce qu'était devenus, tant les bijoux dont la décharge des administrateurs ne parlait pas, que les autres.
Aucune réponse n'a été faite jusqu'à ce jour à ma dernière lettre, mais je viens d'apprendre que la dame de Septeuil et la dame Dorvillier, sa belle-sœur, faisaient les plus vives instances près du comité pour obtenir la remise des bijoux et diamants déposés, et dont elles prétendent avoir la propriété personnelle et exclusive.
Dans cet état de choses, je crois devoir ins- , truire la Convention nationale de tous ces faits et fixer son attention sur le dépôt important qui existe au comité de surveillance de la commune de Paris, et qui, depuis longtemps, devrait être versé dans les caisses indiquées par la loi du 28 septembre.
Il est d'ailleurs intéressant de recouvrer et de mettre hors de toute atteinte tout ce qui peut appartenir au sieur de Septeuil, ou à la dame son épouse avec laquelle on doit présumer qu'il est commun en biens.
Toutes ces richesses et propriétés sont le gage des sommes énormes dont il paraît être reliquataire envers la ci-devant liste civile, par conséquent le gage des créanciers de cette liste.
Enfin, et quand ce motif ne paraîtrait pas suffisant pour déterminer la Convention nationale, il s'agirait, au moins, de l'exécution de plusieurs décrets pour laquelle ses ordres deviennent nécessaires.
En vertu de ces décrets, et conformément à la loi du 28 septembre dernier, qui ordonne l'exécution du 31 août précédent, les administrateurs du comité de police et de surveillance sont tenus, danslé plus bref délai, de déposer, savoir: à la Trésorerie natiônale, les 280,968 livres en assignats, et les 39*136livres en or, énoncés dans ladécharge donnée au sieur Morillon, par le sieur Tisset ; à l'Hôtel des monnaies, toutes les matières d'or et d'argent contenus et détaillées soit dans la décharge du 26 août, soit dans le procès-verbal de description de l'écrin de la dame Septeuil, qui a dû être fait lors de son arrestation ; et à la caisse de l'extraordinaire, tous les diamants et bijoux qui ne contiennent ni or, ni argent, et qui sont et doivent être détaillés dans lesdits procès-verbal et décharges: les administrateurs sont pareillement tenus de me remettre, après inventaire préalable, tous les registres, portefeuilles, titres, papiers et pièces aussi mentionnés dans la décharge du 26, comme concernant la ci-devant liste,civile et pouvant servir à établir la situation du sieur Septeuil, ci-devant trésorier de cette liste.
Voici maintenant les pièces justificatives auxquelles j'ai fait allusion dans mon exposé. En raison de leur importance, j'en fais lecture à l'Assemblée-:
Pièce n° 1.
Reconnaissance du sieur Tisset (1)..
« Moi, Tisset, employé au comité de police et de surveillance séant à la
mairie, demeurant rue
« Fait à Paris, en la maison desdits sieurs de Septeuil et Dorvillier, l'an IVe de la liberté et le Ier de l'égalité, ce 26 août 1792, à 11 heures 3/4 du soir.
« Signé : tisset, vengeur du crime, ; ennemi des préjugés.
Piège n° 2.
Reconnaissance de la muncipalité de Paris (1).
« Nous, administrateurs, au département de police et au eomité de surveillance et de salut public, certifions que le sieur Tisset, accompagné du sieur Firmin Giraudot, nous a remis le procès-verbal fait chez le sieur Septeuil, en vertu ae l'ordre donné audit sieur Tisset, en date du 23 août, présent mois; certifions pareillement qu'il nous a remis un carton ficelé fil rouge, scellé de deux bandes de papier au bout desquelles il a apposé son cachet en cire rouge en six endroits différents ou six autres cachets aux armes de la commune, lequel carton le sieur Tisset nous a déclaré contenir, tant en assignats qu'en or, la somme de 300,000 livres, nous a, en outre, remis un paquet de registres enveloppés d'une serviette, liés d'un ruban fil rouge, scellés de plusieurs cachets en cire noire, et une montre attachée au dit paquet et scellée en cire rouge, lesquels registres trouvés chez différents particuliers et particulières, qui les avaient reçus, des ordres du sieur de Septeuil et Dorvillier; il nous a aussi remis deux grands portefeuilles, également scellés, contenant des papiers signés du roi et de la reine ; déclarant, en outre, que le sieur Tisset, en notre présence, a retiré dudit carton, en assignats, la somme de 1,000 livres qui lui a été allouée par nous pour les dépenses par lui faites ou à faire dont il s'engage à rendre «ompte.
« Ce 27 août 1792. L'an IVe de la liberté et le Ier de l'égalité.
« Les administrateurs de police et de surveil~ lance,
« Signé : Sergent, Cailly, Goban, Gout, d'Anjou et Rossignol.
« Pour copie conforme à l'original resté entre mes mains.
« Signé : Tisset. »
« Un collier à deux rangs de 58 chatons.
« Une paire de bracelets, fond bleu, entourée de 38 diamants.
« Une montre, fond bleu, entourée de 59 diamants.
« Une bague à clous et entourage, composition violette.
« Une chaîne de montre de deux rangs de diamants et un rang de perles dans le haut, et dans le bas, deux rangs de diamants et deux de perles, avec les glands, la clé et le cachet entourés de diamants.
« Une paire d'anneaux en diamants.
« Une bague ayant un S en diamants sur un fond vert, fournis par M. Pardier.
««Un papillon composé de diamants jaunes formant le corps, de blancs pour les ailes, enrichi de 4 rubis, le tout monté à jour, fourni par M. Nitot.
« Une boîte à rangs d'émail bleu, à étoiles d'or.
« TJne tabatière ronde d'émail violet.
« Un flacon de cristal de roche garni d'or, émaillé bleu.
« Un étui d'or émaillé bleu sur lequel sont gravées des armes.
« Un crayon émaillé bleu à étoiles d'or.
« Une paire de couteaux garnis d'or, fournis par M. Ouizille.
« Une chaîne de montre composée de deux rangs de diamants et d'un rang de perles dans le haut, et dans le bas trois rangs de diamants et deux de perles, deux glands, moitié diamants, moitié perles, une clé, un cachet et un œuf, entourés de diamants, fournis par M. Germond.
« Une montre d'émail bleu, entourée de perles, et un petit cordôn de cristal, enfilé dans un rubis.-
Pièce n° 4.
Réponse des administrateurs du comité de police et de surveillance de la commune de Paris à la lettre du ministre |Clair ère qui sollicitait des renseignements sur la saisie faite chez le sieur de Septeuil (2).
Commune de Paris.
Le
Comité de surveillance et de salut public.
« Citoyens,
« La commune a nommé des commissaires pris dans le conseil général ët
dans les sections ae Paris pour examiner le compte que le comité de
surveillance doit rendre au conseil général de la commune; ces
commissaires procèdent dans ce moment à l'examen de ce compte, et comme
les objets saisis sur le sieur Septeuil font partie du comité de
surveillance, il nous est im-
« Les administrateurs au département de police et de salut public.
« Signé : Jourdeuil, Duffort, Panis, Lenfant. »
convertit en motion la demande du ministre des contributions publiques.
(La Convention adopte cette motion.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Conventiou nationale décrète que les membres du comité de surveillance de la commune de Paris verseront; savoir : à la Trésorerie nationale les 280,968 livres en assignats et les 59,136 livres en or, énoncés dans la décharge du citoyen Tisset ; à l'hôtel des monnaies toutes les matières d'or et d'argent contenues et détaillées, soit dans la décharge du 26 août, soit dans le procès-verbal de description de l'écrin de la dame Septeuil, qui a dû être faite lors de son arrestation; et à la caisse de l'extraordinaire; tous les diamants et bijoux qui ne contiennent ni or ni argent, et qui sont et doivent être détaillés dans le dit procès-verbal et décharge. »
,secrétaire, donne lecture ô."itne lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à la Convention qu'il est informé que l'on expédie aujourd'hui, par les courriers ordinaires, sous le contreseing de Pétion, à tous les corps administratifs, une adresse des sections de Paris (1), dont il a envoyé à la Convention un exemplaire; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président (2),
« Je Suis informé que l'on expédie aujourd'hui, par les courriers orcfinaires, sous le contreseing ae M. Pétion, à tous les corps administratifs et autres de France, l'adresse de la commune de Paris dont j'ai l'honneur de vous adresser des exemplaires.
« Je ne juge point cet écrit, mais je pense que l'envoi en est irrégulier et je donne ordre aux administrateurs des postes de la suspendre.
« Je crois que l'on abuse du nom de M. Pétion et je dénonce le tout à la Convention nationale. , (Murmures à l'extrême gauche. — Applaudissements sur les autres bancs de l'Assemblée.)
« Le Ministre de l'intérieur, « Signé : Roland. »
Paris, le 30 octobre de l'an Ier de la République française.
Plusieurs membres : Cette municipalité est cassée par un décret ; elle est rebelle.
Le ministre de l'intérieur est beaucoup mieux informé que moi de ce qui se passe dans les bureaux, j'ignore absolument cet envoi.
Si cela ne surchargeait pas les courriers, je ne serais pas fâché que l'adresse arrivât dans les départements. Je sais comme on est disposé à y recevoir ces ordures.
Je demande que l'on ôte au maire de Paris la faculté du contreseing, dont
les autres
(La Convention décrète que le maire de Paris ne jouira plus de la faveur du contreseing.)
Un membre ; Je demande que la conduite du ministre Roland soit approuvée.
Je ne prétends point accuser l'intention du ministre, néanmoins il me paraît nécessaire de faire observer à la Convention tout ce qui pourrait se trouver répréhensible dans cet acte. Il serait possible que ce fût un abus du secret inviolable des lettres qu'il eût eu connaissance de cet envoi. Si le ministre de l'intérieur a su, par toute autre voie que par cet abus, l'envoi très illégal, très répréhensible qu'il' vous dénonce, je ne m'oppose pas à ce que la Convention lui accorde son approbation. Si, au contraire, c'est un abus du secret des lettres, vous ne consacrerez pas sans doute l'inquisition de l'ancien despotisme.
C'est pourquoi je vous propose de demander au ministre par quelle voie il a eu ces renseignements. 11 ne faut pas, en approuvant la conduite du ministre, avant qu'il se soit expliqué à cet égard, laisser calomnier la Convention ; il ne faut pas laisser dire aux agitateurs (car il en existe).....
Un grand nombre de membres : Oui, oui, il en existe ; on les connaît ! -
Et, moi aussi, je les connais, ce sont ceux qui blessent les principes.....
Les mêmes membres : Et qui font les envois.....
Vous ne me ferez pas dire que vous avez détruit le despotisme d'un seul pour établir celui de plusieurs. (Applaudissements à gauche ; murmures sur les autres bancs.) SoUs devez d'abord savoir par quelle voie cette connaissance est parvenue au ministre; jusque-là je demande l'ajournement.
Nous devons maintenir le secret des lettres; je blâme ceux qui les arrêtent. Si une administration viole les lois, attaquons-la, suspendonff-la, mais n'imitons pas cette violation. Dans un temps de révolution, la vertu même deviendrait à craindre, si elle pouvait dominer.
(de la Haute-Marne.) La proposition qu'on vous a faite est insidieuse, et sous prétexte de nous débarrasser d'un despotisme, elle tend à nous jeter dans un autre, en nous ôtant la confiance que nous avons en Roland. Nous ne devons pas laisser flotter le soupçon sur sa tête, sous le prétexte qu'en servant la chose publique, il pourrait la dominer. Je demande donc l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Le mal ne se présume jamais. De quoi s'agit-il ? Le ministre vous dénonce l'envoi d'une adresse que vous connaissez tous. C'est quand il rend un service à la chose publique, que des personnes trop timidement patriotes, semblent craindre que ce ne soit par l'effet d'un abus du secret des lettres. Il suffit qu'il se présenta un cas par lequel le ministre ait pu acquérir la connaissance de cet abus, pour que vous déclariez croire à ce cas-là. Je ne veux pas d'idoles, mais pour votre honneur, pour la dignité de l'Assemblée, le ministre doit avoir votre confiance ; car tant qu'il est ministre, il est votre homme, il est celui de la nation. (Nouveaux applaudissements.)
On vient vous dire qu'on a inculpé le ministre, en l'accusant d'avoir violé le secret
des lettres. Je soutiens que personne, non, personne, excepté la loi, ne peut arrêter une lettre, et qu'il faut qu'elle aille à sa destination. Lorsqu'on a voulu arrêter des lettres qui étaient adressées en pays étranger à des émigrés, il a fallu une loi. Il en fallait encore une dans le cas présent. Quelle est donc cette présomption du crime? Comment le ministre a-t-il su ce délit? S'il n'a pas vu l'adresse, comment sait-il que c'était l'objet de l'envoi? Si la commune de Paris a transgressé la loi, elle doit être suspendue; mais la loi du secret des lettres doit être respectée.
Parmi les différentes mesures qu'on vous a proposées, s'il en était une que je pusse appuyer, ce serait certainement celle ae la suspension delà municipalité, qui a donné si souvent, et encore en ce cas, l'exemple de la violation de vos décrets. Le conseil général, né de l'anarchie, doit cesser avec l'anarchie. (Applaudissements.) Je vous propose une mesure simple : le ministre n'est point accusé, mais le soupçon a plané sur sa tête, il faut que le soupçon cesse, et pour lui et pour nous. Il faut qu'il vienne, et qu'il nous dise ce qu'il fait, et comment il le fait. (Applaudissements.)
(La Convention accorde la priorité à la proposition présentée par Barère.)
Je demande, par amendement, que la Convention suspende elle-même l'envoi des paquets. On n'a pas fait attention qu'il y avait un vol, et que le ministre a dû l'arrêter, celui du contreseing. Le ministre, en arrêtant ces paquets, n'a fait que ce.que lui commandait son devoir le plus impérieux.
Je demande, par un amendement contraire, que la Convention nationale ne confirme pas la mesure très illégale du ministre. Roland, et qu'elle lève à l'instant la suspension qu'il n'aurait pas dû apporter au départ des lettres.
Je m'oppose à l'un et l'autre de ces deux amendements. Adopter la proposition de Buzot, serait approuver indirectement la conduite du ministre et nous avons décidé d'entendre auparavant l'explication qu'il nous donnera. Voter, au contraire,la motion de Turreau-Linières, c'est tomber dans l'excès opposé.
Je ne suis pas de l'avis de Couthon; j'observe que le ministre n'a fait que suspendre l'envoi à la poste; c'est vous qui prononcerez l'arrestation ; c'est bien différent.
J'appuie la proposition de Buzot. (Applaudissements.)
Et moi, pour tout concilier, je propose, par un autre amendement, que toutes ces lettres soient rendues à Pétion, sous le contreseing duquel elles étaient adressées. (Vifs applaudissements.)
Une lettre est la propriété de celui qui l'envoie et de celui qui la reçoit. Ces lettres ne m'appartiennent pas, je ne saurais les recevoir; mais je nè vois pas d'inconvénients à adopter la proposition de Barère.
(La Convention nationale décrète queleministre de l'intérieur se rendra, séance tenante, dans l'Assemblée, pour lui donner des éclaircissements sur les motifs de la suspension du départ des lettres envoyées à la poste sous le contreseing de Pétion.)
Vous devez faire transporter ces
paquets au comité de surveillance, parce qu'il peut y avoir des papiers d'administration, peut-être des instructions du ministre.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur cette motion.)
au nom des comités diplomatique, d!agriculture et de commerce réunis, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à prohiber provisoirement la sortie des viandes salées; il s'exprime ainsi ;
Citoyens, vous nous avez renvoyé l'examen d'une lettre du ministre de l'intérieur, contenant la question de savoir s'il ne convient pas de défendre l'exportation, des salaisons, vos comités croient que cette prohibition momentanée est utile, non-seulement sous le rapport d'une rupture possible avec l'Espagne, mais à cause des besoins de nos armées de terre et de mer, la sûreté de la République pouvant exiger que ces dernières soient mises sur un pied respectable. Déjà vous avez mis à la disposition du ministre de la guerre 3 millions pour acheter des viandes salées à l'étranger. Il sera infiniment plus économique, et sans aucun désavantage pour notre commerce, de prohiber l'exportation.
Vos comités vous proposent, en conséquence, le projet de décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, d'agriculture et de commerce, décrète que la sortie de toutes espèces de viandes salées, demeure provisoirement suspendue. »
(Gironde.) Par cé décret, nous nous privons d'une branche importante de commerce pour le seul plaisir de nous en priver. Nous n'avons point la guerre avec l'Espagne, et nous nous faisons la guerre à nous-mêmes. Il serait utile que le rapporteur nous eût dit quelques raisons pour donner prise à objection; car en ce moment on ne peut combattre qu'en disant que son projet est inutile, et qu'il détruit une branche considérable de commerce.
, rapporteur. Ce projet est nécessaire pour assurer nos propres approvisionnements; car nous devons aussi prévoir le cas d'un armement maritime plus considérable. Le commerce n'en souffrira pas, puisqu'il vendra à la nation.
(Gironde.) Mais les débouchés anciens s'obstrueront.
(La Convention adopte le projet de décret présenté par Lacaze.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique, d'agriculture et de commerce, décrète que la sortie de la République, de toutes espèces dé viandes salées, demeure provisoirement suspendue. »
, au nom de la commission des Neuf \ soumet à la discussion le projet de décret çontre les provocateurs au meurtre et à l'assassinat ( 1); ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des Neuf, décrète provisoirement ce qui suit :
« Art. ler.Toute personne qui, par des
placards ou affiches, par des écrits publics ou colportés, par des
discours tenus dans des lieux ou assem-
« Art. 2. Si le meurtre ou l'assassinat s'en est suivi, celui ou celle qui auront provoqué ou conseillé à dessein, seront punis ae mort.
Art. 3. L'imprimeur, le colporteur et l'afficheur d'écrits par lesquels le meurtre ou l'assassinat ou la sédition auront été -provoqués ou conseillés, seront punis, savoir : l'imprimeur, de 4 années de gêne, et le colporteur et l'afficheur, de 3 moi3 d'emprisonnement, s'ils ne savent pas lire, et de 6 mois d'emprisonnement, s'ils savent lire, par voie de police correctionnelle. »
Le projet qui vous a été présenté par Buzot, ne me parait pas remplir suffisamment son objet ; car il ne spécifie pas assez les différents crimes qu'il a pour objet de punir. 11 y a cependant dans les provocations au meurtre et à la sédition des nuances4rès sensibles, et des différences essentielles à observer. La provocation est non-seulement directe ou indirecte, mais elle le fait avec ou sans désignation de personnes.
Je propose que celui qui provoquera à l'assassinat par des écrits, en désignant les personnes, soit condamné à 8 ans de fers; qu'il soit dit expressément que la même peine sera encourue par celui qui ferait cette provocation au milieu d'un attroupement, dans des assemblées primaires, dans des sociétés populaires.
Que celui qui, par des imprimés, des affiches Ou de vive voix, donnerait à entendre qu'il y a des citoyens que le peuple doit immoler à la vengeance, mais sans désignation absolue de personnes, soit condamné à 2 ans de fers.— Que celui qui provoquerait à la désobéissance aux lois, et prêcherait l'insurrection contre les fonctionnaires publics, en les désignant comme traîtres, puisse être arrêté sur-le-champ, et dénoncé à un officier de police... (Murmures d'indignation.)
Plusieurs membres s'élèvent contre l'arbitraire et le vague de cette disposition.
(Gironde.) Je demande le renvoi de cet article au grand inquisiteur, et un article additionnel pour l'autodafé. J'observe que tout en parlant des nuances, l'opinant ne fait pas même ae distinction entre la provocation directe et formelle, et celles que l'on peut envisager comme indirectes.
Un membre: Voulez-vous donc livrer la liberté des citoyens à l'arbitraire d'un impudent commentateur, qui arrêterait de sa propre autorité, sur la place publique, un homme, pour les propos les plus innocents ?
Dans le cas de cette dénonciation, l'officier public délivrera, s'il y a lieu, d'après les déclarations des témoins, un mandat d'arrêt. Si l'accusateur n'allègue aucune preuve des inculpations qu'il aura avancées, il sera condamné à une détention réglée d'après la gravité du fait. Dans le cas où il alléguera des preuves, de telle nature qu'elles soient, elles seront jugées par le tribunal criminel, et il restera provisoirement en état de détention. Si les preuves ne sont pas fondées, il sera puni comme dans le premier cas.....
Plusieurs membres : Cela est détestable !
C'est une loi de circonstance. (Murmures.) Ce n'est pas dans un moment où l'on
cherche à prêcher l'insurrection, qu'il faut s'effrayer des mesures sévères qu'exige notre situation. Ceux qui vont dans les places publiques, ou avec des placards semant les défiances et les mécontentements, sont de mauvais citoyens qu'il ne faut pas ménager. (Vifs applaudissements.)
(de Thionville). Je demande l'impression du discours de Bailleul.
je demande l'envoi aux départements, pour qu'on voie comment l'on veut museler le peuple français ; il est temps d'ouvrir les yeux S la France entière sur les atrocités qu'on lui prépare. (Applaudissements sur divers bancs, et murmures à gauche.)
Plusieurs membres demandent que Billaud-Varenne soit rappelé à l'ordre.
Nous tendons tous au même but; nous désirons tous le bonheur de la République, et la punition des hommes audacieux qui commettent le meurtre, ou qui provoquent à l'assassinat et à la sédition; quiconque voit de sangfroid couler le sang de ses concitoyens ; quiconque n'est pas saisi d'horreur au milieu aes cris du carnage, celui-là est une exception à la nature humaine, c'est un monstre. (Vifs applaudissements.) Mais voyons si la loi qui vous est proposée pour réprimer ces provocations, atteint au but, et si elle remplit efficacement son obi et. De grandes difficultés s'élèvent. Ce projet de loi atteint la liberté de la presse. Il serait, sans doute, très à souhaiter que cette liberté, ne dégénérât jamais en licence; mais la route par laquelle il faut poursuivre ces abus est difficile à trouver. Il est difficile en ce point de faire une loi répressive qui ne porte pas én même temps atteinte à la liberté des écrits et des discours. Au premier instant, à la vérité, la question paraît simple. Il est facile, se dit-on, de faire une loi sévère contre les hommes qui provoquent au meurtre ; mais lorsque l'on descend dans les détails de cette loi, alors les difficultés se multiplient; lorsqu'on l'approfondit, le problème parait insoluble.
Voici quelle a été chez nous la progression de la théorie sur la liberté de la presse.
Dans l'Assemblée Constituante, le premier qui ait écrit sur cette matière, est Sieyès. Il fit un ouvrage sur les moyens de réprimer les délits commis par la voie de la presse ; : il y présenta d'excellentes vues, des aperçus neufs; il découvrit de nouvelles contrées; cela tient à la profondeur et à la sagacité de son esprit. Eh bien! après que cet ouvrage fut approfondi, il fut reconnu que, quoiqu'il contint des idées salutaires, on ne pouvait en faire l'application.; il ïie fut pas même mis à la discussion, et je vous fais cette observation pour prouver combien le problème de la répression des abifs de la presse.est difficile à résoudre, puisqu'un si bon esprit n'a pu toucher au but. J'ajoute que les comités de Constitution, de revision et de judicature de l'Assemblée constituante, qui désiraient, beaucoup modifier la liberté de la presse, ou au moins d'en réprimer les abus, eurent quinze conférences sur cet objet; et qu'après y avoir beaucoup réfléchi, ils convinrent qu'il est impossible de faire une bonne loi à cet égard.
D'où vient la difficulté? c'est que si on prohibe ces délits d'une manière générale, la loi peut servir à punir des innocents, à persécuter les citoyens, à rendre les tribunaux juges arbitraires des pensées, et à enchaîner la liberté. Si, au contraire, on veut caractériser les délits, la
loi reste sans effet, parce qu'alors les malfaiteurs, sachant se mettre hors les termes de la loi, ne sont plus punissables par elle.
La provocation est ou directe, ou indirecte ; si on se sert du mot indirecte, on trouvera des crimesijartdut, toute espèce d'expression pourra donner lieu à un procès criminel, est il n'est pas un écrivain qui ne puisse être emprisonné en vertu d'un commentaire. Si on se sert du mot de provocation directe, la loi devient illusoire. Un malfaiteur, un mauvais citoyen va provoquer au meurtre, et se trouvera toujours hors des limites de la loi pénale portée contre cette espèce de provocation ; il dira, un tel est un aristocrate, un traître, un complice des coupables de Longwy, il a des intelligences avec les ennemis. Si le peuple, dans ses jours de vengeance et de colère, fait un acte de justice, mais d'é-garemènt, côniment pourrez-vous punir le prévaricateur; il aura eu soin de mettre au bas de son écrit un post-scriptum, dans lequel il dira : Cependant, citoyens, je ne vous conseille pas de massacrer ceux dont je viens de vous parler. Il aura même eu l'adresse de ne pas désigner d'une manière formelle et directe les individus. C'est ainsi que la loi anglaise, qui défend les calomnies, les diffamations, est sans force et sans effet. Que font les calomniateurs ? Ils disent toutes les horreurs possibles d'un citoyen, mais ils ne méttent pas son nom en toutes lettres ; ils font un tableau de son caractère, de son physique; ils le dépeignent à ne pas s'y tromper ; mais le tribunal ne peut les condamner. Voilà ce qui rend infiniment délicate toute loi a faire relativement à la licencè de la presse; voilà ce qui a déterminé les rédacteurs de votre Code pénal à n'y insérer que cette seule disposition : « que lorsqu'un crime aura été commis, quiconque l'aura conseillé, en sera réputé com- glice, et par conséquent puni des mêmes peines. uant à l'homicide, dans le cas même où il n'aura pas été consommé, s'il a eu un commencement d'exécution, celui qui l'a conseillé est puni de mort, comme celui qui effectue une attaque à dessein de tuer. » Voilà ce que nous avons fait après y avoir beaucoup réfléchi, et c'est la seule loi qui soit restée dans notre législation; je dis qui soit restée, car une autre avait été faite dans le but de réprimer les abus de la presse ; mais je dois vous dire à quellé époque ; cette anecdote est remarquable.
Le jour trop fameux du 17 juillet 1791, un émissaire, un confident de Lafayette vint nous annoncer qu'il v avait beaucoup ae mouvements dans la ville de Paris; qu'il s'y affichait des placards incendiaires, et qu'il fallait réprimer ^ette licence. Comme j'étais rapporteur du Code pénal, il me proposa trois articles de loi, me disant qu'il m'en faisait hommage ; je n'y retrouvai pas les principes dans lesquels je m'étais fixé, et je ne voulus pas me charger ae proposer une pareille loi à l'Assemblée; mais il s'adressa alors à d'autres membres du comité, la loi fut proposée et adoptée le 18 juillet au matin, et le 17 au soir était arrivé le fameux massacre du Champ de Mars.....Une loi faite sous de tels auspices, le but qu'on s'y était évidemment proposé, de ramener ce despotisme qui, pendant quelque temps, pénétra de douleur tous les bons citoyens ; cette loi, frappée d'une telle défaveur, fut révoquée par le dernier article du Gode pénal, qui porte : « Toutes lois pénales antérieures non comprises dans le présent Code sont abrogées. » C'est ainsi que la
liberté de la presse est sortie pure et entière des travaux de l'Assemblée constituante ; ce n'est pas qu'elle n'ait été très souvent attaquée suivant l'intérêt des circonstances; des lois restrictives étaient à chaque instant proposées par les modérés de tous les partis.
Malouet qui était le modéré de l'aristocratie, Dandré qui était le modéré du parti prétendu patriote, Desmeunier, Chapelier qui parlaient sans cesse, des mauvais placards, nous harcelaient sans cesse; mais plusieurs bons esprits ont alors formé une coalition, un pacte civique pour, conserver à l'Etat la liberté de la presse, et ils résistèrent à ces différents assauts. {Vifs applaudissements.)
j'ai pour témoins, et j'interpelle ici tous les bons citoyens qui ont conspiré dans cette trame, et participé à cette œuvre vraiment civique ; j'interpelle. Buzot quittait alors un des plus ardents défenseurs de la liberté indéfinie de la presse; Pêtion.....
,et plusieurs autres membres tous ensemble : Et moi ! —(Nombreux applaudissements.)
La liberté de la presse ou la mort ! {Les applaudissements continuent dans une grande partie de l'Assemblée et dans les tribunes.)
Rœderer était aussi des'nôtres : moi je défendais la liberté de la presse au comité, lui la défendait dans l'Assemblée contre toutes les attaques qui lui étaient incessamment portées ; nous étions chacun à notre poste, et toujours aux aguets. C'est ainsi que nous avons maintenu la liberté de la presse au milieu d£s erreurs qui ont affligé la vieillesse de l'Assemblée constituante ; et peut-être c'est dans cette même liberté que nous avons trouvé le remède à toutes ces erreurs. (Applaudissements.) Je n'en dirai pas davantage, et je me contenterai de résumer mes idées. Est-il possible de faire une bonne loi contre les provocations au meurtre, à l'assassinat, etc. ? Je n'ose l'affirmer; mais j'ai vu Sieyès effrayé d'en faire une, et n'y pas réussir ; j'ai vu les comités de Constitution et de revision de l'Assemblée constituante, qui avaient peut-être quelque intérêt à la faire, finir par y renoncer; j'ai vu Buzot en faire une très-imparfaite. Il est donc vrai que cette loi renferme des difficultés presque insurmontables, à moins qu'on ne veuille rouvrir la porte à toutes sortes de persécutions. Je demande, non pas qu'il n'en soit pas du tout délibéré; on ne peut mettre la question préalable sur des vues qui tendent à purger la société d'un aussi terrible fléau que les provocateurs à l'anarchie et au meurtre; mais j'en demande l'ajournement : car ce problème a besoin encore d'être renvoyé à la méditation de vos comités et de tous les bons citoyens. Personne ne m'accusera sans doute d'être le complice et le fauteur des agitateurs. Dans l'Assemblée constituante, je n'ai jamais connu que par ouï-d/re le tarif et la théorie des insurrections : on disait alors que ce tarif montait depuis 36 livres jusqu'à 100,000 écus. Depuis que j'ai eu la confiance du département de l'Yonne pour présider son administration, je crois qu'il n'y a pas eu dans la République un département où les lois aient été mieux respectées ; enfin personne n'a moins que moi le goût et les intérêts des agitations. (Applaudissements.) Je vous ai exposé mes vues en bon citoyen. Je conclus à l'ajournement,
Je viens combattre l'opinion de Lepeletier de Saint-Fargeau, car je pense avec le comité qu'il est possible d'éta* blir une loi même contre la provocation indirecte. Ainsi je prends un exemple. Supposez qu'on écrive qu'un homme a livré Longwy et que cela fût vrai : celui qui a agi ainsi et a appelé sur ce fait la vengeance populaire a dit la vérité ; néanmoins comme il a provoqué la désobéissance à la loi, il est incarcéré et traduit devant le jury. Que croyez-vous? Le provocateur sera certainement mis en liberté. Dans le cas contraire il sera puni et se sera justice.
Je vous engage donc à voter ce projet; vous devez en sentir la nécessité, c'est comme un cri général qui s'est élevé en faveur de son adoption, non seulement ici, mais dans la République tout entière. (Applaudissements.)
(Le ministre de l'intérieur entre dans la salle et demande la parole.)
La parole est au ministre de l'intérieur.
, ministre de l'intérieur. Je viens donner à la Convention les éclaircissements qu'elle m'a fait demander.
Les motifs qui m'ont porté à suspendre l'envoi des paquets dont je vous ai informés sont les suivants :
1° Que l'adresse soi-disant des 48 sections qu'ils contenaient, avait été fort mal accueillie de la Convention lorsqu'elle lui avait été présentée ;
2° Qu'il est constaté que les 48 sections ne l'ont point adoptée ;
3° Que des sections qui y avaient adhéré, se se sont rétractées ;
4° Qu'elle tend à discréditer des députés à la Convention dans l'esprit de leurs commettants ;
5° Qu'elle pouvait contribuer à troubler la tranquillité publique dans les départements ;
6° Enfin, que les paquets étaient contresignés par un homme qui les désavoue.
Comment avez-vous eu connaissance de cet envoi ?
,ministre de l'intérieur. J'ai reçu un billet signé d'une personne que je prie la Con^ vention de ne pas m'obliger à nommer. Je puis bien me compromettre pour le salut public; mais je ne puis compromettre celui qui m'a donné un avis de confiance, et par zèle pour la République. Cette personne est d'autant plus digne de confiance, qu'elle a concouru, non pas volontairement, mais d'effet, parce que sa position l'y forçait, à la formation de ces paquets. Cette personne m'a ajouté que le contreseing de Pétion y avait été apposé.
Voici d'ailleurs la copie de ce billet dont j'ai omis à dessein la signature, mais dont je certifie l'authenticité :
Extrait de l'avis reçu, entre onze heures et midi, aujourd'hui
« Je vous envoie l'adresse présentée par les commissaires des 48 sections à la Convention nationale. Vous savez de quelle manière elle a été reçue par la Convention, et vous devez vous rappeler que plusieurs sections l'ont désavouée.
« Malgré cela, le conseil en a ordonné l'impres-
« Conforme à l'original,
Signé : roland. »
(de Thionville). Je rends justice aux intentions du ministre de l'intérieur, mais je ne puis approuver son zèle indiscret.
Plusieurs membresAh ! ah !
(de Thonville). En retardant l'envoi de ces paquets, il a pu compromettre la fortune et la propriété , des citoyens auxquels ils étaient adressés. (Murmures.) Pétion lui-même n'a-t-il pas dit que ces lettres,étaient une propriété sacrée ; Manuél ne vous a-t-il pas fait remarquer qu'elles pouvaient contenir des effets relatifs au commerce ?
Plusieurs membres : Sous le contreseing dû maire de Paris? (Rires ironiques.)
(de Thionville). Sans doute, le ministre a bien fait de surveiller une déprédation, mais il a compris.....
Les mêmes membres : Oui, certains projets.
(de Thionville). J'ai été accoutumé à soutenir le parti qui a sauvé la République, et s'il faut encore, pour assurer son salut, que Louis XVI et son infâme épouse aient le doux plaisir d'égorger ceux qui les ont mis dans la tour du Temple. (Violents murmures sur certains bancs.)
Je vous prie, président, au nom de la nation, d'imposer silence à ces Messieurs du côté droit qui veulent usurper le droit que j'apporte ici de dénoncer mon opinion. (Rires ironiques et murmures sur les mêmes bancs.)
et plusieurs membres de l'extrême gauche réclament contre ces interruptions.
(L'Assemblée entière est dans une grande agitation.),
(de Thionville). Le trouble de l'Assemblée ne me permet pas de me faire entendre; eh bien! je le repète, s'il faut, pour sauver la République, donner à Louis XVI et à l'infâme Antoinette le doux plaisir de faire égorger ceux qui les ont mis dans la tour du Temple, j'aban- donne la parole. (Le tumulte et l'agitation continuent.)
Citoyens, quand j'aperçois la violation d'une loi, que ce soit un ministre, que ce soit la commune de Paris qui aient commis ce délit, je viens avec courage et confiance à cette tribune, parce que je parle aux représentants du peuple qui doivent être indépendants de toute passion, et qui ne peuvent souffrir plus longtemps que 1 on méprise les lois, et que l'anarchie pèse sur nos têtes.
Il n'y a plus de liberté si tous les individus, toutes les magistratures ne se courbent pas devant la loi. L'envoi fait par le conseil général de la commune de Paris est donc un crime, puisque c'est une désobéissance à la loi, d'autant plus qu'il a été commis par une commune forte; de sa population, et qui est sous les yeux des' législateurs; c'est à elle à donner l'exemple à toute la République. (Vifs applaudissements.) Il faut aujourd'hui parler de cette commune comme à Athènes d un fameux général : il avait livré une bataille et l'avait gagnée, mais contre les ordres du Sénat : on l'amena au milieu de la place publique ; on lui donna une couronne ci-
vique pour avoir gagné la bataille, et ensuite on le censura et on le bannit pour avoir désobéi à la loi. (Vifs applaudissements.) Je ne veux enlever à la commune aucun rayon de sa gloire, qu'elle partage avec les fédérés du 10 août ; mais en reconnaissant sa gloire et ses services, je veux que vous la frappiez, si elle est coupable ; car ce sera un grand "exemple que de voir une commune qui a rendu des services éminents, âui a fait la Révolution du 10, être forcée de échir enfin devant la loi. Tous vos soins doivent tendre en ce moment à réprimer l'anarchie ; car quand une municipalité, dans une immense cité, désobéit ouvertement aux lois, l'anarchie est, pour ainsi dire, à son comble ; il faut que vous preniez enfin des mesures sévères qui vous auraient déjà épargné des délibérations tumultueuses, des passions violentes et funestes, qui auraient dû sans doute être sacrifiées sur l'autel de la patrie, quoiqu'elles ne puissent être entièrement bannies d'une société d'hommes. Vous devez remarquer aussi la lenteur avec laquelle on procède à la nomination du maire de Paris, et combien sera différé encore le renouvellement de la municipalité.
D'un autre côté, si j'examinais plusieurs autres points de la conduite du conseil général de la commune de Paris, je verrais qu'il a donné et et aux citoyens et à l'Assemblée nationale une foule d'objets de plainte ; et quand même il n'aurait pas un tort bien évident, il suffit que son existence soit un prétexte de troubles et d'anarchie ; il serait de votre devoir de le dissoudre. Je demande que le conseil général de la commune de Paris soit, dès ce moment, suspendu de ses fonctions; et qu'ensuite vous provoquiez les citoyens à organiser enfin la ville de Paris, quant au civil et au militaire.
J'examine maintenant la éonduite du ministre : il pouvait, sans doute, vous consulter sur la suspension du départ des paquets ; mais il a cru pouvoir prendre sur lui ae donner des ordres, il les a donnés pour exécuter votre loi : sous ce rapport, il est ininculpable, et vous devez passer à l'ordre du jour. (Vifs applaudissements.)
Je demande à ajouter, non à la suspension, mais à la cassation au conseil général de la commune, des mesures plus importantes encore pour le salut public... (L'extrême gauche de l'Assemblée murmure et s'oppose à ce que Barbaroux soit entendu.)
(de l'Aube). Je demande à parler contre le ministre.
Barbaroux a la parole.
Je demande si l'on ne peut parler ici que sur les vertus du ministre, et jamais sur ses torts. Je demande à parler contre lui.
Citoyens représentants, je viens vous proposer des mesures salutaires à la République.....
et plusieurs autres membres de l'extrême gauche interrompent l'opinant. (Nouveaux murmures.)
(de Thonville). Je demande la parole contre le Président.
(Le tumulte augmente; un tiers des membres est debout. — Des cris : A l'Abbaye ! à l'Abbaye ! — Des membres se menacent à la tribune.)
Si cela continue, je
ferai appel à tous les bons citoyens de Paris. (App laudissements. )
se couvre. (Le silence se rétablit peu à peu.)
Je gémis de l'état où nous nous trouvons; je ne puis l'attribuer qu'à l'intention que quelques membres ont pris d'empêcher la délibération de continuer. Un membre a demandé la parole contre moi; j'ai dû croire que c'est une nouvelle tactique; mais je ne lèverai la séance que de l'avis ae la majorité. (Applaudissements.)
(de Thionville) se plaint que le Président n'accorde pas la parole contre le ministre.
répond qu'il a accordé la parole par ordre d'inscription sans s'informer sur laquelle des deux propositions l'on voulait parler.
(de Thionville) s'élève de nouveau contre les paroles du Président.
fait inscrire nominativement Merlin (de Thionville) au procès-verbal pour avoir, à trois reprises, interrompu l'orateur.
Je propose, par motion d'ordre, que l'on passe à l'ordre du jour sur ce qui est relatif à la conduite du ministre et que 1 on laisse parler Barbaroux.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur ce qui est relatif à la conduite du ministre et accorde la parole à Barbaroux.)
(de l'Aube). Je "demande le rapport de ce décret. Il est possible que la municipalité ait enfreint vos lois et ait envoyé un arrêté que vous avez annulé; mais dès l'instant qu'il était sous le sceau du secret il était inviolable.
A moins que le ministre de l'intérieur n'ait eu la certitude positive que les paquets qu'il a fait arrêter à la poste contenaient une adresse improuvée par vous, il n'a pas eu le droit de les intercepter.
Parfaitement et je demande l'ajournement. Nous ferons mieux d'entendre la lecture de dépêches importantes qui sont arrivées.
Je tiens à faire savoir que le secret des lettres n'a pas été violé. Voici l'explication faite par le ministre à plusieurs membres : Instruit de l'envoi, il a ordonné qu'on en suspendît l'exécution, mais il ignore si ces paquets ont été portés à la poste.
Plusieurs membres (à l'extrême gauche). Ajournons alors toute discussion qui pourrait concerner la municipalité. (Murmures.)
Le décret est rendu, et, s'il ne l'était pas, il faudrait le rendre. Je m'oppose à toute proposition contraire et je demande que Barbaroux poursuive son discours. (Vifs applaudissements.)
Barbaroux, vous avez la parole.
Citoyens représentants, je viens vous proposer des mesures salutaires à la République^).
L'anarchie règne autour de nous, et nous n'avons rien fait encore pour la
réprimer. Les provocateurs au meurtre, les administrateurs infidèles,
les souleveurs d'une poignée de citoyens égarés, sont encore
triomphants. N'est-ce donc
Un grand nombre de membres : Non ! non !
Nous n'avons pas assez calculé les conséquences terribles de notre longue patience. Quelle opinion les peuples chez lesquels nous allons, porter la liberté, peuvent-ils se former de notre République, lorsqu'ils voient le crime siéger à côte de la vertu dans la Convention nationale, et les dictateurs respirer le même air que les hommes du 14 juillet? (Applaudissements.) Pensez-vous que notre Révolution leur paraisse bien affermie, et qu'ils puissent croire à la stabilité d'un gouvernement qui ne punit pas les brigandages ? Les feuilles qu on distribue autour de cette enceinte, sont aujourd'hui le seul argument dont les rois se servent pour égarer l'opinion des peuples. Ils leur font lire qu'une section de Paris a voté des remerciements au conseil général de la commune, pour avoir pris un arrêté que les représentants du peuple avaient cassé ; ils leur font lire qu'une autre section a arrêté de se transporter, en armes, à la barre de la Convention nationale, si son président y était mandé..... (Murmures à gauche.)
Un grand nombre de membres : C'est vrai 1
et recueillant dans un seul tableau tous ces actes de désobéissance, il les conduisent à conclure que nous vivons dans la désorganisation. Si donc nos armées éprouvent de la résistance quelque part, si le sang des hommes coule, ce sera votre ouvrage, agitateurs perfides, qui calomniant la Convention nationale, par qui la République a été décrétée, proclamez dans toute l'Europe la résistance à ses décrets (Applaudissements) et apprenez que nous sommes sans énergie pour vous frapper ! (Vifs appluudissemen ts.)
D'un autre côté, représentants, comment pou-vez-vous espérer d'étouffer, dans toute la République, les complots des malveillants si Paris, naguère le foyer de tant de beaux exemples, agité maintenant par quelques souleveurs, ne présente d'autre perspective aux départements que la violation des lois; un crime impuni est une invitation au crime, le mal se propage dans le silence de la justice, et bientôt tous les hommes méchants sont coalisés. La France délivrée de ses rois, ne recouvrera-t-elle donc jamais sa paix intérieure, et serons-nous ici les spectateurs tranquilles de la licence des factions? (Non ! non !) 11 importe au salut de la République que nous prenions enfin des mesures conservatrices de l'ordre social. La calomnie ou l'ignorance sont les causes de l'égarement d'une foule de citoyens de Paris. Il faut répandre au milieu d'eux, la vérité, la lumière ; il faut leur parler le langage conciliateur de la raison, avant de leur commander l'obéissance au nom du peuple français.
On a dit qu'il existait dans la Convention nationale un parti qui voulait la République fédé-rative; c'est une accusation de tous les jours, qui circule avec un journal tellement perfide, que nous avons vu, dans le mois de juillet dernier, les écuyers du roi le distribuer aux portes des Tuileries; mais l'existence d'un parti se démontre de quelque manière. A-t-on dans la Convention, soutenu quelque opinion en faveur de la République fédérative? Les députés de quelque département ont-ils reçu le mandat de voter pour cette forme de gouvernement ? Les municipalités de l'Empire ont-elles manifesté ce
vœu dans leurs adresses ? Les tribunes des sociétés populaires ont-elles retenti de cette erreur politique ? Enfin, a-t-on soutenu publiquement, ou même dans des sociétés particulières ce système de désorganisation?Non, rien de tout cela n'est arrivé. On criait aux portes de l'Assemblée, que nous voulions un" gouvernement fédératif; et la Convention nationale tout entière se levait pour décréter l'unité de la République. (Vifs applaudissements.) Les hommes auxquels on attribue ce système, sont ceux mêmes qui le combattent dans leurs écrits depuis dix ans. (Applaudissements.) Les habitants du Midi à qui l'on suppose le projet de fédéralisme, nous ont précisément donné des mandats contraires, et nous ont fait signer que nous voterions pour une République unique (Nouveaux applaudissements) ou que nous porterions nos têtes sur l'échafaud. (Vifs applaudissements de l'Assemblée et des tribunes.)
Cependant, ces calomnies se sont propagées: elles forment le poison dont un faux ami du peuple l'abreuve tous les jours. Etouffons d'un seul mot ces inquiétudes funestes: Marat je t'interpelle de monter à la tribune et de donner la preuve qu'il existe dans la Convention nationale un parti qui veut le gouvernement fédératif, ou de te proclamer toi-même agitateur du peuple. (Applaudissements.) On a trouvé dans le projet de décret sur la force départementale, un nouveau moyen de travailler l'opinion; la Convention nationale, a-t-on dit, calomnie les Parisiens, puisqu'elle ne se suppose pas en sûreté au milieu d'eux. Misérable subterfuge ! il ne s'agit pas de notre sûreté. La Convention nationale, composée d'hommes libres, sera toujours indépendante, (Oui!oui! — Applaudissements) soit au milieu du peuple bon qui l'entoure, soit même au milieu des factieux. Ce ne sont pas les mouvements populaires que nous craignons; ils nous trouveront calmes; mais nous craignons la violation des principes; et lorsqu'il s'agit d'un droit commun à nos départements, nous ne transigeons pas; (Applaudissements) il faut que ce droit reconnu par un décret soit exercé, et que les agitateurs se taisent. (Nouveaux applaudissements.) Lorsque nous traiterons cette question, je me charge dé répondre à toutes les objections enfantées par la mauvaise foi et colportées par l'ignorance. Je prouverai que le projet de despotiser par cette force armée, projet qu'on suppose à la Convention nationale, est démontré impossible par la composition même de cette force; car ce ne sont pas des gardes suisses que nous appelons auprès de nous, mais des hommes libres des 83 départements. (Vifs applaudissements.) J'établirai que Paris ne peut conserver tous les avantages qu'a accumulés sur lui le consentement tacite des départements, et se préserver de sa propre corruption que par cette mesure salutaire. Enfin, je montrerai des hommes unis par l'amour de la liberté, par la haine des dictateurs, et l'unité de la République, éternellement consolidée par ce rapprochement des habitants du Nord et au Midi. ( Vifs applaudissements.)
Mais pourquoi, lorsque la discussion n'est pas encore ouverte sur cette question, lorsque les amendements qui doivent corriger le projet des comités, ne sont pas présentés, s'inquiète-t-on sur notre détermination ? La loi que nous devons rendre est de telle nature que, sans être soumise à la sanction du peuple, elle a cependant besoin du concours de sa volonté pour être exécutée. 1 Si nous adoptons une mesure alarmante, dan-
gereuse pour la liberté, ne croyez pas que les gardes nationaux accourent des départements ; ils arriveront, au contraire, avec rapidité, si nous ne décrétons rien que de juste et de conforme à l'égalité des droits. Sans doute Paris ne veut pas opposer sa volonté à la volonté de 82 départements; il n'y a plus de capitale dans la République, et tous les mouvements de quelques sections de Paris, ces arrêtés insolents, ces menaces coupables...
( Violentes rumeurs à Vextrême gauche et dans une certaine partie des tribunes.— Vifs applaudissements sur les autres bancs.)
rappelle les tribunes à l'ordre.
Ces menaces, dis-je, auront moins d'influence sur nous que la paisible pétition du plus petit village. (Vifs applaudissements.) Croirait-on que c'est avec ces deux éléments, projet de fédéralisme et force armée, que les agitateurs ont perpétué les troubles qu'ils avaient fait naître? Les travaux du camp, les billets de la maison, de secours ont été dans leurs mains des moyens d'agitation, mais c'est leur audace surtout qui les a servis; après avoir plus ou moins concouru à la spoliation d'une foule de maisons d'émigrés, devenues nationales, ils ont dit : Nous avons fait la Révolution du 10.
0 vous qui combattîtes au Carrousel, Parisiens, fédérés des départements, gendarmes nationaux, dites, ces hommes étaient-ils avec vous ? (Non! non!) Marat m'écrivait, le 9 août,, de le conduire à Marseille; (Ah! ah!) Panis et Robespierre faisaient de petites cabales; aucun d eux n'était chez Roland lorsqu'on y traçait le plan de défense du Midi, qui devait reporter la liberté dans le Nord, si le Nord eût succombé ; aucun d'eux n'était à Charenton, où fut arrêtée la conjuration contre la Cour, qui devait s'exécuter le 29 juillet, et qui n'eut lieu que le 10 août. C'est pourtant avec ces mensongères paroles : Nous avons fait la Révolution du 10, qu'ils espèrent faire oublier, et les assassinats du 2 septembre, et leurs projets de dictature, et les spoliations qu'ils ont exercées.
Les oublier ! non je ne ferai pas cette injure au peuple français, dont ils ont terni la Révolution ; jè les ai dénoncés, je les dénonce, je les dénoncerai, et il n'y aura ae repos pour moi que lorsque les assassins seront punis, les vols restitués, et les dictateurs précipités de la roche Tarpéïenne. (Applaudissements unanimes et réitérés.) Voyez la conduite de Robespierre : il déserte une place dans laquelle il pouvait servir le peuple, pour se livrer, disait-il, à sa défense, et tous les systèmes qu'il adopte compromettent le peuple. S'il parla contre les perfidies de la Cour, il attaqua avec un égal acharnement les hommes qui dès longtemps avaient conjuré la perte de la Cour ; et traversant leurs opérations, il prolongea ainsi, au détriment du peuple, l'agonie malfaisante de la royauté, (Applaudissements.) Avant le 10 août, il nous fait appeler chez lui, Rebecqui et moi; il ne nous parle que de la nécessité de se rallier à un homme jouissant d'une grande popularité, et Panis, en sortant, nous désigne Robespierre pour dictateur. (Violentes rumeurs à Vextrême gauche.)
Panis a nié cette conversation, mais Pierre-Baille l'accuse de lui en avoir tenu une pareille. Et comment peut-il échapper à cette réunion de témoignages, lorsque d'ailleurs tous les faits subséquents ne démontrent que trop l'existence du projet de dictature ?
Après le 10, Robespierre devient membre du conseil général de la commune de Paris. En cette qualité, il se présente tous les jours à l'Assemblée législative, il la provoque, il l'avilit. Eh! qu'il ne dise pas que ces provocations étaient légitimées par la nécessité de faire décréter à cette Assemblée des mesures salutaires au peuple; toutes les grandes mesures avaient été prises dans la séance du 10; et le patriotisme, relevé par les événements, dictait les décrets du Corps législatif; mais il fallait arracher à la terreur des uns, au zèle mal entendu des autres, à l'ignorance ou à l'incurie de plusieurs, des lois qui préparassent l'organisation de la dictature; aussi Robespierre proposait-il, dans la commission desvingt-et-un, d'autoriser le conseil général de la commune, à se former tout à la fois en juré d'accusation, en juré de jugement, et en tribunal chargé de l'application delà loi. Tallien, qui l'accompagnait, repoussa lui-même avec horreur cette proposition faite au nom du conseil général qui n'en avait aucune connaissance. Aussi, dans une autre occasion, Robespierre, avide d'obtenir un décret, osa-t-il menacer les représentants du peuple de faire sonner le tocsin s'ils ne délibéraient à son gré.
Plusieurs membres : Mais tout cela a déjà été dit !
D'autres membres : Nous demandons une seconde lecture du discours de Louvet.
Un membre : J'observe que les accusations qui concernent Robespierre ont été ajournées à lundi.
Barbaroux, on m'observe, et ie vois effectivement que vous n'êtes pas dans la question.
Eh bien, je dirai dans peu de jours les autres attentats de Robespierre.
Représentants, les hommes qui vous sont dénoncés ont des complices, ou ne sont eux -mêmes que les agents d'autres conspirateurs; les uns et les autres s'agiteront pour échapper à la peine de leurs forfaits, ou pour conserver leurs rapines. Les conspirations contre la liberté ne se font qu'avec des hommes perdus, alfamés de besoins et façonnés aux crimes : cette classe d'hommes est audacieuse, entreprenante; son existence tient au désordre public, aux brigandages, aux proscriptions. Il faut vous attendre à tout ; ce n'est pas notre sûreté que je considère, c'est la sûreté de là République.
Avez-vous entendu le ministre hier; les faits qu'il a cités vous indiquent ce que vous.devez faire. La désorganisation s'étend autour de vous; de 25 sections qui ont rendu compte de l'élection du maire, 13 ont violé la loi qui leur commandait de faire cette élection au scrutin secret, loi salutaire dans ces moments de troubles. La section du Panthéon français \ délibéré de se porter en armes à la barre de la Convention nationale, si son président y était mandé; la section des"Piques, que préside Robespier re, improuvant le décret par lequel vous avez cassé l'arrêté du conseil général de la commune, qui prononçait l'impression et l'envoi aux 44,000 municipalités, de la pétition injurieuse faite, au nom des 48 sections, a approuvé la conduite de la commune, et l'a invitée à faire passer, non un exemplaire à chaque municipalité, mais 24, ce qui fait monter l'impression, à 1 million 56,000 exemplaires. Considérez d'un autre côté
les torts du conseil général de la commune de Paris; on dira peut-être qu'il faut attendre la reddition de ses comptes pour les juger ; futile objection. Sans doute, il est des comptes que les corps administratifs ne doivent donner qu'à des époques déterminées, et pour la rédaction desquels on conçoit qu'il faut nécessairement du temps; mais le compte d'un dépôt doit être rendu dès qu'il est demandé ; un retard est un délit que la loi doit punir : la commune de Paris n'est que dépositaire de l'argenterie, de l'or et des effets enlevés dans les maisons des particuliers émigrés; il faut donc qu'elle s'en démunisse à l'instant, et que ces obiets tombent dans la caisse nationale, ou sous le balancier de la Monnaie.
Mais ces objets de détails, quelque intéressants qu'ils soient pour la fortune publique, doivent moins vous occuper que l'état de Paris. Si dans ce moment le tocsin sonnait, vous êtes à votre poste; mais quel moyen auriez-vous pour ramener l'ordre et prévenir les attentats? Le pouvoir exécutif ? il est sans force, et peut être encore exposé à des mandats d'amener. Le département? on ne reconnaît plus son autorité. La commune ? elle est composée en majeure partie d'hommes que vous devez poursuivre. Le commandant général ? on l'accuse d'avoir des liaisons avec les triumvirs ? La force publique ? il n'en existe point. Les bons citoyens ? ils n'osent se lever. Les méchants? oui, ceux-là vous entourent, et c'est Gatilina qui les commande.
Représentants, écoutez les mesures que je vous propose :
premier décret.
« Art. ler. La Convention nationale décrète
qu'elle reste à Paris.
« Art. 2. Lorsque dans la ville où le Corps législatif tient ses séances, la dignité nationale sera violée en la personne des représentants du peuple français, cette ville perdra le droit de posséder le Corps législatif et les établissements qui en dépendent.
« Art. 3. Le présent décret sera envoyé à la sanction du peuple. »
second décret.
« La Convention nationale décrète que les bataillons de fédérés, les dragons de la République, les gendarmes nationaux et les autres troupes de volontaires qui vont à Paris ou dans son voisinage, feront concurremment, avec la garde nationale de Paris, le service de la Convention et de tous les établissements de cette ville appartenant à la République. »
troisième décret.
« La Convention nationale, en vertu des pouvoirs qui lui ont été donnés par le peuple se constitue en Cour de justice pour le jugement des conspirateurs. »
quatrième décret.
« Art. 1er. La Convention nationale casse la
municipalité et le conseil général de la commune de Paris, et décrète
que le directoire du département nommera des commissaires pour remplir
les fonctions municipales.
« Art. 2. Les sections de Paris cesseront, dès aujourd'hui, d'être permanentes. »
Je ne viens point suivre Barbaroux
dans les diverses mesures qu'il a proposées» mais rappeler le véritable point de la question Vous aviez à prononcer à l'égard du ministre; vous l'avez fait. On vous a ensuite proposé de décréter la suspension et même la cassation du conseildelacommune.de Paris. Je crois qu'avant de casser ou suspendre un corps administratif, vous devez constater son délit; et ce que vous a dit le ministre, en vous éclairant sur sa conduite, ne vous a point instruit du véritable caractère du délit de la commune. Rien ne constate que ces paquets aient été envoyés ; rien ne constate ce qu'ils contenaient ; tout n'est que présumé. Je pense qu'ayant d'être sévères, vous devez être justes. (Applaudissements.) Je demande donc que le conseil général de la commune soit mandé demain à la barre, pour avouer ou nier l'envoi de ces paquets, sous le contreseing de Pétion; qu'il soit tenu de déclarer ce qu'ils contiennent, et en quel nombre ils ont été envoyés: qu'ensuite le ministre de l'intérieur et la commune nomment chacun deux commissaires „ pour vérifier ces paquets, et les ouvrir s'il y a lieu. (Applaudissements.)
et plusieurs autres membres persistent dans la proposition déjà faite par Barère de suspendre, dès à présent, le conseil général de la commune de Paris de toutes ses fonctions et demandent à la motiver.
D'autres membres, par Contre, réclament la clôture de la discussion.
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Je crois, comme Delacroix, qu'avant tout il faut vérifier le fait; car le ministre lui-même ne vous a pas pu dire qu'il existât un corps de délit. Quant aux divisions et aux défiances qui nous agitent, et qui troublent nos séances, je déclare que, quoique je me fusse bien promis de ne jamais parler ni de certains événements qui appartiennent à l'histoire, ni de certaines personnes que la postérité jugera, je me trouve aujourd'hui dans la nécessité dé rompre le silence, et je parlerai et des personnes et des choses, mais ce n'est pas .dans ce moment. Un de vos collègues a déjà été accusé, et vous lui avez accordé un ajournement à lundi. L'on vient de vous proposer des mesures; elles exigent une discussion, et je crois que Barbaroux lui-même doit la provoquer, cette discussion ; car rien ici ne doit être jugé avec des passions, mais tout dans le calme ae la raison. (Vifs applaudissements.) Plus les mesures sont importantes, plus elles doivent être méditées; je pense donc que l'Assemblée doit ajourner les projets de décrets proposés par Barbaroux, et j'appuie celui qui est proposé par Delacroix.
Le conseil général de la commune de Paris est un corps politique; il n'agit que par la voie délibérative, et ne peut être responsable que de ses arrêtés. Ce qu'il ne fait pas en vertu d'un arrêté, ne peut être que le délit individuel de ses membres. Or, les délits individuels des membres d'un corps politique ne peuvent pas motiver la dissolution du corps. Je demande donc que le conseil général soit tenu d'apporter les registres à la barre, afin que vous puissiez jiiger s'il y a lieu à casser le conseil ou seulement à faire poursuivre les individus qui pourraient être coupables.
met aux voix l'amendement de Cambon, et prononce qu'il est adopté.
Plusieurs membres réclament contre cette délibération ; les uns en alléguant du doute dans l'épreuve ; les autres en se plaignant de n'avoir pas entendu.
Il est affreux qu'un amendement pareil ait été surpris à l'Assemblée ; il tend évidemment à innocenter le conseil général de la commune de Paris.
J'ai mis aux voix l'amendement de Cambon, sans doute, au milieu des cris de quelques hommes ; j'ai bien vu Camus et plusieurs des membres de cette partie de la salle, s'agiter, causer, crier, maiè il n'appartient pas à quelques perturbateurs d'arrêter les déli-barations ae la Convention nationale.
s'élance à la tribune, en demandant la parole contre le Président.
(La Convention décrète qu'il ne sera pas entendu.)
et plusieurs autres membres réclament une seconde épreuve sur l'amendement de Cambon.
met une seconde fois aux voix cet amendement.
(La Convention le rejette à une faible majorité.)
invite Delacroix à donner lecture de Sa rédaction.
en donne lecture ; elle est ainsi conçue :
« La Convention nationale décrète ce qui suit:
« Art. 1er. Le ministre de. l'intérieur
nommera deux commissaires qui se rendront à la poste demain à dix heures
du matin, et vérifieront, en présence de deux membres, nommés par le
conseil général de la commune, s'il y a eu, ou s'il y a des paquets à
l'adresse des départements, sous le contreseing de Pétion; ils
constateront le nombre des paquets, s'il y en a, en ouvriront
quelques-uns, s il est nécessaire, pour s'assurer de ce qu'ils
contiennent, et du tout dresseront procès-verbal.
« Art. 2. Dix membres du conseil général de la commune se rendront à sa barre demain à midi, pour répondre sur le point de savoir, s'il a donné, ou non, des ordres de faire parvenir par la poste, et sous le contreseing de Pétion, aux départements ou municipalités, des exemplaires de l'adresse présentée au nom des sections de Paris le 19 ae ce mois, et qui a été improuvée par la Convention nationale.
« Art. 3. Le procès-verbal qui sera dressé par les commissaires sera remis au ministre de l'intérieur, qui le fera parvenir, sans délai, à la Convention nationale. »
(La Convention adopte la rédaction de Delacroix.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Dubois de Bellegarde, Delmas et Duhem, commissaires de la Convention nationale à Varmée du Nord, qui est ainsi conçue :
Lille,
» L'ennemi continue à évacuer le territoire de la République, il se retranche sur la Lys, et du côté ae Tournai; mais nos troupes, dont le courage et l'ardeur sont extrêmes, les auront bientôt délogés. Nos postes avancés, que nous avons
visités il y a quelques jours, jusqu'auprès de Roubaix et Lannoy, sont clans les meilleures dispositions.
« Votre décret contre les lâches émigrés était bien nécessaire pour ces frontières ; déjà nous étions assaillis de réclamations de la part de ces êtres pervers, qui, n'ayant pu réussir à dévaster leur pays, voulaient y reveniir jouir de leurs biens et dés fruits de leurs crimes; aussi nous nous sommes empressés de faire la proclamation ci-jointe, pour être envoyée dans toute la frontière, et que nous vous prions de communiquer à la Convention.
« Le général Lamorlière a fait, sur Beaulieu et Marquins, une fausse attaque, ordonnée par Dumouriez ; nos troupes se sont bien comportées : on a distingué des traitsde courage et d'héroïsme du citoyen Michau, grenadier du 2e régiment, il avait reçu un coup de feu dans le corps; il appelle un de ses camarades, nommé Cadet, qui avait la jambe cassée. Je veux, disait-il, mourir auprès de lui. Ne te chagrine pas, Cadet, dit-il, nous mourons pour la nation; et à l'instant une balle lui ôte la vie. (Vifs applaudissements.) i; « Tel est l'esprit de nos troupes; et, avec de tels soldats, la République ne peut manquer de triompher de ses ennemis. » (Applaudissements.)
Au NOM DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Proclamation des citoyens-commissaires-députés de la Convention nationale à Varmée du Nord;
Aux citoyens administrateurs du département, des districts, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix, et à tous.les citoyens des dépar-, tements du Nord, du Pas-de-Calais et de l'Aisne.
« Citoyens,
« Un ennemi féroce et barbare a dévasté vos champs, incendié vos villes, massacré vos frères ; il a porté dans ces belles contrées la désolation et la mort. Un roi parjure, des Français indignes de ce nom, des prêtres fanatiques présidaient à ces scènes d'horreur..... Déjà ils s'applaudissaient de leurs affreux succès..... Mais la France entière s'est levée; le trône du despotisme a été renversé ; ces armées dévastatrices ont quitté le sol de la liberté; et nos armes, partout victorieuses, font respecter le nom français..... Elles ont fait fuir ces lâches et perfides ennemis.....
La patrie, comme une mère tendre, leur a longtemps et inutilement tendu lés bras ; ils l'ont repoussée et ont tourné leurs armes contre elle..... Les jours de clémence sont passés.,.., La Convention nationale a irrévocablement décrété que « les émigrés français sont bannis à perpétuité du territoire de la République, et que ceux qui, au mépris des lois, y rentreraient, seraient punis de mort, sans prejudice à la loi portant que ceux qui siéront pris les armes à la main, seront aussi punis de mort. »
« Citoyens, nous vous requérons de proclamer et d'exécuter sans délai ce décret, juste et sévère ; nous vous enjoignons aussi de mettre le plus grand zèle et : la plus grande exactitude dans l'exécution des lois concernant le séquestre et la yente des biens des émigrés. Il est temps que le Trésor national soit dédommagé des dépenses énormes que la coalition des tyrans a nécessitées; il est temps que les veuves et les orphelins des citoyens morts en défendant la liberté et l'égalité, reçoivent une subsistance assurée ; il est temps énfin de nous débarrasser pour
toujours d'une caste d'hommes dont l'insolence et l'orgueil ne peuvent plus s'allier avec les principes, les mœurs et la franchise d'un peuple libre.
«S'il se trouvait encore des hommes assez lâches pour préférer la tyrannie au saint amour de la patrie, ou assez faibles pour préférer des liaisons particulières au grand intérêt de la République, montrez-leur nos campagnes ravagées.....Montrez-leur les ruines encore fumantes de Lille et de Thionville.
« Fait à Lille, le
« Signé : Bellegarde , J. F. B. Delmas, P. S. Duhem. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, pour transmettre à la Convention l'extrait d'une dé-_ pêche du lieutenant général Valence* commandant l'armée des Ardennes; ces deux pièces sont ainsi conçues :
« J'adresse à la Convention nationale l'extrait d'une dépêche du lieutenant général Valence, datée de Longuyon, le 25 octobre, qui ne m'est parvenue qu'nier à 10 heures du soir, et j'y joins le drapeau qui y est mentionné.
« La Con vention nationale entendra sans doute avec plaisir le compte avantageux que rend le général Valence de la valeur et de la bonne conduite des troupesdela République. » (Applaudissements.)
« Signé: pache. »
Extrait de la lettre écrite au ministre de là guerre par le lieutenant-général Valence, commandant l'armée de,k Ardennes.
Longuyon, le
« J'ai l'honneur de vous rendre compte que, le 22, mes avant-postes ont été attaqués, la nuit, i près de Saint-Remy ; et une soixantaine d'hommes repoussés par les ennemis, qui même avaient tiré du canon. Le lendemain, aussitôt que le brouillard fut dissipé, l'avant-garde attaqua Saint-Remy. Les Autrichiens, malgré un feu soutenu de mousqueterie et de canons, en furent chassés, et successivement des villages de Che-noix et de Saint-Marc, du château de la Tour et du vieux Virton. Partout les braves troupes, commandées par les maréchaux de camp Lamarche et Neuilly, trouvèrent de grands obstacles; et partout nos excellents canonniers firent taire les batteries des ennemis, et ceux-ci furent encore repoussés par les grenadiers. Enfin, le poste de Virton avait servi de retraite aux différents corps qui avaient défendu les villages dont je viens de parler. Il fut attaqué à son tour; et, après un combat d'une heure et demie, il fut emporté par les soldats de la République.
« Le 5erégiment de hussards, le 2e et le 10®
de dragons, 4 bataillons de grenadiers, le 1er bataillon de la
Charente-Inférieure et les canonniers, méritent les plus grands éloges,
et se sont conduits avec la plus grande distinction, nommément à Virton,
où une partie du bataillon de la Charente a chargé la baïonnette au bout
du fusil. Les maréchaux-de-camp Lamarche et Neuilly ont conduit les
attaques avec beaucoup d'intelligence. Je ne parle pas de leur valeur;
elle leur a mérité depuis longtemps l'estime et la confiance des troupes
qu'ils ont l'honneur de commander.
« Je dois recommander à la justice du"ministre le citoyen Deville, capitaine commandant un bataillon de grenadiers. Cet officier s'est trouvé aux deux affaires' de Pillon et Virton : il s'y est conduit d'une manière fort brillante. (Applaudissements.)
« Je joins à ma lettre le drapeau dû régiment ci-devant Angoulême, dont j'ignore le numéro; il a été retrouvé dans les environs de Longwy.
« Nous avons eu 12 hommes de tués ou blessés; on estime la perte des ennemis à deux ou trois cents. Nous avons fait des prisonniers. * (.Applaudissements.)
(La séance est levée à six heures et demie.)
a la séance de la convention nationale du
Proclamation du conseil exécutif provisoire, relative aux subsistances.
Du
Concitoyens,
La cause de la liberté triomphe, et les tyrans, qui avaient envahi notre territoire, sont forcés de l'abandonner. Déjà les braves défenseurs de la République ont planté l'arbre de la liberté dans les villes de nos ennemis, et leurs habitants nous demandent de les aider à briser leurs chaînes, et de les admettre dans notre famille. Un avenir heureux se prépare; bientôt les peuples de l'Europe ne formeront plus qu'une société de frères et d'amis, et nos relations commerciales, en rendant aux arts et à l'industrie nationale, une activité qu'ils n'ont jamais eue, feront naître une abondance plus générale et mieux répartie; mais vous ne pouvez atteindre à cette prospérité que vous présente l'avenir, Su'en vous soumettant à l'observance religieuse es lois, puisque c'est de leur exécution que dépend essentiellement le bonheur de tous.
Depuis l'heureuse époque où vous avez reconquis votre liberté, des agitateurs perfides, des dominateurs insolents, toujours intéressés à fomenter le désordre et l'anarchie parmi vous, pour recouvrer de prétendus droits qu'ils avaient usurpés et qui sont disparus, n'ont cessé d'employer toutes sortes de moyens pour vous égarer; mais vous avez reconnu leurs pièges, et vous les avez évités. Furieux de n'avoir pu jusqu'à présent vous tromper avec sùccès, pour vous en -chaîner de nouveau, ils emploient le dernier moyen qui leui1 reste ; ils cherchent à vous alarmer sur vos subsistances.
Dans plusieurs départements de la République, les subsistances sont en effet l'objet des ininquiétudes du peuple. En vain notre sol nous fournit-il d'abondantes récoltes, des terreurs s'emparent des esprits ; les propriétaires ferment leurs greniers ; le marchand n'ose se livrer à ses spéculations; le commerce languit, et de là nous éprouvons des disettes partielles et factices, au milieu d'une abondance réelle.
Cette abondance, n'en doutez pas, existe réellement, et vos subsistances sont assurées. Le sol de la France en avait suffisamment produit, et depuis le 1er janvier de cette année jusqu'à présent, le commerce particulier et les diverses administrations du ministère, en ont considérablement augmenté la masse, en faisant importer de l'étranger plus de 2 millions de quintaux, tant en grains qu'en farines. Mais les entraves qu'éprouve la circulation des subsistances, font qu'elles sont encombrées dans plusieurs parties de la République, tandis que d'autres'en manquent, ou sont obligées de les payer à un prix excessif.
Dans presque tous les départements méridionaux, le setier de grain, de 240 livres poids de marc, s'y vend actuellement jusqu'à 60 livres et plus, tandis qu'il se trouve moins cher, de plus de moitié, dans ceux du Nord. C'est un fait dont les preuves ont été présentées au conseil exécutif.
D'où provient donc cette énorme disproportion dans le prix du blé? Pourquoi le pain vaut-il six sous la livre dans quelques départements, et deux sous six deniers seulement dans d'autres? Il ne faut en chercher la cause que dans les obstacles sans nombre qu'éprouve la circulation.
Ce défaut de circulation est encore le crime de nos ennemis. Toujours occupé à vous inspirer des craintes et à vous trouper, ils veulent vous persuader, que les pourvoyeurs des grandes villes sont des monopoleurs qui courent les campagnes; ils disent que les commissionnaires chargés ae l'approvisionnement des places maritimes, accaparent les grains pour les faire passer à l'étranger, et pour alimenter les ennemis de la patrie. Telles sont les calomnies qu'ils emploient pour vous séduire et vous induire en erreur.
Sans doute, lorsque pour fournir à ses déprédations, l'ancien gouvernement réduisait en système l'oppression du peuple; lorsqu'une cour corrompue ne craignait pas d'agioter elle-même sur les grains, il se trouvait alors des accapareurs, des hommes assez vils pour seconder ce monopole scandaleux. Mais ces temps ne sont plus; et tel, qui autrefois pouvait impunément affamer des provinces entières, n'oserait pas aujourd'hui acheter dix sacs de blé, s'il n'était pas à même de justifier qu'il agit au nom d'une ville ou d'un canton qui ont des besoins.
Des lois sages ont été rendues pour dissiper toute alarme sur vos subsistances; elles en prescrivent la libre circulation pour l'intérêt commun de tous les enfants ae la République: vous devez donc respecter ces mêmes lois que vous avez juré de maintenir, et en laisser surveiller l'exécution par les magistrats que vous avez investis de votre confiance.
Concitoyens, pénétrez-vous bien de cette grande vérité, que le commerce ne peut devenir llorissant que par la liberté, la plus illimitée. Nos législateurs ont consacré ce principe, qui est la base de la prospérité des nations commerçantes. Ils ont anéanti les privilèges exclusifs, les jurandes, les maîtrises et toutes ces corporations qui étouffaient l'émulation et l'industrie ; enfin ils ont détruit toutes les entraves qui paralysaient depuis si longtemps notre commerce, et ils lui ont rendu toute la liberté qui lui était si nécessaire. Mais cette liberté qui nous offre de si grands avantages, ne peut véritablement exister que par l'effet de la confiance; et elle deviendrait nulle, s'il fallait employer perpétuel-
lement les moyens de rigueur, pour faire exécuter les lois qui l'ont établie.
Dans un Etat libre,' le cultivateur et le fermier doivent être maîtres de vendre leurs denrées, comme la fabricant et le marchand vendent leurs marchandises, et il ne doit pas y avoir plus de raison de fixer le prix des comestibles, qu'il n'y en a de fixer celui des étoffes ou des autres objets de consommation.
Les officiers municipaux sont, à la vérité, autorisés à déterminer la valeur du pain et de la viande, particulièrement dans les grandes villes; mais cette mesure de police ne s'étend pas plus loin, et il leur est même défendu, par l'article 30 du titre Ier de la loi du 20 juillet 1791, de taxer aucune autre denrée, sous peine de destitution. Ainsi, lorsque pour un marché des malveillants prétendront fixer le prix des grains, ou s'opposer à leur libre circulation, ils commettront une infraction à la loi, et ils devront être arrêtés sur-le-champ, ou dénoncés aux tribunaux, comme perturbateurs du repos public.
Ralliez-vous donc, citoyens, autour des lois ; protégez-en l'exécution, et c'est alors qus vous ferez un usage véritablement utile de votre liberté, que ces mêmes lois vous garantissent.
De son côté, le conseil exécutif vient d'arrêter qu'il serait pris des mesures efficaces pour simplifier le mode des achats de subsistances que nécessite le service public. Il n'y aura plus à l'avenir d'agents sépares pour ces achats, afin d'éviter une concurrence qui, en faisant augmenter le prix des denrées, était toujours onéreuse aux consommateurs et à la nation. Les mêmes agents seront chargés en même temps de tous les approvisionnements de divers départements du pouvoir exécutif, et il leur sera délivré à cet effet des pouvoirs signés des ministres de l'intérieur, de la guerre et de la marine.
Toutes ces précautions doivent vous rassurer, et vous faire sentir la nécessité de laisser aux subsistances la plus entière circulation : si elle éprouvait de nouveaux obstacles, la famine la plus affreuse en deviendrait la suite nécessaire dans plusieurs cantons qui ne récoltent pas de quoi s'alimenter ; les autres languiraient in- -failliblement dans la misère ; les travaux précieux et nécessaires de l'agriculture seraient négligés, et le recouvrement de l'impôt y deviendrait impossible; car le défaut de commerce tarit toutes les sources de l'aisance et de la prospérité. Ne perdez donc pas de vue que le territoire des départements n'est pas égalément fertile; il produit beaucoup dans les uns et peu dans les autres, il faut par conséquént que la surabondance des premiers passe chez ceux où les moyens de subsistance ne sont pas suffisants, ou manquent tout à fait.
Si le commerce dans l'intérieur de la France est libre, si les négociants ne sont ni inquiétés, ni poursuivis dans les achats et dans le transport des grains, alors, stimulés par leur propre intérêt, ils s'empresseront de porter ces grains dans les endroits où ils sont chers, parce qu'ils sont rares : bientôt la quantité qu'ils y auront introduite, en fera baisser le prix au taux le plus modéré; chacun alors sans crainte sur sa subsistance, se livrera entièrement à son industrie, et en recueillera paisiblement le fruit.
Tels sont les effets qui dérivent nécessairement de l'embarras ou de la liberté du commerce des grains. Entre ces deux résultats, le choix ne doit pas être douteux.
Concitoyens, au nom de la patrie et du salut public, au nom de la fraternité qui unit tous les membres de la République, repoussez loin de vous toutes suggestions qui tiendraient à vous faire manquer à vos serments et au respect que vous devez à la loi. Abandonnez-vous au penchant si doux de secourir ceux de vos frères que l'intempérie des saisons, ou l'aridité du sol qu ils cultivent, exposent à l'impuissance de remplir les premiers besoins de la vie, et rappelez-vous que l'humanité seule vous en fait un devoir,
Fait au conseil exécutif provisoire, à Paris, le 30 octobre 1792, ranlerdela République française.
Signé : Roland, Monge, Pache, Garat, Clavière et Le Brun. Par le conseil, Signé : Grouvelle, secrétaire.
Certifié conforme à l'original:
Le ministre de Vintérieur, Signé : Roland.
Séance du
présidence de guadet, président.
et de delacroix, ancien président.
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à dix heures.
,secrétaire, donne lecture d'une adresse des citoyens de la ville de Sézanne qui réclament contre le projet de former une garde pour la Convention, composée de citoyens des 83 départements; elle est ainsi conçue (1):
« Mandataires du peuple, vous avez reçu notre adhésion au décret qui abolit la royauté; l'opinion publique, qui seule fait la loi, vous l'avait dicté.
« De toutes parts, les tyrans repoussés rendent, par leur désespoir, à nos guerriers le seul hommage digne de leur valeur. De toutes parts, les peuples, las du joug des despotes, nous ouvrent leurs cœurs, nous tendent leurs bras et nous conjurent de les associer à nos heureuses destinées; et tandis que la République entière, par son union, hâte le grand triomphe de la liberté et de l'égalité, de petits intérêts, de petites intrigues divisent les représentants du souverain.....Sans cesse ils nous invitent à ne faire
qu'un peuple d'amis et de frères, et sans cesse ils nous donnent l'exemple de la haine et des injures. Est-ce là ce qu'il nous fallait attendre d'une Assemblée dont toutes les discussions devraient tourner au profit de l'humanité?
« Mandataires du peuple, vous venez de décréter, pour vous, une garde militaire, à la formation de laquelle les 83 départements doivent concourir. Ou vous voulez une garde d'honneur, ou vous voulez une garde de sûreté..... Si c'est une garde d'honneur, elle blesse l'égalité— Nous voulons que rien de la royauté ne survive
à la royauté.....Des vertus et des mœurs, voilà
quelle doit être votre garde d'honneur..... Si c'est une garde de sûreté,
elle insulte à la nation entière; elle supposerait que des Français ne
votre garde de sûreté..... Méritez-les; nous ne
vous en fournirons pas d'autres.
« Paris est calomnié de toutes parts : nous sommes surpris qu'on n'ait pas encore décrété que cette ville a bien mérité de la patrie. Nous le demandons, ce décret; la reconnaissance, la justice nous en font un devoir : le retarder, c'est propager la calomnie.
« Délégués du peuple, dans plusieurs de Vos séances, on a parlé de juger le ci-devant roi, et le ci-devant roi n'est encore jugé que dans l'opinion publique. Hâtez-vous de prononcer son jugement; mais qu'il soit tel que nous puissions le ratifier.
« Les citoyens de la ville de. Sézanne, soussignés.
« La Société, dans sa séance du
« Signé : Lafaye , président ;
Simonne, secrétaire. »
(La Convention renvoie l'adresse au comité de législation.)
Le même secrétaire donne lecture de la lettre et des adresses suivantes :
1° Lettre du citoyen Sauvé, député de la Manche, qui demande un congé d'un mois.
(La Convention accorde le congé.)
2° Adresse des juges et commissaire du tribunal du district de Vannes, département du Morbihan, tendant à 'obtenir la réforme de divers abus qui arrêtent la marche de la justice criminelle, et nuisent à la sûreté générale.
(La Convention renvoie cette adresse au comité de législation.)
3° Adressé des citoyens de Saint-Sever, déparie ment des Landes, qui annoncent qu'ils ont célé bré l'abolition de la royauté par une fête civique.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
,au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à rapporter la loi du 19 août dernier, sur le mode de payement des troupes penUant Vannée 1792,; il s'exprime ainsi :
Citoyens, votre comité des finances, section des dépenses, vient vous demander le rapport d'une loi qui né contient aucune disposition assez précise pour l'exécution, et dont les expressions sont contradictoires; il s'agit de la loi du 19 août dernier, rendue sur une lettre du ministre de la guerre. La voici :
« L'Assemblée nationale décrète que les troupes de l'intérieur toucheront leur solde sur le même pied quenelles qui sont campées sur le territoire étranger, et cependant que le payement s'effectuera en assignats. »
Vous avez dû remarquer, citoyens, que la lettre du ministre de la guerre ne contenait aucune proposition, mais que le ministre consultait simplement le Corps législatif sur trois choses; la première, pour savoir si les officiers et les volontaires nationaux doivent recevoir le traitement accordé aux troupes de ligne pour Ventrée
en campagne; la seconde, si les troupes de l'intérieur jouiraient du traitement en campagne; la troisième, enfin, si les officiers devaient toucher les gratifications accordées pour les équipages.
Telles étaient les trois questions sur lesquelles le citoyen Clavière, faisant les fonctions du ministre de la guerre par intérim, en attendant l'arrivée du ministre Servari, consultait l'Assemblée nationale. Un membre a pensé que c'étaient des propositions formelles ; que le bien du service public exigeait qu'elles fussent converties en motion : il l'a fait, et l'Assemblée a été induite en erreur, en décrétant sur-le-champ, sans un plus long examen, que les troupes de l'intérieur toucheraient leur solde sur le même pied que celles qui sont campées sur le territoire ennemi, et cependant que le payement s'effectuerait en assignats.
Il est facile de vous démontrer, citoyens, la nécessité de rapporter entièrement cette loi qui n'a aucun motif d'utilité et d'amélioration du service public, et qui est impossible dans l'exécution.
Elle contient deux dispositions : la première, que les troupes de l'intérieur toucheront leur solde sur le même pied que celles qui sont campées sur le territoire ennemi; la seconde, et que cependant le payement s'effectuera en assignats.
Qu a-t-on voulu dire en insérant l'expression générale de troupes ? A-t-on voulu statuer dans le sens du ministre qui, par sa lettre, distinguait avec grand soin les gardes nationales des troupes ? On ne peut donc exclure les gardes nationales ; cependant l'exclusion pourrait être une suite du texte de là loi.
On ne voit pas trop ce qu'on a voulu dire par cette expression de troupes de l'intérieur; elle exige une définition, elle n'emporte aucun sens précis. Troupes de l'intérieur feraient antithèse avec troupes de l'extérieur, s'il y en avait, mais cette expression fait-elle antithèse avec troupes faisant partie d'une arme, troupes en garnison, troupes en cantonnement ? Enfin une dernière réflexion sur la première disposition de la loi du 19 août, c'est que les questions contenues dans la lettre du ministre tombaient sur les traitements de campagne; la loi ne parle que de solde : la loi ne répond donc pas aux questions ; elle n'y a même aucun rapport, et au fond les troupes campées sur le territoire ennemi n'ont pas une autre solde que celles campées ou caser-nées dans l'intérieur ; ainsi la première disposition de cette loi ne peut subsister.
Quant à la seconde disposition, qui stipule que le payement s'effectuera en assignats, elle est contraire à la demande du ministre, elle est absolument défavorable à la troupe, tandis qu'on a eu une intention toute opposée, puisque, suivant le texte de la disposition de cette loi, le soldat dans l'intérieur jouirait de la même solde que celui du territoire étranger, mais en assignats ; on le priverait de 5 livres 10 sols de numéraire que les décrets lui accordent précédemment.
D'après ces considérations, il résulte que la loi du 19 août dernier ne répond à aucune des questions du ministre; que ses dispositions ne sont pas assez précises; qu'elles ne sont pas susceptibles d'exécution ; que les expressions en sont contradictoires, puisque les troupes seraient privées de la portion du numéraire que les lois précédentes leur accordent : il a donc paru nécessaire à votre comité de l'ordinaire des finances de vous proposer le projet de loi qui suit :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances (section des dépenses) décrète le rapport de la loi du 19 août dernier sauf à statuer, par une loi générale, tant sur les questions du ministre de la guerre que sur le mode de payement des troupes pendant l'année 1792. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(Elie). Je demande le renvoi au co-' mité de division, pour avoir un rapport, dans deux jours, de la motion que je fais de confirmer la translation arrêtée par l'assemblée électorale du district de Montignac, département de la Dordogne, du tribunal ae ce district dans la ville de Montignac.
(La Convention décrète le renvoi.)
(Elie). Je dois ajouter, en outre, que je suis chargé par la Société des Amis de la République de cette ville et l'assemblée électorale de laquelle je viens de parler, d'offrir à l'Assemblée pour les frais de la guerre 363 livres, dont 315 en assignats et 48 livres en or.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ces généreux citoyens.)
Je viens déposer, à mon tour, pour les veuves et les orphelins des victimes du 10 août, une somme de 200 livres en assignats, de la part delà paroisse de Saint-Leu de la ville d'Amiens, produit d'une collecte qu'elle a faite. (Vifs applaudissements.)
(La Convention ordonne la mention honorable et décrète qu'Un extrait du procès-verbal sera rémis aux donateurs.)
Un membre : Citoyens, les premières paroles que j'adresse à [la Convention nationale sont des paroles de paix : je la prie de m'écouter en silence.
Si le décret qui déclare la patrie en danger n'existait pas, je le solliciterais à cette tribune. L'état habituel de déchirement et d'angoisse où se trouve l'Assemblée est une calamité publique bien plus à craindre que les trahisons d'un roi, que l'invasion d'une troupe de brigands; la valeur du peuple français ne pouvait manquer de les anéantir. Ici le mal est tel que les malades peuvent seuls se guérir eux-mêmes, tout remède extérieur devant perdre sans retour la chose publique.
Par quelle fatalité, lorsque la royauté n'est plus,, lorsque le succès confiant de nos armes présage la conquête du monde entier à la liberté ; lorsque tout s'accorde à nous aplanir une carrière qui pouvait ne nous présenter que des épines; par quelle fatalité, dis-je, cette enceinte qui devait être le centre de la concorde et de la jubilation universelle est-elle devenue un foyer de désordre et d'insurrection?Comment le sanctuaire des lois a-t-il pu se changer en une arène de gladiateurs personnellement acharnés les uns contre les autres? Par quel renversement de tout principe verrions-nous ici des dénonciateurs s'investir du droit de juger leurs ennemis personnels? Citoyens, évitons le précipice où nos passions allaient nous plonger; il en est temps encore, laissons au peuple qui nous a choisis le soin d'observer notre conduite; s'il nous trouve indignes de sa confiance, il saura nous la retirer. Ne soyons accessibles qu'à une seule crainte, celle de ne pas lui donner des lois capables de faire son bonheur; présentons-lui
une bonne Constitution à'sanctionner, et non pas un nouveau despotisme à renverser. (Vifs applau- . (Ossements des tribunes. Silence absolu dans la salle.) Voici mon projet de décret :.
« Art. 1er. Nul membre de la Convention
nationale ne pourra désormais en dénoncer un autre sous aucun prétexte,
ni articuler des personnalités.
« Art. 2. Tout membre qui se sera permis d'enfreindre le présent décret sera déclaré perturbateur de l'Assemblée, inscrit comme tel au procès-verbal, puni de huit jours d'arrêt, dans le -cas des personnalités, et d'un mois de prison dans le cas de dénonciation,
« Art. 3. La Convention nationale arrête que les discussions déjà ouvertes sur les dénonciations de ce genre ne seront pas continuées, et que les renvois, y relatifs, faits à ses comités, seront regardés comme non-avenus. »
Je demande la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
insiste. (Applaudissements des tribunes.)
monte à la tribune. (Bravo ! bravo ! crient quelques citoyens.—L'Assemblée murmure.)
Un membre : Je demande que les tribunes soient rappelées à l'ordre. Il faut que nous soyons libres ici.
rappelle à l'ordre les tribunes et leur déclare qu'elles n'influenceront jamais l'opinion des représentants du peuple.
(La Convention décrète que Thuriot ne sera pas entendu et passe à l'ordre du jour sur le projet de décret.)
Un membre, au nom des commissaires chargés de surveiller la vérification de la caisse du trésorier des ci-devant gardes suisses, présente un projet de décret ayant pour but ae faire allouer au citoyen Schneider une somme de 200 livres ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que la somme de 200 livres, réclamée par le nommé Schneider, lui sera remise par la trésorerie nationale, qui demeurera déchargée du dépôt qui en a été fait par les commissaires chargés de surveiller la vérification de la caisse du trésorier des ci-devant' gardes suisses. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret sur Vorganisation et la formation d'une compagnie de volontaires canonniers à cheval; il est ainsi conçu (1) :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre sur la pétition des citoyens de plusieurs sections de Paris, peur .être organisés en compagnie de volontaires canonniers à cheval, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera formé unq compagnie de volontaires canonniers à cheval,
composée d'un sergent-major, trois sergents, un caporal-fourrier, trois
caporaux, trois appointés, trois artificiers, soixante canonniers, deux
trompettes, faisant ensemble 76 hommes, dont 70 montés et 6 non montés,
non compris les officiers.
« Ladite compagnie sera commandée par 2 capitaines et 2 lieutenants.
Art. 3,
« Il ne sera procédé à l'organisation de cette compagnie qu'à l'époque où il se présentera un nombre suffisant de volontaires qui pourront justifier de leur expérience par des certificats portant attestation de leurs Services dans les corps d'artillerie de terre ou de mer, ou dans les compagnies de canonniers attachés aux bataillons de volontaires nationaux, ou de gardes nationales, et un certificat de civisme, délivré par le conseil général de leur commune.
Art. 4.
« Chacun des volontaires compris dans l'état de la revue, passée au lieu de leur cantonnement, recevra une indemnité de 30 sous par jour, à compter du 10 septembre dernier, jusqu'à l'époque de leur organisation définitive, s'il a justifié ae son expérience dans les manœuvres du canon, conformément aux dispositions de l'article 3.
Art. 5.
« Tout volontaire qui, faute de remplir les formalités prescrites par l'article 3, dans le délai dé quinze jours après la publication du présent décret, ne pourrait être compris dans la formation de ladite compagnie, ne recevra l'indemnité que jusqu'au jour de l'expiration du délai.
Art. 6.
« Les appointements et solde, ainsi que les différentes masses de la compagnie de canonniers à cheval, seront conformes au tableau annexé au présent décret. Èn conséquence, la Convention nationale décrète une somme de 28,552 livres 3 sous pour solde et appointements de cette troupe, ét une somme de 29,886 livres 10 sous pour les différentes masses.
Art. 7.
« Les premiers frais d'habillement et d'armement pour les 76 sous-officiers et canonniers à cheval, sont évalués à une somme de 57,494 livres.
« La Convention nationale décrète que le ministre de la guerre en fera faire successivement la retenue, sur les fonds affectés par le présent décret, aux différentes masses de canonniers à cheval.
Art. 8.
« La nature du service qu'aura à remplir la compagnie de volontaires canonniers à cheval, exigeant une augmentation de 36 chevaux pour cette division de bouches à feu, la Convention nationale, conformément au marché passé avec les entrepreneurs, à raison de 38 sous par jour le service d'un cheval d'artillerie à la guerre, et 20 sous par ration de fourrage, décrète une somme de 38,106 livres pour cette dépense pendant 365 jours de campagne.
Art. 9.
« La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre la somme de 162,000 livres, pour subvenir aux dépenses de ces différents objets; mais la somme de 38,106 livres pour l'augmentation des 36 chevaux d'artillerie, ne lui sera délivrée qu'à l'époque où ladite compagnie entrera en campagne.
Art. 10.
« Le pouvoir exécutif nommera, sans délai, un commissaire pour procéder à l'organisation de ladite compagnie, conformément au présent décret.
Art. 11.
« Les volontaires non compris dans l'état de revue, et qui se présenteront audit commissaire pour compléter ladite compagnie, recevront la solde provisoire de 30 sous depuis le jour de leur admission, d'après les certificats exigés par l'article 3, jusqu'à celui de l'organisation définitive.
Art. 12.
« Aucun citoyen ne pourra être admis dans ladite compagnie, s'il ne produit un certificat de civisme délivré par le conseil général de sa commune. »
TABLEAU de la formation, appointements et solde de la compagnie des volontaires canonniers à cheval.
DÉNOMINATION des grades.
Sous-officiers et
canonniers.
Sergent-major..
Sergents........
Caporal-fourrier.
Caporaux.......
Appointés......
Artificiers......
Canonniers.....
Trompettes.....
A quatre ouvriers, dont un en fer, et l'autre en bois.
Supplément de 12 deniers par jour, ci....
Au bottier et au sellier, supplément de 4 deniers par jour, ci..................
Total pour la compagnie.
Officiers
{Capitaines.. Lieutenants.
Supplément de 300 livres à quatre officiers, ci..............................
Total de la compagnie.
NOMBRE D'HOMMES de chaque grade
76 hommes.
Officiers, sous-officiers J 80 hom et canonniers.
APPOINTEMENTS ET SOLDE.
PAR JOUR.
1. S. d.
3 13 2 14»
1 18 10
» 17 10
» 16 »
» 16 »
» 15 »
» 16 2
Chaque par an. 1,600 1. Chaque par an. 1,200
PAR ANNÉE
de 365 jours. de )66 jours
1. s. d.
605 1,314
443 14
976 876 876 16,425 1,590
73
12
22,091 12 6
3,200 > »
2,400 » »
800 » »
28,491 13 6
1. S. d.
606 19 1,317 12 344 13
979 878 878 16,470 591
73
1 8
8 »
1%
12
22,152 3 »
3,200 » »
2,00 » »
800 » »
28,553 3 »
TABLEAU.
TABLEAU des masses pour la compagnie des volontaires canonniers à cheval.
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«î S
1. s.
2 places de fourrages, à deux cent soixante- , dix livres l'une, pour chaque capitaine, et pour les deux, ci— 1,080 1 place de fourrages à chaque lieutenant, et pour les deux, ci. 540 70 chevaux de sous-officiers et canonniers, à quinze sous chacune, pour trois cent soixante-cinq jours, ci............ 19,162 10/
A cent vingt-cinq livres, pour soixante-dix hommes montés,
ci.................. 8,750
A cinquante-neuf livres pour six hommes non montés, ci..... 354
1. s.
20,782 10
9,104
Total. ............ 29,886 10
ÉTAT estimatif de la dépense pour lever une compagnie de volontaires canonniers à cheval.
Achat de chevaux pour monter soixante-dix sous-officiers et canonniers, à raison de cinq cent cinquante livres, comme les chasseurs, ci................................ 38,500 1.
Equipement du cheval, pour soixante-dix sous-officiers et canonniers, à cent quinze livres, ci....... 8,050
Habillement neuf, pour soixante-seize sous-officiers et canonniers, à raison de cent trente livres chacun, ci................................. 9,880
Sabres et ceinturons, pour soixante-seize sous-officiers et canonniers, à raison de quatorze livres, ci.... — 1,064
Total............. 57,494 1.
(La Convention adopte le projet de décret.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret pour ordonner le transfèrement, dans le\ manufactures d'armes, des fusils et pistolets qui se trouvent en dépôt dans les places de guerre; ce projet de décret est ainsi conçu ;
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre, décrète ce qui suit :
« Le pouvoir exécutif prendra les mesures les plus promptes pour faire transférer dans les manufactures d'armes tous les fusils et pistolets montés ou non montés, ainsi que toutes les pièces d'armement qui se trouvent en dépôt dans les places de guerre, comme armes ou pièces rebutées; et il donnera des ordres pour qu'il soit procédé, sans délai, à leur réparation. »
(La Convention adopte le projet de décret.)
Un membre propose d'étendre cette mesure aux armes sequestrées.
(La Convention renvoie cette motion au comité de la guerre.)
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée la croix de saint Louis que le citoyen Maillard, capitaine de la gendarmerie' nationale dans le département des Landes, m'a chargé de remettre. {Vifs applaudissements.)
(La Convention ordonne la mention honorable.)
,secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° La Société des Amis de la République, établie à Vernon, fait don, pour le soulagement des Lillois, d'une somme de 521 1. 18 s. en assignats et billets;
2° M. Armand Beaupoil, huissier de la Convention, donne, en vertu de sa soumission, un assignat de 25 livres;
3° Le 5° bataillon des volontaires de Saône-et-Loire, cantonné à Péronne, donne, pour les frais de la guerre, en assignats, 100 livres; en argent, 84 livres; en tout, la somme de 184 livres.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des administrateurs du directoire du Bas-Rhin, qui prévient la Convention d'une nouvelle insulte faite à la République française, dans les personnes de trois officiers du régiment, V igier suisse, arrêtés à Soleure, pour raison de l'attachement
au'ils ont montré à la Révolution française, pen-
ant que ce régiment était à Strasbourg; cette lettre est ainsi conçue :
« Strasbourg,
« Une nouvelle insulte vient d'être faite à la République par des. alliés qu'elle a trop longtemps ménagés.
« Trois officiers du régiment de Vigier, suisse, revenant dans leur patrie, ont été arrêtés à Soleure; et dans ce moment on instruit leur procès comme à des i criminels d'Etat, pour raison dè l'attachement qu'ils ont montré à la Révolution française, pendant que le régiment était en garnison à Strasbourg.
« Cette conduite scandaleuse prouve quelles sont, à notre égard, les intentions de ce canton qui accorde un refuge assuré à l'aristocratie, tandis qu'il fait un crime à ses concitoyens d'avoir chéri les nouvelles lois d'une nation qui était devenue pour eux une patrie adoptive qui les comblait de ses bienfaits, et qui les soldait pour protéger les mêmes lois qu'on désirait qu'ils eussent oser insulter, à l'exemple de la majorité de leurs collègues. -
« Législateurs, nous vous invitons d'ordonner qu'il ne soit plus payé aucune pension aux officiers du canton de Soleure, jusqu'à ce qu'il ait rendu la liberté à ces trois officiers et vengé la République de l'injure qu'il lui a faite.
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du Bas-Rhin. »
Je demande la parole sur cette lettre.
Ces trois officiers se nomment Grimm, Vallier et Brunner. Leur crime est d'avoir fréquenté la société des Amis de la République, lorsqu'ils étaient en garnison à Strasbourg. A leur retour dans leur pays, il leur a été enjoint de révoquer les principes qu'ils avaient professés. Ils ont refusé de le faire et ont déclaré qu'étant soldés par la France, ils avaient cru être obligés de manifester des sentiments amis du gouverne-
ment français, et que sans cela même ils auraient encore professé les mêmes principes, parce qu'ils étaient les leurs. A l'instant ils furent jetés dans des cachots où ils sont encore. Je demande le renvoi aux comités diplomatique et militaire réunis, pour en faire leur rapport dans 3 jours.
11 ne faut pas souffrir plus longtemps les insultes de ce canton de Sbleure, qui a donné asile à tous les aristocrates émigrés et notamment au ci-devant comte d'Artois. (Applaudissements.)
Nous avons reçu une lettre du général Biron, qui nous annonce que la vie de ces trois officiers suisses est dans le plus grand danger. Il est temps, citoyens, de mettre nos voisins les Suisses à la raison, et surtout ces cantons aristocratiques qui ont fanatisé nos départements frontières.
Puisque la vie de ces trois officiers est en danger, je demande que le rapport soit fait séance tenante.
(La Convention adopte cette proposition.)
Par une lettre du 27 septembre, le ministre de l'intérieur a autorisé le département du Bas-Rhin à procéder au séquestre des biens du prince deHesse-Darmstadt,possessionnés dans ce département, ainsi qu'à ceux de la maison palatine. Depuis ce temps, le ministre que la République entretient à la Cour de l'électeur palatin, a présenté des • réclamations en faveur de cette Cour, parce qu'elle était neutre et avait donné des preuves d'attachement à la nation française. Le ministre de l'intérieur n'a point révoqué l'ordre donné au département du Ras-Rhin. Voulez-vous savoir quel ést cet attachement de la maison palatine? Il est fondé sur 50,000 livres que la nation française a payées à la baronne de Bettschardt, maîtresse de l'électeur, grosse de ses oeuvres. Au surplus, cet attachement ne date pas de bien loin; et j'ajoute que cette neutralité est illusoire, en ce que : î° l'électeur a souffert que les Autrichiens établissent des magasins dans ses-Etats; 2° en ce qu'il a souffert qu'ils plaçassent leur caisse militaire dansManheim, lieu de sa résidence; 3° en ce qu'il a accédé au conclusum de la diète contre la France; 4p en ce que, si les Autrichiens et les Prussiens avaient eu le dessus, il se serait joint à eux contre nous. Je demande donc que le ministre des affaires étrangères rende compte de la conduite du ministre que la République entretient auprès de l'électeur palatin.
(La Convention décrète cette proposition.)
La Convention a décrété hier que des officiers, de la garnison de Lille seraient admis à la barre. Ils sont présents.
(Les applaudissements unanimes de VAssemblée et des spectateurs se prolongent pendant quelques minutes.)
Vorateur de la députation. Nous venons vous jurer une haine éternelle pour les despotes, et une confiance entière dans la Convention nationale. (Applaudissements.) L'ennemi est venu sous nos murs; il a brûlé nos maisons. Mais il a été forcé à une retraite honteuse. Vous avez décrété que nous avons bien mérité de la patrie (Vifs applaudissements) ; ce décret est gravé dans nos cœurs. Si l'enneiiii porte encore ses ravages sur le territoire de la République, parlez, nous sommes prêts à marcher. (Nouveaux applaudissements.) mm venons recommander à votre justice Briant, notre chef de légion, notre père et notre amb Nous vous demandons pour ce brave
officier les récompenses qui lui sont dues. Nous déposons sur le bureau des renseignements et des pièces qui vous attesteront et ses services et le vœu de nos concitoyens. (Vifs applaudissements.)
Citoyens, vous avez appris aux despotes ce que peuvent contre eux des hommes animés de l'amour de la liberté. Vous venez de recevoir, au milieu des représentants du peuple, le prix dû à votre dévouement héroïque. Il en est un autre qui ne peut vous être enlevé : c'est à l'histoire qu'il est réservé de vous le donner. Elle placera vos noms à côté de ceux des Spartiates qui, seuls, arrêtèrent aux Thehnopyles tous leurs ennemis. Il est beau de vous voir demander des récompenses pour le chef qui montra le chemin de l'honneur, et lorsque vous pourriez y prétendre tous, de ne les demander que pour lui seul. (Applaudissements.)
Comptez sur la reconnaissance des représentants du peuple. Je vous accorde en leur nom les honneurs de la séance. (Double salve d'applaudissements.) ; '
, {La Convention renvoie leur pétition au comité de la guerre.)
Un membre demandé que les assignats soupçonnés d'être faux et qui, pour cette raison, ont été déposés, le 24 octobre 1792, sur le bureau de l'Assemblée, soient remis au ministre de la justice, pour qu'il ordonne l'examen et les poursuites de droit.
(La Convention décrète cette proposition.)
, député du département des Basses-Alpes à la Convention nationale, enregistré aux archives, prénd séance à l'Assemblée.
,secrétaire, donne communication des pétitions, lettres et adresses suivantes :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait, parvenir à la Convention différentes pièces des administrateurs du département du Nord, par lesquelles ils demandent qu'il soit accordé a la ville de Douai une avance de 50,000 livres, pour servir à un achat de tourbes propres à suppléer, pendant l'hiver prochain, à la disette absolue ae matière pour le chauffage.
(La Convention renvoie la lettre au comité des secours.)
2° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui • fait parvenir différentes pièces des administrateurs du directoire du département du Nord, qui proposent à la Convention de rendre définitive la disposition provisoire des curé et mar-guilliers de la paroisse de Saint-Etienne de la ville de Lille, de transférer dans l'églisè des çi-devant jésuites le service qui se faisait dans l'église de cette paroisse, qùe la fureur des ennemis a réduite en cendres.
(La Convention renvoie la lettre au comité de division.)
3° Lettre de Monge, ministre de la marine, à laquelle sont jointes la loi relative à la caisse des invalides de la Marine, et l'instruction sur cette loi, qu'il applique au citoyen Manecq, ancien capitaine de la marine marchande, âgé de 87 ans, et employé, pendant la dernière guerre à des opérations secrètes, dans le cours desquelles ses équipages ont été pillés. 11 observe que ce citoyen, entièrement ruiné, est susceptible d'une demi-solde, et du supplément de 9 livres par mois accordé à ceux qui, par leurs blessures ou infirmités; se trouvent hors d'état de travailler!
(La Convention renvoie la lettre au comité de la Marine.)
4° Lettre et pétition des citoyens députés de l'Ile-de-France auprès des pouvoirs législatif et exécutif, sur les avantages qui résulteraient pour la République de l'envoi ae quelques botanistes et naturalistes dans les contrées de l'Asie.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités colonial et d'instruction publique.)
5® Adresse des officiers municipaux de Castel-sagrat qui adressent à la Convention les pièces qui constatent la remise de la somme de 850 1. 5 s. que fait le citoyen Récays, ancien capitaine au régiment de Normandie, pour les frais de la guerre, sur les arrérages qui lui sont dus de son traitement militaire. Ils observent que ce citoyen a fait don à la nation de 500 livres, il y a très peu de temps,» et d'autres générosités que son patriotisme lui a suggérées, pendant le cours de la Révolution.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
6° Lettre du juge de paix du second canton de la ville d'Orléans extra-muros, qui a apposé les scellés sur les malles des prisonniers de la Haute-Cour, quë personne ne réclame, et qui demande à être autorisé à les vendre, attendu qu'elles se corrompent, et que le prix soit employé aux frais de la guerre.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'aliénation.) :
7" Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait passer à la Convention la pétition de Jean-Louis Barbein, canotier-lamaneur à Dunkerque, qui demande les deux tiers d'une capture qu'il a faite, consistant en 47 louis en argent, et autres effets, appartenant à un capitaine d'artillerie qui voulait émigrer, et qu'il a dénoncé.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'aliénation.)
8° Lettre de Roland, ministre de l'intéreur, qui fait envoi, à la Convention, d'un arrêté du département de Paris, portant dénonciation de deux de ces membres, accusés de s'être emparés d'objets appartenant aux émigrés, dans le cours des inventaires qu'ils ont faits dans leurs maisons.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
9° Lettre du procureur général syndic du département de la Drôme, qui adresse à la Convention deux exemplaires imprimés du procès-ver^ bal des séances de l'assemblée électorale de ce département, pour l'élection des députés à la Convention nationale.
106 Adresse des ci-devant employés à la régie pour la ville de Tours, par laquelle ils exposent que le défaut de secours et de remplacement les a réduits à la plus fâcheuse situation.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des secours.)
11° Lettre et extrait du registre des délibérations du conseil général du département du Bas-Rhin, contenant la suspension provisoire de ses fonctions de procureur syndic du district de Strasbourg le citoyen Popp, et nomme à cette place le citoyen Tisserant.
(La Convention renvoie ces pièces au ministre de l'intérieur.)
12° Adresse des administrateurs du directoire du département de la Lozère, qui envoient à la Convention l'arrêté qui fait mention de leur retour au poste que la loi leur avait assigné à Mende ; ils espèrent y jouir de la paix et de la tranquillité nécessaires à l'exercice de leurs fonctions ;
13° Lettre des administrateurs du directoire du département de Loir-et-Cher, y ioint leur arrêté, contenant les mesures pour l'exécution de la loi du 16 septembre dernier, relative aux grains et farines.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'agriculture et de commerce.
14° Lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, qui fait parvenir à la Convention la copie d'une lettre écrite par le conseil de guerre des places de Civet et de Charlemont, où est relaté un trait d'humanité et de générosité des soldats de la République à l'égard des habitants de ces deux villes. Ces deux lettres sont ainsi conçues :
Citoyen président (1),
« La délibération du conseil de guerre des places de Givet et Charlemont, dont je fais passer copie à la Convention nationale, lui fera connaître un acte de désintéressement digne des soldats de la République. . « Les généreux citoyens qui composent cette garnison, touchés de la détresse à laquelle le défaut de grains réduit les habitants de Givet, prévoyant les besoins de cette place si l'ennemi venait à l'attaquer, ont unanimement refusé l'amélioration du pain de munition accordée par la loi du 2 septembre 1792.
« On ne peut douter, d'après les motifs de ce refus et cet exemple de fraternité entre la garnison et les habitants, que cette ville n'eût partagé la gloire de Lille, si elle eût partagé ses dangers. Je puis le penser avec d'autant plus de fondement que le conseil de guere me charge d'assurer la Convention nationale que ce sacrifice est un des moindres que la garnison des places de Givet et Charlemont est disposée à faire en faveur de la patrie.
Le minitire de la guerre,
« Signé : PACHE. » ,
Copie (2) d'une lettre écrite par le conseil de guerre des places de
Givet et Charlemont, en date du
« La garnison de ces places, instruite par le conseil de guerre qu'une lettre du ministre annonçait un décret qui ordonnait une amélioration dans le pain de munition par l'extraction de quinze livres de son par quintal de farine de pur froment, connaissant par elle-même la détresse où se trouvent les citoyens de cette ville par le défaut de grains depuis que le marché de Charleville ne fournit plus.
« Instruite pareillement que les approvisionnements de la garnison
éprouveraient une diminution sensible par l'exécution de cette loi,
chaque
« Le conseil de guerre, en rendant compte au ministre de cette résolution de la garnison de Givet et Charlemont, le prie de la communiquer
à la Convention nationale en l'assurant que ce sacrifice est un des moindres que la garnison de cette place est prête à faire à la patrie.
« Signé : L'Egron, secrétaire. »
(La Convention ordonne la mention honorable.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée l'état des décrets envoyés aux départements le 30 octobre 1792. Cet état est ainsi conçu :
Etat des décrets (1) de la Convention nationale, envoyés aux départements, par le ministre de l'intérieur, le 30 octobre 1792, l'an Ier de la République française.
DES DECRETS.
29 octobre 1792.
30 octobre 1792.
TITRES DES DECRETS.
Décret de la Convention nationale qui nomme le citoyen Alquier commissaire pour la ville de Lyon, au lieu du citoyen Delacroix.
Décret portant nomination de commissaires pour vérifier s'il y a eu, ou s'il y a à la poste des paquets à l'adresse des départements sous le contreseing de Pétion.
Signé : Roland.
DEPARTEMENTS AUXQUELS L'ENVOI A ÉTÉ FAIT.
Département de Rhône-et-Loire.
Département Paris.
de
OBSERVATIONS.
Ce décret a été porté à, 9 heurs du soir au département en lui recommandant de le faire passer sur-le-champ à la commune et d'en retirer un reçu.
Un membre : Je prie la Convention d'ordonner qu'aussitôt qu'elle aura décrété l'envoi d'une pièce aux départements, il sera adressé sur-le-champ et directement au ministre de l'intérieur un extrait du procès-verbal qui renferme ce décret. Le ministre a fait la demande et je ne vois pas personnellement les raisons qu'il y aurait à ce que satisfaction ne lui soit pas donnée.
Je propose, en outre, que pareille expédition soit faite au ministre de la guerre pour les pièces dont l'envoi sera décrété aux armées.
Un autre membre demande que l'état des décrets envoyés aux départements et que le ministre de 1 intérieur adresse à l'Assemblée, soit imprimé à la suite du Bulletin des décrets qui se distribue tous les matins.
(La Convention décrète ces différentes propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention ordonne qu'aussitôt qu'elle aura décrété l'envoi d'une pièce aux départements, il sera adressé sur-le-champ et directement au ministre de l'intérieur un extrait du procès-verbal qui renferme ce décret. Elle ordonne que pareille expédition sera faite au ministre de la guerre pour les pièces dont l'envoi sera décrété aux armées.
« La Convention ordonne que l'état des décrets envoyés aux départements, et que le ministre de l'intérieur adresse à l'Assemblée, sera imprimé à la suite du Bulletin des décrets qui se distribue tous les matins. »
, au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret concernant l'administration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes (1).
Les six premiers articles sont adoptés dans les termes suivants :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'aliénation, concernant les biens des émigrés, décrète ce qui suit :
TITRE Ier.
De la main-mise sur les biens des émigrés.
Article unique.
« Dans le jour de la publication du présent décret à Pans, et partout
ailleurs dans le jour de sa réception, de laquelle les corps
administratifs et municipaux seront tenus de justifier, les
municipalités mettront, si fait n'a été, sous la main de la nation, les
titres et les biens, tant meubles qu'immeubles, appartenant aux citoyens
absents, autres que les fonctionnaires publics à leur poste, les
soldats-citoyens et les citoyens-soldats étant à leur poste, les
commerçants et artistes notoirement absents pour raison de leur commerce
ou des arts, et ceux qui, domiciliés hors du département où les biens
sont situés, auraient justifié de leur résidence
« Les scellés seront également apposés sur les effets des personnes qui, étant suspectées d'émigration, ne justifieraient pas à l'instant des certificats de résidence exigés par les lois précédentes.
section première.
Des moyens de conserver le mobilier des émigrés,
de connaître l'universalité de leurs biens et droits,
et de recouvrer ce qui peut avoir été soustrait.
Art. 1er.
« Les scellés seront apposés sur les meubles, titres et effets de toute nature, appartenant aux personnes désignées au précédent article, et ce par un commissaire que le directoire de district nommera et qu'il pourra prendre, soit dans son sein, soit hors de son sein ; a Paris, par un commissaire que le département nommera, le tout en présence de deux commissaires de la municipalité du lieu. Il sera établi un gardien solvable pour veiller à la conservation des scellés, lequel gardien ne pourra être choisi parmi les parents, domestiques ou agents desdits émigrés. Dans le cas où les scellés auraient été précédemment apposés, à la requête d'héritiers, créanciers ou autres particuliers, ils seront croisés par le commissaire.
Art. 2.
« Le commissaire donnera acte, sur son pro^ cès-verbal, des réclamations ou oppositions qui pourraient être faites, sans que lesdites oppositions ou réclamations puissent retarder ou suspendre les opérations ordonnées par le présent décret.
Art. 3.
« Les femmes, enfants, pères et mères des absents, conserveront, dané leur habitation personnelle, les meubles meublants, linges et hardes à leur usage seulement, lesquels leur seront laissés sous inventaire, provisoirement, et jusqu'à ce que leurs droits, ou les secours qu'ils pourraient être dans le cas de réclamer, aient été liquidés et réglés.
Art. 4.
« Tous dépositaires publics ou particuliers, tous fermiers, comptables et débiteurs sans exception, seront tenus de déclarer, dans la huitaine de la publication de la présente loi, dans chaque municipalité, les deniers, sommes échues ou à échoir, argenterie, titres et effets de toute nature, qu'ils auront en leur possession, appartenant à des personnes domiciliées hors du district des déclarants, ou qui, étant domiciliées dans le district, sont actuellement absentes de leur domicile.
« Les municipalités seront tenues de faire publier la présente loi le premier jour de dimanche ou de fête qui suivra sa réception, et en outre le premier jour de marché dans les lieux où il y en a d'établi.
Art. 5.
Les déclarations ordonnées par l'article précédent seront faites au greffe de la municipalité, ou devant les commissaires par elle nommés.
Lesdites déclarations seront faites sur papier libre et sans frais; elles seront numérotées par ordre de réception. Il en sera donné au . déclarant une reconnaissance portant le numéro et la date de la déclaration ».
Je demande que les municipalités qui favoriseront les émigrés par de faux certificats de résidence soient sévèrement punies.
(La Convention renvoie cette proposition au comité d'aliénation.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, relative à la suspension de l'envoi des paquets contresignés Pétion, renfermant la délibération faussement dite des 48 sections, et à la nomination des commissaires, conformément à ce qui lui était prescrit par le décret de la veille. H adresse aussi à l'Assemblée le procès-verbal des commissaires.
Ces deux pièces sont ainsi conçues :
Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« Au moment où me parvint hier le décret de la Convention nationale relatif à la suspension de l'envoi des paquets renfermant la délibération, faussement dite des 48 sections, contresignés Pétion, je le fis passer au département qiii, m'en accusant réception, m'a mandé qu'il le notifiait sur-le-champ à la commune.
« Conformément au décret, j'ai nommé des commissaires ; je joins ici le procès verbal qu'ils ont dressé de 1 état des choses.
« Je crois devoir y ajouter quelques observations sur la conduite que j'ai tenue dans cette affaire :
« 1° Il n'y a point de secret violé, puisque rien n'a été ouvert ;
« 2° L'avertissement qui me fut donné de l'expédition et de la nature des paquets de la commune me faisait un devoir d en arrêter l'envoi. J'exécutai le décret du 25 de ce mois, et il n'est rien qui puisse dispenser le pouvoir exécutif dé faire observer une loi rendue : le principe est de rigueur et l'ordre l'exige ;
« 3° Le soin que j'ai eu d'instruire aussitôt la Convention de ce que j'avais fait était un égard, un ménagement même envers la commune, puisqu'il mettait l'Assemblée à même de modifier ou d'annuler son décret par un autre, si elle le jugeait convenable; mais il n'en est pas moins vrai que mon devoir était de poursuivre l'exécution de la loi, que ce devoir est rigoureux et que, tant qu'une loi n'est pas abrogée par une autre loi, aucune considération ne peut, ni ne doit suspendre l'action des ministres, puisqu'elle n'atténue même pas leur responsabilité.
« Le ministre de l'intérieur.
« Signé : Roland. »
Procès-verbal (1) dressé par nous commissaires nommés par le ministre de
l'intérieur, en exécution du décret du 30 de ce mois, et en présence des
citoyens président et administrateurs
« L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le 1M de la République, nous Guillaume-Charles Faipoult et AntoinerFrançois Letellier, en vertu des pouvoirs à nous donnés par le ministre de l'intérieur, nous sommes rendus à 10 heures du matin à la maison de la poste pour vérifier, en présence de deux membres nommés par le conseil général de la commune de Paris, s'il y a eu, ou s'il y a des paquets à l'adresse des départements sous le contreseing de Pétion, comme aussi pour constater le nombre des paquets, s'il y en a, en ouvrir quelques-uns s'il est nécessaire à l'effet de s'assurer de ce qu'ils contiennent.
« Et à onze heures précises, ne s'étant encore présenté aucun commissaire du conseil général ae la commune, nous avons demandé aux citoyens administrateurs des postes s'il y avait effectivement des paquets adressés aux départements ou municipalités sous le contreseing de Pétion?
« Sur la réponse affirmative, ayant requis la production des paquets, nous en avons trouvé cent-vingt trois, tous adressés à diverses munici-cipalités de la République avec le contreseing de Pétion et le cachet de la commune.
« Les citoyens administrateurs des postes nous ont déclaré que lesdits paquets leur ayant été envoyés dans la matinée d'hier, ils en avaient suspendu le départ sur l'ordre du ministre de l'intérieur, contenu dans une lettre du 30 qu'ils ont produite ; ils nous ont ajouté qu'hier, à la réception de cet ordre, tous ces paquets étant répandus dans leurs divers bureaux, pour la distribution du service, ils avaient sur-le-champ fait recueillir tous ceux qui s'y trouvaient, mais qu'il était possible ou que quelques-uns fussent partis, ou que quelques autres fussentehcore dans les bureaux, et pour preuve de cette dernière observation, nous mentionnons ici qu'un paquet, non compris dans les 123 ci-dessus énoncés, nous a été à l'instant rapporté desdits bureaux.
« Après avoir compté et vérifié lesdits paquets, au nombre de cent vingt-quatre, ne croyant pas, en l'absence des commissaires du conseil général de la commune, devoir procéder à l'ouverture d'aucun, nous avons engagé les citoyens administrateurs des postes à les remfermer dans un seul paquet sur lequel ont été apposés les cachets du département de l'intérieur et de l'administration des postes et, laissant ledit paquet entre les mains (lesdits citoyens admiiistrateurs des postes, nous avons dressé le présent procès-verbal que nous les avons requis de signer avec nous et dont nous leur avons laissé une expédition.
« Fait à Paris, aux jour et an ci-dessus.
« Signé : Bron, Ron; Le Tellier, Faipoult;
Mouillefaux; J. Gibert ; Lebrun.
« Vu par moi, ministre de l'intérieur.
« Signé : Roland. »
Je demande là parole.
Avant d'accorder la parole à Pétion, je crois de mon devoir de faire savoir à l'Assemblée qu'une députation du conseil général de la commune ae Paris attend à vos portes et demande à être introduite. La Conven-
tion pensera peut-être avec moi qu'il serait préférable, avant d'entamer toute discussion, d'entendre la déposition que viennent faire ces commissaires.
Un grand nombre de membres : Oui! o,ui! Appuyé 1 appuyé !
donne l'ordre d'introduire à la barre la députation du conseil général de la commune de Paris.
,secrétaire, donne lecture du décret rendu la veille à son occasion ; il est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le ministre de l'intérieur nommera deux commissaires qui se rendront à la poste demain à 10 heures du matin et vérifieront, en présence de deux membres nommés par le conseil général de la commune, s'il y a eu, ou s'il y a des paquets à l'adresse des départements, sous le contreseing de Pétion ; ils constateront le nombre de paquets, s'il y en a; en ouvriront quelques-uns, s'il est nécessaire, pour s'assurer de ce qu'ils contiennent et du tout dresseront procès-verbal.
Art. 2.
« Dix membres du conseil général de la commune se rendront à sa barre demain à midi, pour répondre sur le point de savoir, s'il a donné, ou non des ordres de faire parvenir pav la poste et sous le contreseing de Pétion, aux départements ou municipalités, des exemplaires de l'adresse présentée au nom des sections de Paris le 19 de ce mois, et qui a été improuvée par la Convention nationale.
Art. 3.
« Le procès-verbal qui sera dressé par les commissaires sera remis au ministre de l'intérieur, qui le fera parvenir, sans délai, à la Convention nationale. »
Citoyen Chaumet, vous avez la parole.
Anaxagoras Chaumet. Si la justice et la vérité étaient exilées de la terre, ce serait ici qu'on pourrait les retrouver. Je prie, au nom du salut et de la tranquillité publique, les citoyens législateurs de vouloir m'entendre jusqu'au bout. Le décret de la : Convention nous a été signifié à midi moins un quart par Boucher-René. Des commissaires ont été envoyés à la poste. Nous serions venus sur-le-champ, si nous n'avions été obligés de compulser des registres qui nous missent dans le cas de donner des éclaircissements à la Convention. Il faut vous rappeler ce qu'est aujourd'hui le conseil général de la commune. Au 10 août, il était composé d'hommes vigoureusement patriotes ; c'étaient des hommes fermes dans les principes. Quelque temps après, le conseil changea de face. Eh bien l la face du conseil est encore changée depuis. Le petit nombre d'hommes qui composent le conseil est bien décidé à faire cesser cette lutte exécrable de quelques anarchistes.
Les lâches sont toujours cruels : ils ont quitté leur poste ; ceux qui sont restés se sont écriés tous : Périsse le conseil de la commune, plutôt que la tranquillité publique soit troublée, que le salut du peuple soit compromis! Voilà la vérité.
Pendant la quinzaine qui vient de s'écouler, tous les jours on a cherché à jeter des semences d'insurrection. Hier encore, des agitateurs provoquaient le peuple. 11 y a eu des prévaricateurs dans la commune; oui, il y en a eu, il faut qu'ils soient punis : et le petit nombre d'hommes purs qui siègent à ce conseil les mettra sous la hache ae la loi. {Vifs applaudissements.) Oui; mais tout le conseil n'est pas coupable. Ahl vous ne confondrez pas lès innocents avec les coupables !
Plusieurs membres : Non l non 1
Anaxagoras Chaumet. Nous voulons sortir purs du conseil général, nous voulons que la loi soit respectée; nous dénoncerons nous-mêmes ceux d'entre nous qui seraient des prévaricateurs. (Nouveaux applaudissements.) Nous sommes chargés d'un dépôt précieux. Si malheureusement on altère la confiance des citoyens en nous, comment voulez-vous que nous arrêtions les provocateurs au meurtre ? ( Vifs applaudissements )
Il serait pourtant temps de sévir!
Plusieurs membres : Voilà l'intention des législateurs.
Anaxagoras Chaumet. Aussitôt que le conseil général a eu connaissance de votre loi, il s'est empressé d'y obéir et en a arrêté l'envoi aux 48 sections.
Quant au contreseing de Pétion, dont on s'était servi, j'observe que c est un usage établi dans les bureaux, et qu'il était constamment suivi longtemps avant le 10 août.
Je dois maintenant m'expliquer sur l'envoi de cette pétition ; législateurs, vous saurez la vérité : cette pétition n'était point l'ouvrage de toutes les sections, mais seulement de la majorité. Une députation se présenta au conseil général, en fit lecture et en demanda l'envoi à toutes les.com-munes de la République. Peu de membres étaient de cet avis ; et voici ce que répondit le président du conseil général à cette députation : « Prenez garde, citoyens; tout à l'heure on discute cette loi sur la force armée; vous n'avez droit que d'émettre votre opinion. L'esprit de la Convention nationale est pur : quelques orages peuvent l'obscurcir, mais bientôt il reparaît dans tout son éclat. Ne murmurez donc pas; obéissez à la loi. »
Alors la députation observa qu'elle parlait au nom de toutes les sections ; que nous étions leurs mandataires; que nous devions émettre leur vœu ; que nous ne pouvions pas y résister. Le conseil général se crut obligé de se rendre à ce vœu et d'ordonner l'impression et l'envoi demandés; peut-être a-t-il erré, mais il s'est soumis à la loi aussitôt qu'il l'a connue.
Voici, d'ailleurs, le texte de l'arrêté qui fut pris. Coutombeau va vous le lire.
Coutombeau, secrétaire-greffier, donne lecture de cet arrêté; il est ainsi conçu :
commune de paris.
Du
Extrait (1) du registre des délibérations du conseil général.
« Le secrétaire-greffier fait lecture d'un décret, de la Convention
nationale qui casse et annule
« Il a été demandé que, d'après cette loi, l'impression et l'envoi fussent arrêtés sur-le-champj quelques membres ont pensé qu'il n'était ici question que de payer les frais de l'impression et que les 48 sections y pourvoiraient.
« Il a été répondu que le décret défendait absolument l'envoi de cette adresse comme coû-traire aux lois.
« Le conseil général, par respect pour la loi, passe à l'ordre au jour sur toutes discussions à cet égard.
« Arrêté l'envoi de la loi aux 48 sections. {Applaudissements.)
« Signé : Chaumet, vice-président, Coutombeau, secrétaire-greffier par intérim.
» Pour extrait conforme :
« Le secrétaire-greffier par intérim, « Signé : coutombeau. »
Je m'oppose à ce qu'il soit fait aucune interpellation aux membres de la commune qui sont à la barre. Ils en ont assez dit pour intéresser votre justice ; c'est cette justice que je réclame, en demandant qu'ils soient admis aux honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Anaxagoras Chaumet reprend : Citoyen président, il y a quinze jours, la même majorité des membres du conseil général demanda à la Convention la permission de paraître devant elle. Gensonné interpréta en sens contraire les motifs ^de notre pétition. Nous venions vous demander dé nous aider à arrêter les projets des malveillants, de ces hommes dangereux qui se saturent... j'allais dire de crimes; mais le crime ne doit pas se présumer. (Applaudissements.)
Les hommes dont les intentions sont pures sont dignes de l'estime des hommes de bien. Si le conseil général avait commis une erreur, les sentiments que vous venez de manifester suffiraient pour la faire oublier. {Applaudissements.) Si un décret ne m'en interdisait la faculté, je vous aurais déjà invités à la séance. Je vais consulter la Convention. Je mets aux voix la 'proposition de Gensonné.
(La Convention décrète que les membres du conseil de la commune de Paris seront admis à la séance.)
(Ils entrent au milieu des applaudissements réitérés.)
cède le fauteuil à Delacroix, ancien président.
présidence de delacroix, ancien président.
Je mets aux voix l'ordre du jour réclamé sur le délit commis par l'envoi à la poste des paquets contresignés Pétion.
(La Convention prononce l'ordre du jour.)
Un membre : Je demande que la députation qui a paru à la barre soit autorisée à se ressaisir des paquets.
Un autre membre : Je m'oppose à cette proposition, les paquets peuvent contenir autre chose que l'adresse des sections. Je demande qu'ils soient ouverts en présence des commissaires
nommés par le ministre de l'intérieur et par la commune.
Anaxagoras Chaumet. Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Anaxagoras Chaumet. On a eu raison de faire cette proposition. Nous le demandons nous-mêmes : s il y a délit, il faut qu'il soit connu ; s'il y a fraude, il faut que celui qui en sera trouvé coupable soit puni; mais aussi, si rien n'accuse le conseil général, il faudra qu'il soit lavé. (Applaudissements.)
(La Convention rejette la proposition de faire retirer les paquets par les membres du conseil.)
Je vais mettre aux voix la nomination des commissaires pour procéder à l'ouverture des-paquets.
Je demande la parole pour un fait. Citoyens, semblable question s'est deux fois présentée dans l'Assemblee constituante; on apporta sur son bureau des paquets que l'Assemblée savait contenir des libelles incendiaires, des protestations contre ses décrets. Fidèle aux principes de l'inviolabilité du secret des lettres, l'Assemblée constituante ne voulut point qu'ils fussent ouverts.
Je demande la question préalable sur l'ouverture des paquets. La Convention en a arrêté l'envoi, parce qu il était illégal ; elle savait bien qu'il contenait une adresse des sections.
Un membre : Je le conteste, moi; je l'ignorais absolument.
Si quelqu'un croit que ces paquets recèlent quelques indices de conspiration, qu'il se présente et le dénonce. (Murmures.) Quant à moi, je ne connais que les principes : vous avez voulu empêcher l'envoi frauduleux, là se bornait votre surveillance ; mais je m'oppose à l'ouverture, comme illégale, attentatoire à la Déclaration des droits, à celui de la propriété, et je demande la question préalable sur la proposition.
J'appuie l'opinion de Lasouree et observe qu'en suivant au pied de la lettre le décret d'hier, les commissaires pouvaient procéder à l'ouverture de ces paquets ; mais qu'ils ne l'ont pas cru nécessaire, et qu'il leur était réservé d'en juger la nécessité.
La discussion est fermée. Avant de remettre aux voix la nomination des commissaires pour procéder à l'ouverture des paquets, je dois faire observer qu'une proposition préjudicielle a été formulée par Lasouree, qui consisterait à prononcer l'ordre du jour et à passer outre à cette nomination. C'est cette proposition préjudicielle que je mets d'abord aux voix.
La Convention, après deux épreuves, passe à l'ordre du jour sur l'ouverture des paquets, et rend le décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu la lecture de l'arrêté de la commune de Paris, du 30 octobre, passe à l'ordre du jour sur le délit de cette commune, compris dans l'envoi à la poste des paquets arrêtés hier par ordre du ministre de l'intérieur. »
secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, au sujet de la dilapidation que la section des Sans-Culottes fait commettre en ce moment dans les églises de Saint-Victor et de Saint-Nicolas-du-Chardon-net, et des mesures qu'il a prises pour arrêter
et poursuivre ces délits; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« Je crois devoir vous adresser la copie ci-jointe de la lettre que j'écris à l'instant au département de Paris.
« Je vous prie de vouloir bien la mettre sous les yeux de la Convention nationale, en lui observant qu'il me revient des plaintes très fréquentes de la nature de celle-ci, ce qui multiplie beaucoup les détails et, plus encore, les désagréments de mon administration.
« Le ministre de l'intérieur,
« Signé : Roland. »
Copie de la lettre de Roland, ministre de l'intérieur (2), à MM. les
administrateurs du directoire du département de Paris, du
« Je suis informé à l'instant, Messieurs, que la section des Sans-Culottes fait tout bouleverser en ce moment dans les églises de Saint-Victor et de Saint-Jean-du-Charaonnet, que l'on y enlève les grilles et que, par là, on y expose des monuments précieux à des dégradations irréparables.
« Je vous préviens de ces excès. Je vous charge d'employer tous les moyens qui sont dans vos mains pour en arrêter sur-le-champ les suites et même de dénoncer à l'accusateur public les moteurs et fauteurs de cette dilapidation et de m'informer de ce que vous aurez fait à cet égard.
« Je mets spécialement cette affaire sous votre responsabilité et je vais envoyer copie de cette lettre à la Convention nationale.
« Signé : Roland.
« Pour copie conforme :
« Signé : roland. »
Le même secrétaire donne lecture d'une pétition du sieur Goret, citoyen de la section du Pan-tkéon-Français, qui demande à la Convention qu'il soit accordé au juge de paix de cette section, devant lequel il a porté plainte contre Panis, membre ae la Convention nationale, la faculté de le poursuivre ; cette pétition est ainsi conçue :
« Citoyens représentants,
« C'est la troisième pétition que j'adresse pour obtenir ce qui ne peut m'être refusé : c'est de poursuivre au criminel la plainte que j'ai formée le 26 septembre dernier contre Panis, devant le juge de paix de la section du Pont-Neuf. Le juge de paix et le directeur du jury ont refusé de suivre ma plainte sans un décret du Corps législatif. Prouvez,.représentants, que nous sommes sous le règne des lois et de la liberté; autrement il ne me reste qu'à fuir les hommes.
« Signé : GORET, rue de Bièvre. »
demande l'ordre du jour sur cette
J'appuie L'ordre--du jour d'après les mêmes principes. Je ne crois pas que la nomination d'un citoyen à la Convention nationale doive être pour lui un brevet d'impunité, et je crois que nous devons être soumis à la loi comme les autres citoyens. (Applaudissements.) Je crois que notre inviolabilité ne porte que sur nos opinions dans l'exercice de nos fonctions, et qu'on peut exercer contre nous toutes poursuites pour des délits hors de nos fonctions, jusqu'au mandat d'arrêt; mais que la Convention nationale seule a le droit d'ordonner l'arrestation.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour, motivé sur la loi existante.
demande le renvoi de la pétition au ministre de la justice, pour donner au juge de paix toutes les instructions nécessaires.
Un membre demande la priorité pour cette dernière proposition.
demande l'ordre du jour motivé purement et simplement sur la loi. Il pense que la proposition de Lanjuinais tendrait à faire une nouvelle loi ; et on ne peut pas, a-t-il dit, faire une loi pour interpréter la loi qui existe.
insiste sur sa proposition : pour ne donner lieu à aucun équivoque, il rappelle l'exemple du juge d» paix Lariviere.
et, aprèslui, Lasonree expliquent les motifs qui ont déterminé la décision de l'Assemblée législative à l'égard de Larivière. Ils exposent qu'elle avait été motivée sur ce que ce juge de paix avait outrepassé la loi.
(La Convention accorde la priorité à la proposition Lanjuinais et l'adopte.) Suit le texte définitif du décret rendu : « Sur la pétition du citoyen Goret, qui expose que le juge de paix auquel il a présenté plainte contre le citoyen Panis, membre de la Convention nationale, a constamment refusé de la recevoir et d'y donner suite faute d'y être autorisé par un décret, la Convention passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que le juge de paix a dû recevoir la plainte et y donner suite, jusqu'au mandat d'amener exclusivement, sauf à rendre compte de l'affaire à l'Assemblée nationale avant de donner le mandat d'amener, s'il y a lieu de le prononcer. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui donne connaissance de la demande que fait le général Custine du titre de citoyen français et d'une pension pour le docteur Bohemer, de Gottingue, mais résidant à Mayence, auteur d'un journal très utile au progrès de la liberté et de la raison. Ce savant sollicite lui-même cette faveur par une pétition particulière.
convertit en motion la demande du ministre.
(La Convention renvoie cette affaire aux comités diplomatique et des finances réunis.)
, ministre de] l'intérieur, qui est entré dans la salle pendant la lecture de cette lettre, demande la parole.
La Convention doit encore entendre un rapport de son comité diplomatique ;
mais auparavant,;citoyen Roland, tu as la parole (1).
,ministre de l'intérieur. Citoyens, l'une des causes de l'agitation est celle des grains ; j'ai rendu compte de l'emploi des 12 millions qui m'avaient été confiés sur ce sujet.
14,070,000 livres seraient encore nécessaires pour ces approvisionnements. J'ai fait une avance de 2,200,000 livres ; voici le tableau des départements qui ont reçif les diverses sommes qui composent cette avance.
11 dépose ce tableau sur le bureau de l'Assemblée.) ;
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité des finances.)
Le même ministre soumet ensuite à l'Assemblée la question de savoir « ce qu'on doit faire des grains achetés pour l'approvisionnement de Paris en cas de siège. »
(La Convention en ordonne le renvoi aux comités d'agriculture et de commerce réunis,)
Une députation des membres du département de Paris est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Citoyens, nous obéissons à votre décret relatif aux comptes de la Maison de secours ; la faillite eut lieu le 12 mars, et ce ne fut qu'au renouvellement du département que l'on a pu vérifier l'actif de cette banque; jusque-là, rien n'avait été fait. Voici donc quel en est l'état actif : il se monte à 1,267,059 liv. 7 s. 6 d. ; il est composé de différentes créances, dont quelques-unes douteuses, d'autres en litige, d'autres sont en pays étranger, et par cela même opposent des difficultés au recouvrement. Le nommé Vaucher, l'un des gérants de cette caisse, qui est en fuite avec ce qu'il a pu réaliser, écrit aujourd'hui à divers débiteurs pour que ces créances étran-^ gères lui soient remises.
Mais ce qui reste en circulation de ces billets est d'environ 2 millions p Maintenant, se-ront-ce les pauvres habitants de Paris qui doivent supporter cette perte? nous ne le pensons pas : lorsque l'Assemblée constituante permit la circulation de ces billets, ils furent nécessaires; elle les exempta ensuite du timbre et sanctionna ensuite leur circulation ; dans tous les départements environnants, ils ont été reçus sous le sceau de la République. Il était dans la possibilité de l'Assemblée constituante de prendre d^utres mesures; elle exprimait la volonté générale. Pourquoi, s'il y a des pertes, les seuls habitants de Paris, déjà accablés par les convulsions révo-. lutionnaires, les supporteraient-ils?
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, concernant des hommeè qui, en s'opposant indirectement à l'exécution des lois, ont empêché la découverte de quelques fabrications de faux assignats.
(La Convention renvoie la lettre au ministre des contributions publiques.)
, au nom des comités diplomatique et de la guerre réunis, fait un rapport
et présenté un projet de décret tendant à réclamer la mise en liberté
immédiate des citoyens Grimm, Vallier et
Citoyens,
Votre comité diplomatique et votre comité de la guerre réunis m'ont chargé de vous faire un rapport sur ^affaire des trois officiers suisses, du régiment de Vigier. Depuis le commencement de la Révolution, on a tramé à Soleure contre la nation française ; c'est de Soleure et de Fri-bourg qu'est partie la défense faite au régiment de Vigier de fréquenter les sociétés populaires: La violence exercée contre «ces trois officiers met plus que jamais la conduite des magistrats de Soleure en évidence; et c'est au moment que vous voudriez resserrer les liens de la fraternité avec les cantons, qu'ils vous font cet outrage! Assurément, la République française ne veut pas s'immiscer dans le gouvernement intérieur de Soleure; elle reconnaît la souveraineté de tous les peuples : ce principe sacré est devenu pour elle un dogme politique ; mais le mépris pour ses principes et la persécution de ceux qui les professent sont une véritable atteinte au droit des gens; et la haine de notre Révolution est une véritable infraction au traité d'alliance.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et militaire réunis, décrète ce qui suit :
« Le conseil exécutif provisoire est chargé de faire vérifier au plus tôt les faits relatifs aux citoyens Grimm, Vallier et Brunner, ci-devant officiers dans le régiment de Vigier, au service de France ; et dans le cas où le motif dé leur détention à Soleure serait leur attachement aux principes de la Révolution française, l'agent de la République déclarera au gouvernement de Soleure qu'il réclame leur élargissement, et qu'en cas de refus, la République de France regardera ce procédé comme une infraction aux traités qui unissent les deux puissances. » (La Convention adopte le projet de décret.) , (La séance est levée à quatre heures et demie.)
Séance du er
novembre 1792
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à dix heures.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 25 octobre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction).
Le même secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 31 octobre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
,secrétaire, donne lecture, du procès-Verbal de la séance du mercredi 30 octobre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
secrétaire, donne lecture d'une
Cette lettre est ainsi conçue (1) :
Paris,27 octobre, l'an Ier, de la République.
« Citoyen Président,
« Le général Montesquiou m'a adressé la côn^ vention qu'il a conclue avec les députés de Ger nève, le 22 de, ce mois.
« Comme plusieurs articles de cette convention ont paru inutiles ou susceptibles de modifications, le conseil exécutif provisoire a déterminé qu'il serait envoyé au général Montesquiou des observations sur les changements à y faire. Un courrier vient d'être en conséquence expédié à ce général.
« Aussitôt que les articles convenus et modifiés m'auront été renvoyés, je me hâterai, citoyen Président, de les présenter à la Convention nationale et de les soumettre à sa ratification.
« Le minitre des affaires étrangères.
Signé : LEBRUN. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du citoyen Pacha, ministre âe la guerre, relative à 9 volontaires du. bataillon de la section de la République de la ville de Paris, inculpés d'avoir assassiné à Rethel 4 déserteurs étrangers; elle est ainsi conçue :
Paris, le
« Citoyen Président,
« J'ai l'honneur de rendre compte à la Convention nationale que le 25 octobre au soir sont arrivés à Paris 9 volontaires du bataillon de la République nommés Pierre Reverdy, François Chambot, Claude Grégoire, Etienne Thessier, René Alsarot, Denis Pezard, Charles Noux, Philippe la Bouglisse et Michel Thevenin, tous prévenus d'avoir participé au meurtre des 4 déserteurs étrangers, ou français émigrés : ils avaient été remis à Mézières par ordre du général Bournonville, à un maréchal des logis de gendarmerie nationale, pour les amener à Paris, avec 2 brigadiers et 18 gendarmes ; le commandant de cette escorte est venu m'informer qu'il les avait conduits dans les prisons de l'Abbaye Saint-Germain, et m'a rendu compte qu'il était dépositaire d'un procès-verbal contenant des dispositions contre les prévenus, et quelques effets appartenant, les uns aux individus tués, les autres à ceux qui sont accusés de les avoir tués. Je l'ai chargé de remettre les effets au greffe criminel le plus voisin de la prison où ils sont détenus. J'attendrai ce que la Convention nationale jugera à propos de décider relativement à ces accusés, pour m'y conformer.
« Je suis, etc...
Signé : PACHE. »
Je ne conçois pas pourquoi, au mé-
Le ministre nous a dit que les prisonniers étaient des prussiens. J'interpelle Thuriot de déclarer s'il sait que ces prisonniers sont des français.
Je me borne à répéter qu'une lettre du président du tribunal criminel écrite au président de la Convention, constate que ces prisonniers ont déclaré s'être enrôlés pour l'armée française, et que c'est, malgré eux, qu'on les a conduits chez l'ennemi. J'ajoute quej ai eu l'occasion, dans les fonctions dont je suis chargé auprès de ce tribunal, de contrôler ces renseignements et de me rendre compte qu'ils étaient exacts.
La lettre du président du tribunal criminel est là; l'immensité des pièces accumulées sur le bureau n'a pas permis aux secrétaires d'en donner Connaissance à la Convention.
J'affirme le fait, et c'est pourquoi je demande le renvoi au comité de sûreté générale pour en faire son rapport le plus tôt possible. Il faut savoir les raisons qui ont déterminé le transport de ces militaires à Paris. Il faut qu'ils soient punis s'ils sont coupables, et qu'ils soient élargis s'ils sont innocents.
Je demande la question préalable sur la proposition du préopinant, et voici mes motifs : Nous sommes ici pour faire des lois, et non pour nous occuper d'objets qui sont absolument étrangers à notre mission. Nous sommes ici pour faire notre métier, et non celui des autres. Nous ne devons point entraver les opérations des ministres, et rendre, par là, leur responsabilité illusoire.
Citoyens, il semble qu'il existe une conjuration contre la Convention elle-même.
Plusieurs membres. Oui 1 oui !
Cette conjuration tend à jeter le désordre dans la République, la désorganisation dans le gouvernement. On fait des efforts multipliés pour nous diviser, parce qu'on sait que la division de la Convention entraîne après elle le déchirement de la République ; (Applaudissements| mais tous les citoyens qui m'entendent savent que ce sera en vain que l'on tentera de nous diviser; qu'on n'y réussira point. (Vifs applaudissements.)
Je dénonce à mon tour la dénonciation du ci-toyen Thuriot; car je suis fermement persuadé,
et tous leâ honnêtes citoyens de Paris, qui assistent à îlôè Séances, savent aussi qué jamais on ne parviendra à renouveler les scènes horribleis qui ont eu lieu dans cette ville, et dont l'Eu- I rope entière a frémi. (Applaudissements.)
Citoyens, faisons une sainte conjuration contre les agitateurs de la Convention. (Applaudissements au centre et murmures à l'extrême gauche.) Et ceci n'est point une tournure Oratoire; je suis persuadé jusqu'au fond de l'âme de cette vérité, qu'il y a un projet formé de tourmenter la Convention, de lui faire perdre un temps précieux, de s'efforcèr de l'avilir; de nous charger d'une foule d'affaires que nous ne pourrons terminer, et de retarder ainsi l'époque qui doit faire le bonheur de tous.
Jé lé répète, On veut nous diviser, nous égarer, nous dominer : je dis nous dominer; et croyez, citoyens, qu'il est des hommes qui se tiennent à l'écart, et fondent leur espoir sur les troubles excités dans notre sein, ils épient notre conduite, ils cherchent à en profiter pour l'exécution de leurs projets ; ils se découvriraient àU moment qu'ils croiraient favorable. (Applaudissements.) Il est temps que vous remontiez à la source de ces désordres, que vous en détruisiez fe germe, que vous en punissiez les auteurs (Applaudissements.)
Le sort, je ne dis pas des 25 millions d'hommes de la République Française, mais des 100 millions d'hommes qui habitent l'Europe, dépend de la conduite que nous allons tenir. (Applau-disements.)
Je demande l'exécution de trois de vos décrets à cet égard ; je demande que votre comité de sûreté générale vous fasse enfin le rapport que votre décret lui enjoignait de présenter sous trois jours. 11 est temps que nous connaissions le projet du comité sur Cet homme dont le nom est une injure, la vie un tissu de crimes, et la présence dans cette assemblée un scandale. (Vifs applaudissements.) Je demande qu'il soit fait séance tenante. (Applaudissements.)
Je demande avant de passer aux voix sur ces différentes propositions à donner lecture d'une lettre du président de la section des Tuileries qui édifiera l'Assemblée sur les provocations au pillage et à l'assassinat contre lesquelles il serait temps enfin de prendre d'énergiques mesures.
Un grand nombre de membres : Lisez ! lisez !
Voici cette lettre :
er novembre
1792
« Citoyen Président,
Des scélérats prêchaient hier au même moment, dans différents points de Paris, le pillage et l'assassinat. Leurs provocations criminelles, dénoncées par écrit à la section; étaient faites à la fois au Palais de la Révolution, rue Bas-du-Rec, au Marais; dans l'église Saint-Eustache et sur la terrasse des Feuillants. De bons citoyens, par leurs exhortations fraternelles à leurs concitoyens, ont fait manquer l'effet de ces provocations, aont les auteurs ont disparu. La section des Tuileries, dont une des principales : occupations est de déjouer les complots des malveillants, par une vigilance active et soutenue, a pris les mesures convenables pour prévenir toute espèce de désordres, Au nombre des moyens qu'elle a employés est l'adresse ci-jointe,
dont elle vous prie, citoyen Président, de donner connaissance à la Convention nationale.
«. Signé : Grouvelle, Président dé",la section des Tuileries; Baudoin et Froidure. »
donne également lecture de l'adresse tendant à prévenir les bons citoyens contre les suggestions des agitateurs. ( Vifs applaudissements.)
Un des moyens les plus puissants d'arrêter les agitations dont tous les bons citoyens se plaignent; de déjouer toutes les manœuvres des conspirateurs, ue détruire toutes les espèces d'aristocratie, d'arrêter tous les germes de discours, c'est de prononcer sur le sort d'un homme qui a compromis celui de la France entière. Il iaut que la Convention prononce enfin sur le sort de celui qui a exposé 25 millions d'hommes à devenir les victimes des tyrans. J'appuie, certes, la proposition formulée par Kersaint, mais je demande également qu'on s'occupe du jugement du ci-devant roi (,Applaudissements) et que le comité de législation présente Son rapport très incessamment.
Le rapporteur du comité de législation a demandé qu'il lui fut accordé jusqu'à ce soir pour faire son rapport au comité. Le comité a discuté pendant 7 jours sur cet objet et il n'est arrivé à aucun résultat. Je crois pourtant qu'il sera en état de présenter mercredi prochain ses décisions à la Convention ; je demande donc l'ajournement du rapport à mercredi.
J'accepte le renvoi; mais je demande à être entendu ce jour-là, dans le cas où le rapport ne serait pas prêt.
rappelle les différentes propositions qui sont adoptées dans les termes suivants : « La Convention décrète que le rapport sur l'accusation intentée contre Marat sera fait aujourd'hui et séance tenante. »
« La Convention décrète que le rapport sur Louis XVI sera fait mercredi prochain et que si le rapporteur n'était pas alors prêt, tout membre aura ce même jour la parole sur le jugement de Louis XVI. »
« La Convention prononce le renvoi au comité de sûreté générale de la proposition de Thuriot, en y joignant celui de la guerre. »
,secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du citoyen Monge, ministre de la marine, qui demande que la Convention nationale décrète que les députés des régiments coloniaux de l'Isle de France et de Pondichéry, recevront une avance de 6 mois de leurs traitements alloués par les conseils d'administration pour frais de leur voyage et séjour en France. 11 transmet la pétition desdits régiments.
(La Convention ajourne à 2 jours, le rapport sur cette pétition et sur la lettre du ministre.)
2e Lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, qui prie l'Assemblée de statuer sur une pétition présentée par les officiers et fusiliers du bataillon de la garde des ports de Paris et expose que le défaut de décision sur cette pétition empêche le ministre d'exécuter la loi du 9 octobre 1791, relative à la fixation de la pension de retraite adjugée à ces mêmes citoyens.
Le même secrétaire annonce en même temps qu'il vient d'être saisi d'une pétition par laquelle ces officiers fusiliers renoncent totalement à
leur pétition, qui retardait le travail du ministre de la guerre.
(La Convention renvoie, en conséquence, toutes ces pièces à ce ministre, pour exécuter la loi du 9 octobre 1791, sans autre retard.)
3° Lettre de Monge, ministre de la marine,, concernant les invalides ci-devant entretenus à Villefranche par le roi de Sardaigne.
(La Convention renvoie la lettre aux comités diplomatique et de marine réunis.)
4° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, contenant un supplément à la liste des départements qui ont terminé tous leurs rôles de contribution foncière.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
5° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, contenant demande de fonds pour le bureau du cadastre général du royaume.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
6° Lettre (TAmelot, administrateur de la caisse de Vextraordinaire, qui annonce un brûlement de 3 millions d'assignats, fait le 27 octobre dernier, et qu'il reste des assignats en circulation pour 2,062,232,495 I. 14 s.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
7° Lettre et observations envoyées par Monge, ministre de la marine, sur la loi du 2 septembre dernier, concernant le service personnel dans la garde nationale, exigé des officiers administrateurs de la marine.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de la marine et de législation réunis.)
8° Lettre et copie de pièces, envoyées par Monge, ministre de la marine, relatives au projet d'un bassin-port dans l'anse de Saint-Père, près Saint-Malo.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de marine.)
9° Lettre et pièces envoyées par Monge, ministre de la marine, au soutien d'une demande de secours de 28,000 livres pour la maison d'éducation de 160 enfants de pauvres militaires, établie à Liancourt par le citoyen Liancourt.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités d'instruction publique et des finances réunis.)
10° Lettre du citoyen René Boucher, officier municipal de Paris, qui envoie un procès-verbal et une délibération de la municipalité de Paris, au sujet d'un condamné, enlevé à la gendarmerie en la place de Grève.
(La Convention renvoie la lettre au pouvoir exécutif.)
11° Lettre des administrateurs du département de l'Indre, qui rendent compte de ce qu'ils ont fait pour contribuer à maintenir la tranquillité publique dans le département du Cher.
(La Convention renvoie la lettre au pouvoir exécutif provisoire.)
12°Pétition du citoyen Graindorge, pour lui et autres pèlerins de Saint-Jacques ; ils demandent le rétablissement de deux décrets rendus en leur faveur au mois d'août dernier, pour exclure des biens nationaux, comme propriétés privées, les biens-fonds qu'ils possèdent comme pèlerins de Saint-Jacques, décrets qu'ils soutiennent avoir été omis aux procès-verbaux.
(La Convention renvoie la pétition aux comités des décrets et de l'aliénation des domaines réunis.)
13° Pétition des administrateurs dù département du Morbihan, qui demandent un décret qui oblige à produire un certificat de civisme pour être admis à exercer les fonctions de notaire public.
convertit cette pétition en motion.
(La Convention adopte la motion de Camus.
Suit le texte définitif du décret rendu :
« Tous les citoyens appelés à l'exercice des fonctions de notaire public, en vertu de la loi sur l'organisation du notariat, du 6 octobre 1791, ne pourront y être admis qu'en produisant un certificat de civisme donné par le conseil général de la commune du lieu de leur résidence, vérifié et approuvé par les directoires de district et de département.
« Tous les notaires provisoirement maintenus ne pourront continuer l'exercice de leurs fonctions, qu'en produisant pareillement un certificat de civisme du conseil général de la commune du lieu de leur résidence, vérifié et approuvé par les directoires de district et de département.
« Ces certificats seront fournis dans la huitaine du renouvellement des corps administratifs et municipaux. »
14° Lettre de Garat, ministre de la justice (1), qui transmet une lettre du citoyen Dubepet, électeur de Montpont (Dordogne) et consulte la Convention pour faire décider sur la validité d'une élection des juges de ce district, faite par 18 électeurs seulement, lorsque le corps électoral aurait dû être de 72 votants; ces deux lettres sont ainsi conçues :
« Paris, ce
« Citoyen Président,
c Au mois de septembre dernier, il a été arrêté
sar le corps électoral du département de la Dor-
ogne que tous les corps administratifs et judiciaires de ce département seraient renouvelés et que les électeurs se retireraient à cet eifet dans leurs districts respectifs : ceux du district de Montpont convinrent verbalement de se réunir au chef-lieu le 23 septembre, mais sur 8 cantons qui devaient fournir 72 électeurs, 3 seulement en envoyèrent 18, qui procédèrent au renouvellement des membres du tribunal de Montpont, à l'exception du commissaire du pouvoir exécutif qui n'est point encore nommé. Les 5 autres cantons n'eurent aucune part à cette réunion.
« Je suis consulté sur la question de savoir si elle est régulière : Les anciens membres en exercice près ce tribunal doivent-ils abandonner leurs fonctions aux citoyens élus par une si petite minorité, ou faut-il procéder à une nouvelle élection ? C'est à la Convention nationale qu'il appartient de prononcer sur cet objet. Je vous prie, citoyen Président, de le soumettre à sa décision.
« Le ministre de la justice, « Signé : garat. »
« Monsieur,
« Si ^correspondance a été interrompue, c'est que les administrateurs de notre district n'ont pas encore nommé de commissaire provisoire; ils en ont été empêchés sans doute par le changement que vient de faire la très petite minorité des électeurs de notre district, c'est-à-dire 18 sur 72 : il fut arrêté par le corps électoral du département de la Dordogne, dont je suis membre, qu'on renouvellerait tous les corps constitués et que sans désemparer on renouvellerait le département et le tribunal criminel ; que les opérations finies, les électeurs se retireraient dans leurs districts respectifs pour faire la même opération; les électeurs de notre district convinrent verbalement qu'ils s'assembleraient au chef-lieu le 23 du courant, mais soit le mauvais temps, soit un décret du Corps législatif qui parut dans les nouvelles publiques qui improuvait la conduite des 'assemblées électorales qui avaient fait de pareils changements, pas un électeur de 5 cantons sur 8 ne se rendit au jour indiqué verbalement : il n'y eut que 18 électeurs des 3 cantons sur 30 des plus voisins du chef-lieu qui s'y rendirent et qui procédèrent au renouvellement. Il est bon de vous observer, Monsieur, que le jour indiqué fut si mauvais ainsi que ceux qui l'avaient précédé, que les eaux étaient débordées et qu'il était presque impossible à la majeure partie des électeurs de se rendre; ils m'ont chargé, Monsieur, de vous consulter si ces élections étaient légitimes : le tribunal doit-il abandonner les places que le peuple lui a données, aux nouveaux élus, par une si petite minorité; ne doit-il pas, au contraire, y avoir une nouvelle élection? C'est sur quoi nous vous prions de donner votre avis et de le faire décider par la Convention nationale si vous le jugez nécessaire.
m J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, t Signé : DubepEt, électeur.
« A Montpont, le 19 septembre 1792, l'an IV* de la liberté et le 1er de 1 égalité. >
Un membre observe que le droit des électeurs absents est dévolu aux présents et qu'il est important de maintenir ce principe; il demande l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
secrétaire, donne lecture d'une lettre ae Roland, ministre de l'intérieur, qui envoie à la Convention trois paquets cachetés, étiquetés par le ci-devant citoyen Bonnay, émigré, comme devant être brûlés après sa mort, sans être ouverts, en conséquence du respect dû aux morts; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, ce er
novembre 1792
« Monsieur le Président (2),
« Des commissaires du conseil d'administra-
« Signé : Bonnay.
« Le refus qui fut fait d'ouvrir l'armoire où était renfermé ce coffre et la nécessité où se trouvèrent les commissaires de la faire ouvrir par un serrurier, m'ont porté à croire que le paquet dont il s'agit pouvait intéresser le salut ae la République. J'ai cru, dans cette opinion, devoir écrire aux commissaires de me faire passer ces papiers pour les soumettre, dans l'état où ils sont, à fa sagesse de la Convention. Je viens de les recevoir et je m'empresse de les lui transmettre, en m'en rapportant à l'usage qu'elle jugera dans sa prudence devoir en faire.
« Le ministre de l'intérieur, « Signé : Roland. »
(de Thionville). Je demande que l'intention de celui qui a fermé ces paquets soit remplie, et que nous donnions à Roland lui-même l'exemple de nepoint violerles secrets des lettres. (Murmures.)
C'est en qualité de député de la Nièvre que je demanaela parole. Je la demande pour combattre la proposition de Merlin. Bonnay, dans le département de la Nièvre, était le chef de la ci-devant noblesse presque toute émigrée. Il y avait Ja même influence qu'il avait su se procurer dans l'Assemblée constituante, par son flegme imposant. Il entretenait les correspondances les plus détaillées et les plus importantes, je ne dis pas seulement avec les aristocrates de la Nièvre, qui étaient en grand nombre, mais avec les conspirateurs des Tuileries et de Coblentz; car vous n'avez pas oublié que Bonnay avait été garde du corps, et en avait conservé toutes les inclinations, avec l'esprit royaliste et antirévolutionnaire. Je demande que ces paquets soient renvoyés au comité de sûreté générale qui les ouvrira et vous en fera son rapport.
J'ajoute aux considérations particulières à Bonnay des vues générales qui rassureront ceux qui croient que cette ouverture pourrait être une violation du secret. Le salut public est la suprême, la dernière loi. Nous pourchassons les émigrés, et si nous refusions d'ouvrir leurs papiers, nous ne trouverions aucun renseignement. Nous avons un grand procès-qui va se juger; nous ne devons rien négliger de ce qui peut éclairer la République, l'Europe, l'Univers sur cette affaire. On distinguera bien au comité si ce sont des choses à ensevelir ou à révéler. J'appuie donc le renvoi au comité de sûreté générale.
(La Convention renvoie ces trois paquets à son comité de sûreté générale
pour en être fait ouverture) (1).
1° Adresse de la section du Panthéon français pour demander si elle peut élire un député pour maire de Paris.
Je demande l'ordre du jour motivé sur ce que les représentants du peuple n'appartiennent ni à un département, ni à une commune, mais à la République entière, et ne peuvent par conséquent être élus à la place de maire de cette ville.
combat cette proposition, trouvant cette demande trop importante pour être ainsi tranchée aussi légèrement et sans rapport. 11 demande le renvoi aux comités de législation et de Constitution réunis. (La Convention décrète le renvoi.) 2° Pétition de plusieurs citoyens contre la loi des 23 et 27 août dernier, concernant les domaines congéables ; ils observent que cette loi, rendue sans discussion, a violé la liberté des conventions, et renversé en un instant la propriété de 400 mille citoyens, qu'elle a transformé de vrais fermiers en propriétaires des biens qu'ils tenaient à ferme, et préparé la voie à la loi agraire; ils demandent la suspension provisoire de l'exécution de cette loi, et, pour éclairer sur la décision définitive le renvoi au comité dé législation.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
3° Pétition relative à l'inscription des citoyens pour la composition du juré, sur la question de savoir si elle continuera dans l'ordre de choses nouvellement établi.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, et d'un arrêté pris par le conseil exécutif provisoire le 24 octobre dernier, enfin, de l'adresse du général Dumouriez à l'armée qu'il commande, et de son manifeste au peuple de la Belgique.
Suit la teneur de ces quatre pièces :
Paris, le er
novembre 1792
Le ministre de la guerre au président de la Convention nationale.
« J'adresse à la Convention nationale la copie d'un arrêté que le conseil exécutif provisoire a pris, en date du 24 octobre.
« J'adresse, de plus, à la Convention un exemplaire de l'adresse du général Dumouriez à l'armée qu'il commande, et son manifeste au peuple de la Belgique.
Extrait du registre des délibérations du conseil exécutif provisoire.
Séance du
Le conseil délibérant sur la situation de la République relativement à la guerre qu'elle a entreprise contre les despotes coalisés ;
« Considérant qu'en vain le patriotisme des citoyens, la valeur des soldats et l'habileté des généraux auraient repoussé au delà des frontières les armées ennemies, si elles pouvaient encore, en s'établissant dans les pays circon-voisins, s'y renforcer avec sécurité et y prépa-
rer impunément les moyens de renouveler incessamment leur funeste invasion ;
« Considérant que toute résolution généreuse et nécessaire pour l'honneur, comme pour la sûreté de la République, ne peut qu'être avouée par la nation et par là Convention nationale :
« Arrête que les armées françaises ne quitteront point les armes et ne prendront point de quartiers d'hiver^ jusqu'à ce que les ennemis de la République aient été repoussés au delà du Rhin. (Applaudissements.) '
« Pour ampliation conforme au registre.
« Signé : GROUVELLE, secrétaire.
« Pour copie conforme, le ministre de la guerre.
Signé : PACHE. »
Adresse à Varmée.
« Généraux, officiers, soldats, estimables compagnons de mes travaux, fiers républicains, chargés de soutenir la gloire de nos armes, nous allons entrer dans un .pays qui nous attend avec impatience, comme ses libérateurs. Nous allons y poursuivre ces barbares Autrichiens, ces perfides émigrés, qui ont porté le fer et la flamme dans nos départements frontières. Nous allons les chasser de ces belles provinces Belgi-ques, qu'ils tiennent depuis si longtemps dans lesclavage.
« Entrons dans ces provinces comme des frères et des lihërateurs : des citoyens libres doivent honorer, par leur conduite généreuse et sage, les armes que la patrie leur confie. Nous sommes les dépositaires de la gloire de la République. Montrons un courage sévère contre les Autrichiens. Montrons une grande douceur envers les prisonniers, une grande fraternité envers les habitants du pays, à moins qu'aveuglés par leur despote, ils ne prennent les armes contre nous, ce qui n'arrivera certainement pas, surtout si nous faisons aimer la liberté par notre discipline, par notre bonne conduite et par notre humanité. » (Applaudissements.)
« Au quartier général,
« Valenciennes, le
« Le général en chef,
Signé : DUMOURIEZ.
Manifeste du général Dumouriez au peuple de, la Belgique.
« Brave nation Belge, vous avez levé avant nous l'étendard de la liberté; mais trompée par ceux de vos concitoyens en qui vous aviez placé votre confiance, abusée par les perfides insinuations des Cours auxquelles vous vous étiez adressée, ou qui s'étaient mêlées dans vos affaires uniquement pour vous agiter, pour embarrasser votre despote et pour vous livrer ensuite à sa vengeance ; victime de la politique insidieuse et cruelle de toutes les Cours de l'Europe, et particulièrement de celle de France, qui regardait votre liberté comme le dernier coup porté au despotime qu'elle voulait rétablir sur nous ; non seulement vous n'avez reçu aucun secours efficace des Français vos voisins, mais vous avez été abandonnée et trahie par les Français mêmes, lorsqu'ils sont entrés dans vos provinces.
fallait que la France eût triomphé du despotisme, en abattant la royauté, il fallait qu'é-
tablie en République, elle eût triomphé des satellites, des despotes, et que leurs nombreuses armées fussent venues se fondre devant les légions des hommes libres et qu'eux-mêmes les poursuivissent jusques dans leur propre territoire, pour que vous puissiez prendre une entière confiance dans la République française, et dans les armées qu'elle envoie à votre secours.
« Nous entrons incessamment sur votre territoire; nous y entrons pour vous aider à planter l'arbre de la liberté, sans nous mêler en rien de la Constitution que vous voudrez adopter.
« Pourvu que vous établissiez la souveraineté du peuple, et que vous renonciez à vivre sous des despotes quelconques, nous serons vos frères, vos amis et vos soutiens. Nous respecterons vos propriétés et vos lois. La plus exacte discipline régnera dans les armées françaises.
« Nous entrons dans vos provinces, pour y poursuivre les barbares Autrichiens qui ont commis dans ce département du Nord les excès les plus atroces. Nos justes armes seront très sévères contre ces indigènes soldats du despotisme. Vous avez aussi des injures, des violences et des crimes à venger : joignez-vous à ndus, pour que nous ne confondions pas les Belges avec les Allemands, dans le c^s où, par apathie, vous les laisseriez maîtres de vos villes, que nous serions obligés de bombarder et de brûler, pour détruire cette horde barbare, qu'il vous est facile de chasser à jamais) si vous joignez vos armes aux nôtres.
« Belges, nous sommes frères, notre cause est la même ; vous avez donné trop de preuves de votre impatience pour le joug, pour que nous ayons à craindre d'être obligés ae vous traiter en ennemis. » (Applaudissements.)
« Le général DUMOURIEZ. »
proclame la liste des membres du comité central comme suit :
Liste des membres qui composent le comité central de la Convention nationale.
NOMS DES COMITÉS
qui ont NOMS
délégué leur commissaire des commissaires.
à la commission centrale.
Législation........................Lanjuinais, président.
Examen des comptes... Jean Borie, secrétaire.
Commerce..........................Lacaze.
Agriculture........................Germignac.
Décrets.........................Poisson.
Domaines —...................Mollevaut,
Liquidation....................Lesterpt-Beauvais.
Secours publics........ Bo.
Instruction publique.,. Durand-Maillane.
Aliénation,..........,. Gauthier.
Colonial,...........;.. Pénières.
Diplomatique...........Grégoire.
Surveillance........... Brival.
Financés. ..............Osselin.
Marine................................Antiboul.
Inspecteur de la Salle.. Calon.
Division............... Bassal.
Correspondance et pétitions ^ ....................Paganel.
Militaire............... Merlin (de Douai.)
, secrétaire, reprend la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée : 1° Adresse des citoyens habitants de Pontivy,
pour demander la prompte formation, à Paris, a'urte garde tirée des 83 départements.
2° Adresse des citoyens, habitants de Saint-Malo, également pressante sur cet objet.
3° Adresse des citoyens habitants d'Avranches, aux représentants des 83 départements sur les agitateurs qui désolent le pays et sur la nécessité de former autour de la, Convention une garde nationale.
4° Adresse du conseil général du département du Finistère aux 48 sections de Paris, Sur les agitateurs et sur les massacres qui ont désolé cette ville; cette adresse est ainsi conçue :
Quimper, le
« Citoyens,
« La République prend l'attitude importante qui lui convient. Nos armées triomphantes nous présagent une paix prochaine. Le fanatisme et l'aristocratie ne sont plus. Les seuls ennemis que nous ayons à combattre sont dans vos murs; chassez tous ces agitateurs du peuple qui'ne le mettent én insurrection que pour l'asservir (Applaudissement») ; et vous ne tarderez pas à jouir, ainsi que toute la Répuplique, de cette tranquillité si nécessaire pour consolider la plus étonnante et la plus avantageuse des révolutions.
m Ces hommes de sang ont osé, en votre nom, provoquer la violation de toutes les lois, et jusqu'à l'assassinat : ils ont, au nom de votre commune, dont ils faisaient partie, poussé l'audace jusqu'à menacer les départements, comme si la quatre-vingt troisième portion de la République, pouvait inspirer un sentiment de terreur à une nation entière qui veut la liberté, mais abhorre l'anarchie.
« Citoyens, nous vous le déclarons avec toute la fermeté républicaine, nous sommes lassés de voir que les hommes généreux qui ont tant fait de sacrifices pour la liberté, deviennent sans cesse le jouet d'une poignée d'ambitieux qui n'ont que le masque du patriotisme. (Applaudissements.) Nous voulons que nos représentants jouissent d'une pleine liberté. Nous sommes tous prêts à marcher pour la leur assurer.
« Citoyens, le sang ne doit plus couler que sous le glaive de la loi. (Applaudissements.) Les listes de proscription doivent disparaître pour jamais de la terre de la liberté. Songez qu'une seule ville ne fait pas la loi à toute la République ; songez à qui appartient la gloire de la journée du 10 août. Croyez-vous que nous n'ayons brisé les fers du despotisme et de la royauté que pour reprendre ceux de ces infâmes intrigants qui veulent la dictature ou le triumvirat? (Applaudissements.) Non, nous voulons la République; nous la voulons tout entière. Défiez-vous donc des agitateurs qui vous trompent:
3ue la Convention nationale puisse travailler
ans le calme à la Constitution qu'elle nous prépare. Si elle ne le trouve pas au milieu de vous, il est d'autrès villes qui sauront le lui procurer.
« Le danger de la patrie, nôtre intérêt, le vôtre, tout nous fait un devoir de rappeler la paix dans le sein de la République. Cette paix tant désirée doit couronner nos pénibles travaux.
« Réunissons toutes, nos forces contre nos ennemis et non pour nous servir des factions qui déjà tant de fois ont ensanglanté la France.
| « Qu'animés désormais d'un même sentiment, et réunis par des liens indestructibles, tous les Français républicains jurent sur l'autel de la liberté de ne reconnaître d'autre autorité que celle de la Convention nationale, et de mourir pour la défendre. » (Vifs applaudissements.)
« Signé : Les administrateurs composant le conseil général du département du Finistère.
, secrétaire. Ces adresses, citoyens, ne sont pàs les seules que la Convention a reçues. Vous voyez votre bureau surchargé aujourd'hui. Je ferai la proposition; pour ce jour seulement, de les renvoyer, ainsi que les pétitions qui les accompagnent, aux comités compétents. Les pétitionnaires n'y perdront rien, puisque des rapports nous seront faits, et vous aurez économisé le temps de l'Assemblée.
(La Convention décrète que les secrétaires sont autorisés pour cette fois seulement, à dégager le bureau de toutes les pétitions^ qui le surchargent en ce jour, et à les renvoyer, suivant la nature des pétitions, aux comités compétents.)
Le même secrétaire annonce ensuite les dons patriotiques et offrandes littéraires dont l'état suit :
1° Les citoyens Plateau, Braille, Vanerel, Du-croisi et Gauthier, secrétaires-commis au bureau des procès-verbaux de la Convention, ont, en vertu de leur soumission, donné chacun 5 livres pour la guerre ;
2° Le citoyen Bourgouin a donné pourles Lillois un assignat ,de 100 sols ;
3° Les citoyens Cousin et Rosier, secrétaires-commis au bureau des procès-verbaux ,ont donné chacun un assignat de 100 sols;
4° Pierre-Boissel, soldat au second bataillon des volontaires des Hautes-Alpes, donne, pourles frais de la guerre, une pièce ae 24 sols;
5° Le citoyen Bertier, commissaire-ordonnateur des guerres à la Rochelle, le citoyen Lasserre, commissaire des guerres au même département, font hommage à la Convention nationale de leur décoration militaire ;
6° Les 42 préposés à la police du commerce extérieur de la capitainerie générale de l'île d'Oléron, ont donné une journée de leurs appointements pour les frais de la guerre, montant à la somme ae 50 livres ;
7° Le citoyen Baron, commandant en chef du second bataillon de la Charente-Inférieure, a fait parvenir sa décoration militaire.
8° Le citoyen Jean-Paul-Marie Sanchely cadet, maréchal de camp aux armées de la République, demeurant à Caraman, a fait parvenir 2 croix de Saint-Louis;
9° Le citoyen Pierre Buays, de Castel-Sagrat, district de Valence, a fait parvenir sa décoration militaire;
10° Le citoyen Pérot, capitaine au 92e régiment d'infanterie, en garnison à Neuf-Brisac, a fait parvenir une somme de 1,175 livres pour les veuves et orphelins de la journée du 10 août, cette somme est en assignats;
11° Le citoyen F. Bour, de Sarre-Louis, a fait parvenir, par l'intermission du citoyen Buisson, 2 assignats de 5 livres, pour le soulagement des braves citoyens de Lille; , 12° Le citoyen Buin, domicilié à Rennes, a fait
déposer par Lanjuinais, député, sa décoration militaire ;
13° Le citoyen Beaulieu fait hommage à l'Assemblée de 750 exemplaires d'une nouvelle rédaction de la Déclaration des droits de l'homme, des deux premiers titres d'un projet de Constitution républicaine, et d'une feuille intitulée Réflexions sur la nécessité d'établir l'enseignement de la science du Gouvernement',
14° Le citoyen Gautier, curé de la Lande de Goult, fait déposer sur le bureau un exemplaire d'une brochure intitulée : de l'Homme.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire. Un premier tri des papiers déposés sur le bureau a dégagé les adresses suivantes, qui toutes félicitent la Convention pour ses premiers décrets et adhèrent à la royauté. Ce sont celles :
1° Des citoyens habitants de Pontoise;
2° Des citoyens de la commune de Champ, dans le 22e canton du district de Grenoble ;
3° Des citoyens de Saint-Sever-Cap ;
4° Du conseil général de la commune de la ville de Lormes ;
5° Des citoyens habitants de Châtillon-sur-Seine ;
6° Du conseil général du district de Mur-de-Barrés;
7° Du conseil général de la commune de Belley ;
8° Des citoyens habitants de Saint-Paul de Léon;
9° Des sociétés patriotiques et populaires de Fou-gèrés, de Guise et de Beauvais.
Un membre : Je demande l'ajournement à demain, pour être mise la première à l'ordre du jour, de l'affaire de Lorient, concernant le meurtre du citoyen Gérard, négociant dans cette ville, qui devait venir en discussion au coeurs de cette séance.
(La Convention' décrète cette proposition.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret sur la saisie et la conservation des biens des émigrés (1).
Sur la présentation de Camus, rapporteur, et après discussion, la Convention adopte les articles 7 à 16 dans la forme'qui suit :
Art. 7.
« Les scellés seront reconnus et levés par des commissaires choisis ou nommés à Paris par le directoire de département; et dans les départements, par le directoire du district, en présence de deux membres ou commissaires de chaque municipalité. Lesdits commissaires en dresseront procès-verbal, et feront un inventaire sommaire des meubles, effets, titres et papiers trouvés sous les scellés.
Art. 8.
« Les titres et papiers inventoriés seront portés ou envoyés sur-le-champ
au directoire du district, qui s'en chargera au bas xle l'inventaire
dressé par les commissaires.
Art. 9.
« Les directoires de département et de district veilleront à la conservation des manuscrits, livres imprimés, tableaux, sculptures, médailles, diamants, pierres gravées, et autres monuments, ainsi qu'ils ont dû le faire pour les objets de cette nature trouvés dans les établissements nationaux supprimés, conformément aux instructions et décrets des 5, 8 novembre et 15 décembre 1790, et au décret du 10 octobre présent mois.
Art. 10.
« L'or, l'argent et le cuivre trouvés sous les scellés, seront, après avoir été pesés et inventoriés, portés aux Hôtels des monnaies, conformément à la loi du 3 septembre dernier. Il sera compté, s'il y a lieu, aux créanciers, de la valeur des objets mentionnés aux deux articles précédents.
Art. 11.
« Il sera dressé des procès-verbaux particuliers pour l'apposition des scellés, inventaire et ventes des meubles et effets de chaque individu, même de ceux possédés par indivis, sauf le règlement des droits.
Art. 12.
« Ces déclarations seront lues dans des assemblées du conseil général de la commune, et tous citoyens pourront en prendre communication quand ils le jugeront convenable.
Art. 13.
« Il sera envoyé des extraits certifiés de chaque déclaration, aux directoires de district dans la huitaine de leur date; et par les directoires de district, huitaine après leur réception, aux directoires de département.
Art. 14.
« Tous les citoyens, autres que ceux désignés en l'article 10, seront invités à déclarer, devant les commissaires nommés pour recevoir les déclarations, les sommes et effets de toute nature qu'ils sauront appartenir à des citoyens actuelle-r ment absents du lieu de leur domicile.
Art. 15.
« Les dépositaires publics et particuliers, fermiers, comptables et débiteurs tenus de faire des déclarations, aux termes de l'article 6 ci-dessus, qui, étant présents sur les lieux, auront négligé de faire lesdites déclarations, ou en auraient fait de fausses, seront contraints à la restitution des objets non déclarés, et à une amende égale à la valeur desdits objets, dans le mode et de la manière qui seront prescrits ci-après.
Art. 16.
« Seront poursuivis comme voleurs d'effets publics, ceux qui auraient enlevé, diverti ou recelé des effets appartenant aux émigrés. »
(de la Marne), au nom des commissaires
delà Convention envoyés à Varmée du centre (1), rend compte à l'Assemblée de sa mission auprès de cette armée; il s'exprime ainsi :
Citoyens,
Les commissaires que vous aviez envoyés à l'armée du centre, viennent de se rendre à leur poste, après avoir rempli l'obligation qu'ils avaient contractée de ne revenir que lorsque les satellites des despotes se seraient retirés du territoire français qu'ils souillaient de leur, présence. Non seulement il n'existe plus d'ennemis sur la terre de la liberté, mais déjà nos soldats l'ont vengée. La précipitation que nous avons mise à revenir dans votre sein, nous a empêchés de mettre en ordre les pièces nécessaires pour rendre à ces soldats la justice qui leur est due. Le premier soin de la Convention doit être de prendre toutes les mesures pour donner aux armées les différentes choses dont elles ont besoin. Nous n'avons cessé de vous les faire connaître. Nos soldats ne se plaignent point; non, ils ne savent se plaindre que de ne pas rencontrer assez souvent l'ennemi. Ce n'est pas là une phrase oratoire ; c'est la vérité, la pure vérité. Nous avons remarqué que les souliers étaient de la plus exécrable qualité. Il y a des souliers que les chefs de différents corps et les soldats nous ont assuré n'avoir pas duré douze heures, et je sais qu'il y en a qui n en ont pas duré six. Nous sommes allés nous-mêmes dans les tentes, et, ce que vous ne croirez pas, nous avons vu que les souliers neufs qu'on donne aux soldats qui depuis trois mois marchent sur un terrain gras et difficile, ont du carton entre les deux semelles. 11 existe un grand crime envers les soldats de la patrie; c'est à la Convention à le venger, c'est à elle à punir ceux qui ont osé trahir une si belle cause. (Vifs applaudissements.) Je pense comme le conseil exécutif, que nous n'avons rien fait en repoussant les satellites des despotes; ces monstres ont un repaire dans lequel ils iront se reposer d'une campagne si désastreuse pour eux, et bientôt ils reviendront dévaster encore nos terres. Nous ne devons poser les armes que lorsqu'il n'y aura plus de despotes dans l'univers; mais il faut pourvoir aux besoins des armées.
Je demande que le ministre de la guerre soit chargé de faire parvenir
dans vingt-quatre heures à la Convention tous les renseignements qu'il a
reçus relativement aux fournitures de nos armées, et qu'on examine
la#conduite des fournisseurs. Je demande qu'il soit présenté un moyen de
s'assurer de la bonne qualité des souliers. Les soldats en ont usé
prodigieusement; ils nous ont dit: nous sommes ruinés, si nous sommes
obligés de payer tous les souliers que nous avons usés. Nous les avons
rassurés, en leur disant que la Convention ne le souffrirait
pas.-L'armée est réduite au plus misérable état. J'ai vu un soldat
couvert d'un habit de garde nationale, sous lequel il avait un habit de
troupe de ligue et une veste, et à travers tout cela, on voyait encore
sa chemise. L'armée de Kellermann estàson88® campement. Elle a souvent
couché au bivouac, sans tentes, sans paille même, et pourtant, je le
répète, elle ne se plaint pas. (Nouveaux applaudissements.) Le dénuement
a eu les causes les plus naturelles ; quand une armée campe dans un
Nous avons prié la Convention d'ordonner qu'il fût fait des capotes pour les troupes. Nous avons cru devoir leur donner la préférence, parce que la campagne se préparant pour l'hiver, il était nécessaire que nos soldats fussent vêtus chaudement. Je demande que le ministre de la guerre rende compte de cette fabrication, car il en faut au moins de 150à 200,000. Tousles citoyens sont assez bien vêtus pour que tous les tailleurs de la République travaillent pendant quinze jours aux capotes. (Applaudissements.) L'armée ne se plaint point du pain, c'est une preuve qu'il est bon. Elle a rendu de grandes actions de grâces à la Convention pour sa sollicitude et ses décrets à cet égard. Quant à la viande, elle a toujours été excellente. (Applaudissements.)
Je n'ajouterai rien à ce que vous a dit mon collègue. Mais en attendant que nous vous présentions le tableau des causes qui ont amené le grand événement auquel nous devons les succès de nos armes, permettez-moi de vous lire l'adresse que nous avons faite à l'armée avant de la quitter :
« Soldats-citoyens, c'est à votre courage, à votre persévérance que la République française doit aujourd'hui son salut et sa gloire. Au moment du danger le plus imminent, les représentants du peuple vous envoyèrent des commissaires, non pour animer votre courage, mais pour veiller à vos besoins et partager vos fatigues et vos dangers.
« Au moment de leur arrivée, ils vous annoncèrent que la nation, fatiguée des trahisons d'un pouvoir qui depuis quatorze siècles vous tenait dans l'esclavage, venait enfin de l'anéantir, et vous partageâtes avec nous l'allégresse de toute la France. Nous vous montrâmes les camps des tyrans coalisés contre votre liberté, et vous fîtes le serment de les vaincre ou de périr.
« Vous avez rempli vos engagements, les ennemis ont fui devant vous; vous avez reconquis deux villes importantes qui leur avaient été lâchement abandonnées; et vous avez délivré nos frères, nos amis, écrasés sous leur joug dans plus de quarante lieues de notre territoire envahi par eux; et au moment où les commissaires de la Convention vont vous quitter pour publier votre courage et votre gloire, ils ont le bonheur de vous montrer les ennemis fuyant votre territoire. Qu'il serait heureux pour nous de pouvoir consacrer ici tous les traits de bravoure et d'héroïsme qui nous ont obtenu cette brillante campagne; elle n'est pas terminée. Vous avez chassé les tyrans qui voulaient vous donner des fers, maintenant il faut les punir de leur audace. Nous allons nous occuper de pourvoir à tous vos besoins.
« Vous êtes commandés par des généraux qui ont obtenu votre confiance et celle ae la nation; tous vos officiers sont maintenant vos frères et vos amis. Quelle armée pourra résister à vos efforts! Poursuivez, braves amis, la brillante carrière qui vous est réservée. Vos représentants s'occupent à faire les lois qui assureront à jamais votre liberté, et vous combattrez pour elle. Vous allez apprendre à l'Europe étonnée de vos efforts, que les Français ont voulu être libres,.
qu'ils le sont, et qu'ils ne comptent pas les ennemis qu'ils ont à combattre. »
Je réclame en faveur des citoyennes des sections de Paris la justice qui leur est due. Elles ont travaillé avec une activité sans exemple à l'équipement de nos frères d'armes. Qu'on leur donne du drap préparé, et j'assure que les 200,000 capotes seront faites en deux jours.
Si la République est mal serviè, ce n'est pas qu'elle ne paye bien cher les fournisseurs. On n'a pas honte de lui faire payer des souliers 8, 10, 11 et 12 livres. Le grand vice est que les bureaux des ministres ont toujours été engorgés d'intrigants. La Révolution a attei nt tout le monde, excepté les financiers et les partisans. Cette race dévorante est pire encore que dans l'ancien régime. Nous avons des commissaires-ordonnateurs, des commissaires des guerres, dont les brigandages sont épouvantables. J'ai frémi d'horreur lorsque j'ai vu, pour l'armée du Midi, des marchés de lard 'à 34 sous la livre. C'est cette classe perverse qui ruine la République. Les ordonnateurs passent les marchés avec les généraux; on tire des ordonnances, on force la trésorerie nationale, et sans le veto que l'un de nos commissaires à cette trésorerie, Ver-ninac, appose sur une partie de ces ordonnances, les dilapidations auraient bientôt englouti toutes les richesses de la République. Il faut donner un grand exemple. Il faut que le ministre de la guerre rende compte de tous les marchés, afin de punir tous les intrigants. Vous avez vu Pache afficher qu'il voulait se délivrer de ces intrigants qui viennent le dévorer. L'agiotage s'est emparé de toutes les fournitures. Ce n'est point par l'opinion publique qu'il faut punir ces sangsues : rien ne les touche, pourvu qu'ils gagnent de l'argent; eh bien, ruinons-les pour les punir; ruinons les financiers. (Vifs applaudissements.) Je dois dire encore que, lorsque nous nous sommes occupés de mettre un ordre dans nos finances, de préparer les dépenses de 1793, nous avons invité les ministres à se rendre au comité, pour éviter de pareilles dilapidations. Ils s'y sont rendus; ils ont gémi comme nous, et particulièrement ceux de la guerre, de la marine et de l'intérieur; ils s'occupent de former une administration qui éloigne la concurrence de tous les agioteurs. Si, comme dans l'ancien régime, nous ne payions pas les fournisseurs, on pourrait leur pardonner ae gagner sur les fournitures, mais nous payons d'avance; nous devons donc être bien servis. Punissons, punissons ceux qui voudraient nous voler.
Un membre : Les vivriers sont les plus grands fripons qui existent. Là où ils ont fourni 1,500 livres de foin, ils en comptent 2,000; là où ils l'ont eu à 4 livres, ils l'ont porté à 7 livres le quintal. Des objets de 100 écus sont portés par eux à 1,000 livres.
(La Convention adopte ces différentes propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète :
Art. 1er.
« Le ministre de la guerre donnera, dans vingt-quatre heures, les noms des particuliers qui ont fourni les souliers envoyés depuis le mois d'octobre dernier à l'armée que commande Kellermann, et remettra les procès-verbaux de livraisons qui ont dû en être dressés.
Art. 2.
« Le ministre de la guerre enverra incessamment à la Convention l'état et compte détaillé de tous les marchés faits pour le service de la guerre depuis le 1er de janvier dernier, avec les noms des fournisseurs et les procès-verbaux de livraison.
Art. 3.
« Il rendra compte, aussi dans vingt-quatre heures, des mesures qu'il aura prises contre les régisseurs des vivres, qui, au mépris des lois, ont fait des achats de numéraire.
Art. 4.
« Enfin, il rendra compte, dans le même délai, de l'état présent de la fourniture des capotes, dont l'envoi a été décrété aux armées. »
,au nom du comité de sûreté générale^): Le comité de sûreté générale s'empresse de vous rassurer sur le dépôt mystérieux de M. le marquis de Bonnay.
Un membre ; Il n'y a plus de marquis. (Murmures.)
,Ce n'est qu'un portefeuille de l'amour. Il est de 1787. Et à cette époque, l'amour faisait mieux que de conspirer. Cependant le comité lira ces lettres avec plus d'attention pour voir s'il n'y a qu'un mari qui ait à s'en plaindre. Au surplus, que personne ne conçoive d'inquiétude; ce mari paraît être un prince. (On rit.)
J'ai demandé la parole sur le manifeste de Dumouriez. Voici ,1e moment où nos armées vont chasser de la Belgique les brigands d'Autriche. Vos commissaires a Lille pourraient bien aller accompagner la victoire dans le Brabant; ils en ont manifesté l'intention. J'ai cru que cette démarche pourrait compromettre et les commissaires, et la Convention, et la République. Qu'on ne croie pas qu'il entre rien de personnel dans ma motion. Je m'empresse de rendre justice à vos commissaires. Ils ont bien rempli leur mission. Ils ont consolé Lille. Mais leur mission se borne aux frontières du Nord. Vous avez montré un grand respect pour la souveraineté des peuples. Que font les commissaires en suivant l'armée? Une invasion politique. Sa-vez-vous jusqu'à quel point la chance peut varier dans les combats? Savez-vous quelle espèce d'influence des commissaires pourraient exercer dans l'organisation des pouvoirs? Voilà de grands dangers, vous les avez sentis pour la Savoie, vous les sentirez pour la Belgique. Je demande donc que vos commissaires soient tenus de revenir à leur poste aussitôt que leur présence ne sera plus nécessaire dans le département du Nord. (Vifs applaudissements.)
(La Convention décrète cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète qu'aussitôt que les commissaires croiront que leur présence n'est plus nécessaire dans le département du Nord et départements limitrophes, ils viendront reprendre leurs fonctions. »
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du er
novembre 1792
présidence de guadet et de hérault de séchelles, présidents.
présidence de guadet, président.
La séance est ouverte à huit heures.
Il est procédé à l'appel nominal pour la nomination du président de la Convention.
annonce le résultat du scrutin.
11 n'y a point eu de majorité absolue; les suffrages se sont partagés principalement entre les citoyens Hérault de Séchelles et Rabaut-Saint-Etienne.
Il est procédé à un second scrutin.
donne le résultat de ce scrutin.
Hérault de Séchelles obtient la majorité absolue des suffrages. 11 est proclamé président et prend place au fauteuil.
présidence de hérault de séchelles, président.
Il est procédé à un nouvel appel nominal pour la nomination de trois secrétaires en remplacement des citoyens Buzot, Siéyès et Kersaint, secrétaires sortants.
annonce le résultat de ce scrutin.
Les citoyens Grégoire, Bar ère de Vieuzac et Jean Debry, ayant réuni le plus de suffrages, sont proclamés secrétaires.
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures et demie.
,secrétaire, donne lecture du rocès-verbal de la séance du jeudi 1er novem-re 1792, au matin.
(La Convention en adopte la rédaction).
,secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Collon, dit Languedoc, domicilié à Paris, fait hommage de sa croix de Saint-Louis.
2° Quatre juges du district de Champlitte et le ci-devant commissaire du roi près ce tribunal font remettre sur le bureau une somme de 375 livres pour le second trimestre de leur contribution patriotique pour les frais de la guerre.
3° Un citoyen de la même ville, membre de la Convention nationale, et ci-devant président du même tribunal, ajoute 75 livres à cette somme pour son contingent à la même contribution, ce qui fait en tout 450 livres.
4° Le citoyen Fery, adjudant-major du dixième bataillon de la Haute-Saône, remet sa croix de Saint-Louis. 5° Le citoyen Liébaut, ancien capitaine de gre-
nadiers, résidant à Pont-à-Mousson, remet sa croix de Saint-Louis.
6° Le citoyen Sollau, commandant de la garde-nationale d'Angers, fait remettre sa croix de Saint-Louis.
7° Le citoyen Livrezanne, lieutenant de la compagnie des vétérans détachée au fort Médoc, envoie sa croix de Saint-Louis.
8° Le citoyen Sebez, chirurgien à la Canne, département du Tarn, donne une médaille d'or pesant 5 livres qu'il a reçue en 1789 du collège de chirurgie de Montpellier.
9° Les actionnaires de la salle de spectacle de la ville de Brest donnent 782 liv. 4 s. pour le soulagement des malheureux et braves habitants de la ville de Lille.
10° Les citoyens Philippe Gaucher, de Langres ; Meffren, président de la Société des Amis de la liberté et de l'égalité, séante à Martiaues ; Chabot, procureur syndic du district de Montïuçon, et Le-comte, lieutenant-colonel de la gendarmerie dans le département des Landes, donnent chacun leur décoration militaire.
11° Le citoyen Saint-Romain, capitaine de la gendarmerie du département de la Drôme, donne sa croix de Saint-Louis, fruit de quarante-deux ans de services, huit années de guerre et trois blessures.
12® Le citoyen Pelfresne, lieutenant de gendarmerie, donne sa croix de Saint-Louis.
13° Plus trois autres croix, dont on n'a pas reçu les notes.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux aes donateurs qui se sont fait connaître.)
Le même secrétaire fait le 'dépouillement des lettres ministérielles, adresses et pétitions dont l'analyse et les renvois suivent :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est jointe une copie des pièces que lui a adressées le département du Nord, relativement à ce qui s'est passé les-9 et 11 octobre dans la ville de Cambrai (1).
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de sûreté générale et de la guerre réunis.)
2° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, accompagnée d'un imprimé ayant pour titre : Projet de loi relatif aux subsistances, rédigé par le sieur Taboureau : il dénonce cet ouvrage dans lequel on accuse de perfidie les autorités qui ont autorisé la libre circulation des grains, et qui contient les principes les plus dangereux et les plus faits pour troubler la tranquillité publique.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de commerce, de sûreté générale et d'agriculture réunis.)
3° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative au
décret de l'Assemblée législative, du 23 août dernier, qui autorise le
paiement, dans la proportion indiquée, de tous gens à gages et
pensionnaires pour cause de domesticité dans la maison du ci-devant roi,
qui ne seront point en titre d'office, et dont le
11 propose enfin d'autoriser le liquidateur général de payer jusqu'à la somme de 600 livres provisoirement, quels que soient les traitements supérieurs à cette somme, à compter du jour où les traitements n'ont pas été payés.
(La Convention renvoie la lettre aux comités des finances, de liquidation et de secours réunis.)
4° Lettre de Pache, ministre de la guerre, relative au prompt remplacement des officiers de l'artillerie ; il manque 146 officiers dans ce corps si utile; les généraux en sollicitent le complément indispensable dans les circonstances; il propose, après diverses observations importantes concernant la lenteur de l'examen des sujets au concours, de donner aux sous-officiers de Parti llerie la moitié des places actuellement vacantes et la moitié de celles qui vaqueront jusqu'au prochain examen.
Le ministre excepte de cette disposition les compagnies d'ouvriers, qu'il faut pour le moment compléter en entier. . (La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
5° Lettre de Roland, ministre de Vintêrieur, qui adresse à la Convention un mémoire et des pièces en faveur de François Martin, dit Bruno, prenant la qualité de cbdevant Frère-lai de la Chartreuse de Noyon, qui sollicite un traitement.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités des secours et de liquidation réunis.)
6" Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à la Convention que la dénonciation contre les corps administratifs du département de Seine-et-Oise, accusés d'avoir favorisé des dilapidations et enlèvement d'effets au château de Bru-. noy, est dénuée de fondement ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« Un décret du 4 août dernier m'avait chargé de rendre compte des faits
qui ont donné lieu à une dénonciation contre les cbrps administratifs du
département de Seine-et-Oise accusés d'avoir favorisé des dilapidations
et enlèvement d'effets au château de Brunoy.
« Le ministre de l'intérieur, « Signé : Roland. »
7° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit que les 7 accusés du camp de Jalès, transférés à Orléans le 14 septembre, y sont toujours en chartre privée, faute d'avoir subi leur premier interrogatoire; ils demandent leur prompte translation dans les maisons de justice qui doivent les juger.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation, pour en faire son rapport incessamment.)
8° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui envoie à la Convention les mémoires de trois habitants de Sierck, blessés lors de l'incursion que les ennemis ont faite dans cette ville, le 11 août dernier ; ces citoyens se trouvent, par les suites de leurs blessures, hors d'état de gagner leur vie, d'après les attestations des officiers municipaux de Sierck et des administrateurs provisoires du département de la Moselle, le ministre sollicite de la justice de la Convention une pension en faveur de ces trois infortunés citoyens.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre, pour en faire un prompt rapport.)
9° Lettre des administrateurs du département de la Dordogne, accompagnée de pièces concernant les contestations élevées entre les communes de Montignac et de Terrasson, qui se disputent la possession du tribunal de district, par là loi du 23 août 1790, dans cette dernière ville.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de division.)
10° Lettre des administrateurs du département de la Haute-Garonne, qui envoient à la Convention une adresse des officiers de la gendarmerie nationale de leur département. Ces officiers protestent de leur patriotisme et de leur dévouement aux lois; ils demandent à prouver qu'ils sont de vrais Républicains et à verser leur sang pour la défense de la patrie.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
11° Lettre des administrateurs du département de la Haute-Garonne, à laquelle est jointe une pétition de la commune dArbac, qui sollicite-rétablissement de 4 foires, et d'un marché le samedi de chaque semaine.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
12° Lettre du ci-devant commissaire du pouvoir exécutif, près le tribunal du district de Saint-Dizier, séant à Wassy, accompagnée des attestations ae ce district et au conseil générai de la commune de cette ville, concernant les preuves de
son civisme; il est père de 5 enfants, sans fortune ; il désire d'être utile à sa patrie.
(La Convention renvoie ces pièces ail pouvoir exécutif.)
13° Lettre des administrateurs du directoire' du département de l'Indre, accompagnée de pièces relatives à la soumission faite au ministre de l'intérieur, par un citoyen de leur département, d'établir dans le ci-devant couvent des Récollets un moulin à bras, et pour lequel établissement il demande cètte maison. Ces administrateurs prient la Convention de statuer promptement sur cette demande, afin qu'ils puissent prendre un parti pour la vente de cette maison.
(La Convention renvoie ces pièces au comité d'aliénation.)
14° Lettre des membres du conseil général de la commune du Havre, avec une délibération tendant à: faire venir des blés de l'étranger, la pénurie des subsistances les oblige à cette mesure; ils demandent d'être à cet effet autorisés à faire un emprunt. Le directoire du district de Monti-villiers et le conseil général du département de la Seine-Inférieure appuient cette demande.
(La Convention accorde cette demande.)
15° Lettre et arrêté des administrateurs du département du Cher, relatifs aux troubles élevés par le fanatisme et la superstition dans la ville de Vierzon ; ils annoncent qu'ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour l'exécution de la loi.
16° Lettre du citoyen Philipoteaux, président du département des Ardennes, relative aux difficultés que présente la tenue des assemblées électorales dans le bourg de Grandpré, ravagé par les armées ennemies, et dont les habitants Sont eh grande partie attaqués de maladies épidémiques. Il demande que la Convention prenne ses observations dans la plus sérieuse considération.
(La Convention renvoie la lettre au comité de division.)
i 17° Lettre du citoyen Saint-Laurent, capitaine au 2e régiment d'artillerie, employé au parc du camp sous Paris, relative à la pétition de la citoyenne Saint-Laurent, qui sollicite l'indemnité des pertes que la place de directrice des vivres de la marine à Dunkerque, lui fit éprouver le 14 février, dans une émeute populaire.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de marine et de secours réunis.)
18° Retire du maire de Tagnon, district de Rhetel, département des Ardennes, qui sollicite une loi qui oblige tous les administrateurs à enregistrer sur-le-champ et à donner récépissé des pétitions qu'on leur remet, et principalement de celles qui sont accompagnées de pièces originales.
(La Convention renvoie la lettre au pouvoir exécutif.)
. 19° Lettre des membres du conseil général de la commune de Troyes; ils sollicitent de la justice de l'Assemblée de prendre en considération la position d'un brave et ancien militaire qui a servi 42 ans dans les troupes de ligne, dont la« pension de 550 livres est réduite, par des retenues ou impositions, à 513 livres, ils annoncent que ce vieux et respectable militaire leur a remis Sa décoration militaire.
(La Convention passe à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'il existe une loi à ce sujet.)
20° Pétition des députés des compagnies de ca-
nonniers volontaires attachés- au parc d'artille-
rie du Mont Saint-Michel, sous Châlons, qui sollicitent uné prompte décision sur la demande qu'ils .ont faité à la barre, que la payé des canonnière soit fixée à 22 s. 6 d. par jour.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
21° Pétition des électeurs du district de Vilaine, département de ta Mayenne, qui demandent que la Convention décrète que rassemblée électorale tiendra ses séances dans la ville de Lassay, où est établi le tribunal du district, au lieu de les tenir à Vilaine. Leur demande est justement motivée sur ce que 500 électeurs réunis à Vilaine, qui ne renferme que 100 maisons, ne peuvent trouver à s'y loger. La ville de Lassay renferme au inoins 400 maisons, et présente toutes les facilités désirées. De plus, la très grande majorité des communes, le directoire au district et le département même ont déjà demandé à l'Assemblée législative la translation du district de Vilaine à Lassay.
(La Convention renvoie la pétition au comité de division.)
22° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle sont jointes plusieurs pièces à l'appui de la demande du citoyen Ferrières, trésorier de l'hôpital des Enfants trouvés de la ville de Bordeaux, d'une somme de 95,559 livres, montant des reliquats de ses comptes depuis 1776.
(La Convention renvoie la lettre aux comités des secours et des finances.) - 23° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, avec un mémoire tendant à ce que la Convention détermine le mode du payement des menus frais des tribunaux de commerce : il sollicite une prompte décision.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
24° Lettre des commissaires de la comptabilité nationale, accompagnée d'un rapport sur la forme des comptes des ci-devant receveurs particuliers des finances pour l'exercice de 1790.
(Là Convention renvoie ces pièces au comité de l'examen des comptes:) /
25° Lettre de Clavière. ministre des contributions publiques, à laquelle est joint un mémoire relatif au payement des dépenses de constructions, réedifications ou réparation des églises, presbytères et cimetières : il sollicite l'attention instante de la Convention sur cet objet.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'aliénation et des finances réunis.)
26° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative à la vente et à la cherté des matières servant à la fabrication du papier ; il demande qu'il soit pris des mesures propres à concourir au maintien de la prohibition des drilles à la sortie de la République.
(La Convention renvoie la lettre au comité de commerce.)
27° Lettre de Monge, ministre de la marine, à laquelle sont joints plusieurs procès-verbaux des commissaires nommés pour examiner les projets relatifs à la construction d'un port national près Saint-Malo et Saint-Servan. Il résulte de leur travail, qu'ils regardent comme impossible l'exécution d'aucun de ces projets.
(La Convention renvoie la lettre au comité de marine, pour examiner la dépense faite à ce sujet.)
28° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, concernant les réparations très urgentes des routes des départements frontières, qui ont été entièrement dégradées par les convois militaires; il observe que la somme de 600,000 livres que la Convention a décrétée le 26 de ce mois, est insuffisante pour pourvoir à ces dépenses indispensables.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'agriculture et des finances.)
29° Lettre de Pache, ministre de la guerre, à laquelle est joint l'état de la formation d'une cavalerie nationale ; il observe que la cavalerie, réunie à l'Ecole militaire, présente un nombre suffisant d'hommes pour composer 4 régiments de 4 escadrons chacun; il prie la Convention de se rendre compte de cette formation, et de l'autoriser par un décret. Ces quatre régiments désirent être nommés 1, 2, 3 et 4e régiment de cavalerie de la République.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
30° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui envoie à la Convention l'état des consuls, vice-consuls" et autres employés de la République française, résidant en pays étrangers, qui ont prêté le serment conformément à la loi du 15 août de cette année. Il enverra, à mesure qu'il les recevra, les serments des autres consuls, vice-consuls et agents dont les serments n'ont pu encore parvenir à cause de l'éloigne-mént de leur résidence.
(La Conventidn renvoie la lettre au comité de marine.)
31° Lettre de Garat, ministre de la justice, concernant les difficultés élevées au sujet de l'application de l'article 5 de la loi du 17 mai 1791, portant que la perception en entier des droits de navigation est maintenue sur l'ancien pied.
Il demande à la Convention si dans cette disposition se trouvent compris les honoraires que percevaient les anciens officiers de l'amirauté pour leurs vacations : il prie la Convention de décréter incessamment le nouveau tarif de la navigation, annoncé le 9 août de l'année dernière.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de marine et de commerce réunis.) . 32° Lettre de Garat, ministre de la justice, à laquelle est jointe une adresse des juges du tribunal d'appel de la police correctionnelle, contenant leurs réclamations d'un salaire auquel ils ont les plus justes droits, à raison d'un travail très assidu auprès de ce tribunal.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités des finances et de législation réunis.)
33° Lettre des administrateurs du district de Cosne, y joint plusieurs pièces relatives à une suspension ordonnée par le département de la Nièvre, de la vente des maisons religieuses situées dans ce district ; ils appellent l'attention de la Convention sur cette suspension.
(La Convention renvoie ces pièces au comité d'aliénation.)
34° Adresse des administrateurs du conseil du district de Tarascon, département de l'Ariège ; ils remercient énergiquement la Convention au décret qui abolit la royauté, et de celui qui établit la République. Ils disent : Une superstition politique tenait le peuple français prosterné aux pieds de l'idole de la royauté; il osait s'enorgueillir de
son abjecte idolâtrie... Vous vous êtes levés, armés de toute la force et de toute l'indépendance natio-nalei.. Vous avez dit... soudain, idole, autel, tout a disparu. Quel plus touchant spectacle vit-on jamais sous le ciel, que celui de 2â millions d'hommes passant soudain de l'humiliation de la servitude à là fierté républicaine !
Plusieurs membres pensent que.,pour conserver au peuple le sentiment et l'exercice de ses droits, les corps admipistratifs ne doivent jamais exprimer le vœu sur les actes de la Convention. Ces cùrps font partie du pouvoir exécutif et le cercle que la loi a été établi autour d'eux, ne leur permet pas de mêler à leurs fonctions l'exercice de la souveraineté; car ils influeraient par là sur la législation et la division des pouvoirs, et ce premier garant de l'indépendance de la République en serait blessé.
D'autres membres Combattent cette doctrine. Ils considèrent les administrateurs comme de simples citoyens et ne pensent pas qu'on puisse les priver du droit qui appartient à tous dans un régime libre, celui d'adnérer aux lois auxquelles il doit se soumettre.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
35° Projet relatif à la formation d'un corps d'infanterie légère de 3,000 hommes, destiné à combattre presqu'entièrement à l'arme blanche. L'habillement du soldat est d'un genre absolument neuf, et peut contribuer beaucoup à conserver la santé du soldat.
(La Convention renvoie le projet au comité de la guerre.)
36° Pétition du citoyen Junius Jean-Jean; il réclame l'abrogation cfe l'article de la loi concernant l'admission au corps du génie, qui porte que nul ne sera admis au concours que depuis l'âge de 16 ans jusqu'à 24.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
37° Pétition des femmes des gendarmes partis de Châteaudun pour aller aux frontières, qui s'enorgueillissent d'être les épouses de ces braves militaires qui voiit verser leur sang pour la défense de la patrie ; elles espèrent que réduites à vivre, ainsi que leurs enfants, du peu que leurs maris économiseront sur leur paye, la Convention nationale prendra leur position en considération.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
38° Pétition du citoyen Pierre-André Bourbon, qui a servi 14 ans en qualité de grenadier, et qui a fait les six campagnes d'Hanovre, dans l'une desquelles il a été blessé. Il sollicite une récompense militaire ou son admission aux Invalides.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
39° Lettre des directeurs du jury d'accusation, établis par les lois, dès 17 août et 11 septembre derniers, qui écrivent, au sujet des quatre particuliers tués à Rethel par les volontaires du bataillon de la République, qu'il paraît, d'après l'audition des témoins, que neuf personnes sont prévenues de ce délit; elles sont détenues.
Les directeurs du jury annoncent que, quoique leur greffe soit nanti des pièces de conviction, il leur semble qu'ils doivent être jugés par une cour martiale, ou par une commission spéciale, composée de militaires ; ils annoncent qu'ils attendront, pour suivre cette procédure, les ordres de la Convention nationale.)
(l.a Convention renvoie la léltre aux comités de la guerre et de législation.)
40"Pétition de là municipalité du Havre, appuyée par les corps administratifs, à l'effet d'être autorisée à faire Venir les blés de l'étranger et à faire un emprunt. Le décret suivant est rendu : « La Convention nationale, sur la proposition d'un membre qui convertit en motion la demande de la municipalité du Havre, décrète que cette municipalité est autorisée à faire un emprunt relatif a ses besoins en subsistance, à la charge d'en rendre compte à la Convention et au pou-voire xécutil. »
La parole est à Gossuin pour une motion d'ordre,
J'observe à l'Assemblée qu'en raison du nombre des renvois et de la masse des affaires qui s'accumulent chaque jour dans les comités, ces derniers ne peuvent les faire sortir que fort lentement au grand dommage des inté-resssé. Je crois qu'il serait bon de prendre à cet égard des mesures, et je propose tout d'abord de décider que les comités présenteront tous les matins une notice succincte des décisions ministérielles^ Un grand nombre de membres : Appuyé ! appuyé l « La Convention décrète que les comités examineront sans retard les lettres ministérielles et autres objets pressants qui lëur seront renvoyés; que chaque jour] ils feront remettre sur le tableau de l'ordre du jour, pour le lendemain, l'état des objets de ce genre dont ils seront en état de faire les rapports, et qu'à l'ouverture de la séance ces rapports seront faits sommairement par les rapporteurs nommés à cet effet par les comités. »
,au nom des commissaires inspecteurs de la salle, fait un rapport et présente un projet de décret sur la translation de la Convention nationale au château des Tuileries. . y
Il propose de décréter que le palais national des Tuileries et bâtiments accessoires seront mis à la disposition de laGonventionnationaleetque les commissaires-inspecteurs de la salle surveilleront toutes les réparations et feront toutes les dispositions nécessaires pour le placement des comités et autres établissements qui dépendent de la Convention nationale. Il présente le projet -de décret suivant : « La Convention nationale décrète que le château entier -des Tuileries et ceux~des bâtiments accessoires qui seront nécessaires, sont à la disposition de la Convention" pour le lieu de ses séances, les archives delà République, les comités et l'imprimerie- »
demande que le ministre de Tinté-rieur soit chargé, sous sa responsabilité, de la surveillance des travaux, d'après les plans remis aux commissaires-inspecteurs.
11 faut un devis estimatif des dépenses: sans cela on fera dépenser deux ou trois millions. J'insiste pour que le ministre présente le devis estimatif des dépenses.
(La Convention adopte le projet présenté par Gamon, avec les amendements ue Camus et de Rréard.)
Suit le texte définitif du décret rendu ; « La Convention nationale décrète que le château entier des Tuileries et ceux des bâtiments accessoires qui seront nécessaires, sont à la disposition de la Convention pour le lieu de ses
séances, les archives de la République, les comités et l'imprimerie. '
« En conséquence le ministre de l'intérieur est chargé de présenter, sans, délai, d'après les indications du comité d'inspection de la salle, des plans de distributions et des devis des travaux à faire pour lesdits établissements ; le rapport desdits plans et devis sera fait ensuite par le comité d'instruction à la Convention nationale, qui mettra à la disposition du ministre les fonds nécessaires pour leur plus prompte exécution. »
Je dois annoncer à la Convention un fait qui honore les citoyens d'Orléans. Des députés de Tours se sont présentés aux autorités constituées de cette ville, pour leur demander s'ils pourraient leur garantir la protection d'un transport de grains. Les administrateurs, qui né connaissaient pas assez l'esprit public, n'ont pas osé le leur promettre. Les députés de Tours se sont transportés à la société des amis de la République, à laquelle ils ont présenté leur demande. Aussitôt, non seulement les citoyens d'Orléans leur ont promis d'assurer ce transport de grains aux députés, mais même sur Texposition qu'ils ont faite de leurs besoins, il a été arrêté qu'il leur serait délivré 150 sacs de farine, qu'ils ont emportés avec eux. (Vifs applaudissements.) f
(La Convention nationale décrète qu'il sera fait mention honorable, dans son procès-verbal, de la conduite fraternelle et généreuse des citoyens d'Orléans:)
Deux administrateurs du département de Seine-et-Marne demandent à entretenir l'Assemblée de faits qui intéressent la tranquillité publique.
(La Convention décrète qu'ils seront entendus séance tenante.)
(La députation*desTadministrateurs du département de Seine-et-Marne est introduite à la barre.)
L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Citoyens, vous connaissez le discrédit dans lequel sont tombés les billets de confiance. Nos concitoyens lés plus indigents voient périr dans leurs mains le produit de leur sueur. Les fournisseurs ne veulent plus recevoir ces billets. Les administrateurs n'ont aucun moyen de calmer les inquiétudes du peuple: Nous vous proposons un moyen de faire disparaître cette foule de billets. Vous avez décrété des secours pour les départements, et ce ne sera pas changer la destination de ces fonds, que de les distribuer aux malheureux, dont la misère peut seconder les desseins des agitateurs. Autorisez les corps administratifs à échanger ces billets, prononcez que si cette opération entraîne quelque perte, elle sera imputée sur les secours accordés aux départements.
répond aux deux administrateurs et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention décrète que le rapport lui sera fait sur cette affaire, séance tenante, à l'heure de midi), .
,secrétaire, donne lecture d'une lettre : de Pache, ministre de la guerre, qui demande à la Convention si les ouvriers externes, employés au camp sous Paris, et auxquels elle a accordé trois journées dej travail en gratification lorsqu'ils seront xendhs à leur domicile, doivent recevoir en sus 3 sols par lieue pour s'y rendre, ce qui lui paraît conforme à l'inten-
tion de la Convention ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le er
novembre 1792
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale (1).
« Lorsque la Convention nationale, citoyen Président, a décrété la cessation des travaux"du camp sous Paris, elle a paru s'occuper avec intérêt des ouvriers étrangers à cette ville qu'il importait d'engager à se rendre dans leurs foyers où ils doivent trouver plus facilement des moyens de travail et de subsistances, sans se nuire par leur nombre et sans surcharger un même point de l'Empire. La Convention a ordonné qu'une gratification de trois journées soit payée à chacun d'eux dans leurs municipalités et plusieurs membres ont indiqué en même temps, comme une mesure nécessaire, celle de mettre ces ouvriers en état de se rendre chez eux en leur payant les 3 sols par lieue.
« Mais cette disposition, que l'on a généralement regardée comme arrêtée par la Convention et que plusieurs journaux ont rapportée comme faisant partie des décrets rendus à cette occasion, ne se trouve cependant énoncée formellement dans aucun. Je vous prie, citoyen Président, de soumettre cette observation à la Convention nationale. Il est d'autant plus urgent qu'elle veuille bien prononcer si [son intention a été d'accorder secours aux ouvriers externes, que tous ont été entretenus dans cet espoir par le chef de l'administration des travaux, persuadés eux-mêmes que le décret les y autorisait, et que déjà plusieurs payements ont été faits d'après cette opinion.
« Signé : pache. »
Un membre : Je convertis en motion la demande du ministre.
(La Convention décrète cette motion.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, sur la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion par un membre, décrète qu'il sera payé trois sous par lieue aux ouvriers du camp sous Paris qui se rendront dans leurs départements respectifs, d'après le certificat qui leur sera délivré par le directeur général des travaux dudit camp.
« La Convention nationale renvoie le mode d'exécution au ministre de l'intérieur, à l'effet de prendre lès mesures nécessaires pour faire payer lesdits ouvriers dans les municipalités des principales villes de leur passage. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du conseil général de la commune de Boulo-gne-sur-Mer, qui est ainsi conçue :
Boulogne, le
« Citoyen Président,
« Il arrive en ce port beaucoup de Français qui sont passés depuis
quelque temps en Angleterre ou autres pays étrangers. Nous sommes
singulièrement embarrassés sur la conduite que
« Nous avons cru devoir prendre sur nous de mettre, à l'instar de la municipalité de Dunker-que, en état d'arrestation provisoire, ceux qui ne nous ont pas paru mériter notre confiance et qui n'ont pu justifier leur conduite d'une manière légale ; nous pensons être, à cet égard, à l'abri de tous reproches.
« Dictez-nous, nous vous prions, la conduite que nous devons tenir en pareil cas, et soyez convaincus que nous n'avons rien de plus à cœur que d'assurer l'exécution des lois et de donner à la Convention nationale des preuves non équivoques de notre soumission à ses décrets.
« Signé : le Conseil général de la commune de Boulogne en permanence. »
Un membre : Je demande que la loi sur les émigrés soit discutée et terminée séance tenante et que la désignation du mot émigré soit clairement énoncée.
Et moi je rappelle à la Convention que la lecture du rapport sur les troubles arrivés dans la ville de Lorient au mois de septembre dernier avait été renvoyée à aujourd'hui, et qu'il avait été décidé que la discussion aurait lieu au cours de cette séance.
(La Convention ajourne la discussion du projet de loi sur les émigrés et décide que la lecture du rapport sur les troubles de Lorient aura lieu séance tenante.)
Je demande à la Convention, auparavant de commencer cette lecture, quelques minutes d'attention pour la présentation d'un projet de loi qui ne soulèvera pas de discussion.
Plusieurs membres : Appuyé! appuyé!
, aunom du comité des finances, présente un projet de décret tendant à autoriser le garde des archives à remettre au directeur de la fabrication des assignats les formes qui ont servi à la fabrication du papier destiné aux assignats de 15 sols; ce projet de décret est ainsi conçu:
« La Convention nationale décrète que le garde des archives est autorisé à remettre au directeur de la fabrication des assignats, les formes qui ont servi à la fabrication du papier destiné aux assignats de 15 sols, à la charge de les rétablir après la nouvelle fabrication. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
,au nom du comité de législation, fait un rapport sur les troubles arrivés à Lorie?it le 15 septembre dernier et présente un projet de décret tendant à ordonner l'extinction de la procédure refative au meurtre du ôitoyen Gérard (1). Il s'exprime ainsi :
Citoyens, je viens, au nom du comité de législation, vous faire un
rapport sur une insurrection arrivée dans la ville de Lorient au mois de
septembre dernier, et occasionnée par un chargement fait à la Douane de
plusieurs caisses
Cependant l'effervescence du peuple était à son comble; ce ne fut qu'avec les plus grandes peines que les officiers municipaux parvinrent a sauver les jours de >Gérard qu'on avait été obligé de mettre en prison. Le peuple demandait sa tête et, le 15 septembre, le malheureux Gérard, qui était en prison, en fut retiré de force et immolé à la fureur d'une multitude égarée.
Une procédure a été instruite contre les fauteurs de l'assassinat ; mais comme ce malheureux événement a eu lieu dans un moment de révolution, il fut proposé à la Convention de décréter une amnistie en faveur des citoyens de cette ville, et de l'étendre à tous les mouvements populaires excités depuis le 10 août.
Le comité a examiné les motifs qui ont appuyé ces deux propositions.
La première lui a paru d'une rigoureuse justice. Les troubles de Lorient ont été provoqués par une fausse déclaration faite des objets que contenaient les caisses embarquées. Une exportation clandestine de fusils dans un instant où la nation se levant tout entière contre ses ennemis, était avare de ses moyens de défense, ne devait-élle pas exciter une juste indignation contre ceux qui en paraissaient les auteurs ? Sous ce point de vue le mouvement du peuple a paru à votre comité susceptible d'indulgence.
La seconde proposition, celle de l'amnistie générale pour les délits de ce genre commis dans toute la République, n'a pas paru admissible. Les amnisties nécessaires sous le despotisme, a dit le rapporteur, ne seraient-elles pas dan-geureuses sous le règne de la liberté? Ne seraient-elles pas une sanction des crimes commis et à commettre? Plusieurs exemples prouvent cette vérité. Pourrait-on, en effet, soustraire à la vengeance des lois les massacres commis à Orchies, à Saint-Amand, et dans les journées à jamais horribles des 2 et 3 septembre ?
Le comité a cru que vous deviez honorer de vos regrets la mémoire du citoyen Gérard. Les pièces soumises à son examen ont complètement prouvé que c'était à son insu, et par une supercherie dont il n'était point coupable, que les fusils ont été envoyés dans des caisses qu'il croyait chargées de quincaillerie et autres objets relatifs à son commerce. Votre comité vous propose Je projet de décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète l'extinction de la procédure commencée dans la ville de Lorient, relativement aux événements arrivés dans cette ville ; le 15 septembre dernier, ordonne, en conséquence, que les détenus se-ron.tmis en liberté. »
Le décret que votre comité de législation vous propose peut entraîner les conséquences les plus graves. Je demande la question préalable. La Convention nationale a décrété que la sûreté des personnes et des propriétés
était sous la sauvegarde de la nation, que les lois existantes seraient observées exactement. Peut-elle, sans péril pour la liberté, porter atteinte à ce décret ? Un meurtre a été commis ; un homme a péri au mépris de toutes les lois cruellement outragées. Ce crime doit être sévèrement réprimé. Il peut convenir aux despotes d'arrêter le cours des lois ; mais jamais des républicains ne doivent se permettre d'en suspendre l'exécution rigoureuse. Qu'est-ce que la justice vous commande dans cette circonstance, plus importante peut-être qu'on ne croit, au salut de la République ? C'est d'inspirer au peuple cette horreur salùtaire du crime, qui peut seule assurer la liberté. Avez-vous d'ailleurs lé droit d'accorder l'impunité à l'assassinat? Non, vous ne pouvez usurper ce droit sur la nation. C'est au juré qu'appartient la connaissance des faits. Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité.
, rapporteur. Je m'oppose à la question préalable. Le comité a longtemps flotté entre la crainte de ne pas atteindre les coupables et celle de compromettre un grand nombre d'innocents ; le procès instruit a Lorient me" naçait plus de 800 éitoyens de cette ville, et ce double motif a déterminé le comité à proposer un décret d'amnistie. • (La Convention rejette la question préable.)
Je propose l'ajournement. J'observe que le projet contient deux dispositions contradictoires ; par l'une, le crime commis à Lorient est couvert du voile de l'oubli, par l'autre, les communes ou de pareils événements se sont passés semblent menacés de la rigueur dés lois.
La Convention nationale a ordonné dernièrement au ministre de la justice de faire poursuivre les auteurs de l'assassinat du patriote Juchereau. La Convention nationale peut-elle avoir deux poids et deux mesures? (Applaudissements.)
(La Convention repousse l'ajournement.)
met àux voix le projet du comité.
La première épreuve est douteuse.
Plusieurs membres : L'appel nominal !
Je vais procéder auparavant à une seconde épreuve.
Cette seconde épreuve est faite et le Président déclare que le décret est adopté. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres à droite : Non l non ! il ne l'est pas ; nous demandons l'appel nominal !
Un membre : Je demande la parole contre le Président.
La majorité du bureau est d'avis que le projet de décret est adopté; mais, devant l'insistance d'une partie de l'Assemblée, je vais mettre l'appel nominal aux voix.
(La Convention décrète qu'il sera procédé à l'appel nominal.)
Il va être procédé à l'appel nominal; ceux qui accepteront le projet de décret diront oui ; ceux qui le rejetteront diront non.]
Un secrétaire monte à la tribune ; l'appel commence par le département des Bouches-du-Rhône:
Voici le résultat de l'appel nominal :
Sur 534 votants, 409 ont adopté le projet; 125 l'ont rejeté (1).
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète l'extinction de la procédure commencée dans la ville de Lorient, relativement aux événements arrivés dans la ville le 15 septembre dernier; ordonne, en conséquence, que les détenus seront mis en liberté. »
Plusieurs membres qui étaient occupés'dans les comités élèvent des réclamations sur l'appel nominal.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Comme l'appel nominal a occupé une bonne partie de la séance, je demande, par motion d'ordre, que la séance ne soit levée qu'à six heures, pour réparer le temps perdu."
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Le siège de Thionville a empêché cette ville de recevoir la dernière assemblée du corps électoral du département de la Moselle ; je demande que la prochaine assemblée y tienne ses séances.
(La Convention décrète cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, considérant que le siège de Thionville a empêché cette ville de recevoir la dernière assemblée du corps électoral lors de l'élection des députés à la Convention, et voulant la réintégrer dans la jouissance de ce droit, décrète que les séances de la prochaine assemblée électorale de ce département, qui devaient se tenir à Briey, conformément au décret du 30 octobre dernier, se tiendront pour les prochaines élections à Thionville ».
(de la Marne) dépose sur le "bureau six paires de souliers, ainsi qu'il s'y était engagé la veille (2).
(La Convention en ordonne le renvoi au comité de la guerre.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui est ainsi conçue :
Paris, le
« Citoyen Président,
« Les administrateurs des vivres ont, sans y être autorisés par mon
prédécesseur ni par moi, acheté pour 1,728,823 livres de numéraire,
depuis la loi du 29 juillet dernier, sous le prétexte que la trésorerie
nationale ne leur en fournissait pas en proportion de leurs besoins, ils
demandent le remboursement de cette dépense. Leur réclamation serait
juste si mon prédécesseur ne leur avait pas en vain demandé des comptes,
d'après lesquels il leur aurait fait fournir le numéraire dont le besoin
aurait été constaté, s'il n'eussent constamment éludé ces réquisitions.
En conséquence, l'obscurité dans laquelle ils ont laissé leur
administration, la violation de l'article 3 de la loi du 19 juin,
portant qu'il ne leur sera pas fourni de numéraire pour les fournitures
de l'intérieur du royaume,
«Je suis, etc...
« Signé : PACHE. »
Le même secrétaire donne lecture d'une autre lettre de Pache, ministre de la guerre, qui rend compte de la fourniture des souliers pour l'armée, conformément au décret rendu la veille (1) ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Citoyen Président,
« Le très grand nombre d'hommes qui se sont rendus aux frontières depuis le 10 août, la promptitude des armements m'ont forcé à faire venir des quantités de souliers proportionnées au nombre d hommes. La plupart de ces fournitures ont été de très mauvaise qualité. Mais je tiens à dire à la Convention, en réponse au décret qu'elle a rendu hier, que maintenant nous n'en recevons que de bien choisis, et que les chaussures que nous aurons à ajouter pour l'avenir serait bien moins mauvaises que les précédentes. Sur mon invitation, les sections ont nommé des commissaires pour vérifier les marchandises au fur et à mesure de leur livraison. Toutes celles qui ne seront pas bonnes seront refusées. Déjà, en conséquence de cés examens, 1,000 paires ont été rejetées à Paris, et 6,000 à Lille. Le garde magasin du dépôt à Saint-Denis a été destitué. Je multiplierai encore davantage, si c'est possible, les moyens de surveillance.
« Il a été délivré à M. Fabre d'Eglantine une somme de 30,000 livres pour des souliers à fournir de bonne qualité ; il a été envoyé à l'armée de Kellerman, et en poste, 2,000 capotes ; il y en a 16,352 d'achevées; dans la huitaine, il yen aura 50,000. Les ateliers sont montés de manière à en fournir 200,000 dans quinze jours. (App laudissements. )
« On a pris également des mesures pour s'assurer de tous les draps nécessaires. Il y a trois jours que, par mes ordres, le citoyen Huguenin, ci-devant président de la commune, est parti pour retirer des magasins de Châlons, Reims, Soissons, Verdun, tout ce qui s'y trouve et qui peut être utile à cette armée. Ce citoyen a ordre de tirer le surplus des magasins de Metz, Thionville, Sedan, Mézières et Charleville. (Vifs applaudissements.)
« Je suis, etc...
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Il ne suffit pas de rejeter les fournitures de mauvaise qualité qui seront faites par la suite ; il faut faire supporter aux entrepreneurs les indemnités dues à la nation pour la mauvaise qualité, afin qu'ils n'aient plus d'intérêt à suborner les agents de l'Administration. Je demande que le ministre soit tenu de faire constater la qualité des fournitures déjà reçues.
(La Convention décrète cette proposition.)
Je demande aussi qu'il soit pris des mesures pour faire regorger les
financiers qui négocient les soumissions pour les fournitures,
(La Convention charge son comité de la guerre de faire une loi répressive sur tous les abus qui pourraient s'être glissés dans cette partie essentielle du service ae la République.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, par laquelle il rend compte de la dépense occasionnée par la translation de ses bureaux, ordonnée par l'ex-ministre Delessart ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Citoyen Président,
« La translation des bureaux du département des affaires étrangères, de la rue ci-devant dite de Bourbon, où ils étaient, à la rue de Cérutti, où ils sont actuellement, a occasionné une dépense de 46,688 livres; les ouvriers me pressent pour en obtenir le payement. Je ne crois pas pouvoir prendre sur ma responsabilité de faire payer cette somme sur les fonds de mon département ; j'aurais été aussi bien logé dans 1 ancien local que dans les lambris dorés de celui de la rue Cérutti. Un ministre républicain n'a pas besoin, pour servir sa patrie, d'un magnifique hôtel, dont le loyer coûte très cher au peuple. Ces beaux appartements convenaient à Delessart qui les a loués; mais il serait ridicule que la République payât les fantaisies d'un ministre. Cette dépense n'a, d'ailleurs, pour objet que des dorures, luxe qui n'est pas du tout de mon goût et que la nation ne doit pas payer. Cependant, il irest pas juste que les ouvriers perdent leur salaire et leurs fournitures. La Convention nationale prendra, sans doute, en sa sagesse, des mesures pour faire payer cette dépense par qui il appartiendra. »
« Signé : Lebrun. »
La question est très simple ; aucune dépense ne peut être payée qu'elle n'ait été autorisée par un décret de l'Assemblée nationale. Cette somme doit donc être payée par les héritiers de Delessart. (Applaudissements.)
La proposition de Cambon est juste au fond, mais elle est suspectible d'un amendement nécessaire pour procurer aux malheureux ouvriers le remboursement de ce qui leur est dû. Je demande que la somme soit provisoirement payée par le Trésor public, sauf le recours sur les biens de Delessart, s'il y à lieu.
11 y a un moyen de tout concilier. Lorsque Delessart sortit des prisons d'Orléans, il avait dans un portefeuille 600,000 livres ; cette somme a été déposée à la municipalité de Paris ; c'est sur cette somme que doit avoir lieu le recours de la nation. Je demande que le comité des finances nous fasse un rapport sur cet objet. (Applaudissements.)
(La Convention adopte la proposition de Delacroix.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que la dépense qui a été faite par Delessart, alors ministre des affaires étrangères, sans aucune autorisation du Corps législatif, n'est point une dépense nationale et qu'elle est exclusivement à la charge de la succession dudit Delessart; en
conséquence, elle autorise la Commune de Paris à faire régler les différents mémoires et à en payer le montant sur la somme appartenant audit Delessart, qui a été déposée après sa mort, et qu'il lui en sera tenu compte dans celui qu'elle rendra à la Convention nationale ».
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse l'extrait d'une dépêche du général Valence, qui envoie à la Convention des drapeaux enlevés aux Autrichiens dans la glorieuse journée de Virton.
Suivent la lettre, la dépêche et le discours de l'adjudant général d'Harville.
Paris, le
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale.
« Citoyen Président,
« J'adresse à la Convention nationale les trophées que les Autrichiens avaient enlevés autrefois aux patriotes Brabançons, et que les grena-diiers de l'armée ont recouvrés à l'affaire de Virton, le 22du mois dernier. Ces braves soldats désirent en faire hommage à la Convention nationale, et je ne doute pas que cette offre ne lui soit agréable.
« Signé : Pache. »
Extrait d'une dépèche du général Valence, datée de Rocroy, le
Le jour de l'affaire de Virton, citoyen ministre, après avoir déposté les Autrichiens du château de la Tour, nos grenadiers ont trouvé des trophées qui furent jadis enlevés sur les patriotes Brabançons : c'est ainsi que la liberté, triomphante par nos armes, se venge encore par elles des outrages qu'elle reçut dans des climats moins fortunés.
« Ces braves soldats ont désiré de faire hommage de ces monuments de leur valeur à la Convention nationale î je m'empresse de vous les adresser.
« Si ces drapeaux doivent être rendus aux Belges, de quels exploits ne deviendraient-ils pas le gage, donnés par ces mêmes républicains qui, bravant tous les despostes au moment où les armées étrangères étaient au cœur de la France, ont tracé, le 21 septembre, le plus grand exemple connu à tous les peuples qui veulent être libres?
« Je charge de cette dépêche le citoyen d'Harville, adjudant général.
« Pour extrait conforme :
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
L'adjudant général d'harville est introduit ; il présente trois drapeaux (Applaudissements) et s'exprime ainsi :
« Citoyen Président,
« J'ai remis au ministre de la guerre, de la part du général Valence, des drapeaux de la liberté belge, reconquis par des Français libres; en ayant été le porteur, le citoyen ministre me charge de les déposer entre les mains des représentants de la République. Décidez, citoyens, si ces drapeaux doivent encore flotter à la tête des bataillons patriotes brabançons qui vont se
montrer sans doute de toutes parts.... Qu'ils les reçoivent de ceux qui sont dignes de servir de modèles pour la conquête de la liberté.
« C'est à la bravoure et à l'intrépidité du deuxième bataillon de la Charente-Inférieure, des quatrième et cinquième bataillons des grenadiers, que nous devons le succès des armes de la République française dans l'attaque du château de la Tour, qu'ils ont emporté ae vive force en repoussant à coups de baïonnettes les esclaves de la Cour autrichienne. » (Applaudissements.)
La Convention nationale reçoit avec transport le gage du succès de nos armes et de notre cause. L'astre de !la liberté se lève et, comme le soleil, il ne s'arrêtera plus. (Vifs applaudissements.)
Le citoyen d'Harville est admis à la séance.
Nous ne sommes que dépositaires de ces drapeaux. Je demande qu'ils soient renvoyés à Dumouriez pour les rendre aux Belges, avec des cravates tricolores. (Applaudissements.)
Je remarque, en effet, sur ces drapeaux des croix, des marques qui tiennent au fanatisme et à l'aristocratie féodale. Vous vous rappelez que la Révolution qui se fit dans les provinces belgiques n'a été faite que par les prêtres ^t pour leurs avantages. Je demande qu'à la place de ces tristes emblèmes, il soit onné aux Belges trois drapeaux tricolores. (Murmures.)
Ne faisons pas aux Belges de 1792 l'injure de les comparer aux Belges de 1790. Le jour de la liberte, dont ils n'avaient encore entrevu que l'aurore, vient enfin de luire pour eux. J'appuie la proposition de Ducos.
(de la Marne). Parfaitement, et bien que tout d'abord il semble que ce soit au général valence que ces drapeaux devraient être envoyés de préférence, j'appuie également la proposition de les renvoyer à Dumouriez. Je suis certain, en effet, que ce général, qui connaît les dispositions du peuple belge et qui est animé du vif désir de propager la liberté chez ce peuple, remplira parfaitement vos vues. (Applaudissements.)
(La Convention décrète que ces drapeaux seront envoyés au général Dumouriez pour les remettre aux Belges.)
,au nom des comités colonial, des finances et de commerce réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) concernant les traites tirées par V ordonnateur de Saint-Domingue sur le Trésor de la République ; il s'ex--prime ainsi :
Citoyens, les comités colonial, des finances et de commerce réunis m'ont chargé de vous faire le rapport d'une réclamation du ministre de la marine, que vous avez renvoyée à leur examen (2).
Le ministre a proposé à la Convention d'autoriser les commissaires de la
trésorerie nationale au payement d'une somme de 1,263,707 liv. 16 s. 6
d., résultant de diverses traites tirées par
Ce payement ne pouvait être effectué sans l'autorisation de la Convention, aux termes de l'article 5 du décret du 26 juin dernier.
Le ministre a exposé à la Convention que les changements rapides et nécessaires qui ont été opérés dans les personnes des employés de son département, et surtout la mobilité des ministres ses prédécesseurs, pendant quelques mois, l'ont privé d'instructions nécessaires et ne lui ont pas permis de connaître le décret du 26 juin.
Il a ordonné, par un état de distribution du 1er septembre de cette année, le payement d'une somme de 136,784 1. 5 s. 2 d., faisant partie de celle dont je viens de vous parler, et résultant des traites échues dans le cours du même mois de septemhre.
Il s est bientôt aperçu de son erreur : il s'est hâté de rappeler aux commissaires de la Tréso-serie nationale la disposition de l'article 5 du décret du 26 juin ; il a plus fait : il est, en quelque sorte, venu s'accuser lui-même devant la Convention nationale d'une précipitation involontaire ; il l'a pressée de statuer promptement sur cet objet véritablement très urgent.
Dans l'intervalle, le ministre nous a verbalement fait connaître que, malgré l'avis par lui donné, il avait été payé pour environ 600,000 livres de ces traites échues au mois d'octobre; car il paraît qu'elles résultent de divers tirages, et que les échéances se succèdent tous les mois.
La somme de 1,263,707 liv. 16 s. 6 d., qui fait l'objet de ce rapport, doit être considérée comme une portion d'une autre qui se porte à 10,486,5881. 17 s., argent de France, résultant de traites qui écherront successivement, et dont la somme totale a servi, en partie, à acquitter une dépense faite dans la colonie depuis le 1er octobre de l'année dernière, jusquau 31 mai dernier. Cette dépense s'élève à 15,723,546 liv. 5 s. 10 d., argent ae France, et elle a été acquittée dans la colonie, soit au moyen de sommes qui restaient encore dans les caisses de la colonie ou qui y ont été versées en payement d'objets vendus dans les magasins nationaux, soit au moyen d'emprunts faits sur les lieux, soit au moyen de lettres de change tirées sur les Etats-Unis, soit enfin au moyen de celles dont il est ici question.
Vos comités réunis, après avoir jeté sur cette affaire un premier regard, ont pensé qu'elle ne pouvait présenter qu'une question : celle de la légitimité ou de l'invalidité de l'emploi des valeurs des lettres de change, celle de la nécessité ou du refus de leur acquittement.
Pour atteindre une décision, ils n'avaient d'autres lumières positives que le décret du 26 juin; et ce décret est une loi, une volonté nationale.
11 décide deux choses; l'une à l'article 4, que ces sortes de traites ne sont légitimes que lorsqu'elles ont soldé des dépenses publiques et dûment autorisées. Des dépenses publiques, c'est-à-dire faites pour la conservation et la sûreté générale de la colonie; des dépenses dûment autorisées, c'est-à-dire prononcées par une loi ou par une règle générale qui ait jusqu'ici tenu lieu d'une loi ; deux caractères différents, mais essentiels, sans le concours desquels la légitimité des traites s'évanouit. Le décret décide encore à l'article 5 que, quant aux traites fournies depuis le 31 décembre 1791, l'Assemblée se réserve de
statuer, d'après les bordereaux qui lui en seront présentés, si elles devront être acquittées par les commissaires de la trésorerie nationale. La première de ces deux décisions éclaire la seconde, ou plutôt elles se combinent parfaitement; elles offrent dans leur réunion l'esprit de la loi, elles révèlent la volonté des législateurs.
Que dit la seconde décision? Elle dit, citoyens, que, quant aux traites postérieures au 31 décembre 1791, l'Assemblée se réserve de statuer, d'après les bordereaux, si elles devront être acquittées. Elle ne veut donc pas faire payer sans un examen préalable. Où puisera-t-elle les lumières? Dans les bordereaux qui lui seront présentés. Que lui offriront ces bordereaux? Des valeurs et des motifs, car les valeurs toutes seules ne sauraient opérer une décision régulière, puisqu'en principe l'emploi de ces valeurs doit être la solde de dépenses publiques et dûment autorisées.
Ces notions simples et faciles à saisir ont dû rester toujours présentes à notre pensée, lors même qu'elles ont été balancées par d'autres considérations.
Vos comités ont d'abord examiné les bordereaux qui leur ont été présentés au nombre de trois; mais ils ont reconnu que ces pièces ne portaient qu'une énonciation vague et générale ae dépenses de la colonie, ou celle plus vague et plus abusive encore de dépenses extraordinaires.
Ils n'ont pu examiner les traites elles-mêmes, qui ne leur ont pas été présentées. Et d'ailleurs, ces traites leur auraient-elles offert plus de lumières?
Vos comités avaient une autre base : ils l'ont trouvée dans un état sommaire des recettes et dépenses faites à Saint-Domingue, depuis le 1er octobre 1791, jusques et compris le 31 mai 1792.
Dans ce tableau, la dépense s'élève à 15,534,4751., comme je vous le disais tout à l'heure; et l'acquittement de cette dépense a été fait, en très grande partie, au moyen d'une somme de 10,486,588 1. 17 s. en lettres de change tirées sur le Trésor public, comme je vous le disais encore. Et ne perdez pas de vue que celle de 1,263,707 1. 16 s. 6 d. en fait essentiellement partie.
Vos comités, ont en même temps, reconnu que cet état sommaire présentait des dépenses de deux classes : les unes, parfaitement publiques et légales, au moins au premier aperçu ; les autres, en partie très douteuses. Les premières ont absorbé une somme de 11,281,871 1.14 s. 4 d.; les secondes, une somme de 4,252,6031.10 s. 6 d. Il devient, par là, très probable que les traites dont il s'agit appartiennent, en très grande partie, à la première classe; mais ce n'est là qu'une probabilité, car la masse entière des lettres de change dont il est ici question a servi à acquitter une somme de plus de 15 millions, résultant de dépenses de deux espèces différentes. Gomment adapter aujourd'hui chaque traite à la section qu'elle a soldée? Comment distinguer dans des bordereaux presque muets si toutes les traites qu'ils énoncent, si toutes les valeurs de ces traites appartiennent à la même classe de dépenses? C'était là, citoyens, une question insoluble dans ce moment; et cette indétermination aurait conduit vos comités à vous proposer un ajournement, si d'importantes considérations n'eussent balancé ce premier parti.
Vos comités réunis n'ont rien négligé pour vous présenter un avis qui fût digne tout à la fois et de votre justice et de votre zèle pour les intérêts de la République. Ils se sont entourés de
lumières respectables; et voici, citoyens, les considérations dont ils se sont pénétrés :
Deux lettres écrites au ministre de la marine par l'ordonnateur de Saint-Domingue, l'une du 12 juin, l'autre du 18 août dernier, ont été communiquées à vos comités réunis. Elles exposent la position de cette colonie, relativement à ses recettes et à ses dépenses publiques.
Il en résulte que les dépenses sont Laussi immenses qu'inévitables; que la recette ne produit presque rien ; que le trésor de la colonie n'a pu être fourni d'espèces, soit à cause de l'exiguïté et de la difficulté des recettes, soit à cause du défaut presque absolu de numéraire en circulation ; que les traites tirées par cet ordonnateur sur les Etats-Unis ne sont plus acceptées; que cependant on ne peut cesser de solder les troupes et de les alimenter par les rations qu'on est dans l'usage de leur distribuer dans les colonies; que les malheureux incendiés ne peuvent être livrés aux horreurs de la famine; que les hôpitaux militaires, que les magasins nationaux ne peuvent cesser d'être approvisionnés; et que, lorsque les espèces et les contributions manquent tout à la fois, il n'a plus d'autres ressources que les tirages.
Dans cet état de choses, vos comités ont considéré d'abord que le vu apposé sur les traites dont il s'agit présentait absolument la même forme que celui prescrit par le décret du 26 juin dernier; qu'avant ce décret, le visa tenait lieu d'une acceptation formelle; que les traites déjà échues avaient été visées en mars et avril, puisqu'elles étaient à six mois de vue; mais si elles ont été acceptées antérieurement au décret, ne sont-elles pas devenues, par cela même, des contrats de bonne foi, qu'il serait difficile et peut-être injuste de résoudre?
Car observez, citoyens, que le ministre de la marine n'a pas eu, dans les premiers temps de son ministère, connaissance de la loi du 26 juin ; que les commissaires de la trésorerie nationale ne paraissent pas l'avoir connue davantage : comment donc imputer une ignorance de droit à des citoyens plus versés dans les affaires de commerce que dans l'étude des lois, lorsque des fonctionnaires publics semblent avoir ignoré celle dont il est ici question?
Vos comités ont considéré, en second lieu, que si le crédit national pouvait souffrir d'une brusque suspension de payement, que si même elle pouvait compromettre l'existence des colonies, la justice ri en souffrirait pas moins.
Ces lettres de change ont été revêtues, sur les lieux, de la sanction du mandataire de la République, du fondé de ses pouvoirs. Elles ont passé successivement dans une infinité de mains, dont plusieurs peuvent être très pures; elles ont été le prix et l'objet d'une foule de négociations permises; elles ont été présentées à la trésorerie nationale et visées par elle, de l'autorisation du ministre de la marine.
Quel effet produirait dans ce moment une suspension subite? N'alarmerait-elle pas toutes les places de commerce? Ne nuirait-elle pas à notre crédit dans les places étrangères? Ne serait-elle pas présentée à des hommes simples et de bonne foi, par nos perfides ennemis, sous les couleurs les plus odieuses? Ne provoquerait-elle pas une multitude de procès et de faillites, qui deviendraient de nouvelles causes de désordres?
Les ennemis des lois vraiment constitutionnelles des peuples libres, de la liberté et de l'égalité, quelques agents d'un pouvoir exécutif
aussi aveugle que criminel et qui ne voulait régner que sur des ruines, ont allumé l'affreux incendie de Saint-Domingue; il a fallu les repousser par un surcroît de forces et garantir par les armes la justice violée par d'odieux despotes. Ce surcroît de forces n'a pu qu'augmenter les dépenses publiques, lors même que des crimes et des trahisons multipliés ont épuisé les moyens d'y pourvoir. Assurément, les sommes dont on vous propose le payement ont dû servir, du moins en très grande partie, à acquitter ces dépenses. Nous ne vous proposons pas, toutefois, citoyens, l'abandon des sommes dont le payement nous paraît inévitable; elles doivent rester hypothéquées sur les contributions de la colonie, qui se relèveront en même temps que ses plantations et son commerce ; elles doivent peser sur la responsabilité du mandataire de la République qui les a autorisées; et s'il est vrai, comme l'écrit 1 ordonnateur actuel de Saint-Domingue, que son prédécesseur ait été contraint de céder à des réquisitions irrégulières qui n'étaient que des ordres déguisés; s'il est. vrai que des nommes sans mission aient eux-mêmes arbitrairement disposé de la fortune publique, leurs propriétés et leurs personnes doivent en répondre. Peut-être même jugerez-vous nécessaire de presser dans les colonies, et notamment à Saint-Domingue, la vente des biens nationaux et de ceux des émigrés qui peuvent s'y trouver, pour en affecter le produit au payement de cette avance.
Nous ne vous proposons pas non plus de prononcer l'acquittement de toutes les traites tirées depuis le 1er octobre dernier jusqu'au 31 mai de cette année ; vos comités n'en avaient pas le pouvoir, puisque vous ne les avez interrogés que sur ie sort des traites déjà échues; mais ils ne vous dissimulent pas qu'en ordonnant l'acquittement de ces dernières, vous préjugerez le payement des autres.
Quelles que soient, au surplus, les mesures que vous adopterez à cet égard dans votre sagesse, vos comités ne peuvent vous dissimuler qu'autant les ^dispositions de l'article 5 du décret du 26 juin dernier présentent de sagesse, autant la rédaction de cet article est-elle incomplète et peu précise. Il faut en consacrer le principe d'une manière plus tranchante, plus claire et qui ne fournisse aucune exception évasive-; il faut qu'une loi solennellement publiée ne laisse pas plus d'excuses à Pignorance qu'à la dilapidation.
D'après ces considérations, vos comités réunis vous présentent le projet de décret suivant :
projet de décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités colonial, des finances et de commerce réunis, sur le renvoi qu'elle leur a fait d'une proposition du ministre de la marine, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les traites tirées par
l'ordonnateur de Saint-Domingue, échues en septembre dernier ou qui
écherront en octobre présent mois, lesquelles présentent une somme
totale de l,2t>3,707 liv. 16 s. 6 d., seront acquittées par les
commissaires de la trésorerie nationale.
« Art. 2. Conformément à l'article 6 du décret du 26 juin dernier, ce payement ne sera effectué qu'à titre d'avance ; les fonds en seront hypothéqués sur les contributions de la colonie et prélevés sur la masse de ces contributions, pour être versés à la trésorerie nationale.
« Art. 3..La Convention nationale décrète qu'elle n'entend dégager l'ordonnateur qui a visé ces traites, ni les citoyens qui ont pu l'en requérir formellement, de leur responsabilité graduelle et respective, s'il n'est justifié de l'emploi des sommes y portées en dépenses publiques et dûment autorisées.
« Art. 4. Sont réputées dépenses publiques toutes celles seulement qui ont pour obiet la conservation et la sûreté générale de la colonie, telles que les travaux des fortifications, les travaux publics légalement ordonnés, la solde des troupes, les appointements des officiers civils et militaires de la République employés à Saint-Domingue, les fournitures faites aux magasins nationaux, les journées d'hôpitaux et autres de cette nature.
« Sont réputées dépenses dûment autorisées, toutes celles seulement qui sont faites en vertu d'une loi actuellement existante et non abrogée.
« Art. 5. A l'avenir et à compter du jour de la promulgation du présent décret, les traites qui présenteraient des emplois différents de ceux indiqués au présent article ne seront point acquittées par le Trésor public; elles resteront au compte personnel de ceux qui les auront indûment requises, approuvées ou visées.
« Art. 6. Les titres vagues de dépense et d'une extension illimitée, tels que ceux connus sous les noms de dépenses extraordinaires, différents objets, et autres semblables, sont compris dans les dispositions de l'article ci-dessus ; en conséquence, la Convention nationale décrète que les traites ainsi motivées ne seront point" acquittées par le Trésor public.
« Art. 7. A l'avenir, le ministre de la marine n'autorisera les commissaires de la trésorerie à viser les traites qui leur seront présentées, qu'après qu'il aura pu s'assurer de la validité de l'emploi des sommes qui y seront portées, soit au moyen des causes qui y seront énoncées, soit d'après les états détaillés que l'ordonnateur de Saint-Domingue est tenu de lui adresser.
Art. 8. A cet effet et autant que les circonstances pourront le permettre, cet ordonnateur informera lè ministre de la marine des causes des tirages à l'instant même où il les autorisera. Le ministre fera néanmoins servir un bordereau desdites lettres de change, à mesure qu'elles lui seront adressées, par les commissaires de la trésorerie nationale.
« Art. 9.11 fera exprimer dans ce bordereau les numéros des traites, leurs dates, leurs valeurs et les causes ou motifs de leur émission.
« Art. 10. Le ministre de la marine adressera à la Convention nationale les bordereaux qu'il fera servir, et les états détaillés qu'il aura reçus pour servir à l'autorisation ou au rejet du payement desdites traites.
« Art. 11. Il n'autorisera le visa des commissaires de la trésorerie nationale que sous sa responsabilité.
« Art. 12. Les ministres de l'intérieur et de la marine feront parvenir, le plus promptement possible, le présent décret dans les places maritimes et de commerce, ainsi que dans les colonies. »
,rapporteur, soumet à la discussion l'article 1er du projet du décret :
« Les traites tirées par 1 ordonnateur de Saint-Domingue, échues en septembre dernier ou qui écherront en octobre présent mois, lesquelles présentent une somme totale de 1,263,707 livres,
16 sols, 6 deniers, seront acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale. »
Un membre: Je m'oppose au remboursementde ces traites ; car vous en auriez à payer, pour plus de 23 millions, dont la plupart n'ont pas été tirées pour des dépenses publiques, à en juger par les 6 millions dont nous avons l'état. Vous ne devez payer que celles uniquement qui ont été souscrites pour le payement des troupes et des hôpitaux, et jusqu'à ce que vous les connaissiez, vous n'en devez payer aucune.
Cette question est de la plus grande importance : il s'agit de savoir si vous voulez donner des subsistances à vos colonies ou les abandonner. Saint-Domingue avait pour ses dépenses particulières la ressource des contributions locales sur les denrées et les nègres ; l'incendie, les ravages et la guerre civile ont depuis longtemps 'anéanti cette ressource. Les colons ont donc été forcés, par la loi impérieuse des circonstances, de payer en lettres de change sur le Trésor public les blés et autres objets que leur ont fournis les négociants français, et pour lesquels ils ne pouvaient donner en paiement ni café, ni sucres, ni indigo ; ces denrées étant devenues la proie des flammes, à la rigueur, vous ne devez pas la plus grande partie de ces traites ; mais je vous demande si 1 ordonnateur devait exposer la colonie aux horreurs de la famine pour sauver les principes? D'un autre côté, le négociant qui a été forcé de fournir ses denrées, doit-il perdre son capital? Si vous ne payez pas ces traites, quel est le commerçant qui voudra porter désormais des subsistances aans ces malheureuses contrées ?
J'appuie les observations de Cambon ; j'ajoute qu'il n'a considéré la question que sous le rapport de l'intérêt des colons, auquel il faut au moins épargner la famine, le seul des fléaux auxquels ils n'ont pas été en proie jusqu'ici ; mais il faut, en outre, considérer l'intérêt du commerce français ; encore des délais, des hésitations, et les armements de tous les ports sont suspendus ; et dès lors vous condamnez à l'inaction les bras des milliers d'ouvriers que les travaux des ports maritimes font vivre. Je demande la parole, s'il y a des oppositions, sinon voici l'article que je propose :
Art. 1er. Les lettres de change fournies sur
le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, et montant à
8,670,470 livres, 10sols? 4 deniers,serontacquittées par la Trésorerie
nationale, à la charge par l'ordonnateur d'en justifier l'emploi en
dépenses publiques. »
(La Convention adopte, sauf rédaction, l'article proposé par M. Boyer-Fonfrède.)
,rapporteur, soumet ensuite à la discussion les articles 2 à 12 du projet de décret qui sont adoptés sans modifications. Suit le texte définitif du décret rendu : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités colonial, des finances et de commerce réunis, sur le renvoi qu'elle leur a fait d'une proposition duministrede la marine, décrète ce qui suit:
Art. 1er
« Les traites tirées par l'ordonnateur de Saint-Domingue sur le Trésor public, lesquelles se portent à la somme de 8,670,470 livres, 10 s., 4 d., suivant l'état adressé par le ministre de la marine à la Convention, seront acquittées par
les commissaires de la Trésorerie nationale, et ledit état sera annexé au présent décret.
Art. 2.
« Conformément à l'article 6 du décret du 26 juin dernier, ce payement ne sera effectué qu'à titre d'avance : lès fonds en seront hypothéqués sur les coutributions de la colonie, et prélevés sur la masse de ces contributions, pour être versés à la Trésorerie nationale.
Art. 3.
« La Convention nationale décrète qu'elle n'entend dégager l'ordonnateur qui a visé ces traites, ni les citoyens qui ont pu l'en requérir formellement, de leur responsabilité graduelle et respective, s'il n'est justifié de l'emploi des sommes y portées, en dépenses publiques et dûment autorisées.
Art. 4.
« Sont réputées dépenses publiques, toutes celles seulement qui ont pour objet la conservation et la sûreté générale de la colonie, telles que les travaux des fortifications, les travaux publics légalement ordonnés, la solde des troupes, les appointements des officiers civils et militaires de la République, employés à Saint-Domingue, les fournitures faites aux magasins nationaux, les journées d'hôpitaux, et autres de cette nature.
c Sont réputées dépenses dûment autorisées, toutes celles seulement qui sont faites en vertu d'une loi actuellement existante et non [abrogée.
Art. 5.
« A l'avenir, et à compter du jour de la promulgation du présent décret dans les colonies, les traites qui présenteraient des emplois différents de ceux indiqués au présent article ne seront point acquittées par le Trésor public ; elles resteront au compte personnel de ceux qui les auront indûment requises, approuvées ou visées.
Art. 6.
« Les titres vagues de dépenses et d'une extension illimitée, tels que ceux connus sous les noms de dépenses extraordinaires, différents objets, et autres semblables, sont compris dans les dispositions de l'article 5; en conséquence, la Convention nationale décrète que les traites ainsi motivées ne seront point acquittées par le Trésor public.
Art. 7.
« A l'avenir, le ministre de la marine n'autorisera les commissaires et la Trésorerie à viser les traites qui leur seront présentées, qu'après qu'il aura pu s'assurer de la validité de l'emploi aes sommes qui y seront portées, soit au moyen des causes qui y seront énoncées, soit d'après les états détaillés que l'ordonnateur de Saint-Domingue est tenu de lui adresser.
Art. 8.
« A cet effet, et d'autant que les circonstances pourront le permettre, cet ordonnateur informera le ministre de la marine des causes des tirages à l'instant même où il les autorisera. Le ministre fera néanmoins servir un bordereau desdites lettres de change, à mesure qu'elles lui seront adressées, par les commissaires de la Trésorerie nationale.
Art. 9.
» Il fera exprimer dans ce bordereau les numéros des traites, leurs dates, leurs valeurs et les causes ou motifs de leur émission.
Art. 10.
« Le ministre delà marine adressera à la Convention nationale les bordereaux qu'il fera servir, et les états détaillés 'qu'il aura reçus pour servir à l'autorisation ou au rejet du payement desdites traites.
Art. 11.
« Il n'autorisera le visa des commissaires de la Trésorerie nationale, que sous sa responsabilité.
Art. 12.
» Les ministres de l'intérieur et de la marine feront parvenir, le plus promptement possible, le présent décret, dans les places maritimes et commerce, ainsi que dans les colonies. »
Etat des lettres de change tirées de Saint-Domingue
sur la Trésorerie nationale, demis le 1er octobre 1791 jusques et compris le ô 1 mai 1792.
Savoir :
Pour dépenses extraordinaires................ 15,191,4211. 2 s. 11 d.
Pour indemnité aux membres de l'Assemblée coloniale.............. 307,063 16 6
Pour dépenses de la marine................ 231,398 6 »
Total, argent des îles. 15,729.882 1. 5 s. 5 d.
A déduire pour le change ordinaire, à 33 1/3
p. 0/0..............................5,243,294 8^ 6
Reste, argent de France 10,486,5881.17 »> d.
Nota. Par le décret du 26 juin 1792, le ministre a été autorisé à faire acquitter les traites faites avant le 31 décembre 1791, calculées à 2,724,179 liv. faisant, argent de France....... 1,816,118 6 8
Reste pour les traites dont le payement n'est pas autorise........... 8,670,4701.10 s. 4 d.
Un membre présente la question de l'indépendance des colonies comme une des idées les plus capables de fixer l'attention des législateurs. Il en demande le renvoi au comité diplomatique.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Un autre membre demande que le rapport sur les forces et les commissaires a envoyer dans les colonies soit fixé par décret à demain.
(La Convention adopte cette proposition.)
,au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de
décret (1)
Citoyens, vous parler des billets de la caisse de secours, c'est traiter une question très délicate, puisque d'un côté vous avez à défendre l'intérêt du Trésor public, et que de l'autre vous avez à soulager la classe indigente des citoyens. Vous connaissez maintenant la somme présumée des billets de la Maison de secours de Paris, qui sont encore en circulation; elle est de A986,063 liv. ; c'est cette somme qu'il est instant de remboursér ; nous ne connaissons pas encore au juste l'état de l'actif de cette maison. 11 s'élève, selon le directoire du département,fà 1,600,620 L; selon le conseil général de la commune, à 1,237,000 liv. Nous évaluons que le déficit des différenets caisses de Paris pourra s'élever à 5 millions. Nous vous proposerons demain un projet de décret pour répartir cette somme sur les citoyens riches du département. Vos comités, jetant ensuite leurs regards sur les autres communes de la République, ont pensé qu'il convenait de faire retirer de la circulation tous les billets de confiance qui ont été émis, soit par des municipalités, soit par des particuliers; ils vous proposent plusieurs articles pour l'exécution prompte de cette mesure; ils pensent même qu'il faut ordonner, qu'à compter du 1er janvier prochain, ils ne seront plus reçus en payement, et que les porteurs ne seront point remboursés, à moins qu'il n'aient fait des poursuites avant cette époque pour s'en procurer le remboursement.
" Il faut, qu'à compter de cette même époque, tous particuliers ou toute municipalité qui mettra en émission des billets au porteur, de telle nature qu'ils soient, soient réputés faux mon-nayeurs.Cette disposition est sans inconvénient, puisque avant la fin du mois il y aura plus de 200 millions d'assignats de 10 et de 15 sols en circulation. Les billets au porteur ne sont qu'une source d'agiotage. Ceux de 1,000 liv. émis par la caisse d'escompte, et ceux de la caisse patriotique, offrent sans doute une garantie suffisante; mais si l'on permettait la circulation de ceux-ci, ' des fripons en feraient circuler d'autres, et d'ailleurs la masse de nos assignats est suffisante à tous les besoins du commerce. Nous vous proposons enfin d'établir pour règle générale que le déficit qui pourra se trouver dans ces différentes caisses sera supporté par les communes où elles sont établies, mais progressivement aux fortunes; car le citoyen riche doit être taxé infiniment plus que celui qui n'a qu'une fortune médiocre; et I on ne peut faire payer celui qui n'a que le simple nécessaire. Ce principe est d'autant plus vrai dans son application [au cas particulier dont il s'agit, que l'on ne peut contester que c'est au gros propriétaire, aux entrepreneurs, aux chefs d'atelier qu'ont été princi-palements utiles les billets de secours puisqu'ils les ont dispensés d'acheter du numéraire. Ces différene6 mesures feront cesser les inquiétudes et préviendront sûrement les troubles dont la stagnation subite de ces billets a menacé plusieurs départements. Voici le projet de décret : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, considérant la nécessité qu'il y a d'arrêter le plus tôt possible la circulation des billets au porteur, payables à vue, soit en échange d'assignats,soit en billets échangeables en assignats, qui sont reçus de confiance comme monnaie dans les
transactions journalières, afin d'éviter les troubles qu'elle pourrait occasionner;
« Considérant que l'émission desdits billets, qui a "été faite par des municipalités, compagnies, ou particuliers, ne peut dans aucun cas, former une dette à la charge de la nation ;
« Considérant qu'il est du devoir des représentants de la nation de prendre des mesures pour fournir au déficit qui pourrait résulter des diverses émissions desdits billets, afin que la portion du peuple la moins fortunée ne soit pas la victime de l'insolvabilité ou des manœuvres coupables des personnes qui les ont émis, décrète ce qui suit:
« Art. 1er. Dans le jour de la publication du présent décret, les directoires des districts nommeront un commissaire pour vérifier l'état de situation des caisses de municipalités qui ont émis des billets au porteur; il se fera représenter les fonds qui se trouveront dans les caisses, ou autres valeurs qui servent de gage auxdites émissions, et en dressera procès-verbal.
« Art. 2. Les directoires de district feront procéder à la vente des valeurs qui servent de gage auxdits billets, afin de se procurer en assignats ou espèces l'entier montant des billets qui seront en circulation.
« Art. 3. Du jour de la publication du présent décret, les municipalités cesseront toute émission des billets au porteur; elles feront briser toutes les planches qui auront servi à leur fabrication, et elles procéderont de suite au reti-rement de ceux qui sont en circulation, qu'elles feront annuler et brûler en présence du peuple.
« Art. 4. Les maires et officiers municipaux qui auront fait lesdites émissions étant responsables du déficit qui pourrait exister dans lesdites caisses, seront tenus d'y pourvoir au fur et à mesure des besoins; et, faute par eux d'y satisfaire",-ils y feront contraints a la requete et diligence du procureur syndic .du district.
« Art. 5. Dans le jour aussi de la publication du présent décret, les municipalités seront tenues de faire, conformément aux dispositions de la loi du 1er avril, une nouvelle vérification des caisses des particuliers ou compagnies qui ont émis des billets au porteur de 25 livres et au-dessous payables à vue, soit en échange d'assignats, soit en billets échangeables en assignats, qui sont reçus de confiance comme numéraire dans les transactions journalières.
« Art. 6. Dans les trois jours après ladite vérification, les particuliers ou compagnies qui auront en circulation desdits billets seront tenus de représenter à la municipalité les assignats ou espèces nécessaires pour retirer tous les billets qui seront en circulation.
« Art. 7. Les assignats ou espèces seront déposés dans une caisse à deux clefs, dont une restera au pouvoir des particuliers ou compagnies qui auront émis lesdits billets; l'autre sera remise à un commissaire nommé par le corps municipal.
« Art. 8. Les particuliers ou les intéressés dans"les compagnies qui ne satisferont pas aux dispositions de l'article 6 y seront contraints par corps, à la requête et diligence du procureur de la commune, qui sera aussi chargé de faire saisir et arrêter tous les effets et marchandises appartenant auxdits particuliers ou compagnies.
« Art. 9. Le corps municipal fera procéder de suite à la vente de tous les effets et marchandises qui auront été saisis ; il poursuivra la rentrée
Pe
des sommes qui pourront être dues auxdits particuliers ou compagnies : les fonds provenant desdites ventes ou rentrées seront employés de suite, nonobstant toute opposition, au retirement desdits billets qui seront en circulation; l'excédent, s'il y en a, sera remis auxdits particuliers ou compagnies, ou à leurs créanciers.
« Art. 10. Le retirement desdits billets sera fait par un préposé nommé par les particuliers ou compagnies qui les auront émis, sous la surveillance d'un commissaire nommé par le corps municipal, et ils seront brûlés au fur et à mesure de leur rentrée.
« Art. 11. Le déficit qui pourra se trouver dans les caisses des particuliers ou compagnies qui auront émis lesdits billets, (le produit de la vente des effets et marchandises et ae la rentrée des dettes actives prélevé), sera supporté, àParis, )ar tous les citoyens du département; et pour es autres villes, il sera une charge des communes dans le territoire desquelles ces établissements ont eu lieu, sauf leur recours contre les entrepreneurs, directeurs, associés ou intéressés dans lesdites caisses.
« Art. 12. Le montant de ce déficit sera réparti au marc la livre, d'après le mode de contribution extraordinaire qui sera établi par la Convention, sur l'avis des corps administratifs et municipaux.
« Art. 13. Pour obtenir l'autorisation de la contribution nécessaire pour le remboursement de ce déficit, le corps municipal adressera au directoire de district l'état de l'actif et du passif desdites caisses; il y joindra son avis sur les causes qui ont occasionné -le déficit et sur le mode à adopter pour son remboursement.
« Art. 14. Le directoire de district vérifiera ledit état; il l'enverra avec son avis au directoire de département, qui l'adressera sans délai, avec son avis, au ministre des contributions publiques, qui le fera passer à la Convention.
« Art. 15. Dans le cas où quelque municipalité croirait qu'il fût nécessaire de faire quelque emprunt -pour hâter le retirement des billets émis, elle adressera ses vues aux corps administratifs qui les enverront avec leur avis à la Convention.
« Art. 16. A compter du 1er janvier prochain, il ne pourra plus rester en circulation dans toute la République aucun billet au porteur, payables à vue, de quelque somme qu'ils soient; ceux qui, à cette époque, ne justifieront pas avoir fait des poursuites pour obtenir leur remboursement seront déchus de leurs droits et actions.
« Art. 17. A compter de la publication du présent décret, il est défendu aux corps administratifs et municipaux, et aux particuliers ou compagnies, de souscrire ni d'émettre aucun effet au porteur, sous quelque titre ou dénomination que ce soit, sous peine par les contrevenants d'être poursuivis et punis comme- faux mon-nayeurs. »
(La Convention ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion à mardi prochain.) (La séance est levée à cinq heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 2 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
,secrétaire, lit l'analyse de différentes adresses, lettres et pétitions envoyées à la Convention, dans l'ordre suivant :
1° Adresse des citoyens de la section de l'égalité, ci-devant n° 4, qui offrent à la Convention, comme une preuve du désir qu'ils ont de concourir à la gloire et au bonheur de la patrie, un discours sur les causes de l'agiotage et sur les moyens propres à les détruire, et un extrait des délibérations de cette section sur les moyens les plus propres à procurer à la classe des citoyens indigents de la monnaie de billon ou de cuivre, au pair, en échange d'assignats.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des finances.)
2° Lettre des membres composant le conseil général du département d'Indre-et-Loire, relativement à quelques difficultés qui se sont élevées parmi les membres de l'Administration, sur le mode de renouvellement, en exécution de la loi du 19 octobre dernier.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
3° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait passer à la Convention différentes pièces concernant les dépenses occasionnées pour la fédération générale du 14 juillet 1790, desquelles il résulte qu'il est dû aux menuisiers 235,251 liv. 5 sols, et le remboursement de 403,000 livres que la municipalité a avancées. Le ministre demande qu'il soit ordonné, le plus tôt possible, un fonds pour le payement de ces deux sommes.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
4° Adresse des membres de la commune de Rouen, qui envoient à la Convention un mémoire relatif à la taxation du prix des bois de chauffage, qu'ils ont oublié de joindre à la pétition qu'ils ont fait passer le 24 du mois dernier.
(La Convention renvoie la lettre au comité de commerce.)
5° Lettre du procureur général syndic du département de la Drôme, qui envoie à la Convention quatre pièces relatives aux mesures à prendre pour réprimer les nouveaux délits des municipalités et corps administratifs, tendant à empêcher ou retarder le séquestre ou la vente des biens des émigrés.
(La Convention renvoie ces pièces à la commission pour les biens des émigrés.)
6° Lettre des administrateurs du directoire du département du Nord, qui écrivent à la Convention pour demander une loi sur le mode d'exécution de celle qui ordonne le partage des terrains et usages communaux.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'agriculture.)
7° Trois lettres des citoyens administrateurs du département des Côtes-du-Nord :
La première, relative aux indemnités réclamées par les électeurs du district de Lamballe, réunis pour le remplacement des curés soumis à la déportation ;
La seconde, avec un mémoire relatif à l'assiette de la contribution mobilière;
La troisième, par laquelle, en invitant la Convention à donner de bonnes lois à la République, ils se plaignent de ce que Paris souffre dans son sein des agitateurs et des factieux : les commotions, disent-ils, que cette poignée d'oisifs mal intentionnés cherchent à exciter, peuvent altérer la tranquillité qui doit régner autour de vous ; il est donc important que vous soyez entourés d'une force armée capable d'en imposer aux ennemis du bien public. Tous les Français sont jaloux de concourir à vous préserver de toute agitation extérieure, et désirent partager l'avantage d'être témoins de vos travaux immortels.
(La Convention renvoie les deux premières de ces lettres au comité des finances et la troisième aux comités de sûreté générales et de législation réunis.)
8° Lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault, qui envoie à la Convention un procès-verbal qui constate que trente volontaires du bataillon de Nantes, qui n'ont pu suivre leur corps, sont entrés à l'hôpital de Montpellier pour n'en sortir qu'à parfaite guérison.
(La Convention renvoie la lettre au comité de
guerre.)
9° Adresse des administrateurs du directoire du département du Nord, qui annoncent à la Convention qu'ils ont vu, dans les papiers publics, une lettre de ses commissaires près l'armée du Nord, contenant que la loi portant abolition de la royauté n'était point connue officiellement dans ce département à l'époque du 14 octobre dernier, tandis qu'elle l'était aans tout le département dès le 3 du même mois, excepté dans le district de Lille, dont le chef-lieu était alors bombardé par les ennemis. « Ce retard, disent-ils, a sans doute causé l'erreur des citoyens commissaires de la Convention nationale. »
10° Adresse du conseil général du département de Rhône-et-Loire, qui fait parvenir à la Convention le résultat des mesures prises pour que l'enseignement public ne soit point interrompu dans le collège de Roanne, à cause de la cessation de la congrégation de Saint-Joseph.
(La Convention renvoie l'adresse au comité d'instruction publique.)
11° Lettre des administrateurs du directoire au département du Loiret, qui demandent que la loi qui détermine le mode d'embarquement des grains sur le canal des deux mers soit rendue commune à la navigation de la Loire.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'agriculture et de commerce.)
12° Adresse des administrateurs du département de la Marne, par laquelle ils demandent une interprétation à l'article 18 de la loi du 2 septembre dernier, relative à la vente des biens des émigrés.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de législation.)
13° Lettre du procureur général syndic du département de la Loire-Inférieure, qui fait passer un arrêté relatif à la pétition de la commune de
Saint-Pierre-en-Retz, pour obtenir le renouvellement des marchés qui s'y tenaient, et l'établissement de deux foires par an.
(La Convention renvoie la lettre au comité de commerce.)
14° Lettre du citoyen Lacroix, ci-devant évêque de Vabres, qui vient d'offrir à la nation trois chevaux de trait : ce don est certifié par la délibération du directoire du département de l'Avey-ron.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
15° Deux lettres et pièces des administrateurs du département de la Vendée;
La première, à laquelle est joint un arrêté relatif à la réunion des prêtres insermentés en maison commune;
La seconde, avec un arrêté qui prononce la mainlevée du séquestre rais sur les biens d'un sieur Châtaignier, pour cause d'émigration, en conséquence de la lettre du ministre de l'intérieur. Ils prient la Convention de prononcer sur leur conduite.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de législation;)
16° Deux lettres du conseil du département de la Nièvre;
La première, concernant la pétition du citoyen Lacour, ancien curé de Saint-Hilaire, qui demande des secours ;
La seconde, avec un arrêté pris sur la pétition de la commune de Pougues, qui implore l'humanité de la Convention pour Claude Florentin, prêtre insermenté, paralytique.
(La Convention renvoie ces lettres au comité des secours.)
17° Adresse des officiers municipaux de la ville de Coucy, qui se plaignent d'hommes qui ne cherchent qu'à semer le trouble dans leur pays, et d'opérations arrêtées par leur assemblée électorale relativement au placement des établissements administratifs et judiciaires.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de division.)
18° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui annonce que, conformément au décret du 29 octobre dernier, il a envoyé à tous les départements l'extrait du titre IV de la loi du 16 mai dernier, relative à l'augmentation de pension des invalides qui y sont retirés, et aux ordres qu'il a donnés -à ce sujet; cette lettre est ainsi conçue (1) :
Paris,
« Citoyen Président,
« Je viens d'adresser, conformément au décret du 29 octobre dernier, à
toutes les administrations des différents départements de la République,
un extrait du titre IV de la loi du 16 mai dernier, relatif à
l'augmentation de pension des invalides qui y sont retirés, en les
priant de donner leurs ordres pour faire payer ces militaires, sur le
pied fixé par l'article 2 du même
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
(La Convention ordonne le dépôt de cette lettre aux Archives.)
Le même secrétaire poursuitla lecturedes lettres, pétitions et adresses envoyées à l'Assemblée :
19° Lettre de Pache, ministre de la gueire, à laquelle est jointe la copie de celle qu'il a écrite aux citoyens des sections de Paris relativement au rassemblement des gardes nationales à Paris. 11 observe que, chargé par un décret de fournir, sans délai, tout ce qui est nécessaire à leur logement et de surveiller ce qui est relatif à leur discipline et à leur service, l'exécution de cette loi rencontre de grandes difficultés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
20° Lettre de Pache, ministre de la guerre, relative aux 33 prisonniers conduits à Paris. Il observe que, tenu par un décret de rendre compte de cette affaire, il n'a reçu, à cè sujet, qu'une lettre du lieutenant général Sparre, commandant à Châlons ; que ce n'est point lui qui a ordonné de les amener en cette ville; que le ministre de la guerre par intérim avait, dès le 16 octobre, donné les ordres de les y faire rester, et que ces prisonniers venant de Châlons, il n'avait pas dû prévoir qu'ils prissent une autre route. Il annonce que la loi concernant les émigrés, rendue le 9 octobre, a été envoyée le 11 aux généraux, et il présume qu'elle ne leur était pas connue lorsqu'ils ont fait partir ces prisonniers.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
21° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui écrit à la Convention qu'en exécution des ordres donnés par les commissaires de la Convention nationale, le département de la marine a fait partir de Rochefort pour Paris un convoi de bouches à feu et de munitions en fers coulés, qui^ont en ce moment à Rouen. Il observe qu'il lui paraîtrait plus utile de diriger ce convoi sur les frontières du Nord.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
22° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui envoie la copie certifiée d'une déclaration faite par le citoyen Tisset, relative à la recherche des effets déposés au comité de surveillance de la commune.
. (La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.) "
23° Lettre de Roland, ministre.de l'intérieur, qui écrit qu'ayant appris que M. Sage devait faire proposer à la Convention de décréter que les 83 départements envérront chacun deux sujets pour prendre à l'école des mines les connaissances nécessaires pour la pratique de la minéralogie, il la prie de ne rien statuer sur cet objet, avant qu'elle ait prononcé sur son projet (dont . il a remis des exemplaires aux membres de la Convention) de réunir, sous le nom de travaux publics, les mines aux ponts et chaussées, et à d'autres parties qu'il regarde comme devant faire partie de l'étude des ingénieurs.
(La Convention renvoie la lettre au comité de i la guerre.)
24° Lettre de Monge, ministre de la marine, accompagnée d'une pétition du citoyen Imbert, lieutenant de vaisseau, qui ne s'est point trouvé à la revue du 15 mars. 11 représente qu'à la Convention seule appartient de prononcer sur l'impossibilité où cet officier s'est trouvé de remplir les conditions exigées par la loi.
(La Convention renvoie la lettre au comité de marine.)
25° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui écrit que le directoire du département du Gard sollicite vivement l'échange des bâtiments et emplacement de l'hôpital ae charité du Pont-Saint-Esprit, contre la maison nationale des ci-devant religieuses de la Visitation de la même ville. Cette demande est vivement appuyéepar le directoire du district et le commissaire des guerres.
(La Convention renvoie la lettre au comité des domaines.)
26° Lettre de Pache, ministre de la guerre, accompagnée d'un projet de formation d un corps franc ae fusiliers ou chasseurs des montagnes, proposé au conseil exécutif par le directoire du département des Pyrénées-Orientales. Le ministre représente qu'il serait très instant que l'Assemblée voulût bien prononcer sur ce projet, dont l'exécuiion serait très avantageuse pour la défense de nos frontières du côté de l'Espagne.
(La Convention renvoie^la lettre au comité de la guerre.)
27° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est joint l'état des prêtres insermentés qui sont soumis à la déportation dans le district de Gien, département au Loiret.
(La Convention renvoie la lettre au comité de surveillance.)
28° Lettre de Roland, ministre de Vintèrieur, accompagnée de trois états nominatifs des prêtres insermentés des districts de Poitiers, de Mont-morillon et de Châtillon, qui ont obtenu des passeports pour se retirer en pays étranger.
(La Convention renvoie la lettre au comité de surveillance.)
29° Pétition accompagnée d'un état des citoyens et citoyennes employés à la musique du ci-devant roi. Ils sollicitent de la Convention que, pour subvenir à leurs pressants besoins, elle daigne leur accorder la continuation de leur traitement jusqu'au premier janvier 1793; ils demandent de plus qu'ayant égard à l'ancienneté de-leurs services, à leur âge et à l'impossibilité où ils se trouvent d'embrasser une autre profession, elle leur accorde des pensions qui les mettent, dans leur vieillesse, à 1 abri des horreurs delà misère; ils observent que dans toutes les fêtes civiques et dans l'exercice des devoirs de citoyen^ ils se sont toujours empressés de faire hommage de leurs talents et de donner des preuves de leur patriotisme.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de liquidation et des secours réunis.)
30° Lettre des membres composant la commission exécutive des trois corps administratifs réunis à Toulon, y joint leur arrêté relatif aux hostilités exercées contre le pavillon national à Porte-Comte en Sardaigne.
(La Convention renvoie la lettre au comité diplomatique.)
31° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui écrit que le citoyen Montdenoix, commissaire civil aux îles du Vent, mandé à la barre par un
décret du Corps législatif, est prêt à satisfaire à la loi qui le concerne, sitôt que la Convention le lui ordonnera.
(La Convention renvoie la lettre au comité de marine.)
"" 32° Lettre du lieutenant général Chazot ; il écrit qu'il eût méprisé les calomnies de Marat, s'il n'eût craint qu'elles ne nuisissent à la confiance qui lui est nécessaire pour commander avec succès les défenseurs de la patrie; il demande à jouir du droit qui appartient à tout homme libre, celui de repousser la calomnie.
(La Convention renvoie la lettre au comité des pétitions.)
33° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative à la loi du 27 août 1792, qui assujettit à l'enregistrement les effets publics au porteur ; il soumet à la Convention plusieurs observations relatives à cet objet.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
34° Lettre du citoyen Gillis, receveur du district de Marennes, qui appelle l'attention de la Convention sur une pétition que le directoire du département de la Charente-Inférieure adressa a la législature le 10 janvier dernier, tendant à obtenir justice au sujet d'une soustraction faite, soit dans les bureaux du département, soit dans ceux de la poste de Saintes ou de la Rochelle, d'un paquet contenant 12,725 livres 10 sols, que ce receveur adressait au citoyen Gardie, lors commis à la recette générale des finances de cette dernière ville.
(La Convention renvoie la lettre au comité de surveillance.)
35° Lettre du procureur syndic\du district de Cherbourg, accompagnée d'un arrêté tendant à obtenir de la Convention nationale des mesures répressives contre les créanciers des émigrés, qui, par une collusion facile, peuvent exiger des créances éteintes par des quittances soustraites au séquestre des titres.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
36° Seconde pétition des directeurs du jury d'accusation, relative aux 4 particuliers tués à Rethel. Ils renouvellent les observations contenues dans la première, que c'est à un tribunal militaire ou à une commission spéciale que doit être renvoyé le jugement de cette affairé.
(La Convention renvoie la pétition aux comités militaire et de législation réunis.)
37° Lettre du,présidentiel intérim et du secrétaire-greffier du conseil général de la commune de Paris, qui écrivent que les effets réclamés par le ministre de l'intérieur existent, et que le comité de surveillance en a donné connaissance au ministre des contributions publiques. Le conseil général poursuit avec vigueur la reddition des comptes ; il assure que, s'il y a des prévaricateurs, ils n échapperont point ; il promet, sous peu de jours, de nouveaux renseignements qui feront connaître la vérité.
(La Convention renvoie la lettre au comité de surveillance.)
38° Pétition du citoyen Lefèvre, concernant les poudres et salpêtres. 11 présente différentes réflexions relatives à la fabrication et sur lesquelles il sollicite l'attention de l'Assemblée.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
39° Lettre du citoyen Pépin, quia fait, le26septembre dernier, une soumission acceptée par le citoyen Servan, alors ministre de la guerre, pour une fourniture considérable d'armes, pour laquelle il demandait 450,000 livres d'avances, en fournissant caution. Le ministre lui promit 200,000 livres, et il a même signé l'engagement de payer cette somme; sa signature, à la date du 9 octobre, existe dans les bureaux de la guerre. Le citoyen Pépin sollicite instamment le payement de ces 200,000 livres, sans lesquelles il lui serait impossible de remplir ses engagements. Il assure que tous ses marchés sont faits, et il promet de livrer les armes dans le délai convenu.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)?: :
40° Lettre de M. Topsent, député de l'Eurey qui sollicite un congé de quinze jours.
(La Convention accorde le congé.}
41° Lettre de M. Legot, député du Calvados, qui sollicite également un congé de huit jours,
(La Convention accorde le congé.)
Un membre annonce à la Convention qu'il vient de recevoir du capitaine de sa section un billet qui lui enjoint de se trouver au corps de garde pour y faire son service. Il demande s'il doit se rendre à l'ordre du capitaine ou s'il doit rester à ses fonctions de député.
Plusieurs membres: Vous devez vous faire remplacer.
Pas du tout; la question qui vous est faite est plus importante et plus digne de réflexion qu'on ne se l'imagine : il s'agit de décider si nous sommes citoyens de Paris, où nous ne restons que momentanément, ou si nous appartenons a la République. Je soutiens, moi, que nous ne devons pas être regardés comme citoyens de Paris. Il ne faut pas que cette ville nous compte au nombre des citoyens qui la composent, car nous exerçons nos droits de citoyens là où notre domicile réel est établi, là où sont nos propriétés. Ici, comme dans toute autre partie ae fa République, où des fonctions temporaires nous appellent, nous ne pouvons être assujettis aux charges imposées aux citoyens qui y résident habituellement. Je demande que nous ne puissions être tenus à monter la garde ni à la payer.
Un membre : Je demande à combattre l'avis du préopinant. Le député est avant tout un citoyèn ; or, partout où se trouve le citoyen, il doit concourir à la défense, à la sûreté, à la garde commune. Si nous avons des droits, il est aussi des devoirs que nous avons à remplir; il est juste que tout représentant, du moment qu'il peut exercer partout ses droits de citoyen, doit être assujetti partout également aux devoirs qu'ils imposent.
Je demande l'ordre du jour et je le motive sur l'existence de deux lois déjà rendues, dont l'une porte que les députés sont tenus, non à la garde en personne, mais au remplacement, et l'autre qui déclare qu'un député jouit à Paris des droits d'un citoyen actif.
Je pense que la Convention ne doit pas traiter cette demande avec tant d'importance, et qu'elle doit passer à l'ordre du jour. Voici mes motifs : Tout citoyen doit prendre dans le lieu de son domicile une part personnelle à la défense commune, à la garde et autres
objets de service personnel; mais aussi tout citoyen est le maître de choisir son domicile ; il est le résultat de son vœu, de son choix libre. Or, on ne peut pas dire que le représentant du peuple français qui réside à Paris y ait établi, y ait choisi son domicile, car il n'est là qu'accidentellement; il pourrait être ailleurs si le vœu national l'appelait ailleurs. Ce n'est donc pas là son choix de domicile; ce n'est pas là qu'il peut exercer ses droits de citoyen français. line peut donc être considéré comme domicilié à Paris.
Il est vrai cependant que partout où se trouve le citoyen, il doit concourir à la défense, à la sûreté, à la garde commune; mais il ne peut servir, il ne peut supporter des charges en deux endroits.
Sous un autre rapport, on peut dire qu'il ne peut occuper deux postes à la fois; or s'il occupe le poste de législateur, il ne peut en même temps remplir celui de soldat. Ces deux fonctions sont incompatibles. La loi de 1792 a déjà établi cette disposition; car elle a prohibé aux juges et aux administrateurs de faire le service de la garde nationale, pour ne pas réunir deux pouvoirs, deux fonctions incompatibles, celle de faire la loi, ou de rendre un jugement, ou de prononcer un arrêté, et de se trouver ensuite membre de la force armée qui fait exécuter les mêmes jugements, les mêmes lois, les mêmes arrêtés. Ainsi cette considération est assez puissante pour croire que les sections de Paris ne méconnaîtront pas une exception nécessaire même'à l'exécution des lois.
Quant au remplacement, je ne crois pas que la Convention doive discuter ces vues parcimonieuses. J'appelle de nouveau l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de la Convention, au nom delà commune de Céaux, canton de Couhé, district de Lusignan, département de la Vienne, la somme de 681 livres 10 sols, pour les frais delà guerre. (H/s applaudissements.)
(La Convention ordonnela mention honorable.)
Vous avez commis hier (1), sans le vouloir, une injustice : il suffit de vous la faire connaître pour qu'elle soit bientôt réparée.
Le citoyen Lakanal a fait, au district de Ta-rascon, département de
l'Ariège, la querelle qué fit le loup à l'agneau ; il s'est opposé à la
mention honorable de l'énergique adresse de ce district qui adhère à vos
décrets relatifs à l'abolition de la royauté et à l'établissement de la
République française; il donna pour motifs de cet acte de vigueur, que
les membres de directoire de ce district sont aristocrates, que
plusieurs d'entre eux ont donné des marques d'incivisme; il a avancé
plusieurs faits sans en donner la preuve ; mais fût-il vrai que quelques
membres du directoire aient été tièjaes ou indifférents pour la chose
publique, il ne s'en suit pas que le conseil de l'administration partage
ces sentiments; et l'adresse en adhésion que ce corps administratif a
mis sous les yeux de la Convention nationale en est une preuve certaine
; elle serait même la satire la plus amère de la conduite du directoire,
supposé qu'il fût réellement tel qu'il a été dépeint. Je ne citerai
qu'un seul fait
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre des amis de la liberté et de Végalité de Strasbourg, qui annoncent que les Mayençais demandent à être réunis à la France, et que la seule crainte qu'ils aient, c'est d'être abandonnés à eux-mêmes et de retomber ainsi sous le joug des despotes dont les Français viennent de les délivrer; cette lettre est ainsi conçue :
« Strasbourg, le
« Législateurs,
« Nos frères, les Mayençais. nous demandent notre entremise auprès de vous, pour leur obtenir l'assurance que toute la famille des républicains français, à laquelle ils veulent être éternellement unis par la fraternité, les défende par tous ses moyens contre les tyrans dont le citoyen général Custine vient de les débarrasser.
« La crainte qui les agite dans le premier moment de leur liberté, c est l'abandon à eux-mêmes; rassurez-les, législateurs, ils sont hommes et, à ce titre, nos frères ; après leur avoir fait goûter les délices de la souveraineté du peuple, les républicains français doivent leur maintenir cette jouissance.
« Décrétez que tous nos frères de l'Europe, qui voudront secouer le joug de la tyrannie et chasser les rois, et qui réclameront les secours des citoyens républicains français, les trouveront toujours prêts à voler à leur défense. (Vifs applaudissements.)
(Suivent les signatures.)
Les Mayençais sont le peuple de l'Allemagne le plus digne de la liberté. Ce sont les Mayençais qui ont osé mettre le feu au palais de l'empereur Henri IV, pour avoir voulu porter atteinte à leur liberté; Le peuple de Mayence porte dans son cœur une haine inextinguible contre les tyrans. C'est lui qui a plus d'une fois chassé ses archevêques qui voulaient lui ravir ses libertés et qui, après une longue lutte, a enfin succombé dans la guerre qu'il eut à soutenir contre l'archevêque Didier d'Yssembourg. Ce peuple n'a pas encore perdu le sentiment de son ancienne liberté ; il vous tend les mains.
Si vous voulez qu'il vous serve de rempart contre les tyrans, assurez-lui votre assistance dans la lutte qu'il aura à soutenir contre tous
les princes, le haut et bas clergé, enfin contre tous les suppôts du despotisme et de la tyrannie.
Au moment, d'ailleurs, où la France, non contente d'avoir brisé ses propres fers, brise ceux des autres peuples et relève de toutes parts les autels de la liberté, dont le despotisme avait enfoui les décombres, il ne suffit |plus d'inviter les peuples à rester libres, il faut qu'elle prenne avec eux l'engagement sacré de les défendre avec toutes les forces de la République, si la tyrannie voulait de nouveau les charger de chaînes et étendre sur eux son système de fer. Cette sainte ligue est le seul moyen d'exiler pour jamais le despotisme de l'Europe.
Je demande le renvoi de cette adresse et de ma motion au comité diplomatique.
(La Convention ordonne le renvoi.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, pour instruire la Convention qu'il ;a donné des ordres pour faire conduire et punir, conformément à la loi, dans leurs départements, les volontaires détenus à Dammartin,pour avoir quitté l'armée sans congé; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« Vous connaissez le décret de la Convention nationale du 24 de ce mois par lequel, en renvoyant au pouvoir exécutif une affaire relative à la désertion de plusieurs volontaires nationaux, notamment de Paris et des districts de Saint-Cloud, Saint-Denis et Crépy, lesquels sont détenus à Dammartin, elle m'a charge de lui rendre compte, sous huitaine, des mesures prises pour l'exécution de la loi.
« Je satisfais à cet ordre.
« Le conseil exécutif, après avoir examiné l'affaire dont il s'agit, a pensé que la loi que ces volontaires pouvaient avoir enfreinte par leur désertion, était celle du 3 février dernier, relative à leur organisation.
En effet, l'article 2 de la 5e section de cette loi règle que le volontaire qui abandonnera son bataillon, sans avoir obtenu une autorisation légale, sera privé, pendant 10 ans, du droit de citoyen actif et de 1 honneur de servir tant dans la garde nationale que dans les troupes de ligne durant le même intervalle de temps, et qu'il sera de plus condamné à rembourser à la nation les avances qu'elle lui aura faites pour son habillement et son équipement. Lé même article charge les communes de veiller à son exécution.
« L'article 3 de la même section charge pareillement les procureurs syndics des départements de surveiller cette exécution.
« Enfin, l'article 4 ordonne que le volontaire déserteur qui emportera des armes ou quelques parties de son équipement militaire ou des effets appartenant a ses camarades sera réputé coupable du crime de vol et comme tel livré aux tribunaux criminels.
« D'après ces dispositions et le vœu du conseil exécutif, j'ai donné des
ordres ;de faire conduire les volontaires arrêtés à Dammartin dans leurs
municipalités respectives, et j'ai marqué aux procureurs généraux
syndics de leurs aé-
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Le ministre de la guerre, « Signé : pache. »
Je viens, au nom de la commission des 24, demander qu'il soit mis à la disposition de cette commission une somme de 3,000 livres, pour satisfaire aux avances que nécessite hors de Paris l'exécution des mandats d'amener et d'arrêt qu'elle doit décerner.
Un membre : Je réclame l'ordre du jour, motivé sur ce que c'est au ministre de l'intérieur à acquitter cette dépense.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas "lieu à délibérer sur la motiqu de Dufriche-Valazé.)
,secrétaire, reprend la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Lettre des aclministrateurs du département de la Meuse, qui adressent à la Convention les pièces relatives à la reddition de; Verdun et les interrogatoires, subis par tous lés prévenus. Ils déclarent qu'on n'a pu trouver aucune trace des manœuvres qui peuvent avoir été employées pour livrer à l'ennemi la ville de Verdun, les Prussiens ayant eu soin de brûler tous les papiers qui se trouvaient soit dans les greffes, soit ailleurs.
La municipalité, ajoutent-ils, leur paraît digne de ménagements : avant cette catastrophe, elle n'a jamais démérité de la patrie, et quelque temps avant la reddition, le maire et plusieurs officiers municipaux voulaient encore se mettre à la tête d'un détachement, pour faire une sortie contre l'ennemi. C'est au commissaire des guerres Boussemare et jà l'officier |du génie qu'on doit principalement la reddition de la place : ils ont avoué, en fuyant, que de concert avec les émigrés, ils avaient négligé l'approvisionnement de la ville et la réparation des points faibles et détériorés.
C'est à tort, exposent les administrateurs, qu'on accuse les habitants de Verdun d'avoir porté des présents au duc de Brunswick; il n'y a que quelques femmes qui se sont rendues coupables de cette lâcheté. (Murmures.)
Le tribunal du district avait reçu ordre du roi de Prusse de continuer à rendre la justice, mais au nom de Louis XVI, roi de France et de Navarre. Le tribunal promit, mais il évita de rendre aucun jugement pendant tout le temps que les Prussiens occupèrent Verdun.
Quelques membres, contestent la véracité des faits contenus dans cette lettre.
D'autres membres au contraire, affirment leur exactitude.
Un membre : Pour concilier tous les partis, je demande le renvoi de cette lettre au comité de sûreté générale.
(La Convention décrète le renvoi.)
2° Adresse des citoyens de Montauban, qui font passer à la Convention l'expression de leurs sentiments républicains et leur adhésion à ses décrets ; cette adresse est ainsi conçue :
« Montauban, le
« Législateurs,
« Les lois, les subventions, la guerre, les finances, paix au dedans, force au dehors, sûreté générale, tels sont les motifs de nos vives sollicitudes et tels doivent être les objets de vos soins et de votre attention.
« Evitez les personnalités, écoutez tout autre intérêt que celui du bien public, arrêtez enfin les discussions qui absorbent et font perdre un temps si précieux, puisqu'il doit être employé à établir la base immuable de notre félicité.
« Vos frères, vos amis, vos enfants réunis au temple de l'Egalité de Montauban ne cessent de vous répéter avec toute la République ; Faites des lois justes. Hâtez-vous de nous procurer ce bienfait, et s'il s'élève parmi vous des factieux, vouez-les au plus profond mépris, et notre indignation fera leur éternel supplice. (Vifs applaudissements.)
' (Suivent les signatures.)
Je demande la mention honorable, et profitons de la leçon.
(La Convention décrète la mention honorable.)
,secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Saint-Romain, capitaine de la gendarmerie du département de la Drôme, donne sa croix de Saint-Louis, fruit de 40 ans de service, de 8 années de guerre et trois blessures;
2° Le citoyen Pelfresne, lieutenant de gendarmerie du département du Loiret, ayant 51 ans de service, y compris 9 campagnes, donne sa croix de Saint-Louis ;
3° Trois autres personnes, dont les noms sont inconnus, ont également donné chacune leur croix de Saint-Louis ;
4° Un inconnu a donné un cachet d'argent;
5° Un autre inconnu a donné 1 louis d'or pour les frais de la guerre ;
6° Les fédérés nationaux du 1er bataillon, en quartier à Noyon, ont envoyé, pour secourir les malheureux qui ont souffert pendant le siège de Lille, une somme de 410 livres en assignats;
7° Les membres de la société populaire séante à Marnay, district de Gray, département de la Haute• Saône, ont fait parvenir 240 livres en assignats, pour les frais de la guerre ;
8° Le citoyen Fougère, lieutenant de la gendarmerie nationale, en résidence à Pierre-Latte, fait déposer sa croix de Saint-Louis;
9° Le citoyen Vidal écrit de Grasse pour envoyer 10 livres, qu'il destine pour les frais de la guerre ;
10° Le citoyen Desaint, maréchal des logis de la gendarmerie nationale à la résidence de Rambouillet, abandonne, au profit de la République, une pension de retraite de 72 livres, qui lui a été accordée à raison de ses services militaires. *
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Voici la liste des membres désignés pour compléter le comité des secours publics.
Ont été élus membres :
Les citoyens, Les citoyens,
Lalande. Fayau.
Bonnier. Plaichard-Choltière.
Dupuv(Rhône-et-Loire). Babey.
Gourdan. ' Grenot.
Giraud. Debourges. Glaverye.
Suppléants.
Les citoyens, Girot-Pouzoi. Ghaies. Curée. Bézard. Monestier. Genissieu.,
Les citoyens, Bouygues. Barrot. Birotteau. Espert. Sallèles. Lanot. 1
(Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret concernant la solde des hussards de la liberté; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les hussards de la liberté, formés en vertu de la loi du 2 septembre dernier, seront rappelés à la solde de 15 sols par jour, jusqu'à l'époque où leur service, sur le pied de guerre, puisse les faire jouir des distributions fixées par le règlement concernant les troupes en campagne.
Art. 2.
« Le ministre de la guerre sera tenu de faire connaître à la Convention nationale l'aperçu de cette dépense, à l'effet de mettre à sa disposition les fonds nécessaires à cet objet. » (La Convention adopte ce projet de décret.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret pour faire délivrer à la commune ae Saint-Germain-en-Laye la pièce de canon dont elle a fourni les matières; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre, décrète que le pouvoir exécutif fera délivrer à la commune de Saint-Germain-en-Laye la pièce de canon dont elle a fourni les matières. » (La Convention adopte ce projet de décret.) Le Tourneur (Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret pour faire délivrer à la commune d'Auxerre (Yonne)les deux' canons de fonte dont elle a fourni les matières ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre, décrète ce qui suit:
« Le pouvoir exécutif fera, délivrer à la commune d'Auxerre, département de l'Yonile, les deux canons de fonte dont elle a fourni les matières, ainsi que les fonds pour lafabrication. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Les généraux, au mépris des lois, nomment à toutes les places, eux-mêmes, sans la participation du pouvoir exécutif. C'est là un pouvoir dont je viens dénoncer les inconvénients a la Convention et que je lui demande de réglementer. Il n'y a rien de plus dangereux que de
donner au général un pouvoir dictatorial, en lui permettant de nommer aux places ses créatures et d'acheter ainsi beaucoup de prosélytes. Si cet abus se propageait, vous verriez bientôt un général ambitieux, entouré de son armée, venir à votre barre vous dicter des lois. Je demande que vous décrétiez, en principe, que toutes les nominations faites jusqu'ici par les généraux seront annulées, et qu'il sera défendu aux généraux d'en faire à l'avenir de pareilles. (Applaudissements).
(de Thionville) observe qu'une loi existante a autorisé les généraux, à faire ces nominations et que si la Convention annulait celles qui ont été faites jusqu'à présent, en vertu de cette loi, elle porterait un préjudice considérable à une multitude de bons patriotes. Il demande la question préalable sur la première proposition de Rouyer et l'adoption ae la seconde.
nié l'existence de la loi citée par Merlin. Il expose que les nominations des généraux à des places vacantes contrarient souvent les choix du pouvoir exécutif, entravent ses opérations et privent les citoyens des places que leur ancienneté et leurs services leur ont mérités. Il développe tous les inconvénients dénoncés par Rouyer et appuie sa proposition.
(La Convention renvoie cette proposition au comité de la guerre pour lui en faire rapport lundi.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Monge, ministre de la marine, qui fait part à la Convention de l'arrivée, devant Oneille de l'escadre du contre-amiral Truguet, de l'attaque qui a eu lieu par surprise contre la chaloupe parlementaire envoyée vers la ville et de la juste vengeance qu'en a tirée l'escadre française; cette lettre est ainsi conçue:
« Paris, le
« Citoyen président,
« Je m'empresse d'apprendre à la Convention nationale qu on me mande de Nice, par des lettres particulières, qu'à l'arrivée de l'escadre aux ordres du contre-amiral Truguet, devant Oneille, on y envoya une chaloupe parlementaire, soit pour sommer la ville de se rendre, soit pour entendre les propositions du commandant ; mais que des paysans embusqués ont attendu la chaloupe pour tirer à bout portant, et ont tué Dau-bermesnil, aide de camp du général (1) ; Isnard, enseigne de vaisseau, et cinq autres personnes. Duchaila, capitaine du Tonnant, et quelques autres ont été blessés : on ajoute que l'escadre composée de six vaisseaux a vengé la nation de cet attentat par un feu terrible qui a détruit une partie de la ville.
Signé: MONGE. »
(La Convention renvoie la lettre au comité de marine.)
Depuis deux mois, dit l'un d'eux, notre immense cité, accablée du fléau de la famine, est en proie aux plus cruelles agitations; vous nous avez envoyé, pour les calmer, des commissaires pleins de sagesse et de prudence, mais avez-vous bien connu la cause de ces troubles? La chute de nos manufactures, 30,000 ouvriers sans travail, la cherté excessive du pain et la crainte, malheureusement trop fondée, d'en manquer absolument; voilà ce qui adonné lieu aux scènes d'horreur dont notre ville a été le théâtre. Hélas ! c'est à regret que nous le prononçons, par quelle fatalité les Français, si unis pour la cause de la liberté, ferment-ils inhumainement les barrières qui séparent leurs départements, quand il s'agit de partager leurs subsistances avec leurs frères.
Pèyes de la patrie, rendez le calme à notre ville; ramenez un peuple égaré à la loi. Trente mille indigents demandent du pain à l'Administration ; le département a fait de vaines tentatives pour s'approvisionner. Si de prompts secours ne viennent offrir à la classe malaisée des ressources de travail, Lyon, naguère si floris-, sant par ses manufactures, ne présentera plus à ses nabitants que le souvenir de Ses richesses.
Représentants du peuple, pesez dans votre sagesse tous les moyens d'agitation que donnent aux perturbateurs les besoins urgents de tant d'infortunés, voyez comme les conseils les plus destructeurs de toute société peuvent être aisément accueillis par des hommes qui disent chaque jour : « Nous ne demandons que du travail pour avoir du pain. » Le luxe n'est plus, il a laissé partout un grandMde, mais Lyon surtout en a senti les effets plus que toutes les autres villes. Si les circonstances ne s'améliorent pas, législateurs, nous n'avons plus d'autre existence que celle que nous donnera l'humanité nationale..
répond à l'orateur et accorde aux deux députés les honneurs de la séance.
Peut-être y a-t-il quelque imprudence à venir faire dans le sein de la Convention des tableaux si inquiétants; c'est jeter le trouble et l'alarme dans ies esprits ; c'est détruire la confiance et nuire à la patrie en voulant la servir. Pour moi jX considère comme exagérées ces craintes que répandent dans toutes les parties de la République un petit nombre d'hommes que je crois vendus aux ennemis.
Ainsi, quand les Prussiens se présentèrent devant Longwy, ces mêmes hommes diraient partout que nos premières places étaient prises; que Paris, sur le point d'être investi de toutes parts, n'avait plus d'autres ressources que d'aller fléchir les vainqueurs qu'ils ne pouvaient combattre avec succès.
Aujourd'hui que les Prussiens, moitié détruits, ont7 lui de notre territoire, ces mêmes hommes ont imaginé un autre sujet d'alarmes : ils publient que les blés manquent et que la famine va succéder aux horreurs de l'invasion. Cependant *la récolte a été bonne, tous les économistes assurent qu'elle suffit pour plus d'un an à tous nos besoins ; mais le peuple séduit se tourmente et se crée lui-même les besoins dont on l'effraie. On l'entretient d'accaparements, d'exportation de blé, et la circulation, ce seul moyen d'alimenter le département pauvre du superflu du département riche, devient un crime à ses yeux. II arrête les grains, il se porte à mille excès envers les fermiers et les cultivateurs, qui, à leur
tour, n'osent plus compromettre leurs* denrées et leur sûreté personnelle. Ainsi l'aristocratie triomphe encore au milieu de nous et nous lait la guerre à nos dépens. Le premier moyen d'approvisionnement est, selon moi, l'instruction du peuple. Si les administrateurs se pénétraient bien de cette vérité, peut-être auraient-Hs moins de troubles à craindre. On vous demande des secours pour une classe nombreuse qui n'a point de travail ; le ministre de l'fcfté-rieur a des fonds A sa disposition. C'est à lui, je crois, que cette partie de la pétition doit être renvoyée.
j'accepte volontiers le renvoi demandé par Vergniaud, mais tout ce qu'il vient de dire n'empêchera pas que le painyaut 5,sous 1a livre à Lyon.et que le peuple est sans travail.
Que les citoyens riches de Lyon fassent comme ceux de Rouen, qu'ils se cotisent, ils préviendront aussi par un approvissionne-ment bien ordonné les besoins des citoyens indigents.
(Hérault). Citoyens, vos comités de l'agriculture et du commercé réunis se sont occupés de la question. Je puis donner à cette heure à la Convention, si elle m'y autorise, lecture d'un rapport et d'un projet de décret sur les subsistances qui, s'il était adopté, pourrait peut-être concilier tous les avis.
Un grand nombre de membres : Appuyé ! appuyé !
(La Convention décrète que ce rapport et ce projet de décret seront lus séance tenante).
(Hérault), au nom des comités d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport et présente uni projet dé décret (1) sur les subsistances; il s'exprime ainsi :
Citoyens, je viens, au nom des comités d'agriculture et de commerce, fixer un instant vos regards sur l'intéressant objet des subsistances. Vous leur avez renvoyé l'examen d'une foule de pétitions et de mémoires qui vous ont été présentés. Ils les ont lus avec attention et y ont vu avec douleur combien, avec des intentions sans doute pures, on canonisait d'erreurs, combien on s'égarait sur les véritables intérêts du peuple; ils y ont vu des lois de sang demandées; la peine de mort, qui ne devrait peut-être pas se trouver dans le Code d'un peuple libre, prodiguée pour les délits, les plus légers, et toutes les vexations du Code fiscal reproduites dans le siècle de la philosophie. Mais avant d'examiner les lois que les circonstances demandent, que l'intérêt public réclame, il est important de jeter un aperçu sur notre situation et d'en chercher les causes.
La France, s'il faut en croire les économistes les plus fameux, recueille
en général le blé nécessaire pour la consommation de ses habitants; et
s'il est impossible d'avoir des données certaines sur cet objet, toutes
les probabilités se réunissent en faveur de cette hypothèse. Si la
récolte a été cette année stérile dans quelques départements, une
heureuse abondance a fertilisé,les autres et devrait réparer ces maux
partiels. Les pétitions contiennent l'aveu qu'on ne manque pas de
grains. Les lieux les plus agités sont ceux où il est le plus abondant ;
sont ceux, où, d'après le tableau des prix dans toute la République, il
se paie le moins chèrement. Des achats ont déjà
Les mouvements qu'éprouve le peuple sur les subsistances sont toujours produits par les mêmes motifs et par les mêmes hommes. La Révolution a choqué de grands intérêts, froissé de violentes passions, et elle n'a encore que trop d'ennemis. Reaucoup de gens, anarchistes par calcul, flattent le peuple pour l'écraser et parlent de patriotisme dont ils ne connaissent que le nom. Ces hommes se répandent dans tous les lieux, maîtrisent les marchés, y taxent les subsistances, et, par d'extravagantes déclamations, égarent un peuple bon et crédule ; ils savent que les subsistances leur en donnent un sûr moyen, ils savent que le terme de l'anarchie est le despotisme, que la licence conduit à l'esclavage ; le vendeur effrayé n'ose plus fréquenter des lieux où sont exposés et sa propriété et sa vie. Les marchés publics sont dégarnis, la circulation est interrompue, la disette se fait sentir, et le trouble augmente par les maux que les premières agitations ont occasionnés. Il est cependant une autre cause de notre situation dont on ne peut se dissimuler l'existence; il est des hommes qui calculent sur le malheur de leurs concitoyens, qui trouvent partout des moyens d'une spéculation honteuse, à qui rien ne coûte* pourvu qu'ils satisfassent la déshonorante soif ae s'enrichir. Ces hommes ne vendent pas leurs grains pour en tirer un prix plus avantageux, et resserrent une denrée qu'ils devraient faire circuler. Il existe des hommes qui, soit par malveillance, soit par une défiance criminelle, ne veulent point se "dessaisir de leur denrée, préfèrent les amonceler, et, par un intérêt mal combiné, font le malheur de leurs concitoyens. Ces maux inséparables d'une grande révolution doivent disparaître avec elle. Les temps révolutionnaires ressemblent à ces orages passagers qui obcurcissent un instant l'horizon, mais qui font bientôt place aux jours les plus sereins, et nous apprennent à en mieux apprécier les jouissances.
Après vous avoir exposé les causes de notre situation, il faut en chercher les remèdes parmi les pétitions qui vous ont été présentées; les unes contiennent des mesures générales qui nécessitent un examen approfondi dont vos comités vont s'occuper.
Nous allons passer aux développements des mesures que nous vous proposons et des principes qui ont dirigé nos travaux.
La propriété est sans doute un droit sacré, mais la société peut en régler l'exercice ; chaque citoyen doit à l'intérêt général un léger sacrifice de sa propriété, pour jouir tranquillement de ce qui lui reste. La tranquillité de la République dépendant de la disette ou de l'abondance des subsistances, elle doit porter les regards de la
loi sur cet intéressant objet. Elle doit, lorsque, par leur stérilité, le bonheur de tous est compromis, exiger quelques sacrifices de ceux qui les possèdent. Il faut que les marchés soient approvisionnés, l'intérêt public le demande ; celui du consommateur, du fermier, du propriétaire l'exige. Il faut prévenir la crainte même de l'acr caparement ; il faut que toute la République connaisse sa situation pour les subsistances. Ces principes sont incontestables. La liberté particulière doit céder à l'intérêt général ; il faut donc que dans un moment de disette, celui qui a du blé à vendre, et qui refuserait de le faire, puisse y être obligé ; il faut qu'on le puisse requérir d'approvisionner les marchés dégarnis; 1 intérêt du peuple, les principes sacrés de l'égalité exigent la multiplication 4es lieux de marché. Voilà les motifs des premiers articles du projet de décret que nous allons vous soumettre.
L'exportation doit être strictement défendue; les lois la prohibent avec sévérité ; vos comités en ont examiné les dispositions; ils se sont convaincus qu'elles n'avaient point tout prévu encore et ont tâché de suppléer à leur silence. La circulation libre est un besoin dans une grande République; sans la circulation, l'unité et l'indivisibilité ne seraient qu'une chimère, puisqu'un peuple de frères refuserait à ceux qui font partie de la même famille un excédent qui périt dans ses mains ; puisque, sans elle, l'agriculture périrait, le travail manquerait absolument, et la guerre civile nous ramènerait le despotisme; toutes les lois la prescrivent. Vos comités ont cru devoir en rappeler l'exécution et prendre une mesure pour que le peuple fût bien certain que le blé qu'on achète dans les marchés est pour une partie de la République; que l'acheteur ne peut être troublé dans sa marche, et que tout prétexte fût enlevé à la malveillance! Les marchés sont troublés ; une police exacte doit les surveiller. Le vendeur doit y trouver sûreté et protection ; et y porter le désordre est un délit public qu'il est important de réprimer.
On s'est plaint plusieurs fois des achats faits pour le compte du gouvernement. Ces agents se surdisent et occasionnent des renchérissements, dont les effets pourraient être funestes ; établir l'unité dans cette partie de l'administration est le but de l'article que nous vous proposerons. Enfin, les magasins de marchands sont souvent menacés ; il est important qu'on les connaisse ; on ne craindra plus d'accaparement.
Une inscription annoncera l'objet pour lequel ils sont destinés ; mais dès lors les attaquer devient une violation de la foi publique. Tous les citoyens doivent veiller au dépôt qui leur est confié. Que le mot de la loi qui y sera inscrit les garde mieux que l'appareil redoutable de la force. Prouvons enfin aux calomniateurs gagés du peuple, qu'il sait respecter les propriétés et les personnes, et qu'il sera libre malgré les efforts des anarchistes et des despotes.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture, et de commerce, décrète :
«Art. 1er. Immédiatement après la publication
du présent décret, tout propriétaire, fermier ou dépositaire quelconque
sera tenu ae faire, devers la municipalité du lieu de son domicile, la
déclaration de la quantité de grains qu'il possède dans ses greniers,
et, par approximation, celle qui lui reste à battre dans ses granges
;
les directoires de district nommeront des commissaires pour surveiller l'exécution dans les diverses municipalités.
« Art. 2. D'après lesdites déclarations, les officiers municipaux pourront requérir tout propriétaire, fermier ou dépositaire quelconque, de porter dans le marché public qu'il désignera ui-même, la quantité de grains qui sera jugée nécessaire, sans qu'en aucun cas et sous aucun prétexte on puisse en taxer le prix.
« Art. 3. Les bladiers et muletiers pourront continuer leur commerce, mais ne pourront vendre que dans les marchés publics.
« Art. 4. Les directoires de département, d'après les demandes des conseils généraux des communes, et sur l'avis des directoires de département, pourront établir des marchés dans tous les lieux où il sera nécessaire d'après les localités.
« Art. 5. Ceux qui n'auront pas fait la déclaration prescrite par l'article 1er, ou qui seront convaincus de l'avoir faite évidemment fausse, seront condamnés à la confiscation du quart des grains non déclarés.
« Art. 6. 11 sera laissé à tout propriétaire ou fermier le grain nécessaire pour la consommation et la semence.
Art. 7. Les municipalités feront parvenir, dans la huitaine, l'état des déclarations au directoire du district.
« Art. 8. Huit jours après la réceptionne directoire de district en adressera le résultat au directoire du département, qui l'enverra dans la quinzaine au ministre de l'intérieur.
« Art. 9. L'exportation de toute espèce de grains, sous quelque prétexte que ce puisse être, est expressément défendue ; et les lois relatives à cet objet continueront à être exécutées.
« Art. 10. Les municipalités veilleront avec soin à l'observation des lois des mois de janvier et mai 1791, relatives aux chargements faits dans les ports de mer et les cinq lieues limitrophes, et seront personnellement responsables de leur négligence sur cet objet.
« Art. 11. Les acquits à caution exigés par lesdites lois seront affichés, et dans, les lieux où les grains seront embarqués, et dans celui du déchargement.
« Art. 12. Toute personne qui sera convaincue d'avoir exporté des grains, sera dénoncée, à la diligence de l'accusateur public, au tribunal criminel de son domicile, et condamnée à la confiscations des grains exportés, et à deux années de fer.
« Art. 13. Les commis des douanes veilleront avec soin à empêcher tout embarquement de grains frauduleux ; et,, en cas de négligence, ils seront destitués et punis par un emprisonnement.
« Atr. 14. Ils seraient condamnés à la même peine que l'exportant, s'ils étaient convaincus d'avoir favorisé ou aidé l'exportation.
« Art. 15. Toute personne qui dénoncera ou contribuera à l'arrestation des grains embarqués en contravention des lois, obtiendra le quart des confiscations qui pourront être prononcées.
« Art. 16. Tout consul ou agent de la République qui sera convaincu d'avoir signé de faux certificats de naufrage ou de déchargement, sera destitué et poursuivi comme faussaire.
« Art. 17. Les lois relatives à la libre circulation dans l'intérieur de la République éonti-
nueront à être exécutées ; et toùs ceux qui chercheront à la troubler, seront punis comme perturbateurs du repos public.
« Art. 18. Les marchands qui voudront faire des achats de grains hors les lieux de leur domicile, seront tenus de. se pourvoir d'un certificat de leur municipalité, visé par le directoire de district, constatant la quantité de grains qu'ils ont dessein d'acheter et les lieux de leur destination ; ces certificats seront représentés à la municipalité du lieu de l'achat et visés par elle, et ils seront déchargés par la municipalité du lieu pour laquelle lesdits grains sont destinés.
« Art. 19. Les municipalités des lieux où il y a des marchés publics, veilleront avec soin à ce que la tranquillité y règne, et y entretiendront une force publique suffisante; toute personne qui y portera le trouble sera de suite saisie, traduite devant l'officier de police, et punie comme perturbateur du repos public.
« Art. 20. Il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur deux millions pour des achats de grains dans l'étranger.
« Art. 21.- Le ministre de l'intérieur nendra compte de l'emploi de ladite somme, des distributions de grains qu'il aura faites et des demandes des divers départements.
« Art. 22. Le conseil exécutif nommera un seul préposé pour tous les achats à faire pour le compte au gouvernement.
Art. 23. Ledit préposé ne pourra faire des achats pour son propre compte.
« Art. 24. Les marchands ou magasiniers feront placer sur la porte de leurs maisonsou magasins, et en vue, une inscription portant : Magasin de blé ou de farine sous la protection de la loi et de tous les citoyens.
« Art. 25. Les citoyens veilleront avec soin àla sûreté desdits magasins, et seront responsables des désordres qui pourraient y être commis. »
Un grand nombre de membres : L'impression ! l'impression 1
(La Convention ordonne l'impression de ce rapport et du projet de décret.)
L'Assemblée législative a mis entre les mains du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions pour l'achat des grains nécessaires à l'approvisionnement de la République. Je demande que pour calmer les inquiétudes du peuple et déjouer les combinaisons des agitateurs et des malveillants, des nouveaux fonds soient mis à la disposition du ministre pour l'achat de grains à l'étranger et non sur nos marchés.
Je conviens avec Delacroix que l'Assemblée législative a mis entre les mains du ministre de l'intérieur une sommede 12 millions pour l'achat des grains nécessaires à l'approvisionnement de la République ;mais je demande, avant de se prononcer à ce sujet, à rapporter un fait; C'est que depuis que cette somme a été mise à la disposition, loin que le prix des grains ait diminué dans la République, il a constamment augmenté, et je dois dire que dans le département de l'Aveyron, dont je suis originaire, le blé qui ne se vendait à cette époque que 12 livres le septier, se vend actuellement 27 livres. Je ne cherche, pas à inculper cette administration ; mais il me semble qu'avant de lui donner de nouveaux fonUs comme le proposent vos comités, il faut lui demander compte.
Plusieurs membres: Le ministre l'a rendu!
Si l'on entend par rendre compte, de venir ici vous dire : J'ai acheté pour 12 millions de grains, je n'ai plus rien à dire.Mais dans mon sens, la reddition ae ce compte ne sera parfaite que quand il vous aura dit : J'ai acheté une telle quantité de grains ; j'en ai distribué telle autre quantité à tel prix, avec telle perte ou tel bénéfice. La République doit s'assurer que ces 12 millions ne serviront pas à augmenter la fortune de quelques particuliers. La Cour de Louis XV faisait de ces opérations.On se rappelle que c'est en exerçant le monopole des grains que le gouvernement a fait de la famine un moyen d'oppression contre le peuple. Supposons (je ne fais
Sue des hypothèses), supposons que le ministre
e l'intérieur vous dise : J'ai acheté 12 millions de grains, j'en ai fait distribuer 5 ou 6 millions; il m'en reste 6 ou 7. Supposons que les agents dont il se servira pour faire cette distribution, cherchent à agiter les marchés et à faire augmenter Tes grains, et qu'on ne me dise pas que cette supposition est illusoire ; car, depuis que les 12 millions ont été mis à la disposition du ministre, les blés sont augmentés.
Plusieurs membres : On achète hors de la République.
Je sais bien que le ministre n'achète pas dans l'intérieur ; mais je sais aussi que le lé doit se vendre au prix courant des marchés; et l'expérience me prouve que les distributeurs peuvent le faire augmenter. [Vif* murmures ) J'ai dit un fait, qui n'est pas une supposition, et j'en appelle...
(Plusieurs membres) : A qui ? Cela est perfide.
Je serais peut-être bien autorisé à interpeller les interrupteurs pour me dire la cause de ce fait. La circulation libre des grains, voilà le grand remède à vos maux. L'administration paternelle dès municipalités, voilà le second remède. Car il n'est personne qui connaisse mieux les besoins des administrés que les administrateurs immédiats.D'après les faits que je vous ai dénoncés, d'après le rapport qui a été fait que la République avait des blés suffisants pour sa subsistance, il y a donceu une mauvaise administration de grains; je prie les députés de me répondre. J'en vois un, c'est Martin (de la Somme), qu'il me réponde. (.Applaudissements.)
(Somme). Mon département n'a pas demandé des fonds pour les achats de grains au ministre; il a su se procurer des fonds dont il a fait des approvisionnements. (Ah! ah!)
Mais Martin me l'avait dit.
(Somme). Alors, je l'ignorais ; l'un de mes collègues m'avait assuré cela ; depuis j'ai été mieux instruit.
Eh bien, je demande qu'on en confie l'administration aux municipalités, et non à un seul homme. (Murmures.) Je nevèrrai jamais qu'avec peine les subsistances d'une république entre les mains d'un seul individu, fut-cé un ange. (Murmures.)
Il n'y a qu'à donner 12 millions pour cet objet; Chabot sera nommé caissier.
Il est peut-être essentiel d'entrer dans quelques détails, afin d'ôter toute équivoque sur la conduite des agents publics. Je vais aire d'où vient le vice, et nous discuterons ensuite le remède. Dans le mois de septembre 1791, l'Assemblée constituante agita la question
de savoir si l'on ferait acheter des grains par le gouvernement, ou si l'on donnerait aux municipalités des fonds pour cet objet. Ce dernier parti prévalut. Le corps constituant, avant desesépa^ rer, donna 15 millions au ministre de l'intérieur pour distribuer aux municipalités, par forme d'emprunt. Qu'arriva-t-il ? C'est que les municipalités n'allant pas bien loin pour acheter leurs grains, la concurrence fit monter d'une municipalité à l'autre le prix des grains à un taux ef-frayant. Depuis, lors ces la millions sont dus à la nation. Plus vous établissez de concurrence, plus le prix doit augmenter. Le Corps législatif, voyant que les officiers municipaux, la plupart cultivateurs, cherchaient leurs intérêts particuliers, au lieu de s'occuper de ceux des administrés; le Corps législatif, témoin de ces inconvénients, et pour les éviter, après une longue discussion, mit 12 millions à la disposition du ministre de l'intérieur, pour acheter des grains non pas dans nos marchés, où ces achats établissaient une concurrence désastreuse, mais au loin, chez l'étranger, afin d'entretenir l'abondance dans ces marchés. (Vifs applaudissements.) Il crut devoir en même temps prendre des précautions. II chargea le ministre seulement des achats et lui dit : vous rendrez compte de ce que vous aurez acheté et distribué aux administrations qui doivent verser les fonds au Trésor public. Et c'est peut-être avec ces fonds venus indirectement accroître les 15 millions, qu'on renchérit, que l'on cause tous nos maux. Une autre cause encore ; nous avons 600,000 hommes sous les armes. Nous avons voulu qu'ils fussent bien nourris, parce qu'ils combattent pour la liberté. On a défendu l'usage du seigle dans le pain. Avec la concurrence des municipalités, avec la concurrence de l'administration des vivres, l'augmentation devait s'ensuivre ; elle s'en est suivie.
D'un autre côté, la marine achetait aussi ; elle avait ses agents, qui établissaient encore une concurrence avec les acheteurs des marchés. Dès lors le prix augmentant, le peuple égaré, trompé, a dit: Il faut arrêter les grains; et les grains ont été arrêtés, et l'inquiétude, et la disette, et les troubles sont entrés dans les grandes villes. Quelle est la ressource ? c'est de faire venir dés grains du dehors, de n'en point acheter du dedans. (Nouveaux applaudissements.) Que le peuple éprouve le moins ae concurrence possible. Mais vous n'auriez presque rien fait si, en donnant des fonds pour ces achats, vous ne faisiez rentrer les 27 millions avec lesquels on fait le monopole. Il faut faire rendre compte aux ministres des mesures qu'ils ont prises pour se concilier de manière qu'il n'y eût qu'un seul agent dans les marchés ; et la diminution s'ensuivra.
En attendant, comme il faut que les grains viennent de loin, je voudrais que nous allassions en Amérique, que nous y employassions la dette que nous avons sur elle. Je aois dire encore une autre cause de la cherté des grains. Souvent, lorsqu'on se trouve dans l'embarras, on croit s'èn tirer en ne permettant pas même de discuter. On vient à la barre demander des secours. Des municipalités assiégées vous disaient : Il nous faut des secours. Lille, Thionville se sont défendues ; elles sont venues à la veille d'un siège, vous dire : la partie pauvre de nos habitants manque de pain. Alors, on a mis 8 à 10 millions à leur disposition. Avec ces sommes on a mis la concurrence dans les marchés. Je crois
que ces détails ne seront pas nuisibles. (Vifs applaudissements. )
En conséquence, je demande qu'on mette 12 millions à la disposition du ministre de Tinté-rieur, mais que danslvingt jours il rende compte de toutes les sommes données pour les subsistances.
(La Convention décrète qu'il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions pour l'achat de grains chez l'étranger et non sur nos marchés. Elle ajourne ensuite à mardi la discussion du projet de décret présenté par Fabre. Enfin elle renvoie au ministre de l'intérieur la pétition des députés extraordinaires de la ville de Lyon.)
Je demande la parole pour rappeler à la Convention la discussion, plusieurs fois interrompue et qu'il serait pourtant bien urgent de terminer, du projet de décret sur les émigrés.
(de Nantes). Je m'oppose à cette manière de voir. La Convention nationale a décrété qu'elle suivrait dans les délibérations la marche qui lui serait tracée par sa commission centrale. C'est le premier moyen que vous ayez pour faire de bonnes lois; chaque jour, par des motions incidentes, on prodigue nos finances, et l'on nous jette hors des principes.
Le rapport du comité de l'instruction publique, sur l'organisation des écoles primaires, est le premier à l'ordre du jour, je demande la parole, au nom de ce comité.
(La Convention accorde la priorité au projet de décret sur les émigrés.)
L'ordre du jour appelle la suite de ladiscussion du projet de décret au comité d'aliénation, concernant l administration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes (1).
,rapporteur, donne lecture de l'article 17, ainsi conçu :
Art. 17.
« Les sommes déclarées en vertu des articles précédents, et qui se trouveront appartenir à des personnes notoirement émigrées, ou dont les noms sont compris dans les listes imprimées en exééution de la loi du 8 avril, seront versées : savoir, celles actuellement exigibles, dans les 24 heures de la déclaration; et celles qui ne seront point échues, dans les 24 heures de leur échéance, le tout nonobstant toute opposition de la part des créanciers de chaque émigré, et sans y préjudicier, dans les 24 heures de la déclaration, dans la caisse des receveurs de district. Les autres effets appartenant auxdites persomes, seront portés dans le lieu qui sera désigné pour les recevoir par le directoire du district, et à Paris, par le ministre de l'intérieur. Les gardiens préposés à leur conservation seront tenus d'en charger leur registre et d'en délivrer reconnaissance sur papier libre et sans frais.
(La Convention adopte l'article 17;)
,rapporteur, donne lecture de l'article 18, ainsi conçu :
Àrt. 18.
« Quant aux sommes et effets de toute nature,
Un membre : Je demande le rapport de l'article 5 décrété dans la séance du 31 octobre, portant que tous débiteurs seront tenus de faire la déclaration des finances, titres et effets qu'ils auront en leur possession, appartenant à des personnes domiciliées hors du district du déclarant ou absentes. J'observe que cette disposition aurait l'effet funeste de pouvoir anéantir le crédit d'un grand nombre de négociants, en mettant toutes les fortunes à découvert, et qu'il est possible d'atteindre les biens des émigrés par des dispositions moins rigoureuses envers les citoyens restés en France. Je propose, en conséquence, que les débiteurs ne soient obligés de déclarer que les sommes dont iïk ne justifieront pas queles propriétaires résident en France ou sont étrangers.
J'appuie les observations du préopinant. Votré décret n'a pour objet que les émigrés, et les déclarations dont on vient de parler ont pour objet tous les citoyens qui sont tous débiteurs ou créanciers, et dont la fortune change tous les jours. Je demande que par un article additionnel vous décrétiez que les citoyens dont il est parlé dans l'article 1er du présent décret ne sont point compris dans les dispositions des articles 5 et 14.
Divers membres proposent d'autres amendements.
{Après quelques débats, la Convention ferme la discussion, rapporte l'article 5 et renvoie le surplus à un nouvel examen du comité.)
(Roland, ministre de l'intérieur, rentre dans la salle et demande la parole.)
La parole est au ministre de l'intérieur.
Roland, ministre de l'intérieur. Si je suis chargé d'une responsabilité, il faut aussi que je sois libre de l'exécution. Hier, je suis allé aux Tuileries, j'y ai trouvé des architectes que je ne connais point, des ouvriers que je n'ai pas employés. On a fait des ouvertures sur la terrasse des Tuileries, qui sont en opposition avec les plans qui ont été arrêtés. Je demande si, ne pouvant prendre connaissance des travaux qui se font au château pour parvenir à la construction de la nouvelle salle, je dois être responsable des dépenses qui auraient pu être ordonnées par ces ouvriers et architectes qui commandent bien, mais qui ne payeront pas. Il faut faire finir toutes ces disputes. L'Assemblée doit décider si elle entend me décharger de la surveillance du château des Tuileries. J'avais cru que le ministère pouvait
être placé dans les Tuileries et n'aurait plus des hôtels , ce qui ne convient pas à une République. Les ministres seraient ainsi à portée de l'Assemblée, et il y aurait une grande économie, mais par les nouvelles dispositions tout est dérangé. Que Messieurs des comités me disent ce qu'ils croient utiles, et je m'y conformerai; mais avant tout il importe que je sois seul chargé de la surveillance ou que je sois dégagé de cette responsabilité.
Un membre : Le ministre aurait dû, avant de rejeter le plan de l'architecte Vignon, lui dire que ce plan ne convenait point ; au surplus, les comités ont pensé qu'ils devaient indiquer où devaient être les comités de surveillance.
Les logements des ministres coûtent par an 2 ou 300,000 livres, on peut les épargner : il importe que l'on trace un plan exact, détaillé, que vous décréterez, et que ce plan soit suivi. Je demande que l'on nous présente des devis pour les emplacements, nous les examinerons et ensuite ils seront exécutés. Il y a un décret qui ordonne les ouvertures des murs sur la terrasse des Tuileries : il y a ici 157 pièces pour le logement de l'Assemblée, et si l'on ne prend tout le logement des Tuileries, il sera impossible d'être assez au large. En résumé, je demande que les devis et aperçus de dépenses soient communiqués à la Convention et arrêtés par elle avant qu'il soit fait aucun ouvrage neuf au nouvel emplacement. Je propose, de plus, qu'en ce qui concerne les décrets du 2 de ce mois pour les distributions et travaux à faire au château des Tuileries et bâtiments accessoires, le ministre soit autorisé à présenter tous les plans et devis qu'il croira nécessaire.
(La Convention décrète ces deux propositions.)
Roland, ministre de Vintérieur. J'ai placé des portiers pour que le jardin et l'hôtel des Tuileries soient fermés à telle heure; si un particulier peut s'y introduire par des issues particulières, alors je ne puis répondre de rien, et je demande le rapport du décret.
(La Convention décrète que rien ne sera fait au château des Tuileries avant que le devis n'ait été décrété ; mais les faits concernant les ouvertures pratiquées récemment aux Tuileries, sont renvoyés au comité des domaines.)
Roland, ministre de Vintérieur. La surveillance du garde-meuble, du mobilier des maisons ci-devant royales, des émigrés, ont exigé que j'y mette des gardiens, des ouvriers, des portefaix, pour transporter les meubles. Depuis trois semaines ces ouvriers n'ont point reçu le salaire qui leur est attribué; ils refusent de travailler n'étant pas payés. J'ai demandé, il y a longtemps, une somme pour leur payement, et depuis, je ne crains pas de le dire, il y a des dégradations, des pertes pour la nation de plus de 50,000 livres par jour, ce qui eût été épargné si l'Assemblée eût eu égard à ma demande.
(La Convention décrète qu'il sera mis, pour cet objet, une somme de 100,000 livres à la disposition du ministre de l'intérieur.)
Roland, ministre de Vintérieur, observe qu'il n'y a point de fonds réservés pour le payement de 3 sous par lieue accordés pour le retour des ouvriers du camp sous Paris.
Un membre fait la motion qu'il soit mis provisoirement une somme de 50,000 livres à la disposition du ministre de l'intérieur pour cet objet.
(La Convention décrète que, pour cet effet et provisoirement, il sera mis 50,000 livres à la disposition du ministre de l'intérieur, et que le comité de la guerre présentera, dès demain, l'aperçu des dépenses.)
,au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret concernant la levée des scellés apposés sur les appartements des maisons ci-devant royales, des maisons religieuses et des maisons des émigrés, dam le département de Paris; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, ouï le rapport de son comité d'aliénation, décrète ce qui suit :
« Les scellés apposés antérieurement à la date du présent décret, sur les appartements des maisons ci-devant royales, des maisons religieuses et des maisons des émigrés, dans le département de Paris, seront levés, à la diligence du ministre de l'intérieur, par des commissaires que le directoire du département nommera à cet effet. Lesdits commissaires donneront avis de leurs opérations aux municipalités, trois jours à l'avance, afin qu'elles nomment des commissaires pour y assister, et représenter les procès-verbaux d'apposition des scellés, sans néanmoins que l'absence des commissaires des municipalités, dûment avertis, ou la non représentation des procès-verbaux, puisse arrêter les opérations des commissaires du département.
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, donne lecture, de deux lettres : l'une des citoyens d'Aoust et Gustave Doulcet; l'autre des citoyens Duhem, Delmas et Dubois de Bellegarde, tous commissaires de la Convention nationale à l'armée du Nord, qui donnent quelques détails sur les dispositions prises par nos généraux pour entrer en Belgique; ces deux lettres sont ainsi conçues :
I
Maubeuge, le
« Citoyens,
« Les troupes que nous avons vues avan hier au camp retranché de Maubeuge, hier dans les cantonnements qui environnent cette place, et aujourd'hui dans son enceinte, nous ont paru animées de cette ardeur républicaine qui transforme les hommes en héros.
« Le général Harville, qui commande cette partie de la nombreuse armée qui va marcher dans la Belgique, a la confiance de ces braves soldats. Il la mérite, et la partage avec Tour-ville qui commandait ici avant l'arrivée des renforts.
« Dans les cantonnements qui avoisinent la Sambre, nous avons vu le bataillon liégeois que commande le général Fion ; il est presque entièrement composé de ces hommes qui ont fait l'admiration des amis de la liberté dans cette révolution où leur courage a triomphé de tout, sauf de la perfidie des despotes : nous leur avons promis, au nom de la République, qu'ils seraient bientôt aussi libres qu'ils sont dignes de l'être.
« Nous avons vu aussi des chasseurs belges et monstois. Tous brûlent du désir d'arracher leur pays au despotisme, et de venger leurs concitoyens.
« Signé : d'àoust ; gustave Doulcet. »
II
« Lille, le er
novembre 1792
« Représentants du peuple,
Informés que nos trois collègues n'ont vu qu'un instant le général Dumouriez en passant à Valenciennes, et ayant à conférer avec lui sur l'administration du comité révolutionnaire des Belges, sentant d'ailleurs la nécessité d'engager le général, chargé par le conseil exécutif provisoire, des opérations du Brabant, à se rendre à Lille, pour y expliquer d'une manière positive les instructions d'après lesquelles les armées du Nord devaient agir, nous nous sommes rendus le 30 du mois dernier a Onnain, où le citoyen Dumouriez à établi son quartier général : nous sommes partis ensemble quatre heures après pour Lille, où nous sommes arrivés le 5l à 6 heures du matin.
« Le général Dumouriez a fait de suite assembler un conseil de guerre. Il importe au succès des opérations qu'on y a combinées qu'elles ne soient pas rendues publiques ; mais nous pouvons assurer la Convention, d'après toutes les précautions qui viennent d'être prises, que les Belges seront bientôt libres.
« Nous lui adressons le manifeste du général Dumouriez, qui est reparti hier à neuf heures du soir, après avoir vu les autorités constituées de cette ville, et en avoir reçu l'accueil le plus flatteur.
« Nous lui adressons aussi un extrait des registres de l'assemblée électorale du département du Nord, sur le comité des Belges. La Convention pèsera dans sa sagesse le parti qu'elle doit prendre à cet égard.
« Signé : Delmas, Duhem et Dubois de Bellegarde. »
Le même secrétaire donne ensuite lecture d'une lettre du général Harville, annonçant deux exemples, l'un de sévérité, l'autre de justice, qu'il a donnés à son armée; cette lettre est ainsi conçue :
« Du quartier général de Maubeuge, le
« Législateurs,
« Je viens de donner à mon armée un exemple de justice et de sévérité; et pour lui donner plus d'authenticité je vous en fais passer les pièces.
« Des plaintes me furent portées par le 1er bataillon au Nord contre le capitaine Lecoq. Sans cesse accusé de déshonorer le nom français par une conduite crapuleuse, d'avoir dissipé une partie du compte de sa compagnie et de s'être enlin tout récemment rendu incapable de jamais commander de braves militaires, en se livrant honteusement au vol, les officiers du 1er bataillon du Nord m'ont demandé justice, et ils l'ont obtenue de la manière la plus éclatante. L'accusé comparut en ma présence et celle des officiers et d'un grand nombre de volontaires de son bataillon; les preuves attestant son ignominie, lui furent mises sous les yeux; et étant bien constant que le capitaine Lecoq s'était rendu coupable de tous les délits portés contre lui, je donnai l'ordre en vertu des pouvoirs de vos commissaires et de ceux qui me sont délégués par les lois, qu'il fût sur le champ destitué de ses fonctions ; qu'on lui arrachât les marques
distinctives de son grade ; qu'on lui coupât les cheveux, et qu'on le chassât dans cet état hors des postes de la ville.
« De même que le châtiment doit suivre le crime, de même la récompense doit attendre les belles actions. En vertu de ce principe, j'ai nommé à une sous-lieutenance de cavalerie le brave Mongin, qui, parune contenance valeureuse et intelligente, a maintenu, lui cinquième, pendant plus de deux heures, les efforts d'un nombreux détachement d'ennemis ; il l'a suivi de si près dans tous ses mouvements, qu'il l'a momentanément forcé à la retraite. Cette conduite savante a donné le temps à une de nos compagnies de chasseurs de se retirer avec honneur, et a sauvé plusieurs villages de l'incursion des ennemis. (Appaudissements.)
« L'appareil imposant que j'ai mis à la nomination du brave Mongin et le contraste de la punition du capitaine Lecoq ont produit le plus grand effet. J'augure favorablement de l'avenir, et il me tarde d'avoir des succès à vous annoncer. (Applaudissements.)
« Signé : Auguste Hârville. »
Le même secrétaire donne enfin lecture d'une lettre du général Labourdonnaie, qui fait part à la Convention que les Autrichiens ont évacué, ie 2 de ce mois, la petite ville de Lannoy ; cette lettre est ainsi conçue :
Du quartier général de Bouvines, le
« Citoyens,
« Jevvous annonce avec plaisir que les Autrichiens ont été forcés, ce matin, d'évacuer la petite ville de Lannoy, qui était le seul poste fermé qu'ils occupassent encore sur le territoire français ; ils y avaient 4 ou 500 hommes, outre les postes avancés. Après quelques coups de canon, ils ont abandonné la ville. Les très mauvais chemins et les coupures multipliées qu'ils avaient faites sur les seuls praticables nous ont empêchés de faire la garnison prisonnière. Les Français ont eu sept ou huit blessés.
« J avais chargé de la principale colonne le lieutenant-colonel Guiscard, de l'artillerie, que les commissaires de la Convention nationale avaient fait maréchal de camp ; cet officier, qui s'était distingué pendant le Dombardement, mérite ce grade de maréchal de camp, et je vous prie de vouloir bien lui envoyer le brevet. Avant de quitter Lannoy, j'ai eu le plaisir de travailler à y replanter l'arbre de la liberté. (Applaudissements.)
« Signé : Labourdonnaie. »
(La séance est levée à 4 heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à onze heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Adresse des citoyens de Cherbourg, relative à une infraction à la discipline, faite par les sol-
dats du 1er bataillon du 31* régiment
d'infanterie, en garnison dans cette ville, qui ont exigé J'éloignement
de Boiscouteau, leur lieutenant-colonel. Les citoyens de Cherbourg
placent sous les yeux de la Convention les détails de la conduite
incivique de cet officier, qui, dans toutes les circonstances, a
provoqué, par l'aristocratie la plus punissable, l'insurrection des
soldats qu'il commandait et qui même a osé frapper sous les armes un
sous-officier et l'envoyer ensuite en prison. Ces soldats-citoyens ont
constamment donné des preuves du patriotisme le plus pur; ils ont
consacré une journée de leur solde à l'armement des volontaires. Les
Citoyens de Cherbourg présentent à la Convention les motifs qui leur
donnent des droits à l'indulgence de la Convention et sollicitent une
amnistie générale en faveur des soldats du 31° régiment, et
Vanéantissement de toute procédure relative à Vexpulsion de Boiscouteau.
Suivent quatre pages de signatures.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre.)
2° Lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, qui écrit que le peuple ne voit qu'avec indignation les fleurs de lis servir encore d'ornement aux retroussis des habits des défenseurs de la patrie, aux drapeaux, aux étendards et aux guidons ; il observe que ces signes de la royauté ont déjà produit des désagréments à quelques régiments; il demande qu'à la place de ces signes abhorrés, il en soit substitué d'analogues au gouvernement républicain; il annonce qu'il envoie des desseins à ce sujet ; il propose aussi de changer les boutons des troupes de ligne.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
3° Lettre du président du département de V Aisne, y joints deux procès-verbaux, et un arrêté relatif aux troubles excités parmi les citoyens de Laon.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de sûreté générale.)
4° Pétition des employés aux effets de campement, qui demandent à jouir de la gratification de campagne, des rations de pain et de fourrage accordées, par les lois de l'Assemblée nationale des 29 février et 4 septembre 1792, aux officiers de santé, auinôniers, etc.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
5° Lettre et arrêté des administrateurs du district d'Etain, relatifs à la détérioration des routes de ce district, occasionnée par le passage des armées ennemies. Ils sollicitent de la Convention une somme de 6,000 livres pour payer la main-d'œuvre et la pierre, et qu'il leur soit envoyé, pour parvenir a la prompte réparation de leurs routes, les chevaux et chariots de l'artillerie retirés à Metz.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
6° Lettre du président du département du Cher, à laquelle est jointe une pétition du conseil général de la commune de Bourges, relative à la taxe générale des grains.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
7° Extrait des registres du greffe de la munici- palité de Vienne-le-Château, district de Sainte-'enehould, contenant le détail des excès commis,
dans cet endroit, éur les officiers municipaux* notables et différents particuliers.
(La Convention renvoie cet extrait au comité de sûreté générale.)
8° Lettre du président du département du Cher, accompagnée de plusieurs pièces relatives aux troubles occasionnés dans le district de Vierzon par le fanatisme et la superstition; il annonce que la loi a enfin été exécutée dans son intégrité et que la plus grande partie de la force armée, qui y avait été envoyée, est de retour dans ses foyers.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de sûreté générale.)
9° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui propose à la Convention de réunir a la forêt de Montargis deux parties de bois formant ensemble 22 arpents, et qui y sont enclavées ; il propose de les acquérir pour le Compte de la République, afin de garantir les bois nationaux des dévastations des possesseurs de ces propriétés particulières. Il représente qu'il est instant que la Convention prononce à ce sujet, l'adjudication de ces bois devant avoir lieu le 6 de ce mois.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des domaines, avec ordre de l'Assemblée de présenter au plus tôt le rapport sur cet objet.), j
10° Lettre de Garat, ministre de la justice, accompagnée d'une adresse des citoyens de la commune de Terrasson, qui félicitent la Convention sur l'énergie de ses premiers travaux et surle décret qui abolit la royauté ; ils réclament contre une ordonnance de l'assemblée électorale du département de la Dordogne, qui a transféré à Montignac le tribunal civil établi dans leur ville.
(La Convention renvoie cette lettre au comité de division.)
11° Lettre des administrateurs du département d'Indre-et-Loire ; ils écrivent qu'ils ont envoyé au mois de juillet dernier, à l'Assemblée nationale, les instructions d'après lesquelles le nombre et le placement des notaires publics de ce département doivent être déterminés : ils représentent qu'il est très urgent que la Convention prononce sur cet objet.
(La Convention renvoie cette lettre aux comités de division et de législation réunis.)
12° Lettre du procureur général syndic du département de la Drôrne, à laquelle est joint un arrêté relatif aux mesures prises pour s'assurer de la personne du sieur Chevandier, prévenu de complicité avec des Conspirateurs contre la sûreté intérieure de l'Etat.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
13° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, avec un extrait certifié qui lui a été envoyé par la section du Panthéon-Français, de l'arrêté qu'elle a pris le 20 du mois dernier, relativement au scrutin par appel nominal, et par lequel elle a déclaré qu'elle accompagnerait son président à la barre, s'il y était mandé à cette occasion.,
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
14° Pétition de Silvain Corret, marchand, dont le tils a disparu sans qu'il sache ce qu'il est est devenu ; il sollicite la Convention de le décharger de l'obligation de fournir et de solder
deux gardes nationaux. Le civisme et le défaut de fortune de ce pétitionnaire sont attestés par la municipalité et le district.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
15° Pétition du citoyen Demours, docteur en médecine, âgé de 90 ans passés, qui réclame la conservation d'un traitement de 1,800 livres qu'il a obtenu en qualité de médecin oculiste de la Cour.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
16° Pétition des officiers municipaux de Dangu, relative au renouvellement de leur municipalité.
(La Convention renvoie la pétition aux comités de Constitution et de législation réunis.)
17° Pétition de Jean-François Conty, brigadier dans la gendarmerie à cheval. Forcé par des infirmités à abandonner son service, il réclame l'exécution des décrets qui fixent le sort des soldats vétérans.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
18° Pétition de la section des Quinze-Vingts, par laquelle elle demande que la Convention ordonne à son comité des secours de faire promp-tement son rapport sur l'organisation de leur maison ; elle observe que les infortunés aveugles sont journellement vexés par l'administration et par un chapitre inquisitorial.
(La Convention renvoie la pétition au çomité des secours publics.)
19° Adresse du district de Vihiers, département de Maine-et-Loire, qui félicite l'Assemblée sur la hauteur àTaquelle elle s'est élevée en érigeant la République sur les ruines du trône, et la conjure en même temps de réprimer avec vigueur les agitateurs qui veulent nous ramener au despotisme par le désordre et la terreur, et enfin d'établir le règne sévère de la loi, afin de soumettre toutes les volontés individuelles ou locales à la volonté générale.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de sûreté générale.)
20° Pétition du citoyen Durocher, adjudicataire de la construction des casernes de Laon, qui demande le payement d'une somme de 143,750 liv. Sa réputation et sa fortune sont compromises, s'il ne peut obtenir cette somme qui lui est due.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
21° Adresse des administrateurs du district de Castelnaudary, qui offrent à la Convention l'hommage de leur reconnaissance, l'invitent à redoubler d'énergie pour proscrire tous les abus et anéantir l'anarchie.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de sûreté générale.)
22° Adresse du conseil général de Rouen, qui envoie différentes pièces relatives à l'état des subsistances de cette ville; il prie la Convention de s'en faire rendre compte sans délai.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
23° Mémoire et pièces envoyés par les administrateurs du distriet d'Etain, tendant à leur justification.
(La Convention renvoie ces pièces au comité du sûreté générale.)
24° Adresse des citoyens de la commune de Dôle, qui demandent qu'il soit envoyé à Lons-le-Sau-nier un commissaire chargé de surveiller l'administration du département du Jura, et l'armement, équipement, approvisionnement et frais du campement des troupes et les fortifications de ses frontières.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
25° Adresse du conseil général de la commune de Soissons, qui envoie trois délibérations; il réclame une.avance de 100,000 livres acompte sur ce qui lui est attribué pour le seizième effectif de la vente et payement des biens nationaux ; il adhère, au nom de la commune, au décret qui abolit la royauté et établit la République.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de liquidation.)
26° Adresse de la municipalité de Dun-le-Roi, département du Cher; elle adhère au décret qui abolit la royauté; elle prie la Convention de décréter que, pour détruire tout ce qui peut rappeler le souvenir odieux des rois, elle s'appellera dorénavant Dun-sur-Auron,petite rivière qui baigne ses murs.
Cette municipalité, dont la population ne s'élève pas à 3,000 âmes, a fourni 190 défenseurs à la patrie.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de division.)
27° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est jointe une copie certifiée du décret particulier de la liquidation, relatif au sieur de Bourge et compagnie, entrepreneurs de la manufacture de filature anglaise à Rouen, qui a été dévastée et incendiée lors d'une insurrection qui a eu lieu dans cette ville.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
28° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, accompagnée d'un mémoire des sieurs Chauvet et Fournier, commis-adjoints au greffe du ci-devant parlement de Paris; ils réclament le paiement de leurs salaires.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de liquidation.)
29° Lettre du citoyen Êrochard, qui fait un don patriotique de 1,500 balles de calibre ordinaire.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
30° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à la Convention qu'on n'a encore pu découvrir les coupables du meurtre du citoyen Juche-reau, assassiné à Charleville, et que le juge de paix continue son information. Le ministre a écrit pour avoir de nouveaux renseignements sur cette affaire, et il s'empressera de faire part à la Convention de ce qu'on lui marquera.
(La Convention renvoie cette lettre aux comités de sûreté générale et de législation réunis.)
31° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, accompagnée de celle du commissaire ordonnateur de l'armée des Alpes à ce ministre; il sollicite, *en faveur des Savoisiens, la révocation de la loi qui prohibe l'exportation des grains à l'étranger.
(La Convention renvoie ces lettres aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
32° Pétition de Louis-Alexandre Adrie, grenadier au 5e régiment, blessé dans l'affaire de Cour-tray, qui demande un grade dans l'armée.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
33° Pétition du citoyen Falkerhavel fi,ls~, qui réclame contre les injustices multipliées des ministres de l'ancien régime et se plaint de l'inutilité de toutes des démarches qu'il a faites auprès des représentants de la nation pour obtenir le remboursement de ses créances sur le gouvernement.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
34° Adresse de la municipalité de Baulle, qui applaudit et adhère à l'abolition de la royauté.
(La Convention ordonne le dépôt de cette adresse aux archives.)
35° Lettre du conseil général du département de la Seine-Inférieure, qui annonce que leur dixième bataillon est parti pour Douai ; il est porté à 800 hommes armés, auxquels sont joints 21 cavaliers montés et équipés.
(La Convention ordonne la mention honor rable.)
36 Lettre des citoyens deBisctiwiller, des chasseurs du 7e bataillon d'infanterie légère et des volontaires du bataillon de la Haute-Saône, qui adhèrent au décret qui abolit la royauté ; ils félicitent la Convention sur ses travaux et lui adressent diverses réclamations relatives aux volontaires nationaux.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
37° Lettre du citoyen Poulet, procureur général du département de la Moselle, détenu à Verdun, qui rend compte à la Convention des motifs qui 1 ont empêché d'exécuter les décrets des 19 juillet et 17 août,dontle premier ordonne qu'il sera mandé à la barre, et le second, faute par lui de s'y être rendu, ordonne qu'il y sera traduit par la gendarmerie nationale.
(La Convention ren*oi au comité de sûreté générale.)
38° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur,'qui sollicite de la Convention une prorogation de délai de trois mois pour faire viser et enregistrer les effets et actions de l'ancienne compagnie des Indes, déposés dans ses bureaux.
(Le Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
39° Autre lettre de Roland, ministre de Vintérieur, accompagnée d'une expédition du directeur du juré d'accusation tendant à faire rentrer au greffe de ce tribunal les notes et procès-verbaux qui ont été faits pour constater la rentrée au garde-meuble des différents effets qui y avaient été volés.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de sûreté générale.)
40° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui réclame en faveur du sieur Fournier 9,000 (livres pour faire des avances : iFprie la Convention de statuer aussi sur la récompense dont ce particulier paraîtra susceptible, ainsi que sur l'emploi des pièces d'artillerie et de quantités d'effets précieux déposés à l'Hôtel-de-Ville. : (La Cohvention renvoie la lettre aux comités des finances, de liquidation et de la guerre réunis.)
41° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, accompagnée de plusieurs états nominatifs des ecclésiastiques non sermentés de différents
districts, qui ont obtenu des passeports pour se retirer en pays étrangers.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
42° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, avec un mémoire du maire de la municipalité d'Echassières, qui demande qu'attendu, la disette de blé dans ce canton, il soit défendu à tous particuliers d'avoir plus de deux chiens de chasse.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de commerce et d'agriculture réunis.)
43° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, accompagnée d'une lettre anonyme ; il annonce qu'il a envoyé à la Convention, le 19 octobre, l'imprimé qui était joint à cette lettre qu'il a reçue de Genève.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
44° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est jointe une lettre du sieur Pierre Pont, Vicaire épiscopal de Nantes, contenant le projet d'une nouvelle organisation du culte religieux.
(La Convention renvoie ces lettres au comité de Constitution.)
45° Pétition des gendarmes nationaux du département des Côtes-du-Nord, qui demandent d'être armés et de marcher contre les tyrans; ils réclament le traitement de cinq mois qu'ils prétendent leur être dû.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
46° Mémoire des administrateurs du district de Verdun, et des membres du conseil général de ladite ville, contenant le détail de leur conduite et tendant à leur justification.
(La Convention renvoie ce mémoire au comité de sûreté générale.)
47° Etal de la Caisse du payeur du département de la Meuse, certifié par le contrôleur général des dépenses de l'armée de Kellermann.
(La Convention renvoie cet état au comité des finances.)
48° Adresse du tribunal du district de Verdun, contenant l'exposition de sa conduite et tendant à sa justification.
(La Convention renvoie cette adresse au comité de sûreté générale.)
49° Adresse des membres composant les conseils généraux du district et de la commune de Dour-dan, qui demandent à la Convention l'envoi de commissaires pour échanger les billets de la Maison de secours; ils représentent que, sans cette mesure, leur ville serait exposée aux plus grands dangers.
(La Convention renvoie l'adresse au comité, des finances.)
50° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait part à la Convention d'un arrêté pris par la municipalité de Rouen, le 29 août dernier, qui fixe le prix du pain dans cette ville à 2 s. 6 d. la livre, sauf à indemniser les boulangers ; ils sollicitent, en conséquence, un nouveau secours.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de commerce et des finances réunis.)
51° Lettre de. Roland, ministre de l'intérieur, qui adresse des observations sur les effets du divorce à l'égard des femmes dont les maris sont émigrés; il demande que la Convention les
prenne en considération pour éviter les abus s qui pourraient en résulter.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
52° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est jointe celle des administrateurs du département de l'Ille-et-Vilaine, relativement aux personnes avec lesquelles plusieurs communautés de la ville de Rennes avaient contracté l'obligation de les loger, nourrir et entretenir leur vie durant, moyennant une somme une fois payée, il prie la Convention de rendre une loi générale sur cet objet.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
53° Autre lettre de Roland, ministre de l'intérieur, non signée, sur ce que la loi du 5 novembre 1790 ayant laissé aux corps ecclésiastiques supprimés par celle du 18 août dernier l'administration provisoire de leurs biens, à charge d'en rendre compte chaque année, il s'élève des difficultés sur les reliquats de ces comptes.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
54° Autre lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à-laquelle sont joints les états des ecclésiastiques insermentés qui se sont soumis à la déportation dans le département du Doubs et dans les districts de Gien, département du Loiret ; Calais, Saint-Florentin et Joigny, département de l'Yonne.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
55° Autre lettre de Roland, ministre de l'intérieur, par laquelle il demande l'interprétation de l'article 9 de la loi du 8 avril, relative aux émigrés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
56° Autre lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle est joint un état des commissions ou établissements principaux dont les dépenses occasionnent une demande urgente de fonds; ces établissements sont le Garde-meuble, le Muséum, les Gobelins, la manufacture de Sèvres, etc.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
27° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui fait passer à laConvention plusieurs exemplaires d'un tableau qui présente l'état de situation, au 27 octobre dernier, de la confection des matrices de rôles de la contribution mobilière dans les 83 départements delà République.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
58° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui écrit à la Convention pour lui communiquer un mémoire sur l'insuffisance des amendes destinées au payement des traitements des secrétaires greffiers, garçons de bureaux, et menus frais des bureaux de conciliation ; il sollicite une prompte décision sur cette affaire.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
59° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, à laquelle sont jointes différentes pièces du citoyen Merklein, graveur de la régie, relatives à une demande en indemnité.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de liquidation.)
60° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui écrit à la Convention en lui faisant passer deux bordereaux d'indemnité et dépenses extraordinaires des colonies.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de marine et de finances réunis.)
61° Lettre et pétition des députés de l'Ile de France auprès des pouvoirs législatif et exécutif, relativement à l'état militaire des colonies orientales ; ils en demandent le renvoi aux comités colonial et de marine réunis.
(La Convention décrète le renvoi de ces pièces aux comités colonial et de marine réunis.)
62° Lettre des administrateurs du district d'Orléans, qui demandent que la Convention s'occupe de la réduction au traitement des juges, en attendant une réforme qu'ils sollicitent pour leur district.
(La Convention renvoie la lettre aux comités des finances et de législation réunis.)
63° Pétition des maire, officiers municipaux, électeurs et citoyens de la commune de La Roche-Guyon, qui demandent un règlement général pour l'approvisionnement des marchés en grains.
(La Convention renvoie la pétition aux comités de législation, commerce et agriculture réunis.)
64° Lettre du général Custine, qui adresse à la Convention, le vœu du docteur Georges-Guillaume Bohémer, homme respecté de ses concitoyens par ses vertus, ses talents et son zèle pour la liberté et l'égalité. Cet homme sollicite le titre unique de citoyen français, et un traitement de deux mille écus, pour le dédommagement de l'état auquel il a renoncé pour propager dans l'Empire les principes de la liberté.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de Constitution et des finances réunis.)
65° Procès-verbal du conseil d'administration du bataillon des Républicains, contenant les dépositions de plusieurs témoins de l'affaire de Rethel.
(La Convention renvoie ce procès-verbal au comité de la guerre.)
66° Pétition du citoyen Antoine Fabre-Lavalette, ci-devant lieutenant-colonel, commandant le bataillon de garnison de Piémont, qui réclame le traitement maréchal de camp, grade auquel il a été promu pour retraite.
(La Convention renvoie la pétition aux comités de la guerre et des finances réunis.)
67° Lettre du citoyen Champion, procureur de la commune de Lassay, département de la Mayenne, qui adresse à la Convention un arrêté contenant que les volontaires de cette commune seront invités à ne pas abandonner les drapeaux de la liberté et de l'égalité, avant qu'une paix glorieuse ait rendu à la République la tranquillité; et que ceux qui contreviendront à cette invitation, seront déclarés indignes de porter le nom français, et seront rayés du tableau des citoyens de cette commune.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
68° Délibération de la commune de Lauzette, par laquelle elle adhère au décret qui abolit la royauté en France.
(La Convention ordonne le dépôt de cette délibération aux archives.)
69° Pétition du citoyen Denizot, sergent de la compagnie de Guisler, du bataillon du département de Paris, qui demande que le citoyen Ûuperron, président du ci-devant district des Théatins, soit tenu de rendre ses comptes de gestion de ce district, et de payer au pétitionnaire ce qui lui est dû de son traitement et avances faites en sa qualité de commis-greffier de ce district.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
70° Pétition du citoyen Charles-Emmanuel Mon-geot, attaché à l'armée du général Dumouriez, qui demande à être conservé * dans sa place de conducteur de charrois, des équipages d'artillerie, en temps de paix, pour le récompenser de ses services militaires.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
71° Pétition du citoyen Vassal, ancien contrôleur des fermes, volontaire chasseur de la première compagnie franche du second bataillon de la section du Louvre, par laquelle il demande la conservation de la promesse d'une place dans la partie des timbres, qu'il occupera à son retour de l'armée, après la campagne.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
72° Pétition du citoyen Deshayes-Desvallons, ingénieur de la marine, dans laquelle il expose l'utilité d'un lit de camp qu'il a inventé pour l'usage des armées.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre, avec ordre d'en faire au plus tôt son rapport.)
73° Lettre des administrateurs du district de Beauvais, qui envoient les adresses d'adhésion de quatre-vingt-quinze municipalités à l'abolition de la royauté.
(La Convention ordonne le dépôt de ces 95 adresses aux archives.)
74° Lettre des citoyens composant le tribunal de commerce de la ville de Rouen, qui présentent différentes questions à la Convention, relatives à l'ordre judiciaire et de commerce.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de législation et de commerce réunis.)
75° Adresse des citoyens de la ville d'Issoudun, qui adhèrent à l'abolition de la royauté.
(La Convention ordonné le dépôt de cette adresse aux archives.) •
76° Adresse des citoyens de la ville d'Orange, portant adhésion aux décrets de la Convention nationale, et notamment à celui qui abolit la royauté.
(La Convention ordonne le dépôt de cette adresse aux archives.)
77° Pétition du citoyen Lallemand, qui demande que les frais de la maladie de Jean-Baptiste Permet, garde national, soient payés par la régie des hôpitaux militaires.
(La Convention renvoie la pétition au comité militaire.)
78° Adresse d'adhésion de la municipalité d'Orange aux décrets de la Convention nationale, et notamment à celui qui abolit la royauté et établit la République.
(La Convention ordonne le dépôt de cette adresse aux archives.)
79° Pétition du citoyen Antide Janvier, qui de-
mande en sa faveur l'extension de la loi relative aux artistes du Louvre.
(La Convention renvoie cette pétition à la commission du muséum et des arts, pour être rendu compte au ministre de l'intérieur et à la Convention nationale.)
Rogers, négociant anglais, est admis à la barre.
11 présente à la Convention, dans une adresse pleine du plus pur patriotisme, le tort qu'éprouveraient les propriétaires d'effets publics, ài elle laissait subsister plus longtemps les lois des 22 août et du 17 septembre derniers.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
Dubuisson, délégué des Mathurins rédempteurs des captifs, est admis à la barre.
Il demande que le décret du 7 octobre, qui autorise les religieuses à toucher d'avance leur traitement, soit éteudu à tous les religieux ; il se fonde sur la modicité de leur traitement, et sur les dépenses que l'évacuation des maisons qu'ils occupaient leur a nécessitées.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
Pierre Plisiat, gendarme de la marine du port de Brest, destiné à aller combattre les ennemis de la République, se présente à la barre.
11 aemande pour lui et pour ses camarades des autres ports à jouir des mêmes avantages que la gendarmerie nationale.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la marine.)
Jean-Charles-Guillaume Le Prévôt est admis à la barre.
Il présente une pétition dans laquelle il expose qu'il a été détenu pendant 23 ans, dans les prisons d'Etat, pour avoir voulu révéler un commerce secret des blés, connu depuis sous la dénomination de pacte de famine.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie sa pétition et le rapport de la commission des lettres de cachet au comité des secours, avec injonction d'en faire un prompt rapport.)
Roch Kauffmann est admis à la barre.
Il expose à la Convention qu'ayant servi neuf ans et demi dans les gardes suisses, fait quatre campagnes, trente-neuf années et demie de services dans la ci-devant compagnie des Cent-Suisses, infirme et voyant à peine pour se conduire, elle" veuille bien lui accorder une retraite à l'Hôtel des Invalides.
répond au pétitionnaire et lui accorde lés honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif poiir y faire droit.)
Des ci-devant cent-suisses de la garde du ci-devant roi sont admis à la barre.
Ils demandent un traitement en raison de leurs services.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité ' de liquidation.)
Les citoyens libres et amis de la République de la ville de Tulle sé présentent à la barre.
Ils félicitent la Convention nationale des sages décrets qu'elle a rendus pour faire jouir le peuple de tous ses droits, et se plaignent de l'incivisme du régiment ci-devant Ryoal-Navarre cavalerie.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie leur adresse aux comités de la guerre et de sûreté générale réunis.)
Le citoyen Pierre Coignet, jardinier, est admis à la barre.
Il annonce à la Convention qu'il a fait la découverte d'un secret qui garantit de la gelée la vigne et les arbustes de toute espèce; il demande quon lui procure les moyens -de rendre son secret public.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
Le citoyen Duchâteau est admis à la barre.
Il présente deux mémoires pour les salpêtriers de Paris et des environs, et une pétition en son nom, dans lesquels sont exposées les dilapidations et les concussions des régisseurs des poudres et salpêtres, qu'il dénonce à la Convention.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie le tout au comité des finances.)
Le citoyen Dolizy, à la téte d'une députation d'aspirants aux Quinze-Vingts, est admis à la barfe.
Il donne lecture d'une pétition dans laquelle il dénonce les malversations de l'administration de cet hôpital et se plaint de ne pouvoir être admis, avec ses camarades, dans cette maison qui leur appartient.
répond à l'orateur, et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance. . (La Convention renvoie la pétition au comité des secours publics.)
, secrétaire, fait connaître les dons patriotiques adressés à la Convention :
1° Le citoyen Tilly, colonel du 14e régiment de dragons, a fait déposer sur le bureau sa décoration militaire;
2° Le citoyen FiUot, habitant du département du Gers, ancien capitaine de cavalerie, fait déposer sa croix de Saint-Louis;
3° Les citoyens de la ville d'Issoudun, réunis en société des amis de la liberté et de l'égalité, envoient pour les malheureux de Lille et de Thionville, la somme de 675 livres en assignats et 67 livres 17 sols 6 deniers en numéraire;
4° Les juges et le commissaire du pouvoir exécutif près le tribunal du district de Sens envoient, en vertu de leur soumission du mois de mai dernier, une somme de 150 livres;
5° Le citoyen Lalné, officier de gendarmerie, à la résidence de la Châtre, département de l'Indre, donne sa croix de Saint-Louis;
6° Le citoyen Vignon, curé de la paroisse de la ville de Roanne, envoie 100 livres en assignats pour les frais delà guerre;
7° Le 3® bataillon de l'Oise, en garnison à Lille, fait parvenir la copie de sa soumission de donner
le 31e jour de sa paye, pour les malheureux de la journée du 10 août ;
8° Le citoyen Centré, ancien militaire, résidant à Melun,?fait déposer sa croix de Saint-Louis ;
9° Le citoyen Astier, demeurant à Marseille, fait remettre une somme de 150 livres en assignats, pour les frais dé la guerre;
10° Le citoyen Gaudin, capitaine du génie, résidant à Landrecies, a fait parvenir sa croix de Saint-Louis.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui rappelle l'attention de la Convention sur la demande faite au Corps législatif par le ministre de la marine, d'une coupe extraordinaire de 400 pieds de hêtre à la Sainte-Baume pour fournir d'avirons le port de Toulon; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, Ce er de la République.
« Monsieur le Président,
« 11 a été écrit le 1er août dernier au Corps législatif relativement à unecoupe extraordinaire de 400 pieds de hêtre à la Sainte-Baume demandée par le ministre de la marine pour fournir d'avirons le port de Toulon, il n'a pas prononcé sur cet objet, et la Convention nationale n'a pas pu encore s'en occuper; cependant les armements ordonnés exigent qu'il y soit promptement statué; je vous prie, en conséquence, de le soumettre à sa délibération; s'agissant d'une coupe extraordinaire, l'intervention de l'autorité législative est indispensable d'après l'article 9 du titre 7 de la loi du 29 septembre 1791.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Le ministre des contributions publiques, « Signé : clavière. »
Un membre: Je convertis en motion la proposition du ministre.
(La Convention décrète que le ministre des contributions publiques est autorisé à faire abattre 400 pieds de hêtrejlans la forêt de Sainte-Baume pour fournir d'avirons le port de Toulon.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Monge, ministre de la marine,
accompagnée d'un mémoire, qui expose à la Convention que des
négociants'français, établis en Syrie, ont été bannis avec violence de
leurs maisons de commerce à Acre et à Seyde, par Dgezzar, pacha de cette
contrée; que Choiseul-Gouffier, ambassadeur de France à la
Porte-Ottomane, chargé de poursuivre la réparation de ces griefs, a non
seulement négligé les intérêts des négociants lésés, mais qu'il est
fortement soupçonné d'avoir, à leur détriment,(favorisé un établissement
de commerce de la maison de Dalmas, dans laquelle on l'accuse d'être
intéressé. Le ministre demande d'être autorisé à faire vérifier les
livres de cette maison àConstantinople, pour découvrir les fonds qu'elle
peut avoir appartenant à Choiseul-Gouffier.
(La Convention décrète que le ministre de la marine fera procéder à la vérification des livres de la maison de commerce Dalmas à Constanti,-nople, pour découvrir les fonds qu'elle peut avoir à Choiseul-Gouffier, ci-devant ambassadeur de France à la Porte-Ottomane ; et quant aux griefs des négociants d'Acre et de Seyde, la Convention renvoie à son comité diplomatique pour lui en faire un prompt rapport.)
Un membre, qui craint de voir le nouveau régime se souiller des abus de l'ancien, accuse les renvois oubliés des pétitions; il demande que le comité de correspondance soit tenu de présenter un projet sur les moyens de faire droit aux réclamations que l'Assemblée reçoit.
, au nom du comité des finances. J'invite le préopinant, dont j'appuie d'ailleurs la motion, à offrir lui-même ce mode qui, je dois l'avouei», me paraît très difficile à trouver. Mais puisqu'on est ici à parler d'abus, je demande à en signaler de plus grands encore, qui ne doivent pas continuer à être tolérés.
On tiraille, en effet, le Trésor public; de tous côtés nous payons chaque jour 4,019 livres, en vertu d'undécret du 27 août, qui a fixé une indemnité) ou plutôt une solde de 25 sols aux canonniers de la garde nationale parisienne, qui devaient s'exercer et faire le service au camp, sous Paris.
Comme vous avez reconnu l'inutilité de camp et que vous en avez arrêté les travaux, vôtre comité des finances s'est occupé de la question ; il a jugé cette dépense inutile, il en a décidé la suppression, et voici le projet de décret que je vous présente en son nom :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que l'indemnité qui avait été accordée par le décret du 27 août dernier, aux 48 compagnies de canonniers attachées aux sections de Paris pour s'exercer dans le camp sous Paris, ne sera plus payée à compter de ce jour. »
Je partage l'opinion de Cambon d'autant plus facilement que cette solde est perçue, quoique les écoles de canon soient désertes. Je pense néanmoins que l'intérêt de la République vêut que l'on ne néglige point une institution à laquelle nous devons tant de succès militaires. Je propose, en conséquence, de restreindre l'indemnité à un jour, où se fait l'exercice du canon, et d'étendre cette mesure à tous les canonniers des départements.
Je m'oppose à cette proposition qui aurait l'inconvénient de recréer d'une façon plus vivace, si c'est possible, l'abus que nous vous proposons de détruire. J'observe que les circonstances qui ont déterminé l'Assemblée législative à accorder cette indemnité ne sont plus les' mêmes. Cette dépense est devenue inutile aujourd'hui autant qu'onéreuse. Le zèle des canonniers nationaux à se perfectionner dans les moyens de défendre la patrie est d'ailleurs un stimulant plus puissant pour eux que tous les avantages pécuniaires qu'on pourrait leur accorder.
(La Convention adopte le projet présenté par Cambon.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que l'indemnité qui avait été accordée, par le décret du 27 août dernier, aux 48 compagnies de canonniers attachées aux sections de Paris pour s'exer-
cer dans le camp sous Paris, ne sera plus payée à dater de ce jour. »
,au nom du comité des finances. J'ai une autre proposition à faire. Lorsque les armées étrangères arrivèrent devant Verdun, Paris se leva tout entier pour marcher contre elles. Tant de volontaires qu'il fallut armer, équiper et solder en même temps, nécessitèrent une mesure extraordinaire. Les dépenses sortirent de l'ordre de comptabilité établi par la loi. Le commandant générai de la garde nationale de Paris, qui dirigeait ces dépenses, fut autorisé à recevoir de la trésorerie 8 à 900,000 livres par semaine.
Votre comité des finances a pensé qu'à l'heure actuelle, où ces circonstances qui avaient ému l'Assemblée législative n'existent plus, il y avait lieu d'établir ae l'ordre dans la comptabilité et qu'il était urgent de connaître l'emploi de ces fonds.
Voici, en conséquence, le projet de décret qu'il vous demande d'adopter :
« Le ministre de la guerre fournira, sous trois jours, le compte détaillé de l'emploi des sommes qui ont été payées sur ses ordonnances au commandant général de la garde nationale parisienne, et qu'il fournira demain le compte, qui lui a été demandé par décret du 11 octobre dernier, du montant des sommes qui ont été payées ou qui peuvent être dues aux ci-devant gardes françaises et soldats du centre. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine, contenant une dénonciation contre Kellermann, qu'il prétend appuyer en y joignant copie de sa correspondance avec ce général ; cette lettre est ainsi conçue :
Au quartier général à Mayence, le
« Citoyen Président,
« Dans une République, les vertus, les talents doivent avoir seuls des droits à la confiance ; et il est du devoir de tout citoyen de manifester la vérité, de faire connaître l'incapacité des hommes chargés de fonctions publiques, et plus encore de la conduite des armées ; et quand le hasard ou la valeur des troupes a donné quelque succès à un général, il ne doit point servir ae voile à son impéritie ou à sa lâcheté.
« C'est dans ces principes que je dénonce Kellermann indigne du nom de général, plus indigne encore de diriger les forces de la République. Je saurai prouver qu'il a fui lâchement à Daucheim, et ma correspondance avec lui prouve à la fois sa basse jalousie, son orgueilleuse ivresse de commander une armée (passion toujours compagne de la nullité) ; et l'irréflexion de ses plans est démontrée dans mes dernières réponses.
« Citoyen Président, il est de mon devoir, comme citoyen, de faire cette dénonciation, non que je redoute de perdre.la conquête utile que j'ai été assez heureux de faire pour la République. Je connais assez le pays où je fais la guerré; je suis assez sûr desbommes libres auxquels je commande, pour n'avoir rien à redouter;1 mais je dois à la gloire de mon pays de ne pas laisser arrêter le cours de nos succès, lorsqu'il était si facile de les compléter, si facile d'empêcher les Prussiens d'atteindre Coblentz.
« Les Hessois n'y sont arrivés que le 27, et Longwy avait capitulé le 22. D'ailleurs, fallait-il
une armée entière pour faire capituler Longwy ? Et le 16 j'avais indiqué à Kellermann les mouvements qu'il fallait qu'il fît, ainsi que l'on le verra par ma correspondance. S'il avait passé la Moselle et la Sarre, il se serait rendu maître de Trêves et de Coblentz sans combat, y aurait pris tous les magasins de l'ennemi qu'il a laissé évacuer. Cet ennemi n'aurait même jamais osé se porter sur un pays sans magasins. Peut-il penser que les soldats de la liberté auraient hésité d'exécuter cette marche; nus et sans souliers?
« Je ne puis entrer dans de plus longs détails, ma correspondance, sous les lettres A, B, C, D, E, F, G, H, I, que je joins ici, vous donnera tous ceux nécessaires au rapport du comité, pour prononcer sur ma dénonciation.
« Mais même les services passés ne pourraient être un titre pour éviter lin juste châtiment ; et si j'étais assez heureux pour porter la gloire de mon pays au point où je la désire, après avoir peut-être, autant qu'un autre, contribué à la sauver, un instant d'oubli devrait porter ma tête sur un échafaud. Tel doit être le régime d'une République; elle ne doit point enorgueillir les citoyens de leurs succès; car dès lors ils deviendraient dangereux à la liberté ; et s'ils ont des talents, les employer au service de leur patrie, est un devoir rempli ; mais il faut qu'ils sachent tout, que celui qui néglige de porter des coups mortels, lorsqu'ils sont possibles, aux ennemis de la République, doit voir appesantir sur lui le glaive des lois.
« Tels sont les principes, tels ils ont toujours été, et je ne laisserai pas perdre l'instant de les développer. Croyez à mon zèle pour la gloire de mon pays; la dernière goutte ae mon sang est prête à couler pour celle de la République.
« Le citoyen général d'armée, « Signé : custine. »
A cette dénonciation sont jointes les pièces indiquées par le général Custine. J'observe à la Convention qu'elles énoncent des détails dont la publicité pourrait être dangereuse; j'en demande le renvoi aux comités de sûreté générale et de la guerre réunis,, et que la Convention ne veuille rien préjuger sur la dénonciation du général Custine, sans avoir auparavant entendu le général Kellermann.
Un grand nombre de membres : C'est juste.
On sait que de tous temps les camps ont été des foyers d intrigues et de jalousie; et, sans attribuer à Gustine aucune ae ces dispositions, je crois qu'il est impossible de juger du mérite de sa dénonciation sans avoir examiné avec attention les motifs sur lesquels elle est fondée.
Je demande le renvoi aux comités et l'ajournement de toutes discussions à cet égard.(Applaudissements.)
Je demande que le ministre de la guerre soit chargé de produire aux comités tous les renseignements qu'il a sur Kellermann. Je borne là ma proposition.
Je serais infiniment coupable, si, présent à la lecture delà lettre deCustine, je n'avais pas demandé la parole.
Je connais la correspondance de Custine avec Kellermann; mes collègues en ont aussi eu connaissance.
Custine demandait à Kellermann de le joindre avec sa cavalerie du côté de Trêves.
Je n'élève aucun nuage sur les intentions de
Custine à l'égard de Kellermann, mais je soutiens, et mes collègues l'assureront avec moi, qu'il était impossible à Kellermann, qui avait devant lui les ennemis, qui était livré seul à leur poursuite avec une armée composée à peine de 15,000 hommes, de rejoindre Custine, et qu'il ne peut être coupable de ne l'avoir point fait.
Custine a été trompé. Il est nécessaire de s'éclairer sur sa dénonciation.
J'appuie le renvoi aux comités et je me charge de répondre, lors de la discussion* à tous les points de cette dénonciation, dont je connais particulièrement tous les faits.
(La Convention ferme la discussion et renvoie la dénonciation du général Custine contre le général Kellermann à ses comités réunis de la guerre et de sûreté générale, pour lui en faire un rapport dans le plus bref délai. Elle décrète, en outre, que le ministre de la guerre fera passer à la Convention les renseignements qu'il peut avoir sur cette affaire.) Iff J «
,secrétaire, donne ensuite lecture de deux autres lettres du général Custine, datées de Francfort, où il expose dans l'une la nécessité de la jonction des forces de Kellermann aux siennes, pour assurer le succès des armes de la République, et dans Vautre où il donne de nombreux détails sur les faits qui ont accompagné son entrée dans cette ville; cette dernière lettre est ainsi conçue :
Au quartier général, à Francfort, le
« Citoyen Président,
« Je dois compte à la Convention nationale de ma conduite vis-à-vis la ville de Francfort ; ce compte, je vais le rendre.
« J'étais certain que de grands fonds appartenant aux Autrichiens et aux Prussiens avaient été déposés à Francfort dans deux maisons de banque. Ces fonds se montaient à quatorze millions, s'ils y étaient encore : je devais m'en saisir. J'ai cru qu'il était de mon devoir d'imposer une contribution à une ville dont les individus qui la conduisaient avaient eu tant de torts, et je l'avais fixée à deux millions de florins, ensuite modérée jusqu'à un million, sur les différentes représentations du magistrat.
« Non contents de cette modération, qui n'avait .d'autre objet que de ne pas faire porter cette contribution sur la classe indigente, quand ie l'avais accordée sous cette condition expresse, les magistrats chargent la cote de là classe indigente. On annonce officiellement que le peuple est prêt à se révolter; qu'il faut modérer ou voir le sang couler ; que les soldats de la République même adoptent la cause du magistrat. Je •me rends à Francfort ; je donne une proclamation dont je joins ici la copie.
L'aristocratie de la richesse, qui n'est pas une des moins terribles, est terrassée ; le peuple entier crie : Vive la République française, nous voulons nous associer a elle; tous arborent la cocârde, et jenedéfeespère pas, citoyens, d'avoir à vous annoncer, sous peu, qu'une garde nationale, composée de citoyens du faubourg de Saxenhausen, habitation du peuple de Francfort, défendra ses%iurs contre les ennemis de la liberté, et deviendra notre alliée.
« J'ai rétabli les deux millions de contribution que j'avais établi d'abord. J'aurai à ma disposition la grosse artillerie de cette ville; elle
tonnera sur les murs qui renferment les satellites du despotisme. Mes postes avancés occupent Bergen, Vilbel, Friederberg, noms connus par nos victoires dans la guerre de sept ans.
« J'attends les corps que j'espère recevoir pour toutes les opérations qui doivent mettre fin à cette laborieuse campagne. Elle assure le succès des armes de la République et nous délivre pour jamais de ceux qui naguère voulaient nous rendre des fers. Puisse-t-elle être le premier pas de tous les peuples dans le chemin de la liberté!
« Rien n'égale mon zèle pour le service de mon pays, que mon respect pour ses lois. (Applaudissements.)
« Signé : custine. »
Proclamation d'Adam-Philippe Custine, général des armées de la République française.
« La Gonstituion, citoyens, n'a été votée par la nation que pour le soulagement du pauvre, à faire enfin cesser l'oppression de l'homme opulent.
« J'apprends, citoyens, que le banquier, le gros négociant de Francfort, coalisés avec nos ennemis pour extraire le numéraire de la France, pour y faire circuler de faux assignats, veulent faire "payer au peuple de votre cité la portion de votre contribution, que je ne veux faire payer que par le riche. Et moi je vous apprends que l'homme riche seul paiera cette contribution, et que tout homme qui n'a pas une propriété de trente mille florins, en sera dispensé ; que s'il a payé, cela lui sera rendu, et que cette contribution ne sera payée que par les riches à proportionne leurs richesses.
« Je suis venu en Allemagne pour offrir au peuple l'alliance de la République française, et faire connaître aux oppresseurs que les Français devenus libres n'ont qu'un désir, ne forment qu'un vœu, celui de protéger le faible, et de faire sentir à l'homme injuste dans l'opulence, que les hommes, nés égaux en droits, ne doivent pas porter le joug de l'homme riche. » (Vifs applaudissements.)
(Seine-Inférieure). J'observe que le tribunal de commerce de Rouen, touché des faillites occasionnées par les troubles des colonies, demande que provisoirement la Convention suspende à 1 égard des faillis les effets de la contrainte par corps.
(La Convention renvoie cette proposition au Comité de législation.)
Un membre : J'observe qu'une centaine de dépu-tations attendent encore le moment de présenter des pétitions.
répond qu'en vertu d'un décret les députés de Nice doivent être entendus les premiers.
Les citoyens Blanqui et veillon, députés extraordinaires de la ville et comté de Nice, sont admis à la barre.
Le citoyen Blanqui s'exprime ainsi (1) :
Législateurs, depuis sa génération à la liberté, le peuple de Nice avait
manifesté le désir d'envoyer auprès de vous des citoyens, pour vous
exprimer des sentiments qui sont gravés dans son cœur; mais des raisons,
aussi hautes qu'inconnues, en ont sans cesse retardé l'accomplis-
Représentants d'un peuple libre, accueillez nos vœux : vous le devez, parce qu'ils sont justes; vous le devez, parce qu'il y va de la dignité et de l'intérêt du peuple français.
Daignez nous accorder quelques-uns de ces instants précieux, que vous employez si glorieusement pour le bonheur des hommes : ils ne seront point perdus, si vous ies accordez à celui du peuple de Nice.
Le ciel nous est témoin que depuis la Révolution française, le tyran du
Piémont n'a jamais cessé d'insulter, outrager et provoquer le peuple
français, et attirer son ressentiment sur ces habitants infortunés, que
ses prédécesseurs avaient déjà perfidement joués, et lâchement trahis;
que sourd aux cris des citoyens, dont le cœur n'était pas corrompu par
le souffle empoisonné des émigrés, loin ae repousser de ses Etats ces
fugitifs rebelles aux lois de leur patrie, qui soufflaient partout la
discorde et le désordre, il les a accueillis avec empressement, les a
protégés dans leurs tyrannies; en a souffert, et même secondé les
complots détestables; leur a sacrifié des citoyens honnêtes et
paisibles, qui n'avaient d'autre crime que de n'avoir pas en horreur la
Révolution française, de ne pas crier au carnage, à la destruction, à
l'extermination, à l'instigation de caste abhorrée; il a appesanti son
sceptre de fer sur un peuple doux et patient, qui ne demandait que la
paix, la tranquillité et l'obéissance. Par des outrages sans fin, faits
au nom français, dans le territoire de Nice, il a exposé ce peuple au
ressentiment d'une nation puissante, qui sait autant venger les
affronts, que défendre et protéger la liberté et l'humanité.
Augustes représentants, ne nous repouséez pas : il y va de votre dignité.
Vous nous avez invités, par l'organe du général Anselme, dans son adresse du 28 septembre, à nous séparer de nos tyrans : vous nous avez proposé pour récompense le bien le plus précieux, la jouissance de la liberté ; vous nous avez promis de nous la faire partager à jamais. Pourrions-nous être libres sans être Français? Non : des obstacles insurmontables s'y opposent ; notre position est telle, que nous ne pouvons être que Français ou esclaves.
Nous nous sommes rendus à votre invitation ; nous avons couru au-devant de- vos armées ; nous avons invité leur général à se rendre au milieu de nous pour nous gouverner, pour nous fraterniser. Il nous a reçus ; il est entré aux acclamations d'qn peuple ivre de joie ; nous avons juré d'être fidèles à la nation et à la loi, de défendre la liberté et l'égalité, et de mourir en les défendant. (Applaudissements.) Et comment serons-nous fidèles à la nation, si elle nous repousse? Malheureux habitants ae Nice! serions-vous réduits à nous voir abandonnés p.ar nos tyrans, et repousser par nos libérateurs?
Non, vous ne nous repousserez pas : il y va de votre intérêt.
Eh quoi ! vous priveriez-vous du plus redoutable rempart que vous puissiez opposer aux entreprises des tyrans qui vous entourent? Offrez la liberté aux peuples dont les despotes oseront entreprendre sur vous ; et les despotes disparaîtront de la surface du globe; mais si vous repoussez les premiers qui l'acceptent, quel est le peuple qui en osera suivre l'exemple? quel est le peuple qui voudra se séparer de son tyran, au risque d'en devenir encore la malheureuse victime?
On nous a demandé, au nom de la nation, les trésors qui lui appartiennent, les richesses dés églises, les biens aes couvents, ces dépôts sacrés des peuples, ces ressources fécondes dans les calamités : nous les avons fidèlement consignés à la nation que nous avons adoptée. Que penserait donc l'Europe, que penserait le monde entier, du peuple Français, si, après avoir tari la source ae nos trésors par l'appât de la liberté qui nous était offerte, il nous repoussait ensuite de son sein, plongés dans l'indigence, à la merci des tyrans implacables dont nous serions infailliblement les victimes?
Ce n'est pas une conquête que nous vous proposons de garder : c'est un peuple qui réclame votre fraternité, que nous vous prions de recevoir (Applaudissements) ; un peuple qui a déjà appartenu à la nation française; qui a été ara-cné de la nation française ; qui, devenu libre, demande d'être réuni à la nation française ; un peuple que vous avez invité à se séparer de son
tyran, qui a le droit de se soustraire àison tyran, qui a été abandonné, trahi, sacrifié par son tyran.
Si la justice de sa cause, si la dignité du peuple Français, si son intérêt même n'ont pas assez de force pour vous décider, laissez-vous au moins toucher du sort qui le menace si vous le repoussez. Voyez ce peuple doux et patient, qui vient de goûter un «instant la douceur de la liberté, voyez--le, dis-je, luttant sans cesse conr tre les complots des ennemis de la liberté, exposé tous les jours à perdre la vie pour la défendre, et succombant sans doute aux pièges redoublés qu'on ne manquera pas de lui tendre; voyez-le, enfin, entouré de fers, plongé dans la misère^ couvert d'opprobre et le désespoir dans le cœur, traîner dans les angoisses des iours qu'il déteste, regarder la mort comme un bienfait, et maudire peut-être le moment où il a vu luire la liberté.
Mais non ; loin de nous cette affreuse perspective. Un avenir plus heureux nous attend ; notre confiance et votre générosité nous en sont un sûr garant. Prononcez cette réunion désirée ; dites que nous serons portion de cette heureuse contrée que nous adoptons pour nouvelle patrie, et nous bénirons à jamais la générosité du peuple Français. (Vifs applaudissements.)
Le citoyen Veillon s'exprime ainsi :
Les sentiments des citoyens de Nice sont encore mieux gravés dans leurs cœurs qu'ils ne sont exprimes dans leur adresse que je vous présente. (Il dépose l'adresse sur le bureau.)
,secrétaire, en donne lecture ; elle est ainsi conçue :
Adresse à la Convention nationale. Séance du
République française.
« Législateurs
« Les corps administratifs provisoires de la ville et ci-devant comté de Nice, en permanence, réunis à la maison commune, considérant que le plus précieux bien pour l'homme est de vivre libre, offrent à la République française l'hommage pur de leur reconnaissance à cause de leur affranchissement (Applaudissements). Depuis l'arrivée des Français dans leur pays, le drapeau de la liberté décore toutes les places publiques. Avant le 29 septembre, cette liberté était concentrée dans leurs cœurs ; ils en sentent tout le prix. Délivrés du tyran qu'ils abhorrent (Vifs applau-dissements)} ils vous jurent, Français, qu'elevés par vos soins à toute la dignité d'hommes, ils sauront soutenir les droits imprescriptibles de la nature et s'ensevelir sous les cendres et les ruines de leur pays, plutôt que de cesser d'être libres. (Applaudissements réitérés).
« Français représentants d'une grande République, dont les généreux efforts jettent l'épouvante dans les cœurs des tyrans et des oppresseurs de la terre, vous qui voulez le bonheur des peuples et la liberté du monde, nous vous déclarons, en présence de l'Eternel, que nous partageons toutes vos peines (Applaudissements)', qu'armés, ainsi que vous, pour une si belle cause, nous sacrifierons tout ce que nous avons de plus cher pour vous aider à faire arborer partout l'étendard sacré de la liberté (Applaudissements).
« Nous avons juré de vivre libres ou de mourir ; nous attendons de vous la vie ou la mort ; hâtez-vous de prononcer notre aggrégation à la Répu-
blique française ; nous vous disons avec cette franchise qui convient à un peuple libre, que si notre prière d'être Français n'était pas accueillie, nous ne transigerions jamais avec nos persécuteurs, et nous embrâserions plutôt toutes nos possessions dans cette terre de proscription, pour aller vivre dans la terre de la liberté que vous habitez. (Vifs applaudissements.)
« Nous députons vers vous deux citoyens recommandâmes par leur patriotisme (Applaudissements), ils vous exprimeront avéc qu'elle impatience les citoyens de cette importante contrée attendent la nouvelle de leur adoption à leur primitive patrie, la République française, dont ils n'auraient jamais dû être séparés. (Vifs applaudissements.)
« Signé : Paul Rarras, président ; Louis salvy, Cauvin, Ghabaud, Leclerc, Giacobi, maire; MoUQUIN, defly, Levi l'aîné, Héraud, Veillon, André, Farandy, Jean-Baptiste Grosson, Louis Saint-Pierre, David Moïse, André Gastaud, Dominique Blanqui, Pierre-Honoré Roassal, Victor Tiranty, Bernardin Glevecy, Asda, Jaume, procureur de la commune. »
,répondant à la députation : Les despotes coalisés avaient conçu le projet de la tyrannie universelle ; mais la nation française a proclamé les droits de l'homme, et à ce signal tous'les peuples se pressent autour d'elle.
Généreux citoyens de Nice, qui, opprimés, par le tyran des Savoisiens, avez brisé les mêmes chaînes avec la même ardeur, comme les fruits de la liberté vont croître et mûrir dans la douce et active chaleur de votre beau climat! C'est à cette liberté seule, c'est à vous-mêmes que nous avons voulu vous conquérir ; la société, comme la nature, ne sépare plus désormais les Alpes et l'indépendance. Quel que soit lé mode de gouvernement qui doit assurer votre bonheur, soit qu'une heureuse alliance nous ménage avec vous le lien de la fraternité, soit plutôt qu'une adoption glorieuse pour nous, je dirai presque naturelle, vous incorpore à la République française, dans tous les événements possibles, hommes libres nous ne ferons qu'une famille armée contres les mêmes ennemis ; et le Var, de l'une à l'autre rive, ne va plus arroser que la terre de de la liberté.
Je demande qu'au nom de la nation française le président de la Convention donne le baiser fraternel aux deux députés citoyens de Nice.
(La Convention décrète cette motion au milieu des applaudissements qui se prolongent pendant tout le temps de l'exécution au décret.)
(Les deux députés prennent ensuite place à côté du président.)
(La Convention décrète alors qu'il sera fait mention de tous ces faits dans son procès-ver-bal dont expédition sera envoyée aux citoyens des villes, et comté de Nice. Elle ordonne, en outre, que' l'adresse des citoyens de Nice et la réponse de son président seront imprimées et envoyées aux 83 départements et aux armées).
Je demande qu'il soit fait droit à l'instant au vœu des citoyens de Nice.
J'applaudis avecun vif intérêt à la réception fraternelle des députés du ci-devant comté de Nice, et j'ai partagé votre empressement à accueillir leur demande en réunion à la
République , française. .Mais il est une observation que je crois digne de votre respect pour la souveraineté des peuples; c'est qu'avant de s'occuper de l'accession, de la réunion d'un peuple à un autre, il est essentiel, il est nécessaire d'avoir son vœu expressément et librement émis. Or, ce qu'on a lu à cette tribune, n'est que le vœu des députés des administrations provisoires de. ce pays. Mais, d'après vous-mêmes, les administrateurs ne sont pas des représentants, et ne peuvent pas émettre le vœu des administrés. Sans doute les citoyens du pays de Nice sont dignes de la liberté, puisqu'ils abhorrent comme nous la noblesse et la royauté. Ainsi, avant de délibérer sur la réunion, que le peuple prononce, que le souverain émette son vœu ; et le souverain n*est que dans les assemblées primaires, il n'est que là. Il est digne de vous cfe consacrer ces grands principes, même au milieu des acclamations et des vœux d'un peuple intéressant par ses malheurs, qui s'élève au rang des nations libres.
Je demande, en conséquence, que la Convention nationale déclare qu'elle ne peut délibérer sur la réunion demandée par les députés des administrations provisoires du ci-devant comté de Nice, qu'après avoir connu le vœu exprès du peuple.
J'appuie la proposition de Barère, mais en attendant je demande le renvoi de l'adresse au Comité diplomatique;
(La Convention ferme la discussion et déclare qu'elle ne peut délibérer sur la demandé en réunion présentée par les députés des administrations provisoires du ci-devant comté de Nice, qu'après avoir connu le vœu exprès du peuple, émis librement dans les assemblées primaires. Elle renvoie, en attendant, l'adresse au Comité diplomatique).
Un certain nombre de pétitionnaires se présentent à la barre.
L'un d'eux s'exprime ainsi :
Citoyens, nos anciens ministres osaient invoquer les formes des lois, pour persécuter les patriotes : aujourd'hui que tous les Français sont égaux, le croiriez-vous, il est encore des abus, dès persécutions injustes. Oui, dans le département de la Manche, soixante français sont encore dans les fers pour avoir fait prêter le serment d'égalité à deé ci-devant nobles. Décrétez donc, représentants du peuple, que tout Français emprisonné pour des faits occasionnés par les i orages de la Révolution avant l'époque du 26 août, sera élargi.
répond à l'orateur et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.
(La Convention- renvoie cette demande aux Comité de législation et de Sûreté générale réunis.)
Une députation des volontaires fédérés de divers départements, actuellement à Paris, se présente à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Législateurs, au nom des fédérés des différents départements que les dangers de la patrie ont appelés dans cette ville, nous venons vous demander de décréter une mesure dont vous sentirez toute l'importance pour assurer le règne des lois, le respect à la Convention et la ruine des anarchistes qui nous travaillent en tous sens.
« Cette mesure est la fédération de tous les citoyens soldats, actuellement à Paris, avec la garde nationale de cette ville, dont nous demandons à partager les travaux.
« Si nous voulions vous entretenir de nos désagréments particuliers, nous vous parlerions des injures que nous avons reçues, non des citoyens de Paris, qui nous aiment parce que nous sommes leurs frères, mais d'une poignée de factieux que nous venons de combattre ; nous vous dirions que chaque nuit encore nous sommes menacés d'être égorgés dans nos casernes, comme nous l'étions avant le 10 août, et, sans doute, par les intrigues des mêmes personnages; nous vous dirions, enfin, que le plus grand d'entre vous est désigné aux poignards des proscriptions tribunitiennes. Mais vous ne craignez pas la mort...
Un grand nombre de membres : Non, non !
L'orateur poursuivant: ... et nous, il y a longtemps que notre sang est dévoué à la defense ae la patrie et de la liberté.
« Cependant, législateurs, nous devons repousser en votre présence les calomnies qu'on a vomies contre vous : on a dit que nous voulions assassiner le ci-devant roi, et certes, Louis XVI n'excite pas plus notre attention que s'il n'avait jamais existé. (Applaudissements.)
« On a dit que nous voulions emmener la Convention dans une autre ville. Nous vous assurons que ce sont les anarchistes eûx-mêmes, qui veulent chasser la Convention de Paris, pour exciter un bouleversement à la faveur duquel ils puissent renouveler les scènes sanglantes du 2 septembre, piller le Trésor national et les richesses particulières ; enfin se baigner dans le sang de leurs1 ennemis, c'est-à-dire de tous les bons citoyens. (Applaudissements.)
« Voilà pourquoi ils s'efforcent tant d'exciter une insurrection populaire ; mais qu'ils y prennent garde... si cette insurrection avait lieu, malheur à eux!... Nous sommes ici, nous éclairerons, nous calmerons le peuple... et ni les protestations de patriotisme de ces agitateurs, ni la fuite, ni les souterrains ne pourront les dérober à la vengeance des lois. (Applaudissements.)
« Hâtez, législateurs, hâtez cette réunion universelle de tous les cœurs ; que les fédérés et les Parisiens étouffent dans leurs embrassements mutuels toutes les semences de division que les malveillants veulent jeter parmi nous, et que les 48 sections de Paris nous regardent désormais comme leurs bons frères républicains et leurs fidèles amis... (Vifs applaudissements.)
répond à l'orateur et accorde à la députation ies honneurs de la séance.
Un membre : Je demande le renvoi de cette adresse au comité de la guerre.
Je m'oppose à ce renvoi ; il convient, pour faire cesser les défiances, imposer silence aux calomniateurs et prévenir des troubles, de prononcer, séance tenante, sur l'objet de cette pétition.
Plusieurs membres : Appuyé l appuyé l
Et moi, je demande l'ordre du jourl (Murmures.)
(La Convention ordonne le renvoi à son comité d,e la guerre.)
Un membre : Je demande également l'impression.
Hier, ces prétendus fédérés
ont tenu une conduite scandaleuse. Ils osaient crier : « A bas les tribuns l et sur l'un de nos collègues : A la guillotine! » Je m'oppose à l'impression de leur adresse.
(La Convention décrète l'impression.)
Des commissaires des 48 sections de Paris se présentent à la barre.
L'orateur s'exprime ainsi :
« Citoyens, puisque notre ville n'a plus besoin de munitions, de fortifications, ni de troupes pour se défendre, pourquoi le ministre de la guerre, en nous enlevant nos poudres, ne nous a-t-il pas fait part des mesures qu'il a dû prendre pour changer aussi la destination des braves fédérés qui volaient à notre défense ? Tous les jours il en arrive de nouveaux de toutes les parties de la République; et c'est dans Paris qu'on enchaîne leur courage. C'est peu, des fédérés ; une multi-titude de légions, de compagnies franches, dont on a peine à distinguer les dénominations et l'habillement, sontforméeset équipées, casernées dans nos murs. On nous fait craindre encore que les canonniers volontaires de la garde nationale ne soient bientôt aussi casernés eux-mêmes. Quel est donc le motif de ce rassemblement d'hommes armés autour de la Convention nationale? Pourquoi ne les éloigne-t-on pas de 20 milles du lieu de vos séances?Quels sont vos desseins ? Quels sont ceux du conseil exécutif? (Murmures.) Nous ne renfermons plus dans notre sein de tyrans redoutables; le despotisme est terrassé; et si ce monstre osait jamais, sous quelque masque que ce puisse être, lever encore sa tête altière, on peut s'en reposer sur les Parisiens. Ceux qui ont enfanté la patrie et la République sauront les préserver des rois, des triumvirs et des dictateurs. (Applaudissements dans quelques tribunes ) Serait-ce pour exercer dans nos foyers une police inquisitoriale, qu'on voudrait rassembler une force imposante? Serait-ce pour étouffer la voix, pour enchaîner la volonté du peuple? (Murmures.) Serait-ce, enfin, pour défendre et protéger la Convention, qu'on aurait armé le bras de nos frères? Eh quoi! les représentants du peuple français ne sont pas assez défendus par le patriotisme et les vertus des citoyens de Paris? Préféreriez-vous des baïonnettes à l'amour et à la confiance du peuple? Auriez-vous les terreurs des despotes, vous qui les avez fait trembler, vous qui n^avez mérité notre confiance que par votre courage à les combattre? Ah ! soyez toujours forts de votre çonsciénce et vous ne craindrez pas la voix du peuple. ( Vifs applaudissements des tribunesi) Entourez-vous ue 1 estime de vos concitoyens; vous serez plus en sûreté au milieu de nous, que les despotes les plus puissants entourés de tous leurs satellites. Rappelez-vous que nous avons tous juré de maintenir les personnes et les propriétés; et le peuple de Paris n'a jamais violé ses serments. Ne souffrez donc pas qu'on outrage plus longtemps le peuple généreux que vous représentez ; et soyez toujours nos amis, nos égaux et nos frères.
« Législateurs, nous sommes sans armes et environnés de soldats armés. Nous vous le disons avec franchise : Letempspresse ; l'orage s'annonce dans le lointain, votre devoir est de le prévenir; vous le remplirez, vous ordonnerez au plus tôt au conseil exécutif de faire marcher contre l'ennemi ces généreux défenseurs de la patrie ; vous ordonnerez au ministre de la guerre, qui seul a droit de traiter avec les manufactures a'armes, de nous fournir enfin des fusils et des canons.
« C'est le vœu formel de la section de Bon-conseil ; c'est le vœu bien prononcé de la très grande majorité des sections dont vous voyez les commissaires; et nous ne craignons pas d'être démentis en vous annonçant que cest aussi le vœu de tout le peuple de Paris. (Vifs applaudissements des tribunes.)
Citoyens, en examinant votre pétition, l'Assemblée y portera la sagesse qui lui convient; mais n'oubliez pas que vos représentants ne peuvent jamais oublier qu'ils sont mandataires du peuple et qu'ils sont comptables à la nation de votre liberté.
L'Assemblée vous invite aux honneurs de la séance.
Les pétitionnaires qui viennent de se présenter à la barre vous] ont dit que le peuple a le droit de vous faire entendre avec franchise le langage de la liberté; mais je dois leur dire, avec autant de franchise qu'eux, qu'il est temps d'apprendre au peuple de Paris que liberté n'est pas licence (Applaudissements); je dois leur dire que cette.audace, qui est une vertu sous le règne du despotisme, est un crime sous celui de la liberté; je leur dirai, moi, avec la franchise qui m'est naturelle : Qu'avez-vous fait, Parisiens, pour maintenir la tranquillité, pour réprimer les agitateurs? Rien. Tous les jours, on insulte dans les rues de Paris la majesté nationale.
Je demande à Rouyer les preuves de ce qu'il avance. Il se plaint, sans doute, d'insultes faites à ses amis : je m'engage à prouver, moi, qu'avant-hier et hier, au Palais-Royal, on a demandé la tête de trois membres de la Convention qui siègent de ce côté. (Il montre la gauche.)
Je dirai que Paris n'a rien fait pour réprimer les agitateurs. Si les sections de cette ville voulaient que l'on crût à leurs promesses, elles auraient les premières dénoncé les malveillants qui soufflent le feu de la discorde parmi le peuple; mais tant que les commissaires des sections parleront toujours au nom du souverain, tandis qu'ils n'en forment quUine très petite section; tant que vous-mêmes, citoyens de Paris, n'obéirez pas aux décrets portés par les représentants de toute la République, nous ne vous regarderons pas comme dignes de la liberté que vous aVez conquise.
J'appuie une partie de ce qu'a dit Rouyer, mais dans un autre sens.
Je demande donc que l'on passe à l'ordre du jour. Quant à l'inquiétude des sec-^ tions sur les fédérés qui se rassemblent à Paris, elles devraient savoir, ces sections, que nos frères des départements sont venus faire nommage de leurs bras pour la défense de la patrie. Je suis certain qu'il n'est pas un député ici qui ne réponde des volontaires de son département. Pour moi, je déclare que plusieurs de ces fédérés sont de ma ville, et j'en réponds sur ma tête. Ils sont nos frères; ils ne combattront jamais que pour la liberté et pour faire rentrer dans l'oubli les reptiles insolents. (Applaudissements.)
Depuis plusieurs jours nous nous voyons livrés à des débats qui ne tournent point*au profit de la chose publique : il semble que nous n'osions pas aborder la vérité, et nous sommes à la veille d'un jour où l'on doit s'occuper, non pas de l'intérêt de la République, mais de l'intérêt de quelques particuliers, de quelques dictateurs qui n'auront pas même l'honneur de voir leur nom inscrit
sur les mémoires historiques de la Révolution française. D'un côté, ce sont des fédérés qui demandent la tête de Marat; de l'autre, ce sont des agitateurs qui préparent des mouvements pour demain. Les uns et les autres sont, à mes eux, des hommes qui ne méritent les regards e la loi que pour en être frappés.
Mais toutes ces agitations semblent naître du projet qui vous a été présenté relativement à la création d'une force armée. J'ai dit alors que cette mesure était impolitique et même impuissante; car que pourrait une force de 4,000 hommes contre une population telle que celle de Paris? Je l'ai combattu comme garde d'honneur; car notre garde d'honneur doit être l'opinion publique. C'est la seule qui nous convienne, c'est la seule sur laquelle nous puissions compter. (Applaudissements à gauche et dans une partie des tribunes.) Mais il est un monstre qu'il faut enfin attaquer, qu'il faut abattre, c'est le monstre de l'anarchie, dont la tête s'élève du sein de la commune de Paris, et dont les bras s'étendent sur toute la cité. (Applaudissements à gauche et au centre.) Depuis quand cette commune est-elle exempte de l'obéissance aux lois ? Le citoyen doit exercer son droit dans toute sa plénitude, et il a deux manières de l'exercer : le scrutin ouvert et le scrutin fermé. Le scrutin fermé est celui qui convient au citoyen, parce qu'en exprimant son vœu, il doit être aussi libre que lorsqu'il écrit sa pensée. (Vifs applaudissements.) Cependant, les sections de Paris, dont ies lumières et l'esprit public doivent être supérieurs à celui des départements moins voisins du siège de la législation, n'ont pas suivi leur exemple. Qu'ont-elles fait? Elles ont désobéi aux lois, quand les autres parties de la République les observaient.
Je conclus de là que l'anarchie existe dans Paris; car l'anarchie existe dans un lieu où l'on n'obéit pas religieusement à la loi. (Vifs applaudissements.) Suivez encore toutes les circonstances actuelles. C'est aujourd'hui que l'on vient vous adresser des pétitions capables d'exciter des mouvements, et c'est demain que nous devons prononcer sur Robespierre I... Je voudrais proposer à ce sujet une mesure propre à étouffer dans cette Assemblée tout esprit de parti et à faire renaître le calme dans nos délibérations. Je voudrais proposer de dédaigner ces combats singuliers de la vanité blessée et de passer enfin aux vrais intérêts de la République. Mais de quoi s'agit-il dans les pétitions qui vous sont présentées? D'un côté, des fédérés se plaignent des mauvais traitements qu'ils ont essuyés dans leur casernement; et de l'autre, ce sont des citoyens qui accusent le ministre de la guerre d'avoir fait partir la plus grande partie des canonniers pour les frontières.
Je demande que le ministre de la guerre vous rende compte de ce qu'il a fait pour les uns et pour les autres. Je demande, en outre, que la commune de Paris vous donne des renseignements sur les voleurs qu'elle a promis de vous dénoncer, et qu'elle ne vous dénonce pas. Voilà comme on parviendra à faire disparaître l'anarchie. Je demande l'impression et l'envoi aux 83 départements de l'adresse des fédérés et de celles des citoyens de Paris. On s'est plaint dans la pétition qui vient de vous être faite de voir arriver dans Paris des fédérés en armes. Citoyens, quand vos frères des départements sont venus vous aider à renverser le trône du despotisme, les avez-vous repoussés? Le sang des 83 départements a cimenté les murs du temple
de la liberté. Mais, sans doute, lés citoyens de Paris connaissent assez leurs intérêts pour mettre enfin un terme à tous ces désordres. {Fi/s applaudissements à gauche et au centre.)
La Convention ferme la discussion et décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les adresses présentées par les fédérés des départements et par les commissaires des 48 sections de Paris seront imprimées, réunies et envoyées aux 83 départements.
Art. 2.
« Le ministre de la guerre rendra compte à la Convention des mesures qu'il a prises, relativement aux canonniers de Paris et au casernement des fédérés. »
(de Thionville). Je demande que le comité de sûreté générale soit autorisé a vous rendre compte des événements qui se sont passés ces jours derniers à Paris.
(Louis). Je déclare que plus le nombre des fédérés est grand, plus je vois en eux de frères, quand ils observent la discipline ; eh bien ! j'ai gémi de voir hier, je ne dis pas les fédérés, mais quelques fédérés, parce que les mauvaises actions n'appartiennent qu'à ceux qui les commettent : j ai gémi de les voir, après un repas fraternel qui à pu se faire entre eux, parcourir les rues de Paris en chantant une chanson qui finissait par ce refrain : La tète de Maràt, Robespierre et Danton, et -de tous ceux qui les défendront; 6 gué! et de tous ceux j etc. Je leur aurais parlé s'ils n'eussent pas été pris de vin; mais j'ai craint, en voulantieur faire entendre raison, de leur donner occasion dè se porter à quelques excès. Quand il faudra sauver l'Etat par une insurrection; je trouverai toujours dans mon courage asSez de force et de vigueur pour me mettre à la tête; mais quand nous aurons besoin de la paix, je ne négligerai rien pour la faire naître.
Cesoir encore, il doit se faire pareil rassemblement. Je demande que le ministre de la guerre rende compte des mesures qu'il a prises pour arrêter ces désordres.
Puisque la Convention n'a pas voulu s'honorer en rapportant le décret qu'elle vient de rendre, je demande que le ministre de l'intérieur nous rende compte de ce qui s'est passé hier et avant-hier dans Paris, des véritables provocations au meurtre qui ont été faites. Je. n'aurais rien dit si l'on eût voulu étouffer tous ces germes de dissensions ; mais puisqu'on l'a voulu, je vais tout dire. Hier, un rassemblement considérable d'hommes armes s'est porté dans les cafés des boulevards et ont charité : Vive Roland! Point de procès au roi !
Ce sont des comptes qu'il nous faut!
Je répondrai d'abord à ceux qui demandent des comptes qu'ils n'ont pas été si exacts à demander ceux de Servan, qui est sorti de Paris sans en avoir rendu; que Roland n'a pas encore justifié de l'emploi des sommes qui ont été mises à sa disposition; ensuite, je dirai à Rebecquy, qui me demande des comptes, que j'ai rendu les miens à la commune, où il peut «n aller prendre connaissance. Je demande, en me résumant, que le ministre de l'intérieur rende compte des événements qui ont eu lieu hier et avant-hier dans les rues ae Paris.
Tallien a oublié de vous dire qu'à la porte de la Convention, sur la terrasse des Feuillants, on provoquait aussi le meurtre contre Guadet, Lasourcé et Gensonné.
Il y a trois jours, que sur la terrasse des Feuillants, des scélérats provoquaient l'assassinat de Louvet, pour avoir dénoncé Robespierre; un nommé Féron, de Caen, excellent citoyen, s'est présenté au comité de surveillance pour dénoncer ce fait, il a été repoussé.
Je suis président du comité de surveillance, et je puis assurer que cela n'est pas arrivé, que d ailleurs le comité examine les diverses dénonciations avec la plus grande impartialité.
(de Thionville). Je demande que le citoyen Féron soit traduit à la barre de la Convention pour savoir si le fait dénoncé est vrai.
Je rappelle en même temps la proposition que j'ai faite, que le comité de sûreté générale fasse un rapport des faits qui ont eu lieu ces jours derniers.
J'observe, relativement à la promesse faite par les communes de dénoncer les voleurs, que l'orateur a dit que la commune s'occupe de faire les comptes de chacun de ses membres, et que s'il se trouvait des prévaricateurs, elle les dénoncerait; mais elle n'a pas dit qu'il y en avait.
(La Convention décrète que le citoyen Féron, nommé par le citoyen Gorsas comme ayant été rejeté au comité de sûreté générale, où il voulait faire une dénonciation, sera entendu pour qu'il nomme publiquement le membre qui a refusé de l'entendre. La Convention décrète ensuite que le conseil général de la commune de Paris rendra compte à la Convention des mesures qu'il a dû prendre pour dénoncer aux autorités constituées les agitateurs et les prévaricateurs qu'il a trouvés dans son sein; le comité de sûreté générale fera son rapport sur l'état de Paris et de la force publique, ainsi que sur les moyens d'y maintenir l'ordre public.)
Jacques-Marie Dedieu, fédéré de la ville de Lyon, est admis à la barre. -
Il expose à la Convention qu'à la journée du 10août,ilareçu 19 blessures. Il demande un brevet d'honneur d'invalide et' une indemnité pour rejoindre sa famille.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention décrète le renvoi delà pétition aux comités militaire et des secours pour en faire un rapport dans trois jours.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de l'Anglais William Rickert, qui offre de consacrer au soutien de la liberté française les connaissances qu'il a acquises dans la marine et demande d'être admis au nombre de ses concitoyens.
(La Convention renvoie la pétition au comité de marine, qui sera tenu de rendre compte de cette pétition et, de plusieurs autres semblables.)
(La séance est levée à cinq heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ae la séance du dimanche 4 novembre 1792.
(La Convention en adopte là rédaction.)
Un membre, au nom du comité des décrets, propose de porter à 1,800 livres le traitement du secrétaire-commis chargé de recueillir les décrets, de les tirer au net et de les faire passer à l'imprimerie.
(La Convention décrète cette proposition.) » En conséquence, le décret suivant est rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des décrets, décrète que les appointements du secrétaire-commis préposé à recueillir les décrets à mesure qu'ils se rendent, à les tirer au net et à les faire passer à l'imprimerie, pour la feuille en être distribuée le lendemain, sont fixés à 1,800 livres ».
Un membre demande que les mots les présentes, qui sont employés dans le mandat d'exécution des lois, soient remplacés par ceux-ci : La présente loi.
(La Convention décrète cette proposition;) :
Un membre, au nom du comité des décrets, propose qu'il soit nommé six commissaires, pris dans la Convention, chargés de dresser procès-verbal, en forme d'inventaire, des expéditions originales des décrets sanctionnés avant le 10 août, et qui ne seraient signés ni du ministre de la justice ni du ci-dèvant roi.
(La Convention décrète cette proposition.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des décrets, décrète que par six commissaires, pris dans son sein, il sera dans les trois jours, en présence du ministre de la justice, dressé procès-verbal en forme d'inventaire, des expéditions originales des décrets sanctionnés avant le 10 août, et qui ne seraient signés ni du ministre ni du ci-devant roi.
« Le ministre de la justice est autorisé à apposer à ces expéditions sa signature ainsi que le sceau de la République.
« Ces formalités remplies, ces expéditions seront sans délai déposées, avec un double du procès-verbal, aux archives de l'Assemblée et à celles du sceau. »
Un membre, au nom du comité des décrets,-fait un rapport et présente un projet de décret relatif à diverses formalités à remplir par les corps administratifs et tribunaux au sujet de l'envoi des lois; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des décrets, décrète que les corps administratifs et les tribunaux enverront chaque semaine, au comité des décrets, l'état certifié des lois qui leur auront été adressées par le conseil exécutif provisoire, contenant :
« 1° La date de l'envoi et de la réception de chacune de ces lois ;
« 2° La date des lettres par lesquelles ils en auront accusé la réception au ministre ;
« 3° Enfin, la date des envois qu'ils en auront faits eux-mêmes aux directoires de districts,
pour être par ceux-ci faits aux municipalités. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Percheron, maire de la ville de Tonnerre, fait parvenir, au nom du citoyen Odé, directeur de comédie, une somme de 30 livres, en assignats et billets patriotiques, pour les frais de la guerre.
2° Le citoyen Le Goarant, procureur de la commune de Faouè't, fait parvenir le brevet et la croix de Saint-Louis du citoyen Frollot, lieutenant au 41e régiment, commandant le détachement en garnison au Faouët.
3° Le citoyen Mounier, capitaine du génie, résidant à Givet, fait parvenir ses deux croix de Saint-Louis.
4° Les citoyens de la ville de Benfeld, district dudit lieu, département du Bas-Rhin, envoient, pour venir au secours des malheureux Lillois, une somme de 1,000 1. 1 s. dont 975 livres en assignats de 5 livres et le reste en» billets de 10 et 15 sous, et billets patriotiques de différentes municipalités.
5° Le citoyen Debert, capitaine au 102® régiment d'infanterie, remet sa croix et son brevet du 15 février dernier.
6° Le citoyen Lepasteur envoie sa décoration militaire.
7° Les commis conducteurs des messageries nationales donnent, pour le mois d'octobre, une somme de 200 livres en assignats.
8° Les volontaires du sixième bataillon de la Drôme, en garnison à Arbois, offrent, pour les malheureux habitants de Lille, une somme de 895 livres, et 10 livres en monnaie.
9° Le citoyen Morin, ordonnateur à Pondichéry, fait parvenir, par la voie du citoyen Monge, sa décoration militaire.
10° Le citoyen Turièque, ci-devant abbé de Frus-troff, fait parvenir, par l'intermission du ministre Lebrun, sa croix et son anneau.
11° Les citoyens Vaillant, Renvoizé, Aubusson, Rimonneau, Atrux, Thibault et Henry, donnent, pour le mois d'octobre, chacun un assignat de 5 livres.
11° Le citoyen Chabert,rue Saint-Antoine, n° 305, fait parvenir sa croix de Saint-Louis, obtenue en 1778, après 35 ans de services. I (La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Le même secrétaire donne lecture des deux pièces suivantes :
1° Pétition des officiers municipaux de la ville d'Auzances, district d'Evaux, département de la Créuse, qui forment une demande pour obtenir des subsistances.
(La Convention renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
2° Etat des décrets de la Convention nationale envoyés aux départements par le ministre de l'intérieur.
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée une médaille d'argent, représentant le sacre de Louis XVI, qu'une personne de Châlons-sur-Marne, dont on m'a ordonné de taire le nom, m'a chargé de remettre à la Convention.
J'ai, en outre, à remettre également, de la part du citoyen Dubut, capitaine commandant le 2e bataillon du 38e régiment d'infanterie, sa croix de Saint-Louis.
Enfin, je suis chargé de déposer, par une personne qui désire garder l'anonyme, 10 petits assignats pour les frais de la guerre.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Je viens annoncer à mon tour et déposer sur le bureau de la Convention les deux offrandes suivantes :
1° Le citoyen Schenel, lieutenant-colonel au 57e régiment d'infanterie, m'a chargé de remettre à l'Assemblée sa croix de Saint-Louis ;
2° Le citoyen Gariot, adjudant-major du 1er bataillon de la Corrèze, m'a prié d'offrir à la Con-' vention, pour les malheureux de Lille et de Thionville, le montant de ce qui lui est dû pour ses services militaires, soit 76 livres.
(La Convention accepte ces deux nouvelles offrandes avec les plus vifs applaudissements et en ordonne la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un membre, au nom du comité de la guerre et des finances réunis, fait un rapport et présente un projet de décret tendantàmettre à la disposition du ministre de la guerre une somme de 69,503 l. 6 s. 8 d. pour porter au comvlet de guerre les compagnies de mineurs et a ouvriers du corps d'artillerie; le projet de décret est ainsi conçu:
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de la guerre et des finances réunis, sur la proposition du ministre de la guerre, contenue dans sa lettre du 16 du mois dernier, approuvant les ordres donnés pour porter au complet de guerre les compagnies de mineurs et d'ouvriers du corps d'artillerie, décrète que, pour l'exécution de ces ordres, il sera mis à la disposition du ministre de la guerre une somme de 69,503 ï. 6 s. 8 d., suivant le tableau de dépense annexé au présent décret. »
Tableau de la dépense que doit occasionner le com~ plet de guerre, proposé par la lettre du ministre de la guerre, du 16 octobre 1792, pour les compagnies de mineurs et d'ouvriers du corps de Tartillerie.
Masse générale de 51 livres par homme et par an pour les 6 compagnies de mineurs, qui sont portées chacune de 63 hommes à 85................. 6,722 1. s. d.
Pour les 10 compagnies d'ouvriers du corps de l'artillerie, qui sont portées chacune de 55 hommes à 71.............. 8,160 » »
Solde annuelle de 22 hommes d'augmentation pour chaque compagnie de mineurs, à raison de 6 compagnies......... 21,681 » »
Solde annuelle de 16 hommes d'augmentation pour chaque compagnie d'ouvriers, à raison de 10 compagnies..........-.. 32,930 6 8
Total de la dépense qu'occasionnera le complet de guerre des compagnies de mineurs et d'ouvriers.................... 69,503 6 8
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(de Douai), au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret sur une pétition tendant à organiser les pompiers de Paris en corps militaire, dont la dépense serait supportée par la trésorerie nationale.
Je demande qu'à compter de ce jour les pompiers cessent d'être payés par la trésorerie nationale.
(La commission décrète la motion Delacroix.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« Sur le compte rendu, par le comité de la guerre, d'une pétition tendant à organiser les pompiers de Paris en corps militaire stipendié par la trésorerie nationale;
« La Convention nationale, considérant que le service des pompiers est, pour chaque ville où ils sont employés, un objet de dépense locale, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer sur ladite pétition et renvoie les pompiers de Paris à la municipalité de la même ville, pouç être par elle statué à leur égard ce, qu'il appartiendra, en se conformant à la loi; et ordonne qu'à compter du jour du présent décret, cette dépense sera supportée par la ville de Paris. »
,commissaires envoyés par la Convention pour rétablir l'ordre dans le département de l'Yonne (1), rendent compte de leur mission.
s'exprime ainsi (2) :
Citoyens, l'arrivé des commissaires de. la Convention nationale dans le département de l'Yonne ne pouvait se différer d'un jour sans les plus graves inconvénients. Nous avons trouvé la ville de Sens dénuée de blé, de farine et de pai n.
La taxe arbitraire et les violences exercées envers les marchands avaient fait rétrograder les subsistances.
L'autorité des magistrats était méconnue. Ou n'osait plus apporter des grains à un marché où la vie des vendeurs était menacée et leur denrée enlevée à vil prix. Les dernières calamités allaient fondre sur cette cité, qui avait foulé aux pieds les lois du commerce. Les villes d'Auxerre, de Joigny, et la Villeneuve-sur-Yonne, qui, par un concours de circonstances malheureuses, ne pouvaient tirer leurs subsistances nécessaires que des pays à blé au delà de Sens, et qui n'avaient d'autres routes pour les faire venir que celle qui passe au milieu de cette ville, étaient réduites au désespoir.
Elles se disposaient à venir, à main armée, demander raison aux Sénonais des violences qui arrêtaient les convois. Le conseil général du département avait été obligé de prendre des dispositions menaçantes. La famine se faisait sentir, et la guerre de cité à cité allait y ajouter ses horreurs. C'est à ce moment que nous sommes arrivés. Nous avons aussitôt expédié des courriers dans les communes pourvues de grains, car c'est au sein de l'abondance que le mépris des lois avait su créer la disette.
Nous avons donné assurance pour les personnes et caution pour les
valeurs. Quelques vendeurs ont pris confiance ; une petite quantité de
blé s'est montrée sur le marché, auparavant
Notre proclamation (1), affichée dans la ville et envoyée dans les
campagnes, produisit des effets heureux. Les provisions plus abondantes
arrivèrent dès le lendemain. Nous crûmes devoir demander raison de sa
conduite à un chef d'émeute qui avait présidé à la dernière arrestation
des voitures et qui, au mépris des magistrats, avait taxé les blés.
Bientôt les hommes et les femmes des faubourgs accourent en foule et en
tumulte à la maison commune, où nous étions avec les commissaires du
département, les administrateurs du district et les officiers
municipaux. On nous menace avec insolencé : nous répondons avec
l'autorité de la loi ; nous menaçons, à notre tour, de la justice
nationale ce peuple égaré. Notre fière sécurité en impose; nous écrivons
avec calme, au milieu de cet attroupement factieux, les réquisitions aux
chasseurs du 3e régiment et au aemi-bataillon des volontaires d'Autun,
qui étaient la seule force que nous puissions mettre en avant, dans la
volonté ferme où nous étions de ne point requérir les gardes nationales
des autres villes qu'une rivalité exaspérée animait contre celle ae
Sens. L'apparition soudaine d'une soixantaine de cavaliers et la bonne
contenance du demi-bataillon suffirent pour tenir tout en respect. On
comprit que de plus grandes forces accourraient si nous voulions en
donner l'ordre. Le marché fut abondant et paisible. Le blé fut porté à
sa juste valeur. La considération nous fut acquise, et bientôt la
reconnaissance. Nous fîmes alors une entreprise hardie, celle de
désarmer tout entière la nombreuse garde nationale de Sens, pour en
répartir les armes avec égalité à tous les bons citoyens. Nous y
réussîmes par le procédé le moins attendu : celui d'écarter pour cette
opération, qui semblait 'si hasardeuse, les chasseurs à cheval que nous
avions d'abord requis, et de faire partir le bataillon de Dordogne
Une espèce de régence, comparable à celle de Tripoli, ae Tunis et
d'Alger, s'était formée à Paris, après les journées des 2 et 3
septembre; ce n'était pas la commune provisoire qui avait si bien servi
la cause de la liberté depuis le 10 août ; c'était dans son sein ou hors
de son sein une petite horde de hardis scélérats qui voulaient exercer à
eux seuls toute autorité dans l'Empire^ Tandis que son despotisme était
ici, absolu et qu'elle faisait tomber des milliers dè têtes proscrites,
elle envoyait des corsaires et dés pirates qui portaient le feu de
l'anarchie dans les départements où ils abordaient et qui livraient
partout la chose publique au pillage. Le pouvoir exécutif, occupé de la
multitude immense des affaires dans la crise décisive où se trouvait
l'Etat, se reposait sur d'autres du choix des commissaires qu'il
investissait de ses pouvoirs. Ces autres, c'étaient les souverains
seigneurs de la régence qui se paraient au nom de la commune de Paris,
pour produire leurs agents. Entre tous les missionnaires choisis par
eux, ceux qui ont paru les premiers et les seconds (1), dans le
département de l'Yonne étaient la perfection de l'espèce ;
c'étaitl'anarchie enpersonne. A Sens, ils prêchaient le meurtre; ils
réussirent; ils eurent le doux plaisir d'y voir couler le sang. Ils
prêchaient le mépris des magistratures; ils réussirent; toutes les
réquisitions du district et de la municipalité devinrent inutiles et ne
servirent qu'à exposer la vie des magistrats. Ils prêchaient la haine de
l'Assemblée nationale et au pouvoir exécutif même, dont ils tenaient
leur pouvoir : ils réussirent; on proclama la commune ae Paris comme la
seule puissance dont l'on dût reconnaître l'autorité. Ils prêchaient la
souveraineté de chaque individu, de chaque réunion partielle du peuple;
ils réussirent; on méconnut toutes les lois : on dit, on répétait encore
à notre arrivée, qu'il n'y en avait plus ; que chacun était maître ;
qu'on avait droit de taxer les blés, de les prendre chez les laboureurs,
de faire tomber les têtes des fermiers qui ne voudraient pas amener
leurs grains sur la place, où On les pillait. A Villeneuve-sur-Yonne,
ils destituèrent
2ui couvrait cet édifice, à présent dans un état e dévastation qui en déprécie considérablement la valeur et cause un détriment sensible à la chose publique, sans que le plomb entassé dans la ville, et mis au rebut, soit d'aucune utilité à la patrie. À Joigny (1), sans motif, contre le vœu des bons citoyens qui y abondent, et sur la parole d'un petit nombre de séditieux qu'ils excitent, ils mettent en prison le président du district et tout le directoire : le maire et les officiers municipaux, généralement chéris, courent risque d'être immolés pour prix de leur zèle. A Auxerre, ils préparent des scènes semblables; ils avilissent autant qu'ils peuvent les administrateurs du département, ils créent une commission de surveillance, qu'ils investissent de pouvoirs supérieurs à ceux de toutes les administrations et de toutes les magistratures, et ils ils prêchent (c'était toujours là le grand objet) cette souveraineté anarchique, dont tout individu, toute réunion particulière du peuple, peut user au gré de son caprice et de sa force.
Mais quels étaient donc ces premiers commissaires investis des pouvoirs des ministres, et qui ont si bien rempli les intentions de la régence dont ils tenaient leur véritable mission, puisqu'ils s'élevaient hautement contre le ministère? Citoyens, vous allez éprouver ainsi que nous, une grande surprise: c'était entre autres un homme, que le comité de sûreté générale avait frappé d'un mandat d'arrêt comme prévenu d'avoir fait disparaître le ci-devant prince de Poix, amené par la section de la Fontaine-de-Grenelle au comité de surveillance de la mairie, d'avoir soustrait un carton précieux appartenant à ce grand coupable, et que la même section y avait déposé, muni de son sceau. Les preuves de cette prévarication étaient acquises au comité de sûreté générale. Afin de procéder avec égard pour les autres membres dû comité de la mairie, notre comité avait fait mettre le mandat d'arrêt entre les mains de citoyen Panis, que les commissaires de la section de la Fontaine-de-Grenelle, et spécialement le citoyen Dugazon, nous avaient peint comme indigné de la conduite criminelle de quelques-uns de ses collègues. Qui pourra comprendre par quelle fatalité il arrive que le mandat d'arrêt ayant été suspendu jusqu'à une information plus ample , ce soit l'homme qui en était atteint qu'on choisisse pour aller, de la part de la commune de Paris et des ministres, exercer la dictature dans les départements! Vous avez vu, citoyens, avec quel succès, lui et son compagnon, avaient fourni leur course dans celui de l'Yonne. Ils ont continué avec les mêmes méthodes dans celui de la Côte-d'Or. Enfin, l'indignation des citoyens de la Haute-Saône a commencé d'en faire justice ; ils ont été arrêtés et mis en prison par les magistrats de Champlitte, qui en ont référé dans le temps à la Convention nationale.
Nous n'avons pas eu de peine à détromper les faux principes qu'avaient
répandus les anarchistes ; les citoyens de Villeneuve-sur-Yonne
pourrait arriver que les régents factieux réussi-sent à s'emparer aussi des bureaux des ministères, en y plaçant leurs créatures ; ces deux régences n'en feraient qu'une, ce serait [Alger fondu dans Tunis ; le despotisme des corsaires de la République serait à son comble, et l'excès du mal possible serait incalculable. Représentants de la nation, il faut instamment détruire cette espèce d'aristocratie; l'aristocratie des scélérats qui s'efforcent de s'installer au cœur de la République et de la ronger ; il le faut surtout pour Paris dont la multitude des bons et civiques habitants ne participe point au mouvement des factieux, en souffre, en gémit, mais les laisse faire. Il faut purger les bureaux des ministres d'un grand nombre d'agents de l'ancienne cour qui prêtent Volontiers la main aux anarchistes ; il faut surveiller le pouvoir exécutif, qui, s'il venait à tomber dans des mains-moins pures et à se prêter aux vues des tyrans de l'opinion dans Paris, nous mettraient sous le joug d'un despotisme atroce. Les sociétés patriotiques, bien dirigées, seront d'une utilité majeure jusqu'à l'établissement de l'instruction publique : nous avons ranimé celles de Joigny et de Villeneuve-sur-Yonne, qui ont un excellent esprit républicain ; nous avons ressuscité celle de Sens, et dans ses séances nombreuses, nous y avons vu les vrais principes développés avec un grand succès : que ne doit pas la République à celle de Paris ? Que ne lui devrait pas la liberté générale, si quelques êtres, sans autre talent que l'audace, "sans autre génie que l'égoïsme, sans autre courage que l'insolence, cessaient d'y exercer une tyrannie exécrable (1). Je ne crains point ces hommes qui ont soif et faim du carnage ; qu'ils s'assouvissent, que je sois leur dernière et leur plus innocente victime ; ils n'ont pas réussi à Auxerre, me voilà.
Citoyens représentants, nous nous sommes chargés avec empressement des
réclamations que différentes communes de l'Yonne, ruinées par le défaut
total de récolte de leurs vins, qui sont leur,unique richesse, adressent
à la Convention nationale pour obtenir des avances sur leur seizième,
afin de pouvoir s'approvisionner de subsistances et de nourrir leurs
pauvres.Nous demandons le renvoi de ces pétitions au comité des
finances, pour en faire un prompt rapport ;. nous demandons aussi que
les comités d agriculture et de commerce présentent, sous peu de iours,
un rapport sur l'achèvement du chemin et la construction du |pont de
Brinon, afin que les subsistances qu'Auxerre et les autres villes, qui
ne recueillent point de blé, tireraient du district de St-Florentin où.
il abonde, puissent arriver
(La Convention décrète l'impression de ce rapport et l'envoi aux départements.)
Un membre demande que le nombre des exemplaires qui seront envoyés soit double de celui ordinairement adressé par l'Assemblée.
(La Convention adopte cette proposition).
s'exprime ainsi (1) :
Citoyens, mon collègue vous a rendu compte de l'état des esprits à notre arrivée dans le département de l'Yonne, de l'Ordre et de la tranquillité qui ont succédé à l'agitation. Le chapitre des considérations doit être effacé du code des vrais républicains. Je dois vous dénoncer une machination tramée dans les bureaux de la guerre contre nos opérations ; elle eût mérité un exemple rigoureux, même sous le régime le plus despotique, elle ne doit pas rester impunie sous l'empire de l'égalité et de la liberté, qui doit être aussi celui de la justice.
Vous nous avez envoyés avec des pleins pouvoirs dans le département de l'Yonne, éminemment menacé du fléau dévorant de la famine et du ravage de la guerre civile. L'Administration du département avait requis le dépôt du troisième régiment de chasseurs à cheval de se transporter à Sens pour assurer les convois de grains interceptés, un demi-bataillon de volontaires d'Autun avait été aussi requis de séjourner dans la même ville; et enfin, la garde nationale avait été mise en réquisition permanente, elle renfermait dans son sein quelques hommes tièdes et d'autres entraînés à l'anarchie, n'exécutant les réquisitions qu'autant qu'ils les jugeaient conformes à leur volonté.
Deux mille cinq cents hommes de gendarmerie à cheval étaient à Fontainebleau ; ignorant quelles étaient les dispositions du conseil exécutif provisoire, relativement à ce corps de Mont-lhéry, nous renonçâmes à l'employer même partiellement; nous fondâmes nos espérances sur les bons citoyens de la ville de Sens, du département; et sur le demi-bataillon d'Autun, dont les premières actions annonçaient un civisme satisfaisant pour vos commissaires: céder leur farine à la ville de Sens qui n'en avait plus pour douze heures ; demander d'aller sur la frontière combattre les ennemis de la liberté, furent les premières actions et les premières paroles de ces volontaires.
Nous les assurâmes de notre désir de seconder leurs vues en leur observant, toutefois, que coopérer à rétablir le calme, protéger la libre circulation des subsistances, prêcher le peuple par l'exemple, étaient des-services réels rendus a la chose publique, et que divers moyens s'offraient aux citoyens zélés, pour bien mériter de la patrie.
Nos soins ne se bornèrent pas à des paroles.
Nous poursuivîmes notre route par Joigny où nous eûmes la satisfaction de trouver les citoyens, la municipalité, la garde nationale et les chasseurs du régiment à cheval, animés du plus pur patriotisme. Le bataillon des Bouches-au-Rhône qui passait par cette ville nous offrit ses services pour remplacer celui d'Autun ; nous aurions saisi avec empressement leur offre civique ; mais des obstacles insurmontables s'opposerent à un arrangement qui aurait couvert les sottises des bureaux de la guerre, donné un libre cours au désir effréné du bataillon d'Autun et consolidé la tranquillité dans le département de l'Yonne.
Mon collègue vous a rendu compte de l'état de la ville d'Auxerre ; je me bornerai à vous certifier que la garde nationale parait être dans le véritable esprit de la Révolution. Nous avons été témoins de l'ordre qui règne dans ses marchés, de l'empressement des citoyens à prendre les armes, et de la justice exacte avec laquelle un adjudant de la garde nationale a été livré à l'accusateur public, pour avoir oublié ses devoirs jusques à prêcher la violation des lois dans le moment où il était chargé de les faire exécuter.
A notre retour à Sens, une députation du demi-bataillon d'Antun nous annonça qu'un nouvel ordre du ministre les appelait à Saint-Denis. On fut assez hardi pour nous dire que le ministre avait plus de droit que nous de les retenir ou de les déplacer. Nous employâmes en réponse les raisonnements les plus capables de faire revenir ces citoyens de leur erreur, nous les exhortâmes à continuer à nous aider dans le grand œuvre dont la Convention nous avait chargés : un référé au bataillon fut la réponse de l'état-major.
Nous avions écrit une seconde lettre au ministre Pache pour nous plaindre du silence que l'on gardait à notre égard, et de l'insolente décision employée par ses bureaux dans la lettre adressée au district de Sens pour le départ
de ce bataillon. 11 y était dit qu'on fît préparer l'étape pour son départ, que I on avait appris indirectement qu'il y avait eu quelques mouvements dans le département de l'Yonne, et que si l'on avait besoin d'une force armée on pourrait l'obtenir.
Un banquet civique, auquel nous étions invités, était indiqué a deux heures. Les citoyens s'y réunissaient pour témoigner leur joie du rétablissement de l'ordre et de la tranquillité dans le département, et de {voir enfin la société patriotique reprendre ses séances. Une nouvelle députation, composée de trois volontaires d'Autun, vint auprès de nous pour demander la révocation de la réquisition et le départ. Vos commissaires se virent bientôt entourés par deux cents de ces volontaires, dans l'appartement qu'occupe l'Administration du district ; et au lieu d'une pétition, entourés et pressés, nous eûmes à subir une espèce d'interrogatoire, des reproches à entendre et des menaces. Forts de notre conscience, rémémoratifs de notre serment de mourir à notre poste, résolus à périr plutôt qu'à pactiser avec nos devoirs, nous ne pliâmes pas sous les volontés de ces citoyens égarés; nous déployâmes, au contraire, ce caractère ferme qui ne devrait jamais abandonner les fonctionnaires publics parlant au nom de la loi.
Rendus à la salle du banquet, une troisième députation nous fit annoncer qu'elle nous attendait ; nous nous rendîmes auprès d'elle, même demande de signer l'ordre du départ du bataillon, même persévérance dans le refus jusqu'à ce qu'une force pût le remplacer. Des cris se firent entendre; on menaçait ae prendre les armes, de battre la générale. Quels étaient nos moyens pour nous opposer à cette effervescence ?" Aucuns. La garde nationale de Sens avait déposé ses armes, comme mon collègue vous l'a rapporté, pour parvenir à une plus juste répartition de fusils.
Les santés de la République française, de la Convention nationale, portées par les amis de la liberté et de l'égalité ; ce cri de ralliement, pour tous les Français, devint le signal de la dissension. Des salves d'artillerie solennisaient ces toasts. Les volontaires d'Autun font une irruption dans le jardin du ci-devant évêché, où étaient deux pièces de canon, menacent de les enclouer, coupent les mèches ; nous en sommes instruits, nous paraissons. Les bons citoyens de la ville de Sens se pressent autour de nous ; nous parlons au nom de la Convention nationale, les menaces de quelques téméraires, indignent les cœurs honnêtes. L'esprit public ressuscite chez les Senonais, le calme se rétablit, et tout rentre dans l'ordre.
Citoyens, avant de paraître à votre tribune, nous avons vu les deux ministres, Lebrun et Pache ; nous nous sommes convaincus de l'infidélité des commis de la guerre au bureau du mouvement des troupes. Notre première lettre a été soustraite aux yeux de Lebrun ; la seconde a été remise par une main sûre à Pache, il nous a répondu en bon et loyal citoyen ; ses bureaux ont retenu la lettre : voici la copie qui nous a été remise. Je ne prends aucune conclusion, je laissé à la sagesse de la Convention nationale à juger ce qu'elle doit statuer.
Le ministre de la guerre, aux commissaires de la Convention nationale à Sens.
« Je n'avais aucune connaissance de la lettre que vous annoncez m'avoir écrite, lorsque j'ai adressé de nouveaux ordres pour faire rendre à Saint-Denis, le demi bataillon de Saône-et-Loire qui est à Sens. Je ne puis que vous répéter qu'alors, je n'avais réellement que des renseignements très indirets sur la nature des troubles qui se sont manifestés dans cette partie, relativement à la circulation des grains : mais d'après ce que vous me demandez, par votre lettre du 25, je n'ai nullement lieu d'être surpris du parti que vous avez pris de retenir ce demi bataillon ; je m'empresse seulement de faire suspendre les préparatifs de l'étape sur la route qu'il devait tenir, et j'attendrai que vous me fassiez connaître le moment où il sera possible de le faire rendre à la destination que je lui avais fixée, pour le mettre à portée de se compléter, et pouvoir ensuite l'employer utilement.
« Signé : pache.
« Paris, le
(La Convention décrète l'impression de ce rapport.)
Je demande que le ministre de la guerre rende compte dans les vingt-quatre heures ae la conduite qu'il a tenue à l'égard du commis prévaricateur, qui a ainsi intercepté une réponse ae son prédécesseur, adressée aux commissaires de la Convention nationale.
(La Convention décrète cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu : . « La Convention nationale décrète que le rapport sera imprimé, et que le ministre de la guerre déclarera, dans vingt-quatre heures, le nom du commis prévaricateur, et les mesures qu'il a prises à son égard. »
Un membre : Citoyens, comme le disait tout à l'heure le citoyen Fauchet, les considérations de personne ne doivent pas avoir de place dans cette assemblée et tout doit y céder le pas à l'intérêt bien entendu de la patrie. C'est avec la conviction d'accomplir un devoir que je viens d'énoncer les déprédations qui se commettent dans les approvisionnements de l'armée et demander que le ministre s'en fasse rendre compte, les surveille et en intsruise la Convention.
Voici les faits :
Je suis allé hier à Saint-Denis, j'y ai trouvé des commissaires envoyés par la commune de Paris qui s'occupaient à séparer les mauvais souliers et à y mettre une marque, afin qu'ils ne pussent pas reparaître dans d'autres magasins. J'ai vu qu'ils exerçaient cette fonction au péril de leur vie, qu'on employait toutes sortes de violences contre eux pour empêcher cette surveillance ; en sorte qu'ils étaient obligés de se munir de pistolets et de sabres.
J'ai trouvé dans le même endroit une fourni-niture de bas destinée à l'armée : j'en ai visité un paquet; j'ai trouvé qu'il était beaucoup trop court et clair comme du treillis ; la laine était d'un seul fil. (Murmures.)
On a fourni d'excellents draps pour les capotes, mais elles sont mal faites.
Je me suis informé des noms des fournisseurs; j'ai su qu'ils se nommaient Tavernier et Gerde-ret. M. Gerderet n'est pas un fabricant, mais il jouit de 20,000 livres de rente, qu'il est bien aise
de doubler aux dépens de la nation. Le trafic dans lequel ils se sont engagés est une preuve de leur cupidité et de leur incivisme.
Il est un moyen de se garantir de ces rapines; c'est de donner aux soldats la faculté de rejeter les mauvaises fournitures. 11 y a dans chaque régiment un conseil d'administration où siègent des soldats de chaque compagnie : il faut obliger le ministre à leur envoyer un échantillon de chaque fourniture, scellé du cachet du ministre et du fournisseur, d'après lequel ils recevront ou rejetteront les marchandises, selon qu'elles seront ou non conformes au modèle ; et celles qui ne seront pas trouvées bonnes, resteront au ministre, lequel aura son recours sur les fournisseurs. (Applaudissements.)
Je demande que la Convention porte une loi sévère contre les agioteurs qui spéculent sur les approvisionnements de l'armée. On ne saurait trop s'élever contre ceux qui s'enrichissent ainsi aux dépens des défenseurs de la patrie : en ce qui me concerne, je réclame contre eux la peine de mort.
Le décret suivant est rendu :
« La Convention nationale ajourne à' demain la proposition d'un membre, pour qu'il soit adresse, par le ministre de la guerre, a chaque conseil d'administration des régiments ou des bataillons des volontaires nationaux, un modèle des différents effets dont la fourniture devra leur être faite, et sur lequel seront apposés le cachet du département de la guerre et celui du fournisseur ; et pour qu'il autorise les conseils d'administration à refuser tous ceux des effets fournis, qui ne se trouveraient pas conformes au modèle déposé. >
Un membre : Hier, Gorsas vous a dénoncé dans la Convention, un citoyen nommé Féron, qui s'est présenté au comité ae sûreté générale, pour y faire une déclaration importante à la sûreté publique. Gorsas a dit que ce citoyen en avait été repoussé avec mépris. Il importe au comité de sûreté générale, qui doit être impartial et qui ne peut opérer le bien qu'autant qu'il jouit de la confiance publique, de connaître les membres qui ont repoussé ce citoyen. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! l'ordre du jour !
D'autres membres ; Nous demandons que Robespierre soit entendu.
On veut éloigner l'ordre du jour ; il est une heure. Je demande que Robespierre monte là. (Il montre la tribune.)
Un grand nombre de membres : A la tribune! à la tribune, Robespierre !
monte à la tribune.
L'ordre du jour appelle la discussion sur la dénonciation faite par Louvet contre Maximilien Robespierre (1) (Applaudissements dans les tribunes.)
Je rappelle les tribunes à l'ordre et.au respect.
Un membre observe que des citoyens se sont introduits dans les tribunes à la faveur des cartes dont ils étaient porteurs.
annonce qu'il n'en a donné que deux à deux députés qui les lui ont
demandées pour leurs femmes.
Citoyens, délégués du peuple (1), une accusation, sinon très redoutable, au moins très grave et très solennelle, a été intentée contre moi, devant la Convention nationale ; j'y répondrai, parce que je ne dois pas consulter ce qui me convient le mieux à moi-même, mais ce que tout mandataire du peuple doit à l'intérêt public ; j'y répondrai, parce qu'il faut qu'en un moment disparaisse ce monstrueux ouvrage de la calomnie, si laborieusement élevé pendant plusieurs annéés peut-être; parce qu'il faut bannir du sanctuaire des lois, la haine et la vengeance, pour y rappeler les principes et la concorde. Citoyens, vous avez entendu l'immense plaidoyer de mon adversaire, vous l'avez même rendu public par la voie de l'impression. Vous trouverez sans doute équitable d'accorder à la défense la même attention que vous avez donnée à l'accusation.
De quoi suis-je accusé ? D'avoir conspirépour parvenir à la dictature, ou au triumvirat, ou au tribunat. L'opinion de mes adversaires ne paraît pas bien fixée sur ces points. Traduisons toutes ces idées romaines un peu disparates, par le mot de pouvoir suprême, que mon accusateur a employé ailleurs.
Or, on conviendra d'abord, que si un pareil projet était criminel, il était encore plué hardi; car, pour l'exécuter, il fallait encore non seulement renverser le trône, mais anéantir la législature, et surtout empêcher encore qu'elle ne rut remplacée par une Convention nationale. Mais alors comment se fait-il que j'aie le premier dans mes discours publics et dans mes écrits, appelé la Convention nationale, comme le seul remède aux maux de la patrie ; il est vrai que cette proposition même, fut dénoncée comme incendiaire par mes adversaires actuels ; mais bientôt la révolution du 10 août, fit plus que la légitimer; elle la réalisa. Dirai-je que pour arriver à la dictature, il ne suffit pas de maîtriser Paris, qu'il fallait asservir les 83 autres départements? Où étaient mes trésors, où étaient mes armées, où étaient les grandes places dont j'étais pourvu? Toute la puissance résidait précisément entre les mains de mes adversaires. La moindre conséquence que je puisse tirer de tout ce que je viens de dire, c'est qu'avant que l'accusationpût acquérir un caractère de vraisemblance, il faudrait au moins qu'il fût préalablement démontré que j'étais complètement fou ; encore ne vois-je pas ce que mes adversaires pourraient gagner à cette supposition, car alors il resterait à expliquer comment des hommes sensés auraient pu se donner la peine de composer tant dé beaux discours, tant de belles affiches, de déployer tant de moyens, pour me présentera la Convention nationale et à la France entière, comme le plus redoutable de tous les conspirateurs. „
Mais venons aux preuves positives. L'un des reproches les plus terribles
que l'on m'ait fait, je ne le dissimule point, c'est le nom de Marat. Je
vais donc commencer par vous dire quels ont été mes rapports avec lui.
Je pourrais même faire ma profession de foi sur son compte ; mais sans
en dire ni plus de bien, ni plus de mal que
Au mois de janvier 1792, Marat vint me trouver; jusque-là je n'avais eu avec lui aucune espèce de relations directes ni indirectes ; la conversation roula sur les affaires publiques, dont il me parla avec désespoir. Je lui dis, moi, tout ce que les patriotes, même les plus ardents, pensaient de lui; à savoir, qu'il avait mis lui-même un obstacle au bien que pouvaient produire les vérités utiles développées dans ses écrits, en s'obs-tinant à revenir éternellement sur certaines propositions absurdes et violentes, qui révoltaient les amis de la liberté autant que les partisans de l'aristocratie. II défendit son opinion, je persistai dans la mienne; et je dois avouer qu'il trouva mes vues politiques tellement étroites, que quelque temps après, lorsqu'il eut repris son journal, alors abandonné par lui depuis quelque temps en rendant compte lui-même de la conversation dont je viens de parler, il écrivit, en toutes lettres, qu'il m'avait quitté parfaitement convaincu que je n'avais ni les vues, ni l'audace d'un homme d'Etat; et si les critiques de Marat pouvaient être des titres de faveur, je pourrais remettre encore sous vos yeux quelques-unes de ses feuilles, publiées six semaines avant la dernière révolution, où il m'accusait de feuillan-tisnie, parce que, dans un ouvrage périodique, je ne disais pas hautement qu'il fallait renverser la Constitution.
Depuis cette première et unique visite de Marat, je l'ai trouvé à l'assemblée électorale. Ici, je retrouve aussi M. Louvet, qui m'accuse d'avoir désigné Marat pour député, d'avoir mal parlé de Priestley; enfin, d'avoir dominé le corps électoral par l'intrigue et par l'effroi. Aux déclamations les plus absurdes et les plus atroces, comme aux suppositions les plus romanesques et les plus démenties hautement par la notoriété publique, je ne réponds que par les faits; les voici :
L'assemblée électorale avait arrêté unanimement que tous les choix qu'elle ferait seraient soumis à la ratification des assemblées primaires, et ils furent, en effet, examinés et ratifiés par les sections.A cette grande mesure, elle en avait ajouté une autre non moins propre à tuer l'intrigue, non moins digDe des principes d'un peuple libre ; celui de statuer que les élections seraient faites à haute voix et précédées de la discussion publique des candidats. Chacun usa librement du droit de les proposer. Je n'en présentai aucun. Seulement, à l'exemple de quelques-uns de mes collègues, je crus faire une chose utile en proposant des observations générales sur les règles qui pouvaient guider les corps électoraux dans l'exercice de leurs fonctions. Je ne dis point de mal de Priestley, je ne pouvais en dire d'un homme qui ne m était connu que par sa réputation de savant, et par une disgrâce qui le rendait intéressant aux yéux des amis de la Révolution française. Je ne désignai pas Marat plus particulièrement que les écrivains courageux qui avaient combattu ou souffert pour la cause de la Révolution, tels que l'auteur des Crimes des rois et quelques autres qui fixèrent les suffrages dé l'assemblée. Voulez-vous savoir la véritable cause qui les aréu-nis en faveur de Marat, en particulier? C'est que, dans cette crise, où la chaleur du patriotisme était montée au plus haut degré et où Paris était menacé par l'armée des tyrans qui s'avançait, on était moins frappé de certaines idées exagérées ou extravagantes qu'on lui reprochait, que des attentats de tous les perfides ennemis qu'il avait dénoncés et
la présence des maux qu'il avait prédits. Personne ne songeait alors que bientôt son nom seul servirait de prétexte pour calomnier, et la députation de Paris, et l'assemblée, électorale et les assemblées primaire^ elles-mêmes. Pour moi, je laisserai à ceux qui me connaissent, le soin d'apprécier cé beau projet, formé par certaines gens ae m'iden-tifier a quelque "prix que soit avec un homme qui n'est pas moi. N'avais-je donc pas assez de torts personnels, et mon amour, mes combats pour la liberté ne m'avaient- ils pas Suscités assez d'ennemis depuis le commencement de la Révolution, sans qu'il soit besoin de m'imputer encore un excès que j'ai évité et des opinions que j'ai moi-même condamnées le premier.
M. Louvet a fait découler les autres preuves dont il appuie son système de deux autres sources principales: dans ma conduite dans la société des Jacobins, de ma conduite dans le conseil général de la Commune.
Aux Jacobins, j'exerçais, si l'on en croit un despotisme d'opinion, qui ne pouvait être regardé que comme Favant-coureur de la dictature. D'abord je ne sais pas cé que c'est que le despotisme de l'opinion, surtout dans une société d'hommes libres, composée comme vous le dites vous-même, de 1,500 citoyens réputés lès plus ardents patriotes, à moins que ce ne soit l'empire naturel des principes. Or, cet empire n'est point personnel à tel homme qui les énonce; il appartient à la raison universelle, et à tous les hommes qui veulent écouter sa voix ; il appartient à mes Collègues de l'Assemblée constituante, aux patriotes de l'Assemblée législative, à tous les citoyens qui défendirent invariablement la cause de la liberté.
L'expérience a prouvé, en dépit de Louis XVI et de ses alliés, que l'opinion des Jacobins et des Sociétés populaires était celle de la nation française. Aucun citoyen ne l'a crée ni dominée, et je n'ai fait que îa partager. A quelle époque rapportez-vous les torts que vous me reprochez? Est-ce aux temps postérieurs à la joumee du 10 ? Depuis cette époque jusqu'au moment où je parle, je n'ai pas assisté plus de dix fois peut-être à la société.
C'est depuis le mois de janvier, dites-vous, qu'elle a été entièrement dominée par une faction très peu nombreuse, mais chargée de crimes et et d'immoralités, dont j'étais le chef, tandis que tous les hommes sages et vertueux tel que vous,j^^-missaient dans le silence et dans l'oppression ; de manière, ajoutez-vous, avec le ton de la pitié, ue cette société célèbre par tant de services ren- us à la patrie, est maintenant tout à fait méconnaissable.
Mais si depuis le mois» de janvier, les Jacobins n'ont pas perdu la confiance et l'estime delà nation, et n'ont pas cessé de servir. la liberté ; si c'est depuis cette époque qu'ils ont déployé un plus grand courage contre la Cour et Lafav-ette; si c'est depuis cette époque que l'Autriche et la Prusse leur ont déclaré la guerre ; si c'est depuis cette époque qu'ils ont recueillis dans le sein des fédérés, rassemblées pour combattre la tyrannie, et préparé avec eux la sainte insurrection de mois d'août 1792, que faut-il conclure de ce que vous venez de dire, sinon que c'est cette poignée de scélérats dont vous voulez parler qui ont abattu le despotisme, et que vous et les vôtres étiez trop sages et trop amis du bon ordre pour tremper dans ae telles conspirations. (Applaudissements.) Et s'il était vrai que j'eusse, en effet, obtenu âux Jacobins cette influence
que vous me supposez gratuitement et que je suis loin d'avouer, que pourriez-vous en induire contre moi?
Vous avez adopté une méthode bien sûre et bien commode pour assurer votre domination, c'est de prodiguer les noms de scélérats et de le» montrer à vos adversaires: et de donner vos partisans pour les modèles du patriotisme ; c'est ae nous accabler, à chaque instant, du poids de nos vices et de celui de vos vertus. Cependant, à quoi se réduisent au fond tous vos griefs? La majorité des Jacobins rejetait vos opinions; elle avait tort, sans doute. Le public ne vous était pas plus favorable. Qu'en pouvez-vous conclure en votre faveur? Direz-vous que je lui prodiguais les trésors que je n'avais pas, pour faire triompher des principes gravés dans tous les cœurs ? Je ne vous rappellerai pas qu'alors le seul objet de dissentiment qui nous divisait, c'était que vous défendiez indistinctement tous les actes des nouveaux ministres, et nous, les principes ; que vous paraissiez préférer le pouvoir, et nous l'égalité. Je me contenterai de vous observer, qu il résulte de vos plaintes mêmes que vous étiez divisés d'opinion dès ce temps-là. Or, de quel droit voulez-vous faire servir la Convention nationale elle-même à venger les disgrâces de votre amour-propre ou de votre système? Je ne chercherai point à vous rappeler aux sentiments des âmes républicaines. Mais soyez au moins aussi généreux qu'un roi ; imitez Louis XII, et que le législateur oublie les injures de M. Louvet. (Applaudissements.) Mais non, ce n'est jpoint l'intérêt personnel qui vous guide, c'est rintérêt de la liberté, c'est rintérêt des mœurs qui vous arme contre cette férocité qui n'est pfîis qu'un repaire de factieux et de brigands qui retiennent au millieu d'eux un petit nombre d'honnêtes gens trompés. Cette question et trop importante pour être traitée incidemment. J'attendrai le moment où votre zèle vous portera à demander à la Convention nationale un décret qui proscrive les Jacobins; nous verrons alors si vous êtes plus persuasifs ou, plus heureux que Lafayette. (Applaudissements dans les tribunes.)
Avant de terminer cet article, dites-nous seulement ce que vous entendez par ces deux por-, tions du peuple que vous distinguez dans tous vos discours, dans tous vos rapports, dont l'un est flagornée, adulée, égarée par nous ; dont l'autre est paisible, mais intimidée ; dont l'une vous chérit et l'autre semble incliner à nos principes? Votre intention serait-elle de désigner ici, et ceux que Lafayette appelait les honnêtes gens, et ceux qu'il nommait les sans-culottes et la canailles?
Il reste maintenant le plus fécond et le plus intéressant des trois chapitres qui composent votre plaidoyer diffamatoire, celui qui concerne ma conduite au conseil général de la Commune.
On me demande d'abord pourquoi, après avoir abdiqué la place d'accusateur public, j'ai accepté le titre d'officier municipal. !
Je réponds que j'ai abdiqué au mois de janvier 1791 la place lucrative et nullement périlleuse, quoi qu'on djse, d'accusateur public, et que j'ai accepté les fonctions de membre du Conseil de la Commune, le 10 août 1792. On m'a fait un crime de la manière même dont je suis entré dans la salle où siégeait la nouvelle municipalité. Notre dénonciateur m'a reproché très sérieusement d'avoir dirigé mes pas vers le bureau. Dans ces conjonctures où d'autres soins nous occu-
paient, j'étais loin de prévoir que je serais obligé d'informer un jour la Convention nationale que je n'avais été au bureau que pour faire vérifier mes pouvoirs. M. Louvet n en a pas moins conclu de tous ces faits, à ce qu'il assure, que ce conseil général, ou du moins, plusieurs de ses membres étaient réservés à de hautes destinées. Pouviez-vous en douter? N'était-ce pas une assez haute destinée, que celle de se dévouer pour la patrie? Pour moi, je m'honore d'avoir ici à défendre et la cause de la Commune et la mienne. Mais non.... Je n'ai qu'à me réjouir qu'un grand nombre de citoyens ont mieux servi la chose publique que moi. Je ne veux point prétendre à une gloire qui ne m'appartient pas.
Je ne fus nommé que dans la journée du 10 ; mais ceux qui, plus tôt choisis, étaient déjà réunis à la maison Commune, dans la nuit redoutable, au moment où la conspiration de la Cour était près d'éclater, ceux-là sont véritablement les éros de la liberté ! Ce sont ceux-là qui, servant de point de ralliement aux patriotes, armant les citoyens, dirigeant les mouvements d'une insurrection tumultueuse d'où dépendait le salut public, déconcertèrent la trahison, en faisant arrêter le commandant de la garde nationale, vendu à la Cour, après l'avoir convaincu, par un écrit de sa main, d'avoir donné aux commandants de bataillon, des ordres de laisser passer le peuple insurgent, pour le foudroyer ensuite par derrière... Citoyens représentants, si la plupart de vous ignoraient les faits qui se sont passés loin de vos yeux, il vous importe de les connaître, ne fût-ce que pour ne souiller les mandataires du peuple Français, par une ingratitude fatale à la cause de la liberte ; vous devez les entendre avec intérêt, au moins pour qu'il ne soit pas dit qu'ici les dénonciations seules ont droit d'être accueillies. Est-il donc si difficile de comprendre que, dans de telles circonstances, cette municipalité tant calomniée dût renfermer les plus généreux citoyens? Là, étaient ces hommes que la bassesse monarchique dédaigne, parce qu'ils n'ont que des âmes fortes et sublimes. Là, nous avons vu, et chez les concitoyens, et chez les ma- gistrats nouveaux, des traits d'héroïsme que incivisme et l'imposture s'efforceront en vain de ravir à l'histoire.
Les intrigues disparaissent avec les passions qui les ont enfantées. Les grandes actions et les grands caractères restent seuls. Nous ignorons les noms des vils fàctieux qui assaillaient de pierres Caton dans la tribune du peuple romain, et les regards de la postérité ne reposent que sur l'imagç sacrée ae ce grand homme. (Applaudissements dans les tribunes.)
Voulez-vous juger le conseil général révolutionnaire de la commune de Paris? Placez-vous au sein de cette immortelle Révolution qui l'a créé, et dont vous êtes vous-mêmes l'ouvrage.
On vous entretient sans cesse, depuis votre réunion, d'intrigants qui s'étaient introduits dans ce corps. Je sais qu'il en existait en effet quelques-uns; et qui, plus que moi, a le droit de s'en plaindre? Ils sont au nombre de nos ennemis et d'ailleurs quel corps si pur et si nombreux fut absolument exempt de ce fléau?
On vous dénonce éternellement quelques actes répréhensibies, imputés à des individus. J'ignore ces faits ; je ne les nie, ni ne les crois; car j'ai entendu trop de calomnies pour croire aux dénonciations qui partent de la même source, et qui toutes portent l'empreinte de l'affectation et ae la fureur.
Je ne vous observerai pas même que l'homme de ce conseil général qu'on est le plus jaloux de compromettre, échappe nécessairement à ces traits, je ne m'abaisserai pas jusqu'à- observer que je n'ai jamais été chargé d'aucunetespèce de commission, ni me suis mêlé en aucunè manière d'aucune opération particulière. Que jje n'ai jamais présidé un seul instant la Comipune, que jamais je n'ai eu la moindre relation avec le comité de surveillance tant calomnié. Car, tout compensé, je consentirais volontiers à me charger de tout le bien et de tout le mal attribués à ce corps, que l'on a si souvent attaqué dans la vue de m'inculper personnellement.
On lui reproche des arrestations qu'on appelle arbitraires, quoique aucune n'ait été faite sans un interrogatoire.
Quand le consul de Rome eut étouffé la conspiration de Catilina, Clodius l'accusa d'avoir violé les lois. Quand le consul rendit compte au peuple de son administration, il jura qu'il avait sauvé la patrie, et le peuple applaudit. J'ai vu à cette barre, tels citoyens qui ne sont pas des Clodius, mais qui, quelque temps avant la Révolution du 10 août, avaient eu la prudence de se réfugier à Rouen, dénoncer emphatiquement la conduite du Conseil de la commune de Paris. Des arrestations illégales! Est-ce donc le code criminel à la main qu'il faut apprécier les précautions salutaires qu'exige le salut public dans les temps de crise, amenés par l'impuissance même des lois? Que ne nous reprochez-vous aussi d'avoir brisé illégalement les plumes mercenaires dont le métier était de propager l'imposture et de blasphémer contre la liberté? Que n'instituez-vous une commission pour recueillir les plaintes des écrivains aristocratiques et royalistes?
Que ne nous reprochez-vous d'avoir consigné tous les conspirateurs aux portes de cette grande cité ? Que ne nous reprochez-vous d'avoir désarmé les citoyens suspects? d'avoir écarté de nos assemblées, où nous délibérions sur le salut public, les ennemis connus de la Révolution? Que ne faites-vous le procès à «la fois, et à la municipalité, et à l'assemblée électorale, et aux sections de Paris, et aux assemblées primaires même des cantons, et à tous ceux qui nous ont imités ; car toutes ces choses-là étaient illégales, aussi illégales que la Révolution, que la chûte du trône et de la Bastille, aussi illégales que la liberté elle-même.
Mais que dis-je ? ce que je présentais comme une hypothèse absurde n'est qu'une réalité très certaine. On nous a accusés, en effet, de tout cela et de bien d'autres choses encore. Ne nous a-t-on pas accusés d'avoir envoyé, de concert avec le conseil exécutif, des commissaires dans plusieurs départements, pour propager nos principes, et les déterminer à s'unir aux Parisiens contre l'ennemi commun?
Quelle idée s'est-on donc formée de la dernière Révolution? La chûte du trône paraissait-elle donc si facile avant le succès ? Ne s'agissait-il que de faire un coup de main aux Tuileries? Ne fallait-il pas anéantir dans toute la France le parti des tyrans et, par conséquent, communiquer a tous les départements la commotion salutaire qui venait d'électriser Paris? et comment ce soin pouvait-il ne pas regarder ces mêmes magistrats qui avaient appelé le peuple à l'insurrection? Il s'agissait au salut purnic, il y allait de leurs têtes ! Et on leur a fait un crime d'avoir envoyé des commissaires aux autres
communes, pour les engager à avouer, à consolider leur ouvrage 1 Que dis-je! la calomnie a poursuivi ces commissaires eux-mêmes. Quel-ques-uns ont été jetés dans les fers. Le feuilr lantisme ou l'ignorance ont calculé le degré de chaleur de leur style ; ils ont mesuré toutes leurs démarches avec le compas constitutionnel, pour trouver le prétexte de travestir les missionnaires de la Révolution en incendiaires, en ennemis de l'ordre public. A peine les circonstances qui avaient enchaîné les ennemis du peuple ont-elles cessé, les mêmes corps administratifs, tous les hommes qui conspiraient contre lui sont venus les calomnier devant la Convention nationale elle-même.
Citoyens, Vouliez-vous uuè Révolution sans révolution? Quel est cet esprit de persécution qui est venu reviser, pour ainsi dire, celle qui a brisé nos fers? Mais comment peut-on soumettre à un jugement certain les effets que peuvent entraîner ces grandes commotions?
Qui peut, après coup, marquer le point précis où devaient se briser les flots de l'insurrection populaire? A ce prix, quel peuple pourrait jamais secouer le joug du despotisme; Car, s'il est vrai qu'une grande nation ne peut s'élever par un mouvement simultané, et que la tyrannie ne peut être frappée que par la portion des citoyens qui est plus près d'elle, comment ceux-ci oseront-ils l'attaquer si, après la victoire, les délégués venant des parties éloignées de l'Etat peuvent les rendre responsables de la durée ou ae la violence de la tourmente politique qui a sauvé la patrie? Ils doivent être regardés comme . fondés de procuration tacite, pour la société tout entière.
Les Français, amis de la liberté, réunis à Paris au mois d'août dernier, ont agi à ce' titre au nom de tous les départements; il faut les approuver ou les désavouer tout à fait. Leur faire un crime de quelques désordres apparents ou réels, inséparables d'une grande secousse, ce serait les punir de leur dévouement. Us auraient droit de dire à leurs juges : si vous désavouez les moyens que nous avons employés pour vaincre, laissez-nous les fruits de la victoire; reprenez votre Constitution et toutes vos lois anciennes ; mais restituez-nous le prix de nos sacrifices et de nos combats, rendez-nous nos concitoyens, nos frères, nos enfants qui sont morts pour la cause commune. Citoyens, le peuple qui vous a envoyé a tout ratifié. Votre présence ici en est la preuve : il ne vous a pas chargé de porter l'œil sévère de l'Inquisition sur les faits qui tiennent de l'insurrection, mais de cimenter par des lois justes la liberté qu'elle lui a rendue, 'univers, la postérité ne verra dans ces événements que leur cause sacrée et leur sublime résultat; vous devez les voir comme elles. Vous devez les juger non en juges de paix, mais en hommes d Etat et en législateurs du monde.
Et ne pensez pas que j'aie invoqué ces principes éternels, parce que nous avons besoin découvrir d'un voile quelques actionsrépréhen-sibles. Non, nous n'avons point failli, j en jure par le trône renversé, et par la République qui s'élève.
On vous a parlé bien souvent des événements du 2 septembre; c'est le sujet auquel j'étais le plus empressé d'arriver, et je le traiterai d'une manière absolument désintéressée.
J'ai observé qu'arrivé à cette partie de son discours, M. Lovuet lui-même a généralisé d'une manière très vague l'accusation dirigée aupara-
vant contre moi personnellement. Il n'en est pas moins certain que la calomnie a travaillé dans l'ombre. Ceux qui ont dit que j'avais eu la moindre part aux événements dont je parle sont des hommes, ou excessivement crédules, ou excessivement pervers. Quant à l'homme qui, comptant sur le succès de la diffamation, dont il avait d'avance arrangé tout le plan, a cru pouvoir alors imprimer impunément que je les avais dirigés, je me contenterais de l'abandonner au remords, si le remords ne supposait une âme; je dirai pour ceux que l'imposture a pu égarer, qu'avant l'époque où ces événements sont arrivés, j'avais cessé de fréquenter le conseil général de la Commune; que l'assemblée électorale dont j'étais membre, avait commencé ses séances; que je n'ai appris ce qui se passait dans les prisons que par le bruit public, et plus tard que par la plus grande partie des citoyens : car j étais habituellement chez moi ou dans les lieux où mes fonctions publiques m'appelaient.
Quant au conseil général de la Commune, il est certain, aux yeux de tout homme impartial, que, loin de provoquer les événements du 2 septembre, il a fait ce qui était en son pouvoir pour les empêcher. Si vous demandez pourquoi il ne les a point empêchés, je vais vous le dire.
Pour se former une idée juste de ces faits, il faut chercher la vérité, non dans les écrits ou dans les discours calomnieux qui les ont dénaturés, mais dans l'histoire de la dernière Révolution. Si vous avez pensé que le mouvement imprimé aux esprits par l'insurrection du mois d'août, était entièrement expiré au commencement de septembre, vous vous êtes trompés, et ceux qui ont cherché à vous persuader qu'il n'y avait aucune analogie entre l'une et l'autre des deux époques, ont feint de ne connaître ni les faits, ni le cœur humain.
La journée du 10 août avait été signalée par un grand combat dont beaucoup de patriotes et beaucoup de soldats suisses avaient été les victimes. Les plus grands conspirateurs furent dérobés à la colère du peuple victorieux qui avait consenti à les remettre entre les mains d'un nouveau tribunal; mais le peuple était déterminé à exiger leur punition. Cependant, après avoir condamné trois ou quatre coupables subalternes, le tribunal criminel se reposa. Mont-morin avait été absous, de Poix et plusieurs conspirateurs de cette importance avaient été frauduleusement mis en liberté; de grandes prévarications en ce genre avaient transpiré, et de nouvelles preuves de la conspiration de la Cour se développaient chaque jour; presque tous les patriotes qui avaient été blessés au château des Tuileries, mouraient dans les bras de leurs frères parisiens; on déposa sur le bureau de la commune des balles mâchées extraites du corps de plusieurs Marseillais et de plusieurs autres fédérés; l'indignation était dans tous les cœurs.
Cependant, une. cause nouvelle et beaucoup plus imposante acheva de porter la fermentation à son comble.
Un grand nombre de citoyens avaient pensé que la journée du 10 rompait les fils des conspirations royales; ils regardaient la guerre comme terminée, quand tout à coup la nouvelle se répand dans Paris que Longwy a été livré, que Verdun a été livré, et qu'à la tête d'une armée de 100,000 hommes, Brunswick s'avance vers Paris; aucune place forte ne nous séparait des ennemis. Notre armée divisée, presque détruite par les trahisons de Lafayette, manquait
de tout ; il fallait songer à la fois à trouver des armes, des effets de campement, des vivres et des hommes. Le conseil exécutif ne dissimulait ni ses craintes, ni son embarras. Le danger était grand, il paraissait plus grand encore. Danton se présente à l'Assemblée législative, lui peint vivement les périls et les ressources, la porte à prendre quelques mesures vigoureuses, et donne une grande impulsion à l'opinion publique. Il se rend à la maison commune, et invite la municipalité à faire sonner le tocsin. Le conseil général de la commune sent que la patrie ne peut être sauvée que par les prodiges que l'enthousiasme de la liberté peut seul enfanter, et qu'il faut que Paris tout entier s'ébranle pour courir au-devant des Prussiens.
Il fait sonner le tocsin pour avertir tpus les citoyens de courir aux armes ; il leur en procure par tous les moyens qui sont en son pouvoir; le canon d'alarme tonnait en même temps. En un instant, 40,Q00 hommes sont armés, équipés, rassemblés, et marchent vers Châlons.
Au milieu de ce mouvement universel, l'approche des ennemis étrangers réveille le sentiment d'indignation et de vengeance qui couvait dans les cœurs contre les traîtres qui les avaient appelés. Avant d'abandonner leurs foyers, leurs femmes et leurs enfants, les citoyens, les vainqueurs des Tuileries, veulent la punition des conspirateurs qui leur avait été promise. On court aux prisons... Les magistrats pouvaient-ils arrêter le peuple, car c'était un mouvement populaire et non, comme on l'a ridiculement supposé, la sédition partielle de quelques scélérats payés pour assassiner leurs semblables, et s'il n'en eut pas été ainsi, comment le peuple ne l'aurait-il pas empêché? Comment la garde nationale, comment les fédérés n'auraient-ils fait aucun mouvement pour s'y opposer? Les fédérés eux-mêmes étaient là en grand nombre. On connaît lés vaines réquisitions du commandante la garde nationale; on connaît les vains efforts des commissaires de l'Assemblée législative, qui furent envoyés aux prisons.
J'ai entendu quelques personnes dire froidement que la municipalité devait proclamer la loi martiale. La loi martiale à l'approche de l'ennemi 1 La loi martiale après la journée du 10! La loi martiale pour les complices du tyran détrôné contre le peuple! Que pouvaient les magistrats contre la volonté déterminée d'un peuple indigné, qui opposait à leurs discours et le souvenir de sa victoire, et le dévouement avec lequel il allait se précipitèr au-devant des Prussiens et qui reprochait aux lois mêmes la longue impunité des traîtres qui déchiraient le sein de leur patrie?... Ne pouvant les déterminer à se reposer sur les tribunaux du soin de leur punition, des officiers municipaux les engagèrent à suivre des formes nécessaires, dont le but était de ne pas confondre avec les coupables qu'ils voulaient punir, les citoyens détenus pour des causes étrangères à la conspiration du 10 août ; et ce sont les officiers municipaux qui ont exercé ce ministère, le seul service que les circonstances permettaient de rendre à l'humanité, qu'on vous a présentés comme des brigands sanguinaires.
Le zèle le plus ardent pour l'exécution des lois ne peut justifier ni 1 exagération, ni la calomnie. Or je pourrais citer iei contre les déclamations de M. Louvet, un témoignage non suspect, c'est celui du ministre de l'intérieur qui, en blâmant les exécutions populaires en I général, n'a pas craint de parler de l'esprit de
prudence et de justice que le peuple, c'est son expression, avait montré dans cette conduite illégale. Que dis-jel je pourrais citer en faveur du conseil général ae la commune M. Louvet lui-même, qui commençait l'une de ses affiches de La Sentinelle par ces mots : Honneur au conseil général de la commune ; il a fait sonner le tocsin, il a sauvé la patrie..... C'était alors le temps des élections. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je m'engage à répondre à tout.
fOn assure qu'un innocent a péri. On s'est plu à en exagérer le nombre ; mais un seul, c'est beaucoup trop sans doute. Citoyens, pleurez cette méprise cruelle. Nous l'avons pleuré dès longtemps ; c'était un bon citoyen; c'était donc l'un ae nos amis. Pleurez même les victimes coupables, réservées à la vengeance des lois, qui ont tombé sous le glaive de la justice populaire ; mais que votre douleur ait un terme, comme toutes les choses humaines.
Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchantes. Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie ; pleurez nos citoyens expirant sous leurs toits embrasés et les fils des citoyens massacrés au berceau ou dans les bras de leur mère : n'avez-vôus pas aussi des frères, des enfants, des épouses a venger? La famille des législateurs français, c'est la patrie ; c'est le genre humàin tout entier, moins les tyrans et leurs complices. (Applaudissements.)
Pleurez donc, pleurez l'humanité abattue sous leur joug odieux ; mais consolez-vous, si, imposant silence à toutes les viles passions, vous voulez assurer le bonheur de votre pays, et préparer celui du monde ; consolez-vous si vous voulez rappeler sur le terre l'égalité et la justice exilées, et tarir par des lois justes la source des crimes et des malheurs de vos semblables.
La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis de la liberté m'est suspecte. Cessez d'agiter sous mes yeux la robe sanglante du tyran, ou je croirai que vous vouiez remettre Rome dans les fers. (Nombreux et vifs applaudissements d'une grande partie des tribunes.) En voyant ces peintures pathétiques des Lam-balle, des Montmorin, de la consternation des mauvais citoyens ; et ces déclamations furieuses contre des hommes connus sous des rapports tout-à-fâit opposés, n'avez-vous pas cru lire un manifeste de Brunswick ou de Condé (Applaudissements dans les tribunes.) Calomniateurs éternels, voulez-vous donc venger le despotisme? Voulez-vous flétrir le berceau de la République? Voulez-vous déshonorer aux yeux de l'Europe la révolution qui l'a enfantée, et fournir des armes à tous les ennemis de la liberté? Amour de l'humanité vraiment admirable, qui tend à cimenter la misère et la servitude des peuples, et qui cache le désir barbare de se baigner dans le sang des patriotes!
A ces terribles tableaux, mon accusateur a lié le projet qu'il mé supposait d'avilir le corps législatif qui, dit-il, était continuellement tourmenté, méconnu, outragé par un insolent démagogue qui venait à sa barre lui ordonner des décrets;
Espèce de figure oratoire par laquelle M. Louvet a travesti deux pétitions que je fus chargé de présenter à l'Assemblée législative, au nom
du conseil général de la commune, relativement à la création du nouveau département de Paris. Avilir le Corps législatif! Quelle chétive idée vous êtes-vous donc formée de sa dignité! Apprenez qu'une assemblée où réside la majesté du peuple français ne peut être avilie, même par ses propres œuvres. Quand elle s'élève à la hauteur de sa mission sublime, comment concevez-vous qu'elle puisse être avilie par les discours insensés d'un insolent démagogue ? Elle ne peut être dégradée par les blasphèmes de l'impie, pas plus que l'éclat de l'astre qui anime la nature ne peut être terni par les clameurs des hordes sauvages de l'Asie. (Applaudissements à gauche etdans les tribunes.)
Si des membres d'une assemblée auguste oubliant leur existence comme représentants d'un grand peuple, pour ne se souvenir que de leur mince existence comme individus, sacrifiaient les grands intérêts ae l'humanité à leur méprisable orgueil, ou à leur lâche ambition, ils ne parviendraient pas même, par cet excès de bassesse, à avilir la représentation nationale; ils ne réussiraient qu'à s'avilir eux-mêmes.
Mais, puisqu'il faut qu'au mois de novembre 1792, je rende compte à la Convention nationale de ce que j'ai dit le 12 ou 13 août, je vais le faire. Pour apprécier ce chef d'accusation, il faut connaître quel était le motif de la démarche de la Commune auprès du Corps législatif.
La révolution du 10 avait nécessairement fait disparaître l'autorité du département avec la puissance de la Cour dont il s'était déclaré l'éternel champion; et le conseil général de la commune en exerçait le pouvoir. 11 était fermement convaincu, comme tous les citoyens, qu'il lui serait impossible de soutenir le poids de la révolution commencée, si on se hâtait de le paralyser par la résurrection du département dont le nom seul était devenu odieux. Cependant, dès le lendemain du premier jour ae la révolution, des membres de la commission des 21, qui dirigeait les travaux de l'Assemblée, avaient préparé un projet de décret dont l'objet était d'annuler l'influence de la Commune, en la renfermant dans les limites qu'exerçait le conseil général qui l'avait précédé. Le même jour des affiches, où elle était diffamée, couvrirent les murs de Paris de la manière la plus indécente, et nous connaissons les auteurs de ces affiches ; ils ont beaucoup de rapports avec les auteurs de l'accusation a laquelle je réponds. Ce premier projet ayant échoué, on imagina de créer un nouveau département, et le 12 ou le 13 on surprit à l'Assemolée un décret qui en terminait l'organisation. Le soir, je lus chargé par la Commune avec plusieurs autres députés de venir présenter à l'Assemblée législative des observations puisées dans le principe que j'ai indiqué. Elles furent appuyées par plusieurs membres, notamment par Lacroix, qui alla même jusqu'à censurer la commission des 21, à qui il attribuait le décret ; et sur sa rédaction même, l'Assemblée décréta que les fonctions du nouveau corps administratif se borneraient aux matières d'impositions, et que, relativement aux mesures ae salut public et de police, le conseil général ne correspondrait directement qu'avec le Corps législatif. Deux jours après, une circonstance singulière nous ramena à la barre pour le même objet; la lettre de convocation expédiée par le ministre Roland, pour nommer les membres de l'administration provisoire du département, était motivée non sur le
dernier décret qui en circonscrivait les fonctions; mais sur le premier décret que l'Assemblée législative avait changé, Le conseil général crut devoir réclamer contre cette conduite ; et il crut que le seul moyen de prévenir toutes ces divisions et tous les conflits d'autorité, si dangereux dans ces circonstances critiques, était que l'administration provisoire ne prît que le titre de commission administrative, qui déterminait clairement l'obiet des fonctions qui lui étaient attribuées par le dernier décret. Tandis qu'on discutait cette question à"I|a Commune, les membres nommés pour remplacer le directoire, viennent lui jurer fraternité, et lui déclarer qu'ils ne voulaient prendre d'autre titre que celui de commission administrative. Ce trait e civisme, digne des jours qui ont vu renaître la liberté, produisit une scène touchante. On arrête que les membres du directoire et des députés de la commune se rendront sur-le-champ à l'Assemblée législative, pour lui en rendre compte, et la prier de consacrer la mesure salutaire dont je viens de parler. Je portai la parole : c'est cette pétition que M. Louvet a qualifiée d'insolente? Voulez-vous apprécier ce reproche, interrogez Hérault, qui dans cette séance présidait le Corps législatif; il nous adressa une réponse véritablement républicaine, qui exprimait une opinion aussi favorable à l'objet de la pétition, qu'à ceux qui la présentaient. Nous fûmes invités à la séance.
Quelques orateurs ne pensèrent pas comme lui et un membre, qui m'a vivement inculpé le jour de l'accusation de M. Louvet, s'éleva très durement, et contre notre demande, et contre la Commune elle-même, et l'Assemblée passa à l'ordre du jour. Lacroix vous a dit que, dans le coin du côté gauche, je l'avais menacé dutoscin. Lacroix, sans doute s'était trompé. (Murmures). Il n'y a aucune raison de m'interrompre, car il n'y en a pas même de ma part pour nier le fait s'il était exact. Mais, je le répète, Lacroix s'est trompé, et il était possible de confondre ou d'oublier les circonstances dont j'ai aussi des témoins, même dans cette Assemblée, et parmi les membres du Corps législatif. Je vais les rappeler, je me souviens très bien que, dans ce coin dont on a parlé, j'entendis certain propos qui me parurent assez feuillantins, assez peu dignes des circonstances où nous étions, entre autres Celui-ci qui s'adressait à la commune : Que ne faites-vous résonner le toscin. C'est à ce propos, ou a un autre pareil, que je répondis : « Les sonneurs de toscin sont ceux qui cherchent à aigrir les esprits par l'injustice.» Je me rappelle encore qu'alors un de mes collègues, moins patient que moi, dans un mouvement d'humeur, tint, en effet, un propos semblable à celui qu'on m'a attribué, et d'autres m'ont entendu moi-même le lui reprocher.
J'atteste le fait que vient de dénoncer Robespierre. (Murmures.)
(dé Thionville). On a entendu les assertions de Lacroix. Je demande la même justice pour le citoyen Reynaud.
Je m'étonne que l'on soit si difficile à croire l'explication que je donne d'un fait de cette nature dont je n avais parlé, moi, que pour satisfaire à ma délicatesse personnelle. Ne croirait-on pas, à la manière dont on traite cette question, qu'un propos lâché dans un coin du côté gauche, entendu par des particuliers, qu'un propos déplacé, criminel
même dans un sens légal, puisse être l'objet d'un procès sérieux de la part de la Convention nationale ? Quoi! il faut rappeler les principes de la liberté, qui nous a tous amenés ici? Quoi! vous pensez sérieusement qu'il est dans cette Assemblée des membres qui oseront soutenir que celui, par exemple, que j'ai désigné etqui a tenu le propos dont je parle, pourrait être poursuivi pour un fait de cette nature ? Quoi! vous pourriez porter l'inquisition sur tout les hommes du 10 août qui n'auraient pas tenu des propos mesurés et respectueux pourles autorités constituées? Quoi! vous ignorez donc ce que c'était la Révo-lutiondu 10 août? Vous ignorez doncque, quand le peuple est forcé de secouer le joug de la tyrannie, c'est parce que ceux entre les mains desquels il a remis ses pouvoirs l'ont réduit à cette cruelle nécessité? Et quand cette révolution a changé la face du gouvernement, qu'elle a renvoyé la tyrannie et qu'elle y a substitué un pouvoir populaire, on croirait que ce pouvoir populaire peut venir demander compte à ceux qui se sont montrés dans cette révolution des propos qu'ils auraient tenus contre telle ou telle autorité constituée?
Je suppose qu'il fût vrai, ce propos dont j'ai parlé, je demande qui aurait à rougir, ou de celui qui l'aurait tenu au sein d'une révolution, ou ae ceux qui, nommés pour cimenter la liberté conquise par cette révolution, voudraient en faire un procès, et qui déploieraient plus de sévérité contre ceux qu'on en accuserait que contre les aristocrates les plus déterminés et les ennemis les plus déclarés de la liberté et des droits du peuple. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Au surplus, si l'on pense qu'il y ait là matière à m'accuser, je me soumettrai moi-même au décret qui pourrait être prononcé contre moi (1).
Quant à la répétition du même propos que l'on me fait tenir au comité des 21, la fausseté de ce fait est encore plus notoire. Je ne retournai au conseil général que pour dénoncer l'Assemblée législative, dit M. Louvet. Ce jour-là, retourné au conseil général pour rendre compte de ma mission, je parlais avec décence de l'Assemblée nationale, avec franchise de quelques membres de la commission des 21, à qui j'imputai le projet de faire rétrograder la liberté. On a osé, par un rapprochement atroce, insinuer que j'avais voulu compromettre la sûreté de quelques députés en les dénonçant à la Commune durant les exécutions des conspirateurs.
J'ai déjà répondu à cette infamie, en rappelant que j'avais cessé d'aller
à la Commune avant ces événements qu'il ne m'était pas plus donné de
prévoir, que les circonstances subites et extraordinaires qui les ont
amenés. Faut-il vous dire que plusieurs de mes collègues avant moi
avaient déjà dénoncé la persécution tramée contre la Commune par les
deux ou trois personnes dont on parle, et ce plan de calomnier les
défenseurs de la liberté et de diviser les citoyens au moment où il
fallait réunir ses efforts pour étouffer les conspirations du dedans et
repousser les ennemis étrangers? Quelle est donc cette affreuse
doctrine, que dénoncer un homme et le tuer, c'est la même chose? Dans
quelle République vivons-nous,si le magistrat qui, dans une
Mais comment parlerais-je de cette lettre prétendue, timidement et j'ose dire très gauchement présentée à votre curiosité?
Une lettre énigmatique adressée à un tiers, des brigands anonymes! des assassins anonymes! et au milieu de ces nuages, ce mot jeté comme au hasard, ils ne veulent entendre parler que de Robespierre ! Des réticences, des mystères dans des affaires si graves, et en s'adressantà la Convention nationale ! le tout attaché à un rapport bien astucieux, après tant de libelles, tant cl'af-fiches, tant de pamphlets, tant de journaux de toutes les espèces distribués à si grands frais et de toutes les manières, dans tous les coins de la République. 0 homme vertueux! homme exclusivement, éternellement vertueux! où vouliez-vous donc aller par ces routes ténébreuses ? Vous avez essayé l'opinion : vous vous êtes arrêté, épouvanté... Vous avez bien fait. La nature, ne vous a pas moulé ni pour de grandes actions ni pour de grands attentats.(Murmures.) Je m'arrête ici moi-même, par égard pour vous. Vous ne connaissez pas l'abominable histoire de l'homme à la missive énigmatique ; cherchez-la, si vous en avez le courage, dans les monuments de la police. Vous saurez un jour quel prix vous devez attacher à la modération de l'ennemi que vous vouliez perdre. Et croyez-vous que si je voulais m'abaisser à de pareilles plaintes, il me serait difficile de vous présenter des dénonciations un peu plus précises et mieux appuyées? Je les ai dédaignées jusqu'ici. Je sais qu'il y a loin du dessein profondément conçu de commettre un grand crime, à certaines velléités, à certaines menaces de mes ennemis, dont j'aurais pu faire beaucoup de bruit. Voyez avec quelle maladresse vous vous embarrassez vous-même dans vos propres pièges. Vous vous tourmentez depuis longtemps pour arracher à l'Assemblée une loi contre les provocateurs au meurtre. Qu'elle soit portée; quelle est la première victime qu'elle doit frapper ? N'est-ce pas vous qui avez dit ca-lomnieusement, ridiculement, que j'aspirais à la tyrannie ? N'avez-vous pas juré, par Brutus, d'assassiner tous les tyrans ?
Vous voilà donc convaincu par votre propre aveu d'avoir provoqué tous les citoyens à m'as-sassiner? (Applaudissements à gauche et dans les tribunes. — Murmures au centre et à droite.) N'ai-je pas déjà entendu de cette tribune même des cris de fureur répondre à vos exhortations? Et ces promenades ae gens armés qui bravent au milieu de nous l'autorité des lois et des magistrats ; et ces cris qui demandent les têtes de quelques représentants du peuple, qui mêlent à vos imprécations contre moi vos louanges et l'apologie de Louis XVI ; qui les a appelés ? qui les
égare? qui les excite? Et vous parlez de loi, de vertu, d'agitateurs !
Mais sortons de ce cercle d'infamies que vous nous avez fait parcourir, et arrivons à la conclusion de votre libelle.
Indépendamment de ce décret sur la force armée que vous cherchez à extorquer par tant de moyens; indépendamment de cette loi tyranni- que contre la liberté individuelle, et contre celle de la presse, que vous déguisez sous le spécieux prétexte de la provocation au meurtre, vous demandez pour le ministre une espèce de dictature militaire, vous demandez une loi de proscription contre les citoyens qui vous déplaisent, sous le nom d'ostracisme. Ainsi, vous ne rougissez plus d'avouer ouvertement le motif honteux de tant d'impostures et de machinations. Ainsi, vous ne parlez de dictature que pour l'exercer vous-même sans aucun frein ; ainsi, vous ne parlez de proscription et de tyrannie que pour proscrire et pour tyranniser. Ainsi, vous avez pensé que pour faire de la Convention nationale le vil instrument de vos coupables desseins, .il vous suffirait de prononcer devant elle un roman bien astucieux, et de lui proposer de décréter sans désemparer la perte ae la liberté et son propre déshonneur.
Que me reste-t-il à dire contre des accusateurs qui s'accusent eux-mêmes? Ensevelissons, s'il est possible, ces misérables manœuvres dans un éternel oubli. Puissions-nous dérober aux regards de la postérité ces jours peu glorieux de notre histoire, où les représentants du peuple, égarés par de lâches intrigues, ont paru oublier les grandes destinées auxquelles ils étaient appelés. Pour moi, -je ne prendrai aucunes conclusions qui me soient personnelles, j'ai renoncé au facile avantage de repondre aux calomnies de mes adversaires par des dénonciations plus redoutables. J'ai voulu supprimer la partie offensive de ma justification. Je renonce à la juste vengeance que j'aurais le droit de poursuivre contré mes calomniateurs; je n'en demande point d'autre que le retour de la paix et le triomphe de la liberté. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Citoyens, parcourez d'un pas ferme et rapide votre glorieuse carrière, et puissé-je, aux dépens de ma vie et et de ma réputation même, concourir avec vous à la gloire et au bonheur de notre commune patrie ! {Robespierre descend de la tribune au milieu des plus vifs applaudissements.)
demande à répondre; il monte à la tribune.
Plusieurs membres s'y opposent et réclament l'impression du discours de Robespierre, ainsi que son envoi aux 83 départements.
D'autres membres s'opposent à l'envoi du discours et demandent la division.
(La Convention prononce la division et décrète l'impression du discours de Robespierre.)
(de Thionvillë). Le ministre de l'intérieur a fait tirer le discours de Louvet au nombre de 15,000 exemplaires. Je demande que la réponse justificative de Robespierre soit publiée avec la même profusion. (Applaudissements et murmures).
persiste à vouloir prendre la parole.
(Quelques citoyens des tribunes semblent lui parler avec menaces.)
Plusieurs membres murmurent et demandent que les citoyens se tiennent dans le silence.
Beaucoup de membres se plai-
gnent de ce que je ne fais pas respecter l'Assemblée, parce que les tribunes ont applaudi.
Les mêmes membres : Non pas, c'est qu'elles ont parlé!
J'observe que cela m'a été impossible et que j'ai fait mon devoir dans la mesure de mes forces et de mes moyens.
Je ne me rappelle pas si les tribunes ont applaudi ou parlé, mais ce que je sais, c'est qu'il ne doit rester de tous ces débats que le regret d'avoir perdu deux séances à des dénonciations particulières. (Applaudissements.) Je demandé l'ordre du jour.
Je demande à parler contre l'ordre du jour.
Un membre : Vous répondrez dans la Sentinelle, laissez voter maintenant sur l'ordre du jour.
Voici la liste des membres qui ont demandé la parole :
Pour Sur Contre
Saint-Just Barère de Vieuzac Louvet de Couvrai '
Garnier Delaunay (d'Angers) J.-M. Chénier
Manuel Lehardy Birotleau
Jean-Bon-St-André Bailleul Buzot
Pétion (de Villeneuve) Barbaroux.
L'Assemblée va décider si elle veut entendre les orateurs qui se sont fait inscrire ou si elle entend passer à l'ordre du jour. (Applaudissements et murmures.)
(La Convention décrète, en première épreuve, de passer à l'ordre du jour.)
Je demande la parole contre le président. (Murmures.)
Un membre observe qu'on ne peut pas avoir la parole entre deux épreuves.
J'ai de la peine à concevoir comment, lorsque j'ai pris les ordres de l'Assemblée, un membre demande la parole contre moi, mais je la lui donne.
propose au président de consulter l'Assemblée.
(La Convention décide que Louvet de Couvrai né sera pas entendu.) (Applaudissements des tribunes.) (1).
Des murmures avaient régné pendant la première épreuve faite sur la proposition de passer à l'ordre du jour ; je vais la recommencer. Que ceux qui sont d'avis de passer à l'ordre du jour...
(s'élançant à la tribune). 'Sur quoi? Je demande auparavant à dénoncer de nouveau Robespierre et à signer ma dénonciation. (Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix l
(L'Assemblée est violemment agitée ; les cris réitérés : Aux voix, l'ordre du jour ! étouffent la voix de l'orateur.)
reste à la tribune. Le silence renaît peu .à peu.
J'ai insisté pour avoir la parole afin de dénoncer de nouveau
Robespierre et de signer, comme je viens de le dire, ma dénonciation.
(Les murmures recommencent.) Si vous refusez de m'entendre, je serai
donc réputé calom-
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour ! aux voix, l'ordre du jour! -
descend à la barre.
(Un mouvement de surprise agite l'Assemblée ; certains membres rient, d'autres murmurent.)
insiste et réclame la parole comme citoyen.
Plusieurs membres demandent qu'il soit censuré comme avilissant le caractère de représentant du peuple.
paraît à la tribune. Le calme se rétablit petit à petit.
Citoyens représentants, en voyant descendre à la barre un de mes collègues, le citoyen Barbaroux, je ne peux me dispenser de m'opposer à ce qu il soit entendu dans une attitude qui ne convient qu'à celui qui est accusé. Je lui demande d'abord s'il veut être pétitionnaire ; il oublie donc qu'il doit juger les pétitions et non les faire; s'il est accusateur, la barre n'est pas le lieu oû il doit se placer. S'il est accusateur il a les tribunaux ouverts, et je viens ici réclamer pour la patrie le temps précieux qu'il va employer pour dénoncer des individus qui ne sont pas la patrie, et qui, s'ils aimaient vraiment ses intérêts, cesseraient enfin de nous occuper d'eux-mêmes. Je réclame, au nom du bien public, que les passions individuelles disparaissent de nos délibérations pour faire place à la grande passion du bien public. (Applaudissements.) Ainsi je m'oppose à l'ordre du jour pur et simple, et, je demande qu'il soit motivé.
Que signifient, aux yeux d'un législateur politique, toutes ces accusations de dictature, d'ambition du pouvoir suprême, et les ridicules projets de triumvirat? Citoyens, ne donnons pas de l'importance à des hommes que l'Opinion générale saura, mieux que nous, remettre à leur place ; ne faisons pas des piédestaux à des pyg-mées.
Citoyens, s'il existait dans la République un homme né avec le génie de César, ou l'audace de Cromwell; un homme qui, avec le talent de Sylla, en aurait les dangereux moyens, je viendrais avec courage l'accuser devant vous; un tel homme pourrait être dangereux à la liberté. S'il existait ici quelque législateur d'un grand génie, d'un caractère profond ou d'une ambition vaste, je demanderais d'abord s'il a une armée à ses ordres, ou un trésor public à sa disposition, ou un grand parti dans un Sénat ou dans la République.
Et si de tels individus avaient laissé des traces de leur plan d'attenter aux droits du peuple ou à la majesté des lois, vous deviez les décréter d'accusation, comme des conspirateurs audacieux. Mais des hommes d'un jour, de petits entrepreneurs de révolution, des politiques qui n'entreront jamais dans le domaine de l'histoire, ne sont pas faits pour occuper le temps précieux que vous devez aux grands travaux dont le peuple vous a chargés. (Mêmes applaudissements.)
Pour accuser un homme d avoir visé à la dictature (car les calomnies, les excès personnels sont du ressort des tribunaux ordinaires), il faudrait lui supposer un caractère, du génie, de l'audace, et quelques grands succès politiques ou militaires.
Qu'un grand général, par exemple, ivre de ses succès, le front ceint de lauriers, et revenant au milieu de nous avec une armée victorieuse, vienne à la barre, comme l'a fait le perfide La-fayette, vienne, dis-je, pour commander aux législateurs, ou insulter aux droits du peuple, il faudrait sans doute appeler vos regards et la sévérité des lois sur cette tête coupable ; mais que vous fassiez ce terrible honneur à ceux dont les couronnes civiques sont mêlées de cyprès (Vifs applaudissements), voilà ce que je ne peux concevoir ; car ces hommes ont cessé d'être dangereux dans une République. On n'arrive pas ainsi au pouvoir suprême dans un pays libre qui doit élever le premier temple à l'humanité et aux lois. On ne marche pas aisément vers la dictature chez une nation qui a des représentants courageux et éclairés, et qui joint à des grandes lumières les avantages de la liberté de la presse, devant laquelle disparaissent tous les agitateurs, tous les intrigants, et toutes les réputations qui ne reposant pas sur des services désintéressés, et sur le véritable amour de la patrie.
Terminons enfin ces duels politiques, ces combats singuliers de la vanité et de la haine ; détruisons ces ferments tde discorde qu'une adroite politique a lancés au milieu de nous ; n'offrons plus à l'Europe attentive le triste spectacle des passions misérables qui dominent les hommes, et qui doivent être étrangères à des législateurs. Vous avez de; grands travaux à faire sur la sûreté générale, [sur les Colonies, sur l'instruction publique, sur la Constitution ; voilà ce qui doit attirer vos regards et votre sollicitude journalière. Je vous rappelle aux grands intérêts de la patrie, et je demande que l'Assemblée motive ainsi son décret :
« La Convention nationale, considérant qu'elle ne doit s'occuper que des intérêts de la République, passe à l'ordre du jour. » (Vifs applaudissements.)
demande à répondre à Barère.
Plusieurs membres insistent pour qu'on vote en seconde épreuve sur l'ordre du joui*.
(toujours à la barre). Je parais à la barre... (Murmures prolongés.)
Un membre : Il faut ordonner à Rarbaroux de rentrer dans la salle.
D'autres membres : Et il faut qu'il soit censuré pour avoir avili le caractère de représentant du peuple.
Mais avant de censurer Barbaroux, il faut l'entendre.
(de la Marne). La simple question à décider c'est de savoir si Barbaroux sera entendu, oui ou non ; si Barbaroux veut rester à la barre, on ne peut pas le forcer à rester dans l'Assemblée.
Je ne crois pas que vous deviez compromettre la dignité du peuple dans la personne d'un de ses représentants.
Un membre: Mais c'est lui-même qui le compromet.
Eh bien, vous ne devez pas le souffrir, vous ne devez point accorder la parole à un membre à la barre, et ie demande que Barbaroux reprenne sa place à la tribune.
J'observe que la démarche de Barbaroux n'est autre chose qu'un grand signal pour faire sentir à l'Assemblée qu'elle ne peut ainsi étouffer une discussion.
Je vous observe que l'Assemblée ayant décidé en première épreuve de passer a l'ordre du jour, la discussion est fermée.
Mais c'est un enfant mort-né
Sue votre discussion ; elle n'a pas été ouverte... n veut donc étouffer les plus grands crimes !
Je le dis avec douleur, mais je dois le dire parce que c'est une vérité, la petite manœuvre employée par Barbaroux pour obtenir la parole, ne mérite que notre pitié. (Applaudissements et murmures.) Vous avez rendu un décret...
Quelques membres: Non, non, il n'est pas rendu !
quitte la barre et reprend sa place de secrétaire.
Je vais donner une seconde lecture de la rédaction proposée par Barère :
« La Convention nationale, considérant qu'elle ne doit s'occuper que des intérêts de la République, passe à l'ordre du jour. » *
observe que cette rédaction, si elle était votée, serait une satire de l'Assemblée.
Je ne veux pas de votre ordre du jour, si vous y mettez un préambule qui m'est injurieux.
demandent que l'ordre du jour soit mis aux voix sans aucun préambule.
veulent qu'on aille aux voix par appel nominal. (Applaur aissements des tribunes.)
Il faut satisfaire tout le monde ; on demande d'un côté l'appel nominal sur la question de savoir si on doit passer à l'ordre du jour. Plusieurs membres. Oui ! oui ! Léonard Bourdon s'oppose à l'appel nominal: il observe que c'est perdre un temps précieux. (L'Assemblée est encore agitée ; plusieurs membres demandent à parler contre l'ordre du jour, d'autres veulent qu'il soit mis aux voix.)
Un membre : Si Robespierre était pur, il demanderait lui-même la parole pour ses adversaires.
Quinette prétend qu'on ne peut accorder la parole entre deux épreuves.
Plusieurs membres : Mais aucune épreuve encore n'a été faite.
Pardon, une première épreuve a déjà eu lieu et je vais procéder à la seconde.
(La Convention passe purement et simplement à l'ordre du jour.) (1) (Vifs applaudissements des tribunes.)
Je demande que le comité de législation fasse incessamment son rapport sur Marat.
Plusieurs membres appuient cette proposition. (Dans le tumulte où elle se trouve, la Convention ne prononce point.)
,au nom des comités de marine, de commerce, colonial et diplomatique
réunis, fait un rapport et présente un projet de décret (2)
« La Convention nationale, considérant qu'excepté toutefois les commissaires civils actuellement à Saint-Domingue, dont le patriotisme est reconnu, tous les commissaires, commandants militaires, administrateurs et autres fonctionnaires quelconques, employés jusqu'à ce jour aux colonies de l'Amérique, pour y propager le patriotisme et y faire exécuter les nouvelles lois, n'ont que trop secondé les intentions criminelles d'une Cour [perfide, en abusant des pouvoirs qui leur étaient confiés, et des forces remises à leur disposition, pour y maintenir la tyrannie et persécuter les véritables amis de la liberté et de l'égalité ; persuadée de l'importance de ces possessions françaises pour la richesse nationale ; convaincue qu'il n'y a pas de temps à perdre pour soustraire à la tyrannie les patriotes zélés, dont, surtout, les villes de ces îles sont peuplées, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. — Le ministre de la marine est
autorisé, d'après sa demande, à rappeler et remplacer ceux des
commissaires civils actuellement aux îles du Vent, ainsi que les
commandants militaires, administrateurs en chef, et tous autres
fonctionnaires employés aux îles du Vent et sous le Vent de l'Amérique,
dont le civisme pourrait être suspect.
c Art. Il fera passer aux îles du Vent trois bataillons de gardes nationales, de huit cents hommes chacun, et il fera armer, pour leur transport, des bâtiments nationaux, vaisseaux, frégates, corvettes ou gabarres.
« Art. 3. — Il ordonnera l'armement en guerre d'un vaisseau de 74 canons, qui, avec le vaisseau le Républicain, de 110 canons, déjà armé, sera destiné aux îles du Vent. Les vaisseaux seront accompagnés de quatre frégates ou corvettes.
« Art. 4. — La Convention nationale nommera elle-même, mais hors de son sein, quatre commissaires qui seront destinés, l'un pour Cayenne, et les trois autres pour les îles du Vent.
« Art. 5. Ces commissaires seront revêtus de tous les pouvoirs. Les commandants et officiers militaires de terre et de mer, les ordonnateurs et officiers d'administration, les corps administratifs et judiciaires, ainsi que toutes les assemblées délibérantes, soit générales, soit particulières, enfin tous les fonctionnaires pu-lics leur seront subordonnés; ils pourront destituer ceux qu'ils jugeront ne pas remplir dignement leurs places, ou qui se rendront coupables d'incivisme, et ils pourvoiront à leur remplacement.
« Art. 6. — Les commissaires départis aux îles du Vent, pourront, s'ils le jugent utile après leur mission remplie, passer a Saint-Domingue pour se réunir à ceux envoyés dans cette colonie, et ils pourront y emmener avec eux le nombre de bataillons de ligne ou de gardes nationales qu'ils estimeront nécessaire pour soutenir et protéger leurs opérations. »
(La Convention décrète l'impression de ce rapport ainsi que du projet de décret et ajourne la discussion de cette affaire au jeudi suivant.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine qui est ainsi conçue :
Au quartier général! de Mayence, le er novembre 1792
Citoyen président,
« Les différentes proclamations que sucessi-vement j'ai fait promulguer au nom de la République française, mes annonces aux soldats hessois, aux soldats germains ; mon discours à la société des amis ae la République le jour de son établissement, ont produit un tel effet sur l'opinion publique, que je crois pouvoir annoncer à la Convention nationale que bientôt elle en verra dés résultats incalculables.
« Il ne faut plus, pour les produire que la manifestation de la volonté nationale, pour affranchir tous les pays où les armes de la République française se porteront, de la dîme, des corvées, des droits qui n'auront pour base la cession du territoire, enfin, la volonté nationale de faire jouir les peuples des pays où nous porterons nos armes, des mêmes avantages dont jouissent aujourd'hui les Français. Je ne peux que les faire espérer. C'est à la Convention seule qu'appartient le droit d'en faire jouir les peuples. C est à des commissaires pris dans son sein à proclamer dans les pays que conquerront nos armes, ce grand bienfait.
Citoyen président, je vois arriver de quarante et cinquante lieues des estafettes envoyées par les princes de l'Empire, par les Etats, par es villes libres, réclamer la protection de la République française. (Vifs applaudissements.) La grande discipline de l'armée à laquelle je commande, son courage froid et imposant annoncent à l'Allemagne ce que peut la liberté ; apprennent aux despotes combien étaient calomnieux les exposés mensongers de nos émigrés sur le bouleversement et l'anarchie qu'ils prétendaient régner dans le militaire français. (Applaudissements).
« Persuadé dès longtemps que l'opinion seule peut faire les révolutions, mon intention sera toujours portée pour la discipline que j'entretiendrai dans l'armée de la République, aont le commandement me sera confie ; tour à tour, et avec un égal zèle, j'emploierai ma plume et mon épée pour arriver au but que je me propose. Je suis secondé, avec un zèle infatigable, par les deux premiers coopérateurs, que je me suis choisis, et surtout par le professeur Bohemer, dont l'éloquence ajoute beaucoup dans ses traductions, aux proclamations et aux annonces que je fais pour être insérées dans les gazettes allemandes.
» Les soldats des despotes qui naguère voulaient conquérir la France, ne pourront rentrer dans leurs foyers sans lire nos proclamations, sans les entendre de la voix de ces serfs opprimés par l'injustice et la barbarie : elles circulent aujourd'hui dans toute la Hesse, dans tous les pays qui se trouvent renfermés entre le Rhin et le Mein; et si les lenteurs, résultats delà basse jalousie de Kellermann, n'avaient pas ralenti sa marche; si sa lâcheté n'avait pas été un obstacle à la vive poursuite qu'il devait faire de nos ennemis, Coblentz et Hersmanstein, soumis aux armes de la République, donneraient la facilité de répandre aujourd hui ces écrits dans toute la Westphalie.
« Citoyen président, qu'il me soit permis de faire quelques réflexions sur la demande que je forme à la Convention nationale. Je désirerais, pour éviter les désordres, pour faciliter la rentrée des contributions, que le décret qui abolit
la dîme, la corvée, les droits seigneuriaux qui n'auront point pour base la cession du territoire, n'eussent leur effet qu'à dater du 1er janvier 1793. Cette mesure, adoptee de la part de la Convention nationale, maintiendra l ordre dans les pays où sont les armées de la République et ce serait un avantage incalculable pour nos succès. C'est comme un des agents du pouvoir de la République que je me permets cette réflexion ; et d après le décret qui donne aux agents du pouvoir exécutif le droit de demander les lois utiles aux administrations dont ils sont chargés, le général des armées de la République jusqu'à ce qu'elle ait nommé les agents du pouvoir exécutif national dans ses conquêtes, j'en exerce provisoirement les fonctions. Je prie la Convention nationale de ne voir dans cette démarche qu'une preuve de mon zèle pour la gloire de la République ; ma seule passion sera toujours de contribuer à la gloire de mon pays. Je laisse à ces hommes, dont l'irréflexion annonce assez l'incapacité, l'ivresse du pouvoir, le désir d'usurper celui "qu'ils sont si peu dignes d'exercer. Mon respect pour les lois de mon pays se manifestera toujours dans toutes mes actions. Le beau titre de citoyen français, lorsque la République aura confondu les vains projets des despotes conjurés, sera le seul dont je pourrai m'énor-gueillir.
« Signé : custine. »»
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, qui renferme la copie de celle qui lui a été adressée de Mayence par le général Custine.
Suit la teneur de ces deux lettres :
Le ministre de la guerre au président de la Convention.
« Paris, le
« J'adresse à la Convention nationale l'extrait d'une dépêche du général Custine, datée de Mayence, le lep de ce moiB, que je viens de recevoir.
« Signé : Pache. »
Extrait d'une lettre écrite par le général Custine au ministre de la guerre.
« Au quartier général de Mayence, le ^'novembre 1792, l'an Ier de la République,
« Citoyen ministre, la multiplicité d'affaires qui se succèdent avec une telle rapidité, que mon temps est entraîné par elles sans qu'il me reste un instant dans les vingt-quatre heures, m'ont empêché de vous rendre compte de la suite de mes opérations en Franconie. Après m'être établi à Francfort, en avoir fixé les contributions, j'ai posté un détachement composé d'infanterie et de cavalerie, aux ordres du colonel Houchard, qui a pénétré jusqu'auprès de Giessen, a établi des contributions sur les princes de la maison de Nassau, et les riches abbayes qui avaient montré de l'attachement à la cause des émigrés. (Applaudissements.)
« Il a appris que le Landgrave de Hesse-Darmstadt était enfermé dans Giessen avec à peu près 3,000 hommes de ses troupes. Il a attaqué un détachement hessois, auquel il a fait 128 prisonniers dont 3 officiers. (Applaudissements.)
« Si les troupes de la République étaient en-
trées dans le vallon de la Moselle, il n'est pas à calculer jusqu'où auraient pu être portés nos succès, etc.
« Pour extrait conforme : le ministre de la guerre,
« Signé : Pache. »
Vous l'avez entendu, citoyens, les succès rapides des armes de la République française font connaître partout la majesté de vos principes et en propagent l'influence. Pourriez-vous souiller de si magnifiques succès par de petites querelles? Non; c'est au contraire ici le moment d'oublier pour toujours tout intérêt personnel. (Applaudissements.)
Telle est la majesté de la Révolution que successivement, et tour à tour, vous la verrez précipiter dans la boue tous ceux qui voudraient en profiter pour leur avantage particulier. Qu'ils disparaissent, ces ambitieux, en même temps que tous les soupçons et les défiances ! Je ne ferai plus qu'une réflexion, c'est que tandis que nos principes se font respecter au loin, il importe que nous mettions un tempérament à ce caractère d'impétuosité qui, s'il donne la victoire aux soldats, apporterait une llangueur mortelle dans le sanctuaire des lois. Je demande, en conséquence, que nous portions tous nos soins à maintenir l'ordre dans nos délibérations, et que, pour y parvenir, nous observions avec la plus scrupuleuse exactitude notre règlement. (Applaudissements. )
annonce que dans le rapport que feront les trois commissaires envoyés à l'armée du Rhin, on trouvera une réponse victorieuse à la dénonciation de Custine contre Kellermann.
(La Convention renvoie aux comités diplomatique et de législation réunis, la demande du général Custine, relativement à la suppression des dîmes^et des droits féodaux dans les pays conquis.)
, secrétaire, donne lecture des pièces suivantes :
1° Lettre du régisseur national de Venregistre-ment et des domaines, qui fait passer divers mémoires.
(La Convention renvoie ces mémoires au Comité des domaines.)
2° Pétition du citoyen Pain, imprimeur, pour annoncer qu'il a fait lia découverte d'un moyen par lequeL en un quart-d'heure, des enfants" de dix à douze ans peuvent faire le double d'ouvrage des ouvriers d'imprimerie, composant par les procédés en usage.
(La Convention renvoie la pétition au Comité d'Instruction publique.)
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
a la séance de la convention nationales du
Au nom de la République.
Proclamation des commissaires de la Convention nationale dans le département de l'Yonne, aux citoyens de la ville de Sens.
Citoyens,
Votre patriotisme est pur, votre sagesse doit l'égaler. Observez les lois, laissez circuler les subsistances, le salut de la République en dépend; vous la trahiriez si vous y mettiez le moindre obstacle. L'insurrection est un devoir contre le despotisme ; elle est un crime contre la liberté. La tyrannie n'est plus, la nation ne souffrira pas qu'elle renaisse par l'anarchie. Quelle illusion vous a séduits ! Vous voulez vous assurer des grains et vous en arrêtez la circulation ; ce serait le moyen de vous voir bientôt vous-mêmes réduits à la disette : la contrainte fait fuir les vendeurs, vos marchés seraient déserts, les denrées prendraient d'autres routes et vous éprouveriez les horreurs de la famine par les fausses mesures que vous auriez prises pour l'éviter. Depuis que la royauté est abolie, nous ne sommes plus qu'une seule famille : les communications intérieures des subsistances doivent être libres comme l'air, elles se porteront d'elles-mêmes dans tous les lieux où le vide se fait sentir et où le besoin les appelle, pourvu que d'imprudentes manœuvres ne les écartent pas. Le blé ne passera pas chez vous pour aller plus loin, si vous en donnez le prix proportionné aux légitimes espérances du commerce.
Pourquoi ne prendriez-vous pas les mêmes soins pour vous en procurer près de vous, que les villes plus éloignées qui en font venir de votre voisinage ? Paver loyalement et sans taxe arbitraire, les marchands vous serviront avec zèle et fidélité ; ils vous le passeront plutôt à un prix un peu moindre à raison des moindres frais que leur coûterait le transport ; mais l'arbitraire les éloigne et ils préfèrent d'aller à une plus grande distance pour un profit plus assuré. Voyez, citoyens, où en serait la patrie sans la libre circulation des subsistances! Que deviendraient nos armées, si chaque département où passent les convois qui les alimentent se permettait de les saisir? Quel serait le sort des cantons de la République où les grains manquent, si on arrêtait ceux qu'on y transporte pour en nourrir les habitants ? Les grains sont chers, dites-vous, et nous en manquons nous-mêmes ; mais les arrestations illégales les feront renchérir encore; et vous finirez par n'en plus avoir du tout, si les concitoyens des autres lieux s'avisaient comme vous d'en arrêter le cours. Vous auriez quinze jours l'abondance par la force et six|mois la famine par la fuite du commerce dont vous seriez l'épouvante. Liberté ! liberté ! Dans une grande République de frères, la vie en dépend comme le bonheur. Il vous faut du pain; vous en aurez. Le prix est excessif,
vos vignes qui sont votre ressource ont manqué, vous êtes dans la détresse, la caisse municipale est vide, la patrie va venir à votre secours; les décrets qui assurent votre subsistance sont portés ; les fonds qui doivent y pourvoir sont prêts ; la portion qui vous en est due ne vous manquera pas; elle suffira pour donner du travail fructueux aux citoyens valides et le nécessaire aux malades indigents. La patrie vous porte tous dans son cœur, mais soyez-lui fidèles et maintenez ses lois.
On se récrie beaucoup sur les accaparements des denrées de nécessité première : ce serait assurément un grand crime; mais se commet-il et peut-il se commettre avec impunité, sous l'œil vigilant de la patrie ? Appelez-vous accaparements les petites provisions qu'en font les vendeurs pour les faire circuler ensuite par un commerce nécessaire ? Appelez-vous accaparements les quantités plus grandes qui se transportent pour les besoins des départements et des armées ? Citoyens, il faut vous dire des vérités sévères ; vous êtes dignes de les entendre : vous êtes des amis de la liberté ; nous avons le droit de vous le dire : nous parlons au nom de la nation, et les républicains ne fardent point leur langage. Les accapareurs sont ceux qui arrêtent la circulation, et qui voudraient concentrer dans leur ville les spéculations du commerce ou.les envois du gouvernement. Les accapareurs sont ceux qui s'opposent au libre cours des subsistances, et qui occasionneraient mille disettes locales, s'ils avaient beaucoup [d'imitateurs. Les accapareurs les plus injustes et les plus coupables sont ceux qui n'ont point recueilli, qui ne sont pas allé acheter, qui n'ont pris aucun soin pour se procurer, par un libre commerce, les denrées nécessaires, et qui les saisissent avec violence. Loin de vous, généreux zélateurs de l'égalité, de la République et de ses saintes lois, une si cruelle erreur! Vous devez en être incapables. De longues défiances, de justes alarmes ont agité vos esprits. La Convention nationale vous apporte le calme et la sécurité qui sont l'objet de vos vœux. Le renouvellement de toutes les administrations est décrété. Vous conserverez ceux de vos administrateurs en qui repose toute votre confiance; vous remplacerez les autres. Vos choix faits sous des auspices plus favorables ne tomberont que sur des patriotes purs, dont la surveillance attentive calmera toutes vos craintes. Ce département, cette ville qui ont donné tant de preuves de civisme, dans la grande cause de la liberté, soutiendront leur gloire. Tandis que vos braves volontaires feront triompher la République aux extrémités de l'Empire, vous ferez régner la douce paix dans votre enceinte; et loin de mériter la désapprobation de vos frères, et l'ani-madversion des lois, vous obtiendrez l'affection générale, et vous serez tous heureux du bonheur de la patrie.
A Sens, le er de la République française. Les
commissaires de la Convention nationale, dans le département de l'Yonne,
Signé : Claude Fauchet; J.-S. Rovère.
Signé : Pacquet-GÉRY, secrétaire de la commission.
a la séance de la convention nationale du
A Maximilien Robespierre et à ses royalistes, par Jean-Baptiste Louvet, député de France à la Convention par le Loiret (2).
Il avait achevé sa lecture, et comme il venait de quitter la tribune, on m'y voyait déjà (3). Je m'opposais à l'ordre du jour vivement réclamé par ses amis qui, rassurés dans les ténèbres de la réponse, craignaient le grand jour de la réplique; et par une partie de l'Assemblée, qui croyait l'usurpateur assez puni d'un hors de cour. D'autres pensaient avec moi, qu'il était utile et nécessaire, à quelque mesure de modération qu'on voulût se borner ensuite, de combattre l'accusé sur les faibles remparts qu'il s'était péniblement élevés, de le surprendre au milieu de ses contradictions, de le saisir sur ses aveux indirectement échappés, de l'accabler du poids de sa pitoyable défense, de rétablir les faits qu'il avait insidieusement dénaturés, de le ramener sur ceux dont il n'avait décliné l'imposant témoignage que par de3 réponses évasives, de prouver que partout où il s'était hasardé à récriminer, il s'était constitué calomniateur; que partout où il avait osé nier, il avait osé mentir.
Cependant l'ordre du jour emporté dans le bruit, excitait de vives réclamations; j'avais demandé la parole contre le président, il fallait m'entendre ou se déterminer à une seconde épreuve. Ce fut alors qu'un membre, apparemment animé d'un sentiment tout autre que celui d'une vaine curiosité, demanda qu'on fit proclamer les noms inscrits sur la liste de la parole. Il n'était pas en effet inutile de savoir d'une part, quelle phalange d'alliés invincibles environnait l'accusateur dans sa marche plus ferme, et de l'autre, qu'elle était la bande exiguë de timides auxiliaires, à la tête desquels l'accusé se traînait chancelant.
On vit pour Robespierre, Saint-Just, Garnier, et si l'on ne m'a pas trompé, Manuel. Manuel !
qu'il y soit donc, puisqu'il y veut être ; mais j'aime à croire qu'il n'y restera pas longtemps. Contre Robespierre, on vit Gheniér, Faure, Birot-teau, Buzot, Barbaroux, et sur lui Barère, Launay (d'Angers), Lehardy, Bailleul, Pétion ; Pétion dont on accusait l'ancien ami, le compagnon jadis inséparable, et qui demandant à parler, annonçait qu'il ne parlerait pas pour. Ce fut un nouveau trait de lumière qui fit au hors de cour de nombreux prosélytes, dans cette assemblée, où la majorité parut craindre que des preuves plus irrésistibles, sortant d'une discussion contradictoire, ne forçassent contre le dictateur un décret sévèrement juste, que le grand nombre jugeait inutile, que quelques-uns croyaient dangereux.
Mais Barbaroux, qui ne voit de danger nulle part, si ce n'est dans les déterminations faibles, au milieu des circonstances fortes, Barbaroux devenu volontairement simple citoyen, venait de descendre à la barre, d'où il voulait articuler et d'où il offrait de signer sa dénonciation. C'était, comme Lanjuinais l'observait très bien, un grand signal par lequel la Convention était avertie qu'un dernier combat entre les défenseurs des droits du peuple, et ses faux amis, devenait inévitable. Cependant Barère se décide pour l'ordre du jour, et voici comme il le motive; je rapporte exactement ses expressions :
« Je réclame, au nom du bien public que les passions individuelles disparaissent de nos déli-érations, pour faire place à la grande passion du bien public.
« Que signifient aux yeux d'un législateur politique, toutes ces accusations de dictature, d'ambition du pouvoir suprême, et les ridicules projets de triumvirat? Citoyens, ne donnons pas de l'importance à des hommes que l'opinion générale saura, mieux que nous, remettre à leur place; ne faisons pas des piédestaux à des pyg-mées.
« Citoyens, s'il existait dans la République un homme né avec le génie de César, ou l'audace de Cromwel; un homme qui, avec le talent de Sylla, en aurait les dangereux moyens, je viendrais avec courage l'accuser devant vous; un tel homme pourrait être dangereux à la liberté. S'il existait ici quelque législateur d'un grand génie, d'un caractère profond, ou d'une ambition vaste, je demanderais d'abord s'il a une armée à ses ordres, ou un trésor public à sa disposition, ou un grand parti dans le Sénat ou dans la République.
« Et si de tels individus avaient laissé des traces de leur plan d'attenter aux droits du peuple ou à la majesté des lois, vous devriez les décréter d'accusation, comme des conspirateurs audacieux. Mais des hommes d'un jour, de petits entrepreneurs de révolution, des politiques qui n'entreront jamais dans le domaine de l'histoire, ne sont pas faits pour occuper le temps précieux que vous devez aux grands travaux dont le peuple vous a chargés.
Pour accuser un homme d'avoir visé à la dictature (car les calomnies, les excès personnels sont du ressort des tribunaux ordinaires), il faudrait lui supposer un caractère, du génie, de l'audace, et quelques grands succès politiques ou militaires.
« Qu'un grand général, par exemple, ivre de ses suCcès, le front ceint de lauriers, et revenant au milieu de nous avec une armée victorieuse, vienne à la barre, comme l'a fait le perfide La-fayette, vienne, dis-je, pour commander aux toislateurs, ou insulter aux droits du peuple, il
faudrait sans doute appeler vos regards et la sévérité des lois sur cette tête coupable ; mais que vous fassiez ce terrible honneur à ceux dont les couronnes civiques sont mêlées de cyprès, voilà ce que je ne peux concevoir; car ces hommes ont cessé d'être dangereux dans une République. On n'arrive pas ainsi au pouvoir suprême dans un pays libre, etc. »
Certes, on pouvait, en accordant à Barère plusieurs de ses propositions, lui contester les autres avec avantage. Il était aisé de lui démontrer qu'il y avait injustice à la fois et légèreté à faire entendre que ceux-là «'abandonnaient à des passions individuelles qui venaient, à travers quelques périls, accuser d'audacieux conjurés: il était aisé de lui démontrer que des projets d'usurpation, qui avaient eu quelque passager succès, ne devaient pas être qualifiés seulement ridicules : qu'il n'était pas sûr que des calomnies, auxquelles d'odieuses circonstances donnaient un affreux caractère de proscription, appartinssent aux tribunaux ordinaires; qu'enfin, parmi les grands travaux dont le peuple nous avait chargés, nous devions aussi compter l'obligation de punir les conspirateurs, sans nous arrêter à l'examen calculé de leurs moyens personnels. Mais les considérations de Barère ralliaient le grand nombre ; et ce qui est digne de remarque, les deux ou trois défenseurs de Robespierre s'en contentaient; vainement quelques^impartiaux observaient-ils à celui-ci qu'un hors dé cour, déterminé par de semblables motifs, équivalait à condamnation; que s'il était innocent, il devait demander, prier, supplier qu'on n'étouffât pas la voix de ceux qui persistaient à le soutenir coupablc; vainement je le lui criais moi-même. L'accusé n'entendait pas, parce qu'il ne voulait pas entendre. Ses amis et lui s'estimaient trop heureux d'obtenir cet ordre du jour.
La Convention nationale y a passé; puisse-t-elle n'avoir jamais à s'en repentir!
Non que je ne pense avec la majorité, que, nul par lui-même, cet homme a cessé d'être un ennemi bien redoutable, le jour où son masque de vertu lui a été arraché. Mais tous les factieux qui se tenaient cachés derrière lui, sont-ils autant à mépriser? Mais son parti ne doit-il pas naturellement se recruter sans cesse de tous ces petits hommes qui, peu sensibles au bonheur de préparer à leur pays d'éternelles prospérités, ne voient dans un changement de gouvernement, qu'une occasion favorable de travailler à leur élévation propre? Mais qui me garantit que, dans cette république naissante, où je vois un ci-de-vant prince au Sénat, et dans l'une de nos armées victorieuses, ses enfants déjà couverts de lauriers, il ne se prépare pas quelque audacieux protecteur qui, faisant en secret et pour quelque temps cause commune avec de faux républicains popularisés n'importe comment, pourrait causer de vives inquiétudes aux hommes vraiment libres, prêts a la mort, plutôt qu'au joug de la royauté rétablie, de quelque nom qu'elle se couvre? Et le législateur doit-il, en de telles circonstances, laisser quelque chose au hasard? Les ambitieux, auxquels tous les moyens de parvenir sont bons, n'ont-ils pas toujours un prodigieux avantage sur les gens de bien qui ne savent opposer qu'une résistance légale, tant qu'il ne leur est pas démontré qu'on ne peut autrement se dérober à l'oppression? Pour songer à traverser les desseins des méchants, faut-il donc attendre qu'ils aient le pouvoir de les exécuter? Quand
ils auront des armées et des trésors, sera-t-il temps de les arrêter? Et n'est-ce pas d'ailleurs un dangereux exemple à laisser à nos enfants, que celui des principes sacrifiés aux-considéra-tions.'sur le berceau même de la République.
Certes, en te dénonçant à la France entière devant ses représentants, Robespierre, je pense avoir fait mon devoir; mais je ne croirai l'avoir tout à fait rempli, qu'après que j'aurais démontré que, dans ta prétendue réponse, tu ne m'as pas répondu; car le meilleur moyen de déjouer ies complots liberticides qu'une faction prépare, est de prouver ceux qu'elle a déjà lentés; et ce n'est peut-être qu'en achevant de te bien signaler, toi et quelques-uns des faux républicains qui osaient se produire à tes côtés, que je puis espérer de retarder dans leur marche perlide, les usurpateurs plus habiles et plus redoutables, qui savent attendre pour se montrer.
Au reste, je dois commencer par observer que ton discours est surtout remarquable par cette espèce d'adresse naturelle à tout coupable dénoncé, plus naturelle à toi qui, depuis un an, pour le seul intérêt de ta grandeur, faisant métier de poursuivre de tes mensonges tout ce qu'il y a de purs patriotes, devais à plus forte raison, pour l'intérêt de ton salut, attaquer les intentions de celui qui demandait justice contre toi pour le peuple français : je veux parler des artificieux efforts que tu fais pour me décrier; et cela, je le déclare, car je n'ai pas plus le désir que le besoin de te chercher de nouveaux torts; et cela moins pour céder à l'habitude que tu as contractée de persécuter toujours quelqu'un, que par l'étrange nécessité où tu te trouves réduit de te défendre enfin toi qui ne cessais d'attaquer; et cela, moins dans l'espoir de perdre l'accusateur, que dans le dessein de tâcher de sauver l'accusé. Assurément quelques récriminations ne sont ici qu'une misérable ressource ; je dois néanmoins te l'enlever. Je le dois, non pour moi, non pour ceux que tu appelles mes amis, car ils sont venus ces jours de justice où tes calomnies et les calomnies des tiens sont le plus bel éloge de l'homme qui se les attire ; je le dois, pour 1 intérêt d'une querelle qui n'est pas la mienne, puisqu'elle appartient, quoi qu'on en puisse dire, à la nation tout entière à qui vous osiez réserver votre joug, votre joug moins insupportable encore par sa pesanteur que par son ignominie.
Si l'on en croit tes insinuations perfides, je suis ton ennemi. Certes, je pourrais l'être. Vingt fois tu m'as calomnié, persécuté, proscrit.
J'atteste cependant la liberté, dont le nom est sur tes lèvres, dont l'amour est dans mon cœur, qu'à la vérité je suis tourmenté du ressentiment des irréparables torts que tu as faits, que tu as voulu faire, que tu veux faire encore à mon pays, mais qu'aucun désir de vengeance personnelle ne m'anime contre toi. Je dirai plus, Robespierre, il m'en a coûté de me désabuser et de te combattre. Je t'ai longtemps aimé, longtemps j'ai voulu te garder mon estime. Tu étais, aux derniers jours de l'Assemblée constituante, l'un des sept ou huit hommes dont j'eusse voulu répondre. Cruel, comme tu m'as trompé! Combien il a fallu que lu devinsses coupable, pour me forcer à te haïr! Qu'ai-je dit? Je ne te hais pas : je hais tes crimes. Ce n'est pas Robespierre que je poursuis, c'est son ambition présomptueuse, sa domination insolente ; ce sont tous les projets de sa tyrannie. Traître, je t'ai vu t'efforçaut encore de précipiter vers sa ruine ce Paris trop aveuglé sur tes vertus trompeuses, ce Paris dont
il t'importe fort peu de faire un désert, pourvu que le signal de ton règne y soit donné; ce Paris d'où vous jetez journellement sur tous les points de la République, les brandons de la guerre civile que vous voulez allumer, barbares, mais que nous étoufferons de nos mains courageuses, dussions-nous en être consumés !
Quelques-uns de tes partisans affectent, au contraire, de répéter que je me suis montré le commode instrument de l'inimitié que d'autres te portent. Mais, dis-moi, quelle récompense assez brillante imagineras-tu qu'on m'ait promise, pour me déterminer à me commettre avec les tiens? Car, enfin, je vous connaissais tous; et presque seul je me suis hasardé dans cette périlleuse carrière où je brave, en frappant les principaux chefs, une foule de conjurés, à la barbarie desquels l'expérience de septembre m'a trop appris que les moyens les moins légitimes et les plus violents ne répugnent pas. Eh! qui ne voit qu'en de telles conjonctures un homme à qui d'ailleurs tu ne refuses pas apparemment quelque sens commun, ne peut être déterminé que par la plus belle, la plus grande des passions, le saint amour de la patrie. Mais tu t'écries que la dénonciation était préparée. Oui, sans doute, et depuis longtemps ; cependant je te l'épargnais. Barbaroux venait d'arriver et te dénonçait; ce jour-là je voulus fermer les yeux sur le passé, entrevoir un meilleur avenir, je voulus espérer de toi et je me tus. Mais presque aussitôt je te vis renouer tes infâmes intrigues et devant la Convention même poursuivre tes forfaits. Alors, je repris mon indignation, mon couraee, ma haine!... Cependant je gardais encore un silence déjà coupable, sans doute ; mais voilà que toi-même, crois-tu qu'on ait pu déjà l'oublier?... pousse ta mauvaise destinée... que sais-je?par un de ces arrêts d'en haut qui veulent que de temps en temps les grands coupables courent d'eux-mêmes à leur perte, tu te jettes insolemment dans l'arène. Ton audacieuse imprudence appelle un accusateur; ton superbe orgueil défie qui que ce soit de se montrer! Je me montre, le combat s'engage; Robespierre, c'était toi qui l'avais provoqué, ce fut toi qui ne voulus pas qu'il s'achevât. Voyons, au reste, ce que sur le fond tu as dis pour ta défense.
Je t'ai accusé d'avoir avili l'Assemblée législative. A cela tu réponds par des phrases; tu réponds qu'on ne peut pas l'avilir. Mais, quand on décrie ses actes, quand on méprise ses lois, quand on attaque ses membres les plus connus? Tu dis que le peuple avait respecté les membres les plus décriés du Corps législatif, et tu n'as pas osé imprimer ce qui concerne Jouneau, dont tu avais pourtant parlé à la tribune. Tu ne l'as pas osé, parce qu'avant que ton discours fût imprimé, Cambon t'avait pleinement réfuté sur ce point. Voilà ce qu'il en a dit à la Convention, dans la séance du 10novembre; « Ces agitateurs nous calomniaient, et le Corps législatif n'osait parler. Ce ne fut que par un reste de courage, qu'il s'opposa à la dissolution de ses comités, et au pillage au Trésor public : nous avons vu venir ici, le dirai-je? des hommes couverts de sang. Ils nous ramenaient un de nos collègues couvert d'un décret d'inviolabilité. Mais ils nous commandèrent de le juger dans la journée; sans quoi le peuple souverain ferait justice. »
On ne peut pas l'avilir! Mais quand on tient les barrières fermées, quoi qu'il eût décrété qu'elles seraient ouvertes. Mais quand on veut lui arracher des décrets par la menace du toc-
sin! Tu me réponds : Lacroix sans doute s'est trompé. Et à l'appui de cette timide dénégation, tu ajoutes dans une note ce hardi mensonge, que plusieurs membres se sont levés pour attester ton récit. 11 ne s'en est levé qu'un, Renaud. Et j'ai pour moi le témoignage de trente, qui, le jour que je te fis cette inculpation, s'en portèrent garants avec Lacroix.
Je t'ai accusé d'avoir, à compter du mois de janvier dernier, exercé aux Jacobins le plus intolérable despotisme, et de t'y être mis a la tête d'une poignée de faux patriotes qui sont parvenus à décomposer cette société, et qui ont perverti son institution, au point de la rendre méconnaissable.
Tu ne répônds à cela, qu'en demandant ce que c'est que le despotisme d'opinion dans une société de 1,300 citoyens, qui ne sont plus, à beaucoup près 1,500, Robespierre, à moins que ta faction ne se soit promptement recrutée de tous les admirateurs de Marat; qui ne sont plus 1,500, ou qui ne sont plus les anciens Jacobins, parce que tu les as lassés, maltraités, chassés par tous les moyens de la plus vile tactique. Tu n'oses demander ce que c'est que le despotisme d'opinion? Je l'expliquerai et même j'essaierai de rendre comment tu l'exerçais avec les tiens; je l'essaierai pour l'instruction de ceux qui n'ont pas eu la douleur de le voir.
Les tiens, qui, n'étant pas membres de l'Assemblée législative, pouvaient ne s'occuper que de la société, arrivaient de bonne heure, et se retiraient les derniers : ils avaient soin de se diviser par pelotons dans toutes les parties de la salle.
Presque Seuls au commencement de la séance, la rédaction du procès-verbal leur appartenait ; ils le corrigeaient selon leurs vues. L'ordre du jour, tant qu'il y en eut un, et après nos discussions sur la guerre il n'y en eut presque jamais; l'ordre du jour étant venu, vous étiez les maîtres de la tribune, car vous aviez pu vous faire inscrire les premiers si ce n'est dans les jours de votre domination complète, où sans être inscrits, vous vous empariez ae la parole. L'ordre du jour n'était pour vous qu'un prétexte dont vous aviez encore besoin pour prononcer de longs discours, où vous traitiez tout, excepté l'objet à discuter. Des choses, vous n'en parliez pas ; vous nous entreteniez continuellement des personnes : des bons ministres pour les censurer, des bons députés pour les dénoncer, des bons décrets pour les critiquer ; de vos partisans pour les populariser, de vos tribunes pour les flagorner, et de Robespierre surtout, du vertueux, du grand Robespierre pour le faire adorer.
Et quiconque parlait ainsi, bien sûr de reparler quand il lui plairait, trouvait dans chaque partie de la salle des mains complaisantes qui réglaient la dose de leurs applaudissements sur celle de flatteries prodiguées au peuple et à l'idole. Quant à toi, Robespierre, d'abord sous mille différents prétextes, et bientôt par le seul effet de ta volonté souveraine, tu parlais tous les jours, et chaque jour plus que les membres de la société tous ensemble. Tu parlais, de quoi? Contre qui? Contre la cour? Quelquefois, contre Lafayette? Assez souvent, mais sans aucun relâche, et sans nulle mesure contre la philosophie et les philosophes, contre le côté gauche de l'Assemblée, contre tous les républicains recom-mandables par des Vertus et des talents. Et les compères, distribués comme je l'ai dit sur tous lés points de la salle, commençaient à jouer des
mains, et se renvoyaient le signal; et ton peuple, car tu as ton peuple comme il avait son armée, ce Lafayette, qu'il fallait bien, pour ton intérêt propre, que tu pouruivisses, puisque lui aussi était une idole, et que les idoles de secte opposée ne se souffrent point : ton peuple que tu avais tellement accoutumé aux dénonciations violentes, que, quand on ne déchirait personne, il n'écoutait plus, à moins qu'on ne fit ton apothéose; ton peuple applaudissait avec transport. Mais, lorsque tu arrivais à l'intéressant chapitre, celui que tu n'oubliais jamais, l'éternel chapitre de tes mérites, de tes perfections, de tes vertus, lorsque pendant des heures entières tu faisais de toi-même de si pompeux éloges que maladroitement tu ne laissais presque rien à dire à quiconque devait te succéder à la tribune pour le même objet, alors ce n'étaient plus des applaudissements, c'étaient des trépignements con-vulsifs, c'était un enthousiasme religieux, c'était une sainte fureur.
Et malheur à quiconque, en ce cas, n'appartenant pas à ta faction, obtenait par hasard la parole. S'il était un député connu, s'il avait quelque réputation, s'il devenait impossible qu'on refusât de l'entendre enfin, les tiens commençaient par de sourds murmures, on se passait à l'oreille d'astucieuses confidences contre lui, on n'oubliait aucune insinuation perfide; pour décrire ses opinions on décriait sa personne, on calomniait jusqu'à ses intentions. Et dès qu'09 croyait les esprits suffisamment préparés, on murmurait tout haut, on interrompait à chaque phrase; si même il le fallait, ôn essayait les huées, et force était qu'il n'achevât pas son opinion. Si par hasard il avait dit : Ayons donc un ordre au jour, occupons-nous des choses, laissons les personnes, c'était un feuillant. S'il avait entrepris de défendre le côté gauche de l'Assemblée, c'était un intrigant. S'il n'avait pas craint de repousser les calomnies dirigées contre de vrais républicains, c'était un traître. S'il avait osé dire : n'idolâtrons point un homme; c'était un ennemi public, l'ennemi de Robespierre, l'ennemi du peuple. Et les pelotons de compères montraient les poings, les bâtons à sabre! Et les dévotes des deux bouts paraissaient prêtes à se précipiter du haut des tribunes sûr l'impie. Et s'il lui restait encore assez de courage pour essayer de parler un autre jour, la chose devenait impossible, car on l'avait noté.
Toi, cependant, Robespierre, dans les moments de relâche où ta langue se reposait, ton corps en travail faisait représentation. Tu m'as répondu qu'à la Commune tu t'étais avancé vers le bureau pour la vérification de tes pouvoirs. Je ne t'accusais pas de t'y être avancé, mais d'y être resté. Pourquoi ? Parce qu'aux Jacobins tu affectais le même privilège. Lors même que tu n'étais ni président, ni secrétaire, tu restais en évidence, assis au bureau. Tu restais complai-samment exposé à la contemplation de ton peuple. De là tu te livrais à mille et mille mouvements que, dans le franc parler des républicains, on doit dénommer contorsions et grimaces, qu'un freluquet eût qualifié des mines, mais que les idolâtres appelaient sûrement tes grâces. De là tes yeux, toujours mobiles, parcouraient toute l'étendue de la salle; de là tu. encourageais les tiens d'un regard bénévole, tu réprimais les nôtres d'un regard de fureur. De là tu sollicitais l'attention, les secours, les hommages des tribunes; de là tu récompensais d'un coup d'œil les dévots, et les adoratrices d'un
coup de lorgnette. De là tu faisais passer tes ordres par tes aides de camp, qu'on voyait constamment voltiger du centre sur les ailes, et, dans les occasions majeures, changeant vingt fois de place en vingt minutes, parcourir tous les rangs. De là tu ne craignais pas d'indiquer du geste ceux qu'il convenait de laisser parler, ceux dont il fallait forcer le silence; et même on t'a vu quelquefois ordonner au président qu'il eût à mettre ou à ne pas mettre aux voix.
Faut-il, dans la foule des exemples, en citer quelques-uns, ie citerai ce que les tiens se permirent contre Millin (de Grandmaison) qui, pour avoir fait dans la Chronique un article où il se moquait des petitesses au grand homme, fut attaqué dans la salle même, outrageusement poussé dehors, et là serré de près par ce qu'il appelle les menaces de Robespierre.
Je me citerai moi, qui, certain dimanche, qu'un courageux député t'ayant pressé de te rétracter sur son compte, ou de te reconnaître calomniateur, tu n'avais trouvé d'autre ressource que d'aller à la tribune, les yeux levés au ciel, et, du ton le plus hypocrite, invoquer Dieu et flagorner la Providence; moi, dis-je, qui, pour avoir voulu faire une motion d'ordre, par laquelle je comptais tout bonnement te rappeler du ciel à ta conscience, et de la providence à tes calomnies ; pour avoir voulu faire cette motion d'ordre, dont prudemment tu ne permis pas qu'on entendît le premier mot, fus à la sortie obligé de m'esquiver, afin de ne pas tomber au milieu d'une procession de tes initiés qui, dans l'accès de leur douce fureur, ne voulaient que me lanterner.
Je citerai cette séance remarquable du 26 avril, où Brissot s'étant présenté pour repousser une fois tes calomnies, ne put se faire entendre qu'au milieu des murmures, dont à chaque instant tu renouvelais le signal, et fut, en descendant de la tribune, chargé des plus grossières invectives et des plus lâches provocations de tous les tiens; où Guadet, te pressant à son tour de ses raisons éloquemment vigoureuses, tu ne craignis pas d'ordonner à Lasouree, qui présidait, de lui retirer la parole ; où, sur son refus, tu osas lui prodiguer tes injures, et plusieurs fois lui montrer le poing, tandis que, de l'autre côté, l'un des tiens lui jurait qu'en sortant il perdrait la vie; tandis que, de toutes parts, les tribunes furieuses entraient en insurrection.
Et ces horribles scènes se répétaient chaque fois que tu pensais en avoir besoin pour assurer ta domination.
Et lorsqu'à neuf heures et demie, les Jacobins ennuyés à la fois et indignés d'avoir perdu leur soirée tout entière dans des débats également misérables et scandaleux, se retiraient pour la plupart, ta faction, dès lors à peu près seule et maîtresse du champ de bataille, prenait les arrêtés d'avance convenus entre vous, et les donnait aux départements pour les arrêtés de la société.
Ce fut ainsi que tu fis suspendre les affiliations, sans doute, pour ne les permettre qu'au moment où tu te croirais assuré du nouvel esprit que tu te flattais d'inspirer aux sociétés déjà affiliées. Ce fut ainsi que tu cassas despotique-ment notre comité de correspondance, pour le recomposer selon tes vues (1). Ce fut ainsi... Mais j'en ferais un volume 1
Tu dis que le seul objet de dissentiment qui nous divisait, c'était que nous défendions indistinctement tous les actes des nouveaux ministres; et tu prétends que nous voulons faire servir la Convention à venger nos disgrâces. Robespierre, ce furent les tiens qui attaquèrent indistinctement tous les actes des ministres patriotes, et comme je l'ai dit, avec une persévérante fureur que vous n'aviez jamais montrée contre les ministres aristocrates. Le seul objet de notre dissentiment! Il y en avait un autre; et c'était le principal. C'était la question sur la guerre. Pourquoi avais-tu montré tant d'acharnement à ne pas vouloir cette guerre? Tout à l'heure je le dirai. Nous, Robespierre, nous étions pour; et lorsque les tiens ne purent empêcher qu on ne nous entendît, nous n'eûmes rien à te pardonner. Tes plus idolâtres furent atterrés de ta défaite; aussi s'arrangèrent-ils pour que la tribune nous fût désormais interdite. Une fois j'y voulus remonter, moi; on m'en fit presque aussitôt redescendre ; et ce soir-là Dubois (de Crancé) (1), prêt à partir pour le Midi, fut si indigné de la manière dont tu nous faisais délibérer, qu'il prit la parole et nous dénonça cette poignée de Cordeliers qui, les jours où nous n'avions pas de séances, se rassemblait dans son local où elle se concertait pour revenir le lendemain au milieu de nous avec ses motions préparées et sa tactique toute prête. Tels étaient tes triomphes, Robespierre; pour avoir raison contre les Jacobins, tu n'avais d'autre moyen que d'étouffer leur voix; pour l'étouffer, ta dernière ressource était les injures qui, proférées par toi, pouvaient, grâce au zèle d'une partie de ton peuple, donner la mort. Et tu prétends que les nommes courageux qui t'opposaient encore quelque résistance, ont des disgrâces à venger. Robespierre, je soutiens qu'en pareil cas c'est la victoire qui doit faire rougir; il n'y a rien dans la défaite dont on ne puisse être fier; et je sens que le législateur peut s'enorgueillir encore de ce que tu appelles les disgrâces de M. Louvet.
Robespierre, voilà ce que c'est que le despotisme d'opinion, et voilà comme tu l'exerçais.
Tout cela, j'en conviens, pourrait encore ne te charger que ae ridicule, lorsque rien ne prouvait qu'il fût possible qu'un jour ta tyrannie passât les limites de notre salle; mais depuis que tu as essayé de l'étendre sur la France entière, tout cela est devenu criminel.
Et voilà pourquoi moi, qui alors retenais péniblement ces odieux secrets, je les ai divulgués depuis, Si pourtant quelqu'un me demande encore par quelle raison j'ai, même en ce temps-là, combattu vigoureusement dans ma Sentinelle pour cette société qu'aujourd'hui je dénonce, je répondrai que je ne dénonce pas la société, mais les meneurs .qui la tuent; je répondrai qu'assurément les vices, les turpitudes, la tyrannique domination d'une insolente poignée d'hommes avaient fait que la société de Paris n'était plus qu'un fantôme, mais un fantôme encore tout puissant, terrible, et par conséquent nécessaire
contre je plus scélérat de nos ennemis, Louis Capet et sa digne cour. Je réponds qu'en soutenant les sociétés populaires en général contre Lafayette et ses feuillants, j'ai plusieurs fois assez vivement attaqué la bande d'intrigants qui déchirait ce qu'on appelait la société mère. Je réponds par ce passage de ma dénonciation : Ce fut dès le mois de janvier dernier, etc.
Si on le médite, il explique tout. Eh bien ! lecteur, deux mots maintenant. Ceux-là qu'animait le désir désintéressé de fonder la liberté de la France, et de délivrer l'univers du fardeau de la royauté, estaient les Jacobins. Ceux, au contraire, qui avaient un double but, celui de ne renverser que le roi régnant, et de s'attribuer à leur profit tous ses pouvoirs, c'étaient les Cordeliers. Or, maintenant dans la société de Paris, les Cordeliers dominent ; le peu de Jacobins qui s'y trouve y est surpris ou opprimé. Au moment où j'écris, ce n'est plus avec des Jacobins, c'est avec des Cordeliers que les sociétés des départements correspondent. Mais aujourd'hui même que leur grand complot de septembre a échoué, aujourd'hui qu'ils ont eu l'air de provoquer pour notre constitution en république, ce décret qu'ils ont senti ne pouvoir échapper, est-il bien vrai qu'ils veuillent une démocratie pure, une république véritable, dont les premiers magistrats ne soient pas des rois sous un nom plus modeste? J'affirme qu'ils ne le veulent pas ; et dès qu'il le faudra je m'expliquerai davantage.
Mais Robespierre n'était-il pas jacobin? Jusqu'à la fin de 91, oui. Depuis 92, il est cordelier. Il l'est devenu d'abord par bêtise et par vanité, puis par vanité et par ambition. Je n'ai jamais prétendu, moi, qu'il eût personnellement assez ae moyens pour être dictateur. Grâce aux scélérats plus habiles qui le poussaient, il le fut un instant, il le pourrait devenir encore. Mais se maintenir dans ce poste aussi difficile que périlleux, lui? Jamais. Il est loin d'avoir le courage et le génie nécessaire. C'est pour cela que j'ai dit qu'ils voulaient se constituer rois avec lui, sous lui et jpeut-être bientôt sans lui. Je devais retrancher le peut-être; car je ne doute pas qu'après avoir jeté en avant cet homme qu'on a si bien qualifié une espèce de prêtre, et s'en être servi comme d'un instrument utile à leurs desseins, ils ne l'eussent aussitôt, n'importe comment, brisé plus facilement que le verre le plus fragile. Ah I l'insensé 1 J'attendrai, m'a-t-il dit, que vous demandiez la proscription des Jacobins. Robespierre, le soin de leur honneur me touche; car les turpitudes dont ils semblent enveloppés depuis trop longtemps, je fais voir qu'elles sont les tiennes; que de toi seul elles jaillissent, et ne doivent par conséquent retomber que sur toi. Je veux leur conservation ; car, en dévoilant toute ta meurtrière tyrannie, je travaille à les en délivrer. Je suis leur ami véritable, car je les défends contre leurs ennemis les plus cruels : toi et l'imbécile cohue qui t'a reçu pour son dieu, et la troupe perfide qui t'a fait son mannequin. Si je soutenais les Jacobins, tels qu'ils ont paru depuis dix mois, on pourrait m'accuser de les vouloir détruire ; mais je rétablis leur gloire en te restituant leurs souillures ; en faisant voir qu'il fut possible de les opprimer, je démontre qu il fut impossible de les corrompre; je prouve que pour rendre à la société tout son lustre, il ne s'agit que de la régénérer, et que pour la régénérer, il suffit d'en chasser les usurpateurs. Non, je n'attaquerai point les so-
ciétés populaires ; longtemps elles furent nécessaires, elles seront longtemps utiles. J'attaquerai les ambitieux qui ont entièrement perverti celle de Paris, et qui la mettent en péril. Bientôt elle tomberait d'elle-même, s'ils n'en étaient expulsés. Dès qu'ils le seront, nous tous jacobins, nous y rentrerons en foule; aussitôt la société reparaîtra digne d'estime comme en ses plus beaux jours ; et le Journal, je ne dis plus de ses débats misérables et scandaleux, mais j'ose dire de ses discussions brillantes et profondes, fera foi qu'une poignée d'agitateurs, qui nous déshono-, rait de son ignorance et de ses vices, plus difficile à vaincre que ces feuillants tant combattus, nuisait à la République, moins encore par le mal qu'elle savait faire, que par le bien qu'elle empêchait.
Mais, dis-tu, si c'est depuis le mois de janvier que VAutriche et la Prusse ont déclaré la guerre aux Jacobins! aux Jacobins de 91, Robespierre, et non aux Cordeliers de 92; tu vois que nous sommes d'accord. Léopold menaçait au mois de février : n'était-ce pas, dis-moi, à cause des services anciens rendus par les Jacobins à la patrie ? Oseras-tu soutenir que c'était à cause des services futurs que les Cordeliers devaient peut-être lui rendre ? Etait-ce nous qu'il ménageait, nous qui sentions dès lors qu'il fallait profiter du moment pour l'attaquer? Etait-ce toi qu'il attaquait, toi qui déjà, de concert avec lui sur ce point, ne cherchais qu'à faire des ennemis au côté gauche de l'Assemblée nationale de France? Toi qui, d'accord avec les héros du côté droit, prétendais que, malgré l'état ruineux où ses démonstrations hostiles nous constituaient, il fallait paisiblement attendre que tous ses pandours fussent prêts? Toi qui, a quatorze reprises différentes, plaidais les plus chers intérêts de cet ennemi, qui n'eût pas fait de simples menaces, s'il se fût senti dès lors en état de frapper? Toi qui, avec tous les, aristocrates, tremblais qu'on ne hâtât cette guerre. Mais vous aviez des motifs différents, je te rends justice. Eux ne la voulaient pas alors, parce qu ils savaient qu'elle nous serait inévitable, et que plus nous aurions différé, moins il nous resterait de ressources. Vous ne la vouliez pas, vous, parce que vous calculiez que l'état d'anxiété générale où nous étions, s'il se prolongeait par la paix, devenant par degré intolérable, vou3 fournirait tôt ou tard l'occasion d'aller droit au despote de l'intérieur ; et que la nation, satisfaite d'avoir vu tomber le parjure, ne trouverait pas mauvais qu'on lui donnât, sous quelque autre nom, un ou plusieurs successeurs, en apparence ami de la liberté. Nous la voulions, nous, purs Jacobins, parce qu'à coup sûr la paix tuait la République, puisque, dans la supposition la plus favorable, elle nous conduisait, tout au plus, à un changement de tyran. Nous la voulions, parce que si elle avait actuellement ses périls, plus tard elle en aurait de plus certains ; parce qu'entreprise à temps, ses premiers revers, sans doute inévitables, pouvaient du moins se préparer et devaient purger à la fois le Sénat, les armées et le trône; parce qu'au milieu des prompts succès qui devaient suivre le plus profond ressentiment d'une trahison mieux prouvée, plus inexcusable, plus éclatante, forçait nécessairement une véritable révolution, d'un prix auquel on ne pouvait rien comparer. Vous vous retranchez sur la paix, vous, ambitieux, qui ne songez qu'à déplacer un roi. Ils appelaient la guerre à grands cris, les hommes d'un cœur généreux, d une jâme vraiment libre, trop forts
pour céder aux petites suggestions du vil intérêt personnel ; trop grands pour ne se considérer que dans le passage de cette vie. Ils appelaient la guerre, les républicains dignes de l'être. Ils osaient aspirer à la gloire solide, à l'immortel honneur ae tuer la royauté même; de la tuer à jamais, d.'abord en France, et puis dans l'univers.
Tu poursuis : s'ils ont dans leur sein\recueilli les fédérés. Malgré toi, Robespierre, ces vingt mille nouveaux personnages dont on provoquait la venue, vous ne les attendiez pas dans votre plan : vos mesures principales étaient dérangées; ils , pouvaient être honorablement soupçonnés de ne pas goûter vos projets d'usurpation. Tu déclamas, pendant deux séances, contre le salutaire décret qui les appelait. Mais cette fois tu ne persuadas que ton peuple; celui de Paris voulut bien ne te croire qu'absurde. Malgré toi et l'état-major Lafayette; car ici vous vous rencontrâtes encore poursuivant le même chemin, malgré les différents chefs de faction qui s'accordaient à le vouloir tromper, Paris eut le bon esprit de désirer ses frères. Les fédérés accoururent. Aussitôt, comme tous les apprentis despotes, tantôt insolents et tantôt flatteurs, qui crient de loin contre l'obstacle, et le caressent dès qu'il s'approche, tu caressas ces nouveaux venus ; les tiens s'en emparèrent; on s'efforça de te les conquérir; on leur montra l'idole. Mais l'idolâtrie-Lafayette cuisait encore à nos braves amis; le grand nombre réprouva ta divinité par trop humaine. Dès lors il vous fut démontré que le triumvirat ne pouvait plus échoir que par des coups de force : on vous a vus les essayer dans les premiers jours de septembre.
Tu nous apprends, enfin, que les Jacobins ont abattu le despotisme ; mais par les Jacobins, tu n'entends que tes Gordeliers et toi, surtout toi, toi par-dessus tout, toi seul peut-être! Et tu ajoutes que moi et les miens étions trop sages pour tremper dans de telles conspirations. Ici paraît cet artifice que je t'ai reproché plus haut. Te voilà réduit a jeter de la défaveur sur celui qui t'accuse. Eh bien, combattons sur ce terrain où tu sembles me défier. Mais je n'y veux rester qu'un moment. Ton exemple, si à cet égard j'avais eu besoin de leçon, m'a trop appris que tôt ou tard on se perd en cédant à l'ambitieuse fantaisie de parler de soi. Ceux que tu appelles les miens, c'étaient... Roland : il avait dénoncé Louis XVI à la France entière; tu le chargeais de tes calomnies, Lafayette parlait de son supplice, Brunswick appelait son échafaud, et le 3 septembre, ton Marat disputait cette proie magnanime aux bourreaux de Brunswick. Servan : il avait partagé l'honorable retraite du ministre de l'intérieur; il n'était rentré qu'avec lui, et cela pour sauver la France; les tiens cependant lui prodiguaient les dégoûts, tu l'accusais sans cesse, il était désigné victime dans les placards de ton associé.
Pétion : sa conduite, en même temps vigoureuse et sage, usait la royauté; tu t'efforçais, toi, d'user sa popularité. Brissot : il écrivait contre la monarchie, dans un temps où tu confessais naïvement, tantôt que tu ne savais ce que c'était que la République, une autre fois, que cette espèce ae gouvernement ne convenait pas à la France : c'est Pétion qui l'a raconté devant moi. Condor-cet : sa philosophie avançait la raison publique ; et depuis longtemps, comme le petit Barnave, que Desmoulins, ton vil flatteur, appelait aussi un grand homme, comme Barnave, dont tout le monde connaît la fin politique, tu déclarais so- ,
lennellement ne pas aimer plus la philosophie que les philosophes. Vergniaud, Gensonné, beaucoup d'autres : ils faisaient d'avance le projet de décret de la suspension. Guadet : il occupait le fauteuil, lorsqu'au bruit des premières décharges de l'artillerie, et dans ce moment critique, où la victoire de la bonne cause était plus que douteuse, le projet devenait loi. Barbaroux : il arrivait pour la journée du 10 avec les Marseillais, et bien vous prit qu'ils y fussent; enfin... Mais qu'on me pardonne l'étrange nécessité où tu me réduis de placer mon nom avec tant de noms justement célèbres! Enfin, moi.
Moi, Robespierre, je restais pendant dix-huit mois dans cette société de Paris, caché, tout à fait caché, au milieu de quelques hommes que leur médiocrité n'empêchait pas de se produire observateurs attentifs, je m'instruisais à la fois des leçons d'un grand homme vraiment grand, malgré ses nombreux écarts, et des fautes de plusieurs petits hommes auprès desquels, si l'on ne t'avait pas tenu compte de ta conduite, alors recommandable, on t'aurait trouvé petit. Là je voyais tour à tour s'élever et tomber plus d'une idole, et franchement j'étais loin de penser qu'un jour tu le pusses devenir. Aux heures de mes loisirs champêtres, je faisais des ouvrages qui n'étaient pas tous perdus pour la Révolution.
Mais enfin, à l'aspect des pressants dangers de la patrie, arraché à mes goûts solitaires et à mon obscurité politique, j'osais, n'étant pas de ton avis sur une question de première importance, paraître à la tribune des Jacobins, et contre toi, contre tes Gordeliers, malgré tes grimaces, malgré leurs clameurs, prouver la nécessité de la guerre. Nous l'obtenions deux mois trop tard; mais nous l'obtenions. Dès lors je consacrais mes journées entières à la défense de tout un peuple indignement trahi ; sous les poignards de la Cour, au milieu des soldats de Lafayette, la poitrine découverte et le front levé, j'écrivais la Sentinelle. Et tes éternelles vanteries me forcent à me rappeler quelquefois que ce journal a, plus que le Défenseur ae la Constitution (1), contribué à la Révolution du 10.
Dans les premiers jours de juillet, je cherchais, avec Léonard Bourdon, les moyens d'obtenir promptement une Convention. Dans la nuit du 10 août, je présidais, de onze heures à une heure, ma section, la vigoureuse section des Lombards. A trois heures, mon bataillon me députait à la maison commune, pour réclamer les canons que notre état-major nous refusait; nous revenions les lui enlever; l'état-major Sainte-Opportune voulait nous arrêter, nous forcions le passage ; avec ce bataillon des Lombards, l'un des premiers arrivés, j'étais à cinq heures du matin sur la place Vendôme; et, avant, sept heures, nous nous placions sur le Carrousel. Le soir, fatigué d'une nuit et d'une journée passées dans de telles agitations, je reposais; le 11, dès le matin, j'apportais mes pouvoirs au conseil général.
Et toi, tu n'y parus que le 12 ou le 13; et d'où venais-tu? Quelle retraite assez ignorée te recelait dans la nuit du 9 au 10? Interrogé sur ce point à l'assemblée électorale, par un brave homme, dont on ne put pas assez tôt étouffer la voix, tu répondis : on me demande où j'étais. Par-
tout où Vintêrêt de ce peuple qui m'est si cher, exigeait que je fusse.
Et deux mois avant le 10 août, lorsque l'aristocratie et le feuillantisme, ensemble ligués, osaient relever une tête insolente, jusque dans nos sections, j'allais presque toujours les combattre dans la mienne ; la tienne ne te vit qu'après le 10 août, et ne t'entendit prêcher que le mépris de l'Assemblée nationale et de ses lois.
Et quelques semaines avant le 10, lorsque nommés commissaires par nos sections, nous obtenions de Chénier cette éloquente adresse, par laquelle, au nom de Paris, nous demandions a déchéance, où étais-tu? Où étais-tu, quand nous l'arrêtâmes? Lorsque Pétion à notre tête, nous allâmes la présenter, où étais-tu? Aux Jacobins, Robespierre, uniquement aux Jacobins, pour faire adorer tes paroles et persécuter les républicains qui agissaient.
Robespierre, en te suivant dans cette partie de ta défense, j'ai dit ce que tes jacobins étaient avant le 10; pour savoir ce qu'ils sont depuis, il suffit de parcourir leur journal. On y verra quelles rapsodies capucinières, gravement réputées plan de gouvernement, y sont applaudies; quels vices y passent pour vertus, quel monstre de scélératesse on qualifie magnanime; sur quelle autorité l'on ne craint pas d'appeler constamment le mépris et l'insurrection. Seulement je terminerai cet article, et t'observant que je t'avais accusé d'avoir bassement séduit, trompé, flatté ce que tu appelles le souverain; de t'être sans relâche et sans pudeur produit à son idolâtrie; d'avoir solennellement déclaré que tu serais le conseiller du peuple, pourvu qu'il le désirât fortement; d'avoir souffert qu'en ta présence on te proclamât le seul homme vertueux de la France, le seul capable de sauver ton pays; et qu'à tout cela, tu n'as pas même essayé de répondre un mot (1).
Venons à l'assemblée électorale. Je t'ai accusé de l'avoir tyrannisée par l'intrigue et pari 'effroi: par l'intrigue, les tiens y apportèrent tous les moyens de cette vile tactique qui opprimait depuis si longtemps nos Jacobins; par l'effroi, le premier député ne fut élu que le 3 ou le 4 septembre, c'est-à-dire sous les auspices de vos massacres déjà commencés. Mais ce premier député, quel fut-il? Toi, Robespierre, toil Et cependant Pétion était au milieu de vous. Un autre trait pourrait suffire pour montrer quel était l'esprit des meneurs de cette assemblée, et jusqu'à quel point ils pouvaient y corrompre ou y étouffer l'opinion publique. Gomme on allait procéder à l'élection du second député, arrive la nouvelle de la nomination de Pétion à Chartres.
Quelqu'un proposa que le corps électoral de Paris consignât dans son procès-verbal le regret d'avoir été prévenu dans le choix de Pétion par... Les plus violents murmures couvraient déjà sa voix; il ne put achever cette motion que les
tiens trouvaient scandaleuse, exécrable. J'osai demander la parole pour la soutenir, mais la question préalable en fit justice, avant qu'on m'eût permis de dire un mot. Cependant, au pied de la tribune, je tombais dans un groupe ae tes Cordeliers. Les moins furieux m'appelaient un intrigant; les plus forcenés juraient que j'étais un scélérat ; d'autres, à qui l'excès de leur rage ne permettait plus de jurer, me prodiguaient, par signes, des menaces que depuis longtemps j'avais l'habitude de braver.
Oh oui, je devais être à leurs yeux un scélérat; car le premier jour ce n'était point à Robespierre que-j'avais donné ma voix. Le lendemain, je n'avais pas caché que j'estimais et qu'on devait estimer Pétion : enfin, quelques jours après, j'avais eu l'audace de démander la parole, qu'on s'était bien gardé de m'accorder, contre le plus étrange des candidats que le dictateur venait de désigner contre Marat. C'était ainsi pourtant que je te faisais la cour, à toi, Robespierre, qui m'as fait le plus mortel des outrages, en insinuant plus loin que j'avais loué ton conseil général, parce que nous étions à l'époque des élections. Bientôt j'expliquerai comment et dans quel temps ces éloges me furent surpris; et je donnerai en même temps une preuve nouvelle de ta profonde habileté dans l'art de la calomnie (1). Icij, pour ne pas anticiper sur un autre sujet, je n'avancerai qu'une vérité, savoir que j'aurais souffert mille morts plutôt que de descendre devant les tiens dans l'assemblée électorale, je ne dis point jusqu'à cet excès de bassesse de caresser leurs fureurs, je dis seulement jusqu'au point de me contraindre assez pour leur dissimuler le mépris et l'horreur qu'ils m'inspiraient. Loin de moi la lâche pensée de m'imposer, à cet égard, la moindre retenue. Eh d'ailleurs ne le savais-je point qu'il n'y a nulle composition possible entre l'ambition désordonnée d'un faux patriote déjà tyran, et l'entier désintéressement d'un vrai républicain? Ne les voyais-je pas, dès lors, qu'il ne pouvait y avoir aucune espèce d'accommodement entre nous,
qui voulions fonder la république sur l'éternelle base des vertus premières, la justice et l'humanité, et vous qui commenciez des assassinats pour assurer votre triple dictature ? Pouvais-je ignorer qu'en ce moment vous persécutiez les plus dignes républicains (1)? Que s'il ne vous était pas d'abord impossible d'abattre les principaux d'entre eux, vous ne manqueriez pas ensuite de venir jusqu'à moi; que loin de me porter à la Convention, il ne tenait à rien que vous ne me précipitassiez dans le tombeau de vos prisons-Marat ? Et s'il m'était resté quelques doutes à cet égard, Robespierre, n'avaient-ils pas pris la peine de les éclaircir tas gardes du corps, qui, me sachant coupable du crime irrémissible d'avoir voulu parler contre ton candidat favori, contre le fauteur du triumvirat, dit l'ami du peuple, m'avait attendu, et me montrant leurs cannes à sabres, avaient proféré ces paroles remarquables aux premiers jours de septembre : avant peu tu y passeras.
Tu dis qu'on était libre à cette assemblée, parce qu'on y votait à haute voix (page 4) ; mais c'est précisément pour cela qu'on n'y était pas libre, car les tiens avaient pour eux les massacres, et ne dissimulaient pas l'intention de revenir à cette ressource, dès qu'elle leur paraîtrait nécessaire. Je citerai ce Tallien qui ayant dit à la tribune, je ne suis pas Brissot, fut à bon droit couvert d'applaudissements; mais qui s'étant avisé, je ne sais pourquoi, d'ajouter, je ne suis pas non plus Robespierre, fut accueilli d'une épouvantable huée, n'acheva qu'à travers d'horribles murmures, ne fut point élu, parce que la faction lui retira tout à fait son appui, et put entendre en revenant à sa place, au reste ce n'est pas son témoignage que je réclame, put entendre, car nous l'entendîmes, ae plusieurs parties, de la salle, quelques voix l'apostropher des plus grossières menaces, et l'une d'entre elles lui crier : Va, coquin, laisse faire, nous avons encore la hache levée (2).
Tu prétends que chacun usa librement du droit de les proposer, les candidats. Robespierre, souffre l'âpreté de mon langage républicain, supporte la dure vérité : tu mens! Toi, toujours et plus que jamais privilégié, tu prenais, tu gardais la parole toutes les fois et aussi longuement que tu le jugeais convenable. Personne, au contraire, ne parlait que tu ne le voulusses. Si quelque visage nouveau, de qui l'on ne savait point encore s'il n'était pas des tiens, demandait la parole, il pouvait l'obtenir ; mais aussitôt qu'il devenait possible de s'apercevoir qu'il allait dire ce que vous ne prétendiez pas permettre qu'on dît, vous l'empêchiez de continuer. Il était sur-le-champ réduit au plus absolu silence, trop heureux si vous ne le condamniez à l'heure même au supplice d'entendre, et tes déclamations violentes, et toutes celles des plus forcenés boutefeux de ta faction. Ce manège, quelque scandaleux qu'il fût, se convrait ae si peu de ménagements, que les plus impassibles en conçurent une indignation vive. Un jour, dans l'accès d'une impatience trop juste, le courageux Dugazon poussa tout à coup, dans notre salle, ces généreuses paroles : Quoi! citoyens, vous avez abattu le despotisme, et vous souffrez, que la tyrannie s'exerce au milieu de
vous ! Ai-je besoin d'ajouter qu'il ne put dire un mot de plus ? Voilà, Robespierre, quelle était la dose de liberté dont tu voulais bien nous laisser jouir. Et s'il est vrai qu'on ait été libre dans le choix des candidats, dis-moi par quel prodige il est arrivé, qu'excepté Kersaint que vous repoussâtes, nul autre des excellents républicains que réprouvait Marat dans ses placards, ne fut même proposé ; tandis que presque tous les Cor-deliers qu il désignait furent élus. L'oseras-tu nier ? il est de notoriété publique que les honteuses listes de votre magnanime furent suivies ?
Tu dis (page 4), je n'en présentai aucun. Tu mens encore !
En effet, je lis au commencement de ta page 5, « que tu ne désignas point Marat plus particulièrement que les écrivains courageux qui, etc., » ce qui est déjà un aveu que tu en désignas plusieurs; et je vais prouver que cette prétendue désignation de Marat fut une présentation véritable qui produisit une nomination forcée. Mais puisqu'il était réservé de montrer l'espèce de courage qu'il fallait pour accoler, dans le même discours, les deux noms les plus étonnés de se trouver ensemble, celui de Priestley si respectable, et celui de cet odieux Marat, ne les séparons pas aussitôt qu'il le faudrait. Ne séparons pas tes mensonges, car tu mens encore, lorsque tu oses avancer que tu ne dis pas de mal de Priestley qui t'était connu par'sa réputation de savant, etc. II ne me faut pour confondre tant d'impostures, que rapporter les faits. Cinq ou six nominations étaient déjà faites. Aux derniers appels nous avions vainement porter Priestley ; de leur côté, les tiens avaient inutilement essayé Marat. Tu montes à la tribune, Robespierre. Dans le même discours, dans le même, et si la postérité s'occupe de tes méfaits, elle ne te pardonnera pas celui-là! Dans le même discours, tu attaques, tu dénigres Priestley ; tu désignes, tu vantes une espèce d'homme qu'à la vérité tu ne nommes pas, mais que tu signales si bien que tout le monde le reconnaît. Tu t'écries : Je le sais qu'il existe une coalition de philosophes ; je sais que MM. Condorcet et Brissot veulent mettre des philosophes dans la Convention. Le docteur Priestley a écrit dans son cabinet. Mais qu'avons-nous besoin de ces hommes qui n'ont fait que des livres. Il nous faut des patriotes qui se soient exercés dans des révolutions, qui aient combattu corps à corps le despotisme, qui en aient été les victimes', ainsi, Robespierre, tu poursuivais dans Priestley sa réputation de savant, et, par une mauvaise foi révoltante, tu donnais à entendre qu'il ne s'était point exercé contre le despotisme ; tu cachais cette vérité qu'il t'a fallu depuis reconnaître devant la Convention : que Priestley avait éprouvé une disgrâce qui le rendait intéressant aux yeux des amis de la Révolution française. Tu le dis dans ta réponse ; tu ne le disais pas à l'assemblée électorale. Content d'avoir obscurci d'un même nuage le courageux dévouement d'un sage et la vérité, il te restait à préconiser jusqu'aux lâchetés de celui que, pour l'honneur de l'espèce humaine, je voudrais bien pouvoir regarder que comme un insensé !
Tu poursuivis : Quant à moi, je l'avoue, j'aime mieux un homme qui, pour combattre Lafayette et la Cour, se serait pendant un an caché dans une cave.
Dirai-je que les tiens applaudirent avec fureur ces paroles impatiemment attendues? Dirai-je que pour terminer dignement ce discours vandale, tu parus amèrement regretter à cause des
mauvais choix que faisaient les départements, et dont les nouvelles nous arrivaient de toutes parts, qu'il ne dut pas se trouver dans la Convention un plus grand nombre d'hommes doués d'une ignorance assez crasse, pour ne pas même savoir parler leur langue?
Dirai-je?... Non, mon intention n'est pas d'affliger sans nécessité qui que ce soit; et je pense que l'homme (1) qu'il te plut d'indiquer après Marat ne méritait pas la honte de se trouver à ses côtés. Mais ce que je ne puis taire, c'est que vainement plusieurs républicains indignés demandèrent la parole avec moi. Vainement, comme eux, je brûlais de venger le philosophe anglais et de démasquer le Français indigne. Tu avais prudemment décidé qu'on ne parlerait point après toi ; tu ordonnais que la discussion, qui réellement n'était point ouverte, puisqu'on n'avait pas entendu de contradicteurs, fût. fermée ; elle le fut. Tu nous donnas despoti-quement l'appel nominal. 0 honte!... mais du moins ce n'est pas la nôtre; ce n'est pas, je le jure, celle du peuple de Paris; la vertu perdit presque toutes les voix ; le crime nous échut.
Mais, pour essayer de pallier l'ignominie et le despotisme de tes élections, tu n'oses dire et imprimer que les choix ont été discutés et ratifiés par les sections. Eh bien, je ne te réponds que par deux mots, et Paris tout entier, que je puis appeler en témoignage, les répétera : Tu mens! tu mens! tu mens! trois fois. Lis Condorcet, il te dira : « Il a fait entendre que ce choix avait été confirmé pour les assemblées primaires, mais il n'a pas dit que cette résolution, prise dans le corps électoral, n'avait point eu d'exécution, et que ceux qui avaient provoqué cet arrêté, quand ils croyaient cette exclusion utile pour écarter les hommes qu'ils haïssaient, l'ont abandonné quand ils ont prévu qu'elle ne frappait que sur leurs amis. » Lis Gorsas, il te dira : « Quand on est venu dire au corps électoral qu'une ou deux sections avaient rayé ou voulaient rayer Marat, Fréron ou Robespierre, eh bien, s'est-on écrié, nous verrons s'ils l'osent. »
Enfin, sur toute ta conduite dans l'assemblée électorale, lis un homme dont le témoignage est accablant contre toi, car devant la France, qui n'ignorait pas quelle intime et sainte amitié vous unissait jadis, son silence eût maintenant suffi pour t'accuser. A la page 17 de son discours, sur l'accusation intentée contre toi, il te dira :« Il est vrai que cette assemblée électorale était influencée, dominéepar un petit nombre d'hommes, qu'on ne pouvait choisir que leurs partisans; que les élections étaient préparées par des listes qui furent exactement suivies, à de légères exceptions près.
« Il est vrai encore que cette assemblée était devenue une lice, toujours ouverte aux dénonciations, aux déclamations les plus emportées. Des orateurs, par leurs discours, entretenaient dans le peuple une agitation violente et nous exposaient sans cesse au renouvellement de ces scènes d'horreur dont nous venions d'être témoins. »
Encore un fait, cependant, sur cette assemblée électorale, un fait qui pourrait fournir à de nombreuses réflexions, et sur lequel je n'en veux faire aujourd'hui que très peu. Qui donc, après la révolution du 10 août, s'occupa du soin de rappeler l'attention publique sur un homme que,
dans toutes les suppositions possibles, il était sage délaisser dans ses palais'! Qui donc eut la la funeste maladresse et le cruel pouvoir de le faire représentant du peuple? (1) Que signifie cette précaution de l'avoir nommé le dernier, le vingt-quatrième? Que signifie surtout cette impertinente comédie par laquelle les Cordeliers, qui venaient de faire cette élection, eurent l'air d'en être étonnés et de vouloir revenir contre, sans doute afin de persuader aux bonnes gens que c'étaient nous qui l'avions faite? Et comment 1 aurions - nous pu, nous qui étions trouvés trop faibles pour porter l'homme irréprochable, Priestley ? nous qui, toujours écrasés par la faction, n'avions pu conquérir sur elle, et par une espèce de surprise encore, que Je respectable Dusaulx et trois ou quatre autres nominations précieuses pour nous, pour eux insignifiantes ? Comment surtout l'aurions-nous voulu, nous, purs jacobins, que le fantôme d'un monseigneur effarouche? Philippe, malgré tes services dans la Révolution de 89, et peut-être aussi à cause d'eux, je ne puis avoir confiance en toi, je ne puis oublier que tu naquis au sein des grandeurs ; que tu reçus l'insolente éducation réservée aux gens de la sorte; que ta jeunesse respira l'air empoisonné des Cours ; que la soif de dominer servait à toutes les passions dans les individus de ta caste, qu'elle doit couler dans tes veines avec ton sang. Tes enfants... Loin de moi l'odieux dessein de fléchir leur jeune courage et d'arrêter leurs dispositions sans doute louables ; mais je crains que, pour leur entière régénération, ils n'aient tout à faire par eux-mêmes. A quelle époque, en effet, auraient-ils été formés pour l'austérité de nos mœurs républicaines? Adèle et Théodore, la Religion considérée, etc., et plusieurs autres ouvrages qui ne respirent que fanatisme de toute espèce, fanatisme religieux, superstition nobiliaire, naine de Voltaire, de Rousseau, de nos plus grands philosophes et de toute la philosophie, me sont-ils de bons garants, ou que la gouvernante de tes fils ait voulu sincèrement leur mettre au cœur l'amour de cette égalité sainte, dont il est au moins étrange que tu aies usurpé le nom pour le leur passer? Tes enfants! je me défie des crimes de leurs ancêtres; et je voudrais me défier de leurs propres vertus. Je me défie surtout et je m'indigne de l'espèce d'enthousiasme avec lequel ces mêmes hommes, qui n'ont pas craint de t'élire, affectent d'applaudir, jusque dans la Convention, à chaque nouvelle des succès que ces jeunes gens obtiennent. Tes enfants, je les plains. Ils auront longtemps encore à travailler avant d'avoir effacé la tache de leur origine : ils sont nés d'un Bourbon! Philippe, Philippe, je te le dis, et le dis tout haut. Quoique, malgré tes amis, il soit entré beaucoup de vrais républicains dans la Convention, je suis toujours surpris qu'au milieu de ces premiers plénipotentiaires de ma patrie, enfin, tout à fait plébéienne, toujours surpris, dis-je, et quelquefois inquiet de voir assis, non loin de moi, un homme qui fut prince. Philippe, Danton, Robespierre et Marat, vous tous et tous vos cordeliers, prenez garde, nous serons unis contre vous, j'espère;
nous vous observons; jusqu'à notre chute, fût-elle prompte, inévitable et violeute, sûrs que du moins elle enfanterait des vengeurs à la République, nous vous combattrons.
Car, pour ce qui me regarde, mes commettants m ont fait jurer, etje l'avais juré déjà, que, dussions-nous périr, nous ne souffririons plus, sous quelque nom que ce pût être, la honte et le fardeau de la royauté.
Passons au conseil général. Tu fais l'éloge de la conduite qu'il tint dans ses premiers jours. Je ne l'ai pas attaqué; j'ai dit, au contraire, qu'alors j'étais un de ses membres. Mais ensuite, unique-quement dirigé par toi, dont le despotisme éloignait le maire, écartait d'anciens et dignes administrateurs (1), entraînait la majorité, peut-être bien intentionnée, écrasait une minorité respectable, tout à fait animée à ton esprit organisateur, loin de déposer son pouvoir, ill'étendit: il méconnut les sections qui l'avaient envoyé, le conseil exécutif qu'il entravait dans sa marche, l'Assemblée législative qu'il insultait jusqu'à sa barre. Et les communes environnantes, sur le territoire desquelles tes commissaires allèrent exercer des actes de tyrannie. Tu régnais déjà, Robespierre, et pourtant le 2 septembre n'était pas encore venu. Ce fut, je crois, le 25 août, que la section des Lombards, connue pour avoir constamment veillé contre l'aristocratie, tandis que le grand nombre des sections paraissait dormir, la section des Lombards, capable aussi de fléchir sous ta tyrannie démagogique, prit le vigoureux arrêté, par lequel, déclarant le conseil général usurpateur, elle lui retirait ses commissaires, et invitait les autres sections à en faire autant. Aussitôt toute la cohue des petits rois, de se mettre en campagne. Tallien, dans sa section, Lavaux à celle de l'Oratoire, à celle de Maucon-seil l'Huilier, et dans plusieurs autres tous les affidés de cette espèce, me dénoncèrent dans les termes les plus violents. Que dis-je, le dictateur én personne, toi-même, Robespierre, feignant de me croire l'auteur de cet arrêté que tu trouvais contre-révolutionnaire, et auquel j'avoue que je n'avais pas eu l'honneur de contribuer; toi-même, du haut de ta tribune, tu appelais sur moi les licteurs. Au milieu de tes groupes, il n'était question de rien moins que de marcher sur la section des Lombards ; sous les fenêtres de la maison commune, un peuple égaré demandait ma tête; tandis que d'adroits émissaires venaient répandre jusque dans mon quartier le bruit que fêtais arrêté, et tout cela faisait-on dire encore, parce que Pétion se conduisait mal, depuis que fêtais son ami. Son ami ! j'aurais pu désirer qu'il m'eût juger digne de l'être. Mais son conseiller? De quoi mes avis auraient-ils pu servir à son expérience? A cette époque, il y avait peut-être quinze jours que je ne l'avais vu, et je ne crois pas qu'il ait reçu jamais une lettre de moi. Les calomniateurs le savaient bien sans doute ; mais que leur importait, pourvu qu'ils préparassent l'opinion publique à la fin violente et prochaine qui m'était apparamment réservée, comme à tous les vrais républicains ; nous touchions à l'époque terrible, remarquez ; et surtout, qu'ils parvins-
sent à dépopulariser cet incommode Pétion... qu'en auraient-ils fait par la suite? C'est ce que je laisse à penser.
Tu dis (page 10) : On vous entretient d'intrigants qui s'étaient introduits dans ce corps; je sais qu'il en existait quelques-uns. Ici, Robespierre, me voilà fort de ton propre aveu. Mais ces intrigants, voyons quels ils étaient, et de quelle espèce? C'est Pétion qui va parler : Beaucoup de ses membres (du conseil de la commune) et en général les plus effervescents, étaient dispersés ; ils remplissaient des missions dans plusieurs parties de l'empire; et ces missions, à quel titre les remplissaient-ils? en qualité de commissaires du pouvoir exécutif. Mais comment le pouvoir exécutif avait-il choisi les plus effervescents ? Ce n'était pas le pouvoir exécutif qui les avait choisis, c'était le seul ministre de la justice (1) et ce fait n'est pas du nombre de ceux que Danton veuille nier; car un député lui reprochant dernièrement la conduite qu'a tenue l'un de ces effer-verscents, n'obtint de lui que cette justification : « Eh! f... croyez-vous qu'on vous enverra des demoiselles? » C'était un rude ministre de la justice, que ce monsieur-là.
Après avoir fait l'apologie des usurpateurs du conseil générai, tu entreprends indirectement celle de son comité de surveillance; et certes, je n'en suis point étonné. Tu t'écries (page 2) : « des arrestationsillégales ! quene nous reprochez-vous aussi d'avoir brisé les plumes mercenaires, etc. » Robespierre, je ne reproche à ton comité que d'avoir voulu, par des assassinats, préparer le peuple français à recevoir le joug de la. tyrannie. Je voulais oublier tout le reste. Entends-tu me forcer à m'en ressouvenir?
L'apologie des événements du deux septembre, tu ne tarderas pas à l'entreprendre aussi. Néanmoins, soit\ délicatesse, soit précaution, tu ne juges pas à propos de permettre qu'on t'impute d'y avoir contribué le moins du monde. Tu avais, à ce que tu dis (page 14) cessé de fréquenter le conseil avant l'époque des massacres, et moi, je dirai bientôt quel jour, à quelle heure et en quels termes tu y proscrivais ceux que Pétion appelle si bien les chefs d'opinion de l'Assemblée législative. Ensuite je conviendrais bien que l'Assemblée électorale a ouvert ses séances, ce lut à la tribune principalement et devient son peuple des Jacobins, que tu allais poursuivre contre les plus purs patriotes, son système de diffamation séditieuse et violenté.
Tu prétends (page 15) que le conseil général a fait tout ceq.ui était en son pouvoir pour empêcher ces massacres.
Mais d'où étaient-ils donc, ces deux municipaux aui, couverts de leurs écharpes, y présidaient?
11 est vrai que tu dis, plus loin, que, ne pouvant les déterminer (les citoyens) à se reposer sur les tribunaux, les municipaux les engagèrent à suivre des formes. Quels citoyens ! grands dieux ! et quels municipaux! et surtout quelles formes! (Voyez l'agonie de 38 heures par Saint-Méard.)
(Page 15) : Depoix avait été frauduleusement mis enliberté. Par qui? Dis-nous quelle main a soustrait les pièces et le prisonnier?
Enfin, tu oses imprimer (page 17): « que c'était un mouveme nt populaire et non la sédition par
fielle de quelques scélérats. « Un mouvement populaire ! Ecoute Pétion : « Le 2 septembre arrive, le canon d'alarme tire, le tocsin sonne. Oh! jour de deuil! A ce son lugubre et alarmant, on se rassemble, on se précipite dans les prisons; on égorge, on assassine. Manuel, plusieurs députés de l'Assemblée nationale se rendent dans ces lieux de carnage : leurs efforts,sont inutiles; on immole les victimes jusque dans leurs bras. Eh bien, j'étais dans une fausse sécurité, j'ignorais ces cruautés; depuis quelque temps, on ne me parlait de rien. Je les apprends enfin, et comment? d'une manière vague, indirecte, défigurée, on m'ajoute en même temps que tout est fini. Les détails les plus déchirants me parviennent ensuite ; mais j'étais dans la conviction la plus intime que le jour qui avait éclairé ces scènes affreuses ne reparaîtrait plus. Cependant, elles continuent. J'écris au commandant général; je le requiers de porter des forces aux prisons; il ne me répond pas d'abord; j'écris de nouveau ; il me dit qu'il a donné des ordres. Rien n'annonce que ces ordres s'exécutent. Cependant, elles continuent encore ; je vais au conseil de la commune ; je me rends de là à l'hôtel de la Force avec plusieurs de mes collègues. Des citoyens assez paisibles obstruaient la rue qui conduit à cette prison; une très faible garde était à la porte; j'entre..... Non, jamais ce spectacle ne s'effacera de mon cœur. Je vois deux officiers revêtus de leur écharpe; je vois trois hommes tranquillement assis devant une table, les registres d'écrous ouverts et sous leurs yeux faisant l'appel des prisonniers; d'autres nommes les interrogeant, d'autres hommes faisant les fonctions de jurés et de juges ; une douzaine de bourreaux, les bras nus, couverts de sang, les uns avec des massues, les autres avec des sabres et des coutelas qui en dégouttaient, exécutant à l'instant les jugements ; des citoyens attendant du dehors ces jugements avec impatience ; gardant le plus morne silence aux arrêts de mort, jetant des cris de joie aux arrêts d,'absolution. »
C'est ainsi que Pétion s'exprime; et toi, Robespierre, tu as le courage de continuer (pa^e 17) : « et non la sédition partielle de quelques scélérats payés pour assassiner leurs semblables. » S'ils ne l'étaient pas encore payés, ils s'attendaient à l'être. Ecoutons encore Pétion : « Et les hommes qui jugeaient et les hommes qui exécutaient, avaient la même sécurité que si la loi les eût appelés à remplir ces fonctions. Ils demandaient, pourrait-on le croire? « Ils demandaient à être payés du temps qu'ils avaient passé »,etc. Il continue : « Ces assassinats furent-ils commandés? furent-ils dirigés par quelques hommes ? J'ai eu des listes sous les yeux, j'ai reçu des rapports, j'ai recueilli quelques faits ; si j'avais à prononcer comme juge, je ne pourrais pas dire : Voilà le coupable. »
Ainsi, quand Pétion vit les exécuteurs, ils n'étaient pas payés, mais ils comptaient l'être. Je n'ai plus qu'à rapporter un fait qui prouvera que quelques personnes entendaient qu'ils le fussent. Un matin, quatre hommes arrivèrent dans la maison du ministre de l'intérieur, et s'adressèrent au citoyen Fépoul, l'un des chefs de bureau ; ils avaient des piques et uneépée de deuil ensanglantées ; ils venaient chercher le prix de leur travail, que le ministre de l'intérieur devait leur remettre, leur avait-on dit ; le citoyen Fépoul, malgré les horribles explications qu'on lui donnait, feignit toujours de ne pas com-
prendre quelle avait été l'espèce d'ouvrage dont le payement lui était demandé. Observez que, pendant l'étrange colloque, un des ouvriers, accablé de la double ivresse du sang et du vin, s'était mis sur un fauteuil, où déjà il était assoupi. «On vous a donné de l'ouvrage,disait toujours Fépoul, vous dites avoir bien travaillé, vous demandez qu'on vous paie, rien n'est plus juste, mais adressez-vous donc à ceux qui vous ont employés. « Enfin, les bourreaux, assez mécontents, réveillèrent leur camarade et partirent. Le même soir, entre sept et huit heures, il en revint un; il était porteur d'un mandat à peu près conçu en ces termes : « Il est ordonné à M. Vallé de Villeneuve '1) de payer à... (ici quatre noms)... la somme de 12 livres chaque, pour l'expédition des prêtres à Saint-Firmin ». Le garçon du bureau, qui reconnaissait le quidam pour un des quatre du matin, ne voulut point le laisser aller jusqu'au citoyen Fépoul; pressé, au contraire, du besoin de renvoyer le cruel créancier, il parcourut très rapidement son mandat, ne se donna point le temps de déchiffrer les noms très mal écrits des ouvriers et des signataires, courut dans le cabinet du premier commis consulter l'alma-nach royal et revint aussitôt rapporter l'adresse du citoyen Vallé-Villeneuve. On ignore comment celui-ci aura pu s'en débarrasser.
Je reviens à toi, Robespierre (p. 18). Tu t'écries : Je pourrais citer la faveur du conseil général de la commune; M. Louvet lui-même, qui commençait l'une de ses affiches par ces mots : Honneur au conseil général de la commune, il a fait sonner le tocsin, il a sauvé la patrie; et tu ajoutes : C'était alors le temps des élections. Robespierre, tu mens à dessein, tu mens à ta conscience. Tu as voulu faire croire et, en te lisant, on croirait que je t'ai loué, toi et ton conseil, après ou pendant les massacres, et, que par conséquent, je les approuvais alors, moi qui les condamme aujourd'hui. Eh bien! cette affiche est dans les mains de mes souscripteurs; qu'ils veuillent bien la consulter ; c'est le n° 57 (2) ; il ne porte pas, comme, tu le prétends : Le conseil général a sauvé la patrie; mais il vient de prouver qu'il voulait sauver la patrie; il ne porte pas : Il a fait sonner le tocsin ; mais il vient d'arrêter que le tocsin allait sonner ; ce qui démontre incontestablement, sans parler de la date qu'elle porte, que l'affiche est du deux et de la matinée au deux; qu'alors ni vos massacres, ni, par conséquent, votre révolution de septembre n'étaient commencés ; qu'ainsi tu ne t'es emparé d'un écrit à moi que pour le dénaturer complètement; qu'enfin, tu as altéré tous les faits avec cette réflexion, ce calcul, cet imperturbable sang-froid qui ne t'abandonnent pas quand tu calomnies.
Qu'on apprécie maintenant l'insigne méchanceté de ce trait : C'était le temps des élections; autre infamie que j'ai suffisamment repoussée.
Cependant, on pourrait demander comment, à cette époque de la matinée du 2, je pouvais t'approuver, te louer même, toi et ton conseil, qui, de mon aveu propre, étiez depuis quelque temps d'insolents usurpateurs? Je prévois cette objection d'autant plus volontiers, que ma ré-
ponse va jeter encore beaucoup de lumières sur l'infâme conduite des tiens.
Marat, le pauvre patriote (1), devenu tout d'un coup assez riche pour imprimer de nombreux placards, peut-être parce qu'il avait rencontré parmi les nouveaux ministres un ami qui, sommé quelque jour de rendre des comptes d'assignats, en serait quitte pour dire qu'il avait rendu compte de la liberté, et que d'ailleurs le tempérament de Marat, dont il avait fait l'expérience, ne lui convenait plus; Marat couvrait Paris ue ses ordures sanguinaires, A la nouvelle de la trahison de Longwy, l'Assemblée venait de décréter que Paris fournirait 30,000 hommes pour sa part. Le lendemain, Marat, dans un placard nouveau, déchire Condorcet, Brissot, tous les chefs d'opinions de l'Assemblée et cinq des six ministres. Il crie à la trahison, il soutient qu'on veut livrer la France à Brunswick, qu'on veut envoyer d'abord 30,000 Parisiens à la boucherie. Il invite Paris à ne pas envoyer un homme à Soissons; il ose dire qu'il faut fouhtr aux pieds les décrets de l'Assemblée. J'étais indigné; cependant, le mépris, me paraissant encore l'arme qu'on dût préférer, je fais une Sentinelle où je me borne à représenter aux Parisiens qu'il n'est pas de leur intérêt d'attendre que l'ennemi les viennent assiéger dans leurs murs. Le lendemain encore, placard du monstre, qui ne craint pas de parler de la convenance d'un triumvirat; cependant, je ne remarque pas que la masse des citoyens soit, en général, pénétrée de l'horreur qu'une telle proposition devrait inspirer; je ne vois pas, d'un autre côté, que le conseil général s'occupe sérieusement de la levée des enrôlements; et je trouve le peuple de Paris, quefses magistrats abandonnent, tandis que des agitateurs le poussent aux plus folles défiances; je le trouve plongé dans des irrésolutions, une espèce d'insouciance, une sorte de stupeur du plus fâcheux augure. Alors, véritablement inquiet des secrets desseins de l'ambitieux qui règne au conseil général et de l'audace du libelliste incendiaire qui le seconde si bien, je reprends la plume, je les dénonce à l'opinion. Malheureusement, ce numéro ne parut pas : — tout à l'heure on saura pourquoi; — mais d'abord il n'est pas inutile qu'on le lise.
Je commençais par presser les Parisiens de fournir sur l'heure un fort contingent à l'armée de Soissons, et puis, je disais :
« Peuple, s'il est vrai que je t'aie souvent averti des trahisons qui menaçaient ta liberté, écoute, écoute encore : les excès de quelques prétendus patriotes continuent; leurs usurpations deviennent chaque jour plus dangereuses; il est temps de te les dénoncer.
« Peuple, sais-tu bien ce que c'est que le triumvirat qu'il t'ose proposer ? C'est la réunion des trois rois. Juge maintenant, par le mal qu'un seul tyran t'a fait, s'il est bon pour toi que tu t'en donnes trois. Ils te diront qu'on choisira ces trois commissaires parmi les ardents amis de la liberté; mais souviens-toi que, tour à tour, les Barnave, les Lameth et l'infâme Lafayette passèrent aussi pour les ardents amis de la liberté; ne crains pas de te rappeler que, sans cesse occupés du soin de te flatter, ils te trompaient assez habilement pour exciter aussi ton idolâtrie. D'ailleurs, il faut te le dire : Tout homme investi
d'un grand pouvoir est tenté de l'augmenter encore; tôt ou tard, il essaie de devenir maître, et tu as juré de n'en plus avoir.
« Au reste, fixe ton attention sur une remarque importante. Les hommes qui te proposent le triumvirat sont précisément les mêmes qui, dans le temps, ont déclamé contre le camp de 20,000 hommes ; les mêmes qui ont servi le côté droit de l'Assemblée nationale par des calomnies sans relâche, répétées contre les meilleurs députés du côté gauche ; les mêmes qui ont indirectement essayé tous les moyens d'enlever à Pétion ton amour dont il est si digne; les mêmes qui, tout récemment, te conseillaient de ne pas envoyer un homme à Soissons ; les mêmes qui te prêchaient ouvertement le mépris des représentants de l'Empire et la révolte à leurs décrets.
« Peuple de Paris, quand je les ai vu t'inviter à ne point envoyer un contingent à l'armée et s'efforcer de t'écarter du respect que tu dois à l'Assemblée nationale, j'ai soupçonné qu'ils pouvaient avoir fait ce calcul de scélératesse ; qu'il fallait te pousser à mécontenter les départements, afin que la Convention, qu'ils ne comptent pas pouvoir maîtriser, ne t'assemble point dans tes murs; et encore, afin que les départements, où ils voient bien qu'ils ont peu d'influence, se séparent de toi ; qu'ils espéraient influencer puissamment (1). Quand je les ai vu décrier les meilleurs patriotes, sans excepter Pétion, j'ai soupçonné qu'ils s'étaient dit qu'au moment où ils t'auraient mis dans une situation tellement critique, que de toutes parts, environné d'ennemis, tu in'aurais pas un auxiliaire, il leur importait qu'il ne te restât personne à qui te confier et que, privé de tout moyen de défense, tu ne trouvasses plus dans ton désespoir d'autre ressource que de te jeter toi-même dans leurs mains, ainsi revêtues du suprême pouvoir dont la soif les dévorait.
« Maintenant, ils parlent hautement d'un triumvirat; eh bien ! je le déclare hautement : mes conjectures deviennent des certitudes. Eh ! ne me dites plus ces prétendus patriotes sont des insensés furieux / Non, non, ce sont des traîtres; ce sont des traîtres d'une ambition désordonnée, qui depuis longtemps nourrissent la criminelle espérance d'établir, tôt ou tard, sur les débris dé toutes les réputations et de toutes les autorités, leur intolérable dictature, leur tribunal odieux, que, pour ma part, dussé-je être encore l'objet de leurs proscriptions, je ne supporterai pas deux jours.
« Peuple, puisque je te les dénonce, ils tâcheront, sans doute, de me susciter une persécution violente; mais tu te garderas de ce nouveau piège; toi-même, tu me défendras. C'est peut-être sur ce combat auquel je les défie, qu'aujourd'hui ta liberté repose. J'accuse les triumvirs; qu'ils se justifient. J'écris; qu'ils écrivent. Toi, reste calme; reste là pour nous lire et pour prononcer.
« Que s'ils déchirent mes affiches, tu te rappelleras que l'état-major de Lafayette les déchirait aussi. Tu te diras qu'à leur tour ils tremblent que je ne te fasse entendre la vérité, la vérité terrible aux méchants.
« Brave peuple, encore un mot : N'oublie pas que quiconque te détourne de te rallier sans cesse et uniquement autour de l'Assemblée nationale et de Pétion est un traître; mais en même temps, n'oublie pas que l'insolent étranger s'approche. Aux armes! aux armes! »
Nouvelles. « Le patriote Roland a dénoncé à l'Assemblée quelques-uns des petits despotes qui espéraient mener le conseil général de la commune de Paris. Il faut espérer qu'on empêchera bien que certains agitateurs né parviennent à devenir rois sous un autre nom ».
Lecteur, continuez-moi votre attention, je vous prie. C'était le samedi, 1er septembre, que j'avais écrit cette Sentinelle. Uniquement occupé des affaires, eu ces moments décisifs, j'étais le lendemain dimanche, avant onze heures du matin, au nombre des spectateurs dans les tribunes de l'Assemblée. Arrive à sa barre une députation du conseil général; elle s'exprime dans les termes d'un respect inusité; elle proteste de son dévouement aux lois et à l'Assemblée; elle annonce qu'un décret de première importance va recevoir sur l'heure son exécution; qu'au lieu de 30,000 hommes, Paris en fournira 60,000; qu'au bruit du tocsin, et du canon d'alarme, on s'enrégimentera sur-le-champ, etc., etc. Aussitôt quelque joie rentre dans mon cœur avec l'espérance. Je me persuade que, soit de gré, soit de force, les chefs abandonnent leurs projets liberticides ; que le bruit sourd de l'a prise de Verdun, observez bien que la nouvelle officielle n'était pas arrivée ; que ce bruit d'un nouveau revers les avait frappés de terreur, ou plutôt que le conseil général, ouvrant enfin les yeux sur les pressants dangers de la patrie, sentait la nécessité de s'occuper uniquement de son salut et de se rallier, avec la masse des bons citoyens, contre les agitateurs, autour de l'Assemblée. Ceux-ci, dès qu'ils ne sont plus redoutables, me paraissent moins odieux : je me dis qu'il ne s'agit plus de les dénoncer, qu'il convient de les abandonner à leurs remords. Je m'arrache à VAssemblée ; je cours à l'Imprimerie du Cercle Social ; mon numéro était composé, on m'en donne l'épreuve; je suis pressé de tout refaire, parce qu'il me semble important que cette affiche, seulement retardée de quelques heures, paraisse encore dans la journée. Bonne-ville, qui demeure là, voit mon impatience et consent à m'aider. Ensemble nous arrêtons de conserver la première partie de l'affiche, ou j'invitais Paris à marcher au secours de Verdun. Tout le reste tombe, et voici ce que nous croyons devoir y substituer.
(N° 57.2 septembre. La Sentinelle.) Je sais que quelques hommes avaient donné des avis contraires. J'allais les réfuter devant le peuple, mais tout est changé......
« Honneur au conseil général de la commune ; il vient de prouver qu'en effet il voulait sauver la patrie et mériter la reconnaissance des départements de l'Empire. Verdun combat pour nous : allons combattre pour Verdun; allons, pour notre intérêt particulier et pour l'intérêt de tous, allons à l'ennemi. Le conseil général vient d'arrêter que le tocsin allait sonner, que le canon d'alarme serait tiré, que nos légions s'organiseraient au Champ-de-Mars; que 60,000 hommes s'avanceraient sur les tyrans. Allez, enfants de la patrie, campagnes de Verdun, vous rendrez à l'univers la journée de Marathon,
« Les députés de la commune viennent de por-ler à l'Assemblée nationale, avec cet arrêté di-
gne de nos périls, l'assurance du profond respect qu'ils ont pour elle, et la ferme résolution qu'ils ont prise de se rallier fortement, et de rallier tous les bons citoyens autour des représentants de l'empire : Nous voilà tous d'accord.
« Oui, nous avons tous également aimé la patrie et j'aime à le croire, nous n'avons pu différer que sur les moyens de la sauver.
« Quand la cause commune aux combats les appelle, Rome, au cœur de ses fils, éteint toute querelle; Vainqueurs de leurs débats, ils marchent réunis; Tyrans, ils ne verront que vous pour ennemis ».
Brutus à son fils. Voltaire.
Cette affiche, ainsi tout-à-fait changée, je rentrai dans mon cabinet; le lendemain seulement j'y appris les massacres de la soirée, ceux de la nuit entière, et tant d'horreurs qui continuaient. Vous tous, républicains ardents et sensibles, jugez de ma situation! Je reçus bientôt après de nombreux détails dont je rendrai compte tout-à-l'heure, et qui m'instruisaient que ces mouvements prétendus populaires ne seraient pas dirigés seulement contre l'aristocratie et le feuillan-tisme, et que les plus purs patriotes étaient menacés.
Il me devenait évident qu'une autre Révolution commençait, semblable à celle des Marius et des Sylla ; qu'elle nous était donnée par les triumvirs et pour eux; qu'ils déshonoraient Paris afin de l'asservir; qu'ils l'opprimeraient pour opprimer la France; et l'éloge de leurs forfaits se trouvait écrit de ma main sur les murs! et moi-même j'aidais à leurs projets de tyrannie !.....Ce moment fut l'un des plus cruels de ma vie! j'étais au désespoir! j'ai versé des larmes de douleur!
A présent, néanmoins, cherchez l'épithète propre à la sorte d'habileté que ce Robespierre a mise à me calomnier, non seulement par une citation volontairement fausse, mais encore par les omissions les plus perfides. Qualifiez l'espèce dé courage qu'il lui a fallu pour essayer de tourner en sa faveur et contre moi, l'une de mes actions révolutionnaires qui le confonde et m'honore le plus. Oui, certes, qui m'honore ; car si elle accuse mon esprit, elle justifie mon cœur. Au simple récit de cette anecdote, tout homme juste reconnaîtra qu'alors du moins, et c'est pour le présent un préjugé favorable, j'étais animé d'une seule passion : celle d'assurer à mon pays le bonheur, qui ne se trouve que dans la liberté.
Me demandera-t-on pourquoi, ayant eu le courage d'écrire ce numéro non imprimé, puis la justice de le remettre en portefeuille, je ne l'ai pas publié quelques jours après? Je le voulais. Quelques amis, qui le surent, m'en détournèrent. Ils me remontrèrent qu'il était déjà trop tard; qu'inutilement un homme songeait à se dévouer pour tous ; qu'ils se sacrifierait sans fruit ; que les massacreurs étant dans toute leur rage, et les directeurs dans toute leur puissance, les dédénoncer serait, peut-être, appeler un choc violent, qui mal à propos provoqué, ne servirait qu'à leur assurer la plus norrible des victoires; qu'il convenait d'attendre une occasion favorable de les désarmer, en les démasquant ; que la force d'inertie était la seule que put actuellement leur opposer un homme qui n'était revêtu d'aucune fonction publique, sauf à recourir, si toute autre ressource devenait impossible, au dernier des moyens alors légitime, la résistance à l'oppression.
Page 15, et ailleurs, Robespierre s'efforce de confondre ce qu'il appelle les deux Révolutions, et soutient leur analogie. Il n'y en avait d'autre, que la disposition funeste, où tout peuple qui vient d'insurger, se trouve à souffrir qu'une poignée d'hypocrites amis qui le caressent, continue d'agir en son nom. On n'ignore pas qu'alors il se rencontre toujours quelques ambitieux moins habiles que pervers, qui ne s'étudient qu'à prolonger les agitations, pour les tourner enfin à leur profit, au détriment de la masse entière. Nous savons que plusieurs révolutions, d'abord heureuses contre le despotisme, ont échoué par l'anarchie ; que d'infortunés peuples ont un instant quitté leurs fers pour les reprendre plus heureux et plus lourds; qu'à des des- potes, des tyrans ont succédé. Nous le savons, obespierre 1 et nous y prendrons garde. Tu veux aussi te séparer de tes complices; ensemble vous vous accordez pour rejeter quelques iniquités principales sur l'un d'entre vous, qu'aujourd'hui vous trouvez tout simple de renier dans la Convention, quoique vous l'exaltiez aux ci-devant Jacobins; et vous n'entendez chacun ne répondre qu'aux faits qui vous concernent individuellement (1). Personne ne sera dupe de cet artifice. Sans doute, il y a des crimes, et c'est le grand nombre, pour l'exécution desquels il ne faut que la volonté et l'action d'un seul homme. Il en est autrement d'une conjuration qui exige nécessairement le concours de plusieurs. Aussi dans la recherche d'un complot de cette espèce, ne doit-on pas permettre que chaque conjuré s'isole et fasse évanouir la preuve en la divisant. Ainsi morcelée enj autant de parcelles qu'il y aurait de complices, une conjuration ne pourrait jamais se prouver. Rapprochez au contraire les événements et les personnages; reportez chacun des faits à sa date, et chacun des acteurs en son lieu, aussitôt la preuve sort de toutes parts. Et vainement alors voudrais-tu, Robespierre, feindre d'ignorer que les principaux chefs sont entre eux solidairement responsables, si ce n'est plus au suprême tribunal de la Convention, du moins et toujours au tribunal souverain de l'opinion publique, responsable de tous les actes d'un complot dont ils exécutaient une partie, dont ils faisaient exécuter l'autre, et qui devait essentiellement leur profiter.
Tu dis (page 3) n'avoir vu Marat qu'une fois, et à la fin de 91; qu'il ne te trouva que des vues politiques étroites et nullement l'audace d'un homme d'Etat. Ici je t'arrête : il faut que tes vues politiques se soient agrandies, et qu'il te soit venu de l'audace, car au mois de septembre dernier il a paru que Marat faisait grand cas de tes talents et de tes principes. Robespierre, il te méprisait en 91, et nous t'estimions; il t'estime en 92, et nous t'accusons ; tout cela ne s'accorde malheureusement que trop bien.
Tu poursuis : je l'ai retrouvé à l'assemblée électorale. Et ailleurs, Robespierre; ailleurs. Vous vous réunissiez quelquefois chez Collot
(d'Herbois), plus souvent chez Robert (1) très souvent chez Danton.
C'en est assez, pour ce moment, sur l'union des personnes ; venons à la collection des faits.
C'était le 27 août que l'Assemblée législative avait rendu le décret qui demandait aux parisiens 30,000 hommes. Longwy était pris; l'ennemi marchait sur Verdun. Pourquoi Robespierre, qui gouvernait le conseil général, ne fit-il point le même jour sonner le tocsin, tirer le canon d'alarme? Pourquoi Marat, afficha-t-il, dès le lendemain, que ce décret était une trahison; qu'il ne fallait pas envoyer un seul homme à Soissons! Pourquoi? parce que les conjurés n'étaient pas tout à fait prêts; parce que les prisons ne se trouvaient pas suffisamment garnies; parce que Marat n'avait pu encore essayer l'opinion sur l'établissement du triumvirat; parce qu'on ne croyait pas avoir assez calomnié les républicains, dont il fallait se défaire, pour que le complot de royauté réussît; parce qu'il était nécessaire de prêcher, pendant plusieurs jours encore, le mépris de la représentation nationale qu'on voulait usurper ; parce qu'enfin il n'était que trop aisé de calculer que les parisiens, qu'on aurait tenus endormis sur le pressant danger d'une invasion étrangère, se réveilleraient plus terribles à la nouvelle d'un nouveau revers presque inévitable, et qu'alors on pourrait les porter, sinon à commettre, du moins à souffrir les horreurs qu'on préméditait.
Le 28, Danton sollicite et obtient un autre décret qui ordonne qu'il sera fait des visites domiciliaires, que les citoyens suspects seront désarmés. Quant à l'exécution de ce décret, Robespierre n'y met pas de lenteur, on l'exécute aussitôt, pendant la nuit, dans une seule nuit, avec l'appareil militaire le plus menaçant. On cherche des armes, beaucoup moins que des hommes; on saisit ce moyen de combler les prisons; on arrête cette foule de particuliers, surpris chez eux, massacrés quelques jours après. Le 30, ou le 31, nouveau placard de Marat qui dénigre Pétion, désigne cinq des six ministres aux vengeances populaires, et propose le triumvirat. A la commune, Robespierre mandait Roland, tourmentait Servan, et ne louait que Danton.
Le 30, les républicains un moment respirèrent. Plusieurs sections se plaignirent de leurs municipaux despotes, Roland les dénonça, l'Assemblée reprit quelque force, elle cassa le conseil général : je crus voir son trône brisé, Robespierre. Mais le lendemain Tallien, pour céder, disiez-vous, au vœu d'un peuple immense, que vous prétendiez être en marche, et déjà près du Pont-Neuf, c'est-à-dire entre le lieu de vos séances et le lieu des séances de l'Assemblée, Tallien venait demander le rapport du décret; et l'Assemblée, toujours forcée dans ses délibérations, mais voulant assurer quelque apparence de liberté, renvoyait pour la forme à sa commission des vingt-et-un et remettait au lendemain sa décision, qui n'était plus douteuse. Le dernier jour d'août fût encore remarquable par
une circonstance trop peu connue, et néanmoins essentielle à l'histoire de cette prétendue révolution de septembre. Panis, alors du comité de surveillance de la commune, était souvent gêné dans ses opérations par la justice et l'humanité de quelques administrateurs, selon lui, trop prompts à reconnaître l'innocence, trop lents à mettre le crime en lieu de sûreté. Ces gens-là criait-il sans cesse, ne sont pas du tout à la hauteur de la Révolution. Pour se débarrasser de ces indignes collaborateurs, que fit-il ? Pendant qu'ils étaient allés dîner, il mit les scellés sur la porte du lieu de leur travail; puis il courut au conseil général ; il exposa que ce comité de surveillance n'allait pas; qu'il lui fallait des gens plus habiles, il demanda à se choisir des adjoints. Le conseil y consentit, imaginant, sans doute, qu'il les prendrait tous parmi ses membres. Panis s'en garda bien. Panis osa violer tous les droits du peuple de Paris. 11 osa de sa propre autorité mettre au comité de surveillance, un nomme qui s'y trouva disposer despotique-ment des biens, de la liberté, de la vie de tous les citoyens d'une grande commune, dont aucune section ne l'avait élu ! Un homme qui ne tarda pas à se montrer digne du choix qu'on avait fait de lui, car, à compter de ce moment, les prisons ne se vidèrent plus que le troisième jour, et pour le malheur de la nation française, l'Europe sait comment 1 Un homme que la soif, l'inextinguible soif des crimes et du sang tourmente sans cesse. Quoi, Marat? Oui, Marat! Oui, pour le massacre certain d'un plus grand nombre de victimes, Panis alla déterrer Marat!... Lecteurs attentifs, veuillez vous ressouvenir que nous étions au 3i d'août, et réfléchissez.
Cependant n'était-il arrivé dans les prisons, aux jours précédents, aucun événement qu'on dût remarquer? Vagonie (de Saint-Méard) nous offre, sur ce qui se passait à la Force, quelques détails importants à saisir; le 16, à minuit, un officier municipal était venu prendre les noms des prisonniers ; le 28 et le 29 il arrivait à chaque instant de nouvelles victimes. Le premier septembre, cependant, l'antre du lion rendit quelque proie, on nt sortir trois patriotes, moins étonnés, ait Saint-Méard, de leur délivrance que de leur arrestation(1).
Mais si l'on voulait bien, selon l'ancienne acception du mot, élargir quelques républicains obscurs, c'était pour jeter a leur place, et bientôt élargie, suivant la nouvelle manière, des républicains connus. Dès le matin, le bruit était semé que Verdun, bloqué de toute parts et dépourvu de tout, ne pouvait longtemps se détendre. Avant midi, rien n'était épargné pour multiplier les groupes. D'habiles émissaires y faisaient entendre que jamais Guillaume et Brunswick n'auraient eu l'audace de s'avancer autant s'ils n'avaient eu, avec quelques membres du conseil exécutif et l'Assemblée nationale un traité secret. Un peu plus tard, nous dûmes gémir, mais nous ne dûmes pas nous; étonner de voir l'Assemblée rapporter le décret qui avait cassé le conseil général. Enfin, le soir, le soir du 1er septembre,
dans l'Assemblée de ce conseil, quelques-uns de tes affidés, Robespierre, commencèrent par prodiguer les dénonciations vagues. Les dangers actuels de la patrie ne leur paraissaient point une suite naturelle des complots de Louis XVI et des perfidies de Lafayette ; ils ne les attribuèrent qu'à quelques hommes auxquels le peuple trompé croyait du patriotisme. Et lorsqu'ils eurent, de mille et mille manières, excité la curieuse défiance des auditeurs, lorsque tu jugeas les voies suffisamment préparées, a ton tour tu t'élanças à la tribune; et je rapporte tes expressions : Personne n'ose donc nommer les traîtres ; eh bien, moi, pour le salut du peuple, je les nomme. Je dénonce le liberticide Brissot, la faction de la Gironde, la scélérate commission des vingt-et-un de l'Assemblée nationale. Je les dénonce pour avoir vendu la France à Brunswick et pour avoir reçu d'avance le prix de leur lâcheté. Les preuves ! tu les promettais pour le lendemain, traître! et le lendemain, les tiens jugeaient, condamnaient, massacraient sans preuves ! C'était le soir du 1er septembre, qu'ainsi tu dénonçais les amis de la Bépublique ; et 12 ou 15 heures après, les assassins à la solde du triumvirat tiraient le glaive !
Le lendemain !... 0 jour de deuil, dit Pétion ; et moi je dis : 0 jour à la fois horrible et profitable à la République ! puisqu'il nous offre un terrible avertissement de tout ce que l'audace de quelques pervers peut entreprendre encore contre cette égalité naissante, que leur ambition déteste ! 0 jour à jamais exécrable et cependant trop heureux de n'avoir vu que la moindre partie des forfaits liberticides dont ils espéraient le souiller.
Mais, d'abord, retraçons les principaux événements de la matinée. Cherchons-en quelque part le récit fidèle. Bornons-nous à citer ; ma plume, fatiguée de tant d'horreurs, a besoin de rèpos.
« Le ministre de la justice, Danton (1), vient enfler de sa voix révolutionnaire toutes les trompettes de la renommée; et, par un discours d'une profonde politique, il enlève les applaudissements des tribunes et de l'Assemblée. Il demande que des commissaires ambulants soient à l'instant nommés pour seconder les bons desseins du pouvoir exécutif. Ils ont tous été nommés sur sa présentation (2). Il demande, et l'on décrète encore, que quiconque refusera de remettre ses armes ou de servir en personne soit puni de mort, et qu'il soit fait une adresse aux citoyens pour diriger leurs mouvements...
» Est-ce de l'adresse (3) du lendemain, de l'adresse du 3 septembre, dont tu voulais parler, Danton ?...
«.....Lacroix, qui cède à l'enthousiasme universel, électrique, violent, et au besoin d'une force publique, et qui, sans doute, est bien loin de soupçonner que Danton, ministre de la justice, Danton, pouvoir exécutif, est seul excepté d'une proscription totale (4) de ce conseil exécutif dont on a vanté les bons desseins, fait décréter la plus horrible dictature qui fût jamais. Sylla, en usurpant la dictature, n'avait pas pour lui les décrets du Sénat romain 'et la loi de la Ré-
publique. — On n'avait pas dit à Sylla, comme à Danton, au nom du Sénat et du peuple romain, et du salut public qui est la loi suprême : Quiconque contrariera, soit directement, soit indirectement, les opérations du ministre de la République, sera puni de mort. »
« Séance du soir, 2 septembre.
« Ici finissent les travaux de la première législature. La plume d'un homme libre ne peut écrire que la vérité ; ce fut au 2 septembre, sur les deux heures, que la première législature termina ses travaux ; il est bien vrai qu'elle siégera encore quelques jours. Elle se leva et on la fit asseoir, comme on osa le lui prescrire.
« Libre, eût-elle souffert, sans réclamation, avec impunité, que l'adresse du 3 septembre, qu'on va lire, eût été répandue avec profusion dans les départements, dans les sociétés populaires?... et sous le contre-seing du ministre de la justice, dont il était défendu, sous peine de mort, d'entraver directement ou indirectement les opérations !
« Lisez donc cette adresse du 3 septembre à tous les citoyens de l'Empire, pour diriger leurs mouvements :
« Frères et amis, un affreux complot tramé par la Cour, pour égorger tous les patriotes de l'Empire français, complot dans lequel un grand nombre de membres de l'Assemblée nationale se trouvent compromis, ayant réduit le 9 du mois dernier la commune de Paris à la cruelle nécessité de se ressaisir de la puissance du peuple pour sauver la nation, elle n'a rien négligé pour bien mériter de la patrie, témoignage honorable que vient de lui donner l'Assemblée nationale elle-même. L'eût-on pensé dès lovsl De nouveaux complots non moins atroces se sont tramés dans le silence. Il éclataient au moment même où l'Assemblée nationale, oubliant qu'elle venait de déclarer que la commune de Paris avait sauvé la patrie, s'empressait de la destituer pour prix de Son brûlant civisme. A cette nouvelle, les clameurs publiques élevées de toutes parts fint fait sentir à l'Assemblée nationale la nécessité urgente de s'unir au peuple et de se rendre à la commune de Paris, par le rapport du décret de destitution, les pouvoirs dont il l'avait investie.
« Fière de jouir de toute la plénitude de la confiance nationale, qu'elle s'efforcera toujours de mériter de plus en plus ; placée au foyer de toutes les conspirations et déterminée à s'immoler pour le salut public, elle ne se glorifiera d'avoir pleinement rempli ses devoirs que lors-qu'elle aura obtenu votre approbation, objet de tous ses vœux, et dont elle ne sera certaine qu'après que tous les départements auront sanctionné ses mesures pour sauver la chose publique.
« Professant les principes de la plus parfaite égalité, n'ambitionnant d'autre privilège que celui de se présenter la première à la brèche, elle s'empressera de se remettre au niveau de la commune la moins nombreuse de l'Etat, dès l'instant que la patrie n'aura plus rien à redouter des nuées de satellites féroces qui s'avancent contre la capitale.
« La commune de Paris se hâte d'informer ses. frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces détenus dans les prisons a été mise à mort par le peuple, actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur ces légions de traîtres cachés dans ses murs au moment où il allait
marcher à l'ennemi, et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de salut public, et tous les Français s'écrieront comme les Parisiens : Marchons à l'ennemi, mais ne laissons pas derrière nous ces brigands pour égorger nos enfants et nos femmes.
« Frères et amis, nous nous attendons qu'une partie d'entre vous va voler à notre secours et nous aider à repousser les légions innombrables de satellites des despotes conjurés à la perte des français. Nous allons ensemble sauver ia patrie, et nous vous devrons la gloire de l'avoir retirée de l'abîme.
« Signé : Les administrateurs du salut public, et les administrateurs - adjoints réunis, PlERRE duplain, panis, Sergent, l'Enfant, Jourdeuil, Marat, l'ami du peuple, de For-gas, Leclerc, Dufortre, Celly, constitués par la commune, et séant à la mairie.
« Ce
« N. B. Nos frères sont invités à remettre cette lettre sous presse, et à la faire passer à toutes les municipalités de leur arrondissement.
« Atrocité inouïe, dont Néron et Caligula n'ont pas donné d'exemple ! Qui vengera les représentants d'un grand peuple, d'un peuple tout puissant, dégradés, avilis, et souillés du sang innocent répandu à grands flots ? »
Et j'ajoute, moi : qui punira des conjurés assez audacieux pour s'être glorifiés de la tyrannie qu'ils exerçaient sur l'Assemblée nationale, des assassinats qu'ils avaient commis et qu'ils excitaient à commettre; des usurpations de pouvoir qu'ils s'étaient promises et qu'ils demandaient qu'on sanctionnât; de leurs projets de dictature complète, auxquels ils osaient prier les départements d'accéder? Qui punira les prétendus magistrats signataires, et le prétendu ministre de la justice, distributeur de cette circulaire, telle qu'à l'époque de laSaint-Bartbélemy, la digne mère de l'impie Charles IX n'en écrivait point de plus horribles aux gouverneurs de ses provinces ; telle que les plus insolents, les plus lâches, les plus cruels usurpateurs n'osèrent en hasarder d'aussi exécrable : exécrable par les forfaits qui l'avaient précédée, par les forfaits dont ils comptaient la faire suivre; si évidemment exécrable, que seule elle prouve tout et ne me laisse rien à prouver.
Achevons néanmoins, pour le complet anéantissement de leurs complots, achevons de porter la lumière sur toutes les horreurs de septembre : et d'abord observons que le 2 était un dimanche. Le choix d'un jour d'oisiveté n'est pas une circonstance à négliger. On voit cependant que Danton n'était pas oisif; l'emploi de la matinée préparait la terrible circulaire du lendemain et promettait aux départements des émissaires non moins terribles. D'un autre côté, on se préparait aussi. La prise de Verdun se donnait pour certaine, quoique la nouvelle officielle ne fût pas arrivée. A la Force, on faisait dîner les prisonniers plutôt que de coutume; au dessert on enlevait tous les couteaux ! on mettait dehors la garde malade d'un prisonnier qui avait le bras cassé ; et véritablement le malheureux n'avait plus besoin de ses soins, son heure dernière approchait (1).
Dans la ville on allait presser le départ de 60,000 hommes, et en même temps, chose remarquable! on faisait fermer les portes! A lire la page 16 de Robespierre, on croirait déjà que 40,000 anthropophages étaient, en moins d'une heure, sortis de terre tout armés lorsque leu rs cris de fureur demandaient quelques milliers de sacrifices humains; eh bien, le tocsin ne sonna qu'à deux heures et demie, et des témoins occulaires attesteront qu'une heure après iln'y avait pas cent personnes au Champ de Mars; mais au milieu de Paris, peut-être une cinquantaine de monstres qui allaient, provoquant les groupes et se relayant pour y crier les sanguinaires paroles qu'on trouve dans la digne circulaire du lendemain : ne laissons pas derrière nous ces brigands pour égorger nos enfants et nos femmes. A trois heures et demie, pas cent personnes au Champ de Mars, et les masacres commencés à l'hôtel de la Force à quatre heures (1) !
Poursuivons : c'était le soir du 1er septembre que Robespierre avait proscrit Brissot et la députation de la Gironde ; ce fut le soir du 2 que Marat et son comité lancèrent des mandats contre eux; ce fut le lundi 3, à six heures du matin, que des commissaires de la commune se présentèrent chez Brissot. Ils lui montrèrent leurs pouvoirs. Dans le principe on en avait voulu faire un arrêt de mort, mais on s'était ravisé, je ne sais par quelle crainte; ce n'était plus qu'une sentence diffamatoire. Les mots mandons d'arrêter étaient seulement couverts d'un trait de plume, si léger qu'ils demeuraient parfaitement lisibles. Restait un ordre de visiter. Brissot n'y voulut mettre aucun obstacle ; on chercha dans ses papiers les preuves que d'avance tu avais toujours promises, Robespierre ! et l'on ne trouva rien : Germeuil, l'un des commissaires, dit à Brissot quil avait huit mandats pareils contre des députés de la Gironde, et qu il comptait commencer par Guadet. Moi, répondit le républicain persécuté; moi, pour des raisons dont le détail serait trop long, j'ai bien voulu souffrir cette visite; mais Guadet? prenez garde! Les gens de bien le trouvent toujours doux et paisible ; mais il est violent contre le crime; mais il exerce la tyrannie de ceux qui vous envoient; prenez garde! Je ne sais si ces représentations eurent effet ou si les visiteurs reçurent contre-ordre : ils n'allèrent chez aucun des députés de la Gironde, La postérité remarquera sans doute, que cette journée du 3 septembre fut encore souillée d'une autre tache, d'une tache ineffaçable, celle d'avoir vu paraître au milieu des flots de sang qui devaient couler peudant quatre jours encore, cette adresse sanguinaire et lèse-nationale du
comité de surveillance ; adresse approuvée par Robespierre en conseil, et que Danton, je ne saurais trop le dire, fit passer sous contre-seing!
Le 4 fut signalé par une infamie nouvelle. On fit un mandat d'arrêt contre Roland. Roland ! Si après tant de gages donnés à la Révolution il l'avait trahie, personne n'était plus que lui criminel ! S'il avait mérité cet arrêt de mort, nulle considération humaine ne devait empêcher qu'il s'exécutât. Pourtant, si j'en crois Pétion, il suffit à Danton, pour obtenir qu'on le révoquât, de s'emporter devant Robespierre et de représenter que cet acte de démence perdrait, non pas Roland, mais ceux qui l'avaient décerné. D'où je conclus du moins qu'auprès de Robespierre et de Marat, Danton était une puissance.
Mais je continue ma lecture et je trouve que Pétion et Robespierre commençaient à s'expliquer, que Danton s'entremêla du colloque et fit si bien que l'explication ne put s'achever; d'où je conclus que Robespierre pourrait bien n'être qu'un instrument aveugle dans les mains de Danton.
Et je vois que, peu de jours après, Marat et Danton eurent ensemble une petite querelle d'amitié qui se termina par de tendres embras-sements; d'où je conclus que Danton sentait le besoin de continuer encore l'expérience du tempérament de cet homme (1).
Les massacres continuaient cependant (2). Pétion réclamait la force publique. Il écrivait au commandant, à Santerre, nommé par le conseil général, ami de Robespierre, beau-frère dePanis, et maintenant maréchal de camp, je ne sais pourquoi. Santerre ne répond pas. Pétion écrit encore; alors Santerre répond qu'il a donné des ordres; et pourtant les présidents des48sections ont assuré depuis à la commission des vingt-et-un que les massacres leur avaient fait horreur, qu'ils auraient voulu pouvoir montrer la force publique, mais qu'ils n'avaient point reçu de réquisitions.
La même commission pressait Danton d'arrêter ces massacres; il riait. « Faites exécuter le décret d'accusation contre Marat », lui disait-elle ; il répondait froidement qu'il aimerait mieux donner sa démission.
Saisi d'une trop juste impatience, Brissot se détermine à entrer chez le ministre de la justice. Il y trouve Fabre (d'Eglantine); il se plaint à Danton de ces affreux massacres. * Et d'ailleurs, s'écrie-t-il, le moyen d'empêcher que des innocents n'y soient confondus. — Pas un, pas un ! répond Danton. — Quel garant », dit Brissot. Le ministre de la justice réplique : « Je me suis fait donner les listes des prisons, et l'on a effacé ceux qu'il convenait de mettre dehors. « Lecteur attentif, je me suis fait donner les listes ! et rappelez-vous que, dès le 26, un officier municipal avait été jusque dans la chambre de Saint-Méard prendre les noms des prisonniers.
Enfin Gorsas m'a raconté, comme à beaucoup d'autres, l'étrange conversation qu'il eut avec un homme qui, dans un certificat signé de lui, en date du 9 septembre, a pris le titre de juge souverain, élu par le peuple aux journées du 2 et
du 3. Cet homme entre chez un libraire où se trouvait Gorsas. Il y demande les courriers des départements de la dernière quinzaine. Le libraire ne les a pas. L'homme en paraît très fâché. Gorsas s'approche, se nomme et lui demande ce qu'il veut chercher dans ces numéros. « C'est que, dit l'autre, en rendant compte des journées de septembre, vous avez parlé de moi. — Oh ! oh, vous en étiez donc ? — Vraiment ! j'étais grand juge. — Oui ? vous pouvez donc m'apprendre comment cela se pratiquait. A quoi reconnais-siez-vous les innocents? — Bah ! bah ! il n'y en avait guère ? Mais encore, comment faisiez-vous ? — Nous avions des listes, et puis on voyait bien tout de suite. Cependant il y avait un grand B..... qui avait les cheveux en jacobin; on ne pouvait pas trop lire son nom, et il ne se défendait pas trop mal. Il nous a donné de la tablature. — Eh bien ? — Eh bien, j'ai envoyé demander à Panis et à Marat : ils m'ont fait aire, c'est cela même, élargissez.
La plume tombe de mes mains !
Les bourreaux étaient excédés de carnage : ils ne s'arrêtèrent que quand il ne resta plus de victimes, et le cours de leurs forfaits était seulement suspendu. Les commissaires ambulants portaient dans tous les départements leurs maximes d'anarchie et de sang; plusieurs distribuaient une déclaration des droits de leur façon ; quelques-uns osaient demander la loi agraire. Les meneurs de Paris attendaient la nouvelle des succès de leurs envoyés et les réponses à la fameuse circulaire. Dans tous les cas possibles, il fallait se tenir prêts au foyer de la conspiration. Il fallait, au sein de la capitale, continuer les trames si bien ourdies; ne point abandonner les calomnies sanguinaires, parvenir aux mandats d'arrêts essayés par les mandats de visite, et s'élever à de nouveaux massacres d'un genre plus favorable à l'établissement de la royauté.
11 fallait régner par la ruse, par la force, par la terreur. Il fallait que toutes les communes de l'Empire fussent, bon gré, malgré, bientôt amenées à souffrir ; que celle de Paris devînt le centre de la représentation nationale, ou si cette première partie du complot avortait, que tous les principaux meneurs de cette commune fussent jetés dans la Convention, pour la dominer à son tour par tous les moyens d'intrigue et d'effroi. J'ai ait ce qu'était l'assemblée électorale. Le premier député fut Robespierre; le second, Danton; puis Billaud-Varennes, tout récemment tiré du conseil général pour aller en qualité de commissaires du pouvoir exécutif à la grande armée; puis Panis, qui avait d'anciens droits à leur reconnaissance, puisque même, avant le 10 août, il avait pressé Barbaroux et Rebecqui de se rallier autour de l'homme vertueux et de le reconnaître pour dictateur; puis Marat, puis enfin toi, Philippe, toi sur qui nous avons les yeux. Santerre, on ne le nomma point, parce qu'il fallait le laisser à la tête de la force publique, ni l'Huilier, parce qu'on le gardait pour la mairie (1).
Robespierre reprit à la tribune de l'assemblée électorale ses déclamations violentes, ses calomnieuses proscriptions contre tout ce qu'il y avait de plus vrais républicains. D'une main, Marat recommença ses placards, où il ne cessait de presser le peuple au massacre, de tout ce qui
n'était pas cordelier; de l'autre, il se remit à signer des mandats d'arrêts pour précipiter dans leur tombeau quatre ou cinq cents nouveaux malheureux (1) qui ne pouvaient ignorer, en entrant dans ses prisons, comme ceux qui les y avaient précédés venaient d'en sortir. Puis, les plus habiles émissaires allèrent répéter dans les groupes que la Convention ne pouvait être rassemblée pour le 20 septembre; qu'alors cependant l'Assemblée ne pouvait se dispenser de rendre ses pouvoirs au peuple; qu'il y aurait une grande insurrection ce jour-là; qu'aussitôt il faudrait bien se rallier autour de Robespierre et des hommes capables de sauver la France; que la justice du peuple devait demander les têtes de quatre cents députés traîtres à la nation ; qu'il faudrait aussi se défaire des aristocrates signataires de la pétition des vingt mille, et se partager les biens de tous les bourgeois accapareurs (2).
Aussi tous les rôles étaient distribués et remplis. Toi, Robespierre, de ta tribune, tu parlais pour proscrire. Lui, Marat, de son antre secret, expédiait quelques arrêts, en attendant qu'il en pût faire exécuter beaucoup. Il espérait encore trente mille proscrits dont les biens, déjà convoités, eussent pu conquérir quelques mille brigands à la suite des triumvirs. Ensemble, vous creusiez le tombeau de la République en son berceau même ; ensemble, vous savouriez d'avance le sang des républicains. Vous appeliez l'heureux jour, le jour terrible. Et dès que les uns auraient été pour jamais écartés par le fer, et les autres suffisamment contenus parla terreur, tous deux vous commenciez votre règne. Mais il parlait d'un triumvirat! Gomment donc saurons-nous le nom du troisième roi qu'ils nous gardaient dans leurs fureurs?
Comment! il ne s'agit pas de rapprocher les faits, d'examiner les hommes et de réfléchir. Depuis longtemps Marat songe au triumvirat (3);
depuis quelque temps Robespierre marche à la dictature. Ces deux hommes ont, chacun de son côté, quelque empire sur quelque portion du peuple. Séparés, ils restent trop faibles; rapprochés, ils se corroborent mutuellement. Qui se chargera de ce rapprochement? Apparemment l'autre homme, à qui sa voix révolutionnaire et ses formes athlétiques ont fait aussi quelques partisans, dans la multitude, amie de La vigueur; l'homme dont je crains, depuis plus d'un an, l'ambition vaste et mal déguisée; l'homme à qui je crois du moins le génie de l'intrigue et de l'observation; l'autre homme qui s'arrange, de sorte qu'à l'époque convenable, les deux pre-, miers se rencontrent chez lui ou ailleurs, qu'importe? Voilà cependant deux des triumvirs qui ne s'estimaient pas en 91, parce que l'un d'eux n'avait pas l'audace convenable, et qui maintenant se conviennent et se chérissent. Mais le troisième, quel sera-t-il? Belle question, celui qui a concilié les deux autres. Voilà donc tout? non, certes. Dès que marchant ensemble, ils seront parvenus à leurs fins, des trois le plus habile, et vous voyez déjà que c'est le dernier ; le plus habile dira qu'ayant fait l'expérience du tempéramment des deux autres, il se trouve qu'ils ne veulent rien; et, sur l'heure, il les précipitera. Mais comment le pourra-t-il? Parce que depuis trois ans, peut-être, il y a derrière lui quelque ci-devant grand, qui n'entend se montrer qu'au moment décisif. Et ne doutez pas qu'aussitôt il ne se montre. C'est ainsi pourtant qu'après cinq ou six années de combats, de sacrifices de toute espèce, nous républicains, nous n'aurons fait que changer de tyrans, sans que peut-être nous ayons même changé de dynastie!
0 génie tutélaire de ma patrie, je te rends grâce : aucun de leurs derniers attentats, si méchamment concertés, n'a réussi.
La plupart des départements repoussèrent par le mépris, et quelques-uns par des traitements sévèrement justes, ces ambulants commissaires, effrontés propagateurs de troubles, d'assassinats, de désorganisation. L'immense majorité des communes ne daigna pas lire, on ne lut qu'avec horreur la trop affreuse circulaire. Ainsi tomba la première partie du complot ; ainsi furent renversées les vastes espérances de ce conseil général que ses meneurs voulaient saisir de la représentation nationale, dont ils s'étaient flattés de faire, à la place de cette Convention qu'on eut renvoyée à des temps moins périlleux, un corps souverain sur lequel ils régnaient déjà.
Mais cette révolution du 20 septembre, par laquelle ils espéraient encore royaliser la France en la couvrant de cadavres, qui nous l'épargna? Un double prodige que des yeux contemporains ne remarquent pas assez, mais donc nos enfants pourront s'étonner. Malgré le peu de temps laissé pour de longues opérations, malgré les embarras de toute espèce, malgré des obstacles sans nombre, toutes les assemblées primaires firent les premiers choix, tous les corps électoraux achevèrent leurs nominations, tous les représentants du peuple accoururent, plus de trois cents se trouvèrent au rendez-vous auguste à l'heure désignée! Le même jour, au même instant, quelques bataillons d'hommes libres, Kel-lermann à leur tête, arrêtaient de nombreuses légions d'esclaves. En cette action vraiment grande, trop peu connue ou trop peu célébrée, quelques milliers de nos braves amis repoussaient d'immenses armées. 0 bonheur indicible! 0 digne prix de leur vaillance! en chassant de-
vant eux les prussiens de Brunswick, ils 'faisaient aussi reculer les Gordeliers de Danton. Ainsi ce jour du 20 septembre que l'ennemi du dehors et celui de l'intérieur avaient également marqué pour notre perte et notre opprobre, nous devint un jour de salut et de gloire. Ainsi placée entre les cohortes cruelles de deux ou trois despotes couronnés et la scélérate faction de trois ou quatre tyrans qui voulaient un trône, à sa naissance menacée d'un double trépas, la République vint à la vie par un double miracle.
Il ne fallait pas moins que l'imprévu concours du subit rassemblement de la Convention, et de l'étonnante victoire de Kellermann, pour que la seconde et la plus redoutable partie de la conjuration royaliste avortât.
Cependant n'ont-il pas repris leurs trames li~ berticides? et, je répète, s'ils ne les continuaient je ne les eusse point dénoncés, je ne les poursuivrais pas. Républicains trop confiants ou trop faibles, regardez donc autour de vous, songez-vous à leur retirer tous les moyens d'usurpation qu'ils s'étaient ménagés? Toutes les semences de troubles qu'ils jettent sans cesse autour de vous, prenez-vous soin de les étouffer?
Une poignée d'agitateurs est-elle contenue dans les sections? L'hydre du conseil général est-il abattu ? Permet-on qu'un maire soit nommé digne de confiance? A la place d'un prétendu général, appelé par acclamation dans les secousses d'un mouvement révolutionnaire, un véritable commandant est-il légalement réélu ? La justice a-t-elle repris son cours ordinaire? L'assemblée des représentants du peuple est-elle purgée? Non, non, Robespierre, presque tout ce qui existait pour ton élévation existe encore. Dans les groupes, ce sont toujours tes mérites qu'on veut faire admirer; aux jacobins, c'est toujours de l'idolâtrie qu'on sollicite pour tes vertus. Aux jacobins et dans les groupes, c'est contre la Convention qu'on appelle constamment l'animadversion publique (1). Aucun moyen d'agiter le peuple de-Paris n'est oublié. Samedi ce fut la nouvelle de l'enlèvement de Louis XVI, dimanche c'était celle de sa mort; lundi c'est celle d'une entière défaite de Custine (2). Partout c'est au nom de Marat (3) et de tous les tiens qu'on prêche les désordres, l'anarchie, l'insurrection. Quinze jours se sont à peine écoulés depuis qu'au palais de la révolution un homme pérorant devant cinq cents autres, demandait vingt mille victimes et six cents dans la Convention. Que six cents, Robespierre? ce malheureux se trompait. 11 est impossible qu'il y ait cent cinquante traîtres au milieu de tous.
Représentants du peuple, le mépris de vos lois, l'assassinat de vos personnes, le règne de tous les désordres, de tous les méchants et, par conséquent, de tous les despotes, rois ou triumvirs, se proclament sur toutes les places, dans une société dite populaire, et jusqu'aux portes de cette Assemblée. Laisserez-vous au dedans périr par l'anarchie cette République dont les armées sont victorieuses au dehors ? Après avoir échappé à tant de violents orages, est-ce contre un aussi misérable écueil que vous irez échouer et vous briser ? Je l'ai dit, je le redis, je le redirai sans cesse : l'anarchie est le seul ennemi redoutable qui vous reste. Seul, il peut vous reconduire au despotisme, de quelque nom que le despotisme prenne soin de se masquer. Vous exposeriez-vous à la honte d'avoir laissé tomber de vos mains, par excès de faiblesse, le précieux dépôt de la liberté française et de la liberté universelle? Comme section du tout, Paris mérite vos soins; acteur généreux dans deux révolutions successives, il a des droits à la reconnaissance publique. Cependant, jusque sous vos yeux, une faction cruelle l'agite, le tourmente, le dépeuple, voudrait en faire un désert. Dispersez les brigands, frappez les chefs, sauvez Paris.
Nos amis, nos frères, nos enfants combattent aujourd'hui pour les droits des peuples opprimés; souffrirez-vous qu'en leur absence les droits les plus précieux leur soient ravis? Quand ils auront conquis vingt nations à la liberté, rentreront-ils chez eux esclaves? Sera-ce pour le règne de Danton et de son illustre associé qu'ils auront versé les flots du sang le plus pur? L'armée combat pour nous, combattons pour l'armée.
Législateurs, lorsqu'au 10 août la nation, lassée du joug des rois, entendit le canon tonner sur leur repaire, elle respira, se croyant délivrée. Eh bien! c'était déjà la royauté qui revenait sur les cadavres des premiers jours de septembre, sucer le lait dont elle a toujours soif. C'était elle encore qui comptait, vers la fin du même mois, se relever entièrement au milieu d'un massacre plus vaste; c'est elle, enfin, qui veut aujourd'hui que nous n'obtenions ni repos ni lois; c'est elle qui a chargé l'anarchie de lui ramener par de longs détours son pouvoir et ses victimes. Hâtez-vous cependant, écrasez tout à l'heure ce reste et ce commencement de tyrannie, si vous voulez vraiment la République.
Et s'il était permis de supposer qu'auprès de vous, environnés de tant de grands intérêts, il reste encore quelque place pour l'intérêt personnel,
je vous dirais: Prenez garde; les traîtres que vous ménagez, s'ils avaient un instant de succès, ne vous laisseraient pas même le temps de vous reconnaître.
Pour prix de votre indulgence fatale, pour prix de vos éternelles temporisations, vous tomberiez leurs premières victimes, vous tomberiez à jamais.
Prenez garde ; défendez-vous.
Quoiqu'il arrive cependant, les voilà trop bien signalés pour qu'ils s'affermissent jamais sur leur trône, quand même ils parviendraient à le ressaisir d'une main sanglante. Et si je dois, faible individu, pour les avoir démasqués, mourir sous leurs coups, je ne mourrai pas tout à fait. Même à l'instant de ma chute, je pourrai sentir quelque joie, car après moi je laisserai ces vérités courageuses qui, tôt ou tard et plus ou moins, selon les hommes appelés à les recueillir, profiteront à la liberté. J'aurai payé ma dette à mon pays.
a la séance de la convention nationale du
Opinion de Jean-Baptiste Birotteau, député du département des Pyrénées-Orientales à la Convention nationale, sur l'accusation de Louvet contre Robespierre et sur la justification de ce dernier (2).
Inscrit le 4 novembre pour parler contre Robespierre, je crois de mon devoir de dire à mes concitoyens ce que je n'ai pu dire à la tribune. Ce n'est pas que je prétende ajouter quelque poids à ce qu'a dit Louvet; mais je crois devoir mettre au jour les raisons qui ont forcé ma conscience à me ranger du côté de l'accusateur, contre l'accusé. Personne n'a plus idolâtré Bo-bespierre que moi dans quelques écrits, enfantés par le patriotisme, je l'ai élevé jusqu'aux nues; aujourd'hui je le condamne, non par prévention, mais parce que je suis convaincu de la vérité des faits dont il est accusé.
Ce n'est pas avec des phrases pompeuses et en présentant les vrais principes de la raison et de la philosophie à ceux qui ne les ont jamais violés qu'on doit espérer d'en imposer à des hommes accoutumés à juger les choses et non les mots; ce n'est pas en plaçant dans tous les coins d'une salle, des battoirs toujours prêts à se mettre en mouvement à la fin de chaque période, qu'on peut espérer de convaincre de la justice ae sa cause ceux qui, depuis longtemps, sont accoutumés à lever le rideau brillant sous lequel cherchent à se cacher le crime et la perfidie. A travers tous ces dehors imposants pour l'homme gagné, la froide raison ne voit que le criminel, tremblant d'être convaincu et ne cherchant à éviter le sceau de la conviction que par tous les moyens de ruse et d'intrigue, l'unique ressource des hypocrites démasqués.
Le sentiment qui a porté Barère et Rabaut à demander l'ordre du jour est, sans doute, un sen-
timent louable et généreux ; et lorsque la royauté est abolie, que la République est déclarée une et indivisible et qu'il n'y aura de Constitution que celle qui sera acceptée par le peuple français, il est glorieux pour les représentants de la République de mépriser les efforts impuissants de ces hommes qui ne trouvent des admirateurs que dans les partisans de l'anarchie et qui, semblables à la queue du lézard, qui ne s'agite jamais avec plus de force que lorsqu elle est séparée du corps auquel elle tenait, finissent de perdre, dans de pareilles convulsions, le peu d'existence qui leur reste.
Mais, lorsque des écrits, ouvrage du mensonge et de la calomnie, sont jetés dans les départements pour égarer l'homme faible et crédule, est-il indifférent d'opposer unè égide à ces lâches assassins de la liberté ? Lorsque, dans une société jadis si célèbre, on cherche à avilir la Convention, on prêche l'anarchie et le mépris des lois, on veut donner pour la volonté des 83 départements celle de huit cents femmes et de quatre cents hommes occupant sans cesse les tribunes, et qu'on appelle le souverain ; lorsque, fiers d'être ainsi couverts d'applaudissements, ils prétendent.être les seuls en état de sauver la République ; lorsque quiconque veut montrer la vérité et rappeler les vrais principes, est hué, menacé et forcé au silence ; lorsque enfin, celui qui a demandé une couronne civique pour de lâches assassins a été applaudi, comme 6n dit, à tout rompre, je vous le demande, à vous, vrais républicains, peut-on garder le silénce ? Ce que je viens de dire n'est pas étranger à mon sujet ; levez le rideau et vous verrez les personnages dont je veux parler.
Sans vouloir suivre Robespierre pas à pas dans sa justification ; sans vouloir lui rappeler que ce n'est pas en récriminant qu'on se justifie, que ce n'est pas par des réticences qu'on se blanchit, ni par desépigrammes qu'un accusé triomphe, je vais prouver, par ses propres écrits, combien Louvet a été fondé à l'accuser d'avoir méconnu, persécuté, avili la représentation nationale et ae n'avoir rien négligé pour la faire méconnaître, persécuter et avilir.
J'ouvre son discours sur l'influence de la calomnie sur la Révolution, prononcé aux jacobins le 28 octobre dernier et envoyé aux sociétés, assemblées électorales, etp., etc.
Après avoir rappelé les efforts de l'intrigue et de l'aristocratie pour arrêter les progrès de l'esprit public, Robespierre place, aussitôt après tous ces intrigants, les députés à la Convention, ceux de Paris exceptés ; il y place ceux qui, par leur courage, leurs lumières et leurs vertus ont mérité à si juste titre la confiance de leurs commettants insultant ainsi, au choix libre, tout à fait libre, des 82 départements.
Page 17, il dit : « Que fait la faction nouvelle depuis la Révolution du 10 août? Elle crie à l'anarchie, parle sans cessé d'un parti désorga-nisateur, de démagogues forcenés qui égarent et flattent le peuple: brigandages, assassinats, conspirations, voilà toutes les idées dont elle entretient sans cesse les 83 départements. »
Je te le demande, Robespierre, où as-tu fourni la preuve de la fausseté de ces faits t La commune de Paris n'est-elle pas livrée à la plus désolante anarchie? Lorsque dans tous les coins de Paris, lorsque dans les sections on dit qu'il faut, tomber sur la Convention et la forcer à obéir au souverain ; lorsqu'on viole ouvertement les lois ; lorsque des effets précieux ont
disparu ; lorsque des milliers de victimes ont été sacrifiées à la rage et à la fureur; lorsque des dépositaires ont enlevé les trésors confiés à leur probité et à leur vigilance ; lorsqu'on lit, qu'on entend dire, qu'il faut encore abattre 250,000têtes pour compléter la révolution, etc., etc., avons-nous tort de parler de brigandages, d'assassinats, de conspirations et de démagogues forcenés qui égarent le peuple?
Tu dis encore, page 18, « que ce n'est qu'aux patriotes qu'on en veut, à ceux qui, étrangers à toutes les factions, imperturbablement attachés à la cause publique, se sont montrés dans la révolution du 10 août. »
Ne dirait-on pas que tu veux faire croire à la République que, sans toi et tes partisans, Paris aurait été le tombeau de la liberté? Où étais-tu, où étaient-ils, lorsque les Marseillais, les Bretons, les Parisiens et les Fédérés des 83 départements scellaient de leur vie et de leur sang le triomphe delà liberté? Quelle maison te servait alors de refuge? Et si, protégé par une élève de Thalie, tu te croyais chez elle à l'abri de tout événement, pourquoi oses-tu t'appeler l'homme du 10 août? Prends le titre qui te convient le mieux et que personne ne te dispute, appelle-toi l'homme du 2 septembre.
En vain tu as cherché à justifier (ces forfaits dignes des Cannibales, et tu as prétendu qu'il était impossible de les prévenir : déjà le 1er septembre, le'projet était formé et les rôles distribués. Que faisait alors la Commune? que faisais-tu toi-même? que faisaient tes collègues? A peine pouviez-vous, tous, suffire à signer des mandats d'arrêts; un seul seing suffisait pour faire arrêter un citoyen; et un mandat d'arrêt était une sentence de mort. Commentjustifierez-vous celui lancé contre Roland et tant d'autres?
Je passe à la page 20, et je lis : « Voyez avec quel acharnement ils accusent cette cité du projet insensé de subjuguer la liberté du peuple français, au moment où elle vient de l'enfanter ! Voyez comme ils lui reprochent son opulence, quand elle s'est ruinée pour la défense de la cause commune ! »
Quelle astuce ! quelle mauvaise foi ! avec quel art cet homme cherche à capter la bienveillance des Parisiens ! Combien de fois n'a-t-on pas déclaré à la Convention qu'on rendait justice au peuple de Paris, bon, juste et généreux; et qu'on savait la distinguer de cette horde composée de gens sans aveu, toujours prêts à piller et assassiner? Est-ce là le peuple ae Paris, non sans doute? Pourquoi donc supposer la calomnie, lorsqu'on n'est que juste, et pourquoi vouloir identifier avec le peuple de Paris les assassins du 2 septembre? Quel est celui qui a reproché à Paris son opulence, quand elle s'est ruinée pour la cause commune ? Et quelle est la ville qui n'a pas perdu, quelle est celle qui n'a pas fait des sacrifices à la patrie? Et, j'ose le dire, quels sacrifices n'a pas fait la patrie à la seule ville de Paris?
Voyez avec quelle perfidie Robespierre cherche à avilir la Convention, à présenter à la France entière les colonnes de la liberté comme des factieux, des traîtres, des scélérats. Page 21, il dit : «' Si la Convention nationale n'a rien fait encore qui réponde ni à la hauteur de la nouvelle révolution, ni à l'attente du peuple français, il n'en faut pas chercher la cause ailleurs, que dans la confiance avec laquelle un grand nombre de ses membres s'est abandonné aux guides infidèles qui les avaient trompés d'avance. »
Est-ce là le langage de celui qui se donne pour la vertu même? Est-ce ainsi que doit parier celui qui aime la patrie? Mais où sont ces guides infidèles? où sont les effets de leur trahison? Sont-ce ceux qui dans l'Assemblée législative ont constamment lutté contre une majorité corrompue et redoutable? Sont-ce ceux qui ont sauvé la patrie par leur courage et leur sainte conjuration poùr faire triompher la liberté, qui, voyant une cohorte altérée de sang, agiter déjà les sabres qui devaient les égorger, jurèrent de ne pas quitter leur poste? Est-ce la convocation d'une Convention nationale, la suspension d'un roi parjure, l'abolition de la royauté, la déclaration d'une République une et indivisible, et la proscription ae quiconque parlera de dictature, de tribunat ou de triumvirat? Ah! sans doute, ce sont là les trahisons dont veut parler Robespierre : ajoutez à cela le triomphe du vertueux citoyen, dont la vigilance et l'activité sont un éternel obstacle aux manœuvres des agitateurs.
Page '23, Robespierre dit : « un membre apprend que 4,000 ouvriers sont en insurrection sur la place Vendôme; l'Assemblée s'alarme, il n'y a pas un seul ouvrier. »
Mais pourquoi Robespierre, la vertu même, ne dit-il pas que c'est un officier municipal qui a parlé au comité militaire de ce rassemblement de 4,000 hommes? Pourquoi ne dit-il pas que cet officier municipal est celui qui, dans sa lettre à la Convention, parle de malheurs à prévenir, de séditieux à calmer et de rassemblements nombreux à dissiper? L'Assemblée s'alarme, calomnie atroce! 11 aurait mieux fait de $ire, l'Assemblée s'indigne, et mande à la barre l'officier municipal, admet ensuite les pétitionnaires; et par l'organe de son président, leur rappelle leur devoir, la loi, et leur promet justice. Voilà ce que devait dire l'homme vertueux, et il aurait dit la vérité; il n'aurait pas menti avec cette impudence bien étonnante, sans doute, dans un homme tel qu'il se dépeint lui-même.
Page 25, parlant de la force armée des 83 départements, il dit : « Lafayette et ses amis ne s'avisèrent jamais de créer pour eux une maison militaire et des gardes du corps, attachés au service des députés; qu'il appelle trois lignes plus bas, de petits tyrans de la République. »
Quoi! Robespierre, accusé d'avoir aspiré à la dictature; lui, sans cesse entouré de satellites armés, dont un signal était un ordre, un désir, une loi ; lui l'unique sauveur de la France, a demandé où étaient ses armées et ses ressources pour s'emparer du suprême pouvoir, et il prétend qu'avec. 4,500 hommes, les petits tyrans de la République aient le même projet que lui, au milieu d'une population immense comme celle de Paris! Il suppose que les 82 départements, d'accord, avec ces petits tyrans, n'enverront que des satellites gagnés ou dévoués d'avance au projet de bouleverser la République; mais ce n'est pas une aussi noire calômnie qu'il se borne. Page 26, il dit : « encore s'ils n'étaient que ridicules! mais quelle profonde perversité! quel mépris de la pudeur et des lois les plus saintes ; et plus bas : ils savent bien se passer de l'aveu de la nation française, et tandis qu'ils soumettaient cette question à ses lumières, ils la méprisaient assez pour appeler autour d'elle, à son insu, et contre les lois, des corps armés considérables. »
Quelle noirceur d'âme! quelle scélératesse! c'est ainsi qu'on suppose des crimes pour les
combattre, et des horreurs pour calomnier; les corps armés considérables, dont parle cet homme, ne sont que le corps des Marseillais, parti de Marseille pour se rendre à Paris plusieurs jours avant qu'il ne fut question de la force armée : c'est ce qu'a dit Barbaroux à la Convention et aux Jacobins; c'est ce qui est vrai et qui ne peut être démenti que par Robespierre.
Même page 26, il dit : « A chaque instant, ils versent dans leurs cœurs tous les poisons de la haine et de la défiance; que ne font-ils pas déjà pour engager des rixes funestes et souffler le feu de la guerre civile! »
C'est sans doute de Marat et compagnie qu'il a voulu parler; ainsi je passe plus bas,où il dit: « Oh! Français, qui que vous soyez, embrassez-vous comme des frères! »
Ah! Robespiérré, tu serais mon idole, si tu avais tenu ce langage le premier, le 2 septembre et jours suivants, car certainement on t'aurait obéi; tu ajoutes ensuite : «...et que cette sainte union soit le supplice de ceux qui cherchent à vous diviser. »
De quelle union parles-tu? Je ne vois de désunion qu'entre le crime et la vertu, l'ambition et le désintéressement, l'orgueil et la modestie, le mensonge et la vérité, les déclamations et le silence, la calomnie et la vérité; les 82 départements se tiennent tous par la main, tous leurs députés sont unis de cœur, d'âme et de principes, un seul désir les anime, celui de conserver les départements à Paris et Paris aux départements ; ils n'ont tous qu'une même volonté, celle de périr plutôt que de trahir leurs devoirs ; et leur unique but est de faire régner les lois, rien autre que les lois. Et la voilà, Robespierre, cette union qui fait déjà le supplice de ceux qui cherchent à nous diviser.
Page 28, on lit : Observez si ce n'est pas à eux que se rallient les riches, les corps administratifs, les fonctionnaires publics, » etc.
Voilà donc ce qui excite votre jalousie et ce qui alimente votre râge et votre vengeance; mais à qui doit-on donc se rallier, si ce n'est pas à la Convention? Voudriez-vous l'être, vous, le point de ralliement de la République? Voudriez-vous que Marat dictât les lois, que Robespierre les sanctionnât et que ses satellistes les exécutassent?
Ah ! c'est là, sans doute, ce erand projet auquel, selon vous, tient le salut de la République, mais son génie tutélaire saura la garantir d'un si étrange moyen de la sauver.
« Avoir le Trésor public à sa disposition, nommer à toutes les places', dominer au conseil exécutif, au sein de la Convention, au bureau, à la tribune, voilà ce dont vous accusez les petits tyrans du peuple, page 29. » Mais l'état de nos finances est connu de tout le monde ; nos armées sont victorieuses de tous côtés ; nos généraux ne sont pas des traîtres ; les places sont données au patriotisme et ôtées à l'aristocratie ; la Convention possède la confiance de la République; Marat et vous avez mérité à la tribune les applaudissements de vos amis; de quoi donc accusez-vous ceux que vous appelez tyrans?
Mais vous, hommes vertueux et entre les mains desquels est, à vous entendre, le salut de la République, si réellement vous aimiez cette République, si votre amour-propre n'était pas irrité de là neutralité à laquelle vous êtes aujourd'hui condamnés, pourquoi vous déchaîner aVec tant de fureur contre la Convention, tandis que, d'après
votre aveu même, elle est l'unique point de ralliement et l'unique espérance des Français? Et si réellement vous croyez avoir seuls trouvé le secret de sauver la chose publique, pourquoi ne soumettez-vous pas votre projet à la discussion de ceux qui sont perdus? Si vous gardez le silence, pourquoi ne pas découvrir le secret de cette faction que vous supposez à la veille de remettre la France sous le joug? Ah! plutôt, avouez vos torts, et vous nous verrez, oubliant vos erreurs, vous embrasser comme des frères rendus à la raison et à la patrie ; et laissant à nos commettants le soin de nous juger, travaillons tous à mériter leur estime et leur confiance.
Voilà ce que je voulais dire à la tribune pour prouver, par les écrits mêmes de Robespierre, combien il est de mauvaise foij et combien Louvet était fondé dans son accusation, dont lui et ses partisans ont tant redouté le développement dans la réponse précise qu'allait faire Louvet à ses déclamations vagues et insignifiantes. Mais ma conclusion était que, sachant distinguer le peuple de Paris, décidé à défendre la Convention au péril de sa vie, de cette poignée de satellistes, des modernes Catilina, la Convention, fière de ses forces, fière de la confiance des Français et de la pureté de ses principes, devait passer à l'ordre du jour et laisser les assemblées primaires de Paris les juges de la conduite et des principes de ceux qui, dans un moment d'insurrection, avaient réussi à couvrir leurs forfaits du titre auguste de représentants de la République ; et j'ose le dire, ce n'est qu'en les révoquant que le peuple de Paris justifiera l'idée que les départements ont de lui, en l'appelant le peuple du 10 août, et non le peuple du 2 septembre.
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
DISCOURS de Jérôme Pétion sur l'accusation intentée contre Maximilien Robespierre (2).
Citoyens, je m'étais promis de garder le silence le plus absolu sur les événements qui se
sont passés depuis le 10 août : des motifs de délicatesse et de bien public me déterminaient à user de cette réserve.
On m'a mis plus d'une fois dans le cas de rompre l'engagement que j'avais pris avec moi-même ; on s'est permis de défigurer ma conduite, de me prêter des sentiments qui n'ont jamais été les miens; on a employé des moyens de tout genre, pour me faire perdre une confiance obtenue par quelques services, je suis resté fermé dans ma résolution, bien convaincu que tôt ou tard la calomnie passe, que la vérité demeure, et que justice se fait.
Mais il est impossible de me taire plus longtemps. De l'une et l'autre part on invoque mon témoignage; chacun me presse de dire mon opinion; je vais dire avec franchise ce que je sais sur quelques hommes, ce que je pense sur les choses.
J'ai vu de près les scènes de la Révolution ; j'ai vu les cabales, les intrigues, ces luttes orageuses entre la tyrannie et la liberté, entre le vice et la vertu.
Quand le jeu des passions humaines paraît à découvert, quand on aperçoit les ressorts secrets qui ont dirigé les opérations les plus importantes; quand on rapproche les événements de leurs causes, quand on connaît tous les périls que la liberté a courus, quand on pénètre dans l'abîme de corruption qui menaçait à chaque instant de nous engloutir, on se demande avec étonnement par quelle suite de prodiges nous sommes arrivés au point où nous nous trouvons aujourd'hui.
Les révolutions veulent être vues de loin; ce prestige leur est bien nécessaire : les siècles effacent les taches qui les obscurcissent ; la postérité n'aperçoit que les résultats. Nos neveux nous croiront grands : rendons-les meilleurs que nous.
Je laisse en arrière les faits antérieurs à cette journée à jamais mémorable, qui a élevé la liberté sur les ruines de la tyrannie, et qui a changé la monarchie en République.
Les hommes qui se sont attribué la gloire de cette journée, sont les hommes à qui elle appartient le moins : elle est due à ceux qui l ont préparée;, elle est due à la nature impérieuse des choses; elle est due aux braves fédérés et à leur directoire secret qui concertait depuis longtemps le plan de l'insurrection ; elle est due au peuple ; elle est due enfin au génie tutélaire qui préside constamment aux destins de la France, depuis la première Assemblée de ses représentants.
Il faut le dire;un moment le succès fut incertain; et ceux qui sont vraiment instruits des détails de cette journée, savent quels furent les intrépides défenseurs de la patrie, qui empêchèrent les Suisses et tous les satellites du despotisme, de demeurer maîtres du champ de bataille ; quels furent ceux qui rallièrent nos phalanges citoyennes un instant ébranlées.
Cette journée avait également lieu sans le
concours des commissaires de plusieurs sections réunis à la maison commune. Les membres de l'ancienne municipalité, qui n'avaient pas désemparé pendant la nuit, étaient encore en séance à neuf heures et demie du matin.
Ces commissaires conçurent néanmoins une grande idée et prirent une mesure hardie en s'emparant de tous les pouvoirs municipaux, et en se mettant à la place d'un conseil général dont ils redoutaient la faiblesse et la corruption. Ils exposèrent courageusement leur vie dans le cas où le succès ne justifierait pas l'entreprise.
Si ces commissaires eussent eu la sagesse de savoir déposer à temps leur autorité, de rentrer au rang des simples citoyens après la belle action qu'ils avaient faite, ils se seraient couverts de gloire ; mais ils ne surent pas résister à l'attrait du pouvoir, et l'envie de dominer s'empara d'eux.
Dans les premiers moments d'ivresse de la conquête de la liberté, et d'après une commotion aussi violente, il était impossible que tout rentrât à l'instant dans le calme et dans l'ordre accoutumé; il eût été injuste de l'exiger. On fit alors au nouveau conseil de la commune, des reproches qui n'étaient pas fondés; ce n'était connaître m sa position, ni les circonstances. Mais ces commissaires commencèrent à les mériter, lorsqu'ils prolongèrent eux-mêmes le mouvement révolutionnaire au delà du terme.
L'Assemblée nationale s'était prononcée; elle avait pris un grand caractère ; elle avait rendu des décrets qui sauvaient l'Empire; elle avait suspendu le roi ; elle avait effacé la ligne de démarcation qui séparait les citoyens en deux classes ; elle avait appelé la Convention ; le parti royaliste était abattu : il fallait dès lors se rallier à elle, la fortifier de l'opinion, l'environner de la confiance : le devoir et la saine politique le voulaient ainsi.
La Commune trouva plus grand de rivaliser avec l'Assemblée; elle établit une lutte qui n'était propre qu'à jeter de la défaveur sur tout ce qui s'était passé ; qu'à faire croire que l'Assemblée était sous le joug irrésistible des circonstances. Elle obéissait ou résistait aux décrets, suivant qu'ils favorisaient ou contrariaient ses vues; elle prenait dans ses représentations au Corps législatif, des formes impérieuses et irritantes; elle affectait la puissance, et ne savait ni jouir de ses triomphes, ni se les faire pardonner.
On était parvenu à persuader aux uns, que tant que l'état révolutionnaire durait, le pouvoir étant remonté à sa source, l'Assemblée nationale était sans caractère; que son existence était précaire, et que les assemblées de commune étaient les seules autorités légales et puissantes.
On avait insinué aux autres, que les chefs d'opinion dans l'Assemblée nationale avaient des projets perfides, voulaient renverser la liberté, et livrer la République aux étrangers.
De sorte qu'un grand nombre de membres du conseil croyait user d'un droit légitime, lorsqu'il usurpait l'autorité ; croyait résister à l'oppression, lorsqu'il s'opposait à la loi ; croyait faire un acte de civisme, lorsqu'il manquait à ses devoirs de citoyen; néanmoins au milieu de cette anarchie, la Commune prenait de temps en temps des arrêtés salutaires.
J'avais été conservé dans ma place, mais elle n'était plus qu'un vain titre; j'en cherchais inutilement les fonctions ; elles étaient éparses entre toutes mains, et chacun les exerçait.
Je me rendis, les premiers jours, au conseil ; je fus effrayé du désordre qui régnait dans cette assemblée, et surtout de l'esprit qui la dominait. Ce n'était plus un corps administratif, délibérant sur les affaires communales; c'était une assemblée politique, se croyant investie de pleins pouvoirs, discutant les grands intérêts de l'Etat, examinant les lois faites, et en promulguant de nouvelles. On n'y parlait que de complots contre la liberté publique; on y dénonçait des citoyens ; on les appelait à la barre ; on les entendait publiquement; on les jugeait; on les renvoyait absous, ou on les retenait. Les règles ordinaires avaient disparu; l'effervescence des esprits était telle, qu'il était impossible de retenir ce torrent ; toutes les délibérations s'emportaient avec l'impétuosité de l'enthousiasme; elles se succédaient avec une rapidité effrayante ; le jour, la nuit, sans aucune interruption, le conseil était toujours en séance.
Je ne voulus pas que mon nom fût attaché à une multitude d'actes aussi irréguliers, aussi contraires aux principes.
Je sentis également combien il était sage et utile de ne pas approuver, de ne pas fortifier par ma présence tout ce qui se passait. Ceux qui, dans le conseil, craignaient de m'y voir; ceux que mon aspect gênait, désiraient fortement que le peuple dont je conservais la confiance, crût que je présidais à ses opérations, et que rien ne se faisait que de concert avec moi. Ma réserve, à cet égard, accrut leur inimitié, mais ils n'osèrent pas la manifester trop ouvertement, crainte de déplaire à ce peuple dont ils briguaient la faveur.
Je parus rarement ; et la conduite que je tins dans cette position très délicate, entre l'ancienne municipalité qui réclamait contre sa destitution, et la nouvelle qui se prétendait légalement instituée, ne fut pas inutile à la tranquillité publique : car si alors, je me fusse prononcé fortement pour ou contre, j'occasionnais un déchirement qui aurait pu avoir des suites très funestes : en tout il est un point de maturité qu'il faut savoir saisir.
L'administration fut négligée ; le maire ne fut plus un centre d'unité; tous les fils furent coupés entre mes mains; le pouvoir fut dispersé; l'action de surveillance fut sans force, l'action réprimante le fut également.
Robespierre prit de l'ascendant dans le conseil, et il était difficile que cela ne fût pas ainsi, dans les circonstances où nous nous trouvions, et avec la trempe de son esprit. Je lui entendis prononcer un discours qui me contrista l'âme, il s'agissait du décret qui ouvrait les barrières, et à ce sujet, il se livra à des déclamations extrêmement animées, aux écarts d'une imagination sombre ; il aperçut des précipices sous ses pas, des complots liberticides ; il signala les prétendus conspirateurs; il s'adressa au peuple, échauffa les esprits, et occasionna, parmi ceux qui l'entendaient, la plus vive fermentation.
Je répondis à ce discours, pour rétablir le calme, pour dissiper ces noires illusions et ramener la discussion au seul point qui dût occuper l'Assemblée.
Robespierre et ses partisans entraînaient ainsi la Commune dans des démarches inconsidérées, dans des partis extrêmes.
Je ne suspectai pas pour cela les intentions de Robespierre ; j'accusai sa tête plus que son cœur ; mais les suites de ses noires visions ne m'en causaient pas moins d'alarmes.
Chaque jour, les tribunes du conseil retentissaient de diatribes violentes ; les membres ne pouvaient pas se persuader qu'ils étaient des magistrats chargés de veiller à l'exécution des lois et au maintien de l'ordre ; ils s'en visagaient toujours comme formant une association révolutionnaire.
Les sections assemblées recevaient cette influence, la communiquaient à leur tour; de sorte qu'en même temps tout Paris fut en fermentation.
Le comitéde surveillance de laGommune remplissait les prisons. On ne peut pas se dissimuler que, si plusieurs deses arrestations furent justes et nécessaires, d'autres furent légèrement hasardées. Il laut moins en accuser les chefs que leurs agents; la police était mal entourée: un homme, entre autres, dont le nom seul est devenu une injure, dont le nom jette l'épouvante dans l'âme dé tous les citoyens paisibles, semblait s'être emparé de sa direction et ae ses mouvements. Assidu à .toutes les conférences, il s'immisçait dans toutes les affaires, il parlait, il ordonnait en maître; je m'en plaignis hautement à la Commune, et je terminai mon opinion par ces mots : « Marat est ou le plus insensé, ou le plus scélérat des hommes. » Depuis, je n'ai jamais parlé de lui.
La justice était lente à prononcer sur le sort des détenus, et ils s'entassaient de plus en plus dans les prisons. Une section vint en députation au conseil de la Commune, le 23 août, et déclara formellement que les citoyens fatigués, indignés des retards quel'on apportait dans les jugements, forceraient les portes de ces asiles et immoleraient à leur vengeance les coupables qui y étaient renfermés. Cette pétition, conçue dans les termes les plus délirants, n'éprouva aucune censure ; elle reçut même des applaudissements.
Le 25, mille à douze cents citoyens armés Sortirent de Paris pour enlever les prisonniers d'Etat détenus à Orléans et les transférer ailleurs.
Des nouvelles fâcheuses vinrent encore augmenter l'agitation des esprits. On annonça la trahison de Longwy et, quelques jours après, le siège de Verdun.
Le 27, "l'Assemblée nationale invita le département de Paris et ceux environnants à fournir 30,000 hommes armés pour voler auxfrontières. Ce décret imprima un nouveau mouvement, qui se combina avec ceux qui existaient déjà.
Le 31, l'absolution de Montniorin souleva le peuple. Le bruit se répandit qu'il avait été sauvé par la perfidie d'un commissaire du roi, qui avait induit les jurés en erreur.
Dans le même moment, on publia la révélation d'un complot, faite par un condamné, complot tendant à faire évader tous les prisonniers, qui devaient ensuite se répandre dans la ville, s y livrer à tous les-excès et enlever le roi.
L'effervescence était à son comble. La Commune, pour exciter l'enthousiasme des citoyens, pour les porter en foule aux enrôlements civiques, avait arrêté de les réunir avec appareil au Champ-de-Mars, au bruit du canon.
Le 2 septembre arrive, le canon d'alarme tire, le toscin sonne ; ô jour de deuil ! à ce son lugubre et alarmant, on se rassemble, on se précipite dans les prisons ; on égorge, on assassine. Manuel, plusieurs députés de l'Assemblé enationale se rendent dans ces lieux de carnage; leurs efforts sont inutiles, on immole les victimes jusque dans leurs bras ! Eh bien ! j'étais dans une
ïausse sécurité, j'ignorais ces cruautés, depuis quelque temps On ne me parlait dé rien. Je les apprends enfin, et comment? d'une manière vague, indirecte, défigurée; on m'ajoute en temps que tout est fini. Les détails les plus déchirants me parviennent ensuite; mais j'étais dans la conviction la plus intime que le jour qui avait éclairé ces scènes affreuses ne reparaîtrait plus. Cependant, elles continuent. J'écris au commandant général; je le requiers de porter des forces aux prisons ; il ne me répond pas d'abord : j'écris ae nouveau ; il me dit qu'il a donné dès ordres. Rien n'annonce que ces ordres s'exécutent. Cependant, elles continuent encore : je vais au conseil de la commune ; je me rends de là à l'hôtel de la Force, avec plusieurs de mes collègues. Des citoyens assez paisibles obstruaient la rue qui conduit à cette prison ; une très faible garde était à la porte; j'entre... Non, jamais ce spectacle ne s'enacera de mon cœur. Je vois deux officiers revêtus de leurs écharpes, je vois trois hommes tranquillement assis devant une table, les registres d'écrous ouverts et sous leurs yeux, faisant l'appel des prisonniers, d'autres hommes les interrogeant ; d'autres hommes faisant fonctions de jurés et de juges ; une douzaine de bourreaux, les bras nus, couverts de sang, les uns avec des massues, les autres avec des sabres et des coutelas qui en dégouttaient, exécutant àl'instantles jugements; des citoyens attendant au dehors ces jugements avec impatience, gardant le plus morne silence aux arrêts de mort, jetant des cris de joie aux arrêts d'absolution.
Et les hommes qui jugeaient, et les hommes qui exécutaient avaient la même sécurité que si la loi les eût appelés à remplir ces fonctions. Ils me vantaient leur justice, leur attention à distinguer les innocents des coupables, les services qu'ils avaient rendus ; ils demandaient, pourrait-ori le croire 1 ils demandaient à être payés du temps qu'il avaient passé ; j'étais réellement confondu de les entendre.
Je leur parlai le langage austère de la loi, je leur parlai avec le sentiment de l'indignation profonde dont j'étais pénétré. Je les fis sortir tous devant moi ; j'étais à peine sorti moi-même qu'il y rentrèrent ; je fus de nouveau sur les lieux pour les en chasser; la nuit, ils achevèrent leur affreuse boucherie.
£es assassinats furent-ils condamnés, furent-ils dirigés par quelques hommes ? J'ai eu des listes sous les yeux, j'ai reçu des rapports, j'ai recueilli quelques faits ; si j'avais à prononcer, comme juge, je ne pourrais pas dire: voilà le coupable.
Je pense que ces crimes n'eussent pas eu un aussi libre cours, qu'ils eussent été arrêtés si tous ceux qui avaient en mains le pouvoir et la force les eussent vus avec horreur; mais, je dois le dire, parce que cela est vrai, plusieurs de ces hommes publics, de ces défenseurs de la patrie, croyaient que ces journées désastreuses et déshonorantes étaient nécessaires; qu'elles purgeaient l'empire d'hommes dangereux ; qu'elles portaient l'épouvante dans l'âme des conspirateurs, et que ces crimes, odieux en morale* étaient utiles en politique.
Oui, voilà ce qui a ralenti le zèle de ceux à qui la loi avait confié le maintien de l'ordre, de ceux à qui elle avait remis la défense des personnes et des propriétés.
On voit comment on peut lier les journées des 2, 3, 4 et 5 septembre à l'immortelle jour-
née du 10 août; comment on peut en faire une suite du mouvement révolutionnaire imprimé dans ce jour, le premier des annales de la République. Mais je ne puis me résoudre à confondre la gloire avec l'infamie, et à souiller le 10 août des excès du 2 septembre.
Le comité de surveillance lança en effet un mandat d'arrêt contre le ministre Roland ; c'était le 4, et les massacres duraient encore. Danton en fut instruit, il vint à la mairie; il était avec Robespierre; il s'emporta avec chaleur contre cet acte arbitraire et de démence : il aurait perdu, non pas Roland, mais ceux qui l'avaient décerné. Danton en provoqua la révocation, il fut enseveli dans l'oubli.
J'eus une explication avec Robespierre, elle fut très vive. Je lui ai toujours fait en face des reproches que l'amitié a tempérés en son absence. Je lui dis : «Robespierre, vous faites bien du mal; vos dénonciations, vos alarmes, vos haines, vos soupçons agitent le peuple; mais enfin expliquez-vous ; avez-vous des faits î avez-vous des preuves? Je combats avec vous; je n'aime que la vérité; je ne veux que la liberté.
« Vous vous laissez entourer, vous vous laissez prévenir, me répondit-il; on vous indispose contre moi ; vous voyez tous les jours mes ennemis; vous voyez Brissot et son parti.
« Vous Vous trompez, Robespierre; personne plus que moi n'est en garde contre les préventions, et ne juge avec plus de sang-froid les hommes et les choses.
« Vous avez raison, je vois Brissot, néanmoins rarement; mais vous ne le connaissez pas, et moi je le connais dès son enfance. Je l'ai vu dans ces moments où l'âme se montre tout entière, où l'on s'abandonne sans réserve à l'amitié, à la confiance: je connais son désintéressement; je connais ses principes, je vous proteste qu'ils sont purs; ceux qui en font un chef de parti n'ont pas la plus legère idée de son caractère ; il a des lumières et des connaissances ; mais il n'a ni la réserve, ni la dissimulation, ni ces formes entraînantes, ni cet esprit de suite qui constitue un chef de parti ; et ce qui vous surprendra, c'est que loin de mener les autres, il est très facile à abuser. »
Robespierre insista, mais en se renfermant dans des généralités. « En grâce, lui dis-je, expliquons-nous ; dites-moi franchement ce que vous avez sur le cœur, ce que vous savez. »
—«Eh bien! me répondit-il, je crois que Brissot est à Brunswick.
— « Quelle erreur est la vôtre, m'écriai-je! c'est véritablement une folie ; voilà comme votre imagination vous égare : Brunswick ne serait-il pas le premier à lui couper la tête? Brissot n'est pas assez fou pour en douter; qui de nous sérieusement peut capituler ? Qui de nous ne risque pas sa vie ? Bannissons d'injustes défiances. »
Danton s'entremêla dans le colloque, nous dit « que ce n'était pas là le moment de disputer ; qu'il fallait ajourner toutes ces explications après l'expulsion des ennemis; que cet objet décisif devait seul occuper tous les bons citoyens. »
Danton, peu de jours après, vint me trouver, me montra une lettre que lui écrivait Marat; cette lettre était très insolente ; les reproches étaient mêlés aux injures; il menaçait Danton de ses placards. Danton me parut courroucé ; Marat était au comité de surveillance, nous y descendîmes ensemble : le débat fut très animé; Danton traita durement Marat; Marat soutint ce qu'il avait avancé, finit par dire qu'il fallait tout oublier,
déchira la lettre, embrassa Danton, et Danton l'embrassa. J'atteste ces faits qui se sont passés devant moi.
Le conseil de la Commune devenait moins agité; beaucoup de ses membres, et en général les plus effervescents, étaient dispersés et remplissaient des missions dans plusieurs parties de l'Empire.
L'assemblée électorale venait d'ouvrir ses séances; elle fixait tous les regards, et devenait le foyer des ambitions et dés passions particulières. Il est vrai, ainsi qu'on l'a avancé, que cette assemblée était influencée, dominée par un petit nombre d'hommes ; qu'on ne pouvait choisir que leurs partisans ; que les élections étaient préparées par des listes qui furent exactement suivies, à ae légères .exceptions près.
Il est vrai encore que cette assemblée était devenue une lice toujours ouverte aux dénonciations, aux déclamations les plus emportées. Des orateurs, par leurs discours, entretenaient dans le peuple une agitation violente, et nous exposaient sans cesse au renouvellement de ces scènes d'horreur dont nous venions d'être témoins.
Depuis longtemps on annonçait un mouvement général dans Paris pour le 20 septembre ; on annonçait que plusieurs représentants du peuple seraient égorgés. On désignait pour victimes de vrais défenseurs de la liberté. Je suivis avec attention tout ce qui se passait; j'observai la disposition des esprits, et je ne partageai pas toutes ces inquiétudes.
Paris est à lui seul, et sous un rapport, un petit Empire. Il est très facile d'y faire un mouvement ; il est extrêmement difficile d'y faire une insurrection. Un quartier de la ville est calme, lorsque l'autre est agité. On ignore dans une rue ce qui se passe dans la rue voisine. Ce qui touche une partie des citoyens est indifférent à l'autre. Il n'y a pas de point de ralliement où tout vienne se rendre; il n'y a pas de centre d'unité pour donner en même temps l'impulsion à toutes les parties. Pour soulever a la fois une masse d'hommes aussi énorme, il faut un très grand objet, un objet qui attache, qui intéresse tous les citoyens : aussi n'avons-nous eu que deux insurrections dans Paris, celle du 14 juillet et celle du 10 août.
Beaucoup de mouvements particuliers, au contraire, se sont fait sentir. Ils n'ont pas, en général, de suites fâcheuses, lorsqu'on est averti à temps. Celui qui ne connaît pas Paris, serait effrayé s'il lisait les rapports qui parviennent à chaque instant au maire. Dans les jours les plus tranquilles, il croirait toujours que cette cité va être en proie à tous les excès ; mais par l'exagération même, on s'habitue à juger la vérité.
J'avoue que dans le moment actuel, où le peuple est perpétuellement assemblé, une grande commotion est plus aisée à opérer ; elle rencontrerait néanmoins encore d'immenses obstacles. Je ne vois présentement qu'une cause aussi majeure que celle du jugement du roi qui puisse occasionner un mouvement vraiment sérieux, si la décision choquait l'opinion publique.
Le 20 septembre, ainsi que je l'avais prévu, se passa sans orage ; je ne vous parle pas de ce qui a eu lieu depuis, vous le savez ; ce tableau a souvent été mis sous vos yeux ; trop souvent la Commune de Paris a été le sujet de vos débats. D'ailleurs, les membres qui la composent repoussant à cette barre les soupçons dont ils se trouvent tous frappés, ont pris l'engagement de démasquer eux-mêmes les agitateurs et les traîtres qui pour-
raient s'être giissés dans leur sein ; de rendre leurs comptes; de justifier leur conduite, et de vous donner tous lès éclaircissements que la tranquillité publique sollicite, et que vous pouvez désirer.
Une organisation prompte de la municipalité, voilà le meilleur remède à apporter aux maux qui tourmentent cette cité ; voilà ce qui fera cesser les dernières agitations des secousses anar-chiques.
Eclairer ensuite le peuple sur ses droits, sur ses devoirs, sur le véritable exercice de sa puissance, démasquer les charlatans qui le flattent et le trompent : voilà ce qui consolidera la paix en assurant son bonheur.
Je reviens aux événements dont je vous ai tracé une faible esquisse; ces événements et quelques-uns de ceux qui ont précédé la célèbre journée du 10 août, le rapprochement des faits et d'une foule de circonstances ont porté à crdire que des intrigants avaient voulu s'emparer du peuple, pour, avec le peuple, s'emparer de l'autorité; on a désigné hautement Robespierre. On a examiné ses liaisons; on a analyse sa con-duite; on a recueilli les paroles qui, dit-on, ont échappé à un de ses amis, et on en a conclu que Robespierre avait eu l'ambition insensée de devenir le dictateur de sop pays.
Le caractère de Robespierre explique ce qu'il a fait : Robespierre est extrêmement ombrageux et défiant; il aperçoit partout des complots, des trahisons, des précipices. Son tempérament bilieux, son imagination atrabilaire lui présentent tous les objets sous de sombres couleurs ; impérieux dans son avis, n'écoutant que lui, ne supportant pas la contrariété, ne pardonnant jamais à celui qui a pu blesser son amour-propre et ne reconnaissant jamais ses torts ; dénonçant avec légèreté et s'irritant du plus léger soupçon ; croyant toujours qu'on s'occupe de lui et pour le persécuter; vantant ses services et parlant de lui avec peu de réserve ; ne connaissant point les convenances et nuisant par cela même aux causes qu'il défend ; voulant par-dessus tout les faveurs du peuple ; lui faisant sans cesse la cour et cherchant avec affectation ses applaudissements, c'est là, c'est surtout cette dernière faiblesse qui, perçant dans tous les actes de sa vie publique, a pu faire croire que Robespierre aspirait à de hautes destinées et qu'il voulait usurper le pouvoir dictatorial.
Quant à moi, je ne puis me persuader que cette chimère ait sérieusement occupé ses pensées, qu'elle ait été l'objet de ses désirs et le but de son ambition.
Il est un homme, cependant, qui s'est enivré de cette idée fantastique, qui n'a cessé d'appeler la dictature sur la France comme un bienfait, comme la seule domination qui pût nous sauver de l'anarchie qu'il prêchait, qui pût nous conduire à la liberté et au bonheur. Il sollicitait ce pouvoir tvrannique, pour qui? Vous ne voudriez jamais le croire : vous ne connaissez pas assez toutledéliredesavanité : il le sollicitait pourlui; pour lui, Marat. Si sa folie n'était pas féroce, il n'y aurait rien d'aussi ridicule que cet être que la nature semble avoir marqué tout exprès du sceau de sa réprobation.
Ce projet insensé est déjà loin de nous, il rie reparaîtra plus; mais, législateurs, je vous déclare que, dans ce moment même, de vils escl aves en méditent un, non moins absurde et non moins criminel..Oui, on ose penser à releve? vos tyrans abattus. On jette quelque intérêt sur
leurs personnes ; on "apitoyé sur leur tort ; leurs crimes sont des égarements qu'on attribue à des conseils perfides ; la générosité est la vertu d'une grande nation; l'oubli du passé nous préparera un heureux avenir; nous aurons la paix au dehors, l'abondance au dedans : ces idées circulent dans des lettres manuscrites ; elles se propagent ; on parle d'employer tout à la fois la ruse et la force pour favoriser l'exécution du projet. On parle d'un mouvement populaire et de la facilité de profiter de ce trouble. J'ai reçu des avis multiplés sur des fabrications d'armes qui ne sont qu'à l'usage des scélérats. Des étrangers sont dans nos murs et paraissent soudoyés par nos ennemis. On m'a dénoncé des hommes qui sont eux-mêmes des dénonciateurs de profession, mais que je crois néanmoins incapables de tremper dans ce projet infâme et extravagant.
Il est très inutile, je pense, de chercher à calmer vos inquiétudes sur une trame aussi follement atroce. La France ne courbera jamais sa tête altière sous le joug d'aucun tyran. Nous avons voulu être libres, nous le sommes, nous le serons ; nous n'avons rien à craindre de nos ennemis ; nous n'avons à redouter que nous-mêmes. Soyons unis, nous serons invincibles ; ayons la paix, nous serons heureux. C'est à la Convention nationale, dont l'exemple est si puissant sur toute la République, à imprimer ce mouvement salutaire, eri prenant cette attitude imposante qui lui convient, cette dignité calme des hommes libres ; éloignant d'elle toutes ces petites passions, toutes ces personnalités avilissantes, qui dégradent la majesté d'une Assemblée. Nous ne pouvons avoir qu'un sentiment, celui de la liberté ; nous ne pouvons vouloir qu'un gouvernement, celui qui nous rendra libres et heureux. Il n'est plus là de roi, ni de liste civile pour corrompre ; notre ouvrage ne sera qu'un projet, la nation l'examinera. On parle de partis l je vois des haines, des préventions, des chocs de vanité et d'amour-propre ; mais qu'on m'indique ici quel est le parti qui ne veuille pas la République, qui ne veuille pas l'unité, qui ne veuille pas la fraternité de tous les Français.
Je connais tels de ceux dont on forme des chefs de parti, qui sont les hommes les plus étrangers aux intrigues, qui sont les hommes les plus vertueux et les plus indépendants.
Sans doute que ceux qui sont unis par des rapports d'amitié et d'estime, que ceux qui fréquentent les mêmes sociétés d'instruction, sont souvent du même avis sur les questions qui se présentent. Il en doit être nécessairement ainsi, sans pour cela qu'on puisse dire qu'ils forment des partis.
Il est même impossible que dans une Assemblée, après quelque temps de séance et de discussion, il n'y ait pas des hommes qui se sentent de l'attrait les uns pourles autres, dontlès opinions s'accordent, qui contractent l'habitude d'être ensemble, de voter de même.
C'est ainsi que naturellement et de soi-même une opposition se forme dans une Assemblée; elle est inévitable, elle est même nécessaire, et pouvu que des motifs purs, des intentions louables, 1 amour du bien public animent ceux que la sympathie et la conformité des sentiments réunissent, qui a le droit de se permettre envers eux le soupçon ou le reproche? Doit-on se haïr pour se combattre? Doit-on se persécuter pour différer d'opinion? On ne peut mépriser que ces hommes faux qui meptent à leur conscience, qui sacri-
fient à l'intrigue, qui n'écoutent que leurs intérêt personnels.
Expliquons-nous ici franchement ; que nos explications tournent au profit de la chose publique, qu'elles soient les dernières. Si quelqu'un connaît dans cette Assemblée un traître, qu'il le nomme; s'ilconnaît une faction qui conspire contre la liberté, qu'il la dénonce. Que ce ne soit pas dans l'ombre du mystère qu'il distille là calomnie ; que ce ne soit pas au moment même où un orateur est à la tribune, qu'on décrie sa personne pour décrier son opinion, qu'on se permette ces confidences astucieuses, ces insinuations perfides.
Qu'on n'ait pas non plus la lâcheté coupable, lorsqu'on a gardé le silence devant lui, d'alier travestir ailleurs ce qu'il a dit et de calomnier jusqu'à ses intentions.
Demandez à ces hommes envieux, si prompts à diffamer ceux qui leur déplaisent, ceux dont les talents et les vertus les offusquent ; demandez-leur quelle preuve ils ont que celui qu'ils accusent soitun fourbe, un scélérat, et vous verrez ce qu'ils vous répondront.
Ils commenceront par vous dire qu'on ne peut pas raisonnablement exiger de preuves matérielles et écrites : s'étant mis ainsi à l'aise, ils rassembleront quelques faits, vrais ou faux, des conjectures plus ou moins vagues, et bâtiront sur le tout un système de calomnie plus ou moins vraisemblable. Quel est l'homme, je parle du plus intègre, dont la réputation puisse résister à cette étrange épreuve? Cette manie d'attaquer sans cesse et indistinctement tous les hommes publics, d'appeler sur leurs têtes les vengeances d'une multitude égarée, n'est favorable qu'aux fripons, puisqu'ils se trouvent sur la même ligne que les gens de bien; elle n'est propre qu'à décourager la vertu et à enhardir le vice ; elle met le peuple dans une situation pénible, dans cette incertitude cruelle de ne savoir à qui remettre sa confiance.
Laissons à l'écart toutes ces injustes défiances, toutes ces idées de parti; voyons moins les hommes, voyons plus les choses. Quand une vérité nous est offerte, qu'importe la main qui la présente? Qu'importe la source d'où elie découle, et les motifs qui l'ont inspirée? Ne nous passionnons que pour le bien, élevons-nous à la hauteur de l'auguste mission dont nous sommes honorés. La nation attend de nous son bonheur; ne fatignonspas plus longtemps son impatience. L'Europe vous contemple, la postérité vous jugera.
Je demande donc que nous nous occupions des grands intérêts de la République.
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président, et de pétion, ancien président.
présidence de hérault de séchelles,président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
,secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° La citoyenne veuve Dulingondois, fait parvenir la décoration militaire de feu son mari;
2° Le citoyen Lebreton, du district de Caen, département du Calvados, ancien soldat du septième régiment d'artillerie, parvenu par son mérite au grade de lieutenant, fait déposer la décoration militaire ;
3° Les citoyens Courvol, Varenne, Lafontainej Berthollet Vainé, Berthollet le jeune, et Girardi font déposer 150 livres, pour les six premiers mois de leur soumission ;
4° Les acteurs du Théâtre de la ville de Lorient, font déposer une somme de 1,185 livres, en assignats, pour les malheureux habitants de Lille ;
5° Les citoyens Guérin, Boulet, Lagrange, Skiold-nerm, François Petitot, Sujeol, Duportail, Nicant, Bagutvïlle, Leblonds, Montauran, Blain des Cormiers, Chasteignier, Gauthier, Cordé, Lemel-du-Miny et la veuve Lemerle-Bruneau, font déposer vingt-cinq croix de Saint-Louis. Le citoyen Bey-nier, capitaine de gendarmerie, fait remettre aussi la sienne ;
6° Les citoyens composant le Directoire du district d'Aubigny, département du Cher, font parvenir les décorations militaires des citoyens Latour, Grand, Fricon et Berton, avec leurs brevets.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au «procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs).
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 5 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction).
,secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, accompagnée d'une proclamation du conseil exécutif provisoire, aux citoyens français, sur les subsistances; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« J'ai l'honneur d'envoyer à la Convention nationale, une proclamation (2) que le conseil exécutif a cru devoir faire, pour rappeler aux citoyens français l'exécution des lois sur la libre circulation des grains.
« Jamais il ne fut plus important de retracer les principes sur cet objet; les départements s'isolent, les districts seraient portés à les imiter et peu s'en faut, que chaque canton ne veuille conserver, presque à main armée, les subsistances que son territoire lui procure.
« Je ne donnerai pas tous les détails affligeants que me fournit ma correspondance ; mais je dois prévenir la Convention nationale, que les approvisionnements se sont partout partagés d une manière aussi violente qu'arbitraire. Si des charges de blé ont à traverser quelques départements pour arriver à leur destination, il est rare qu'elles ne soient pillées ou vendues à des prix fixés par les acheteurs ; et celles qui sont garanties exigent l'emploi de la force armée, et tous les efforts des corps administratifs, pour rappeler aux citoyens égarés, leurs devoirs.
« Il n'est pas sans exemple, que des administrateurs y aient perdu leur
vie ; je ne citerai que la mort au procureur général syndic du
département de l'Aude, qui a péri sur le bord du
« Je rappelle encore l'attention de la Convention nationale, sur beaucoup d'endroits où les gardes nationales de communes entières, se rendent en armes, où les grains sont taxés au-dessus du prix courant, et où les cultivateurs qui résistent, sont souvent maltraités et quelquefois dépouillés.
« Au milieu de ces agitations convulsives, le commerce des blés est presque anéanti, aucun citoyen n'ose se mêler de spéculations qui compromettent la fortune et la vie ; entre autres inconvénients qui résultent de l'inertie accablante dans laquelle on retient l'industrie, je citerai la disproportion choquante dont le conseil exécutif parle dans sa proclamation, qui existe dans ce moment, entre le prix des subsistances dans les diverses parties de la République, tandis que dans le temps où le commerce déplaçait avec sécurité ce que la fertilité accordait à un département pour le porter dans un autre où des besoins se faisaient sentir, il n'y avait de différence dans les prix, que celle dii déplacement.
« Les villes ont senti bien plus que les communes des campagnes, le préjudice de la cessation du commerce des grains. Les villes ne récoltent rien; leurs paisibles habitants livrés aux arts et à des travaux sédentaires, s'occupent peu du soin de pourvoir à leurs subsistances ; et si le commerce, le gouvernement ou les administrations ne veillaient à leurs approvisionnements, la famine serait continuellement à leurs portes. Heureux le pays qui doit l'abondance aux actives, mais tranquilles combinaisons commerciales ! A l'abri de l'inquiétude de la disette, elles n'ont à craindre que l'élévation momentanée du prix des grains. Si le levier du commerce ne suffit pas pour les besoins des villes, c'est au gouvernement à prendre le soin d'y pourvoir, et s'il est une vérité dont l'énonciation soulage mon cœur, c'est en présentant à la Convention nationale les pertes que les villes ont faites, de provoquer sur elles sa sollicitude.
« Une révolution, et surtout celle de la France qui appelle la vertu où le vice dominait, qui abat l'orgueil et les distinctions, pour* mettre à la place la modestie et l'égalité ; cette régénération, dis-je, ne s'est pas commencée et ne s'accomplira pas sans que le luxe et tout ce qui l'accompagne ne disparaissent des villes, et que ceux qu'il y soudoyait, n'aient à souffrir dans ce passage révolutionnaire.
« Les campagnes, au contraire, resplendissent déjà des bienfaits de la Révolution. Les chaînes de ses habitants sont toutes brisées : la terre qui n'obéit plus à des tyrans, à des dévastateurs, leur ouvre un sein fertile, l'aisance et les commodités habitent sous les toits rustiques.
« Cependant, il faut l'avouer, cette prospérité a presque resserré les mains des cultivateurs. Pressés par le besoin, ils vendaient autrefois leurs récoltes aussitôt qu'ils pouvaient en disposer ; aujourd'hui la possibilité de renvoyer ces ventes à un autre temps et de les diriger à leur gré, donne lieu à une intervention qui est en partie cause de la rareté que l'on éprouve dans les marchés.
« C'est sans doute d'après cet aperçu que l'Assemblée législative, mue par la disette qui se faisait sentir à Rouen, étendit son décret du 16 sep-
tembre dernier, à tous les départements de la République, ordonna le recensement général de tous les grains existant en France, et permit aux administrations de forcer les cultivateurs d'approvisionner les marchés.
« La sincérité, premier devoir d'un administrateur, me porte, Monsieur le Président, à présenter quelques observations à la Convention nationale sur cet objet important. Si le recensement ordonné pouvait être exempt d'erreur, ce serait sans doute une opération bien précieuse ; elle nous apprendrait l'exacte quantité de nos subsistances; elle nous ferait connaître nos richesses; car je me persuade que les grains dont nous sommes possesseurs peuvent nous conduire jusqu'à la récolte de 1793.
« Mais doit-on compter sur un recensement assez exact pour l'offrir à la Convention nationale comme une base certaine à ses déterminations ultérieures? ne faut-il pas prévoir au contraire, que l'inquiétude des cultivateurs, la mauvaise foi de quelques-uns, la crainte que d'autres auront qu'en faisant connaître toute l'étendue de leur récolte, ils ne s'exposent à des contributions et à des taxes, la surveillance peu exacte de quelques corps administratifs, leur propension même à favoriser l'opinion de leurs administrés et à conserver dans leur territoire le plus de grains possible, les porteront à mettre peu d'exactitude dans leurs déclarations. Tout fait donc conjecturer que le recensement sera très irrégulier et très incomplet. Comment d'ailleurs porter-une estimation précise sur des blés dont une grande partie est encore en paille?
« Si l'appréciation est infiniment au-dessous de la vérité; si ce que nous possédons en grains est amoindri d'un tiers, d'une moitié; si d'après cette donnée vicieuse, il en résulte que la France n'a, je le suppose, que pour six mois de subsistances, quel champ vaste ouvert aux inquiétudes, aux agitations ! Faudra-t-il aller chercher chez l'étranger ce déficit apparent ? Et alors ne nous livrerons-nous pas à sa discrétion, quant aux prix et à la quantité ? les maux de l'imagination que l'Assemblée législative a voulu prévenir ne deviendront-ils pas plus dangereux et plus irrémédiables ?
« Je devais, Monsieur le Président, ces observations à la Convention nationale, qui les pèsera dans sa sagesse: elles me paraissent dénaturé à devoir exciter son attention.
« La Convention nationale la portera, sans doute, encore cette attention sur les atteintes portées à la libre circulation des grains ; et si une nouvelle loi pour rappeler les principes déjà consacrés, pour les réunir et leur donner une nouvelle force lui paraît nécessaire, je m'applaudirai de lui avoir proposé mes doutes et mes craintes.
« 11 est temps, enfin, qu'il n'y ait plus qu'une règle pour tous les
départements et pour tous les individus ; il est temps qu'on ne souffre
pas que des contrées s'isolent et veuillent disposer tyran-niquementde
leurs.productions; il est temps que le commerce des blés ne soit plus
regardé comme un crime et ne compromette pas la fortune et la vie de
ceux qui s'y livrent (1); il est temps
Le moment presse, il est favorable; les municipalités et les corps administratifs vont être renouvelés; les citoyens, intéressés à faire de bons choix, sauront placer leur confiance en des hommes qui en seront dignes. Dès lors, plus de prétexte aux inquiétudes, aux soupçons: en saisissant ces circonstances, en replaçant la nation sous l'autorité tutélairedes lois, en mettant avec une inflexibilité inexorable tout infracteur sous son glaive, la Convention nationale ramènera le calme dans la République, fera naître des jours de prospérité que nos détracteurs osent traiter de chimères, et donnera au monde entier l'exemple du gouvernement le plus parfait qui puisse réunir les hommes.
« Signé : Roland. »
( La Convention renvoie la proclamation et la lettre aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Le même secrétaire donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes:
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, contenant des questions relatives à l'élection du directoire du département de la Haute-Garonne; il sollicite une prompte décision.
(La Convention renvoie la lettre au Comité de législation.)
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre; il place sous les yeux de la Convention la délibération du conseil de guerre défensif de,la ville de Lille, qui propose de décréter qu'il sera mis pour légende sur les drapeaux et sur les étendards des corps qui se trouvaient dans cette ville pendant le siège, ces mots : Bombardement de Lille en septembre et octobre 1792.
(Là Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
3° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui réclame, en faveur des hôpitaux, une indemnité pour le remboursement des rentes qui formaient une partie de leurs revenus et dont les deniers sont versés dans les caisses des receveurs de district.
(La Convention renvoie la lettre au comité des secours publics.)
4° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui annonce qu'il a envoyé
à l'Assemblée législative, le 13 septembre dernier, un mémoire et
différentes pièces relatives à une distribution de pain qui se faisait
chaque semaine aux pauvres de la ville de Saint-Denis, par la ci-devant
abbaye et le chapitre de Saint-Paul-de-l'Etrès de la même ville; il
observe que la subsistance d'un grand nombre de personnes est attachée à
cette distribution, ét que le directoire du département lui assure
qu'elle tient également à la tranquillité publique.
4° Lettre des officiers municipaux de la ville de Tours, à laquelle est joint un procès-verbal relatif à l'arrestation d'un particulier qui, par des propos incendiaires et diffamatoires qu'il a tenus à la tribune de la Société des amis de la liberté et de l'égalité de cette ville contre la Convention nationale, qu'il accuse de vouloir former une garde prétorienne, et contre le ministre Roland, a cherché à y troubler la tranquillité publique; ces officiers municipaux sollicitent une prompte réponse, afin que ce particulier soit jugé, soit par le tribunal criminel, soit par la police correctionnelle, suivant que le décidera la Convention.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
6° Adresse des officiers municipaux de la ville de Meaux, qui annoncent que la douleur de leurs concitoyens, occasionnée par le discrédit des billets ae confiance et la pénurie des marchés qui, malgré les soins du district, ne présentent que l'horreur de là disette, les ont forcés d'ajourner la célébration de la fête pour le succès de nos armes en Savoie; ils prient la Convention de prendre leur position dans la plus sérieuse et la plus prompte considération.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des finances.)
7° Lettre des juges et du commissaire du pouvoir exécutif du tribunal du district de Sens, qui offrent à la patrie une somme de 150 livres sur chaque quartier de leur trimestre, tant que durera la guerre, et joignent à leur lettre le premier trimestre échu en juillet dernier.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette lettre.)
8° Lettre écrite par le conseil général du département de la Marne à la Convention, relativement à un ordre donné par le maréchal Luckner aux troupes de la garnison de Verdun, arrivées à Châlons après la reddition de cette place.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre).
9° Lettre des amis de la liberté et de l'égalité de Parthenay, département des Deux-Sèvres, qui annoncent qu'ils ont pris, non sur leur superflu, mais Sur leur nécessaire, ce qu'il fallait pour entretenir l'équipement d'une partie de leurs braves frères d'armes qui sont aux frontières ; ils mettent en ce moment à la disposition de la Convention 95 chemises, 24 vestes, 27 culottes et 39 paires de guêtres ; leurs concitoyennes ont offert le travail de leurs mains, afin de contribuer à cette offrande patriotique.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre).
10° Lettre du citoyen Grandin, capitaine au corps du Génie, qui remet sa décoration militaire et envoie le projet d'une nouvelle décoration pour récompenser les guerriers.
(La Convention renvoie la lettre aux comités militaire, de Constitution et de l'Instruction publique réunis, et en ordonne la mention honorable.)
11° Mémoire du citoyen Rey, tendant à faire cesser le haut cours de nos changes avec l'étranger et diminuer le prix des aliments nécessaires a la vie.
(La Convention renvoie le mémoire au comité de commerce).
12° Lettre du citoyen Nicolas Dutron, voiturier, qui demande la mainlevée de ses chevaux, voiture et vins qui lui ont été saisis par la municipalité de Givet.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
13° Pétition de la commune de Villers-sur-Meuse, district de Verdun, dont les propriétés ont été ravagées par les Prussiens, qui sollicite des secours dont ils ont le plus pressant besoin ; leur demande est appuyée par la commission extraordinaire établie à Verdun ; à leur pétition est joint le détail de la perte de cette commune et un jugement prussien rendu contre elle. • (La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
14° Lettre de la section des Tuileries, qui envoie un arrêté relatif à l'élection des 144 membres qui doivent composer le conseil général de la Commune, avant eelles du maire, du procureur de la Commune et de ses substituts.
(La convention renvoie la lettre au comité de législation.)
15° Adresse du président de la section des Champs-Elysées, qui envoie à la Convention un procès-verbal de la visite faite dans les magasins de Saint-Denis, par des commissaires qu'elle avait nommés à cet effet. Les détails contenus dans ce procès-verbal constatent, d'une manière frappante, les infâmes friponneries des fournisseurs ae souliers pour nos armées.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre).
Adresse des officiers municipaux de Versailles, qui exposent à la Convention la position touchante à laquelle sont réduits les créanciers des frères de Louis XVI ; ils invoquent en leur faveur la justice de l'Assemblée.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de liquidation.)
17® Lettre de Monge, ministre de la marine, qui envoie à la Convention la croix dont était décoré le citoyen Desloges, lieutenant de vaisseau du département de Brest.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette lettre.)
18° Lettre de Monge, ministre de la marine, acr compagnée de différentes pièces relatives au contre-amiral Gardéur de Tilly, qui s'est présenté à la revue du 15 mars, a prêté le serment civique, a continué de remplir, jusqu'au mois de juillet dernier, les fonctions de directeur général au port de Rochefort, et a été promu au grade de vice-amiral le même mois ; cet officier ayant refusé ce grade, et se trouvant dans un cas particulier, le ministre consulte la Convention à ce sujet.
(La Convention envoie la lettre au comité de marine).
19° Pétition des Greffiers du Tribunal de police correctionnelle de Nantes, qui demandent que leur traitement leur soit payé 6ur la caisse du district, ainsi que l'est celui des juges de ce tribunal. On observe que ce mode de paiement est. commun aux greffiers des tribunaux de tous les départements. (La Convention passe à l'ordre du jour). 20° Lettre de Monge ministre de la marine, qui envoie copie des dernières dépêches qu'il a reçues de Saint-Domingue ; elles contiennent le
détail des événements qui ont eu lieu dans cette celonié et de sa position "actuelle ; il y joint une copie d'une lettre non officielle, qui lui paraît mériter quelque confiance : elle renferme des nouvelles satisfaisantes de la partie de l'ouestde Saint-Domingue.
(La Convention renvoie la lettre au comité colonial.)-
21° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui envoie conformément au décret du premier de ce mois, l'état nominatif des citoyens qui ont souscrit des marchés pour fournitures d'armes, et l'état de situation de ces fournisseurs avec la République. A cet état sont joints les observations de ce ministre sur cet objet, le détail de ce qu'il a fait et de ce qu'il fait en ce moment pour accélérer l'exécution des marchés, et le recouvrement des fonds avancés par la République, ainsi que le détail historique et analytique de ces marchés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
22° Lettre de Pache, ministre de la guerre, à laquelle est jointe une pétition de la garde nationale de Sedan, présentée au conseil de guerre séant dans cette ville, pour obtenir la paie dont jouissent les bataillons de volontaires soldés et
Sui est même accordée à la garde citoyenne de
ézières. Le ministre de la guerre observe que, ni le conseil de guerre, ni lui, n'ayant pu statuer sur cette demande, c'est à la Convention de porter sa décision à çe sujet.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
23° Lettre des électeurs de la ville de Saint-Ger-main-en-Laye, qui réclament les indemnités accordées par un décret de l'Assemblée législative, et qui leur sont refusées, disent-ils, sous prétexte qu'ils ne se sont pas déplacés ; ils citent à l'appui de leur demande, l'exemple de ce qui s'est passé dans le département de l'Eure, oùles électeurs de Bernay, lieu où s'est tenu l'assemblée électorale, ont été payés à raison de 3 livres par jour.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances).
24° Pétition des citoyens de Châteaudun, qui réclament contre la disproportion révoltante qui existe dans le traitement des juges des tribunaux de district et des juges de paix et de leurs greffiers, ainsi que contre l'indemnité de 450 livres accordée à chaque juge de tribunal de district, pour le trimestre qu'ils sont obligés de passer auprès du tribunal criminel, tandis que les juges de paix ne reçoivent pour tout traitement, que 600 livres. Ils concluent par demander la suppression de l'indemnité accordée aux juges du tribunal de district, pour leur résidence auprès du tribunal criminel, parce qu'elle n'est accordée ni aux citoyens ni aux jurés appelés au juré d'accusation et de jugements ; ils sollicitent aussi l'augmentation du traitement des greffiers des juges de paix.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.). ;
25° Lettre des administrateurs du département des Bouches-du-fthône, accompagnée d'une pétition du citoyen Montelar, tendant à obtenir en sa faveur une exception à la loi du 27 septembre dernier, qui a réduit le maximum du traitement accordé aux ecclésiastiques non employés, â la somme de 1,000 livres.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
26° Lettre du citoyen Girardeau, secrétaire de la Société des Amis de la République française, établie à Mussidan, qui envoie à la Convention deux (lettres [adressées au citoyen Conche, ancien capitaine des grenadiers au 55e régiment, par le chevalier de la Villeche, et par Louis-Stanislas-Xavier, ci-devant prince français, pour l'inviter à trahir sa patrie; mais cet officier a su mépriser ces invitations criminelles. 11 observe que le citoyen Conche est une des victimes du feu des ennemis, à l'affaire de Philippeville, dans la journée du 23 mai dernier.
(La Convention renvoie ces lettres au comité de sûreté générale.)
27° Lettre du citoyen Gallet, qui se plaint de vexations qu'il a éprouvées sous le despotisme, par la spoliation complète de ses propriétés : il demande des secours, ou une place dans l'un des comités de la Convention.
(La Convention renvoie la lettre au comité des secours.)
28° Pétition des volontaires nationaux du second bataillon du Doubs, qui sont aux gorges de Po-rentrui, et qui se plaignent de rester dans l'inaction, tandis que leurs camarades remportent des victoires.
« Nous gardions volontiers les Thermopiles de la France, disent-ils, où nous comptions acquérir quelque gloire... Envoyez-nous à l'ennemi, et que nos concitoyens n'apprennent désormais de nos nouvelles, que par le récit des services que nous aurons rendus à la République ».
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre).
29° Adresse du citoyen Martin, négociant, qui se plaint de la suspension du payement des lettres de change tirées du cap français par le trésorier principal de la marine de Saint-Domingue, pour l'exercice 1792.
(La Convention renvoie l'adresse aux comités colonial et de commerce réunis.)
30° Pétition du sieur François Grassin, gendarme national du département, du Nord, qui s'adresse à la Convention pour être payé d'une somme de 210 livres, pour le service qu'il a fait, comme gendarme, avant d'avoir obtenu sa commission.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
31° Pétition des commissaires de la ci-devant communauté des maîtres perruquiers de Grenoble, qui demandent la liquidation et le remboursement de leurs offices.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
32° Pétition des sœurs dites de la Providence, de Montreuil-sur-Mer, par laquelle elles demandent le payement des rentes affectées à leur institution gratuite de filles, conservée par les lois des 15 octobre 1790 et 7 février 1792.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
33° Adresse de Jean Leclerc, de Bonny-sur-Loire, qui se plaint du directoire du district de Gier, et du directoire du département du Loiret, qui n'ont pas fait droit à une demande en dégrèvement d'impositions qu'il leur a soumise.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des finances.)
34° Pétition des factrices à la marée, qui demandent, par leur adresse à la Convention, que les pauvres ne soient pas victimes du mal nécessaire des maisons de secours.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
35° Adresse des citoyens gendarmes du détachement de la Dordogne, qui offrent leurs hommages aux fondateurs de la République; ils ont juré de ne rentrer dans leurs foyers, que lorsque les sceptres des tyrans seront brisés. Ils se plaignent de ce que ceux de leurs camarades qui sont restés dans leur résidence, ont été, par leur incivisme, promus aux grades qui sont restés vacants, par les soins de leurs officiers, qui étaient les suppôts du despotisme.
(La Convention renvoie l'adresse au ministre de la guerre.)
36° Pétition de Pierre Bonnatte, blessé aux travaux du canal d'Yonne, qui réclame des secours.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
37° Lettre du, citoyen Collet, de la section des Gravilliers, qui fait passer quelques idées à la Convention, en attendant ses plans et vues propres à donner une bonne constitution à la France.
(Lia Convention renvoie la lettre au comité de Constitution.)
38° Adresse du citoyen Frigeret, qui réclame la priorité d'auteur du projet d'un canal de navigation de Rennes à Saint-Malo, et des indemnités que la ci-devant province de Bretagne ne lui a pas encore remboursées.
(La Convention renvoie l'adresse aux comités de commerce et des finances réunis.)
39° Lettre du citoyen Videhen, électeur du canton de Songeon, qui présente à la Convention ses idées sur différentes réformes à faire dans les administrations de la République.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
40° Reflexions d'un anonyme sur quelques abus qui se commettent dans l'administration de la justice de paix.
(La Convention en ordonne le renvoi au comité de législation.)
41° Plusieurs pièces et procès-verbal du conseil du département de l'Allier, sur la nouvelle organisation des notaires dans ce département.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de division.)
42°. Lettre du citoyen Louis François Jourdain, ancien officier d'infanterie, qui propose des économies dans les détails militaires des armées.
(La Convention renvoie la lettre au ministre de la guerre.)
43° Lettre et adresse du citoyen Hooke. bibliothécaire de la bibliothèque publique, dite de Muza-rin, qui demande si le6 bibliothécaires, chargés de la garde et de l'administration des bibliothèques publiques, sont compris dans la loi du 22 mars dernier, rendue à l'occasion des recteur, professeurs et agrégés de l'Université.
(La Convention renvoie ces pièces au comité d'instruction publique.)
44° Adresse de Julie Crabère, membre de la So-
ciété des Amis de la République de la ville de Rieux : cette adresse, sur laquelle la société des amis de la liberté et de l'égalité de la même ville, a délibéré qu'elle adopte les principes, et en a ordonné l'impression, respire le plus pur patriotisme et les plus grandes idées de la liberté.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
45° Pétition du çitoyen Mare-Louis Rocquemont, Ancien major de la garde de Paris, qui demande le rétablissement de la pension de retraite de 8,000 livres, qui lui ; a été accordée en dédommagement de la perte de sa place, et réduite à 1,000 livres par décret de l'Assemblée nationale.
(La Convention renvoie la pétition au comité des pensions.)
46° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, à laquelle est jointe une pétition des officiers municipaux de Meudon : ils demandent que trois cents arpents de terres, qui1 forment des espèces de landes, situées dans l'arrondissement de leur commune, et consacrées jadis aux plaisirs destructeurs des rois, soient distribués à titre de location aux habitants qui les mettront en culture.
(La Convention renvoie la lettre au comité des domaines.)
47° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, accompagnée d'un rapport des administrateurs du département de Paris, commissaires nommés pour l'examen de la. discussion élevée entre le bataillon des Ports et son état-major, relativement à des sommes réclamées par ces militaires. Le ministre observe que plusieurs d'entre eux sont prêts à partir pour les frontières : il sollicite en leur faveur une prompte décision.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
48° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui met sous les yeux de la Convention la pétition de la veuve de Pierre Homet, soldat du bataillon des Ports, tué dans la journée du 10 août : elle demande d'être subrogée aux droits réels de feu son mari ; le ministre observe qu'à la Convention seule appartient le droit de statuer sur cet objet.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de liquidation.)
49° Lettre du citoyen Amelot, qui écrit que le receveur du district de Guingamp s'est trouvé compris, par la voie du sort, dans la liste des citoyens qui doivent composer, pour le présent trimestre, le juré de jugement, qui tient ses séances à Saint-Brieuc ce receveur représente l'incompatibilité de ces deux fonctions etg demande que les receveurs en soient dispensés, ou du moins qu'ils n'y soient assujettis que lorsqu'ils résideront dans les lieux où se tiennent les assemblées de jurés.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de législation et des finances réunis.)
50° Adresse des administrateurs du département du Bas-Rhin, qui prient la Convention de prendre en grande considération la demande qu'ils ont faite d'un nouveau secours de 150,000 livres, dont ils ont le plus pressant besoin, pour les réparations de leurs routes et le rétablissement des ponts très dispendieux; ils observent qu'ils ont ordonné l'exécution de ces j-éparations pour assurer le succès des opérations combinées des généraux.
(La Convention passé à l'ordre du jour, motivé sur ce que l'affaire est finie par décret du mois d'octobre.)
51° Lettre des administrateurs du département de la Haute-Marne, à laquelle est joint un extrait de leurs délibérations, relativement à la demande de plusieurs particuliers détenus dans les prisons de Langres, qui sollicitent l'augmentation, par ration et par jour, d'une demi-livre de pain.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de législation.) I
52° Lettre du greffier commis de la municipalité de Thionville, département de la Seine-Inférieure, accompagnée d'une pétition des habitants de cette commune, relative à l'extrême cherté du blé; ils sollicitent aussi le renouvellement de leurs gardes nationales.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de commerce et de la guerre réunis.)
53° Adresse des membres du comité d'administration du 14" bataillon des volontaires fédérés, cantonnés à Frelinghieh; ils sollicitent la réforme de ceux qui sont trop vieux, trop jeunes, trop faibles, infirmes ou mauvais sujets : ils se plaignent de la très médiocre qualité du pain et de toutes leurs fournitures; ils observent qu'ils sont presque nus, quoique le froid se fasse déjà sentir; ils réclament aussi un exemplaire de toutes les lois militairès, n'en ayant jamais reçu. Ils annoncent qu'ils ont nommé des commissaires pour procéder à l'acquisition de toutes les fournitures nécessaires a l'armement et à l'équipement de leur bataillon, ce moyen leur paraissant plus actif; ils attribuent l'insubordination qui a éclaté quelquefois parmi les volontaires au dénuement absolu oû presque tous sont réduits : ils rendent, d'ailleurs, hommage au zèle et au courage de ces défenseurs delà patrie.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre.)
54° Pétition des officiers municipaux de Nangis, district de Provins, qui prient la Convention de leur envoyer des billets nationaux pour retirer ceux de la maison de secours ; ils représentent que, sans le zèle patriotique de la municipalité et du juge de paix, la tranquillité publique eût été vivement troublée par les bruits qui s'étaient répandus que ces billets n'avaient plus cours; ils prient instamment la Convention de prendre cet objet dans la plus sérieuse et la plus prompte considération.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
55° Lettre .des administrateurs du district de Libourne, y jointe celle écrite à deux négociants de cette ville, relativement au refus fait par le département du Finistère de laisser partir des grains, dont le district de Libourne avait le plus pressant besoin.
(La Convention renvoie la lettre au comité de commerce.)
56° Pétition du citoyen Perret, jue de Tour aine, au Marais, n° 13, qui expose qu'il a 30 ans de service dans la comptabilité, qu'il est chargé de six personnes, que deux de ses fils sont aux frontières et qu'il n'a pu obtenir son remplacement auprès du pouvoir exécutif; il sollicite la pension fixée par la loi pour les employés supprimés, ou un emploi qui le mette à portée ae pouvoir se soutenir avec sa famille.
(La Convention renvoie la pétition au comité des pensions.)
57° Pétition des gendarmes nationaux résidant actuellement à Versailles; ils exposent qu'ils ont été organisés à la fin de 1791 et mis en exercice dans le courant de 1792; qu'ils se sont aussitôt montés et équipés en vertu des ordres qu'ils ont reçus, et cependant ils[n'ont touché leursappoin-tements que trois ou quatre mois après leur nor mination. Ils demandent que leurs appointements leur soient payés à compter du jour de leur nomination; ils demandent encore que, comme leurs chevaux sont en quelque sorte le produit de la dot de leurs épouses, la Convention veuille bien, en cas de mort, transmettre à leurs épouses le montant du prix de leurs chevaux et de leurs équipages.
(La Convention renvoie la pétition au comité militaire.)
58° Adresse d'adhésion de la commune d'Etain, qui promet fidélité à la République : elle présente le tableau abrégé des maux que cette ville a soufferts.
(La Convention renvoie l'adresse au ministre de l'intérieur.)
59° Pétition du citoyen Godard, ancien militaire, âgé de 78 ans, ayant 45 années de service, qui réclame le paiement de sa pension; il lui est dû 1,000 livres d'arrérages.
(La Convention renvoie la pétition au comité des pensions.)
60° Pétition de la garde nationale de Lillef qui, en raison des services de son commandant, demande qu'il soit promu à un grade supérieur, étant brigadier des armées depuis 1770.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre.)
61° Lettre du conseil général de Id commune de Rouen, qui envoie le procès-verbal de la fête solennelle qu'il a fait célébrer pour la Révolution et l'affranchissement de la Savoie.
62° Dénonciation faite par le citoyen Jacquet contre l'état-major du troisième bataillon national du département de l'Ain.
(La Convention renvoie cette pièce au ministre de la guerre.)
63° Adresse de la vingt et unième section de la ville de Rouen; elle applaudit au décret qui abolit la royauté, et à celui qui établit' la République; elle se plaint que le conseil général a annulé les délibérations des 26 sections.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de sûreté générale.)
64° Adresse du conseil de la commune de Tour-nus et des citoyens composant la commission de la société des amis de la République, qui adhèrent au décret qui abolit la royauté, et demandent que le procès soit l'ait à Louis le dernier pour raison ae ses crimes et trahisons envers le peuple souverain.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
65° Pétition du conseil général de la commune de Verneuil, qui demande à échanger sa maison commune, qui est dans le plus mauvais état, et dont la réparation serait très dispendieuse, contre la maison du nommé Samson-Fontaine, émigré, laquelle est beaucoup mieux située et n'exige aucune dépense.
(La Convention renvoie la pétition au comité des émigrés.)
66° Adresse d'adhésion de Vassemblée administrative du district de Vienne au décret qui abolit la royauté, et celui qui déclare la République une et indivisible.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
67° Pétition des citoyens Frison, de Landrecy, âgé de cinquante ans, ancien commandant d'un bataillon de volontaires, qui prie la Convention de l'autoriser à faire la levée d'une compagnie de hussards, sous la dénomination de hussards de la liberté et de l égalité.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
68° Adresse du conseil général de la commune de Châteaudun qui demande à obtenir un local pour le tribunal et les petites écoles, attendu que celui qu'il a occupé jusqu'à présent n'est que précaire, et appartient au citoyen Albert, qui veut y rentrer.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de division.)
69° Pétition des amis de la liberté et de l'égalité de Saint-Quentin, tendant à faire contribuer les habitants des campagnes aux dépenses de loge-gement et de casernement, qui pèsent sur les seuls habitants des villes.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
70° Délibération du conseil général de la commune du Port-Louis, département du Morbihan, par laquelle, secondant le vœu des citoyens de cette ville, exprimé à la Convention le 24 de ce mois, il demande que la Convention veuille bien décréter que la ville dite le Port-Louis,se nommera le Port de la liberté.
(La Convention renvoie cette délibération au comité de division.)
71° Pétition du citoyen Cordelle qui réclame des secours à valoir sur une somme de 20,000 liv., sur une créance dont la liquidation se trouve retardée par la loi.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
72° Adresse d'adhésion des citoyens formant la société des amis de la République de Neuville, au décret qui abolit la royauté.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
73° Pétition des administrateurs du directoire du district d'Argenton, département de VIndre ; ils demandent un dégrèvement sur les contributions, et des secours.
(La Convention renvoie la pétition aux comités des finances et des secours réunis.)
74° Pétition de la compagnie des citoyens canonniers de Dinan, qui réclame une répartition de poudre et de boulets des calibres de quatre et de huit, tant pour ses exercices d'instruction, que pour en imposer aux malveillants de l'intérieur, et châtier les émigrés qui menacent la côte de pillage. La municipalité, réunissant ses instances à celle des canonniers, sollicite en outre qu'il lui Soit procuré deux pièces du calibre de quatre, dont elle fournira la matière à la fonderie nationale de Rennes, réégnant à cet égard le bénéfice de la loi du 17 août dernier, rendue commune à toutes les municipalités, qui au-
torise le ministre à fournir les fonds nécessaires.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre.)
75° Lettre du citoyen Alexandre Courtois, qui prie l'Assemblée de permettre aux citoyens des pays envahis par l'ennemi, lors de la composition des corps électoraux, de se former en assemblées primaires, afin de nommer les électeurs pour concourir aux choix des administrateurs et autres fonctionnaires publics.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
76° Adresse d'adhésion de la commune de la ville de Maurine, au décret qui abolit la royauté.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
77° Lettre des citoyens administrateurs du directoire du département de la Somme. Ils dénoncent un journal intitulé : République française, attribué à Marat, sous le n° 37.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
78° Pétition du citoyen Garnier, âgé de cinquante - quatre ans ; après un exposé de son état, il demande une des places de portier du pont tournant.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
79° Adresse des citoyens de Cherbourg demandant à la Convention qu'elle décrète une garde pour elle, prise dans les 83 départements.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre.)
80° Pétition des citoyens de la communauté de RemiUy et Alicourt-sur-Meuse, près Sedan, qui demandent à être indemnisés des pertes qu ils ont essuyées, dans l'affaire du 5 octobre, par l'armée des princes émigrés.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
81° Pétition du citoyen Jean-Joseph Expilly ; il prétend avoir prévu ce qui s'est passé en Savoie ; il fait plusieurs réflexions politiques sur l'Espagne, et finit par demander qu'on lui rende sa pension, laquelle est de 6,010 livres, et les ar-réages, lesquels sont de 19,535 livres, en argent et non en assignats; plus 8,000 livrés qu'un procureur de Paris a, dit-il, touchée pour lui.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
82° Pétition des citoyens perruquiers de Lille qui demandent la liquidation de leurs charges.
(La Convention rénvoie la pétition au comité de liquidation.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre des commissaires de la Convention nationale à l'armée des Pyrénées, qui écrivent de Bayonne que l'organisation de cette armée se pousuit avec succès.
« Plusieurs bataillons, disent-ils, de la nouvelle levée sont déjà formés, et ils auront incessamment des armes. On recrute aussi avec beaucoup d'activité des compagnies de troupes légères sous le nom de miquelets.
« Les ordres sont donnés pour un approvisionnement de 20,000 sacs de blé, qui sont tirés, autant qu'il sera possible, de l'étranger.
« Les commissaires ont suspendu le maréchal de camp Gestas, commandant la 11e division, que l'opinion publique repoussait. Ils l'ont rem-
placé par le citoyen Reynier, aussi maréchal de camp.
« Les dispositions générales à faire en câs d'attaque, ainsi quelesdétails relatifs à l'établissement des troupes sur l'extrême frontière, sont arrêtés. Lorsque Bayonne sera pourvue comme l'exige son importante position, 10,000 hommes suffiront dans tous les temps pour rendre les départements des Hautes et Basses-Pyrénées absolument inexpugnables.
« Lorsque les commissaires arrivèrent sur les bords de la Bidassoa, rivière qui fait la limite des deux puissances, nos soldats plantaient sur sa rive droite l'arbre de la liberté, avec l'enthousiasme du patriotisme qui leur est naturelle. Les Espagnols qui gardent la rive gauche s'étaient assemblés par curiosité, et cette cérémonie ne paraissait point leur déplaire, à l'exception pourtant des officiers, qui paraissaient un peu effarouchés.
« 11 serait à souhaiter, observent les commissaires, qu'on s'occupât de faire traduire,, pour les Basques au moins, les lois principales. Ce pays est dominé par le fanatisme. Les habitants, égarés par la diversité des opinions religieuses, étaient divisés entre eux : les commissaires, avec les seules armes de la raison, sont parvenus à les persuader et à rétablir parmi eux la paix et la fraternité.
« Un préjugé semblable à celui des hommes blancs à l'égard des mulâtres dans les colonies, avait fait une caste à part des hommes établis sur les côtes, nommés les Bohémiens ou Egyptiens, à cause de leur teint rembruni, et qui paraissaient descendre des Maures établis jadis en Espagne. Les commissaires, par les moyens que leur a fourni la persuasion, sont parvenus à les faire regarder comme frères par les habitants de ces contrées et à leur faire obtenir les droits de citoyen'. (Applaudissements.)
II est impossible, ajoutent les commissaires, d'être mieux secondés dans nos opérations que nous le sommes par le citoyen Lacuée, adjudant général du pouvoir exécutif, et par ses coopé-rateurs. » (Applaudissements.)
(La Convention renvoie les divers objets et pétitions analysées dans cette lettre aux différents comités compétents, qui sont chargés d'en faire incessamment le rapport.)
J'applaudis au décret que vient de rendre la Convention et tout particulièrement à l'indication donnée par elle d'avoir à seconder fortement la traduction en idiome étranger de tous les décrets rendus. J'i-n* siste pour que le comité compétent dépose, sous trois jours, son rapport.
,secrétaire. Le bureau est saisi à l'instant d'une lettre des rédacteurs traducteurs des lois en langues étrangères, établis près de la Convention, qui s'offrent gratuitement pour faire ce travail. (Applaudissements.)
Oui, mais avant de songer à envoyer aux étrangers les décrets de la Convention nationale, il serait peut-être bon d'assurer l'exécution de la loi qui ordonne l'envoi de tous les décrets aux Français et plus particulièrement aux armées.
J'ai reçu, en effet, une lettre d'un officier de l'armée, qui atteste que ce décret n'est pas exécuté. Quant à la traduction, en diverses langues, des décrets de la Convention, je demande que, pour y travailler, il soit
nommé une commission-formée de membres qui connaîtront les différents idiomes.
Il n'y a rien de plus pitoyable que la traduction qui se fait de vos décrets dans les départements du Haut et Bas-Rhin ; et cela vient de ce que les traducteurs n'entendent ni le français ni l'allemand. Depuis longtemps, cette traduction est interrompue, de manière que les habitants des campagnes qui n'entendent pas le français, ne savent pas encore que la royauté est abolie en France.
Les décrets sont rendus, il ne s'agit que de les exécuter. Je demande donc que le ministre de la justice rende compte des mesures qu'il a prises pour faire traduire les décrets. Si les moyens qui lui ont été donnés pour cet effet sont insuffisants, on y suppléera.
(La Convention décrète qu'il sera nommé des commissaires pour surveiller cette traduction.)
Ce sont les citoyens : Dentzel, Riihl, Rewbell, Meillan, Cadroy, Grégoire et Léonard Bourdon.
,au .nom, du comité d'aliénation, présente un projet de décret tendant à déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur la demande des entrepreneurs de la manufactures d'armes des Petites-Ecuries, relative au renouvellement de leur bail; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur le rapport qui lui a été fait par le comité d'aliénation des domaines nationaux, de la demande formée par les entrepreneurs d'une manufacture d'armes établie dans lés bâtiments nationaux connus sous la dénomination des Petites-Ecuries, rue du Faubourg-Saint-Denis, à ce que le bail de ces bâtiments leur fût renouvelé, sans qu'au préalable les formalités des publications et enchères, prescrites par les lois des 23 octobre 1790 et 12 décembre 1791, fussent observées, décrète qu'il n'y a lieu d'accorder ladite demande. » (La Convention adopte ce projet de décret.) Un membre, au nom du comité- des domaines, présente un projet de décret tendant à autoriser le ministre des contributions publiques à acquérir du citoyen Egalité et de ses créanciers unis, .22 arpents de ' bois enclavés dans la forêt de Montargis ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des domaines, décrète ce qui suit:
« Le ministre des contributions publiques est atitorisé à acquérir du citoyen Egalité et de ses créanciers unis, deux parties de bois formant ensemble 22 arpents enclavés dans la forêt de Montargis, pour être réunis au domaine de la République. »
(La Convention adopte ce projet de décret.) . Un membre propose de décréter provisoirement le mode de remplacement des commissaires auditeurs des guerres et des juges suppléants, lorsque ceux-ci ne pourront ou ne voudront remplir leurs fonctions, afin que les cours martiales puissent toujours être en activité.
Un autre membre demande le renvoi de cette proposition au comité de la guerre, pour faire a ce sujet un rapport sous trois jours. (La Convention ordonne le renvoi.) ' Un membre : Les habitants de la seigneurie d'Asveiller, petite contrée possédée par un baron allemand qui s'est enfui à l'approche de la guerre, demandent à se réunir à la France. Leur pays est enclavé entre deux départements. Ils ont arboré la cocarde tricolore, ont planté l'ar-
bre de la liberté et ont formé une pétition individuelle pour obtenir de la Convention natio-tionâle leur aggrégàtion à la République/Je demande la mention honorable et le renvoi au comité diplomatique.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse et renvoie aux comités diplomatique et de Constitution réunis, pour en faire leur rapport incessamment.)
,au nom du comité des finances, présente un projet de décret tendant à autoriser la commune de Chàteau-'Thébaut (Loire-Inférieure).à emprunter une somme de 5,758 livres 6 s. 11 d. pour être employée à l'acquittement de ses dettes; ce projet de. décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances sur une pétition de la commune de Ghâteau-Thëbaut, tendant à obtenir l'autorisation nécessaire pour emprunter une somme de 5,758 1. 6 s. 11 d., qu'elle se propose d'employer à l'acquittement de ses dettes ; vu l'opinion du directoire du district du Clîsson et l'avis du directoire du département de la Loire-Inférieure, décrète que la commune de Château-Thébaut est autorisée à emprunter la somme de 5,758 1. 6. s. 11 d., pour être employée par elle, sous la surveillance des corps administratifs, à l'acquittement de ses dettes ; à la charge par ladite commune d'imposer annuellement des deniers pour livre additionnels à ses contributions foncière et mobilière pour le remboursement dudit emprunt, ainsi qu'il est voulu par les articles 3 et 4 de la loi du 10 août 1791. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(Ange). Citoyens représentants, ne soyez pas étonnés du retard des députés de Corse à la Convention nationale; l'extrême éloigne-ment de notre département, l'intervalle de mer qui nous sépare de la commune patrie et qui cause souvent un long retard dans l'arrivée des décrets en Corse, devait nécessairement retarder aussi l'arrivée de ses députés à Paris.
Aussitôt que j'ai été nommé, je me suis embarqué à Ajaccio, le 14 du mois dernier, pour Marseille ; mes confrères, réunis dans un autre port de l'île, devaient s'embarquer le même jour. Il paraît que j'ai été plus heureux dans la traversée; mais certainement ils ne tarderont pas à se rendre, à leur poste.
Les Corses ont toujours aimé la liberté ; ils ont longtemps versé leur sang pour elle.
Avant votre heureuse Révolution, ils appartenaient à la France, mais c'était malgré eux. Aujourd'hui, ils sont fiers d'être Français. (Applaudissements.)
La France est libre ; les liens qui attachent maintenant les Corses à la République sont trop beaux pour qu'ils veuillent jamais se séparer d'elle.
Le fanatisme religieux a agité pendant quelque temps notre département, comme beaucoup d'autres du continent. L'activité des corps administratifs et l'influence du général Paoli l'ont entièrement détruit; un calme parfait régnait dans tous les points de cette île lorsque je l'ai quittée.
Quant à moi, citoyens, le premier sentiment que j'aie à vous exprimer en me plaçant au milieu de vous, c'est de vous féliciter des résultats hardis de vos premiers travaux. La joie, et le contentement des citoyens des départements du continent français que j'ai traversés dans ma
route m'ont convaincu de l'approbation des grands moyens que vous avez développés pour le salut de la République.
Vous avez conquis la liberté tout entière» La royauté est abolie; les ennemis extérieurs ont fui, honteux de leur témérité ou désespérés de leur inutile barbarie.
Je n'éprouve en ce moment que le bonheur de voir ma patrie dans une situation aussi glorieuse, aussi fortunée. Jé suis vierge encore de tout dissentiment étranger à l'intérêt national, à la fraternité républicaine, et je ne puis bien comprendre l'existence d'aucunes discordes dans ces circonstances où tous les citoyens, voulant sans doute la liberté, l'égalité, la gloire et le .bonheur de la France, sembleraient ne pouvoir plus différer entre eux que sur quelques points de leurs opinions politiques.
Peut-être ai-je à me consoler en quelque sorte de n'arriver qu'au moment où le besoin de dfs-cuter en paix les questions les plus importantes, absorbera dans de si puissants intérêts tout esprit de parti, dont les efforts n'apporteront que des obstacles toujours inutiles à la volonté nationale.
J'ai juré à mes concitoyens qui m'ont jugé digne de leur confiance, que je n'abandonnerai jamais les vrais principes de la liberté et de l'égalité,^- Je tiendrai mon serment. (Applaudissements).
Un membre, au nom du comité des assignats, présente un projet de décret tendant à autoriser le garde des archives à délivrer au directeur général de la fabrication des assignats les formes de Vassignat de 10 sols; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur le rapport du comité des assignats, décrète que le garde des archives délivrera au directeur général de la fabrication des assignats les formes de l'assignat de 10 sols, pourîaire procéder sur-le-champ a la fabrication des 40 millions de cette coupure, décrétés le 24 octobre dernier ». ;
(La Convention adopte ce projet de décret.)
,secrétaire, donne lecture d'une lettre au citoyen Gantois, député du département de la Somme, qui demande un congé de huit jours pour affaires urgentes.)
(La Convention accorde le congé.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui, en exécution d'un décret de la Convention nationale, portant qu'il déclarerait sous 24 heures le nom du commis prévaricateur (1), et les mesures qu'il a prises à son égard, déclare qu'il se nomme d'Hil-lerin, et qu'il l'a destitué.
A la suite de cette lettre, il est fait lecture d'une lettre du citoyen dHillerin, qui, en annonçant que le ministre de la guerre lui a désigné un successeur, et qu'il a quitté sa place, se plaint de ce que le décret juge, par sa disposition, ce
ui est en question, demande la réformation du
écret, et l'examen de son affaire par un comité.
Un membre convertit en proposition la demande du citoyen d'Hillerin.
Un autre membre réclame l'ordre du jour, motivé sur ce que l'objet de cette demande ne peut concerner la Convention nationale.
s'y oppose et demande le renvoi au comité de la guerre de la lettre de d'Hillerin.
propose la rectification du décret.
(La Convention ordonne la réforme du décret, et le renvoi de la lettre de d'Hillerin au comité de la guerre, pour en faire le rapport au premier jour.)
,secrétaire, donne lecture dune lettre de Pache, ministre de la guerre, qui envoie des dépêches du général Dumouriez, datées du Boussu, le 4 novembre; cette lettre est ainsi conçue :
« A Paris, le
« Président,
« Je vous -adresse la copie d'un billet du général Dumouriez au lieutenant-générai Moreton, que celui-ci viént de me faire passer.
« Signé : Pache^» .
Copie du billet écrit par le général Dumouriez au
lieutenant-général Moreton, datée du Boussu, le
4 novembre, à 5 heures du soir.
« Nous venons, mon cher Moreton, de bien battre les ennemis (Applaudissements); ils avaient une excellente position dans le village et le bois du Boussu; ils n'ont pu rien défendre contre notre excellente artillerie et la vivacité de nos braves troupes.
* « Ils avaient 6,000 hommes d'infanterie et 2,000 de cavalerie ;'nous leur avons tué plus de 150 hommes, d'après ce que nous savons jusqu'à présent, nous avons déjà plus de200pri-sQnniers, dont un très grièvement blessé, pour lequel je vous prie de m'envoyer sur-le-champ une voiture et un bon chirurgièn. J'arrête les troupes à Boussu, pour qu'elles ne se laissent pas trop emporter par leur ardeur. Nous n'avons pas 20 hommes tués ou blessés. (Applaudissements.)
« Pour copie conforme.
Le ministre de la guerrer, v « Signé : Pache. »
(de Nantes), au nom du comité d'instruction publique, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (2) explicatif de plusieurs articles ae la loi du 18 août dernier concernant les membres des congrégations séculières qui continuent provisoirement leurs fonctions d'instituteurs ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez chargé votre comité d'instruction publique, d'après
la demande du ministre de l'intérieur, de vous présenter un projet de
décret explicatif de plusieurs articles de la loi du 18 août 1792, qui
concerne les congrégations séculaires. C'est peut-être moins des
développements, des éclaircissements qu'il conviendrait de vous
proposer, qu'une loi toute nouvelle qui abrogerait la première et n'en
conserverait que le petit nombre de dispositions non sujettes à
ambiguïté. Le projet de décret, arrêté par l'Assemblée législative dans
un mo~
Votre comité a examiné successivement tous les articles de cette loi, et voici les interprétations qu'il a cru devoir y apporter : elles sont absolument nécessaires pour en rendre l'exécution praticable et pour lever lés obstacles multipliés qui s'opposent à l'organisation provisoire des collèges et à la liquidation du modique traitement qui a été décerné aux travaux des instituteurs des ci-devant congrégations.
Vous attendez, et toute la République attend avec vous, l'établissement des écoles primaires. Votre comité d'instruction publique, qui en sent profondément la nécessité, s'en occupe tous les jours. Je crois pouvoir vous assurer que son travail vous sera présenté dans le courant de la semaine prochaine; mais, avant que l'on puisse organiser ces écoles, il faut songer à soutenir les; établissements d'instruction qui existent, puisqu'ils doivent faire le fond de ceux que vous allez créer.
C'est pour remplir ce but que je suis chargé de vous soumettre le projet de décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, dé-prête i
« Art. 1er. Les membres des congrégations
séculières qui ont rempli durant 20 ans les fonctions d'instituteurs
publics seront exceptés de l'article 6 du titre Ier de la loi du 18 août
1792, article par lequel les membres desdites congrégations actuellement
employés dans l'enseignement public sont obligés à en continuer
l'exercice jusqu'à son organisation définitive.
« Art. 2. Les congrégationnaires qui continueront provisoirement les .fonctions d'instituteurs conserveront, jusqu'à la nouvelle organisation, leurs logements individuels dans les bâtiments qui sont à l'usage des collèges et qui, conformément à l'article 2 du titre II de la susdite loi du 18 août, demeurent réservés de l'aliénation.
« Art. 3. Il ne sera exigé des ci-devant membres des congrégations (fautres titres d'admission ou d'incorporation que les certificats des supérieurs locaux ou généraux, portant qu'au moment de la suppression des congrégations, les individus en étaient membres, et qu'ils y étaient entrés à telle époque. Ces cértificats seront justifiés par les registres et actes desdites congrégations, lesquels, dûment paraphés, seront remis par les supérieurs généraux au directoire de leur département.
« Art. 4. Les pensions de 30 livres par chaque année de congrégation, établies par l'article 1er du chapitre i*1 du titre 111 de la susdite loi en faveur de ceux qui^ont passé plus de 10 années dans les congrégations séculières, ne pourront excéder la somme de 1,000 livres, conformément au décret du 27 septembre 1792.
« Art. 5. Les années de congrégation compteront jusqu'au 1er janvier prochain.
« Art. 6. Les corps administratifs sont autorisés, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement or-
donné, à fixer sur les fonds des collèges le traitement des professeurs provisoires. Ce traitement ne pourra être moindre de 1,200 livres dans les villes au-dessous de 30,000 âmes, et de 1,500 livres dans les villes au-dessus de cette popula-tion, sans néanmoins que1-ë maximum, pour les premières villes, puisse s'élever au delà de 1,500 livres, et;pourjles secondes, de 2,000 livres, dérogeant pour «cet effet l'article 1er du titre IV de la loi du 18 août 1792.
« Art. 7. Les instituteurs et institutrices qui continueront à remplir les fonctions des écoles dites de petite instruction recevront la moitié des traitements ci-dessus.
« Art. 8. Il ne pourra être fait aucune retenue sur le premier payement prescrit par l'article 3 du titre V, qu'autant que les congrégationnaires n'auront pas satisfait aux dispositions de l'article 6 du titre Iep, ou des articles 2, 8, 18, 20 et 25-du titre V.
« Nulle responsabilité d'administration ne pouvant être exercée sur ceux qui n'étaient chargés d'aucune gestion, et la responsabilité de ceux qui en étaient chargés ne pouvant avoir d'autre objet que de justifier qu'ils n'ont distrait ou dilapidé les biens meubles ou immeubles appartenant à la République.
« Art. 9. L'article 20 du titre V sera interprété de la manière suivante :
« Les membres des congrégations séculières qui auront abandonné, durant. 1 année 1791, les fonctions instructives dont ils étaient chargés au commencement de ladite année, ne recevront aucun traitement, sauf le cas ae maladie et l'exception portée dans les articles 22 et 23 du titre V.
« Art 10. C'est toujours à la maison où ils ont résidé en dernier lieu, à quelque titre que ce soit, que les congrégationnaires seront censés appartenir; et c'est là seulement qu'ils pourront disposer du mobilier de leur chambre et des effets servant à leur usage personnel, conformément à l'article 15 du titre V.
« Art. 11. Le décret concérnant la suppression des congrégations séculières ne s'étendant pas aux établissements d'instruction publique, qui ne dépendent point de ces fondations, la vente des biens de ces établissements continuera à être suspendue, conformément au décret rendu par l'Assemblée constituante.
« Art. 12. La loi du 18 août 1792 sera exécutée dans toutes les dispositions auxquelles il n'a pas été dérogé par le présent décret. ,
EXTRAIT DE LA LOI DU 18 AOUT 1792 (1).
titre i,
Art. 6.
Tous les membres des congrégations employés actuellement dans
l'enseignement public en continueront l'exercice, à .titre individuel,
jusqu'à
titre ii.
Art. 2.
Demeurent réservés de l'aliénation, jusqu'à ce que le Corps législatif ait prononcé sur l'organisation de l'instruction publique, les bâtiments et jardins à l'usage des collèges encore ouverts en 1789, quoique faisant partie des biens propres des congrégations supprimées.
titre iii.
chapitre premier.
Section première.
Art. 1er.
Les individus des congrégations séculières ecclésiastiques, voués en même temps au service du culte et à l'instruction publique, exerçant ces fonctions dans les séminaires et collèges, qui auront été admis dans la congrégation selon les règles et épreuves requises pour cette admission, recevront pour traitement de retraite ;
Art. 3.
Savoir :
1° 100 livres une fois payées, par année de congrégation, ceux qui auront vécu 5 années et au-dessous dans la même congrégation ;
2° 20 livres de pension par chaque année de congrégation, ceux qui en auront plus de 5, jusqu'à 10 inclusivement ;
3° 30 livres également de pension par année de congrégation, ceux qui en auront plus de 10.
Néanmoins, le maximum desdites pensions ne pourra, dans aucun cas, excéder 1,200 livres.
TITRE IV.
Art 1er.
Les professeurs provisoires pour l'instruction publique, nommés suivant les formes prescrites par le présent décret, auront pour traitement e revenu net du collège auquel ils seront atta-thés, l'entretien des bâtiments prélevé, ou le iroduit à 4 0/0 de la vente des biens desdits ollèges qui seront aliénés ; lequel revenu sera iparti par les directoires de département, sui-int le mode que les administrations jugeront >nvenable d'après l'avis des districts.
titre v.
Art. 2.
ucun des pensionnaires désignés dans le sent décret, à l'exception des femmes, ne rra recevoir le premier terme de son traite-it, s'il ne rapporte au receveur du district ;rait de sa prestation> devant sa municipa-du serment d'être fidèle à la nation, de ltenir la liberté et l'égalité et de mourir is défendant. Ledit certificat demeurera an-à la quittance, sous la responsabilité du re-jr de district, et il sera délivré par les offi-s municipaux sur papier libre et sans
Les traitements fixés par le présent décret ne seront susceptibles d'aucun accroissement avec l'âge des titulaires : ils seront censés avoir commencé au 1er janvier dernier. Ils seront payés ;
Savoir :
Les gratifications par moitié : la première au l,r octobre, la dernière au 1er janvier suivant.
Les pensions d'avance par trimestre : le premier payement sera fait au 1er octobre prochain, et il sera tenu compte des mois écoules.
Art. 8.
Chaque individu fournira dans le même délai (avant le 1er septembre 1792), au directoire du district de la maison dans laquelle il réside actuellement, un extrait en forme de ses actes de baptême et d'admission.
Art. 15.
Les membres des congrégations supprimées pourront disposer du mobilier de leur chambre seulement, et des effets qu'ils prouveront avoir été à leur usage exclusif et personnel, sans toutefois qu'ils puissent enlever lesdits effets qu'après avoir prévenu la municipalité du lieu, et sur la permission qu'elle en aura donnée.
Art. 18.
Seront tous les membres des congrégations, pensionnés par les articles ci-dessus, tenus d'indiquer dans la quittance du payement qui leur sera fait au mois de juillet prochain, le lieu où ils se proposent de, fixer leur résidence, et seront les termes subséquents de leurs pensions ! acquittés par les receveurs du district où ils résideront.
Art. 20.
Les membres des congrégations séculières, tant ecclésiastiques que laïques, qui n'auront pas rempli leurs fonctions pendant l'année 1791, I dans les maisons auxquelles ils étaient attachés, n'auront aucun droit aux traitements ci-dessus décrétés, sauf l'exception portée dans les articles 22 et 23 du présent décret.
Art. 22.
Tout membre de congrégation ou d'associa-ciation séculière qui, ayant exercé pendant l'année 1790 les fonctions auxquelles il était attaché dans lesdites congrégations, aurait été porté par choix ou par élection, depuis ladite année jusqu'à ce jour, à quelques fonctions publiques ou ecclésiastiques, ne sera point censé avoir {quitté la congrégation, .et aura droit au traitement de retraite qui, dans ce cas, sera réduit à moitié pendant toute la durée desdits emplois.
Art. 23.
lien gâtions
s«ra de même des membres des congré-
0__supprimées qui, à l'avenir, accepteraient
de pareils, emplois : ils ne conserveront, pendant la durée desdits emplpis, que la moitié des pensions qui sont attribuées par le présent décret, sauf l'e?ception portée titre III, cliap. lor, § 1er, art. 2.
Art. 25,
« Tous les membres des congrégations ci-dessus, tant ecclésiastiques que laïques, seront tenus de déclarer s'ils ont pris ou reçu quelques sommes, ou partagé quelques effets appartenant à leur maison ou à leur congrégation, et d'en imputer le montant sur le quartier ou les quartiers à échoir de leurs pensions. Ne pourront les receveurs des districts payer aucune pension que sur le vu de ladite déclaration, laquelle sera et demeurera annexée à la quittance de chaque membre de la congrégation; et seront ceux qui auront fait une fausse déclaration, privés pour toujours de leurs pensions. »
(La Convention ordonne ^impression du rapport et du projet de décret.)
demande que la Convention, en ordonnant l'impression des décrets, n'y joigne l'impression des rapports que lorsque ces derniers concérneront les affaires générales bu les grands intérêts de la République.
propose d'autoriser les comités à faire imprimer d'avance les projets de décret qu'ils présenteront à l'Assemblée, mais à la condition que la discussion ne vienne que deux jours après la distribution.
(La Convention décrète ces différentes propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que chacun de ses comités est autorisé à faire imprimer et distribuer les projets de décret sur les questions générales ou particulières qu'il aura résolu de mire présenter en son nom, et même lés rapports, lorsqu'ils concerneront des questions générales. La discussion ne pourra commencer que deux jours après celui de la distribution. »
Un membre : Les habitants de Porrentruy ont brisé leurs fers et arboré la cocarde tricolore. (Applaudissements.) Une lettre que je reçois à l'instant me fait part de cette heureuse nouvelle.
,au nom de là commission extraordinaire des vingt-quatre, fait un rapport (1) . sur les crimes du ci-devant roi, dont les preuves ont été trouvées dans les papiers recueillis par le comité de surveillance de la cmmune de Paris (2) ; il s'exprime ainsi :
« Représentants du peuple, je viens, au nom de la Commission des vingt-quatre, vous exposer les faits qu'elle a recueillis concernant le ci-devant roi. Vous allez m'entendre avec attention ; car ceux au nom de qui je parle et moi, nous sommes en quelque sorte les témoins qui déposons dans cette grande affaire.
Les preuves que nous avons acquises étaient éparses au milieu d'un chaos de titres : les uns, pour la plupart insignifiants; les autres, étrangers à l'homme dont il s'agit ; tout a été vu, tout a été lu, et le chaos a disparu. Pour y parvenir, il a fallu se livrer à un travail opiniâtre et rebutant; mais vous l'aviez ordonné, et rien n'a plus été difficile.
Nous n'avons pas cessé de travailler en présence des membres du comité de
surveillance et
Qu'ils sont heureux, ceux-là qui n'ont été chargés de vous offrir que des tableaux intéressants, des vues sages, ou le récit d'actions généreuses 1
Pour moi, je n'ai à vous entretenir que de projets sinistres; je ne puis émouvoir vos cœurs que par de pénibles affections ; et je manquerais mon but si je ne vous faisais point partager les sensations douloureuses que j'ai éprouvées en préparant le travail que je viens vous soumettre.
Encore est-il très imparfait; encore en suis-je réduit à regretter qu'il ne vous offre point toute la noirceur des vues de l'ennemi commun. Mais s'il est facile de soupçonner davantage, il est peut-être impossible de recueillir plus de' preuves, quand on ne les doit qu'au hasard.
On se surveille de toutes parts; partout on cherche à s'environner des ombres les plus épaisses. Ici, l'on n'écrit qu'en caractères symboliques; ailleurs, on suit des projets commencés la veille, et dont le début est resté sans traces, soit qu'ils n'aient été discutés que dans des conversations secrètes, soit que les lettres qui pouvaient les prendre dès leur origine, n'aient 'pu être recueillies.
A chaque pas nous avons vu éclore de nouveaux pians ; et presque aussitôt le fil des conspirations a été interrompu, sans qu'il nous ait été possible d'en retrouver la trace.
Cet homme auquel, dans le besoin d'aimer et de pardonner, on supposait le caractère d'une extrême simplicité ; cet homme fallacieux, était le premier, nous en sommes certains, à parler de mystère; et ses vils courtisans n'ont que le mérite d'avoir enchéri les uns sur les autres; l'honneur de l'invention lui appartient tout entier : ainsi l'art de tromper est naturel aux rois. (Applaudissements.)
Mais vous n'auriez qu'une idée imparfaite des moyens dont on a fait usage pour se rendre impénétrable, si je me bornais à vous parler d'une manière aussi générale. —- Citons des faits. — Une lettre de Laporte à Septeuil, en date du 7 février, est ainsi conçue :
Copie de la lettre de Laporte à Septeuil
« Il y a quelque temps, Monsieur, que l'on a réclamé la bienfaisance du roi pour trois personnages intéressants. Sa Majesté m'en parla, et me témoigna le désir de venir à leur secours. Je lui fis une feuille que je lui laissai.
« Comme il y a après-demain une occasion pour Viennè, j'ai redonné ce matin une feuille au roi, en lui observant qu'il importait qu'il n'y eût pas de vestiges dans les papiers de la liste civile, de ce qu'il ferait à cet égard.
Ce que le roi voudra donner à M™" dagPoli-gnac sera payé à M. Brouquens ;
« Pour M. de la V. à son homme d'affaires à Paris;
« Pour M. de Ghoiseul, à un abbé Rasel |qui a sa procuration. »
Un des plus perfides ministres, si j'en juge par sa correspondance, Bertrahd, reçoit d'une femme aussi scélérate que lui la lettre suivante :
Ce samedi, 3 heures, 24 avril.
« Savoir l'emploi ou la destination des sommes projetées.
« Si cela convient, on réalisera les sommes nécessaires. La personne peut fournir plusieurs millions dans trois jours.
« Voilà ce que l'amie de M. Bertrand lui propose.
« A sottes demandes point de réponse par écrit : aussi, ne voulant pas de mon ami certificat d'im-bécilité, je le prie de me marquer son heure pour ce soir ou demain matin : c'est entendu, gn trois minutes on résout plus d'affaires majeures que par un volume : c'est encore entendu. »
LA P. DE R. R.
Voilà dés exemples pris au hasard ; et j'affirme que nous avons rencontré mille pièces autant inintelligibles que cette dernière ; je dois cependant ajouter qu'aucune de mes recherches ne m'a fourni la copie fidèle de la ruse audacieuse dont cette femme donne des témoignages répétés dans toute sa correspondance.
Un portefeuille pris chez Septeuil, trésorier de la li3te civile, est le recueil où nous avons puisé le plus de renseignements ; nous en avons fait plusieurs liasses cotées A, B, G et D, et sous-di-visées, chacune, en d'autres liasses distinguées par leurs numéros.
Nous citerons d'abord une lettre de Bouillé, contenue dans la liasse cotée B, n° 1er; elle est datée de Mayence, le 15 décembre 1791. (Première pièce, cote B, n° 1er, lettre de Bouillé.)
Sans doute à cette époque le perfide roi se
fardait bien de dire qu'il correspondait avec ouillé, et néanmoins la lettre ne semble pas avoir été adressée à un autre qu'à lui ; d'ailleurs, le dépôt dans lequel on l'a trouvée le prouve suffisamment.
On y voit le compte des sommes données à Bouillé par Louis Gapet pour la formation du camp de Montmédy. Elle est extrêmement intéressante, parce qu'elle contient les noms des principaux agents de conspiration d'alors, et qu'on voit par la suite quelques-uns de ces mêmes agents figurer encore aux Tuileries en 1792, et y recevoir, comme à l'époque de la fuite à Varennes, des sommes d'argent considérables, destinées apparemment à des projets semblables.
La commission m'a prescrit de vous donner lecture de cette lettre.
Copie de la lettre de Bouillé. ' Reçu du roi en assignats—..... 993,000 liv.
EMPLOI.
Remis à Monsieur, frère du roi, par son ordre, la valeur en argent ou en lettres de change, dont j'ai les reçus............................. 670,000
Au comte Hamilton, colonel de
Nassau....................,....... 100,00011V.
Ces fonds sont restés dans la caisse du régiment, et ont été saisis.
Au duc de Cboiseuil 97,000 livres, sur lesquelles il en a remis au comte Hamilton 25, dont je rendrai compte.
A M. de Maudel, lieutenant-colonel du régiment de Royal-Allemand....
A M. le comte de Bosel, colonel de Chamborantï...............I......
A M. de la Salle, commissaire à Metz..............................
73,000 40,000 26,000
6,000
Total général, dont j'ai les reçus. 915,000liv.
Il est resté entre mes mains..........78,000
en assignats qui ont dù produire environ. ..................................65,000
Pour avances faites directement à des juifs pour des provisions en pailles et viandes, et autres objets
pour le camp de Montmédy, environ. 12,000 On ne peut en avoir de reçu. Donné a MM.Heymann,de Klaingler et Dospelite, officiers généraux, à leur sortie de France avec moi, pour subvenir à leurs dépenses, ayant tout
perdu, à chacun 5,400 livres..............16,200
J'en ai des reçus. A M. Heymann, pour son voyage en Prusse, où je l'ai envoyé pour le
service du roi.........................................3,400
J'en ai un reçu.
Au régiment Royal-Allemand, quand je l'ai fait monter à cheval
pour aller au secours du roi, 350 louis. 8,400
Au commandant du détachement
des hussards de deux, 100 louis— 2,400 A M. de Coquelas, autant que je
peux me le rappeler..............................3,600
A divers officiers particuliers qui sont sortis du royaume avec moi,
lors de l'arrestation du roi, environ. 6,000
Perdu sur un de mes gens, qui a
été pris, deux rouleaux de 50 louis. 2,400
Total.........................54,400liv.
Il m'est resté entre les mains 8 à 10,000 livres que j'ai employées pour mes dépenses, n'ayant pu tirer aucune ressource de France, où tous mes effets ont été saisis et mes revenus arrêtés, mais que je suis aans ce moment en état de remettre au roi quand il me l'Ordonnera, ainsi que 6,000 livres laissées à Metz à M. de la Salle, qu'il a employées pour moi. Mayence, ce 15 décembre 1791.
Signé : Bouillé.
Ainsi, Louis Gapet, tu ne peux plus te défendre d'avoir participé aux complots dont l'infâme Bouillé a développé toute la noirceur dans ses insolents manifestes.
Ainsi, tu ne diras plus que tu n'as point eu de part à la fuite de ton frère-
Ainsi, tu ne pourras plus disconvenir de tes intelligences avec la cour de Berlin, et de tes efforts pour y préparer la déclaration de guerre contre Ta France.
Faut-il plus d'un témoin pour convaincre le coupable? Je vous en produis deux autres : ce sont les nommés Ghoiseul-Stainville et Charles Damas, dont les écrits, signés de leurs mains, font partie de la même liasse.
La lettre de Choiseul-Stainville est ainsi conçue (Deuxième pièce, liasse B, n° 1) :
Compte que j'ai Vhonneur de rendre au roi de l'argent qui m'a été remis par M. de Bouillé.
Reçu de M. de Bouillé la somme de 96,500 livres en assignats de 200 livres, avec ordre de les changer en or, et de faire les distributions ët dépenses nécessaires.
Remis au comte Charles Damas, par ordre de M. de Bouillé, la somme de 36,000 livres sur lesquelles il m'en a remis 12,000 depuis, ci............................ 24,000 liv.
Change de 60,000 livres en or,
à 200/0;........................... 12,000
Remis à M. Hamilton, par ordre, en
or, la somme de................... 24,000
Remis à M. de Goglas, en or, dont le billet est ci-joint : elles lui ont été
volées lors de son arrestation......9,600
Argent remis à M. Daudoin, et qui lui a été volé lors de son arrestation, et dépense du détachement à Sainte-
Menenould : en tout...................2,514
Argent distribué pour divers objets, et dont la moitié a été volée, à peu
près 200 louis..........................................4,800
Total................76,914 liv.
Observations.
Les 24,000 livres remises en or à M. Hamilton, doivent se trouver dans la caisse militaire du régiment de Nassau, infànterie : M. de Bouillé y ayant fait déposer l'argent qu'il avait pu charger à Metz.
Le comte Charles rendra compte, à son retour, des 24,000 livres qu'il a entre les mains, et dont j'ai son billet.
J'ai une reconnaissance à M. Hamilton; elle est dans le portefeuille que j'ai confié, à Va-rennes, à l'officier de hussards, nommé Boudet, le même qui a remis à Monsieur les diamants de Madame Elisabeth. Je n'ai point entendu parler de lui depuis ce temps-là.
Résumé.
La recette était de........»...... 96,500 liv.
La dépense de................... 76,916
Différence...................... 19,586 liv.
Nota. Le roi a donné la reconnaissance de cette somme, qui lui a été remise le 13 novembre 1791.
Je suis comptable de pette somme envers le roi; je le supplie d'ordonner à son trésorier de la liste civile de la recevoir, et de me donner, de la part du roi, une décharge que je puisse échanger contre mes billets qui sont dans les mains de M. de Bouillé. Paris, le 2 novembre 1791.
Signé : Choiseul-Stainville.
Ainsi toute la race des Capets conspirait contre la patrie ; et tandis que les hommes s'armaient pour la déchirer, les femmes cônsacraient leurs diamants aux frais dé l'entreprise.
Le billet de Damas, porte... (Troisième pièce, liasse B, n° 1) :
Mon compte avec M. de Septeuil. .
J'ai reçu dans le mois
de juin (en assignats).. 36,000liv.
Dont le change^en espèce a coûté.... '..........5,000 liv. ) nnn
J'ai rendu en juillet.. 12,000 \ 1/,uuu
Je dois compte de.... 19,000liv.
Prêté à M. Remy, quartier-maître du régiment. 1,200 \
La nourriture de sept I officiers, détenus à la } 3,561 Mercv, la mienne défalquée................. 2,361
Je redois.
15,439 liv.
Observations.
Lorsque M. Remy est sorti de prisons, il n'avait rien du tout; je lui ai donné 50 louis. Si le roi veut lui faire cette gratification, elle restera portée sur ce compte ; sinon, il n'a voulu l'accepter que comme un prêt, j'en tiendrai compte.
A l'égard de la dépense des officiers de la Mercy, il fut décidé que les prisonniers ne recevraient rien pour leur nourriture comme à l'Abbaye : je me chargeai de la partie du dîner, parce qu'il en coûtait à ces messieurs 6 livres
Bar jour, et qu'ils n'en avaient pas les moyens.
s mirent du scrupule à être nourris par moi, et ne voulurent continuer cet arrangement que parce que je leur dis qué je ferais cette dépense sur l'argent que j'avais au roi, et qu'il l'approuvait. J'ai soustrait le septième de la dépense pour ma part, et j'ai porté en compte les six autres.
Je remettrai à M. le duc de Choiseul, à son ordre, le compte ci-dessus, montant à 15,439 liv.
Signé : G. Damas.
Nota. Depuis ce compte écrit, j'ai su, par le comte François d'Escars, que mon portefeuille, avec le billet de M. Hamilton et d'autres, étaient déposés chez l'électeur de Trêves, avec les objets qui m'avaient été confiés.
Enfin le compte final de cette expédition de Varennes est arrêté par le roi, le lb avril dernier, sur une lettre signée Choiseul-Stainville. (Liasse D, n° 2.)
Nous estimons qu'elle a coûté, à la liste ci-vile; 6,066,800 livres, dont 3,200,000 livrés avaient été empruntées au sieur Duruey, dans les mois de février et d'avril 1791. Le reste fut fourni par le trésorier Septeuil, depuis mai jusqu'en juin. (Liasse A, n° 5, Livre vert, liasse D.)
Vous avez remarqué, représentants au peuple,
3u'un certain Goglas est désigné dans la lettre
e Bouillé, pour avoir reçu de lui une somme de 3,600 livres, et dans celle de Choiseul-Stain-ville, pour avoir reçu, de ce dernier, 9,000 liv. Eh bien! cet agent corrompu, et apparemment subalterne, car son nom est désigné dans la lettre de Bouillé, a reparu depuis sur la scène. Il a reçu de la liste civile, le 29 février 1792, une somme de 60,000 livres, dont il s'oblige à rendre compte. (Liasse B, n° 10.)
Jugez quel compte il peut rendre et de quelles affaires il devait être chargé !
Tu nous le diras, Louis Capet; et tu verras que tu ne saurais nous abuser sur tes intentions, quand nous te produirons les quittances de la
veuve de Favras, à laquelle tu faisais une pen- | sion de 4,000 livres (liasse A, n° 4) et qui n'a cessé d'être pavée jusques et compris le 1er juin dernier; quand nous te représenterons ta promesse, en date du mois de mars dernier, de faire à deux ci-devant curés de Versailles (les nommés Jacob) une pension de 800 livres par tête, tant qu'ils seront déplacés (liasse C, n° 10). C'est encore là un des objets pour lesquels tu recommandes le secret; et tu ne t'attendais pas, sans doute, impérieux despote, qu'après une défense aussi formelle, ce secret pût être divulgué. Tu seras forcé de convenir que tu ne répandais tes largesses que sur les ennemis du peuple français, de cette nation prodigue envers toi au fruit de ses abondantes sueurs.
Rougira-t-il, citoyens mes collègues, quand nous lui justifierons qu'il n'est aucun moyen de corruption qu'il n'ait tenté sur des hommes faibles; qu'il a employé tous ses soins à égarer le peuple, et . qu'il n'ouvrait ses dangereux trésors que dans l'espoir de parvenir à ce but?
Quand nous lui prouverons que l'auteur du postillon de la guerre a reçu de lui, aux mois de mai et juin derniers, une somme de 8,000 livres (liasse A, n° 1); celui du Logographe, dans l'espace de trois mois, une somme de 34,560 livres (liasse A, n° 1) (1).
Quand nous lui représenterons une note tirée du portefeuille, qui annonce un cautionnement, en son nom, de 1,200,000 livres, pour soutenir les libraires de Paris (liasse A, n° 9); quand nous lui ferons voir une lettre de Laporte à Septeuil (liasse C, n® 11), dont je crois important de vous donner lecture, car il serait difficile d'en exprimer le sens. Bon peuple, à quels pièges tu as su te dérober !
Lundi.
« Voici, Monsieur, encore deux mandats. Dans le fait, l'on éprouve depuis quinze jours le bon effet de cette dépense.
« Je joins également ici deux ordonnances, pour la suite des dépenses de cette malheureuse garde.
« J'ai l'honneur, Monsieur, de vous renouveler les assurances de mon sincère attachement. »
(Signé d'un paraphe reconnu pour être celui de Laporte.)
Il y a des mouvements dans les faubourgs; mais on est prévenu, et on a pris des mesures.
Représentants du peuple, je vais réveiller votre active sollicitude, et
tourmenter vos âmes probes : payez de plus ce tribut à la patrie. Je
viens vous entretenir de la déclaration qui vous a été passée à cette
barre, par le comité de surveillance de la commune ae Paris. Il vous a
lu une lettre de Laporte (liasse C, n° 7, pièce 36), ui annonce un
sacrifice projeté pour payer un écret. C'est le seul titre où se
rencontre ce fait; et, sur notre honneur, il n'en existe pas d'autre
trace dans l'immensité des papiers que nous avons parcourus : ainsi le
crime reste tout entier à la charge du tyran. Oui, parjure, il demeurera
constant, mais rien de plus, que tu t'es flatté d'acheter, au prix de
1,150,000 livres, un décret qui déchargeât la liste civile d'une partie
Il demeurera constant encore que tu as essayé de même (liasse G, n° l),au prix de 50,000 liv., d'obtenir un décret favorable à la liquidation des offices de ta ci-devant maison.
Citoyens mes collègues, ni l'un ni l'autre de ces décrets n'ont été rendus; et le vil corrupteur reste sans fruit, chargé de la honte attachée à sa démarche.
De quoi n'était-il pas capable, le monstre! Vous allez le voir aux prises avec la race humaine tout entière. Je vous le dénonce comme accapareur de blé, de sucre et de café.
Septeuil était chargé de cet odieux commerce, auquel nous voyons qu'on avait consacré plusieurs millions. (Liasse A, nos 2, 29, 30 et 36.) Etait-ce pour cet horrible usage que la nation française avait comblé le perfide de richesses? Il n'y a que le cœur d'un roi qui soit capable d'une telle ingratitude.
Ah ! je ne suis plus surpris de l'imprévoyance des lois sur le fait des accaparements. On faisait tout pour détourner de cet objet l'esprit des lé-, gislateurs; on imposait silence au peuple toujours crédule, en lui disant qu'il n'y avait point et qu'il ne pouvait y avoir d'accapareurs; que toutes les parties de l'Empire étaient trop activement surveillées par les corps municipaux et les gardes nationales. Le peuple se taisait, car il est si. facile à convaincre ! et le lendemain on le faisait marcher, sous le grand prétexte de la libre circulation des grains; on le faisait marcher, dis-je, au secours des accapareurs. J'en profiterai, de cette leçon, et je prends ici l'engagement de veiller avec un soin particulier sur la rédaction des lois relatives aux subsistances.
Vous concevez bien, représentants du peuple, qu'on a couvert de toutes les ombres du mystère l'odieux commerce que je viens de vous dénoncer; et longtemps nous avons cru nous-mêmes que nos recherches seraient infructueuses. Les sommes que l'on y employait et le nom de celui qui le faisait ne nous laissaient aucun doute sur la part que Louis Capet devait, à l'exemple de son aïeul, prendre à ce commerce. Nous connaissions les besoins toujours renaissants d'une cour corruptrice. Nous avions sous les yeux l'embarras de Septeuil pour satisfaire quelquefois à ces mêmes besoins; cependant, nous savions que le fier despote voulait être obéi sur l'heure. Nous voyions ce même Septeuil consacrer jusqu'à deux millions et plus à ce commerce qu'il faisait à Hambourg, à Londres et ailleurs, en prenant la simple précaution de se faire adresser sa correspondance à ce sujet sous un nom emprunté; nous étions assurés en même temps que le tyran était instruit des rapports commerciaux de son agent avec l'étranger, puisque nous tenions en mains des reçus de sa part, qui consistaient en des traites sur Londres. Nous ne cessions de répéter que Septeuil ne serait pas assez imprudent pour se priver de la ressource de plusieurs millions, quand on le pressait chaque jour pour des payements extraordinaires, à moins qu'il n'eût eu une réponse toute prête. Enfin, après avoir revu cent fois les liasses qui renferment les factures et la correspondance relatives à ce commerce, qui s'est fait à partir du mois de juin 1791 jusqu'à la Révolution, nous sommes parvenus à trouver la pièce probante : elle est signée « Louis », en date du 9 janvier 1791 (liasse A, n° 2) : elle explique tout. Septeuil y I est autorisé à placer les fonds libres du tyran,
soit sur Paris, soit sur l'étranger; et comme la nature du commerce projeté exposait à des risques évidents, cette autorisation porte que Septeuil ne sera point responsable des événements.
Pour donner quelque relâche à l'attention et vous faire participer à nos délassements, permettez, législateurs, que nous vous entretenions des moyens puérils inventés par la Cour pour s'assurer des partisans.
Nous avons trouvé dans le portefeuille de Bertrand une note qui atteste l'établissement d'un nouvel ordre de chevalerie, sous le nom des Chevaliers de la Reine.
La médaille, suspendue par un ruban ponceau, offre, d'un côté, le portrait de la reine et son nom ; de l'autre, cette légende : Magnum regince nomem obumbrat.
Les brevets ou patentes de l'ordre portent cette épigraphe : Dux femina facti, partoque ibit regina triumpho.
La note dont je vous parle atteste que plusieurs officiers suisses, indignes du pays qui les a vu naître et du siècle dans lequel ils vivaient, se, sont laissés séduire par ce nouveau hochet, et qu'ils n'ont pas craint de s'en parer au moment des agitations qui ont eu lieu dans la ville de Lyon. Quand nous n'aurons que de pareils hommes à combattre, nos succès ne seront pas douteux.
Mais revenons à des choses plus graves.
Le nommé Gilles, dont nous n'avons pu trouver de traces, et qui à déjà figuré comme receveur et distributeur des fonds attribués au postillon de la guerre et au Logographe; cet homme, dis-je, était chargé de l'organisation d'une troupe de soixante hommes ; et dans les mois de mai et juin derniers, il a reçu pour cette troupe, une somme de 12,000 livres, et ses reçus portént, car il y en a deux, que c'est pour l'organisation de soixante hommes (liasse A, n° 1 du portefeuille Septeuil).
Ainsi, en supposant que chacun de ces dévoués fût salarié au même taux, ils devaient avoir 1,200 livres de traitement par an.
Que veut dire cette troupe mystérieuse, cette superfétation militaire?
Ici, nous invoquons contre Louis Capet la Constitution, à l'ombre de laquelle il a toujours dit qu'il se rangeait ; elle attribue au Corps législatif, titre III chapitre 111, article lep, le droit dé statuer annuellement, après la proposition du roi, sur le nombre des hommes et des vaisseaux dont les armées de terre et de mer seront composées.
Cependant, la législature n'avait aucune connaissance de l'existence de cette troupe; son établissement est donc un crime : elle était salariée par la liste civile ; son existence prouve donc des projets hostiles.
Il est donc constaté, pari titres, qu'on enrôlait secrètement pour le compte du ci-devant roi; et si nous n'avons de preuves écrites de la main des traîtres que pour une compagnie de soixante hommes, ce n'est pas une raison de supposer qu'il n'y ait jamais eu que ce nombre d'enrôlés. Je raisonne bien différemment, et je dis : La levée secrète de soixante hommes seulement eût été un acte totalement inutile et qui ne valait pas la peine de s'exposer au châtiment rigoureux porté dans le Code pénal, article 3 de la deuxième section du titre 1er de la deuxième partie.
L'existence certaine de ces soixante hommes atteste donc qu'il y en avait bien d'autres dans le même cas.
, Cette vérité se confirme par les déclarations sans nombre faites à la police, lesquelles sont confirmées aussi par ce fait : nous les avons toutes déposées dans un carton coté 18, S, où elles sont numérotées.
Il en existe quatre fort détaillées sur cet article.
L'une, cotée 29, faite au nom de la section des Gravilliers, le 13 juillet dernier; une autre, cotée 20, sous la date du 20 du même mois ; la troisième, cotée 47, qui porte à sept ou huit cents le nombre des royalistes dévoués; elle est datée du 28 du même mois; on y lit que les ennemis du bien public regrettent que les sans-culottes ne se soient pas présentés hier au château, où ils auraient été vivement fusillés. La dernière, datée du même jour, est faite au nom de deux sections de Paris.
Je ne pouvais pas croire que l'on pût élever des doutes sur des faits attestés d'une manière aussi authentique. Cependant, ces déclarations, dénuées de toutes autres preuves, n'ont pas paru des témoignages suffisants à quelques-uns ; mais tous ont été convaincus par la production des reçus de Gilles : c'est le premier anneau de la chaîne ; et tout découle si nécessairement de ce fait, qu'à la suite il ne serait plus question que d'offrir des indices.
Aussi, les plus incrédules sur le mérite des déclarations faites à la police ont-ils avoué que, malgré l'inutilité des perquisitions de la municipalité, ils étaient maintenant contraints d'y ajouter foi et de croire qu'effectivement il y avait eu des dépôts d'armes et de munition* et des fabrications d'uniformes destinés aux rebelles.
Ces faits sont attestés par les pièces du carton 18, S, numérotées 1, 2, 3, 8, 13, 16, 20, 22, 23, 24, 25, 29, 34, 36, 43, 44,.45, 47, 49, 59, 61 et 63.
On n'est en droit d'opposer à ces déclarations, qui renferment la plupart des détails extrêmement curieux, que l'inutilité des perquisitions de la police. Mais croit-on que, même sans appréhender ces perquisitions, les dépositaires d arrhes, munitions et d'uhiformes, eussent commis l'indiscrétion de laisser ces objets exposés aux regards, quand la loi prononçait contre eux la peine de mort? Leur intérêt personnel les sollicitait donc assez puissamment, et leurs instructions, n'en doutez pas, étaient assez détaillées pour qu'ils déposassent ces objets dans des lieux d'un très difficile accès.
Parmi les déclarations, il en est une, n° 59, qui doit passer pour incontestable, d'autant mieux qu'elle semble d'abord n'être à la charge de personne; elle est datée du 31 juillet : elle porte que, depuis trois semaines environ, il y a a la pointe de l'île Saint-Louis deux bateaux chargés de 320 barils de biscaïens; de 180 bombes et d'une grande quantité de boulets. Les déclarants ont remis à la mairie un de ces biscaïens trouvé dans un des barils défoncés, et ils ont dit que les bateaux n'étaient surveillés par personne.
Il est certain que ces bateaux contenaient les munitions dont je viens de parler; il est hors de doute qu'ils appartenaient à quelqu'un et que ces munitions avaient été apportées à dessein. Or, il n'y a que des malintentionnés, pleins d'audace et comptant sur l'impunité, qui puissent commander un chargement de cette nature ; et il ne pouvait y avoir que la Cour qui laissât ainsi
à l'abandon des objets d'une valeur importante. D'ailleurs, ils n'étaient peut-être pas abandonnés au hasard; peut-être, dans les plans d'attaque projetée, était-il utile que ces munitions fussent a 1 endroit où elles ont été vues.
Or, qui pourra contester, après la journée du 10, dans laquelle les amis de Louis Capet furent les agresseurs, qu'on avait formé des plans d'attaque? Nous en avons remarqué plusieurs, détaillés dans les pièces que nous avons inventoriées. (Voyez le carton 18, S, pièces 9, 18, 20, 29, 43 et 50.)
Je ne connais aucun rapport sous lequel le tyran n'ait manifesté des sentiments inciviques.
Il ne recevait, ne voyait familièrement que des ennemis de la patrie. J'offre à vos regards une carte d'entrée du château, donnée à Depré-mesnil ; et ce n'est pas nous qui l'avons fabriquée, puisqu'elle est signée de l'inspecteur des Tuileries, qui a pareillement écrit dessus le nom de Déprémesnil.
Quelqu'un arrivait-il de Goblentis, il devenait l'habitué du château : témoin Vioménil (carton 18, S, pièce trentième); Bouillé même, l'infâme Bouillé, a dû s'y faire voir dans le mois de juillet dernier. (Carton 5, sixième pièce.)
Une note relative au service des postes, trouvée dans le portefeuille de Septeuil, atteste la préférence que Louis Capet accordait aux intérêts des émigrés ou des ennemis de la France. On y lit que toutes les lettres du ci-devant roi étaient adressées à d'Ogny ; qu'il y avait un seul jour dans la semaine destiné à la remise des lettres de France, qu'on ouvrait, mais qu'on ne lisait pas ; que pour celles venant de la frontière ou de Turin, d'Ogny avait ordre de les apporter à leur réception. (Liasse D, n° 3.)
Nous savions, avant d'en avoir les preuves par écrit, qu'il pensionnait ses ci-devant gardes del789etmêmequelquesgardes françaises; qu'il a pensionné, sur le pied de^ 600 livres par an, ses gardes de 1792, après leur licenciement. ^Portefeuille Septeuil, liasse D,nos 4 et 5. Carton 18, S. dixième pièce.)
Et il se disait le roi des Français!..... Oui, sans doute il l'était, car un roi n'est qu'un tyran.
Vous vous rappelez, citoyens mes collègues, un acte du pouvoir exécutif, intitulé : « Proclamation du roi concernant les émigrations >•, datée du 14 octobre 1791. J'en extrais ces paroles prises au hasard, car toute la proclamation est dans le même genre : « Qu'ils sachent (les Français) que le roi regardera comme ses seuls amis ceux qui se réuniront à lui pour maintenir et faire respecter les lois dans le royaume. — Une Joule de citoyens abandonnent leur pays et leur roi, et vont porter chez les nations voisines des richesses que sollicitent les besoins de leurs concitoyens. — Revenez donc, et que le cœur du roi cesse d'être déchiré ».
Eh bien! le même homme qui, de plus, avait sanctionné le Code pénal, avait fait payer à Turin, en mai 1791, une pension au valet de chambre de Madame d'Artois, pour prix de; son service auprès de cette femme : ce sont les termes mêmes du mandat. (Portefeuille Septeuil, liasse C, n° 8.)
Le même homme a fait parvenir des secours, au mois de février 1792, à la femme Polignac, à la Vauguyon et à Choiseul-Beaupréy tous les trois émigrés. (Liasse G, n° 18.)
Cependant ces secours étaient de quelque im-
portance, puisque la seule part de Choiseul, qui sans doute ne fut pas la meilleure, était de 9,000 livres. (Liasse D, n° m
Le même homme assura le lundi 23 . .. 1792, [ aux deux fils de d'Artois, à Turin, une pension de 200,000 livres par an jusqu'à ce que, porte l'assurance, leur père puisse pourvoir à leurs besoins ; et cependant l'acte d'accusation contre leur père est daté du 4 janvier 1792.11 fait plus ; le 15 avril dernier, il donne un mandat de 16,660 livres (liasse G, n° 33), pour leur faire payer cette somme à Turin.
Il fait plus : malgré la loi relative uux émigrés, qui est du 8 avril dernier, et malgré la déclaration de guerre faite le 20 du même mois ; enfin, malgré Ta rigueur des peines prononcées dans le Code pénal, il fait parvenir, le 7 juillet dernier, à ce d'Hamilton, qui avait figuré dans sa fuite à Varennes, une somme de 3,000 livres. (Liasse À, n° 5.)
Et le 15 du même mois, il expédie un dernier bon au profit d'un émigré, le nommé Rochefort; il est digne de remarque que depuis le 20 mars dernier jusqu'au 15 de juillet suivant, il a fait passer à ce Rochefort jusqu'à la concurrence de 81,000 livres.
Tel est le tableau fidèle des crimes dont le ci-devant roi est convaincu par les pièces qui ont été soumises à notre examen. Nous ne doutons pas qu'on ne puisse trouver dans d'autres dépôts ae nouvelles preuves et de nouveaux faits, mais nous n'avons dû vous entretenir que du résultat de l'inventaire dont vous nous aviez chargés.
Représentants du peuple, les circonstances m'ayant forcé jusqu'à cet instant à réfléchir plus que bien d'autres sur les crimes de Louis Capet, permettez que je hasarde quelques idées sur cette matière; elles sont toutes à 1 ordre du jour.
La Constitution de cet Empire avait déclaré la personne du roi inviolable.
Elle avait jugé la responsabilité des ministres pour assurer l'exécution des lois.
Sanfr doute, l'inviolabilité du roi était un institut nécessaire dans la monarchie ; et c'est une preuve évidente du vice de cette forme de gouvernement, puisque on eât forcé d'y reconnaître un homme indépendant des lois, un homme contre lequel on ne peut employer aucun moyen coërcitif. .
Mais, qu'est-ce que cette inviolabilité? La question est si naturelle qu'il me paraît qu'on ne pouvait se dispenser de définir le terme : on ne l a point fait, et je pense qu'il y a eu en ceci plus de perfidie que de négligence; apparemment, on avait vendu au roi le droit infaillible de bouleverser l'Empire ; c'est ce qu'on doit présumer quand on considère les talents supérieurs de tant d'hommes trop fameux qui ont coopéré à la Constitution. En effet, il était impossible qu'ils : ne vissent pas, s'ils entendaient l'inviolabilité dans le sens qu'on veut lui donner aujourd'hui, que la responsabilité des ministres était un moyen impuisant pour arrêter les projets d'un roi dont la trahison était si bien attestée.
En le laissant intact, on pouvait, il est vrai, se saisir du ministre digne de lui, qui aurait autorisé de sa signature des ordres contraires aux lois ou qui, par sa négligence concertée (et c'est le moyen le plus infaillible et le moins facile à saisir), aurait paralysé la forcé publique et livré la France à ses ennemis.
Mais le temps de découvrir le crime, le temps I de le dénoncer, de le discuter, celui de soumet-| tre le coupable à une instruction nécessaire-
ment très longue, ne fût-ce que par la multitude et l'éloignement des témoins; ce temps, dis-je, ne devenait-il pas fatal, lorsque le chef du pouvoir exécutif et des conspirations continuait de rester à son poste, de gouverner et de suivre ses plans destructeurs?
Avant qu'ils fussent exécutés, je 3ens bien qu'il était possible de dénoncer encore un ou plusieurs ministres, et qu'on pouvait ainsi concevoir l'espérance d'intimider les vils courtisans.
Vain espoir ! l'homme inviolable était là, qui leur disait, qui leur prouvait qu'il ne lui fallait plus que quelques jours pour arriver au terme; que l'ennemi serait auseindu royaume longtemps avant que l'instruction des procès de ses fidèles serviteurs pût être terminée; qu'il n'était question que de prolonger encore de quelques heures l'état d'inertie, et qu'enfin, secondé des forces de nos ennemis, auxquels il n'y aurait plus moyen de s'opposçf quand ils seraient établis et approvisionnés au [milieu des citoyens épars et dénués de tout, il parlerait en maître, rétablirait son autorité, ferait tomber les têtes factieuses et comblerait de largesses ceux qui auraient secondé ses royales intentions.
Des promesses aussi bien fondées, car, sans l'insurrection du 10 août, elles auraient été suivies d'une entière exécution ; ces promesses, dis-je, étaient bien capables de séduire des hommes déjà mécontents de la Révolution ; elles étaient suffisantes pour leur faire courir les risques d'une responsabilité totalement illusoire, surtout quand on ajoute à leur importance les dispositions de tant de Français à se sacrifier pour leur roi; et vous n'oublierez pas, sans doute, que ces dispositions furent autrefois une vertu.
Il était facile de prévoir ces spéculations de la Cour et l'état douloureux auquel elles nous réduiraient. En effet, elles ont commencé avec la Constitution et n'ont point été interrompues depuis ; je dirai plus : elles sé continuent encore aujourd'hui, car je ne saurais attribuer à une autre cause les oppositions que je vois s'élever contre les lois les plus urgentes et les plus nécessaires. Oui, quand on s'efforce de paralyser la Convention nationale, ce que j'ai déjà remarqué plus d'une fois, il me semble voir des agents de Louis Capet suivre ses projets ténébreux. Cependant, ces spéculations n'avaient pour fondement que l'inviolabilité du monarque dans le sens que l'on veut donner maintenant à ce terme : avouons donc que la saine majorité de l'Assemblée constituante n'a pu l'entendre, et ne l'a point entendu de la manière absolue dont on le présente aujourd'hui.
Elle a cru, et ce fut une erreur, qu'il fallait un roi à la France ; elle le chargea de faire exécuter les lois ; et pour que l'Empire ne restât pas sans ce chef qu'elle croyait nécessaire, elle l'a déclaré inviolable au rapport des moyens qu'il emploierait pour parvenir à l'exécution des lois, c'est-à-dire qu'elle a voulu qu'il ne pût point être inquiété pour des méprises réelles ou prétendues, concernant les moyens d'exécution.
C'est à cela seul que s'est bornée dans l'esprit des législateurs l'inviolabilité du monarque. En voulez-vous une preuve incontestable ? 1311e est écrite dans la Constitution même.
Après la déclaration de l'inviolabilité, le roi, à titre de premier citoyen, est tenu de prêter le serment de l'obéissance aux lois : il n'est donc pas au-dessus d'elles; nul n'a eu le projet de le placer dans cette région imaginaire : s'il est soumis à la loi, il ne lui est donc pas permis de
l'enfreindre : et son inviolabilité ne va point jusqu'à ce terme chimérique; elle se borne (et c'est ce que dit le bon sens le plus ordinaire), elle se borne à lui épargner toutes les inquiétudes sur le choix des moyens qu'il peut employer pour parvenir à l'exécution de cette même loi.
Il résulte évidemment de cé que je viens de dire, que si Louis Capet est coupable d'autre chose que d'une méprise dans les meilleurs moyens tendant à faire exécuter la volonté nationale ; que s'il s'est formellement opposé aux lois ; s'il y a contrevenu directement, il ne peut, sous prétexte de son inviolabilité, échapper à la peine de son crime. '
Quelques-uns croient, sans doute, répondre victorieusement aux conséquences que je me propose de déduire des principes déjà posés, en disant que la Constitution, qui admet l'inviolabilité du monarque, a cependant consacré les mêmes principes que je viens d'établir, en prononçant pour le roi prévaricateur la peine de la déchéance; mais qu'elle a ajouté, art. 8 delà même section du même chapitre, qu'après l'abdication expresse ou légale, le roi sera dans la classe des citoyens et pourra être accusé et jugé comme eux pour les fautes postérieures à son abdication.
Ils en concluent que le monarque ne peut, dans aucuns cas, et pour les crimes les plus graves, encourir d'autre peine que la déchéance.
Je m'arrête un moment pour faire remarquer à mes collègues que cet article fut intercalé, comme pour satisfaire les intentions les plus droites, mais qu'il était à la fois un piège et une amorce à la loyauté des législateurs les mieux intentionnés, puisqu'il établit des principes directement contraires à ceux de la saine raison, et qu'il autorise tous les désordres dont nous avons failli être les victimes.
Représentants du peuple, profitez des fautes de ceux qui vous ont précédés, ne vous laissez guider par personne, ou vous serez égarés. Je reviens à la-suite de mon discours.
J'ai deux réponses à faire à l'objection que je viens de rapporter, et qu'on suppose victorieuse.
D'abord, je ne reconnais plus aujourd'hui à titre de peine, la déchéance tant prônée. 11 n'y a plus lieu de la prononcer, puisque la royauté n'existe plus en France.
Cependant les crimes de Louis Capet sont manifestes -K cependant tout crime attesté doit emporter sà peine : il faut donc lui en appliquer une autre qui ne peut être différente de ce qu elle serait pour tout citoyen français; ou bien il faut déclarer que les crimés resteront impunis.
Mais quand bien même il y aurait encore moyen de prononcer la déchéance; elle ne pourrait pas être la seule peine du ci-devant roi.
Lorsqu'on invoque la lettre de la loi, il faut aussi se borner à la lettre. Or, que dit-elle? « Si le roi refuse le serment, ou s'il le rétracte, il sera censé avoir abdiqué la royauté. » Sans doute, la peine est juste, suffisante et proportionnée à l'acte.
L'article suivant porte : « Si le roi se met à la tête d'une armée, et en dirige les forces contre la nation, il sera censé avoir abdiqué la royauté. »
Certes, c'était la seule peine raisonnable, que dans ce cas, on pût prononcer contre lui, puisqu'il n'est point censé sur les lieux; et la réserve portée dans l'article 8, qui veut qu'on traite le roi déchu comme tous les autres citoyens pour les crimes postérieurs à sa déchéance, donnait lieu, dans le cas où, le lendemain de son
jugement, il serait pris les armes à la main, à le condamner à la mort.
L'article 7 prononce encore la déchéance, et rien de plus, dans le cas où le roi, étant sorti du royaume, n'y rentrerait pas après une invitation qui fixerait un délai pour le retour.
Les principes que vous avez adoptés au sujet des émigrés, et les motifs qui vous ont fait prononcer, pour peine immédiate de ce crime, le bannissement, me dispensent d'entrer ici dans aucun détail : les deux cas ont une analogie frappante.
Mais l'article 6 porte que si le roi ne s'oppose pas, par un acte formel, à une guerre contre la nation, laquelle serait entreprise sous son nom, il sera censé avoir abdiqué la couronne. L'on prétend que cet article est parfaitement applicable au cas où se trouve Louis Gapet, et l'on trouve, sans doute, que la peine est justement graduée sur le délit.
Je ne répéterai point combien il serait absurde aujourd'hui de prononcer la déchéance du titre de roi qui n'existe plus; je réponds par des raisonnements pris dans la loi même, en exigeant qu'on s'en tienne à la lettre de la loi.
Elle prononce la déchéance pour le roi indolent, ou immobile ennemi de son pays; et dans ce cas, la déchéance est suffisante.
Mais si ces crimes sont accrus par d'autres; si le roi ennemi ne reste pas dans l'inaction ; s'il ajoute d'autres crimes politiques; si, comme Louis Capet, il sollicite lui-même l'ennemi extérieur ; s'il le soudoie ; s'il cherche à en susciter dans l'intérieurmême de ses Etats, alors le cas n'ayant point été prévu pour lui par la Constitution, il n'a point à l'évoquer, il n'a point droit d'exiger qu'on se borne à lui infliger pour toute peine celle indiquée dans cette même Constitution pour une moitié de ses crimes; il rentre, pour le reste, dans la classe ordinaire des citoyens.
S'il était possible de franchir le cercle que je viens de décrire, il est incontestable que la loi serait en contradiction avec la raison universelle; et votre devoir serait de faire disparaître cette contradiction choquante. Ainsi, jamais, ni sous aucun prétexte, le ci-devant roi ne peut échapper à une peine autre que la déchéance.
Je n'examinerai point quelle doit être la nature de cette peine : ce n'est point une tâche qui me soit imposée, et mon cœur repousse les alarmes que cette idée lui inspire : assez et trop longtemps mon esprit s'est reposé sur les crimes du genre humain, et sur les châtiments propres à les réprimer.
Plusieurs membres : Nous demandons l'impression du rapport et des pièces.
J'appuie la proposition faite d'imprimer les pièces ; quant au rapport, je voudrais qu'on ne livrât à l'impression que cette partie où les faits sont développés. Quant à la seconde partie, où le rapporteur fait sur l'inviolabilité des distinctions dont quelques-unes sont très subtiles et dont quelques autres seront sans doute combattues, je demande qu'on ne l'imprime pas parce que nous devons nous garder de faire aucune chose qui puisse entraîner un jugement trop précipité sur une matière aussi délicate.
11 existe dans le comité de surveillance de Paris, dans votre comité de sûreté générale, au greffe du tribunal criminel établi
Sar la loi du 17 août, et dans celui de la Haute-our nationale, un très grand nombre d'autres
pièces sur les trahisons de Louis XVI. Je demande que toutes ces pièces soient déposées au comité de sûreté générale, pour en être fait le triage, et que nous n'imprimions rien sur cet objet avant que ce rapport général ait été fait.
Vous devez vous rappeler que Pétion vous a parlé d'une pièce fort intéressante, où le roi protestait contre tous les décrets qu'il avait sanctionnés. On a su qu'un des ci-devant gardes des sceaux, s'est renfermé une journée entière avec plusieurs parlementaires; un bruit s'est répandu que cette assemblée avait eu pour objet d'enregistrer et de déposer aux archives du parlement la protestation du roi dont Pétion vous a parlé. Je demande qu'on fasse inventorier les archives du ci-devant parlement.
Le rapporteur que vous venez d'entendre ne vous a sans doute rapporté que les pièces déposées à la commission des 24. Il existe une infinité d'autres pièces bien plus importantes; par exemple, le ci-devant roi se trouve compromis dans plusieurs lettres de Choiseul-Gouffier et du révolté Saillant. Ses trahisons sont aussi prouvées par plusieurs pièces dont nous avons eu connaissance dans le procès de Dangremont, cet homme qui avait été choisi par Louis XVI pour lever une troupe d'assassins.
La seule question est de savoir si vous ferez imprimer le rapport de Valazé et les réflexions qu'il y a jointes. J'ai entendu quelques membres s'opposer à la publication de ces réflexions et ne vouloir que l'impression de la partie qui contient les faits. Je suis d'avis que vous devez imprimer le tout. Vous avez à justifier à l'univers et à la postérité le jugement que vous devez porter contre un, roi parjure et tyran. Dans une pareille matière, il ne faut pas épargner les frais d'impression ; toute opinion qui paraîtra mûrie, quand elle ne contiendrait qu'une bonne idée, doit être publiée. Certes, la dissertation du rapporteur sur l'inviolabilité n'est pas complète. 11 y aura beaucoup d'idées à y ajouter. Il sera facile de prouver que les peuples aussi sont inviolables, qu'il n'y a pas de contrat sans réciprocité, et qu'il est évident que si le ci-devant roi a voulu violer, trahir, perdre la nation française, il est dans la justice éternelle qu'il soit condamné. ( Vifs applaudissements.) Je ne me livrerai point à une discussion prématurée ; je me bornerai à demander l'impression du rapport.
La commission des vingt-quatre n'a fait qu'un dépouillement partiel des pièces ; il nous faut, au contraire, un faisceau de lumières. Je demande que le rapport de Valazé, au lieu d'être imprimé, soit renvoyé au comité de surveillance, qui est chargé de nous faire un rapport général.
C'est dans les moments surtout où l'on cherche à agiter le peuple par toutes sortes de moyens, qu'il faut ne lui rien cacher; il faut que tout rapport lu à la Convention nationale soit imprimé.
(La Convention ordonne l'impression du rapport de Dufriche-Valazé et des pièces, ainsi que l'envoi aux 83 départements.)
,s^rétaire, donne lecture d'une lettre du général Kellermann, relative à la dénonciation faite contre lui par le général Gustine; cette lettre est ainsi conçue :
Lé général Kellermann au citoyen Président de la Convention nationale (1).
« Du quartier général de Metz, le
« Le citoyen général Custine vient de m'en-voyer, par un courrier extraordinaire, copie d'une dénonciation qu'il s'est permis de faire contre moi, et qu'il vous adresse. Je me flatte que la Convention nationale jugera comme moi qu'elle n'a pu être dictée que dans un accès de folie ou de vin. (Murmures.) Il me taxe, entre autres, d'avoir fui lâchement à une affaire qui s'est passée à d'Aham, près de Landau, entre le 1er régiment de dragons et les hussards ennemis de Wurmser. Je dis donc que s'il y a eu une lâcheté de commise, elle ne peut tomber que sur Custine pour avoir mal placé ce régiment et n'avoir pas combattu à sa tête au moment du danger. Je ne doute pas que ce régiment ne l'atteste; quant à moi, n'y étant pour rien, ainsi que Victor Broglie et d'autres généraux qui s'y trouvèrent, nous nous sommes retirés, tournes èt prêts à être prié par les ennemis. Nous avons joint les troupes à nos; ordres que noiis trouvâmes tant à Merlheim qu'à Ojfenbach, villages sur les lignes de la Knaye, dans la plus parfaite ignorance de leur destination. Une plus ample explication ne prouverait pas davantage sur les grandes dispositions du général Custine.
« Vous devez juger, citoyen Président, par mes lettres et réponses que le général Custine vous a adressées, de toute l'étendue de ses connaissances militaires.
« A l'égard dé mon plan de campagne d'hiver, je l'ai..... »
,secrétaire. Je demande, citoyens, à ne pas continuer la lecture de cette lettre, qui ne contient plus que des détails sur les plans de campagne qu'il serait dangereux de publier. Je propose le renvoi aux comités de la guerre et de sûreté générale, qui seront tenus de nous en faire un rapport.
Si Custine est le vainqueur de Mayence et de Spire, l'Assemblée, jusqu'à ce qu'elle ait jugé sur les pièces vues, n'oubliera pas que Kellermann est 1 homme du 20 septembre et de Valmy. J'appuie la demande de renvoi.
(La Convention renvoie la lettre de Kellermann aux comités réunis de la guerre et de sûreté générale (2);
,secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Custine, relative au payement de la contribution exigée de la ville de Francfort.
Suit la teneur de ladite lettre :
Au quartier général de Mayence, le novembre 1792, l'an Ier de la République française.
« Citoyen président,
« Je rends compte à la Convention nationale que la ville de Francfort
vient de payer le premier terme de contribution dont j'étais convenu
« Cette ville me demande, citoyen Président, d'intercéder près de la Convention pour obtenir d'elle deux choses : la première, qu'il lui soit fait remise de ce second million de florins dont, en effet, 500,000 livres ne lui ont été réimposées que parce que le magistrat, loin de s être conformé au désir que j'avais témoigné de faire porter uniquement la décharge des 500,000 florins que j'avais remis sur la classe la moins riche, avait laissé le pauvre surgrevé, de telle manière qu'il payait autant que le millionnaire; et le second, parce qu'en effet, cette manière de répartir semblait avoir été aggravée par des plaintes tendant à soulever le peuple de Francfort, ce qui m'avait forcé à la proclamation dont j'ai adressé copie à la Convention nationale. Après; cette promulgation, il n'a plus été possible d'imposer le pauvre ; le riche, seul, celui qui avait protégé les émigrés, contribué à leur donner asile, a porté cette contribution.
« Le second point, auquel je prie la Convention nationale d'avoir égard, est celui de la promesse que demande la ville de Francfort, pour le reste ae' la guerre, d'être déchargée de toute autre contribution, ce qu'elle attend de la justice dé la nation française et de ses représentants. Je me joins à elle pour obtenir cette demande, sur laquelle je n'ai pas voulu prendre sur moi de prononcer, parce qu'en effet il n'appartient qu'aux représentants delà République a être les organes de la volonté nationale.
« Le citoyen général d'armée, « Signé : Custine. »
(La Convention renvoie cette lettre aux comités diplomatique, de la guerre et des finances réunis, pour en faire le rapport incessamment.)
Le même secrétaire donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Dupré, concernant les types et emblèmes convenables aux monnaies a'or, d'argent et de cuivre de la République.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des monnaies.)
2° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui annonce que les établissements français à l'est du cap de Bonne-Espérance jouissent de la paix et que les Iles de France et de Bourbon se distinguent par leur attachement aux principes de la liberté et de l'égalité.
Suit la teneur de ladite lettre :
Paris,
« Citoyen Président,
« Le gouverneur général des établissements français au delà du cap de Bonne-Espérance et les commissaires civils envoyés dans ces établissements sont arrivés à l'Ile-ae-France le 16 juin dernier ; je viens de l'apprendre parles dépêchse que je reçois à l'instant, et dont je fais faire des
copies pour les transmettre à la Convention nationale.
« Il paraît, par ces dépêches, que les établissements français à l'est du cap ae Bonne-Espérance jouissent de la paix, malgré une légère différence d'opinions, qui disparaîtra aussitôt que la voix de l'intérêt général se sera fait entendre.
« Lors de l'arrivée des commissaires, l'Ile-de-France était désolée par la petite vérole, maladie funeste dans cette contrée. Les commissaires ont pris toutes les mesures que leur conseillaient les circonstances pour en arrêter les progrès : leurs efforts ont été sans succès; mais les précautions que les habitants ont prises leur font espérer que les effets de cette maladie ne seront pas aussi terribles qu'on aurait pu le craindre.
« Les commissaires n'avaient pu encore, à l'époque où ils ont écrit, s'occuper de beaucoup d'objets; ils avaient seulement fait publier l'amnistie, conformément à la loi du 28 septembre 1791, et avaient en outre proposé, et fait adopter à l'assemblée coloniale, un mode de convocation et de formation des assemblées primaires plus analogue et plus conforme aux principes de ûotre législation que celui qui, jusqu'alors, avait, été suivi.
« Une nouvelle assemblée coloniale se sera formée peu de temps après, sans doute, et se sera occupée des travaux importants qui lui sont confiés ; je ne doute pas, d'après le bon esprit qui règne aux Iles de France et de Bourbon et l'attachement aux bons principes qu'on y a toujours manifesté, que la Convention coloniale n ait la douce satisfaction de voir régner, sans peine, dans nos colonies asiatiques, le bonheur et la paix dont on ne jouira dans les colonies d'Amérique, qu'au moment où tous les agents du despotisme en auront disparu.
« Le ministre de la marine, « Signé : MONGE. »
,au nom du comité de sûreté générale, fait un rapport (1) sur l'état de la Ville de Paris au point de vue ae la tranquillité publique; ii s'exprime ainsi :
La Convention, désirant s'assurer de la tranquillité de Paris, a chargé son comité de sûreté générale de lui faire promptement un rapport sur les causes qui pourraient la troubler et sur les moyens d'en prévenir les effets.
Après les discussions approfondies sur cette matière importante, le comité s'est enfin convaincu que la paix de cette ville ne saurait être altérée que par les injustes préventions que l'on se plaît à suggérer contre elle aux divers départements et par les alarmes que peuvent lui donner les clameurs indiscrètes dont quelques-uns de , leurs fédérés font aujourd'hui retentir ses murs.
Il a cru qu'il était pressant de dissiper les funestes erreurs sur lesquelles se fonde cette malheureuse disposition des esprits.
Il a pensé qu'il était de son devoir de mettre dans tout son jour la conduite des habitants de Paris dans la dernière crise de la Révolution, et de rendre à l'amour et à l'estime de tous les Français des frères vertueux qui succombent sous le poids d'imputations calomnieuses.
Peut-être n'est-il pas moins indispensable, sous des rapports plus
étendus, d'éclairer les
Que cette Assemblée d'hommes d'Etat ,que mes collègues ne craignent point de s'engager un instant avec moi dans le labyrinthe ensanglanté de la Révolution. Je promets de ne pas les égarer dans ces routes jonchées de tristes débris de l'humanité ; et l'on doit croire que je ne trouverais pas de plaisir à charger mes tableaux.
Pour nous faire une idée juste des Parisiens, voyons comment ils ont agi dans ces derniers temps, à trois époques très rapprochées l'une de l'autre.
Le 10 août, le salut public exige l'anéantissement de la Cour ; il faut précipiter par cet acte de vigueur l'établissement de la République, pour empêcher la contre-révolution ; tous les dangers disparaissent devant l'intérêt' pressant de là patrie. : la ville entière se met en insurrection et supporte courageusement le fardeau de la guerre civile.
Le 2 septembre, le bruit se répand que l'on égorge les prisonniers, et l'on se aemanae si de tels ennemis de la liberté, qui, depuis quatre ans, ont attiré sur leur malheureuse patrie les fléaux de la famine, des dissènsions intestines èt delà guerre, méritent que l'on aille exposer sa vie pourles défendre; si l'on doit,pour eux,fusiller des frères égarés par un faux zèle, aigris par de longues souffrances ; et encore, s'il serait prudent de conserver des hommes aussi dangereux lorsque l'ennemi s'avance. L'on délibère et, pendant ce temps, le meurtre se consomme.
Peu de jours après, l'on assure qu'il existe un projet d'assassiner des eitoyens paisibles, pour des nuances assez légères a'opinion, et même de frapper des membres de l'Assemblée nationale qui avaient abusé de la confiance de leurs commettants : ; le peuple se rend en foule à ses diverses sections, l'on double les patrouilles, l'on forme des corps de réserve, et les furieux n'osent plus se montrer.
Ainsi, dans le cours de notre dernière révolution, pour terrasser le despotime, Paris brave tous les dangers. S'agit-il d'arracher quelques monstres à la vengeance populaire ? il hésite. Menace-t-on les représentants du peuple? veut-on commettre quelques meurtres inutiles à la chose publique? Paris oppose une victorieuse résistance.
Mais comment la matinée du 10 août a-t-elle pu sortir sitôt de notre mémoire? Pourquoi semble-t-on l'avoir oubliée?
La Cour venait de faire aux citoyens une guerre cruelle ; le peuple était debout ; ses plaies saignaient encore après la victoire; chacun pleurait un père, un frère, un ami, une épouse chérie, des enfants d'une belle espérance. C'était le moment de la plus forte indignation contre Louis XVI et celui de la plus juste de toutes les vengeances. Ce tigre royal se met avec safamille, justement abhorrée, sous la sauvegarde de l'Assemblée nationale, qui n'avait d'autre égide que le respect que lui portent les .Parisiens. Personne ne tente de violer cet asile éternelle-mentrévéré, et 150 Suisses, qui venaient de faire sur le peuple un feu long et meurtrier, y trouvent encore leur [salut.
Dans les peintures amères que l'on fait chaque jour de la catastrophe des prisons, pourquoi
ne parle-t-on jamais de la sublime délivrance de Jouneau, notre collègue à la législature?
Le moment où les acclamations de tous les citoyens nous apprirent qu'il allait paraître, et l'instant où le peuple se précipita dans notre salle, pour le rétablir affectueusement au milieu de nous, en criant : « Vive l'Assemblée nationale! »-n'ont-ils fait qu'une impression passagère ?
Ces relations si touchantes entre l'Assemblée nationale et le peuple de Paris, dans la crise de la Révolution, sont-elles perdues pour l'histoire?
Je ne présenterai point ici le tableau de la conduite des habitants de cette ville depuis le mois de juillet 1789. Il n'est pas un bon Français qui n'y ait constamment applaudi. D'ailleurs, je ne raconte que ce que j'ai vu; et ce rapport peut être, en grande partie, considéré comme une déposition de témoin.
Placé dans le comité de surveillance depuis sa formation, et fidèle observateur de tout ce qui peut compromettre la tranquillité publique, je révélerai quelque jour des faits importants, dont la publicité serait inutile, et peut-être même dangereuse aujourd'hui; mais je dois dire, à cette heure, ce que je sais de positif à la décharge des Parisiens, sur les premiers jours du mois de septembre, le vol du garde-meuble, et les brigandages qui se sont exercés depuis la chute au trône.
Cette ville était devenue depuis longtemps le point de réunion de tous les mécontents du royaume, et de toutes les âmes vénales que la cour accaparait avec soin, pour frapper un coup liberticide. Ils formaient un corps de trente mille hommes enregistrés, soldés, divisés par brigades, et sous la direction d'un comité central.
Le procès du misérable Dangremont en fournit la preuve, et les pièces déposées au greffe de la maison commune en présentent tous les détails.
La suspension du roi, de la liste civile, et la dispersion des coryphées de l'aristocratie, n'ont pas suffi pour opérer une guérison subite et complète de nos maux.
Un grand nombre de ces contre-révolutionnaires soudoyés, qui Ont survécu à l'affaire du 10, n'avaient pu s'éloigner de Paris, dont on venait de fermer les barrieres. Ils s'y trouvaient, à la vérité, sans chefs, sans rétributions, sans possibilité de se rallier tous pour former des plans d'ensemble ; mais leur dénuement absolu les rendait encore plus dangereux; leurs physionomies étant inconnues, et leur désorganisation ne permettant plus de les anéantir d'un seul coup, c'était un fléau très redoutable. Ils se répandent partout avec le masque du patriotisme, font fermenter tous les germes de troubles, s'agitent dans tous les sens, pour les porter à l'excès, dans l'espoir d'arriver au pillage, etsuscitent des désordres affreux, qui n'étaient en effet que la queue de tous les plans de la Cour.1
Et dans cet instant d'effroi pour toute l'aristocratie, que de résolutions désespérées, que de démarches imprudentes de sa part ont elles-mêmes concouru à précipiter ses partisans au tombeau ! je n'en citerai qu'un trait frappant et avéré.
Au moment où l'on apprend que l'on se porte aux prisons, quelques domestiques d'une femme de la Cour prennent le costume de ceux que l'on désigne sous le nom de sans-culottes;ils s'arment de piques et de tranchants, se rendent au lieu de l'attroupement, égorgent de leurs propres
mains plusieurs prisonniers, avec des démonstrations exagérées d'une fureur et d'une atrocité qui n'ont pas d'exemples dans la nature, afin d'acquérir un grand crédit dans cette foule homicide, et d'en profiter pour sauver la vie à leur maîtresse. Tant de crimes se trouvent cependant commis en pure perte ; leur projet échoue ; il se fait, dans les lieux où l'on était parvenu à cacher cette malheureuse femme, une immersion subite, inattendue, de meurtriers inconnus ; elle tombe en des mains cruelles, et périt d'une manière que ma plume se refuse à décrire.
Je suis certain que les amis et les domestiques de plusieurs autres détenus ont également fait jouer les ressorts d'une politique plus ou moins dangereuse, qui rompaient toutes les mesures des hommes de bien, et qu'ainsi, les aristocrates, frappés d'aveuglement en ce désordre extrême, se détruisaient réciproquement au [milieu des misérables forcenés que leurs criminels projets avaient attirés à Paris. Et c'est ici le lieu d'observer que le massacre des prisonniers d'Orléans s'est fait, en grande partie, par des hommes attachés au service de la reine, que l'on a reconnus à la tête de l'attroupement de Versailles.
Cela donne à tout homme judicieux le secret de tant de brigandages et d'événements malhéu-reux, faussement imputés aux Parisiens, qui les supportaient avec courage, et qui sont enfin parvenus à y mettre un terme.
Et lorsque la France entière doit applaudir au zèle toujours soutenu, toujours éclairé de ces citoyens estimables ; lorsqu'elle devrait s'occuper de faire oublier à ces vertueux confesseurs de la liberté les maux qu'ils ont soufferts pour elle, et verser sur leurs plaies le baume ae la reconnaissance publique; des hommes trop sensibles, peut-être, pour demeurer bons observateurs dans une révolution, douloureusement affectés de ce qu'elle présente d'affligeant dans ses détails, ont eu la faiblesse de porter des jugements injurieux au peuple qui l'avait opérée ; des intrigants se sont empressés de les recueillir et de les publier : bientôt il s'est établi un système complet de diffamation de la ville de Paris, dont les suites inévitables seraient de nous entraîner, par des secousses terribles, à l'établissement forcé des républiques fédératives.
Hâtons-nous de prévenir de si grands maux; les Français n'ont besoin, pour s'aimer et pour persister dans le vœu qu'ils ont formé de rester toujours unis, que de se connaître tous, tels qu'ils sont en efret.
Ce que l'erreur peut occasionner, l'éclat de la vérité saura seul le prévenir.
Présentons les Parisiens à leurs frères de tous les départements sous les dehors qui leur conviennent, et nous aurons plus fait pour consolider la paix publique, que ne peuvent opérer les dispositions militaires les mieux concertées.
Pénétrons-nous bien de ce principe, que le meilleur ressort de l'autorité chez un peuple libre, c'est la confiance ; que les rênes les plus sûres du gouvernement, ce sont la raison et la vérité.
Mettons-les uniquement en usage pour assurer la paix de cette grande commune, et je réponds du succès.
Je ne crains pas d'affirmer que toutes recherches sur la conduite passée des Parisiens ne tourneront qu'à leur avantage. Défions-nous des apparences au présent; point de décisions précipitées sur les événements du jour : tant de
mouvements indiscrets d'une section du peuple se trouvent provoqués par ceux mêmes qui les dénoncent; tant de déclamations philanthropiques sur ces désordres artificiels ne sont qu'un crime de plus dans la bouche des véritables agitateurs, que l'on ne saurait trop se tenir en garde contre les premières impressions.
Aujourd'hui, les habitants de Paris sont tranquilles ; ils s'exercent à la patience. Distribués dans leurs ateliers ou leurs magasins, le jour éclaire les travaux de leur industrie particulière; ils se délassent par la lecture paisible des journaux, dont plusieurs servent malheureusement de véhicule au venin de la calomnie que l'on distille sur eux; et si les lieux publics ont retenti de quelques clameurs séditieuses, proférées par des bouches étrangères, ce léger nuage sur notre horizon politique tient aux cause» que je viens d'énoncer ; il se dissipera par les moyens que j'indique..
Plusieurs fédérés, auxquels on avait inspiré des préventions défavorables aux habitants de Paris, se sont livrés à ces excès, mais ils ont été fort observés; leurs intentions sont pures, leurs dispositions très rassurantes.
Le ministre de la guerre et le commandant de la garde nationale assurent qu'ils sont en petit nombre : ils partent tous les jours pour se rendre à l'armée, et ceux qui restent n'attendent que des objets d'équipement que l'on s'empresse ae leur procurer.
Tout nous promet des jours calmes et sereins : que la Convention fasse connaître à la France entière la juste confiance qu'elle a dans le peuple de Paris ; c'est là tout le secret de la tranquillité. [Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
cède le fauteuil à Pétion, ancien président.
, ancien président.
Un membre : Je demande l'impression du rap- port de Basire et sa transmission officielle dans es 83 départements.
Plusieurs membres du centre s'élèvent avec chaleur contre cette proposition.
,membre du comité de sûreté générale, récrimine contré ce rapport, en alléguant qu'il n'en a point eu connaissance.
Plusieurs membres réclament le renouvellement du comité.
monte à la tribune. (Les rumeurs continuent et étouffent un instant sa voix.)
Oh! ce n'est point par des murmures que vous m'imposerez... Je monte à la tribune pour appuyer la proposition qui est faite d'ordonner l'impression du rapport de Basire, et l'envoi dans les départements. J'appuie cette proposition, d'abord parce qu'il est infiniment essentiel de dissiper les erreurs funestes qui se sont répandues dans les-départements, erreurs telles qu'il est de notoriété publique que l'on croit dans les départements que les membres de la Convention nationale ne sont point en sûreté ici.
Plusieurs membres, simultanément : J'atteste que ces bruits ont été répandus.^(KioZenfs murmures.)
Il importe de dissiper ces préventions. L'honneur de la Con-
vention nationale, la gloire de la République l'unité, l'indivisibilité que vous avez décrétées en dépendent évidemment.
Un membre : Lieux communs que tout cela !
: Lieux communs, dites-vous? N'est-il pas vrai que nous voulons ne former qu'un seul corps, qu'un seul peuple de frères...
Plusieurs membres : Au fait donc !
Qu'une famille unie par des lois communes?... Or il est impossible que nous arrivions jamais à ce but tant qu'il régnera entre Paris et les départements, entre les départements et Paris, des sources funestes de divisions; tant que ces soupçons aliéneront de Paris le reste des citoyens français, qui, dans le fond, ne demandent qu'à être unis avec cette ville. Lorsque l'Assemblée législative prononça que la patrie était en danger, il se fit un éveil général qui tourna au profit du bien public; mais lorsqu'on a proclamé la nécessité d'une garde de 83 départements, j'ose dire qu'ôn a proclamé un autre danger de la patrie, parce que ce cri a jeté dans tous les esprits des ferments de troubles d'anxiété et d'inquiétude. ( Vifs applaudissements à gauche.) (Les mêmes signes d'approbation se font entendre à plusieurs reprises dans les tribunes.)
Il est temps que nous sentions la sainteté de nos devoirs ; il est temps de remplir les engagements que nous avons contractés. Responsables envers la nation, responsables envers l'univers entier, et, ce qui est plus encore pour l'homme de bien, responsables envers nous-mêmes, de la manière dont nous userons des pouvoirs qui nous sont confiés, je demande que nous allions au but sans tergiverser; le seul chemin par lequel nous y parviendrons, c'est la confiance, c'est la vertu, c'est de fouler aux pieds toute considération personnelle, toute animosité particulière. (Vifs applaudissementf.) N'êtes-vous donc pas la Convention représentative d'une grande République? Quel spectacle avez-vous jusqu'ici donné a vos commettants ? Voilà six semaines que cette Convention est assemblée, qu'elle s'interroge : qu'a-t-elle fait pour le salut public j...'(Murmures. Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres du centre demandent, au nom de la République, de décréter que l'opinant soit rappelé à l'ordre.
réclame contre ces interruptions.
invite tous les membres au silence et rappelle les citoyens au respect qu'ils doivent à la Convention.
On nous détourne d» nos travaux ; on affecte de nous parler sans cesse de périls imaginaires. On nous demande des lois de rigueur, des gardes de sûreté. Un représentant de la République ne doit connaître d'autre danger que celui de ne pas faire son devoir. {Applaudissements.) Et toutes les fois que nous nous occuperons des hommes; au lieu de nous occuper des principes, pour les suivre et en déduire les conséquences qui peuvent nous conduire à perfectionner l'organisation sociale et à les rendre digne du bon peuple qui nous a imposé la tâche...
Un membre : Déclamations que cela !
Oui, du bon peuple.....
Un autre membre :, Ceux qui le flattent le trompent et le tuent...
Eh bien! si c'est le tromper, je déclare que je m'établis trompeur du peuple. (Murmures au centre et applaudissements a gauche.) Je ne connais point ae République, Montesquieu l'a dit avant moi, je n'en connais
8oint, a moins qu'elle ne repose sur la vertu, r, s'il y a vertu, il y a confiance : car il implique contradiction, qu'on soit vertueux et bon sans être confiant et ami de la fraternité. Je demande donc, que non seulement la Convention interdise à ses, membres toute dénonciation particulière. (Quelques murmures s'élèvènt; ils sont couverts par des applaudissements réitérés.) Si l'on a des délits à dénoncer, il existe dés lois et des tribunaux ; qu'on porte aux tribunaux ces dénonciations, mais qu'on ne fatigue plus la' Convention nationale de toutes ces déclamations, qui ne prouvent, j'ose le dire, que la méchanceté de cœur de ceux qui les font. Je demande, de plus, que vous témoigniez hautement votre confiance dans les citoyens de Paris, et que vous employiez tous les moyens possibles pour faire cesser les préventions et les divisions qui en soht la suite. ( Vifs applaudissements ù)
Je désire, ainsi que le préopinant, que nous puissions voir renaître entre nous cette paix salutaire qui doit être fondée sur une estime réciproque. iJé désire, ainsi que le préopinant, que nous prenions une assiette stable, afin de pouvoir nous occuper avantageusement de la Constitution que nous avons été envoyés pour donner à 25 millions d'hommes. Je sais, comme lui, toute l'importance de notre mission. Je sens, comme lui, combien il faudrait se hâter de parcourir le cercle que nous avons à décrire pour arriver bientôt au but. Mais je diffère dé fui, et si c'est un crime, j'ai orgueil de l'avouer; je diffère de lui, en ce que je n'ai jamais pu croire qu'entre la vertu et le vice, il puisse y avoir un accord. (Applaudissements au centre et murmures à gauche.) Qu'entre les hommes du
10 août et les assassins du 2 septembre, il puisse y avoir unité. (Nouveaux murmures.)
Plusieurs membres (à gauche) : Nous regardez-vous comme des hommes du 2 septembre ?
Je demande, citoyen Président, que vous veuillez biemne maintenir la parole; car
11 [serait bien étrange qu'au moment où l'on veut faire cesser le désordre et les divisions, ce soit par des murmures et des insultes qu'on veuille nous inviter à l'union; et lorsque nous aussi, nous disons, comme le préopinant : Sans vertus, il n'y a point dé République, pourquoi nous veut-on empêcher de revendiquer ici les droits de l'humanité ; car nous ne pouvons nous écarter de ce sentier sans ôter à notre Constitution la base que lui adonnée la nature. Je pense aussi, comme le préopinant, que le législateur doit être inaccessible à toute crainte; mais j'ai donné mes preuves, et je crois que, dans les circonstances où nous sommes, il y a véritablement un raffinement de courage à lutter eontre des hommes qui viennent nous accuser d'injustice envers les habitants de Paris, lorsque nous habitons dans cette ville. Mais je pourrais dire que c'est de leur part un étrange courage, que ae dire : Nous n'insultons pas les Parisiens, et même de les flatter, parce qu'ils vivent au milieu d'eux. Ce raisonnement ne me paraît pas bien juste de leur part, au moins il n'est pas généreux. J'ai toujours pensé, et je pense
encore que le gouvernement républicain doit être extrêment austère; que nous ne pouvons y parvenir qu'avec d^s vertus douces et paisibles, qu'il est impossible de le sonder sur une aire mobile et souillée de crimes; mais j'ai pensé aussi que s'il existe des hommes coupables, et je crois qu'ils existent ces ambitieux et ces agitateurs intrigants, ils sont et ils seront un obstacle éternel à la solidité de cet édifice que vous êtes appelés à construire, comme 4e roi était un obstacle à la solidité de la Constitution ancienne. (Vifs applaudissements.)
Je pense que ces agitateurs soudoyés par quiconque veut s'en servir pour assouvir sa cupidité ou sa veangeance, s'ils ne sont sévèrement réprimés, vous empêcheront à jamais d'obtenir la paix parmis vous, et certes il ne vous conviendrait pas de dire que j'apporte à la tribune quelques intérêts personnels, car je ne me suis pas plus enrichi par les massacres du 2 septeni-bre, que par la liste civile.
Plusieurs membres : Au fait donc ; il n'est pas question de vous!.....
Vous me dites que vous ne parlez pas de moi. Je vous défie, moi, d'oser en parler ici ; car vous ne calomniez pas en face. Je vous défie de m'imputer ici. je ne dis pas le plus léger crime, mais fa plus légère absence de mes devoirs.
Les mêmes membres : Parlez donc sur l'impression !
Personne ici ne m'effrayera par des clameurs, dussé-je être poignardé.....Il faut qu'on le sache à l'avance.
Le préopinant vous a dit qu'il fallait éloigner à jamais de cette enceinte les dénonciations; c'est donc pour les porter aux Jacobins!____ (Murmures.) Dans tout Etat républicain, c'est un des droits les plus précieux à l'homme libre que de pouvoir dénoncer l'homme coupable; et certes il n'est pas d'action indifférente au législateur.
Dans les révolutions, comme on vous l'a dit, les hommes et les choses se confondent; et il est bien impossible de dénoncer les intrigues sans désigner les intrigant. Il faut donc que des hommes courageux s'élèvent en dénonciateurs dans cette tribune, contre les factieux qui voudraient souiller encore notre Révolution. (Murmures à gauche.) Faut-il donc que je voie continuellement le cours de ma pensée détourné par des murmures?.....Quel étrange rapport que celui que l'on vient de lire! Pas un fait; rien que des phrases artistement arrangées l'une après l'autre. Croit-on qu'on aura toujours l'art de vous faire passer à l'ordre du jour ? Quel gouvernement voulez-vous donc faire? Quel apprêt funèbrè vous préparez-vous à vous-mêmes? (Quelques rumeurs se font entendre des tribunes; le président leur imposé silence.)
Oh! les tribunes ne viennent pas ici pour trahir... (Violents murmures à gauche.)
Plusieurs membres : Nous demandons que Dubois-Crancé explique l'objet de son propos. (Bruit.
— Le calme se rétablit peu à peu.)
Je m'oppose ^lonc à l'impression de ce qu'on appelle un rapport du Comité de surveillance, parce que si nous avons besoin de faire luire la vérité dans les départements, ce n'est pas par des phrases que nojus y parviendrons. Et quand même l'on aurait envie de prévenir
l'établissement de la force départementale, ce ne serait pas une raison pour alléguer que tout est tranquille ici ; car cela n'est pas vrai. Je distinguerai cependant les Parisiens d'une masse d'hommes qui les agitent; je suis bien loin de croire que les premiers ne veuillent pas le maintien de la tranquilité publique: qu'ils ne veulent pas que la Convention nationale soit environné au respect qui lui est dû. Je suis même convaincu que la majorité des citoyens de cette ville désire ardemment cet état paisible ; mais ils ont besoin, pour se rallier, de voir la Convention nationale s'environner de la force qu'il convient à une Assemblée délibérante... (Violents murmures à gauche.) c,
Plusieurs membres : Dites la force de l'opinion, et non pas celle des baïonnettes.
De la force qui convient à une grande Assemblée..... (Les rumeurs continuent.)
Président, tâchez donc me maintenir la parole ; car c'est encore un art nouveau que de savoir murmurer au milieu d'unè phrase, parce que souvent ces interruptions favorisent singulièrement les interprétations de la calomnie..... J'entends par la force qui convient à une grande assemblée, celle qui résulte de la fermeté de son caractère, c'est-à-dire la force d'opinion qui ne l'entoure que quand elle est sûre d'être elle-même rassurée par elle. — Mais que chacun consulte sa conscience, qu'il consulte le souvenir d'hier, le souvenir d'avant-hier, et qu'il me dise si Paris est bien tranquille, s'il me répond de la tranquillité future?
Je demande la parole.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
consulte l'Assemblée.
(La Convention décide que Lasouree sera entendu.)
Je m'oppose à l'impression et à l'envoi du rapport qui vient de vous être lu, garce qu'il renferme une calomnie contre la onvention nationale, et une contradiction. Le rapporteur a supposé le plan de dénigrer Paris dans l'esprit des départements, en ne cessant de s'élever contre les massacres du 2 septembre. Je ne reparlerai point de ces horreurs, dont le souvenir me déchire, si votre cômité n'en avait fait un des principaux objets de son rapport, et n'en avait pris l'occasion de se permettre une inculpation évidemment fausse. Ceux qui se sont élevés contre les massacres du 2 septembre, ont constamment soutenu, et j'ai été le premier, qu'ils n'étaient point l'ouvrage du peuple, mais celui^de quelques scélérats soudoyés; et le rapporteur lui-même a été forcé d'en convenir : il vous a déclaré positivement qu'à la tête des assassins on avait vu des valets de quelques femmes de la Cour, qui s'étaient hâtes crimmoler plusieurs victimes pour dérober leur maîtresse à la mort, à l'ombre de la confiance qu'ils se seraient acquise de la part de la tourbe homicide; il vous a dit que ce qu'on avait vu aux prisons de Paris, on l'avait vu à Versailles sur les prisonniers d'Orléans. De l'aveu du rapporteur lui-même, il n'est donc pas vrai que les nommes du 10 août, que les citoyens de Paris, aient commis ces attentats, dont la scélératesse a souillé la plus belle des révolutions, pour la déshonorer dans l'esprit des peuples empressés de la bénir, et impatient de l'imiter. Les calomniateurs de Paris ne sont donc point ceux qui réprouvent des
attentats dont il n'est point coupable, mais ceux qui veulent lui attribuer les horreurs qu'il n'a point commises. (.Murmures à gauche.) r
Oui, c'est vous, et vous seuls, qui dénigrez Paris en vous obstinant à confondre la révolution qu'il a faite avec les crimes que quelques scélérats ont commis dans ses murs, et dont il s'est indigné. Parmi ceux qui m'interrompent, y aurait-il quelqu'un qui eut des raisons pour justifier ces crimes ?
Plusieurs membres : Ce n'est pas la question : rappelez l'orateur...
Ne murmurez pas sitôt; vous avez des vérités à entendre. Je veux défendre Paris, et ceux qui s'en disent les amis ne cherchent qu'à le perdre.
Les mêmes membres : Nommez-les donc!.....
Je ne fais pas une liste de noms, je présente des traits : que ceux à qui ils conviennent se les appliquent et se taisent. Je ne flagorne point Paris, je le sers ; j'annonce à cette ville que ceux qui l'agitent veulent l'opprimer.
Je vois un projet formé, c'est de faire mouvoir quelques hommes dont les agitateurs disposent, d'exciter de nouveaux troubles, d'enfanter de nouveaux excès, de les porter à un tel point que le peuple, fatigué de mouvements confus et sanglants, sente enfin la nécessité de se réunir autour de quelque chose ; et ce point de réunion, les agitateurs veulent l'être. Ils ont déjà leurs prôneurs; ils seront aisément, que dis-je? ils sont déjà désignés par un certain nombre d'hommes dont ils ont gagné la confiance ou plutôt les suffrages; je ne dirai pas par quel moyens. (Applaudissements.) Ce projet se lie à un autre, car chacun calcule pour soi, et beaucoup de crieurs ne se fâchent que parce que la Révolution n'a pas tourné totalement à leur profit, comme ils l'avaient espéré.
Il est des hommes qui veulent persuader à la ville de Paris qu'elle doit naturellement avoir une influence prépondérante sur les autres départements, qui veulent l'élever sur les autres sections de la République et lui faire exercer sur elles une espèce de magistrature et de despotisme; ils savent bien pourquoi. J'avertis Paris que c'est un piège qu'on lui tend ; que les autres départements ne permettront jamais la violation de l'égalité de droits entre les sections de l'Empire ; je l'avertis que, s'il se livre à ces flagorneries perfides et ose faire un pas vers la domination, il ne fera qu'exciter l'indignation de la République, soulever les départements et courir à sa perte.
Un membre : Ah ! la belle prédiction 1
Vous flattez Paris, je l'éclairé. Je suis républicain* et vous ne l'êtes pas. Je ne m'abaisse pas devant une section du peuple comme devant la Cour d'un roi ; je ne courbe pas mon front en vil courtisan devant la fraction du souverain qui m'entoure; mon souverain c'est la nation, et je n'en flatterai aucune portion, quels que puissent être les événements. Je ne crains point pour la sûreté de la Convention nationale, et les départements ne craignent point. Le préopinant n'avait pas besoin de s'étendre sur la nécessité de les tranquilliser. Paris a toujours veillé sur les représentants du peuple; il veillera, j'en suis sûr, et je le déclare. Vous voyez qjie je sais lui rendre justice, si je ne sais pas l'encenser.
Un membre : Pourquoi donc ne parle-t-on que de terreurs ?
Personne n'en a, mais qui peut nier que dans divers groupes, répandus même aux environs de la salle, des séditieux aient demandé la tête de plusieurs députés.
Plusieurs membres : Vous ne dites pas que c'est celle de Marat.
Si fait, je le dis, et quoique on sache fort bien que je ne suis point l'ami de Marat, je déclare que ceux qui demandent la tête de Marat sont des'séditieux; ear cet homme, fût-il encore plus coupable, ce n'est que du glaive de la loi que sa tête doit être frappée. Je veux des lois, et plus que vous je suis 1 ami du peuple ; ce n'est que par elles qu'il sera heureux.
Je reviens au rapport ; je remarque qu'il ne donne aucune idée de 1 état actuel de Paris, qu'il ne présente aucun fait, qu'il n'est qu'une apologie d'attentats que Paris désavoue, qu'il ne pourrait qu'égarer l'opinion, loin de l'éclairer. (Murmures à gauche.) Je me résume en assurant à ceux qui murmurent, qu'ils veulent en vain jeter du louche sur la pureté de mes opinions, que je résisterai toujours aux agitateurs, que j'éclairerai toujours le peuple qu'ils trompent pour l'asservir, et qu'ils ne parviendront à régner qu'après avoir étouffé ma voix et teint de mon sang le sceptre dont ils voudraient opprimer la nation. (Applaudissements.) Je demande l'ordre du jour sur l'impression du rapport.
Plusieurs membres demandent à répondre.
(La Convention ferme la discussion.)
met aux voix l'impression du rapport de Basire et déclare que la majorité est pour la négative. Il prononce la levée de la séance, qui s'effectue dans une partie de la salle.
Plusieurs membres à gauche s'élèvent alors contre le prononcé du Président et allèguent du doute dans la délibération.
D'autres membres observent qu'il est important de publier un écrit qui a pour objet de faire cesser des défiances dangereuses, et réclament l'appel nominal.
quitte le fauteuil.
La levée de la séance s'effectue ; il est cinq heures.
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
PROCLAMATION du conseil exécutif provisoire relative aux subsistances (2).
Du
Concitoyens,
La cause de la liberté triomphe, et les tyrans qui avaient envahi notre territoire sont forcés
de l'abandonner. Déjà les braves défenseurs de la République ont planté l'arbre de la liberté dans les villes de nos ennemis, et leurs habitants nous demandent de les aider à briser leurs chaînes et de les admettre dans notre famille. Un avenir heureux se prépare ; bientôt les peuples de l'Europe ne formeront plus qu'une société de frères et d'amis, et nos relations commerciales, en rendant aux arts et à l'industrie nationale une activité qu'ils n'ont jamais eue, feront naître une abondance plus générale et mieux répartie ; mais vous ne pouvez atteindre à cette prospérité que vous présente l'avenir qu'en vous soumettant à 1 observance religieuse des lois* puisque c'est de leur exécution que dépend essentiellement le bonheur de tous.
Depuis l'heureuse époque où vous avez reconquis votre liberté, des agitateurs perfides, des dominateurs insolents, toujours intéressés à fomenter le désordre et l'anarchie parmi vous, pour recouvrer de prétendus droits qu'ils avaient usurpés et qui sont disparus, n'ont cessé d'employer toutes sortes de moyens pour vous égarer ; mais vous avez reconnu leurs pièges et vous les avez évités. Furieux de n'avoir pu, jusqu'à présent, vous tromper avec succès, pour vous enchaîner de nouveau, ils emploient le dernier moyen qui leur reste : ils cherchent à vous alarmer sur vos subsistances.
Dans plusieurs départements de la République les subsistances sont en effet l'objet des inquiétudes du peuple. En vain notre sol nous fournit-ilfd'abondantes récoltes, des terreurs s'emparent des esprits; les propriétaires ferment leurs greniers; le marchand n'ose se livrer à ses spéculations; le commerce languit, et de là nous éprouvons des disettes partielles et factices, au milieu d'une abondance réelle.
Cette abondance, n'en doutez pas, existe réellement, et vos subsistances sont assurées. Le sol de la France en avait suffisamment produit, et depuis le premier janvier de cette année jusqu'à présent, le commerce particulier et les diverses administrations du ministère, en ont considérablement augmenté la masse, en faisant importer de l'étranger plus de deux millions de quintaux tant en grains qu'en farines. Mais les entraves qu'éprouve la circulation des subsistances, sont qu'elles sont encombrées dans plusieurs parties ae la République, tandis que d autres en manquent, ou sont obligées de les payer à un prix excessif.
Dans presque tous les départements méridionaux, le setier de grain, de 240 livres poids de marc, s'y vend actuellement jusqu'à soixante livres et plus, tandis qu'il se trouve moins cher, de plus de moitié, dans ceux du nord. C'est un fait dont les preuves ont été présentées au conseil exécutif.
D'où provient donc cette énorme disproportion dans le prix du blé ? Pourquoi le pain vaut-il 6 sous la livre dans quelques départements et 2 sous 6 deniers seulement dans d'autres? Il ne faut en chercher la cause que dans les obstacles sans nombre qu'éprouve la circulation.
Ce défaut de circulation est encore le crime de nos ennemis. Toujours occupés à vous inspirer des craintes et à vous tromper, ils veulent vous persuader que les pourvoyeurs des grandes villes sont des monopoleurs qiji courent les campagnes ; ils disent que les commissionnaires chargés de l'approvisionnement des places ma-
ritimes, accaparent les grains pour les faire passer à l'étranger et pour alimenter les ennemis de la patrie. Telles sont les calomnies qu'ils emploient pour vous séduire et vous induire en erreur.
Sans doute, lorsque pour fournir à ses déprédations l'ancien gouvernement réduisait en système l'oppression du peuple, lorsqu'une Cour corrompue ne craignait pas d'agioter elle-même sur les grains, il se trouvait alors des accapareurs, des hommes assez vils pour seconder ce monopole scandaleux. Mais ces temps ne sont plus; et tel qui autrefois pouvait impunément affamer des provinces entières n'oserait pas aujourd'hui acheter 10 sacs de blé, s'il n'était pas à même de justifier qu'il agit au nom d'une ville ou d'un canton qui ont des besoins.
Des lois sages ont été rendues pour dissiper toute alarme sur vos subsistances ; elles en prescrivent la libre circulation pour l'intérêt commun de tous les enfants de la République : vous devez donc respecter ces mêmes lois que vous avez juré de maintenir et en laisser surveiller l'exécution par les magistrats que vous avez investis de votre confiance.
Concitoyens, pénétrez-vous bien de cette grande vérité, que le commerce ne peut devenir florissant que par la liberté la plus illimitée. Nos législateurs ont consacré ce principe, qui est la base de la prospérité des nations commerçantes. Ils ont anéanti les privilèges exclusifs, les jurandes, les maîtrises et toutes ces corporations qui étouffaient l'émulation et l'industrie; enfin ils ont détruit toutes les entraves qui paralysaient depuis si longtemps notre commerce, et ils lui ont rendu toute la liberté qui lui était si nécessaire. Mais cette liberté qui nous offre de si grands avantages ne peut véritable-mént exister que par l'effet de la confiance; et elle deviendrait nulle, s'il fallait employer perpétuellement les moyens de rigueur, pour faire exécuter les lois qui l'ont établie.
Dans un Etat libre, le cultivateur et le fermier doivent être maîtres de vendre leurs denrées, comme le fabricant et le marchand vendent leurs marchandises; et il ne doit pas y avoir plus de raison de fixer le prix des comestibles, qu'il n'y en a de fixer celui des étoffes ou des autres objets de consommation.
Les officiers municipaux sont, à la vérité, autorisés à déterminer la valeur du pain et de la viande, particulièrement dans les grandes villes, mais cette mesure de police ne s'etend pas plus loin, et il leur est même défendu, par l'article 30 du titre de la loi du 20 juillet 1791, de taxer aucune autre denrée, sous peine de destitution. Ainsi, lorsque, dans un marché des malveillants prétendront fixer le prix des grains ou s'opposer à leur libre circulation, ils commettront une infraction à la loi et ils devront être arrêtés sur-le-champ ou dénoncés aux tribunaux comme perturbateurs du repos public.
Ralliez-vous donc, concitoyens, autour des lois ; nrotégez-en l'exécution, et c'est alors que vous ferez un usage véritablement utile de votre liberté, que ces mêmes lois vous garantissent.
De son côté, le conseil exécutif vient d'arrêter qu'il serait pris des mesures efficaces pour simplifier le mode des achats de subsistances que nécessite le service public. Il n'y aura plus à l'avenir d'agents séparés pour ces achats, afin d'éviter une concurrence qui, en faisant augmenter le prix des denrées, était toujours onéreuse aux consommateurs et à la nation. Les
mêmes agents seront chargés en même temps de tous les approvisionnements des divers départements du pouvoir exécutif, et il leur sera délivré à cet effet des pouvoirs signés des ministres de l'intérieur, de la guerre et de la marine.
Toutes ces précautions doivent vous rassurer et vous faire sentir la nécessité de laisser aux subsistances la plus entière circulation : si elle éprouvait de nouveaux obstacles, la famine la plus affreuse en deviendrait la suite nécessaire dans plusieurs cantons qui ne récoltent pas de quoi saiimenter; les autres languiraient infailliblement dans la misère : les travaux précieux et nécessaires de l'agriculture seraient négligés, et le recouvrement ae l'impôt y deviendrait impossible ; car le défaut de commerce tarit toutes les sources de l'aisance et de la prospérité. Ne perdez donc pas de vue que le territoire des départements n'est pas également fertile: il produit beaucoup dans les uns et peu dans les autres: il faut,par conséquent, que la surabondance des premiers passe chez ceux où les moyens de subsistance ne sont pas suffisants ou manquent tout à fait.
Si le commerce dans l'intérieur de la France est libre, si les négociants ne sont ni inquiétés ni poursuivis dans les achats et dans les transports des grains, alors, stimulés par leur propre intérêt, ils s'empresseront de porter ces grains dans dés endroits où ils sont chers, parce qu'ils sont rares : bientôt la quantité qu'ils y auront introduite en fera baisser le prix au taux le .pllis modéré; chacun alors, sans crainte sur sa subsistance, se livrera entièrement à son industrie et en recueillera paisiblement le fruit.
Tels sont les effets qui dérivent nécessairement de l'embarras ou de la liberté du commerce des grains. Entre ces deux résultats, le choix ne doit pas être douteux.
Concitoyens, au nom de la patrie et du salut public, au nom de la fraternité qui unit tous les membres de la République, repoussez loin de vous toutes suggestions qui tendraient à vous faire manquer à vos serments et au respect que vous devez à la loi. Abandonnez-vous au penchant si doux de secourir ceux de vos frères que l'intempérie des saisons ou l'aridité du sol qu'ils cultivent expose à l'impuissance de remplir les premiers besoins de la vie, et rappelez-vous que l'humanité seule vous en fait un devoir.
Fait au conseil exécutif provisoire, à Paris, le trente et un octobre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an premier de la République française.
Signé : Roland, Monge, Pache, Garat, Clavière et Lebrun.
Par le conseil,
Signé : grouvelle, secrétaire.
A LA séance de la convention nationale du
SECOND RECUEIL (2).
Pièces justificatives des crimes commis par le ci-devant roi, faisant suite au rapport fait au nom de la commission extraordinaire des 24, par Dufriclie-Valazé, député de VOrne (3).
I. (D. il0 2.) Rapport Valazé, page 212 ci-dessus.
J'ai reçu hier le compte et l'argent du comte Charles Damas.
11 devait compte de 24,000 livres, en ayant rendu 12,000 dès le mois de juillet, sur" les 36,000 livres qu'il avait reçues. Les 12,000 livres sont entrées dans le compte que j'ai eu l'honneur de rendre au roi, en octobre.
M. de Damas a payé la nourriture, dans la prison de la Mercy,- de deux officiers de royal-allemand et de quatre officiers de dragons.
Cela monte à la somme de........ 2,361 1.
lia donné à M. Remy, qui était dénué
de tout............................ 1,200
Le change lui avait coûté., —... 5,000
8,5611.
Il m'a fait remettre hier.......... 15,439
24,000 1.
J'ai l'honneur de. le remettre au roi.
Signé : Choiseul-Stainville.
Le roi a donné son reçu de cette somme de 15,439 livres, qui lui a été remise le 16 avril 1792.
II. (A. n° 5.) Rapport Valazé, page 212 ci-dessus.
Je garantis personnellement à M. Duruey le remboursement, sur ma liste civile, de la somme de 2 millions qu'il a avancée pour mon service, et qui lui sera fait à raison de 250,000 livres par mois, à commencer au mois d'août prochain, indépendamment des intérêts à 5 p. 0/0, dont le décompte sera fait et soldé à chaque époque de remboursement.
Paris, le
Approuvé Vécriture ci-dessus.
Signé : louis.
Pour acquit, Signé : Duruey, avec paraphe. Au dos est écrit :
J'ai reçu de M. de Septeuil la somme de 250,000 livres, acompte du billet de Sa Majesté, de l'autre part.
Paris, le
J'ai reçu, comme dessus, la somme de250,000li vres.
Paris, le
Signé : duruey, avec paraphe.
J'ai reçu de M. de Septeuil, la somme de 250,000 livres, acompte du billet de Sa Majesté, de ci-contre.
Paris, le
Signé : duruey, avec paraphe.
III. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 212 ci-dessus.
Je garantis personnellement à M. Duruey le remboursement, sur ma liste civile, de la somme de douze cent mille livres, qu'il a avancée pour mon service, et qui lui sera fait à raison de cent cinquante mille livres par mois, à commencer du mois d'août prochain, indépendamment des intérêts à 5 p. 0/0, dont le décompte sera fait et soldé à chaque époque des remboursements.
A Paris, le
Approuvé Vécriture ci-dessus.
Signé : Louis.
J'ai reçu de M. de Septeuil le montant du billet de 1,200,000 livres ci-dessus.
Paris, le
Signé : Duruey, avec paraphe.
IV. (D. n° 6.) Extrait du livre vert. Rapport Valazé, page 212 ci-dessus.
1,000,000 1. Idem, un million le 12 mai.
1,000 Idem, mille livres le même jour.
Signé : louis.
8,000 Idem, huit mille livres le 25 mai.
1,000,000 Et un million le même jour.
Signé : louis.
3,000 Idem, trois mille livres le 29.
Signé : Louis.
7,000 Idem, sept mille livres le 7 juin.
Signé : louis.
5,000 Idem, cinq mille livres le
24,000 Idem, vingt-quatre mille livres.
90,800 Idem, quatre-vingt-dixmille huit cents livres.
9,600 Idem, neuf mille six cents livres.
218,400 Idem, deux cent dix-huit mille quatre cents livres.
500,000 Idem, cinq cent mille livres le 18 juin 1791.
2,866,800 1.
Signé : louis.
V. (B n° 10.) Rapport Valazé, page 212 ci-dessus.
J'ai reçu de M. de Septeuil la somme de 60,000 livres en assignats, dont je lui rendrai compte.
Paris, le
VI. (A: n° 4.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
J'ai reçu de M. de Septeuil la somme de 1,000 livres, pour le quartier qui écherra le 2 du
mois prochain, de la pension que le roi veut t bien me faire.
Paris, ce
Signé: Lise de favras, née princesse d'Anhalt.
VII. (A. n° 4.) Rapport Valazé,
page 213 ci-dessus.
Vous savez, Monsieur, que le roi a accordé à Mme de Favras un secours ou pension de 4,000 livres par an. Elle a touché, il y a peu de temps, l'année échue le 2 septembre. Il y aura un quartier d'échu le 2 du mois prochain; mais Mme de Favras part sous peu de jours pour aller se fixer à Cologne, et elle désirerait toucher, avant son départ, les 1,000 livres du quartier. Je vous serai obligé de lui en faire l'avance. Vous vous souvenez que nous sommes convenus qu'il ne serait plus, pour cet objet, expédié dorénavant, et que vous vous ferez décharger par le roi' des payements que vous ferez faire à Mm0 de Favras. Vous pourrez porter les 1,000 livres que je vous prie de lui faire compter aujourd'hui dans votre bordereau de dimanche prochain; et je vais en prévenir'le toi.
J'ai l'honneur de vous renouveler, Monsieur les assurances de mon service et attachement]
Signée d'un paraphe reconnu être celui de Laporte.
Mercredi 15 novembre.
VIII. (A. n° 4.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Je charge, Monsieur, un de mes amis, le chevalier de Favier, de recevoir pour moi pendant mon absence; c'est un homme sûr et discret, attaché à son roi, et qui, pendant iqon malheur, m'a donné les marques du plus vif intérêt et s'est chargé d'avoir l'honneur de vous voir et de vous remettre ma quittance de 1,000 livres, pour un quartier de la pension que le roi veut bien me faire, et qui écherra le 2 mars prochain. Permettez, Monsieur, que je vous renouvelle tous les sentiments de la parfaite estime avec laquelle j'ai l'honneur d'être votre très humble et très obéissante servante.
Signé : Lise de Favras, princesse d'Anhalt. A L. H, ce
Au dos est écirit :
A Monsieur, Monsieur de Septeuil, trésorier de la liste civile, rue des Capucines, à Paris.
IX. (A, n° 4.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Je reconnais d'avoir reçu de M. de Septeuil la somme de 1,000 livres pour un quartier de la pension que le roi veut bien me faire, et qui écherra le 2 mars.
A L- A., ce
Signé : Lise de Favras, princesse d'Anhalt.
Au dos est écrit :
J'ai reçu de M. de Septeuil, pour Mme de Favras, le montant de la quittance d'autre part.
Paris, ce
Signé : Le€hr de Favier.
X. (A. n° 4.) Rapport Valazé,
page 213 ci-dessus.
Cette lettre vous sera remise, Monsieur, par M. de Favier, qui est chargé de la quittance de Mme de Fàvras. Je pense que vous ne ferez pas difficulté de lui faire payer les 1,000 livres du
quartier, qui lui est dû, de la gratification annuelle ou pension que le roi lui a accordée.
J'ai l'honneur d'être avec un sincère attachement, Monsieur, vôtre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Laporte, avec paraphe.
Le 12 mars.
XL (A. n° 4.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Bon pour quittance de la somme de 1,000 livres pour le quartier de ma pension échéant le 2 juin du présent mois.
Ce er juin
1792
Marquise de Favras, née princesse d'Anhalt.
Reçu les 1,000 livres, montant de la quittance ci-dessus.
Signé : Favier.
XII. (C. n° 10.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Ce
Payé des fonds de la cassette, le 22 mars.
Le roi a cru ne pas devoir laisser mourir de faim MM. Jâcob, curés de Versailles; ils avaient de tout temps 400 livres de pension sur le domaine de ladite ville, et sur ma demande. Sa Majesté leur a accordé 800 livres de plus pour leur faire 1,200 livres, tant qu'ils seront déplacés : il m'a paru qu'on a voulu que cette grâce fut éecrète; mais lis ont besoin,: et je vous prie de vouloir bien dire au frère aîné, qui aura l'honneur de vous remettre ma lettre, le moyen qu'il a pour être payé de 1791, ils n'ont rien reçu de toute cette année. Je partagerai vivèment leur reconnaissance; ces deux curés sont excellents, ils sont fort considérés et le méritent.
Vous connaissez tous les sentiments d'estime, de considération et d'amitié que je vous ai voués, et avec lesquels je suis plus que personne, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Le maréchal de Noailles-Mouchy.
M. de Laporte a pris les ordres du roi pour cette grâce, et Sa Majesté l'a trouvée juste.
XIII.(C.n°10.) Rapport Valazé,page 213 ci-dessus.
Je reconnais avoir reçu de M. Septeuil 1,600 livres, pour une bonne œuvre dont le roi a eu la bonté de me charger.
Paris, ce
Signé : le maréchal de Noailles-Mouchy, avec paraphe.
XIV. (A. il01.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Pour l'organisation de 60 hommes sous la direction de G., est de______ 6,000 1.
Pour le Journal du Soir où Postillon de la guerre._____________________________4,000
Quant aux 10,000 livres du Logo-graphe, il y a 5,000 livres destinées uniquementàlesoutenir, et lesautres 5,000 livres à éteindre petit à petit trois créances, dont la première au sieur Le Hodey,de 60,000livres; lase-cortde, de 20 à 22,000 livres, au sieur Beaudouin, imprimeur; la troisième à un autre particulier/ qui est de 10,000 livres, ce qui fait un capital de 90,000 livres.
Pour le Logôgraphe..... .......... 10,000
. 20,000 1.
Reçu la somme de vingt mille livres pour le compte du roi.
Signé : GILLES.
Ce 27 mai 1792. XV. (A. n° 1.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Pour L. Gras.......... 10,000 liv.
Postillon.............. 4,000
Organisation.......... 6,000
20,000 liv.
Reçu la somme de vingt mille livres de M. de Septeuil.
A Paris, le
Signé : GILLES.
Pour le compte du roi.
XVI. (A. n°9.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Le roi, désirant venir au secours des libraires de la ville de Paris, dont la position malheureuse intéresse vivement son cœur, avait bien voulu, pour soutenir leur crédit, leur accorder un cautionnement de 1,200,000 livres sur lequel Sa Majesté leur aurait avancé de ses deniers la somme de 150,000 livres.
Mais Sa Majesté vient d'apprendre avec douleur que sa bonne volonté ne peut plus produire l'effet proposé, les libraires ayant déclaré leur faillite ouverte. Comme il était nécessaire, dans le moment, de vérifier l'usage du cautionnement, il est reconnu que les engagements qui y sont relatifs montent à 26,000 livres, en sorte que Sa Majesté se trouve réellement en avance, y compris les 150,000 livres fournies, de 176,000 livres.
En conséquence, pour fixer légalement l'objet, tant des avances, que pour retirer le cautionnement, Sa Majesté a autorisé M...... à l'effet
de procéder avec les libraires au règlement définitif et à retirer des mains de tous notaires dépositaires les actes concernant le cautionnement de Sa Majesté et à faire tout ce qui sera • nécessaire pour terminer cet objet d'une manière juste et équitable.
XVII. (C. n°7.) Rapport Valaxé, page 213ci-dessu§.
Vendredi, 3 février.
L'affaire des pensions, Monsieur, doit être rapportée ce matin à l'Assemblée nationale; et l'on assure que le rapport du comité passera. En voici les dispositions :
Toutes les pensions pour services dans la maison militaire, soumises à la liquidation;
Toutes celles accordées par les rois prédécesseurs de Louis XVI pour services dans la maison domestique, soumises à la liquidation ;
Celles accordées par le roi régnant pour sa maison domestique, celles léguées par la feue reine à Madame Sophie, renvoyées à se pourvoir par les titulaires ainsi qu'ils aviseront.
On estime que cet arrangement déchargera la liste civile des quatre cinquièmes des pensions au moins ; mais il coûte cher, et le roi a dû vous en parler hier et vous prévenir au'il faudra demain, si le décret passe, 1,500,000 livres. Je crains fort qu'un payement aussi considérable ne mette votre caisse à peu près à sec; mais il est absolument nécessaire. Je crois qu'il sera bon, Monsieur, si le roi ne vous en a point parlé hier, que vous alliez demain au petit lever de Sa Majesté.
J'ai l'honneur de vous renouveler les assurances de mon sincère attachement.
Signée d'un paraphe reconnu pour être celui de Laporte.
XVIII. (C.n° 1.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
11 est, Monsieur, très intéressant de déterminer l'affaire du remboursement des charges de la maison du roi, qui est en très bon train, et pour lequel M. de Saint-Léon demande actu 50,000 livres. Je voulais vous en parler en sortant de chez le roi ; M. de Thiard m'en a empêché. M. Ribes en a fait l'avance, et voici l'ordre du roi pour son remboursement.
Je vous renouvelle, Monsieur, les assurances de mon sincère attachement.
Mardi 19.
Signée d'un paraphe reconnu pour être celui de Laporte.
XIX. (A. n° 2.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
J'autorise M. de Septeuil à placer mes fonds libres comme il le jugera convenable, soit en effets sur Paris ou sur l'étranger, sans néanmoins aucune garantie de sa part.
A Paris, le 7 janvier 1791.
Signé : Louis.
XX. (A. n°29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
22 avril 1792.
Nantes. MM. Dubois-Violette et Moller.
M. J. L. Rocck, d'Hambourg, étant ici dernièrement, vous a prévenu que l'achat fait sur son ordre de 20 barriques sucre terré, montant à 65,982 livres, était pour mon compte. En conséquence, je vous prie. Messieurs, de temps à autre, et premièrement en réponse à celle ci, de me donner des instructions sur le cours de ces sucres, et sur ce que je puis en espérer. Ce sera d'après cette connaissance que je vous en commettrai la vente. Mon intention est de réaliser le plus tôt possible cette spéculation, et aussitôt que j'y pourrai trouver un bénéfice de dix à douxe pour cent. Je vous prie de m'adresser vos lettres, sous enveloppe, à M. de Chalandray, rue de l'Université.
XXI. (À, n° 29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Lyon- MM. Finguerlin et Scherer.
Messieurs,
Me référant à la lettre que j'eus l'honneur de vous écrire le 22 courant, je vous adresse celle-ci principalement pour vous donner des limites plus faciles pour la vente de mes piastres. Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous prie de réaliser dans les prix de 97 à 100 livres. Je désire finir cette spéculation, pour laquelle je vous demande derechef vos bons soins et aussi la modération des frais, en faveur du peu de réussite qu'elle me promet.
XXII. (A. TL°%è.),Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Amsterdam, chez MM. de Bury et compagnie.
M. Rocck, de Hambourg, 30 avril 1792.
Monsieur, j'apprends avec plaisir votre heu-
reuse arrivée à Amsterdam ; je suis charmé que vous n'ayez pas été inquiété sur votre route : il n'en serait peut-être pas de même aujourd'hui, depuis notre déclaration de guerre. Je reçois avec sensibilité les témoignages d'attachement que vous me manifestez ; je cultiverai bien volontiers votre connaissance par notre correspondance, qui sera toujours agréable pour moi, et qui me deviendra peut-être aussi utile qu'à vous.
J'attendais avec impatience des nouvelles des 300,000 livres sur M. Thellusson, que je vous avais confiées pour m'en faire de retours par votre maison de Hambourg, au change de 350. Je vois, par la copie que vous nt'envoyez, de la lettre de votre maison, du 30 mars dernier, que ces remises m'ont été adressées faute d'avoir pu remplir mes intentions; cette lettre qui les renfermait ne m'étant pas parvenue, je ferai usage, comme vous me le marquez, des troisièmes. Il est bien vrai que votre maison ait écrit, en conséquence, à MM. Gazenove de Londres, déposi-. taires des premières, afin qu'ils ne les délivrent que sur la présentation des troisièmes.
A l'égard des marchandises, je vois avec beaucoup de peine la baisse énorme sur celle du n° 1. J'attends avec impatience l'effet qu'aura produit notre déclaration de guerre ; vous connaissez mes intentions sur cet artiele, je persiste à vouloir le réaliser au pair; je me repose sur votre zèle pour mieux faire, si les circonstances deviennent favorables. Quant aux n0i 2 et 3, j'ai plus de confiance dans la hausse que ces marchandises doivent éprouver; j'espère que vous m'informerez exactement des variations des prix et que vous n'échapperez pas les occasions utiles à mes intérêts ; vous m avez donné de belles espérances sur ces opérations, je désire les voir réaliser et n'avoir que des remerciements à vous en faire.
1 XXIII. (A. n° 29.) Rapport Valazé,
page 213 ci-dessus.
Lyon. MM. Finguerlin et Scherer.
10 mai.
En réponse à la lettre dont vous m'avez honoré le 5 courant, mon intention n'est pas de vous tenir longtemps embarrassé du dépôt de mes piastres; il est bien entendu que vous ne pouvez pas être garant des événements extraordinaires et de force majeure, mais de tous autres, ainsi que tous dépositaires y sont soumis. Vous n'aurez pas tardé à voir la hausse qui se manifeste sur cette marchandise, qui vaut ici dans ce moment 95 livres le marc. En annulant mes dernières limites, je vous prie de ne vendre désormais qu'au prix de 100 à 102 livres le marc. J'espère que vous ne tarderez pas à le rencontrer et, dans ce cas, vous voudrez bien me faire des retours à mon plus grand avantage.
XXIV. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Engelback et Rocck.
J'ai reçu les trois lettres dont vous m'avez honoré les 20, 27 avril et 4 de ce mois, en réponse auxquelles je vous observerai que vous ne satisfaites pas aux demandes que je vous avais faites par ma lettre du 16 avril, qui sont pourtant fort régulières. Je vous prie de la lire une seconde fois et d'y répondre en détail.
1° Je vous priais de me reconnaître de : B. m. 75,089 » Et 52,681 6
Total 127,670 6 remises de M. du Coulom-bier, qui m'appartiennent.
M. votre associé m'en a bien reconnu, mais il convient que vous le confirmiez.
2° De l'emploi de B. m. 75,089 pour mon intérêt proportionnel aux fonds dans les achats en société de blé-froment qui se montent suivant les factures remises à M. du Coulombier :
le 9 avril 16 dudit et suivant celle que vous remettez finalement le 4 mai
lasts. was.
353 48 310 23
B. m.
97,272 5 87,921 1
755
5 217,799 7
Total 1,419 76 402,992 13
sur laquelle somme de B. m. 402,992 13 je n'ai entendu et n'entends représenter proportionnellement que pour la remise susdite de B. m. 75,089, ce que M. Rocck a reconnu et consenti.
3° De l'emploi de B. m. 52,681 6, entre laquelle valeur vous avez acheté, suivant facture de M. du Coulombier, le 30 mars, 189 lasts. 3 was. froment B. m. 53,587 9 ; ce qui forme un compte particulier. Je renonce à designer les marchandises par numéros ; mieux vaut le faire par leurs noms, pour une plus facile intelligence.
4° Les cafés reçus du Havre et de Nantes, et de leurs quantités conformes aux factures que fai. 5° Enfin, des sucres reçus de Nantes, idem. Je vous serai obligé de satisfaire à tous ces points de reconnaissances, dans le plus grand détail, ainsi que l'usage du commerce le requiert. Je vous dirai de plus que M. Rocck m'avait expressément promis que vous me donneriez, toutes les fois que vous m écririez, le prix de chacune de ces marchandises et vos réflexions sur ce qu'on peut en espérer, à quoi vous me ferez plaisir de ne pas manquer. J'ai l'honneur d'être, etc. P. S. Je ne doute pas que le prix des froments ne s'élève incessamment et que vous ne rencontriez les limites de 120, quoique fort distant d'à présent.
XXV. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Engelback et Rocck.
8 juin 1792.
J'ai reçu la lettre dont vous m'âvez honoré le 25 mai dernier, par laquelle vous me reconnaissez, ainsi que vous me l'avez demandé par ma lettre du 14 courant, des divers objets de marchandises que j'ai consignés chez vous, et de mon intérêt de B. m. 75,089 dans les premiers achats de froment de compte à quatre; il faut avouer que j'ai été bien malheureux de saisir le plus haut prix dans l'achat de ces froments; j'espère que vous apporterez tous vos soins pour m'en tirer le meilleur parti que vous pourrez recueillir sur les récoltes éventuelles du Nord et sur la consommation présumée des nombreuses armées, qui vous feront conjecturer sur le sort de cette spéculation, sur quoi je vous prie de m'instruire. Les notions sur nos récoltes en France les font présumer bonnes; cependant, il arrive annuelle-
ment que les denrées sont chères à l'approche et après les récoltes; il en est, sans doute de même chez vous, et j'espère que dans le courant des mois de juillet et août les prix s'élèveront; j'ai la même espérance pour les denrées coloniales vers l'automne prochain. Faites-moi le plaisir, ainsi que M. RoCck me l'a promis, de m'instruire fréquemment des variations; j'observe que les prix de vos comptes simulés de café et sucre sont bien distants de ceux portés dans votre cote dernière : les sucres achetés à Nantes sont sans doute classés dans les premiers de votre cote, que vous désignez blancs, depuis 25 jusqu'à 19. Faites-moi le plaisir de me mander si les miens ont le premier rang.-Votre compte simulé en établissait le prix éventuel à 27 1/2, ce qui est bien distant. Mandeznnoi aussi la classe des cafés de Saint-Domingue, cotés depuis 11 3/4 à 10 sols. Je présente mes compliments et ceux de ma famille à M. Rocck.
XXVI. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Nantes. MM. Dubois-Violette et Moller.
J'ai réçu, dans son temps, la lettre dont vous m'honorâtes le 26 avril dernier ; vous m'y promettiez de me donner de temps à Vautre, les cotes de prix des marchandises chez vous, principalement des sucres de la qualité de ceux de ma partie de 20 barriques en vos mains ; je vous serai obligé de m'instruire du cours actuel et de ce que vous en espérez pour la suite, afin que je
fmisse vous diriger, Messieurs, mes ordres pour a vente; veuillez me marquer aussi les prix des cafés.
XXVII. (À. n° 29.) Rapport- Valazé, page 213 ci-dessus.
Lyon. MM. Finguerlin et Scherer.
Privé de l'honneur de vos lettres, j'ai celui de vous prévenir qué j'ai cédé à M. Duruey ma partie de piastres, m. 4002 2° 3. 9, en vos mains, suivant le mandat dont copie ci-joint; je vous prie donc, Messieurs, de tenir les piastres à la disposition de ce Monsieur et de me remettre la note de vos déboursés. Agréez mes remerciements, Messieurs, des soins que vous vous proposiez de donner à mes intérêts dans cette affaire.
XXVIII. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. M. Bodiment.
MM. Roudillon et du Goulombier m'ayant fait connaître la prudence avec laquelle vous conduisiez les intérêts de M. Lefer, dans la malheureuse affaire des froments consignés à MM. En-gelbach et Rocck, à Hambourg, dans laquelle j'ai un intérêt de B. m. 75,089, je prends le parti de me conférer avec ces Messieurs et de vous envoyer à cet effet ma procuration, non seulement pour retirer ma part dans l'intérêt commun de ces froments et en faire la vente sous^la direction de MM. Poppe et Cie, mais encore de retirer et opérer la vente de la même manière d'une autre partie de froment que MM. Engelbach et Rocck ont acheté pour mon compte particulier, dont la facture s'élève à B [m. 53,587 liv. 9 s. ; aussi
de retirer et de consigner entre les mains de MM. Poppe et Gie deux parties de cafés de Saint-Domingue : une expédiée à MM. Engelbach et Rocck, par Ch. Lemesle, Ourset et Germain du Havre, montant à......... 367,560 1. 6 s. 9 d.
L'autre par Dubois-Violette et Moller, de Nantes.. 228,120 -17 »
595,691 1. 3 s. 9 d.
Et deux autres parties de sucres terrés, expédiés ces derniers à................ 150,7241. 3 s. »>
* 84,249 3 » 234,9731. 6 s.»
Vous observerez, Monsieur, que je n'entends pas faire vendre, quant à présent, ces cafés et ces sucres, seulement les retirer pour être plus tranquille sur leurs dépôts dans les mains de MM. Poppe et Gie, qui tiendront compte en mon nom, à MM. Engelbach et Rocck, de leurs déboursés. Vous remarquerez que les cafés et sucres ont été payés par moi ; que j'ai remis à MM. Engelback et Rocck les B. m. 75,089 que comporte mon intérêt dans la Société des froments, et, à compte de mon intérêt particulier, la seconde de B. m. 52,681.
Je vous remets ma procuration, les duplicata de facture, des conditions faites avec M. Rocck ; une lettre pour MM. Poppe et G*; et si ces Messieurs se refusaient à se charger de mes intérêts (j'ai lieu d'espérer le contraire de leurs amitiés), alors, et après les en avoir sollicités, vous vous adresserez à MM. Averchoff et Voucheveu, pour qui yous trouverez une lettre. Autant, de toute manière, finir avec MM. Engelback et Rocck. — Vous observerez, Monsieur, que, toutes ces marchandises étant en mon nom et celui de M. d'Or-villiers, mon frère, la procuration est signée de lui et de moi.
Je compte sur votre intelligence et votre discrétion dans la conduite de ces affaires et sur votre attention à m'écrire exactement. Je vous répète, Monsieur, qu'à l'égard des froments ie vous laisse le maître de vendre, comme vous le ferez pour MM. Lefer, par l'intervention et sous la direction des conseils de MM. Poppe et Cie ou de MM. Averchoff et Voucheveu, qui en recevront le produit.
P. S. Si Fun ou l'autre des maisons susdites n'acceptaient pas de se charger de mes intérêts, vous vous adresseriez, Monsieur, à MM. G. Che-mer et Cie, désignés dans ma procuration, à qui j'aviserai par le premier courrier.
XXIX (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Hambourg. MM. Averchoff et Voucheveu.
Sous les auspices de MM. G. J. F. et J. Dubois, de Londres, j'ai l'honneur de vous écrire pour vous prier ae vous charger de diverses marchandises que j'ai consignées chez MM. Engelback et Rocck, et que je fais retirer par mon fondé de procuration, M. Bodiment, qui vous remettra la présente et les divers documents relatifs à mes intérêts, chez MM. Engelback et Rocck, avec lesquels vous voudrez bien régler. M. Bodiment prendra vos avis pour la vente des froments qu'il est chargé de faire et vous en remettra les produits. Quant à celle des cafés et sucres, je n'y songe pas encore, espé-
rant beaucoup mieux de l'avenir pour les denrées coloniales ; sur quoi j'attendrai votre sentiment, et des instructions fréquentes des prix.
D'après les témoignages avantageux de MM. Dubois, j'ai la plus grande confiance dans votre prudence et votre honnêteté pour la direction de mes intérêts.
XXX. (A. n° 29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Poppe et Ci0.
J'ai reçu avec plaisir la lettre dont vous m'avez honoré le 22 juin ; j'y vois avec reconnaissance votre disposition à surveiller mes intérêts en marchandises sous MM. Engelbach et Rocck et à me prévenir des variations de ces divers articles.
Ayant toute raison d'être mécontent de la légèreté avec laquelle M. Rocck m'a induit dans ces diverses spéculations des comptes simulés, qui m'ont fait errer sur leurs succès, et enfin de leur peu d'attention à me tenir avisé depuis ce temps des chances de ces marchandises, je prends le parti décidé de retirer de leurs mains tous mes intérêts, d'autant plus qu'il me convient de subir le sort commun avec MM. Defer frères, pour la vente des froments, dont ils ont chargé M. Bodiment, sous votre surveillance et bonne direction. Messieurs, je vous prie donc de vouloir bien agréer la direction de la vente des froments, dans lesquels j'ai un intérêt commun avec MM. Lefer, de........B. m. 75,089 1. » et un intérêt particulier de. B. m. 53,587 9 de plus le dépôt d'une partie de cafés de Saint-Domingue et d'une autre de sucres terrés, que je charge M. Bodiment de retirer des mains de MM. Engelbach et Rocck pour vous les remettre. Je lui envoie ma procuration à cet effet et les divers duplicatas de facture qu'il vous communiquera : d'après les documents qu'il vous donnera de la situation de mes comptes avec MM. Engelbach et Roock, vous voudrez bien régler avec eux et leur allouer la commission que vous trouverez juste, remarquant que celle sur les froments est déjà prise et que je n'ai remis que B. m. 52,681 1. sur mon intérêt particulier de froment, B. m. 53,587 1. 9 s.
J'ose croire, Messieurs, que vous avez assez d'amitié pour moi, pour vouloir bien vous charger de mes intérêts . D'après ce que vous me mandez sur MM. Engelbach et Rocck, je crois aisément dans leur solidité, mais l'expérience faite de leur manière de travailler ne pourrait jamais me donner la confiance des succès de mes intérêts en leurs mains; je serai donc d'autant plus fâché de votre refus d'accepter la transmission de ces dépôts que je donne l'ordre, dans ce cas, à M. Bodiment de s'adresser à une autre maison de chez vous : j'espère que vous voudrez bien l'empêcher d'y recourir, car je ne pourrais avoir pour toute autre maison une plus grande confiance qu'en la vôtre, Messieurs, dont j'attends cette preuve de dévouement à mes intérêts.
P. S. Je ne fixe pas de limites à M. Bodiment pour les froments; je m'en rapporte aux conseils que vous lui donnerez, Messieurs, pour le déterminer.
Vous aurez appris les ordres que notre gouvernement a donnés chez vous pour des achats qui seront suivis, dit-on, de nouveaux et plus considérables.
XXX. (A. n® 29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Engelbach et Rocck.
En' réponse à l'honneur de votre lettre du 22 juin, nous regardons avec chagrin la mauvaise position de nos spéculations en vos mains; il faut avouer que nous avons été enlacés, que M. Rocck nous avait fourni; MM. Lefer ayant donné pouvoir à M. Bodiment de diriger la vente des froments, sous la surveillance de certains amis, nous vous annonçons, Messieurs, que nous prenons le même parti pour tous nos intérêts en froments; il a notre procuration à ce sujet et l'ordre de retirer de vos mains les parties de cafés et sucres qui nous appartiennent, aussi de faire régler avec vous.
P. S. Vous pourrez, Monsieur, nous adresser votre réponse à M. Tourteau de Septeuil, rue des Capucines.
XXX111. (A. n° 29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Nantes. MM. Dubois-Violette et Moller.
En réponse à l'honneur de votre lettre du 5 du courant, je vous remercie de la communication que vous me faites des cours chez vous des denrées coloniales et du conseil que vous me donnez de faire quelques achats à ces bas prix actuels, pour me revancher; je suis décidé à m'en tenir à ce que j'ai et d'attendre que les circonstances deviennent favorables. Ayant vu par hasard ces jours derniers une'cote ae marchandises de votre ville, sous la date du 31 mars dernier, je n'ai pu y apercevoir les prix relatifs aux sucres que vous m'avez achetés à 225 livres ; de sorte, Messieurs, que je vous prie de me mander positivement quelle est la classe des sucres achetés pour mon compte; je vous serai obligé de me donner cette explication en réponse, afin de me donner une idée certaine de ma spéculation : d'après les prix, je m'arrête à croire que c'est la quatrième sorte, sur quoi j'ai besoin ae votre confirmation, etc.
XXXIII. (A. n° 29.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM.,Poppe et Cie.
La présente est uniquement faite pour vous prévenir de mes quatre termes sur vous de ce jour, à trois jours de date, à mon ordre de B. m.
5,500 )
( Ensemble B. m. 24,000.
6^500 )
auxquelles je vous prie de faire tout accueil ; ces traites sont faites pour servir deux intéressés que j'ai admis dans la spéculation des cafés, qui vous feront ces fonds à l'échéance, en vous priant, Messieurs, de leur en faire l'avance, jusqu'à la vente, tout ceci dans l'hypothèse que vous aurez bien voulu vous charger de mes intérêts divers chez MM. Engelbach et Rocck : autrement la maison qui serait chargée de mes cafés vous rembourserait à l'échéance ces B. m. 24,000, dont vous voudrez bien ouvrir un compte séparé ; je compte vous écrire plus longuement
le prochain courrier, principalement sur l'affaire des froments, sur laquelle j'espère recevoir des connaissances utiles que je vous transmettrai. J'ai l'honneur, etc.
XXIV. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. M. Bodiment.
En réponse à votre lettre du 9 courant, je suis très satisfait des moyens que vous vous disposez d'employer pour garantir mes intérêts chez M. En-gelbach et Rocck ; je conçois qui serait fort dispendieux et nuisible de sortir les froments, mais faites en sorte, Monsieur, d'obtenir de MM. Poppe et Cl9, pour moi, la même garantie gu'ils ont accordée à M. Lefer, relative à ses froments; quant aux sucres et aux cafés, ces Messieurs me mandent qu'ils vont les retirer. Je suis disposé à vendre ce qui me concerne dans les froments, aux prix de 90 à 100 livres^et même au-dessous, s'il le faut : c'est ainsi que j'en écris à MM. Poppe et Ci9, sous la surveillance de qui vous ferez votre possible pour procéder à cette vente, et en attendant pour obtenir la garantie de ces Messieurs, vous recommandant d'avoir les mêmes soins de mes intérêts que de ceux de MM. Lefer et de m'écrire fréquemment. On parle que la récolte sera mauvaise en Bretagne; réunissez toutes les lumières que vous pourrez sur celle du Nord, afin de vous diriger sûrement.
P. S. Quoique je fixe des prix fort bas à MM. Poppe je m'en rapporte à leur prudence et à leur zele pour ne pas sacrifier mes intérêts. Vous me marquez, par votre lettre du 9 du courant, que le calme qui règne sur le commerce des froments ne pourrait pas faire espérer un prix au-dessus de 105 à 106; je m en contenterais bien volontiers, si on ne peut s'y attendre. M. Bourdillon m'a dit que vous aviez iugé nécessaire de faire ramener les grains de MM. Lefer pour leur conservation. Je vous demande, Monsieur, les mêmes soins pour ce qui nous concerne, mon frère et moi ; je me repose avec confiance sur votre zèle pour nos intérêts.
XXXV. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Poppe et C".
En réponse à la lettre dont vous m'avez honoré le 16 courant, tout ce crue vous voulez bien me dire pour justifier MM. Engelback et Rocck ne peut détruire la prévention très forte que j'ai eu justement lieu de prendre contre eux, principalement sur la légèreté avec laquelle ils m'ont inspiré de la confiance dans des spéculations sur des comptes simulés réprouvables. Je [vous remercie, Messieurs, de la promesse que vous me faites de retirer les cafés et les sucres, et je me repose sur vos bons soins pour en procurer la vente aussitôt que les circonstances deviendront favorables à ces denrées qui doivent naturellement augmenter à fur et mesure du moindre produit des colonies. Quant au froment,
i'e remarque bien que la, sortie des mains de iM. Engelback et Rocck serait fort dispendieuse et peut-être nuisible. En les laissant dans leurs mains sous votre surveillance, Messieurs, j'espère que vous ne vous refuserez pas de m'ac-cuser votre garantie pour ces froments, ainsi
que vous avez dû le faire envers MM. Lefer : d'ailleurs, je suis disposé à sortir le plustôt possible de cette malheureuse spéculation, tant bien que mal ; en conséquence, j'écris à M. Bodiment, pour qu'il se concerte avec vous, Messieurs, et, sous votre surveillance, opérer la vente de ce qui concerne mes intérêts dans les froments, au prix de 90 à 100, et même au-dessous, vous laissant absolument les maîtres d'arbitrer ce qui convient à mes intérêts; je vous renouvelle aussi, Messieurs, de procurer le soin du meilleur entretien de ces froments ; la récolte, dit-on, sera mauvaise en Bretagne ; vous avez, sans doute, toutes les lumières convenables sur celle du Nord et sur ce qui peut influer en bien ou en mal sur ces froments. Je me borne donc à vous manifester seulement le grand désir que j'ai de sortir le plus promptement possible de cette spéculation. Quant a votre observation sur la commission que peuvent réclamer MM. Engelback et Rocck, elle ne peut être au plus que ae 1 0/0 pour les soins promis à la vente qu'ils ne feront pas ; c'est ainsi que plusieurs négociants m'en ont parlé, et je me flatté qu'en réglant avec eux vous apporterez tous les ménagements possibles pour mes intérêts.
P. S. J'attendrai les retours que vous m'annoncerez, Messieurs, de mes remisés M. b. 13,230 10.
XXXVI. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Poppe et Cie.
Accusé à MM. Poppe et Gie la réception de leur remise du 20 juillet, de 12,000
5,334 14 3 1 à 15 jours de date sur Ro-> trou,
7,822 16 3 \ à idem, sur Tour ton et Ravel.
25,157 10 6 en retour de B.m. 8,000 ttes de
Ducoulombier sur Engelback, à la déduction de 40 pour commission, à
1/2 0/0, reste B. m.................7,960
qui, à 153/16, reviennent à la somme
de................................ 25,157 10 6
XXXVII. (A. n° 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. M. Bodiment.
J'ai reçu vos deux lettres des 20 et 27 juillet dernier; jé vous suis obligé de vos soins pour mes divers intérêts. MM. Poppe et Gie m'écrivent qu'ils vont retirer les cafés et les sucres ; quant aux froments, je suis décidé à m'en débarrasser le plus tôt possible; il est donc inutile de les sortir des mains de MM. Engelback et Rocck; c'est ainsi que j'en écris à MM. Poppe, en leur demandant, toutefois, leur garantie au sujet de ces grains, que, j'espère, ils ne me refuseront pas plus qu'à M. Lefer. Je les ai, de plus, prévenus que, désirant absolument sortir de cette malheureuse affaire, je* me contenterais de vendre aux environs de 90 livres le last, si l'on ne peut mieux faire ; c'est dans cette intention que je vous prie, Monsieur, de coopérer, avec
MM. Poppe, à cette vente. Je vous prie, en attendant, ae surveiller le meilleur entretien de ces froments, et de me continuer vos avis.
J'ai l'honneur, etc.
XXXVIII. (A. n» 29.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg. MM. Poppe et G1*.
Par la lettre dont vous m'avez honoré le 27 juillet, je vois avec plaisir, que vous vous occupez de la retraite des sucres et cafés, et que vous destinez tout accueil à mes traites. B. m. 24,000 livres, à compte de ces cafés. Si, avant l'échéance, les remises ne vous en sont pas faites, vous voudrez bien, Messieurs, en ouvrir un compte particulier, affecté sur ces cafés ; je remarque que les prix des diverses denrées ne sont pas satisfaisants : sur ceux des sucres et cafés, il faut prendre patience ; quant aux froments, je charge M. Bodiment de se concerter avec vous, Messieurs, pour opérer la meilleure vente possible aux limites que je vous ai fixées par ma dernière, de 90, ou au-dessous même s'il le faut, pour sortir de cette misérable spéculation, que je recommande à vos bons soins.
J'ai l'honneur, etc.
P. S. Veuillez bien faire remettre l'incluse à M. Bodiment.
XXXIX. (A. n° 30.) Rapport Valaxé, * page 213 ci-dessus.
Paris. M. de Septeuil.
Rouen, le er
décembre 1791
Monsieur, j'eus le plaisir de vous écrire deux mots hier avant mon départ, vous annonçant l'achat de 3 à 400 quintaux de vert-de-gris, à 46 livres; les 7/8 pour votre compte, et 1/8 pour le nôtre, et vous priant de remettre une lettre incluse, à ma maison.
Je suis arrivé ici aujourd'hui à midi, trop tard pour vous écrire par la poste. -J'ai vu sur-le-champ MM. Midy et Cie, et suivant vos ordres, j'ai acheté d'eux 850 barriques de suif à 75 livres tournois le cent, poids de vicomté, tare 10 0/0 pour payer en six mois, ou encore à 30/0 en remboursement, en envoyant le connaissement à deux mois sur Londres, ou à cinq mois sur Paris. Il vous plaira marquer à mon frère, par retour du courrier, celles qui vous contiennent.
Vous en avez inclus un compte simulé de 2,000 livres poids de vicomté, rendu à Londres, et qui nous coûte net 45 l. 7 d. 6 s. 2,240 livres poids de Londres, où le tonneau coûte à Londres 44 1. 4 s.
Cet article se vend couramment à Londres à 47 livres sterling le tonneau, et même on en a vendu à 48 livres. Il faut aussi remarquer que j'ai calculé au change de. 22 livres. Je ne vous invite pas de me répondre ici, comptant de partir demain au soir pour Calais; mais j'espère de trouver de vos nouvelles, à mon retour à.la maison, que vous êtes très content de cettAopéra-tion.
Les 3/4 de ces 850 barriques sont m k voire compte, et 1/4 pour le nôtre. Les barriqu 1 pèsent environ 750 livres chacune.
Il y a de mauvaises nouvelles ici, qij J944 établissements de café et 144 de sucre sont de nouveau détruits; ces nouvelles viennent par la
Bien-Aimêe, qui est partie du Cap-Français le 18 octobre, et arrivée ici le 19 novembre.
Recevez, mon cher de Septeuil, mes sincères remerciements pour toutes les politesses que vous et votre aimable famille ont eues pour moi pendant mon séjour à Paris. J'espère que vous et Monsieur votre frère me donnerez- souvent des occasions de vous témoigner ma reconnaissance.
Je vous prie, Monsieur, d'agréer mes compliments les plus empressés et l'assurance du plus sincère attachement aux opérations que vous voulez bien me confier. Croyez-moi tout à vous.
Signé : J.-F. Dubois.
XL. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Nantes, le 20 mars 1792.
Facture de 46 barriques sucre terré de Saint-Domingue, achetées à Nantes par nous Dubois-Vio-lette et Moller, d'ordre de M. Louis-Herman Rocck d'Hambourg, actuellement à Paris, et chargées sous la marque en marge, pour son compte et risque, à l'adresse de sa maison, MM. Engelbach et Rocck d'Hambourg, sur le navire le Gabriel d'Hambourg, capitaine Thys-Cornelissen, destiné pour Hambourg.
Frais.
Suit à l'original le détail des poids des barriques, montant en total i.. s.
à 65,262 livres................... 146,839 10
Portefaix, réceptions i. s. d.
et chargements......... 37 13 6
Tonnelier, rabattage.. 115 » » Charois au quai...... 27 12 »
Batelage à bord—.. 57 10 »
Arimage............. 23 » »
Courtage d'achat..... 367 1 6 Timbre et courtage de change à 2 1. 1/4 0/0 par 1,000............... 301 9 »
929 6
Commission.. 2 1/0.......
Sauf erreur et omission—.... 150,724
147,768 16
2,955 7
150,724 3
Signé : Dubois-Violette et Moller.
Cette partie des sucres appartient à MM. de Septeuil et Dorvilliers, qui en disposeront comme de leur propriété, et j'ai déjà donné mes ordres sur ce sujet, à Nantes.
Paris, ce 12 avril 1792.
Signé : ROCCK.
XLI. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessuss.
Compte simulé de 2,000 livres net de suif, achetées à Rouen, à 75 livres .le 0/0 à 6 mois de terme, fait........ 1,500 1.
Escompte 3 0/0 si on rembourse sur Londres ou Paris...................................45
1,455 1.
Fret à 20 du 0/0...---------- 201.1
Brouillement, frais jusqu'à > 30 bord à 10 du 0/0............. 10 }__
45 1. 7. s. 6 d. sterling, au change de 22, font........................1,485 1.
Nota. 2,000 livres, poids de vicomté, rendront à Londres au moins 2,300 livres, ce qui fait un avantage sur le poids de 60 livres par tonneau.
2,000 livres, poids de vicomté, nous coûtent, rendus à Londres. 45 1. 7 s. » d.
2,240, poids de Londres, où le tonneau nous coûte, rendu à Londres....................... 13 6
44 1. 4 s. 6 d.
Déduire 0/0 60 livres de différence entre le poids de Londres et de vicomté.
Cet article se vend couramment à Londres de 47 à 48 livres sterling le tonneau. Gouverne.
Sauf erreur ou omission.....
Le 1er décembre 1791. XLII. (A n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Nantes, le
Factures de 25 barriques 1 tierçon sucre terré Saint-Domingue, faisant partie des 45 barriques et un tierçon, achetés à Nantes par nous, Dubois-Violette et Moller ; d'ordre de M. Herman-Louis Rocck, d'Hambourg, actuellement à Paris, desquelles nous avons Chargé 25 barriques et un tierçon, à la destination d'Hambourg, sur les navires ci-après, et mises en magasin 20 barrir ques, pour compte et risque de qui il appartiendra : le tout sous les marques et numéros en marge.
Huit barriques un tierçon chargées à bord du navire le Gabriel, capitaine This-Gornelisen.
Suit l'énonciation à l'original.
Montant au total de......M...... 82,071 1.
17 barriques, chargées à bord du navire la Charlotte, capitaine Gannon.
Suit à l'original l'énonciation des objets.
Portefaix, réception, chargement et pesage de barriques................ 22
Tonnelier, rabattage— 64
Charrois au quai, batelage et arimage.............. 61
Courtage d'achat, 1/40/0 205
Droits ae timbre et courtage de change, 2 0/00....
1. 4 s. .» d. 5 »
6
Commission, 2 0/0.
168 9 9 526 1. 4 s. 3 d.
82,507 1. 4 s. 3 d. 1,651 18 9
Sauf erreur............. 84,249 1. 3 s. » d.
Signé : Dubois-Violette et Moller.
La partie de sucres montant à 84,249 livres, suivant la facture, de l'autre part, est adressée à ma maison de Hambourg, pour compte d^ MM. de Septeuil et Dorviiliers, dont ma maison suivra exactement les ordres qui nous seront donnés pour la vente par lesdits sieurs.
Paris, ce
Signé : ROCCK.
XLIII. (A n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Nantes, le
Factures de 20 barriques sucre terré Saint-Domingue, faisant partie des 45 barriques un tierçon achetées à Nantes par nous Dubois violette et Moller, d'ordre de M. Louis-Herman
Rocck, d'Hambourg, actuellement à Paris, desquelles nous aVons chargé 25 barriques et un tierçon pour Hambourg, et mis 20 autres dans un magasin de l'entrepôt du café, pour compte et risques de qui il appartiendra : lesdites marquées comme en marge.
Suit à l'original l'énonciation du poids de chaque barrique, pesant en total 28,541 livres net et montant à la
1. s. d.
somme de.............................64,257 5 *
frais.
Portefaix, réception, chargement et i- s-a-pesage de 10 barriques. 24 10 » Tonnelier, rabattage. 50 » » Charrois au quai et
batelage à bord...... 37 » »
Courtage d'achat 1/4
0/0.................. 160 10 9
Portefaix pour décharge à terre et mettre en magasin les 20 barriques qui avaient été
chargées —......... 30 » »
Charrois au magasin et batelage de retour. 37 » »
Droits de timbre et courtage de change, à 2 0/00................ 132 » »
471 » 9 64,688 5 9
Commission, 2 0/0............ 1,293 14 3
Sauf erreur................... 65,982 » »
Signé : Dubois* Violette et Moller.
La partie de sucre ci-dessus est adressée à ma maison pour compte de MM. de Septeuil et Dor-viliers, dont ma maison suivra exactement les ordres qui nous seront donnés par ces Messieurs pour la vente dudit sucre.
Paris, ce
Signé ; ROCCK.
XLIV. (A n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Facture de 175 boucauts, café Saint-Domin-gue, achetés d'ordre, et pour compte de M. L. H. Rocck de Paris, et expédiés sous la marque en marge, à MM. Engelback et Rocck, par le navire de Twée Gebfoedet, capitaine Filip-'Jannuses, allant à Hambourg.
Suit l'énonciation du poids de chaque boucaut montant, en total ; 145,692 livres. Ûroitsdupoids sur 161,6481.
à 2 le 0/0 et quittance..... 161 1. 15 s.
Port au magasin et à bord. 157 ; r 10 Tonnelier, réception,
expédition et travail....... 262 10
Journaliers à l'entrée et
sortie du magasin......... 70 »
Passavants et ports de lettres .......,............... 24 8
676 3
Total général de la facture.. 67,560 1. 6 s. 3 d.
Signé : Charles le Mesle, Oursel et Germain.
XLV. (A. n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Avoir de M. Tourteau de Septeuil, chez Jules Gazeneave. 1791. — Mars 31 ; solde
du compte vieux..................7,705 » 1
Mai 12; sa remise sur
Loarel. P. 17 mai................2,100 » »
Intérêt sur 7,705 livres,
du 31 mars au
à 4 0/0...................
2,100 » 17 d°. 44
77 10
12 2
» 5
9,972 1. 16 s. 1 d.
Sauf erreur ou omission.
Londres, le
XLVI. (A. n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
DOIT M. Tourteau de Septeuil, de Paris, son compte courant et compte d'intérêt, à raison de 4 0/0, l'an 30 juin 1791, avec Gme. J. F. Dubois, de Londres.
AVOIR
30 juin 1791
Pour intérêts sur 2,950 liv., pour 8 jours. Solde du compte
d'intérêt......
Autant qu'il lui restedevoir,et dont nous 1e créditons à comptenou-veau.......
Intérêts
1. s. d.
0 19 7 129 1 »
130 » 9
Sterlings.
13,482 11 »
13,482 11 »
4 janv. 1791.
14janv. 1791 25 janv. 1791 8 fév. 1791. 18 fév. 1791. l«r mars 1791 8 mars 1791. 13 mai 1791. 24 juin 1791. 30juin 1791.
Londres, le 30 juin 1791.
Pour sa remise sur intérêts.
Ses D° sur divers. D" D° D» D® l)« D» D«
Solde du compte d'intérît.
Réglé.
Échéances.
8janv.179
23 D°.....
5 fév. 179 15 D°...
2 D°...
5 mars 179
il D°.....
20 mai 179 3 juillet 1791
3 O
173 158 145 134 128 117 111 41
Intérêts.
1. s. d.
2 23
29 14 25 13
15 5
15
10 11
130 » 9
Sterlings.
s. d.
119 3 3
1,320 14 11
1,872 5 11
1,066 »
1,800 »
1,315 »
540 »
2,350 »
2,950 »
129 1 2
13,482 11
Sauf erreur et omission.
Signé : G. J. F. et J. Dubois.
urnuiiMmaiiKnn
Tableau.
XLVII. (A- n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus. DOITj M. Tourteau de Septeuil, son compte courant, àfii Augustin Queneau, de Madrid. 4F0//Î
30 juin 1791.
R. Autant dont je le crédite, ce nouveau.......
517,495
3ljanv.i79l. ps. 800
3ljanv. 1791. pis. 564 14 17
500
8 fév. 1791. ps. 6,550 4
10 fév. 1791. pis. 535 4 3
16 fév. 1791. 1,941 8 5
3 mars 1791. 3,235 17 17
30juin 1791.
Sa remise du premier courant, sur
Pascaly, demi....................
Autre, du 18 courant, sur divers. .* Autre, du 19 novembre, sur Cadix^
à l t/2 0/0....................
Autre, du 29, passé sur Cadix» à
1 1/2 0/0.......................
Autre, dudit, sur divers, demi... Autre, dudit, sur Cadix, à 5/8 0/0. Autre, du 13, passé sur divers,
demi...........................
Intérêts en sa faveur, appert le compte ci-dessous .............
R. 12,047 2 34,000
29,967 2
98,1*2 2 32,233 19 116,201 10
191,894 4
9,058 »
517,495 5
Sauf erreur et omission.
Madrid, ce 16 juin 1791.
Signé : Augustin Queneau.
P» 8,614 » 8 m. 518,861 14
22 24 26 perte me rend sur Cadix. 1,366 9 Solde........... R. 517,495 5 »
* 8,591 7 16 517,495 5 Solde d'intérêts. 90,058 » »
146 15 » à ajouter pour intérêts, à 5 0/0/30 juin. R. 607,553 5 »
8,737 22 16
Réglé.
XLVIII. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
COMPTE d'intérêt relatif à celui ci-dessus, fixé au 30 juin 1791, à raison de 5 0/0,
Van divisé par 360 jours.
30 juin 1791.
Solde dont je le crédite au compte courant en l'autre part...........
R. 9,058
18janv. 1791. P. 800 12,047 163 Jours
27janv. 1791. 8,000 154 —
28janv. 1791. 500 29,967 153 —
l*pfév. 1791. 10,000 149 —
6 fév. 1791. 8,000 144 —
8 fév. 1791. 6,550 4 98,152 142 —
16 fév. 1791. X. P. 8,000 1,941 8 5 124,201 134 —
21 fév. 1791. 85 » 32 5,121 129 —
23 fév. 1791. 231 2 5 13,918 127 —
l«rmars 1791 24 8 26 2,546 121 —
9 mars 1791. 176 24 8 10,647 113 —
15 mars 1791. 1,800 108,423 107 —
2imarsi79l. 1,435 17 17 86,470 101
517,492
R.
XLIX. (A n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
DOIT M. Tourteau de Septeuil, de Paris, son compte courant avec MM. Loubier, Teissier, et Cie, de Londres, liquidé au 30 juin 1791.
30 juin 1791. 3 15 2 Courtages de 9 nov. 1190. 3 710 13 8 Nos traites sur Amp.
nos traites,sur à 39 0/0. 9 nov. 1790. 233 76, 239
Amp. 9 déc. 1790. 90 18 » Sa remise du 6 cou-
1 e Ports de lettres, rant. 11 déc.1790. 201 18, 270
timbre de nos 390 » » 14 déc. 1790. 198 ' 77, 220
traites. 18 fév. 1791. 1 000 » » Sa remise du 14 cou- 21 fév.' 1791.
10,485 19 3 Solde que nous rant.
portons à 31 fév. 1791. 230 » » Sa remise du 17 cou- i 12» 158 670
compte nou- rant. 25 fév. 1791.
veau, 30 juin. 500 » » 125 •25 000
1 ,300 » » Sa remise du 3 cou- t" mars 1791 121 1,573 000
7 mars 1791. 1 ,000 » »
rant. 7 mars i791. 115 1T5 ,000
7 avril 1791. 200 » » Sa remise du 8 cou-
rant. 11 avril 1791. 72 158 ,000
12 mai 1791. 1 ,84S 5 2 Sa remise du • cou-
rant. 17 mai 1791. 44 81 ,323
171 4 3 Montant des intérêts,
à 4 0/0.
10,491 1 1 10 ,491 1 1 1,562 ,322
Réglé. Sauf erreur et omissions.
Londres, le 30 juin 1791.
Signé : Charles Loubier, Teissier»
L. (A. n°30). Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
M. Tourteau de Septeuil.
Paris, Hambourg, le
Monsieur, nous recevons ce jour l'honneur de votre lettre du 6 courant,avec une incluse pour le sieur Bodiment, que nous lui avons fait remettre tout de suite. Vous revenez encore à la charge, Monsieur, relativement à vos froments, mais nous vous réitérons que les magasins de blés, vu l'abondance de ceux-ci, sont d'une rareté et cherté extrêmes, et que nous n'en n'avons pas pour loger vos froments. Dès lors, vous ferez bien de les laisser chez MM. Engelback et Rocck, où ils sont en bonnes mains. Au reste, vous avez le sieur Bodiment ici, en qui vous avez placé votre confiance, et qui vaquera sûrement à vos intérêts, si vous croyez en avoir besoin. Nous vous débitons de R. p". 6416 9, pour frais remboursés sur 235 futailles de café, suivant le compte inclus. Il reste maintenant encore une partie ae 175 futailles à recevoir, dont nous nous occuperons dans le courant de la semaine, et vous informerons du suivi ; mais nous sommes mortifiés, Monsieur, de ne pas avoir d'autres nouvelles à vous donner sur cet article et celui des sucres ; le premier a baissé jusqu'à 29 sous, à Nantes et à Bordeaux ; c'est ce que personne ne s'est imaginé, et ce serait plutôt le moment à présent d y spéculer, tout comme sur les derniers qui, de 4,400 R1;. qu'ils valaient à Lisbonne, il y a trois mois, y sont tombés à 3000 et au-dessous, de sorte;que l'on ne sait plus ce que
les prix vont devenir ; mais nous pensons qu'il convient de s'armer de patience.
Nous avons l'honneur a'être, bien parfaitement, Monsieur, vos très humbles et obéissants.
Signé : COPPE, FlNET, MORILLON.
LI. (A. n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Par-devant les notaires, à Paris, soussignés, fut présent, M. Jean-Baptiste Tourteau de Septeuil, demeurant à Paris, rue Neuve-des-Capu-cines, paroisse Saint-Roch,
Lequel a fait et constitué, pour son procureur général et spécial, M.1 Guillaume Dubois, négociant à Londres, à l'effet de recevoir pour lui, et en son nom, de la banque impériale de Russie, à Pétersbourg, la somme de soixante-deux mille deux cents roubles à lui dus, et dont il est propriétaire, suivant sept reconnaissances en son nom de ladite banque impériale, passées à l'ordre de mondit sieur Dubois, de Londres, et dont il est porteur, savoir : les cinq premières, de miUe roubles chacune; la sixième, de huit mille roubles, et laseptième, de quatre mille deux cents roubles, le tout formant la susdite somme totale de soixante-deux mille deux cents roubles ; ensemble les intérêts appartenant à chacune et à toutes lesdites reconnaissances, ainsi qu'ils sont stipulés par icelles, pour le temps qu'ils seront dus ; du reçu, donner toutes quittances et décharges valables, en sorte qu'au moyen du payement effectif qui sera fait audit sieur procureur constitué, ladite banque impériale demeure bien et valablement quitte et déchargée, tant desdits capitaux que des intérêts;
le sieur-constituant donnant d'ailleurs audit sieur procureur constitué le pouvoir de subroger en tout ou partie des pouvoirs ci-dessus, qui bon lui semblera, et de faire, pour l'exécution desdits pouvoirs, tant en jugement que dehors, tout ce qui sera requis nécessaire et convenable.
Fait et passé, etc.
La minute chez M. Rouen, notaire, le 13 juillet 1792.
LII. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
MM. G. J. F. et J. Dubois, à Londres.
Saint-Pétersbourg, le
Messieurs,
I Nous eûmes l'honneur de vous écrire notre dernière le 9/20 du courant, et nous n'avons pas reçu des chères vôtres. Par la présente, nous avons l'honneur de vous dire que le change sur votre place était tombé le courrier dernier, à 291/2; et puisque nous crûmes qu'il pourrait reculer encore ce courrier, nous n'avons rien voulu tirer du tout, pour soigner votre intérêt au mieux possible, et nous ne nous sommes point trompés, car aujourd'hui nous avons pu l'obtenir à 29 1/4; nous avons donc fourni sur vous ce jour.
268 1. 2 s. 6 d. R.
243 15 »
231 11 3
219 7 6
207 3 9
195 » »
182 16 3
609 7 6
548 8 9
487 10 »
242 6 6
86 8
487 10 »
2,200 2,000 1,900 1,800 1,700 1,600 1,500 5,000 4,500
Ordre Joh. Jul. Janssen et fils, valeur Joh. W. Bang.
Ordre Schneider etc.val.deJ.H.P. Schneider et ç. 4,000 Ordre et valeur M. G. Trosieu. 1,988 31 Ordre et valeur 708 vr. Otto Ewald Setler etMarsch. 4,000 92 Ordre et valeur.
Law -Newall. Jun. Ordre et valeur. A. F. Rail.
32,897 23 à 29 1/4.
4,0091.7 s. Ens.
que vous voudrez accueillir favorablement pour nous en débiter; nous nous sommes aussi bornés ce jour à cette somme, vu que nous eûmes l'idée que le change puisse diminuer encore de quelque chose, et nous présumons qu'il ne sera pas plus haut, mais peut-être un peu plus bas, quand nous retirerons, suivant les circonstances, et comme nous le jugerons mieux pour vos intérêts, ou le total ou bien une partie encore. Nous placerons cet argent, suivant votre ordre, dans la banque impériale, sous le nom de M. de Septeuil à Paris, et nous enverrons les quittances de la banque. Notre change prend des tournures si singulières que l'on ne peut presque pas compter sur rien de certain, ni en juger ; tout le monde fut d'opinion que le change monterait de temps en temps, puisque la paix n'est plus douteuse, mais voilà le contraire qui arrive.
Nos chanvres continuent de prendre faveur;
chanvre net se paye déjà 19 1/2 R. tout l'argent, et avec 2 R. d'avance de 20 1/2 à 21 R. Le suif est un peu en calme; cependant, on paye couramment 44 à 45 R. pour le suif à chandelle et 43 R. pour celui à savon, et les vendeurs solides sont rares.
Nous avons l'honneur d'être, etc.
Signé : Messe et Cie.
Gomme à l'original déposé à la commission.
LUI. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Paris. — M. de Septeuil.
Londres, le
Monsieur,
Nous avons reçu vos 7 billets de la banque impériale de Russie, montant ensemble à 62,200 R., etuhe procuration en faveur de notre sieur Guillaume. Nous aurons soin d'envoyer notre procuration à Saint-Pétersbourg, pour re-, cevoir les intérêts de vos dits fonds, et, quand nous recevrons vos ordres définitifs, nous nous y conformerons à vos limites pour retirer le capital.
Nous avons l'honneur d'être, etc.
Signé : G. M. J. F et J. Dubois.
Gomme à l'original déposé à la commission. ;
30.) Rapport Valazé, page 213 ci-c
Liy. (A. n°
-dessus.
Paris. — M. de Septeuil.
Londres, le
Monsieur,
Nous nous sommes souvent proposé d'avoir l'honneur de vous écrire, et si nous ne l'avons pas fait, c'est qu'il n'y a pas eu de variation sensible dans le cours de nos fonds publics, qui sont, depuis un mois, un peu en hausse. Nous avons reçu la lettre dont vous nous avez honorés le 29 février; et, suivant vos désirs, nous vous remettons ci derrière une note de votre compte, soldant à votre crédit au 3 février par 10,1/3 1. 18 s. Nous croyons devoir vous prévenir, au cas que vous vous proposassiez par la suite de nous faire passer d autres fonds, que nous préférerons nous borner à la susdite somme, trouvant difficilement à employer les fonds que nous avons.
Signé : James Gazenove et Cie.
P. S. Nous aurions désiré, pendant votre séjour parmi nous, être à même ae vous donner des preuves plus fréquentes de notre dévouement. Mrae Gazenove est fort sensible à votre obligeant souvenir, et se relève fort heureusement d'une coubhe qui a ajouté une petite fille à sa famille.
Avoir de M. de Septeuil chez James Cazenove et C". 30 juin 1791.
Solde lui revenant suivant le compte.,... ............ 9,9721.16s. 1 d.
Intérêts du 30juin.au 31 décembre, faisant 104 jours à 4 0/0.................... 201 1 11
10,1731.18 s. >» d. S. E. m. O. Londres, 31 décembre 1791,
Signé : J. Cazenove et Gie.
Comme à l'original déposé à la commission.
LV. (A. n° 30.) Rapport'Valazé, page 213 ci-dessus.
Londres, le
Monsieur, nous voiis confirmons notre dernière du 20 courant ; elle vous promettait bon accueil à vos traites sur nous, dud. compte accusé £ 5,000 de succès : nous avons reçu votre chère lettre du 19, dit £, nous croyons votre désir que nous donnons des ordres à Saint-Pétersbourg d'étendre nos limites à 30 1/2. — Il n'est pas question de le faire, comme vous pouvez voir par la lettre incluse, reçue de nos amis de Saint-Pétersbourg; ils ont tiré sur nous dernier compte. * R9 32,897 : 22 : au change 29 3/4, du 30 décembre, 3. m. p. £ 4009 :"7 fleurs traites sont acceptées, £ vous êtes débités ; aussitôt que nous recevrons les quittances de Saint-Péter&-bourg, nous vous les enverrons.. — Après avoir lu la lettre aç. M. Messe, il vous plaira de nous la retourner.
Rois de campêche est en hausse ; quand nous trouverons un beau bénéfice, nous vendrons la partie que nous avons ensemble ; nous comptons, par notre première, de vous adresser le compte d'achat. — Suif est en calme, quand nous trouverons à vendre votre partie..!, qui n'est pas encore arrivée..., vous pouvez compter que nous le ferons; le prix est de £ 44 à £ 47, suivant la qualité : nous espérons que vous trouveriez 17 compte en cette spéculation.
Verdet sec de 2/3 à 2/6 £ demandé. Notre partie n'est pas arrivée. Chanvre £ 28 10 à £29, sans beaucoup de demandes, il est à croire que cela arrivera vers le printemps, et qu'alors nous trouverons à vendre avec avantage : les sucres que vous avez refusé d'acheter à Orléans, à 180 livres, sont actuellement vendus à 320 ; dans ce temps-là, vous aviez manqué une belle affaire.
Les sucres, cafés, cotons, poivres sont en hausse, et nous croyons trop haut de spéculer. Si nous trouvions quelque article qui mérite la spéculation, nous vous écrirons.
Les fonds publics sont en hausse, comme ci-bas cotés, de même que les changes.
Nous avons l'honneur d'être très sincèrement, Monsieur, votre très humble, obéissant serviteur, t G. J. F. J. Dubois.
Amsterdam, 37 7.
Hambourg, 34 11.
Paris, Bordeaux,
Cadix, Madrid, Livourne, Gênes,
17 1/8 à 3/8.
36 5/8.
45 3/4. 45 1/4 à 45
Capital de la banque, 208 : hausse 5 0/0, aujourd'hui 7 0/0, 3 0/0, consolidés 92..... 3 0/0
Capital des Indes............. 186 3/4. 8 0/0
LVI. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg,
Monsieur du Colombier, à Paris.
Nous avons l'honneur de vous confirmer notre lettre par dernière poste, et de vous remettre, ci-joint, facture du froment qui nous a été livré jusqu'à présent pour la société, à quatre, montante pour votre quart à b. p. 21,318 1. 1 s., dont vous voudrez bien nous créditer» Fait à fait que
les autres froments seront émmagaskiés, nous vous en remettrons le compte.
Nous avons, en ce moment, beaucoup de calme pour la vente du froment, aussi le prix en a diminué, de manière qu'on pouvait acheter à la fin de la semaine, à R. s. 101, celui dont on demandait au commencement 110; cette baisse provient de ce qu'il nous est arrivé plusieurs bâtiments charges de cette graine; que leurs maîtres ne sachant où loger le froment, sont obligés de le donner au prix qu'on leur en offre ; mais nous ne doutons point que s'il nous vient quelques ordres d'achat, les prix se relèveront bien vite, et nous sommes bien sûrs que vous n'aurez nul regret d'avoir fait cette spéculation.
Samedi, notre cours, sur votre ville, s'est soutenu, à celui que nous avons coté par notre der nière, mais il ne s'est rien fait.
Signé, à l'original.
LVII. (A. n°30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Compte de . frais de 225 futailles, cafés Saint-Domingue, marqués comme en marge, reçues d'envoi de MM. Dubois-Violette et Moller, de Nantes, par le navire l'Alexandre, capitaine Sie-ven Christian Bundes, pour compte de M. d'Or-viliiers, de Paris, et délivré d'après ses ordres à MM. Poppe et Gie de cette ville.
Pour fret au ca-
pitaine de 99,5931. à 34 0/0.........
Avaries ordinaires à 100/0......
Annoncer l'arrivée du navire....
Extra pilotage..
Droit de stade..
Pour chercher les futailles du
bord...........
Envoyer le tonnelier à bord pour les raccommoder «t rebattre............
Les tirer du bateau, mettre en magasin, et les arranger.......
Percer les futailles et en tirer échantillons...
Au tonnelier pour les ouvrir et refermer— Les vider, faire la tare, peser et
délivrer........
Loyer de magasin de quatre mois et demi...
Port de lettres et autres menus
frais..........
Dépenses...
2,000 1.
1,693 1. 1 s.
169
9 166
12 8 11
2,039 1. 5 s.
à 25 0/0 b. p. 1,631 1. 7 s. 93 1. 10 s.
69 12
128 8
58 12 '
139 8
117 8
470 13
28 12 1,107 1. 35 s. à 23 0/0 900 1. 2 s. Transporté. B. p. 2,531 1. 9 s.
Droit d'entrée de B. p. 78,0001.,
à 1/4 0/0...,................... 975 L » s.
Assurance sur le navire de idem 1/4 0/0 de prime et 1/40/0 courtage..........................1,170 »
Assurance contre les risques du feu de B. p. 86,000 livres à 1/4
0/0 de prime pour 6 mois....... 215 »
Intérêt du fret de l'assurance et du droit d'entrée déboursés de 4 mois à 1/2 0/0 par mois...... 75 8
Commission du montant de la facture de 228,120 1. 17 sols, qui font, au cours de ce jour, à 151/4 B. p. 72,4751. 12 sols à 2 0/0.... 1,449 8
6,416 1. 9 s.
S. E. et O. Hambourg le 9 août 1792.
Signé : engelbach, rocck.
Nous avons reçu le montant ci-dessus en mars. 6,416 1. 9 s. de banque de MM. Poppe et Cie de ville, pour compte de MM. de Septeuil et d'Orvil-liers.
Signé : Engelbach, Rocck. LVIII. (A n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Paris. — M. du Colombier.
Amsterdam le
Monsieur,
Sous le neuvième court, ma maison m'a expédié pour Paris, à l'adresse de MM. Var des Yver frères et compagnie, une lettre avec l'incluse ci-jointe, pour vous la remettre en main propre. Comme j'ai quitté Paris avant que ladite lettre ne me fut parvenue, on me l'a envoyée pour ici ; ainsi je m'empresse dé vous l'adresser sur-le-champ ; vous y trouverez la facture d'une partie de l'achat du blé, pour compte à quatre, dans lequel vous aviez le quart d'intérêt ; je vous prie de remettre cette facture à qui il appartiendra, de vous entendre conformément à la cessation que vous avez faite de votre intérêt.
J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : rocck.
Hambourg.
Les échanges n'ont point baissé depuis la déclaration de la guerre, ce sont les grands besoins de Paris qui en sont la cause, et l'on ne prend que pour la France, et principalement au papier court, qui s'est fait à 31 3/4 a 32, et à 2 usances 301/4 a 30 1/2,
Au dos est écrit :
A M. du Colombier, rue neuve des Capucines, n° 2, à Paris.
L1X. (A. n° 30. ) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Londres, le
Paris, M. de Septeuil.
Nous vous confirmons notre dernière du 27 passé, dans tout son contenu. Depuis, nous nous sommes favorisé de votre chère lettre du 29 du-dit. Nous ne pouvons pas vous envoyer le compte des achats de suif et verdet, avant la réception de l'achat de bois de campêche. Nous voiis adresserons le compte dans 10 ou 15 jours. Il y a en-
100 tonneaux à£. 710 le tonneau 70 d° à 7 12 6 le tonneau. 140 de à 8 d»
viron 300 tonneaux; il est actuellement à £. 9, et nous avons payé comme suit, pour notre partie.
Vous avez 1/2 d'intérêt, let comme il i se vend à présent à £. 8 10 et £. 9.
Il se trouve beaucoup à gagner. Il y a 2 ans, cet article a été à £. 12 le tonneau. Par le courrier prochain nous vous adresserons les factures de chanvre achetés de votre compte, aussi bien que vos comptes courants. Nous venons de recevoir la lettre incluse de nos amis, MM- Meeseet Cie, de Saint-Pétersbourg. Le change vient, le 9 dernier, à 30 deniers; néanmoins nous espérons qu'ils réussiront de tirer sur nous de votre compte à 29 1/2. Après avoir lu la lettre incluse, il vous plaira de la retourner. Le café que notre famille a acheté de votre compte est venu à Paris, à 14 sous. Ausitôt* què nous recevrons les factures, nous vous les passerons. Le change, sur la France, est encore en baisse ; au contraire, le change sur l'Italie, Hambourg et Hollande est en hausse, saus aucune raison. Les différents comptes consolidés à 90 différent de votre reste.
Signé : G. J. F. et J. Dubois.
Amsterdam. 37 1.
Hambourg. 34 d.
Paris. Bordeaux.
Cadix. Madrid.
Livourne.
Gênes.
Venise.
j 19 1/8.
1361/4.
49. 45. 49.
LX. (A.ji0 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
M. Tourteau de Septeuil.
Hambourg, le
Monsieur,
Nous nous référons à notre lettre du courrier* passé, en réponse à celle dont vous nous avez honorés le 3 dudit mois ; nous y avons trouvé de nouveau votre remise de B. m. 5,230 1. 9 s. sur MM. Engelback et Rocck ; mais ils ne sont pas plus disposés aujourd'hui à l'acquitter qu'ils ne l'étaient il y a 15 jours. Cependant il faut espérer que le tireur, d'après ce qu'ils lui écrivent et réitèrent ce jour, les mettra à même de la payer, et dans cet espoir nous garderons cet effet ici jusqu'à votre réponse à la présente. C'est tout ce qui s'offre à vous dire, et que nous avons l'honneur d'être bien parfaitement, Monsieur,
Vos très humbles et très obéissants serviteurs, Signé : Poppe et Gi#.
Au dos de la lettre est écrit :
A M. Tourteau de Septeuil, rue Neuve-des-Ca-pucines, à Paris.
LXI. (A. n°30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Copie de notre lettre à M. du Colombier, à Paris, en date du
Nous nous référons à la lettre que nous eûmes l'honneur de vous écrire par le dernier courrier,
Par laquelle nous eûmes celui de vous annoncer 'achat fait pour votre compte de 40 lastes froment à R. et de 13 à 114 : nous accusâmes la réception de vos treize remises sur ici, ensemble de 48,627 1. 1 s. 8 d. et vous envoyâmes 19 effets sur Bordeaux et 8 sur votre ville, qui se montèrent, d'après les différents cours, à 27,8521.1 s. Le froment que nous avons acheté, nous ayant été livré, nous vous en remettons la facture ci-jointe, montant à 53,587 livres, dont vous voudrez bien nous créditer ; le froment est de très bonne qualité, et nous espérons qu'il vous donnera un joli bénéfice. Mardi dernier on ne pouvait plus avoir du papier sur votre ville et Bordeaux, 131/4 que de quelques maisons dont on ne se soucie point d'en prendre où depuis le cours a toujours été en augmentant, de manière que nous nous trouvions hors d'état de pouvoir vous faire le retour du reste de vos remises à vos limites ; nous les gardons donc à votre disposition, et vous prions de nous donner vos ordres en conséquence ; nous présumons que le cours ne se soutiendra pas, et que bientôt il baissera. Si vous voulez donc attendre pendant quelque temps, nous pourrons peut-être vous remettre à un cours favorable, même à celui qui revient au vôtre, de 350 que notre Rocck a fix4*j30ur vous par un courrier extraordinaire arrivé^î&r au matin.
Je me réfère à ma lettre du 26 du courant, par laquelle j'avais l'honneur de vous envoyer cette facture d'une partie de l'achat des grains pour compte à quatre, en vous priant de vous en entendre avec qui il appartiendra. Cette dite lettre m'avait été adressée à Paris, pour vous la remettre en main propre ; mais étant déjà parti, MM. Vender et Yver me l'ont fait parvenir ici. Ci-dessus vous trouverez la copie d'une lettre qui doit être probablement perdue, ensemble le compte de la facture de l'achat d'une partie de froment, montant à la somme de, B. 53,587 1.9 s. Je vous prie de vous entendre avec qui il appartiendra conformément à la cessation que vous avez faite de cette affaire.
J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, votre très-humble et très obéissant serviteur,
Signée : Rocck.
Amsterdam, ce 27 avril 1792.
Cette lettre, dont la copie est ci-jointe, était précisément dans la même qui contenait les lettres de change de M. de L.. et dont nous avons assez parlé.
LXIl. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Londres. — M. Dubois.
Montpellier, le
Monsieur,
Nous avons l'honneur de vous remettre ci-après facture de neuf barriques de votre verdet sec, et les connaissements seulement de 8 barriques, celle n° 4 de la marque DG étant en route ipour Marseille : dès qu'elle y sera arrivée et renversée sur le navire, nous vous en remettrons le connaissement ; le montant de ces neuf barriques est de 25,950 1. 18 sols, dont veuilliez nous faire remise ou nous indiquer sur qui nous devons prendre notre remboursement à Paris. Dès que le restant que nous vous devons sera prêt, nous en soignerons l'expédition.
Cet article hausse. Nous vous saluons, etc. . Par procuration de MM. Dupin fils.
Signé : Févière. Alizaris, 65 à 66 livres à bord.
Montpellier, le
Facture à neuf barriques, verdet sec comme pierre, achetées d'ordre, pour compte de MM. G. J. F. et J. Dubois,de Londres,à charger de même sur le navire Robert à Sarah, capitaine SI. Couwton, Anglais, destiné de Marseille pour Londres.
9 barriques verdet sec comme pierre, tout plomb et cordes pesant.
V. 1 104 p. 1327 net à 1497 1. Brut.
2 114 1309 1479 D°
1028 1128
1194 1304 1527 1743
1297 1415 D°
1449 1558 D° 409- 420
65 90 47 58 51 53 38
D° D«
1675 D° 1940 D°
D"
53 t-
ScnT
00 a w
620 112831. net à 46 la £. à bord tout compris, 25950 18
Sauf erreur ou omission. Par procuration de M. Dupin le fils.
Signé : féderise.
16,219 1. 6 s. 3 d. pour Cte. de M. de Septeuil. 6,487 14 6 Justeau.
3,243 17 3 Notre compte.
25,950 1. 18 s. ensemble.
LXIIl. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus^
COPIE. Facture de 189 Last. 3 Vas. de froment, achetés d'ordres et pour compte de M. de Cou-lombier, à Paris, et emmagasinés sur huit greniers.
Savoir :
51 L. 16 V. de froment, à 110 p.L. R. 16 ,918 » 50 58 idem, 112, 17,124 13
42 32 idem, 113 14,418 13
14 54 idem, 114 5,095 13
29 23 idem, 115 10,137 4
189 3 ^ 63,694 11
à 24 p. c. 51,366 12
FRAIS.
Pour recevoir, transporter des greniers des vendeurs dans le bateau, et de là dans nos magasins ................... 1,134 5
Courtage d'achats, à
12 s. p. Last............ 14112
Buvette aux mesureurs
et autres ouvriers...... 70 14
1,346 15 A 23 p. c. 1,095 1 Assurance de6,000,pour le risque du feu, pour 3 mois, à 1/8 0/0........ 75 » 1,170 1
Commission, à 2 p. c.
52,536 13 1,050 12
53,587 9 16
Sauf erreur et omission. Hambourg, le 30 mars 1792.
Signé : Engelback et Rocck.
LXIT. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Facture de 310 last. 23 vas, de froment, achetés et emmagasinés sur divers greniers, pour compte en société, entre M. du Coulombier, M. Thomas Lefer, M. Olive, de Paris, et nous.
Savoir :
105 L. 50 V. de froment achetés
R. 111 c. p. L... R. 35,242 8
99 48 à 113............. 33,832 3
104 45 achetés en Prusse, et reçus de là, à 112 2/3.......... 35,405 8
310 23
à 24 p. c.
104,480 3 84,258 3
FRAIS.
Pour recevoir les 205 h 28 v. achetés ici, transporter des greniers des vendeurs dans le bateau, et de là dans nos
magasins............. 1,233 13
Décharger les 1041.45. reçus de la Prusse, transport du bateau, et porter sur les greniers. 576 2
Courtage d'achats de 205 1. 38 v., à 12. p.
last.................. 154 4
Mesurer les 3101.23 v.,
à 8 s. p. idem......... 155 3
Buvette aux ' mesureurs et autres ouvriers. 116 6
2,235 12
à 23 p. c. 1,817 11 Assurance de 97,000, pour le risque du feu, pour 3 mois, à 1/8 p. c. 121 4
Commission, à 2 p. c.
Faisant le quart pour chacun des cointéressés................
1,938 15
86,197 2 1,723 15
87,921 1
21,980 4
Sauf erreur et omission. Hambourg, ce 16 avril 1792.
Signé : Engelback et Rocck.
LXV. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Facture de 353 Last. 48 Vas. de froment, achetés et emmagasinés sur divers greniers, pour compte en société entre M. du Coulombier, M. Olive, M. Thomas Lefer, de Paris, et nous.
Savoir :
39 L. 40 V. froment achetés ici à R. 106
p. L...................12,614 »
20 10 idem, à 107 6,473 8
119 55 idem, à 108 67 30 idem, à 109 80 05 idem, à 110 26 28 acheté et reçus
de Lubec, à 113 1/2
353 48
à 24 p. c.
FRAIS.
Pour recevoir les 3271. 20 v., achetés ici, transporter des greniers des vendeurs dans le bateau, et de là dans nos magasins................... 1,964 »
Décharger les261.28 v-. reçus de Lubec, et transporter au magasin,
a 3 p . c................ 92 10
Courtage d'achats sur 327 1. 20 v. à 12 s. p. 1. 245 8 Mesurer les 3531.48 v.,
à 8 s. p. 1.............. 176 14
Buvette aux mesureurs et autres ouvriers. 132 11
38,$53 » 22,072 8 26,427 8
9,011 14
115,452 6
93,106 12
2,611 11
à 23 p. c. 2,123 4
Assurance pour le risque du feu, pour trois, mois, à 1/8 p. c......... 135
Commission, à 2* p. c.
» 2,258 4
95,365 » 1,907 5
Faisant le quart pour chacun des cointéressés.....................
97,275 5 24,318 1
Sauf erreur et omisssion Hambourg, ce 9 avril 1792.
Signé : Engelback et Rocck.
LXVT. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-aessus.
Doit M. Toureau de Septeuil, d Paris, S. C. Trois, 1791
Avril 22. Pour ses remboursements sur divers....'..:..................19,339 5 6
Mai 6. Pour idem, dits..............60,096 13 »
16. Pour idem. Engelback
et C°.........................30,000 » »
20. Pour idem sur divers.. 19,422 3 » 31. Pour intérêts du premier mai au 31 décembre, de p. 67,000. font 72 3 1/2 0/0.
1,405 10
Pour 1,000, du 31 mai
au 31 déc., 7m. 31/20/0. 1,041 4 2,506 14 »
121,365 3 6
Sauf erreur et omission. Hambourg, ce 21 décembre 1791,
Signé : G. CLAMER le jeune et C?.
LXVII. (A. n° 30.) Rapport Valazé page 213 ci-dessus.
Paris. — M. de Septeuil.
Hambourg,
Monsieur,
En réponse à l'honneur de la vôtre, du 23 décembre, nous avons celui de vous remettre ci-ioint l'extrait de votre compte courant, suivant lequel il vous revient D. p. 121,365 1. 3 s. 6. d., dont nous vous créditons à compte nouveau.
Nous voulons bien croire que d'autres vous donnent 4 0/0, f'ela peut convenir à leurs propres! engagements, dont nous n'avons, grâce à Dieu, pas besoin.
L'escompte a été toute cette année de 2 1/2 à 3 0/0; seulement les derniers quinze jours, il s'est relevé, comme d'ordinaire, à la clôture de notre banque; si cela continue dans cette année, vous pouvez sûrement compter que nous vous passerons avec plaisir 4 0/0. Vous nous rendez justice en attendant un de notre équité.
Suivant nous, ce serait à présent trop tard à spéculer sur vos denrées coloniales, ne fût-ce qu'à Dieu ne plaise, que toute la colonie Saint-Domingue fût détériorée. On a poussé ici les sucres et cafés encore plus haut qu'en France, et celui qui, suivant les dernières hautes cotes de Bordeaux, du café revient ici à 9 1 /2 tout au plus, se paye aujourd'hui, avec grandes recherches, 10 1/2 ; il en est de même des sucres, dont, en effet, la provision est très petite.
Mais comme vous êtes à même d'apprendre les événements de conséquence plutôt que nombre d'autres, et si vous croyez valoir la peine de nous expédier tout de suite un courrier ; nous agirons en conséquence malgré les prix énormes où l'on a poussé les denrées.
Nous avons l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
Signé : Guillaume Glamer, jeune.
LXVIII. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Nantes, le
Facture de 44 bouccauds et 191 tierçons de café Saint-Domingue, bon ordinaire, achetés à Nantes par nous Dubois-Violette et Moller, d'ordre de M. Louis Herman Rocck, d'Hambourg, actuellement à Paris, et chargés sous la marque en marge, pour son compte et risque, sur le navire l Alexandre, de Romoë, en Holstien, capitaine Sven Christ. Bundes, destiné pour Hambourg.
Savoir :
44 bouccauds et 191 tierçons, cafés, ' pesant ensemble
Ort. 115,926 1. tare. 15,327 1.
16,333 trait 1,006
99,593 net. à 44 1/2 la liv.
221,594 6 »
Frais.
Portefaix, réception chargement........... 232 1. »
Charrois au magasin et traînage à la gabarre. 116 » '
Tonnelier, pour raba-
tage...........:......47â 16 s.»
Gabarage à PaimbœUf 4
et arimage............ 220 8 »
Cour tage d'achat
1/4 0/0............... 553 19 9
Timbre et courtage de change,2 liv. 00/00... 455 5 9
~ 2,053 9 6 223,647 18 »
Commission 2 0/0.......... 4,472 19 »
Sauf erreur.......... 228,120 17 »
Signé : Dubois-Violette et Moller.
LXIX. (À. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 , ci-dessus.
aperçu.
Article 1er.
La banque impériale prend des fonds et paye
4 1/2 0/0 par an, et paye l'intérêt d'avance ; l'on vous donne une reconnaissance pour vos fonds sur papier timbré, et signée par tous les membres de la banque. Si l'on veut l'on peut rester ignoré, car l'on ne vous demande pas qui vous êtes, m votre nom; alors votre titre est au porteur; mais l'on ne reçoit pas au-dessous de 1000 R-, et l'on peut se faire rembourser quand l'on veut.
Art. 2.
Le lombard ou les enfants trouvés ; c'est une compagnie particulière qui a 5 à 6 millions de roubles à faire valoir, et malgré cela il est soutenu par le gouvernement,. ce qui rend la chose encore plus solide. Il prend des fonds depuis 100 roubles jusqu'à 500,000, et donne
5 0/0 d'intérêt par an; mais vous vous êtes obligés d'annoncer six mois d'avance, lorsque vous voulez reprendre vos fonds, et si c'est une petite somme trois mois seulement. L'on vous donne aussi un écrit comme ci-dessus dans les mêmes formes ; mais dans cette banque vous êtes le maître de faire porter la somme à ordre ou à votre nom.
Art. 3.
Pour le cabinet il he prend point d'argent, mais donne des obligations àux personnes qui fournissent des mnds., et comme ce sont des bijoutiers et des négociants, qui voudraient mieux, pour leur commerce, avoir l'argent, ils les vendent sur la place. Ces obligations sont faites telles que le cabinet s'engage à payer le capital dans quatre années, en comptant du du 1er janvier 1791, et que, dans le courant de ce terme, il sera payé au propriétaire de ladite obligation un demi pour cent chaque mois ; et pour la facilité de ceux qui en ont, ils peuvent les négocier à qui bon leur semblera, mais que chaque fois que ladite obligation sera donnée dans d'autres mains, on avertît le cabinet, pour qu'il connaisse son débiteur, et que la personne soit enregistrée dans le livre, et qu'elle signe sur l'obligation (qu'elle prie le cabinet de payer à tel personne le capital et les intérêts). C'est l'avantage du propriétaire, car si par malheur il la perdait ou qu'on la lui vole, ou qu'elle soit brûlée, il ne perd rien.
Mais le cabinet s'est gardé le droit qui est spécifié dans l'obligation, que s'il se trouvait en fonds avant le temps marqué, et qu'il veuille payer, les personnes seraient obligées de recevoir
leurs capitaux, et de rendre les obligations.
On n'oblige pas de venir tous les mois pour recevoir les intérêts ; c'est autant que l'on veut, car chaque fois il faut apporter les obligations, et on marque dessus les mois qui sont payés. Il faut observer qu'il est possible de se procurer lesdits effets à six et à sept pour cent'au-dessous de la valeur. Mais pour cela, il faut profiter des moments favorables, qui sont l'époque que le change sur Amsterdam et Londres devient favorable; alors pour se procurer des fonds, l'on subit cette petite perte, que le vendeur retrouve sur le change, et l'acheteur en profite. Ces acquisitions se trouvant très fréquentes, pour cela il faut donner la commission a un banquier surla place, pour qu'il puisse soigner vos intérêts,
Il y a des obligations depuis mille jusqu'à vingt-cinq mille roubles.
Voilà, Monsieur, les éclaircissements les plus clairs et les plus positifs que je .puisse vous donner à ce sujet ; je désire que cela puisse vous convenir; et si dans cette affaire je puis vous être de quelque utilité, vous pouvez disposer de votre très humble serviteur.
LXX (A n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Translation d'une quittance de la banque, n° 73.
La banque impériule d'emprunt a reçu, l'an mil sept-cent quatre-vingt-douze, le douzième du mois de janvier, suivant l'ordonnance de la
_____________ , jusqu'à 1 époque qu
réclamer avec les intérêts.
Ce capital a été enregistré dans le livre de la première expédition de la banque, sous le n° 109 ; eL pour certifier ceci, ce billet a été remis, à la présentation duquel' la banque paiera tout le capital mis en dépôt, avec ses intérêts. Conseiller et chevalier Hja^
Chatow, ancien directeur, Jwan-Sacharew, directeur, Alexey Sayzowe, directeur, Peter Wesenisow.
(Sur ce billet se trouve le cachet de la banque impériale d'emprunt.)
L. S.
Teneur de livres, André Grenlew, caissier, André Kelberg.
LXXI. (A. n° 30.) Rapport Valaxé, page 213 ci-dessus.
Messieurs, G. J. F., et J. Dubois, à Londres.! ^ Saint-Pétersbourg, le 28 novembre 9 décembre 1791.
Messieurs, nous avons eu l'honneur de recevoir les chères vôtres du 4 février et 11 du courant : la première nous annonce le reçu de notre remise, et que vous en ayez soldé notre compte. Comme nos productions furent à vil prix chez vous l'année dernière, nous ne nous sommes pas attendus à une hausse si subite, qui a cependant eu beaucoup d'influence sur notre - place ; en sorte que le chanvre à déjà monté à 181/2 R°. Tout l'argent, 19 1/2 r°, avec 3 r° d'avance. Les premiers achats à contrat ce sont faits à 17 1/4 à 1/2 r° tout l'argent, rebut se paye 18 r° et demi net 17 r°, avec 3 r° d'avance. Le lin, au contraire, est peu demandé, et nous présumons que le prix n'ira pas au delà de 30 r°, quoiqu'on
en demande 35 r°, avec tout l'argent d'avance; le suif a été déjà poussé à des prix exorbitants ; suif à chandelle blanc, se paye 44 r°, et jaune 45 r° ; suif à savon 42 r° ; tout l'argent d'avance, et à ces prix même, il ne se trouve pas de vendeurs ; il faut donc s'attendre à des prix plus hauts encore. De grandes parties de fer neuf eoble se ront déjà achetées de 140 à 145 cop., une sorte inférieure, à 135 cop. ; tout l'argent d'avance. Nous sommes d'opinion que cet article ne sera point sujet à une grande hausse, et s'il ne viendrait pas, de votre place, des ordres de conséquence; on le procurera peut-être l'été prochain au marché, au même prix. Dans nos autres productions, il ne se fait rien encore, vu que les renforts nous en manquent, et que les propriétaires ne sont pas encore arrivés. Nous serions charmés, Messieurs, si vous vouliez nous faire passer vos ordres pour l'achat de l'une ou de l'autre de nos productions ; soyez assurés que nous sommes aussi bien en état d'exécuter vos commissions, et de soigner vos intérêts, qu'une autre maison quelle qu'elle soit; nous prendrions volontiers un intérêt dans quelque entreprise dont nous pourrions nous permettre quelque avantage ; mais la grande variation de notre cours de change ne nous le promettra guère, surtout pour le moment ou nous devons, après la paix rétablie, nous attendre que notre change prendra faveur peu à peu, et il se pourrait bien que d'après le calcul d'un petit bénéfice, nous serions exposés, parla hausse du change, à une perte considérable, après la vente et l'entrée de l'argent.
Nous avons pris note de votre ordre pour des traites sur vous, de r°. 120,000 livres à 29 ou 291 /4 ; mais nous sommes bien fâchés, Messieurs, que votre ordre ne nous soit pas parvenu quelques courriers plutôt, parce que depuis les changes à Amsterdam et Hambourg, sur votre place, ont tombé ; le change de votre place sur Londres a pris faveur depuis quelques courriers ; et bien même, en considérant celui d'Hollande, vu qu'il est ce jour à 3 florins, et qu'au contraire il n est sur Amsterdam, que 28 1/4; mais nous présumons qu'il ne sera pas de longue durée, et que, peut-être, le change reculera sous peu ; nous fournirons donc, sur votre maison, les r° 120,000, ordonnées, aussitôt qu'il sera possible d'atteindre vos limites, et les placerons dans la Banque impériale ; nous les ferons mettre sur le nom de M. de Septeuil à Paris, et vous en remettrons le reçu de la Banque. Les intérêts que paye la Banque sont 4 1/20/0. Nous le trouvons mieux de faire le dépôt en petites sommes de 15 m. r°, vu que celles-ci sont payées d'abord au renoncement, quand, au contraire, en plus grandes sommes, il faudra attendre8 à 14 jours; avant on peut toucher l'argent. Nous devons vous dire encore, pour votre gouverne, que dans ces reçusde la banque seront envoyés pour soigner la rentrée, ils doivent être endossés, et cette signature doit être vérifiée par le consul russien y résidant au défaut d'un tel, par un notaire, que la signature soit de la main propre du propriétaire. Pour notre provision, nous ne vous porterons que demi pour cent, et nous croyons que cela vous témoignera combien nous souhaitons d'entrer avec vous en liaison de plus en plus, et comme nous serions charmés de mériter votre entière confiance. Ils se sont tirés des sommes considérables depuis quelque temps, avec la perspective d'un meilleur change, et ces sommes ont été placées, en partie, enmarchan-
dises et mises en dépôt dans la banque pour en attendre un change favorable.
Nous sommes, etc.
Signé : MEESE et Cie.
LXXII. (n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Translat de trois quittances de la Banque, n05 7,229, 7,230 et 7,231, qui sont d'une même teneur mot à mot; savoir :
La Banque impériale d'emprunt a reçu l'an mil sept cent quatre-vingt-onze, le vingt-deuxième du mois de décembre, suivant l'ordonnance de la Banque, du négociant étranger Guillaume Bang, le capital appartenant à M. de Septeuil, demeurant à Paris, de dix mille roubles — 10,000 r° en assignations de la Banque, pour remettre ce capital, en y ajoutant les intérêts à venir au sieur de Septeuil ou à celui auquel il aura endossé ce billet. Ce capital se trouve enregistré dans le livre de la première expédition de la Banque, sous le n° 2,723. Pour certifier ceci, ce billet a été donné, à la présentation duquel la Banque payera le capital en entier avec les intérêts.
Conseillers du collège, Michael Dobrowolski, ancien directeur; Iwan Sacharew, directeur, Alexey Sayzow.
Cachet de la Banque impériale d'emprunt L. S.
Teneur de livres, Andrey Grenlelf. Caissier, Andrey Kelberg.
Les deux autres billets, sous les nos 7,230 et 7,231, en marge, ainsi que sous le n° 2,723, enregistrés dans le livre, se trouvent mot à mot comme ci-dessus, et également signés des mêmes juges.
LXXIII (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
Hambourg, le
Monsieur,
Gomme voici l'époque où nous soldons tous nos comptes, nous avons l'honneur de vous remettre, ci-joint, les notes des intérêts de vos fonds chez nous, en deux parties, l'une du compte B, montant à........... 427 1. 14 s.
Et l'autre à................. 3,411 13
245
Desquels objets nous déduisons, une fois pour toutes, notre commission sur toute la somme que vous nous avez fait passer, et vous remettons inclus :
8,504 1. 16 s. ) à 2 usances, sur Grefulhe-1,021 16 ) Monts et Cie.
9,526 12 Ensemble, ce qui balance au change de 16 3/4.
Ces deux objets, conformément aux susdites notes, que nous vous prions de coucher d'accord, et soigner le requis de nos remises. Nous consentons de garder encore vos fonds par devers nous, aux mêmes conditions; mais nous vous prions, lorsque vous en disposerez par traites, de vouloir bien le faire à trois usances, ou si vous préférez des remises, vous aurez la bonté de nous en avertir deux ou trois mois à l'avance.
Nous l'avons l'honneur d'être, etc.
Signé : Poppe.
Note des intérêts à 4 0/0 par an, de 21,374 1.11 s. du 30 juin au 30 décembre, pour 6 mois C. B..............B. p....... 427 1. 14 s.
A déduire notre commission sur B. p. 21,3941.11 s. à 1/3 p. c. 71 5
Restent B. m....:.... 356 9 Faisant à 16 3/4.......... 1,021 1. 16 s.
De B. m. 112,157 1. 3 s. du 30 avril au 30 décembre, pour
huit mois........,............ 2,990 14
De......... 21,048 1. 3 s. du
30 juin au d° pour 6 mois..... 420 15
B. m.............. 3,411 13
A déduire notre commission sur B. m. pour 133,205 1. 6 s. à 1/2 p. c....................
Restent........ 2,967 13
Faisant à 16 3/4...........8,504 1. Ils.
LXXIV. (A. n° 30.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus. DOIVENT MM. G. J. F. et J. Dubois, leur compte courant. AVOIR
23 décembre 1791
13 janvier 1792. 5 mars 1192.
23 avril 1192.
Remises en trois quittances de banque, sous n0» 7229, 7230,
7231.........................
Idem., en une quittance, n° 73. Idem. , en deux quittances,
n°» 1002, 1003................
Idem., en D°, n® 2182.........
Provision de H. 62,124 37, à
1 1/2 p. C....... 11. 310 62
Courtagede change,
à 1/4 p. c....... 155 31
Ports de lettres et petits frais...... 74 28
Saint-Pétersbourg, le 23 avril 1792.
19 décembre 1791
23 décembre 1791 27 février 1792. 2 mars' 1792. 23 avril 1792.
Nos traites sur votre
maison...........
Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Idem. Agio de R. 61, 584, 16 c., à d p. c.
Sauf erreur ou omissions. Signé en l'original.
R.
31,897 23 5,000 » 20,371 97 3,855 17
615 48
63,740 21
LXXV (A. n° 46, indiqué au rapport par erreur, sous le n° 36.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
J'ai reçu de»M. de Septeuil quatre cent quatre-vingt mille quatre cent soixante-trois livres sur mes fonds particuliers, le 1er avril 1792.
Signé : louis.
J'ai reçu idem, trois cent soixante-dix-sept mille vingt-deux livres seize sols, 16 juin 1792.
Signé : louis.
J'ai reçu idem, deux lettres de change, une de cent mille livres sterlings, l'autre ae cent livres sterlings, le 27 juillet 1792.
Signé : Louis.
J'ai reçu idem, sur les fonds particuliers, six cent quatre-vingt mille livres, le 15 août 1792.
Signé : louis.
Idem, trois cent mille livres le même jour.
Signé : louis.
LXXVI. (A. n°4 6, indiqué au rapport, par erreur, sous le n° 36.) Rapport Valazé, page 213 ci-dessus.
M. de Septeuil m'a remis les deux cent mille quatre cents livres que je lui avais confiées en or, et dont j'ai les reconnaissances, qui deviennent nulles.
Paris, le 17 juin 1791.
Signé : Louis.
(A. n° 2.) Rapport Valazé, page 21'3 ci-dessus. Voyez ci-dessus la dix-huitième pièce.
(A. n° 1.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Voyez ci-dessus les quatorzième et quinzième pièces.
LXXVII. (Carton 18. S. p. 29.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris. -
Cejourd'hui 13 juillet mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, onze heures de relevée, sont comparus au département de police, MM. Truchon; Epellet, Dusaus-soy etCrespin, commissaires, députés de la section des Gravilliers, pour nous déclarer, en vertu des pouvoirs dont ils sont porteurs, et que nous annexons au présent, que la section a de vives inquiétudes sur l'Arsenal, que les malveillants se proposent d'attaquer sur les dépôts d'armes, de munitions de guerre et d'habits nationaux, qui sont déposés au château des Tuileries, dans les bâtiments de l'Ecole militaire, à Meudon, aux Invalides, et au palais Bourbon, et que les vêtements sont destinés à des ennemis du bien public, qui sont préposés pour semer le trouble et le désordre parmi les citoyens, à la Fédération ; de quoi, après lecture à eux faite, ont demandé acte, et ont dit contenir vérité, et ont signé.
Signé : Truchon, Epellet, Dusaussoy et Crespin.
SECTION DES GRAVILLIERS.
Assemblée générale du
L'assemblée générale de la section a nommé MM. Truchon, Epellet, Dusaussoy, Crespin, pour ses commissaires, qu'elle a invités à se rendre au département de la police, pour lui faire part des inquiétudes de la section sur l'Arsenal et les bâtiments de l'Ecole militaire.
Fait en Assemblée générale les jour et an que dessus.
Signé à l'original.
LXXVIII. (Carton 18. S. p. 20.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Cejourd'hui cinq juillet mil sept cent quatre-vint-douze, l'an quatrième de la liberté, onze heures et demie du matin, est comparu, au département de police, dame Marie-Anne Gilin, demeurant rue des Lyonnais, n° 16, faubourg Saint-Marcel, laquelle nous a civiquement et volontairement déclaré que la dame Gochy, femme du perruquier, demeurant rue des Charbonniers, lui a répété qu'un soldat d'un des régiments qui sont à Paris a dit, dans leur boutique, que la majeure partie de ses camarades était gagnée ; qu'ils avaient reçu de l'argent et qu'ils ont été commandés hier au soir pour se rendre ce matin, à quatre heures, au château des Tuileries ; que le projet est de tomber, une des nuits prochaines, à main armée, sur l'Assemblée nationale pour la dissoudre : lecture à elle faite, a dit contenir vérité et a signé.
Signé : (à Voriginal.) .
LXXIX. (Carton 18. S. p. 47.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Cejourd'hui vingt-huit juillet, l'an milseptcent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, nuit heures de relevée, est comparu, au département de police, M. Julien Tissier, citoyen, demeurant rue Geoffroy-l'Asnier, n° 4, assisté de MM. Nicolas-Théodore Thierry, citoyen, demeurant rue des Quatre-Fils, n° 8; François-Marie-Joseph David, citoyen, demeurant rue des Fourreurs, chez le limonadier ; Denis Parmentiér, citoyen, demeurant rue Saint-Méry, n° 29 : lequel nous a civiquement et volontairement déclaré qu'un particulier dont il ne se rappelle pas du nom, mais qu'il promet de nous indiquer au premier jour, lui a dit hier, sur les cinq heures du soir, qu'il était bien fâcheux que les Sans-Culottes des faubourgs n'aient pas marché ; qu'on avait de la mitraille et qu'on était bien disposé à les fusiller ; qu'ensuite il lui fit la proposition de faire comme lui, d'aller chercher un armement complet et un uniforme aux Petits-Pères; que lui déclarant, ayant observé à ce particulier qu'il n'était point de cette section, il lui répondit que cela n'y faisait rien; qu'il n'en était pas non plus, puisqu'il restait dans la vieille rue du Temple ; qu'ils étaient sept à huit cents bons royalistes pour se porter au château en cas de besoin. De quoi, après avoir entendu
lecture, a dit contenir vérité et a signé avec lesdits assistants qui, ayant entendu répéter cette conversation au Palais-Royal par le déclarant, l'ont engagé à nous en faire part.
Signé : Tissier, Thierry, avec paraphe, David, avec paraphe, Parmentier et Perron.
LXXX (Carton 18. S.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, le vingt-deux juin, dix heures et demie du matin, sont volontairement comparus au département de police, sieur Philippe Gautier, citoyen, demeurant cour de la ci-devant abbaye Saint-Germain, et sieur Jean Niquille, demeurant rue du Sépulcre, n° 19 : lesquels, par suite de leur surveillance et recherches, nous ont rapporté qu'on leur a assuré qu'après la journée du mercredi, vers les neuf heures du soir, et après que le peuple fut retiré, on a envoyé chercher le commissaire Prestat, et Mingo, officier de paix, qui sont restés cjhez le rpi environ une heure et demie ; qu'ils y ont dressé procès-verbal, qui porte, en substance, que le peuple a enfoncé la première porte des appartements du roi avec une hache et en a forcé plusieurs autres ; qu'après s'être fait un passage partout, il a cassé les vitres et qu'il s'y est porté à tous les excès possibles, jusqu'à présenter au roi deux mauvaises culottes, dont l'une était pleine d'ordure ; qu'enfin le peuple s'est transporté chez la reine, dans le dessein, à ce que l'on présume, d'y enlever des papiers ; qu'il s'était trompé de porte, et qu'au lieu d'entrer chez la reine il était entré chez le prince royal, où il avait tout cassé; que dix-sept ou dix-huit témoins prétendus de ces faits ont signé le procès-verbal que l'on a dressé dans l'intention ae perdre M. le maire et MM. les officiers municipaux. Que les sieurs Augé, Dorival et Dosson-ville, officiers de paix, n'ont pas quitté le château hier et avant-hier ; que le sieur Dorival est resté chez M. Duparc depuis deux heures après midi jusqu'à trois dans la journée d'hier ; que ce sieur Duparc doit avoir tenu les propos les plus atroces et les plus injurieux contre MM. le maire, Sergent, Panis et plusieurs autres officiers municipaux ; qu'avant-nier ils ont vu que le sieur Dervilly, commandant de la ci-devant garde du roi, n'a pas quitté l'intérieur des appartements du château, et qu'hier il est resté chez la reine depuis huit heures du matin jusqu'à deux heures de l'après-midi; que beaucoup de voitures sont entrées dans la cour des Princes, et que toutes allaient du côté de l'escalier de la reine, à l'exception d'une dizaine, qui étaient du côté de l'escalier du roi ; qu'ils ont vu que le roi ne s'est habillé hier que vers midi, et qu'il était pendant ce temps à parler avec deux chevaliers de Saint-Louis qu'ils ne connaissent pas ; que les portes des appartements de M. Brissac ont été ouvertes toute la journée, mais que le valet de chambre ne voulait pas laisser entrer ses propres connaissances ; qu'ils ont vu, depuis 11 heures jusqu'à midi, entrer dans le château plusieurs pelotons de gardes nationales, depuis quatre jusqu'à dix hommes en armes; qu'ils allaient déposer leurs armes dans l'intérieur du château et allaient ensuite se promener ; qu'ils sont certains que le sieur Desroches, ci-devant préposé de la police, n'a presque point quitté nier
le château ; qu'ils ont parlé sur la place du Carrousel à plusieurs ci-devant gardes françaises, qui leur ont dit qu'ils attendaient les faubourgs pour leur donner main-forte, si le cas l'exigeait ; que le cent deuxième régiment s'est formé en bataille dans le jardin des Tuileries; que le colonel de ce régiment y est arrivé à cheval, suivi d'un domestique, vers les 11 heures du matin ; qu'il a fait mettre ses chevaux dans les écuries du roi ; qu'il est ensuite monté au château et qu'ils ne l'ont point vu sortir; qu'aujourd'hui, plusieurs sections de faubourgs doivent s'assembler pour prendre des arrêtés vigoureux sur ce qui est arrivé hier à MM. le maire et Sergent, et qu'on se propose de les envoyer dans toutes les autres sections et de les afficher; ajoutent qu'hier matin les grenadiers de Saint-Roch disaient hautement, dans la grande cour du château, qu'ils enviaient l'honneur de hacher M. Santerre, morceau par morceau. De tout ce que dessus, après avoir entendu lecture, ont dit contenir, vérité, y ont persisté et ont signé.
Signé : Niquille et Gautier.
LXXXI. (Carton 18. S. pièce 2.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, le vingt-trois juin, dix heures du matin, sont comparus devant nous sieur Jean Niquille, citoyen, demeurant rue du Sépulcre, n° 19, et sieur Philippe Gautier, citoyen, demeurant cour de la ci-devant abbaye Sam t-Germain : lesquels nous ont volontairement, et par suite de leur surveillance, rapporté
Su'hier la reine a passé en revue le cent euxième régiment dans le jardin des Tuileries; qu'on lui a présenté les armes) mais qu'on avait fait défense de battre aux champs; qu'elle était accompagnée de plusieurs chevaliers de Saint-Louis et autres particuliers sans décoration, et qui répétaient à l'enyi les.cris de: Vive la reine! cris qui se faisaient entendre jusque dans l'escalier de la reine ; qu'il n'y a que les officiers qui ont crié : Vive la reine / que les soldats ont resté muets, ainsi que les gardes nationaux qui étaient de service et qui regardaient ces cris de mauvais œil ; qu'ils savent que le roi a proclamé hier dans ses appartements trois gardes nationaux, capitaines dans les troupes de ligne ; que ces trois gardes nationaux sont du bataillon ae Bonne-Nouvelle, compagnie de Vergennes ; que le roi a recommande particulièrement à 1 ordre la personne du sieur Dervilly, commandant de sa ci-devant cavalerie ; que tous les officiers de sa ci-devant maison militaire étaient aux Tuileries, soit dans les appartements, soit dans les cours; que les sieurs Champion et Alphonse ont été deux heures dans les Tuileries ; qu'ils ont fait le tour du jardin, des cours et des appartements, quoiqu'ils n'avaient point de cartes ; qu'ils sont entrés par la porte près l'hôtel de Brionne, et sortis par la porte des Feuillants ; que les sieurs de la Roche, Bachelu et le Prince formaient une autre bande ; qu'ils n'ont point quitté le jardin, les cours ni les appartements de toute l'après-midi; que les sieurs Galliso et Auger, officiers de paix, formaient une troisième bande; que Durocher, Dossonville et Dorival, officiers de paix, formaient une quatrième bande ; que lorsque la
reine a passé le cent deuxième régiment en revue, toutes ces bandes se sont réunies devant elle, en applaudissant et criant : Vive la reine ! que tous ces préposés et officiers de paix, après que la reine fut rentrée, se sont réunis et ont fait un rapport que le sieur Dorival a dressé, et qui a été porté par lui chez le sieur Delaporte, intendant de la liste civile, chez lequel il est resté depuis les neuf heures jusqu'à environ dix heures du soir ; qu'immédiatement après, le ministre est sorti en voiture et a donné lui-même l'ordre à l'oreille de son cocher ; que ses domestiques disaient hautement, après le départ de M. La-porte : « Voilà notre maître qui va à la mairie » ; que les commandants de l'état-major ont fait istribuer aux gardes nationaux de service chez la reine une quantité de cartouches ; que le nomme Roger, sapeur bien connu dans la garde nationale, a été arrêté et conduit au corps de garde des chefs de légion, où tous les préposés et officiers de paix ci-dessus énoncés ont déclaré qu'il était l'homme de M. le maire ; qu'il a été ensuite conduit au bureau central; que les gens du roi font courir le bruit que, dans la nombreuse députation des faubourgs, ils ont reconnu les gens de M. d'Orléans, déguisés et portant des moustaches ; que ces mêmes gens du roi disaient que M. d'Orléans porterait bientôt la hotte ; que M. le maire avait été à Versailles mercredi dernier dans la matinée et qu'il était monté au château lorsqu'il en arrivait ; qu'il a été très mal reçu par le roi, et que Madame Elisabeth lui avait tenu des propos fort durs ; qu'ils ont appris, par d'autres personnes du château et par un canonnier, que les canonniers n'ont point voulu charger leurs canons, malgré l'ordre qui leur en avait été donné ; que l'on disait hautement hier au faubourg Saint-Antoine, lors de la proclamation de la municipalité, que l'on voyait bien que le projet était ae les détruire, mais que rien au monde ne les empêcherait de retourner aux Tuileries armés, et que cela serait même avant peu; que l'opinion publique, à la place du Carrousel et partout ou ils ont été, était unanime, et que grand nombre de gardes nationaux disaient qu'ils ne feraient jamais feu sur leurs concitoyens ; que dans le château des Tuileries, ils ont vu plusieurs carrés de papiers imprimés portant ces mots : Le parjure impuni, honte des lois nouvelles, encourage les traîtres et soutient les rebelles ; qu'ils étaient affichés ; qu'ils en ont arraché un qu'ils nous ont représenté et que nous joignons au présent rapport. De tout ce que dessus, après en avoir entendu lecture, ont dit contenir vérité, y ont persisté et ont signé.
Signé : Gautier, sans paraphe; et NlQUlLLE, avec paraphe.
LXXXII (Carton 18. S. Pièce 3.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, heure de midi, le vingt-deux juin, est comparu devant nous, administrateurs au département de police, soussignés, le sieur Joseph-Bernard Hofnngen, dit d'Anvers, tailleur, demeurant chez M. Saudrin, menuisier, foire Saint-Germain : lequel nous a déclaré qu'il a prêté son carreau à M. Labbé, dit de Bordeaux, demeurant rue du Four, au-dessus de la Vierge
noire, et qu'il a connaissance que ledit sieur Labbé fait six cents liabits bleus, doublés de blanc, et dont il nous a déposé un échantillon, taillé dans la forme d'une fleur de lis ; qu'un sieur Bery, premier garçon du sieur Duprelle, marchand tailleur, quai de la Vallée, et demeurant au Roi-de-France, rue des Bons-Enfants, lui a déclaré que chez ledit sieur Duprelle, il s'en fabrique aussi de jaunes, dont il n'a pu nous représenter l'échantillon, et de noirs doublés de blanc, dont il nous a représenté un morceau de drap noir, servant d'échantillon ; ajoutant qu'on lui a dit qu'il s'en fabrique en tout dix mille, tant bleus, jaunes et noirs, que gris; et qu'on assure que c'est pour la levée d'une légion hollandaise ; qu'ignorant si cette levée de forces est connue de l'Assemblée nationale et si elle est destinée à de bons desseins, il a cru devoir nous faire la présente déclaration, dans laquelle, après en avoir entendu, lecture, il a persisté et a signé avec nous.
« Signé : J. Hoffingen et Perron. »
Le sieur Labbé, garçon tailleur, demeurant rue du Four, dans l'allée du marchand de vin, n° 130, au premier sur le derrière, fait des uni-fornies bleus, doublés de blanc.
Dupont, aussi garçon tailleur, demeurant chez M. Villain, rue des Boucheries, maison de M. Cos-tard, fait des uniformes noirs.
LXXXIIl. (Carton S. 18. P. 8.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté* le vingt-deux juin, dix heures du matin, est comparu volontairement au département de police, sieur Louis-Georges Partoy, citoyen demeurant rue Poissonnière, n° 168; lequel nous a rapporté qu'une dame appelée Dubois, demeurant rue du Petit-Carreau, maison du Cordier, lui a dit que M. le marquis de Bouillé était à Paris, et qu'elle a fait sa connaissance depuis cinq jours au palais Bourbon, et qu'il lui avait remis vingt livres pour aller au spectacle d'Au-dinot, en lui disant qu'il irait la rejoindre. De tout ce que dessus, après avoir entendu la lecture, a dit contenir vérité, y a persisté et a signé, en ajoutant que ledit Bouillé avait été hier matin chez le roi, et en défendant à lui déclarant, de n'en pas parler, dans la crainte d'être assassiné.
« Signé : Partoy, avec paraphe. »
LXXXIV. (Carton 18. S. P. 13.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, le vingt-six juin, quatre heures et demie de relevée, est comparu devant nous au département de police, siéur Louis Surel, garçon tailleur, demeurant rue des Prouvairés, n° 4 ; lequel nous a volontairement déclaré, qu'à la sollicitation de sieur Henri Laifon, marchand tailleur, rue des Vieilles-Etuves, chez le perruquier, il l'a quitté pour aller demander de l'ouvrage chez le sieur Prelle, marchand tailleur,
quai de la Vallée, n° 35, où on lui a dit qu'il se misait des uniformes noirs, revers bleu de ciel, et passe-poil blanc; qu'y ayant été effectivement travailler ce matin, il y a trouvé environ vingt-quatre ouvriers qui travaillaient à ces habits, et qu'on l'a occupé, lui déclarant, à faire un uniforme vert, doublure de même, revers, col et parements noirs, la veste et un pantalon de la même couleur que l'habit; que ces objets lui paraissant suspects, il a cru devoir, comme bon citoyen, nous en faire le rapport. De quoi, après en avoir entendu lecture, a dit contenir vérité, et a signé avec le sieur Laffon, ci-dessus désigné.
Signé à l'original.
LXXXV. (Carton 18. S. P. 16.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Rapport de Niquille et Gautier, du 3 juillet 1792.
On nous a assuré que le sieur de Jean rend compte au château des Tuileries de tout ce qui s'est passé à la mairie de son temps, et de tout ce qu'il peut savoir encore s'y passer relativement àM. le maire, MM. Panis et Sergent. On est toujours très surveillant au château, et il y a toujours de grands préparatifs; le magasin à poudre est rempli; 400 hommes des Gardes-Suisses sont toujours consignés à l'hôtel de Brionne; plusieurs officiers de la ci-devant garde du roi y font leur service, et y couchent régulièrement. On dit également que l'on est sûr des divisions intestines de l'intérieur du royaume ; que Valenciennes, Lille et autres villes, sont vendues; on y dit encore que les chefs du corps du Génie sont à eux, et on y remarque l'irruption des ennemis comme certaine et immanquable vers le 20 de juillet; et que tout est si bien combiné, qu'il est impossible que leur projet ne réussisse pas. Les aristocrates y disent encore que l'on les sert infiniment, en cherchant à supprimer l'habit de garde national ; ils disent aussi que les Belges qui ont arboré la cocarde tricolore, ont été passés au fil del'épée; que l'on sait bien que M. ae Lucknerne trahira pas, mais que l'on s'em-barasse fort peu de lui. On y dit encore que l'on est instruit de tout ce qui se passe chez M. Manuel. On a donné à entendre qu'un nommé Ro-chet, sapeur, est pour quelque chose dans cette affaire. On nous a assuré que les princes, et même les couronnes étrangères, étaient fort mécontentes de la reine; on lui attribue la cause de tous les maux, et que de part et d'autre elle courait les plus grands dangers. On doit encore rechanger les cartes d'enirée au château : ce sera M. Delaporte qui les donnera, et non M. Du-parc. Le roi a été fort mécontent, dimanche, de voir tant de monde, et a dit avec humeur, qu'il n'avait pas demandé tant de monde. On nous a assuré que M. Roederer ferait saisir les registres du club électoral.
Un M. Montmorin, ci-devant colonel du régiment de Flandre, a, la nuit, de fréquentes relations avec Madame Elizabeth, MmedeLamballe et plusieurs femmes de la reine : sa conduite nous sera plus connue sous peu. Lopinion publique, au lieu de diminuer, s'accroît chaque jour : il paraît que l'on n'est pas plus content du directoire du département, que de M. Lafayette, qui doit être reparti depuis deux jours, mais pour revenir sous peu, à ce que l'on nous a assuré.
Nous joignons une adresse de l'état-major aux
soldats citoyens du bataillon des Filles-Saint-Thomas.
« Signé à l'original.
LXXXVI. (Carton 18. S. n°22. p.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
En conséquence des ordres qui nous ont été donnés, nous nous sommes rendus à Versailles, avec toute la célérité qu'exigeait l'objet important de notre mission. Ce ne fut que fort tard, hier soir, que nous parvînmes à joindre le sieur Lhupé, fils d'un ancien postillon de la poste aux chevaux, connu sous le nom de la Jeunesse. Le fils n'est âgé que de 16 à 17 ans ; il ne voulut jamais nous suivre dans notre auberge, quelques instances que nous lui fîmes : ce qui nous obligea de parler devant ses parents, il nous protesta qu^L n'avait point porté de poudre nulle part, par^dre de son maître, qui l'avait maltraité, battu, et contraint de le quitter. Nos instances, nos promesses étant inutiles, nous nous retirâmes dans notre auberge, en disant que nous espérions que la famille au jeune homme l'engagerait à déclarer ce qu'il pouvait savoir, et à servir la patrie. Vers les sept heures du matin, sa mère est venue dans notre chambre, et nous a déclaré, en fondant en larmes, qu'elle craignait que son fils ne fût compromis et mis en prison. Nous l'avons rassurée, en lui rappelant que nous venions comme simples citoyens, recevoir le témoignage de son fils, et que l'administration de police aurait suivi une autre marche, si elle eût voulu l'inculper dans l'affaire. Bref, voici la déposition très importante du jeune homme. Il nous aurait tout avoué dès hier, sans la crainte dont il a été saisi. Il servait en qualité de domestique, le sieur Dianne, sous le nom de Charles ; et il Ta quitté le 20 juin dernier. Avant cette époque, l'adjudant de la garde du roi, supprimée, avait reçu un tonneau rempli de cartouches à balles, que de l'Ecole militaire il fit porter, par Charles, plein une malle, rue de Sor-bonne, dans une maison un peu enfoncée de l'alignement, à porte cochère, peinte en brun, et dont le portier est cordonnier. Cette provision meurtrière fut remise à la dameBernard, ancienne femme de chambre de la mère du sieur Dianne; cette femme, effrayée d'un tel envoi, consentit à le garder à peine un jour. Le sieur Dianne accourut alors, pour le faire transporter ailleurs ; mais sur les représentations qu'on lui fit du danger qu'il courait lui-même, il changea d'avis ; et aidé de son domestique, de la dame Bernard, de sa fille, de son gendre, il défit toutes les cartouches, fondit les balles : le plomb est resté rue de Sorbonne j pour la poudre, elle fut mise en un sac, déposee dans un fiacre, et portée rue Sainte-Anne, n° 101, où elle est peut-être encore.
Une grande quantité de cartouches à balles est déposée à l'hôtel de Brionne, dans la chambre qu y occupait le sieur Dianne.
Charles ignorait, dit-il, l'usage qu'on voulait faire de cette poudre et de ces balles.
Voilà tout ce que nous avons pu savoir : Charles déclarant qu'il ignore tous les faits ultérieurs qui pnt pu survenir après le 20juin dernier.
Ce jeune homme, dans son effroi, se proposait de s'enfuir; nous avons obtenu sa parole et celle de sa famille, qu'il attendrait trois jours, afin qu'on puisse se servir de son témoignage, s'il en était7besoin ; et nous avons promis qu'il lui serait accordé quelques petits secours, afin que
pour sa subsistance, il ne fût point à charge à ses parents, très pauvres, et forts honnêtes.
A Paris, ce 6 juillet, l'an IVe de la liberté.
Pour copié conforme à Voriginal, Signé : Nougaret, avec paraphe.
Il "nous a été rapporté que le sieur Lhupé fils a été domestique d un sieur Dianne, adjudant de la garde supprimée du roi; que penaant qu'il était à son service, il l'employait à conduire de la poudre à canon dans différents quartiers de Paris, laquelle, disait-il, devait servir à faire jouer la mine; que depuis que ce sieur Lhupé n'est plus à son service, que c'est une jeune fille, sa domestique, qui est chargée d'accompagner les poudres à leur destination, et que les dernières qui ont été transportées, l'ont été dans une malle : ce jeune homme reste maintenant à Versailles, chez son père, postillon à la poste aux chevaux, qui demeure sur la route de Paris, à l'entrée de Versailles.
Nous vous chargeons de vous rendre aujourd'hui à Versailles, d'v voir ce jeune homme, de le questionner pour savoir de lui combien de fois il a conduit de ces poudres, où il les a déposées, ce que l'on se propose d'en faire ; enfin vous ferez tout ce que la prudence vous dictera pour savoir de lui la vérité, et vous nous en ferez votre rapport. Ce 5 juillet 1792, l'an quatrième de la liberté.
Les administrateurs au département de la police de Paris.
LXXXVII. (Carton 18. S. P. 23.) Rapport Valaxé page 214 ci-dessus.
Monsieur,
Voici une note que le procureur de la commune vient de nous faire passer à l'instant.
« Du 24 juin dernier, un marnoi, chargé d'environ 296 bombes, 119 barils de biscayens, placés sous des sacs de blé; il est maintenant où était le Pont-rouge.
« Un autre marnoi, chargé de 46 barils de biscayens, placés sous de l'orge, et qui vont être déposés dans l'autre marnoi.
« Ces bateaux appartiennent à M. Taranne.
« On en annonce d'autres contenant aussi des munitions cachées ».
Nous vous chargeons de vous transporter à l'instant même où était le Pont-rouge, et de continuer votre surveillance jusqu'à ce que vous soyez certain que les faits rapportés ci-dessus existent ou n'existent pas, et de faire tout ce que votre prudence vous suggérera pour nous donner des renseignements.
D'après l'ordre ci-dessus j'ai vu au bas du port-au-blé trois bateaux chargés de boulets, bombes et barriques, sur lesquels il y avait des sacs de blé et orge. Après des questions sur cet objet, j'ai appris que ces trois bateaux sont consignés. Pour m'assurer s'il n'en existait point d'autres je me suis transporté dans Pile Saint-Louis, à l'endroit où portait ci-devant le bout du Pont-rouge, et j'ai remarqué deux grands bateaux, contenant aussi des boulets, bombes et barils.
Signé à Voriginal déposé à la commission.
LXXXVIIf. (Carton 18. S. P. 24.) Rapport Valaxé, page 214 ci-dessus.
Du 13 juillet 1792, l'an IVe de la liberté.
Lors de la pétition des fédérés à l'Assemblée nationale, quand ils ont prononcé le mot de
Yimpudent général, M. Dumas a dit tacitement à plusieurs de ses collègues : Sans le général ces fédérés ne seraient pas à la barre.
Un nouveau membre de l'assemblée a prêté hier le serment; les aristocrates disaient : Voilà un nouveau membre qui viendra sûrement s'asseoir de notre côte, car il n'a pas la figure jaco-bite : ils ne se sont pas trompés, car le membre en descendant de la tribune, est descendu du côté droit.
Nous avons hier surveillé la maison de M. Ra-mond depuis trois heures jusqu'à six; plusieurs voitures y ont conduit aux environs d'une douzaine ae personnes. Nous nous sommes assurés s'il y avait une porte de derrière, mais il n'y en a pas, à moins que l'on ne saute de jardin en jardin.
Il y a eu la nuit dernière un conciliabule, à ce que l'on nous a assuré, au palais de Bourbon, et l'on nous a assuré que les Bailly, Lafayette, et Clermont-Tonnerre y ont assisté. Un nommé Ersmèze, fripier, rue Saint-Honoré, au coin de la rue des Prouvaires, doit y avoir apporté aux environs de 1,200 habits uniformes, gris et rouges, et d'autres revers verts, avec un passe-poil blanc et une croix sur l'habit. On nous a assuré qu'il en avait encore d'autres chez lui.
On nous a également assuré que l'on avait fait une voûte qui doit communiquer des caves de la comédie au château jusqu'à l'hôtel de Brionne; la voûte est soutenue par des barres de fer, mais on dit qu'elle n'est pas encore achevée, car les ouvriers y travaillent encore.
La dame de Flandre, qui nous a remis l'autre jour une lettre de Lafayette à la reine et aujourd'hui une autre de la reine à sa sœur, duchesse du Brabant, nous a dit tenir ces copies de lettres d'une dame Rambur, attachée à la reine; mais nous croyons que la dame de Flandre doit être très scrupuleusement surveillée.
M. de Narbonne est toujours à Paris et M. Beaumetz a été hier publiquement à l'hôtel de Luynes; il était encore aune heure du matin chez la ci-devant comtesse de Laval, rue du Bac; mais on le croit parti dans la nuit.
On nous a assuré qu'il serait instant de faire visiter par de fortes patrouilles l'Ecole militaire, les souterrains, ainsi que Meudon, dans lesquels endroits il doit y avoir profusion d'hommes et de munitions de guerre.
Plusieurs gens attachés à la reine et à d'autres de la Cour sont ce matin en culottes de peau.
Nous avons dit, dans nos rapports précédents, qu'il fallait surveiller les carmes de la place Mau-nert; mais hier nous avons vu sortir l'ex-mi-nistre Latour-Dupin du couvent des carmes de la rue de Vaugirard ; il demeure rue Saint-André-des-Arts, près celle Contrescarpe, maison de M. Bourquinze, administrateur des fourrages, i qu'il n'est pas moins intéressant de surveiller, j vu qu'il est très lié avec les sieurs Bazin et toute | la clique de la reine.
Signé à Voriginal déposé à la commission.
\ LXXXIX. (Carton 18. S. P. 25.) Rapport Valaxé, ;page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Cejourd'hui douze juillet, l'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, onze heures du matin, est comparu, au département de police, M. Pierre Royer, limonadier,
demeurant au préau de la Foire-Saint-Germain, lequel nous a civiquement et volontairement déclaré qu'hier, vers les onze heures du matin, un citoyen et une citoyenne, âgés d'environ soixante ans, ont été chez lui boire une bouteille de vin et qu'ils lui ont dit que, travaillant à la terre près de Meudon, ils ont vu passer et entrer dans le château dudit Meudon cinq voitures; que, curieux de savoir ce que citait, ils s'en sont approchés et ont vu, à travers les trous de la toile qui couvrait lesdites voitures qu'ils ont reconnues pour être dés voitures du roi, qu'elles étaient chargées d'habits, vestes et culottes d'uniforme, dont ils n'ont pas désigné la couleur. Ajoute le déclarant que ceci a été dit en présence de nombre de personnes; de quoi, après avoir entendu lecture, a dit contenir vérité, y a persisté et a signé.
XG. (Carton 18. S. P. 29.) Rapport Valazé.
Voy. page 214 ci-dessus.
XCI. (Carton 18. S. P. 34.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Gejourd'hui vingt-un juillet, l'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, à onze heures du matin, est comparu, au département de police, M. Joseph Pidoux, capitaine de canonniers nationaux, demeurant faubourg Saint-Martin, hôtel des Arts, lequel nous a civiquement et volontairement déclaré que plusieurs soldats des troupes de ligne qui viennent de partir pour la frontière l'ont invité, et beaucoup d'autres de ses camarades, à bien faire attention lorsqu'ils monteraient la garde au château des Tuileries ; que beaucoup de gardes nationaux y montaient la garde en armes et qu'ils la descendaient sans armes : il pense, le déclarant qu'il serait bon, pour prévenir cet abus, duquel il pourrait résulter des suites funestes, de donner des ordres pour qu'il soit fait, en montant la garde, un appel de tous les citoyens qui forment le détachement, et un autre à la descente de la garde, en représentant leurs armes. De quoi, après avoir entendu lecture, a dit contenir vérité et a signé.
Signé : pidoux, avec paraphe.
XCI1. (Carton 18. S. P. 36.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus. -
Rapport du 20 au 21 juillet, l'an IV° de la liberté.
On nous a dit qu'il venait tous les jours, au château des Tuileries, trois particuliers habillés de l'uniforme national et qu'ils ressortaient en habit bourgeois.
Nous nous sommes informés du signalement du sieur abbé Saillant, demeurant près la Croix-Rouge.
Homme de cinq pieds deux ou trois pouces, cheveux noirs et en rond, petits yeux noirs, petit nez effilé, le visage rond, petit, et la peau brune, le front large.
La femme avec laquelle il vit peut avoir cinq pieds quatre pouces.
Signé à l'original.
XGIII. (Carton 18. S. P. 43.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Municipalité de Paris.
Paris, le
Je vous adresse ici, messieurs et chers collègues, copie d'une note contenant le détail de faits sur lesquels il est essentiel de prendre des renseignements. Il importe de connaître les auteurs du projet coupable dénoncé par cette noté. Je vous prie instamment, pour y parvenir, de faire, sans délai, ce que votre prudence vous dictera.
Signé : Manuel, procureur de la commune.
Le fils de Mme Jacques-Antoine Pichenard, meunière à Montmartre, à vu trois chevaliers de Saint-Louis qui examinaient avec attention les hauteurs de Montmartre; il leur a entendu dire : « Voilà l'endroit avantageux pour placer des batteries. On pourra les faire parvenir par le chemin des Poissonniers. »
Beaucoup de particuliers, qui ont l'air des ingénieurs, examinent la position avantageuse de Montmartre et en prennent le plan.
L'un de ces particuliers a dit qu'il cherchait l'endroit le plus avantageux de Montmartre pour y construire un fort, par ordre de la ville; ce particulier a été conduit chez le sieur d'Au-villé, officier de la garde nationale de Montmartre, dont il a été relâché-
Le nommé Poirier, mendiant, demeurant maison de M. Janvier, épicier, rue de Bellefond, à la fin de la journée de mercredi dernier, a entendu la conversation de deux particuliers.
Et notamment la demande que l'on faisait à l'autre, si tout était prêt à Montrouge; l'autre lui a répondu qu'il y avait de la poudre et du plomb suffisamment pour détruire tous les sans-culottes.
Sign& : Laudrin, commmissaire de la section du Faubourg-Montmartre.
Signé : manuel.
XGIV. (Carton 18. S. 44.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Rapport du 27 juillet 1792, Van IV" de la liberté.
Le sieur Breton, citoyen de Vaugirard, m'a fait part aujourd'hui, qu'étant chez l'officier municipal dudit endroit, il a entendu dire, de la bouche de l'officier, qu'il y avait un rassemblement des anciens gardes du corps à Meudon, environ au nombre de deux cents, tous armés de gros bâtons; commençant à beaucoup menacer les citoyens dudit endroit,, dont ils ont insulté un officier municipal dudit .endroit, qui a fait assembler la section à ce sujet, ces messieurs gardes du corps ont dit que s'ils avaient manqué leur coup la première fois, ils ne le manqueraient pas la seconde. H est arrivé à Meudon une voiture chargée d'armes.
Signé à Voriginal.
XCV. (Carton 18. Si 45.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Cejourd'hui vingt-huit juillet, l'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, est comparu, au département de police, M. Joseph Poullenot, citoyen président du comité de la section des Lombards, demeurant rue Saint-
Martin, n° 236; lequel nous a civiquement et volontairement déclaré que hier, vers les neuf heures et demie de relevée, il présidait l'assemblée générale de la section des Lombards; qu'un citoyen qui était à ladite assemblée déclara qu'il était informé qu'il y avait un dépôt de six cents fusils, une très grande quantité de sabres et pistolets, dans une maison sise rue Van-tadour, qni fait angle dans le carrefour; que les domestiques qui servent dans cette maison sont vêtus d'habits rouges et parements verts; qu'un de ces domestiques, bon patriote, avait donné cet avis, afin qu'on pût faire, dans cette maison, les perquisitions nécessaires. Ajoute que le citoyen qui a fait cette déclaration se nomme Poirier, cordonnier, demeurant rue Saint-Martin, maison de M. Philastre, perruquier. De quoi lecture à lui faite, a dit contenir vérité et a signé à l'original.
(Carton 18. S. n° 47.) Rapport Valazé.
Voyez page 214 ci-dessus.
XCVI. (Carton 18. S. 49.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Gejourd'hui vingt-huit juillet, l'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, onze heures et demiè de relevée, en vertu d'un arrêté de l'assemblée générale de la section des Gravilliers, sont comparus (par-devant nous, administrateurs au département de police, MM. Chaudron, Gaubin, Maignon, Viara, Ro-fidal, Crépin, Boursier, Bernard, pour nous déclarer chacun en particulier, savoir : M. Nicolas-André Chaudron, citoyen demeurant rue Saint-Martin, n° 37, qu'une dame qu'il, ne connaît pas de nom, mais bien de vue, lui a dit avoir parfaite connaissance que deux pages du roi s'habillaient journellement en gardes nationales et allaient au château en armes, comme s'ils y montaient la garde, et qu'ils retournaient ciiez eux sans armes. Déclare son dire contenir v rité et a signé.
Signé à l'original.
M. Pierre-Jean Gaubin, citoyen, demeurant rue du Marché Saint-Martin, n° 35; qu'ayant été hier matin au faubourg Saint-Antoine, vers les huit heures du matin, il a vu plusieurs citoyens qui sont venus pour former le camp, qui juraient de ce qu'on ne marchait pas; et après que M. Sergent, administrateur de la police, fut parti dudit faubourg, on fut de nouveau sonner le tocsin à Sainte-Marguerite, et qu'il a entendu ces mêmes citoyens qui disaient que si, d'ici à lundi, le veto n'était pas suspendu, ils s'en retourneraient dans leurs départements et qu'ils ouvriraient le port de Brest aux Anglais. A dit la présente déclaration contenir vérité et a signé.
Signé à l'original.
M. Louis-Charles Maignon, citoyen, demeurant Cour-Saint-Martin, au coin de la rue Saint-Be-noîtLn° 1 ; qu'étant commissaire, nommé recenseur pour la police de l'église, où se tient l'Assemblée, il a vu, conjointement avec ses collègues, les officiers de l'état-major de la garde nationale se rassembler en groupe dans ladite église, à l'extérieur de l'endroit où la section était assemblée, disant que tout ce c(ue ladite assemblée faisait ne valait rien et cherchaient
les moyens de la troubler dans ses délibérations ; a dit la présente déclaration contenir vérité et a signé.
Signé à l'original.
M. Jacques Viard, citoyen, demeurant rue Mélée, n° 15 ; qu'ayant pris les armes hier matin, lorsque l'on a battu la caisse, il s'est rendu avec un détachement de son bataillon au château; que, dans une des Cours, plusieurs grenadiers et officiers tenaient alternativement un fusil à deux, et d'autres sautaient par-dessus, disant : «Saute pour la nation » ; que quand ils étaient sur le fusil, ils s'appuyaient du derrière dessus, comme pour fouler la nation, et tenant les propos les plus inconstitutionnels; ajoute qu'ils disaient encore que le faubourg Saint-Antoine descendrait aujourd'hui, parce que M. Pétion aimait les attroupements ; a dit la présente déclaration contenir vérité et a signé.
Signé à l'original.
M. François-Joseph Rofidal, citoyen, demeurant rue des Gravilliers, n° 57; lequel nous a déclaré avoir été témoin de quatre dénonciations faites à sa section et a signe.
Signé à l'original.
MM. Crépin et Boursier ont dit être témoins des quatre dites dénonciations faites à leurs sections et ont signé.
Signé à l'original.
XGVII. (Carton 18. S. p. 59.} Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Cejourd'hui trente-un juillet, l'an mil sept cent quatre-vingt-douze,le quatrième de la liberté, onze bëures du matin, sont comparus, au département de police, MM. François-Louis Cordèle et Jaques-Guillaume Dugué, tous deux citoyens, demeurant même maison, rue Saint-Denis, n° 278, lesquels nous ont civiquement et volontairement déclaré que, depuis trois semaines environ, il y a à la pointe de l'île Saint-Louis deux bateaux chargés de trois cent vingt barils de biscayens, de cent quatre-vingts bombes et d'une très grande quantité de boulets, dont ils ne savent pas le nombre; qu'il y a apparence que ces bateaux ne sont remis à la garde de personne, puisqu'ils y sont entrés, qu'ils ont trouvé deux barils défoncés et qu'ils ont pu prendre un de ces biscayens, qu'ils ont remis entre nos mains : de quoi, après avoir entendu lecture, ont dit contenir vérité et ont signé.
Signé à l'original.
XGVI1I. (Carton 18. S. n» 61.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, quatrième de la liberté, le trente juillet, huit heures de relevée, est comparu devant nous, administrateurs au département de police, soussignés, le sieur François Millet, ci-aevant conducteur des haras de France, demeurant rue Traverse, section de la Croix-Rouge ; lequel nous a volontairement et civiquement déclaré qu'étant dans les haras, qui étaient sous.la direction de M. d'Artois, dont les employés audit Haras portaient même la livrée, il a été connu de M. d'Aimar, ci-devant chevalier et lors gentilhomme ordi-
naire de M. d'Artois; que lui, déclarant, revient, en ce moment de nos armées et qu'à son retour il est allé voir ledit sieur d'Aimar, qui est logé rue des Francs-Bourgeois, dans un grand hôtel au premier; que ce dernier sachant que lui, déclarant, est ancien militaire, lui proposa, il y a trois jours, de faire pour lui des cartouches à balles; qu'il accepta la proposition; qu'il s'est rendu hier matin à l'hôtel dudit sieur d'Aimar, qui lui en commandait encore une plus grande quantité ; ce à quoi il s'est refusé. Lecture faite audit sieur Millet de sa déclaration, y a persisté et a déclaré ne savoir signer, de ce enquis suivant l'ordonnance.
Signé : Perron, à l'original.
XGIX. (Carton 18. S. n° 63.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Rapport du
Un nommé Perret, citoyen de la section du Luxembourg, demeurant rue des Boucheries, m'a dit que, dans le passage des Feuillants, il y avait un café où était la grotte; que dans cedit café il y avait une petite chambre, dont il sortait beaucoup de monde en habit de couleur, et que cesdites personnes on les avait vu entrer en uniforme et armées ; ils déposaient leurs habits et armes et ressortaient en habit bourgeois; ce stratagème-là se fait souvent dans la journée.
Signé à l'original.
(Carton 18. S. p. 59.) Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Voy. page idem, paragraphe 7.
C. (Carton 18. S. p. 9.) [Rapport Valazé, page 214 ci-dessus.
Département de Police.
Municipalité de Paris.
L'an mil sept cent quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, le vingt-trois juin, onze heures du matin, est comparue, au département de police, dame Barra, demeurant rue Saint-André-aes-Arts, à côté de la rue Mâcon, entre un sellier et un pâtissier, laquelle nous a volontairement déclaré que le nommé Beaufort, portier, habitant une maison qu'elle croit du chantre, où loge un grand nombre de gens attachés à la maison du roi, lui a dit que le roi doit faire habiller toutes les personnes de sa maison en gardés nationales et leur faire monter la garde comme tels. Lecture faite de sa déclaration, elle a dit contenir vérité et a signé, en ajoutant que tout était d'accord avec l'état-major.
Signé à l'original.
CI. (Carton 18. S. p. 18) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
La véritable contre-Révolution, ou les Marseillais à Paris.
Vous toUs qui avez des propriétés à conserver, une famille à défendre, armez-vous, ralliez-vous ;
Ce qu'ils veulent, citoyens! c'est égorger le roi et la famille royale, c'est chasser l'Assemblée nationale, qu'ils accusent de modérantisme, parce qu'elle n'a pas encore achevé de renverser la Constitution.
C'est désarmer la garde nationale parisienne, qu'ils taxent de lâcheté, parce qu'elle respecte les autorités constituées.
C'est convoquer les assemblées primaires,
pour y nommer, non des représentants des clubs et ériger cette troupe de forcenés en assemblée constituante et permanente.
Ce qu'ils demandent! c'est le renversement de tous les principes, c'est l'anéantissement de tous les droits de propriété; c'est le meurtre de tous ceux qui jouissant, par des moyens légitimes d'une honnête existence, ont quelque intérêt au maintien de l'ordre.
Ce qu'ils prétendent! c'est de vous dicter des lois, de substituer leur volonté à la volonté nationale, d'asservir le peuple français à la plus avilissante des servitudes, celle qui est imposée par le crime triomphant.
Français, telle est la courte révolution qu'ils préparent.
Ce ne sont pas ici les songes de la terreur, ce sont des faits ; leur plan est arrêté ; ils arrivent avec des tables de proscription, et le nom de Louis XVI est à la tête.
Ce n'est point la République qu'ils veulent établir, c'est un autre roi qu'ils veulent vous donner: eh! quel roi, grand Dieu, que celui qui voudrait recevoir de telles mains une couronne ensanglantée, achetée par tant de crimes?
Ils apportent une Constitution toute faite, et ils ne veulent présenter un fantôme de Convention nationale que pour légaliser leur tyrannie, à peu près comme votre maire voulut légaliser l'attroupement du 20 juin.
Ils ont juré de ne sortir de Paris qu'après l'avoir purgé, disent-ils, des scélérats qui l'infestent, c'est-à-dire, dans leur langage, de tous les hommes en qui luit encore une étincelle d'honneur et de vertu, et après qu'ils auront fait de la capitale de ce nouvel Etat un repaire de brigands et d'assassins.
Parisiens, vous ne serez point effrayés de l'audace des méchants.
Hommes du 14 juillet 1789, vous avez renversé le despotisme de la Cour; vous renverserez le despotisme des anarchistes.
Gardes nationales, vous avez jusqu'ici contenu les brigands: vous les contiendrez encore.
Ce n'est pas cinq cents hommes et deux pièces de canon qui feront trembler ceux qu'une armée entière n'a pu épouvanter.
La Constitution, voilà votre point de ralliement.
La nation, la loi et le roi, voilà votre cri de guerre et le signal de la victoire, du courage et surtout de l'union ; et la France est sauvée, tenez-vous prêts au premier signal.
C'est vraiment aujourd'hui que la patrie est en danger ; c'est aujourd'hui que l'Assemblée nationale, que la vie du roi, que la vôtre est menacée, que les bons citoyens sont dévoués au fer des assassins et vos maisons au pillage.
C'est aujourd'hui que l'armée des tyrans s'empare de vos murs.
Furieux de n'avoir pu égarer votre civisme, effrayer votre courage, ils sont allés chercher aux extrémités de "Empire des ministres de leur rage, des instruments des forfaits qu'ils méditent.
Qu'est-ce que ces Marseillais qui s'apprêtent à entrer en triomphe dans la capitale, après avoir traversé comme un pays de conquête une grande partie du royaume, avoir mis à contribution pour leur subsistance tous les lieux de leur passage?
Citoyens» ce sont ces mêmes hommes qui, dans le département des Bouches-du-Rhône, ont, les armes a la main, déposé les magistrats, dis-
persé les tribunaux, imposé silence aux lois, établi la honteuse et iDSoJente domination des clubs et forcé à s'exiler d'une terre arrosée de sang tous ceux qui, conservant encore quelques sentiments de justice et d'humanité, ne pouvaient paraître que coupables à des hommes aux yeux desquels les attentats étaient des actes de vertu, et les actes de vertu, des crimes.
Qui sont leurs alliés?
C'est lé reste impur du camp de Monteux, ce sont les compagnons de Jourdan, les héros de la glacière; c'est ce ramas d'Avignonnais qui les a précédés en les devançant, comme la grêle précède le tonnerre; c'est cette troupe d'animaux féroces qui, de toutes les parties affamés de sang et de pillage, dévorent déjà en espérance la riche curée qui leur est promise.
Qui sont leurs chefs?
C'est ce comité secret qui tyrannise l'Assemblée nationale, qui règne aux Jacobins, qui soudoie les tribunes, qui égare l'opinion punlique, qui fanatise le peuple, qui perd le royaume, qui couvre d'opprobre le nom français. Ce sont des scélérats, dont très incéssamment nous publierons la liste.
Que veulent-ils? que demandent-ils? que prétendent-ils?
Est-ce l'affermissement de la Constitution, qu'ils violent? des lois, qu'ils outragent? des autorités légitimes, qu'ils renversent? de la liberté, qu'ils détruisent?
Est-ce pour nous protéger contre les nombreuses légions qui menacent d'inonder nos frontières, qu'ils marchent vers Paris, qui ne connaît pas d'ennemis plus redoutables qu'eux?
Est-ce pour présenter une «pétition au Corps législatif, qu'ils accourent en armes, traînant avec eux deux pièces de canon?
Pour nous, nous veillerons sans cesse, nous éclairerons les démarches de vos ennemis, nous porterons la lumière dans les ténèbres de leurs honteux mystères, nous vous dévoilerons leurs horribles secrets.
Ni la mairie, ni la maison même de Santerre, où Pétion s'est rendu à minuit, dans la nuit de samedi à dimanche, pour conférer avec trois députés des bandes marseillaises, ne sont des asiles impénétrables; et le bon citoyen peut, sans contracter de souillure, entrer dans le lieu le plus infâme lorsqu'il s'agit du salut de la patrie.
Signé : J. L. Victor.
Tel est le manuscrit.
Et sur un exemplaire est ce qui suit :
Ce premier numéro devait être affiché du 30 juin au 31 juillet.
P. S. Voyez, citoyens, par le début des Marseillais, si je vous ai trompé. Déjà un de vos frères d'armes est tué; deux autres sont entre les mains de ces forcenés ; partout ces audacieux vagabonds s'arrogent le droit de police souveraine ; ils commandent, ils exécutent.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Ce jourd'hui, 30 juillet l'an dix-sept-cent-quatre-vingt-douze, le quatrième de la liberté, neuf heures de relevée, sont comparus au département de police, MM. Jean Niquille, citoyen, demeurant rue du Sépulcre, n° 19; Philippe Gautier, citoyen, demeurant cour de la ci-devant abbaye Saint-Germain; nous ont
civiquement et volontairement déclaré, que se promenant aujourd'hui au Palais Royal, et passant ensuite, vers les huit heures du soir par le passage du théâtre des Variétés, ils ont trouvé, et le sieur Niquille a ramassé, enveloppé dans un papier, un original, ou copie, manuscrit, intitulé : La véritable Contre-Révolutiou, ou les Marseillais, à Paris, portant n° 1, commençant par ces mots : Parisiens, Vous qui avez des propriétés à conserver, finissant par ceux-ci : lorsqu'il s'agit du salut de la patrie ; plus, un imprimé in-B°, ayant le même titre, commençant par les mots et finissant par les mêmes que ci-dessus, avec un post-scriptum ; le manuscrit et l'imprimé signés J.-L. Victor; que regardant cet écrit comme un ouvrage qui pourrait troubler l'ordre et la tranquillité publique, qui paraît provoquer les citoyens de la capitale au crime, qui traite de brigands et de factieux les meilleurs citoyens, ils ont cru devoir remettre ces pièces entre les mains de l'administration de la police, pour qu'elle puisse faire ce qu'elle jugera convenable pour découvrir les auteurs ae cet écrit. De quoi après lecture à eux faite, ont dit contenir vérité, et ont signé.
Signé : Gautier, sans paraphe ; et Niquille. avec paraphe.
(Carton 18. S. P. 20* 29, 43.) Rapport Valazé.
Voy. page 215 ci-dessus^
CIL (Carton 18. S. n°. 50) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
Département de police.
Municipalité de Paris.
Au commandant général,
Beaucoup de citoyens viennent de se rendre à la mairie, en vertu de délibération de leur section, pour prévenir l'administration que des ordres ont été donnés de faire entrer cette nuit aux Tuileries, par le Pont tournant, des troupes étrangères et toutes personnes armées. Comme nous ignorons les motifs qui peuvent avoir fait prendre une mesure aussi mystérieuse que celle-là, et qui paraît inquiéter beaucoup les sections rassemblées, nous nous adressons à vous, ou pour vous en prévenir, si vous l'ignoriez, ou pour obtenir de vous les éclaircissements nécessaires. On dit aussi que la cavalerie est consignée pour cette nuit et pour demain toute la journée ; vous savez,'sans doute, que l'Assemblée nationale a décrété aujourd'hui que la municipalité devait rendre compte des mesures de police employés pour la sûreté publique ; et à coup sûr la disposition de la force publique et la réquisition des troupes de ligne sont les plus importantes; et nous devons en suivre toujours les mouvements. Nous allons prier deux offieiers municipaux de service cette nuit, de veiller autour du château, autant pour tranquilliser ceux qui l'habitent, que pour les mettre à portée de rendre compte à leurs concitoyens de tout ce qu'ils peuvent faire pour la tranquillité publia que. Un mot de réponse sur les deux objets relatifs aux troupes.
Aux officiers municipaux de service cette nuit à la Commune.
Je vous envoie, Messieurs et collègues, une lettre pour le commandant général, dont vous prendrez connaissance ; elle vous instruira des
faits importants pour lesquels deux sections viennent de nous envoyer deux députés; je vous engage à choisir un de vous pour se transporter à la place Louis XV ; en se misant escorter par une garde qu'il pourra prendre facilement en la composant de deux hommes à chaque poste par où il passera; je crois cette mesure très utile, parce que, s'il s'y passait quelque événement, le magistrat aurait autour de lui des citoyens de plusieurs sections, pour rendre témoignage des faits. Il est inutile de vous indiquer la marche à tenir : d'ailleurs, ce n'est point à moi à vous le prescrire ; vous la prendrez dans votre patriotisme et vos lumières. Envoyez aussitôt au commandant général la lettre ci-incluse.
Cil. Carton 18. S. P. 30.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
Rapport de Niquille et Gautier.
On nous assuré que M. Lafayette, lors de son dernier départ pour l'armée, quatre de ses aides de camp ont été à sa rencontre à un endroit que l'on nomme Vualcon, près Givet ; ils l'ont fait rétrogader, en l'assurant qu'il courrait le plus grand danger, s'il paraissait à son armée; il a suivi les conseils de ses aides de camp, et est revenu à Paris par Compiègne ; il doit hier avoir dîné chez M. ae Goigny.
Il y a au Palais-Bourbon un sieur Borgeron, capitaine au 102e ou 103e régiment, qui y loge et reçoit beaucoup de monde. M. Puységur, nouvellement arrivé de Coblentz, y loge aussi.
Il y a toujours à l'hôtel de Brionne une grande quantité de Suissés, et de Courbevoie un renfcrt de deux cents y est encore arrivé à deux heures du matin, samedi : on leur a ouvert le Pont tournant.
Il paraît au château, depuis quelques jours, un sieur Viomenil, nouvellement arrivé ae Coblentz ; il assiste régulièrement au lever et coucher du roi.
On nous a assuré que M. Lajard avait donné la croix de Saint-Louis à M. Ramond, mais que les circonstances actuelles l'empêchaient de la porter.
Signé à Voriginal.
CIV. (Carton 18. S. p. 6.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
Quatrième arrondissement.
Rapport du
Messieurs,
J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'un garçon tailleur de mon quartier a dit hier au soir, chez l'hôte où il loge, qu'il était demandé pour aller travailler chez un tailleur, pour y faire des habits d'un uniforme de drap noir, doublure blanche, parements jaunes, collet rouge, veste et culotte blanches ; cet nomme a dit que le maître tailleur lui a demandé le plus grand secret sur ce travail ; il a dit connaître celui qui a l'entreprise, et qui est chargé d'en fournir, très promptement, 18,000. Je sius à portée de savoir du garçon tailleur qu'elle peut être la destination de cette fourniture. M. Champion,
mon confrère, a déjà eu l'honneur de vous en informer aussi.
Signé à Voriginal.
CV. (D. n° 3.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
service personnel dd roi.
Le service des lettres du roi a toujours été surveillé avec le soin le plus constant par M. le comte d'Ogny. On avait, dans le bureau de l'arrivée, l'attention particulière de les recueillir à part, et de les placer, après le tri général, avec celles du comte d'Ogny, à qui elles étaient remises en même temps que les siennes. Celui-ci les portait le dimanche au roi, à son travail. Sa Majesté les décachetait, et les lui remettait presque toujours.
Celles qui arrivaient pour le roi, sous le couvert de l'intendant, suivaient une autre marche : comme elles venaient ou de Turin ou de Valen-ciennes, etc., et qu'elles étaient supposées contenir des choses pressées et intéressantes, le comte d'Ogny les adressait sur-le-champ au roi ; il ify avait que lui qui les contresignât, et il les faisait passer, par les mains du premier valet de chambre de service, avec prière de les remettre sur-le-champ, sous les yeux du roi.
L'on suivait la même marche pour les lettres adressées à la reine.
Quant à celles que le roi écrivait, et qu'il remettait au comte d'Ogny, elles étaient chargées doublement : 1° sur le registre de M. Dagaud ; 2° sur celui que le comte d'Ogny faisait tenir lui-même chez lui, pour les lettres de Sa Majesté. Il avait encore le plus grand soin d'écrire aux directeurs des postes des villes, où ces lettres étaient adressées et de leur recommander particulièrement ce service ; il leur enjoignait même de lui en accuser immédiatement la réception. Il en était de même pour les lettres que la famille royale adressait directement au comte d'Ogny, ou qui venaient sous son couvert.
On peut compter avec d'autant plus de confiance, sur ces renseignements, qu ils sont donnés par le fils du sieur Lebrun, qui a rempli les fonctions de secrétaire du comte d'Ogny, jusqu'au moment où celui-ci Voulant assurer son sort, la placé dans les bureaux des postes.
Dans le cas où le roi jugerait à propos de donner à un particulier employé dans les postes, le soin de sa correspondance, dont était chargé le comte d'Ogny, il serait nécessaire que Sa Majesté daignât l'autoriser, par un mandat ou commission signée d'elle, et ostensible, afin qu'il pût donner, tant au bureau de l'arrivée des lettres à Paris, qu'à celui du départ pour les provinces, tout les ordres nécessaires à la sûreté et célérité qu'exige un service de cette importance.
Il serait également chargé de faire parvenir à Sa Majesté les feuilles périodiques qui lui sont adressées.
Dépositaire de cette pièce, qui constaterait les intentions du roi, il pourrait encore, soit mander les courriers à leur arrivée, soit, écrire aux directeurs des postes, pour qu'ils lui fassent Parvenir exactement les nouvelles des événements qui se passent dans les provinces respectives, et dont il né manquerait pas d'instruire aussitôt Sa Majesté.
tableaux.
GVI. (D. n° 4.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
CASSETTE DU ROI.
Pensions des gardes du corps payées par Tourteau de Septeuil, premier valet de chambre du roi.
Quartier d'avril 1791. — 18,050 livres.
NOMS
de baptême et de famille.
A.
Auffidiener, Louis....
Antoine, Charles.....
Albert, Louis........
Alba, Louis-Gaspard.
B.
Bresson....................
Brechet (du), Louis..'......
Boyer, Etienne-Barthelemi. Bournussei (sœurs)........
Bourges (de)..............
Boisjolly, Charles-Jean.....
Billaud (de)..............
Berthier-Liger, Pierre......
Berard, Jacques-Joseph....
Berard, Jean-Louis.........
Beau vais, de Juillac.......
Bayard, Ferdinand-Nicolas.
Bayard, Charles-Louis.....
Bâillon, Paul-Alexandre.... Bachasson................
GRADES.
Trompette.
Garde du roi. Garde.
Garde. Sous-brigadier. Sous-brigadier.
C.
Cabrières............................
Castilbajac, Paul-Guillaume..........
Castilbajac, Louis...................
Chabrod, Jean Durousseaud.........
Champeville du Bertais..............
Chancel, C-F.-Joseph....,...........
Chancel, Charles-Gaspard............
Chappuis, Marguerite-Julie de Lesttée.
Cherisey, Louis-J.-François.
Che vanne..................
Chomel, François-Joseph... Croussillac, Pierre-Mathias. Cruzel, Antoine............
D.
Damblard, André de l'Averuy.........
Delestang, Jean-Charles...............
Defon laines............................
Doriac...............................
Dubocage, Gabriel-François...........
Duchalard, Jean-Guillaume............
Duchalard, Antoine................
Ducros, Jean-Jacques..................
Ducros, Bernard.......................
Durand, Carabelle.....................
Durivaux..............................
Dusaillant, Jeanne et Catherine Cha-bridon...............................
Dusouith, Pierre-Laurent. Dandoins, Pierre..........
F.
Fredeville, Claude-George.
G.
Garat, Jean-Baptiste........
Gimel, Jean...............
Goubrier, Pierre...........
Goupy, Angélique.........
G. de la manche. Garde. Brigadier.
Garde. Brigadier. Maréchal de logis Garde. Porte-étendard. I*r Port, d'arme. Garde. Aide-major.
Porte-étendard. Brigadier. Garde. Maréchal des logis. Garde. Garde. Garde. Veuve.
Lieutenant généra]. Maréchal des logis. Brigadier. Garde. G. de la manche.
Maréchal des logis. Brigadier. Garde. Maréchal des logi6. Brigadier. Garde. Garde. Garde. Garde. Garde. Garde.
RÉSIDENCES.
Versailles.
Monstanguin. Vrécourt.
Beaucaire. Landrecy. Granges.
Ornillé. Chermé. Paris. Nevers. Troyes. Troyes. Angouléme. Nanteuil-la-Fosse. :Nanteuil-Ja-Fosse. Thimecourt.
Major. Garde.
Brigadier.
Garde. Garde. Garde.
Guy de Ligny.
H.
Home (de), George-François.
Garde.
Capitaine.
Paris. Beaumont. Beaumont. Château Chabrod. Chermé. Périgueux. Paris. Châlons-sur-Marne
Metz. Delorme. Gannat. Chambouru. Verfeil.
Château de Casteron Lanville. Paris. Paris. De la Confrérie. Choizelle. Choizelle. Dax. Dax. d'Antelage. Saint Paul-Lezane.
Ghambon.
Dugort. Pau.
Montaigu.
Saintes. Montignac. Beaucaire. St.-Germain-en-Laye.
Châtillon-sur-Seine.
Morgange.
SOMMES.
fr.
100 150 150 150
200 120 100 400
300 200 200 300 150 150 120 15 15 100 200
100 100 100 120 240 150 150 200
250 200 200 200 100
120 120 200 200 200 150 150 100 100 120 200
400
300 100
150
150 100 200 200
150
120
OBSERVATIONS.
La quittance est faite au nom des deux sœurs Bournussei.
Veuve de Ant. Gab Chappuis.
Accordé en raison des services de leur père, maré chai des logis.
Fille majeure d'un exempt retiré.
NOMS
de baptême et de famille.
I.
irland, Louis-Pierre..
K.
Keseau (de), Pierre.
L.
Leblair, Jacques-Charles...............
Lacoullerie, Louis (Leronde)...........
Lacomme, François-Baron..............
Lacoste................................
Lacypierre, Guillaume Antoine-Hugues
Benié................................
Laferrière............................
Lagrange, Antoine....................
Laboussaye, Charles-François Lequer. Lamotte, Louise-Madeleine-Adélaïde Au breluque........................... •
GRADES.
Lamotte, Joseph................
Lat'agerdie, François Lapraderie. Laroque, François-Martin.......
Laserre.........................
Lavaur, Alexis.................
Lelièvre, Jean-Noël............
Lidonne, P. de Beau vineux.... Leriguet Troisienne, François.
Lorus, Louis...................
Louaivel, René-François........
M.
Mejanes, Pierre..........
Mirondot, Ci.-Fr.-Victor — Mourfort, Louis-Bertrand.. Maindeville, Morteraux....
Moustier, Remont..........
Moustier, Cl.-Ch.-Félix.....
Montgay, P.-Marie Choin .., Montozon, J. Thibault, IIe.
P.
Paradês, Mathurin.
Parocel, Joseph.....
Pradeau, Augustin..
R.
Raincourt, Antoine.
Rochebtave.........
Roquenaud.........
Rouchex...........
Rouille.............
Brigadier.
Garde.
Garde. Sous-lieutenant.
Garde. Sous-lieutenant.
Brigadier. Lieutenant-général. Sous-lieutenant. Brigadier.
RESIDENCES.
S.
Suc, Augustin.................
Saint-Aulaire, Cosme BeaupoiL Salaignac, Eliz, Pasquet.......
Sampigny, Alexandre..........
Soubiac....................
Segure, Jean...............
Senault, Jean-Martin.......
Stoffels, Françoise-Louise.. Saint-Germe, Jean-Antoine.
V.
Vauvret, Joseph............
Vaulabelle, J.-B. Tenaille... Villaines, Etienne-Philippe..
Garde. Brigadier. Garde.
Garde. Garde. Garde. Garde. Brigadier. Garde. Garde.
Garde. Garde. Garde. Garde. Garde. Garde. Garde. Garde.
Maréchal des logis. Sous-aide-major. Garde.
Garde. Garde. Garde. Garde. Garde.
Garde. Maréchal de camp. Garde. Porte-étendard.
Brigadier. Brigadier. Garde. Veuve. Garde.
Garde. Garde. Lieutenant.
Moulins.
-Versailles.
Dieppe. Paris. Pousangère. Argental.
Sarlat. Paris. Tretenour. Gisors.
Paris.
Laplume. Chalex. Bordeaux. Au château de la
Roque. Saint-Médard de Presque. St-Germain-en-Laye.
Rufféo. Aurillac. Donnemarie.
Dusereiys.
Vesoul. Alemont. Paris. Paris. Gap. Leuslestang. Troyes.
Troyes. Barbantane. Arc.
Balaive.
Paris. Lavaur. Paris. Paris.
Strasbourg. Vendières. Pontoise. Chaumont en Bas-signy. Boulon. Pau. Boveccourt.
Paris. Galampony.
Néris-les-Bains. Paris. La Châtre.
Total......
SOMMES.
fr. 100
200
300 100 150 100
200 300 200 200
400
200 140 100
100
150 100 120 150 120 200
200 150 150 150 300 150 200 200
200 120 100
300 150 150 200 120
300 300 240
120 200 300 150 200 100
150 300 150
OBSERVATIONS.
Veuve de Fumel, aide-major.
18,050
Série. T. LIII.
il
CVII. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 9 octobre 1790 au 16 du même mois.
recette.
1, s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 9 octobre...................... 8,379,341 » 5
Bonification d'intérêts, sur les assignats depuis le 9 octobre jusqu'au 15 du même mois, dernier jour des intérêts...........................................1,154 10 6
Total de la recette.......................... 8,380,495 10 11
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 9 octobre.. 2,917,263 10 2
Idemt du 9 octobre au 16 dudit mois.......................332,793 2 1
3,250,056 12 3
Autre dépense précédente.............................. 504,995 « »
, Total de la dépense.............. 3,755,051 12 3
valeurs en càisse.
I. s d.
» n
Rescriptions payables en octobre et
novembre 1790.....................2,449,000
Effets du domaine de Versailles...... 51,000 » »
Avance faite à M. Dufour, par ordre
du roi.............................../ 9,000 » »
Total des effets.................2,509,000 » »
»
Assignats........................... 2,070,800
Espèces............................ 14,581 18 8
Intérêts sur les 2,070,800 livres d'assi-* gnats jusqu'au 15 octobre dernier, jour des intérêts—. ............. 31,062 » »
Total des valeurs en caisse.................. 4,625,443 18 8
8,380,595 10 11
GVIII. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 16 octobre 1790 au 23 dudit mois.
recette.
1. s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 16 octobre..................... 8,380,405 10 11
Reçu du roi le 21 octobre, en assignats et intérêts...........................260,180 10 »>
Reçu pour intérêts de 223,000 livres de rescriptions, prises sous escompte le
20 octobre........................»......................................................4,027 > 9 4
Total do la recette............................ 8,644,703 10 3
dépense.
I ij s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 16 octobre. 3,250,056 12 3
Idem} du 16 octobre au 23 dudit mois................... 258,450 5 3
3,508,506 17 6
Autre dépense précédente.............................. 504,995 » »
Compté au roi, le 21 octobre.......».................... 250,000 » »
Total de la dépense............... 4,263,501 17 6
valeurs en caisse.
"1. s. d.
Rescriptions en octobre et novembre. 2,449,000 » »
A déduire celles reçues le 20 octobre. 194,000 » »
2,255,000 » »
Autres rescriptions payables en janvier, février, prises sous escompte.------- 236,000 » »
Total des rescriptions..... 2,478,000 » »
Effets du domaine de Versailles..............51,000 » »
Avance faite à M. Dufour, par ordre du
roi................................ 9,000 » »
Asssignats et coupons d'assignats—. 1,832,121 10 »
Espèces................................ 11,080 2 9
4,381,201 13 9 4,381,201 13 9
8,644,703 10 3
CIX. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 23 octobre 1790 om 30 dudit mois.
recette.
1. s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 23 Joctobre..................... , 8,644,703 10 3
Reçu pour intérêts de 577,500 livres de rescriptions prises sous escompte, les 25, 26, 27 et 28 octobre........................................................7,419 6 3
Total delà recette...............;............. 8,652,122 16 6
dépense.
I. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 23 octobre. 3,508,506 17 6
Idem, du 23 au 30 octobre............................. 260,361 2 9
3,768,868 » 3
Autres dépenses précédentes........« 754,9951.)
Payé pour le compte du roi, le 27 oc- , >.... 755,344 » ;>
tobre....................................349 | '
Total de la dépense....'.......... i 4,524,212 |f||
valeurs en caisse.
' 1. s. d.
Rescriptions en octobre, -novembre,
janvier et février.................. 2,478,000 » »
A déduire celles reçues le 30 octobre.. 780,000 » »
1,698,000 » »
Autres restrictions payables en décembre, janvier, février et mars, prises sous escompte............... 577,500 » »
Total des rescriptions..... 2,275,500 » »
Effets de M. Faucon, pour le domaine
de Versailles..........................51,000 » » „
Avance faite à M. Dufour, par ordre
du roi........................................................9,000 « «
Assignats et coupons d'assignats............1,778,927 10 »
Espèces..................................13,483 6 3
4,127,910 16 3
4,127,910 16 3 8,6,52,122 16 6
CX. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 30 octobre au 6 novembre 1790.
recette.
1. s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 30 octobre..................... 8,652,122 16 6
Reçu du Trésor public, le 31 octobre, pour les comptants de novembre à imputer sur ledit mois...................................... .......... 233,600 » »
Total de recette............................... 8,885,722 16 6
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 30 octobre. 3,768,868 » 3 Idem, du 30 octobre au 6 novembre .................... * 547,673 12 9
4,316,541 13 »
Autres dépenses précédentes........................... 755,344 » »
Total de la dépense.............. 5,071,885 13 »
valeurs en caisse.
1. s. d.
Rescriptions en novembre, décembre,
janvier, février et mars............ 2,275,500. » »
Effets de M. Faucon, pour le domaine
de Versailles...................... 51,000 » »
Avances faites à M. Dufour, par ordre
du roi............................ 1,444,383 10 »
Espèces............................ 33,953 13 6
3,813,837 3 6 . 3,813,837 3 6
8,885,722 16 6
CXI. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 13 au 20 novembre 1690.
recette.
1. s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 13 novembre.........,......... 10,735,456 3 2
Reçu les 16,17,18,19 et 20 novembre, pour intérêts de 472,800 livres de lettres des colonies sur le trésor royal, et rescriptions prises sous escompte, ci.... 12,221 11 4
Total de la recette*.....................................10,747,677 14 6
dépense.
- 11. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 13 novembre. 4,482,851 14 6
Autre dépense du 13 au 20 novembre......-.>:........... 223,271 10 8
4,706,123 5 2
Remis au roi, le 14 novembre.. •............. —....... 12,000 » »
Autre dépense précédente.............................. 755,344 » »
Total de la dépense................ 5,473,467 5 2
valeurs en caisse.
1. 8. d.
Rescriptions en novembre, décembre,
janvier, février et mars............ 2,275,500 »
Autres rescriptions en février et mars, prises sous escompte, à raison de 5 0/0 l'an........................................224,000 » »
Total des rescriptions..........2,499,500
Lettres des colonies sur le Trésor royal, au 30 juin, prises sous escompte, à
raison de 6 0/0 l'an................ 248,800
2,748,300 » »
Effets de M. Faucon, pour le domaine
de Versailles............................51,000 » »
Avances faites à M. Dufour, par ordre
du roi..................................9,000 » »
Assignats et coupons d'assignats..........2,431,600 » »
Espèces............................................34,310 9 4
Total des valeurs en caisse.................. 5,274,210 9 4
10,747,677 14 6
GXII. (D. n° 5.) Rapport Valaxé, page 215 ci-dessus.
LISTE CIVILE. —BORDEREAU de recette et dépense, du 20 au 27 novembre 1790. recette.
ï. s. d.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 20 novembre.................. 10,747,677 14 6
Reçu les 22, 25, 26 et 27 novembre, pour intérêts de 1,025,348 livres de rescriptions, assignations sur les domaines et billets de Garat, caissier du Trésor royal, pris sous escompte, ci...................................... 12,885 5 1
Total de la recette............................. 10,760,562 19 7
depense.
1. t. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 20 novembre. 4,706,123 5 2
Idem, du 20 au 27 novembre................................251,282 5 10
4,957,405 11 »
Autres dépenses précédentes........................... 767,344 » »
Total de la dépense................ 5,724,749 11 »
valeurs en caisse.
I. s. d.
Rescriptions en novembre, décembre,
janvier, février et mars........— 2,499,500 » »
Sur quoi déduire celles reçues le 22 novembre...................... 1,262,500 »> »
1,237,500 » »
Autres rescriptions en février, avril et mai, prises sous escompte, à raison de 5 0/0 l'an...................... 164,000 » i>
Total des rescriptions..... 1,401,500 » »
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 248,800 » » Assignations sur les domaines, en janvier et février, avec la garantie des cédants pour leur échéance, prises
sous escompte de 5 1/2 0/0......... 817,000 » »
Billets de Garat, en février pris sous l'escompte de 5 0/0."............... 44,348 » »
2,511,648 '» »
Effets de M. Faucon, pour le domaine
de Versailles...........................51,000 »
Avances faites à M. Dufour, par ordre
du roi..............................................9,000 » »
Asssignats et coupons................................2,428,005 10 »
Espèces.................................36,159 18 7
Total des valeurs en caisse................. 5,035,813 8 7
10,860,562 19 7
CXIII. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 27 novembre aub décembre 1790.
recette.
1. s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 27 novembre................... 10,760,562 19 7
Reçu du Trésor public, le 30 novembre, sur les comptants de décembre, à imputer sur ledit mois—......................................... —..... 213,600 », »
Total de la recette............................. 10,974,162 19 7
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 27 novembre. 4,957,405 11 » Autre dépense du 27 novembre au 4 décembre.......... 451,205 1 11
5,408,610 12 11
Payé par ordre du roi, le 3 décembre............... — 5,000 » »
Autres dépenses précédentes........................... 7§7,344 » »
Total de la dépense................ 6,180,954 12 11
valeurs en caisse.
I. s. d.
Rescriptions en novembre et mois sui-
vants, jusqu'en mai—1,401,500 » Sur quoi déduire celles reçues le 30 novembre............................ 213,000 >
Rescriptions restantes à...........1,188,500 »
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 248,800 » Assignations sur les domaines en janvier et février.......................817,000 »
Billets de Garat en février....................44,348 >>
2,298,648 » »
Billets de M. Faucon pour le 1
domaine de Versailles... 51,0001.( Aft nnn
Sur quoi reçu le billet de ( 4b'uuu '
Ligny, le 30 novembre.. 5,000V J Avances faites à M. Dufour, par ordre
du roi............................................9,000 » »
Assignats et coupons d'intérêts........2,388,559 10 »
Espèces...........................................51,000 16 8
v' ' , ' . 4,793,208 6 8
10,974,162 1 9 7
CXIV. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU'de recette et dépense, du 11 au 18 décembre 1790.
recette.
|. M s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 11 décembre................... 10,974,887 19 7
Reçu du Trésor public, le 13 de ce mois, sur les comptants de décembre, et pour solde des 2,083, 333 1. 6 s. 8 d., montant dudit mois.'............1,869,733 6 3
Total de la recette............................. 12,844,621 6 3
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 11 décembre. 5,613,732 6 6
Autre dépense du 11 au 18 de ce mois.................. 350,492 16 5
Autres dépenses précédentes........................... 780,344 » »
Remis au roi, le 13 de ce mois......................... 50,000 » »
Total de la dépense................ 6,794,509 2 11
valeurs en caisse.
1. s. d.*
Rescriptions en décembre, janvier, fé- *
vrier, mars, avril et mai......................1,278,500 » »
Assignations sur les domaines, en janvier et février...........................817,000 » »
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 248,800 » »
Billets de Garat, en février.......... ..44,348 » »
2,388,643 » » Effets donnés par M. Faucon, pour le «
domaine de Versailles............ . 46,000 » »
Assignats et coupons.'............... 3,485,851 10 »
Espèces............................. 72,496 13 4
Total des valeurs en caisse... 5,992,996 3 4
Avances faites par ordre du roi
A M. Dufour....................... . . 9,000 » »
A M. Faucon........................ / 48,056 | » »
~~~ 6,050,052 3 4
11^,844,621 6 3
CXV. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 18 au 25 décembre 1790. recette.
1. s. d.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 18 décembre................... 12,844,621 6 3
Reçu le 22 décembre, pour intérêts de 1,000,000 de livres de rescriptions en janvier, sur Cornuaud, trésorier des vivres, en mars, prises sous l'èscompte de 5 p. 0/0 l'an, ci.............|...........................................4,373 11 »
Total de la recette..........i........................12,848,994 17 »
dépense.
V^l s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 18 décembre............................................. 5,964,225 2 11
Autre dépense du 18 au 27 de ce mois...........................237,772 15 2
Autres dépenses précédentes........................... 830,344 » »
Total de dépense.................. 7,032,341 18 1
valeurs en caisse.
I. s. d.
Rescriptions échéantes depuis décembre jusqu'en mai.............. 1,278,500 » »
Sur quoi déduire celles reçues le 22 décembre...................... 51,500 » »
1,227,000 » »
Autres rescriptions en janvier, prises sous escompte le 22 décembre...... 930,000 > »
Total des rescriptions..... 2,157,000 » »
Assignations sur les domaines, en janvier et février..................... 817,000 » »
Lettre des colonies sur le Trésor royal. 248,800 » »
Billet de Garat, en février—....... 44,348 » »
Lettres sur le trésorier des .vivres, 1er mars, prises sous escompte le
22 décembre....... .*.............. 70,000 »> »
Effets donnés par M. Faucon, pour le
domaine de Versailles.............. 46,000 » »
Remis au roi........................ 38,560 » »
Assignats et coupons d'assignats—.. 2,265,670 » »
Espèces............................. 72,218 19 2
Valeurs en caisse.......... 5,759,596 19 2
Avances faites par ordre du roi, à
M. Dufour......................... 9,000 » »
A M. Faucon........................ 48,056 » »
Total des valeurs et avances.........................5,816,652 19 2
12,848,994 17 3
CXVI. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 15 au 22 janvier 1791. recette.
I. s. d.
Recette
précédente, suivant le bordéreau du 15 de ce mois................. 13,106,139 16 3
Reçu le 17 janvier, du Trésor public, pour les comptants et solde du mois,
à 2,083,333 livres 6 sols 8 deniers......................................... 1,835,733 6 8
Reçu les 14 et 15 janvier, pour intérêt de deux billets de Prévost, sur dépôt, Pun de 400,000, l'autre de 300,000 livres..........................................9,000 » »
Total de la recette...........r........... 14,950,873 2 11
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente suivant le bordereau du 15 janvier. 7,217,433 5 7
Autre dépense, du 15 au 22 janvier, sur 1790.............557,476 8 5
sur 1791........................28,307 17 6
Autres dépenses précédentes....................................1,036,344 » »
Le 16 janvier, remis au roi...-..........................................500,000 » >
Le 20 dudit, autre somme remise à Sa Majesté^..................1,000 » »
Total de la dépense......................9,340,561 11
valeurs en caisse.
1. s. d.
Rescriptions en janvier, février, mars,
avril et mai................... 1,620,000 ? »
Sur quoi reçu celles écbues les 20 et 22 de ce mois............................888,000 » »
732,000 » »
Assignations et billets des domaines,
de janvier jusqu'à juin.............. 1,354,927 » »
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 248,800 » »
Billets de Garat, en février...............44,348 » »
Lettres sur le trésorier des vivres
{M. Cornuaud), au 1er mars..................70,000 » »
Billets Prévost, sur dépôt d'effets royaux,
10 mars.....................................................200,000 » »
Deux autres dudit, pris sous escompte
de 9 et 8 0/0, 4 et 15 mars...........700,000 » »
Effets donnés par M. Faucon..................89,100 » »
Assignats et coupons...................2,031,150 » »
Espèces.............................110,986 11 5
Valeurs en caisse.......... 5,581,311 11
Avances faites par ordre du roi, à M. Dufour, sur l'ordonnance du 5 octobre 1790 ....................... 9,000 » »>
A Monsieur le grand aumônier, sur celle du 16 janvier 1791........... 20,000 » »
Total des valeurs et avances................. 5,610,311 11 5
14,950,873 2 11
GXVII. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette de dépense, du 22 au 29 janvier 1791.
recette.
1, s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 22 de ce mois..............— 14,950,873 2 11
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 22 janvier.. 7,803,217 11 6
Autres dépenses du 22 au 29 de ce mois, sur 1790............459,792 13 7
sur 1791..............42,730 8 2
Autres dépenses précédentes.....................................1,537,344 » »
Le 26 janvier, payé par ordre du roi................................5,000 »
Le 27 janvier, remis au roi........;............500,000 » »
Total de la dépense..... .......... 10,348,084 13 3
valeurs en caisse.
1. 8. d.
Rescriptions en janvier, février, mars,
avril et mai...................... 732,000 » »
Assignats et billets des domaines, jusqu'en juin........................ 1,354,927 » »
Lettres des colonies sur le
Trésor royal........... 248,800 1.)
Sur quoi reçu celle au >
29 janvier....................2,000 )
Billets de Garat, en janvier.......... 44,348 » »
Lettres sur le trésorier des vivres, y
(M. Cornuaud) 1er mars..................70,000 » »
3 billets Prévost, sur dépôt d'effets
royaux, 4, 10, et 15 mars......... 900,000 » f
Effets donnés par M. Faucon...^..... 89,100 » »
Assignats et coupons........ r.......„ 1,027,500 » »
Espèces. ---------------------- 109,113 9 8
Valeurs en caisse......... 4,573,788 9 8
Avances faites par ordre du roi, à M. Dufour, sur l'ordonnance du roi,
5 octobre 1790..............................9,000 »» »
A Monsieur le grand aumônier, sur celle du 16 janvier 1791........... 20,000 » »
Total des valeurs et avances................... 4,602,788 9 8
14,950,873 2 11
GXVIII. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. BORDEREAU de recette et dépense, du 29 janvier au 5 février 1791. recette.
1. s. d.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 29 janvier dernier............. 14,950,873 2 11
Reçu le 1er février, du Trésor public, sur lés comptants de ce mois ... • 219,600 » »
Total de la recette............................ 15,170,473 2 11
dépense.
1. s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 29 janvier.. 8,305,740 13 3
Autres dépenses du 29 janvier au 5 février, sur 1790_____ 333,668 14 10
sur 1791..............................|.......;..... 245,374 14 »
Autres dépenses précédentes.......................... ; 2 , 042,344 » »
Le 4 février, remis au roi...................................4,000 » »
Total de la dépense............... 10,931,128 2 1
Valeurs en caisse.
1. s. d.
Rescriptions en janvier, fé- liv. )
vrier, mars, avril et mai. 732,000f rnc- nnn
Sur quoi reçu celles au 31 jan- - I 505(uuu I "
vier.................... 227,000)
Assignats sur les domaines )
jusqu'en juin............ 354,9271 „n
Sur quoi reçu celles au 31 jan- ( boU'dUV " " vier —................ 804,627]
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 246,800 »
' Billets de Garat, en février......................44,348 » .
Lettres sur le trésorier des vivres
(M. Cornuaud), 1er marsL...,....... 70,000 » »
3 billets de Prévost, sur dépôts d'effets
royaux aux 4, 10 et 15 mars—. 900,000 » » Effets donnés par M. Fau- \
con.................... 89,100/ 7S 10û
Sur quoi reçu ceux échus le ( w
31 janvier.............. 11,000)
Assignats et coupons-----------...... 1,677,300 » »
Espèces ............................ . 130,497 » 10
Valeurs en caisse...............4,202,345 » 10
Avances faites par ordre, du roi, à
M. Dufour......................................9,000 » »
A M. le grand aumônier.............20,000 » »
A M. Marchais........................6,000 » »
A M. de Meude-Maupas....................2,000 » »>
Total des valeurs et avances............... 4,239,345 » 10
15,170,473 211
CXIX. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 5 au 12 février 1791. recette.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 5 février...................... 15,170,473' 2 11
V i. s. d.
Dépense
précédente, suivant le bordereau du 5 février... 8,884,784 2 1
Autres dépenses, du 5 au 12 de ce mois, sur 1790.............362,677 19 8
sur 1791............................................. 44,607 17 -6
Autres dépenses précédentes ........................... 2,046,344 » »
Total de la dépense............... 11,338,413 19 T
valeurs en caisse.
Rescriptions en février, mars, avril
et mai............................
Assignats et billets des domaines, jus-
qifen juin.................. —..
Lettres des colonies sur le Trésor royal
Billets de Garat, en février...........
Lettres sur lé trésorier des vivres
(M. Cornuaud) 1er mars............
3 billets de Prévost sur dépôts d'effets,
aux 4, 10 et 15 mars..............
Effets donnés par M. Faucon.........
Espèces
Valeurs en caisse.......... 3,795,05*
1. s. d.
505,000 » »
550,300 n »
246,800 » n
44,348 » »
70,000 > »
900,000 „ n
78,100 h »
1,272,950 » »
127,561 3 8
3,795,0& 3 8
Avances faites par ordre du roi.
A M. Dufour...........................9,000 » »
A M. le grand aumônier.....................20^000 » »
A M. Marchais...,........................6,000 « »
A M. de Meude-Maupas............. . ..2,000 » »
Total des valeurs et avances....... 3,832,059 3 8
15,170,473 2 11
CXX. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE, 'r- BORDEREAU de recette et dépense, du 12 au 19 février 1791. recette.
s. d.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 12 février...................... 15,170,473 2 11
Reçu du Trésor public, le 16 février, pour solde des 2,083,333 1. 6 s. 8 d., du même mois..................— »'..............................— 1,863,733. b 8
Total de la recette............................. 17,034,206 9 7
dépense.
Ï;V S. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 12 février.. 9,292,069 19 3
Autres dépenses, du 12 au 19 de ce mois, sur 1790....... 223,736 3 1
sur 1791....... 47,811 17 6
Autres dépenses précédentes........................... 2,040,344 » » .
Remis au roi, le 18 février—......................... 4,000 » »
Total de la dépense............... 11,613,961 19 10
valeurs en caisse.
I. s. d.
Rescriptions en février, mars, avril
et mai...».................§...... 505,000 » •>
Sur quoi reçu celles au 16 février— 60,000 » »
445,000 » .»
Assignations et billets des domaines,
jusqu'en juin...............'............550,300 » »
Lettres des colonies sur le Trésor royal. 246,800 » »
Billets de Garat, en février.............44,348 »> »
Lettres sur le trésorier des vivres
(M. Cornuaud) 1er mars..........................70,000 » »
3 billets de Prévost sur dépôt d'effets
royaux, aux 4,10 et 15 mars............900,000 » »
Effets donnés par M. Faucon................78,100 » »
Assignats et coupons..............2,917,600 » »
Espèces..............................................129,896 9 9
Valeurs en caisse..................5,382,044 9 9
Avances faites par ordre du roi, à
M. Dufour....................................................9,000 •> »
A M. le grand aumônier............................20,000 » »
A M. Marchais............................................6,000 » »
A M. de Meude-Maupas........................2,000 > *
A Mme Garnier, nourrice de feue
Mm8 Sophie, fille du roi..............1,200 » »
Total des valeurs et avances................ 5,420,244 9 9
17,034,206 9 7
CXXI. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU [de recette et dépense, du 19 au 26 février 1791. recette.
I. s.' d.
Recette
précédente, suivant le bordereau du 19 février...................... 17,034,206 9 7
dépense.
1. «. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 19 février... 9,563,617 19 10
Autres dépenses du 19 au 26 de ce mois, sur 1790,...............330,226 5 7
sur 1791...................................................79,862 » 10
Avances faites par ordre du roi, à M. Dufour..........................9,000 » »
A M. le grand aumônier.......................................20,000 » »>
A M. Marchais, huissier de la Chambre.........................6,000 » »
A M. de Meude-Maupas....................................2,000 » »
A Mme Garnier, nourrice de feue Mme Sophie, fille du roi.. 1,200 » » A M. Faucon, compté pour le payement des pensions sur
le domaine de Versailles.................... ................30,000 » »
Autres avances, pour frais de bureau :
Appointements de commis...................................................375 »> »
Fournitures de bureaux.......................................23 14 »
Mémoire : déboursés pour les comptants de la famille
royale, en 1791..........................................................................888 » »
Dépenses particulières précédentes..........................................2,050 ,344 » »
Total des dépenses et avances................. 12,093,537
valeurs en caisse.
1. s. d.
Rescriptions en février, mars, avril
et mai............................ ' 445,000 »
Sur quoi reçu celles au I
20 février............ 54,000 l.> 198,000 » »
Et celles au 22 février. 144,000 )
Reste...............247,000 » »
Assignats et billets des domaines, jusqu'en juin...... .......................550,300 » »
Lettres des colonies, sur le Trésor royal. 246,800 » »
Billet de Garat, en février.......................44,348 » »
Lettres sur le trésorier des vivres
(M. Gornuaud), lermars..........................70,000 » »
3 billets de Prévost, sur dépôt d'effets
royaux, aux 4, 10 et 15 mars...........900,000 » »
Effets donnés par M. Faucon. 78,100 1. Sur quoi reçu billet Dumoulin, au 21 février— 300
Reste..........................77,800 » »
Assignats et coupons—..............2,671,940 » »
Espèces..................................132,481 9 4
Total des valeurs en caisse.......... *....... 4,940,669 9 4
17,034,206 9 7
CXXII. (D. n° b.) Rapport fValazé, p. 215 ci-dessuss.j Service par intérim.
LISTE CIVILE. — DÉPENSE du 20 juin au 9 juillet 1791.
Six derniers mois
Détail. 1790. Année 1791. Total.
Gardes du corps.................... », » » 26,237 6 5 26,337 6 5
Cent-Suisses......................... ». » » 7,296 » » 7,296 » »
Gardes françaises..................... 666 13 4 375 » » 1,04113 4
Gardes suisses....................... » » » 75,323 12 6 75,323 12 6
Prévôté de l'hôtel.................... 292 13. » .....................292 13 »
Gages............................... 14,444 18 7 28,452 13 » 42,597 11 7
Chambre aux deniers................ 1,265 4 6 123,657 19 10 124,923 4 4
Menus-plaisirs....................... 6,062 10 » 6,062 » » 6,062 10
Garde-meuble..............................................................................14,861 10 » 14,861 ».
Ecurie....................................................20,887 » » 20,887 » »
Vénerie...........................................................2,500 » » 2,500 » »>
Bâtiments....................................................44,798 10 » 44,798 10 »
Maison de la reine................... 8,000 » 23,164 » » 31,164 » »
Dépenses imprévues.................................. 4,788 « » 4,788 » »»
Appartements et frais de bureaux..........................................17,910 4 >» 17,910 4 »
24,369 9 5 396,314 3 9 420,683 13 2
Avances au sieur Picciny.................................5,700
Au sieur Torressany, vétéran de la musique........... 1,000
6,700 »»
Sur quoi il faut déduire 4,500 livres remboursées par le sieur Dufour.............................— 4,500 »
Reste............................... 2,200 » »
Avances précédentes........................ 160,907 3 4 163,107 3 4
583,790 16 6
Certifié véritable, à Paris, le 9 juillet 1791.
Signé : Pourchasse, avec paraphe.
GXX11I. (D. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. LISTE CIVILE. — BORDEREAU de recette et dépense, du 10 au 17 septembre 1791.
recette.
s. d.
Recette précédente, suivant le bordereau du 10 septembre...,....y,......... 29,751,406 9 7
Reçu du Trésor public, le 13 septembre, pour solde des 2,083,333 1. 6 s. 8. d., _
dudi t mois de septembre................................................ 1,8bb,13 3 b a
Total de la recette............................. 31,617,539 16 3
dépense.
}.1 s. d.
Dépense précédente, suivant le bordereau du 10 sep- -- l ,
tembre 1791..........................................................................21*226,000 3 11
Sur quoi déduire les sommes payées aux sieurs de Santerre,
Savalette et Duruey, montant à............... ..............865,666 13 4
Reste........................:.... 20,360,333 10 7
Autre dépense, du 10 au 17 septembre, sur 1790..................47,982 15 10
sur 17S1.............................................................321,326 8 11
Avances faites par ordre du roi, suivant le bordereau du ;
10 septembre ................................................1T,®«Î8 3 4
Dépenses particulières, suivant le dernier bordereau.— 6,560,15b » » Payements faits aux sieurs de Santerre, Savalette et Duruey ;
: Savoir :
Le 15 juillet 1791, à M. de Santerre, poUr le service de M. le comte d'Artois............. 20,000 1.'
Le 19 dudit mois, au même pour le service du comte d'Artois ........................... 180,000
Ordonnance de Sa Majesté, du 15 juillet, de.;...........
Le 20 juillet, à M. Savalette> ordonnance de Sa Majesté, du 19 du piême mois, pour le service de M. le comte
d'Artois, de..........................................
Le 23 août, au même,ordonnance de^Sa Majesté, du même
jour, pour service du comte d'Artois..................
Le 30 août, à M. Duruey, ordonnance de Sa Majesté, du
23 du même mois, pour intérêts......:...............
Ledit jour, 30 août, au même, bon du roi, du6 février 1791. Le 17 septembre, payé sur un bon du roi.......... :.....
200,000 ».
200,000 »
200,000 »
15,666 13 250,000 » 5,000 •»
Total des dépenses et avances.. —-------------28,336,572 12 >
valeurs en caisse.
Effets donnés par M. Faucon........... 20,000 » »
En caisse, assignats et espèces......... 3,300,967 4 3
Total des valeurs en caisse....................3,300,967 4 3
31,617,539 16 3
GXXIV. (Carton 18.) Rapport Valazé, page 215 ci-aessus. Rapport du 20 juin 1792.
On assure que les chevaliers du poignard, qui ont depuis peu voulu renouveler leur scène, ne sont point encore divisés, et que leur rassemblement se fait tant à l'hôtel de Brionne, près le château des Tuileries, qu'à la forêt de Sénart : on les croit aû nombre de dix-huit mille.
Depuis quelques jours, on prétend, par toute la ville, que le roi s'est confessé et a fait son testament.
On dit hautement que les circonstances présentes exigent que l'on se défasse de la race des Bourbons, etl'on croit que, cette expédition faite, le grand projet serait ae marier une demoiselle d'Orléans au prince Charles et de proclamer celui-ci roi des Français.
On annonce que les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel ont est roi de Coblentz, sur la demande qu'ils doivent lui en faire : les gens de bon sens, eeux-mêmes qui désireraient le voir fuir, afin qu'il fût dans le cas de l'abdication, regardent cette prétendue démarche des faubourgs, comme impraticable, ou tout au moins très inconsidérée, pour ne pas dire déplacée.
Le projet d'assassiner M. le maire de Paris commence à transpirer; si le bruit s'en confirme et qu'on en ait la certitude, gare la Cour.
On a vu hier plusieurs particuliers dans Paris placer sur leur porte l'arbre de la liberté. - Hier, à midi, un Suisse, en uniforme, déclamait contre la nation, dans un des petits cafés du Carrousel; le peuple a voulu lui faire un mauvais parti ; la .gendarmerie s'en est emparée.
Le peuple paraît donner dans l'invitation qui lui a été faite par l'affiche signée Talien, citoyen de la place Royale, d'aller au Jeu-de-Paume, à
Versailles, pour y célébrer l'anniversaire du serment qui y fut fait par les députés de l'Assemblée constituante, le 20 juin 1792.
On parlait, hier, de forcer les portes des Tuileries si elles se trouvaient fermées l'après-midi.
Un sieur Duguerey, l'un des gardes du roi licencies, prône partout que lui et tous les autres gardes, ses camarades, jouissent de chacun 600 livres de rente, qui doivent leur être payées par la liste Civile.
La demoiselle Théroigne n'a, hier, cessé de provoquer le peuple pour appuyer le projet et 1 entreprise des faubourgs, tel que nous venons de l'annoncer plus haut.
Signé à Voriginal.
Par Minot.
GXXV (Liasse G. n° 8.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. «.
Je reconnais avoir reçu de M. de Septeuil, premier valet de chambre du roi, la somme de soixante-quinze livres, pour un quartier de la. pension que Sa Majesté a daigné m'accorder sur sa cassette.
Turin, 25 mai 1791.
Reçu.
Signé: Tailleur. Signé : Fleury.
CXXVI (Liasse C. n° 8.) Rapport page 215 ci-dessus.
Gratis.
Valai
Claude-Louis Tailleur, valet de chambre de Madame comtesse d'Artois et de service auprès de sa personne, en cette ville de Turin, où il réside actuellement sur la paroisse de Saint-Eusèbe, né le 11 juin 1746.
Turin, le 25 mai 1791.
Signé: Tailleur.
Nous, Louis-Marie-Gabriel-César de Ghoiseul, maréchal des camps et armées du roi et son ambassadeur près le roi de Sardaigne.
Certifions que Claude-Louis Tailleur, valet de chambre de Madame comtesse d'Artois et de service auprès de sa personne, en cette ville de Turin, où il réside actuellement, sur la paroisse de Saint-Ëusèbe, né le onze juin mil sept cent quarante-six, qui nous a fait la déclaration ci-dessus, signée de sa propre maih, et dont nous avons reconnu la teneur véritable, est réellement vivant, s'étant présenté aujourd'hui devant nous. En foi de quoi nous lui avons délivré le présent certificat de vie, que nous avons signé de notre main, fait contresigner par notre secrétaire d'ambassade, et à icelui, fait apposer le sceau de notre ambassade.
Donné à Turin, le 25 mai 1791.
Signé: Choiseul.
Par son excellehce:
Signé: Lalande.
Ambassade de France à Turin.
CXXVII (G. n° 18 par erreur; lisez G. n° 7.)
Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
J'ai remis,' il y a quelques jours, à Votre Majesté des notes relatives à quelques personnes qui sont dans le plus grand état de détresse et qui sollicitent vos bontés.
Ce sont :
Mme de Polignac;
M. de la Vauguyon;
M.'de Choiseul, ancien menin de Votre Majesté,
Et M. de Gand (le vicomte).
Le dernier est celui qui a le moins de droits à votre bienfaisance; il n'a jamais été attaché au service de votre personne ; il paraît aujourd'hui . naturalisé Espagnol, et c'est par la puissante recommandation de Votre Majesté qu'il a obtenu lagrandesse.
Mais les trôis autres méritent vos bontés. Je ne dirai rien de Mme de Polignac, ses malheurs sont connus.
Ceux de M. de la Vauguyon le sont également ; il ne peut rentrer en France, et il ne reçoit rien de ses revenus, ses fermiers ne le payent pas.
M. de Choiseul est absolument ruiné par les événements désastreux de Saint-Domingue ; il a huit enfants, il a eu l'honneur d'être menin de Votre Majesté.
Si vous avez,'sire, la bonté d'accorder des secours à ces trois personnes, je pense qu'il convient, qu'il est même important qu'il n'y en ait point de vestiges dans les bureaux, et que Votre Majesté donne directement ses ordres à M. de Septeuil, à qui je pourrai indiquer à qui il faudra payer.
CXXVIII (D. n° !«'.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
A Paris, le 21 février 1792.
Le roi, Monsieur vous a fait connaître directement ses intentions sur les secours que Sa Majesté est dans l'intention d'accorder à M. de Choi-seul-Beaupré; il m'a paru qu'elle était de lui faire payer les appointements de menin, conservés. Le but de cette lettre n'est autre que de vous faire connaître M. l'abbé Ràtel, à qui Sa Majesté a décidé que le secours réservé à M. de Choiseul fût payé. M. l'abbé Ratel se chargera
tle lui faire passer ce que le roi a bien voulu lui accorder.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé: Laporte.
M. de Septeuil.
GXXIX (D. h° 1.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus. 9,000 livres. '
Je, soussigné, reconnais avoir reçu de M. de Septeuil, la somme de neuf mille livres pour M. de Choiseul-Beaupré, à raison de six mille livres pour son traitement conservé de menin du roi, pour les six derniers mois de 1790, et l'an* née entière 1791, laquelle somme m'a été délivrée sans aucune retenue, suivant les intentions de Sa Majesté.
Paris, ce'23 février 1792.
Signé : l'abbé Ratel, Pour M. Choiseul-Beaupré.
CXXX. (C. n° 33.) Rapport Valazé, . page 215 ci-dessus.
Je, soussigné, reconnais que M. de Septeuil m'a remis la somme dé seize mille six cents livres pour le mois dé mai, suivant les ordres du roi.
Paris, le 10 juillet 1790.
Siqné : de bonnières.
Bon pour 16,600 livres.
CXXX1. (C. n° 33.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
M. de Septeuil payera à M. de Bonnières la somme de seize mille six cent soixante livres par mois* pour l'entretien de mes neveux à Turin.
Paris, le 15 avril 1792.
Approuvé : Signé : louis.
CXXXII. (B. n» 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
A l'Un, ce 25 décembre 1791.
Je viens, Monsieur, de retrouver dans un portefeuille qui m'a été rendu en dernier lieu, un titre que j'ai omis, qu'il était de mon devoir de vous envoyer ; c'est une reconnaissance du quartier-maître Tresmer, du régiment, pour la somme de neuf cents louis en or, que je lui ai remis la veille de mon départ de Thionville; ils font partie des quatre-vingt mille livres qui sont à la caisse du 56e régiment, et qui appartiennent à la personne que vous connaissez ; vous ferez, Monsieur, de ce billet, l'usage que vous jugerez convenable; je l'ai passé à l'orare de celui qui le présentera, mais en suivant les moyens que j'ai indiqués pour ravoir ces fonds, en faisant faire une retenue par le trésorier de la guerre sur la subsistance et l'entretien du régiment. Ce titre-ci deviendra nul; et si vous ne jugez . pas à propos de vous en servir, je vous prie de le remettre à la personne qui a déjà eu l'honneur de vous voir de ma part, et qui doit revenir à Paris ces jours-ci.
Je crois, Monsieur, qu'on ne saurait trop hâter la fin de cette affaire ; car plus elle traîne, et plus elle pourrait s'embrouiller.
Pai l'honneur d'être, avec la plus haute considération, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : hamilton.
GXXXIII. (B. n° 5.) Rapport Valazé,, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 20 mars 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
GXXX1V. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
11,400 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de onze mille quatre cents livres. Paris, le 11 avril 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
CXXXV. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 30 avril 1792.
Approuvé : Signé ; LOUIS.
GXXXVI. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 15 mai 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
GXXXVII. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 30 mai 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
CXXXVIII. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 15 juin 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
GXXXIX. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. de Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le lor juillet 1792.
Approuvé : Signé : Louis.
CXL. (B. n° 5.) Rapport Valazé, page 215 ci-dessus.
10,000 livres.
M. d| Septeuil payera à M. de Rochefort la somme de dix mille livres. Paris, le 15 juillet 1792.
Approuvé : Signé : Lotiis.
a la séance de la convention nationale du
Lettre du général Kellermann, commandant de l'armée du Centre, en réponse aux accusations portées contre lui par le général Custine (2).
«Au quartier général de Metz, le 4 novembre 1792, l'an Ier de la République française.
«Lecitoyen général Custine vientdem'envoyer, par un courrier extraordinaire, copie d'une dénonciation qu'il s'est permis de faire contre moi et qu'il vous adresse. Je me flatte que la Convention nationale jugera comme moi qu'elle n'a pu être dictée que dans un accès de l'olie ou de vin. Il me taxe d'avoir fui; lâchement à une affaire qui s'est passée à d'Aham, près de Landau, entre le 1er régiment de dragons et le hussards de Wurmser. Je dis donc que s'il y a eu une lâcheté elle ne peut tomber que sur Custine, pour avoir mal posté son régiment, et pour n'avoir pas combattu à sa tête au moment du danger. Je ne doute pas que ce régiment ne l'atteste;"quant à moi n'y étant pour rien, ainsi que Victor Broglie et d'autres généraux qui s'y trouvaient, nous nous sommes retirés, tournés et prêts à être pris par les ennemis-Nous avons joint les troupes à nos ordres que nous trouvâmes tant à Merlheim qu'à Offenbach, villages sur les lignes de la Knaye, dans la plus parfaite ignorance de leur destination. Une plus amplè explication ne prouverait pas davantage sur les grandes dispositions du général Custine.
« Vous devez juger, citoyen Président, par mes lettres et réponses que le général Custine vous a adressées, de toute l'étendue de ses connais- • sances militaires.
« A l'égard de mon plan de campagne, je l'ai adressé au ministre et aux généraux Dumouriez, Biron et Custine. Je le propose pour le mois de janvier, temps ou ces sortes d'expéditions peuvent se faire avec le plus de succès. Les ennemis se-seront dispersés dans leur quartier d'hiver et nos troupes reposées et ravitaillées.
« L'on me presse de continuer la campagne. Je marcherai dans quatre jours avec vingt-nuit bataillons composés de quatre cents hommes chacun et trente escadrons composés de cent hommes chacun. MM. les commissaires Carnot et Huguenin, témoins de l'état de délabrement dansl habillement de toute espèce de mes troupes, vous en rendront compte; mais les moyens qu'ils ont pris depuis leur court séjour ici, me fait espérer qu'à bien des égards mes soldat^ seront en état de marcher. C'est ce que je désire avec le plus grand empressement; malgré les forces considérables de nos ennemis dans l'Electorat de Trêves et le duché de Luxembourg composé de l'armée Prussienne et Autrichienne, sous les ordres de Hohenlohe.
« Le Général d'armée du Centre, « Signé : kellermann. »
Séance du
présidence de m. hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 6 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
Lettre du citoyen Rubigny, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage contenant des vues sur le commerce.
(La Convention ordonne qu'il en sera fait mention honorable dans le procès-verbal, et renvoie l'ouvrage au comité de commerce.)
2° Lettre du citoyen Dutrane, qui fait hommage à l'Assemblée d'un manuscrit intitulé : Questions sur les colonies.
(La Convention ordonne la mention honorable de l'hommage et le renvoi au comité colonial.)
3° Lettre du citoyen Français, de Nantes, qui réclame des secours en faveur des employés des différentes régies qui sont sans emploi.
(La Convention renvoie cette pétition au comité de liquidation.)
fait hommage al'Assemblée, au nom de son ami Joël Barlow, citoyen anglais, d'un ouvrage intitulé : Lettre à la Convention nationale snr les vices de la Constitution de 1791 et sur Vétendue des amendements à y porter, pour lesquels cette Convention a été convoquée, par Joël Barlow, écuyer, auteur de 4'Avis aux ordres privilégiés de la Vision de Colombe et de la Conspiration des rois (1).
Je demande qu'il soit fait mention honorable de l'hommage au procès-verbal, que l'ouvrage soit traduit, renvoyé au comité de Constitution et qu'il soit adressé à Joël Barlow un extrait du procès-verbal.
(La Convention décrète ces diverses propositions.)
Je propose, en outre, d'inscrire Joël Barlow sur la liste des étrangers à qui on doit accorder le titre et les droite de citoyen français.
(La Convention renvoie cette proposition au comité diplomatique.)
, secrétaire^ donne lecture d'une lettre du citoyen Cappy,prîsionner à Pans, depuis trois mois et dix mois détenu à l'Abbaye, en vertu d'un décret du comité de sûreté générale, qui seplaint de navoir point encore été interrogé. Elle est ainsi conçue (2) :
« Citoyen Président et Représentants,
« Antoine François Joseph Cappy vient de
« Les citoyens Hérault de Séchelles et Musset députés, m'ont fait l'honneur devenir me visiter le jeudi 26 octobre dernier ; ils pourront attester qnil n'y avait alors contre moi ni décret d'accusation, ni mandat d'arrêt, ni écrou, pas même de procès-verbal ; cependant voilà trois mois que je suis dans une affreuse captivité, et les procédés révoltants et inhumains, qu'on ne devrait pas avoir envers le dernier scélérat convaincu ae crimes, leur ont été attesté d'avoir été employés contre moi. II est bien douloureux u'après avoir souffert tout ce que j'ai souffert, étenu si longtemps contre le voeu de la loi : que la loi du 8 octobre prononce mon élargissement dans la quinzaine, et qu'elle soit encore sans exécution à mon égard; quoique ceux qui ont été arrêtés plus d'un mois après soient en liberté depuis longtemps. Il faut que j'aie de cruels ennemis dans le sein de la Convention. Une personne digne de foi, incapable d'en imposer, a dit à ma compagne, que MM. Panis et Sergent m'en voulaient et que c'étaient eux qui me retenaient ; qu'ils ont empêché MM. Hérault de Séchelles et Musset de faire leurs rapports à la Convention nationale et sollicités que je sois transféré à l'Abbaye, ce qui a eu lieu le 28 du mois dernier. J'éloigne de mon idée que deux représentants au mépris de la loi veulent la transgresser pour accabler un citoyen qui n'a jamais eu aucun démêlé avec eux : je me plais à croire qu'on m'a bien calomnié dans leurs esprits : s'ils avaient acquiescé aux prières que je leur ai faites par différentes lettres de m'entendre, ils eussent été bientôt désabusés et indignés contre les personnes qui m'ont calomnié. Mon affaire du mois de mai est une chose finie et jugée par M. Legier, juge de paix : si j'avais été coupable, on m'eût puni alors et, bien loin des fausses dénonciations du sieur Petit, onn'a rien trouvé chez moi, pas même vestige qui puisse conduire au soupçon. M. Legier a, sur-le-champ, renvoyé le tout au comité de surveillance ; M. Merlin lui-même qui, mieux que personne, a connu cette affairej a dit à ma compagne que c'était une chose jugée et finie pour laquelle je ne pouvais pas être recherché, ou en recours à cela, qu'à cause qu'on eût voulu me trouver coupable au 10 août. M. Gaudicbon, officier municipal et commissaire des prisons qui est resté le 31 décembre une heure avec moi, m'a fait dire qu'on ne pouvait pas m'interroger à cause qu'on avait autre chose contre moi que le procès-verbal d'apposition des scellés. Me retient-on parce que je suis innocent ? Veut-on ma mortv en m'ôtant tout moyen de pouvoir désormais exister et élever ma famille? Ma compagne, depuis que je suis enfermé, a été obligé de vendre ou engager tous mes effets pour pourvoir à ma subsistance et à la sienne. Je suis même journellement menacé de voir saisir mon lit pour payement d'un terme échu de location. Non, ; e ne puis croire que les représentants de la République permettent qu'on persécute plus longtemps un infortuné qui n'a point de reproches à se faire, et espère qu'ils daigneront me rendre, sur-le-champ, à ma famille pour pouvoir pourvoir aux besoins urgents d'une
femme malade ainsi qu'à ceux de l'enfant à qui elle va donner le jour.
« Prison de l'Abbaye, Paris, le6 novembre 1792. L'an Ier de la République franaçise.
« Signé A.-F.-J. Cappy, prisonnier et mon domicile rue de Tracy, n° 4, près Saint-Chaumont.
Je propose à la Convention de renvoyer cette lettre au ministre de la justice, pour en rendre compte dans trois jours.
(La Convention décrète la proposition de Lanjuinais.)
Je demande qu'il soit dressé une liste de quinze candidats pour compléter le nombre des membres du comité de l'instruction publique.
(La Convention décrète cette proposition.)
Un membre propose qu'il soit indiqué une séance du soir pour entendre les rapports des divers commissaires de la Convention nationale, qui n'ont pas encore rendu compte de leur mission.
(La Convention décrète cette proposition.)
,secrétaire, donne lecture d'une adresse à la Convention nationale de France par plus de cinq mille citoyens anglais, composant les Sociétés constitutionnelle et de la réformation de Manchester, celte délia révolution de Norwicle, et celle des Wighs constitutionnels, indépendants ét amis du peuple, unies dans une cause commune, c'est-à-dire pour obtenir une représentation juste, égale et impartiale dans le Parlement.
Suit la teneur de l'adresse :
La Société constitutionnelle de Manchester ; Thomas Walker, président; Samuel Jarksoii, secrétaire,
« La société de la réformation de Manchester ; J. Bull, président ; John Stacy, secrétaire.
« La société de la révolution de Norwicle ; Thomas Goff, président ; John Cousens, secrétaire.
« Les Wighs constitutionnels, indépendants et amis du peuple ; Gente Pullec, président ; Jacques Bly, secrétaire.
« Français,
« Tandis que des brigands étrangers, sous le spécieux pretexte de venger la justice, ravagent votre territoire, y portent partout la désolation et la mort; taudis qu'aussi traîtres que perfides, ils ont l'impudence de proclamer que la compassion et l'amitié sont les seuls motifs de leurs incursions, la partie opprimée de l'humanité, oubliant ses propres maux, ne sent que les vôtres ; et contemplant d'un œil inquiet |ces événements, adresse au Dieu de l'univers les prières les plus ferventes pour qu'il soit favorable à votre cause, à laquelle la leur est si intimement liée. ( Applaudissements.)
« Avilis par un système oppresseur d'inquisition, dont les empiétements insensibles, mais continus, ont bientôt ravi à cette nation presque toute sa liberté tant vantée, et l'ont presque amenée à cet état abject d'esclavage dont vous venez si glorieusement de sortir, cinq mille citoyens anglais, transportés d'indignation, ont le courage de s'avancer pour arracher leur pays à l'opprobre dont l'a couvre la conduite lâche de ceux qui sont revêtus du pouvoir. Ils croient qu'il est du devoir des vrais Bretons de soutenir et d'assister de tous leurs moyens les défenseurs des Droits de l'homme, les propagateurs du bonheur de l'humanité, et de jurer à une nation
qui procède d'après le plan que vous avez adopté, une amitié inviolable. Puisse, dès ce jours, celte amitié être sacrée entre nous, et puisse la vengeance la plus éclatante tomber sur la tête de l'homme qui tentera d'occasionner une rupture I (Applaudissements.)
« Français, notre nombre paraîtra peu considérable comparativement au reste de la nation ; mais sachez que notre nombre augmente chaque jour; et si le bras terrible et constamment levé de l'autorité en impose aux timides, si les impostures répandues a chaque instant avec jant d'industrie égarent les crédules, et si l'intimité publique de la Cour avec des Français reconnus traîtres à leur pays entraîne les imprévoyants et les ambitieux, nous pouvons vpus dire aussi avec certitude, hommes libres et amis, que l'instruction fait des progrès rapides parmi nous; que la curiosité s'est emparée de l'esprit public; que le règne inséparabledel'ignorauce et du despotisme s'évanouit et qu'aujourd'hui tous les hommes se demandent : « Qu'est-ce que la li-« berté? Quels sont nos droits? » (Applaudissements.) Français, vous êtes déjà libres ; mais les Bretons se préparent à le devenir. (Applaudissements.)
« Dépouillés enfin de ces préjugés cruels, inculqués dans nos cœurs avec tant d'industrie par de vils courtisans, au lieu d'ennemis naturels, nous ne voyons dans les Français que nos concitoyens du monde, que les enfants de ce père commun qui nous a tous créés pour nous aimer, pour nous secourir les uns les autres et non pour nous haïr et être prêts à nous égorger au commandement de rois faibles ou ambitieux, de ministres corrompus.
« Ën cherchant nos ennemis réels, nous les trouvons dans les partisans de cette aristocratie qui déchire notre sein; aristocratie qui, jusqu'à présent, a été le poison de tous les pays sur la terre : vous avez agi sagement en la bannissant de la France.
« Quelque fervents que soient nos souhaits pour vos succès, quelque ardents que soient nos désirs de voir la liberté triomphante sur la terre et l'homme rétabli partout dans la pleine jouis sance de ses droits, nous ne pouvons, par un-sentiment de notre devoir, comme citoyens amis de l'ordre, voler en armes à votre secours.
« Notre gouvernement a engagé la foi nationale que les Anglais resteraient neutres. Dans une lutte de la liberté contre le despotisme, les Bretons rester neutres! ô honte! (Vifs applaudissements.)^,.
« Mais nous avons donné à notre roi dés pouvoirs à discrétion; il noUs faut obéir : nos mains sont enchaînées, mais nos cœurs sont libres, et ils sont avec vous. (Applaudissements réitérés.)
« Que les despotes allemands agissent comme ils le voudront^ nous nous réjouirons de leur chute. En plaignant les malheureux qu'ils tiennent en esclavage, nous nous flattons que leur tyrannie procurera enfin les moyens de rétablir dans la pleine jouissance de leurs droits et de leur liberté des millions de nos semblables.
« Nous voyons aussi, sans aucun intérêt, que l'électeur de Hanovre joigne ses troupes à celles des traîtres et des brigands.
« Mais le roi d'Angleterre ferst bien de se souvenir que l'Angleterre n'est pas le Hanovre.
« S'il pouvait l'oublier, nous ne l'oublierions pas. (Vifs applaudissements.)
« Tandis que vous jouissez, frères et amis, de la gloire enviée de défendre seuls la liberté,
nous anticipons avec transport sur l'avenir pour y voir les avantages sans nombre et le bonheur que vous procurerez aux hommes, si vous réussissez, comme nous le désirons ardemment : la triple alliance, non des couronnes (Applaudissements), mais des peuples de l'Amérique, de la France et de la Grande-Bretagne, donnera la liberté à l'Europe et la paix à l'univers. (Applaudissements réitérés.)
« Chers amis, vous combattez pour le. bonheur de l'humanité entière. Est-il pour vous aucune perte, quelque sanglante qu'elle soit, comparable à l'avantage glorieux et sans exemple de dire : « L'univers est libre (Applaudissements), les tyrans et la tyrannie ne sont plus; la paix règne sur la terre, et c'est aux Français qu'on le doit? » (Nouveaux applaudissements.)
« Le désir d'avoir le concours de différentes sociétés répandues dans toute l'Angleterre a retardé l'envoi de cette adresse. Des succès inouïs dans l'histoire ont accompagné vos armes; nous vous en félicitons : vos succès ont dissipé nos inquiétudes, mais n'ont aucunement influé sur nos sentiments.
« Souvenez-vous, Français, que, quoique ce témoignage d'amitié ne parvienne qu'à présent à vos assemblées, il doit néanmoins porter la date du 27 septembre 1792. (Vifs applaudissements.)
Signé par ordre: Maurice Mar-gacot, président: Tho-mas Hardy, secrétaire. »
Je demande que cette adressé soit insérée avec mention honorable dans le procès-verbal, qu'elle soit traduite, imprimée et envoyée à tous les départements et aux armées.
(La Convention décrète ces diverses propositions.)
Jè propose, en outre, que le président de la Convention nationale soit chargé de répondre, au nom de la nation française, aux citoyens anglais signataires de cette adresse.
(La Convention décrète cette nouvelle proposition.)
(Hérault), au nom du comité d'agriculture et de cofnmerce réunis, soumet à la discussion un projet de décret sur les subsistances (1).
Plusieurs |membres observent que le projet de décret n'a été distribué que la veille et demandent l'ajournement de la discussion à la séance de demain. (La Convention décrète cette motion.)
Un membre demande à la Convention nationale d'ajourner à la séance du lendemain le rapport du comité militaire sur la conduite du général Duhaux.
(La Convention décrète cette proposition.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport (2) et présente un projet de décret sur le jugement du ci-devant roi et la, forme d'y procéder; il s'exprime ainsi :
Louis XVI est-il jugeable pour les crimes qu'on lui impute d'avoir commis
sur le trône constitutionnel? Par qui doit-il être jugé? Sera-t-il
traduit devant les tribunaux ordinaires, comme tout autre citoyen accusé
de crime d'Etat? Déléguerez-
Voilà les questions que votre comité de législation a longtemps et profondément agitées. La première est la plus simple de toutes; et cependant c'est elle qui demande la plus mûre discussion, non pas pour vous, non pas pour cette grande majorité du peuple français, qui a mesuré toute l'étendue de sa souveraineté, mais pour le petit nombre de ceux qui croient entrevoir dans la Constitution l'impunité de Louis XVI, et qui attendent la solution de leurs doutes; mais pour les nations qui sont encore gouvernées par des rois, et que vous devez instruire; mais pour l'universalité du genre humain qui vous contemple, qui s'agite entre le besoin et la crainte de punir ses tyrans, et qui ne se déterminera peut-être que d'après l'opinion qu'il aura de votre justice. (Applaudissements.)
§ 1. J'ouvre cette Constitution qui avait consacré le despotisme sous le nom de royauté héréditaire; j'y trouve que la personne du roi était inviolable et sacrée; j'y trouve que, si le roi ne prêtait pas le serment prescrit, ou si, après l'avoir prêté, il le rétractait ; que, s'il se mettait à la tête d'une armée et en dirigeait les forces contre la nation, ou s'il ne s'opposait pas par un acte formel à une telle entreprise qui s'exécuterait en son nom; que, si, étant sorti du royaume, il n'y rentrait pas après une invitation du Corps législatif, et dans un délai déterminé, Ù serait censé, dans chacun de ces cas, avoir abdiqué la royauté. J'y trouve qu'après l'abdication expresse ou légale, le roi devait être dans la classe des citoyens, et qu'il pourrait être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication.
Gela veut-il dire que le roi, tant qu'il serait assez adroit pour éluder les cas de la déchéance, pourrait impunément s'abandonner aux passions les plus féroces? Cela veut-il dire qu'il pourrait faire servir sa puissance constitutionnelle au renversement de la Constitution; que si, après avoir clandestinement appelé à son secours des hordes de brigands étrangers ; si, après avoir fait verser le sang de plusieurs milliers de citoyens, il venait à échouer dans ses entreprises contre la liberté, il en serait quitte pour la perte d'un sceptre qui lui était odieux, parce qu'il n'était pas de fer; et que la nation, longtemps trahie, longtemps opprimée, n'aurait pas le droit, en se réveillant, de faire éclater une vengeance effective, et de donner un grand exemple à l'univers?
Peut-être était-ce là l'esprit de ceux qui provoquèrent ces articles que Louis XVI ne man- quera pas d'invoquer en sa faveur. Mais, pressés de s'expliquer, ils ne répondirent que.par des subtilités évasives : ils auraient rougi d'avouer qu'il entrât dans leurs Vues de reconduire Louis XVI au despotisme par l'attrait d'une pareille impunité ; semblables, sous certains rapports, à l'aristocratie sénatoriale de Rome, qui préparait le peuple à la servitude par des nominations fréquentes de dictateur, et qui, pour y procéder, s'enveloppait dans les ombres de la nuit et du secret, comme si elle avait eu honte, dit Jean-Jacques, de mettre un homme au-dessus de la loi.
Voyons quels furent les motifs et l'objet de l'inviolabilité royale : c'est le moyen d'en saisir
le vrai sens, et de juger si elle peut être opposée à la nation elle-même.
La France, disait-on, ne peut pas se soutenir sans monarchie, ni la monarchie sans être entourée de l'inviôlabilité. Si le roi pouvait être accusé ou jugé par le Corps législatif, il serait dans sa dépendance ; et dès lors, ou la royauté serait bientôt renversée par ce corps, qui, usurpant tous les pouvoirs, deviendrait tyrannique, ou elle serait sans énergie, sans action pour faire exécuter la loi; dans tous les cas, il n'y aurait plus de liberté. Ce n'est donc pas pour l'intérêt du roi, mais pour l'intérêt même de la nation, que le roi doit être inviolable. On convenait cependant que cette inviolabilité était menaçante pour la liberté ; mais on prétendit y remédier par la responsabilité des ministres.
Voilà par quels sophismes on cherchait à égarer la nation ! Ignorait-on que la royauté avait long-. temps subsisté à Sparte et chez d'autres anciens peuples, sans la dangereuse égide de l'inviolabilité; que les rois v étaient soumis à des tribunaux populaires; que leur dépendance, leur jugement et leur condamnation, bien loin de nuire à la liberté, en était le plus sûr garant?
Plus sage que les Spartiates, la nation française a commencé par abattre la royauté, avant d'examiner si le roi était innocent ou coupable ; et déjà elle a prouvé combien elle était calomniée ou trahie, quand on disait que le gouvernement monarchique était un besoin pour sa puissance et sa gloire.
Mais revenons à l'inviolabilité royale. Remarquons d'abord qu'elle n'était pas absolue à l'égard même du Corps, législatif. En effet, la Constitution prononçait la déchéance du roi dans le cas, par exemple, où il ne serait pas opposé, par un acte formel, aux entreprises d'une force dirigée en son nom contre la nation ; et un roi perfide pouvait déployer une opposition illusoire et non formelle. Il fallait donc décider si cette opposition avait été réelle ou simulée. Mais pour cela, il était évidemment nécessaire d'examiner la conduite du roi, de le mettre en cause, de le juger. Dans l'état ou étaient alors les choses, ce droit ne pouvait appartenir qu'à la première des autorités constituées. Il était donc des cas où la Constitution soumettait l'inviolabilité royale au jugement du Corps législatif.
Le roi n'avait-il à se prémunir que contre les cas de déchéance? Et l'impunité lui était-elle d'ailleurs assurée pour toutes sortes de crimeç ou d'attentats? Nous l'avons déjà dit : du propre aveu de ses défenseurs, l'inviolabilité royale avait pour objet unique l'intérêt de la nation, le maintien de son repos et de sa liberté ; et jamais elle ne devait être nuisible, parce que le roi était condamné à ne pouvoir faire exécuter aucun ordre qui ne fût signé par un ministre, et que les agents répondaient sur leur tête de tous les délits d'administration.
Si Louis XVI avait pesé à cette balance l'exercice de son pouvoir, il aurait le^spécieux prétexte de vous dire : dans tout ce que j'ai fait, j'avais en vue le bonheur de la nation : j'ai pu me tromper; mais le sentiment de mon inviolabilité m'encourageait à essayer mes idées de bien public. Je les ai toutes soumises à mes agents h ie n'ai rien ordonné qui ne porté le sceau de leur responsabilité ; voyez leurs registres .* c'est donc à eux seuls qu'il faut vous en prendre, puisqu'ils doivent seuls garantir mes erreurs.
Qu'il est loin de pouvoir tenir un tel langage, s'il a violé la loi qui lui commandait d'avoir un
agent toujours prêt à répondre de ses erreurs ou de ses délits; s'il a tourné contre la nation la prérogative qu'il avait reçue pour elle; s'il a industrieusement. éludé ce préservatif de la liberté individuelle et publique ! Nous pressentions depuis longtemps qu'on préparait le tombeau de la nation; mais les mains, employées pour le creùser étaient invisibles. La trahison se promenait sur toutes les têtes citoyennes, sans pouvoir être aperçue; la royauté devait être comme la foudre qui frappe avant l'apparition de l'éclair.
Et Louis XVI qui, pour mieux tromper la nation, aurait travaille sans relâche à lui rendre suspects les membres les plus purs du Corps législatif; Louis XVI qui, dans un temps même où il se serait cru si près de recueillir le fruit de ses perfidies, venait faire retentir cette salle auguste de ses hypocrites protestations d'attachement à la liberté, ne serait pas personnellement responsable des maux qu'il aurait personnellement occasionnés !
Il dira que sa personne ne pouvait pas être separée des fonctions de la royauté ; qu'inviolable comme roi pour tous les faits administratifs, il l'était comme individu pour tous les faits personnels!
Nous répondrons qu'il est accusé de n'avoir que trop justifié la possibilité de cette séparation. Son inviolabilité, comme chef du pouvoir exécutif, avait pour unique base une fiction qui rejetait le délit et la peine sur la tête de ses agents. Mais n'a-t-il pas renoncé à l'effet de cette fiction, s'il est vrai qu'il ait ourdi ses complots sans le concours de ses ministres ordinaires, ou sans agents visibles, ou qu'il les ait mis hors de l'atteinte d'une surveillance efficace ? et comme il répugne aux bases mêmes de la Constitution acceptée par Louis XVI, qu'il y eût infraction à la loi sans responsabilité, Louis XVI était naturellement et nécessairement accusable pour tous ceux de ses délits dont il était impossible de charger ces agents.
Mais par qui pouvait-il être alors accusé ou jugé? Pouvait-il l'être par le Corps législatif? La raison le commandait sans doute; mais les termes de la Constitution y résistaient.
Nous remplissons un ministère de vérité ; nous serions coupables si nous la déguisions, soit dans les principes, soit dans les faits.
La puissance réelle du Corps législatif, à l'égard du roi, était bornée, par la Constitution, à juger les cas de déchéance, qu'elle avait prévus. Dans ces cas mêmes, il ne pouvait prononcer que la peine de la déchéance : hors ces cas, la personne au roi était indépendante du Corps législatif; hors ces cas, le Corps législatif ne pouvait s'ingérer d'aucune fonction judiciaire. A cet égard, il n'avait dans ses mains que les décrets d'accusation; et quand il aurait pu en lancer un contre Louis XVI, à quel tribunal l'aurait-il renvoyé? Placé parallèlement par la Constitution, à côté du Corps législatif, le roi était au-dëssus de toutes les autres autorités constituées. Il ne pouvait donc être accusé ni jugé que par la nation elle-même.
Mais le Corps législatif était-il tellement lié par les principes ae cette inviolabilité royale, qu'il dût, dans un moment de crise, sacrifier le salut public à la crainte de les enfreindre? Devait-il imiter ces soldats d'un peuple superstitieux, qui, voyant dans l'armée ennemie un premier rang d'animaux que ce peuple tenait pour sacrés, n osèrent point tirer, et laissèrent a ja-
mais périr la liberté dans leur patrie? Qu'on demande compte aux hommes du 10 août de la digue qu'ils opposèrent au torrent des trahisons? Qu'on demande compte au Corps législatif des décrets qui suspendirent Louis XVI de ses fonctions, et le firent transférer au Temple l Ils répondront tous : « Nous avons sauvé la liberté. Rendez grâce à notre courage. » (Applaudissements.)
Ce Corps législatif que les partisans du despotisme accusaient, avec tout l'art de la récrimination, de vouloir avilir l'autorité royale pour l'ajouter à la sienne, et s'y perpétuer, n'eut pas plutôt frappé les grands coups qui l'ont fait proclamer partout le sauveur de la France, qu'il dit à la nation : « Nous remettons dans tes mains les pouvoirs que tu nous avais confiés. Si nous les avons excedés, c'est provisoirement, et pour ton salut. Juge-nous, juge ta Constitution, juge la royauté, juge Louis XVI, et vois s'il te convient de maintenir ou de reconstruire les bases de ta liberté. » (Applaudissements.)
Citoyens, la nation a parlé ; la nation vous a choisis pour être les organes de ses volontés souveraines. Ici toutes les difficultés disparaissent; ici l'inviolabilité royale est comme si elle n'avait jamais été.
Nous le dirons sans cesse : cette inviolabilité avait pour unique objet d'assurer l'énergie du pouvoir exécutif, par son indépendance à l égard du Corps législatif. De là il résultait bien que ce corps n'avait pas le droit de juger le roi dans les cas non prévus par la Constitution. De là il résultait bien que, dans aucun cas, le roi ne pouvait être jugé par les autres autorités constituées, dont il était le supérieur. Mais il n'en résultait pas qu'il ne pût être jugé par la nation : car, pour extraire une pareille conséquence, il faudrait pouvoir dire que, par l'Acte constitutionnel, le roi était supérieur à la nation, ou indépendant de la nation.
Louis XVI dira peut-être : en ratifiant, en exécutant la Constitution décrétée par ses représentants, le peuple français reconnut l'inviolabilité qui m'y était accordée. Il reconnut que je ne pouvais être accusé que pour des délits postérieurs à ma déchéance. Il se lia, par cette disposition, aussi bien que les autorités constituées, puisqu'elle ne lui avait pas expressément réservé le droit de me rechercher, en vertu de sa souveraineté, pour des délits antérieurs. Vam 1m v%a4Îa« n'Âlriîf noij 1 îûû nor» I l pas ae réciprocité roi. Louis XVI n'était roi que par la Constitution : la nation était souveraine sans constitution et sans roi. (Applaudissements.) Elle ne tient sa souveraineté que de la nature ; elle ne peut pas l'aliéner un seul instant. Ce principe éternel était rappelé dans la Constitution même. Or, la nation ne raurait-elle pas aliénée, cette souveraineté, si elle avait renoncé au droit d'examinef, de juger toutes les actions d'un homme qu'elle aurait mis à la tête de son administration ? (Applaudissements.)
Il était inviolable aussi par la Constitution, le Corps législatif; il était indépendant du roi, et de toutes les autres autorités constituées. Aucun de ses membres ne pouvait être criminellement poursuivi devant les tribunaux, sans wqu'il l'eût ordonné par un décret formel; mais, s'il avait abusé de cette inviolabilité, de cette indépendance, et que la nation ae fût levée pour l'interroger sur ses malversations, pensez-vous qu'il lui eût suffi d'alléguer une prérogative qui lui
avait été concédée, non pas pour lui, mais pour l'intérêt général? (Applaudissements.)
L'inviolabilité du roi ainsi que celle du Corps législatif, étaient destinées à prévenir les entreprises de l'un sur l'autorité ae l'autre. De là devait naître un équilibre qu'on avait supposé nécessaire pour le maintien de la liberté. D'après ce principe, et si le roi avait été fidèle à ses devoirs, il avait le droit d'appeler la puissance nationale contre toute entreprise qui aurait menacé son inviolabilité; mais appelé lui-même devant un tribunal national, comment et sous quel prétexte pourrait-il invoquer une inviolabilité qui ne lui avait été déléguée que pour défendre la nation, et dont il ne se serait servi que pour l'opprimer?
Si les exemples du corps constituant pouvaient ajouter ici quelque chose à l'autorité de la raison, nous vous rappellerions jque la Constitution était achevée au mois de juin 1791 ; que dans le premier ordre des articles constitutionnels, l'article 3 déclarait la personne du roi inviolable et sacrée; que Louis XVI avait successivement et solennellement accepté tous les articles, lorsqu'il partit avec une précipitation et une clandestinité qui annonçaient 1 intention de s'aller joindre aux despotes qui déjà menaçaient la liberté en France que le corps constituant lui demanda compte de sa fuite et de ses projets ; que Louis XVI répondit par des allégations démenties par ses écrits ; qu ainsi l'on reconnut respectivement que le corps constituant avait le droit de juger et de punir Louis XVI : il fut en eflfet question de le îuger. Ses partisans alléguèrent le décret relatif à l'inviolabilité royale; ils épuisèrent tout leur zèle et tous leurs efforts pour prouver que le maintien de cette inviolabilité était nécessaire à celui de la liberté ; mais ils n'appliquèrent ce motif et cet objet, qu'à la prétendue nécessité de rendre le pouvoir exécutif indépendant du Corps législatif. Jamais ils ne prétendirent, que cette inviolabilité, déjà consacrée, pût être opposée à une assemblée revêtue de tous les pouvoirs de la nation : et comment auraient-ils pu se permettre une assertion pareille, sans se mettre en contradition avec la marche du corps constituant, qui avait fait arrêter le roi à Va-rennes, qui l'avait suspendu de ses fonctions, qui lui avait ordonné de répondre, par écrit, sur 1 objet de sa fuite, et qui n aurait eu le droit de prendre aucune de ces mesures, s'il n'avait pas jugé que l'inviolabilité du roi devait fléchir devant le tribunal de la nation?
Mais la Convention nationale n'a-t-elle pas déjà puni Louis XVI par la privation du sceptre constitutionnel? Peut-il être soumis à un second jugement, à une seconde peine?
Cette objection, si on la fait, ne sera pas exacte. Si la Constitution devait subsister, et que le Corps législatif eût prononcé la déchéance de Louis XVI conformément à cet acte, qui lui donnait un successeur, cette déchéance pourrait être regardée comme une peine : du moins est-il certain que la Constitution ne permettrait pas au Corps législatif d'en prononcer une autre? Mais la nation n'était pas liée par l'acte constitutionnel. Elle a le droit imprescriptible de changer sa Constitution. Que Louis Xyl_ fût coupable ou innocent, la nation avait, à chaque instant, le droit de le faire descendre du trône et de mettre à sa place tout autre citoyen. S'il était innocent, le droit de la nation, à son égard, se bornait à reprendre le pouvoir qu'elle lui avait délégué. I Mais s'il était coupable, s'il la forçait à se lever
pour arrêter le cours de l'oppression, ce n'était pas assez qu'il perdît la couronne : il fallait de plus qu'il subît la peine due à ses crimes ou à ses attentats. (Applaudissements.)
Ici, qu'a fait la nation? Elle a chargé ses représentants de bâtir une Constitution toute nouvelle. Investis de ses pouvoirs, vous n'avez pas dit que Louis XVI était indigne d'être roi ; mais vous avez dit qu'il n'y aurait plus de roi en France. Ce n'est pas parce que Louis XVI était coupable, que vous avez aboli la royauté; mais parce que vous êtes convaincus qu'il n'y a pas ae liberté sans égalité, ni d'égalité sans République. (Applaudissements.) Vous n'avez donc ni jugé ni puni Louis XVI; vous n'avez pas même envisagé, en cela, sa personne : il n'était roi que par le bienfait d'une Constitution monarchique : il a tout naturellement cessé de l'être par le premier élan de la nation vers une Constitution républicaine. (Applaudissements.)
Mais on vous contestera même la possibilité de condamner Louis XVI à une peine; on vous rappellera la Déclaration des droits ; on vous dira que nul ne peut être puni qu'en vertu d'une . loi établie et promulguée antérieurement au délit', et légalement appliquée; on vous demandera où est la loi qui pourrait être appliquée aux crimes dont Louis XVI est prévenu. Où est la loi? Elle est dans le Gode pénal; c'est la loi qui punit les prévarications des fonctionnaires publics; car vous savez que Louis XVI n'était, selon les expressions même de la loi, que le premier des fonctionnaires : c'est la loi qui frappe les traîtres et les conspirateurs; c'est la loi qui appesantit son glaive sur la tête de tout homme assez lâche ou assez audacieux pour attenter à la liberté sociale. (Applaudissements.)
En vain dira-t-on que ces lois, venant à la suite et en exécution de l'acte constitutionnel, n'étaient pas applicables aux crimes d'un roi que cette acte déclarait inviolable. Sans doute elles ne pouvaient pas être appliquées par les autorités que la Constitution avait placées au-dessous du roi; mais cette prérogative royale était évidemment nulle devant la nation.
Est-ce d'ailleurs dans le nouveau Code français seulement que ces lois se retrouvent? N'existaient-elles pas de tous les temps et dans tous les pays? Ne sont-elles pas aussi anciennes que les sociétés? (Applaudissements.)
Partout, les rois n'ont été créés que pour faire exécuter les lois communes à tous; [que pour protéger, par la direction des forces sociales, les propriétés, la liberté, la vie de chacun des associés, et garantir de l'oppression la société entière : partout où ils ont dû être inviolables dans ce sens, que les offenser, c'eût été offenser la nation qu'ils représentaient; mais s'ils violaient leurs serments, s'ils offensaient eux-mêmes la nation dans ses droits suprêmes ou dans ceux de ses membres, s'ils tuaient la liberté au lieu de la défendre, la nation n'avait-elle pas, par la nature même des choses, le droit impérissable de les appeler devant son tribunal et de leur faire subir la peine des oppresseurs ou des brigands? (Applaudissements.) Chez les Celtes, nos ancêtres, le peuple se réservait toujours ses droits primitifs contre le prince. Mais pourquoi cette réserve? Le droit qu'a toute nation de juger et de condamner ses rois, n'est-il pas une condition nécessairement inhérente à l'acte social qui les plaça sur le trône? N'est-il pas une conséquence éternelle, inaliénable, de la souveraineté nationale?
Quand un citoyen français arrêta, sur les bords de la Seine-Inférieure, le cercueil de Guillaume le Conquérant, en l'accusant de lui avoir-pris son champ, et ne laissa porterie corps de ce prince dans le lieu de sa sépulture, qu'après âu'on lui eût restitué sa propriété; quand aom enri, jugé par les Etats de Castille, subit d'abord en effigie, et ensuite en réalité, la dégradation la plus ignominieuse ; quand Jeanne de Naples fut poursuivie criminellement comme meurtrière de son époux; quand les rois français, cités devant les assemblées d'évêques et de seigneurs, qui se disaient les représentants de la nation, y étaient déposés et condamnés à avoir les cheveux coupés, et à passer le reste de leur vie dans un couvent; quand dom Alphonse et un fils de Gustave Vasa furent déclarés déchus de leurs trônes, et privés pour jamais de leur liberté, le premier par les Etats de Portugal, le second par les Etats de Suède ; quand Charles Ier perdit la tête sur un échafaud ; quand tous ces princes, et tant d'autres, expièrent leurs crimes par une fin honteuse ou tragique, il n'y avait pas de lois expresses qui eussent spécifié la peine des rois coupables; mais il est de la nature même de la souveraineté nationale de suppléer, s'il le faut, au silence des lois écrites, de déployer l'appareil des supplices attachés à la violation de son premier acte social, ou d'appliquer aux crimes des rois les peines relatives aux crimes des autres citoyens. (Applaudissements.)
Tous les rois de l'Europe ont persuadé à la stupidité des nations qu'ils tiennent leurs couronnes du ciel. Il les ont accoutumées à les regarder comme des images de la divinité qui commande aux hommes, à croire que leur personne est inviolable et sacrée, et ne peut être atteinte par aucune loi. Eh bien? Si la nation espagnole, par éxemp'e, éclairée par le génie français, se levait enhn, et disait à son roi : « Je ne me donnai originairement des rois que pour être les exécuteurs de mes volontés. Ils abusèrent de la puissance que je leur avais confiée. Us devinrent despotes. Je sus me ressaisir de ma souveraineté. Je les soumis à une Constitution qui devait garantir mes droits. Tous les ans, dans des assemblées de représentants, j'expliquais mes intentions sur la paix ou la guerre, sur l'impôt, sur toutes les branches d'aministra-tion. Dans l'intervalle, un magistrat opposait en mon nom une barrière perpétuelle à 1 extension de l'autorité royale. Un tyran renversa toutes mes lois conservatrices ; je voulus les rétablir, mais je fus écrasée par la puissance extérieure de Charles-Quint. Après l'extinction de sa race en Espagne, j'aurais pu recouvrer ma liberté; mais les forces redoutables de deux maisons rivales ne me laissèrent que le choix d'un nouveau tyran. Enfin, je suis libre : viens devant mon tribunal; viens-y rendre compte de toutes tes actions royales. »
Citoyens, croyez-vous que l'impunité dont Charles IV a joui jusqu'à ce jour fût un titre pour le soustraire a ce tribunal national ?
Si le peuple autrichien, si le peuple hongrois se levait : et disait à François II : « Non content de perpétuer sur moi le despotisme de tes ancêtres, tues allé attaquer la liberté dans son pays natal. Les Français s'étaient déclarés les am is de tous les peuples, et tu m'as ex posé à leur haine, à leur exécration. De peur que la liberté n'arrivât jusqu'à moi, tuas voulu la bannir de la terre entière.Tu as prostitué mes subsistances et mon sang à cette
infâme projet. Tu m'as force de défendre la cause des tyrans contre la cause des nations. Lâche infracteur des droits de la nature, du droit des gens, des droits éternels des peuples, il ne te reste que la honte des attentats avortés. Mais penses-tu que, réveillé enfin de'mon assoupissement, je veuille plus longtemps partager ton infamie? Il m'importe de me laver ae l'opprobre dont tu m'as couvert aux yeux des Français et de toutes les nations ; et ce n'est que dans ton sang que je puis le laver. (Applaudissements.)
Je vous le demande encore, citoyens : croyez-vous que le despote de Hongrie eût le droit d'opposer à cette justice nationale le fantôme de son inviolabilité, ou le silence des lois écrites sur les crimes des tyrans ? ( Vifs applaudissements.)
Mais Louis XVI serait-il donc dans une position plus favorable ? Outre que son inviolabilité constitutionnelle n'était rien devant la nation, nous pourrions lui demander s'il a jamais été le roi constitutionnel des Français ? Nous pourrions lui demander s'il n'a pas dû être toujours supposé à l'époque où son droit pour régner était, comme celui de tous les rois encore existants, le droit dé la force et de la violence ? Nous pourrions lui demander si toutes les actions de son règne constitutionnel ne se sont pas réduites à prouver qu'il était capable de joindre la plus noire ingratitude aux autres crimes de la tyrannie? Quel est le forfait, quel est l'attentat qu'il n'ait pas commis ou protégé contre les bases de l'institution sociale, contre les propriétés et les personnes, lorsque la nation française se réveilla pour la première fois, en 89 ? Au lieu de de le punir comme elle le pouvait, comme elle le devait, elle eut la générosité de le maintenir sur le trône; elle voulut même l'y rendre juste à force de bienfaits. Gomment y répondit-il? Après avoir accepté tous les articles de la Constitution, il fit sa fameuse protestation du 21 juin : il y annonçait qu'il n'était pas libre; que toutes ces acceptations avaient été fôrcées. C'était donner aux puissances étrangères le signal de venir à son secours. Elles n'arrivaient pas assez tôt : il voulait se rendre lui-même auprès d'elles pour presser leurs préparatifs et leur marche, a nation lui fit grâce encore. La Constitution qu'on venait de reviser pour le favoriser de mieux en mieux fut présentée de nouveau à son acceptation. II l'accepta; mais que fit-il pour détruire au-dehors l'effet de sa protestation? Si, au lieu de rappeler, contenir et déjouer ses frères et les autres émigrés, qui, depuis les premiers instants de la Révolution, mendiaient en son nom la coalition des despotes, il continua de les soudoyer avec les bienfaits delafnation et paralysa toutes les mesures précautionnelles du Corps législatif; si, au lieu de prévenir l'invasion prussienne et autrichienne, il organisa la trahison dans toutes les places limitrophes et antérieures, n'en faudrait-il pas conclure que son acceptation générale du mois de septembre n'aurait pas été plus franche que ses acceptations partielles ; qu'elles n'auraient toutes été qu'un jeu pour le maintenir sur le trône, y attendre les brigands, et leur ménager la facilité de rétablir le despotisme sur les débris de la Constitution ; qu'il aurait toujours persisté dans sa protestation; qu'il n'aurait jamais accepté, en effet le trône constitutionnel; qu'il aurait été constamment en guerre avec la nation? Et il viendrait réclamer aujourd'hui contre la justice nationale, cette Constitution par laquelle il n'aurait jamais voulu être lié lui-même, cette
Constitution dont il ne se serait servi que pour inonder de sang le territoire français et assurer l'exécution de ses complots contre la liberté !
Quoi ! si un tyran avait poignardé votre femme ou votre fils, il n'est pas ae Constitution qui pût, ou vous punir de vous être laissé entraîner par ce premier mouvement de l'âme qui vous aurait commandé de répondre aux cris de leur vengeance par la mort de leur assassin, ou vous empêcher d'appeler sur sa tête l'animadversation des lois divines et humaines, parce que les droits et les devoirs de la nature sont d'un ordre supérieur à toutes les institutions! (Applaudissements.) Et un peuple dont les droits sont également fondés sur la nature, tout un peuple n'aurait pas le droit de se venger de la perfidie d'un individu qui, ayant accepté la mission d'exécuter ses lois suprêmes avec le pouvoir nécessaire pour la remplir, en aurait abusé pour se constituer son oppresseur et son meurtrier ! Citoyens! pensez-vous qu'il vous soit permis de vous écarter de ces grands principes de justice naturelle et sociale ? Vos devoirs ne sont-ils pas tracés sur tous les objets qui vous environnent, soit au loin, soit immédiatement? Ne sont-ils pas tracés sur les cendres encore fumantes de la couragelise cité de Lille, sur les portes de Longwy et de Verdun, marquées du sceau de la trahison et de l'infamie, sur les insolites atrocités exercées par une inondation de cannibales qui n'ont pas pu soutenir un seul iustant les regards des soldats de la liberté, mais qui, pendant quelques jours, avaient été forts des perfidies imputées à Louis XVI! N'avez-vous pas encore sous vos yedx l'empreinte du plomb parricide qui, dans la journée du 10 août, menaçait la nation jusque dans lé sanctuaire de ses lois ! N'entendez-vous pas retentir au fond de vos cœurs la voix des citoyens qui périrent devant le château des Tuileries et les réclamations de tant d'autres nouveaux Décius qui, en / s'immolant pour la patrie, ont emporté dans leurs tombeaux l'espoir d'être vengés? N'entendez-vous pas toute la République vous rappeler que c'est là un des objets de votre mission? Ne voyez^vous pas toutes les nations de l'univers, toutes les générations présentes et futures se presser autour de vous et attendre avec une silencieuse impatience que vous leur appreniez si celui qui fut originairement chargé de faire exécuter les lois a jamais pu se rendre indépendant de ceux qui firent les lois ; si l'inviolabilité royale est le droit d'opprimer ou d'égorger impunément les citoyens et les sociétés ; si un monarque est un dieu dont il faille bénir les coups, ou un homme dont il faut bénir les forfaits? (Applaudissements.)
§ 2. Louis XVI est jugeable : il peut être jugé pour les crimes commis sur le trône constitutionnel; mais par qui et comment doit-il être jugé? Le renverrez-vous devant le tribunal du lieu de son domicile, ou devant celui des lieux où les crimes ont été commis ? Ceux qui ont proposé ce mode au, comité de législation, disaient que Louis XVI ne doit plus jouir d'aucun privilège. Puisque l'inviolabilité constitutionnelle, ajoutaient-ils, ne peut pas le mettre à l'abri d'être jugé, pourquoi serait-il distingué des autres citoyens, soit pour le mode de son jugement, soit pour la nature du tribunal? On répondit que tous les tribunaux actuellement existants ont.été créés par la Constitution; que l'effet de l'inviolabilité du roi était précisément de ne pouvoir être jugé par aucune des auto-
rités constituées; que cette inviolabilité ne disparaissait que devant la nation; que la nation seule avait le droit dé rechercher Louis XVI pour des crimes constitutionnels; et que par conséquent, il faut, ou que la Convention nationale prononce elle-même sur ces crimes, ou qu'elle les renvoie à un tribunal formé par la nation entière.
Alors le comité n'a plus balancé qu'entre ces deux dernières propositions.
Ceux qui ne voulaient pas que la Convention nationale jugeât elle-même Louis XVI, ont présenté un. projet qui a été longtemps débattu. Selon ce projet, la Convention nationale exercerait les fonctions de juré d'accusation. Elle nommerait six de ses membres, dont deux rempliraient auprès d'elle les fonctions de directeurs au juré, et quatre poursuivraient l'accusation, si elle était admise.
Louis XVI serait conduit à la barre. Les deux directeurs exposeraient, en sa présence, les chefs d'accusation, analyseraient les pièces, et présenteraient l'acte qui doit en être le résultat. Louis XVI pourrait dire, ou par lui-même, ou par les conseils dont il serait assisté, tout ce qu'il jugerait utile à sa défense ; ensuite l'Assemblée admettrait ou rejetterait l'accusation.
Si l'accusation était admise, les quatre membres de la Convention, destinés à faire les fonctions de grands procurateurs, poursuivraient l'accusation devant un tribunal et un juré, qui seraient formés, l'un et l'autre, de la manière suivante :
Les corps électoraux nommeraient, dans chaque département, deux" citoyens chargés de faire les fonctions de juré. La liste de 160 jurés serait présentée à Louis XVI, qui aurait la faculté, d'en récuser 83. S'il n'usait pas de cette faculté, la réduction au nombre de 83 serait opérée par le sort.
Le tribunal serait composé de douze juges, tirés au sort parmi les présidents des tribunaux criminels des 83 départements.
Le juré donnerait sa déclaration à la pluralité absolue des suffrages. Le tribunal appliquerait la peine. Il faudrait prévoir le cas du partage.
Le comité a rejeté ce projet, et a préféré celui de faire juger Louis XVI par la Convention elle-même. (Applaudissements.) Mais comment doit-elle le juger ? On a proposé au comité un mode qui tend à porter dans la Convention nationale les diverses formes indiquées par la loi pour le jugement des accusés. D après ce mode, il faudrait d'abord nommer, par la voie du sort, ceux des députés qui devraient remplir les fonctions de directeurs du juré d'accusation, celles d'accusateurs publics et celles de juges. Ensuite, les autres membres de la Convention seraient placés, par la voie du sort, ou dans le juré d'accusation, ou dans le juré de jugement. Ce mode n'a d'autre mérite que celui d'eviter à l'accusé de retrouver les mêmes individus exerçant, dans le cours de son procès, deux fonctions différentes.
Mais est-il vrai que la Convention nationale, si elle se détermine à juger elle-même Louis XVI, doive s'assujettir aux formes prescrites pour les procès criminels?
On reproche au parlement d'Angleterre d'avoir violé les formes : mais, à cet égard, l'on ne s'entend pas communément; et il est essentiel de fixer nos idées sur ce procès Célèbre.
Charles Stuart était inviolable comme Louis XVI, mais, comme Louis XVI, il avait trahi la nation qui l'avait iplacé sur le trône. Indépendant de
tous les corps établis par la Constitution anglaise, il ne pouvait être accusé ni jugé par aucun d'eux; il ne pouvait l'être que par la nation. Lorsqu'il fût arrêté, la Chambre des pairs était toute dans son parti. Elle ne voulait que sauver le roi et le despotisme royal. La Chambre des communes se saisit de l'exercice de toute l'autorité parlementaire; et sans doute elle en avait le droit dans les circonstances où elle se trouvait. Mais le parlement lui-même n'était qu'un corps constitué. Il ne représentait pas la nation dans la plénitude de sa souveraineté; il ne la représentait que pour des fonctions déterminées par la Constitution. 11 ne pouvait donc, ni juger le roi, ni déléguer le droit de le juger. 11 devait faire ce qu'a fait en France le Corps législatif; il devait inviter la nation anglaise a former une Convention. Si la Chambre des communes avait pris ce parti, c'était la dernière heure de la royauté en Angleterre. Jamais ce célèbre publi-ciste, qui serait le premier des hommes s'il n'avait pas prostitué sa plume à l'apologie de la monarchie et de la noblesse, n'aurait eu le prétexte de dire que « ce fut un assez beau spectacle de voir les efforts impuissants des Anglais pour rétablir parmi eux la République, de voir le peuple étonné cherchant la démocratie et ne la trouvant nulle part, de le voir enfin, après bien des mouvements, des chocs et des secousses, forcé de se reposer dans le gouvernement même qu'il avait proscrit ».
Malheureusement la Chambre des communes était dirigée par le génie de Cromwell ; et Cromwell, qui voulait devenir roi sous le nom de protecteur, aurait trouvé dans une Convention nationale le tombeau de son ambition. (Applaudissements.)
Ce n'est donc pas la violation des formes prescrites en Angleterre pour les jugements criminels, mais c'est le défaut d'un pouvoir national, c'est le protectorat de Cromwell, qui ont jeté sur le procès de Charles Stuart cet odieux qu'on trouve retracé dans les écrits les plus philosophiques. Charles Stuart méritait la mort; mais son supplice ne pouvait être ordonné que par la nation ou par un tribunal choisi par elle.
Dans le cours ordinaire de la justice, les formes sont considérées comme la sauvegarde de la fortune, de la liberté, de la vie des citoyens : c'est que le juge qui s'en écarte ou qui les enfreint, peut être accusé avec fondement, ou d'ignorer les principes de la justice, ou de vouloir substituer la volonté de ses passions à la volonté de la loi. Mais le grand appareil des procédures criminelles serait évidemment inutile, si la société prononçait elle-même sur les crimes de ses membres; car une société qui fait elle-même ses lois ne peut être soupçonnée, ni d'ignorer les principes de justice par lesquels elle a voulu être régie, ni de vouloir se laisser entraîner par des passions désordonnées envers les membres qui la composent. Des tribunaux particuliers, distribués sur diverses parties d'un empire, peuvent être mus et conduits par des intérêts locaux, par des motifs singuliers, par des vengeances personnelles. C'est pour prévenir ces inconvénients autant qu'il est possible, qu'on a distingué, séparé les fonctions qui doivent preparer ou administrer la justice; qu'on a in-iiit lesdéclinatoires, les récusations, et toutes ces formes qui circonscrivent les tribunaux dans des cercles qu'il ne leur est pas permis de dépasser. Mais ces considérations particulières disparaissent devant une société politique : si elle est
intéressée à punir ses membres lorsqu'ils sont coupables envers elle, elle l'est plus encore à les ttouver tous innocents. Sa gloire, ainsi que sa force, est à les conserver tous, à les environner tous également de son amour, de sa protection,. à moins qu'ils ne s'en soient visiblement rendus indignes, ou qu'ils n'aient provoqué sa vengeance par des actes destructifs de l'intérêt général. Une société qui, en prononçant sur le sort d'un de ses membres, se déterminerait par des motifs non puisés dans l'intérêt de tous, tendrait évidemment à sa destruction ; et un corps politique ne peut jamais être supposé vouloir se nuire a lui-même.
Or, la Convention nationale représente entièrement et parfaitement la République française. La nation a donné pour juges à Louis XVI les hommes qu'elle a choisis pour agiter, pour décider ses propres intérêts; les hommes à qui elle a confié son repos, sa gloire et son bonheur; les hommes qu'elle a chargés de fixer ses grandes destinées, celles de tous les citoyens, celles de la France entière. A moins que Louis XVI ne demande des juges susceptibles d'être corrompus par l'or des cours étrangères, pourrait-il désirer un tribunal qui fût censé moins suspect ou plus impassible ?(Applaudissements.) Prétendre récuser la Convention nationale ou quelqu'un de ses membres, ce serait vouloir récuser toute la nation ; ce serait attaquer la société jusque dans ses bases. Qu'importent ici les actions ou les opinions qui ont préparé l'abolition de la monarchie ? Tous les Français partagent votre haine pour la tyrannie ; tous abhorrent également la royauté, qui ne diffère du despostime que par le nom. Mais ce sèntiment est étranger a Louis XVI. (Applaudissements.) Vous avez à prononcer sur les.crimes d'ùn'roi : mais l'accuse n'est plus roi ; il a repris son titre originel, il est homme. S'il fut innocent, qu'il se justifie; s'il fut coupable, son sort doit servir d'exemple aux nations. (Applaudissements.)
Le jugement que vous porterez sur le ci-devant roi doit-il être soumis à la ratification de tous les citoyens réunis en assemblées de communes ou en assemblées primaires? Cette question a été encore agitée devant votre comité : il croit qu'elle doit être rejetée.
A Rome, les consuls jugeaient toutes les affaires criminelles. Lorsqu'il s'agissait d'un crime de lèse:Majesté populaire ou seulement d'un délit qui fût de nature à mériter une peine capitale, la sentence devait être soumise au peuple, qui condamnait ou absolvait en dernier ressort.
A Sparte, quand un roi était accusé d'avoir enfreint les lois ou trahi les intérêts de la patrie, il était jugé par un tribunal, composé ae son collège, du Sénat et des éphores, et |il avait lç droit d'attaquer lé jugement par l'appel au peuple assemblé.
Mais ni les consuls de Rome, ni les rois, le Sénat et les éphores de Sparte n'étaient revêtus d'une représentation véritablement nationale; ils étaient si éloignés d'avoir ou de mériter le plein exercice de cette souveraineté populaire, dont la Convention nationale se trouvé investie !
D'ailleurs, ce qu'on appelait le peuple romain ou le peuple . Spartiate n'était que le peuple d'une ville régnant sur toutes les provinces de la République. Or, quelque nombreux que fût ce peuple renfermé dans des murs communs, il lui était possible de se réunir, de discuter, de délibérer, ae juger; et c'est ce qui n'est point praticable pour le peuple français. Mais s'il
ne peut pas se réunir, comment voulez-vous lui soumettre un 'jugement? Comment pourrait-il prononcer lui-même un jugement? Le peuple français n'aura pas besoin de se réunir en masse pour accepter ou refuser la Constitution que vous lui présenterez ; chaque citoyen, en interrogeant son cœur, y trouvera ce qu'il devra répondre. Mais pour prononcer sur la vie d'un homme, il faut avoir sous les yeux les pièces de conviction; il faut entendre 1 accusé, s'il réclame le droit naturel de parler lui-même à ses juges. (Applaudissements.) Ces deux conditions élémentaires, qui ne pourraient pas être violées sans injustice, sont tellement impossibles à remplir, que nous nous dispensons de rappeler une infinité d'autres considérations qui vous forceraient également à rejeter le projet de soumettre votre jugement à la ratification de tous les membres de la République.
Nous n'avons rien dit de Marie-Antoinette (Applaudissements}; elle n'est point dans le décret qui a commandé le rapport que je vous fais au nom du comité ; elle ne devait ni ne pouvait y être. D'où lui serait venu le droit de faire confondre sa cause avec celle de Louis XVI? La tête des femmes qui portaient le nom de reine en France a-t-elle jamais été plus inviolable ou plus sacrée que celle de la foule des rebelles ou des conspirateurs? Quand vous vous occuperez d'elle, vous examinerez s'il y a lieu de la décréter d'accusation ; et ce n'est que devant les tribunaux ordinaires que votre décret pourra être renvoyé. (Applaudissements.)
Nous n'avons pas non plus parlé de Louis-Charles : cet enfant n'est pas encore coupable ; il n'a pas eu le temps de partager les iniquités des Bourbons : vous aurez cependant à balancer ses destinées avec l'intérêt de la République. Vous aurez à prononcer sur cette grande opinion échappée du cœur de Montesquieu : « Il y a, dans les Etats où l'on fait le plus cas de la liberté, des lois qui la violent contre un seul.... et j'avoue que l'usage des peuples les plus li- cache les statues des dieux ».
Elle n'est peut-être pas éloignée l'époque où les précautions des peuples libres ne seront plus nécessaires. L'ébranlement des trônes qui paraissaient les plus affermis; l'active et bienfaisante prospérité des armées de la République française ; l'électricité politique qui travaille l'humanité entière, tout annonce la chute prochaine des rois et le rétablissement de toutes les sociétés sur leurs bases primitives. Alors les rois qui auront échappé à la vengeance des peuples, ou dont la punition exemplaire ne sera pas commandée par l'intérêt du genre humain, pourront tranquillement promener partout leur opprobre : alors ces tyrans, et ceux qui pourraient être tentés par "l'ambition de les remplacer, ne seront pas plus à craindre que Denis à Corinthe. (.Applaudissements.)
Voici le projet de décret que le comité m'a chargé de Vous présenter :
La Convention nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er. Louis XVI peut être jugé.
Art. 2. Il sera jugé par la Convention nationale.- /
Art. 3. Trois commissaires pris dans l'Assemblée et nommés par appel nominal, à la pluralité absolue des sufïrages, seront chargés de recueillir toutes les pièces, renseignements et
preuves relatifs aux délits imputés à Louis XVI, et en présenteront le résultat à l'Assemblée.
Art. 4. Les commissaires termineront leur rapport par un acte énonciatif des délits dont Louis XVI se trouvera prévenu.
Art. 5. Le rapport des commissaires, les pièces sur lesquelles il sera établi et l'acte énonciatif des délits seront imprimés et distribués.
Art. 6. Huit jours après la distribution, la discussion sera ouverte sur Pacte énonciatif des délits, qui sera adopté ou rejeté par l'appel nominal et à la majorité absolue des voix.
Art. 7. Si cet acte est adopté, il sera communiqué à Louis XVI et à ses défenseurs, s'il juge à propos d'en choisir.
Art. 8.11 sera également remis à Louis XVI une copie collationnée du rapport des commissaires et de toutes les pièces.
Art. 9. Les originaux de ces mêmes pièces, si Louis XVI en demande la communication, seront portés au Temple et ensuite rapportés aux archives nationales par douze commissaires de l'Assemblée, qui ne pourront s'en dessaisir ni les perdre de vue.
Art. 10. Les originaux ne seront tirés des archives nationales qu'après quMl en aura été fait des copies collationnées, qui ne pourront point être déplacées.
Art. 11. La Convention nationale fixera le jour auquel Louis XVI comparaîtra devant efle.
Art. 12. Louis XVI, soit par lui, soit par ses conseils, présentera sa défense .par écrit et signée de sa main.
Art. 13. Louis XVI et ses eonseils pourront néanmoins fournir, s'ils le jugent à propos, des défenses verbales qui seront recueillies par les secrétaires de l'Assemblée et ensuite présentées à la signature de Louis XVI.
Art. 14. Après que Louis XVI aura fourni ses défenses ou que les délais qui lui auront été accordés pour les fournir seront expirés, la Convention nationale portera son jugement par appel nominal. (.Applaudissements unanimes et réitérés dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et l'envoi aux départements et à l'armée.
Je pense que les principes sont tellement évidents, tellement incontestables, que la Convention peut décréter sur-le-champ la première disposition du projet de loi ; Louis XVI peut être jugé; mais je voudrais qu'on y ajoutât ce mot, peut et doit être jugé. ($wrr mures.) Je demande aussi que le rapport soit traduit dans tous les idiomes de l'Europe. (Applaudissements.)
L'amendement de Billaud est inadmissible, immoral...
Plusieurs membres : Il n'est point appuyé.
Je soutiens que la Convention n'a pas même le droit de déclarer l'affirmative ou la négative. Le peuple, en nommant une Convention nationale, avait déjà prononcé que Louis XVI serait jugé. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour sur le premier article.
Je propose, au contraire, que cet article soit décrété.
Je demande la parole.
La Convention ferme la discussion et rend le décret suivant :
« La Convention nationale décrète que le rap-. port concernant Louis Capet, sera imprimé,
traduit dans toutes les langues, envoyé aux départements, aux municipalités et aux armées; qu'il en sera distribué dix exemplaires à chacun des membres delà Convention, ajourne la discussion àlundi prochain , et ordonne que l'imprir meur fera la distribution au plus tard samedi. »
Citoyens, c'est sans doute un grand procès que celui qui vous est soumis : vous aurez à prononcer entre les peuples et les rois : car les nations s'aperçoivent bien que tous les rois sont coupables, puisque leur puissance n'est que le droit du plus fort; mais la passion de la liberté est aussi la passion de la justice; et je crois qu'il est digne de la Convention nationale de déclarer dès aujourd'hui que tous ceux qui défendront Louis XVI sont sous la sauvegarde de la loi.
Plusieurs membres observent que cela est de. droit, et que ce serait faire injure au.peuple français, que d'en douter un moment.
(La Convention passe à l'ordre du jour:)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre par laquelle Monge, ministre de la marine, fait parvenir à la Convention la pièce suivante qui lui a été communiquée par son collègué des affaires étrangères :
Copie de la lettre écrite par le citoyen Bonelli, capitaine d'une des felouques gardes-côtes du déj-partement de la Corse, au directoire du district de Bastia, envoyée par ce district à Vadministration du département.
« Messieurs, me trouvant le 6 du mois d'octobre à 6 heures du matin à Sainte-Marie, hors du cap Corse, je vis une frégate qui virait de bord à midi, laquelle frégate je croyais française, d'autant plus qu'on l'a vue pendan t cinq ans en croisée du cap Corse à l'Elbe et de l'Elbe au cap Corse.
« Cette frégate, se trouvant entre l'Elbe et la Caprara, à découvert un bateau, c'est-à-dire une polacre à trois mâts sur notre côte. La frégate a poursuivi la polacre et l'a réduite au rocher de la Fininchiérola, en lui tirant tout de suite deux coups.de canon à balles, qui allèrent battre sur le bord de ladite polacre. Cette polacre s'est sauvée au port de Sainte-Marie, en relâchant au rocher du terrain.
« Je fis charger immédiatement le canon qui se trouvaitdans la tour; la frégate, voyant le bateau ancré à ladite tour, fit voile vers la Caprara.
« Nous nous portâmes aussitôt à bord du bâtiment qui était ancré ; je lui demandai d'où il était ; il répondit qu'il était français, de Saint-Tropez, ayant même le pavillon national. Je lui demandai quel était le bâtiment qui avait tiré deux coups de canon. Le capitaine répondit que c'était une frégate avec pavillon anglais, et qu'après avoir tiré les deux coups de canon, elle arbora immédiatement le pavillon génois. Cette frégate ayant viré de bord à terre avec le pavillon déployé, je pris le porte-vue et je reconnus le pavillon génois, ainsi qu'il fut reconnu par mon second.
« Le nom du capitaine est Pierre de Saint-Tropez, de la ci-devant, Provence, venant'de Chypre et du Levant, chargé de coton et allant à Marseillé. Le nom du bâtiment est Saint-Joseph; l'équipement est le n° 12, compris le capitaine; le bâtiment a trois mâts. J'atteste également par la pure vérité, ainsi que mon équipage et les soldats de ladite tour, que la frégate avait pavillon génois.
« Ayant reçu la nouvelle que cette frégate se
trouvait à Livourne dans la semaine dernière par un patron de Bastia, qui, à cause du mauvais temps, avait relâché à Ersa, je crois que le conseil général prendra la mesure qu'il jugera à propos.
« Signé : bonelli. »
(La Convention renvoie cette affaire aux comités diplomatique et de la guerre réunis.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des commissaires de la Convention nationale aux frontières du Midi, qui rendent compte des progrès de leurs opérations.
Suit la teneur de la lettre et des deux pièces y jointes :
Montpellier, le
« Citoyen Président,
« Depuis notre dernière lettre nous n'avons cessé de donner suite à nos travaux. Il est essentiel que la Convention nationale sache que toutes les fortifications des places frontières des Pyrénées-Orientales sont, en bon état, au moins toutes les parties pressées; il reste encore quelques objets susceptibles de perfection; mais, en général, ils n'éprouvent de lenteur qu'à cause de la forme méthodique à laquelle on s'attache trop, pour faire les fonds nécessaires au corps au génie chargé de la direction de ces travaux.
« Il est un objet non moins essentiel, inséparable du premier, et qui éprouve beaucoup plus de retard, soit par le défaut de fonds, soit par la multiplicité des charges de l'arsenal d'Auxonne, soit par la lenteur du service des régisseurs des poudres : c'est celui qui est de la dépendance de l'artillerie; il manque, pour ce genre de service, une foule d'objets pressants que notre position politique réclame avec instance; nous les mettrons sôus les yeux de l'Assemblée dans notre rapport: Déjà nous avons pourvu aux besoins indispensables dans cette partie, en donnant des ordres aux différents payeurs de faire les fonds nécessaires. Déjà nous avons également requis les directeurs de l'artillerie de faire construire, sur les lieux, les affûts ou attirails qui peuvent, sans de grands inconvénients, être, d'après des modèles, faits par des ouvriers du pays. Déjà nous avons aussi requis le régisseur des poudres à Perpignan d'en hâter la manipulation, et de fournir pour le service public environ vingt milliers de poudre de commerce qu'il avait en réserve.
« Nous avons aussi fait différentes dispositions militaires qui nous ont paru nécessaires, et au gré de toutes les administrations et de tous les citoyens, entre autres celle dont nous donnons connaissance à l'Assemblée parla pièce ci-jointe.
« Enfin, citoyen Président, nous volons à l'armée de Nice pour traiter, avec le général Anselme, sur les objets qu'il pourra nous fournir, d'après les prises considérables qu'il a faites sur l'ennemi, et nous nous empresserons de les faire expédier aux points où ils sont attendus avec impatience. L'article 4 du décret que l'Assemblée vient de rendre sur la libre circulation des grains par le canal des deux mers, et qui donne mainlevée sur les blés déjà saisis, nous a paru inexécutable, ainsi que l'Assemblée le jugera par la pièce ci-jointe, et qui nous a déterminés à persister dans l'exécution des articles 1 et 4 de l'arrêté du 9 octobre courant, relatifs à cet objet,
pris entre nous et les différents administrateurs chargés, par leur département, de traiter cette affaire; et nous avons la satisfaction d'apprendre à l'Assemblée que ce moyen concilie toutes les parties.
« Les commissaires de la Convention nationale,
« Signé : F. Aubry, Maximin, Isnard cadet et Despinassy. »
Copie de la réquisition faite par les commissaires de la Convention nationale au citoyen Verneuil, ancien major commandant de Port-Vendres.
« Les commissaires de la Convention nationale aux Pyrénées-Orientales et côtes maritimes, considérant que la place de Bellegarde, la plus importante de celle des départements par sa position à l'égard de l'Espagne et par ses fortifications, n'a point de commandant sur lequel on puisse, avec fondement, se reposer pour sa défense; considérant qu'il importe à la sûreté du département et à ce qu'on doit à la confiance publique d'y mettre un citoyen militaire dont les talents, les services et le civisme soient généralement reconnus; considérant enfin que le citoyen Jean-Etienne Verneuil, ancien major commandant de Port-Vendres, ayant trente-deux ans de service effectif, cent seize mois de navigation effective de service aux colonies, une campagne de seize mois pour la cause de la liberté à l'Amérique septentrionale, dans laquelle il reçut six coups de fusil, est le citoyen qui réunit à toutes ces qualités l'expérience, le zèle et la bonne volonté, chargent ledit citoyen Jean-Etienne Verneuil d'aller prendre le commandement de la place de Bellegarde en qualité de lieutenant-colonel.
« Ils autorisent, en conséquence, le payeur général des troupes à lui payer les appointements fixés aux seconds lieutenants-colonels des troupes de ligne, et ce jusqu'à ce que le Conseil exécutif provisoire ait prononcé sur la présente mesure. » Perpignan, le 24 octobre 1792, l'an Ier de la République.
« Les commissaires de la Convention nationale,
Signé, etc.
Copie de Varrêté pris entre les citoyens commissaires de la Convention nationale aux Pyrénées-Orientales et côtes maritimes, et les administrateurs du département de l'Aude.
« Les commissaires de la Convention nationale aux Pyrénées-Orientales et côtes maritimes, sur l'exhibition qui nous a été faite par les citoyens Pellet et Meric, commissaires du département de l'Aude, d'un décret de la Convention nationale, contenu au n° 293 du Courrier français, sous la date du 19 de ce mois, relatif aux grains qui avaient été arrêtés à Carcassonne lors des troubles qui y eurent lieu au mois d'août dernier, et sur les représentations qui nous ont été faites par les susdits commissaires;
« Considérant que la circulation des grains pour l'intérieur jouit dans ce moment de la plus grande liberté; que le mélange qui fut fait à Carcassonne desdits grains, lors de leur dépôt, rend impossible leur répartition entre les propriétaires et, par conséquent, leur départ;
« Considérant encore que l'arrêté du 9 octobre, relatif auxdits grains, fut pris en présence et du consentement des parties intéressées ;
« Arrêtent que les articles 1 et 4 de l'arrêté du 9 octobre courant auront leur entière exécu-
tion, et qu'en conséquence l'administration et procureur général syndic du département de l'Aude restent autorisés à faire l'acquisition des grains, tant illégalement arrêtés que de ceux qui, en vertu de la loi du 31 août dernier, étaient en litige, et que le surplus dudit arrêté, relatif aux formalités à remplir pour les achats, chargements et expéditions' demeurera abrogé du moment où la loi du 19 de ce mois, dont il est fait mention ci-dessus, sera officiellement parvenue à l'administration du département.
« Fait double à Narbonne, le 6 octobre 1792, l'an Ier de la République.
« Les commissaires delà Convention nationale aux Pyrénées-Orientales et côtes maritimes., Signé : F. Aubry, Maximin Isnard cadet et Despinassy.
« Pour et au nom de Vadministration du département de l'Aude :
« Signé : Pallet et Meric. »
(La Convention nationale renvoie ces différentes pièces aux comités diplomatique et de la guerre réunis.)
fait hommage à la Convention d'un livre dont il est l'auteur et qui a pour titre : Les Préjugés détruits. Il s'exprime ainsi : Citoyens, souvent j'ai, de la part de leurs auteurs, offert ici des ouvrages consacrés à l'instruction. C'est aujourd'hui le fruit de mes propres travaux dont je viens vous faire hommage; c'est le produit d'une portion des loisirs que m'ont laissé mes devoirs de mandataire du peuple, et c'est encore à son bonheur qu'il est destiné. Inutilement feriez-vous de bonnes lois, inutilement les soldats de la patrie feraient-ils chaque jour de nouvelles conquêtes à la liberté, si vous ne trouviez le moyen de fixer le torrent qui, jusqu'à ce jour, a promené sans cesse les révolutions sur presque tous les points du globe; si vous ne pouviez arrêter enfin cette rotation politique qui, depuis " l'origine des sociétés, a fait, dans tous les empires, succéder plusieurs siècles d'esclavage à quelques heures de liberté.
Il n'est qu'un secret pour cela, citoyens, c'est de répandre partout l'instruction sous l'égide de la vérité; il est temps enfin de commencer à montrer aux hommes la pure vérité, dégagée de tous les voiles dont le fanatisme et l'ambition des despotes l'avaient concurremment couverte; c'est dans cet esprit que j'ài composé mon livre; il est intitulé : les Préjugés détruits; c'est dire assez que j'y combats la tyrannie politique et la tyrannie religieuse d'une seule arme : celle de la raison. La malveillance et l'ignorante bonne foi feront entendre leurs clameurs; car dans quel temps n'en élevèrent-elles pas contre la vérité! Mes réponses sont puisées dans les principes: j'ai cru devoir les exposer d'une manière simplé pour les rendre intelligibles à tous; enfin, ma confiance est dans votre propre philosophie, citoyens, et dans votre désir ardent d'assurer le bonheur des peuples.
Je prie la Convention nationale de vouloir bien agréer l'hommage que j'ai l'honneur de lui faire en lui présentant les Préjugés détruits.
(La Convention décrète la mention honorable de cet hommage.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Les citoyens acteurs du théâtre des Variétés, au Palais de Justice, envoient, pour les malheureux habitants de Lille, le produit d'une repré-
sentation, montant à 2,7591. 10 s., dont 3191. 10 s. en billets de la Maison de secours, le reste en assignats.
2° Le citoyen Monge, ministre de la marine, fait parvenir à la Convention nationale la croix de Saint-Louis qui avait été accordée, le 1er octobre 1784, au citoyen Guillaume-Sébastien Desloges de Kopars, capitaine de brûlot.
3° Les administrateurs, directeurs, employés, receveurs et imprimeurs de la régie des loteries déposent, pour l'acquit du septième mois de leur soumission volontaire pour les frais de la guerre, la somme de 545 livres, dont 515 livres en assignats et le reste en billets de la Maison de secours.
4° Le citoyen Perron, capitaine de la gendarmerie nationale du département des Hautes-Pyrénées, fait déposer sa décoration militaire.
5° Le citoyen Vidal, adjudant-major dans le vingtième régiment d'infanterie, ci-devant Cambre sis, en garnison à Tarbes, fait déposer sa croix de Saint-Louis.
6° Les administrateurs composant le directoire du district de Hennebond font déposer la décoration militaire des citoyens Gougeon-Grondel, Saint-Mauvieux, Lautard, Louis-Marie Surville, Louis Leroux, Dubaudry, Camaset Dupin.
7° Jean-Baptiste Tenaille-Vaulabelle, demeurant à Château-Cenfois, district d'Avallon, envoie, par l'intermission des administrateurs du district d'Avallon, sa décoration militaire.
Il fait abandon à la République d'une somme de 1,108 1. 6 s. 8 d. qui lui était due, avant le 1er août dernier, en qualité de maréchal des logis des gardes du corps.
8° Les habitants de la ville de Louduii offrent à la République, pour les frais de la guerre, une somme de 4,002 livres, dont 12 livres ei$ argent et le reste en assignats.
9° Le citoyen Piquet, premier capitaine des Amis dé la patrie, en garnison à Donchéry,' envoie, pour les frais de la guerre, deux assignats de 5 livres.
10° Le citoyen Querelles, maréchal de camp, ci-devant lieutenant du roi à Cette, envoie sa décoration militaire,
11° Les citoyens Laferre, lieutenant-colonel commandant, et Lafage, lieutenant-colonel en second du bataillon n° 2, du département de l'Ariège, font parvenir chacun leur décoration militaire.
12° Le citoyen Lachaieigneraye, enseigne en la compagnie des Cent-Suisses, fait parvenir sa décoration militaire, qu'il avait reçue le ld janvier 1745.
13° Le citoyen Nicolas Ducailar, maréchal de camp et ancien commandant de la ville de Nîmes, fait hommage de sa croix de Saint-Louis et de son brevet, récompense de onze campagnes de guerre et de cinquante années de service.
14° Des citoyens de la commune de Montargis, département du Loiret, qui, avant l'organisation définitive de la garde nationale, composaient une compagnie de dragons nationaux, offrent à la patrie, pour les frais de la guerre, un guidon et deux tabliers de timballes.
15° Le département de la Loire-inférieure fait parvenir les décorations militaires des citoyens Marcé, Leclercq, Petit, Poignant, Manet, Guendet, Lacaille, Lemarié, Raudoun, Robineau aîné, Ro-bineau cadet, Bellefontaine, Cavanagh et Dœtin.,
(La Convention accepte ces offrandes avec les
plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Le même secrétaire donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à la Convention que le conseil exécutif, auquel l'affaire , du citoyen Billaudel a été renvoyée, s'en est fait rendre compte. La nomination de ce citoyen à une place d'administrateur de la commune a été soumise, dans l'assemblée primaire de Vincennes, au scrutin épurâtoire. L'assemblée, en vertu d'un arrêté précédemment pris par elle, a rejeté ce citoyen, et sa décision a eu pour motif qu'il avait assisté aux séances dii club de la Sainte-Chapelle. Le conseil exécutif n'a pas cru devoir prononcer sur cette décision, parce que la faculté lui en est interdite par un article de la Constitution, qui défend au pouvoir exécutif de s'immiscer dans le jugement ae la validité des élections.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des élections.)
2° Lettre de Santerre, commandant général de la force armée, qui écrit à la Convention que Paris est parfaitement tranquille et que le service de la force publique se fait avec le plus grand zèle et la plus grande exactitude.
3° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui demande que le pouvoir exécutif soit autorise à nommer un général pour l'armée des Ardennes.
Il observe que par un décret les forces de la République sont divisées en huit armées; que le général Dumouriez, commandant de l'armée du Nord, autrement dite des Ardennes, est choisi pour diriger l'expédition de Belgique et laisse ainsi cette armée sans-chef; qu'il y aurait lieu, de ce fait, à nommer un neuvième général.*
(La Convention ordonne le renvoi de cette lettre au comité#militaire, pour en faire son rapport à la séance du lendemain.)
4° Lettre des trois ministres, Monge, Clavière et Lebrun. Ils attestent, par leurs signatures, que le ministre de la justice et celui de la guerre ont rendu compte, dans une des séances du conseil exécutif, de l'emploi des fonds mis à leur disposition pour dépenses secrètes. La signature de Roland ne se trouve pas au bas de cette attestation, attendu que pendant un mois entier il n'a pas paru au conseil. 11 fut arrêté dans cette séance que ces dépenses devant être toujours secrètes, il n'en Serait fait aucune mention sur le registre du conseil. Ils assurent que les pièces justificatives des dépenses seront remises au comité de l'examen des comptes. Ils demandent en terminant le rapport du décret qui leur attribue ces sommes, ne voulant pas avoir, disent-ils, de dépenses secrètes.
Plusieurs membres observent que les ministres n'ont point encore satisfait à toutes les dispositions ae la loi. (Murmures.)
Puisqu'on murmure, je demande que Danton rende son compte publiquement.
Danton tient encore 3,000 livres à la disposition de la nation ; mais il s'agit de savoir si des redditions de comptes qui ne sont pas inscrites sur ies registres doivent suffire. Il y a aussi un article de 26,000 livres pour gratification de commis.
(La Convention renvoie la lettre des membres
du conseil exécutif provisoire au comité de l'examen des comptes.)
, au nom du comité des finances, soumet à la discussion un projet de décret pour arrêter la circulation des billets au porteur, dits billets de confiance (1); ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, considérant la nécessité qu'il y a d'arrêter le plus tôt possible la circulation des billets au porteur, payables à vue, soit en échange d'assignats, soit en billets échangeables en assignats qui sont reçus de confiance comme .monnaie dans les transactions journalières, afin d'éviter les troubles qu'elle pourrait occasionner;
« Considérant que l'émission desaits billets, qui a été faite par des municipalités, compagnies ou particuliers, ne peut, dans aucun cas, former une dette à la charge de la nation ;
« Considérant qu'il est du devoir des représentants de la nation de prendre des mesures pour fournir au déficit qui pourrait résulter des diverses émissions desdits billets, afin que la portion du peuple la moins fortunée ne soit pas la victime de l'insolvabilité ou des manœuvres coupables des personnes qui les ont émis, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Dans le jour de la publication du
pré- , sent décret, les directoires de district nommeront un commissaire
pour vérifier l'état de situation des caisses des municipalités qui ont
émis des billets au porteur ; il se fera représenter les fonds qui se
trouveront dans les caisses, ou autres valeurs qui servent de gage
auxdites émissions, et en dressera procès-verbal.
« Art. 2. Les directoires de districts feront procéder à la vente des valeurs qui servent de" gage auxdits billets, afin de se procurer en assignats ou espèces l'entier montant des billets qui seront en circulation.
« Art. 3. Du jour de la publication du présent décret, les municipalités cesseront toute émission des billets au porteur; elle feront briser toutes les planches qui auront servi à leur fabrication, et elles procéderont de suite au reti rement de ceux qui sont en circulation, qu'elles feront annuler et brûler en présence du peuple.
« Art. 4. Les maires et officiers municipaux qui auront fait lesdites émissions, étant responsables du*déficit qui pourrait exister dans lesdites caisses, seront tenus d'y pourvoir à fur et mesure des besoins;et faute par eux d'y satisfaire, ils y seront contraints à la requête et diligence du procureur-syndic du district..
« Art. 5. Dans le jour aussi de la publication du présent décret, les municipalités seront tenues de faire, conformément aux dispositions de la loi du 1er avril, une nouvelle vérification des caisses des particuliers ou compagnies qui ont émis des billets au porteur, de 25 livres et au-dessous payables à vue soit en échange d'assignats, soit en billets échangeables en assignats, qui sont reçus de confiance, comme numéraire, dans les transactions journalières. '
« Art. 6. Dans les trois jours après ladite vérification, les
particuliers ou compagnies qui auront en circulation desdits billets,
seront tenus de représenter à la municipalité les assignats ou espèces
nécessaires pour retirer tous les billets qui seront en circulation.
«Art. 8. Les particuliers ou les intéressés dans les compagnies qui ne satisferont pas aux dispositions de l'article 6, y seront contraints par corps, à la requête et diligence du procureur de la commune, qui sera aussi chargé de faire saisir et arrêter tous les effets et marchandises appartenant auxdits particuliers ou compagnies.
« Art. 9. Le corps municipal fera procéder de suite à la vente de tous les effets et marchandises qui auront été saisis; il poursuivra la rentrée des sommes qui pourront être dues auxdits particuliers ou compagnies : les fonds provenant desdites ventes ou rentrées seront employés de suite, nonobstant toute opposition, au retirement desdits billets qui seront en circulation : l'excédent, s'il y en a, sera remis auxdits particuliers ou compagnies, ou à leurs créanciers.
« Art. 10. Le retirement desdits billets sera fait par un préposé nommé par les particuliers ou compagnies qui les auront émis, sous la surveil-» lance d'un commissaire nommé par le corps municipal, et ils seront brûlés à fur et mesure de leur rentrée.
« Art. 11. Le déficit qui pourra se trouver dans les caisses des particuliers ou compagnies qui auront émis lesdits billets, le produit de la vente des effets et marchandises et de la rentrée des dettes actives prélevé, sera supporté à Paris par tous les citoyens du département; et pour les autres villes, il sera une charge des communes, dans le territoire desquelles ces établissements ont eu lieu, sauf leur recours contre les entrepreneurs, directeurs, associés ou intéressés dans desdites caisses.
« Art. 12. Le montant de ce déficit sera réparti au marc la livre, d'après le mode de contribution extraordinaire qui sera établie par la Convention, sur Tavis des corps administratifs et municipaux.
« Art. 13. Pour obtenir l'autorisation delà contribution nécessaire pour le remboursement de ce déficit, le corps municipal adressera au directoire de district l'état de l'actif et du passif -desdites caisses; il y joindra son avis .sur les causes qui ont occasionné le déficit, et àur le mode à adopter pour son remboursement.
« Art. 14. Le directoire de district vérifièra ledit état ; il l'enverra avec son avis au directoire de département, qui l'adressera sans délai, avec son avis, au ministre des contributions publiques, qui le fera passer à la Convention.
« Art. 15. Dans le cas où quelque municipalité croirait qu'il fût nécessaire de faire quelque emprunt pour hâter le retirement des billets, émis, elle adressera ses vues, aux corps administratifs, qui les enverront avec leur avis à la Convention.
« Art. 16. A compter du 1er janvier prochain, il ne pourra plus rester en circulation dans toute la République, aucuns billets au porteur, payables à vue, de quelque somme qu'ils soient; ceux qui, à cette époque, ne justifieront pas avoir fait des poursuites pour obtenir leur remboursement, seront déchus de leurs droits et actions.
« Art. 17. A compter de la publication du présent décret, il est défendu au corps administratifs et municipaux, et aux particuliers ou com-
! pagnies, de souscrire ni d'émettre aucun effet 1 au porteur, sous quelque titre ou dénomination que ce soit, sous peine, par les contrevenants, d'être poursuivis et punis comme faux mon-nayeurs. »
(La Convention adopte ce projet de décret sauf rédaction.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret, tendant à ordonner à la Trésorerie nationale de mettre à la disposition du ministre de l'intérieur une somme d'un million pour être par lui avancée au département de Paris; laquelle sera employée à retirer les billets au porteur au-dessous de 25 livres; le projet de décret, est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que la Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur la somme d'un million pour être par lui avancée au département de Paris; laquelle sera employée à retirer les billets au porteur au-dessous de 25 livres, payables à vue, qui sont en circulation, reçus de confiance comme numéraire dans les transactions journalières.
« Charge son comité des finances, section des contributions, de lui présenter demain un projet de décret qui règle le mode de ladite avance et l'époque à laquelle elle sera faite, ainsi que les moyens à prendre pour obtenir le remboursement tant de ladite avance que de celles qui ont été faites au département et à la munici- palité de Paris pour le remboursement desdits illetSi ,
(La Convention adopte le projet de décret, sauf rédaction.)
Une députation des membres du département, du conseil municipal et du conseil général de la commune de Paris est admise à la barre.
l'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Citoyens législateurs, nous venions déposer dans votre sein nos vives inquiétudes sur la fortune et la tranquillité publiques ; mais nous avons su que la Convention avait prévu nos demandes. Nous allons nous hâter de rassurer nos concitoyens et leur faire connaître la loi que vous venez de rendre. »
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
La séance est levée à six heures.
a la séance de la convention nationale du
Lettre à la Convention nationale sur les vices de la Constitution de 1791 et sur l'étendue des amendements à y porter, pour lesquels cette Convention a été convoquée, par Joël Rarlow, écuyer, auteur de VAvis aux ordres privilégiés, de la Vision de Colombe et de la Conspiration des rois (2).
Messieurs, le temps est arrivé enfin où le
peuple français, en ayant recours à sa propre dignité, se sent libre de faire usage de sa raison non entravée et d'établir un gouvernemeiit sur les bases de l'égalité. La crise présente de vos affaires, marquée par la convocation d'une Convention nationale, a, à peu près, les mêmes rapports avec les quatre dernières années de votre histoire, qu'a toute votre révolution à la grande masse accumulée d'amélioration moderne. Si, donc, nous la comparons avec tout ce qui s'est passé, elle forme la partie la plus intéressante au plus important période que l'Europe ait peut être vu jusqu'à ce jour.
Pénétré de cette vérité et du sentiment le plus profond de la grandeur du sujet qui engage votre attention, je prends une liberté qu'un faible motif ne saurait justifier dans un étranger : je veux dire la liberté de vous offrir quelques observations sur la besogne que vous avez devant vous. Si, cependant, je pouvais croire que cette démarche hasardée de ma part eût besoin d'une apologie, je ne me reppserais pas sur celle dont je viens de faire mention. Mais mes intentions n'exigent point d'apologie; je demande à être entendu, de droit. Votre cause est la cause de l'humanité entière ; vous êtes les représentants de l'espèce humaine ; et, quoique, à la lettre, je ne sois pas du nombre de vos constituants, vos décrets n'en doivent pas moins me lier. Vos délibérations doivent agir sérieusement sur mon bonheur, et j'ai en elles un intérêt que rien ne saurait détruire. Je considère le genrè humain, non seulement comme ne formant qu'une seule grande famille et qui, par conséquent, est forcée, par une sympathie naturelle, de regarder le bonheur de chacun de ces individus comme faisant partie du sien; mais je regarde, dans cë moment, la nation française comme représentant toute cette familie. Vous vous êtes avancés d'un pas gigantesque vers une entreprise qui embrasse les intérêts de toutes les nations qui vous environnent; et vous êtes obligés ae finir par devoir pour toute l'espèce humaine ce que vous commençâtes par justice pour vous-mêmes.
Je ne crois pas que personne ait jamais eu une plus grande vénération que moi pourTAssemblée nationale qui forma cette constitution, dont je présume maintenant que vos constituants vous demandent une révision. Le mérite de ce corps ne sera peut-être jamais apprécié comme il faut. La plus grande partie de leurs travaux fut nécessairement employée à des. objets qu'on ne saurait décrire et qui, par leur nature même, ne sauraient figurer dans l'histoire. Le poids, énorme d'abus qu'elle avait à renverser, la quantité de préjugés auxquels ses fonctions l'engageaient a faire la guerre, autant dans son propre esprit qUe dans celui de toute l'Europe, 1 opposition ouverte d'intérêts, les armes secrètes de la corruption et la furie effrénée de factions désespérées, voilà autant de sujets qui échappent à l'observation commune, lorsque l'on contemple les travaux dè cette Assemblée. Mais le legs qu'elle a laissé à sa patrie, en sa qualité délibé-rative, sera toujours un monument durable élevé à sa gloire; et quoique, lorsque nous choisissons les parties défectueuses de son ouvrage, sans perdre de vue les difficultés sous lesquelles il fut fait, quoique, dis-je, dans ce cas, nous puissions plus fréquemment avoir sujet d'admirer sa sagesse que de murmurer de ses fautes, cependant cette considération ne devrait pas nous détourner de l'entreprise.
La grande base sur laquelle ils avaient le dessein de bâtir leur Constitution est l'égalité des droits. Cette base étant posée avec tant de clarté et défendue avec tant de dignité au commencement du Code, il est étonnant que des hommes d'un jugement éclairé ne fussent pas charmés de la beauté du système que la nature devait leur indiquer de bâtir sur cette fondation. Il prouve une disposition de contrarier l'analogie de la nature, lorsque, dans un moment, nous les voyons imprimer sur nos esprits ce principe ineffaçable et déclarer, un moment après, que la France restera une monarchie :— qu'elle aura un roi héréditaire, inviolable, investi de tout le pouvoir exécutif et d'une grande partie du pouvoir législatif; qu'il sera commandant en chef de toutes les forces nationales par terre et par mer, ayant l'initiative de la guerre et le pouvoir de faire la paix:— et surtout lorsque nous les entendons déclarer : La nation aura soin de la splendeur du trône », et accorder, en leur qualité de législateurs, à ce trône plus d'un million sterling par an, pris dans la bourse de la nation, plus les revenus de possessions qu'on dit se monter à une moitié en sus.
Nous ne saurions que nous étonner de l'organisation paradoxale de ces esprits qui ne voyaient point dè discordance dans ces idées. Ils commencent par la franche simplicité d'une République raisonnable, et immédiatement après se plongent dans tous les labyrinthes de la royauté, et une grande partie du Code constitutionnel est un essai pratique pour réconcilier ces deux discordantes théories. C'est une lutte perpétuelle entre le principè et le précêaent, entre les vérités mâles de la nature, que nous devons tous sentir, et les doctes subtilités d'hommes d'Etat, sur lesquelles on nous a appris à raisonner.
En passant en revue l'histoire des opinions des hommes, nous remarquons avec peine la constante lenteur de l'esprit à saisir les vérités les plus intéressantes, qui, cependant, une fois découvertes, nous paraissent avoir été de la plus grande évidence. Cette remarque ne se trouve nulle part constatée avec plus de circonstances, de regret, que dans la progression de vos idées en France, concernant l'inutilité de la fonction royale. Il ne suffisait pas de vous établir sur les hauteurs des droits de la nature, où, éclairés par le soleil de la raison, vous pouviez voir le nuage du préjugé rouler bien au-dessous de vos pieds : il ne vous suffisait pas de commencer par la considération que la royauté, avec ses fléaux si bien connus, est la cause de tous vos maux, que les rois dè l'Europe moderne sont les auteurs des guerres et de la misère, que leur correspondance mutuelle est un commerce de carnage, que les dettes publiques, les oppressions privées et tous les vices qui dégradent et avilissent l'aspect de la nature, devaient leur origine à cette espèce de gouvernement qui offre une récompense à la méchanceté, et qui apprend au petit nombre à fouler aux pieds le grand : — il ne suffisait pas que vous vissiez les moyens d'une régénération de l'espèce humaine dans le système de l'égalité des droits, et que, dans une nation opulente et puissante, vous possédassiez les avantages requis pour mettre en pratique immédiate ce système,' comme un exemple pour le monde, et comme une consolation pour l'humanité : tous ces arguments et une foule d'autres que vos orateurs républicains ont démontré dans leur plus grand jour, étaient insuffisants pour porter
l'esprit public à une hauteur convenable, d'où il eût pu voir l'étendue du sujet.
Il paraît que quelques-uns de vos propres philosophes ont ci-devant enseigné que la royauté est nécessaire à une grande nation. Montesquieu, entre autres maximes bizarres sur les lois et le gouvernement, apprit au monde qu'une monarchie limitée était le meilleur système, et que la démocratie ne pouvait jamais avoir de succès que dans un pays de peu d'étendue. Il est impossible de déterminer combien de vos législateurs ont cru dans cette doctrine, combien en ont agi par des motifs temporisants, désirant de bannir, peu à peu la royauté et combien d'autres parmi eux ont été conduits par des principes moins pardonnables encore. Il est certain que dans votre Assemblée constituante, les idées républicaines n'ont nullement gagné de terrain sur les idées monarchiques, pendant les derniers six mois de leur délibération. 11 est tout aussi certain que la majorité de cette assemblée se donnait beaucoup de peine pour empêcher que le peuple ne découvrit l'imposture de la royauté et qu'il continuât son ancienne vénération, du moins, pendant un certain temps, pour certaines bases de gouvernement que la raison ne saurait approuver.
Il est remarquable que toute la perfidie de votre roi, à l'époque de sa fuite, ait produit si peu d'effet sur les yeux d'un peuple aussi éclairé que le peuple français. Sa fuite et l'insultante déclaration qu'il laissa après lui, suffisaient non seulement pour démentir la fiction qui, en tout temps, a fait rougir le sens commun, et que votre Assemblée avait tenté de sanctionner, celle que les rois ne sauraient mal faire; mais elles suffisaient pour démontrer, du moins à tous ceux qui voulaient bien ouvrir les yeux, que les affaires de l'Etat ne demandaient pas un tel fonctionnaire. Il n'y a point de période dans votre Révolution, je doute même qu'on en trouve une dans l'histoire de France, dans laquelle les affaires se soient faites avec plus d'expédition et plus d'ordre, que pendant la suspension des fonctions royales dans l'intervalle où le roi fut ramené dans la capitale au mois de juin, jusqu'à la consommation de la Constitution, au mois de septembre. Tout allait bien dans le royaume, excepté dans l'enceinte de l'Assemblée, Une majorité de ce corps était décidée de faire l'expérience d'une monarchie limitée. L'expérience a été faite. Sa durée, en vérité, a été courte, elle a été de moins de onze mois. Mais quoiqu'à bien des égards elle ait été aussi fatale a la cause de la liberté, qu'aucun système puisse l'être dans un semblable temps, elle a néanmoins, à d'autres égards, fait plus de bien que tous les raisonnements de tous les philosophes contemporains eussent pu faire dans un temps bien plus long : elle leur a appris une doctrine nouvelle, que nulle expérience ne saurait ébranler, et que la raison doit confirmer, celle que les, rois ne sauraient bien faire; de manière que, si la question devait s'agiter par le peuple français (comme elle pourra l'être par vous en sa faveur), s'il veut un roi ou non, alors je suppose que son calcul serait le suivant : l'on doit s'attendre à une certaine quantité de manx de la part de la fonction royale, et ces maux sont de deux classes : certains 'et probables. Les maux certains sont : 1° le million et, demi extorqué du peuple pour « soutenir la splendeur du trône » ; 2° une quantité de salaires énormes à payer aux mi-
nistres dans l'intérieur, aux ambassadeurs chez l'étranger et aux évêques de l'Eglise; tandis que la seule besogne de ces hommes et l'intention de leur salaire est d'accréditer la fiction que les rois ne sauraient mal faire. Il en coûtera toujours davantage pour accréditer cette fiction, qu'il n'en coûterait à défrayer tout le gouvernement national sans elle; 3° le plus grand de tous les maux certains est que le million et demi sera presque entièrement dépensé pour corrompre les membres de la magistrature et pour accroître lé pouvoir du trône, et multiplier le moyen de l'oppression. Si l'argent, après être extorqué du peuple, pouvait être jeté à la mer, au lieu d'être payé au roi et à ses satellites, il n'y aurait qu'un petit mal dans ce cas-là, la méchanceté finirait avec le premier acte d'injustice; tandis que, dans celui-ci, il multiplie les armes destructives contre le peuple même, il crée des efforts continuels pour obtenir du pouvoir ; il récompense la scélératesse dans les rangs élevés, encourage la perfidie dans les autres et corrompt les mœurs de la remarque laite par hommes, et même par ceux qui voudraient voir leurs semblables heureux, que le peuple n'est pas fait pour être libre.
Parmi les maux pi'obables, résultant de la fonction royale, le plus grand et le sèul, en vérité, qui mérite.qu on en" fasse mention, c'est la chance qu'elle peut être occupée par un homme faible ou méchant. Lorsque cette fonction est héréditaire, l'on ne saurait guère s'attendre à autre chose. Considérant la naissance et l'éducation des princes, la chance d'en rencontrer un doué d'un sens commun pratique, est un de ces événements qu'on peut à peine compter parmi les possibles, et il est tout aussi peu probable d'en trouver un qui ait de la vertu. Comme les tentations à la méchanceté naissent de la situation même où ils se trouvent, elles sont trop fortes pour leur opposer de la résistance. L'adresse persuasive de tous leurs flatteurs, les compagnons de leur jeunesse, les ministres de leurs plaisirs et tous ceux avec qui ils conversent doivent nécessairement être occupés à leur persuader qu'il faut augmenter leur revenu» en opprimant le peuple, qu'on a soin de leur représenter, dès leur plus tendre enfance, comme des bêtes de somme. Et ce qui doit presque assurer leur triomphe à la méchanceté dans les cœurs des princes, c'est l'idée qu'ils agissént totalement et à jamais sans contrainte. C'est un appas pour le vice, auquel même les hommes de bon sens auraient de la peine à résister. Persuadez un homme quelconque qu'il ne saurait mal faire et il vous prouvera bientôt que vous vous êtes trompé?
Prenez sous toutes les restrictions qu'on saurait proposer, ce sommaire des maux qui naissent de la monarchie héréditaire, et placez-le d'un côté de votre compte, placez de 1 autre la vérité que, comme je crois, personne qui réfléchit ne révoquera en doute dorénavant, c'est-à-dire, que les rois ne sauraient bien faire, et les amis de la liberté n'hésiteront plus à décider sur la question relative de cette partie de votre Constitution.
Je ne saurais quitter cette partie de mon sujet, sans faire quelques remarques sur l'idée générale et vague qui a longtemps voltigé dans le monde, qirun peuple, dans certaines cir-
constances, n'est pas fait pour la liberté. Vous savez avec quel insultant langage on a continuellement appliqué cette observation aux Français pendant le cours de voire Révolution. Quelques-uns ont dit qu'ils étaient trop ignorants pour former un gouvernement a eux; d'autres, qu'ils étaient trop pauvres; d'autres, qu'ils étaient trop nombreux, et d'autres, qu'ils étaient trop vicieux. Je ne descendrai point à l'examen des, détails de cette accusation, ni à celui de son entier, comme faisant application aux Français, ou à un autre peuple particulier ; je ne porterai mes remarques que sur l'observation générale, comme étant applicable à une nation quelconque qui existe daus un état de nature. Par un état de nature, j'entends un état de paix, dans lequel, comme nation, on a l'intention de vivre de son industrie chez soi, et par du brigandage en dehors.
Je crois que Montesquieu a dit que la vertu doit êtreda base du gouvernement républicain. Dans ce moment, je n'ai pas son ouvrage devant moi, sans quoi je tâcherai de découvrir ce qu'il entend par vertu. Si, par vertu, il entend cette disposition morale qui porte les hommes à une justice et une bienveillance mutuelles, ce qui est l'idée commune de la vertu, alors la vertu ne saurait être la base du gouvernement républicain, ni d'un gouvernement quelconque. Ces qualités-là n'ont pas besoin de gêne. Plus leur influence serait générale chez un peuple quelconque, moins on aurait besoin de force dans un gouvernement ; et si noustyHivions supposer une nation parmi laquelle ces qualités existassent dans un degré parfait, cette nation-là n'aurait besoin d'aucun gouvernement. L'expression du vœu général, lorsqu'il opère sur l'esprit d'un individu, lui sért de substitut de là vertu même. Une nation, dans toutes les circonstances possibles, peut toujours exprimer un vœu général, et, si la nation se trouve dans un état de nature, cette expression sera toujours vertu morale, selon l'idée qu'elle aura du mot, et elle tendra toujours à la vertu morale dans le sens le plus étendu dans lequel il nous ait encore été possible de la définir.
Il a été dit qu'il y a autant de différence d'homme à homme qu'il y en a de l'homme à la brute ; il a été dit aussi que le savant et le vertueux doivent faire les lois pour l'ignorant et le vicieux. Je n'ai pas besoin de révoquer en doute la première de ces assertions; mais pour plausible que puisse être la seconde, je dois totalement la dénier, pour le moins dans le sens dans lequel elle est généralement reçue. Que quelques hommes de la société soient plus savants et plus vertueux que les autres, cela est très naturel, et il est tout aussi naturel que la société choisisse ces hommes-là pour se faire représenter par eux à la formation de leurs lois. Mais, dans ce cas, les lois dérivent du peuple en général, tout ignorant et vicieux qu'il est, et les représentants ne sont que l'organe par lequel son vœu se déclare. Mais ce n'est pas là le sens dans lequel il faut prendre l'intention de l'assertion. On veut dire, par là, que si les rois étaient toujours savants et bons, ou si une bande de nobles était toujours savante et bonne, l'on ne saurait mieux faire que de les rendre législateurs héréditaires. Voilà le sens dans lequel je dénie l'assertion, parcé qu'elle est contraire à l'analogie de la nature. Comme ceci est un sujet sur lequel nous ne pouvons pas nous en rapporter à l'expérience, nous sommes forcés
de raisonner simplement par analogie ; et il me paraît très évident que si dans un pays quelconque une succession des meilleurs et des plus savants hommes qu'on ait jamais connus, — et qu'on ne connaîtra jamais, — fût choisie pour être en perpétuité les législateurs indépendants du peuple, le bonheur et le bon gouvernement de la nation en souffriraient grandement. Je suis fermement convaincu qu'un peuple quelconque, qu'il soit vertueux ou dépravé, savant ou ignorant, nombreux ou peu nombreux, riche ou pauvre, est le meilleur juge dans ses propres besoins, relativement à la contrainte des lois, et qu'il pourvoirait mieux à ses besoins lui-même, que ne le ferait tout autre à sa place.
En publiant ces idées relativement à la paix et au bonheur qu'on peut attendre d'une libre République, l'on m'a souvent accusé d'avoir une opinion trop favorable de l'espèce humaine. Mais il me paraît que la question, si les hommes sur une étendue donnée du globe sont capables de se donner leurs lois eux-mêmes, ne dépend pas du tout de leur caractère moral ; elle n'a pas de rapport ni avec leur état de civilisation, ni avec leur état de moralité. La seule recherche préalable est celle-ci : quel est l'objet auquel l'on vise dans le gouvernement ? Si c'est le bonheur de toute la communauté, la totalité doit le mieux connaître les moyens d'y parvenir; si c'est élever un petit nombre d'hommes aux dépens des autres, la décision pourra peut-être prendre une tournure différente.
Une république de castors ou de singes, dans mon opinion, ne pourrait dériver davantage en recevant ses lois des hommes, que n'en dériveraient des hommes en se laissant gouverner par des singes ou des castors. Si les Algériens ou les Indous eussent eu la fantaisie de secouer le joug du despotisme et d'adopter des idées d'une liberté égale, ils seraient, dès ce moment même, dans une condition de faire un meilleur plan de gouvernement pour eux que ne seraient les hommes d'Etat les plus instruits du monde.
Si le grand Locke, avec tout son savoir et toute sa bonhomie, s'avisait de tenter l'entreprise, il est probable qu'il ne réussirait pas mieux qu'il n'a réussi en faisant la Constitution pour la colonie de la Caroline méridionale.
Les colonies ont toujours été ennuyées et tourmentées plus ou moins ,(et le seront en toute probabilité, tant qu'il y aura des colonies) par la sagesse outrée deia mere-patrie, en faisant leurs lois et leur Constitution. Gela arrive très souvent, même dans le dessein de tyranniser, et quelquefois avec les meilleures intentions d'avancer le bonheur du peuple. Le malheur gît plus souvent dans l'iernorànce du législateur sur les vrais besoins et sur les vœux du peuple que dans un désir capricieux de les contrarier. La seule et sûre preuve qui caractérise la bonté d'une loi, c'est qu'elle soit l'expression parfaite du vœu de la nation ; son expérience est précisément en proportion de l'universalité et de la liberté du consentement. Et cette définition reste la même, quel que puisse être le caractère de la nation ou l'objet de la loi. Chaque homme, comme individu, a son vœu à lui et une manière de l'exprimer. En formant ces individus en société, if est nécessaire de former leurs vœux en gouvernement: et, en faisant cela, nous n'avons qu'à trouver le modèle le plus aisé et le plus clair pour exprimer leurs vœux d'une manière nationale. Et il n'y a point de désavantages possibles relativement à leur état de
moralité ou de civilisation qui puissent rendre cette tâche difficile.
Je suis entré dans ces raisonnements, non pour prouver simplement que les Français, qui, certainement, au moment où nous sommes, sont la nation la plus éclairée de l'Europe, sont faits pour être libres, mais afin que la calomnie, contenue dans l'assertion contraire, ne soit pas répétée contre toute autre nation qui pourrait suivre ses traces et dont les prétentions, à cet égard, pourraient paraître plus douteuses aux yeux de ceux qui font des remarques à la mode.
Mais on me dira que je suis venu trop tard, avec toutes ces observations, sur la nécessité de proscrire la royauté de votre Constitution. Cette cause est déjà jugée dans les esprits de tout le peuple français et leurs vœux seront sûrement la règle de votre conduite. Je suppose que, sans qu'un étranger vous rappelât votre evoir, une de vos premières résolutions serait de lancer l'anathème national contre toutes les traces d'un pouvoir royal, et que vous tâcheriez d'effacer du caractère humain la tache qu'il re-> çut avec sa vénération pour les rois et les droits héréditaires. Mais il faut beaucoup de réflexion pour savoir précisément où doit vous mener ce devoir. Il y a dans votre Constitution des vices qui, quoique, en apparence, ils ne tiennent pas au roi, ont pris leur origine dans les idées royales. Afin de purifier tout le Code de ces vices et de purger l'espèce humaine de leurs effets, il sera nécessaire de recourir à bien des principes qui ne paraissent flàs avoir frappé les esprits de votre première Assemblée.
Vous me permettrez d'indiquer légèrement quelques-unes des grandes masses de l'ouvrage auquel on s'attend de votre part, d'après les avantages particuliers qui se présentent à vous pour former une glorieuse République. Quoique plusieurs de mes idées puissent être parfaitement superflues, comme étant les mêmes qui se présenteront à chaque membre de votre corps, il n'en est pas moins possible que quelques-unes frappent 1 esprit sous un nouveau point de vue et qu'elles conduisent à des réflexions qui ne seraient pas venues d'un autre côté. Si cela fut le cas, même dans le moindre degré, nous devrions le considérer, de part et d'autre, comme une ample récompense pour la peine que nous aurons, vous à lire, et moi à écrire cette lettre.
En considérant le sujet de gouvernement, lors- qu'une fois l'âme s'est débarrassée des entraves e la royauté, elle s'élève à une vue plus étendue de chaque circonstance de l'état social. La nature humaine prend une forme nouvelle et plus noble, et développe maints traits moraux dont on ne se doutait pas, parce qu'ils ont toujours été déguisés. Dans ce cas, il faut du temps, avant qu'on acquierre l'habitude de poursuivre les effets jusqu'à leurs véritables causes et d'appliquer les remèdes aisés et simples aux vicetf' de notre espèce, que la société nous ordonne d'arrêter. Voilà, je crois, la source des plus grandes difficultés que vous aurez à combattre. En fait de gouvernement, nous sommes tellement accoutumés aux systèmes les plus compliqués, comme étant nécessaires pour accréditer ces impostures, sans lesquelles on a cru qu'il était impossible de gouverner les hommes, qu'il nous paraît une tâche nouvelle de concevoir la simplicité à laquelle peut se réduire le travail d'un gouvernement, et à laquelle il faut qu'il soit réduit si nous voulons qu'il réponde au but de faire naître le bonheur.
Je suppose qu'après avoir proscrit la royauté avec toutes ses dépendances, l'on ne jugera pas à propos d'appuyer en France d'autres erreurs et superstitions d'une semblable nature, mais qu'au contraire, la raison simple et sans déguisement sera, en toute chose, préférée au manteau dont se couvre l'imposture. Si ce fut là le cas, vous concevrez qu'il n'est plus nécessaire de maintenir une Eglise nationale. Cet établissement est une imposture si manifeste, faite au jugement des hommes, que l'Assemblée constituante doit l'avoir envisagée sous ce point de vue. C'est une de ces idées monarchiques par lesquelles l'on nous fait le méprisable compliment de supposer que nous ne sommes pas à même d'être gouvernés par notre propre raison. Supposer que les Français doivent apprendre la manière de servir Dieu sur les décrets du Concile de Trente est certainement tout aussi absurde que d'avoir recours à ce Concile pour qu'il leur apprenne à respirer ou à ouvrir les yeux. Il n'est pas non plus vrai, comme les défenseurs de cette partie de votre Constitution voudraient nous le donner à entendre, que la préférence y donnée à un seul mode de culte, en payant les prêtres catholiques de la bourse nationale, à l'exclusion de tous les autres, est fondée sur l'idée de la propriété, qu'on suppose "avoir été possédée par cette Eglise et que l'Assemblée a déclaré devoir, depuis ce _ temps-là, appartenir à la nation.
L'Église, dans ce sens, ne signifie autre chose qu'un mode de culte, et vouloir prouver qu'un mode peut être propriétaire foncier, cela demande une : subtilité de logique que je n'entreprendrai pas de réfuter.
Le fait est que l'église, considérée comme hiérarchie, a toujours été nécessaire pour le soutien de la royauté : et, comme l'assemblée désirait conserver quelque chose de l'ancienne fabrique, ellé a été très conséquente en son dessein, en conservant quelque enose de cet appui nécessaire. Mais la fabrique étant actuellement renversée, l'appui peut être ôté sans danger. Je suis fermement persuadé que la monarchie et la hiérarchie auront le même tombeau et qu'elles ne verront pas la fin de cette année en France.
Je sais qu'il y a des gens portés pour le bien-être de la société, gui assurent et croient que la religion se perdrait parmi les hommes, si l'on proscrivait tout établissement légal de la manière de l'exercer. Je ne serais pas si parfaitement convaincu de l'absurdité de cette opinion, que je le suis, s'il était moins facile de voir comment elle fut introduite. C'est, comme je le crois, une idée purement politique, et elle doit son origine à la nécessité supposée de gouverner les hommes par la fraude, a ériger leur crédulité en hiérarchie pour soutenir le despotisme de l'Etat. Je prétends que la religion est un penchant naturel à l'âme, comme la respiration est naturelle aux poumons. Si cela est vrai, il n'est pas à craindre qu'elle soit perdue, et je ne vois pas plus de raison qu'on fasse des lois pour régler l'impression ae la divinité sur. l'âme, qu il y en aurait à régler l'action de la lumière sur l'œil ou de l'air sur les poumons. Je serais donc d'opinion qu'en débarrassant cet objet de tout le déguisement dont l'avait «nveloppé un gouvernement inégal, vous ne pourvoirez nullement à la subsistance d'une classe quelconque d'hommes, sous le faux prétexte de maintenir le culte de Dieu. Mais vous ferez bien de laisser à chaque partie de la communauté la liberté de
nommer et de payer des ministres comme il lui plaira. Le mode de culte auquel ils pourvoiront de cette manière, sera celui qui conduira le plus au maintien du bon ordre, car ce sera celui dans lequel ils croiront.
Depuis votre résolution, l'on a dit bien des choses sur la différence qu'il y a entre la tâche de former une Constitution et celle de faire des lois ordinaires. J'ai peur en vérité qu'on ait dit ou trop, ou trop peu, à ce sujet; car il me semble que la doctrine, reçue dans ce moment; n'est pas celle que le sujet présenterait naturellement a l'esprit. Elle nous apprend à considérer les lois qu'on appelle Constitutions, dans un jour si sacré, qu'on y sent trop l'ancien levain de vénération pour ce qui nous venait de nos ancêtres; et chaque degré d'une telle vénération est un pas en arrière de l'amélioration que l'on pourrait peut-être faire. Supposer que nos prédécesseurs étaient plus savants que nous, cela n'est pas extraordinaire, quoique cette opinion puisse être mal fondée ; mais supposer qu'ils peuvent nous avoir laissé un système de règlements politiques meilleur que nous ne saurions en faire pour nous-mêmes, c'est leur attribuer un degré de discernement auquel le nôtre n'est pas comparable; cela suppose qu'ils connaissaient mieux nôtre situation par inspiration prophétique que nous ne pouvons la connaître par expérience.
Il y eut, dans votre première assemblée, non seulement un degré d'arrogance, à supposer d'avoir formé une Constitution qui, dans le cours de plusieurs années, ne demanderait aucun amendement ; mais elle découvrit un grand degré de faiblesse, en supposant que les barrières ridicules dont elle l'avait environnée, seraient suffisantes pour arrêter le poids puissant des opinions et pour empêcher le peuple d'exercer le droit irrésistible de l'innovation, dès que l'expérience lui aurait découvert les vices du système. C'est, tant à ces barrières qu'aux vices inhérents de la Constitution que l'on doit attribuer en partie les dernières insurrections à Paris. Si nous voulions tracer les causes des émeutes populaires, nous trouverions toujours leur origine dans une gêne préalable et injuste.
Je ne voudrais cependant pas qu'on crût que je ne veux pas de distinction entre le code constitutionnel et d'autres lois occasionnelles. Il y a lieu à une différence très considérable, tant au mode de les exprimer qu'aux formalités à observer pour les révoquer ou pour y porter des amendements. Je présenterai quelques remarques vers la fin de cette lettre sur un plan pour les amendements. Quant à la nature du code, en [général, il faut que, pour êtré bien entendu, il soit du style le plus simple et le plus aisé possible ; car il doit servir, non seulement de guide au corps législatif, mais encore de grammaire politique au citoyen. Le plus grand avantage qu'on en puisse attendre, est celui de concentrer les maximes et de former l'habitude de pehser pour toute la communauté. Pour cela, il ne suffit pas qu'il soit purgé de toute trace de monarchie et e hiérarchie, avec toutes les impostures et toutes les inégalités qui sont nées insensiblement de ces idées. Mais il faudrait qu'il contemplât tout le cercle des penchants ae l'homme et qu'il tranchât court à toutes les tentations et occasions pour dégénérer en ces maux qui ont si longtemps affligé l'espèce humaine et desquels nous ne commençons qu'à nous relever.
Après avoir posé la grande base fondamentale, que tous les hommes sont égaux en droits,
le but invariable du contrat social doit être celui d'assurer l'exercice de cette égalité, en les rendant égaux dans toute espèce de jouissance autant que cela peut s'accorder avec le bon ordre, l'industrie et la récompense du mérite. Il faut que chaque individu soit rendu au|si indépendant de l'autre qu'H est possible, et, en même temps, aussi dépendant Jqu'il est possible de l'entière communauté. C'est sur cette maxime incontestable que je crois qu'il faudrait établir et garantir les principes suivants dans le Code constitutionnel :
1° La seule base de représentation dans le gouvernement devrait être la population. Le territoire et la propriété, quoique absurdement rapportés par votre Assemblée constituantercomme formant partie de la base pour là représentation, n'y ont point d'intérêt. La propriété ne donne à son possesseur d'autres droits que ceux de la jouissance. 11 est absurde de dire que la propriété réclame la protection de la société, car elle est déjà protégée, sans quoi, ce ne serait pas une propriété. C'est la personne, et non la propriété, qui exerce une volonté et qui est susceptible de jouir du bonheur. C'est donc la personne pour qui le gouvernement a été institué, et par qui ses fonctions sont exécutées. La raison pour laquelle la propriété a été regardée comme donnant au possesseur ùn droit ae plus aux affaires du gouvernement, est la même que celle qui a aveuglé l'entendement des hommes relativement à l'ordre total de la nature dans la société. C'est un des accessoires de la monarchie et de l'oligarchie qui enseigne que le but du gouvernement est d'augmenter la splendeur du petit nombre et la misère du grand. Et chaque pas que font de tels gouvernements a une ten^ aance à contrarier l'égalité des droits en détruisant l'égalité des jouissances.
2° En adoptant la population pour seule base dè représentation dans les départements, la première mesure que vous prendrez après sera de déclarer tout homme indépendant, citoyen actif. J'entends par un homme indépendant, tout homme que la loi ne place pas sous la tutelle d'un autre, pour cause de minorité ou de domesticité. Dans mon opinion, les lois de la France ont toujours reculé de plusieurs années de trop le période de la majorité, c'est-à-dire elles l'ont placé plus tard que ne l'a fait la nature. Politiquement vu, cela n'était cependant que de très peu d'importance, tant que votre gouvernement restait despotique; mais actuellement, lorsque les droits de l'homme sont remis en force, et que le gouvernement ést rétabli sur cette base, il est conséquent d'augmenter, autant qu'il est possible, le nombre des citoyens actifs. Et pour cela, je supposerais que le période de la majorité dût être placé, du moins, à l'âge de 20 ans. Un tel changement en France produirait bien des avantages. Il augmenterait la masse des connaissances et de l'industrie, en inspirant de bonne heure à la jeunesse, des idées d'indépendance et la nécessité de se procurer un état par quelque emploi utile: ce serait pour elle un grand motif de se marier plus jeune, d'augmenter la population et d'encourager la pureté des mœurs.
Je suis, de même, pleinement convaincu que r l'Assemblée avait tort en supposant que l'état de ^domesticité dût privèr l'homme des droits d'un homme libre. C'est encore un reste des idées que l'ancien régime lui avait inspirées. Dans le cas où le domestique dépeud absolument
du caprice de son maître pour conserver sa place, et, par conséquent, son pain, dans ce cas>-là, dis-je, il y a, en vérité, grande force dans l'argument : que, le domestique ne saurait avoir une volonté à lui, et qu'il donnera ses suffrages sous l'influence de son maître. Mais lorsque tout homme sera absolument libre d'adopter une profession quelconque, toute espèce d industrie étant également encouragée et récompensée, et particulièrement lorsque tout homme sera bien instruit sur ses devoirs et ses droits, ce qui certainement sera la conséquence de ce système que vous avez commencé, de tels arguments s'écrouleront avec le système qu'ils défendent. Le domestique et le maître, quoique point égaux, quant à la fortune et aux talents, peuvent être parfaitement égaux quant à la liberté et à la vertu. Partout où le domestique dépend plus de son maître, que le maître ne dépend du domestique, il y a quelque chose de louche dans le gouvernement. La même remarque peut, je pense, être répétée avec peu de variation à l'égard des débiteurs en état d'insolvabilité, qui forment une autre classe d'hommes destitués des droits de la liberté par la première Assemblée.
3° La manière dont on peut acquérir ou perdre l'état de citoyen, est encore un objet qui demande qu'on la reprenne en considération, comme ayant été laissé dans un état susceptible d'amélioration par vos prédécesseurs. Leur règlement a, en vérité, été noble, en comparaison de ce que d'autres gouvernements ont fait à cet égard ; mais il ne l'est plus en comparaison de ce que demande ce sujet. Je suis persuadé que, lorsque la société se trouvera érigée sur le pied qu'il faut, les citoyens d'un Etat quelconque regarderont les citoyens de tout autre Etat comme leurs frères et comme leurs camarades citoyens du monde, et, dans ce cas, ceux qu'on appelle des étrangers, lorsqu'ils s'établiront parmi eux, n'auront qu'à simplement déclarer leur intention de résidence pour obtenir les titres nécessaires à tous les droits dont jouissent les natifs. Je désirerais fort que les Français donnassent l'exemple de cette générosité, comme ils l'ont fait en tant d'autres bonnes choses, et je crois encore qu'en revisant ce sujet, vous ne manquerez pas de le faire.
Mais d'après votre Constitution, il y a plus d'un cas où l'on peut perdre les droits de citoyen, entre autres, il y en a un dont je ne vois pas la raison : c'est le cas de naturalisation dans un pays étranger. Cela est si manifestement ignoble et injuste que je suis presque sûr que vous y ferez un changement. C'est une ancienne idée féodale de loyauté, qui se fonde sur la supposition que la fidélité qu'on doit à un pays est incompatible avec nos devoirs envers un autre. Lorsqu'à un citoyen d'un Etat, on fait cadeau de la bourgeoisie d un autre Etat, cela se fait généralement en reconnaissance de son mérite, mais votre Assemblée constituante l'a regardé comme un châtiment. Plusieurs de vos citoyens ont été naturalisés en Amérique, mais le gouvernement américain ne pouvait pas prévoir que cette démarche de leur part priverait ces personnes de leur droit de bourgeoisie chez eux. Vous venez de conférer, naguère, les droits de citoyen français à Georges Washington : s'il acceptait l'honneur que vous lui avez fait, et qu'à cet égard la Constitution de l'Amérique fût la même que la vôtre, Washington devrait être immédiatement démis de sa charge, et perdre à jamais les droits de bourgeoisie dans son pays.
4° Vous prendrez sans doute en considération Vie sujet important de la fréquence des élections populaires, commé exigeant une délibération ultérieure. Cest un article auquel on ne saurait donner trop de réflexion. Elle a une influence sur la disposition du peuple et sur l'esprit du gouvernement dans une fouie de cas, qui échap7 pent à l'observation commune. J'ai dit plus haut qu'un des premiers objets de là société était de rendre chaque individu parfaitement dépendant de toute la communauté. Plus l'on atteint complètement à cet objet, plus sera parfaite l'égalité des jouissances et le bonheur ae l'Etat. Mais, de tous les individus, ceux qui sont élus, comme organes du peuple pour faire;et pour exécuter les lois, devraient sentir cette dépendance dans le plus haut degré. La méthode la plus aisée et la plus simple pour cet effet, c'est ae les obliger d'avoir fréquemment recours aux auteurs de leur existence officielle, de déposer. leurs pouvoirs, de se mêler avec leurs camarades et d'attendre la décision de ce même vœu souverain qui les créa la première fois, pour savoir s'ils méritent une seconde fois la même confiance.
Il y a, sans doute, des limites à poser à cette fréquence d'élections qu'il serait nuisible de franchir; car toute chose a son milieu entre deux extrêmes vicieux. Mais je ne connais point de charge dans aucun département de l'Etat qu'il fût nécessaire de garder au delà d'un an sans une nouvelle élection. La plupart de ceux qui approuvent cette idée à l'égard des fonctions législatives font des exceptions à l'égard des fonctions exécutives et particulièrement à l'égard de celles qu'on nomme judiciaires. Je sais tous les raisonnements qu'on emploie communément pour étayer ces exceptions; mais ils me paraissent avoir peu de poids en comparaison de ceux qui sont en faveur des élections universelles annuelles. Le pouvoir a toujours été et doit toujours être une chose dangereuse. J'entends par pouvoir le parti pris dans la grande masse de la société et confié a un petit nombre de mains; car ce n'est que dans ce sens-là qu'on peut proprement l'appeler pouvoir. L'on ne saurait faire agir à la fois les forces physiques de tous les individus d'une grande nation sur un seul objet, et l'on peut dire la même chose de leurs forces morales. Il est donc nécessaire que l'exercice de ces forces soit toujours appliqué par délégation : les morales en fait de législature, les physiques en fait d'exécution. Voilà la véritable définition du pouvoir national et, dans ce sens, il est nécessairement dangereux; car, proprement dit, ce pouvoir ne s'exerce pas par ceux à qui il appartient et pour le bien-être de qui on voulait qu'il opérât. Un dépôt semblable est d'une nature a renverser, en quelque manière, l'ordre des choses; il élève en apparence le serviteur au-dessus du maître, et le dispose à sentir une espèce d'indépendance que le citoyen, et particulièrement le fonctionnaire public, ne devrait jamais sentir.
La tendance du gouvernement a toujours été de diviser la société en deux partis, -- en gouverneurs et en gouvernés. Les inconvénients qui en résultent sont presque innombrables. Cette maxime non seulement dispose chaque parti à regarder l'autre avec des yeux de jalousie et de méfiance, qui bientôt conduisent à des hostilités, soit secrètes, soit ouvertes, mais elle corrompt, en effet,, les mœurs des deux partis et détruit les principes vitaux de la société : elle fait du gouvernement un trafic pour le petit
nombre, condamne le grand nombre à une soumission servile et fait que la totalité emploie la perfidie comme un artifice commun. Pour prévenir ces inconvénients, je voudrais que personne ne fût placé dans une position où il pût dire de gouverner le moment qu'il cesse de s'acquitter de sa charge à la satisfaction de ses concitoyens, et même alors je voudrais que le période de son gouvernement ne fût que très court. Il faudrait qu'il se regardât, en tout temps, comme un homme qui est près de changer de place avec quelqu'un de ses voisins qui, dans ce moment, est soumis à son autorité.
Mais pour atteindre à ce but, le fréquent retour des élections n'est pas seul suffisant. Je suis fermement d'opinion qu'à l'égard de tout fonctionnaire illimité, il faudrait qu'il y eût une exclusion à tour de rôle. Les fonctions purement ministérielles, commissaires, greffiers, secrétaires, enregistreurs, etc., pourraient peut-être souffrir une exception, mais il faudrait non seulement que des élections annuelles fissent sentir aux législateurs conseillers exécutifs, juges et magistrats d'une nature quelconque, qu'ils dépendent du peuple, mais encore que l'exclusion de fonctions les mit souvent à même de se mêler avec lui. Cela produirait, non, comme on l'affirmé, que personne ne s'entendrait du gouvernement, mais, au contraire, que chacun s'en entendrait. Cela inspirerait un désir prodigieux aux hommes de toute espèce et, dans tout le pays d'acquérir des connaissances. Tout homme doué de talents ordinaires serait capable, non seulement de veiller sur ses propres droits, mais aussi d'exercer les fonctions qui affermissent la sûreté publique. Car tout ce qui se trouve dans l'art de gouverner, tant législatif qu'exécutif, au-dessus de la capacité de cette classe d'hommes qu'on appelle bien instruits, est superflu et nuisible et devrait être mis.de côté. L'homme qu'on appelle politique, dans le sens qu'on donne à ce mot dans notre Europe mo-erne, exerce une profession infiniment plus destructive que celle d'un voleur de grands chemins. L'on peut dire la même chose du financier, dont l'art et le mystère, d'après le système financier de nos temps, consistent à faire des calculs qui mettent les gouvernements en état de soudoyer les hommes pour s'entr'égorger avec des lettres de change tirées sur la postérité.
Je voudrais, pour cela, que vous revisassiez l'article sur les élections biennales, comme l'a institué, votre première Assemblée, et que vous les rendissiez annuelles; et il faudrait que le même terme et le même mode d'élections s'étendît sur tous les fonctionnaires exécutifs, dont les fonctions sont en quelque manière illimitées. Je crois aussi qu'il serait essentiel que nulle charge de cette espèce ne fût tenue par le même homme plus de deux ans sur quatre. De cette manière, vous enverriez dans les départements et dans toutes les parties de l'Empire, à des époques fréquentes, quelques milliers de personnes douées de connaissances pratiques des affaires publiques : ce serait, pour le moins, la manière de doubler le nombre de ces hommes bien instruits et, en offrant à d'autres les motifs pour se qualifier à mériter la confiance de leurs concitoyens, le nombre d'hommes doués de connaissances théoriques serait, pour le moins, décuplé. Tous ces hommes seront des gardiens vigilants de la sûreté publique. Mais ce ne sont pas là tous les avantages des élections
fréquentes. Elles habituent le peuple à la bé-sogne des élections et le mettent en état de s'en acquitter avec ordre et régularité, comme si c'était leur travail journalier ; elles habituent les candidats d'élection à se voir gratifier de la confiance publique ou à s'en passer dans l'attente de l'obtenir, de manière que ni le succès, ni la privation ne feront cette profonde impression sur l'esprit qu'ils feraient en d'autres circonstances. C'est de cette manière que vous taririez la source infinie de cette intrigue et de cette corruption, que prédisent avec tant d'horreur ceux qui n'ont pas assez étudié les effets d'un gouvernement populaire bien organisé. Mais je toucherai, dans 1 article suivant, à une autre méthode non moins efficace pour étouffer tous les artifices mis en usage par ceux qui se débattent pour obtenir du pouvoir et aes places.
5° Entre autres fausses notions sur les choses que la monarchie a éternisées chez nous et qu'il est extrêmement difficile de déraciner de l'esprit, l'on doit compter l'opinion établie, que tout gouvernement doit donner à ses agents des salaires énormes. Cette idée a été d'ordinaire et plus particulièrement appliquée en faveur des fonctionnaires exécutifs au gouvernement et à leurs sous-agents ; et elle a pris son origine dans le principe précédent, que le gouvernement divise le peuple en deux classes et que la même quantité d'ouvrages, étant du ressort d'une de ces classes, doit être payée plus cher que si elle était du ressort de l'autre, quand même ce travail serait exécuté par le même homme et qu'il demanderait les mêmes efforts de talents. Votre Constitution se tait sur la quantité de salaire à donner à des fonctionnairès particuliers; elle dit seulement : « que la nation pourvoira à la splendeur du trône » (ce qui, en vérité, est une déclaration de guerre contre la liberté du peuple); mais les auteurs de cette Constitution, dans leur capacité législative, après avoir pourvu à cette splendeur avec une somme suffisante pour acheter la majorité de presque un corps quelconque de 700 législateurs, alla plus loin et pourvut à la splendeur des ministres. Ils donnèrent, si je ne me trompe, à l'un d'eux 150,000 livres et 100,000 aux autres. L'un portant l'autre, c'est à peu près trois fois plus qu'il n'aurait fallu donner, à moins qu'on n eût pour but de faire marcher le gouvernement par l'intrigue pour les places.
Je ne parle pas de cet article, par rapport à l'économie. Cette considération, pour importante qu'elle soit en apparence,. est une des plus minces qui puissent frapper l'esprit au sujet des salaires publics. Le vice de payer trop enfante mille maux. II suffit presque seul pour détruire tous les avantages qu'on peut attendre de l'institution d'un gouvernement égal. La règle générale qu'il faut adopter dans ce cas (ce qui peut-être est tout ce qu'on peut dire là-dessus dans la Constitution) me paraît être celle-ci : Que pour le desservissemenl d'une fonction publique quelconque, il sera donné tant et pas plus qu'il ne faut pour engager les personnes, douées de la capacité requise, à l'entreprendre. Si cette règle était strictement suivie, l'on pourrait conclure avec raison qu'il n'y aurait pas plus d'empressement et d'intrigue parmi les candidats pour obtenir des places dans le gouvernement, qu'il n'y en a parmi des manufacturiers pour vendre leurs marchandises. Cette conclusion acquiert une plus grande probabilité de; justice lorsqu'on considère que votre intention est d'ôter aux serviteurs de
la nation tout espoir d'obtenir les deniers publics par des voies indirectes et frauduleuses: Quand il n'y aura plus de liste civile ou de livre rouge, plus de protection ministérielle dans l'Eglise et dans l'Etat, plus de vente de justice ou achat d'oppression, ou espèce quelconque de tours de bâton; mais quand le candidat sera sûr que tout l'argent qu'il recevra ne sera que la simple somme que la législature lui a promise, et que cette somme n'ira pas au delà de ce que vaut honnêtement son ouvrage, il acceptera ou abandonnera la plus importante charge, comme il quitterait l'occupation la plus ordinaire.
Cette circonstance seule des salaires étant sagement gardée de tous les côtés, changerait dans le cours de son opération presque toute la face morale du gouvernement. Elle imposerait silence à tôutes les clameurs contre les principes républicains, elle répondrait à mainte calomnie à la mode contre la nature du cœur humain.
6° 11 y a encore une opinion douteuse qui existe, même de nos jours, dans les pays républicains; et comme elle a fait quelque ligure en France, et qu'elle se trouve en liaison avec le sujet des salaires, j'en ferai mention ici. L'on croit qu'il est nécessaire à l'énergie du gouvernement que ses fonctionnaires se revêtent d'une espèce de pompe et de splendeur extérieures pour éblouir les yeux et inspirer à l'esprit du public une vénération pour leur autorité. Comme cette pompe ne peut être soutenue qu'à grand frais, sa nécéssité supposée est toujours mise en avant pour les grands salaires," et, eh admettant que la première proposition soit vraie, la conséquence est certainement raisonnable et juste. S'il faut que nous soyons gouvernés par l'imposture, il est juste que nous la payons. Mais tout l'argument est faux; c'est-à-dire, quand nous admettons que la monarchie et la hiérarchie sont fausses, c'est le symbole de cette espèce de gouvernement, qui fait directement l'opposé des principes républicains, ou de gouvernement de la raison. Je ne nie pas que cette pompe officielle ne produise, en grande partie, l'effet qu'on en attend; elle en impose à cette portion d'hommes qui ne peuvent point, et elle tend à s'assurer de leur obéissance. Cet effet, cependant, n'est pas si grand que ne lé seraient la simplicité et la dignité naturelles de la raison; mais il devient plus pernicieux aux habitudes morales de la société, qu'on est porté à imaginer, à la première vue. Pour peu qu'on prenne le peuple par l'imposture, il sera conduit à ae fausses idées de lui-même, de ses fonctionnaires et de l'autorité réelle de la loi. C'est un éloignement fatal de la véritable intention du gouvernement; car son principal but devrait certainement être de rectifier nos opinions, et de perfectionner nos mœurs.
Quant à moi, lorsque dans la vie privée, i'aperçois un homme qui se revêt d'un extérieur brillant pour se faire remarquer, je ne saurais m'empêcher de sentir l'insulte qu'il fait à mon jugement; car cet homme veut me dire que je n'en ai pas assez pour distinguer son mérite sans cette espèce d'eue signum. Et lorsqu'un fonctionnaire du gouvernement étale l'impertinence d'un petit maître, et qu'il sè fait traîner par six ou huit chevaux, tandis que deux lui seraient réellement pliis commodes, je souffre de l'insulte qu'il fait à la nation et de la stupidité du peuple qui né s'en aperçoit pas. Car le langage de cette mômerie n'est que simplement cehii-ci : que le fonctionnaire ne saurait se re-
poser sur sa dignité personnelle pour se faire respecter, ni les lois sur leur propre justice pour assurer leur exécution. C'est une confession manifeste de sa part, que le gouvernement est mauvais, et qu'il est obligé d'éblouir le peuple pour qu'il ne découvre pas l'imposture. Lorsqu'une bande de juges assis sur leurs bancs se donnent la peine d'envelopper leurs têtes et leurs épaules des crins de leurs chevaux, pour paraître autant d'oiseaux de la sagesse, il y a lieu de soupçonner qu'ils voudraient nous vendre l'emblème pour la réalité.
11 est essentiel au caractère d'une libre république, que chaque chose se réduise sur l'échelle de la raison ; que les hommes et les lois se reposent sur leur valeur intrinsèque, et que l'ombre de l'imposture ne soit pas même offerte au peuple ; car l'imposture ne saurait manquer de les aépraver et de frayer le chemin à l'oppression.
Je fais ces remarques, non'parce qu elles forment un article fait pour avoir une place dans votre Constitution, mais pour éloigner toute apparence d'arguments en faveur des grands salaires ; et Je crois que la Constitution devrait contenir une déclaration générale, que tout salaire sera réduit à une somme pas plus grande qu'il ne faut pour récompenser le fonctionnaire de son ouvrage ; la fixation de laquelle somme doit naturellement être laissée à la législature.
7° 11 me paraît qu'il y a en France une erreur de doctrine à l'égard de la relation qu'il doit y avoir entre le représentant et son constituant immédiat. Il est dit que lorsqu'un représentant est une fois choisi et député vers l'Assemblée, il doit n'être plus considéré comme représentant du peuple au département particulier qui l'a envoyé, mais de la nation entière ; et que, par conséquent, durant le terme pour lequel il a été élu, il n'est pas responsable envers le peuple qui l'a élu, mais que l'Assemblée nationale seule doit le réprimer, le démettre ou le suspendre. Cette maxime paraît avoir été établie pour se défaire d'une doctrine contraire, dans laquelle l'on trouvait des inconvénients qui étaient que le délégué serait, en tout temps, obligé de suivre les instructions de ses constituants, au moyen de quoi, tous les avantages qu'on pouvait attendre de la discussion et de la délibération étaient perdus. Si, la première est une erreur, comme je crois que c'en est une, il est aisé de l'éviter sans se plonger dans la dernière. Lorsque le délégué reçoit des instructions qu'il trouve être contraires à l'opinion qu'il s'est formée après, il doit présumer que ses constituants, n'ayant pas eu l'avantage d entendre la discussion nationale, ne sont pas bien instruits sur le sujet, et il est de son devoir de voter selon sa conscience. Il est à supposer que, pour sa propre satisfaction, il leur expliquera ses motifs; mais si, par rapport à cette ou toute autre circonstance, ils ne sont pas contents de sa conduite, ils ont en tout temps l'indubitable droit de le rappeler et de nommer un autre à sa place. Céla tendra à maintenir une juste relation entre le représentant et le peuple et chez le premier une due dépendance au dernier. D'ailleurs quand un homme a perdu la confiance des concitoyens de son département, il n'est plus leur représentant, et, lorsqu'il cesse d'être le représentant de ceux-ci, il ne saurait, dans aucun sens, être le représentant de la nation ; puisqu'on ne prétend point qu'il puisse dériver une autorité quelconque que par des constituants. Cependant, cela ne saurait priver l'Assemblée de son droit d'ex-
puiser ou de suspendre un de ses membres pour sa conduite réfractaire,' qu'on peut regarder comme une offense contre l'Etat.
8° L'article, d'inviolabilité, considéré comme appliqué aux membres de l'Assemblée ou à un fonctionnaire quelconque de l'Etat, mérite une considération ultérieure. Mais, avant qu'il soit encore une fois décidé dans l'afflrmativë, il faudrait que vous fissiez un examen général du sujet intéressant dé y emprisonnement pour dette. C'est une espèce de cruauté civile que tous les gouvernements modernes ont emprunté de la loi romaine, qui regardait un débiteur comme un criminel et qui confiait le soin de le punir aux mains de son créancier, en lui prêtant la prison publique comme l'instrument de sa vengeance particulière. C'est une tache pour la sagesse a'une nation, qui ne peut jamais être pérmise dans un Etat bien ordonné. Si nul citoyen ne pouvait être arrêté, ou privé de sa liberté pour dette, vous n'auriez pas besoin de faire une exception en faveur des fonctionnaires du gouvernement et, de cette manière, vous détruiriez une distinction qui doit toujours paraître injuste.
9° Vous ne croirez pas vous être acquittés de votre devoir, d'une manière à satisfaire vos propres esprits à l'égard de l'établissement d'une Constitution dans laquelle les amis de l'humanité voient l'anticipation d'Une régénération totale de la société, jusqu'à ce que vous ayez donné une déclaration ultérieure au sujet de la loi criminelle. Tous les hommes qui réfléchissent sont d'accord sur ce que les punitions dans les temps modernes ont perdu toute proportion avec les crimes auxquels elles sont applicables, même dans la balance de cette justice barbare qui les a créées. Il y èn a cependant peu qui aient eu la science de découvrir, ou la hardiesse de déclarer, les véritables causés du mal; èt tandis que nous restons dans l'ignorance de la cause, il n'est pas étonnant que nous errions dans la découverte du remède. Dans mes sombres méditations siir la misère de la vie civilisée, j'ai presque été téiité d'adopter cette conclusion, que la société elle-même est la cause de tous les crimes et, comme telle, elle n'a point du tout le droit de les punir. Mais sans trop nous livrer à la sévérité de cette assertion, nous pouvons nous hasarder à dire que toute punition est un nouveau crime, quoique, dans tous les cas, il ne serait pas si grand que celui qui naîtrait de l'omission dé punir.
Il y a Une différence manifeste entre la punition et la.correction ; celle-ci, parmi des êtres raisonnables, peut toujours se faire par la voie d'instruction, ou tout au plus par une espèce de douce gêne. Mais la punition, du èôté du public, ne découle d'aucune autre sourcé. que de la jalousie du pouvoir. C'est une confession de l'in-capabilité de la société de se garantir contre un membre ignorant ou réfractaire; lorsqu'il y a des factions dans un Etat qui se disputent le pouvoir suprême, les punitions infligées par Chaque parti sont sommaires; elles précèdent souvent le crime, et les factions tirent vengeance les unes dès autres, comme par anticipation, des torts auxquels elles s'attendent. Quelque chose de très semblable arrive continuellement chez toutes , les nations dans ce qu'on appelle un état de tranquillité et d'ordre ; car le gouvernement n'a communément été rien de plus qu'une faction réglée. Le parti qui gouverne et celui qui se soumet avec répugnance
au gouvernement de l'autre fomentent une guerre perpétuelle, et de cette guerre naissent les crimes et les punition^ ou, pour mieux dire, lès punitions et les crimes. Quand nous voyons le pouvoir de la nation saisir un individu, le traîner devant un tribunal, prononcer sur lui l'arrêt de mort, et puis passer par les formalités solennelles de l'exécution, il est naturel de demander : Que veut dire tout cela? Cela veut dire certainement que la nation est dans un état de guerre civile, et même dans cét état barbare de guerre où il est réputé nécessaire de faire mourir tous les prisonniers. S'il fallait décider la question, si un criminel particulier doit être mis à mort, je ne demanderais jamais quelle est la nature de son crime, il n'a rien de commun avec la question;.je demanderais simplement quelle est la situation de la société. Si elle sè trouvait dans un état de paix intérieur, je dirais qu'il est méchant et absurde de penser à infliger line telle punition : vouloir soutenir que la nécessité èxige ce moyen désespéré, c'est prouver que le gouvernement manque d'énergie, ou la nation de sagesse.
Lorsque lés hommes sont en état de guerre, fa baïonnette de l'ennemi sur la poitrine, ou lorsqu'ils sont dans la chaleur d'une révolution, environnés de la trahison et tourmentés par la corruption, alors il y a une apologie pour l'effusion du sang humain ; mais quand vous avez établi un gouvernement sage et mâle, fondé sur le sens môrâl et fortifié par la raison éclairée du peuple, ne souffrez pas qu'il soit souillé par cette vengeance timide qui n'appartient qu'aux tyrans et aux usurpateurs. Je souhaiterais que votre Constitution déclarât, non simplèment ce qu'elle a déclaré, que lè Code pénal sera réformé, mais que dans une certaine période, après le retour de la paix, la punition de mort sera abolie: Il faudrait de même qu'il enjoignît au Corps législatif d'adoucir les punitions en général, au point qu'elles ne soient guère plus que de tendres corrections paternelles. Quiconque veut se donner la peine de, fouiller dans le cœur humain et d'examiner Tordre de la nature dans la société, idôit être convaincu que c'est là la méthode la plus vraisemblable pour empêcher qu'il rie se commette de crimes.
10® Mais pour que vous fussiez conséquents dans la réforme ae ces abus qui ont posé la base de toute offense faite à la société, tant dans les crimes que dans les punitions, il faudrait que vous prissiez en considération ultérieure la nécessité de ^instruction publique. Il est de votre devoir, comme Assemblée constituante, d'établir un système de gouvernement fait pour perféc-tionnerles mœurs des hommes: En élevant un peuple de l'esclavage à la liberté, vous l'avez appelé à un nouveau théâtre, et il est nécessaire que vous lui appreniez comment il doit jouer son rôle. En instruisant l'homme de ses droits, vous lui imposéz uh nouveau système de devoirs. Tout Français, né pour la liberté, doit, d'entre tous ses droits, dé préférence prétendre à celui d'être instruit de la manière ae lès conserver. La société n'a pas le droit de le lui refuser, et ce serait s'opposer aux principes de la Révolution et exposer tout le système à être renversé que de ne pas l'ordonner au Corps législatif comme faisant partie de ses soins constants.
D'après ce que la Constitution a déjà déclaré à Ce sujèt et d'après la disposition des deux dernières Assemblées, je ne doute pas qu'on n'y attache une grande attention, mais j'aime à le
recommander ici à une considération particulière, comme un sujet qui tient à la loi criminelle. Il est certain qu'on ne saurait raisonnablement s'attendre à l'obéissance des hommes à une loi qu'ils ne connaissent pas. Il est, non seulement injuste, mais absurde de les forcer à cette obéissance. Ce n'est donc que la moitié de l'ouvrage d'un législateur que de faire de bonnes lois; une partie indispensable de son devoir est de tâcher que toute personne de l'Etat soit dans le cas de les bien entendre. La maxime barbare de la jurisprudence, que l'ignorance de la loi n'excuse point le criminel, est une apologie insolente de la tyrannie et ne devrait jamais ènta-cher la police d'un gouvernement raisonnable. Je pense donc que ce serait un grand honneur à votre Constitution et un puissant motif d'émulation pour votre législature et vos magistrats dans le grand devoir de l'instruction, de déclarer: que la connaissance fait la base de Vobéissance et que les lois n'auront d'autorité que là où elles sont entendues.
11° Puisque me voilà occupé de la moralité, le grand objet de toute institution politique, je ne saurais m'empêcher de faire quelques remarques sur les loteries publiques. C est une honte révoltante pour les gouvernements modernes de les voir réduits à cette pitoyable friponnerie pour tirer l'argent des poches du peuple ; mais rien ne paraît plus extraordinaire que de voir que cette politique continue en France, depuis la Révolution, et qu'on y compte encore la loterie de l'Etat parmi les sources du revenu. La loterie doit son origine à la fraude et sa subsistance dépend de la manière de faire naître et tromper les espérances des individus ; d'agiter perpétuellement les esprits par le désir déraisonnable du gain; d'obscurcir le jugement par des idées superstitieuses du hasard, de la destinée et du sort; de soustraire l'attention de l'industrie régulière et d'encourager l'esprit universel pour le jeu, qui porte toutes les espèces de vices dans toutes les classes du peuple. De quel- que manière que nous envisagions les affaires es hommes, nous trouverons toujours que la mauvaise organisation de la société est la cause de plus de désordres qu'il n'en pourrait possiblement résulter de la disposition naturelle du coeur. Et que dirions-nous d'un gouvernement qui s'avance ouvertement, avec l'insolence d'un ennemi, et qui crée un nouveau vice pour y mettre une taxe?Quel droit un tel gouvernement a-.t-il de punir nos folies ? Et qui peut sans dégoût jeter les yeux sur la figure impie qu'il fait, en tenant d'une main la verge et de l'autre la tentation? Vous ne sauriez hésiter à déclarer dans votre Constitution que toute loterie d'Etat sera à jamais abolie.
12° Comme votre nation a été la première dans le monde à renoncer solennellement à l'horrible amour des conquêtes, vous devriez aller un pas plus loin et déclarer que vous ne voulez pas de colonies. Ce n'est qu'une conséquence nécessaire de votre première renonciation : car les colonies sont une suitejjdes conquêtes, et prétendre à un droit sur les mers, ce serait prétendre à un droit perpétuel sur les autres. En supposant que vos colonies déclarassent leur indépendance et qu'elles formassent un gouvernement à elles (ce que, par vos propres principes et par les premières lois ae la nature, elles ont le droit de faire), dans ce cas, les mêmes prétentions que vous avez à présent de les contenir sous votre pouvoir vous justifieraient certainement de les
reconquérir et de les subjuguer. Mais ce serait argumenter en pure perte que de vouloir prouver que vous n'avez aucun droit de souveraineté sur elles ; et si j'étais capable de faire un aussi mauvais compliment à votre justice, que de supposer que vous eussiez le désir de violer un droit pour ce qu'on appelle politique, il me serait aisé ae déqiontrer que, dans tous les cas, il est aussi injuste qu'oppressif de garder des possessions étrangères. La politique à cet égard ne peut avoir d'autre objet que les avantages du commerce, et l'on peut poser comme principe universel que tels avantages que la mère-patrie pourrait tirer du commerce de ses colonies lui en reviendraient nécessairement si elles étaient indépendantes. L'expérience des hommes ne nous a même pas permis de supposer un cas où cela fût autrement. Tout ce qui est libre et mutuellement avantageux dans le commerce serait naturel et se ferait par chaque parti pour ses propres intérêts : tout ce qui n'est pas naturel et forcé doit nécessairement être mis à couvert par des moyens qui probablement diminueront la quantité du tout ; mais, à tout événement, la épense pour lé maintenir excédera toujours de beaucoup les profits. Ceci est prouvé non seulement par l'expérience de toutes les nations qui ont maintenu des colonies au dehors, mais la nature du spjet même l'exige. C'est une tbéorie qui ne demande pas seulement de l'expérience pour le prouver, et c'est à l'orgueil des rois et à la rapacité mal calculée des gouvernements, au faux brillant d'une souveraineté étendue et au désir de conférer des places qui prêtent au pillage, aux parasites des Cours, que nous devons attribuer cette série de calamités qui ont tourmenté les nations maritimes de l'Europe, en soutenant des colonies pour monopoliser le commerce. Et où faut-il que nous nous adressions pour trouver de la raison et de l'instruction, si ce n'est à la France? Les Anglais et d'autres gouvernements, pour soutenir une espèce de conséquence dans leur caractère et pour combler la mesure de leurs iniquités, restent fidèles à ce point seul : que plus ils sont convaincus de la vérité, plus ils persévèrent avec obstination dans leur erreur.
Je ne puis m'empêcher de croire qu'il est inutile et même impertinent d'entrer dans d'autres raisonnements pour prouver que la justice, la politique et les véritables principes du commerce vous imposent la loi de donner l'exemple au monde, et de déclarer la liberté et l'indépendance absolues de vos colonies et de les inviter à se former un gouvernement à elles. L'exemple serait bientôt suivi par d'autres nations, sinon par raison et par choix, du moins par le raisonnement impérieux de la nécessité.
13° Je nç saurais finir ma lettre sans quelques réflexions sur la politique de conserver ce qu'on appelle une armée sur pied en temps de paix, comme il paraît que c'était l'intention de votre première Assemblée. Une telle force aurait sur l'esprit d'un gouvernement républicain plusieurs effets dangereux, sans qu'on pût en attendre un seul bon.
D'après vos propres principes, vous ne voulez plus faire la guerre aux étrangers que dans le cas d'une invasion, et il est probable que l'invasion présente sera la dernière qu'on entreprendra jamais sur la France. Mais, n'importe 1 une armée fur pied est la plus mauvaisé ressource qu'on puisse imaginer dans une libre République. Dans ce cas, la force de l'armée est la faiblesse de la
nation. Si Parmée est, en effet, assez forte, pour qu'on puisse s'en reposer sur elle pour la défense, non seulement elle charge le peuple d'une grande dépense inutile, mais elle doit nécessairement être un instrument dangereux entre les mains d'hommes dangereux; elle peut fournir des moyens à des guerres civiles et à la destruction de la liberté. Si, au contraire, elle ne suffit pas pour la défense extérieure, elle ne servira qu'à tromper l'attente du peuple. Etant accoutumé à creire qu'il a une armée, il cessera de se reposer sui sa propre force et il se verra trompé dans l'esioir de sa sûreté.
Miis la plus grande objection contre une force armte sur pied, c'est l'effet qu'elle aurait sur les sentrnents politiques du peuple. 11 faudrait que tout titoyen sentît qu'il forme une partie de la grancb communauté nécessaire à tel dessein, à l'exécvtion duquel l'intérêt public peut l'appeler. Il devri.it se sentir les dispositions du citoyen et l'énergie du soldat, sans être destiné exclusivement a 'exercice ni de l'une ni de l'autre; ses facultés physiques et morales devraient être conservés dans une vigueur égale, parce que la profusbn des premières serait bientôt suivie du dépériigement des dernières. Si c'est mal fait de donner^ pendant plusieurs années, sa confiance au umvoir législatif, ou, pour la vie, à un petit nombte d'hommes, il est certainement pis encore de fâre la même chose à l'égard, de la force militais. Lâ où réside la sagesse, là devrait aussi réider la force, c'est-à-dire dans le grand corps d* peuple; et ni l'une ni l'autre ne de vraient jamàs se déléguer que pendant une très courte périodéet sous des restrictions sévères. C'est là la manire de conserver l'usage modéré de l'une et de l'être, et de cette façon, le peuple, en se reposant s^ lui seul, sera sûr d'une défense perpétuelleçontre la force ouverte et les intrigues secrètesje tous les ennemis possibles au dedans et au dljors.
14° Après avoir racé les contours de votre Révolution, d'après-os idées présentes, et après l'avoir proclamé delà manière la plus solennelle comme la fonction des lois et des droits, ce serait en vain ta vous penseriez vouloir empêcher le peuple défaire des changements et des amendements, chaue fois qiïe l'expérience l'induira à changer se opinions. Votre grand but en cela doit être dennVenir d'une méthode, d'après laquelle les amndements peuvent se faire, sans avoir recours ces efforts extraordinaires qui occasionneraiet d'inutiles insurrections. Plus cette méthode naîtra aisée et expé-ditive, moins il sera proba»e qu'elle donne lieu à des désordres, et mieux e* répondra au but, pourvu qu'elle rapporte tou>]rs fe sujet au véritable vœu du peuple. Je priserais donc (toujours dans la supposition quatre Corps législatif ne soit choisi chaque foiqUe pour un an seulement) que chaque Assemke nationale annuelle aura le pouvoir de proiW, et l'Assemblée succédante la faculté d adqer et de ratifier, tels amendements qu'elle cru convenable dans le Code constitutionnel; il faudrait que cela se fit toujours avec cet restriction, qu'on convînt sur les articles àprwser par ^e Assemblée quelconque, et qu'ils fuW rendus publics au peuple dans tous les d&rtements, pendant les premiers six mois de la^8sion de l'Assemblée. Cela donnerait le temps v peuple de discuter le sujet en plein et de fo^. leurs idées avant le temps de l'élection de y s députés à l'Assemblée prochaine. De cette vnière,
les membres de la nouvelle Assemblée auraient, a leur réunion, la compétence de déclarer les vœux du peuple sur les amendements proposés et ils agiraient à ce sujet comme ils croiraient convenable. La même faculté de proposer et d'adopter continuerait d'année en année, avec la plus parfaite sûreté de la Constitution et avec la probabilité de la perfectionner.
C'est de cette manière, Messieurs, que j'ai donné une esquisse de quelques idées principales qui me pèsent sur l'esprit sur un sujet si important aux intérêts d'une partie considérable du genre humain. Si vous les croyez être de nulle valeur, elles ne pourront occuper qu'une petite portion de votre temps, et, par conséquent, ne sauraient nuire. Si j'ai dit quelque chose qui
Suisse mener à une réflexion utile, je me croirai eureux d'avoir rendu quelque service à la cause la plus glorieuse qui ait jamais fixé l'attention des hommes.
Signé : JOËL BarLOW.
Londres, ce 26 septembre 1792.
Séance du
PRÉSIDENCE DE HÉRAULT DE SÉCHELLES, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Monge, ministre de la marine, pour notifier l'envoi des dépêches du contre-amiral Truguet, concernant la trahison commise à Oneille envers des officiers et soldats français envoyés dans un canot parlementaire, et le récit de la vengeance exercée contre cette ville.
Suit la teneur de la lettre ministérielle et des pièces qui l'accompagnaient :
Paris, le
« Citoyen Président,
« Je m'empresse de vous adresser copie de la lettre que j'ai reçue du contre-amiral Truguet, et de deux pièces qui y étaient jointes, sur l'exécution militaire que les troupes de la République qu'il commande ont faite dans la ville d'Oneille.
« Je suis avec respect, citoyen président,
« Le ministre de la marine et des colonies.
Signé : MONGE. »
A bord du Tonnant, le
« Citoyen ministre,
« J'ai déjà eu l'honneur de vous rendre compte que j'ai été chargé de transporter 900 hommes de troupes sous le commandement du maréchal de champ Lahoulière, destinés à attaquer la principauté d'Oneille. Le 23 à midi, en arrivant dans la rade d'Oneille, je préparais une proclamation que je me proposai d'envoyer aux magistrats de cette ville, sous la garantie d'un pavillon parlementaire. Cette proclamation, que je joins ici, les invitait à se réunir à la République française pour éviter les horreurs de la guerre. Je choisis
le capitaine Duchayla, mon capitaine de pavillon, pour léur exprimer d'une manière énergique ce qu'elle contenait, et leur en développer tous les avantages. Son ardent patriotisme, son courage et sa prudence me répondaient de ses succès. Il fut flatté d'une mission qui le mettait à portée de présenter la liberté et l'alliance du Peuple français à' des habitants victimes du despotisme le plus arbitraire.
« Le maréchal de camp Lahoulière, commandant les troupes de débarquement, désira que son aide de camp, son petit-fils, s'embarquât dans le canot, ainsi que son adjudant général. Je crus devoir accepter aussi le zèle de deux officiers de marine, membres de la Société des amis de l'égalité de Toulon, qui désirèrent s'y embarquer- car je pensais que cette communication avec les ennemis devait être publique; c'est la seule manière pour un chef de prévenir toute tracasserie, et d'arrêter les trames des malveillants.
« J'étais loin de prévoir la trahison dont ils allaient être le^ victimes. Quand le canot parlementaire fut parti, je le suivis à la voile tout seul et je fis revirer au large les vaisseaux qui me suivaient de près, pour ne point effaroucher les habitants.
« Quelle fut ma surprise et l'horreur dont je fus saisi en voyant notre canot, qu'une foule de personnes paraissait accueillir avec des démonstrations d'amitié, être accablé d'une grêle de coups de fusils qu'on leur tira à bout portant, lorsque le capitaine Duchayla commençait à leur parler ! Les citoyens Isnard et Pélissier, enseignes de vaisseau, furent tués raides, ainsi que l'aide de camp Henri d'Aubermesnil et 4 matelots. Le capitaine Duchayla fut blessé, ainsi que l'adjudant général Lacouversière et 4 matelots.
« Le capitaine Duchayla, blessé et n'ayant avec lui que 3 hommes qui pouvaient agir, eut le courage de former le projet de se retirer sous le feu meurtirer de ces assassins. Secondé par l'adjudant général Lacouversière, qui était aussi blessé, ils armèrent plusieurs avirons et mirent, entre ces scélérats et eux, une distance de mer de 10 pas, qui les empêchait de saisir le pavillon national du canot, mais qui ne les mettait cependant pas à l'abri non seulement des coups ae fusils, mais encore des pierres qu'on, leur lançait. Ils eurent la force de se traîner ainsi jusque hors de portée de leurs fusils.
«Je me trouvais, dans ce moment cruel, partagé entre la fureur ,d'une vengeance éclatante et la crainte de tirer sur cet infortuné canot. J'envoyai une embarcation pour l'aider à revenir, et je ne pus alors que faire diriger quelques coups de canon, qui sans compromettre ces braves marins qui avaient montré tant de courage, pouvaient faire retirer les monstres qui continuaient à les assaillir.
« Dès que le canot fut hors de danger, je fis le signal à l'escadre, dont les vaisseaux mouillaient successivement, de foudroyer la ville. Un petit fort armé de canons nous riposta, mais son feu fut bientôt éteint. Je fis cesser le feu avant la nuit, et je pus jouir de l'effet qu'avait produit cette terrible canonnade.
« Nous avions une grande vengeance a exercer et un exemple à faire de ces infâmes traîtres; je pressai le maréchal de camp Lahoulière de l'exercer d'une manière à effrayer tout peuple qui serait tenté de commettre un pareil crime. Je lui offris tous mes moyens, soit qu'il
voulût faire la conquête du territoire ou qu'il voulût se borner à un châtiment.
« Le 24, je donnai ordre à toutes les troupes en, garnison à bord des vaisseaux, ainsi qu'à 100 ma-/ telots armés dé haches, de suivre les 900 hommes commandés par le maréchal de camp Lahoulière, que nous avions embarqués à Ville/ franche. C'était un renfort de 1,100 hommes què je lui donnais.
« Le commandant des troupes ayant combine, avec le général, leur plan a'attaque et fixé/le lieu du débarquement, je donnai ordre à 2 /régates d'aller mouiller à une portée de fusjl de cette plage, pour protéger, par leur feu, le débarquement ou lé rembarquement, s'il Avait lieu par dés malheurs imprévus.
« Tout étant ainsi disposé, les chaloupes prêtes à partir, remplies de soldats, je donnai pour leur débarquement, tous les ordres qui avaient en maintenir la police et le succès. Avart le départ de toute cette flottille, tout l'escâdie fit une décharge générale sur là ville pour en chasser tous ceux qui auraient pu s'y embusqrer. J'envoyai, à la suite de cette petite armée .son artillerie de campagne, ainsi que l'ambulance de ses chirurgiens.
« Le canon des vaisseaux avait /hassé tous nos ennemis et les troupes ne trouvèrent aucune résistance dans la ville ; ellesue s'occupèrent dès lors qu'à se venger, parle pillage et l'incendie, des crimes commis /envers leurs frères.
« Il nous avait été rapporté tue des prêtres fanatiques, excités par l'or du cftspote piémon-tais, avaient égaré le peuple, er le provoquant, au nom du Ciel, à ces horrible attentats. Plusieurs prêtres furent trouvés /ans les couvents et massacrés à l'instant.
« A cinq heures du soir, jeyéçus une lettre de notre armée de terre, qui m/nnonçait qu'on ne pourrait jamais tenir Ornue, fussions-nous quatre fois plus nombreux Le général Lahoulière me fit prier de me déposer à rëmbarqùer les troupes dès qu'il aura/consommé le pillage et l'incendie de la ville. J
« La ville fut mise en fi, et lés troupes rem-barquées à 9 heures. 7
« Un événement que avais prévu, sans pouvoir l'empêcher, m'oc/sionna beaucoup d'inquiétudes. L'équipagèues chaloupes envoyées pour ramener les tro/es resta en partie à terre ; et, malgré les ordré/es plus réitérés, il fut impossible d'arrêter /mpulsion de la vengeance que chacun partagf" également.
« Ils travaiUèreutoute la nuit à attiser l'incendie, et la cra^e d'être surpris par un ennemi supérieur / put les déterminer à se retirer dans les va«eaMX. Je me bornai dès lors à faire redoub/ de vigilance à nos frégates destinées à les/otéger, s'ils étaient poursuivis. L'épouvante d? habitants fut telle que mes craintes ne s/eahsèrent point. « Dès que $rai embarqué tous mes traîneurs.
je renverratfVillefranche, sur une division, les troupes qur'ayait remises le général Anselme, « Le gép1^ Lahoulière, se croyant hors d'état de se mrenir sur le terrain ennemi, va rejoindre & général en chef à Nice.
« Je i/rendrai, le plus tôt possible, à Gênes, où vou7onna*ssez l'objet qui m'y attire. J'aurai l'honii/' de vous écrire pour vous rendre comp/de mes mouvements ultérieurs, ainsi que / obstacles que je m'attends à rencontrer àGê®-
« Pçrmettez-moi, citoyen, avant de terminer ma lettre, de vous prier de lire avec intérêt les détails delà conduite du brave capitaine Duchay la. Vous daignerez, sans doute, la mettre sous les yeux de la Convention nationale ; et vous voudrez bien ajouter, en parlant de ses talents, que la République n'a pas de plus ardent défenseur de l'égalité. Je vous prie aussi dé faire mention detfa conduite ferme et courageuse du citoyen Lacouverserie, qui était dans le canot avec lui-« Je vous enverrai incessamment la note des secours que la patrie doit accorder aux familles des infortunés qui ont péri d'une manière aussi cruelle.
« Le contre-amiral commandant les forces navales de la République française,
Signé : TrUGUET.
« P. à Je reçois à l'instant une lettre du commandant de la principauté d'Oneille, qui s'excuse et s'afflige des horreurs qu'on a commises envers notre parlementaire, et dont il a été le témoin sans pouvoir les arrêter ni les prévenir.
« Je joins ici la copie de la réponse que je lui fais. » Pour copié conforme :
Signé: Monge.
Copie de la réponse du contre-amiral Truguet à M. Châteauvieux, commandant la ville et principauté d'Oneille, qui s'excusait de Vattentat commis sous sè,s yeux contre le carnot parlementaire.
A bord du Tonnant, vaisseau-amiral,
« Je ne puis croiBe, Monsieur, à vos regrets, puisque vous n'avé^ pas péri avant qu'une trahison sans exemple ait été commise. Jamais les nations les plus sauvages et les plus barbares n'ont commis un pareil attentat.
« Je vous déclare tionc, Monsieur, que le peuple de la principauté d'Oneille, qui n'a pas étouffé des fanatiques prêtres qui lui ont inspiré une pareille trahison, va être l'objet du mépris de l Europe, et de ^exécration du peuple français. (Vifs applaudissements.)
« Je vous somme donc. Monsieur, si vous voulez réparer votre honneur, et celui des troupes que vous commandes, de me renvoyer, garrotés, les prêtres qui ont égaré le peuple, ou de les envoyer à Nice, si j'étais a la voile. Sans cette réparation, je vous annoiïpe que les paysans de la contrée en seront tous les victimes, et que je vais m'occuper des moyens l'incendier tous les oliviers du canton.
« Voilà ma résolution ; c'est à vous de fixer la vôtre.
« Le contre-amiral commandant les forces navales de la République française;.
Signé : truguet.
Pour copie conforme :
Signé : Monge.
Copie de la proclamation du contre-amiral Truguet, au peuple d'Oneille, en lui envoyant un canot parlementaire.
« Le contre-amiral Truguet, commandant la flotte de la République française, ne doute pas que le peuple de la principauté d'Oneille ne
reçoive avec empressement et reconnaissance la liberté qu'il vient lui offrir. Il imitera sûrement l'exemple que lui a donné le peuple Nicard, et bientôt il jouira du bienfait d'un gouvernement libre.
L'amiral déclare que la République française ne fait la guerre qu aux tyrans, et que, si elle poursuit avec acharnement les soldats et les suppôts du despotisme, elle respecte les droits souverains des peuples, et les traite en amis et en frères. (Applaudissements.)
« D'après les principes que la République française proclame dans toutes les occasions, le peuple d'Oneille est invité à recevoir l'armée française, non seulement comme amie et alliée, mais encore comme libératrice.
« Cette armée, pour prévenir toute trahison, après avoir éclairé les habitants d'Oneille sur leurs droits et leur puissance, ne peut se dispenser de leur demander vingt otages pour garant d'une fidélité dont il ne doute pas, puisqu'elle est liée à leurs propres intérêts.
« Ces otages seront respectés comme ils doivent l'être, s'il n'existe aucun complot.
« L'amiral finit enfin par déclarer au peuple de la principauté d'Oneille, que, si un peuple libre est bon et généreux, il est terrible dans ses vengeances ; et que toutes les propriétés, ainsi que la vie des citoyens rebelles à leur foi, répondront de toute espèce de trahison.
« A bofd du Tonnant, vaisseau-amiral.
« Le contre-amiral commandant les forces navales de la République françaises.
Signé: truguet.
(Applaudissements.)
Pour copie conforme :
Signé : Monge.
(Là Convention renvoie ces pièces aux comités de marine et diplomatique réunis.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et pièces adressées à la Convention nationale par le général Custine, concernant son expédition en Allemagne.
Suit la teneur de ces pièces :
Au quartier général, Mayence, le
« Citoyen Président,
« Je vous adresse avéc confiance et grand empressement copie d'un rapport que je viens de recevoir ; ce que j'ajoute à la fin de ce rapport peut vous donner idée, et de nos espérances et de ma tranquilité; que l'on nous, défasse seulement de l'imbécile Kellermann, et tout ira le mieux possible. Puissent-ils être [assez fous pour réaliser leurs projets!
« Le citoyen général darmée,
« Signé : Custine. »
Au quartier général, à Mayence, le er de la République
française.
« Dans l'instant un émissaire vient m'annoncer que 4,000 Hessois ont passé le Rhin à Coblentz, que 15 ou 18,000 Prussiens doivent les suivre, se réunir aux troupes du landgrave de Darmstadt, aux garnisons de Giessen et Hanau, pour venir bloquer Cassel, tête du pont de
Mayence. Cette force pourrait se porter à 30,000 hommes.
« L'on m'annonce aussi qu'une avant-garde d'Autrichiens est arrivée avant-hier à Trêves, qu'elle doit être suivie de la grande partie du corps aux ordres du prince Honenlohe et encore d'un corps prussien ; que tout cela doit composer 30 à 36,000 hommes, pour se porter sur Mayence par le Haulsruch.
Si cela est vrai, ce dont je ne suis pas encore assuré, malgré la stupidité de Kellermann d'avoir placé ses troupes derrière la Chière, au lieu de les placer derrière la Sarre et de se rendre maître du passage de Saarbourg en Sar-gau ; malgré cette insigne stupidité, je ne suis cependant pas encore persuadé de cette marche; si elle a lieu, en me repliant dans Mayence, je chercherai à ôter à nos ennemis le plus de moyens de subsistances qu'il me sera possible. Quant aux dispositions, elles seront telles, que j'espère ne pas leur laisser beaucoup de repos, malgré leur immense supériorité ; et alors il ne faudra autre chose, sinon premièrement, que l'on garnisse bien Landau en gardes nationales de nouvelles levées seulement ; il y a sur ce point de grands approvisionnements qui serviront à nourrir les troupes que l'on fera marcher, tant des Evêchés que des départements du Rhin. Quand elles seront réunies, elles marcheront par Guelheim pour se porter en avant d'Atlze, en se prolongeant par l'aile gauche vers Creitznach, pays rempli de positions qui laisseront des fourrages pour nourrir la cavalerie que l'on aura amenée ; et alors je suis très curieux de savoir comment cette armée se retirera de la souricière.
« Si cet événement a lieu, j'invite tous mes concitoyens à être aussi tranquilles que je le suis moi-même, seulement à mettre un homme nerveux à la tête des troupes qui arriveront. Je pourrai même peut-être sortir moi-même de Mayence pour en prendre le commandement, après avoir fait toutes les dispositions pour sa défense. Que l'on ne perde pas un instant à m'en envoyer l'autorisation, et alors j'espère que ce sera* la dernière sottise que feront les armées des alliés.
« Le citoyen général d'armée, ,
« Signé : custine. »
Etat sommaire des bouches à feu et autres approvisionnements de guerre existant dans la ville de Mayence au moment de sa prise.
En bronze.
Canons..................... 97
Mortiers........................19
Obusiers........................10
Pièces d'une livre de balles......4
En fer.
Canons.........................81
Mortiers...,....................5
Mortiers pour grenade...........8
Pierriers........................4
Pièces d'une livre de balles......9.
Bombes de toutes grosseurs. .. ... 20,983
Obus...........•.................. 27, 684
Grenades...................... 7,757
Boulets de tous calibres......... 250, 973
Boîtes de mitrailles ............. 2,305
Tentes.........................174
Bons fusils...................... 1,537
Fusils en mauvais état........... 3,6001.
Mousquets...............................1,772
Plomb pesant, en balles.......... 138,867
Pesant d3 poudre................ 468,600
Sans compter les matières pour artifices, outils, bufleterie, etc., etc.
« Je certifie le présent extrait conforme à l'original: ;
Le citoyen français, général d'armée « Signé : Custine. y
Au quartier général de Mayence, le er de la République
française. /
« Citoyen Président,
« Au premier instant de la prise de Mayence, l'opinion publique était prononcée en notre faveur : si mon plan eût été suivi, si Kdilermann s'était porté dans le vallon de là Moselle, tous les peuples déclarés en faveur delà Constitution française auraient déjà demandé leur réunion; mais la suspension de la marche des troupes, des cantonnements pris loin du pays où elles doivent opérer ont laissé respirer nos ennemis, relever l'espoir d'hommes qui ne savaient plus quel parti prendre, ont donné àf l'intrigue le temps de faire jouer tous ses ressôrts.
Les régences, les baillis, les/prévôts, toutes les administrations composées dps agents subalternes des petits despotes qur tiennent dans l'oppression ce malheureux paya n'ont pas perdu un seul instant pour relever leur crédit auprès du peuple, et leur manœuvre m'ont forcé à faire ma proclamation, dont je joijfts ici copie. J'ajouterai à ce moyen de casser /la régence électo-torale, dont les manœuvrer, pour retenir les prétendus sujets dans la dépendance de l'électeur, ont percé jusque dans la manière dont ils intitulaient leurs actes. Dkns ces intitulés, ils avaient fait un mélange Ae l'autorité électorale et de celle que je faisais exercer au nom de la République.
« J'ai choisi, pour leutf remplacement, les hommes les plus recommandables par leurs vertus, leur amour pour le peuple et leur patriotisme. C'est le 10 que la nouvelle administration doit entrer en fonctions/ après la reddition des comptes de l'ancienne fixée au même jour.
« Je dois faire part aux représentants du peuple français, d'une/conquête que nous venons ae faire en liant aide intérêts delà nation M. Fors-ter, un des compagnons de Cook : ce savant philosophe, qui rendait hommage depuis longtemps à tous les princi/es de notre gouvernement, va devenir citoyen/français.
« Bibliothécaire de Mayence et' professeur de physique, je l'Ji conservé provisoirement dans ces fonctions /il n'était pas possible de faire un meilleur chois.
« Le citoyen général d'armée, « Signé : Custine. »
« P. S. Ee citoyen Dorsch, connu par son patriotisme ét son zèle pour la Constitution, qui a adopté la/France pour patrie au moment où elle a marqqe les premiers pas vers la liberté, va être àli tête de la nouvelle régence.
« Le choix du peuple l'avait porté au directoire qu département du Bas-Rhin. Je l'avais appelé à Mayence, où la réputation dont il jouit dans/cette ville pouvait le rendre utile; et j'ai cru âe pouvoir faire un meilleur choix, pour
donner aux Mayençais des idées saines de notre gouvernement.
« Le citoyen Dorsch avait été l'objet de la persécution du ministre et du ci-devant électeur de Mayence
« Je joins ici l'état des magasins de l'arsenal de Mayence.
« Signé : custine. »
Proclamation £ Adam-Philippe Custine, citoyen français, général des armées de la République.
« Citoyens, vous qui depuis longtemps gémissez sous le poids du joug sacerdotal, qui força, il y a deux siècles, la moitié de l'Empire à se séparer de la communion romaine ; vous dont les principes sont attachés à cette communion vous n'avez cependant pas renoncé à en rappeler les ministres à la pureté primitive de leur institution.
« Le caractère du sacerdoce en sera plus sacré, sans doute, lorsqu'il, se renfermera dans l'exercice des fonctions consolantes que les ministres du Dieu de paix sont chargés de remplir près des fidèles ; et la religion de vos pères n'en aura que plus d'éclat sans avoir reçu la plus légère atteinte. Le joug des prêtres est le plus tyraunique et le plus intolérant, lorsqu'ils veulent sortir de leurs respectables fonctions pour usurper une autorité civile; ils cherchent, pour tenir les hommes dans l'ignorance de leurs usurpations, à étouffer, en eux, jusqu'à la lueur de la saine raison.
« Les ministres de Dieu désolent la terre en son nom; ils commandent à des serfs courbés sous le ioug de l'esclavage ; ils leur imposent des rétributions, des prestations, des droits féodaux : et ils appellent ces usurpations du nom sacré de propriété. Qu'ils sachent que la propriété ne peut consister que dans le territoire, dans les effets de commerce ou mobiliers.
« Les droits que l'on perçoit sur vous, et qui n'ont d'autres bases que la protection que l'homme puissant s'arrogeait sur l'homme faible, sont des usurpations, si ces droits n'ont pour bases la cession du territoire, propriété réelle.
« L'aurore du beau jour qui va faire disparaître tant d'injustice, luit sur votre horizon; la Convention nationale française va prononcer leur abolition ; et si moi, son agent au bord du Rhin, je vous ai engagés à respecter toutes les autorités de votre pays, c'est que, par votre respect pour vos lois antiques, vous vous montrerez dignes de la liberté; car, citoyens, la liberté consiste à n'obéir qu'aux lois que l'on s'est données ; et jusqu'à ce que vous en ayez de nouvelles, c'est en respectant même celles de vos oppresseurs, que vous vous montrerez dignes d'en recevoir de plus justes.
« Les seuls représentants du peuple français peuvent prononcer sur les droits de ceux que la puissance des armes a réunis à la société fraternelle qui forme notre gouvernement; c'est dans un profond respect pour leur autorité que j'attends leurs députés. Ils seront proclamateurs de vos droits, de votre liberté.
« Encore un instant, et vos moissons ne seront plus ravagées par ces bêtes fauves, destinées aux plaisirs de ces nobles endormis dans la mollesse et l'oisiveté.
« Encore un instant, et vous choisirez vous-mêmes les magistrats, les pasteurs qui se seront fait remarquer par leur probité, leur patriotisme et l'amour de leurs semblables. Il ne res-
tera à l'homme injuste, à celui qui vous abuse, à celui qui veut perpétuer vos erreurs et votre esclavage, que la honte de ses vaines entreprises.
« Si des malheurs inséparables de la guerre me forcent à vous troubler dans vos paisibles demeures, à exiger de vous un travail qui puisse vous détourner un instant de vos occupations utiles, je n'ai pas au moins à me reprocher de ne pas tout mettre en œuvre pour persuader les soldats de la liberté que je conduis, nos com-paguons d'armes, à se joindre à moi pour vqus adoucir ce fardeau. Je cherche à vous prouver, par les principes de justice qui me dirigent, par l'amertume que je ressens au fond de mon âme, des charges que je fais peser sur vous, que la seule et impérieuse nécessité me force à obéir à sa loi ; et j'éprouve la douce pensée que le terme très rapproché de ces maux passagers et involontaires, sera pour vous l'époque de l'affranchissement de vos propriétés, de la liberté, de l'égalité.
« Signé : Custine. »
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de la guerre et diplomatique réunis.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Guyton-Morveau, Deydier et Prieur-Duvernois, commissaires de la Convention nationale dans les départements frontières de la Suisse, pour rendre compte de leur mission ; cette lettre est ainsi conçue :
Pontarlier, le er
novembre 1792
« Citoyen Président,
« Nous adressons à la Convention nationale la suite du compte que nous lui devons de nos opérations depuis notre départ de Besançon. Elie comprendra principalement nos. observations sur la situation militaire des villes de Porentruy et de Blamont.
« Nous arrivâmes, le 25 du mois dernier, dans la première de ces villes, où nous trouvâmes les généraux Ferrières etFalik, qui y étaient venus sur notre invitation. Notre objet était aussi de reconnaître l'état politique de ce pays, devenu si important pour sa connexité avec le système de defense de nos départements frontières de la Suisse.
« Nous avons obtenu effectivement les renseignements intéressants que nous espérions sous ce double rapport, et, rendus à Blamont le 26, nous expédiâmes une dépêche dont partie devait être communiquée au comité diplomatique et au ministre de la guerre, et qui contenait d'ailleurs des objets destinés à être soumis directement à la Convention nationale. Dans cette dépêche, nous exposions nos remarques tant sur les généraux que sur les troupes qui sont à leurs ordres, et en même temps sur les dispositions des habitants du pays. On sait que depuis longtemps ces peuples soupirent après la liberté et qu'ils sont enfin parvenus à la crise décisive qui doit la leur faire recouvrer. Ces circonstances particulières nous déterminèrent à. prendre des (mesures de prudence pour concilier à la fois ce que l'on doit aux traités, au bon voisinage, sans méconnaître les droits imprescriptibles des hommes : ce sont les seuls principes qui conviennent désormais à la France. Nous croyons ne nous en être pas écartés ; et comme le rapport de nos opérations à cet égard a dû
être fait à la Convention nationale, nous ne reviendrons pas ici sur cet objet.
« Quant a la partie militaire, nous y avons donné toute l'attention dont nous sommes capables, étant accompagnés par l'adjudant général de la sixième division, et le maréchal de camp Deshaustchamps. Nous avons déjà eu occasion de parler de ce dernier, dont les talents et le civisme, dignes des plus grands éloges, nous sont d'un grand secours dans toute notre tournée. Voici les principaux résultats de nos recherches :
« La République doit avoir toute confiance dans le dispositif existant pour mettre les gorges de Porentruy à l'abri de toute insulte, ou au moins pour vendre cher aux ennemis les premiers postes qu'ils auraient forcés. Ces débouchés sur nos frontières se défendent, comme les pays hachés et coupés de montagnes, par des positions successives sur lesquelles l'armée défensive se replie d'après une connaissance exacte et sûre des routes de retraite qui doivent communiquer des unes aux autres. Le général Ferrières, parfaitement instruit des localités, rempli de zèle et de lumières, passionné même pour une frontière qu'il voudrait défendre avec gloire, nous a tracé ses dispositions militaires avec une précisionqui ne nous laisse rien à désirer sur cet objet. Emplacement de troupes et de leurs différentes armes, choix des postes les plus découvrants, rassemblement préparé à l'avance sur les points menacés, tout a été prévu; et nous pensons que le succès le plus complet couronnerait les sages précautions qu'il a prises à cet égard. Ce serait même ici le lieu d'acquitter ce général patriote dé l'inculpation à lui faite et répétée de n'avoir point occupé en force le défilé de Pierre-Pertuis, comme si là défense d'un détroit exigeait impérieusement d'y entasser des bataillons; comme si une position imposante, prise en arrière, portant à bout touchant sur la sortie du défilé et sur le vallon de Montue-Grand-val, armée d'ailleurs de batteries et de retranchements de campagne, ne suffisait pas pour en assurer la garde. Il est encore à observer que cette mesure reprochée n'avait d'autres vues que de concilier les ménagements dus à une nation alliée et le respect de son territoire avec les précautions à prendre pour la sûreté de la frontière. Après nous être assurés complètement 'de ce dispositif des forces nationales sur les accès des défilés, nous avons reconnu par nous-mêmes cette belle position de Porentruy, sur laquelle on peut facilement déployer les, plus brillantes ressources de la défense. C'est un point central de réunion pour une armée entière dans la circonstance malheureuse d'une retraite forcée: elle présente l'aspect formidable d'un camp retranché, peu accessible de plusieurs côtés, prenant des commandements sur les débouchés des positions voisines, disposant des établissements de Porentruy qui se trouvent à son centre; elle rend maître enfin d'une communication faite avec Blamont, s'il était question de s'y réfugier.
« Dans l'inspection que nous avons faite du poste de Blamont, .nous n'avons pu voir sans peine que les travaux de la fortification fussent si peu avancés, quoique ordonnés depuis longtemps. Leur état ressemble même à un abandon total, puisqu'il ne s'y trouve qu'un simple atelier de maçonnerie et quelques autres travailleurs épars. Le développement entrepris des excavations pourrait cependant comporter deux ou
trois cents ouvriers, que l'on trouverait facilement parmi les volontaires nationaux et les habitants du pays. Il est à croire que le dénuement d'officiers du génie a pu contribuer à cette faute irréparable dans des circonstances de guerre. Quoi qu'il en soit, il est instant d'y envoyer, dans le plus court délai, un ingénieur intelligent et patriote pour ranimer les travaux et leur donner toute l'activité qu'ils méritent. Le tracé nous en a paru fait avec un vrai talent. Un fossé, enveloppant dans son pourtour le château et le faubourg flanqué par des feux rapprochés de casemates, doit donner à toute cette partie un degré de confiance et de force qui la rend inattaquable. À l'abri de toute inquiétude ou méprise, la place n'a plus qu'à aéfendré le front couvrant la ville qui, par la nature du terrain, reste seule aux attaquants pour y développer ses cheminements. Ainsi réduite à un seul front d'attaque, munie dans son enceinte de casemates d'où partiront des feux nombreux, presque doublés en surface, et conséquemment en ressources de toute espèce pour les établissements, la ville de Blamont deviendra une position importante et capable d'une vigoureuse résistance. Nous ne dissimulerons pas que les ouvrages, par leur peu d'avancement, ne présentent pas un usage prochain de leurs forces. Aussi croyons-nous que, dans l'état où elle se trouve aujourd'hui, sa defense doit être restreinte à celle du boulevard, du château et des casernes crénelées. Ce n'est, à proprement parler, qu'un poste qui peut à peine contenir cinq à six cents défenseurs. L'habitation ne peut pas même être couverte par aucun ouvrage, pârce qu'elle serait prise à revers par les parties facilement insul-tables de ses longs côtés. Il faut donc continuer le projet nouveau dans son ensemble et porter rapidement à sa perfection une place qui, de simple donjon qu'elle est aujourd'hui, doit devenir bien précieuse à la sûreté de la frontière; ce qui doit rassurer dans ce moment et sur son peu d'importance, c'est le voisinage de l'armée qui défend les défilés de Porentruy ; de sorte que le poste de Rlamont, qui, abandonné à lui-même, serait d'une bien faible ressource, peut néanmoins tirer des secours de cètte armée ou lui en prêter dans la retraite qu'elle ferait sur lui. Nous concluons de tout ce que nous venons de dire sur Blamont, qu'il est instant d'y porter, sans retard, les fonds qui lui sont destinés depuis deux années, et que nous jouirions déjà des avantages de ses propriétés défensives si l'on n'avait pas laissé dans un oubli coupable et peu civique des ouvrages commencés avec le genie de la science militaire et des talents.
« En terminant cette lettre, citoyen président, nous nous faisons un plaisir d'annoncer à la Convention nationale que nous avons trouvé les troupes, tant celles qui sont à Porentruy, que celles de Blamont, animées de sentiments qui conviennent à des républicains qui veulent être à la fois la terreur des tyrans, et les amis de l'humanité. Elles brûlent du désir de marcher contre les ennemis de la liberté des peuples; mais cette ardeur ne les rend que plus soumises aux règles de la discipline et au bon ordre. On ne peut se défendre surtout d'admirer des bataillons de volontaires nationaux commandés quelquefois par des chefs très jeunes, qui n'en obtiennent pas moins l'estime et la confiance de leurs supérieurs et de leurs subordonnés ; d'autres fois l'on jouit d'une surprise bien agréable en voyant des corps de volontaires, à
peine formés depuis six semaines, manœuvrer i déjà sous les armes comme on n'eût pas osé l'espérer sous l'ancien régime après un bien plus long temps d'exercice. Enfin, s'il existe encore dans cette partie quelques officiers de troupes de ligne entachés des vices de l'aristocratie, ils sont du moins en très petit nombre ; d'ailleurs ils sont contenus par l'énergie des bons patriotes, jusqu'à ce que leur incivisme se manifeste au point qui doit les faire expulser tout à fait.
« De Blamont nous nous sommes mis en route pour Pontarlier, où nous ne nous rendîmes que le 29 au soir, parce que les pluies, et les cne-mins à peine praticables, retardèrent beaucoup notre course. Depuis que nous sommes dans cette ville, nous avons été occupés à visiter le château de Joux, qui n'en est distant que d'une demi-lieue, et à prendre des mesures pour remédier aux funestes effets du fanatisme et de l'incivisme qui infestent encore un assez grand nombre de communes du district de Saint-Hip-polyte et de celui de Pontarlier. La résultat de notre travail concernant cet objet, sera incessamment adressé à la Convention nationale; nous espérons l'achever demain, et partir après demain pour continuer notre tournée par Salins, Saint-Claude et Gex ; après quoi nous ferons en sorte de joindre le général Montesquiou, attendu que les frontières au département de l'Ain qui nous resteront à reconnaître sont de la division où commande ce général, et que nous aurons par conséquent des renseignements à en tirer pour l'objet de notre mission.
« Les commissaires de la Convention nationale près les départements frontières de la Suisse,
« Signé : L.-B. Guyton-Moryeau, E.Deydier, C.-A. Prieur-Duvernois. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Lamarque, Garrau et Lazare Carnot, commissaires de la Convention nationale aux frontières des Pyrénées, qui rendent compte de leur mission et transmettent à l'Assemblée deux lettres, l'une de Bourgoing, ministre plénipotentiaire deFranceàMadrid, l'autre de M. Roby, faisant fonctions de consul, pour lui faire connaître les intentions de l'Espagne.
Suit la teneur de ces lettres :
« Bayonne, le er
novembre 1792
« Citoyens nos collègues,
« Nous vous envoyons copie de la lettre que nous venons de recevoir ae Bourgoing, ministre de la République en Espagne. Ce citoyen ne pense pas que la cour de Madrid soit assez imprudente pour nous attaquer ; quoiqu'elle ne puisse voir de bon œil notre Révolution, des raisons puissantes, tirées de la nature des choses et des circonstances, l'obligent de rechercher notre amitié plutôt que d'en venir avec nous à une rupture dont les suites ne pourraient que lui être funestes. Aussi d'Aranda ne parle-t-il que du désir qu'il a d'entretenir la bonne harmonie entre les deux nations ; c'est de quoi vous pouvez vous convaincre par la lecture des deux lettres ci-jointes, traduites de l'espagnol. Quoi qu'il en soit, nous ne négli-
geons rien pour mettre les frontières des Pyrénées sur un pied respectable, et hâter la levée de l'armée qui doit les protéger. Déjà nous avons donné les ordres les plus pressants, soit aux corps administratifs, soit au commissaire du pouvoir exécutif, de préparer tous les matériaux nécessaires pour cette importante opération; mais il est à craindre que le succès n'en soit ni aussi prompt, ni aussi' certain que nous le désirons. Nos collègues, qui doivent se rendre avec nous à Toulouse, siège de l'état-major général de l'armée, pour concerter un plan commun d'exécution, afin de mettre de la régularité et de l'ensemble dans nos procédés, nous écrivent de Perpignan, le 14 octobre, qu'ils se replient du côté du Var, d'où ils repartiront pour Paris en passant par Lyon; de sorte qu'arrivés à Toulouse vers le 20 de ce mois, après avoir fait une moitié du travail, nous nous trouverons dans l'impossibilité d'achever ou même d'entreprendre l'autre, à moins que la Convention nationale n'étende nos pouvoirs jusqu'au département des Pyrénées-Orientales; car il faut vous observer que, voulant partager la besogne avec nos collègues, nous n'avons compris dans notre mission que les neuf départements les plus voisins de 1 Océan, qui sont la Gironde, la Dordogne, les Landes, le Lot, le Lot-et-Garonne, le Gers, la Haute-Garonne, les Basses et Hautes-Pyrénées,
« Veuillez donc, citoyens, mettre sous les yeux de la Convention nationale l'embarras ou nous sommes, et nous faire parvenir, à Toulouse même, les ordres que vous recevrez d'elle; il est d'autant plus nécessaire qu'elle s'explique promptement, que toute la partie de la frontière, depuis Tarbes jusqu'à Perpignan, reste à visiter, nos collègues ayant cru plus important de suivre les côtes delà Méditerranée jusqu'à Toulon.
« Vous trouverez ci-incluses plusieurs pétitions que vous aurez l'attention de renvoyer aux divers comités qu'elles regardent. Il en est quelques-unes qui méritent une prompte décision: nous avons eu soin de les noter à la marge de l'inventaire qui leur sert de dossier.
« L'esprit public fait chaque jour de nouveaux progrès dans ces contrées; le fanatisme est terrassé, et l'agiotage siir le point de l'être.
« Les plus vives réclamations s'élèvent sans cesse contre les tribunaux qui, en général, sont infestés d'aristocratie : on en désire ardemment la suppression.
« On voudrait aussi que les municipalités fussent réduites à une par canton, et qu'il n'y eût plus de district, le nombre des départements étant augmenté.
« Nous partons demain pour Saint-Jean-Pied-de-Port.
Les commissaires de la Convention nationale aux frontières des Pyrénées,
« Signé : F. Lamarque, Garrau et L. Carnot. »
Copie d'une lettre écrite de Madrid, le 22 octobre 1792, l'an Ier de la République, par Bourgoing, ministre plénipotentiaire de France, aux citoyens commissaires de la Convention nationale à Bayonne.
« Citoyens,
« Le citoyen maire de Bayonne m'ayant mandé que vous aviez accueilli ma proposition de correspondance avec vous pendant votre séjour
près de la frontière d'Espagne, je crois devoir me hâter de vous transmettre mes idées sur les dispositions du cabinet de Madrid. Je ne puis m'empêcher de les croire malveillantes; mais un sentiment unique ne domine pas dans le cabinet. Il y est combattu par la prudence, par Téquité de plusieurs conseillers d'Etat et surtout, je dois l'avouer (dût-on ouvrir ma lettre à la poste), par la conviction de son impuissance, conviction que je n'ai certainement pas affaiblie et qui vient d'être porté à son comble par le déploiement de notre courage et par nos succès contre les armées les plus formidables et les plus aguerries. J'ai toujours espéré, depuis l'avancement de M. d'Aranda au ministère, que dans aucun cas l'Espagne ne méconnaîtrait ses intérêts au point de rompre avec une maison dont l'alliance va lui être plus précieuse que jamais. Je n'ai vu, dans ses préparatifs militaires, malgré le redoublement d'activité qu'ils ont acquis depuis deux mois, malgré l'importance que des nouvellistes ou malveillants, ou trop accessibles aux exagérations, ont affecté d'y attacher; je n'y ai vu, dis-je, que des mesures défensives, motivées par un excès de prévoyance et par la crainte des invasions partielles que l'ardeur de nos soldats citoyens pouvait leur faire tenter sur le territoire espagnol. Je n'assurerai pas que, si les espérances Perfides de nos ennemis se fussent réalisées, Espagne fût restée spectatrice impassible de nos revers ; mais, depuis qu'elles ont été trompées d'une manière si éclatante, je me livre à la plus profonde sécurité, et je désire infiniment la faire partager au conseil exécutif et à tous mes concitoyens.
« Peut-être n'apercevra-t-on pas tout de suite la cessation subite des mouvements militaires de l'Espagne; mais certainement on songe, dès ce moment, à leur ôter tout ce qu'ils pourraient avoir d'alarmant dans plusieurs ports, comme à Carthagène, Malaga, la Corogne et surtout à Cadix : ~ oïl continue à préparer l'embarquement prochain des corps, soit des troupes de lignes, soit des régiments provinciaux qui doivent être transportés en Catalogne, en Aragon et à Saint-Sébastien; mais outre qu'une bonne partie de ces corps n'est pas même aux divers rendez-vous qui leur ont été fixés, ces préparatifs sont le résultats d'ordres antérieurs qui ne tarderont pas à être modifiés. Déjà deux régiments de cavalerie, qui marchaient vers la frontière, ont eu celui de s'arrêter. Le corps des carabiniers, qui avait eu la même destination, va se distribuer en quartiers dans les environs de Saragosse. Attendons-nous, citoyens, à apprendre successivement des dispositions du même genre. On évitera de les cumuler à la même époque, de peur de donner trop d'évidence aux motifs très pressants auxquels on sent la nécessité de céder. Je les ai fait valoir avec énergie dans ma dernière conférence avec M. le comte d'Aranda.
« J'ai pu d'autant moins obtenir de ce ministre des assurances positives, qu'il ne m'écoutait que comme un simple particulier dont la mission est suspendue ; mais ce peu d'espoir qui restait encore aux représentants des puissances malveillantes, d'amener le cabinet de Madrid à leurs fins, s'étant évanoui depuis quelques jours, je ne doute pas que mes représentations et les nouvelles arrivées il y aura demain huit jours n'aient produit l'effet que nous pouvons désirer. Enfin, l'inactivité qui continue à régner dans tous les ports de l'Espagne, malgré les insinua-
tions perfides de quelques cabinets, malgré l'éveil qu'ils ont voulu donner à celui-ci sur les escadres que nous avons dans la Méditerranée, achève de me persuader que cette puissance est fort éloignée de vouloir nous attaquer sur aucun élément. Quand même je me tromperais dans mes conjectures, nous devrions encore être parfaitement tranquilles, sinon sur ies intentions de l'Espagne, au moins sur ses moyens. Dans toutes les hypothèses, nous sommes en mesure de surveiller ses armements maritimes, de les prévenir et tout au moins de les balancer. Son territoire, ouvert en plusieurs points à nos invasions, nous répondrait d'ailleurs des menaces de sa marine ; quant à ses attaques éventuelles du côté de ia frontière commune, quoique postérieurement aux premières notions que j'ai recueillies et transmises à notre ministre, elle ait porté de 60 à 84 le nombre des compagnies de grenadiers et chasseurs provinciaux qui sont destinées pour sa frontière septentrionale; quoique ces compagnies aient été mises sur le pied de 120 hommes chacune, je persiste à douter qu'elle puisse en réaliser 40,000 sur cette vaste frontière qui s'étend de Saint-Sébastien à Barcelone. Or, elle n'ignore pas que nous pouvons lui opposer de ce côté des forces au moins doubles des siennes; et elle n'osera sûrement pas braver des troupes animées par l'ivresse de la liberté et par celle des succès des troupes dont on a tant de peine à contenir l'ardeur, ainsi qu'elle vient d'en avoir la preuve en Catalogne. Je vous avouerai, à cette occasion, que je suis douloureusement alfectédu commencement d'invasion que nous venons d'y faire. La nouvelle de cette violation du territoire espagnol indispose ici tous les esprits, ceux même des partisans nombreux de notre Révolution : je désire infiniment qu'elle soit prompte-ment et complètement réparée, et que nous prouvions ainsi à l'Europe que notre équité et notre modération sont au moins au niveau de notre valeur. Si les pouvoirs dont vous êtes revêtus vous permettaient d'anticiper, à cet égard, sur la détermination de la Convention nationale, ne croiriez-vous pas devoir en «user pour faire disparaître ce grief qui pourrait tromper les vues pacifiques des deux gouvernements? Tant qu'il subsistera, je n'attends pas un ralentissement marquédans les mesures défensives de l'Espagne, à la continuation desquelles il pourra offrir un prétexte plausible. Sa réparation prompte et éclatante me fournirait de nouveaux motifs d'insister sur leur cessation; et je vous promels, citoyens, que je les ferai valoir avec l'énergie digne du représentant d'une grande nation qui veut être libre, mais qui sait être juste.
« Le ministre plénipotentiaire de France,
« Signé : bourgoing. «
Copie de la lettre écrite par M. Roby, faisant fonction de consul par intérim, à M. aArenda.
« Monseigneur,
« Puisqu'il est vrai que la place de représentant de la nation espagnole dont je suis honoré par ordre de Sa Majesté catholique, dans l'absence de M. le consul, m'impose le devoir sacré de l'exercer avec le zèle, la fidélité et la vigilance qui y sont attachés, il ne l'est pas moins que je ne puis ni ne dois faire usage de cette autorité, que pour m'évertuer à concourir, autant qu'il sera en mon pouvoir, au maintien de l'heureux accord qui n'a cessé d'exister entre deux nations
qui, par leur puissance, doux lien d'intimité, à 1 instar des préceptes de la divinité, peuvent seules se promettre d'être les souveraines conciliatrices de l'univers entier.
« Ce considéré, je ne dois point laisser ignorer à Vôtre Excellence qu'étant arrivés ici des volontaires pour le service de la patrie, le lendemain de leur arrivée ils furent fêtés par leurs frères d'armes : à l'issue de leur banquet, ayant formé une farandole.en témoignage de réjouissance, un peu animés du fruit de leur repas extraordinaire (qui trop souvent excite à des mouvements dont le repentir est l'unique consolation) quelques-uns d'entre eux, peu connaisseurs pour distinguer les armes espagnoles, ayant vu le tableau au-dessus de la porte du consulat, dans la croyance qu'ils ont déclaré que c'était la maison et arraoirie d'un émigré, l'enlevèrent; ce qui,m'ayant causé une vive sensibilité, je m'empressai d'en faire mes justes représentations aux citoyens maire et officiers municipaux, qui unanimement m'en témoignèrent leur mortification, m'assurant que sur-le-champ ils allaient délibérer la punition des auteurs de cette action et faire rétablir le tableau dans le même endroit d'où il avait été ôté. Le même jour de mondit exposé arrivèrent en cette ville trois respectables citoyens commissaires généraux, revêtus, par la Convention nationale, d'un pouvoir illimité, à qui j'eus l'honneur d'annoncer cet incident; ces illustres souverains de la province, qui me firent accueil d'honnêteté au delà de toute expression, me manifestèrent leur ressentiment les coupables de cette erreur (qui, dans le fait, n'est rien autre chose) et me répondirent, au nom de la Convention nationale du pouvoir général de laquelle ils sont nantis, que la nation française ne serait dans nul temps la première qui se porterait à la désunion avec l'Espagne, dont l'intimité leur sera toujours précieuse. Pour preuve authentique de cette pure vérité, il fut ordonné, tant par ces citoyens commissaires que par les citoyens maire et officiers municipaux, au chef des volontaires de se rendre dans mon domicile pour y faire la réparation au nom du corps, que le cas exigeait, et que je reçus à.bras ouverts avec les sentiments de la plus pure amitié. Partant de ce principe, je réclamai avec instance auprès de tous ces corps respéctables, au nom du roi d'Espagne, les indulgencés plé-nières en faveur de ceux qui avaient commis Cette méprise, ce qui m'a été accordé. Le tableau neuf où sont gravées les armes d'Espagne, et au-dessous un navire, ont donc été replacés dans leur rang par 12 volontaires, sous les yeux de. M. le commandant, accompagné du corps des officiers. Votre Excellence connaîtra de pluë en plus, par ce digne et admirable procédé de ia pari; de la nation française, combien elle chérit l'intimité qui l'unit avec le royaume d'Espagne. Animé de ces désirs inappréciables qui doivent être réciproques, je ne cesserai de renouveler les vœux gué j'adresse à 'l'Etre suprême pour les rendre indissolubles. Dans ce doux espoir, j'ai l'honneur d'être avec un profond respect, de Votre Excellence, etc.
« Signé : P.-R. RoBY. »
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de la guerre et diplomatique réunis.)
, secrétaire, poursuit la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
1° Lettre du citoyen Piquet, de la Jr« compagnie 1" Série. T. LIII.
des amis de la patrie. II annonce qu'avec 9 de ses camarades, il a été planter 1 arbre de la liberté dans le bourg de Pucemange et a fait promettre aux habitants de ne point servir contre la France ; il envoie le procès-verbal de son ex- . pédition.
(La Convention ordonné la meqjion honorable.)
2° Lettre du citoyen Bacon, domicilié à Paris. Il rappelle qu'il a offert à la Convention une invention économique, qui rassemble beaucoup d'utilité pour les arts, particulièrement pour la navigation et les hôpitaux des armées, et demande qu'il soit nommé des commissaires pour vérifier cette invention, déjà approuvée par l'Académie des sciences.
(La Convention renvoie cette lettre aux comités de la marine et de la guerre réunis.)
3° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative aux mesures à prendre dans le département de la Loire-Inférieure, pour la répartition des sommes dues en remplacement des droits supprimés en 1790. Un mémoire est annexé à cette lettre.
(La Convention renvoie la lettre et le mémoire au comité des finances.)
4° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, pour la commune de la Charité-sur-Loire, qui demande à faire un emprunt de 24,000 livres.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
5° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui prie d'excepter du décret du 31 octobre dernier les fusils défectueux qui se trouveront à l'arsenal de Paris; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Citoyen Président,
« Je suis informé que les sections de Paris doivent me demander de leur faire distribuer les 6,500 fusils défectueux qui se trouvent dans les magasins de l'arsenal de Paris, pour faire procéder sur-le-champ à leur réparation. Je prie la Convention d'excepter de son décret du 31 octobre dernier les fusils défectueux qui se trouvent à l'arsenal de Paris.
* Le ministre de la guerre,
« Signé Pache. »
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
6° Lettre du citoyen Ruelle, domicilié à Paris, qui offre de fournir à 8 livres les piques que le gouvernement achète 10 livres.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
7° Adresses des administrateurs du département de la Gôte-d'Or et des sections de Paris, qui demandent des secours pour les femmes et les enfants des gardes nationales^ qui combattent sur la frontière.
(La Convention renvoie ces adresses au comité des secours.)
8° Lettre de Pache, ministre de la guerre, pour annoncer que le 15® bataillon des volontaires nationaux, cantonné à Crespy, n'est pas collective-
ment répréhensible des délits dont il a été accusé : cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le er de la République française.
« Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale.
« Citoyen Président,
« La Convention nationale a. renvoyé au pouvoir exécutif, par un décret du £5 de ce mois, une dénonciation faite par le citoyen Rolland, commissaire du conseil exécutif, contre le 15e bataillon des volontaires nationaux cantonnés à Crépy.
« Il résulte des éclaircissements qui m'ont été prouvés sur cette affaire, que le bataillon n'est point collectivement répréhensible des délits dont il a été accusé et que le blâme ne doit tomber que sur quelques individus de ce corps. Les coupables n'échapperont pas à la juste sévérité des lois, et les ordres sont donnés pour qu'ils soient jugés promptemerit. .
« J'ai voulu, citoyen Président, en rendant compte de cette affaire à la Convention nationale, ne point laisser des innocents sous l'injuste poids d'une inculpation publique.
« Signé ; PACHE. »
9° Lettre des députés de l'Ile-de-France auprès des pouvoirs législatif et exécutif, relative à une demande de fonds pour les fortifications de l'Ile-de-France.
(La Convention renvoie la lettre aux comités des colonies et de la guerre réunis.)
10° Autre lettre des mêmes députés, sur un objet concernant le commerce de la nation française en Chine.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de commerce et des colonies.
11 ° Pétition de Jacques Mignard, pour obtenir la concession d'un terrain vague au bord de la mer, au Cap-Français, île Saint-Domingue.
(La Convention renvoie la pétition au comité des colonies, avec le mémoire et les plans y joints.)
12° Pétition des citoyens des districts ruraux de Paris, contre la loi qui a fixé à Paris les tribunaux pour ces deux districts. Ils demandent le redressement de ce grief au nom de la justice et dé cette égalité de droits qui désormais ne peut plus être violée.
(La Convention renvoie la pétition au comité de division.)
13° Adresse du corps électoral du district de l'égalité, pour prémunir la Convention contre les demandes qui pourraient encore lui être faites, de rapporter son décret qui fixe au bourg de l'égalité la prochaine assemblée électorale du département de Paris.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de division.)
14° Pétition du citoyen Joseph Broqua, pour demander la formation d'un
comité ces lettres de cachet, afin de rendre compte d'un projet de
décret préparé et publié à son sujet par le comité
(La Convention renvoie le projet au comité de législation.)
15° Adresse de la commune delà Roche, près Gap, contre les anarchistes et autres factieux qui se sont fait connaître à Paris et ailleurs.
« Nous savons mieux atteler nos bœufs, disent-ils, que faire des discours, mais nous ne mentons jamais dans ceux que nous faisons. Nos sentiments sont les vôtres ; nous voulons la liberté, l'égalité et le règne des lois : c'est ie seul despotisme raisonnable. On dit que des agitations veulent nous diviser, exciter des troubles autour de vous : nos enfants combattent avec Dumouriez, mais nos bras nous restent; parlez, législateurs, nous marcherons. » (Vifs applaudissements),
16° Adresse des citoyens libres de la ville de Li-sieux, qui s'élèvent également contre les anarchistes et les factieux qui viennent en province semer la discorde et se faire les promoteurs de la guerre civile.
« Représentants du peuple, disent-ils, il est une vérité incontestable, c'est que si l'édifice de la liberté n'est pas établi sur la loi, il s'écroulera bientôt. Sous ce palladium, nous éprouverions sans cesse les convulsions de l'anarchie la plus affreuse. Sans cesse occupés à nous entre-déchi-rer, nous ne laisserions après nous que le souvenir d'une liberté que nous avons bien su conquérir, mais que nous ne laisserions après nous que le souvenir d'une liberté que nous n'aurions pu conserver.
« Citoyens, ajoutent-ils, un génie malfaisant plane sur les départements; des scélérats, couverts du manteau de la popularité, agitent les brandons de la guerre civile; des écrits incendiaires, des lettres anonymes, des listes de proscription circulent dans nos murs. Votre marche est entravée, on insulte à vos décrets, on veut détruire la confiance que vous ont méritée vos travaux, et l'on se dit les amis du peuple!... du peuple dont on médite la perte! Des scélérats servent indirectement la cause du plus perfide des rois en provoquant au meurtre, en menaçant nos représentants, en imprimant le sceau de la proscription sur la tête des Buzot, des Guadet, des Vergniaud et des plus ardents défenseurs de nos droits. .
« Citoyens, assez et trop longtemps ces infâmes ont existé. Vengez le peuple de Paris, dont la masse est excellente ; que la massue nationale écrase indistinctement tous les traîtres. (Applaudissements.) Les citoyens de Lisieux, ennemis jurés des agitateurs, sont debout; parlez, et nous volons à Paris. (Vifs applaudissements.)
(La Convention ordonne la mention honorable de ces deux adresses.)
17° Adresses des citoyens de Castelsarrasin et de Dinan, qui déclarent, eux aussi, s'élever contre les factieux prêcheurs de guérre civile, et auteurs de troubles et de discordes, et se disent prêts à marcher au secours de Paris.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
18° Adresse de la société populaire de Maringues, pour demander la
formation à Paris d'une garde départementale.
20° Lettre du citoyen Prault, qui annonce qu'il a un dépôt important, et le seul complet qui existe dans la République, des anciennes lois, règlements et autres décisions qui intéressent l'ordre public ; que ce dépôt, entretenu depuis trois siècles par les auteurs du pétitionnaire, a été toujours ouvert au public/ gratuitement, et que tout ce qui a rapport à la nouvelle législation s'y trouve réuni. Il expose que le local qu'il occupe va être vendu; il demande que la Convention veuille bien assigner définitivement un emplacement convenable à son dépôt, aux offres qu'il fait de le tenir toujours ouvert pour l'instructiou publique et gratuite de tous les citoyens qui auraient besoin de consulter soit les anciennes lois, soit les nouveaux codes.
propose à la Convention de fixer son attention sur les différents dépôts qui existent en ce genre, entre autres le Trésor des Chartes, dont la conservation lui paraîtra nécessaire. 11 demande le renvoi de la lettre précédente et de sa proposition aux commissaires d'instruction publique et des mouvements pour en rendre compte incessamment.
(La Convention nationale renvoye la pétition du citoyen Prault, relative à la conservation du dépôt des lois dont il offre l'ouverture publique, et pour lequel il demande un local, au comité de l'instruction publique et à la commission des monuments; elle les charge de lui présenter incessamment un rapport général sur les moyens à prendre pour réunir et" assurer au public les divers dépôts de Chartes, lois, décisions des anciens tribunaux qui sont actuellement dispersés en différents lieux de la ville de Paris, de lui proposer leurs vues sur la conservation du dépôt du citoyen Prault, la possibilité de le réunir aux autres dépôts, et les moyens de rendre utile et facile au public la communication des objets contenus dans lesdits dépôts.)
20° Lettre de Pache, ministre de la guerre, relative au casernement et au départ, ou .à la conservation à Paris, de différentes troupes de gardes nationales des départements.
(La Convention renvoie la lettre au comité-de la guerre.)
, suppléant du département de VAisne à la Convention nationale, prend séance aux lieu et place du citoyen Pottofeux, démissionnaire, et prête le serment.
J'offre de la part de la société des amis ae la liberté et de l'égalité delà commune de Brantôme, district de Périgueux, département de la Dordogne, pour les habitants delà ville de Lille, 134 livres en numéraire, 20 livres en assignats, et plusieurs épaulettes en or et en argent : le tout accompagné d'une adresse qui respire le plus pur républicanisme.
(La Convention ordonne la mention honorable du don et de l'adresse.)
, secrétaire, fait oonnaltre la liste des dons patriotiques qui ont été déposés sur le bureau et dont l'état suit :
1° Les régisseurs des douanes de la République font remettre à la Convention une somme de 50 livres en assignats, que le citoyen Jacques, inspecteur des douanes à Lesneven a envoyée pour les blessés à la journée du 10 août;
2° Le citoyen Veyron, commissaire des guerres a Dunkerque, offre sa croix de Saint-Louis;
3° Le citoyen Muller fait hommage de sa croix de Saint-Louis;
4° Les citoyens"" Gantome, maire de Cadière, et François Castillon, font déposer par les Amis de la société de Cadière, département du Var, leur décoration militaire ;
5° La même société fait déposer, au nom de plusieurs personnes inconnues, quatre paires de boucles d'argent, dont deux petites ;
6° La députation du département du Lot dépose, au nom fun citoyen de ce département, une croix de Saint-Louis ;
7° Le citoyen Etienne Charrière, demeurant à Dax, département des Landes, âgé ae 78 ans, parvenu au grade de porte-drapeau au deuxième bataillon ci-devant Royal-Vaisseau, ayant 45 ans de service, fait offrir sa croix de Saint-Louis ;
8° Le citoyen Toussaint Sonnet dépose la décoration militaire du citoyen Debuynes, dit Duhamel, qui lui a été donnée après 35 ans de service;
9° La citoyenne Elisabeth-Mercier Laguérinière remet pour la guerre un sabre à poignée de cuivre argentée, plus en argent 48 livres et un assignat ae 200 livres.
10° Le citoyen Durival fait déposer sa décoration militaire ;
11° Le citoyen Gazette, de Mézières-sur-Madon, âgé de 80 ans, fait déposer sa croix de Saint-Louis ;
12° Le citoyen de Villiers, ancien secrétaire commis au bureau du recensement des scrutins, dépose sur le bureau les 5 livres qu'il s'est engagé de donner pour les frais de la guerre ;
13° Le citoyen Aubanel, officier de dragons, résidant à Grasse, fait déposer sa croix de Saint-Louis.
(La Convention accepte ces offrandes avec le» plus plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Je demande à faire une proposition importante. De nombreux bataillons affluent, à Paris. Leur nombre s'accroît tous les jours, tandis qu'ils devraient aller aux frontières. {Murmures.) On ne sait d'où ils viennent et pourquoi... (Nouveaux murmures.)
Plusieurs membres observent que cet objet est étranger aux matières à délibérer dans la séance et que passé midi aucune motion d'ordre ne peut être admise.
insiste. (La Convention passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, pour transmettre à la Convention le texte de la proclamation qu'il a adressée aux peuples que les troupes françaises ont délivrés. Elle a pour objet de les prémunir contre les insinuations perfides des prêtres fanatiques (Applaudissements.)
Un membre, au nom du comité des décrets, présente les actes d'accusation contre Toulongeon, contre Choiseul-Gouffier et contre Conzié, -ci-de vaut évêque dArras; contre du Moustier, Tonnelier de Breteuil-, Vabbé Marie et Courvoisier. -
Ces trois actes sont adoptés successivement comme suit :
Acte d'accusation contre le ci-devant marquis de Toulongeon (1).
« Par une lettre aux ci-devant princes français » frères du roi, datée de Fribourg le 6 août dernier et signée Toulongeon, il paraît que ce dernier: 1° a tenté et enirepris en Franche-Comté des manœuvres pour les servir; 2° que s'il a persisté à appeler des troupes dans le Brisgaw, c'était pour eux et le service de la cause des puissances coalisées ; 3° qu'il a été chargé d'une commission secrète par l'empereur; qu'il s'est rendu à Vienne après en avoir prévenu le roi, qui a, dit-il, approuvé son voyage et sa conduite; 4° qu'il existait des intelligences entre lui et les principaux émigrés, notamment avec le ci-devant duc de Polignac et le nommé Vallery, lieutenant-colonel du régiment Dauphin cavalerie, dont le but était, dit-il encore, en restant à son corps, de le ramener aux bords du Rhin pour le conduire à leurs Altesses Royales dès qu'elles l'y auraient autorisé ; 5° que s'il n'est pas allé à Coblentz, où, poursuit-il, le sentiment commun à tous les bons français l'appelait chaque jour, c'est qu'il craignait d'y éprouver des injustices et des humiliations non méritées; 6° enfin, qu'il a eu le dessein formel de se rendre de nouveau auprès de l'empereur à Vienne, prince, selon lui, armé par la gloire pour la délivrance commune, dans la vue de solliciter et d'obtenir de lui un témoignage éclatant en faveur de ses sentiments méconnus, outragés, et qui cependant ont toujours été et seront invariablement ceux d'un loyal gentilhomme, d'un royaliste pur et zélé.
«La Convention nationale, à qui il a été rendu compte de ces faits le 27 octobre dernier, a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre le ci-devant marquis de Toulougeon.
« En conséquence, elle l'accuse, par le présent acte, devant le tribunal criminel du département de Paris, comme prévenu d'intelligences criminelles avec les ennemis de l'Etat, de machinations contre le peuple, et d'attentats à sa liberté...
Acte d'accusation contre Choiseul-Gouffier, et Gonzié, ci-devant évêque d'Arras (2).
« Une lettre signée Choiseul-Gouffier, datée de Constantinople le 10 août et adressée à Louis-Stanislas Xavier et à Charles-Philippe, frères du ci-devant roi, annonce que dans le dessein de favoriser le progrès des armées ennemies sur le territoire français, non seulement Choiseul-Gouffier a pris personnellement toutes les mesures possibles pour faire méconnaître à la Porte, où il était ambassadeur, le caratère d'envoyé national dans la personne du citoyen Semonville, qui devait lui succéder, mais encore que pour mieux assurer le succès de la manœuvre, il a employé le crédit et les insinuations calomnieuses des agents devienne, Berlin, Pétersbourg et Naples, à cette Cour.
« Des mémoires remis, en conséquence, au ministère ottoman par
l'internonce impérial, l'envoyé de Prusse, l ambassadeur de Naples et
« Dans la lettre signée Choiseul, le ci-devant évêque d'Arras figure comme agent intermédiaire auprès des princes émigrés, à l'effet de leur transmettre tous les détails relatifs à la trame.
« Sur cet exposé, et après avoir entendu ses comités diplomatique et de sûreté générale réunis, la Convention nationale, le 22 octobre dernier, a décrété qu'il y avait lieu à accusation contre Choiseul-Gouffier, ambassadeur à la Porte, et Gonzié, ci-devant évêque d'Arras.
« En conséquence, elle les accuse, par le présent acte, devant le tribunal criminel au département de Paris, comme prévenus d'attentats à la souveraineté nationale ;et de machination contre l'Etat. »
Acte d?accusation contre le ci-devant comte de
Moustier, le ci-devant baron de Breteuil, l'abbé
Marie et le nommé Courvoisier (2).
« Une note ayant pour titre : Instruction pour M. le comte de Moustier, datée de Hélange le 3 septembre dernier, signée Louis-Stanislas-Xavier et Charles Philippe, annonce que le ci-devant comte de. Moustier était chargé d'entrer en négociation avec les ministres de la Cour de Prusse et le ci-devant baron de Breteuil, pour revêtir du titre et des fonctions de régent en France Louis Stanislas-Xavier.
« La réponse du ci-devant comte de Moustier à cette note, datée de Verdin le 6 suivant, expose qu'il a tenté d'exécution de ce projet et a employé, pour agents secondaires dans la conduite de cette affaire, le ci-devant abbé Marie et le nommé Courvoisier.
« Sur cela, la Conveution nationale a décrété, le 22 octobre dernier, qu'il y avait lieu à accusation contre le ci-devant comte de Moustier, le ci-devant baron de Breteuil, l'abbé Marie et le nommé Courvoisier.
« En conséquence, elle les accuse par le présent acte, devant le tribunal criminel du département de la Meuse, comme prévenus d'attentats contre la liberté et la sûreté générale de l'Etat, en entrant dans une machination tendant à détruire le gouvernement légitime et à ramener le despotisme. »
(La Convention adopte ces diverses rédactions.;
, au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret tendant à pourvoir aux emplois vacants au choix dans les troupes de ligne des armées de la République; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir en tendu le rapport de son comité de la guerre, décrète ce qui suit :
Article 1er.
Les généraux seront tenus d'informer sans
Art. 2.
« Aucun officier, de quelque grade qu'il soit, dont la nomination est dévolue au choix, ne pourra être reçu* à aucun emploi dans l'armée, qu'en vertu du brevet ou de la lettre de passe, qui lui aura été expédiée parle conseil exécutif provisoire, ou au moins sur la représentation de la lettre d'avis qui lui en aura été adressée par le ministre de la jguerre.
Art. 3.
« La disposition de l'article ci-dessus ne concerne point les officiers qui ont droit au remplacement par ancienneté. Immédiatement après la vacance, ils seront reçus par le commandant du corps à l'emploi vacant, en feront le service et toucheront les appointements; il en sera rendu compt au général, qui en informera le ministre de la guerre qui lui fera expédier le brevet.
Art. 4.
« La Convention nationale déclare nulles les nominations et promotions faites par les généraux des armées de la République aux emplois au choix, dont le conseil exécutif provisoire a disposés. Les officiers qui ont obtenu leurs brevets ou lettres de passe seront reçus et mis en fonctions, et ceux nommés par les généraux aux mêmes emplois reprendront celui qu'ils avaient auparavant.
Art. 5.
« La Convention nationale confirme néanmoins toutes les nominations et promotions faites par les généraux aux emploisét ail choix, dont le conseil exécutif provisoire n'a pas disposé jusqu'à ce jour.
Art. 6.
« Le conseil exécutif provisoire donnera les ordres nécessaires afin qu'il soit procédé, sans aucun délai, au remplacement des places de sous-officiers vacantes, ou qui viendront à vaquer par la suite. »
Plusieurs membres, invoquant les principes, réclament pour les troupes de ligne les mêmes avantages dont jouissent les bataillons volontaires. Ils pensent qu'on les attacherait ainsi davantage aux vrais intérêts de la justice et que les nominations intéréssées des généraux ne seraient plus à craindre. Ils proposent, en conséquence, l'ajournement du projet de décret.
, rapporteur, répond que conforme aux principes, cette réclamation est contraire, dans les circonstances actuelles, au besoin de la République, en ce qu'elle présente l'idée d'une organisation nouvelle de nos armées, tandis que la Convention n'a pas encore prononcé sur la question de savoir s'il y aura en France Une armée de ligne.
(La Convention repousse l'ajournement et adopte le projet de décret. Elle renvoie, néanmoins, aux comités réunis de Constitution et de la guerre, cette proposition de faire nommer aux emplois militaires dans les troupes de ligne par les soldats.)
, au nom des commissaires chargés de vérifier la caisse de Vextraordinaire, dénonce trois marchés de fournitures militaires passés a des prix exorbitants par Vincent, commissaire-ordonnateur en chef de l'armée du Midi ; il s'exprime ainsi :
Votre comité m'a chargé de vous dénoncer plusieurs marchés frauduleux passés par Vincent, commissaire-ordonnateur en chef de l'armée du Midi. Ces marchés sont d'une nature d'autant plus désastreuse pour la nation, qu'ils stipulent lés fournitures payables, moitié en espèces sonnantes, ou en assignats, en bonifiant la perte du papier, et en partie d'avance. La première et la seconde de ces dispositions ont l'effet d'augmenter considérablement le prix de l'argent, les entrepreneurs ayant un intérêt à le hausser, j>our être mieux payés en assignats ; la dernière établit une surhausse dans le prix de toutes les denrées ; surhausse d'autant plus considérable, que ces fournisseurs se les font payer presque au double du prix ordinaire du commerce, comme vous allez le voir parles marchés suivants, passés avec le juif Renjamin.
Premier marché.
« Je soussigné Jacob Benjamin, munitionnaire de la viande de l'arniée du Midi, m'oblige de m'engager envers M. Vincent, commissaire-ordonnateur en chef de ladite armée, et ce, comme pour les propres affaires de l'Etat, de fournir et livrer d'ici a la fin de décembre prochain, la quantité de 500 chevaux de hussards aux conditions suivantes; savoir :
Art* 1er.
« Lesdits 500 chevaux auront 4 pieds 5 pouces et demi mesurés à la potence. Ils seront sains et nets, exempts de toutes tares et défauts, et d'une conformation choquante; en un mot, de figure et de tournure convenables au service de chasseurs et de hussards; ils auront l'âge de trois ans et demi jusqu'à sept ans; il y aura sur 10, 4 juments.
Art. 2.
« Lesdits 500 chevaux seront équipés de leur sellé, bride, couverture, et les fourreaux de pistolets, conformément aux modèles fournis par moi, et cachetés de mon cachet; lesdits objets seront fournis à Lyon, et reçus par les officiers qui seront chargés de la réception, dont les noms me seront indiqués, afin de les avertir d'avance de l'arrivée des cnevaux dont le nombre, à chaque fourniture, ne peut être que de 50 à la fois au moins, et seront nourris aux dépens de l'Etat, de leur arrivée au dépôt de Lyon, du moment qu'ils seront reçus par les officiers préposés à cet effet, et cesseront d'être à mes risques et périls.
Art. 3
« Il me sera payé par chaque cheval la somme de 30 louis en espèces sonnantes écus de 6 et 3 livres, ou faute de ce, il me sera tenu compte de la perte des assignats contre espèces, qui aura lieu lorsque les payements me seront faits, et je produirais chaque fois un certificat de deux agents de change de Lyon,' où la fourniture 'se fera.
Art. 4.
« Il me sera fait une avance de la moitié du montant de la présente soumission, lors de son
acceptation, et les autres payements seront faits au fur et à mesure des livraisons ; l'avancé ne pourra être imputée que sur le dernier payement.
J'offre pour caution, tant pour l'exécution du marché, que pour l'avance que l'Etat me fait à ce sujet, M. Bernard Aléan, négociant à Lyon.
« Fait au quartier général de Barreau, le2t septembre 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : Benjamin. »
« Et, de suite, s'est présenté le sieur Bernard Aléan, négociant demeurant à Lyon, lequel après avoir pris lecture de la présente soumission, s'est rendu caution dudit sieur Benjamin, tant pour l'exécution des clauses et conditions qui y sont contenues, que pour la garantie de la somme avaûcée audit sieur Benjamin, et du tout fairé sa propre cause et affaire; et a signé.
« Signé : bernard Aléan. »
« Nous, commissaire-ordonnateur en chef de l'armée du Midi, Stipulant pour le compte de la nation, au nom du ministre de la guerre, et en vertu de l'autorisation qui nous en a été donnée par M. Montesquiou, commandant général de ladite armée, avons aécepté la présente soumission, pour avoir son entière et pleine exécution.
« Fait au camp de Barreau, ce 23 septembre 1792, l'an IVe de la liberté et le Ier de l'égalité. »
Deuxième marché.
« Conditions auxquelles le sieur Jacob Benjamin, munitionnaire de la viande de l'armée du Midi, s'oblige à fournir le lard salé, le bœuf salé, le mouton sur pied, le riz, etc, pour l'approvisionnement de Briançon et des forts qui en dépendent, et, s'il y a lieu, d'Embrun et de Mont-Dauphin. >
Art. 1er.
« 480 quintaux de bœuf salé, à 27 sous la livre. SU 432 quintaux de lard salé, à 34 s. 6 d. la liv. — 30o moutons sur pied, à 23 sous la livre. t- 246 quintaux de riz, à 66 liv. le quintal. — 480 quintaux de légumes secs, à 34 liv. 10 s. le quintal. — 300 quintaux dé pommes deterre, à 9 liv. 5 s. le quintal. — 192,000 pintes de vin, mesure de Paris, à 18 s. 6 d. la pinte. —1,200 livres de tabac à fumer, à 15 s. la livre. — 6,400 pipes de terre, à 9 d. — 12,800 paires de souliers : ensemble à 13 livres la paire.
Art. 2.
« Les payements résultant des dispositions du présent marché me seront faits au fur et à mesure des fournitures, la moitié en assignats et la moitié en espèces ; ou il me sera tenu compte de la perte qu'éprouvent lés assignats le jour où le payement devra être effectué d'après le certificat que je serai obligé de rapporter de la trésorerie ou de deux agents de change à Paris.
Art. 3.
« Il me sera fait, dès aujourd'hui, une avance en assignats du tiers du montant de la fourniture, et cette avance ne pourra être imputée qùe sur le dernier payement, etc.
« Approuvé ladite soumission, vu les signatures des cautions, d'après les ordres du général Montesquiou, et conformément au tarif arrêté par les commissaires de l'Assemblée nationale.
« Signé ; Vincent. »
Voici les conditions auxquelles le citoyen Pierre André Barnier, négociant à Chambéry, s'engage à fournir au commissaire-ordonnateur de l'armée du Midi, tous les bois de chauffage nécessaires à ladite armée.
« L'entrepreneur fournira le bois de chauffage nécessaire à toute l'armée du Midi, à raison de 42 livres, monnaie de France, en espèces, par chaque corde de bois qu'il aura fournie, soit aux troupes, soit aux différentes administrations de l'armée; la corde sera de 8 pieds de couche, 4 pieds de hauteur; les bûches de 3 pieds 1/2 à 4 pieds de longueur ; le tout mesure de France, pied de roi.
« II sera payé à l'entrepreneur une somme de 30,000 livres a titre d'avance sur ladite fourniture, laquelle ne sera imputable que sur les derniers payements.
« Signé : Vincent. »
Je demandé que le commissaire-ordonnateur Vincent soit décrété d'accusation et que ses marchés soient annulés.
Le fournisseur Benjamin a inséré dans son marché ces mots : conformément au tarif arrêté à Orange le 28 septembre par les commissaires de VAssemblée nationale à l'armée du Midi. Ces commissaires étaient Rouyer, Gasparin et moi. Il est de toute fausseté que nous ayons approuvé aucun tarif, et surtout un tarif usuraire. il est bien vrai que nous autorisâmes le général Montesquiou à passer les marchés pour les besoins pressants de son armée ; nous ne pouvions nous y refuser, nous étions envoyés pour accélérer et non pour entraver les opérations ; mais Montesquiou ne nous fit connaître ni la quantité des objets dont il avait besoin, ni les prix. Voici ce qu'il nous écrivit par un courrier extraordinaire pendant notre séjour à Orange.
« Je me suis chargé de diriger la formation, l'hahillement et l'équipement de 15 bataillons de volontaires nationaux ; mais les habillements en tout genre me manquent ; je n'ai pas le temps de m'adresser au ministre de la guerre; il est instant de nous procurer des draps, des bas, des souliers, etc., parce que ces objets augmentent journellement de valeur. Avant-hier, à Grenoble, on me démanda 33 livres l'aune, pour du fort mauvais drap. Nos fournisseurs habituels sont approvisionnés, et le sieur Benjamin s'offre à faire des entreprises â un prix qui aurait paru excessif l'année dernière, mais qui est aujourd'hui au-dessous du taux du commerce; au reste, dans la crise où nous sommes, les besoins sont le premier, et les dépenses le dernier des dangers, » etc.
D'après cette lettre, vous autorisâtes le général Montesquiou à faire, sur sa responsabilité, les marchés nécessaires aux besoins du moment, mais nous n'arrêtâmes aucun tarif.
attestent le fait exposé par Lacombe-Saint-Michel.
Il est hors de doute que Montesquiou est un agioteur; il doit être responsable des marchés frauduleux qu'il a autorisés; mais j'ose dire que cette responsabilité atteint aussi l'Assemblée nationale, qui a légèrement absous ce général des crimes dont il était accusé. Je demande que, revenant sur ce décret qui lui a été surpris, l'Assemblée le décrète d'accusation ; je produirai au comité les pièces probantes de ses trahisons, je prouverai qu'il ne mérite votre
confiance ni comme général, ni comme administrateur de l'armée. 11 n'est pas douteux aujourd'hui, et cela résulte d'une dénonciation faite contre lui par les trois corps administratifs de Marseille, que ce général a toujours tenu une conduite oblique et qu'il a contrarié et retardé le plus qu'il a pu la conduite du général Anselme.
Il est vrai que les marchés que je Viens de vous lire sont annoncés comme ayant été faits par ordre et en la présence de Montesquiou ; mais n'est-il pas possible que le commissaire Vincent se soit faussement couvert du nom du général, comme il a su prétexter une prétendue autorisation de vos commissaires. Je demande donc qu'il soit traduit à la barre pour donner des explications.
(La Convention annule les marchés dénoncés, comme frauduleux, et ordonne que le commissaire Vincent et le citoyen Jacob Benjamin seront traduits à la barre.)
J'ai demandé la révocation de votre décret -de destitution contre Montesquiou; aujourd'hui, je viens l'accuser devant vous; il a, dans son traité passé avec les députés de la République de Genève, compromis la dignité, l'intérêt de la nation française, celui des patriotes genevois. Voici la lettre que vous écrit à cet égard le ministre des affaires étrangères :
« La convention faite entre Montesquiou et les députés de la République de Genève ayant éprouvé des modifications essentielles par le conseil exécutif, il n'a pas voulu la rendre publique avant qu'elle fut rendue digne d'être soumise à la ratification de la Convention nationale; mais les Genevois n'ayant pas usé de la même réserve, il m'a ordonné de vous la communiquer. Le Ier article accorde aux magistrats de Genève un délai d'ici au 1er janvier pour la sortie successive des troupes suisses. Cet article est -inconvenant, contraire aux instructions qu'avait reçues le général Montesquiou; il compromet la dignité de la République française en favorisant les desseins cachés de la République de Genève : cependant, la nouvelle négociation qui doit être entamée, devant nécessairement entraîner de nouvelles longueurs, le conseil exécutif a été fo)*cé de maintenir ce délai, et il a calculé qu'il ne se passerait qu'environ 13 jours entre la ratification de ce nouveau traité et son exécution ; le dernier article portait que la grosse artillerie française se" retirerait dès le lendemain du jour où'la convention serait signée ; le conseil exécutif s'étant pressé d'envoyer contre-ordre pour arrêter l'effet de cette etrange disposition; enfin, pour que les magistrats ne se servent pas des troupes qui sont à leur disposition pour influencer les délibérations du conseil général, le citoyen Ge-nest a été chargé de requérir qu'il ne soit convoqué qu'après leur départ. »
Je demande que l'Assemblée charge ses comités de sûreté générale et militaire d'examiner la conduite de Montesquiou.
Sans vouloir combattre au fond la proposition de Barère, je viens néanmoins en demander l'ajournement. Il est à remarquer, en effet, que la première convention faite entre Montesquiou et Genève ne subsiste plus, qu'elle a été modifiée par le conseil exécutif et acceptée par le conseil de Genève ; qu'enfin, ces nouveaux articles doivent être notifiés aujourd'hui à la Convention nationale.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas attendre cette notification pour prendre un parti ?
Parce que si le conseil exécutif a modifié ce traité, il n'en est pas moins vrai que Montesquiou, en le proposant, a déshonoré la nation française ; parce qu'enfin, ayant diploma-tisé au lieu d'exécuter l'ordre qu'il a reçu, il a compromis et même trahi la République.
(La Convention adopte la proposition formulée par Barère.)
Suit le texte définitif des deux décrets rendus :
Premier décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, et la lecture de trois marchés passés au nom de la nation par le citoyen Vincent, commissaire ordonnateur en chef de l'armée du Midi, le 3 et 23 septembre dernier, avec le sieur Pierre-André Bemier, négociant à Ghambéry, décrète :
Art. 1er.
« Lesdits marchés sont frauduleux et nuls.
Art. 2.
« Le ministre de la guerre prendra les mesures nécessaires afin que l'armée du Midi n'éprouve aucun retard dans les fournitures qui lui sont nécessaires.
Art. 3.
« Il se fera rendre compte des livraisons qui auront été faites en êxécutioh dèsdits marchés, et il en payera le montant d'après l'estimation qu'il en sera faite, selon le prix courant à l'époque de la livraison des vivres, et autres objets fournis en conséquence desdits marchés, et il fera poursuivre le remboursement en assignats ou en espèces des sommes qui auraient été injustement payées.
Art. 4.
« Il expédiera dans le jour un courrier extraordinaire à l'armée du Midi, pour y porter les ordres de faire jârrêter les citoyens Vincent et Jacob Benjamin, lesquels seront traduits à la barre de l'Assemblée, pour y être entendus sur les clauses et conditions contenues dans les marchés des 3 et 23 septembre dernier. Le citoyen Vincent y rendra aussi compté de tous les marchés qu'il aura souscrits au nom de la nation ».
Deuxième décret.
« La Convention nationale renvoie aux comités de sûreté générale et de la guerre l'examen de la conduite du général Montesquiou, des différents faits dénoncés contre lui, ainsi que de la convention qu'il a faite, en sa qualité de général de l'armée de la République, avec la République de Genève, et que ie conseil exécutif provisoire a refusé de ratifier, pour du tout faire un rapport demain. Les commissaires envoyés à l'armée du Midi sont adjoints auxdits comités ».
, au nom du comité des finances, donne lecture du décret adopté à la
séance d'hier sauf rédaction (1) et ayant pour objet d? arrêter la
circulation des billets au porteur, dits « billets de confiance » ; ce
décret est ainsi conçu :
« Considérant que l'émission de ces billets, qui a été faite par des corps administratifs ou municipaux, compagnies ou particuliers, ne peut, dans aucun cas, former une dette à la charge de la République ;
Considérant qu'il est du devoir des représentants de la nation de prendre des mesures pour fournir au déficit qui pourrait résulter des diverses émissions de ces billets, afin que la portion du peuple la moins fortunée ne soit pas la victime de l'insolvabibité ou des manœuvres coupables des personnes qui les ont émis, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
«Dans le jour de la publication du présent décret, les conseils de département nommeront a a ou plusieurs commissaires pour vérifier l'état »ie la situation des caisses des directoires de département qui auront mis en circulation des billets au porteur, payables à vue, qui sont connus sous le nom de billets de confiance, patriotiques, de secours, ou sous toute autre dénomination.
Art. 2.
« Les idrectoires de département nommeront aussi, dans le même jour, un ou plusieurs commissaires pour vérifier l'état de la situation des caisses des administrations de district Ou de département qui auront mis en circulation de pareils billets.
Art. 3.
« Les directoires de district nommeront aussi, dans le même jour, un ou plusieurs commissaires pour vérifier l'état de situation des caisses des municipalités qui auront mis en circulation de pareils billets.
Art. 4.
« Lesdits commissaires se feront représenter les fonds et toutes les valeurs qui servent de gages auxdits billets qui se trouveront en circulation, et ils en dresseront un inventaire et procès-verbal.
Art. 5.
« Ils surveilleront aussi la vente qui sera faite par chaque administration, des valeurs qui servent dégagé auxdits billets, afin de se procurer de suite en assignats, ou en espèces, l'entier montant des billets qui seront en circulation.
Art. 6.
« Le jour de la publication du présent décret, les corps administratifs et municipaux cesseront l'émission desdits billets ; ils briseront les planches qui auront servi à leur fabrication. Ils retireront de suite ceux qui seront en circulation, et ils les feront annuler et brûler en présence du public, et en dresseront état et procès-verbal.
Art. 7.
« Les corps administratifs et municipaux qui auront fait des émissions, étant responsables du déficit qui pourrait exister dans leurs caisses, seront tenus d'y pourvoir à fur et mesure des besoins pour le remboursement; et faute par eux d'y satisfaire, ils y seront contraints, savoir : les directoires de département à la requête et diligence du commissaire nommé par le conseil de département, les administrateurs de district à la requête et diligence du procureur général syndic, et les corps municipaux à la requête et diligence du procureur syndic.
Art. 8.
« Dans le jour de la publication du présent décret, les municipalités seront tenues de faire, conformément aux dispositions de la loi du 1er avril dernier, une nouvelle vérification des caisses qui ont été régies par des compagnies ou par des particuliers qui auront mis en circulation des billets au porteur, de 25 livres et au-dessous, payables à vue, soit en échange d'assignats, soit en billets échangeables en assignats qui sont reçus de confiance, comme numéraire, dans les transactions journalières, et qui sont connus sous le nom de médailles de !confiance, de billets de confiance, patriotiques, de secours, ou sous toute autre dénomination.
Art. 9,
« Trois jours après ladite vérification, les compagnies et les particuliers qui auront en circulation desdits nillets, seront tenues de représenter à la municipalité les assignats ou les espèces qui seront nécessaires pour retirer tous les billets qui seront en circulation.
Art. 10.
« Les assignats ou espèces seront déposés dans une caisse à deux clefs, dont une restera au pouvoir des particuliers ou des intéressés dans es compagnies qui auront mis en circulation lesdits billets; l'autre sera remise à un commissaire nommé par le corps municipal.
Art. 11.
« Les particuliers ou les intéressés dans les compagnies, qui ne satisferont pas aux dispositions de l'article 9, y seront contraints par corps, à la requête et diligence du procureur de la commune, qui sera aussi chargé de faire saisir et arrêter tous les effets et marchandises appartenant audits particuliers ou compagnies.
Art. 12.
« Le corps municipal fera procéder de suite à la vente de tous les effets et marchandises qui auront été saisis; il poursuivra la rentrée des sommes qui pourront être dues auxdits particuliers ou compagnies. Les fonds provenant desdites ventes ou rentrées seront employés de suite, nonobstant toute opposition, à retirer les billets qui seront en circulation. L'excédent, s'il y en a, sera remis auxdits particuliers et compagnies, ou à leurs créanciers.
Art. 13. '
« Lesdits billets seront retirés par un préposé nommé par les particuliers ou par les compagnies qui les auront émis, et, à leur défaut, par
le conseil général de la commune. Ce préposé sera surveillé par un commissaire nommé par le corps municipal; ils seront brûlés chaque semaine en présence du peuple et du corps municipal, qui en dressera état et procès-verbal.
Art. 14.
« Pour faciliterla rentrée desdits billets, toutes les conditions qui s'y trouveront énoncées, de ne les rembourser qu'en assignats de 50 livres et au-dessus, sont annulées ; Tes corps administratifs étant chargés d'échanger auxdites compagnies ou particuliers des assignats de 50 livres et au-dessus, contre des assignats de 5 livres et au-dessous, jusqu'à concurrence des sommes qui leur seront nécessaires pour leur remboursement, lesquels échanges ne pourront avoir lieu qu'à fur et mesure des remboursements dûment justifiés.
Art. 15.
« Les corps administratifs qui n'auraient pas suffisamment des assignats de 5 livres et au-dessous pour opérer lesdits échanges, adresse-* ront leurs demandes, appuyées des pièces justificatives, au ministre de l'intérieur, qui leur en fera délivrer en échange, par la trésorerie nationale, jusqu'à concurrence des sommes qui pourront leur être nécessaires.
Art. 16.
« Le déficit qui pourra se trouver dans les caisses des particuliers ou des compagnies qui auront mis en circulation des billets au-dessous de 25 livres, payables à vue, en échange d'assignats ou en billets échangeables en assignats, connus sous le nom de billets patriotiques, de confiance, de secours, ou sous toute dénomination, qui sont reçus de confiance comme numéraire, dans les transactions journalières, le produit de la vente des effets et marchandises, et de la rentrée des dettes actives employé, sera supporté, à Paris, par le département; et dans les autres villes, il sera une charge des communes dans le territoire desquelles ces établissements ont eu lieu, sauf le recours contre les entrepreneurs, directeurs, associés ou intéressés dans lesdites caisses.
Art. 17.
« Le montant de ce déficit sera réparti au marc la livre, d'après le mode de contribution extraordinaire qui sera établi par la Convention, sur l'avis des corps administratifs et municipaux.
Art. 18.
« Pour obtenir l'autorisation de la contribution nécessaire pour le remboursement de ce déficit, le corps municipal adressera au directoire de district l'état de l'actif du passif desdites caisses. 11 y joindra son avis sur les causes qui ont occasionné le déficit, et sur le mode à adopter pour en opérer le remboursement.
Art. 19.
« Le directoire de district vérifiera ledit état. Il l'enverra, avec son avis, au directoire dé département, qui l'adressera sans délai, avec son avis, au ministre des contributions publiques, qui le fera passer à la Convention.
Art. 20,
« Dans le cas où quelque municipalité croirait
qu'il fût nécessaire de faire quelgue emprunt pour pouvoir retirer de suite lesdits billets qui seront en circulation, elle adressera ses vues aux corps administratifs qui les enverront de suite avec leur avis au ministre des contributions publiques, qui les fera passer à la Convention.
Art. 21.
« A compter du 1er janvier prochain, il ne pourra plus rester en circulation, dans toute la République, aucun billet au porteur payable à vue, de quelque somme qu'il soit. Les personnes qui, avant le 1er février prochain, n'auront pas exigé le remboursement des billets au-dessous de 25 livres, seront déchues de leur recours envers les communes; et celles qui, avant le 1er janvier prochain, ne se seront pas fait rembourser les billets de 25 livres et au-dessus, seront tenues, avant d'obtenir leur remboursement, de les faire viser au bureau chargé de percevoir les droits d'enregistrement, et d'y payer 2 0/0 de la valeur desdits billets.
Art. 22.
« À compter de la publication du présent décret, il est défendu aux corps administratifs et municipaux, et aux particuliers ou compagnies, de souscrire ni d'émettre aucun effet au porteur, sous quelque titre ou dénomination que ce soit, sous peine, par les contrevenants, d'être poursuivis et punis comme faux-monnayeurs. »
(La Convention adopte la rédaction de ce projet de décret.)
, au nom du comité des finances, donne lecture du décret adopté à la séance d'hier sauf rédaction (1 ) et tendant à ordonner à la Trésorerie nationale de mettre à la disposition du ministre de l'Intérieur une somme d'un million pour être par lui avancée au département de Paris, laquelle ser,a employée à retirer les billets au porteur au-dessous 25 livres ; ce décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que la trésoreriè nationale tiendra à la disposition du ministre de l'Intérieur la somme d'un million pour être par lui avancée au département de Paris; laquelle sera employée à retirer les billets au porteur au-dessous de 25 livres payables à vue, qui sont en circulation, et qui sont reçus de confiance comme numéraire dans les transactions journalières;
« Charge son comité des finances, section des contributions, de lui présenter demain un projet de décret qui règle le mode de ladite avance, et l'époque à laquelle elle sera faite, ainsi que les moyens à prendre pour obtenir lé remboursement, tant de ladite avance, que de celles qui ont été faites, au département et à la municipalité de Paris, pour le remboursement desdits billets. »
(La Convention adopte la rédaction de ce projet de décret.)
Je demande à ajouter quelques mots : d'abord c'est pour annoncer à la
Convention que plusieurs bataillons de volontaires, informés de la
rareté du numérairè et des besoins qu'en a la République, ont demandé
que leur solde ne leur fût payée qu'en assignats (Vifs
La discussion précédente sur les marchés passés pour l'approvisionnement de l'armée du Midi, après nous avoir convaincus qu'ils sont ruineux pour la République, doit, en outre des décrets que vous avez rendus, aboutir enfin à une autre sanction : c'est que, puisque les agents du pouvoir exécutif ont adopté dans leurs opérations le dangereux usage de se couvrir souvent de l'inviolabilité des commissaires de l'Assemblée, il est de notre devoir d'interdire désormais aux commissaires de la Convention d'autoriser aucune opération exécutive.
Je demande que ma proposition soit renvoyée à l'examen des comités réunis de la guerre et de sûreté générale, pour le rapport en être fait incessamment.
(La Convention ordonne le renvoi.)
Le citoyen Duval, capitaine de la corvette « la Perdrix », arrivant ae la Guadeloupe, est admis à la barre. Il s'exprime ainsi :
J'ai quitté ma patrie lorsque.la liberté commençait à y naître ; je l'ai soutenue, autant que j'ai pu, sur mon équipage, au milieu de l'aristocratie qui nous environnait. J'ai vu déployer à la Guadeloupe l'étendard de la révolte. Voici la lettre que m'écrivit le lieutenant général Fitz* Moris, le 1er octobre 1792 :
« Je vous adresse une lettre du commandant général, je vous prie de vous y conformer.
« P. S. La frégate la Calipso vient d'arborer le pavillon blanc. »
Extrait de la lettre du gouverneur général Darot au lieutenant général Filtz-Moris, 2i septembre.
« Le colonel Dubanol a pris la cocarde blanche ainsi que son régiment qui est à la Pointe-à-Pitre. Il a fait serment d'obéissance à l'Assemblée coloniale et au roi ; vous avez à vous conformer à cet exemple.
« Je vous envoie M. Hélie qui vous informera des raisons qui nous ont forcés de prendre la cocarde et le pavillon blanc. » Voici la réponse que j'ai faite : « Monsieur le commandant, il ne m'est pas plus permis de me conformer à votre intention qu'à la colonie de changer le pavillon national. le vous prie de faire lever la consigne qui regarde mon départ. » (Applaudissements.)
J'étais sûr de mon équipage, je serais parti malgré le gouverneur ; j'étais résolu de décharger mon artillerie et d'obliger le fort à me laisser sortir librement. J'ai trouvé heureusement le moyen de mettre à la voile pour France sans être obligé de prendre ces mesures violentes.
Mon intention était tout d'abord de rejoindre Rochambeau, mais je vis bientôt que cela était impossible. Rochambeau parut vers le 17 septembre à Pitre, mais il fut repoussé, car ses forces étaient trop faibles et il l'ut obligé de relâcher à Saint-Christophe où il reçut dès Anglais tous les secours nécessaires. On lui avait refusé jusqu'à de l'eau à la Martinique et à la Guadeloupe.
Je suis alors revenu dans ma patrie avec la crainte douloureuse que la contre-révolution n'y fût opérée, comme on me l'avait assuré. Mes craintes se sont dissipées en arrivant à terre. Je me dis en voyant flotter dans le port l'étendard de la République : L'Assemblee nationale
existe, elle va sauver les patriotes, elle va envoyer des forces et les colonies seront sauvées.
Je dépose sur le bureau le procès-verbal des faits que je viens de dénoncer; je dépose aussi ce signe du despotisme, cette médaille que l'on accordait à l'intrigue et non au mérite. (Applaudissements.)
Citoyen, la Convention nationale, touchée de votre patriotisme énergique, a entendu avec autant de sensibilité que d'indignation le récit affligeant que vous venez de lui faire. Au milieu des désastres qui ont troublé la plus belle partie de l'Amérique française, les îles du Vent semblaient s'être garanties des mouvements que les ennemis de la liberté cherchaient à leur imprimer depuis longtemps. La Guadeloupe s'était distinguée par sa sagesse et par son attachement aux'lois nouvelles de la métropole. De cruels ennemis ont changé ces dispositions, mais ces changements seront de courte durée quand les habitants de cette colonie un instant rebelle, apprendront les mauvais succès des contre-révolutionnaires de l'Europe. Non, les drapeaux et l'aristocratie ne déshonoreront pas longtemps les forts de la Guadeloupe. La France libre à jamais par une grande victoire, et qui a couvert de ses trophées Nice, Ghambéry, Mayence et Francfort, saura porter le même signal à travers les orages des mers. Les noms de Longwy et de la Guadeloupe seront honteusement réunis dans nos annales, jusqu'à ce que le génie de la liberté daigne les replacer un jour au rang des cités dignes du nom français.
La Convention nationale s'occupera des mesures qu'elle doit prendre et vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Citoyens, vous venez d'entendre avec indignation les affligeantes nouvelles de la Guadeloupe, cette colonie qui est restée si longtemps fidèle aux lois nationales. Souffrirez-vous que des chefs militaires, qui sont en contre-révolution évidente demeurent au poste que la patrie leur avait confié ? Souffrirez-vous qu'ils emploient contre la nation le pouvoir et les armes qu'ils ont reçus pour la défendre. Le pavillon du despotisme est arboré sur les ports de cette île ; ce drapeau blanc flotte sur ses forts. Voilà le contre-coup des événements du 10 août; voilà les préparatifs du despotisme sur toutes les possessions françaises. Pourriez-vous hésiter à décréter d'accusation les chefs militaires de cette colonie ? Vous avez sous les yeux le journal du capitaine Duval, et vous avez entendu ce qu'il vous a dit des faits de contreJrévolution dont il a été le témoin, et dont il s'est montré le courageux ennemi.
Je demande : 1° les décrets d'accusation contre les quatre chefs militaires de la Guadeloupe; 2° le renvoi aux comités des colonies et de marine, pour organiser les forces nécessaires pour rétablir l'ordre et l'exécution des lois nationales à la Guadeloupe ; 3° qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal du civisme et de la conduite courageuse du capitaine Duval et de son équipage. (Applaudissements.)
Je dois faire connaître à la Convention que ses comités de marine, de commerce, colonial et diplomatique s'étaient déjà préoccupés de la question. A la date du 2 novembre écoulé, il avait été porté à leur connaissance, par un paquebot arrivé de l'île de Niève, d'où il était parti le 15 septembre, que douze transports et trois frégates françaises, ayant des troupes
destinées pour la Martinique, avaient été repoussées au Fort-Royal par un vaisseau de 80 canons et une frégate, dont l'équipage était composé de nègres et de mulâtres libres, mais comme ces faits n'avaient pas été signifiés à leur attention d'une façon officielle, ils n'en avaient point parlé. Ils n'en avaient pas moins préparé un projet de décret qui me semble répondre**aux désirs formulés par le capitaine Duval et qui pourvoira sur-le-champ, j'en ai l'intime conviction, aux besoins les plus pressants de la colonie. Je demande la permission d'en donner lecture.
Le capitaine Duval, reparaissant à la barre : Je demande à ajouter deux mots. Il ne faut point confondre les innocents avec les coupables. Par exemple, Montel, lieutenant-colonel du régiment d'Aunis, et tout ce régiment sont restés fidèles à la liberté. Ce régiment était à Sainte-Lucie, ville généralement patriote. On aura voulu sans doute faire prêter le serment contre-révolutionnaire à Montel, mais il ne l'aura point fait, j'en réponds. D'ailleurs il ne faut pas croire que tous les colons soient ennemis de la Révolution; non, citoyens, la plupart sont séduits et trompés; les autres sont opprimés : il ne leur faut, pour les rendre à la patrie, que des lumières et des secours. Quand ils sauront ce qui s'est passé en France, il suffira de deux mille hommes, trois frégates et quelques avisos, et le drapeau de la Révolution ne tardera pas à flotter de nouveau sur ces îles. (Applaudissements.)
Un membre propose, avant d'entendre le projet présenté par Rouyer, de discuter la question de savoir si la France doit se séparer de ses colonies et leur rendre leur indépendance. (Murmures.)
(La Convention repousse cette proposition et décide d'entendre la lecture du projet rapporté par Rouyer. Elle arrête ensuite qu'il sera fait au procès-verbal mention honorable des discours et de la conduite du citoyen Duval et de son équipage.)
, au nom des comités de marine, de commerce, colonial et diplomatique réunis, soumet à la discussion un projet de décret (1) ayant pour objet un armement extraordinaire pour les Iles du Vent et Sous-le-Vent et le renouvellement des commissaires civils et des administrateurs civils et militaires de ces colonies; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, considérant qu'excepté, toutefois, les
commissaires civils actuellement à Saint-Domingue, dont le patriotisme
est reconnu, tous les commissaires, commandants militaires,
administrateurs et autres fonctionnaires quelconques, employés jusqu'à
ce jour aux colonies de l'Amérique, pour y propager le patriotisme et y
faire exécuter les nouvelles lois, n'ont que trop secondéj[les
intentions criminelles d'une Cour perfide, en abusant des pouvoirs qui
leur étaient confiés, et des forces remises à leur disposition, pour y
maintenir la tyrannie et persécuter les véritables amis de la liberté et
de l'égalité ; persuadée de l'importance de ces possessions françaises
pour la richesse nationale ; convaincue qu'il n'y a pas de temps à
perdre pour soustraire à la tyrannie les patriotes zélés dont, surtout,
les villes de ces îles sont peuplées, décrète ce qui suit : er.
« Le ministre de la marine est autorisé à rappeler et remplacer ceux des commissaires civils actuellement aux Iles du Vent, ainsi que commandants militaires, administrateurs en chefs et tous autres fonctionnaires employés aux Iles du Vent et Sous-le-Vent de l'Amérique, dont le civisme pourra être suspect.
Art. 2.
« Il fera passer aux Iles du Vent trois bataillons de gardes nationales, de huit cents hommes chacun, et il fera armer, pour leur transport, des bâtiments nationaux, vaisseaux, frégates, corvettes ou gabarres.
Art. 3.
« Il ordonnera l'armement en guerre d'un vaisseau de 74 canons, qui, avec le vaisseau le Républicain, de 110 canons, déjà armé, sera destiné aux lies du Vent. Les vaisseaux seront accompagnés de quatre frégates ou corvettes.
Art- 4.
« La Convention nationale nommera elle-même, mais hors de son sein, quatre commissaires qui seront destinés, l'un pour Cayenne et les trois autres pour les Iles du Vent.
Art. 5.
« Ces commissaires seront revêtus de tous les pouvoirs. Les commandants et officiers militaires de terre et de mer, les ordonnateurs et officiers d'administration, les corps administratifs et judiciaires, ainsi que toutes les assemblées délibérantes, soit générales, soit particulières, enfin tous les fonctionnaires publics leur seront subordonnés; ils pourront destituer et faire arrêter, s'il le faut, ceux qu'ils jugeront ne pas remplir dignement leurs places, qui se soient rendus coupables d'incivisme, et ils pourvoiront à leur remplacement, dans les formes légales. Ces commissaires sont encore autorisés à dissoudre, s'ils le jugent à propos, les assemblées et les municipalités actuellement existantes.
Art. 6.
h Les commissaires civils aux îles du Vent pourront, s'ils le jugent utile après leur mission remplie, passer à Saint-Domingue pour se réunir à ceux envoyés dans cette colonie, et ils pourront y emmener avec eux le nombre des bataillons de ligne ou de gardes nationales, vaisseaux, frégates ou corvettes, qu'ils estimeront nécessaire pour soutenir et protéger leurs opérations.
Art. 7.
« Le* commissaires porteront, pour marque distinctive, un ruban aux trois couleurs, avec la même médaille qui a été accordée aux commissaires qui sont déjà aux Iles sous le Vent. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Les précédentes décisions de la Convention, ainsi que l'adoption du décret présenté par Rouyer m'ont donné satisfaction sur deux points '/mais il en est un troisième que je considère comme nécessaire, car il ne suffit pas, à mon avis, de pourvoir seulement aux besoins les plus pressants de la colonie pour arrêter la contre-révolution; il faut
encore en punir les auteurs. Je demande le décret d'accusation contre Darot, et Filtz-Moris, gouverneur de la Guadeloupe; Bonnier, major de la Basseterre, et Gelleron, major de la Pointe-à-Pitre; Dubarrail, lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe ; Minut, intendant de ladite île ; Mallevault, commandant la frégate la Calypso ; Bahague, gouverneur général des îles du Vent, et Larivière, commandant le vaisseau la Ferme.
appuie ces propositions.
(La Convention décrète d'accusation Darot et Filtz-Moris, gouverneur de la Guadeloupe ; Bonnier, major de la Basseterre, et Gelleron, major de la Pointe-à-Pitre; Dubarrail, lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe ; Minut, intendant de ladite île, ; Mallevault, commandant la frégate la Calypso; Behague, gouverneur général des îles du Vent, et Larivière, com-. mandant le vaisseau la Ferme).
déclarent avoir dénoncé vainement tous ces faits à l'ancien ministère, et proposent d'arrêter l'ex-ministre de la marine Lacoste, pour avoir mal choisi ses employés dans lesdites îles et pour, n'y avoir pas envoyé des forces suffisantes, qui auraient étouffé, des le début, la contre-révolution.
Plusieurs membres combattent cette proposition, s'appuyant sur ce fait que nul décret n'a été porté contre cet ancien ministre.
(La Convention décrète le renvoi au comité de marine qui en fera son rapport demain, des propositions formulées par Billaud-Varenne et Guilhermin, et ordonne ensuite que l'ex-ministre Lacoste sera mandé à la barre.)
Je demande le décret d'accusation contre Villevieille, commandant la frégate la Didon, pour avoir, à dessein, coulé bas ce navire par un combat simulé contre la frégate la Perdrix. Villevieille a, de plus, arboré en plein jour la cocarde blanche.
(La Convention décrète d'accusation Ville-vieille, commandant la Didon.)
(de Thionville). Je rappelle à la Convention que dans les nombreux rapports faits par Brissot à l'Afesemblée législative, relativement aux colonies, de nombreux chefs d'accusation s'étaient réunis contre Blanchelande. Je demande que la Convention le décrète aussi d'accusation.
Sans chercher à excuser Blanchelande, je demande qu'on ajourne la proposition de Merlin. Il est de fait que le gouverneur de Saint-Domingue a été accusé d'avoir contribué à l'incendie de treize habitations, mais il n'y a que des présomptions et nulle preuve.
Il a traîné la révolte et l'incendie dans le sud de la colonie.
11 a été dénoncé vingt fois à l'Assemblée législative.
Les délits dont il s'est précédemment rendu coupable motivent suffisamment le décret.
(La Convention décrète d'accusation Blanchelande).'
Suit le texte global et définitif des décrets rendus à cet égard :
« Sur les motions faites par divers membres,
la Convention décrète d'accusation Darot et Filtz-Moris, gouverneur de la Guadeloupe ; Bonnier, major de la Basseterre, et Gelleron, major de la Pointe-à-Pitre; Dubarrail, lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe; Minut, intendant de ladite île ; Mallevault, commandant la frégate la Calypso ; Behague, gouverneur général des Iles du Vent ; Larivière, commandant le vaisseau la Ferme; Villevieille, commandant la Didon, et Blanchelande, gouverneur de Saint-Domingue. Sur la dénonciation faite contre,l'ex-ministre delà marine, Lacoste, pour avoir mal choisi les employés dans lesdites îles et pour n'y avoir pas envoyé des forces suffisantes, la Convention décrète le renvoi au comité de la marine, lequel en fera son rapport demain, et ordonne que ledit Lacoste sera mandé à la barre. »
observe que tous les faits dénoncés par Duval prouvent encore les trahisons du ci-devant roi. 11 demande qu'on joigne aux pièces de son procès le mémoire d éposé sur le bureau.
(La Convention renvoie le mémoire déposé par Duval au comité des colonies et au comité chargé de recueillir les faits qui constatent les trahisons du ci-devant roi.)
Un membre assure que les émigrés s'embarquent pour les colonies et vont jouir de la contre-révolution qu'ils trouveront faite à la Guadeloupe. Il propose que la loi sur les émigrés s'étende à tous ceux qui ont émigré dans nos colonies.
Un autre membre combat cette motion et réclame l'ordre du jour sur ce que le mot France comprend dans cette loi les colonies.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)
pache, ministre de la guerre. J'apporte à la Convention copie de la lettre que j'ai eu l'honneur de lui adresser ce matin ; je la prévenais qu'ayant expédié des ordres aux volontaires qui sont à Paris pour qu'ils se rendissent aux frontières, Berruyer a prétendu qu'ils ne devaient partir que pâr ordre de l'Assemblée. Je prie la Convention de vouloir bien prononcer sur cet objet.
Ces hommes ne sont point des volontaires,'mais des gardes nationaux venus de Marseille pour secourir Paris dans un moment de crise. 11 faut être exact sur les faits.
Ce matin,, il a été question de cette lettre et elle a été renvoyée au comité militaire; je demande l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour ainsi motivé).
Clavière, ministre des contributions publiques, demande pour le citoyen Cusset,- député du Rhône-et-Loire, un congé pour un mois, relativement à des opérations utiles.
Plusieurs membres objectent que le ministre ne peut avoir cette initiative.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur la demande de Clavière.)
C'est pour servir la République que je demande un congé et j'ai cru devoir le faire motiver par le ministre qui connaît quel en est le but.
(La Convention accorde le congé.)
Clavière, ministre des contributions publiques. Le recensement des impositions de 1791 est fort en retard: il s'élève à 174 millions. La cause en est sur ce que les contribuables, en grande quantité, prétendent être surimposés. Je viens déposer sur le bureau de la Convention un mémoire sur les moyens de hâter le recouvrement des rôles des contributions de 1791.
(La Convention renvoie le mémoire au comité des finances).
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret tendant à ordonner que les parties prenantes dans les différentes caisses de la République et les fonctionnaires publics seront tenus de rapporter la quittance de la totalité de la contribution mobilière de 1791 ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que les parties prenantes dans les différentes caisses de la République et les fonctionnaires publics, obligés de justifier de leur résidence en France et de l'acquit des contributions, seront tenus, pour recevoir leur payement, sans préjudice des autres formalités pre'scrites par les lois antérieures, de rapporter, en la même forme que par le passé, la quittance de la totalité de la contribution mobilière de 1791 ».
(La Convention adopte le projet de décret.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Sillery, député delà Somme, qui sollicite un congé de huit jours.
(La Convention accorde le congé.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre d'Albitte l'aîné, député de la Seine-Inférieure, qui sollicite un congé de quinze jours.
(La Convention accorde le congé.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de la. convention nationale du
Rapport de la commission des lettres de cachet, sur la pétition du sieur Joseph Broqua, victime de trois arrêts du conseil des dépêches.
Messieurs,
Dans la traversée de Rordeaux au Cap, à bord du navire marchand le Bailli-de-Suffren, dans lequel le sieur Joseph Broqua était premier lieutenant, la mésintelligence se mit entre lui et le capitaine, nommé Labrouche; il crut avoir à s'en plaindre et, en arrivant au Cap, où le navire mouilla, le 18 novembre 1784, il porta ses plaintes au commissaire des classes ; celui-ci manda le capitaine quelques jours après. Le capitaine, en se rendant chez lui, présenta un procès-verbal contre le lieutenant, signé de l'état-major, et chargé de diverses inculpa-
tions (1). Mais ce procès-verbal était daté du 21 novembre, trois jours après l'arrivée ; il eut dû l'être du jour même où le capitaine prétendait que le lieutenant avait eu des torts ; en conséquence, le commissaire du Cap le déclara nul et ne voulut plus rien connaître de l'affaire.
Le sieur Broqua se pourvut donc à l'amirauté le 2 décembre suivant; le tribunal se saisit de la cause, civilisa la plainte, entendit des témoins, appela le capitaine et finit par condamner le lieutenant sur des raisons trop étonnantes pour qu'elles ne soient pas produites devant l'Assemblée nationale, et que ce tribunal extraordinaire ne soit pas bien connu. Il condamne le lieutenant,: 1° àcause;de la nature des objets de sa plainte ; 2° à cause de ce qui résultait de l'information (2) ; 3° enfin à cause de la lenteur mise par le lieutenant dans la poursuite de sa procédure.
Le lieutenant appela de cette sentence bizarre au conseii supérieur du Cap. Lelapnseil cassa la sentence de l'amirauté, condamh% le capitaine à des dommages et intérêts, et mit sur quelques chefs les parties hors de cours (3). Pendant que se poursuivaient ces procédures, le lieutenant, qui ne pouvait plus servir avec le capitaine, était volontaire sur la frégate la Cérès dès le 1er février 1785. Mais l'arrêt du conseil supérieur avait eu son effet, et le lieutenant devait regarder son procès comme entièrement fini.
Cependant, tandis qu'il était en course, le sieur Labrouche, de retour en France, présentait une requête au conseil des dépêches. Ce conseil ne suivait pas toujours les formes prescrites, souvent il cassait des arrêts sur requête, sans en ordonner auparavant la communication à partie; quelquefois même, au mépris du règlement, comme il le fit dans cette cause, il admettait les requêtes sans qu'elles fussent signées de deux avocats.
C'était donc tandis que le sieur Broqua faisait son service sur la frégate la Cérès, que ce tribunal rendait un arrêt sur la requête de M. Labrouche. Il employait pour motif le procès-verbal que le commissaire du Cap avait déclaré nul au terme de l'ordonnance; il condamnait le lieutenant dans son absence et à son insu; il le déshonorait par des affiches ; et quand, au retour de la frégate, le lieutenant débarqua à Bordeaux, il trouva toute cette procédure consommée, sa fortune altérée par l'arrêt du conseil des dépêches, et la perte de son état dans le dispositif injurieux de cet arrêt : il recueillit donc ce qui lui restait de forces, de courage et de moyens ; il vint à Paris, forma opposition à l'arrêt du conseil des dépêches, présenta une requête en forme et somma sa partie de produire (4).
La loi donnait 2 mois et 8 jours depuis la for-
mation pour produire. Quand la partie laissait passer le terme fatal, l'opposant devait obtenir les fins de sa requête par forclusion, mais pendant tout ce délai il n'avait nulle poursuite à faire et il attendait, sous la sauvegarde des lois, les réponses de sa partie ou son désistement à poursuivre.
En vertu de ces lois, le sieur Broqua devait tout espérer d'un nouveau jugement. Mais il y avait contre lui deux terribles griefs, qui devaient paraître bien graves aux yeux du conseil des dépêches : 1° il m'était que lieutenant, il plaidait contre son capitaine, et la grande loi de fa subordination trop mal entendue dans ces temps-là voulait qu'il eût tort ; 2° il était noble et il avait sèrvi dans la marine marchande, et cette dérogeance ne permettait guère qu'il eût raison : le conseil des dépêches débouta donc l'opposant avant l'expiration des délais (1), il confirma son premier arrêt avant d'avoir reçu de nouvelles défenses du capitaine; et pour plus de sûreté dans la suite contre le lieutenant, il évoqua à lui toutes contestations à ce sujet nées et à naître.
Le sieur Broqua ne pouvait plus rien auprès de ce conseil des dépêches, qui ne suivait point les formes, qui n'écoutait point les réclamations et qui détruisait, arbitrairement et par l'abus le plus intolérable du pouvoir, les droits civils et naturels des hommes. Il se soumit donc à l'infortune; et s'il fit dans la suite quelques nouveaux efforts, ils ne servirent pi'à lui prouver la fausseté des promesses, l'illusion des protections ; et tout ce qu'il put faire avec de l'industrie, de la conduite et l'économie la plus sévère fut de ne pas périr dans le malheur.
Mais la Révolution lui rendit ses espérances en lui promettant de venger ses droits; il se représenta au conseil au commencement de 1790. Il fournit ses moyens, établit son innocence, décrivit ses infortunes, dévoila la violation des lois et demanda qu'on lui rendît enfin justice. Il serait naturel de s'attendre que cette nouvelle tentative dans la seconde année de la liberté, dans l'aurore de l'égalité des droits et sous le règne de la loi eût produit un bon effet... Ce fut tout le contraire.
Sur le vu de la requêté, dit le nouvel arrêt, le tout bien et mûrement considéré, sans autre information, le roi étant en son conseil a débouté le sieur Broqua de toutes ses demandes, fins et conclusions, et cela se fait, est-il dit, au conseil du roi, Sa Majesté y étant, le 23 mars 1790.
Cette nouvelle confirmation des anciennes erreurs mit le sieur Broqua dans la nécessité de s'adresser à l'Assemblée constituante. 11. y fut reçu, sa pétition fut renvoyée au comité des lettres de cachet, et la commission a trouvé dans les cartons de ce comité les pièces déposées par le sieur Broqua, les preuves de l'intention où ses membres étaient d'en faire le rapport, plusieurs lettres qu'ils avaient écrites au ministre de la marine en sa faveur, et les réponses du ministre qui lui donnaient l'espoir d'être placé. Mais les travaux de l'Assemblée constituante ayant toujours arrêté les rapports du comité, ce n'est qu'aujourd'hui que le sieur Broqua a pu se faire entendre ; et maintenant, rainé par ces actes illégaux, endetté de plus de 10,000 livres envers sa caution, qui a soldé les frais de son procès; à découvert de plus de 40,000 livres
par les torts qu'il a soufferts, il ne peut pas même espérer d'être placé sur les vaisseaux de l'Etat, à moins qu'un décret ne le mette sur la ligne des remplacements.
Il ne peut pas davantage porter au tribunal de cassation l'arrêt qui l'a ruiné, parce que, tandis qu'il se confiait à l'Assemblée constituante et dès avant la fin de la session, les délais fixés pour se présenter au tribunal étaient expirés.
La commission a donc pensé : 1° que nul citoyen ne devait être la victime de sa confiance aux représentants du peuple, ni des lenteurs qui lui ont fermé son recours vers les tribunaux; 2° que la justice accordée aux officiers destitués arbitrairement par le décret du mois de septembre 1791 devait être étendue à tous les citoyens de tout grade et de tout service, et elle a cru devoir proposer à l'Assemblée nationale le projet de décret suivant :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de la commission des lettres de cachet sur la pétition du sieur Broqua ; considérant que, depuis le recouvrement de la liberté et le règne des lois, quelques citoyens qui avaient à se plaindre des abus de l'ancien pouvoir judiciaire ont porté leur réclamation à l'Assemblée constituante, sans que les grands objets dont elle était occupée lui aient ^permis de donner son attention à tous ceux qui n'étaient que d'un intérêt particulier: considérant que la confiance qu'avaient en elle ces citoyens ne doit pas être trompée, et qu'ils ne doivent point être frustrés de la justice qu'ils sollicitaient, par les lenteurs inévitables que la multitude des affaires mettait entre les rapports de chacune d'elles ; considérant que la justice rendue par le décret du mois de septembre 1791, aux officiers arbitrairement destitués, doit s'étendre à tous les citoyens que des jugements illégaux ont empêché de continuer leur service, décrète premièrement qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
v « Pendant trois mois, à compter de la date du présent, le sieur Joseph Broqua sera admis à se pourvoir au tribunal de cassation contre les arrêts du conseil des dépêches dans sa cause contre le sieur Labrouche, sans que la rigueur des délais fixés par l'article 15 de la loi du 27 novembre 1790 puisse lui être appliquée.
Art. 2,
« Le sieur Joseph Broqua, ancien volontaire sur la frégate la Cêrès, pourra se faire inscrire sur la liste des remplacements au rang des volontaires sur les vaisseaux de l'Etat, et le temps depuis qu'il a cessé de servir jusqu'à son replacement lui sera compté comme temps de service. »
Séance du
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi, 8 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre et arrêté du département du Cher, relativement aux troubles qui ont eu lieu à Vierzon, par le fait du prêtre Vaillant, curé de Saint-Pierre de cette ville, et aux mesures prises par les administrateurs pour les faire cesser.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de sûreté générale.)
2° Proiet de réforme dans le régime des loteries, par le citoyen Bogillot, grenadier de la légion de Besançon.
(La Convention renvoie ce projet au comité des finances.)
3° Lettre des directeurs du juré d'accusation .près le tribunal criminel des 17 août et 11 septembre derniers, relativement aux sieurs Bonne-fond et Rozès, ci-devant gardes du corps, prévenus d'émigration, dont le délit leur paraît de la compétence d'une cour martiale.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.) ■
4° Lettre des citoyens de la ville de Fontenay, • département de la Vendée, qui demandent que les trois quarts des assignats-coupures soient distribués aux municipalités, en échange des assignats qu'elles ont en caisse pour sûreté des bons et billets de confiance qu'elles ont émis.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
5° Adresse des citoyens amis de la liberté et de l'égalité de la ville de Strasbourg, qui marquent leur mépris pour l'alliance de la République avec les rois, et demandent que la nation française n'en forme qu'avec les peuples libres, et avec les peuples qui veulent la liberté.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
6° Adresse des citoyens de la commune de Saint-Pal de Chalançon, département de la Haute-Loire, qui félicitent la Convention nationale de sa fermeté, et adhèrent au décret qui abolit la royauté.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
7° Pétition des officiers municipaux et citoyens de la commune de Villecerf (Seine-et-Marne), qui réclament contre la vente des prés, et autres objets de leur fabrique, qui servaient à alimenter les bestiaux des citoyens pauvres de cette commune.
(La Convention renvoie la lettre au comité des subsistances.)
8° Adresse des maire et officiers municipaux, électeurs et citoyens de la commune de la Roche-Guy on, département de Seine-et-Oise. Ils se plaignent que leurs marchés manquent des grains suffisants pour la nombreuse population qui y vient faire ses achats.
(La Convention renvoie l'adresse au comité des subsistances.)
9° Adresse des citoyens de la commune de Saint-Claude, département delà Charente, qui demandent l'abrogation de tous dons ou testaments faits au désavantage des citoyens qui défendent nos frontières.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de législation.)
10° Adresse de la société des amis de la liberté et de l'égalité à Morlaix, qui annoncent à la Convention qu'un écrivain forcené, qui a l'impudeur de se dire Y Ami du Peuple, leur a adressé le -prospectus de ses œuvres, et quelques numéros de son journal, qu'ils lui ont renvoyés; et que s'il continue de leur en faire l'envoi, ils les feront brûler avec ignominie.
11° Adresse des domestiques, portiers et serviteurs à gages de la section du Luxembourg, qui se plaignent de ce qu'à leur section on leur refuse des cartes pour voter dans les assemblées.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de constitution.)
12° Lettre des amis de la liberté et de Végalité du district de Vitré, par laquelle ils improuvent la conduite de la ville de Paris, qui paraît repousser la proposition de former une garde près la Convention nationale, prise dans les quatre-vingt-trois départements.
13° Pétition des auteurs dramatiques, qui réclament l'exécution des décrets des 13 janvier et 19 juillet 1791, relativement aux ouvrages dramatiques, et la nullité de celui du 30 août-sur les spectacles.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
14° Pétition des citoyens Esnault et Albert, électeurs du district et canton de Ségré, relativement à leur rejection.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
15° Pétition du citoyen Hue, qui réclame une pension de 800 livres sur les biens du sieur Jouville, émigré.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.) «
16° Pétition de plusieurs particuliers accusés de troubles séditieux à l'Ile-Dieu, département de la Vendée.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de l'intérieur.)
17° Pétition des gardes des bois nationaux du cantons de Saint-Josse-sur- Mer, Lépine et Roussent (Pas-de-Calais), qui demandent une augmentation de gages, et l'exécution des lois relatives à leurs fonctions.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
18° Pétition du citoyen Guys, officier de l'administration de la marine,, faisant les fonctions du commissaire des guerres à Tabago, qui réclame les appointements de sa place.
(La Convention renvoie la pétition aux comités de liquidation et des colonies réunis.)
19° Pétition des commis des bureaux d'administration du district de Saint-Jean-d' Angely, qui réclament en leur faveur l'exécution de la loi du 27. août dernier, qui conserve aux citoyens ayant un emploi public, qui marcheront sur les frontières, leur place et un tiers de leurs appointements.
(La Convention renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
20° Pétition du citoyen Becdelièvre, de la ville de Louviers, âgé de quatre-vingt-quatre ans, contenant demande d'une pension sur la liste civile, pour service militaire.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
21° Pétition du citoyen Félix, greffier du tribunal de district de Vitry-le-Français, qui réclame le payement d'une somme de 596 1. 15 s., pour lournitures de papier timbré et expéditions de procédures criminelles.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
22° Pétition du citoyen ThaWhois, capitaine invalide, âgé de soixante-neuf ans, qui se plaint que le trésorier de l'Hôtel des Invalides lui refuse le décompte qui lui revient sur sa pension.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre.)
23° Plainte contre les administrateurs des droits réunis de l' enregistrement et du timbre, dans le département de la Sarthe, sur ce qu'ils font graver dans le filament de leurs papiers le nombre de lignes prescrit par la loi.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
24° Pétition de la citoyenne femme Palloy le Patriote, et de sa famille, qui réclament contre les menaces faites à leurs propriétés, à cause de l'affaire de Rhetel.
(La Convention renvoie la pétition au comité de sûreté générale.)
25° Réclamation du citoyen Batoufflet, et autres, contre un sieur Beausset,(\\i\ leur retient une succession considérable à Pondichéry.
(La Convention renvoie la pétition au comité des colonies),
26° Lettre de Garat, ministre de la justice, qui demande que la Convention attribue au tribunal criminel du département du Bas-Rhin, où la langue allemande est l'idiôme usuel, la connaissance d'un procès pour cause .de meurtre qui a eu lieu dans le département de la Meurthe.
(La Convention décrète cette proposition, convertie en motion par un de ses membres.)
27° Adresse des citoyens de Mâcon qui demandent ou qu'on décrète sur eux une imposition temporaire pour le soulagement des femmes et des enfants dont les époux et les pères sont aux frontières, ou que les quatre pour cent des fondations pieuses soient attribués à cet objet.
« Législateurs, disent-ils, de braves citoyens de notre département, du moment que la patrie a .été déclarée en danger, ont volé aux frontières. Décrétez sur nous une imposition que nous demandons et que nous réclamons pour le soulagement des femmes et des enfants qu'ils ont laissés. Nous payerons sans murmurer, soyez-en sûrs. Votre cœur paternel vous dicte-t-il que c'est trop fatiguer vos enfants? Eh bien, législateurs, les 4 G/0 décrétés pour l'acquit des fondations pieuses, doivent être employées à cette œuvre pie, et les mânes de nos ancêtres reposeront bien plus en paix. »
(La Convention décrète la mention honorable de ces sentiments patriotiques, et renvoie la demande au comité de législation.)
28° Adresse du directoire du district de Chau-
mont, chef-lieu du département de la Haute-Marne, qui annonce que dans son arrondissement les biens des émigrés sont en vente, et que leur mobilier est presqu'entièrèment vendu. Il demande que la Convention veuille terminer incessamment la loi sur les émigrés.)
(La Convention décrète la mention honorable du civisme des administrateurs.)
29° Adresse de la -société des Amis de la liberté et de l'égalité séante à Guise, district de Vervins, qui envoie son adhésion au décret de l'abolition de la royauté, et jure de poursuivre à jamais toute espèce de tyrannie.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
30° Lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui adresse à la Convention nationale le résultat de la seconde négociation qui a eu lieu à Handay, près de Genève, et la copie de l'acte passé entre la République française et la République de Genève.
Suit la teneur de ces pièces :
Extrait de la lettre du général Montesquiou au ministre des affaires étrangères, à Handay, près Genève.
« J'ai l'honneur de vous envoyer, citoyen, le résultat de la seconde négociation, et de vous rendre compte de ce qui s'est passé pendant sa durée, lia fallu d'abora que le conseil de Genève investit de nouveaux pouvoirs ses commissaires ; cela n'a pas fait la moindre difficulté. Ce choix est tombé sur les mêmes auxquels seulement M. d'Yverneau a été ajouté. La conférence s'est tenue hier chez moi en présence de M. le résident de France et du secrétaire de légation, porteur de la présente dépêche. Je désire que notre résultat vous satisfasse; il est. à peu près tel que vous le désiriez; mais, cependant, il y a un point sur lèquel je n'ai pu obtenir le sacrifice entier, c'est celui de la réserve du trailé de 1784. J'ai retourné de toutes les manières les arguments par lesquels j'ai entrepris de prouver l'inutilité de cet article, puisque nous n'attaquions aucun traité, et son inconvenance dans une simple transaction sur un diiférend tout, à fait particulier. Ainsi que je l'avais prévu, les députés Genevois ont opiniâtrement persisté à vouloir la réserve de leur traité de 1784; ils ont dit que, depuis cette époque, Genève n'avait conclu aucun acte public, sans y rappeler ce traité que le peuple Génevois regardait comme le plus ferme appui de son indépendance, et ce n'est qu'après m'étre vu réduit à rompre toute négociation, ou à modifier la volonté que vous m'aviez exprimée de la radiation totale de cet article, que j'ai proposé une rédaction qui m'a paru, pour nous, équivalente à la suppression que vous vouliez. Cette rédaction consiste à ne mettre la réserve que sous le nom de la République de Genève, et y ajouter la suite.
« N'entendant la République française, que ladite réserve puisse la lier aux traités dans lesquels elle n'est point intervenue, ni préjudicier en rien à la faculté qu'elle s'est réservée de revoir ses propres traités, exécutés provisoirement jusqu'à l'époque de cette révision. »
« Cette rédaction a été enfin acceptée; je me flatte que vous l'accepterez aussi, parce qu'il me semble qu'elle répond aux objections que vous aviez faites à l'article précédemment proposé.
« Il dépend de vous, à présent, que l'affaire de ; Genève soit terminée, et peut-être avec elle la mésintelligence des Suisses. Je ne vous présenterai pas de nouvelles réflexions à ce sujet ; je ne pourrais rien vous dire que vous n'ayez déjà pesé dans votre sagesse ; mais comme militaire et comme citoyen fort attaché à la République française, je désiré qu'une très ehétive querelle en elle-même n'ait pas de suites si considérables ; je le désire d'autant plus, que nous devons nous attendre à avoir, l'année prochaine, à lutter au Midi contre ceux qui voudront se venger des scènes que nous avons eues cette année, et qu'une guerre avec les Suisses aérait une diversion bien favorable aux Piémontais.
« Je demande la permission de faire rentrer l'armée dans ses quartiers d'hiver, car je n'ai plus de moyens pour la faire subsister dans ce pays-ci, et désormais elle m'y semble inutile.
Le général de Varmée des Alpes, « Signé : montesquiou. »
Copie de là convention conclue entre la République française et la République de Genève.
« Le conseil souverain de la République de Genève ayant, au moment de l'entrée des troupes françaises en Savoie, autorisé les syndics et conseil à réquérir des louables cantons de Zurich et de Berne, d'envoyer à Genève un secours de 1,600 hommes pour préserver cette ville de toute entreprise des puissances belligérances, les troupes y furent introduites le 30 septembre.
« L'événement de la guerre ayant amené la dispersion des troupes sardes, et l'évacuation entière de la Savoie, le gouvernement envisagea la demande d'un tel secours, au moment où l'armée française se»le environnait Genève, comme l'effet d'une méfiance injurieuse. Le résident de France fit,; sur cette demande, les observations que ses instructions lui dictaient, requit expressément la sortie du secours Suisse, et renouvela, au surplus, l'engagement de maintenir la liberté entière et l'indépendance de l'état et de la ville de Genève, conformément à tous les traités, et d'après les principes solennellement proclamés par la nation française, de renoncer à toute conquête, et de respecter les droits de tous les peuples : les syndics et conseils de Genève retenus par leurs premières alarmes, et jugeant que la sûreté de la République de Genève se trouvait compromise, y refuserent leur acquiescement. Sur ce refus, le résident de France remit l'ordre de protester contre l'introduction des troupes appelées dans Genève, et de se retirer de cette ville. Alors les liens d'amitié qui unissaient depuis si longtemps Genève à la France, furent un moment relâchés^ et auraient peut-être été rompus, si des communications franches et amicales n'eussent prévenu des mesures hostiles.
« Le conseil exécutif provisoire de France, en chargeant le citoyen français Anne-Pierre Mon-tesquiou-Fezensac, générai de l'armée des Alpes, de soutenir, contre toute atteinte, la dignité de la République française, lui a donné en même temps de pleins ,pouvoirs pour terminer à l'amiable les différends qui s'étaient élevés. Les syndics et conseil de Genève, empressés de donner à la France des marques non équivoques de l'attachement de leur République et du désir qu'ont les Genevois de maintenir la bonne harmonie qui a si heureusement, pour leur patrie, subsisté entre les deux Etats, ont également investi de leurs pleins pouvoirs leurs féaux et
bien aimés frères, Jacob-François Prévôt, conseiller d'Etat, Ami Lullin, ancien consseiller d'Etat, membre du grand conseil, et François d'Yverneau, conseiller du grand conseil.
« Les susdits plénipotentiaires, réunis au quartier général de Landrecy, le plénipotentiaire de la République française a déclaré que la France, incapable ae redouter ses ennemis, l'était également d'abuser de la victoire; que venant de rendre à lui-même un peuple conquis, à l'instant même de la conquête, elle ne pouvait être raisonnablement soupçonnée de vouloir porter atteinte à la liberté d'un peuple ami ; que les calculs de la puissance contre la faiblesse, cette doctrine insolente] des despotes, seraient toujours étrangers à une nation qui a fondé ses propres droits sur les droits imprescriptibles de l'homme; que, lorsqu'au prix du sang de ses concitoyens, la République française repousse toute intervention étrangère, elle doit s'honorer en déclarant qu'elle ne prétend introduire aucunes troupes ni dans la ville de Genève, ni sur son territoire ; qu'elle n'entend exercer aucune autorité sur cette République, aucune espèce d'influence sur son gouvernement; que si, dans les circonstances actuelles la France demande aux syndics et conseil de se contenter des forces armées de la République pour remplir le devoir de la défendre et d'y faireobservér et respecter les lois qui la régissent, c'est qu'elle .regarde cette mesure comme un garant delà liberté de Genève, et comme un moyen de rendre inviolable la neutralité que cette ville a professée, et que, pour son propre intérêt, elle doit religieusement observer; qu'enfin les intentions de la France, si souvent et si hautement pro-uoncées, ne peuvent être suspectes à un peuple libre, et qu'il ne serait permis de les calomnier qu'aux fauteurs du despotisme et de la tyrannie.
« Les plénipotentiaires des syndics et conseil de Genève, après avoir déclaré de leur part qu'ayant l'honneur d'être les magistrats d'un peuple libre, ils ne reconnaissent et ne reconnaîtront jamais d'autres juges de leur conduite que l'Etre suprême et leurs concitoyens, ont ajouté que le gouvernement de Genève, lié par sa profonde reconnaissance envers la France, et par ses ddvoirs envers sa patrie, a travaillé constamment à conserver les relations honorables et utiles qui unissaient les Genevois avec la nation française ; que loin devoir eu ou seulement conçu des idées hostiles, il a été sans relâche occupé des moyens de conserver la paix; que s'il a désiré et obtenu que Genève fût comprise dans la neutralité du corps helvétique, c'est qu'il savait combien cette neutralité était loyale et franche, et qu'il l'envisageait comme un gage assuré de la paix; que si, dans les jours d'alarmes, il a réclamé, fa l'exemple dé ses prédécesseurs, le secours de ces généreux alliés, qu'il savait pacifiques et neutres, c'est qu'il a vu dans ce secours un moyen de conserver la paix, et avec elle la sûreté et la liberté de la République; mais qu'aujourd'hui, pleinementtranquillisé par l'assurance des sentiments généreux de la République française, si longtemps exprimés par son plénipotentiaire, il s'abandonne à la confiance que lui inspirent des déclarations aussi formelles ; et vou-lant écarter jusqu'à l'apparence d'un doute que la France envisageait comme injurieux, il s'empresse d'adhérer à ses désirs, en remerciant ses chers et fidèles alliés d'un secours qu'il ne juge plus nécessaire dans les circonstances actuelles.
« Et pour que l'effet de ces déclarations res-
pectives ne soit pas équivoque, les articles suivants ont été arrêtés :
« Art. Ier: Tous les corps de troupes suisses
qui sont actuellement à Genève se retireront successivement en Suisse,
et ladite retraite sera consommée d'ici au 1er décembre prochain.
« Art. 2. D'ici à la même époque, la grosse artillerie et les troupes françaises qui environnent Genève, et qui s'en étaient approchées en raison des différends terminés par la présente convention, seront retirées et placées de manière qu'elles ne puissent donner aucun motif d'alarme à Genève-
« Art. 3. Dès la date jde la présente convention, la libre communication entre les habitants de la Savoie et les deux Républiques , et l'entière liberté du transit de Genève en Suisse et de Suisse à Genève, seront rétablies sur le même pied qu'en temps de paix, conformément au traité et à l'usage.
« Art. 4. La République de Genève se réserve expressément et solennellement tous les traités antérieurs avec ses voisins, et spécialement cer lui de 1584 avec les louables cantons de Zurich et de Berne, ainsi que l'article 5 du traité de 1782 : n'entendant la République française que ladite réserve puisse la lier aux traités dans lesquels elle n'est pas intervenue, ni préjudicier en rien à la faculté qu'elle s'est réservée dè revoir ses propres traités, qu'elle exécute provisoirement jusqu'àTépoque de cette revision.
« Art 5. La présente convention sera ratifiée par la République française et par la République de Genève, et les lettres de ratification en seront échangées de part et d'autre dans le terme de 12 jours ou plus tôt, si faire se peut.
« Fait en double original et convenu entre nous, au quartier général de Landreéy, le 2 op-r vembre 1792, l'an 1er de la République française.
« Signé : le général de l'armée des Alpes, Montesquiou; J.-F. Prévost, conseiller d'Etat : Ami Lullin, conseiller d'Etal, membre du grand conseil; François d'Yverneau, membre du grand conseil.
« Pour copie conforme :
« Le ministre des affaires étrangères, « Signé : Lebrun. »
(La Convention renvoie ces pièces aux comités diplomatique et de la guerre réunis.)
Un membre, au nom de la commission des vingt-quatre,„ présente le résultat de l'examen de la correspondance de la citoyenne Marie-Henriette-Charlotte Dorothée, épouse de Rohan-Rochefort, avec Vexministre Bertrand, et demande contre elle un décret d* accusation ;"il s'exprime ainsi :
Citoyens, je viens, au nom de la commission des vingt-quatre, proposer le décrèt d'accusation contre la citoyenne Rohan-Rochefort, pour les intelligences qu'elle a eues avec l'ex-ministre Bertrand : quatre lettres de cette citoyenne ont déterminé la décision de la commission extraordinaire. Il ést évident, par ces lettres, que la citoyenne Rohan-Rochefort a employé tous les moyens pour entraver les opérations engagées par notre agent diplomatique à la Cour de Suède, pour y renouer le fil de la correspondance politique de cette Cour avec celle de France, ainsi que celles de Béthune-Charost dans la Belgique.
D'autres dévoilent les efforts entrepris pour arrêter les progrès de la liberté à Avignon. On y désigne le citoyen Vernissac, envoyé dans cette
contrée en qualité de commissaire, comme agent de la propagande, c'est-à-dire des Jacobins ; ce sont les termes de la lettre, et on y invite des agents de l'Administration à ne lui donner aucune confiance.
D'autres lettres également conçues dans des termes énigmatiques, font connaître que la citoyenne Rohan-Rochefort était dépositaire de sommes considérables dont la destination était plus que suspecte.
L'interrogatoire qu'elle a subi a jeté quelques lumières sur cette conspiration, en fortifiant les présomptions qui existaient déjà.
Des pièces produites en faveur de la citoyenne Royan-Rochefort, portent qu'elle est atteinte, à certaines époques de l'année, d'une aliénation d'esprit; mais il est permis d'objecter que Bertrand n'était pas fou : et cette correspondance mystérieuse et confidentielle semble faire, croire que ce dernier ne la regardait pas comme privée ae raison.
C'est pourquoi, je suis chargé par votre commission des vingt-quatre de vous proposer le décret suivant :
« La Convention nationale décrète qu'il y a lieu à accusation contre la citoyenne Marie-Henriette-Charlotte Dorothée, épouse de Rohan-Rochefort. »
Je m'oppose au décret d'accusation. Cette femme, pendant plus de neuf mois de l'année, a des accès de folie; elle a été renfermée pour cette cause pendant plusieurs années. Je crois qu'au lieu de la décréter d'accusation, il faut ordonner qu'elle soit renfermée aux petites maisons.
Le rapporteur. J'ai déjà répondu à ces objections dans mon rapport, et je dois déclarer que votre commission, à qui ces raisons avaient été données par les parents et par le fils même de Charlotte Dorothée, les a repoussées. L'interrogatoire qu'elle a subi semble bien prouver que cette aliénation prétendue d'esprit pouvait bien n'être qu'un prétexte imaginé pour la soustraire à l'empire des lois ; et si on admet à la rigueur que sa raison soit faible et que dans son ménage elle soit sujette à des accès de démence, il est bien difficile de croire qu'elle fut en pleine démence lorsqu'elle intriguait avec le ministre Bertrand, pour armer le gouvernement suédois. Ce dernier qui n'était pas fou, ne se serait pas servi d'une folle pour nouer une intrigue de cabinet. D'ailleurs cette démence, vraie ou fausse, sera appréciée par le jury du jugement. Celui d'accusation ne doit connaître que des faits qui lui sont dénoncés.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Je viens m'élever contre une pareille prétention. Tallien a raison, les accusations portées contre la citoyenne Dorothée sont chimériques ou tout au moins insuffisamment prouvées. Il n'est pas niable également, que les parents et les amis de l'accusée et notamment son fils ont produit devant la commission extraordinaire des certificats authentiques lesquels Constatent qu'elle est en démence. Je vais (Tailleurs essayer de répondre à tous les griefs qui ont été présentés... (Murmures.)
Un grand nombre de membres c La discussion fermée!
(La Convention ferme la discussion et décrète qu'il y a lieu à accusation contre Marie-Henriette-Charlotte Dorothée, épouse de Rohan-Rochefort.)
Citoyens, Vex-ministre Lacoste, mandé à ia barre par décret d'hier (1), fait annoncer qu'il est prêt à répondre.
(La Convention décrète qu'il sera entendu aussitôt.)
Vex-ministre Lacoste est introduit.
l'interroge ainsi qu'il suit :
D. Comment vous nommez-vous?
R. Lacoste. La Convention nationale m'a mandé, je suis prêt à répondre.
D. Avez-vous été envoyé aux Iles-du-Vent en qualité de commissaire civil?
R. Oui, citoyen-Président.
D. Vous avez, pendant votre séjour aux Iles-du-Vent, reconnu l'incivisme des officiers civils et militaires de ces colonies, vous vous en êtes plaint à votre retour; pourquoi, l'ayant reconnu, n'avez-vous pas destitué ces officiers après votre nomination au ministère?
R. A mon retour j'ai rendu compte à l'Assemblée nationale de la mission dont elle m'avait chargé, de ce que j'avais vu, des obstacles que j'avais éprouvés. MM. Behague, Clugny, Darrot en étaient les auteurs; je n'ai point aperçu en eux des vues manifestes contre la Constitution, mais peu d'amour pour la Révolution, et une résistance à la loi telle que je n'ai pu continuer mes fonctions de commissaire civil. Il ne me restait donc d'autre parti que de revenir en France, et de rendre compte de ce que j'avais fait et vu; c'est ce que j'ai exécuté : mais en même temps j'ai été dénoncé par le gouverneur et par l'assemblée coloniale, comme protecteur des brigands, c'est-à-dire des patriotes. Devenu ministre, et me trouvant à la fois dénonciateur et accusé, je n'ai pas cru devoir ordonner le rappel d'hommes qui me dénonçaient et que j'accusais; il ne m'appartenait pas de prévenir le jugement de l'Assemblée : j'ai constamment demandé au comité colonial le rapport de cette affaire, et une décision, non que j'aie cru la contre-révolution possible dans ce pays; il faut être fou pour la tenter.
D. Ne vous êtes-vous pas assuré, avant votre départ des Iles-du-Vent, de l'incivisme de leurs assemblées coloniales ? Ne vous êtes-vous pas convaincu de leur aversion pour le nouveau régime?
R. Je ne l'ai pas pu dans un momenf où l'Assemblée coloniale protestait de son civisme : j'ai vu beaucoup de haine entre l'Assemblée, les colons et les planteurs. La Révolution a donné lieu à l'état de cette haine; la guerre civile qui est à la Guadeloupe ne peut pas être attribuée à la Révolution; elle n'est que le développement de cette haine antérieure. J'ai rendu compte, à mon retour, de tout ce que j'avais aperçu sur les gouverneurs.
D. Pourquoi avez-vous employé ou laissé partir, pour leur destination, les sieurs Poujet et Minut en qualité d'ordonnateurs à Saint-Domingue et à la Guadeloupe; l'un reconnu pour suspect dans votre propre département pour son incivisme, l'autre également connu sous le même rapport?
R. Ma réponse est simple : ils étaient partis avant que j'aie été nommé ministre : l'un était en rade, l'autre était en mer; de plus, arrivé récemment de la Martinique, je n'ai trouvé rien dans les bureaux à leur charge, mon prédécesseur n'ayant rien laissé à cet égard.
D. Vous connaissiez, avant votre départ des
R. Je rappelle que j'ai eu une faible opinion du civisme des commandants des Iles ; mais je n'ai point connu de dispositions contre-révolu-tionnaires ; pendant 9 mois de'séjour, le calme a régné dans la colonie, il y a régné jusqu'au mois de septembre. Je ne pouvais prévoir l'extravagance qui a eu lieu à cette dernière époque. Je le répète, je ne pouvais prévoir leurs excès; la contre-révolution en Amérique ne peut entrer que dans des têtes de fous. Je ne peux être responsable de ces excès, n'ayant pu les deviner.
D. Le sieur Rivière, commandant le vaisseau la Ferme, ne vous a-t-il pas été dénoncé comme un mauvais citoyen ?
R. Le parti de Saint-Pierre me Fa dénoncé comme un mauvais citoyen, et le parti du Môle comme un excellent citoyen : j'ai vu, dans cet homme, un simple exécuteur des ordres de son chef : quant à lui, j'ai cru qu'il aimait la Révolution, ainsi que tous les officiers de la marine.
D. Pourquoi, malgré cette dénonciation et dans des circonstances critiques, avez-vous mis sous ses ordres directs le citoyen commandant la frégate Unique que vous avez envoyé aux Iles-du-Vent, à bord de laquelle étaient embarqués les nouveaux commissaires civils et le général Rochambeau.
R. Le commandant de la station est subordonné au commandant général ; il ne pouvait agir qu'en vertu de ses ordres ; ainsi, il n'avait point d'autorité première.
D. Pourquoi, après votre nomination au ministère, n'avez-vous pas poursuivi votre dénonciation contre Beague? Pourquoi, sachant qu'il y avait aux Iles-du-Vent un vaisseau de 74, commandé par un contre-révolutionnaire, décidé avec d'autres bâtiments de l'Etat, dont la plupart des chefs pensaient comme lui et se trouvaient sous ses ordres, n'avez-vous envoyé qu'une frégate de 30 canons ?
R. J'ai constamment poursuivi auprès du comité colonial et de son rapporteur la décision de cette affaire; il était prêt; pendant longtemps, je n'ai cessé de le solliciter ; et c'est parce que ma cause personnelle s'y trouvait mêlée, que je n'ai pas cru devoir statuer moi-même.
Quant au vaisseau de 74 que l'on dit être commandé par un contre-révolutionnaire, je commence par observer qu'il ne m'était pas évident que le commandant fût contre-révolutionnaire. Il y a une grande différence entre ces derniers et ceux qui n'aiment pas la Révolution. (Murmures.) L'homme qui n'aime pas la Révolution n'a qu'un opinion, on peut être soumis à la loi et ne l'aimer pas : agir contre la loi est bien différent. Je n'ai pu regarder comme tel celui qui, par un acte quelconque, ne s'est jamais montré tel. L'Assemblée nationale était parfaitement instruite de ce qui concernait le sieur . Rivière, et cependant elle ne l'a pas même mandé à la barre.
J'observerai encore qu'à l'époque de l'envoi des troupes, j'étais obligé de pourvoir à leurs besoins et aux intérêts du commerce en faisant respecter le pavillon français ; mes premiers travaux y ont été employés. J'ai arme 34 frégates à cet effet ; j'ai envoyé des forces à Saint-Domingue; j'ai armé 15 vaisseaux; il ne m'a jamais été démontré qu'il fallût d'autres forces,
ni qu'il y eût de contre-révolution à craindre dans les Iles.
D. Plusieurs membres de l'Assemblée législative ne vous sont-ils pas représenté, à plusieurs reprises, que l'insuffisance des forces que Vous destiniez aux Iles-du-Vent compromettrait les intérêts du commerce national, la sûreté de la colonie, la gloire de la nation et l'exécution de ses lois?
N'avez-vous pas résisté à leurs pressantes représentations, et ne vous êtes vous pas tenu, malgré la force de leurs raisons, à votre premier projet?
Ne devait-il pas aboutir à confirmer les mauvais citoyens des Iles de toutes les classes dans leur inciyisme, et à les porter à une révolte ouverte dont vous aviez pu soupçonner la possibilité?
R. Je ne me rappelle point que des membres de l'Assemblée nationale m'aient donné cet avis ; suivant les uns, il ne fallait point en envoyer ; suivant d'autres, il fallait envoyer toutes nos forces navales.
J'ajouterai que j'ai soumis à l'Assemblée nationale ce que j'ai fait ; ainsi, j'oppose l'opinion de l'Assemblée nationale à celle des membres qui ont pu me donner cet avis.
Cet interrogatoire est interrompu par la lecture d'une lettre du général Dumouriez, datée du quartier général à Mons, le 7 novembre 1792.
, secrétaire, en donne lecture :
Lettre du général Dumouriez au président de la Convention nationale.
Du quartier général de Mons. (Vifs applaudissements), le
« Citoyen Président,
« Depuis 5 jours l'armée de la République s'est trouvée en présence des impériaux; elle a combattu tous les jours; et enfin la ville de Mons a été le fruit de sa victoire. (Applaudissements.) Nous avons été reçus ce matin en frères. (Applaudissements.) La souveraineté du peuple y est la base de toutes les opinions ; chacun s'empresse à prendre les armes pour soutenir la cause de la liberté. (Applaudisements.) -
« Les administrations se régénèrent : les élections vont avoir lieu pour toutes les places; et bientôt il n'y aura plus de différence entre le Hainaut et un département français. (Applaudissements.) Nos succès donnent encore la force à nos arguments; et pour le coup, la raison et la justice sont appuyées par les armes. (Applaudisements.)
« Je ne peux vous faire trop d'éloges de la valeur surprenante de nos troupes, et de leur humanité après le combat. (Applaudissements.) Le plus terrible de mémoire d'homme : 40,000 Français viennent de forcer 28,000 autrichiens retranchés dans des bois et sur des montagnes garnies de plus de 40 redoutes, de 20 pièces ; de canons de,gros calibre, et d'un très grand nombre de canons forts; et d'obusier tous les combats précédents [avaient été à notre avantage ; mais la bataille de Jemmapes a tout décidé. Elle a été une des plus générales qui ait jamais été données. Tous les points de la ligne et des flancs de l'ennemi ont été attaqués à la fois.
« Tous les corps de l'armée ont donnée tous lés
individus ont combattu personnellement (Applaudissements) ; partout, après une résistance «très opiniâtre, la nation française a triomphé par ses deux moyens les plus forts, le canon et l'arme blanche. (Applaudissements.) Le ministre de la guerre donnera de plus grands détails à la Convention nationale. Il n'était pas possible qu'une bataille aussi disputée, et aussi glorieusement gagnée, ne fût pas accompagnée d'une perte considérable d'hommes. Je ne peux pas encore en avoir un compte très exact ; mais j'estime le nombre des morts à 300 et le nombre des blessés au double. (Mouvements de douleur.) La perte des ennemis, depuis le 3 jusqu'au 7, mais surtout à la journée du 6, s'élève à plus de 1,500 prisonniers ou déserteurs (Applaudissements) et plus de 4,000 morts ou blessés; nous avons pris 9 pièces de canon, dont 2 de gros calibre, indépendamment de beaucoup de caissons et de munitions.
« Il nous arrive en ce moment des prisonniers et des déserteurs; les habitants qui nous ont reçus comme leurs libérateurs et leurs frères nous assurent que plus de 1,000 Autrichiens se sont cachés dans la ville pour se rendre à nous. J'ai de la cavalerie à leur poursuite, qui m'en ramènera encore. (Applaudissements.) Nous avons trouvé ici quelques magasins de vivres et de fourrages et je fais marcher, d'un côté, le général Bonneron avec 8,000 hommes, et de l'autre, le général Dampierre, avec à peu près autant, pour se saisir de la ville d'Ath et des grands magasins qu'elle renferme. L'armée autrichienne s'est retirée dans la plus grande déroute, elle a pris la route de Bruxelles et de Rraine-le-Comte ; elle devait être jointe, le surlendemain du jour oû je l'ai attaquée, par le corps aux ordres du général Clairfait. Je ne tarderai pas à aller les poursuivre.
« Les troupes, malgré trois nuits de bivouac, quatre jours de combat et le manque absolu de beaucoup d'objets nécessaires, qui ne pouvaient plus arriver aussi rapidement qu'il eût été à désirer, montrent une ardeur et une constance qui vaincront certainement toute difficulté. (Applaudissements.) Cette armée, ainsi que les généraux et autres officiers, méritent la confiance et l'estime de la nation. » (Applaudissements réitérés.)
Larue, lieutenant-colonel, aide de camp du général Dumouriez, paraît à la barre. (Applaudissements.)
« Je ne suis qu'un soldat, dit-il, et non pas un orateur. Je vais vous raconter simplement un fait héroïque, car un soldat de l'armée républicaine ne doit ouvrir la bouche que pour déchirer sa cartouche. Je présente à la juste admiration de l'Assemblée, Baptiste Renard, valet de chambre du général Dumouriez, qui s'est élancé, le sabre à la main, au milieu du combat, a rallié Un régiment de dragons et quatre bataillons de volontaires, s'est mis à leur tête, s'est précipité sur l'ennemi, a sauté le premier avec Dumouriez dans les retranchements et a décidé la prise d'un poste important. Le général lui ayant demandé ce qu'il voulait pour récompense : l'honneur de porter l'uniforme national, a répondu Baptiste. »
Baptiste Renard paraît à la barre (Acclamations) ; l'aide de camp l'embrasse, et la Convention nationale les applaudit.
Brave citoyen, vous vous êtes élevé jusqu'à la qualité de premier défenseur de la République. En attendant la récompense qu'elle
vous doit, entrez dans le temple des lois, au milieu de nos acclamations. Les législateurs se trouveront heureux de voir à leurs côtés un des braves de la journée de Mons. (Vifs applaudissements.) .
Je demande que le président donne le baiser fraternel à ce brave homme. (Nouveaux applaudissements.)
Baptiste Renard est conduit au Président qui l'embrasse.
La salle retentit d'acclamations.
Je demande qu'il soit donné à l'intrépide Baptiste un uniforme complet aux dépens de la République. *
Un grand nombre de membres simultanément : Aux voix la proposition 1
Ce n'est pas assez d'applaudir au courage du citoyen Baptiste dans la journée célèbre ae Mons, il faut donner ici un grand exemple d'égalité et de justice nationale. Il faut donner à ce brave citoyen un témoignage de la reconnaissance publique, qui puisse compatir avec les principes des pays libres. Nulle décoration personnelle, nulle distinction extérieure ne doit contrarier les bases d'une Constitution républicaine. C'est avec une feuille de cbêne que les Romains commandèrent de grandes et belles actions. La monnaie de l'honneur fut le trésor des républiques anciennes : eh bien ! tirons de ce trésor un équipement militaire pour ce brave citoyen. Je demande que la Convention nationale décrète que le citoyen Baptiste sera armé, monté et équipé aux frais de la République française. (Vifs applaudissements.)
Je fais la motion de faire autoriser, par le ministre de la guerre, le général Dumou-riez d'employer le citoyen Baptiste dans son armée.
(La Convention adopte les propositions de Bar-rère de Vieuzac et de Sergent.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que le citoyen Baptiste Renard, qui a rallié, à la bataille de Jemmapes, un régiment de dragons et quatre . bataillons de volontaires, recevra le baiser fraternel du président de la Convention, qu'il sera armé, équipé et monté aux frais de la République, et que le ministre de la guerre autorisera le général Dumouriez à lui demander une place, dans son armée, pour Raptiste Renard. »
L'affaire de Y ex-ministre Lacoste est reprise.
Il existe au dossier une lettre des députés de Cayenne et de la Guyane française, qui témoignent leur indignation de la contre-révolution opérée à la Guadeloupe et à la Martinique, et leur crainte qu'un pareil malheur n'arrive à Cayenne et à la Guyane. Ils accusent l'ex-mi-nistre Lacoste d'y avoir envoyé des officiers civils et militaires prévenus justement d'incivisme et un régiment allemand. Je vais faire donner lecture de cette lettre.
, secrétaire, donné lecture de la lettre des députés extraordinaires de Cayenne et de la Guyane française.
, s'adressant à Lacoste : D'après eette lettre, je vous demande pourquoi vous avez envoyé ce régiment allemand et pourquoi vous avez nommé à la tête de cette colonie M. Dallègre.
Lacoste. Ce régiment a été désigné par le département de la guerre qui doit connaître le
civisme ou l'incivisme des régiments mieux que le ministre de la marine. M. Dallègre, que j'ai nommé commandant de cette colonie, avait été, avant la Révolution, commandant en second à Cayenne. Il s'était bien conduit; à l'égard des représentations faites par les députés de Cayenne, ils n'ont jamais articulé aucun fait, je leur en ai demandé. Aucun fait précis ne m'a été dénoncé. Pouvais-je rappeler un gouverneur sur des allégations hasardées de représentants, non de la colonie entière, mais de l'assemblée coloniale.
Un membre ; A votre retour, avez-vous apporté des pièces de la colonie ? Qu'avez-vous fait de ces pièces ?
Lacoste. Je n'ai apporté aucune pièce par une raison bien simple, c'est que ces pièces m'ont été enlevées par une force majeure, de l'autorité du gouverneur, à la réquisition de deux de mes collègues. Ce fut le capitaine Duval lui-même qui me les enleva, en vertu d'un ordre exprès du gouverneur. J'en ai rendu compte à l'Assemblée.
La Convention vous permet de vous retirer.
Vex-ministre Lacoste se retire.
La discussion est ouverte sur l'affaire de l'ex-ministre Lacoste.
Vous n'avez dû remarquer dans les réponses de Lacoste qu'une divagation effrontée. Partout il a mis son opinion personnelle à la place de l'opinion générale. Je demande contre lui le décret d'accusation.
Plusieurs membres demandent le renvoi des pièces et des réponses à un comité.
Le ministre est coupable d'avoir, par une fausse délicatesse, empêché le rappel au gouvernement contre-révolutionnaire qui lui avait fait enlever ses papiers. J'appuie la demande du décret d'accusation.
(Seine-Inférieure). Je pense que l'Assemblée ne peut prononcer avant de savoir lequel des deux partis qui divisent les colonies, était ami de la Révolution, et d'avoir des renseignements certains sur ces faits.
Un membre : Je demande à prouver que la contre-révolution était commencée à la Guadeloupe, lorsque Lacoste a quitté cette colonie.
Si ce fait est vrai, l'ex-ministre est complice de cette contre-révolution. Je demandeà faire lecture d'une adresse des députés des colonies, qui contient le récit des conspirations tramées a la Guadeloupe, dans le temps que Lacoste y était commissaire civil. (Interruptions et murmures.)
Un membre : Je m'oppose à cette lecture : j'observe qu'il est impossible d'ajouter foi à ces écrits, qui peuvent être des libelles et je demande le renvoi au comité.
insiste pour donner lecture de cette lettre.
Plusieurs membres : La clôture Ma clôture!
J'observe que ces messieurs écoutaient quand on accusait Robespierre. (Applaudissements à gauche.)
J'observe à Danton qu'on a refusé de m'entendre, quand j'ai voulu répondre à Robespierre et le confondre.
(La Convention décrète que la discussion continue.)
rappelle les aveux fait
par Lacoste lui-même, et conclut contre lui au décret d'accusation.
(Roger). Lacoste, commissaire du roi aux colonies, en a été illégalement, et même ignominieusement renvoyé. Ses papiers ont été arrêtés par le gouverneur; les lois y ont été méprisées : voila la preuve que la contre-révolution était commencée à la Guadeloupe. Lacoste, de retour en France, a fait grand bruit de sa dénonciation ; mais il a été fait ministre, et dès lors il a gardé le silence : voilà la preuve de sa connivence avec la Cour.
appuie le décret d'accusation.
Un autre membre insiste,pour le renvoi des ré ponses de Lacoste à un-comité.
Un des membres de cette Assemblée a dit, dans une circonstance bien grave, lors du décret d'accusation contre Lessart, une vérité politique bien précieuse, Il a dit qu'il ne fallait pas de preuves judiciaires pour mettre un ministre en accusation. Lacoste n'est plus en place, mais vous avez un grand procès à juger; et il est heureux pour vous d'avoir à confronter au roi un de ses anciens ministres. Que signifie cette distinction faite par Lacoste, entre un contre-révolutionnaire et un homme qui n'aime pas la Révolution? Dans la langue de la liberté, tout fonctionnaire public qui n'aime, pas la Révolution est un traîtré. (Vifs applaudissements.) Or, Lacoste, qui avait la conviction que le gouverneur de la Guadeloupe était aristocrate, est coupable de n'avoir pas exigé le rappel de ce gouverneur. Certes, je m'étonne que les membres qui crient sans cesse contre des ministres révolutionnaires qu'ils accusent dé ne pas rendre leurs comptes, semblent incliner à l'indulgence pour un ex-ministre évidemment prévaricateur. Lacoste n'a jamais été désigné par les vrais patriotes pour être ministre; il est resté au ministère presque jusqu'au 10 août; il n'en est sorti que pour avoir une ambassade à Gênes. Il n'était donc évidemment point haï dé la Cour. Je souhaite qu'il soit innocent ; mais le salut de l'Etat exige que vous vous assuriez de sa personne. J'appuie le décret d'accusation.
(La Convention ferme la discussion, décrète qu'il y a lieu à accusation contre le citoyen Lacoste, ex-ministre de la marine, et ordonne que le décret sera transmis, sur-le-champ, au pouvoir exécutif provisoire pour être mis à exécution.)
Je suis saisi à l'instant, par le ministre de la guerre, delà relation officielle du général Dumouriez, sur la bataille'de Jemmapes et la prise de Mons; je vais en faire donner lecture à l'Assemblée.
, secrétaire, donne lecture de la lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse à l'Assemblée les pièces relatives à la bataille de Jemmapes et à la prise de Mons.
Suit la teneur desdites pièces :
Paris, le
« Président,
« Je vous prie de vouloir bien présenter à la Convention nationale les pièces que je reçois concernant la victoire remportée par l'armée aux ordres du général Dumouriez, sur les Autrichiens, et la prise dè Mons, qui l'a suivie.
« Elles consistent : 1° en lettres de Dumouriez ;
2° Sommations à la ville de Mons ;
« Pour copie
3° Note concernant Baptiste Re nard. « J'y joins encore : 1° copie d'une lettre de Beur-nohville, qui passe de 1 armée de l'expédition de Belgique à Metz ;
« 2° Un état des bouches à feu et munitions de guerre trouvées à Mayence, que m'a fait passer fis général Gustine.
« Signé : PACHE. »
Copie de la lettre du général dumouriez au ministre ae la guerre.
7 novembre 1792, l'an 1er de la République.
« J'ose vous recommander le citoyen Baptiste, mon valet de chambre, qui s'est conduit avec la plus grande intrépidité et la plus grande intelligence, et qui a rallié un régiment de dragons et deux bataillons de gaTdes nationaux : il ne demande que la permission de porter un uniforme de garde national, et il sera parfaitement heureux.
« Signé : Dumouriez. » ie conforme; le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Copie de la lettre du général Dumouriez au ministre de la guerre, datée
du quartier général de Mons, le
« Vous verrez, par le lieu d'où je date ma lettre, combien le temps a été bien employé depuis la dernière lettre que je vous ai écrite"du quartier général d'Honaing. Je l'ai quitté le 3, pour aller, avec mon avant-garde, prendre une position entre Elonges et Whieries. Cette position nécessitait la prise d'un village nommé Thulin, d'où nous avons été repoussés, parce que les Belges qui étaient chargés de cette attaque s'étaient trop aventurés au-delà du village, près du moulin de Boussu, et n'avaient point pris de canon avec eux. Ils ont été enveloppés par 12 à 1,500 hussards, qui en ont taillé deux compagnies, et qui auraient détruit tout ce corps, sans l'extrême valeur du 2e régiment de hussards, qui, n'étant pas plus de 300 hommes, a chargé cette forte troupe de hussards Autrichiens, et à dégagé les Belges, dont jl a assuré la retraite.
« Le même jour 3, le général d'Arville est arrivé, avec son armée, à Bavay; le lendemain 4, j'ai tiré du camp d'Honaing 9 bataillons, pour fortifier l'attaque de Thulin, et prendre de force la position de Boussu. Mon projet alors étant d'effectuer une réunion avec le général d'Har-ville, il était nécsssaire de chasser les Autrichiens de la longue bande de bois qui s'étendent depuis Sars jusqu'à Boussu : j'ai arrangé une attaque combinée, d'après laquelle le général d'Harville devait s'emparer du château de Sars ; le colonel du 11e régiment de chasseurs devait, avec son régiment et de l'infanterie légère, pénétrer par Blangies, en se dirigeant sur le même château de Sars, et remontant par la. droite des bois, devait s'emparer du village de Frameries, pendant que, longeant les mêmes bois, par la gauche, je m'emparerais de celui de Boussu.
« Ces trois attaques ont parfaitement réussi. Les Autrichiens ont défendu, avec assez d'opiniâtreté, le moulin de Boussu, d'où je les ai dépostés avec mon artillerie : ils y ont perdu 5 ou 600 hommes. Le combat s'est passé en artillerie. J'ai bivàqué, la même nuit, avec l'avant-garde,
à la tête du bois de Boussu, et j'ai ordonné à l'armée de venir bivaquer sur le terrain d'Elon-ges. Je me suis renforcé en grosse artillerie et en obusiers, d'après le succès de cette journée.
« Le 5, j'ai reconnu la position des ennemis sur les hauteurs de Jemmapes; j'ai attaqué, avec de l'infanterie, le village de Quareignon, pendant que j'occupais leur gauche' par une canonnade assez vive. Ce même jour, le colonel Fregeville a taté leur gauche, et il y a eu divers petits combats d'infanterie et de (cavalerie où nous avons toujours eu le dessus. Le général d'Har-ville n'a pu arriver ce même jour qu'avec la moitié de son armée, d'environ 6,000 hommes, à la hauteur de Frameries. J'ai pris alors mon camp en face de Jemmapes, la gauche appuyée à Hornu, la droite à Frameries. J'ai fait venir ma grosse artillerie à Boussu, ainsi que l'hôpital ambulant, m'étant déterminé à attaquer le lendemain les hauteurs de Jemmapes d'une manière décisive, pour ne pas laisser à l'armée de Glairfait le temps d'opérer sa jonction. J'avais fait abandonner, ce même soir, le village de Quareignon, qui ne pouvait pas se soutenir contre les forces qui étaient à Jemmapes, étant dominées par ce village.
« Le 6 au matin, j'ai fait avancer 12 pièces de 16, 12 de 12, et 12 obusiers, que j'ai placés en batteries sur tout le front de ma. ligne. Le général d'Harville, placé sur les hauteurs de Giply, flanquait la gauche de l'ennemi, dont j'attaquais la droite en reprenant le village de Quareignon, par les Belges, soutenus par y bataillons aux ordres des maréchaux de camp Ferrand, Rosière et Blottefière. Le centre de l'attaque, composé de 18 bataillons, était aux ordres du lieutenant général l'Egalité, et des maréchaux, de camp Stetenhofi, Desforets et Drouet. La droite, composée de l'avant-garde, était aux ordres du lieutenant général Beurnonville, et du maréchal de camp Dampiérre. La division du général d'Harville ne pouvait nous secourir dans notre attaque que par son canon, étant trop éloignée des retranchements de l'ennemi.
« L'armée des Autrichiens était composée, selon les calculs les plus modérés, de 20,000 hommes, dont 3,500 de cavalerie ; d'autres la portent à 28,000 hommes. Nous n'avions pas plus de 30,000 combattants. La position des Autrichiens était formidable ; leur droite, appuyée au village de Jemmapes, formait une équerre avec leur front et leur gauche, qui était appuyée à la chaussée de Valenciennes. Ils étaient placés dans toute cette longueur, sur une montagne boisée où s'élevaient en amphithéâtre trois étages de redoutes, garnies de 20 pièces de grosse artillerie, d'au moins autant d'obusiers, et de 3 pièces de canon de campagne par bataillon; ce qui présentait une artillerie ae près de 100 bouches à feu : nous en avions autant, mais l'élévation de leurs batteries leur donnait un grand avantage, si nous persévérions à vouloir terminer l'affaire à coup de canon. Déjà depuis longtemps, les troupes, se confiant en leur valeur, m'avaient témoigné le désir le plus vif de se mesurer de près avec les ennemis. Je partageais cette confiance, parce que dans tous les mouvements que je leur avais fait faire sous le feu de l'ennemi, je les avais vues manœuvrer et marcher comme à l'exercice. Dans les 3 précédentes journées, surtout, j'avais admiré moi-même leur précision à exécuter les manœuvres et les déploiements que je leur ordonnais.
« La cannoiiade la plus vive de part et d'autre s'est ouverte à sept heures du matin; elle a duré jusqu'à dix heures, sans' que j'aie aperçu un succès assez décisif pour me borner à ce genre de combat. A mesure que je parcourais le front de la ligne, les troupes me témoignaient la plus vive impatience d'approcher l'ennemi à la baïonnette. Le général Beurnonville me le proposait depuis très longtemps, ainsi que le général Egalité. Je retenais leur ardeur, pour la rendre encore plus vive ; car mon projet était bien décidément de terminer cette affaire, en emportant les redoutes. Je me contentais cependant de rapprocher mes batteries pour faire plus d'effet, et j'ordonnai l'attaque du village de Quareignon, parce que je ne pouvais pas de ce côté attaquer Jemmapes avant d'avoir pris ce premier village. J'ènvoyai le colonel Thouvenot, adjudant général, ofncier du plus rare mérite, pour diriger cette attaque et se charger d'emporter Jemmapes et tout le flanc droit de l'ennemi. Je mandai au général d'Harville de rapprocher ses batteries, pour qu'elles fissent plus d'effet sur la gauche de l'ennemi. Je mandai au général Beurnonville de faire la même manœvre, et d'être prêt à attaquer à midi précis. Je fis passer le même ordre à la gauche, parce que je calculai qu'alors nous serions maîtres de Quareignon qu'il était nécessaire d'occuper parce * que mon attaque de gauche aurait pu être tournée par ce village, si l'ennemi en était resté maître.
« A midi précis, toute l'infanterie se mit, en Uû clin d'œil, en colonne de bataillon, et se porta, avec la plus grande rapidité et la plus grande allégresse, vers les retranchements de l'ennemi. Pas une tête de colonne ne resta en arrière : Le premier étage de redoutes fut d'abord emporté avec la plus grande vivacité; mais bientôt, les obstacles se multipliant, le centre courût des dangers, et je vis ae la cavalerie ennemie prête à entrer dans la plaine pour charger les colonnes par leur flanc. J'y envoyai le lieutenant général Egalité, qui, par sa valeur froide, rallia très vite les colonnes, et les mena au second étage des redoutes. Je venais de faire soutenir cette attaque par le 3e régiment de chasseurs et le 6e de hussards, qui arrivèrent très à propos pour contenir et charger la cavalerie ennemie. Je me portai en même temps à la droite, où je trouvai, qu'après un plein succès de la part du général Beurnonville dans l'attaque des redoutes qu'il avait tournées et emportées, un peu de désordre s'était mis dans sa cavalerie, pendant qu'il était occupé à la tête de son infanterie. Je la ralliai très vite, et elle chargea, dans l'instant même, avec la plus grande vigueur, la cavalerie ennemie qui gagnait déjà notre flanc droit. Pendant ce ralliement, cette cavalerie voulut enfoncer le premier bataillon de Paris, qui la reçut avec la plus grande vigueur, et lui tua 60 hommes d'une décharge. Dans l'intervalle de çe combat de la droite, notre gauche avait emporté le village de Jemmapes : notre centre avait enlevé les secondes redoutes : il fallut donner un nouveau combat sur la hauteur; mais il fut moins vif et moins long, les Autrichiens étant entièrement consternés de la valeur de nos troupes. A deux heures ils firent leur retraite dans le plus grand désordre. Nos troupes occupaient alors tout le terrain des ennemis, jonché de morts et de blessés des deux partis. Sa perte était considérable, et sa consternation si grande, qu'il traversa la ville de Mons sans s'arrêter ni sur
Berthaumont, ni sur le mont Palisel, ni même sur les hauteurs (le Vimy.
« Je portai toute l'armée victorieuse sur la hauteur du village de Guesmes, que j'occupai avec de l'infanterie. On prit dans ce village une pièqe de canon de 13; on y ramassa des blessés, des déserteurs. Je fis occuper dans la même journée le mont Palisel, par la division du général Harville, et celui de Berthaumont, par celle du maréchal de camp Stétenhoff. J'envoyai sommer la ville de Mons, et on entra dans des pourparlers dont vous verrez le détail dans les pièces ci-jointës. Les troupes qui avaient déjà ivaqué depuis trois jours, qui n'avaient pas pu faire la soupe lé jour de cette terrible bataille, montraient toujours la même ardeur, et me demandaient avec instance de marcher à Mons et de l'escalader. Je fus obligé de leur promettre qu'elles auraient cette satisfaction le lendemain, et je fis effectivement toutes mes dispositions pour compléter la circonvallation de Mons, et pour l'attaquer dans plusieurs endroits à la fois., es ennemis avaient profité de la nuit pour l'évacuer, et les derniers 400 hommes qu'ils y avaient laissés en sont sortis vers neuf neures du matin. Je m'occupai à placer mes batteries, lorsqu'à neuf heures, les habitants, après avoir rompu les portes que les Autrichiens avaient fermées, sont venus m'inviter à entrer dans la ville; ce que j'ai exécuté sur-le-champ. Les magistrats se sont trouvés à la porte de la ville; et m'ont offert les clefs : je leur ait dit, en posant la main dessus, que nous venions comme frères et amis, pour les engager à tenir toujours leurs portes fermées contre leurs anciens oppresseurs, et à défendre la liberté que nous venions de leur conquérir.
« Cette journée à jamais mémorable couvre la nation française d'une gloire immortelle. Il n'est pas un bataillon ni un escadron, il n'est pas un individu dans l'armée qui ne se soit battu, et de très près. Vous connaissez déjà les talents et la valeur du général Beurnonville ; tous les autres généraux, et surtout le général Egalité, ont mis la plus grande intelligence dans la conduite des troupes. Les officiers d'état-major et les aides de camp ont porté les ordres avec la plus grande intrépidité et la plus grande précision, au milieu du ieu et du carnage le plus terrible. Le général Drouet a eu une jambe cassée d'un coup de feu. Le colonel Ghaumont, adjudant général, a eu un bras traversé d'une balle et son cheval tué sous lui. Le général Ferrand a eu une forte contusion à une jambe et un cheval tué sous lui. L'adjudant général Montjoie a eu la bouche percée d'une balle qui lui a enlevé sept dents. Le colonel Dubouret, du 104® régiment, a été grièvement blessé, ainsi que le citoyen Bertèche, lieutenant de la gendarmerie nationale, blessé de 41 coups de sabre, aprèsavoirtué sept hommes. Le citoyenLafosse, lieutenant-colonel du bataillon des Deux-Sêvrés, a eu un bras cassé d'une balle. Beaucoup d'autres officiers et soldats ont été tués ou blessés. Je ne sais pas encore au juste quelle est notre perte, mais je l'estime à 300 morts et 600 blessés : je vous en enverrai l'état, dès que j'aurai pu le recevoir des différents corps. Ils ont perdu aussi huit pièces de canon, dont cinq prises par l'avant-garde du général Beurnonville et trois à nôtre attaque de gauche.
L'artillerie a servi avec son courage et son habileté ordinaires, si redoutés de nos ennemis.
« La perte des ennemis en tués, blessés ou
déserteurs, monte au moins à 4,000 hommes, sans compter presque autant d'hommes égarés, débandés et perdus, que nous ramassons tous les jours.
« Tel est le détail de cette bataille, qui est décisive pour la conquête de la Belgique ; car les Autrichiens n'oseront plus se mesurer en bataille rangée; et nous avons prouvé dans celle-ci qu'aucun obstacle, même en réunissant les ressources de l'art à celles du terrain, n'arrête le courage des troupes françaises.
« Je vous adresse Cette dépêche par le citoyen Larue, mon aide de camp, lieutenant-colonel, homme du plus grand courage. « Le général en chef,
« Signé : dumouriez. »
« Pour copie conforme: « Le ministre de la guerre.
« Signé : pache. »
Copie de la lettre du lieutenant-général [Beurnonville au ministre de la
guerre, à Mons, le
« J'ai reçu hier, monsieur, sur le champ de bataille la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et l'ordre du pouvoir excutif de me rendre à Metz pour y commander l'armée aux ordres du général Kellermann, aDpelé à Paris; je sens combien il me sera difficile de suppléer a l'absence de ce général expérimenté, et je compterai infiniment sur cette Drave armée avec laquelle j'ai eu le bonheur de combattre pour la liberté, pour tâcher de la faire triompher partout.
« Il m'eût été impossible, monsieur, d'exécuter votre ordre et celui du pouvoir exécutif, à la lettre, en partant sur-le-champ. En mouvement depuis, le 26, que j'ai pris Quiévrain ; au combat depuis trois jours; obligé de suivre le succès d'une bataille qui assure le succès de nos armes dans la Belgique, il a fallu opérer mon ralliement, prendre position pour la nuit; le général en chef m'avait, en outre, chargé des suites de la sommation dé livrer Mons ; j'ai été obligé de passer la nuit en parlementaire et en mesure pour entourer la ville et la prendre sans entendre d'autre capitulation que la volonté d'une nation qui veut punir avec sagesse et humanité ; il a fallu entrer dans Mons ce matin, en prendre possession ; et enfin, monsieur, me voilà disposé à partir; j'ai rempli ma tâche ici. Je n'ai qu'un regret, c'est de ne pas terminer cette campagne sous les yeux d'un père, d'jm frère et d'un ami, le brave général Dumouriez. Vous ordonnez cette séparation, monsieur; elle me coûte cruellement; mais vous la jugez nécessaire : je n'écoute que mon devoir et l'obéissance, je n'écoute que l'amour sacré de ma patrie.
« Forcé de rassembler mes équipages épars, je ne pourrai partir que le 10 de Valenciennes, d'où je me rendrai en toute diligence à Metz. Vous savez, monsieur, les opérations que vous m'y proposez, la quantité de troupes que j'aurai à y employer ; c'est d'après ce tableau que je vous prie d'y faire accélérer les effets de campement, les approvisionnements de munitions; je vous prierai aussi d'y faire rendre toutes les cartes les meilleures de la'campagne que vous désirez que j'entreprenne; je n'ai que celles de la guerre de la Belgique, qui ne sont plus applicables.
« Je profiterai de la journée du 9 pour rassembler mes équipages et prendre un peu de repos:
j'en avais très peu eu au camp de Maulde ; et depuis mou départ de ce camp poûr faire ma jonction avec le général Dumouriez, je n'ai pas éncore quitté le feu ni le bivouac. D'après cela, vous devez juger de ma santé : mais, j'ai l'honneur de fous répéter, aucun sacrifice ne me coûtera pour le salut de ma patrie. (Applaudisse-ménts réitérés.)
« Je ne vous dis rien sur la bataille de Jem-mapes, où j'ai eu plus à admirer qu'à faire : cette bataille, qui sera fameuse par les dispositions du général en chef et l'intrépidité des troupes, comme par les résultats qui assurent invariablement la conquête de la1 Belgique, sera un monument de gloire pour lanation française. Je laisse le plaisir, bien dû à notre intrépide général, de vous enjaire le récit.
' « Le lieutenant général.
« Signé : beurnonville.
« Pour copie con forme :
« Le ministre de la guerre, « Signé : pache. »
Bataille de Jemmapes, le 6 novembre, l'an Ier de la République française.
« Le général des armées delà République française, aussitôt la bataille gagnée, envoya un trompette sommer le commandant de l'armée autrichienne retirée dans Mons, de rendre cette place; celui-ci consentit d'entrer en pour parlers, et il promit d'envoyer le quartier-maître général de l'armée, en demandant un officier en otage. j> Copie de la seconde sommation du général français.
« Le général des armées de la République française a eu la complaisance d'attendre pendant trois heures le quartier-maître général de l'armée autrichienne.
« il a, été fort surpris que la ville ait tiré sur nos troupes qui montaient à Palizel.
« Il déclare qu'il Va établir ses batteries, qu'il mettra la ville en feu et passera la garnison au fil de l'épée ; un seul moyen d'éviter ce malheur, c'est de recevoir dès ce soir,dans la ville, un bataillon français et; 25 chevaux qui s'empareront des portes, à mesure que les troupes évacueront.
« Du champ de bataille, le 6 novembre 1792, l'an lor de la République.
« Signé : Dumouriez. »
Troisième sommation.
«Nous, Charles-François Dumouriez,lieutenant général commandant en chef l'arméede la République, sommons l'officier commandant les troupes impériales qui forment la garnison de la ville de Mone, de se rendre à discrétion sur-le-champ, etsan&aucune capitulation, au lieutenant général Beurnonville, commandant de notre avant-garde, sous peine d'être puni de mort, ainsi que tous les officiers de la garnison, s'ils me forcent à tirer un seul coup de canon sur la ville.
« Du champ de bataille de Jemmapes, le 7 novembre 1792, 6 heures du matin, l'an leP de la République.
« Signé : dumouriez. »
« P. S. Si, malheureusement, le commandant autrichien s'oppose à ce que la lettre ci-jointe soit remise aux magistrats de Mons, et si je n'en reçois pas de réponse, il payera de sa tête ce trait d'audace criminelle qui compromettrait aux
rigueurs d'un bombardement et d'un siège les habitants de la ville de Mons, qui doivent être séparés de la querelle de la Republique française avec les despotes.
« Signé : Le lieutenant général commandant en chef les armées françaises. « Pour copié conforme aux minutes:
« Le général en chef, « Signé : dumouriez. »
Copie de la lettre du général aux magistrats de Mons le 7 novembre, à 6 heures du matin.
« Messieurs,
« L'armée de la République, que je commande, est envoyée dans la Belgiquè pour y porter la paix et la liberté, et pour délivrer les peuples de la tyrannie des barbares autrichiens. Je viens de faire la circonvallation de votre ville ; une poigné d'Autrichiens qui y restent osent me proposer de les laisser sortir avec les honneurs de la guerre, .pendant qu'il dépend de moi de les prendre tous à discrétion. Vous trouverez ci-contre l'ordre que je donne au commandant de cette prétendue garnison.
«Votre devoir, comme représentants du peuple, est de détourner les calamités qui résulteraient d'une défense téméraire autant qu'inutile : ainsi, je vous somme d'engager ou de forcer le commandement autrichien à livrer, sans aucun délai et sans aucune capitulation, la porte que j'indiquerai pour l'entrée des troupes françaises. Il doit, ainsi que vous, témoigner, par cet acte d'obéissance, la confiance due à la générosité et à l'humanité de la nation française. Je vous déclare, Messieurs, que si malheureusement je suis obligé de faire tirer sur la ville, je vous rendrai personnellement responsables sur vos biens et sur vos têtes du tort irréparable 'que votre faiblesse ou votre connivence aura attiré sur votre patrie. ... « Je suis, Messieurs, l'ami du peuple belge.
« Signé : Dumouriez. » « Pour copie conforme,
« Le ministre de la guerre, « Signé : pache. »
Extrait d'une lettre du général Custine au ministre de là guerre. Etat sommaire de bouches à feu et autres approvisionnements de guerre existant dans la ville de Mayence au moment de sa prise.
En bronze.
97 canons. 19 mortiers. 10 obusiers.
4 pièces d'une livre de balle.
En fer.
81 canons.
5 mortiers.
8 mortiers pour grenades. 4 pierriers.
9 pièces d'une livre de balle.
130 pièces.
107 Id.
Total..... . 237 pièces d'àr-
tillerie
20,983 bombes de toute grosseur. 27,684 obus. 7,757 grenades.
250,973 boulets de tout calibre .
2,305 boites à mitraille. 174 tentes.
1,537 bons fusils.
3,600 fusils en mauvais état.
1,772 mousquets.
138,867 livres pesant de plomb en balles.
468,600 pesant de poudre, sans compter les mat|ères pour artifices, outils et buffleteries.
« Signé : CUSTINE. » « Pour copie conforme :
« Le ministre de la guerre, « Signé: Pache. »
Je demande que, pour célébrer la première victoire gagnée en bataille rangée par les armées de la République française, il soit institué uné fête nationale.
monte à la tribune. (Applaudissements.) Citoyens, j'ai demandé la parole pour vous apprendre ce que la modestie du général Dumouriez lui a fait taire dans son récit;' c'est qu'après avoir rallié sa droite, il a marché lui-même à la tête des corps qui ont emporté successivement toutes les redoutes, la baïonnette au bout du fusil. (Applaudissements réitérés.) Je tiens ces détails de mon fils, le lieutenant général Egalité, qui a combattu sous ses ordres (1).
Lorsque les rois' se prétendaient souverains, on s'empressait d'expédier des courriers pour leur annoncer le succès dés batailles où ils avaient fait massacrer leurs sujets. Aujourd'hui a été remportée la première victoire en bataille rangée par les soldats de la liberté. Le souverain, le peuple, doit à l'instant même être instruit de ce succès. Des Français combattent au Var, aux Pyrénées, en Allemagne. Si quelques-uns périssent, il faut qu'ils emportent au moins dans le tombeau la consolation d'avoir vu triompher la Liberté. (On applaudit.) Je demande que la relation 4e Dumouriez soit sur-le-champ expédiée par des courriers extraordinaires à tous les départements et aux armées.
(La Convention adopte, à l'unanimité, la proposition de Cambon.)
appuie la proposition de Jean Debry et demande qu'elle soit mise aux voix.
Sans doute, la nation doit un tribut de reconnaissance à la valeur des soldats français qui ont si bien pombattu; mais ne faisons pas croire que ce courage, que ces succès surpassent les espérances que nous avions "déjà conçues dans leur valeur. Attendons pour l'institution d'une fête annuelle ou pour toute autre, que nous soyons entourés de peuples libres-; alors nous nous réjouirons d'un grand spectacle, nous célébrerons la fête de l'univers. C'est dans ce sens, et d'après la confiance que j'ai dans la bravoure de nos soldats, que je demande l'ajournement de la proposition de Jean Debry. Au reste, cette proposition rie serait admissible qu'autant qu'elle serait générale ; car toutes les armées de la République ont bien mérité d'elle; celle de Custine aussi a fait éprouver aux Autrichiens un choc redoutable et décisif, et dans la fameuse journée du 20. septembre, les soldats n'ont pas moins montré de courage que dans celle-ci. (Applaudissements.)
Je retire volontiers la proposition dé rendre cette fête annuelle ; mais j'insiste sur ce que cette victoire soit célébrée par la République.
Citoyens, je viens appuyer les diverses propositions qui vous sont faites, en exceptant seulement la proposition d'une fête nationale proposée par Jean Debry. Je pense, comme Lasource, que le nom de fête ne peut convenir à l'affaire ae Mons, quoique ce soit une bataille gagnée. Des fêtes pour des massacres d'hommes ! non, citoyens, nous n'imiterons pas le despotisme. Laissons aux rois de l'Europe à faire célébrer des fêtes quand ils ont inondé la terre de sang. (Vifs applaudissements.)
Dans les Républiques anciennes, les fêtes célébrées après des batailles étaient des jeux funèbres, et non pas des fêtes brillantes. Le plus célèbre orateur venait sur la place publique prononcer l'éloge funèbre des héros et des patriotes morts pour leurs saintes lois. Voilà les fêtes qui conviennent à des républicains, à des philosophes, à des philanthropes. Quoi! des milliers d'hommes ont péri ! car les Autrichiens sont des hommes..... il n'y a que les rois qui ne sont pas de l'espèce humaine. (Applaudissements). Trois cents Français ont laissé au milieu de nous dés veuves et des orphelins, et nous parlerions de fêtes ! Parlons d'un monument funèbre et d'un éloge public pour nos défenseurs ; que vous ayez fait une fête civique pour l'entrée triomphale de vos armées dans la Savoie, c'est aussi beau que philosophique : elle n'a pas coûté de larmes; mais 4 ou 5 mille hommes ont péri, et nous parlons de fêtes 1 Je m'y oppose, et je demande un sim* pie monument funèbre. (Vifs applaudissements.)
S'il s'agissait, comme on l'a proposé d'abord, de décréter une fête annuelle pour les victoires remportées sur les ennemis de la République, j'en demanderais l'ajournement, parce que toute mesure générale doit être précédée d'une mûre réflexion ; mais s'il ne s'agit que d'une fêté particulière pour célébrer nos victoires actuelles, je dis que, comme nos généraux n'ont pas ajourné la victoire, nous ne devons pas ajourner l'expression de notre joie. 11 a péri des hommes, sans doute, dans ces batailles; mais, enfin c'est la liberté qui triomphe. Il a péri des hommes; mais pourquoi donc avons-nous déclaré la guerre? Nous savions bien qu'elle coûterait la vie à des Français ; c'est parce que nous savions ^aussi qu'elle devait consplider la paix et qu'elle serait, par l'établissement de la liberté universelle, le triomphe durable de l'humanité. On nous a dit que, dans les fêtes anciennes, un orateur prononçait l'oraison funèbre des héros; eh bien, prononcez aussi l'éloge funèbre des héros de la liberté! mais que la fè;te ait lieu; que le regret d'avoir perdu des défenseurs se confonde dans la joie d'avoir vu triompher la liberté de notre patrie.
Gardons-nous des abstractions métaphysiques. La nature a donné aux hommes des passions ; c'est par les passionë qu'il faut les gouverner.et les rendre heureux. La nature a surtout gravé dans le cœur de l'homme l'amour de la gloire, de la patrie, de la liberté; passions sublimes qui doublent la force, exaltent le courage et enfantent les actions héroïques, qui donnent l'immortalité aux hommes et font le bonheur des nations qui savent entretenir ce feu sacré. Malheur au politique qui„croirait pouvoir détruire ou négliger ce grand mobile des actions hu-
maines ! II serait insensé d'y prétendre ; car ces affections de la nature sont plus puissantes que tous les efforts de l'homme pour les détruire. Il serait surtout bien malheureux d'y réussir ; car si on était parvenu à étouffer eh nous ces sentiments généreux qui nous ont déjà fait faire tant de sacrifices, qui ont produit les plus sublimes élans vers [la liberté et assuré son triomphe, je vous le demande, où en serions-nous? Croyez-vous que sans cet enthousiasme, tant de soldats auraient volé vers nos frontières pour en repousser de barbares conjurés? Ne négligeons donc pas d'entretenir ce feu sacré par tous les moyens que nous offrent les circonstances.
L'aliment le plus efficace pour le vivifier, ce sont les fêtes publiques. Rappelez-vous la fédé-ration^de 1790. Quel cœur n a pas, dans ces moments d'enthousiasme et d'allégresse, palpité pour la patrie? Vous rappelez-vous les fêtes funèbres que nous célébrâmes pour les patriotes morts dans la journée du 10 août? Quel est celui d'entre nous qui, le cœur, oppressé de douleur, mais l'âme exaltée par l'enthousiasme de la vraie gloire, ne sentit pas alors le désir, le besoin de venger ces héros de la liberté? Eh bien! c'est' par de pareilles fêtes que vous ranimerez sans cessé le civisme. Chantez donc, chantez une victoire qui sera celle de l'humanité. Il a péri des hommes; mais c'est pour qu'il n'en périsse plus. Je le jure, au nom ae la fraternité universelle que vous allez établir, chacun de vos combats sera un pas de fait vers la pâix, l'humanité et le bonheur des peuples. ( Vifs applaudissements.)
Je demande que le comité d'instruction publique soit chargé de nous présenter un projet de fêté pour célébrer les victoires des armées françaises.
Si la fête doit être générale pour célébrer les succès de 1 toutes les armées, je retire ma proposition d'ajournement.
(La Convention adopte la proposition de Ver-gniaud.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète qu'il sera célébré une fête nationale pour honorer les succès des armées de la République, renvoie au comité d'instruction publique pour présenter les moyens d'exécution » (1).
, commissaire inspecteur de la salle. La Convention a décrété que le citoyen Baptiste Renard recevrait, au nom de la République, un uniformé national : l'en voici revêtu.
Baptiste Renard paraît à la barre sous l'habit national : on le fait entrer dans l'Assemblée... Elle applaudit avec une nouvelle effusion au courage et au dévouement généreux de ce citoyen.
, au nom de' la République française, lui remet entre les mains une épée, en lui donnant le baiser fraternel. Il le fait asseoir parmi les législateurs.
, aide de camp de Dumouriez, embrasse Baptiste avec transport, et dit : C'est ce brave homme qui, avec Dumouriez, a sauté le premier dans les retranchements de l'ennemi ! — (La salle continue de retentir des acclamations de l'Assemblée et des spectateurs.)
Il faut suspendre vos
Les citoyens et les citoyennes de la section de Bondy, ont été en corps d assemblée, jurer union et fraternité éternelle à'leurs frères des départements casernes dans l'étendue de cette section. Je vais vous lire le procès-verbal de cette touchante cérémonie.
Extrait du registre des délibérations de là section de
Bondy, du er de la République française (1).'
Le citoyen président, ayant rappelé à l'assemblée sa proposition d'aller en corps fraterniser avec nos frères des départements qui sont caser-nés sur son arrondissement, l'assemblée, consultée, s'est levée tout entière en adhérant à Cette proposition, en invitant les citoyennes à prendre part à cette démarche civique, ce qu'elles ont accepté avec empressement.
Sur-le-champ l'assemblée générale, le président en tête, et après avoir fait prévenir de sa démarche les citoyens volontaires des départements, casernés faubourg Saint-Martin et rue de Bondy, s'est trahsportéeà l'une desdites casernes,sise près les Récollets, où étant, le citoyen présiaent a prononcé le discours suivant :
« Citoyens, les ennemis du bien public espéraient, à l'aide de leurs machinations, semer la défiance entre les Français habitant la ville de Paris et les Français leurs frères des départements; déjà ils savouraient la criminelle jouissance de nos désordres mutuels; mais chez un peuple conduit à la liberté par la philosophie, chez un peuple où une infinité de savants ont peint le cœur de l'homme placé à tous les degrés de la vie humaine, luttant sans cesse entre le vice et la vertu, les semences de la discorde ne peuvent jamais fructifier. Non, citoyens, peuple ie plus éclairé de la terre, jamais l'intrigue, l'orgueil l'ambition et l'amour des vengeances particulières ne pourront nous faire oublier un instant l'intérêt général de la République. Semblables à ces hautes montagnes qui élèvent leurs cimes orgueilleuses jusque dans les nues, nous verrons la foudre se briser en éclats au- -tour de nous, sans en être ébranlés.
« Jurons-nous donc, frères et amis,- une amitié et une union invincibles ; la situation des circonstances l'exige, l'amour de la patrie nous l'ordonne. Venez dans notre sein, au milieu de nous, dans nos assemblées ; venez y déposer vos craintes; vous y connaîtrez nos principes, votre présence nous y rappellera sans cesse notre devoir, vos vertus et la grande famille dont nous «gommes membres. »
Ce discours prononcé, ils ont accompagné la députation à la caserne plus
haut, connue sous le nom de caserne ci-devant du Centre, et ceux-ci,
tous ensemble à la caserne rue de Bondy, où étant, le citoyen président,
après avoir prononcé le discours ci-dessus, le serment de l'union, de la
fraternité, du maintien de la sûreté des personnes et des propriétés, a
été prêté unanime-
Des chansons patriotiques ont été chantées, le baiser de paix, de fraternité a été donné réciproquement les larmes aux yeux ; enfin tous ces braves camarades l'ont reconduit jusque dans la salle des assemblées de la section, où les citoyens, après avoir repris- séance et sensiblement touchés de la démarche civique de l'assemblée et des marques de reconnaissance qu'en avaient témoigné nos frères d'armes des départements, plusieurs propositions ont été successivement faites, entre lesquelles l'assemblée a arrêté que le récit de sa démarche serait envoyé à la Convention nationale, aux ministres de la guerre et de l'intérieur, au commandant général, avec invitation d'en faire mention sur l'ordre; aux quarante-sept autres sections, par la voie du bureau central; et sur la proposition des officiers de nos frères des départements, il a été aussi arrêté que les noms des capitaines, officiers et compagnies seraient désignés au procès-verbal de cette séance et que* pour plus franche authenticité, il serait signé desdits officiers.
Signé : foliot, président.
Marlée, secrétaire-greffier.
(Double salve d'applaudissements.)
Puissent ces applaudissements retentir dans toutes les sections de Paris! Vous venez d'en donner au récit d'une grande victoire sur les Autrichiens ; en voici une autre non moius importante sur les anarchistes. Je demande que vous ordonniez la mention honorable, l'impression et l'envoi de cet arrêté aux 83 départements et aux armées.
(La Convention décrété la mention honorable de l'arrêté pris par la section de Bondy, et en ordonne l'impression et l'envoi aux 83 départements et aux armées).
, au nom des comités diplomatique et de sûreté générale réunis, fait un rapport sur la conduite du général Montesquiou; il s'exprime ainsi :
Citoyens, notre tribune a souvent retenti de l'éloge d'un général dont les sentiments et la conduite ont été jusqu'à présent un problème. Vous nous avez chargés de fixer les idées indécises des représentants de la nation sur un homme chargé à la fois de deux missions de la plus grande importance ; comme général d'armée, de propager les principes salutaires de la déclaration des droits, de provoquer la vengeance d'un peuple qu'une grande trahison ourdie contre la liberté naissante a lassé; comme plénipotentiaire de la Republique, de terminer les différends élevés avec Genève, et d'y faire respecter le nom Français et les traités.
Qu'a-t-il fait? Adroit dans l'art de l'in-trigue? et instruit du mauvais effet qu'avait produit la conduite de Wittgenstein, il a caressé les amis de la liberté, visité les sociétés patriotiques; il a manifesté des intentions civiques, proféré même des maximes républicaines ; mais combien ses actions ont démenti ces principes ? Il parlait en homme libre, il agissait en esclave. Partageant l'opinion de beaucoup de bons et de mauvais citoyens sur Lafayette, il quitta, comme lui, son armée, pour venir à cette barre faire des pétitions et exagérer la force des troupes du roi de Sardaigne, en Piémont.
L'Assemblée législative lui a accordé le droit
de réquisition ; mais bientôt les amis de la lf berté, brûlant de se signaler pour leur patrie, se virent déçus de leurs espérances, et réduits au licenciement et à l'inaction ; tandis que le canon d'alarme retentissait à Paris, on lui demandait du renfort pour l'armée des Ardennes, il laissait dans l'inaction les bataillons de Nimes, d'Avignon, d'Arles et refusait des détachements indispensables pour le camp de Châ-lons. 11 se plaignait continuellement de n'avoir pas assez de forces, en même temps qu'il licenciait celles qui lui venaient de toutes parts. On lui reproche encore d'avoir éloigné de lui les officiers patriotes, de s'être entouré, pour son état-major, d'officiers perdus dans l'opinion des bons citoyens. On lui reproche d'avoir favorisé, par ses temporisations, au roi de Sardaigne les moyens de faire monter son artillerie, et d'avoir laisser écouler dans l'inaction la saison la plus propre aux opérations militaires.
La menace d'un décret de destitution est le seul mobile qui l'ait enfin déterminé à s'émouvoir et à entrer dans la Savoie ; il n'y est entré que le 23 septembre, tandis qu'il devait s'en emparer dès le 15 août. Pour donner un prétexte à ces lenteurs, il avait exagéré les forces du roi de Sardaigne, tandis qu'elles ne s'élevaient effectivement qu'à 11,000 hommes.
Voici ce qu'écrivait, à cet égard, le 17 septembre, le ci-devant comte DucniJlau, auï frères du roi, et c'est peut-être la première fois que la vérité soit sortie de la bouche dun émigré :
« Je me suis attaché à la suite du comte de Narbonne, croyant pouvoir être utile dans cette partie ; mais les troupes piémontaises sont trop faibles pour agir seules, n'étant que de 11,000 hommes ; mais elles ne feront aucune difficulté pour se réunir aux ordres de votre altesse séré-nissime (le duc de Gondé) et de M. d'Esterhazy, si nous recevons un renfort de 10,000 Autrichiens; le roi de Sardaigne sera à même de porter de grands coups, et d'opérer une contre-révolution à Lyon, pendant que vos altesses sérénissiines entreront dans la Champagne. Mais je ne parle encore que de probabilités; car, malgré les bonnes intentions du roi, il est à craindre que les ministres ne retardent l'effèt de ses promesses ; et ce qui augmente mes craintes, c'est le peu de préparatifs que l'on fait, la lenteur que l'on met a se procurer des chevaux de trait, et tous les autres objets nécessaires à une guerre offensive. L'esprit des troupes est bon ; mais la partie des généraux est telle, qu'ils n'ont pas encore fait monter une pièce de canon. S ils avaient affaire aux Français d'autrefois, commandés par votre altesse Sérénissime, il y aurait longtemps que la Savoie ne serait plus au pouvoir au roi de Sardaigne.
« Signé : Le comte Duchillau. »
Mais Montesquiou n'est pas seulement coupable d'avoir trompé le Corps législatif sur la force des troupes ennemies ; il est coupable encore d'avoir délapidé les finances de l'Etat par des marchés frauduleux qu'il a autorisés. On vous en a déjà dénoncé plusieurs, mais voici le plus grand grief contre ce général : Chargé des pleins pouvoirs de la République pour rappeler à ses devoirs l'Etat de Genève qui avait violé les traités, il a fait une transaction honteuse dans laquelle les intérêts et la dignité nationale se trouvaient compromis ; il a enchaîné devant Genève la valeur de nos soldats,
il a terni la gloire du nom Français, en faisant avec quelques aristocrates genevois, quoi-qu'ayant sous ses ordres une nombreuse armée, une capitulation qu'une poignée de Français avait refusée à Brunswick et à ses immenses cohortes ; il a usurpé le pouvoir législatif, en exécutant ce traité avant la ratification, et en souscrivant à l'article infâme portant que dès le lendemain les troupes se retireraient de devant Genève, et que la grosse artillerie rentrerait sur-le-champ dans les arsenaux ; il a usurpé le pouvoir exécutif en contremandant les troupes qui marchaient vers Genève par ordre du Conseil ; enfin, le pouvoir exécutif lui ayant demandé une seconde fois des troupes pour renforcer l'armée de Custine, au lieu d'obéir, il a licencié les bataillons ae grenadiers volontaires qui lui restaient, et par là, compromis la sûreté même de la Savoie,
La seconde convention qu'il a faite, en date du 2 novembre, avec les députés de Genève, ne vaut pas mieux que la première, et il y a mis tant de lenteur, qu'il est parvenu à mettre le pouvoir exécutif' dans la nécessité d'y consentir, en annonçant que la rigueur de la saison l'empêche d'entreprendre aucunes opérations militaires. C'est ainsi qu'il a livré les patriotes génevois au despotisme militaire et à l'aristocratie des magistrats.
Citoyens, vos comités diplomatique et de sûreté générale réunis, vous proposent de décréter qu'il y a lieu à accusation contre le général Montesquiou.
Je demande la parole.
La parole est à Dubois-Crancé.
Vos commissaires à l'armée des Alpes ayant été interpellés de vous rendre compte des renseignements qu'ils ont recueillis sur la conduite du général Montesquiou, je vais vous faire connaître leur opinion à son égard. Ayant partagé l'opinion de Lafayette, il a organisé dans ce sens son état-major ; mais était-ce au milieu de la Conquête rapide de la Savoie, alors que ce général était environné des acclamations de son armée, et des cris de la reconnaissance des Savoisiens, que vos commissaires eussent pu élever la voix pour vous communiquer leurs soupçons ? Cependant, dès notre première dépêche, nous vous l'avons dénoncé, pour avoir, sans autorisation, licencié plusieurs ataillons de grenadiers nationaux, dans le moment même où il recevait ordre de marcher sur Genève, et de fournir des renforts pour l'armée de Kellermann. Nous n'avons reçu aucune réponse à cette dénonciation.
Notre mission était finie ; cependant inquiets de la conduite qu'il pouvait tenir devant Genève, nous l'y avons accompagné; toutes ses opérations, ses conversations, sa correspondance, nous ont convaincu de sa répugnance marquée à forcer militairement la République de Genève de réparer ses torts envers la France. Nous pouvons même dire qu'il laissa un jour échapper le secret de sa conduite, lorsque l'ayant invité à jeter quelques bombes dans Genève, pour faire accélérer les négociations, il nous répondit : N'entendez-vous pas d'ici les cris des crpitalistes de Paris ? Cependant, il faisait quelques préparatifs, mais avec tant de lenteur qu'il était évident qu'il n'attendait que les rigueurs de la saison pour se retirer. C'est dans ces circonstances que vos commissaires sont
partis ; ils ont traversé Genève, et la faiblesse des préparatifs dé* défense, dans cette ville, leur fait voir qu'on y craignait peu d'y être attaqué. Nous avons cru qu'il pouvait être dangereux de publier ces soupçons lorsqué nous n'avions encore que des preuves morales ; aujourd'hui que nous avons les preuves matérielles, nous nous en référons au décret d'accusation qui est proposé.
Citoyens, il a été convenu aux comités réunis de faire une distinction entre le traité du 22 octobre et celui du 2 novembre. Sans doute, par le premier, Montesquiou a souillé la gloire de la France, mais le second est conforme à nos principes. Je demande que ce dernier traité ne soit pas compris dans les griefs contre Montesquiou ; au reste, je vote pour le décret d'accusation.
(La Convention décrète qu'il y a lieu à accusation contre le général Montesquiou;)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Lebrun j ministre des affaires étrangères, qui fait passer à la Convention un ouvrage sur la chronologie que lui offre un patriote génois, Joseph-Pierre Rabagliati.
(La Convention accepte l'hommage et en décrète la mention honorable au procès-verbal.) \
Le même secrétaire donne lecture du bordereau des dons patriotiques qui ont été offerts pendant le cours de la séance :
1° Les employés au bureau de l'Administration municipale des domaines nationaux, établi au Saint-Esprit, font déposer 200 livres sur le bureau, pour le mois d'octobre, en vertu de leur soumission du 22 avril dernier.
2° Les divers employés dans l'Administration générale des postes, à Paris, font déposer sur le bureau, pour le septième mois de leur soumission, une somme de 2,052 1. 9 s.
3° Les citoyens officiers, sous-officiers et soldats du deuxième bataillon du dixième régiment d'infanterie, en garnison à Mont-Dauphin, font déposer, sur le bureau, pour les malheureux Lillois, une somme de 537 1. 15 s.
4° Le commissaire des guerres, employé à l'organisation de la gendarmerie en rassemblement à Fontainebleau, fait parvenir, au nom des gendarmes du département du Puy-de-Dôme, au nombre de 70, pour les Lillois, une somme de 190 livres.
5° Le citoyen Jean-Baptiste Massieu, évêquè du département de l'Oise, fait déposer sur le bureau, de la part des citoyens gardes nationaux de Beauvais, une somme de 225 1. 19 s. pour le soulagement des veuves et orphelins de la journée du 10.
6° Le citoyen Roland, ministre de l'intérieur, fait parvenir la croix de Saint-Louis du citoyen Liaud, officier vétéran, en station à l'Isle-de-Porquerolles, département du Var.
7° Le citoyen Galband Dufoert, commandant au quatrième régiment d'artillerie, fait déposer son brevet et sa croix de Saint-Louis.
8° Le citoyen Théobald Bascher, ambassadeur de France en Suisse, fait parvenir sa décoration militaire et un assignat de 200 livres pour les frais de la guerre.
9° Le citoyen Barthélémy, ambassadeur de France en Suisse, fait parvenir une somme de 500 livres en écus, qui lui ont été remis par un
suisse, fabricant champêtre, au bord d'un lac de la Suisse.
10° M. Barthélémy fait parvenir, en outre, pour lui, et pour la guerre, une somme de 2,000 livres en assigants.
11° Le citoyen Lequiante donne, pour les frais de la guerre, un assignat de 200 livres.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
a la séance de la convention nationale du
Lettre du citoyen Egalité, fils aîné, à son père, datée de Mons, le 7 novembre 1792, l'an IeT de la République française (2).
Depuis cinq jours, nous avons successivement replié les postes avancés, délogé les ennemis du bois et des batteries de Boussu; ils nous ont abandonné Saint-Ghislain, où il y avait cependant de belles batteries en terre dont ils n'ont pas pu se servir. Nous avons attaqué le village de Caregnon et nous avons commencé à canon-ner les redoutes de la hauteur de Jemmapes : la nuit nous ayant surpris, nous avons cessé notre feu, et le lendemain, à sept heures, le canon a recommencé. Le général était décidé à attaquer les redoutes de Jemmapes, et à livrer bataille aussitôt que le village de Caregnon serait à nous. 11 envoya Thouvenot à cette attaque du village; car, sans lui, elle n'eût pas été décidée aussi promptement ; enfin il ordonna de former l'infanterie en colonne et de battre la charge. Il est impossible de vous représenter ce moment ; les cris de « Vive la nation ! vive la République ! » la joie de tous ces soldats et la vue de nos colonnes marchant parfaitement, formaient un spectacle superbe. On a attaqué le bois où il y avait une infanterie terrible. Notre droite a plié un moment, mais elle a été bientôt ralliée par Thouvenot et quelques autres, au nombre desquels était César, mon aide-de-camp (âgé de 16 ans), que Dumouriez a fait capitaine sur-le-champ de bataille. J'ai rallié l'infanterie du bois; et comme il y avait beaucoup de soldats qui, sous prétexte de charger leurs bataillons, s'en allaient; j'en ai formé un bataillon que j'ai appelé le bataillon de Mons ; j'y ai mis un drapeau qui cherchait aussi un bataillon ; je leur ai donné une pièce de canon, j'y ai fait un commandant et des officiers ; et toutes les fois qu'un homme venait me demander son bataillon, le voilà, lui disais-je, marchez. J'ai fait battre la charge et fait charger mon bataillon de Mons, qui a très bien été.Dumouriez a été lui-même à l'attaque des redoutes, qui ont été successivement enlevées à la baïonnette au bout du fusil; les grenadiers hongrois qui devaient les défendre, ont été taillés en pièces ; enfin, nous sommes demeurés maîtres
du champ de bataille; les ennemis étaient dans un tel désordre, qu'ils n'ont pas pu se rallier aux redoutes de Berthamont et du Mont Palisel; d'Harville s'en est emparé sans brûler une seule amorce. Rien n'a manqué à cette glorieuse journée. Nous sommes entrés ce matin dans Mons aux acclamations d'un peuple immense : Léonard Wakiers est entré avec nous ; il est impossible de vous donner une idée de cette réception. L'esprit public me paraît excellent ici et vraiment français. Je ne doute pas que tout ce pays ne soit bientôt libre; la ville prend les armes, on nomme des municipaux, on arrête les partisans de la maison d'Autriche.
« Signé : Philippe Égalité. »
a la séance de la convention nationale du
opinion de Daubermesnil, député à la Convention nationale française, par le département du Tarn, sur le projet de la fête à célébrer pour le succès des armes de la liberté (2).
La Convention ordonne une fête pour célébrer le succès des armes françaises, parce que la félicité des peuples, le bonheur des générations, est attaché à nos victoires ; et le comité d'instruction publique a été chargé d'en présenter le mode.
Mais, pour célébrer une fête, ne saurons-nous donc jamais que faire tonner le bronze destructeur? A l'imitation des despotes, ne reviendrons-nous donc jamais aux idées simples de l'homme sortant des mains de la nature pour former la première société? Aurions-nous donc oublié quel puissant effet peut produire sur les âmes les hymnes chantées dans ces jours solennels? La fête passe, et le souvenir en est bientôt effacé ; mais les chants qui l'ont consacrée viennent sans cesse en rappeler à la mémoire le sujet et la solennité ; c'est par eux que les citoyens de l'Empire se réunissent sur le même sentiment et s'accordent encore de la manière d'en exprimer l'élan; c'est par eux que celui-là même que des événements imprévus ont privé de ce spectacle attendrissant, peut encore s'en former une image ; enfin, c'est par leurs charmes inexplicables, que le courage des hommes libres qui volent aux combats, s'enflamme, en songeant à la reconnaissance de sa cité, en pensant que ces chants honoreront sa mémoire, s'il perd la vie dans une si noble cause. Et nous voulons établir une fête 1 où sont donc nos chants de triomphe, nos hymnes à la liberté, à la fraternité universelle, nos cantiques à la patrie, à la divinité tutélaire et bienfaisante qui préside aux événements qui doivent fixer son bonheur? Nous avons, me répondra-ton, l'hymne des Marseillais.... Sans doute, elle est imposante et fière; je sens l'impression que ces paroles et ce chant doivent produire, au moment où l'on se dispose au combat; mai l'appliquerons-nous sans discernement à toute les occasions ? Elle a dernièrement été chantée
à la fête préparatoire de l'union d'un peuple avec la France ; bientôt en célébrant une victoire, nous la chanterons encore; et lorsque nous pourrons déposer nos armes victorieuses et rentrer dans nos foyers, solenniserons-nous cfette fête au bruit du bronze tonnant, en chantant toujours « aux armes citoyens, formez vos bataillons »; nous ressemblerons aux usurpateurs du pouvoir souverain que nous venons ae chasser, qui, pour tous les événements nous faisaient chanter la plus lourde et la plus plate psalmodie, pour une victoire, comme pour le retour de la paix ; pour la naissance de leurs enfants, comme pour leurs mariages ; c'était toujours la même cnanson ; que nous aurions du chanter à leur mort, s'ils n'avaient point laissé de descendants. Soyons enfin utte fois ce que nous devons être; que le canon se taise ; ce n'est point dans nos cités qu'il doit être entendu : sa sinistre détonation étoufferait nos voix. Mais on me répond que ce que nous faisons n'est que pour le moment : c'est ce dont je me plains. Le provisoire nous détruit ; qu'enfin le travail nous sauvé. Manquons-nous donc de génies et d'artistes capables de répondre et de féconder l'enthousiasme de la nation? Non, quoiqu'on en dise, les arts s'élèvent; et si, semblables aux aux abeilles, aux chantres des forêts, ils ont resté dans le silence et l'oisiveté pendant l'orage de la Révolution, n'en doutez pas, ils élèveront leurs voix au signal de la liberté. Quelque pompe que vous attachiez à votre fête, elle passera avec les décorations du lieu où vous l au-rez célébrée, avec le bruit dont vous l'aurez accompagnée ; si des chants analogues aux événements ne la gravent dans le cœur, et ne la font courir sur toutes les bouches des citoyens. Commencez donc par offrir des récompenses civiques à ceux qui présenteront les plus belles hymnes pour célébrer la liberté des hommes, les droits de la société, l'égalité et la fraternité universelle ; pour chanter les courages qui bravent les périls et la mort, afin de fonder le règne de la justice et de la raison ; que cës chants simples peignent la honte des préjugés et des passions, la gloire et le bonheur des mœurs et de la vertu ; que les idées de la providence éternelle de l'Etre suprême leur donne une teinte religieuse, et, rappelant l'homme à son auteur, lui rappelle les lois auxquelles il doit obéissance, en liant leur système à l'action de celui dont il tient l'existence. N'en doutez pas ; à votre voix, vous verrez éçlore les chefs-d'œuvre , et vous pourrez atteindre dans vos fêtes le but que vous vous proposez : celui de conduire l'homme aux grandes choses par l'enthousiasme, et vous ajouterez une preuve de plus à l'expérience de tous les fidèles. Je propose donc de décréter que Ié comité d'instruction publique invitera tous les citoyens dont les talents font la gloire de la patrie, à présenter les hymnes sur les sujets que j'ai indiqués, avec l'espoir d'une récompense civique, pour ceux dont l'ouvrage sera jugé remplir le but que vous proposez.
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
opinion de Jean-François Barailon, membre de la Convention nationale, député par le département de la Creuse, sur les fêtes civiques a établir dans la République française (2).
En attendant que je puisse présenter un plan général de constitution, je transmettrai successivement . mon opinion sur divers objets qui en feront partie.
L'Assemblée constituante avait prononcé qu'il serait fait des Fêtes nationales: la Convention fera mieux, elle les établira.
En effet, rien 'n'est plus propre à rappeler l'homme à ses devoirs, à le convaincre de sa dignité, à épurer ses mœurs, à ramener la simplicité vraiment républicaine, à consolider l'union des citoyens, à les attacher à la patrie, à leur retracer enfin des événements qu'ils ne doivent jamais oublier, que ces sortes d institution.
Parmi les fêtes civiques que la République aura à célébrer, il en est qu'il importe, sans doute, de connaître, et qu'il est peut-être urgent d'instituer.
Je distingue d'abord celles de l'Egalité, de la Liberté, de la Cité, de la République.
Viennent ensuite celles des Victoires et des Héros. .
Je m'explique sur ohacune.
Je mets en tête la Fête de l'Egalité, comme la première de toutes aux yeux du philosophe.
Son institution, grande, sublime, digne de la majesté du peuple français, honorera à jamais les représentants d'une nation assez sage pour faire,de l'Egalité la base de son pacte de famille, et assez éclairée pour sentir que la Liberté ne saurait exister où elle n'est point.
L'époque de sa célébration nous est dès longtemps indiquée par l'antiquité.
C'était le premier de l'an que, pour resserrer le lien de la société, entretenir l'amitié, l'on fraternisait par des visites, des présents, des souhaits; et cet usage est parvenu jusqu'à nous.
C'était encore le premier de l'an que, chez certains peuples,*dans la vue d'apprendre aux hommes qu'ils sont tous égaux ; qu'ils doivent tour à tour commander et obéir, le maître servait son esclave à table ; et qu'il ne pouvait ni le punir, ni s'en offenser, si ce jour là il en recevait des injures ou des reproches.
C'était enfin le premier de l'an que l'on consacrait l'eau lustrale (l);que l'on cueillait le gui de chêne (2); que l'on renouvelait le feu sacré, que l'on en tirait du caillou (3), etc.
L'on est d'abord surpris de rencontrer en même temps et ces cérémonies religieuses, et ces pratiques purement civiques; de les voir aller de pair, pour ainsi dire de conserve, et se prêter mutuellement un appui.
Mais l'étonnement cesse dès que l'on considère les moralités qui découlent de celles-ci en particulier; savoir que tous les hommes sont parfaitement égaux aux yeux de la nature, comme ils le sont à ceux de la raison, et qu'ils sont tous pareillement soumis à ses lois.
Que devaient être, dans le fait, ces tristes restes du genre humain, ces êtres tremblants, épaves, fugitifs échappés à la destruction presque générale dont ces mystères perpétuent la mémoire? L'excès des maux les avait rendus sages : chacun d'eux avait appris à se connaître, à s'apprécier.
Leur existence n'étant que précaire, leur manière de se reproduire la même, le même terme fatal, où chaque pas conduit, inévitable, tout, en un mot, leur représentant sans cesse l'égalité l'uniformité, l'irrésistible nécessité; quel aurait été celui qui se serait cru supérieur aux autres? Se fût-il même trouvé un insensé qui eût osé le dire?
Ces pratiques civiques,ces cérémonies mystiques avaient donc un double but, celui de remémorer l'égalité originelle et imprescriptible de chaque homme, et ces cruelles catastrophes où la terre avait vu disparaître tout à coup ses malheureux habitants. La fête de l'Egalité fera encore entendre les mêmes vérités. Elle rappellera sans cesse aux humains, que leurs droits individuels sont absolument les mêmes pour tous, que le sol qu'ils habitent, sur lequel ils marchent si fièrement et avec tant de confiance, n'est qu'un vaste tombeau, qu'un amas de ruines, que l'abîme est creusé sous leurs pas, qu'il peut les engloutir d'un instant à l'autre, que peut-être leur dernière heure va sonner, et qu'au lieu de s'entre déchirer sur cette terre de désolation, comme des tigres, altérés de sang, ils doivent se réunir, sé secourir, s'entr'aider comme frères.
C'est au 10 du mois d'août, qu'il faut fixer, ce me semble, la fête de la Liberté. Bile retracera l'extinction du despotisme et la chute du dernier des tyrans.
Le jour mémorable, où la Convention proclamera la Constitution, acceptée et sanctionnée par le souverain, sera celui de la fête de la Cité (1).
Le 21 septembre (1792), où l'on prononça l'abolition de la royauté, fut le 1er de République. L'époque de l'anniversaire est conséquemment connu.
Il est juste de fêter nos Victoires sur les despotes; mais comment en marquer l'instant? L'on
choisira probablement celui où la France déposera les armes, après avoir procuré la liberté et la paix à ses voisins, orbe pacato liberatoque.
Je désigne enfin le 14 juillet, pour l'apothéose de» Héros de la liberté et de l'égalité. Ce fut à pareil jour de 1789, qu'ils firent leurs premières armes à l'assaut de la Bastille et que la liberté prit son essor. La patrie leur donnera, sans doute, ce témoignage de reconnaissance.
De grands événements, des circonstances imprévues, des objets très intéressants, peuvent commander l'institution de plusieurs autres fêtes; il serait certainement sublime d'en consacrer une, en l'honneur des grands hommes qui ont éclairé le globe.
Au reste, l'adoption de celles dont je viens de parler, étant incertaine, il devient superflu d'examiner la manière de les célébrer. Je me contenterai de soumettre quelques-unes de mes idées à cet égard.
Je voudrais que l'on fêtât chacunes d'elles, par des hymnes, des discours, des pratiques particulières, des signes extérieurs, en un mot par tous les moyens capables d'instruire etid'édifler.
Pourquoi, lors de celle de l'Egalité, par exemple, n'adopterait-on pas les visites fraternelles, les formules de l'amitié et de l'égalité? Pourquoi le domestique et l'ouvrier n'y partageraient-ils pas la table du riche? Je voudrais encore qu'aucun individu ne pût sans bassesse, sans infamie, se courber ou se découvrir devant son semblable. Je désirerais, en outre, que le tutoiement, qui est la manière franche et naturelle de s'exprimer du républicain, fut au moins générale et familière le premier de l'an. Quelques actes particuliers conserveraient le souvenir des affreuses révolutions du globe, et apprendraient d'avance ce que l'on a encore à redouter.
Le citoyen aurait la tête ornée du bonnet de la liberté, le jour de sa fête. Les courses, les danses, tout ce qu'offre la gymnastique, en un mot, en formeraient un spectacle.
La lecture de l'acte d'association, le serment de maintenir la Constitution ou de mourir en la défendant, l'alliance qui ornerait l'annulaire des banquets civiques où régnerait la frugalité, signaleraient la fête de la Cité (1).
Dans celle de la République, l'on réitérerait solennellementlapromesse d'en maintenirl'unité, d'obéir aux lois, d'honorer et de respecter toutes les autorités constituées, de les défendre jusqu'à la mort. L'on y exécrerait la royauté, l'on y proscrirait, l'on y abjurerait tout pouvoir absolu, héréditaire ou à vie, et on la terminerait par des feux de joie.
Des combats simulés, sur terre et sur eau; l'attaque, la défense, la prise figurées de forteresses, de camps retranchés, etc., distingueraient la fête des Victoires.
Le récit à haute voix, des belles actions et de ceux qui les ont faites, l'indication du lieu fortuné qui les a vu naître, les honneurs du triomphe décernés à leurs statues, concourraient enfin à la célébration de celle des Héros.
Pour en éterniser la mémoire, je désirerais encore y faire participer le bronze. Des médailles, d'environ 2 pouces de diamètre, en manifesteraient continuellement le sujet, et pourraient même orner la poitrine de chaque citoyen.
La première présenterait un niveau, au-dessous le millésime 1er janvier 1793 et cette légende abrégée:
les hommes naissent, vivent et meurent égaux en droits ; au revers, d'un
côté des poissons sur des arbres, de l'autre une pluie de feu, avec
cette inscription : Fête de l'Egalité, le 1er janvier.
La seconde, offrirait un bonnet de la liberté posé sur un faisceau d'armes, le millésime, 10 août 1792 au-dessous et pour légende : partout l'homme reprendra ses droits ; au revers, un joug brisé et pour inscription : Fête delà Liberté te 10 août.
La troisième porterait un livre ouvert, ayant pour titre : Constitution française; au-dessous le millésime et par abréviation, cette légende : Je jure dp la maintenir ou de mourir en la défendant. Au revers, une alliance surmontée d'une foi, et pour inscription : Fête de la Cité, le...
L'on remarquerait dans la quatrième, les membres de la Convention, la main droite levée vers le Ciel, la gauche sur le cœur, abolissant la royauté et fondant la République ; le millésime, 21 septembre 1792, au-dessous, et la légende : Elle durera autant que la Raison. Au revers, des couronnes, des sceptres brisés, l'aigle impérial renversé sous les pieds de Thémis; et pour inscription : Fête de la République, le 21 septembre.
Hercule assommerait un monstre-roi dans la cinquième. Le millésime serait au-dessous. Pour légende : Les tyrans furent vaincus. Au revers, une branche de laurier surmontée d'un rameau d'olivier, pour inscription : Fête des Victoires, le...
Dans le dernière, on verrait un héros couronné de lauriers, ayant des armes à l'un de ses côtés, et de l'autre le livre de la loi; au-dessous: 14 juillet 1789, pour légende : La Patrie reconnaissante. Au revers des chars, des arcs de triomphe; pour inscription : Apothéose des Héros, le 14 juillet.
Je demande que l'on adopte mon projet, si l'on ne propose rien de mieux à la Convention et que l'on se hâte surtout d'instituer les fêtes de l'Egalité, de la Liberté et dè la République.
Paris, ce 8 novembre 1792.
Signé : Bàrailon.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. HÉRAULT DE SÉCHELLES, président.
La séance est ouverte à dix heures et demie du matin.
, secrétaire, présente l'extrait ci-joint des lettres ministérielles, adresses et pétitions, dont l'Assemblée décrète le renvoi à ses divers comités:
1° Lettre des administrateurs composant le conseil général du département du Bas-Rhin, à laquelle sont jointes différentes pièces relatives à la translation provisoire de l'administration du district de Benfeld en la ville de Barr : ils écrivent que les plus puissants motifs d'intérêt public les ont obligés à cette mesure qu'ils regardaient comme indispensable dans les circonstances.
(La Convention renvoie ces pièces au comité.)
2° Lettre des administrateurs du conseil du district d'Orléans, qui sollicitent la Convention d'ordonner que les ecclésiastiques non employés,
âgés de 70 ans ou infirmes, qui n'ont d'autres ressources pour subsister que leur pension sur l'Etat, seront payés d'avance tous les trois mois.
(La Convention passe à l'ordre du jour.) . 3° Lettre des administrateurs composant le conseil permanent du département du Tarn, accompagnée d'un arrêté contenant plusieurs questions relatives aux ecclésiastiques insermentés.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de législation.)
4° Lettre des administrateurs du conseil général du département des Côtes-du-Nord, accompagnée d'un arrêté et d'une délibération du district de Saint-Brieuc, tendant à ce que, pour tranquilliser le peuple sur les subsistances et pour l'intérêt des finances nationales, la Convention ordonne la perception en nature des rentes en grains sur les domaines nationaux et biens des émigrés.
(La Convention renvoie ces pièces au comité des finances.)
5° Lettre des administrateurs du directoire du département du Jura, avec un arrêté par lequel ils sollicitent un traitement individuel de 1,000 livres en faveur des quatre professeurs du collège de Poligny, qui continuent leurs fonctions en vertu de la loi.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités des finances et d'instruction publique réunis.)
6° Lettre du procureur général syndic du département de la Loire-Inférieure, accompagnée d'une copie de la pétition des professeurs du collège de Nantes, d'un plan d'enseignement qu'ils proposent et d'un arrêté du conseil du département relatif à cet objet.
(La Convention renvoie ces pièces au comité d'instruction publique.)
7° Lettre des citoyens de Châteaudun, qui félicitent la Convention sur l'abolition de la royauté et l'établissement de la République ; ils demandent que, d'après les principes d'économie qui doivent diriger nos dépenses publiques, la Convention ordonne la réduction du nombre des paroisses de cette ville, qui en compte sept pour une population de 6,000 ames ; ils observent que six aes curés de ces paroisses touchent 2,400 livres par an depuis le décret sur l'organisation civile du cierge.
(La Convention renvoie la lettre au comité de division.)
8° Lettre du citoyen Page, accompagnée de plusieurs pièces relatives à la colonie de Saint-Domingue.
(La Convention renvoie la lettre au comité colonial.)
9° Pétition des canonniers du quatrième régiment ^artillerie, détachés à Bastia, contre Roger Lacoustande, colonel, directeur de l'artillerie en Corse ; ils se plaignent amèrement de l'incivisme de cet officier, et demandent réparation des insultes qu'il leur a faites, et des injustices dont ils sont les victimes.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
10° Pétition de Césard Galbaud, capitaine d'artillerie, contre Roger Lacoustande, colonel en chef de l'artillerie en Corse, contenant différents griefs contre cet officier. Le citoyen Galbaud justifie la conduite des canonrfiers du quatrième régiment d'artillerie.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
11° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui envoie à la Convention six pétitions que la Société ambulanté des amis de la liberté et de l'égalité du département de la Vendée, l'a prié de lui transmettre.
La première, contenant la dem ande de l'établissement d'une brigade de gendarmerie nationale à cheval, à la résidence du chef-lieu de canton de riie-de-Noirmontier. (Renvoyée au comité de la guerre.)
La deuxième, tendant à obtenir la suppression de ia contribution mobilière,
(Renvoyée au comité des finances.)"
La troisième, concernant l'établissement d'une instruction nationale.
(Renvoyée au comité d'instruction publique.)
La quatrième^ contient la demande du jugement de Louis le dernier et de ses complices.
(Renvoyée au comité de législation.)
La cinquième, tendant à obtenir la réduction des municipalités.
(Renvoyée aux comités de division et de Constitution réunis.) ,
La sixième, relative à la suppression des droits perçus sur les successions directes et collatérales.
(Renvoyée au comité des finances.)
12° Lettre des administrateurs du directoire du département de Paris, qui placent sous les yeux de là Convention la demande des administrateurs du directoire du district du bourg de l'égalité, qui a pour objet d'obtenir que l'administration de la caisse de l'extraordinaire soit autorisée à lui faire l'avance d'une somme de 32,782 liv., indispensable pour subvenir aux frais de vente des biens nationaux, qui, sans cette avance, serait infailliblement suspendue.
(La Convention renvoie ces demandes au comité d'aliénation.)
13° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, sur la question de savoir s'il y aura, pour la partie de l'enregistrement, une excep-ion pour l'établissement du Mont-de-Piété.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des finances, pour en faire son rapport.)
14° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer à la Convention l'état détaillé de ce qui est nécessaire pour la levée d'un corps d'infantérie et de cavalerie, sous le titré d'Escadron républicain.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre et des financés réunis.)
15° Lettre de Pache, ministre de la guerre, sur la demande du citoyen Lelièvre, tendant à être autorisé à lever une compagnie de cent gendarmes destinés à surveiller les approvisionnements des subsistances à Paris.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de la guerre et des finances réunis.)
16° Lettre de Pache, ministre de la guerre, concernant l'exécution du décret du 29 octobre, relativement aux volés de fait commises dans la ville de Roye, les/6, 7 et 8 du même mois; il attend l'exécution des ordres qu'il a donnés, à cet égard, au général Laniorlière.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
17° Lettre de Pache, ministre de la guerre, concernant la formation d'une compagnie d'ouvriers, créée à Paris, à l'instar du corps d'artillerie, et tableau de dépense.
(La Convention renvoie la lettre aux comités militaire et des finances réunis.)
18° Lettre de Pache, ministre de la guerre, sur la formation d'une Compagnie de bateliers pontonniers, cïéée par le général Biron, et entrée en solde le 7 octobre dernier, avec état de solde provisoire.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de la guerre et des finances réunis.)
19° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui adresse à la Convention nationale, conformément à la loi du 10 avril 1791, un arrêté du directoire du département de l'Ardèche, relatif à une indemnité réclamée par les administrateurs de l'hôpital du bourg Saint-Andeol.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
20° Pétition du citoyen Dupuy, qui observe que les amendes ordonnées par les bureaux de paix et de conciliation ne sont point levées ; que dans le bureau de conciliation du premier arrondissement il existe, en recouvrement et en retard, une somme de 150 mille livres pour vingt-et-un mois seulement ; et demande la nomination d'un directeur général pour cet objet.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.)
21° Pétition de créanciers, d'émigrés qui demandent qu'il leur soit permis de suivre l'effet de leurs actions, qui absorbent la totalité des biens de ces émigrés, et que cependant il soit sursis aux ventes.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
22° Pétition de Charles Guilbaut, de Landouzy-la-Ville, district de Vervins, forçat à Brest pour avoir acheté une liv. de sel 2 sols plutôt que 14 sols aux maltôtiers ; il réclame à son égard l'exécution de la loi qui brise les chaînes des malheureux forçats pour faux-saunage.
(La Convention, sur la motion d'un membre, renvoie la pétition au ministre de la justice, en le chargeant d'en rendre compte sous huitaine.)
23° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui demande à la Convention d'être autorisé à procurer de l'avancement au brave Duval,, capitaine et à 3 autres officiers de la cprvette la Perdrix, qui ont donné des preuves de leur bravoure et de leur patriotisme dans l'affaire dont il a été rendu compte à l'Assemblée dans la séançe de la surveille (1).
(La Convention renvoie cette lettre au comité de marine, pour lui en faire demain son rapport!)
24° Lettre de Delisle, Anglais, qui offre, à la Convention nationale, son courage et son sabre ; et demande du service dans les armées françaises qui vont combattre les despotes.
(La Convention décrète le renvoi de sa demande au pouvoir exécutif.)
25° Adresse des citoyens administrateurs composant le conseil, le
procureur syndic du district de
« Législateurs, vous avez aboli la royauté; grand merci. ( Vifs applaudissements.)
(La Convention ordonne l'insertion de cette adresse au procès-verbal.)
, secrétaire, fait lecture d'une lettre des commissaires de la Convention, à l'armée du Nord, et d'une copie de la lettre du général Labour-donnaye, qui annonce l'évacuation de Tournay par les ennemis, et l'entrée des Français dans cette ville.
Suit la teneur de ces pièces :
Lille, le
« Représentants du peuple,
« Le général Labourdonnaye avait donné l'ordre d'attaquer hier matin les ennemis sur plusieurs points, et de faire au même instant une fausse attaque sur Menin. Ces différents mouvements ont été parfaitement exécutés, les Autrichiens ont été battus au Pont-Rouge, à Comines, à Warneton, et tous ces postes bien retranchés ont été évacués. (Applaudissements ) Le maréchal de camp, Chamorin, a prouvé dans ces trois attaques beaucoup d'intelligence et d'intrépidité; les trois divisions de la gendarmerie nationale et leurs canonniers ont soutenu la réputation des hommes du 14 Juillet : (Vifs applaudissements) bravoure et discipline, telle a été leur conduite. Il est bien doux pour nous, après avoir porté des plaintes contre plusieurs individus de ce corps, d'avoir à le louer. Plusieurs personnes, dans l'abbaye de Warneton et autres lieux, avaiént déjà pillé du beau linge et des effets précieux; les gendarmes y sont accourus, se sont emparés des postes, y ont rétabli le bon ordre et ont fait restituer une grande partie des objets volés; de Bellegarde, notre collègue, en a été le témoin.
« Dans ces trois affaires, nous avons eu environ 15 hommes de blessés et 5 ou 6 volontaires qui se sont noyés ; nous avons fait aux ennemis 50 prisonniers; on leur a sans doute tué et blessé du monde, car on a vu beaucoup de sang sur les chemins ; plusieurs prisonniers qui arrivent dans ce moment, noiis assurent que les Autrichiens ont eu 52 hommes de tués au Pont-Rouge, Comines et Warneton. Maintenant la rivière de la Lys est libre, et c'est un avantage inappréciable pour l'armée ; car les fourrages commençaient à manquer, et un seul bateau en porte 60 charretées.
« Le citoyen des Brunières, colonel du 12e régiment d'infanterie, commandait la fausse attaque sur Menin, Les dispositions qu'il a faites dans cette affaire, et la manière dont il s'est conduit, prouvent la bravoure et les talents militaires de cet excellent officier. Les premiers bataillons des volontaires de la Gironde et du 12® régiment d'infanterie, ont attaqué le poste d'Haluin, fortement retranché; ils ont soutenu le feu de l'ennemi avec une intrépidité digne d'éloges; et sans tirer un coup de fusil, ils ont forcé ce poste, la baïonnette au bout du canon. Les Autrichiens ont eu 30 hommes de tués et on leur a fait 49 prisonniers, dont 2 officiers.. Nous avons eu 13 morts et 17 blessés ; plusi eurs l'ont été par une fausse manœuvre de 81e régiment d'infanterie, ci-devant Penthièvre, qui était
placé en seconde ligne. A mesure que les troupes de la République s'avancent sur le territoire soumis encore à la maison d'Autriche, la désertion augmente dans l'armée ennemie.
« L'avant-garde du camp de Sainghin, commandée par le maréchal ae camp Lamorlière, est partie ce matin, dirigeant sa route sur Tournay ; l'armée ne tardera pas à le suivre. Plusieurs divisions de l'armée, commandée par le général Dumouriez, se sont, à ce qu'on nous a dit, présentées devant Mons; depuis 2 jours on entend le bruit de l'artillerie ; mais nous n'en connaissons pas encore le résultat. Avant hier au soir, nous avons lu dans certains papiers publics, que, sur la motion de Barère, la Convention nationale a décrété que retournerions dans son sein, lorsque nous croirions que notre présence n'est plus nécessaire dans le département du Nord; et dans d'autres, qu'elle nous rappelait, pour nous tirer de l'incertitude où nous sommes; nous la prions de vouloir bien ordonner que ce décret nous soit envoyé ; et rendant à la Convention la justice qui lui est due, nous pensons que ceux qui connaissent notre civisme et la pureté des principes que nous professons depuis la Révolution de 1789, n'ont pas cru que nous eussions formé le projet d'influencer les opinions d'un peuple qui veut se donner une Constitution, parce qu'il en a le droit; notre unique intention était d'entrer dans le Brabant, pour l'intérêt de la République et de ce même peuple que nous chérissons parce qu'il abhorre, comme nous, la tyrannie : nous voulions y suivre le fil de plusieurs intrigues, et y surveiller les intrigants, car nous les détestons autant que les rois. Dans peu de temps la Convention nationale sera à même de juger si nos vues étaient utiles ou non.
« Nos collègues, Doulcet, Duhem et Duquesnoi sont partis, depuis avant hier matin, pour le département du Pas-de-Calais, où leur présence est absolument nécessaire- Le citoyen Daoust, étant incommodé, s'est rendu à Douai, en revenant de Maubeuge, pour y soigner sa santé ; de Bellegarde et moi sommes restés ici pour y expédier des affaires de la plus grande importance : nos collègues ne tarderont pas à nous rejoindre, et nouâ retournerons à la Convention. (Applaudissements.)
« Les commissaires de la Convention nationale à l'armée du Nord.
« Signé : J. F. B. Delmas, Dubois de Bellegarde. »
Paris, le er, de la République.
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale.
« Je m'empresse d'adresser à la Convention nationale la copie d'une dépêche du général Labourdonnaye, datée de Tournay, le 8 de ce mois, par laquelle il m'informe de la prise de possession de cette ville par les troupes de la République.
« Signé : Pache. »
Copie de la lettre du général Labour donnaie, lieutenant-général commandant l'armée du Nord, au ministre de la guerre.
Tournay, le er de la République.
« Citoyen,
« L'évacuation de Mons a entraîné celle de Tournay; les derniers postes des ennemis ayant quitté notre frontière ce matin, nous avons cru que Tournay ne se soutiendrait pas, j'y suis entré ce soir avec la première division de mon armée. La deuxième, campée à Cisoing, me suivra demain, et nous nous préparons à continuer les opérations combinées. La joie des habitants de Tournay est si marquée, que tout annonce que les armées françaises combattant pour la liberté et pour la destruction des pouvoirs héréditaires, trouveront des alliés chez tous les peuples. (Vifs applaudissements.)
« Le lieutenant-général commandant l'armée du Nord.
« Signé : labourdonnale. »
« Pour copie conforme, le ministre de la guerre.
« Signé : Pache. »
Le même secrétaire fait lecture d'une seconde lettre des commissaires de la Convention à Varmée du Nord, qui est ainsi conçue :
Lille, le
( Représentants du peuple,
« Nous avons reçu ce matin, vers les 9 heures, la nouvelle de la prise de Mons. Le général Dumouriez est entré dans cette ville le 7, avant midi; nous n'avons encore aucune relation de cette expédition.
« Le général Labourdonnaye est parti ce matin du camp de Sainghin pour venir un instant ici, où il avait des ordres à donner; à midi, l'aide-de-camp du maréchal de camp Ruault lui a apporté la nouvelle qu'un citoyen de Tournay venait d'arriver à toute bride au quartier général, pour l'informer que les Autrichiens avaient évacué cette ville la nuit dernière, à deux heures du matin.
« Des ordres ont été donnés sur-le-champ, pour faire marcher une forte avant-garde, chargée de s'assurer si Tournay est effectivement évacué.
« Il arrive à chaque instant un grand nombre de déserteurs; plusieurs viennent de nous assurer que l'armée ennemie manque de tout ; que son courage est entièrement abattu, et que sous peu de jours des compagnies entières déserteront avec armes et bagages : cent hommes de l'armée de Glairfait lui ont échappé, et sont entrés àCharleville avec leurs armes. (Appaudisserflents.) La Convention nationale pèsera dans sa sagesse s'il ne conviendrait pas d'organiser les soldats étrangers qui viennent défendre la cause de la liberté, de manière à ne pas leur laisser une trop grande influence dans l'armée des frontières du Nord : il serait fâcheux qu'il se formât un parti dans la Belgique, qui voulût, les armes à la main, y influencer l'opinion du peuple. Ces principes ne sont pas ceux delà Convention nationale, et ce ne sont pas aussi les nôtres ; nous combattrons avec autant d'énergie le despotisme mili-
taire, que nous avons combattu le despotisme d'un ror, parjure et corrupteur.
« Wervick, situé entre Comines et Menin, a été pris hier au soir à onze heures. {Applaudissements.)
« L'avant-garde de l'armée du général Dumouriez, dans l'affaire du bois de Bossu, a tué aux ennemis 200 hommes et a fait 500 prisonniers. {Applaudissements.)
« Cinquante chasseurs à cheval du 5e régiment, s'étant portés en avant du camp de Sainghin pour faire une reconnaissance, ont tué 43 Tyroliens. Ils auraient pu se retirer sans perdre un seul homme ; mais ayant voulu sabrer les ennemis restés sur le champ de bataille, des hulans, cachés dans un bois, leur ont tué 10 hommes : c'est une perte, car ce régiment fait parfaitement la guerre.
« L'artillerie française mérite les plus grands éloges; c'est un corps bien précieux pour la République ; il est aussi {patriote que brave et se couvre de gloire dans toutes les actions. (Applaudissements.)
« Les chasseurs à pied de Paris, nouvellement organisés, se conduisent parfaitement et se battent comme des lions. (Applaudissements.)
« Le général Duval a fait dégrader avant hier, à la tête du camp, un officier et un maréchal des logis des hussards de la République qui avaient fui devant l'ennemi ; ils ont été rasés et leur uniforme et marques distinctives ont été brûlés. Les troupes ont applaudi à cette puni-tiou : les défenseurs de la liberté n'aiment pas les lâches. (Vifs applaudissements.)
« Les commissaires de la Convention nationale à l'armée du Nord,
« Signé : dubois de bellegarde et j.-S.-b. Delmas. •>
Citoyens, je demande qu'on envoie aux départements la loi qui bannit les émigrés de la République, et j'observe qu'il en entre tous les jours en grand nombre et que bientôt cette loi deviendrait inutile. Je demande aussi que, par un second artiClé, on oblige à sortir ceux qui sont rentrés depuis le 20 septembre.
J'ajoute à ce que vient de dire le préopinant qu'il est un délit très grave que vous devez réprimer, celui commis par plusieurs municipalités, qui délivrent à ces émigrés des certificats de résidence et même qui en vendent. Je ne fais aucune distinction entre l'émigré qui a fui lâchement sa patrie au moment du danger et qui revient en profitant du silence de la loi, et le magistrat prévaricateur qui viole la loi pour favoriser leur introduction. Je demande contre les uns et les autres la peine de mort. (Applaudissements.) ,
Plusieurs membres demandent que la loi sur les émigrés soit terminée sans retard.
demandé*que, jusqu'à ce que cette loi soit achevée,' on la discute chaque jour, immédiatement après la lecture du procès-verbal.
(La Convention décrète la proposition de Camus.)
, secrétaire, donne lecture d'une ' adresse des Amis du peuple de la
Grande Bretagne, de la ville de Newington (1), qui est ainsi conçue :
Français et citoyens du monde,
« Réunis à l'effet d'obtenir une représentation juste et égale du peuple, et une réforme entière des abus nombreux qui se sont glissés dans le gouvernement de ce pays, nous voyons avec autant de peine que d'inquiétude les efforts ouverts ou cachés qu'on ne cesse de faire pour, troubler la paix et renverser la liberté nouvelle de la nation française.
« Nous vous félicitons cependant bien cordialement de la défaite et de l'expulsion totale des armées combinées de ces despotes insensés, de ces rebelles impies qui sont venus porter la désolation dans vos campagnes, le ravage de vos villes, et massacrer impitoyablement leurs innocents habitants. La bonté de votre cause devait être couronnée du succès ; votre sagesse, votre bravoure l'ont assuré. Vos gages décrets ont déjà - éclairé l'Europe ; et pareils aux rayons du soleil, ils éclaireront bientôt les quatre parties du monde. Les deux grands remparts de la liberté humaine sont les corps législatif et judiciaire. En organisant bien le dernier, vous vous êtes assuré les avantages efficaces du premier; vous avez de plus aonné une preuve de votre sagesse consommée, en tenant les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif entièrement distincts, et en déclarant que les deux derniers seraient respectivement responsables au grand conseil de la nation. C'est désormais en France que la justice sera administrée s peu de frais ; que le commerce, sous vos lois salutaires, sera utilement protégé, et que les propriétés de l'industrie seront partout assurées.
« Sénateurs illustres, législateurs éclairés, chers amis, nous pouvons vous informer aujourd'hui, et avec une satisfaction bien vraie, que l'inimitié impie, si longtemps et si méchamment entretenue dans le cœur d'un peuple généreux envers la nation française, par les manœuvres et l'intrigue d'une cour perfide, n'existe plus que dans l'âme des pervers qui profitent des abus, et que nous saluons d'avance avec transport l'heureux moment qui unira les deux nations d'un lien indissoluble, comme le précurseur de la paix et de la concorde universelles.
« C'est avec la plus vive et la plus profonde sensibilité que nous contemplons le succès de vos armes dans votre entreprise glorieuse d'arracher à l'esclavage et au despotisme les braves nations qui bordent vos frontières. Combien est sainte l'humanité qui vous porte à briser leurs fers !
« Signé : John-Frédéric Schiefer, président; et François Peacock, secrétaire. »
,secrétaire. Depuis la Révolution, les trois assemblées nationales ont reçu des Anglais,, et presque des seuls Anglais, des lettres et des adresses dictées par l'esprit de fraternité, l'amour des hommes et la haine des tyrans : c'est un présage qu'elle est prochaine l'époque où lés deux peuples anglais et français s'uniront par des liens indissolubles. Ces fiers et généreux insulaires, qui ont illustré ies deux mondes, ont des droits à notre estime et à notre reconnaissance; ils nous ont appris l'art du gouvernement. Que le cri de l'amitié retentisse des rives de la Seine à celle de la Tamise et confonde dans de douces étreintes, dans l'effusion des cœùrs, les Anglais et les Français ; je demande que pour
les citoyens de Newinghton, on décrète, comme on le fit il y a six jours, pour celle de Londres, Manchester, etc...... (1) l'impression de leur lettre, l'envoi aux départements, et que le Président leur écrive. (Applaudissements.)
(La Convention nationale décrète que l'adresse des Amis du peuple de Newington sera insérée au procès-verbal, imprimée et envoyée aux départements et aux armées j elle charge son Président d'écrire à cette Société.)
fait lecture d'un projet de lettre aux diverses sociétés anglaises qui ont envoyé des adresses aux représentants du peuple français ; il esj ainsi conçu :
Paris, le
« Anglais et citoyens du monde,
« La Convention nationale a ehteudu avec une vive sensibilité le vœu éclatant et généreux des citoyens anglais qui s'unissent de cœur à ses travaux ; la pensee de 6,000 Rretons dévoués hautement à la cause de l'espèce humaine, est sans doute aussi dans le cœur de tous les hommes libres de l'Angleterre. Qu'ils ne se reprochent point encore leur neutralité, en assistant au grand spectacle de la liberté aux prises avec le despotisme. Leur respect pour une Constitution qu'ils savent juger en silence, n'est plus cette vieille superstition qui promettait au gouvernement l'impunité de ses fautes; elle est plutôt l'effet d'une gravité politique qui, sachant tempérer sa force, semble commander au gouvernement cette même neutralité, et l'avertir d'être juste, ou du moins prudent comme la nation. Croyez, généreux Anglais, en conservant ce maintien, que vousn'en concourez pas moins avec nous à l'œuvre de la liberté universelle. Laissez-nous faire encore quelques pas dans cette carrière ou vous fûtes nos précurseurs, et jouissons d'avance, dans un commun espoir, de l'époque, sans doute peu éloignée, où l'intéfèt de l'Europe et au genre humain invitera les deux nations à se tendre une main fraternelle. (Applaudissements.)
a Le président de la Convention nationale.
« Signé : HÉRAULT. »
(La Convention adopte ce projet de lettre et ordonne qu'elle sera insérée dans le procès-verbal, imprimée avec l'adresse de la Société de Newingtoh et envoyée avec elle.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Cappy, remis en liberté en vertu d'un décret précédent qui demande qu'elle veuille ordonner la levée des scellés apposés sur ses effets; cette lettre est ainsi conçue :
« Citoyens Président et Représentants,
« Le citoyen Monneuse, officier municipal et commissaire des prisons de
l'Abbaye, est venu hier à neuf heures du soir, me rendre la liberté dont
j'étais privé depuis si longtemps, et m'a reconduit en mon domicile. If
m'a observé que pour la levée des scellés, il fallait un ordre parti-
« A Paris, ce neuf novembre mil sept cent quatre vingt douze, l'an premier de la République Française.
Signé : A.-F.-J. cappy, Rue de Tracy, n° 4, près Saint-Chaumont.
(La Convention donne cette autorisation.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« Les citoyens Digne et Vaillant, officiers municipaux, qui ont dû apposer les scellés, le 12 août dernier, sur les effets du citoyen Cappy, ou deux autres officiers municipaux, les premiers requis, reconnaîtront et lèveront lesdits scellés dans les vingt-quatre heures; et, ledit délai passé, autorise Cappv, à se pourvoir, pour la levée desdits scellés, au directoire du département de Paris, qui fera exécuter sans délai le présent décret. »
Je viens réclamer contre une erreur consignée dans le bulletin du 5 de ce mois (1) Il y est dit que la garde nationale de Sens avait été licenciée. Cette insertion excite beaucoup de troubles dans cette ville. La garde nationale de Sens n'a pas été licenciée et ne l'a pas méritée; elle a seulement remis ses armes à la municipalité, qui les a rendues à tous les citoyens qui ont produit des certificats de patriotisme et de fidélité aux lois de la discipline. Je demande qu'un décret de la Convention charge le rédacteur du bulletin d'insérer cet erratum.
(La Convention adopte la proposition de Fau-chet.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La garde nationale de Sens n'a pas été licenciée, et ne l'a pas méritée; elle a seulement remis ses armes à la municipalité, qui les a rendues à tous les citoyens qui ont produit des certificats de patriotisme et de fidélité aux lois de la discipline. •>
Un membre, au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner au ministre de la guerre de rendre compte de l'état dans lequel l'armement de Varsenal de La Fére a été trouvé, après l'inventaire et le rècolement de cet inventaire faits par la municipalité de cette ville; il s'exprime ainsi :-
Je dénonce à la Convention nationale un objet qui sollicite une surveillance exacte dans les différents arsenaux de la République. Un fait particulier consigné dans un procès-verbal qui se trouve dans les bureaux de la guerre, contient des indices, sinon de prévarications, au moins d'une profonde obscurité dans l'administration de quelques arsenanx.
Au mois d'août dernier, le citoyen Durand, colonel directeur d'artillerie à La Fère, s'étant enfui, le citoyen d'Urtubie, commandant l'école d'artillerie et la place de la ville de La Fère, requit la municipalité de se transporter à l'arsenal, de faire l'inventaire des objets soumis à la surveillance du citoyen Durand, d'y apposer les scellés et d'en dresser procès-verbal.
L'inventaire fut fait et les scellés furent ap-
La caisse contenait en écus........ 9,418 1.
En assignats...................... 7,413
Total............. 16,831 1.
Il importe à la Convention de connaître : 1° d'où provenaient ces économies; 2° à quel usage elles étaient appliquées. En conséquence, je propose le projet de décret suivant :
« Le ministre de la guerre sera tenu de rendre compte de l'état dans lequel l'arsenal de La Fère a été trouvé après l'inventaire et le rècolement de cetinventaire faits par la municipalité de cette ville, dont le procès-verbal a été adressé au ministre de la guerre le 2 octobre dernier. Il rendra compte de la destination d'une somme de 16,831 livres qui s'est trouvée dans une des caisse de cet arsenal ; il transmettra au comité de la guerre de la Convention nationale le registre des recettes et des dépenses dites des économies, trouvé dans l'arsenal de La Fère après le départ de Durand, colonel-directeur d'artillerie, pour, sur le rapport du comité, être décrété par la Convention nationale ce qu'il appartiendra. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Citoyens, vous avez accueilli avec intérêt le dévouement civique des habitants de Voncq, qui ont mieux aimé voir brûler leurs maisons que de transiger avec leur devoir, en fournissant des vivres aux ennemis de la patrie. Les administrateurs du département des Ardennes ont envoyé des commissaires sur les lieux : ce procès-verbal constate l'atroce fureur des nobles émigrés ; 300 habitations sont la proie des flammes; et ce qui ne vous étonnera pas, citoyens, d'après les preuves de civisme que vous voyez se multiplier sans cesse autour de vous, c'est que les généreux habitants de Voncq, rassemblés pour entendre l'estimation des experts, n'ont pas voulu que leur perte fût évaluée d'après le prix actuel des denrées, mais d'après la modique valeur que les objets avaient anciennement coûté. — Voilà comme la justice élec-trise des hommes créés pour la justice; voilà ce qui prouve que les vices qui régnaient chez les nabitants des villes et des campagnes n'appartenaient qu'à ceux qui leur en fournissaient et le germe et les exemples; heureusement ils sont loin de nos foyers les êtres corrompus, et par leur fuite ils ont purgé la terre de la liberté. Je demande le renvoi des pièces au ministre de l'intérieur, pour en rendre compte incessamment à la Convention nationale.
(La Convention renvoie ces pièces au ministre de l'intérieur pour en rendre compte incessamment.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le citoyen Jean Cliaussy, officier dans le ci-devant régiment de Paris et chef commandant la quatrième légion des gardes nationales du bourg Saint-Andeol, département de VArdèche, fait don à la patrie de sa croix de Saint-Louis;
2° La commune de Saint-Méry, canton de M or-
niant, district de Melun, offre, pour les habitants de Lille, une somme de 230 livres.
Le procès-verbal delà commune annonceï[ue la collecte s'est faite après avoir célébré la fête pour nos victoires, en plantant l'arbre de la liberté.
3° La citoyenne Sarrazin, à qui on avait envoyé ce don, jalouse d'imiter un si bel exemple, offre également une somme de 230 livres pour la même destination ;
4° Les citoyens composant le conseil général de la commune de ChartresT adressent pour le soulagement des veuves et orphelins du 10, une somme de 1,376 1. 5 s. 3 d.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Le même secrétaire donne lecture des deux lettres dont l'extrait suit :
1° Lettre du citoyen Henri Sarret, officier de Vétat-major de l'armée de Vintérieur, chargé par le général Sparre de donner Connaissance à l'Assemblée de la mesure prise par lui âu sujet d'une insurrection survenue dans le cinquième bataillon de la Marne, qui demande à être admis à la barre.
(La Convention renvoie la connaissance de cette affaire au pouvoir exécutif.)
2° Lettre de volontaires nationaux qui écrivent à la Convention pour se plaindre de ce que des agitateurs, répandus dans quelques bataillons, ont engagé plusieurs de leurs camarades à se retirer. Âs prient l'Assemblée de statuer au. plus tôt sur plusieurs questions relatives à ces démissions.
(La Convention ordonne à son comité de la guerre de lui présenter au plus tôt un rapport sur cet objet.)
Un membre, au nom du comité colonial, présente un projet de décret relatif à l'indemnité à accorder au citoyen Gabriel Thomines, déporté de la Guadeloupe, pour retourner dans cette colonie; le projet de décret est ainsi conçu :
« Par suite et en conformité du décret de l'Assemblée législative, du 2 juillet dernier, concernant les citoyens déportés arbitrairement et illégalement des Iles-du-Vent, le citoyen Gabriel Thomines, déporté de la Guadeloupe, sera libre de retourner dans la colonie pour y vivre sOus la protection des lois; il lui sera fourni passage et payé une sommé de 200 livres pour se rendre au lieu de l'embarquement, lesquels frais seront avancés par le Trésor public sur les fonds destinés à l'administration des colonies, et rejetés en Sols additionnels aux impositions de la Guadeloupe de 1793, pour rentrer au Trésor public, sauf le recours de la colonie sur les auteurs et fauteurs de la déportation. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
J'ai l'honneur de demander à la Convention de vouloir bien annuler-toutes, les nominations d'électeurs qui peuvent avoir été faites par des assemblées primaires, autrement, qu'en vertu du décret du 11 août dernier.
combat cette proposition et prétend appuyer la validité de ces nominations sur l'exercice de la souveraineté du peuple.
Plusieurs mémbrés appuient la proposition de Brival et combattent la motion formulée par Lanot, par la considération des dangers qu'en-
traînerait une doctrine qui tendrait à une République fédérative;
(La Convention adopte la proposition de Brival.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Toutes les nominations d'électeurs faitespar les assemblées primaires depuis celles qui ont eu lieu en vertu du décret du 11 août dernier, sont nulles et de nul effet.
Art. 2.
« Le pouvoir exécutif est chàrgé de faire parvenir sans délai le présent décret, et même d'en prévenir les corps électoraux qui doivent se rassembler le 11 de ce mois. »
, au nom du comité diplomatique, fait un rapport et présente un projet de décret concernant le citoyen Gourmes, à qui le magnifique conseil de Genève a refusé un paréatis que le droit des gens réclamait; le projet dé décret et ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le ministre des affaires étrangères écrira au conseil de guerre et lui représentera la justice de la demande formée par le citoyen Gourmes.
Art. 2.
« Si, dans le délai de quinzaine, le citoyen Gourmes n'obtient pas la permission de faire exécuter sur le territoire de Genève la sentence rendue, le 5 décembre 1787, par le tribunal consulaire de Marseille, le conseil exécutif provisoire fera de suite expédier des lettres de représailles en faveur du citoyen Gourmes. »
(Là Convention adopte ce projet de décret.)
Je demande à la Convention la permission de lui rappeler le décret qu'elle a rendu au commencement de la séance et qui consiste à mettre chaque jour, immédiatement après la lecture du procès-verbal, la discussion de la loi sur les émigrés. Je réclame l'application du décret à la séance de ce jour. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande à compléter la proposition de Jean Debry. Il existe à l'ordre du jour, à côté du projet de décret sur les émigrés, une multitude d'affaires particulières, extrêmement en retard et qui n'attendent plus, pour être résolues, que 1 examen de la Convention. Il existe encore, au point de vue général, des rapports déposés; sur les subsistances et les relations politiques de la France avec l'ordre de Malte, qui n'attendent plus, pour passer à l'état de lois, que le vote de cette Assemblée. Je demande que pour ^expédition de ces différentes questions, une séance du soir soit décrétée.
Il n'est pas utile, pour donner satisfaction au préopinant, de décréter une séance du soir ; il suffit d'appliquer exactement à cet égard ce que prescrit le règlement. Le retard
apporté à la solution de ces différentes affaires vient surtout de l'ouverture trop tardive des séances et de ce que trop peu de nos collègues se trouvent présents dès le début. Je proposs simplement qu'un appel nominal sera fait demain à dix heures.
(La Convention adopte ces différentes propositions.)
Suit le texte du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que chaque jour, immédiatement après la lecture du procès-verbal, on soumettra à la discussion les rapports concernant les émigrés, les subsistances et les relations politiques de la France avec l'ordre de Malte, jusqu'à ce que ces affaires soient terminées.
Elle décrète, en outre, que, demain à dix heures, il sera fait un appel nominal. »
, au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret tendant à ordonner que tous fermiers, dépositaires et débiteurs de la liste civile, des ci-devant ordres supprimés, corps ou de maisons dont les biens ont été mis à.la disposition la nation, seront tenus de faire les mêmes déclarations qui sont exigées des débiteurs des émigrés par le décret concernant les biens desdits émigrés ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur le rapport de son comité d'aliénation, décrète que tous fermiers, dépositaires et débiteurs de la liste civile, des ci-devant ordres supprimés et, en général tous établissements, corps ou maisons dont les biens ont été mis à la disposition de la nation, tenus de faire les mêmes déclarations qui sont exigées des débiteurs des émigrés, par le décret concernant les biens desdits émigrés; lesdites déclarations seront faites dans les formes et délais prescrits par ledit décret, et sous les mêmes peines contre ceux qui ne feraient point de déclaration, ou qui en seraient de fausses; sans que de la présente disposition il résulte aucune dérogation aux lois existantes, notamment à l'article 15 de la loi du 8 avril, concernant les biens des émigrés.
(La Convention adopte le projet de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret au comité d'aliénation concernant l'administration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes (1).
, rapporteur, expose que l'article 9 du décret concernant les émigrés, et sur lequel il avait été proposé un amendement, demeure tel qu'il a été décrété, mais que cet amendement est reporté sur l'article 15, adopté le 1er novembre, lequel après que l'amendement a été adopté par l'Assemblée, demeure définitivement conçu en ces termes:
« Art. 15. Les dépositaires publics et particuliers, fermiers, comptables
et débiteurs, tenus de faire des déclarations aux termes de l'article 9
ci-dessus, qui, étant présents sur les lieux, auront refusé ou négligé
de faire lesdites déclarations, ou en auraient fait de fausses, seront
contraints à la restitution des objets dont ils seront reconnus
débiteurs envers des émigrés, et à une amende égale à la valeur desdits
objets, dans le
(Manche). Je demande que la discussion soit interrompue, pour me permettre de présenter un projet de décret très urgent au nom au comité de la guerre.
(La discussion du projet de droit sur la vente et l'administration d es biens des émigrés est interrompue.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'envoi aux frontières des gardes nalvr naux et fédérés des départements casernes à Paris/ il s'exprime ainsi :
Citoyens,
Votre comité de la guerre informé par le ministre de ce département de la nécessité de renforcer les armées, pour rendre leur action expéditive et plus sure, s'empresse de mettre sous les yeux de la Convention nationale les moyens qu'il a jugés les plus convenables pour parvenir à ce but. Il résulte de l'état qui lui a été remis, le 6 de ce mois, par le commandant général provisoire de sections armées de Paris, qu'il existe* dans cette ville un très grand nombre de gardes nationaux et fédérés des départements, dont -la destination est restée jusqu'ici incertaine; les uns, sont organisés en bataillons et devaient servir dans les camps de Paris et de Soissons ; d'autres, et c'est le plus grand nombre, n'ont encore qu'une formation très incomplète ; mais tous sont animés du même désir, et ne forme qu'un vœu : celui de servir utilement la patrie. Il est donc de votre devoir de ne pas aisser plus longtemps leur zèle inactif ; et votre comité/pour remplir les vues du ministre, a d'abord fixé son attention sur ces braves défenseurs, auxquels on ne peut supposer d'autre volonté que d'être employés de la manière la plus utile aux intérêts de la République ; et certes, ils ne balanceront pas entre les délices corrupteurs d'une seconde Capoue et la gloire qui les attend dans la Belgique; d'ailleurs, citoyens, la solde de ces volontaires à Paris, est une charge d'autant plus onéreuse à la République, que le service qu'ils } font est à peu près nul. 'est d'après ces considérations, que votre comité de la guerre est chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre, désirant seconder le vœu des gardes nationaux et fédérés qui réclament l'honneur de servir utilement la patrie, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les bataillons de gardes
nationales qui étaient destinés à servir dans les camps de aris et de
Soissons, seront mis à la disposition du ministre de la guerre, pour
être employés dans les armées qui sont en présence de l'ennemi.
« Art. 2. Les gardes nationaux et fédérés des départements, casernés dans la ville de Paris ou dans les environs, dont la formation se trouve incomplète, seront organisés en bataillons dans le délai de quinzaine après la publication du présent décret.
« Le pouvoir exécutif nommera des commissaires à cet effet; et, du moment de leur formation, ils seront également mis à la disposition du ministre de la guerre.
« Art. 3. Ceux desdits gardes nationaux ou fédérés, qui, faute de s'être .présentés, ne se
trouveront pas compris dans la formation des bataillons, dans le délai prescrit par l'article 2, cesseront de toucher la solde à Paris, et d'y être casernés. »
Je ne sais par quelle étrange fatalité, une question mise à l'ordre du jour depuis deux mois, serait emportée par un décret de circonstance, qui demande au moins de la discussion. Vous avez reçu du ministre de la guerre une lettre complaisante sur des difficultés élevées par les sections de Paris, relativement au séjour des fédérés qui se trouvent à Paris. Ceux-ci vous avaient présenté une pétition que vous avez renvoyée à un comité. On a trouvé plus commode d'y répondre par un décret commandé, pour ainsi aire, par un ministre. Une question infiniment délicate, doit être arrachée dans un moment où on vous présente, comme un danger, de ne pas la terminer. Il faut distinguer les bataillons formés qui s'étaient destinés au camp de Sois-sons et de Meaux. Ceux-là peuvent marcher aux frontières; quoique je sache, par l'ordre donné au bataillon de l'Eure, par exemple, qui était à Gourbevoie, qu'on l'envoie dans une ville où il sera aussi peu utile qu'à Paris. Mais celui qui a quitté ses foyers, non pas pour marcher aux frontières, mais uniquement pour la défense de de Paris... (Murmures). Je ne sais .d'où viennent ces murmures. Albitte et Lecointre sont venus dans notre pays, lorsqu'on jugea convenable d'envoyer des commissaires dans les départements; ils dirent qu'il ne s'agissait que. d'un coup de main pour sauver Paris ; que c'était l'affaire de six semaines. C'est sur cette foi que le bataillon de l'Eure s'est mis en marche. Je suis bien loin de penser que des citoyens armés pour la patrie, veuillent rétrograder, si la patrie a besoin de leurs secours. Il s'élevait aussi des murmures contre les députés courageux qui, avant la journée du 10 août* s'opposèrent au départ des fédérés. Je ne sais pas si une journée pareille approche, mais je la crains. (Nouveaux murmures.) Je disais qu'il faut distinguer entre les bataillons qui sont venus pour les frontières, et ceux qui ne sont venus que pour Paris. Ceux-ci ne sont pas engagés. Ils doivent être dans Paris aussi libres que les autres citoyens. On ne peut les contraindre à partir. Vous auriez mieux fait de dire que vous les renvoyez, parce que les sections de Paris n'en veulent pas. Le ministre de la guerre a eu la lâcheté!.. {De violents murmures interrompent Vorateur.) Il est, certes, très permis autx départements d'avoir des inquiétudes, lors-qu 'ils savent que Paris ne veut pas conserver dans son sein, des frères qui ne demandent qu'à se confondre dans les sections pour la garde de Paris. Pourquoi ne voulez-vous pas qu'ils aient les mêmes inquiétudes que vous, lorsque vous avez parlé de vous entourer d'une force publique, au moment, surtout, où vous allez juger le roi! Vous parlez toujours du peuple; mais dites-moi donc quel est le peuple dans votre idée? Est-ce cette section ae la République, à laquelle vous donnez si complaisarn-ment le nom de peuple? Moi, je ne le verrai jamais que dans la République entière. (Vifs applaudissements.) Je puis prouver que la seconde partie du décret qu'on vous proposé, si ellé ne doit pas être rejetée, doit être au moiris divisée. Il faut donc une division nécessitée par la force des circonstances, nécessitée par la pétition dès fédérés. Quoi ! l'insolente pétition, pretendue des 48 sections, vous déterminerait à porter un dé-
cret, et vous ne tiendriez nul compte de la pétition d'hommes qui viennent de 200 lieues pour vous environner de leur confiance, de leur force, de leur volonté, car ils en ont une aussi. Ils demandent à fraterniser avec les citoyens. La division est nécessitée, non pas pour vous seulement, mais pour la République entière, et ceux qui s'élèvent contre moi ; qu ils lisent l'histoire douloureuse de la République anglaise. Cette République, à sa naissance, étendait, comme la nôtre, la gloire de ses armes. Eh bien ! par le plus étrange bouleversement, que Macaulay lui-même ne peut expliquer que par le servile attachement du peuple anglais pour la royauté, les Anglais sont tombés; craignez de tomber comme eux.
Je dis donc, en revenant aux bataillons, que la question de ces bataillons nécessaires pour maintenir la tranquillité publique, nécessaires pour vous assurer l'indépendance dont vous avez besoin; cette question est liée avec ces réflexions, et s'il n'y avait pas entre elles tant de connexité, j'ose le dire, dussé-je en être puni par vos murmures, on ne ferait pas tant de tentatives pour les éloigner. Je demande donc la division. Que le premier article soit décrétéj si l'on veut; mais que l'on fasse droit à la pétition dés fédérés. Je demande ensuite qu'on aborde avec franchise la grande question si longtemps écartée.
Je demande à rendre compte des véritables motifs qui ont nécessité le projet de décret du comité, et qui ne sont point du tout ceux allégués par Buzot. Le ministre de la guerre est venu à votre comité et lui a fait part de la nécessité de faire marcher sans retard 12 ou 15,000 hommes pour assurer le succès de nos armes et empêcher Custine d'être coupé par l'ennemi. (Murmures.) Le comité de la guerre avait cru qu'il n'était pas prudent de faire ici cette déclaration ; mais puisqu'on l'accuse de céder aux demanaés .des sections, il a fallu la faire. On a fait une distinction entre les volontaires nationaux organisés pourSoissons et pour Meaux, et les volontaires qui ne sont point organisés; mais tous sont à la solde de la République. Nous nous sommes déterminés pour ce parti, parce que le nombre des volontaires qui sont à Paris aux dépens de la République s'élève à 15,000 hommes. Nous avons pensé que si on décrète la force publique, il sera temps alors de demander 40 ou 50 hommes à chaque département. Le premier article tend à faire partir les bataillons organisés ; les deux autres ont pour but d'inviter les volontaires nationaux à s'organiser en bataillons. Je sais qu'il y a dans les sections des bataillons qui demandent à partir.
Je demande que, pour seconder l'ardeur des bataillons, la discussion soit fermée.
S'il est une intrigue abominable (Murmures), c'est celle dont on a rendu dupe le comité et dont on veut vous rendre dupe. Voici les faits : Le tocsin sonne dans la France. Des patriotes s'arment et partent à la défense deParis. Ils arrivent; l'ennemi était éloigné. Ils vous présentent le désir de garder les établissements nationaux: bientôt des réclamations sont adressées au pouvoir exécutif. On circonvient le ministre de là guerre, et le ministre de la guerre écrit complaisamment une lettre adulatrice aux sections de Paris et leur promet le départ des bataillons. Que fait-il? 11 écrit successivement deux lettres à la Convention, qui les renvoie au
comité. Il se présente lui-même pour obtenir ce départ. Aujourd'hui on vient vous dire que Custine est dans l'embarras. Mais où donc est l'armée de Kellermann? Où donc est l'armée de, Biron?Quoi! ils veulent nous faire croire que 15,000 hommes arriveront assez tôt à Mayence?...
Non, c'est pour remplacer les bataillons qui ont été tirés de l'armée de Kellermann, pour aller joindre Custine. (Applaudissements à gauche, murmures au centre.)
Il faut savoir quels sont les ennemis que l'armée de Kellermann a devant elle; il faut savoir pourquoi le ministre n'emploie pas quantité de bataillons nationaux répandus aux environs de Paris (Murmures)...
Plusieurs membres : La discussion fermée !
puisqu'on prétend que c'est de cette armée que doivent être tirées les troupes qui doivent renforcer l'armée de Custine. Il est au moins convenable d'examiner quelle est la situation de Paris. Elle vous a été présentée par le comité de sûreté générale, et vous avez bien fait de passer à l'ordre du jour. Il faut savoir si les lois y sont exécutées, et elles ne le sont pas. Il faut examiner si les sections se rangent à l'obéissance à la loi : si dans la cour des Tuileries, par exemple, on ne continue pas les provocations contre les meilleurs patriotes. Il semble que le ministre de la guerre aurait pu d'abord faire partir les bataillons les plus voisins de Paris ; et quant à . ceux qui sont dans cette ville, attendre la discussion sur la force départementale; ne vous dissimulez pas que Paris, qui, de l'aveu même de ses habitants, renfermait, avant le 10 août, 100,000 mauvais citoyens, va se remplir d'une plus grande foule d'hommes perdus, payés par les puissances étrangères. Ne vous dissimulez pas que de grands mouvements se préparent ; ne vous dissimulez pas que des émigrés rentrés pendant la nuit, que des réfrac-taires déguisés ne méditent des vengeances atroces, ne trament la contre-révolution ; et ce n'est pas la première fois qu'on l'a tentée de cette manière. (Murmures à l'extrême gauche.)
Ce qu'on dit est vrai; il y a dans Paris des gens qui ont l'impudence de donner des certificats de résidence à des émigrés.
Citoyens, vous allez traiter le plus intéressant des procès ; quelle serait votre position, si votre jugement n'avait pas cette froideur et cette tranquillité qui doivent le caractériser. Le ministre de la guerre veut-il se charger, lui, de cette responsabilité? (Murmures.) Nous assurera-t-il qu'il n'y aura point de troubles? (Nouveaux murmures.) Je vois qu'on ne veut point entendre ces vérités, parce qu'il y a des hommes qui veulent des agitations. Eh bien! ouvrez la discussion sur la force départementale, et je prouverai que vous, hommes, qui avez amené la journée du 2 septembre, vous n'êtes que des agitateurs. (Murmures prolongés.)
Un membre, à l'extrême gauche : Je demande à répondre à Barbaroux.
Un autre membre : Concluez; concluez donc!
Oui, traitons-là de bonne foi, cette question, et je prouverai que l'intérêt de Paris y est attaché tout entier. Nous voulons l'unité de la République; je prouverai que le meilleur moyen de l'assurer est la force départementale. Je ne vois d'autre moyen déviter tous les dangers que de retenir à Paris les véritables républicains qui sont venus y défendre la
liberté; ils partageront les fatigues des citoyens de Paris; ils se protégeront mutuellement; ils consolideront l'union et la fraternité de tous les Français. Je demande que le ministre dispose des 25,000 hommes qui sont aux environs de Paris et qu'on ajourne à demain la discussion de la force départementale. (Applaudissements.)
Témoin de plusieurs faits, je crois nécessaire de les rapporter pour que la Convention n'éprouve pas ce que le Corps législatif a éprouvé. Ennemi des rois, j'avais saisi avidement la Révolution de 1789, qui a amené leur chute. Arrivé à Paris, j'ai vu qu'il fallait une nouvelle révolution pour consommer cette fièvre. Cette révolution s'est faite, non pas par ceux qui disent l'avoir faite, mais par le Corps législatif, qui avait licencié une garde conspiratrice, qui avait ordonné le départ des Suisses, qui avait supprimé l'état-major de Paris, qui avait fait partir les troupes de ligne, et mis les citoyens à portée de ne rien craindre. Le château des Tuileries sentit le coup, se séquestra et fit fermer son jardin. Le Corps législatif, toujours révolutionnaire, dit : Tu fermes ton jardin; eh bien! ie vais l'ouvrir; et le jardin fut ouvert, malgré le tyran qui s'y était renfermé. Cette mesure parut misérable, mais elle était révolutionnaire. Le Parisien, ennemi de la royauté, vit qu'on lui avait enlevé tous les obstacles, et il renversa la royauté. Des agitateurs, voyant la force désorganisée, commencèrent à attaquer le Corps législatif. Ils voulurent s'emparer de la révolution, pour en recueillir les avantages. Dès lors, il n'y a pas d'horreurs dont le Corps législatif n'ait été le témoin. Dès lors le Corps législatif a été obligé de prier, non pas le peuple, il n'a pas besoin d'être prié, mais des agitateurs qui voulaient tout massacrer. Ne s'est-on pas rappelé que Delacroix fut obligé de se mettre à genoux, avec deux de ses collègues, pour arrêter leurs fureurs. (Murmures à l'extrême gauche.)
Plusieurs membres demandent que Cambon soit rappelé à la question.
Voici le fait : les Suisses qu'on avait cachés furent mis dans le Corps législatif. On leur donna du pain. Il y avait 30 heures qu'ils n'avaient mangé. Quelques agitateurs sur la terrasse des Feuillants voulaient entrer dans le Corps législatif pour les en arracher. Ils séduisaient le peuple. Couturier, Choudieu en moi, nous fûmes envoyés pour l'apaiser, et nous n'y parvînmes qu'en nous mettant à genoux devant eux. (Mouvement d'indignation.)
Plusieurs membres : Voilà le peuple de Robespierre, voilà ceux qui nous agitent encore !
Le Corps législatif éprouva beaucoup de désagréments. Le château voulut attaquer successivement tous ceux qui défendaient la liberté. Tout échoua, parce que le Corps législatif était résolu à sauver la liberté. Le Corps législatif crut qu'une révolution devait être l'expression du vœu de tous les Français. Il fit venir 20,000 hommes. Le despotisme vit cette réunion avec effroi, parce qu'il pensa que ces 20,000 hommes réunis aux Parisiens rétabliraient et maintiendraient l'ordre. Malheureusement, ces 20,000 hommes ne vinrent pas à Paris, car ils nous auraient sauvés de l'anarchie qui nous a dévorés depuis le 10 août jusqu'au moment de notre réunion.
Plusieurs voix : Dites jusqu'à présent. (Murmures à gauche et applaudissements au centre.)
Le 2 septembre j'étais navré, épuisé d'abattement; le 3, en me levant, j'en atteste mes anciens collègues, je leur dis : Que-deviendrons-nous, si tous les hommes sont abattus comme moi ; on nous égorgera sans résistance. Je montai à la tribune, et je proposai une réquisition directe à la force armée; et si nous nous étions emparés de la force municipale, nous aurions prévenu l'anarchie. Il est vrai que lorsque la Constitution était brisée, le Corps législatif n'avait plus de pouvoir ; mais il fut obligé de garder ses pouvoirs, jusqu'à ce que la nation eût dit : J'approuve la Révolution au 10 août. Le côté droit était attéré ; il ne restait que 200 ou 206 députés, ceux qui avaient conservé la confiance publique, en votant contre Lafayette, qui pussent parler encore; il s'en trouvait plusieurs qui étaient utiles aux comités, et dont l'organe ne pouvait faire des orateurs ; alors on s'attacha à ceux qui montaient à la tribune : on les désigna comme alliés avec Brunswick ou avec le fils du roi d'Angleterre, pour mettre l'un ou l'autre sur le trône de France ; dès lors, des visites domiciliaires, des inquisitions de papiers. Le Corps législatif, je suis honteux de le dire, était accablé : ce ne fut que par un reste de courage qu'on empêcha la dissolution des comités. C'est dans cet interrègne que nous vinrent des hommes couverts de sang, avec des piques sanglantes, amenant un de nos collègues revêtu du décret de l'inviolabilité. On l'amenait, parce que le peuple savait encore ce que c'était que l'inviolabilité. Ces hommes vinrent nous commander de juger Jouneau, de le juger dans la journée, sinon le peuple souverain en ferait justice. Voilà ce qui me fera toujours haïr la journée du 2 septembre, car je n'approuverai jamais les assassinats. (Vifs applaudissements.) Et dans les circonstances critiques, on veut qu'il n'y ait pas de force publique! On veut donc aussi recommencer ces assassinats et nous réduire à l'inaction comme dans ce temps. (Murmures-à gauche.)
Voulez-vous que je le prouve encore; je monterai à la tribune, et je présenterai, s'il le faut, que les Catelina sont là.
Si nous examinons le rapport, nous verrons qu'il a été dicté, non pas au comité, mais au ministre, par ces terreurs qu'on fait jeter. Ce n'est pas mon département qui a envoyé les volontaires qui sont à Paris ; ceux qu'il a fournis étaient ici pour le 10août; ils avaient fait 200 lieues en onze jours ; ils n'y sont plus. Le ministre leur a ordonné de partir pour les frontières. J'ai été le premier à leur dire : Partez. Le ministre n'a pas besoin de décret pour taire partir les bataillons organisés, il en existe. Mais peut-on dire aux fédérés : Partez, ou nous ne vous paierons plus; vous êtes des départements, vous n'êtes pas de Paris, vous n'êtes plus rien pour nous, Partez!
Dira-t-on encore, ce sont des députés des départements méridionaux qui parlent ainsi ; ils veulent le gouvernement fédératif. Je répondrai : Si les départements méridionaux voulaient le gouvernement fédératif, nous ne serions pas ici. (Vifs applaudissements.) S'ils le voulaient, ils l'auraient; car, croyez qu'ils connaissent aussi leurs droits. S'ils le voulaient, ils l'auraient, parce que vous avez reconnu que vous ne pouviez leur donner de Constitution que leur volonté ne fût prononcée; s'ils le voulaient, ils diraient, lorsqu'ils seraient réunis en assemblées primaires : Vous avez décrété une République
unique, mais nous voulons une République fédé-rative. (Nouveaux applaudissements.)
Mais après avoir établi les droits de mes concitoyens, droits que personne ne peut contester, je dois annoncer que cette grande question ayant été agitée dans les assemblées primaires de nos départements, les citoyens ont dit unanimement : Nous voulons être Français et ne faire qu'un avec nos frères des départements septentrionaux et de Paris. (Vifs applaudissements.) Ils ont dit à leurs députés : Allez au congrès, à la Convention nationale; signez-y le pacte social, pourvu qu'il soit fondé sur les bases sacrées de la liberté et de l'égalité, pourvu qu'il fasse cesser l'anarchie. Ils nous ont même ajouté : Si vous trahissez vos mandats, vos têtes, oui, vos têtes nous en répondront. Nous voulons le bien public, nous voulons l'ordre, souscrivez ces grandes obligations. Citoyens, ne voyez-vous pas que Cromwell s'est caché jusqu'à ce que les circonstances aient amené l'occasion ae se faire protecteur? On vous dira bien, nous ne voyons pas encore de Cromwell, mais supposons qu'un ambitieux revînt après avoir remporté des victoires, ce vainqueur à la tête de ses armées vous dirait : Il faut me proclamer roi, sinon vous périrez; il faut me proclamer roi, parce que la nation ne peut s'en passer. Il faut me proclamer roi, ne voyez-vous pas que vous êtes plus malheureux depuis que vous n'en avez ^lus. On voudrait nous en donner, mais, nous n'en aurons pas de roi, ni de protecteur, ni de dictateur. ni de Cromwell.
Un grand nombre de membres : Non, non ; nous le jurons! (Applaudissements presque unanimes.)
Un membre (à l'extrême gauche). Nous ne sommes pas ici pour écouter des histoires. (Murmures.)
En me résumant, après avoir retracé les malheurs qui peuvent nous arriver, et contre lesquels il faudra nous élever plus d'une fois, je dis que si le ministre veut faire partir les bataillons, il le peut sans décret; et que s'il veut faire partir les fédérés, il leur faut une indemnité.
(de l'Aube). Je ne dirai pas comme Buzot, qui, en cela, s'est trompé, que l'intrigue a jusqu ici dirigé vos travaux, que des passions particulières ont été substituées à la seule passion qui puisse nous dominer, celle du bien public; mais je rentrerai dans la question dont on s'est écarté, et je dirai que le projet du comité doit être avant tout discuté. De quoi s'agit-il en ce moment? De savoir si Custine a besoin d'un renfort, et, dans ce cas, si nous le prendrons parmi les troupes qui se trouvent actuellement à Paris. (Murmures au centre.)
Le besoin de troupes qu'éprouve Custine ne peut pas être mis en question, Custine est entouré des forces autrichiennes et prussiennes, et ies divers mouvements qu'il est ooligé d'effectuer rendent ce besoin aussi pressant qu'utile. Paris est à portée de fournir ce renfort. En effet, où le prendre, si ce n'est dans un endroit où des troupes sont en grand nombre et toutes habillées, équipées et prêtes à partir. (Murmures.)
On dit que Paris a besoin de forces; sans doute Paris a été dans l'anarchie; mais est-ce que l'anarchie n'est pas le résultat conséquent des révolutions? (Murmures au centre.) Et les événements du 2 septembre, que je ne justifie pas, n'ont-il pas été la suite de cette Révolution? (Nouveaux murmures.) Mais est-ce que Longwy
ne s'était pas lâchement rendu ? Est-ce que nous n'étions pas environnés de traîtres? Est-ce que tout ce qui existe de royalistes n'était pas au milieu de Paris? Mais tirons un rideau... (Murmures prolongés.)
Citoyens, il n'y a point de délibération dans une assemblée que lorsqu'on entend paisiblement le pour et le contre; car les murmures décèlent les passions, et les passions indiquent l'esprit de parti. 11 faut le tuer enfin, cet esprit de parti.
(de l'Aube). Je disais que c'est à Paris qu'on peut prendre ce renfort ; et j'ajoute que la garde nationale parisienne tiendra toujours au service de la Convention nationale le nombre de citoyens nécessaire à sa garde. Quant à la tranquillité de Paris, vous ne pouvez concevoir des craintes, car les ministres sont là qui vous en répondent. (Murmures au centre.)
Le ministre de l'intérieur vous a déclaré là qu'il n'en répondait pas. (Applaudissements.)
(de VAube). Quelle est Cette futile distinction qu'on a mise entre les fédérés et les volontaires nationaux? Est-ce que les fédérés ne sont pas des volontaires nationaux? Est-ce qu'ilfc ne sont pas tous soldats de la République? Quelle est cette opinion qui tend à abattre le courage des uns pour relever celui des autres?
Plusieurs membres : Allons donc, concluez!
(de F Aube). S'il faut qu'un certain nombre ait le droit exclusif d'être entendu ici, je vais conclure, et je demande que le projet du comité soit mis aux voix.
Il est des faits allégués dont le ministre devait vous instruire. Il devrait être là. Je propose qu'il soit mandé. (Applaudissements.1
, rapporteur. Je demande à rétablir les faits. Le ministre de la guerre est venu se concerter avec le comité; ses observations, appuyées par une nouvelle dépêche de Custine, où le besoin de troupes est fortement énoncé, ont déterminé le décret : on a done pensé que Paris pouvait fournir le renfort nécessaire, et les troupes qui sont ici demandent elles-mêmes d'être employées. Est-ce votre intention qu'elles restent oisives et payées à grands frais?
Plusieurs membres au centre : A 30 sous par jour! (MurmUres à gauche.)
, rapporteur. Est-ce votre intention d'entretenir cette jeunesse dans cette seconde Capoue? car ils passent leur temps avec les filles de Paris... Je demande qu'on aborde enfin la question de savoir l'emploi auquel ces volontaires sont destinés.
Je ne viens ni caresser ni irriter aucune passion, mais dire deux faits essentiels : l'un concernant les fédérés, l'autre la situation de Paris. Il serait bien étrange qu'il fût réservé aux représentants du peuple, comme aux rois, de ne jamais entendre la vérité tout entière, ou de ne l'entendre qu'avec des ménagements industrieux. D'où vient que c'est toujours par des mesures partielles que l'on veut faire agir la Convention nationale? Tantôt l'on attaque le conseil général de la commune de Paris, tantôt les sections, tantôt la force armée, et l'on retarde les objets les plus essentiels.
Dimanche, après que vous eûtes entendu les pétitions des fédérés et celle des commissaires
de sections, vous décrétâtes une mesure qui aurait dû être exécutée par le comité de surveillance, et qui était un préliminaire essentiel à la décision ae la question actuelle, ainsi qu'à celle de la force départementale; il aurait dû, en exécution de ce décret, vous faire un rapport sur la situation de Paris et les moyens d'y garantir le respect des lois, au lieu de vous en faire un sur les événements du 2 septembre, qu'on ne lui demandait point. Si Pans est tranquille, si la force publique y est bien organisée, s'il nous est prouvé que les lois y sont respectées, nous aurons déjà un grand préliminaire ; mais puisque la'questiôn vous est soumise, quoiqu'elle soit prématurée, je vais l'aborder.
Le ministre de la guerre vous demande un ordre ou une autorisation pour faire partir de Paris et les fédérés et autres volontaires qui s'y trouvent. En entendant cette proposition, je me suis demandé s'il était vrai qu'il n'existât qu'à Paris de la force publique; mais partout la force de la liberté a produit, comme par un coup de baguette magique, des hommes armés, des bataillons organisés. On-vient nous alarmer pour obtenir le départ de toutes les troupes qui exis-. tent à Paris, tandis que tous les départements renferment encorè dans leur sein des corps armés qui brûlent du désir de se signaler dans le champ de la victoire. On vient de me remettre une liste, de laquelle il résulte qu'il y a à Villers-Cotterets et à Crépy 2,000 hommes, à Crécy 1,000, à la Fère 2.000, à Noyon 1,500, à Beau vais 1,500, à Meaux 3,000, beaucoup *à Cbâlons, à Versailles 4,000 gendarmes, d'autres à Fontainebleau et ailleurs, etc.
Voilà des faits. J'en tire là conséquence qu'il n'y a pas un besoin si imminent de tirer de Paris les volontaires qui y sont, et qu'au moins on doit nous laisser le temps d'examiner la question avec la sagesse et la maturité qu'exige son importance. Il faut examiner s'il est certain que tous les citoyens de Paris se tiendront toujours au respect des lojs; si nous ne sommes pas dans des circonstances extraordinaires. Ne remarquez-vous pas quelle population effroyable couvre cette cité? Craindriez-vous la présence des fédérés, dont le patriotisme est droit et les sentiments purs pour la liberté? Ou ne devez-vous pas craindre plutôt cette foule d'aristocrates qui se réunissent à Paris pour v exciter des divisions, de prêtres réfractaires qui y arrivent de toutes parts pour y fomenter des troubles que peut-être bientôt vous verrez éclore, d'émigrés qui rentrent pour y préparer des vengeances atroces. D'un autre côté, vous aurez à examiner de quels éléments est composé le conseil général de la Commune. 11 faut bien que j'y revienne, car c'est là un des points de discorde ; et je puis dire que si la Convention nationale, immédiatement après avoir aboli la royauté, eût chassé ce conseil général, elle eût bien mérité de la patrie. Né au bruit du canon, et au son du tocsin, il devait disparaître aussitôt que la paix publique dut succéder aux orages ; cet instrument révolutionnaire devait être brisé dès que la Révolution fut faite, à moins qu'on ne voulût entreprendre une révolution nouvelle. (Vifs applaudissements.) Au contraire, on a montré de la faiblesse, et même des ménagements pour ce conseil général ; et bientôt il a cherché à avilir, par tous les moyens possibles, la représentation nationale. Le Corps législatif disait : Ce Corps révolutionnaire doit disparaître, et le lendemain il fut obligé de rapporter son décret. Il disait : les barrières de Paris doi-
vent être ouvertes, car tout homme a la faculté de voyager librement dans l'intérieur de l'empire, et le conseil général disait : il faut que les barrières soient fermées. Le Corps législatif disait : il ne faut plus de passeports; il faut faire respecter dans toute leur plénitude lés droits des citoyens ; et le conseil général disait : nous ne laisserons sortir qu'avec des passeports.
Voilà des faits qui déposent contre Paris, et que je ne rapporte que pour inviter à prendre des mesures pour que cette anarchie ne se reproduise pas. Ce n'est pas que je ne compte sur le courage, sur l'énergie des représentants de la République, mais parçe qu'il serait possible que les mêmes intrigants pussent tenter de réaliser ce système de terreur qui leur a déjà valu un premier succès, et qu'il importe de leur ôter l'espérance, et même le désir de l'entreprendre une seconde fois. D'après cela, faut-il qu'il y ait une force publique imposante à Paris? Oui, parce que nous nous trouvons dans des circonstances extraordinaires, parce que nous avons le roi à juger, et il faut qu'à cet égard vous sachiez un fait que le comité de surveillance aurait bien dû vous apprendre; c'est que dans quelques sections de Pariç, au moins je puis attester le fait pour une, des listes ont été portées à signer, sur lesquelles était écrit : Veut-on la République ou la royauté? ( Vif mouvement d'indignation.)
Veut-on la République? Est-ce là l'objet d'un doute ? ( Applaudissements.) Est-ce daHS nos départements qu'on aurait osé colporter des listes pareilles et des sentiments de ce genre? A Paris, on interroge les sections sur des questions de cette nature! On suppose donc qu'on y trouvera des voix pour l'affirmative? Il est donc vrai qu'au sein de Paris, que même dans les assemblées de sections, le royalisme élève encore sa tête hideuse. Et c'est dans de pareilles circonstances que vous voudriez dégarnir cette cité des républicains qui y sont accourus de tous les départements, au cri du danger! Que vous voudriez en chasser les fédérés qui ont si bien fraternisé avec les citoyens ! Rappelez-vous le procès-verbal que je vous lus hier ; rappelez-vous que vous applaudîtes aux témoignages touchants de fraternité qu'il contenait (1).
Je conclus de tout ceci que le projet de votre comité de la guerre, que même la force départementale, sont des questions précoces et prématurées, puisqu'elles doivent être précédées d'un rapport sur la situation de Paris. Si cependant il fallait, dès à présent, délibérer sur la question, je dirais que vous pouvez faire partir les bataillons organisés, mais non pas les volontaires fédérés qui sont venus pour rester à Paris. De quel droit voudriez-vous forcer ces citoyens à s organiser en bataillons et à marcher aux frontières, quand leurs départements ont déjà fourni leur contingent? De quel droit voudriez-vous empêcher un garde national de venir à Paris ? Je demande que vous adoptiez l'article 1" du projet qui vous est présenté, mais que vous ajourniez les deux autres. (Applaudissements.)
demande à répondre.
Un grand nombre de membres demandent la clôture de la discussion.
, etc. demandent que les volontaires
veut parler Contre cette proposition.
(Une violente agitation se manifeste dans l'Assemblée.) .(La Convention ferme la discussion.)
, rapporteur, soumet à la délibération l'article 1er ae son projet; il est ainsi conçu :
« Les bataillons de garde nationale qui étaient destinés à servir dans les camps de Paris et de Soissons, seront mis à la disposition du ministre de la guerre, pour être employés dans les armées qui sont en présence de l'ennemi. »
Plusieurs membres demandent que l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
J'appuie l'ordre du jour et je le motive sur ce fait qu'une loi antérieure autorise le ministre à disposer de tous les bataillons organisés qui se trouvent dans la circonférence soumise à la police de l'Assemblée. (Applaudissements.)
(tte Fontenay). Il faut que l'Assemblée décide s'il faut forcer les autres volontaires qui sont rassemblés à Paris, au nombre d'environ 10,000, à se former en bataillons, et si, en cas de refus de leur part, ils doivent continuer à être payés à raison de 30 sous par jour, tandis que les volontaires qui se battent aux frontières n'ont que 15 sous. (Murmures à gauche.)
Que voulez-vous donc faire de ces hommes-là?
Si c'est un pouvoir révolutionnaire, il faut, même d'après vos principes, qu'il disparaisse.
demande de nouveau à répondre à Rarère. {Des murmures lui coupent la parole.)
Les agitations qui nous déchirent sont extrêmement affligeantes. Nous donnons au public qui nous écoute, un spectacle, j'ose le dire, vraiment scandaleux. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Et remarquez que non seulement les tribunes, que non seulement la France nous écoute, mais que les étrangers sont témoins de nos débats, et qu'ils s'en réjouissent.
Ce n'est pas de cette manière que des hommes libres doivent discuter (Mêmes applaudissements.) Il faut l'avouer, il y a eu dans cette tribune des opinants qui n'ont pas été libres d'énoncer leur pensée, ni de se faire entendre; cépendant il faut que tout le monde puisse défendre sans contrainte son opinion. J'ai vu avec douleur que d'autres opinants ont continuellement divagué de la question. Ils ont fait rouler toute la discussion sur des faits que nous deyrions oublier; car, toutés les fois que vous reparlerez des événements du 2 septembre, soyez sûrs que vous verrez les divisions renaître dans l'Assemblée. Promettons-nous donc d'ensevelir dans le plus profond oubli tous ices faits, qui ne sont propres qu'à troubler nos délibérations par le choc des passions qu'ils réveillent. (Applaudissements à gauche et murmures au centre.)
interrompt.
Je parle de ces faits qu'il n'a pas été en votre pouvoir d'empêcher, et dont le souvenir, lié à des haines et à des préventions personnelles, peut jeter des semences
de troubles et de discorde dans l'Assemblée. (Nouveaux murmures au centre.)
Je dis qu'il est très inutile de reproduire ces éternelles lamentations sur des faits sur lesquels nous gémissons ; mais que nous n'avons pu empêcher, et qui ont été favorisés par des circonstances qui, très certainement, ne se renouvelleront plus.
Cela fait, je demande que les articles du projet soient successivement mis aux voix et qu'on vote tout d'abord sur l'article 1er.
Plusieurs membres : La question préalable !
L'ordre du jour motivé.
Je demande qu'on mette aux voix le premier article et que les autres soient ajournés.
Un grand, nombre de membres : Non, non !
Eh bien, j'appuie l'ordre du jour motivé sur ce qu'il existe un décret qui met à la disposition du ministre tous les bataillons de volontaires nationaux.
(La Convention passe à l'ordre du jour, ainsi motivé, sur l'article 1er du projet de décret et rejette les deux autres articles.)
Je demande le renouvellement du comité de sûreté générale, et à motiver cette proposition. (Murmures.)
Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur ces motions de désordre.
Lorsqu'on fait une pareille proposition, il est du devoir du comité de sûreté générale de justifier sa conduite. Le comité n'a eu d'autres torts que de n'avoir pas voulu exagérer les dangers. Il vous a dit que la confiance est le meilleur moyen de" maintenir la tranquillité.
Je demande qu'on ne s'occupe pas de ces misères.
L'éternel dénonciateur Louvet demande la parole contrele comité de surveillance, je la lui cè(|e.
(La Convention décide que Louvet ne sera pas entendu.)
Un membre présente plusieurs paires de souliers dans lesquelles se trouve du carton : il annonce que demain il doit en partir vingt mille paires pour les armées.
(La Convention renvoie les souliers au ministre de la guerre, pour vérifier les faits dénoncés et arrêter l'envoi s'il y a lieu.)
Un grand nombre d'habitants des pays de Nassau, de Deux-Ponts, de Nassau-Sarbruck et de Darmstadt, demandent à devenir Français. Je propose à l'Assemblée de renvoyer au comiié de Constitution ces demandes, et les questions politiques qu'elles laissent à résoudre.
(de ' la Marne.). Le général Custine avait demandé si la République pouvait promettre aux peuples qu'elle rendrait libres, de les protéger contre les tentatives des tyrans. Je pense qu'il est instant de prononcer sur cette question.
(La Convention renvoie ces propositions au comité diplomatique, et ajourne à mardi prochain la discussion du projet de loi présenté parce comité, sur les règles de conduite à tracer aux généraux.)
, secrétaire, donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait parvenir deux manuscrits pris par un dragon, sur un émigré, trouvé àStenay et transféré à Sedan pour être jugé.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
2° Lettre des administrateurs de Boulogne-sur-Mer qui informent l'Assemblée que des Français venant de Londres, les uns munis de passeports signés Chauvelin, ministre plénipotentiaire, d'autres sans passeports, débarquent en France et pénétrent dans l'intérieur. Les administrateurs observent que le peuple murmure, et demandent à l'Assemblée de leur tracer la conduite qu'ils doivent tenir dans cette circonstance.
La Convention rend le décret suivant :
« Les émigrés rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République : savoir, de Paris et de toute autre ville dont la population est de vingt mille âmes et au-dessus, dans vingt-quatre heures du jour de la promulgation de la présente loi, et dans quinzaine du même iour, de toutes les autres parties de la République. Après ces délais, ils seront censés avoir enfreint la loi du bannissement, et pbnis de mort. .»
Un membre propose qu'il leur soit accordé un passeport.
Cette proposition est alternativement soutenue et combattue.
(La Convention décrète que les émigrés pourront sortir sans passeport.
La Convention reprend la discussion du projet de décret du comité d'aliénation concernant Vadministration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes (1)..
Les articles 18 à 22 de la section I™ sont successivement adoptés dans les termes suivants :
Art. 18.
« Quant aux sommes et effets de toute nature qui seront déclarés appartenir à des personnes absentes du lieu de leur domicile, mais qui ne seront cependant pas notoirement émigrées, ou dont les noms ne sont pas compris dans lesdites listes, les notaires, séquestres, débiteurs et tous autres ne pourront s'en dessaisir qu'en présence de l'officier municipal ou du commissaire nommé pour recevoir les déclarations, et sur la représentation qui leur sera faite du certificat dUlieu qu'habitent les personnes à qui appartiennent les sommes et effets, délivré sous la forme prescrite parla loi du 8 avril dernier, qui constatera qu'elles ont résidé habituellement dans le territoire français, dans les six mois qui ont précédé ladite loi, et depuis cette époque jusqu'à ce jour. Ces certificats seront vérifiés et visés par le directoire du district, et les dépositaires et débiteurs seront tenus de conserver ce certificat pour en justifier à toute réquisition.
Art. 19.
« Toutes les sommes et effets appartenant à des personnes absentes qui
n'auront pas justifié, dans un mois à compter de la publication de la
présente loi, de leur résidence dans le territoire français, d'après
l'époque fixée par la loi du 8 avril dernier, seront déposés ; savoir :
les som-
Art. 20.
« Dans tous les cas où il y aura lieu au dépôt, il sera dressé un acte particulier pour les effets appartenant à chaque individu; et l'on ne pourra confondre dans le même acte les objets appartenant à plusieurs personnes.
Art. 21.
« Les administrateurs, officiers municipaux et commissaires qui seront convaincus de négligence dans l'exécution des dispositions de la présente loi, seront responsables sur tous leurs biens des pertes que leur négligence aura occasionnées a la République, sans préjudice des autres poursuites qui pourraient être exercées contre eux.
Art. 22.
« Il sera accordé au dénonciateur de toutes contraventions aux dispositions ci-dessus, le huitième des sommes qui seront rentrées au trésor public par l'effet de la dénonciation. »
(La séance est levée à cinq heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi, 9 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, fait une lecture dès adresses, pétitions et lettres ministérielles suivantes, qui sont toutes renvoyées aux divers comités qui les concernent :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait part à la Convention des mesures qu'il a prises pour assurer le service de l'artillerie, tant dans les armées que dans les places, et des obstacles qu'y apporte le décret qui supprime la solde des canoniers du camp sous Paris.
(La Convention renvoie la lettre au comité.)
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre, à laquelle sont joints deux états de détail, relativement à la solde des hussards de la liberté.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
3° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, avec trois états relatifs à la fabrication des monnaies.
(La Convention renvoie la lettre et les états au comité des finances.)
4° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, à laquelle sont joints une lettre et un état des pertes qu'ont éprouvées les habitants de la commune de Voncq, district de Grand-Pré, par l'incendie du 24 septembre.
(La Convention renvoie la lettre et l'état au comité des secours.)
5° Lettre de Monge, ministre de la marine, relativement à la prestation de serment par les citoyens pensionnés, qui sont domiciliés dans les colonies.
(La Convention renvoie la lettre au comité des colonies.)
6° Lettre des administrateurs du département du Morbihan, qui adressent à la Convention un arrêté concernant des procès dans lesquels des émigrés sont intéressés.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de législation.)
7° Pétition des administrateurs du département de la Haute-Vienne, relative à la mendicité.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours.)
8° Délibération du conseil général du département des Côtes du Nord, relative au payement des électeurs.
(La Convention renvoie cette pièce aux comités de liquidation et des finances réunis.)
9° Adresse des citoyens administrateurs du département des Côtes-du-Nord, qui, en rendant justice au bon esprit qui anime les Parisiens, se plaignent des agitateurs qu'ils souffrent dans leur sein.
(La Convention renvoie cette adresse au comité de sûreté générale.)
10° Pièces et pétition du citoyen Soustelle, qui réclame un dédommagement pour les pertes qu'il éprouve par la suppression des droits de lods et censives.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de législation.)
11° Lettre des directeurs du jury d'accusation, établi près le tribunal criminel des 17 août et 11 septembre, qui demandent à la Convention qu'elle veuille bien former une commission militaire pour juger douze ou quinze gendarmes nationaux, accusés de désertion et ramenés aux prisons de Paris.
(La Convention rénvoie la lettre aux comités de la guerre et de législation réunis.)
12° Pétition du citoyen Barruel, qui demande que ses pensions sur la liste civile et sur la cassette soient converties en une pension sur le trésor national ; il donne des preuves de son civisme.
(La Convention renvoie la pétition au comité de liquidation.)
13° Lettre du citoyen Charles Fiers, maréchal de camp, ci-devant colonel de cavalerie, qui fait hommage à la Convention d'un plan dont l'exécution produira en- un mois ou six semaines 22,000 hommes de cavalerie, prête à recevoir l'instruction nécessaire pour la campagne prochaine.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
14° Pétition d'un grand nombre de citoyens de la ville de Rouen, f elativement au renouvellement des corps administratifs et judiciaires.
(La Convention renvoie la pétition au comité de législation.)
15° Adresse des administrateurs du directoire du district de Guingawp, qui adhèrent à tous les dé-
crets, et principalement à celui qui abolit la royauté en France.
(La Convention renvoie l'adresse aux archives nationales.)
16° Adresse des citoyens composant la société libre et républicaine de Saint-Gaudens, qui adhèrent également aux décrets de la Convention et renouvellent le serment de vaincre ou mourir pour maintenir la liberté et l'égalité.
(La Convention renvoie l'adresse aux archives nationales.)
17° Lettre du citoyen Lejeune, curé de Cléry, qui fait hommage à la Convention d'un discours à ses paroissiens, sur l'exécution de la loi qui détermine le mode de constater l'état civil des citoyens.
(La Convention renvoie la lettre aux archives nationales.)
18° Lettre du citoyen président de la section Mirabeau, qui fait, passer à la Convention, au nom de cette section, un arrêté tendant à obtenir une loi contre les fournisseurs de souliers à l'armée, qui trompent la République.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de la guerre et de législation réunis.)
19° Pétition du citoyen Buffet, chirurgien, qui se plaint d'avoir été victime du pouvoir arbitraire, et privé de son état, de sa fortune et de sa liberté, par une lettre de cachet.
(La Convention renvoie la pétition au comité de sûreté générale.) •
20° Adresse des citoyens composant la société des Amis de la République de Saint-Afrique, qui félicitent la Convention sur ses travaux et qui dénoncent la municipalité de cette ville à cause de son incivisme.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de sûreté générale.)
21° Pétition du citoyen Gendé, qui supplie la Convention, au nom de la justice, de faire suspendre l'exécution du jugement d'André-Pascal Portier, soldat du régiment ci-devant Bourbon, condamné injustement à mort comme ayant contribué à l'assassinat de Dillon; il demande que les pièces de cette procédure soient examinées par un des comités ae la Convention.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
22° Lettre du sieur Pellerin, qui expose qu'il vient d'éprouver, de la part du directoire des postes d'Avignon, l'injustice la plus révoltante, en le destituant de sa place de premier commis au bureau de cette ville ; il réclame contre.
(La Convention renvoie la lettre au pouvoir exécutif.)
23° Pétition du citoyen Silvestre, qui représente à la Convention qu'il" est porteur de coupons des Indes de 500 livres: que s'étant présenté au Trésor national pour recevoir les 22 1. 10 s., on lui a dit que le délai prescrit était expiré. 11 représente à l'Assemblée qu'il ignorait lès formalités; il supplie la Convention ae vouloir le faire relever de la prescription.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.) *
24° Pétition des citoyennes qui ont été employées au camp sous Paris, qui demandent le payement de cinq journées de travail qui leur sont dues.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
25° Pétition du citoyen Landry, gendarme na-
tional, qui expose à la Convention nationale, qu'ayant été estropié à l'affaire du 10 il est malade, couvert de blessures, ce qui l'a empêché de partir avec ses camarades ; il demande à jouir de ia même paye et des mêmes prérogatives que ses camarades.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
26° Lettre du citoyen Dubessey, qui présente à la Convention un catéchisme instructif et politique sur les devoirs des citoyens républicains de la ville et de la campagne, avec plusieurs observations sur les circonstances présentes. ; (La Convention renvoie la lettre au comité d'instruction.)
27° Adresse du citoyen Banaste, ancien militaire, appointé au 25® régiment d'infanterie, ci-devant Poitou.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de la guerre.)
28° Adresse du conseil général du district d'Alen-çofi, portant adhésion au décret qui abolit la rpyauté. -
(La Convention renvoie l'adresse au comité des pétitions.)
29° Adresse des. citoyens de la ville de Dorât, département de la Haute- Vienne, portant adhésion aux deux décrets de l'abolition de la royauté et de l'indivisibilité de la République. Ils y joignent le procès-verbal de la fête civique qu'ils ont célébrée à l'occasion de la révolution savoisienne.
(La Convention en ordonne la mention honorable.)
30° Adresse de la société des Amis de l'égalité et de la liberté, établie à Narbonne, département de VAude, qui exprime les sentiments les plus énergiques d'adhésion à l'abolition de la royauté.
(La Convention en ordonne la mention honorable.)
31° Pétition des citoyens Lepécheux et Peneau, syndics des créanciers fournisseurs de VOpéra, qui demandent un secours, disant avoir fourni plus de 600,000 livres à l'Opéra par ordre de la municipalité de Paris ; il a été observé que ce n'était pas au trésor national à payer les dépenses de i'Opéra et de la municipalité de Paris.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
32° Pétition du sieur Forestier, ci-devant quar-tier-maitre des gardes suisses, qui demande la levée des scellés apposés sur son domicile.
Je déclare, dit-il, que des affaires indispensables m'ayant appelé à Fribourg, ma patrie, je suis parti de Paris le 26 juin dernier, muni d'un passeport de la municipalité, d'un certificat de la section des Quinze-Vingt, et d'une permission de M. d'Affry.
J'affirme avoir laissé, à mon départ, ma caisse en bon état, puisqu'il y avait 65,000 livres au delà de ce que je aevais, et que j'ai acheté pour 50,000 écus de domaines nationaux que j'ai payés comptant.
J'ai appris, poursuit-il, que ma caisse a été transportée à la Trésorerie et que les scellés ont été mis sur mes papiers. Je déclare que je n'ai jamais fui la France et que je ne puis être réputé émigré. Je suis pour l'instant à Paris avec ma femme et mes enfants ; je demande à rentrer chez moi et la remise de mes papiers, afin que je puisse rendre mon compte et obtenir ma décharge.
Je démande que le juge de paix
qui a apposé les scellés sur les effets du citoyen Forestier, soit autorisé à ouvrir sa maison. Je propose également que le commissaire du pouvoir exécutif, qui s'est trouvé l'assesseur du juge de paix pour cet objet, soit aussi présent à la levee des scellés.
(La Convention nationale décrète que, le lendemain 12 novembre; les commissaires par elle nommés, pour la vérification et levée des scellés apposés chez lui, feront dresser, en présence dudit Forestier, des juges de paix et du commissaire du pouvoir exécutif, un état sommaire des papiers relatifs à la comptabilité du régiment de& garde suisses ; après quoi Forestier sera mis en possession de sa maison et de ses meubles.)
Un membre demande qu'il soit nommé trois commissaires pour aller recevoir les plaintes des invalides sur le défaut d'administrateurs de cette maison.
(La Convention nomme pour commissaires les citoyens Daubermesnil, Philippe Delleville et Delacroix).
Un membre rappelle à la Convention qu'elle avait renvoyé à son comité de sûreté générale, une pétition dont l'objet était de se faire rendre compte de Y état des prisonniers détenus à Paris, et des causes de leur incarcération. Il observe que le rapport ne lui en a pas encore été fait, et demande qu'il lui soit présenté sous trois jours.
, président. Citoyens, s'il m'est permis, quoique Président, de prendre la parole, je dirai a la Convention que le comité s'est occupé de cet important objet. Je lui dirai que j'ai été chargé de. prendre à cet égard des renseignements; que j ai visité les prisons de Saint-Lazare, où l'on, prétendaitt qu'un nombre considérable de citoyens étaient renfermés ; que je n'en ai trouvé qu'un, et qu'il vient d'être mis en liberté.
Je sais que vous avez été à Saint-Lazare, que vous n'y avez trouvé que ce seul prisonnier; et, citoyen Président, je ne doute nullement des soins que vous avez pris ; mais vous a-t-on instruit des causes de la détention de ce citoyen, qui vient d'être mis en liberté?Voilà ce qu'il nous importe de savoir, et c'est là ce qu'on ne nous dit pas. Je demande que le rapport du comité soit présenté mercredi prochain, sans autre retard.
(La Convention décrète la proposition de Camus.)
, président. J'observe que l'Assemblée législative avait mis àla disposition du comité de sûreté générale une somme de 20,000 livres pour subvenir à des dépenses nécessaires pour se procurer des renseignements utiles; que le défaut de fonds a privé le comité d'une grande-partie de ces renseignements, et retardé la marche de plusieurs affaires. Je demande qu'une pareill somme soit remise pour cet usage au comité.
(La Convention ajourne cette proposition.)
Un membre demande qu'on entende, mercredi, le projet de mettre une somme quelconque à la disposition des membres du comité de surveillance, pour indemniser ceux qui ont des frais de route, déplacement, ou perte ae temps à essuyer, pour venir faire des rapports jugés par le comité de surveillance, intéresser la chose publique, sauf la responsabilité des membres du comité de surveillance, qui consistera à donner connais-
sance de ces dépenses au comité de l'examen des comptes. (La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Un citoyen, membre de la Société des Amis de Végalité et de la liberté, établie à Champlitte, et qui désire n'être pas nommé, fait déposer sur le bureau, par le citoyen Gourdan, député, un assignat de 100 livres, pour contribution aux frais de la guerre. Ce citoyen s'engage à payer pareille somme tous les six mois, pendant toute la durée de la guerre, et déclare déjà acquitté d'avance le premier semestre.
2° Le citoyen Dieupart, capitaine de la gendarmerie nationale au département des Côtes-du-Nord, fait déposer, par le citoyen Palasne de Champeaux, député, sa décoration militaire,
3° Le citoyen Delestre, ci-devant capitaine de grenadiers à Saint-Jean-d'Angély, fait aéposer sa croix de Saint-Louis et son brevet.
4° Le citoyen Guadet, lieutenant de la gendarmerie à la résidence du Faoiiet, département du Jihrbihan, fait déposer, par le citoyen Audrien, député, sa décoration militaire.
4° Le citoyen Jamet, curé de la paroisse de Plourai, district de Faoiiet, département du Morbihan, donne, pour les infortunés de Lille, en assignats, la somme de 120 livres.
5° Le citoyen Barguih, ci-devant commissaire du ci-devant roi au tribunal du district du Faoiiet, département du Morbihan, donne, pour le même objet, en assignats, 40 livres.
6° Le citoyen Lecomte, lieutenant-colonel en premier du 1er bataillon de Loir-et-Cher, fait parvenir le récépissé de la veuve Boucher, qui constate que la garnison de Philippeville a déposé dans sa caisse, pour les infortunés de Lille, une somme de 500 livres en assignats.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du général Custine, datée du quartier général de Mayence, le 6 novembre 1792, qui est ainsi conçue :
« quartier général à Mayence, le er de la République.
« Citoyen Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre que j'écris au citoyen Pache, ministre de la, guerre; vous y verrez ma dernière disposition pour aller à la rencontre de l'ennemi, m'opposer à son passage, ou du moins l'empêcher de venir m'inquiéter à Mayence, ce qui serait déjà fait si M. Kellermann eût fait ce qu'il devait faire. , . -
« Vous verrez dans le post-scriptum l'affaire qu'a eue avec l'ennemi j,mon avant-garde; ce qui est le prélude de cette opération. Je pars à l'instant de Mayence, pour voir ce que cela doit devenir, ce qui ne permet pas d'en dire davantage.
« Signé : Custine. »
observe que la lettre de Custine Contient un plan militaire qu'il est important de tenir secret jusqu'après son exécution.
Voici, ajoute-t-il, le post-scriptum de la lettre :
« Du quartier général de Mayence, le er de la République.
"
« Le colonel rïouchard, commandant mon avant-garde, a rencontré nier l'ennemi à Veil-bourg. L'ennemi, prévenu de son arrivée, l'attendait Sors de la ville, rangé en bataille. Le colonel Houchard les a attaqués sur-le-champ, leur a tué quelques hommes, quelques chevaux, en a pris quelques-uns, leur a blessé beaucoup de monde, enfin les a fait sur-le-champ rentrer dans la ville; il avait déjà fait ses dispositions pour la forcer et il allait commencer l'attaque, lorsqu'il a reçu un ordre que je lui avais expédié de se porter à un autre point, ce qu'il a exécuté comme il devait le faire. »
« Pour extrait conforme :
« Le ministre de la guerre,
« Signé : PACHE. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
Citoyens, plusieurs départements ont déjà commencé la vente des meubles et immeubles des émigrés, mais les uns suivent un mode, les autres en suivent un autre. Il résulte de ce fait des abus regrettables qu'il serait bon de faire cesser. Je demande à la Convention de décréter que toute vente de l'immobilier dés. émigrés demeurera suspendue jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.
(La Convention nationale décrète que toute vente de l'immobilier des émigrés demeure suspendue jusqu'à ce que le mode de la vente ait été décrété et, au surplus, ajourne à demain la discussion sur le mode de la vente.) -
Un autre membre demande que toute société et convention départagé ou de cession, qui seront; faites relativement aux biens des émigrés et nationaux à vendre, avant leur adjudication définitive, soient déclarées nulles et de nul effet, excepté néanmoins celles qui se trouveront formellement stipulées dans les soumissions qui auront donné lieu à la vente.
Il demande encore que ceux qui auront participé à ces actes, donné ou reçu quelque chose pour ne pas enchérir, soient condamnés chacun a une amende du quart du prix de l'adjudication, de laquelle amende moitié sera au profit du dénonciateur et l'autre moitié au profit de la nation. »
Il demande, enfin, que pour être admis à enchérir, l'on soit tenu ae donner une bonne caution pour le premier acompte.
(La Convention nationale renvoie ces objets au comité d'aliénation.)
Citoyens, vous vous êtes souvent montrés les admirateurs des actions vertueuses. Je suis chargé de vous proposer un moyen d'en favoriser une digne de vos éloges. Les professeurs de l'Université de Paris, connus sous le nom de professeurs de la nation de France, demandent à être autorisés à faire un traitement à la fille du célèbre Lambert, qui a, pendant le cours de sa longue carrière, illustré l'université par d'immenses travaux, des lumières profondes et l'exercice de plus rares vertus. Il est mort à 86 ans. Sa fille, qui a concouru par les soins les plus tendres à conserver cette vie précieuse, est en ce moment dans la misère. L'Université s'est adressée au département de Paris, qui n'a pu faire droit à sa demande. Je sollicité cette autorisation de votre bienfaisance.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité des pétitions et de correspondance, présente un projet de décret : 1° sur le mode de réception des lettres, adresses et pétitions adressées à la Convention; 2° sur l'enregistrement des dons patriotiques ; 3° sur le mode d'admission à la barre des pétitionnaires ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des pétitions et correspondance, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les lettres des commissaires aux armées, des ministres et des généraux seront lues immédiatement après le procès-verbal ; il sera également donné lecture, sans retard, ae celles qui arriveront dans le cours de la séance.
Art. 2.
« Toutes ces lettres seront aussitôt renvoyées aux comités compétents. La discussion sur leur contenu ne pourra s'ouvrir dans la même séance qu'en vertu d'un décret.
Art. 3.
« Aucune lettre particulière ne sera lue à la Convention.
Art. 4.
« Les adresses, pétitions et lettres remises officièllement à la Convention, autres que celles mentionnées en l'article premier, seront, chaque jour, déposées, par le soin du bureau, au comité des pétitions et correspondance, qui en tiendra registre, en fera l'analyse, en rendra compte tous les jeudis et dimanches, et proposera les renvois.
Art. 5.
« Le comité des pétitions et correspondance dressera, chaque semaine, un bordereau des dons patriotiques; il en sera fait lectuce le dimanche ; toute autre forme de proclamation sur cet objet est rigoureusement interdite.
Art. 6.
« Tout pétitionnaire qui désirera paraître à la barre sera tenu de se présenter au Comité, d'y énoncer l'objet de sa pétition et de s'y faire inscrire.
Art. 7.
« L'ordre de l'admission des pétitionnaires à la barre suivra invariablement, chaque dimanche, celui de leur inscription au registre ; il n'y aura exception que pour ceux résidant hors des barrières de Pans, qui, en raison de leur éloi-gnement, seront admis les premiers. Le tableau en sera toujours remis à temps à la commission centrale, pour régler son travail. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité des pétitions et de correspondance, rend compte des| diverses pétitions et adresses d'un grand nombre de communes, districts, tribunaux et sociétés populaires qui adhèrent au décret de l'abolition de la royauté et se soumettent aux lois de la République ; il s'exprime ainsi;
Citoyens, le comité des pétitions et correa-dance m'a chargé de vous rendre compte des
diverses adresses que vous avez fait déposer dans ses bureaux.
Toutes énoncent l'adhésion la plus entière aux deux décrets qui immortalisent les premiers jours de cette session. Plus de royauté, plus de roi; la République... liberté, égalité, inyiolabi-iité des personnes, des propriétés, rappel de l'ordre, lois justes, simples, naturelles, voilà ce qu'elles demandent ; obéissance, respect et force à la loi, haine implacable contre tout perturbateur, tout agitateur, tout provocateur au meurtre, à l'incendie, au carnage ; c'est ce qu'elles promettent.
Elles vous assurent amour, reconnaissance, fraternité, lorsqu'après avoir rempli honorablement votre carrière, vous reviendrez simples citoyens au milieu d'eux, partager leur bonheur, qui sera votre ouvrage.
Il ne peut donc être en nous qu'un seul vœu, celui de hâter l'instant du bonheur général et de nos jouissances particulières. N'en doutez pas, citoyens de toute la République, ce vœu est clans nos cœurs, il sera bientôt rempli, et jusqu'alors, nous ne cesserons de veiller avec courage à vos intérêts qui sont les nôtres; d'assurer, par toute la puissance dont vous nous aurez investis, l'indépendance et la gloire de notre patrie.
Je vais vous présenter maintenant le tableau nominatif des lieux, des corps constitués et des citoyens, auxquels la société et nous, devons compte de ces précieux sentiments :
Les administrateurs des départements de Lot-et-Garonne, de l'Isère, des Bouches-du-Rhône, des Deux-Sèvres, du Finistère, des Basses-Pyrénées ; le district de Lausun, de Belley, de Saintes, de Lodève; les conseils généraux des communes de Rodez, Trévoux, Provins, Saint-Quentin, Pithiviers, Sedan, Orléans, Nîmes, Pau, Port-Louis, la Graulet, département du Gers; Antibes, Auch, Calais, Saint-Denis,département de Paris; Valréas, district de Louvèse; les municipalités de Perpignan, Hanache, le district de Beauyars, Saint-Maximin , Aumale , la commune provisoire de Saint-Jean-de-Maurienne en Savoie, les municipalité de Manosque, Uzès, Sommensac, département de Lot-et-Garonne, Grenoble, les citoyens commissaires les 7 sections de la ville de Grenoble, les maire et officiers municipaux de Tarascon, département de l'Ariège, les citoyens composant le conseil d'administration du district dé la Marche, le conseil général d'administration du district de Saint-Gaudens, les corps administratifs de Bellesme; les corps électoraux du district de Revel, de Rieux, de Mon-tignac; des juges du tribunal du district de la Rochelle; le conseil général de la commune de Saint-Céré, de Vertus. Les maire et officiers municipaux de Digne adhèrent au décret qui abolit la royauté et établit la République. Ils félicitent la Convention sur ses travaux, et demandent qu'elle fasse justice de cette poignée de factieux qui agitent la capitale, et cherchent à tout désorganiser. Le département de Lot-et-Garonrte demande que la Convention s'entoure d'une garde qui assure son indépendance. Celui des Bouches-du-Rhône désire que les prêtres insermentés soient traités comme les émigrés. Celui des Deux-Sèvres voudrait que l'honneur de garder les réprésentants de la nation fût commun aux citoyens de la République. Celui du Finistère demande que le glaive de la loi fasse seul justice des conspirateurs. Les administrateurs du district de Saintes disent : Nous vouons à l'exécration des races futures les hommes qui oseraient attaquer le
pouvoir illimité de là Convention nationale, ou provoquer par quelques délibérations la division de la République.
La commune de Mont-Réal sollicite une éducation nationale qui forme de vrais Républicains.
Les citoyens commissaires des sections de la ville de Grenoble disent : Vous n'avez rien fait pour la sûreté des personnes et des propriétés, si vous n! étouffez la faction homicide qui, depuis l'immortelle journée du 10 août, a couvert la statue de la liberté d'un voile funèbre, trempé dans le sang humain ; que désormais toutes les tètes fléchissent sous le joug de la loi, où tombent sous son joug redoutable. Le véritable Républicain ne connaît d'autre empire que celui de la raison et de la vertu ; car sans la vertu la République ne saurait subsister.
Les citoyens Amis de la liberté et l'égalité de Calais, Lure, Beaumont-lès-Lomaigne, Senlis, Cherbourg, Carces, Valenciennes, Muret, Castres, La Roque, Saint-Maroel d'Ardêche ; des Amis de la République de Castel-Jaloux, Vandœuvres, Lesparre, Blois, Orthez, Saint-Céré, Lavaur, Ca-vaillon, Auxerre, Gratentour, Morlaix, Château-roux, Mantereau-Faut-Yonne, le Chambon, Lan-dernau, Plombières, département de la Côte-d'Or ; Malron, District de Metz • Lorient, Saint-Amand, Nuits, Champlitte, Altkirck, Louviers, Ruffec, Châteaudun, Alais, Château-Chinon, et Montreuil-sur-Mer, félicitent la Convention sur les décrets qui abolissement la royauté, et établissent la République; ils jurent de maintenir, au prix de leur sang, la liberté et l'égalité.
Les Amis de la liberté et de l'égalité de Lure demandent une loi sur le partage des bois communaux ; ceux de Cherbourg prient la Convention d'annuler les substitutions, donations, ventes, baux à rentes, faits frauduleusement par les prêtres réfractaires qui ont deshérité leurs héritiers légitimes ; ceux d'Orthez font des vœux pour que la royauté, source de tous les maux qui désolent les peuples, disparaisse de la surface du globe.
Ceux de Lavaur, après avoir témoigné leur confiance dans leurs frères de Paris, et leur avoir payé un juste tribut de reconnaissance, s'élèvent avec énergie contre le projet de la formation d'une garde pour la Convention ; ils désirent qu'elle ne soit entourée que de l'amour et de la confiance de tous les Français ; ceux de Louviers appellent l'attention de la Convention sur les agitateurs qui, par leurs machinations sourdes, toublent la tranquillité de Paris ; ceux de Château-Chinon demandent que les notaires soient nommés par les électeurs.
Enfin l'intéressante commune de Corvin, qui adhérait à vos décrets dans le temps où le ier et la flamme ravageaient son territoire, et qui, pour prouver davantage à la République la sincérité de son adhésion, volait dans ce même moment au secours des communes voisines qui étaien menacées, joignait ses habitants à leurs habitants pour combattre les féroces Autrichiens; rassurait toutes les craintes, fournissait des aliments à ceux à qui ils avaient été volés, et ne ! comptait pour rien les sacrifices les plus grands, puisqu'elle les faisait à la République ; félicite la | Convention sur ses travaux et la supplie de continuer à travailler au maintien de la liberté et au bonheur de la France.
Des procès-verbaux remis au comité attestent ces faits.
Je demande, au nom du comité, que le tableau
nominatif soit inscrit sur le procès-verbal avec mention honorable.
(La Convention ordonne l'inscription au procès-verbal, avec mention honorable, du tableau nominatif présente par Fêraud.)V
Un membre propose d'autoriser les maires et officiers municipaux, à faire lire et publier, à leur réquisition, les lois et les actes de l'autorité publique, par les curés des diverses paroisses.
(La Convention écarte cette motion par la question préalable.)
fait lecture d'une pétition des laboureurs des municipalités de Laizy, Brian, Etang et autres du canton d'Autun, département de Saône-et-Loire, par laquelle ils se plaignent de la cupidité des fermiers et offrent des moyens d'y mettre un frein.
(La Convention renvoie cette pétition aux comités d'agriculture et du commerce réunis.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui annonce a la Convention que les. commissaires du pouvoir exécutif, Thouret et Roussillon, chargés d'exécuter > son décret du 18 octobre dernier, pour la salubrité de l'air dans les districts qu'avaient occupé les ennemis, l'ont fait avec autant de zèle que de succès. Le district de Grandpré, qui en a éprouvé les bienfaisants effets, félicite le ministre de l'avoir.sollicité. Il joint à sa lettre le journal des opérations des commissaires.
(La Convention renvoie les pièces au comité de secours publics.)
L'ordre du jour appelle les pétitionnaires.
Deux soldats-citoyens du 3e bataillon du département de Lot-et-Garonne sont admis à la barre.
Ils sollicitent, au nom de leurs camarades, la faveur de marcher à l'ennemi et apportent un don patriotique de 655 livres, produit d'un jour de leur solde, destiné à secourir leurs frères d'armes de Lille qui ont le plus souffert du bombardement.
(La Convention ordonne la mention honorable de l'ordre civique et renvoie la demande au pouvoir exécutif.)
L'un de ces citoyens expose que son frère, placé dans la cavalerie, ne peut, à cause de la faiblesse de sa vue, remplir son service. 11 demande pour lui la faculté de passer dans le 3e bataillon de son département.
(La Convention renvoie cette demande au ministre de la guerre, qui est autorisé à faire le changement après avoir vérifié les motifs qui sont exposés.)
accorde les honneurs de la séance à ces deux pétitionnaires.
Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, sous trois jours, du nombre et de l1 état des bataillons des volontaires nationaux et de gendarmerie nationale, qui existent dans là République et des lieux où ils sont.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de 'Louis Lefebvre, citoyen de Paris, qui offre à l'Assemblée un manuscrit sur la
Constitution française en quatre lois fondamentales;
2° Lettre du citoyen Guéroult, professeur au collège d'Harcourt, qui offre à la Convention les Constitutions des Spartiates, des Athéniens et des Romains;
3° Lettre du citoyen Jean Chevret, qui offre à l'Assemblée son Traité de l'éducation dans la République.
(La Convention accepte ces ouvrages et les renvoie au comité de Constitution avec mention honorable.)
4° Lettre de Pache, ministre de. la guerre, sur le traitement de quelques officiers français qui ont été faits prisonniers de guerre.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la guerre.)
5° Lettre des administrateurs du district de Château-Thierry, qui envoient une copie de la lettre (1) du lieutenant-colonel commandant le 1er bataillon de l'Aisne, relative à la conduite courageuse tenue par ce bataillon dans l'affaire du 27 octobre dernier ; cette lettre est ainsi conçue :
« Condé, 1er novembre, l'an lftr de la République.
«Citoyens,
« Je crois devoir vous rendre compte du combat où s'est trouvé le 1er bataillon du département de l'Aisne, le 27 octobre, tin bataillon du régiment ci-devant des Deux-Ponts et nous, le tout composant 900 hommes , commandés par le colonel dudit régiment, devions prendre poste dans un village, à deux lieues de Condé ; à l'approche, le commandant reconnut bientôt l'impossibilité d'emporter avec aussi peu de monde un poste entouré de haies, de fossés et de broussailles, où il y avait 4,000 Autrichiens retranchés, entre autres un bataillon de grenadiers hongrois protégés par deux batteries de canons placés sur une montagne qui dominait le village et plongeait dans une petite plaine où il fallait que nous passions absolument ; mais ne voulant pas qu'il fût dit que des Français avaient reculé devant l'ennemi, ou a ordonné la charge. Les deux bataillons semblaient se disputer à qui en viendrait le plus tôt aux mains. Je ne puis trop donner de louanges à la bravoure avec laquelle se sont, conduits nos volontaires ; ma satisfaction serait complète si nous n'avions de braves soldats à regretter. L'ennemi a été repoussé dans ses retranchements, mais le nombre et leur position nous a forcé à faires la retraite.
« Nous avons de morts ou faits prisonniers 20 hommes et 39 blessés.
« Je joins ici les noms des, morts de notre district ou faits prisonniers :
Barliat...... Pargny.
Planson..........Essonnés.
Ruffin,...... Château-Thierry.
Matthieu.... d°
Prud'homme. d°
Jossé ....... Nogent-1'Artaud.
Moulins..... Trouësne.
Cent."....... Villeneuve -sur-Betteau.
Vernon...... Lucy-le-Bocage.
« Je joins aussi un extrait de la lettre du citoyen Beurnouville, lieutenant général, au bataillon :
« Je vous félicite sur la glorieuse défense que « vous venez de faire ; embrassez pour moi tous « mes braves camarades du bataillon de l'Aisne « qui se sont couverts de gloire et rivalisés avec « le régiment des Deux-Ponts. J'ai fait mettre à « l'ordre du jour aujourd'hui à mpn avant-garde « leur conduite héroïque. »
« Je suis, avec les sentiments de la plus tendre fraternité, citoyens administrateurs.
« Signé : Dufresnoy.
« Lieutenant-colonel, commandant le 1er bataillon de VAisne. »
(LaConvention décrète la mention honorable de la glorieuse défense faite par les volontaires.)
Une députation du 24e bataillon de réserve, à Doulens, est admise à la barre.
Vorateur se plaint, au nom de ses camarades, de n'avoir pu former de leur corps un rempart à la République dans les malheureuses campagnes de Lille. 11 demande pour eux de l'emploi dans l'armée et des canons.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie au ministre de l'intérieur pour donner les deux canons et le surplus de la demande au ministre de la guerre.)
Une députation des soldats du 103® régiment de ligne est admise à la barre.
L'un d'eux portant la parole. Il est un décret qui accorde aux ci-devant gardes françaises, aux gardes suisses et gardes des ports le privilège d'entrer dans le corps de la gendarmerie nationale. Nous ne sommes ni gardes-françaises, ni suisses, ni gardes* des ports, mais nous sommes des soldats de 1789 et, à ce titre, nous demandons la même faveur. Nous espérons que la Convention accueillera notre demande ; au reste, nous attendons la décision que vous porterez et nous jurons d'avance de nous y soumettre, nous fût-elle défavorable.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité de la guerre pour en rendre compte dans trois jours.)
Une députation de la section des Quinze-Vingts est admise à la barre.
L'orateur de la députation fait part à l'Assemblée d'une arrestation de fusils faite par des citoyens de cette section. Il demande l'emploi qu'om en doit faire.
répond à! l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention rènyoie la demande au comité de la guerre pour en rendre compte le lendemain.)
Une députation des Savoisiens résidant à Paris est admise à la barre.
Gavard, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante (1) :
Français, vous venez de rendre aux habi-
Instruits, par une voie sûre, de l'intention de nos compatriotes et de l'arrivée prochaine des députés pétitionnaires qu'ils vous envoient, nous venons par avance, nous Savoisiens résidant à Paris, vous faire la même demande.
Nous ne solliciterons pas votre consen-tèment, en vous offrant 400,000 bras vigoureux pour combattre vos ennemis, en vous offrant nos rochers sourcilleux pour vous servir de remparts contre les tyrans d'Italie. Nous savons qu'au lieu de vous attaquer, tous les tyrans désormais fuiront devant vous ; nous savons que, pour remporter des victoires, les soldats français n'ont besoin ni de la supériorité du nombre ni de celle de la position. C'est dans votre générosité que nous voulons puiser des motifs pour appuyer notre demande.
Oui, Français, si nous espérons que vous nous adopterez pour frères, c'est surtout à cause des avantages suivants que nous procurera cette adoption :
Notre pays produit beaucoup de matières premières : vous nous élèverez des manufactures pour les employer.
Malgré notre industrie et notre amour pour le travail, nous languissons dans la pauvreté : vous répandrez chez nous l'abondance et le bonheur ; vous occuperez nos bras oisifs ; vous ranimerez notre commerce ; vous fertiliserez nos champs; vous dessécherez nos marais; vous creuserez des canaux navigables pour nos rivières, et vous nous rendrez le terrain immense qu'elles inondent. ' L'extrême disette du numéraire, qui nous empêche de faire, par nous-mêmes, toutes ces belles entreprises, gêne aussi nos échanges : vous ferez refluer chez nous celui que vous aurez bientôt de superflu ; vous ouvrirez, d'ailleurs, le sein de nos montagnes pour répandre dans toute la République l'or et l'argent qu'elles renferment.
La nature organisa les Savoisiens pour les sciences et les arts ; vous établirez, chez eux des lieux d'instruction où l'émulation et vos lumières développeront leurs talents.
La Savoie, incorporée à là France, jouira der toutes les forces de ce grand Empire; elle sera respectée .des esclaves du Piémont, de la Suisse et ae Genève. Mais les Savoisiens, formant une République à part, seraient sans cesse harcelés, gans cesse exposés à rentrer... exposés ' à la mort : jamais ils ne rentreront dans l'esclavage.
Les ennemis de notre bonheur vous diront peut-être que votre territoire est assez étendu, et qu'il faut rejeter la demande des Savoisiens. Répondez-leur, Français, qu'à mesure que vous vous éloignez des temps malheureux de la royauté, à mesure que les troubles excités par Louis le dernier s'apaisent, crue les ressorts de votre administration se renforcent, vous vous apercevez que leur action peut s'étendre beaucoup plus loin, et que peut-être cette étendue d'action est incalculable.
Ils vous diront encore qu'ayant renoncé à toute conquête, vous ne pouvez pas admettre un quatre-vingt-quatrième département. Répondez-leur que l'union volontaire des peuples libres et souverains n'est point une conquête ; que ce n'est pas conquérir que d'adopter pour frères les Savoisiens, qui depuis si longtemps vous appelaient à leur secours; les Savoisiens qni. au premier abord, ont mouillé votre sein e larmes de joie ; les Savoisiens, çnfin qui ont arboré avec transport et trépignement le signe de la liberté.
Français, n'oubliez pas que la réunion que nous vous demandons ne peut vous être nuisible, et qu'elle nous comblera de biens ; n'oubliez pas qu'elle est conforme à vos principes. Vous voulez porter le bonheur aux peuples que vous visitez et nous ne serons heureux que lorsque vous nous aurez reçus dans vos bras, lorsque nous aurons senti notre cœur républicain palpiter contre le vôtre.
Signé : Les membres de la députation :
Gavard, auteur de l'adresse, et président de la société des Savoisiens résidant à Paris; Boisset, Ravenaz, Vïviand, Vernez, Ragé , Rat, Clerc, Bizel, Mollard, Mermillod, Luys, Porraz, Rurnet, Richard aîné, Rouvard, Biollet, JacouZ, Ouvrier-Nêyret, Voi-ron, Jacquier, Curtet, Granger, Décret aîné, Gardet, Rey, Décret cadet, Favre, Auclair, Ficher cadet, Encella.
(Suivent 2,000 signatures.)
, répondant à la députation : Généreux Savoisiens, elle est enfin arrivée cette époque où l'homme a reconquis sa dignité et ses droits au bonheur ! Les peuples, par une stupide aliénation, ne seront plus le patrimoine de quelques imbéciles féroces qui se transmettaient, au nom de Dieu, le pouvoir d'écraser les hommes. L'humanité respire... et la terre, à jamais dégagée du fardeau des préjugés et de la royauté, n'offrira plus que des lois, des hommes et des vertus. Heureux Savoisiens, vous aurez été les premiers à recueillir les fruits de la restauration universelle. Vous venez de nous annoncer que vos frères s'avancent vers nous et que le souverain des Alpes veut se reposer à côte des Français, sous l'arbre de la liberté, Ohl... comme nous les attendons avec impatience i Comme nous les serrerons dans nos bras ! Comme nous leur dirons : Venez oublier Victor-Amédée; qu'il ne lui reste que Superga et la honte d'avoit été roi. Puisse luire bientôt ce jour fortunéI Quel beau spectacle! La France embrassant la Savoie ! Le drapeau tricolore flottant jusque sur les neiges au Mont-Cenis ; les gouverneurs, les sénats et les rois fuyant dans le lointain, et les peuples assis dans l'ombre se relevant partout au flambeau de la philosophie !
Envoyé en Savoie avec Gasparin et Dubois-Crancé,fpar la Convention nationale, nous avons été témoins des premiers élans de ce peuple opprimé vers la liberté ; nous avons vu le berceau de leurs sociétés patriotiques, et j'assure la Convention que la pétition de nos nouveaux frères est l'expression de tous les habitants de la Savoie. Ces modestes Savoisiens vous ont dit qu'ils n'apportaient à la France qu'un pays aride, environné de rochers
et déglacés, et moi, j'assure la Convention, qu'au milieu de ces glaces, les Allobroges possèdent un cœur de feu qui les rend dignes d'être Français. Je demande le renvoi de leur pétition aux comités diplomatique et de Constitution réunis, pour nous présenter au plus tôt un projet de réunion.
(La Convention renvoie l'adresse aux comités diplomatique et de Constitution réunis, et en ordonne l'impression ainsi que de la réponse du Président.)
Une députation des canonniers citoyens de Lille est admise à la barre.
L'orateur de la députation demande à conserver la possession d'un local qui a été toujours destiné à leur rassemblement pour s'exercer aux manœuvres de l'artilleFie.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité des domaines, pour en rendre compte incessamment.)
Le citoyen Robit, commissaire de la section du Louvre, à la tête d'une députation de la 3* compagnie des chasseurs de cette section, est admis à la barre.
Il prie la Convention de recevoir le serment de cette compagnie avant son départ pour l'armée des Pyrénées.
(La Convention nomme quatre commissaires, chargés de recevoir leur serment et leur pétition-.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, concernant les pensions ou gratifications accordées par la loi au 9 octobre 1791, aux gardes des portes de Paris.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
2° Pétition des administrateurs de la commune de Coucy, qui demandent, conformément aux décrets, le seizième des biens nationaux vendus sur le territoire de cette commune.
(La Convention renvoie la pétition au comité des finances.) -
3° Pétition des citoyens habitant douze communes du canton de Garancières, département de Seine-et-Oise.
(La Convention renvoie la pétition aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
4° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui fait connaître à la Convention la belle action de Jacques Genaudau, patron de chaloupe, à bord de la Frasquita, navire de Nantes ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Président, la Convention verra sans doute avec l'intérêt qu'inspirent les belles actions, celle de J. Genaudeau, patron de chaloupe, à bord de la Frasquita, navire dé Nantes. Le canot où il se trouvait avec quatre hommes ayant chaviré en remontant la rivière du Zaïre, après s'être rempli d'eau, fuyait devant la lame que la force du vent avait rendue très grosse : le brave Genaudeau montra dans cette circonstance autant de zèle et de présence d'esprit que de courage et d'humanité; il se jette à la nage chaque fois que l'un de ses compagnons d'infortune est forcé par la lame d'abandonner la quille du canot. Il les y
rapporte l'un après l'autre. (Vifs applaudissements.) Il reste quelques heures dans cette position, pendant lesquelles le courant les porte vers le bas de la rivière; mais, passant près d'une pointe de terre, il se jette de nouveau à la nage, tenant dans ses dents un bout de corde attaché au canot. (Applaudissements.)^Arrivé à terre, il l'attache à une branche d'arbre, et parvient enfin à l'y amener, ainsi que ses quatre camarades, épuisés de fatigue. (Applaudissements.) 11 met alors une petite voile, avec le secours de laquelle ils ont tous cinq le bonheur de se rendre à bord du navire. (Applaudissements.)
« Je ne doute pas que la Convention ne consacre la mémoire de ce trait de courage et d'humanité, qui mérite d'autant plus la reconnaissance de la nation, que le citoyen Genaudeau n'a pas cru même devoir solliciter de son capitaine, un certificat qui le constatât.
« Signé : MONGE. »
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'instruction publique et de Constitution réunis, pour proposer un mode de récompense nationale pour les belles actions.)
Un des commissaires, désignés par la Convention pour recevoir le serment et la pétition des soldats de la 3e compagnie des chasseurs de la section du Louvre, rend compte de sa mission et expose que cette compagnie demande 150 pantalons de Siamoise à cause de leur longue route.
(La Convention Tenvoie la demande au comité de la guerre pour en rendre compte incessamment.)
Une députation des canonniers des 48 sections de Paris est admise à la barre.
Vorateur de la députation expose que ses camarades sont loin de murmurer de la suppression de l'indemnité qui leur était accordée par l'Assemblée législative; ils demandent que la Convention maintienne le décret qui leur accorde l'habillement et l'équipement; ils sollicitent des canons pour ceux qu'on envoie à l'armée, et jurent rêtre toujours les hommes du 10 Août et de la République.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
Une députation des cordonniers de Paris se présente à la barre.
Vorateur de la députation demande, au nom de ses camarades, d'être autorisé à se charger de la fourniture des souliers pour les troupes, sous leur responsabilité. Il observe que, pour fournir de bons souliers, ils ne peuvent le faire qu'à raison de 7 livres et 10 sous la paire.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au ministre de la guerre.)
Le citoyen Hazard, supérieur de VEcole militaire nationale de Nanterre, est admis à la barre.
II s'exprime ainsi :
« Législateurs, je vous présente deux enfants orphelins du citoyen Robert, volontaire de Metz, tué dans l'affaire de Nancy. Je les ai élevés, et ils sont destinés, comme leur père, à Combattre pour la liberté. Je vous prie de placer l'aîné dans les armées de la République; il est en âge. Je leur ai, jusqu'à ce jour, laissé ignorer la mort de
leur père ; la mère en l'apprenant a péri de chagrin; elle laisse onze enfants à la patrie. Citoyens législateurs, c'est à vous que je les recommande. (Applaudissements.)
répond au citoyen Hazard et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande aux comités des secours publics et de la guerre réunis, pour en rendre compte dans trois jours.)
Les commissaires réunis desA8 sections de Paris se présentent à la barre.
Ils présentent des vues propres à simplifier les opérations d'une Administration de bienfaisance établie dans cette ville.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention charge ses comités des secours publics et des finances réunis de lui en faire le rapport incessamment.)
Avant de quitter la barre, l'un d'eux, le citoyen Saunier> commissaire de la section des Gravilliers, dépose sur le bureau, pour les frais de la guerre, 24 livres en argent, plus un assignat de 50 livres pour les infortunés de Lille.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Trois anciens militaires, connus sous le nom d'officiers de fortune, sont admis à la barre.
Ils demandent des secours provisoires et un amendement au décret des pensions militaires.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demandé au comité de liquidation pour en rendre compte incessamment.)
Une députation des principaux et professeurs des maisons d'éducation de Paris, réunis au nombre de 74, est admise à la barre.
L'orateur de la députation expose qu'après avoir déjà fait dans leurs sections respectives les sacrifices qu'exigeaient les besoins ae la patrie, ils viennent déposer sur le bureau une somme de 1,821 livres, dont 6 en argent ; qu'ils destinent au soulagement de leurs concitoyens qui ont souffert des ravages delà guerre et particulièrement aux généreux habitants de Lille, dont les propriétés ont été détruites par le bombardement. Ils demandent que la Convention s'occupe enfin de jeter les bases de l'éducation nationale et de, consacrer les objets de l'instruction publique.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention décrète la mention honorable des dons patriotiques des professeurs de Paris et renvoie leur pétition au comité d'instruction publique, qu'elle charge de faire incessamment son rapport sur les écoles primaires.)
Une députation des hommes du 14 juillet et du 10 août, enrôlés avec les vainqueurs de la Bastille, est adiniise à la barre.
L'orateur de la députation expose qu'ils ont fait des sacrifices, et que la plupart d'entre eux, peu fortunés, ont vendu leurs meubles pour se procurer des habits d'uniforme. Aujourd'hui, ils apprennent aue l'on veut lés supprimer, cependant ils ont fait le service exact de gendarmes ; beaucoup sont d'anciens militaires, qui même
conjointement avec les volontaires de la Bastille, ont aidé à la prise de ce fort. Législateurs, poursuit l'orateur, ils attendent de votre justice l'avantage d'être conservés, et ils espèrent qu'ils pourront se rendre aux frontières pour y combattre les ennemis.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la1 guerre.)
Le citoyen Ybeut est admis à la barre et donne lecture de la pétition suivante sur la prise de Verdun (1).-
« Législateurs, jeté par les prêtres fanatiques et les lâches émigrés, sous le nom de Prussiens, dans les prisons de la citadelle de Verdun, proscrit après 22 jours de captivité et d'incertitude sur mon sort, et bientôt victime d'un nouvel attentat à ma liberté jusqu'au sein de ma famille, je crois avoir quelques droits à votre attention.
« Je vous l'avoue, législateurs, j'ai moins souffert de mes malheurs personnels, que de la calomnie qui s'est acharnée contre mes compatriotes dont un grand nombre a partagé avec moi les honneurs de la captivité, ou de la proscription.
« Il y a quinze jours que la. calomnie a osé se produire à votre barre ; c'est à votre barre que je viens la repousser. Et moi aussi, législateurs, j'ai des dénonciations à vous faire ; mais je ne les multiplierai point pour les affaiblir, ou pour donner le change, comme le député du bataillon de Mayenne-et-Loire pour atténuer le crime, je ne le ferai point partager à ceux qui ne l'ont pas commis.
« Déjà Bousmard, ingénieur en chef et Pichon son commissaire des guerres, se sont jugés eux-mêmes par leur émigration. Déjà Desnos et ses complices vous sont bien connus. Une foule de pièces déposées à votre comité de sûreté générale, vous indiquent les lâches qui, se livrant à une joie insolente, ou se portant sans contrainte à des démarches criminelles, ont insulté aux malheurs publics, les ont causés ou aggravés; voilà le» vrais, les seuls coupables. * « Que le député du bataillon de Mayenne-et-Loire ne se soit pas arrêté là, qu'il ait osé accuser la majorité des habitants de lâcheté et de trahison, qu'il leur ait fait le reproche de n'avoir pas bravé la mort, tandis que lui- même et ses commettants vivent encore, qu'il ait transformé en crime une faiblesse, ou plutôt un manque d'héroïsme que le bataillon a tout au moins partagé, c'est là ce qui doit sans doute vous surprendre.
« Le député de Mayenne-et-Loire vous a parlé d'une proposition accueillie, dit-il, par ses camarades avec enthousiasme, celle de sortir de la ville, de passer à travers l'armée ennemie, ou dé trouver une mort glorieuse ; et cependant cet enthousiasme s'est corné à suivre la loi de la capitulation.
« Pourquoi ne vous a-t-il pas parlé d'une sortie de 500 hommes, commandes
le 30 août, par le conseil défensif pour protéger l'entrée au général
Gai baud, qui, la veille, avait annonce son arrivée ; de cette sortie
qui s'est effectuée, mais sans succès, et à laquelle ont concouru 400
habitants de bonne volonté, ayant à leur tête trois compagnies de leurs
grenadiers.
« Voulaient-ils se|rendre lâchement, ceux qui proposèrent à ce même conseil défensif, pour dernière mesure, de faire faire une nouvelle sortie par la totalité de la garnison et des citoyens, la municipalité à leur tête, à l'effet d'enlever ou d'enclouer les batteries ennemies, ou du moins de mourir au champ.d'honneur, plutôt que de voir les propriétés incendiées, et les défenseurs de la patrie attendre froidement la mort sans combattre au milieu d'un monceau de ruines?
« Voulaient-ils se rendre lâchement, ceux qui, en 1791, avaient envoyé à l'Assemblée constituante une députation, dont le maire actuel étaient membre pour solliciter les secours les plus prompts en hommes et en artillerie ? Est-ce leur faute s'ils ont sollicité en vain ?
« Voulaient-ils se rendre lâchement, ceux qui demandèrent, par l'organe de leur maire, l'éloi-gnement du commandant Pallois, dontjle patriotisme leur était suspect? Le général Lignevelle a attesté ce fait à vos commissaires, lors de leur passage à Verdun.
« Voulaient-ils se sendre lâchement, voulaient-ils imiter leurs voisins, ceux qui vous instruisirent de laNprise de Longwy avec telle célérité que vous refusâtes de croire au courrier? Quel pouvait être l'objet de cette démarche, sinon d'obtenir le plus promptement possible les moyens de défense aont ils manquaient ?
« Est-ce par leur faute que les 4,000 hommes de renfort qui leur étaient promis par le maréchal Luckner, et les 1,500 hommes conduits par le général Salbam ne purent point pénétrer jusqu'à eux?
« Avaient-ils envie de se rendre lâchement ceux qui, à la première nouvelle de la possibilité de l'attaque de leur ville par les armées combinées, travaillèrent avec telle activité, ayant à leur tête les corps administratifs, que la réparation des remparts de la corne Saint-Victor leur est presque due en entier, et qui furent secondés, aans leurs travaux, par leurs femmes et leurs enfants?
« Voulaient-ils se rendre lâchement, ceux qui se trouvèrent exactement à leur poste dans les fréquentes alertes qui leur furent données de nuit comme de jour, par les commandants Gal-baud et Beaurepaire ?
« Voulaient-ils se rendre lâchement, ceux qui, après avoir dépavé les rues et essuyé un bombardement de 12 heures, qui avait réduit en cendres quelques maisons et endommagé un très-grand nombre d'autres, demandèrent une suspension de 24 heures, dans l'espérance de voir arriver les renforts qui leur étaient promis, et sans lesquels il leur était impossible de se défendre utilement?
« Est-ce par leur trahison qu'au lieu de 115 pièces de canon, et 45 tant mortiers qu'obusiers et pierriers, strictement nécessaires pour la dé-fence de la place, d'après les règles de l'art, il ne s'y trouvait, au moment du siège, que 32 pièces de canon, 10 mortiers et 6 pierriers, dont plusieurs n'étaient points montés, faute d'affûts ?
« Est-ce par leur trahison qu'il n'y avait pour le service de chaque pièce, qu'un seul canon-nier, que mille fusils promis au commandant Galbaud, ne lui ont jamais été délivrés, et que
faute d'armes on fut obligé de renvoyer une partie des habitants de la campagne, dont le zèle devenait impuissant?
« Est-ce par leur trahison, qu'au moment du siège il se trouvait des brèches en plusieurs endroits? qu'il existait un approvisionnement de 99,000 boulets de 24 pour 4 pièces seulement de ce calibre, tandis que toutes les autres pièces étaient presqu'entièrement dégarnies de leurs munitions ?
« Etait-ce par leur trahison que la place manquait de parapets dans plusieurs endroits, n'avait de chemins couverts palissadés nulle part, et qu'il n'existait, dans beaucoup de lieux, ni traverses, ni contre-escarpes ?
Etait-ce leur faute, s'il leur était impossible de parer, ni même de combattre en aucune manière le terrible effet des bombes et des pots à feu, attendu que l'extrême supériorité du terrain d'où partaient ces mobiles sur celui de la place ne permettait pas à l'artillerie de celle-ci dV atteindre?
Ne croyez pas, législateurs, que ces faits soient controuvés; ils sont consignés mot à mot dans l'arrêté du conseil défensif faisant partie des pièces, produit par l'accusateur des habitants de Verdun lui-même, et dans ce mémoire du général Galbaud que je vais remettre sur le bureau. C'est l'intérêt seul de la vérité et de la justice qui a fait entreprendre à ce zélé patriote la défense de ces habitants infortunés, sans qu'il en ait été sollicité par personne.
Si tant de motifs réunis ont décidé le conseil défensif à se rendre, si cette reddition forcée pouvait être considérée comme une lâcheté, l'im-puterez-vous aux habitants qui n'étaient point a ce conseil, aux municipaux dont deux seulement y assistaient avec voix consultative, et qui s'en absentèrent tout à fait quand il fut question de délibérer sur la capitulation?
Le bataillon de Mayenne-et-Loire vous a dit qu'on avait enchaîné son courage, que 600 habitants, ayant à leur tête le procureur de la commune, menacèrent de faire égorger la garnison (ce sont les propres termes de la dénonciation) si elle tirait un coup de fusil. Réduisez ces 600 hommes à 40 personnes non armées, qui se dispersèrent à la voix du maire, et vous aurez une juste idée de cette résistance terrible, de ce rassemblement imposant, qui glaça d'effroi le bataillon de Mayenne-et-Loire.
Mais pourquoi ce bataillon, si brave, si courageux, qui était caserné à 1a. citadelle, où il avait fait transporter des munitions de bouche de toute espèce, dans le dessein, comme il s'en vantait, de s'ensevelir sous ses ruinés; pourquoi, au lieu de souscrire à une capitulation qu'il veut faire regarder comme honteuse et criminelle, pourquoi, dis-je, ne s'est-il pas renfermé avec le reste de la garnison dans cette forteresse? C'était le seul poste où il était possible de rendre service à la patrie, en tenant quelques jours de plus l'ennemi en échec. Le mémoire du général Galbaud répond, on ne peut mieux, à cette demande. Je prie la Convention de vouloir bien le consulter.
Ce serait ici le lieu de dire un mot de la mort de Beaurepaire, à l'occasion de laquelle on s'est plu à répandre des contes absurdes, faits pour amuser l'aveugle crédulité, et qui ne méritent nullement d'être réfutés. Je respecte infiniment la mémoire d'un homme que la République et l'Assemblée nationale ont honoré de leurs regrets, mais je n'hésite point à affirmer
que l'exacte vérité relativement à cette mort déplorable ne peut nuire à la cause des habitants de Verdun (1).
Maintenant, législateurs, daignez jeter les yeux sur ces rôles affichés autour de vous, vous y verrez les impôts du département de la Meuse, en recouvrement pour plus des trois quarts, ét j'ose attester que ceux de Verdun n'y ont pas été les derniers, par l'effet du travail infatigable des corps administratifs et principalement du maire qui, depuis le commencement de la Révolution jusque aujourd'hui, n'a cessé de faire le sacrifice de son temps et de sa fortune à la chose publique. Or, vous sentez mieux que moi, législateurs, que le patriotisme le plus utile, le plus vrai, le plus chaud, est, quoi qu'on en puisse dire, celui qui se manifeste au Trésor public.
Je crois avoir justifié mes concitoyens des reproches de trahison et de lâcheté; je crois vous avoir indiqué les vrais, les seuls coupables ; en faisant justice des uns, législateurs, vous rendrez aux autres l'honneur et l'estime qu'ils n'ont pas mérité de perdre, et la République entière se réjouira de les retrouver dignes d'elle.
Daignez ne pas perdre de vue, je vous en conjure, pères de la patrie, que
la malheureuse ville de Verdun, privée des secours du dehors qu'elle a
vainement réclamés à plusieurs reprises, dé-nuéejj au dedans des moyens
efficaces de défense, n'a cédé qu'à une armée formidable de 60,000
hommes; qu'ellè a éprouvé des pertes énormes par la dévastation de son
territoire
(de la Marne). J'observe que toutes les pièces recueillies par les commissaires de la Convention, relativement à la reddition de Verdun, sont déposées au comité de surveillance qui en a préparé lé rapport. Quant au citoyen qui est à la barre, j'ajoute qu'il ne doitpas être confondu avec les autres habitants de Verdun : c'est un des vicaires de l'évêque constitutionnel. Les Prussiens l'ont enfermé pendant 22 jours dans la citadelle. Je crois qu'on peut lui accorder les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
(La Convention accorde au citoyen Ybert les honneurs de la séance et renvoie sa pétition au comité de sûreté générale.)
Des gendarmes du département des Bouches-du-Rhône sont admis à la barre.
Ils offrent 470 livres en assignats pour le soulagement des citoyens de Lille et demandent qu'on leur accorde enfin l'honneur d'aller les venger. Ils s'indignent de rester cantonnés à Fontainebleau. Ce n'est pas pour demeurer dans cette inaction honteuse, disent-ils, que nous sommes accourus des bords de la Méditerranée. (Applaudissements. )
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Ou a lieu de s'étonner que le ministre de la guerre veuille éloigner de Paris les fédérés qui s'y trouvent, tandis qu'il laisse dans l'inaction des compagnies de gendarmerie nationale formées à Fontainebleau, à Versailles, et qui demandent à partir. Je demande que la Convention nationale renvoie l'adresse des gendarmes des Bouches-du-Rhône, en quartier à Fontainebleau, au ministre de la guerre, pour lui en rendre compte demain, 12 novembre. Je demande également que le ministre rende compte, sous trois jours, au nombre des bataillons des volontaires nationaux et de gendarmerie nationale existant dans la République et du lieu où ils sont.
(La Convention décrète les propositions de Gamon.)
Des citoyens employés au numérotage des assignats sont admis à la barre.
Ils présentent une pétition tendant à ce que la comptabilité des assignats soit assise sur le numérotage, la signature à la main, l'étalon et l'enregistrement, et qu'en conséquence le décret qui supprime le numérotage soit rapporté.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition aux comités des assignats et des finances réunis.)
Des commissaires des sections de Paris sont admis à là barre.
Ils réclament des secours définitifs pour les veuves et les enfants des patriotes qui ont péri
dans la journée du 10 août, ainsi que pour les citoyens blessés, et estropiés dans la même journée.
répond; aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité des secours, pour en faire incessamment le rapport.)- |
Le citoyen Gass se présente à la barre.
Je viens, dit-il, vous proposer un moyen de vaincre l'ennemi : c'est celui de faire qu'un fusil puisse, sans être rechargé, tirer jusqu'à dix-sept coups de suite, sans autre précaution que celle d'ajuster; d'où il suit que 100 hommes, pouvant tirer dix-sept coups chacun en trente secondes, ces 100 hommes pourraient, en cinq minutes, abattre 6,700ennemis. {Applaudissements.) Si j'ai gardé ce secret jusqu'à présent, c'est que j'ai craint que Je despotisme n'en fit une ressource contre les amis de là liberté.
répond au citoyen Gass et lui accorde les honneurs ds là séance.
(La Convention renvoie là proposition au comité de la guerre.)
Makketros, Hollandais, citoyen de la section des Lombards, est admis à la barre.
11 donne lecture de la pétition suivante :
« Citoyen Président,
« Je suis né Hollandais, patriote, républicain ardent, réfugié, naturalisé Français, et exerçant le commerce en France. Je dépose sur l'autel de la patrie des épaulettes dragonne d'argent qu'ont mérité mes services quand j'ai sérvi la cause patriotique des Bataves; je les destine aux frais de la guerre contre les despotes qui nous ont subjugués dans le temps que vous vous souvenez, citoyens, que l'ancien gouvernement despotique nous a si lâchement trahis après les promesses les plus sacrées de venir à notre secours.
«Si j'avais le bonheur d'en mériter de ma patrie adoptive, à l'exemple de mon digne général Santerre, je n'en voudrais que de laine. Nous sommes,citoyens,sur le chemin de la gloire.
« Le vœu des Belges et des Liégeois non seulement appelle la fraternité, l'amour de la liberté du Français, le sentiment patriotique de la saine et majeure partie de la République batave soupire en secret pour se délivrer du joug sta-tboudérien. Je suis, citoyen, l'organe de ces vertueux républicains ; je connais leurs désirs : venez à leur secours ; que votre générosité brise les liens du despotisme en ce pays. C'est l'entrepôt de l'univers ; ils sont dignes d'un meilleur sort, ils peuvent vous être très utiles par leur marine et commerce, par un dévouement le plus pur et désintéressé : j'y étais employé à plusieurs postes qui peuvent me rendre utile aans ce moment; je me propose d'y donner tous les indices.
« Le stathouder tremble, les braves républicains bataves nous attendent à bras ouverts; marchons, je mourrai content ; dussé-je périr, peu m'importe, c'est pour ma patrie naturelle, la patrie que j'ai adoptée, et qui procurera la liberté à tout l'univers.
« Le 28 octobre, l'an Ier de la République française.
« Signé : MakketROS, Hollandais, citoyen de la section des Lombards. »
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention ordonne le renvoi de cette adresse au comité diplomatique et en décrète l'insertion au procès-verbal avec mention honorable.)
Pierre Faix, médecin, est admis à la barre.
Il s'exprime ainsi :
Représentants, je viens vous parler en faveur des entants naturels : ils furent les aînés du genre humain et les fondateurs de toute société. (Applaudissements.) 11 n'est pas un enfant naturel qui. les droits de l'homme à la main, ne puisse réclamer la succession de son père ; mais la routine des tribunaux et la mauvaise foi des collatéraux rendront les enfants naturels encore longtemps victimes. Voyez Athènes, Rome, Sparte accorder l'hérédité aux enfants naturels, en Espagne, même à présent; ils ont droit à la succession paternelle et maternelle. (Applaudissements.) Je vous demande de fixer par la loi les droits civils des enfants naturels reconnus et nés de père et de mère libres.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité de législation.)
Une députation des chasseurs volontaires de la Charente est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Législateurs, la calomnie vient aussi vous dire que nous ne sommes pas partis de nos foyers pour venir aider nos frères de Paris à maintenir la paix dans cette ville, certes nous n'avons pas eu d'autres desseins; mais si la patrie a besoin de nous, nous irons aux frontières. Prononcez législateurs s'il faut aller sur les frontières avec nos camarades, nous aurons le bonheur de combattre l'ennemi; s'il faut rester ici, à notre retour nous ne reporterons pas des lauriers à nos concitoyens, mais nous aurons rempli notre devoir : celui d'une entière soumission aux lois, première vertu des républicains. (Applaudissements.)
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention ordonne la mention honorable de l'adresse.)
Pierre Gaillot, frère lai aux ci-devant carmes de la place Maubert, âgé de 86 ans, est admis à la barre.
Il expose que, réduit à une pension de 500 livres et ayant payé le quart pour don patriotique, il n'a plus de quoi exister depuis le décret qui a défendu le payement d'avance de ces sortes de pensions.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande le renvoi de cette pétition au comité des secours publics; mais, en attendant, je propose de décréter que, sur le fonds des 2 millions destinés à des secours par la loi du 22 août 1790, il sera payé sans délai, au citoyen Pierre Gaillot la somme de 300 livres.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Daubérmesnil, qui réclame contre sa mise en arrestation à Verdun.
(La Convention renvoie la pétition au comité de sûreté générale.)
2° Pétition des citoyens composant le tribunal de commerce établi à Rouen, tendant à rétracter un un des objets de leur précédente adresse, qui concernait la suspension provisoire de la contrainte par corps, suspension qu'ils ne sollicitaient que par raison du non payement des traites des colonies dont l'acquittement a été décrété depuis cette époque.
(La Convention renvoie au comité de législation cette nouvelle pétition.)
3° Lettre du citoyen Dunoui, ingénieur, qui présente un . projet de canal de Paris à Sant-Maur.
(La Convention renvoie le projet aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
4° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative aux employés de la régie des domaines et bois du département de la Corse et aux Français employés sous les ordres du ci-devant intendant de cette île.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances pour en rendre compte incessamment.)
5° Lettre de Monge, ministre de la marine, pour faire connaître à la Convention les nouvelles récemment apportées des colonies; cette lettre est ainsi conçue :
« Citoyen président,
« Je m'empresse de prévenir la Convention que le convoi envoyé à Saint-Domingue y est arrivé dans le meilleur état. (Applaudissements.) Cette nouvelle intéressante m'est annoncée par le capitaine Gambis, sous les ordres duquel était ce convoi ; il rend les meilleurs témoignages du patriotisme des troupes; il parle avec éloge de leur tenue, de leur discipline, et il pense que tous ceux qui composaient ce convoi méritent des témoignages de satisfaction de la patrie.
« Une lettre du commandant de Lorient m'apprend que le lieutenant général Blanchelande est arrivé à l'île de Croix, sur la frégate la Capricieuse. (Applaudissements.) La municipalité de Lorient ayant jugé que cet officier ne pouvait débarquer dans le port de cette ville sans courir de risques, le commandant de la marine a conseillé au capitaine de la Capricieuse de faire tous ses efforts pour gagner la Rochelle ou d'aller ^mouiller à Quiberon, d'où il pourrait faire débarquer à Auray le lieutenant général Blanche-lande, sans danger.
« Le capitaine de la Capricieuse, en me rendant compte de son arrivée en France, m'apprend en même temps que le convoi, aux ordres au général Rochambeau, s'est rendu à Saint-Do-mingue, après avoir été. repoussé des îles du Vent. Je joins à cette lettre un paquet que les commissaires de Saint-Domingue adressent à l'Assemblée nationale. Blanchelande est renvoyé par les commissaires à la suite de la Convention nationale ; son épouse est débarquée à Lorient.
« L'aviso le Papillon, qui avait été expédié pour porter à Saint-Domingue les décrets du 10 août et jours suivants, est arrivé au Gap le 1er octobre.
« Signé : Monge. »
{La Convention renvoie la lettre aux comités colonial, diplomatique et de marine réunis.)
6° Lettre des commissaires nationaux civils en-
voués à Saint-Domingue, et datée du Gap le 2 octobre 1792; dette lettre est ainsi conçue :
« A notre arrivée dans l'île de Saint-Domingue, l'on nous a porté beaucoup de plaintes contre le gouverneur Blanchelande; nous l'avons fait venir et, après l'avoir interrogé, nous n'avons pas cru devoi rie faire mettre en état d'arrestation. Mais sa présence eût été dangereuse ici et nous l'avons envoyé en France sur la frégate la Capricieuse. Il nous a été adressé, par l'aviso le Papillon, arrivé le 1er octobre, le texte des lois rendues depuis le 10 août, ainsi que les pièces concernant Louis XVI, la convocation de la Convention nationale, «te.....,,
« L'attitude vigoureuse qu'a prise l'Assemblée nationale a confondu ici les plus indisposés, et nous ne saurons dire quand cette Assemblée a été plus grande, ou lorsqu'elle développe toute la puissance nationale, ou lorsqu'elle s'incline devant la majesté du peuple! Quant à nous, nous ferons respecter la loi, ou nqus saurions . mourir à notre poste. De tous côtéâ nous voyons des traces de meurtre et d'incendie; ce beau pays présente de toutes parts des ruines; déjà nous découvrons des traîtres ; nous ne tarderons pas à les livrer à votre justice. Nous allons faire procéder à la réunion des assemblées primaires et à la nomination légale des fonction-naireà publics.
(La Convention renvoie la lettre aux comités colonial, diplomatique et de marine réunis. )
7° Lettre d'un aide de camp du général Ferrières qui annonce que Frédéric Diétrich, ci-devant maire de Strasbourg, s?est volontairement constitué en état d'arrestation, il demande à le traduire à la barre de la Convention nationale.
Avant de prononcer sur Diétrich, je dois vous faire connaître des faits qui formeront votre opinion sur ce ci-devant maire de Strasbourg.
Lorsque le traître La Fayette se présenta à la barre pour vous menacer; lorsqu'il vous adressa une lettre qui aurait mérité déjà le décret d'accusation, il complota avec Diétrich une entrevue à Phalsbourg : elle eut lieu en février dernier. Je n'entre point dans ce qu'ils avaient à se communiquer; mais je dirai qu'après cette entrevue, Diétrich et sa municipalité vous envoyèrent une adresse où ils disaient que leurs sentiments étaient conformes à ceux que vous avait exprimés le département de Paris et La Fayette. Ils vous disaient que La Fayette était l'émule de Wasingthon, le héros de la liberté et des deux mondes. (Rires.) Il vous demandait des mesures contre la faction des Jacobins qui, disait-il, feii-traînerait la France dans un abîme de malheurs.
Diétrich envoya un commissaire à Paris; il l'avait chargé de faire afficher 1 un libelle. La Commune de Paris s'y refusa, et le commissaire osa la menacer de la vengeance dés citoyens de Strasbourg. Diétrich; en fuyant, emporta avec lui un grand nombre d'effets de guerre et donna un passeport à sa femme pour le suivre. Diétrich a fait signer, à plus de 4,000 citoyens de Strasbourg une adresse où il vous dit que, si vous osez prononcer la déchéance de Louis XVI, cette ville rompra les liens qui l'unissent à la France. Diétrich, mandé à la barre, a désobéi; décrété d'accusation, il a émigré. Je demande si vous devez regarder Diétrich comme un émigré et lui appliquer la loi rendue hier.
Un membre observe que Diétrich rie peut être à la fois déclaré émigré et mis en état d'arres-
tation pour répondre à un décret d'accusation rendu contre lui.
(La Convention passe à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'il existe un décret d'accusation contre Diétrich.)
D'autres membres demandent que, sur les nouveaux faits articulés par Ruhl, le comité,de sûreté générale soit tenu de faire incessamment rédiger un nouvel acte d'accusation.
(La Convention renvoie cette rédaction au comité des décrets.)
Un membre propose de renvoyer Frédéric Dié-trich devant le tribunal criminel de Paris, et pon devant le tribunal criminel du département du Bas-Rhin.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur cette proposition.)
Une députation des citoyens artistes de Paris est admise à la barre. ! Vûrateur de la députation s'exprime ainsi :
Législateurs, vous voyez devant vous des artistes qu'un reste d'aristocratie des arts vient encore opprimer chaque jour ou priver des ressources ae leur talent.
Ces artistes vous demandent :
1° Que les corps des aeadémies de peinture, sculpture et d'architecture soient abolis ;
2° Que les écoles seulement soient provisoirement conservées;
3° Qu'en exécution d'un décret précédent, la réunion de tous les artistes cultivant les arts se fasse dans les salles occupées jusqu'à présent ,par l'Académie ;
4° Que tous les travaux soient donnés au concours ;
5° Que les jugements soient motivés et soumis à la censure, seuls moyens de ne confier les monuments nationaux qu'à ceux des artistes qui sont les plus dignes ae les exécuter.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
Académicien moi-même, je demande la suppression des académies de peinture et de sculpture. J'insiste pour que l'Assemblée prononce sur-le-champ et je saisis ce moment pour déposer sur le bureau le brevet d'académicien que j'ai reçu et que je n'ai jamais regardé comme le brevet du génie. (Applaudissements.) Je vous dirai plus, de ieunes élèves, tous les jours viennent déposer dans mon sein leurs douleurs des injustices que l'Académie leur fait éprouver ; ce corps ne se doute pas, je crois, que la Révolution est faite.
Je ne pense pas que l'on doive supprimer les académies des gens de lettres avant que le comité d'instruction n'ait déterminé le mode selon lequel ils seront employés.
Un membre observe qu'un décret destine le dimanche à l'audition des pétitions et non à la rédaction des lois.
(La Convention renvoie la proposition de David et la pétition à son comité d'instruction publique,)
, secrétaire, donne lecture d'une pétition du citoyen Laribeau, chirurgien major, qui dénonce à la Convention une foule d'abus introduits dans l'administration des hôpitaux ambulants et permanents des armées. Sur trois onces de pain qui doivent être distribuées à chaque soldat convaléscent, il a été témoin, à différentes fois, qu'il en manquait près d'une
once. Des malades ont passé un jour et la nuit suivante sans avoir de Douillon. Enfin* des soldats mutilés sont couchés sur le carreau ou sur un peu de paille.
(de la Marne), un des, commissaires envoyés par la Convention aux armées réunies, atteste les faits et propose les mesures suivantes, qui sont décrétées :
« La Convention nationale décrète :
« 1° Que toutes les municipalités dans l'étendue desquelles se trouveront établis les hôpitaux ambulants, ou les municipalités voisines, seront tenues de fournir aux officiers de sauté autant de matelas qu'il y aura de blessés , sauf l'indemnité aux particuliers, dans le cas où ils l'exigeraient, lorsque leurs matelas leur seront remis;
« 2° Qu'il sera établi, à la diligence du ministre de la guerre et le plus tôt possible, à la suite des armées, des chariots suspendus et couverts pour transporter les blessés aux hôpitaux;
« 3° Que le ministre de la guerre rendra compte, sous trois jours; des abus qui ont eu lieu dans l'administration des hôpitaux; et des mesures qu'il a prises pour en faire.punir les auteurs;
» 4° Renvoie au comité de la guerre l'examen de faire surveiller par les municicipalités l'administration des hôpitaux, et de dénoncer aux accusateurs publics les divers abus qui auraient lieu dans- cette partie d'administration. »
(La séance est levée à cinq heures du soir.). ,
Séance du
La séance est ouverte à dix heure du matin.-
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal ae la séance du samedi, 10 novembre 1792".
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, contenant deux états de paiements ordonnés, jusqu'au 31 octobre dernier, sur les dépenses extraordinaires de la guerre.
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre, contenant l'état des dépenses d'un escadron de gendarmerie nationale à cheval, formé d'Une partie des ci-devant gardes françaises, et demande de fonds pour ces dépenses;
(La Convention renvoie ces deux lettres aux comités réunis de la guerre et des finances.)
3° Lettre de Garat, ministre de la justice, relative aux exécuteurs des jugements criminels.
(La Convention renvoie la lettre au comité des fiuances.)
4° Lettre de Clavière, ministre des cùntributions publiques, contenantun mémoiresur laliquidalion des pensions des ci-devant employés des fermes et régies, et demandant une augmentation de commis pour cet objet dans les bureaux du commissaire liquidateur général.
(La Convention renvoie la lettre au comité de liquidation, pour en rendre compte dans trois jours.)'
5° Lettre de Clavière, ministre des contributions
publiques, relative au mode de paiement de l'architecte qui a dirigé la construction des murailles de l'enceinte de Paris.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
6Lettre du citoyen Amelot, directeur de la caisse de l'extraordinaire, qui annonce un brûle-ment de 2 millions en assignats, fait samedi dernier.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.),
7° Lettre du citoyen Amelot, directeur de la caisse de Vextraordinaire, relative aux biens que le clergé français possédait dans la Belgique.
(La Convention renvoie la lettre au comité de l'aliénation des domaines.)
8° Lettre du citoyen Amelot,. directeur de la caisse de l'extraordinaire, relative à la contribution patriotique.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
9° Lettre du citoyen Monge, ministre de la marine, qui demande la franchise des lettres et paquets pour certains administrateurs de la marine.
(La Convention rerfvoie la lettre aux comités réunis de la marine et des finances.)
10° Lettre du citoyen Roumieux, domicilié à Paris, qui fait hommage à la Convention d'une feuille de 16 pages in-8°, où il a posé les» principes relatifs au droit de propriété, et dont le titre est ainsi conçu :
« Les Éléments du contrat social ou le développement du droit naturel de l'homme sur la propriété (1).. »
(La Convention ordonne la mention honorable.),
Lettre de Bertrand (•de Moleville), ci-devant ministre de la marine, qui réclame contre le décret d'accusation porté contre lui par l'assemblée législative (2).
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Je réclame contre la désignation de la ville de Salins, pour la tenue de l'assemblée électoralè du département du Jura, attendu que Salins n'est pas chef-lieu de district, et ne possède que le tribunal. J'ajoute que le directoire du département avait convoqué l'Assemblée dans la ville qui suivait immédiatement dans l'ancien tableau de division, mais que depuis la réception du tableau arrêté par la Convention, le directoire sé trouve dans le plus grand embarras. En conséquence, je demande que la ville de Salins soit rayée du tableau-
J'observe quelles corps électoraux doivent être réunis, et que si le département du Jura s'était permis de suspendre 1 exécution du décret, il devrait être vigoureusement puni ; je demande même que le ministre rende compte de cette affaire.
(La Convention nationale* après- avoir entendu la réclamation faite par
un membre contre la convocation de l'assemblée électorale du département
du Jui-a en la ville de Salins, passe à l'ordre du jour, motivé sur ce
que l'assemblée élec-
, au nom du comité des finances, fait un rapport sur une réclamation du département de Paris tendant à obtenir, à titre d'avance sur le Trésor public, une somme de 1,400,000 livres, pour servir à acquitter l'arriéré des dépenses des 1791 et celles de 1792 ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez renvoyé à votre comité des finances une réclamation du déparlement de Paris, tendant à obtenir, à titre d'avance sur le Trésor public, une somme de 1,400,000 livres pour servir à acquitter l'arriéré des dépenses de 1791 et celles de 1792; laquelle somme de 1,400,000 livres serait, suivant le contenu de ladite pétition, successivement remboursée avec le produit des sols additionnels affectés ou à affecter par la suite" aux dépenses locales, à mesure que le recouvrement desdits sols additionnels s opérerait.
L'Assemblée Constituante avait prévu tous les cas, soit de dépenses extraordinaires, soit de retard dans le recouvrement de l'impôt pour 1791. Les corps administratifs avaient une règle à suivre : ils devaient d'abord épuiser le montant des 4 sols pour livre, ensuite prendre sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire l'excédent nécessaire pour acquitter leurs dépenses locales, résultant d'un premier établissement ou de l'exécution des décrets.
Dans les 82 départements de la République, pareilles dépenses ont été prescrites par les décrets; pareilles dépenses ont été acquittées par les contribuables, et aucuns des administrateurs ne sont venus demander au Trésor public des secours pour ces objets.
La demande du directoire du département de Paris n'est pas fondée. Quelque pressants que soient ses besoins, ils ne sont pas de nature à être imputés sur le Trésor public; ce sont des dépenses locales qui doivent être acquittées par les contribuables : il est temps de faire connaître à tous les administrateurs de la République, que ce n'est que de leur zèle et de leur exactitude à répartir et à faire payer l'impôt, que dépend le maintien de toutes les institutions sociales qui ont été formées dans chaque département pour le bonheur du peuple.
D'après ces considérations, votre comité des finances (section des dépenses) m'a chargé de proposer à la Convention nationale de décréter qu'il n'y avait lieu à délibérer.
(La Convention adopte cette proposition.)
Suit le texte dn décret rendu :
« Sur la pétition du département de Paris,
tendant à obtenir un secours de la somme de 1,400,000 livres, à titre d'avance sur le Trésor public, et à rembourser successivement sur le produit des sous additionnels affectés ou à affecter par la suite aux dépenses locales, la Convention décrète qu'il n'y lieu à délibérer sur cette demande. »
propose de réserver au département de Paris la faculté d'emprunter les 1,400,000 livres.
(La Convention rejette cette proposition par la question préalable.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à mettre à la disposition au ministre des contributions publiques la somme de 3,160,241 L 6 s. pour secours à accorder à divers départements ; ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
« La Convention nationale voulant pourvoir aux besoins urgents de plusieurs départements, conformément a la loi au 10 avril 1791, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera mis. par la caisse de l'extraordinaire, à la disposition au ministre des contributions la somme de 3,160,241 1. 6 s. pour être de nouveau répartie entre les 71 départements qui ont été compris dans la première distribution, et dans les mêmes proportions du second tiers de leurs besoins, constatés par la loi du 14 mai dernier.
Art. 2.
Vil sera pareillement mis, par la caisse de l'extraordinaire, à la disposition du ministre des contributions la somme de 256,415 1. 6 s. 8 d., pour être répartie aux départements des Bou-ches-du-Rhône, du Calvados et de Corse, qui n'ont pas été compris dans la première distribution, conformément au tableau ci-après, et en proportion des deux, premiers tiers de leurs besoins, constatés par ies états qu'ils ont remis.
Art. 3.
« Cette distribution du second tiers sera faite par le ministre des
contributions, et par l'intermédiaire des directoires des départements,
aux districts qui justifieront de la rentrée des trois quarts de leurs
contributions directes de 1791.
Bouches-duHhône, 4 dist. sur 7 160,008 18 5. Les deux tiers.............. Calvados.......... l dist. sur 6 9,361 s 1. Les deux Uers.............. Corse.............9 dist. 582,334 5 9. Les deux tiers 388,222 112 1 106. 6. ,612 ,244 12 17 4 2
Total...... 151,110 9 9. ( y 143. ,497 17 2
A déduire, au département de Corse, fournis par le trésor public '
Total......... 256, ,415 6 8
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre du comité de sûreté générale présente à la Convention une cassette renfermant le sceau du ci-devant Dauphiné, trouvé chez l'abbé Laporte.
(La Convention décrète que ce sceau sera brisé comme celui de l'Etat, et porté à la Monnaie.)
, au nom du comité d'aliénation, présente urt projet de décret tendant à autoriser le juge de paix du second canton de la ville d'Orléans, extra muros, à lever les scellés par lui apposés sur les malles des prisonniers de la Haute-coUr nationale : ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, ouï le rapport du comité d'aliénation, décrète que le juge de paix du second canton de la ville d'Orléans extra muros, est autorisé à lever les scellés, par lui apposés sur les malles des prisonniers de la Haute-Cour nationale, et à faire procéder à la: vente de ceux des effets contenus dans lesdites malles qui seraient susceptibles de se corrompre, à la charge de faire dresser, lors de ladite vente, . procès-verbal qui désignera les malles dans lesquelles lesdits effets auront été trouvés, et à qui les malles appartenaient. Le prix des effets vendus, ainsi que les effets non susceptibles de l'être, seront remis par le juge de paix au receveur du district, qui les fera passer à la Caisse de l'extraordinaire, où le tout demeurera déposé, pour être rendu aux héritièrs des prisonniers, à leurs créanciers ou autres qui y auraient droit. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret tendant à excepter de la, vente ordonnée du mobilier des établissements du ci-devant ordre de Malte, les meubles personnels des ci-devant commandeurs, baillis, prieurs ou autres bénéficiers de cet ordre; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète: 1° en interprétant l'article 4 de la loi du 22 octobre dernier, que le vente ordonnée du mobilier des établissements du ci-devant ordre de Malte, ne comprendra pas les meubles personnels des ci-devant commandeurs, baillis, prieurs ou autres bénéficiers du ci-devant ordre, mais seulement les effets mobiliers appartenant aux comman-deries, prieurés, bailliages ou autres bénéfices, dont l'état sera constaté par les baux, procès-verbaux de visite et autres actes énonciatifs dudit mobilier ;
« 2° Le mobilier, excepté de la vente par le précédent article, ne sera remis aux ci-devant commandeurs et autres dénommés dans ledit article, qu'en rapportant par eux les certificats de résidence exigés par les lois de la République, pour justifier qu'ils n'ont point émigré. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Pierre-François Quatre-Sous, citoyen de la ville d'Àumale, offre à la patrie une somme de 310 livres pour l'entretien d'un volontaire.
2° Des citoyens de la garde nationale de Beauvais, département de l'Oise, font déposer sur le bureau 735 1. 18 s., pour le soulagement des femmes et enfants dont les maris et pères ont péri à Paris, dans la journée du 10 août 1792.
(La Convention accepte ces offrandes avec les vifs applaudissements et en décrète la mention
honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
(de la Marne). Le général Sparre, commandant à Châlons, me mande qu'il a découvert, dans les magasins de cette ville, un modèle de très bons souliers de 1775 pour les troupes provinciales. Le citoyen Muscar, adjoint des adjudants généraux, m écrit aussi que le „ dernier envoi de souliers pour l'armée n'est pas meilleur quelle précédent. En effet, sur 9,000 paires, 5,000 ont été refusées, etcelles qu'on a reçues ne valent pas grand'chose.
Je demande qu'on confisque les souliers au profit de qui il appartiendra, afin de ne point les faire rentrer dans le commerce et exposer les citoyens à être trompés, Je demande aussi une loi contre les fournisseurs, qui volent ainsi la nation, et le renvoi de ma motion au comité de législation.
Je demande que l'article du Code pénal qui prononce une peine contre les spoliateurs des biens appartenant à la nation, soit applicable aux fournisseurs des armées, qui donneront de mauvaises marchandises.
On disait autrefois qu'où ne pendait jamais un homme qui avait 300,000 livres ; eh bien, montrons aujourd'hui que celui qui a 300,000 livres comme celui qui n'a rien, seront punis également s'ils se rendent coupables.- Les fournisseurs qui ont volé la nation, en donnant de mauvais souliers, sont des conspirateurs, et je demande contre eux le décret d'accusation.
Je viens appuyer la motion de Delacroix, qui a demandé que l'article du Code pénal relatif aux spoliateurs de biens appartenant à la nation soit appliqué aux marchands infidèles. Enfin, si, comme le désire Prieur, on renvoie au comité dé législation pour la confection d'une loi, les fournisseurs objecteront aussitôt que le Code pénal né contenait jusqu'à cette heure aucune disposition contre eux. En vain le comité présenterait-il une loi contre les marchands prévaricateurs ; ils vous diraient toujours que la loi ne peut avoir d'effet rétroactif, et que pourriez-vous leur répondre ?
Il est donc absurde et dangereux de faire intervenir le comité dans l'examen de la question ; elle ne souffre aucune difficulté. Partez de ce principe, que l'article du Code pénal contre les spoliateurs des propriétés nationales atteint les fournisseurs infidèles.
Je pense, avec Saint-André, que ces fournisseurs sont dé véritables conspirateurs, et qu'en vain on voudrait nous faire entendre qu'il faut établir une distinction entre eux ; personnellement je n'en vois aucune.
Un conspirateur est celui dont les manœuvres tendent à compromettre le salut de la République; or, quelles manœuvres sont plus funestes à l'Etat que celles que nous ivous dénonçons ? Le conspirateur obscur qui s'efforce de combiner dans le secret des projets souvent impuissants contre l'Etat, il est donc plus coupable que ces fournisseurs perfides, qui, donnant de mauvais souliers aux soldats, ruinent les finances de la République et peuvent arrêter la marche des braves défenseurs de la patrie. Je conclus au décret d'accusation.
Avant de décréter la proposition formulée par Mailhe et Saint-André, je dois faire observer à la Convention qu'on n'a pas les noms
des prévenus et qu'il est difficile, en l'espèce, de prononcer le décret d'accusation. Je lui conseille d'ordonner le renvoi au comité de la guerre, qui rendra compte des faits et des personnes à la séance de demain.
(La Convention renvoie ces diverses propositions au comité de là guerre pour rendre compte des faits et des personnes à la séance du lendemain.)
, secrétaire. Voici une lettre du Juif Benjamin Jacob, munitionnaire de l'armée du Midi et mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite. Il annonce qu'il est arrivé hier à Paris, pour affaires particulières, et qu'il a appris avec étonnement le décret qui lui ordonne de se rendre à la barre. Il dit qu'il attend, avec la tranquillité de l'honnête homme, l'heure à laquelle la Convention nationale voudra bien l'entendre. Il observe que le service public, dont il est chargé, ne lui permet pas une longue absence;
(La Convention décrète qu'il sera entendu le lendemain à onze heures.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre • de Roland, ministre de Vintérieur, qui observe que chaque courrier extraordinaire coûté à la nation 12,000 livres, et que pour épargner des sommes considérables, il a cru devoir suspendre l'envoi des pièces relatives à la prise de Mons. Il de-. mande une décision de l'Assemblée.
(La Convention nationale rapporte son décret du 9 de ce mois, qui avait ordonné l'envoi des courriers extraordinaires pour faire connaître aux départements et aux armées les nouvelles de la prise de Mons.)
L'heure de midi appelant le grand ordre du jour, je demande à la Convention de se prononcer pour lequel des trois projets suivants elle désire ordonner la discussion. Vient en première ligne, la suite de la délibération sur la loi des émigrés ; en second lieu, le projet de décret sur les {subsistances ; enfin la discussion sur le procès du ci-devant roi.
Je demande qu'attendu la distribution tardive du rapport sur le procès du ci-devant roi, qui n'a pas permis aux membres de la Convention de s'occuper de cette question, l'on mette à l'ordre du jour la suite de la loi sur les émigrés; et comme les malveillants pourraient égarer le peuple sur l'affaire du ci-devant roi, en disant que la Convention nationale ne veut pas s'occuper de ce grand procès, je demande que la discussion sur le jugement, de Louis XVI soit mise, demain à midi, à l'ordre du jour.
J'appuie la proposition de Jean Debry en ce qui concerne la mise à l'ordre du jour d'aujourd'hui de la loi sur les émigrés. Je pense plus que jamais qu'il importe d'en finir au plus tôt et que la sûreté publique exige qu'elle soit promptement exécutée.
(La Convention décide de discuter séance tenante le projet de décret sur les émigrés.)
, au nom du comité de législation, soumet à la discussion un nouveau
projet de décret (1) concernant les pénalilés encourues par les
« La Convention nationale, considérant que les lois antérieures contre les émigrés sont insuffisantes, qu'elles n'ont point atteint leurs complices, voulant compléter les dispositions des lois précédentes contre ceux qui ont trahi ou abandonné leur patrie dans le moment du danger, décrète ce qui suit :
partie pénale.
TITRE Ier.
De ce qu'on *entend par émigrés, des peines de l'émigration et des exceptions.
« Art. 1er. Les émigrés sont bannis à
perpétuité du territoire français; ils sont morts civilement; leurs
biens sont acquis à la République.
« Art. 2. L'infraction du bannissement prononcé par l'article 1er sera punie de mort.
« Art. 3. Sont réputés émigrés :
« 1° Tous Français absents du lieu de leur domicile qui ne justifieront pas, dans la forme qui va être prescrite, d'une résidence sans interruption en France, depuis le 9 mai 1792 ;
« 2° Tous Français qui, quoique actuellement présents, se sont absentés de leur domicile et ne justifieront pas d'une résidence sans interruption en France, depuis le 9 mai 1792,;
« 3° Ceux qui sortiront du territoire de la République avant l'époque où le Corps législatif aura proclamé la liberté de sortir;
« 4° Tous agents du gouvernement qui, ayant été chargés d'une mission auprès des puissances étrangères, ne seraient pas rentrés en France dans trois mois du jour de leur rappel notifié;
« 5° Tous ceux qui, depuis la guerre, ont quitté le territoire non envahi, pour resider sur le territoire occupé par l'ennemi,.
« Art. 4. Ne seront pas réputés émigrés :
« 1° Les enfants qui, au jour de la promulgation de la présente loi, ne seront pas âgés de plus de seize ans, à la charge, par eux, ae rentrer en France dans un an à compter de la promulgation de la présente loi, et d'y résider;
« 2° Les bannis à temps, à la charge de rentrer en France dans un an du jour de leur bannissement, et d'y résider ;
« Les déportés;
« 4° Les Français établis par mariage, ou naturalisés en pays étranger avant le lep juillet 1789; ceux qui ont une mission de la nation, leurs épouses, pères et mères domiciliés avec eux; les négociants, leurs facteurs et les ouvriers notoirement connus pour être dans l'usage de faire, en raison de leur commerce ou de leur profession, des voyages chez l'étranger, ainsi que ceux qui, avant leur départ, ont été notoirement connus pour s'être consacrés à l'étude des sciences ou des arts, et ne s'être absentés que pour acquérir de nouvelles connaissances dans leur état ;
« 5° Ceux qui, attaqués de maladie en pays étrangers avant le 9 mai 1792, y sont morts de ladite maladie avant ou depuis ladite époque ; à la charge par les héritiers de prouver qu'ils n'ont point porté les armes ni commis aucune action hostile contre la patrie.
« Art. 5. Pour justifier de la résidence exigée par l'article 3, il sera
nécessaire de représenter
« Art. 6. Dans les villes divisées en sections, les certifiants devront être domiciliés dans l'arrondissement de la section du certifié, et les certificats seront visés par deux des commissaires de ladite section, s'il y en a, sinon par deux officiers municipaux. S il s'élève quelque doute ou quelque difficulté sur les certificats, leur validité sera jugée par les directoires de département, sur l'avis du directoire du district, sauf l'appel des décisions des directoires devant les tribunaux de district de l'arrondissement, lesquels jugeront en dernier ressort entre l'appelant et le procureur général syndic du département contre la décision duquel l'appel aura été formé.
« Art. 7. Les personnes qui seront convaincues d'avoir attesté un faux par leur certificat seront condamnées à quatre années de fers et, en outre, responsables solidairement et sur tous leurs biens des pertes que le faux aura occasionnées à la République.
« Art. 8. Tous ceux qui seront convaincus d'avoir aidé ou favorisé les projets hostiles des émigrés, et, dans ce dessein, d'avoir envoyé ou soudoyé des hommes sur terre étrangère, de leur avoir fourni des armes ou des chevaux, ou des munitions ou toutes autres provisions de guerre, seront réputés complices des dits émigrés, et punis, comme tels, des peines contre eux portées par la présente loi.
« Art. 9. Les émigrés .rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République, savoir : de Paris et de toute autre ville dont la population est de 28,000 âmes et au-dessus, dans vingt-quatre heures du jour de la promulgation de la présente loi, et dans quinzaine du même jour, de toutes les autres parties de la République. Après ces délais ils seront censés avoir enfreint la loi du bannissement et punis de mort.
« Les émigrés qui, au jour de la promulgation de la présente loi, seront détenus dans les villes frontières, ou dans l'intérieur de la France, seront conduits sans délai, sous bonne et sûre garde, hors des frontières, à la diligence des corps administratifs ; les frais de détention et ceux de transport seront payés sur le deniers des ventes des meubles des émigrés.
« Art. 10. Les voies de fait contre les émigrés sont défendues, sous les peines portées par le Gode pénal; mais sur la dénonciation qui sera faite de tout émigré qui, en contravention à la loi du bannissement, sera trouvé sur le territoire français, le dénoncé sera poursuivi dans les formes prescrites par la loi du 29 septembre 1791.
« Art. 11. Les pères et mères qui, aux termes de la loi du 12 septembre, sont tenus de fournir l'habillement et la solde de deux hommes par chaque enfant émigré, ne pourront fournir le remplacement d'homme, ni le fournissement en nature ; mais ils seront tenus de verser à la caisse du receveur de district de l'arrondissement de leur domicile, et ce, dans la quinzaine de la sommation qui leur en sera faite à la requête du procureur général syndic, poursuite et diligence dudit receveur de district, la somme à laquelle sera arbitrée par le directoire du dé-
partement de l'arrondissement, la valeur desdit remplacements. Le montant de la solde, à raison de quinze sols par jour, par chaque homme, sera également versé à la caisse du receveur du district par chaque année, et d'avance, tant que durera la guerre, à compter du 1er janvier 1792.
« Sont exceptés des dispositions de l'article ci-dessus, ceux des pères et mères dont les enfants seraient absents de chez eux avant le 1er juillet 1789, et ceux qui, ayant plusieurs enfants, pourraient justifier qu'ils en ont un au service ae la République, et qu'aucun de leurs enfants n'a porte les armes contre la Patrie.
« Art. 13. Toutes donations entre vifs ou à cause de mort, toutes ventes, cessions, obligations, saisies-réelles ou mobilières, et généralement tous actes de disposition de propriété mobilière ou immobilière, tous baux a ferme et à loyer, toutes quittances de sommes ou effets déposés, faits et passés par les émigrés, leurs fondés de pouvoirs, ou agents d'affaires, depuis le 9 février 1792, sont nuls et de nul effet. Les séparations ou divorces entre maris et femmes émigrés, ou dont l'un d'eux serait émigré, faites ou prononcées depuis Je 9 février 1792, seront nuls et de nul effet en ce qui concerné les dispositions relatives aux biens.
« Art. 13. Les mêmes actes que ceux énoncés en l'article précédent, qui, quoique antérieurs à la dite loi, sont dénoncés comme frauduleux et jugés tels, seront nuls et de nul effet.
« Les dits actes seront réputés frauduleux, quand les personnes qui les auront passés seront convaincus d'avoir prêté leurs noms, directement ou indirectement à des ventes, transports ou dispositions simulés, ou d'y avoir participé dans l'intention de favoriser l'émigration.
« Art. 14. Les rentes viagères faisant partie du bien des émigrés, continueront d'être payées à la nation par les débiteurs des dites rentes pendante cinq années, à compter du 1er janvier prochain, avec les arrérages lors échus; après tes dites cinq années, les dites rentes seront éteintes, mais elles seront acquittées pendant le même temps, soit que les têtes sur lesquelles elles sont constituées, soient ou non vivantes.
« Art. 15. Les débiteurs qui préféreront suivre la chance de leur contrat, seront libres de le faire, à la charge de remettre leur déclaration au directoire du département dans deux mois de la promulgation de la présente loi, après lequel délai les contrats seront rigoureusement exécutés, et les débiteurs déchus de l'option.
« Art. 16. Ceux qui, pour troubler les acquéreurs des biens des émigrés dans leurs acquisitions, auront enlevé ou fait enlever les fruits; qui commettront, ou feront commettre des dégradations dans les biens des émigrés vendus oû a vendre, seront punis de six années de fers, et, en outre, responsables, sur tous leurs biens, des pertes et dommages que leur délit aura occasionnés, soit à la République, soit aux particuliers.
« Art. 17. Ceux qui, pour nuire à la vente des biens des émigrés, auront employé les voies de fait ou menaces seront punis de quatre années de fers et, en outre, responsables, sur tous leurs biens, des torts que leur délit aura occasionnés à la République.
« Art. 18. Les administrateurs, les officiers municipaux et tous les autres fonctionnaires publics qui seront convaincus de négligence dans
l'exécution de la présente loi, seront destitués de leur place.
« Ceux qui seront convaincus d'infidélité dans l'exercice de3 fonctions relatives aux dispositions de la présente loi, seront punis de la dégradation civique ; et, dans tous les cas, ils seront responsables, sur tous leurs biens, des pertes que leur négligence ou leur infidélité auront occasionnées à la République.
« Art. 19. La Convention nationale se fera rendre compte de toutes pétitions, adresses et réclamations qui lui ont été ou lui seront présentées jusqu au 1èr avril prochain, touchant les exceptions ou modérations qui pourraient avoir été ou être prétendues par qui que ce soit, et fera droit sur celles qui seront fondées. Après le délai ci-dessus fixé, il ne sera plus admis de réclamations, adresses ni pétitions à ce sujet, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit.
« Art. 20. Toutes les lois antérieures relatives aux émigrés sont abrogées en ce qu'elles pourraient avoir dé contraire aux dispositions de la présente loi. »
, rapporteur, donne une nouvelle lecture des articles 1, 2 et 3 du projet de décret.
(La Convention adopte, sauf rédaction, ces trois premiers articles.) (1).
, rapporteur, soumet à la discussion le premier paragraphe de l'article 4, qui est ainsi conçu :
« Ne seront pas réputés émigrés :
« 1° Les enfants qui, au jour de là promulgation de la présente loi, ne seront pas âgés de plus de 16 ans ; à la charge par eux de rentrer en France dans un an à compter de la promulgation de la présente loi et d'y résider. »
Plusieurs membres s'élèvent contre ce paragraphe et murmurent contre le comité de législation, qu'ils accusent de trop favoriser les rebelles qui ont voulu se baigner dans le sang des Français. Ces enfants, disent-ils, portent dans leur cœur le germe de l'orgueilV ils viendront corrompre nos mœurs, et c'est à se demander quelle peine sera pour eux plus grande, celle de l'exil ou celle ae vivre en des usages et sous des lois qu'ils détesteront.
D'autres membres déclarent ne pas concevoir pourquoi une année entière serait accordée aux enfants au-dessous de 16 ans pour rentrer en France et trouvent l'exception trop favorable en l'étendant jusqu'à la seizième année. Ils craignent, disent-ils, de voir les rebelles nous inonder de leurs rejetons, qui viendraient tout exprès pour récupérer leurs biens; c'est pourquoi ils proposent la question préalable contre la rédaction de comité.
combattent cette manière de voir et se plaignent de cette étrange immoralité, à laquelle se laissent entraîner les hommes, quand ils sont plus dirigés par les sentiments passionnés que par les principes. Un enfant, disent-ils, peut-il être comptable d'une action que sa volonté personnelle ne dirige pas? Non, la loi qu'on invoquerait contre lui ferait surgir même des cannibales ; la patrie ne peut immoler à son juste ressentiment que ceux qui ont voulu la déchirer.
Pour fixer les esprits et arriver plus facilement à des résultats, je demande à présenter une série (de questions sur lesquelles je prie le Président de faire voter l'Assemblée :
1° Y aura-t-il une exception en faveur des enfants émigrés?
2° Y aura-t-il une distinction d'âge entre les garçons et les filles?
3° A quel âge sera fixée l'exception?
4° De combien sera le délai pendant lequel les enfants seront tenu3 de rentrer en France, s'ils ont 14 ans accomplis ?
pose la première question :
« Y aura-t-il une exception en faveur des enfants émigrés? »
(La Convention décrète qu'elle fera une exception pour les enfants des émigrés.)
met aux voix la seconde question :
« Y aura-t-il une distinction d'âge entre les garçons et les filles ? »
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette question.)
met en discussion la troisième demande : « A quel âge sera fixée l'exception ? »
J'observe que plus les enfants seront jeunes, plus leur éducation sera propre à être changée.
Puisqu'il nous faut de la graine d'émigrés, je demande qu'ils soient traités comme les enfants des étrangers et, à quelque âge qu'ils rentrent, qu'ils se fassent naturaliser pour jouir des droits de citoyens.
Quelques membres s'élèvent contre cette proposition, qu'ils déclarent n'être pas à sa place en ce moment.
D'autres membres paraissent craindre que les enfants des émigrés restant en France ne perdent aux successions.
relève cette erreur, en observant que les enfants n'hériteront pas, sans doute, de leurs pères émigrés, puisque la loi a prononcé la confiscation des biens; mais il ajoute que la loi ne serait que barbare et immorale, si elle venait à priver ces mêmes enfants du droit sacré de succéder à des parents non émigrés.
Qu'est-il besoin de tant discuter sur ces exceptions? Comme les enfants des Tarquins, il faut que ces fils d'émigrés soient bannis de la République.
Je n'appuie, certes, pas la motion du préopinant, mais je crois qu'il est bon cependant que la loi fasse une restriction contre les enfants de la famille royale.
rappelle la question posée parle Président et propose l'âge de 14 ans.
(La Convention décrète que les seuls enfants maintenant âgés de moins de 14 ans, seront compris dans cette exception.)
met aux voix la dernière question :
« De combien sera le délai pendant lequel les enfants seront tenus de rentrer en France, s'ils ont 14 ans accomplis ? »
(La Convention décrète que ce délai sera de trois mois, à compter de la publication de la loi, pour les enfants âgés de 10 ans accomplis, et pour les autres, à compter du jour qu'ils auront atteint l'âge de 10 ans,)
Je demande que ceux desdits enfants qui seraient convaincus d'avoir porté les armes contre leur patrie soient exclus de cette exception.
(La Convention décrète cette proposition.)
Je demande à formuler à nouveau la motion que j'avais déjà faite. Puisque, comme je le disais tout à l'heure, on a décidé qu'il nous faut de la graine d'émigrés, je propose que tous les enfants d'émigrés soient soumis, pour obtenir le titre dé citoyen, à toutes les formalités prescrites aux étrangers qui veulent devenir Français.
Mais cette disposition rendrait illusoire celle que l'Assemblée vient de décréter !
observe que la proposition de Collot d'Herbois se réduit à rien, car les fils d'émigrés, en rentrant en France, ne pourront pas jouir des droits de citoyen, puisqu'ils n'auront pas encore l'âge prescrit par la loi. Or, toutes les formalités de la naturalisation se réduisent à un séjour beaucoup moins long que celui auquel ces enfants seront obligés. On veut vous effrayer, ajoute-t-il, d'une poignée d'enfants qui nous donneront pour garants de leur conduite le souvenir de la punition de leurs parents. Soyons justes, soyons magnanimes, ne nous dégradons pas par une ridicule pusillanimité et écartons ces idées rétrécies qui ne peuvent jamais produire que des injustices. Quelle est donc cette chimère qui nous fait craindre la graine d'émigrés ? Ne faisons-nous pas de la graine de républicains? et si des mirmidons veulent les contrarier, nos enfants ne sont-ils pas là pour les pulvériser ? (Applaudissements.)
(La Convention rejette par la question préalable la motion de Collot d'Herbois et renvoie la puite de la discussion à une séance ultérieure.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de la convention nationale du
les éléments du contrat social OU le développement du droit naturel de l'homme sur la propriété ; principes de lois présentés à la Convention nationale et au comité de Constitution, le 12 novembre 1792, par Claude Roumieux, citoyen français, membre du Point central des Arts et Métiers, séant au Louvre (2).
TITRE Ier.
Développement des principes.
Art. 1er, La loi naît de l'anarchie et de
l'insuffisance des choses.
Art. 2. Dans l'état d'anarchie, toutes les puissances sont communes et tous les droits sont égaux.
Art. 3. Si l'anarchie était sans insuffisance, la loi serait inutile. C'est l'insuffisance qui veut des partages et des garanties de droits acquis par le partage.
-Art. 4. L'égalité de [droits veut l'égalité des
partages et l'égalité des devoirs; et cet état est le premier de la société et la base de tous les autres.
Art. 5. La société, pour se maintenir, a besoin de créer des emplois différents, et l'impuissance de plusieurs à les remplir en exige la distribution inégale ; de cette inégalité naît le désir de surpasser en jouissance à raison de ses talents personnels.
Art. 6. La portion naturelle de l'homme est inviolable et inaliénable ; elle peut être échangée, mais jamais anéantie : elle contient, dans toute l'étendue des possibles, la somme totale de ses besoins et son cautionnement pose universellement sur tout le sol de l'Etat et même sur les autres pays, si momentanément l'Etat était dans l'impuissance de fournir à ses besoins.
Art. 7. La récompense due aux talents ne doit point priver l'homme de son nécessaire; et dans le cas d'indigence de la part du secourable, la société doit la fournir de son superflu; et ce superflu est toujours très abondant lorsque l'Etat est bien réglé.
Art. 8. L'homme utile ne doit pas être esclave de son industrie^ il doit être libre de se reposer quand il a suffisamment gagné pour subsister de ses épargnes. La rente au bien qu'il en achète n'est pour lui, à bien prendre, que l'indemnité de la somme qu'il y a placée et des soins qu'il y prend.
Art. 9. A la mort du possesseur, le bien retourne de droit au domaine commun, et la société a droit d'en disposer de la manière qu'il lui plaît, pourvu qu'elle ne nuise ni aux mœurs, ni au droit naturel.
Art. 10. Le droit naturel a pour principe le sentiment Inné de l'homme, modifié par la nécessité commune. Son objet est la tension à l'égalité et la perfection. 11 est avant la loi et le principe exclusif et immédiat de la loi.
Art. 11. On ne peut, en aucun cas, supposer qu'un homme ait voulu se fruster de ses droits naturels, parce que le premier ami de l'homme c'est lui-même; etlorsqu'il manifeste une volonté contraire à ses intérêts, il est clair que le vœu extérieur est l'effet d'une fausse combinaison et qu'il ne doit pas prévaloir contre le vœu intérieur, qui est inné.
Art. 12. Le premier vœu inné de 1 homme, c'est de subsister, de jouir de son être, et de se dégager, autant qu'il est possible, de toutes les peines qui peuvent s'éviter ; le second, c'est de jouir du fruit de son industrie, et d'en disposér de la manière qu'il lui plaît : de là vient le droit d'héritage.
Art. 13. Le premier vœu inné de la société consiste à assurer à tous ses individus une subsistance certaine et suffisante. Le second consiste à augmenter la valeur de son domaine par la protection des arts, l'encouragement des artistes et tout ce qui peut concourir au plus grand bien de ses individus. Ces vœux sont les mêmes que les précédents, conduits et modérés par la nécessite réciproque.
Art. 14. De l'énoncé dans les titres ci-dessus il résulte : que le contrat social existe tacitement et de lui-même par le vœu inné de l'homme, qui, étant égal en force avec ses semblables, ne peut leur refuser des secours dont il a dans le cœur le désir immuable (1), et qu'il ne peut obtenir que par la plus exacte réciprocité.
Art. 15. Ce vœu ainsi déterminé, il ne s'agit plus que de l'effectuer : on y parvient par les salaires, les dons gratuits ou contribution suc-curale et par la propriété.
TITRE II.
PRINCIPES DE LA DISTRIBUTION SOCIALE ET DES SALAIRES
Art. 1er. Dans une société nouvelle les
partages des terres doivent être égaux ; dans une société déjà formée,
ils doivent etre conformes aux lois adoptées par la société et tout
titre d'accord à ses principes doit y être conservé.
Art. 2. L'homme entrant en société ne peut y conserver en substance sa portion naturelle; premièrement, parce qu'elle deviendrait un sujet de partages continuels et impraticables; secondement, parce qu'elle affaiblirait la valeur des choses, et, par là même, diminuerait le produit du domaine universel.
Art. 3. On pourrait néanmoins, par un accord combiné, affecter un canton à un nombre d'hommes; mais il résulterait de là que, jouissant d'une subsistance trop uniforme, ils s'abandonneraient à l'inertie et négligeraient des talents qui veulent des efforts et qui sont la source la plus féconde de la richesse publique.
Art. 4. Dans l'état de nature, l'homme éloigné de l'art vivrait pauvre sans indigence, à l'aide d'un travail modéré : entrant en société, il conserve ces mêmes droits; et cet état est le dernier dans lequel il doive descendre.
Art. 5. En société, la propriété naturelle cesse d'être un droit direct; elle n'existe plus qu'hypothécairement: elle est remplacée par les salaires et, à leur défaut, par les secours.
Art. 6. L'homme une fois en société et dégagé du terrain auquel il était assujetti, peut, selon son génie et ses facultés physiques, choisir l'état qu'il lui plaît; si son travail est grossier, sans art, et semblable à celui qu'il faisait dans l'état son émulation doit être récompensée : premiè- rement, par la volonté de la loi, et ensuite par la volonté libre des contractants.
Art. 7. La volonté de la loi, à l'égard des salaires est d'assurer à l'homme sans art un produit annuèl qui équivale celui de sa portion naturelle et, en outre, une petite augmentation capable de récompenser ses talents : la valeur totale des œuvres ne pouvant être déterminée que par l'usage ou de gré à gré entre les contractants.
TITRE III.
DES SECOURS OU DONS GRATUITS.
Art. 1er. En vertu du contrat social, les
hommes se doivent des secours réciproques : et ces secours sont de
diverses classes, selon la nature des besoins et des engagements.
Art. 2. Nul n'a droit aux secours d'autrui qu'en vertu de son impuissance à se les fournir.
Art. 3. Tous secours ou aisances accordés de gré à gré, ou à titre d'encouragements, ne sont légitimes que lorsque le secouru est dans un plus grand besoin que le cessionnaire; ou qu'il existe une concession équivalente de choses ou de privilèges légalement acquis. Hors ces cas, il est sujet à une indemnité équivalente, et de droit naturel et imprescriptible, celui qui a rendu des se-
cours gratuits a droit, à titre d'indemnité, à ceux de celui qu'il a secouru, lorsque ce dernier est dans une situation plus aisée que celle de son bienfaiteur.
Art. 4. Il est des secours acquis par un contrat formé entre un petit nombre de personnes, par lequel on s'est mutuellement promis des soins réciproques; d'autres sont acquis par le droit naturel.
Art. 5.11 y a communauté de biens entre père,-fils, frère, sœur, époux et épouse; et de cette communauté nait le droit réciproque aux secours de ceux qui peuvent les procurer : ces droits doivent être déterminés par la loi.
Art. 6. Les secours que se doivent le parents sont une amitié de droit et une protection constante : ce devoir est un des plus sacrés de la nature.
Art. 7. La société doit généralement une protection constante à tous ses individus à raison de leur mérite et de leurs vertus, et de celles qu'ils sont susceptibles d'acquérir ; mais, parmi un si grand nombre, il peut s'en trouver qui soient oubliés; la parenté est un cercle moins étendu, ordinairement assez grand pour que tous puissent prospérer à l'aide de leur protection et assez petit pour qu'aucun ne leur reste inconnu : de là vient que les parents, et surtout les nécessiteux, ont un droit privilégié à la protection et aux bienfaits de ceux de leur race, à raison de leurs besoins et de leur mérite (1).
Art. 8. La société doit des secours à tous ceux qui sont abandonnés, et dont les redevables sont dans l'impuissance de remplir leurs engagements. Enfin, la société est une caution universelle, qui paye pour elle et pour tous ceux qu'elle ne peut pas faire payer, afin tout homme soit secouru dans toute l'étendue du possible.
Art. 9. Les moyens de secours doivent être découverts par les hommes éclairés et déterminés par la loi; ils doivent avoir pour but le plus grand bien ae l'humanité, qui est l'accroissement des lumières et des vertus, la protection des arts et la satisfaction des besoins physiques.
Art. 10. Ils doivent être fournis par tous les individus à raison de leurs facultés physiques et morales; quiconque s'y refuse est injuste; l'homme ne doit pas être à la merci de l'homme, mais sous la protection constante de la loi : or, c'est mettre l'homme à la merci de l'homme que de faire dépendre son bien-être de la volonté individuelle de ceux qui l'environnent.
Art. 11. La loi est injuste lorsqu'elle permet qu'il y ait des malheureux, et qu'elle pourrait faire qu'il n'y en eût pas; elle l'est pareillement, elle avilit la société dont elle est l'organe, lorsqu'elle souffre que, par pitié pour certains individus, qu'elle abandonne, d'autres satisfassent aux devoirs qu'elle pourrait remplir.
Art. 12. Il est néanmoins des cas où il est à propos que l'homme soit à la merci de la bienfaisance individuelle de l'homme. Ce cas existe lorsqu'il est probable que des services trop constants pourraient ralentir son industrie et augmenter sa mollesse : alors la nécessité de demander est une humiliation utile.
Art. 13. Enfin les secours sont un devoir que chacun doit remplir à défaut de la loi et que la loi doit remplir à défaut de tous. II ne doit
y avoir de malheureux sous la loi que les méchants, les paresseux et ceux qu'elle est dans l'impossibilité de secourir.
TITRE IV.
de la propriété.
Art. 1er. La propriété s'étend sur les
talents et sur les choses.
Art. 2. La propriété des talents est individuelle et inaléniable, et n'est sujette à aucune autre restriction que la contribution succurale.
Art. 3. La contribution succursale est l'énoncé du litre troisième ci-dessus; elle consiste en un tribut de choses et de peines dues àux nécessiteux.
Art. 4. Le produit des talents est aliénable dans les termes prescrits par la loi; et quaud il s'agit des œuvres promises, l'aliénation doit être limitée de la manière la plus avantageuse aux contractants; et loi doit y porter ses soins.
Art. 5. L'aliénation du produit des talents ne doit jamais restreindre la liberté de celui qui les possède, à moins 'd'une nécessité bien reconnue par la loi.
Art. 6. Dans l'état de nature, la propriété des choses est commune ; en société, elle est en partie commune et en partie individuelle. Ces différences doivent être déterminées par la loi et garanties par la force publique.
Art. 7. La propriété se divise en propriété directe et en propriété indirecte.
Art. 8. La propriété directe est un droit exclusif de posséder dans les termes prescrits par la loi.
Art. 9. La propriété indirecte est le droit que tout homme, impuissant à se fournir ses besoins, a sur les œuvres et sur les possessions d'autrui.
Art. 10. Toute propriété est inviolable; mais celle du nécessiteux est la première et la seule qui doit prévaloir.
Art 11. La force publique est le métier des armes et le soutien de la loi. Sans elle, la propriété est presque nulle et livrée à l'incursion ; ce métier exige qu'on sacrifie sa vie dans l'occasion; et l'indemnité due à ce sacrifice n'a de bornes que l'intérêt général.
A la séance de la convention nationale du
Lettre de M. Bertrand (de Alolleville) (1), ci-devant ministre de la marine, au Président de la Convention nationale (2).
« Londres, le
« Monsieur le Président,
« Quoique le droit de résister à l'oppression emporte nécessairement celui de la fuir, lorsque tous les moyens de résistance sont anéantis, comme il ne répugne pas moins à mon caractère, qu'à mes principes, de fuir mes ennemis,
et de déserter ma patrie, je m'empresse de dénoncer moi-même à la Convention nationale, mon absence momentanée du royaume et les circonstances impérieuses qui l'ont rendue indispensable; elles sont détaillées dans l'acte dont la teneur s'ensuit :
« L'an 1792, et le 11 octobre. Nous, Antoine-« François Bertrand de Molleville, ci-devant mi-« nistre d'Etat au département de la marine, « ayant éprouvé, de la part de tous les officiers « publics auxquels nous nous sommes adressés, « le refus le plus formel de retenir et expédier « aucun acte de notre volonté, dans la crainte t de se compromettre, attendu les circonstances, « avons rédigé et écrit de notre main, la décla-« ration suivante, pour servir et valoir ce que « de raison, en attendant que notre position « nous permette de lui donner une forme plus » authentique.
« Objet d'une persécution aussi injuste que « barbare; signalé comme suspect des plus « grands crimes, quand je n'ai pas à me repro-« cher la faute la plus légère, et quand on n'a - pas l'ombre d'une preuve à m'opposer: réduit « à me cacher, depuis plus de deux mois, pour « soustraire ma tête au fer des assassins, je de-« vais espérer, sans doute, qu'après un aussi « long terme, leur rage serait enfin apaisée : « mais l'heureux hasard qui m'en a préservé. « n'a fait que l'irriter encore davantage. Non « content des attentats dirigés contre ma per-« sonne, et exercés contre mes propriétés, le « comité de surveillance de la Commune n'a « pas balancé à faire arrêter mes deux frères, i sans preuves, sans indices, sans dénonciation « quelconque, et à les faire jeter dans les ca-« chots de l'Abbaye et de la Force, quelques « jours avant l'époque fixée pour le massacre « des prisonniers; et sur les représentations « que le plus jeune des deux essaya de faire « contre l'inégalité d'un emprisonnement sans « motifs, le commissaire qui l'interrogeait osa « lui faire cette réponse révoltante : Les gens de « votre espèce ont assez usé des lettres de cachet « du despotisme; il est temps qu'ils connaissent « les lettres de cachet populaires. Heureusement « le peuple, moins altéré de mon sang, même « dans l'affreuse journée du 2 septembre, a eu « la justice d'épargner le sang de mes frères, et « de proclamer leur innocence. Mes ennemis, « trompés encore une fois dans leurs espérances « homicides, ont fait une nouvelle tentative, « dont l'horrible succès a mis le comble à mon « malheur; ils ont, tout récemment, fait mettre « le feu au château qui était la principale habi-« tation de ma famille; tous les titres, meubles « et effets qui y étaient renfermés, ont été la « proie des flammes; et mon malheureux père, « dévoré par le chagrin que lui causait la posi-« tion critique de ses trois enfants, n'a pas pu « résister à cette dernière catastrophe : peu de « jours après en avoir reçu la nouvelle, nous « avons appris que la mort venait de nous en-« lever ce vieillard, moins respectable encore « par son âge, que par ses vertus.
« Accablé sous le poids de tant de calamités, « et ne pouvant pas supporter l'idée d'être même « innocemment la cause d'un échec aussi con-« sidérable dans la fortune de mes frères, je « n'ai pas dù balancer un instant à prendre le « parti qui puisse les dédommager; en consé-« quence je leur ai déjà déclaré et je leur dé-« clare et notifie de nouveau, par le présent « acte, que je renonce, formellement à la suc-
« cession de mon père, en quoi qu'elle consiste « ou puisse consister; et que je donne mon con-« sentement, pur et simple à ce qu'elle soit par-« tagée entreeux, conformément à la loi, comme « si je n'existais pas; et attendu que ma posi-« tion actuelle me prive de tous les moyens de « donner à cette déclaration l'authenticité né-« cessaire pour en assurer la validité, parce « qu'aucun notaire n'ose me prêter son minis-« tère, dans la crainte de se compromettre; et « que la succession de mon père étant ouverte « depuis plusieurs jours, ne peut pas rester plus « longtemps en suspend, je promets et m'oblige « d'aller chercher, le plus tôt qu'il me sera « possible, dans une terre étrangère, mais non « ennemie, un officier public qui veuille rece-« voir le dépôt du présent acte, que je termine a par la déclaration solennelle : que loin de « vouloir abandonner ma patrie, où je laisse « tout ce qui m'est cher pour garant de mon « retour, je serai très empressé d'y rentrer, aus-« sitôt que l'impunité des plus grands crimes « n'y sera plus regardée comme une des préro-« gatives de la liberté.
« Fait à Paris, les jour et an que dessus; et « copie du présent, écrite et signée de ma main « comme l'original, a été par moi remise, ledit « jour, à mes deux frères, en attendant l'expé-« dition en forme, que je leur enverrai inceste samment.
« Signé : De Bertrand. »
« Pressé de remplir un engagement aussi sacré, et désirant d'ailleurs, depuis longtemps de connaître une nation sage, heureuse, juste et vraiment libre, je suis parti pour l'Angleterre. Mon premier empressement, en y arrivant, a été de faire expédier, en forme authentique, par le notaire de la légation de France, ma renonciation à la succession de mon père, et de l'adresser à mes frères.
« Tels sont les seuls motifs de mon départ. Il est assez évident, en effet, que si les inquiétudes les plus fondées surma sûreté personnelle avaient été capables de me déterminer à sortir du royaume, je n'aurais pas différé aussi longtemps de profiter des mêmes moyens que je viens d'employer, et qui ont toujours été en mon pouvoir; car j'ai été instruit, dans le temps, de tous les mouvements qu'on s'est donnés, des recherches sans nombre qui ont été faites pour découvrir le lieu de ma retraite, et tâcher de me constituer prisonnier, soit à la Force, soit à l'Abbaye, soit à Orléans, avant l'époque à jamais exécrable du 2 septembre.
« Quel peut donc être le motif d'un acharnement aussi persévérant? C'est ce qu'il est difficile d'expliquer quand on considère que les persécutions sans cesse renaissantes que j'ai éprouvées pendant mon ministère, n'ont pu produire qu'un mémoire, dont toutes les preuves avaient pour base unique trois assertions, démontrées fausses par les pièces mêmes du rapport, ainsi que je l'ai constaté dans mon compte (page 5 et suivantes); et ce mémoire, adressé au roi par l'Assemblée nationale, avait pour objet de prouver que je ne méritais pas la confiance de la nation, quoique cette proposition eut été formellement rejetée, la veille, par un décret rendu après un appel nominal.
« S'il pouvait rester encore quelques doutes sur mon irréprochabilité, j'ose dire qu'ils seraient tous levés par le décret même d'accusation, rendu le 16 août dernier, contre les per-
sonnes qui occupaient le ministère le 11 novembre précédent, et par conséquent contre moi. Ce décret est fondé uniquement sur quelques énon-ciations aussi vagues qu'insignifiantes, hasardées dans un bulletin anonyme, apocryphe, et d'une écriture inconnue, qu'on dit avoir été trouvé chez le roi, dans la journée du 10. Il faut être bien pur, et bien exempt du moindre tort réel pour obtenir l'honneur d'être accusé d'un délit imaginaire, sur une pièce si évidemment indigne de foi sous tous les rapports, que, devant le tribunal le plus rigoureux, elle n'aurait pas même la consistance du plus léger indice.
« Je ne me dissimule pas néanmoins, que, dans le moment terrible où les lois étaient sans force, la justice sans ministres, et l'innocence sans appui, où le peuple, croyant voir partout des conspirateurs, ou des traîtres, ne respirait que vengeance, un décret d'accusation, violemment provogué par les clameurs des tribunes contre plusieurs ministres, pouvait être considéré comme un moyen d'apaiser l'effervescence générale. Je conviens aussi que les mêmes circonstances s'opposaient également au succès des réclamations que j'adressai au Corps législatif, contre ce décret, quatre jours après qu'il eût été rendu ; mais aujourd'hui que le rétablissement de l'empire de la justice et des lois est ardemment désiré par tous les citoyens; que le peuple, indigné des écarts dans lesquels il a été entraîné, attend et sollicite la punition des scélérats qui ont abusé de sa confiance, au point de le rendre l'instrument de leur barbarie, de leurs vengeances personnelles, ou de leur cupidité, il n'est pas possible qu'un décret d'accusation, déterminé, arraché par des circonstances toutes contraires, soit maintenu, non-seulement parce que ce serait consacrer une injustice révoltante, mais parce que la dignité de la nation française ne permet pas à ses représentants d'intenter en son nom une accusation capitale sur des soupçons vagues et dénués de toute preuve. L'abus le plus effrayant que les membres des Assemblées nationales pourraient faire de leur non responsabilité, serait sans doute de se jouer impunément, par des décrets d'accusation peu réfléchis, de l'honneur et de la liberté des citoyens, on peut même dire, de leur vie, après les massacres sans nombre, dont le souvenir horrible souillera éternellement la mémoire des derniers moments de l'existence de la législature précédente. De quels regrets, de quels remords ne doivent pas être tourmentés ceux de ses membres qui, pour avoir trop légèrement provoqué des décrets d'accusation, ont concouru par leur suffrage à les faire passer, ont à se reprocher d'avoir voué à la mort la plus atroce, une infinité de victimes, dont quelques-unes étaient absolument innocentes, et dont le plus grand nombre n'aurait jamais pu être condamné à une peine capitale, d'après le titre même de l'accusation !
« Fermement convaincu que la Convention nationale ne voudra pas s'exposer à de semblables regrets, j'ai l'honneur de vous adresser mes réclamations contre le décret du 16 août; et je vous prie, Monsieur, de les mettre sous les yeux de l'Assemblée. J'ose espérer qu'elle y aura égard; et afin que mes ennemis ne puissent pas y mettre obstacle en renouvelant les inculpations calomnieuses qui ont servi de motif à toutes les vexations qu ils m'ont fait éprouver, et particulièrement aux recherchés aUssi violentes qU'infructueuses qui ont été faites, non
seulement chez moi, mais chez mes parents et chez mes voisins, sous prétexte de trouver des preuves de mes relations prétendues criminelles avec la Cour et de ma complicité dans les conspirations, vraies ou fausses, dont on l'accuse. Je vous préviens, Monsieur, que j'adresserai incessamment à l'Assemblée une déclaration authentique de tous les faits importants et ignorés dont j'ai eu connaissance pendant et depuis mon ministère, et qui ont quelque rapport aux circonstances présentes : j'indiquerai les témoins, ou les preuves, de tous ceux que l'Assemblée voudra approfondir. Je dirai tout ce que je sais, et ce que je dirai pourra conduire à des découvertes très intéressantes.
Signé : De Bertrand. »
Déclaration adressée à la Convention nationale par M. Bertrand (de Molleville), ci-devant ministre de la marine, contre le décret d'accusation du 16 août dernier, rendu contre les anciens ministres.
Le pouvoir d'accuser sans preuve quelconque et celui de punir sans jugement légal sont les attributs les plus révoltants du despotisme; aucun de ces pouvoirs ne peut donc exister sous un gouvernement libre, sans une violation manifeste des droits naturels et imprescriptibles de l'homme, auxquels les représentants de la nation sont dans l'heureuse impuissance de porter la moindre atteinte.
La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse (Déclaration des droits, art. 6); et les mêmes délits doivent être punis des mêmes peines, sans aucune distinction de personnes. (Tit. Ier art. 3.)
La réclamation que je forme aujourd'hui est tellement fondée sur ces bases essentielles du droit naturel, qu'il n'est pas possible de la rejeter sans les anéantir. Le 16 août dernier, sur la simple lecture d'une note prétendue trouvée dans la chambre du roi, et datée du 11 novembre précédent, il a été rendu, sans examen ni discussion préalable sur la forme de cette pièce, ni sur ses résultats, un décret d'accusation contre toutes les personnes qui composaient alors le ministère, et par conséquent contre moi.
Cette note est intitulée : « Projet du comité des ministres, concerté avec MM. Alexandre Lameth etBarnave. »
Je dois d'abord déclarer et affirmer, sans craindre d'être démenti : ï* que je n'ai jamais connu MM. Lameth et Bar nave ; j'ai vu seulement ce dernier une fois chez moi, dans les premiers jours de mon ministère, relativement aux affaires des colonies, dont il avait été rapporteur. Je ne l'ai pas revu depuis, et j'ignore ce qu'il est devenu;
2° Que je n'ai eu aucune connaissance quelconque de la note dont il s'agit, ni de son contenu, et que, pendant mon ministère, il n'en a jamais été question, soit au conseil, soit dans aucun comité de ministres auxquels j'ai assisté.
Cette affirmation ne serait, sans doute, d'aucun poids contre une preuve acquise; mais il est assez évident que je n'ai pas même ici le plus léger indice à combattre. 11 faudrait, en effet, pour que cette pièce pût être considérée comme un indice, qu'elle fut écrite de la main du roi ou de celle d'un de ses ministres; car si, pour être réputé criminel, il suffisait d'être nommé ou désigné dans un écrit quelconque, trouvé dans l'appartement ou dans le secrétaire du roi, quel est le citoyen honnête qui ne tremblerait
pas de se trouver compromis, en pensant que dans la matinée du 10, cet appartement et ce secrétaire ont été ouverts à tous ceux qui ont voulu y entrer, et y fouiller, et auxquels il était aussi facile d'y glisser des papiers que d'en enlever ?
Mais quand même la note dont il s'agit serait écrité ae la main du roi ou d'un de ses ministres, et que ce fait, dont les commissaires préposés à la levée des scellés n'ont pas parlé, serait bien constaté, il resterait encore à examiner si le projet prétendu concerté par les ministres avec MM. Barnave et Lametn était véritablement contraire aux intérêts de l'Etat ; car un projet évidemment avantageux à la nation ne serait certainement pas un crime aux yeux de ses représentants, par quelques personnes qu'il eût été concerté.
Le premier article de cette note, et sans doute celui qui a fait l'impression la plus grave, ne contient que ces mots :
« 1° Refuser la sanction. »
Sur une énonciation aussi vague et aussi générale, je me bornerai à observer que la sanction étant un droit essentiellement inhérent à la royauté et dont le monarque .était personnellement investi par la Constitution, non comme chef du pouvoir exécutif, mais en sa qualité de représentant de la nation, je n'ai jamais vu, pendant mon ministère, l'exercice de ce droit soumis aux délibérations du conseil; le roi entendait seulement, sur les décrets de détail, les observations que pouvait avoir à lui faire le ministre du département qu'ils concernaient, et il se décidait, sur les autres, d'après ses lumières et sa conscience. Ces faits et ces principes, dont l'exactitude ne saurait être contestée, démontrent combien serait injuste et inconstitutionnel de prononcer, sur un refus de sanction, un décret d'accusation contre des ministres auxquels cet acte est absolument étranger et entièrement hors de leur responsabilité, soit qu'ils aient été consultés sur la sanction, soit qu'ils ne l'aient pas été.
Les quatre articles suivants énoncent différentes démarches, dont quelques-unes n'ont pas été faites. Le surplus de cette note assigne au ministre de la justice, à celui des affaires étrangères, à celui de la guerre et à celui de l'intérieur des rôles qu'aucun d'eux n'a remplis; il n'y est fait aucune mention du ministre des impositions ni de celui de la marine.
Ainsi, quand même cette pièce serait authentique, on n'y trouverait pas le plus léger indice d'un projet quelconque concerté avec eux. Voilà à quoi se réduit cet écrit, dont la seule lècture a fait prononcer, par acclamation, un décret d'accusation contre tous les ministres qui étaient en place au mois de novembre dernier. Il n'est pas étonnant, sans doute, que, dans des moments d'orage et d'irritation générale, l'annonce d'un complot concerté entre les ministres et des' personnes signalées comme suspectes ait entraîné violemment toutes les opinions au parti le plus sévère ; mais autant ce mouvement a pu, sous ce point de vue, paraître louable dans ses motifs, autant il serait oppressif dans ses effets, s'il n'était pas dirigé et modéré par les principes d'une justice aussi exacte que rigoureuse. Heureusement, l'acte d'accusation n'a pas été rédigé et, par conséquent, il est temps encore de soumettre à un examen froid et réfléchi cette note apocryphe, destinée à servir de base à l'accusation la plus considérable qui
puisse être intentée par les représentants de la nation, puisque son effet nécessaire est d'entacher six ministres à la fois, du soupçon de haute trahison et d'appeler sur leurs têtes et sur leurs propriétés toute la fureur des vengeances populaires.
En rapprochant la note dont il s'agit des événements qui se sont passés à l'époque indiquée par sa date, il est aisé de reconnaître qu'elle ne peut se rapporter qu'au message du 12 novembre, dont l'objet était effectivement d'annoncer le refus de sanction d'un décret relatif aux émigrés; la proclamation qui fut publiée contre eux ie même jour et les réquisitions adressées aux puissances pour empêcher leur rassemblement; que, par conséquent, ce bulletin, rédigé d'après les conjectures et les propos publics qui avaient précédé cette démarche, n'est et ne peut être autre chose qu'une feuille de ces nouvelles à la main dont il existait alors plusieurs rédacteurs, quij quoique moins instruits que la plupart des journalistes, faisaient payer leurs nouvelles beaucoup plus cher, parce qu'elles étaient manuscrites.
Après avoir ainsi démontré qu'un écrit aussi indigne, à tous égards, de fixer l'attention du Corps législatif, peut encore moins servir de base à une accusation capitale intentée en son nom, j'oserai réclamer en ma faveur le bénéfice des formes sagement établies, et constamment observées jusqu'à ce jour, en matière de dénonciation. Il était sans exemple, avant le 16 août dernier, qu'un décret d'accusation eût été rendu, même contre un ministre, sans que les pièces produites et les faits articulés contre l'accusé eussent été examinés et vérifiés par un comité auquel l'accusé pouvait adresser ses pièces et moyens justificatifs : tout récemment encore, une inculpation, injuste sans doute, mais très rave et appuyée de pièces plus ou moins pro- antes, avait été formée contre M. Servan : le Corps législatif ne balança pas à en renvoyer l'examen à un de ses comités ; et, en attendant que le rapport qui devait en être fait l'eût complètement justifié des prévarications dont il était accusé, l'Assemblée s'interdit si scrupuleusement toute opinion défavorable à M. Servan, qu'elle le rappela au ministère.
Fondé sur cet exemple et sur la déclaration des Droits de l'homme, que le nouvel ordre de choses n 'apoint anéantie, et dont l'article 6 porte : Que la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège ou qu'elle punisse, je demande que le décret du 16 août dernier soit rapporté ; qu'en conséquence, la note du 11 novembre, trouvée dans les papiers du roi, soit renvovée à un des comités de la Convention nationale, pour être statué, sur son rapport, ainsi qu'il appartiendra.
Si, sur ce rapport, le décret d'accusation est confirmé, exempt de crainte, comme de tout reproche, je m'empresserai d'y obéir avec la soumission que tout bon citoyen doit à la loj aussitôt que sonempireseraparfaitementrétabli.
Signé : DE bertrand.
a la séance de la convention nationale du
Jean-Baptiste personne, député du Pas-de-Calais, observe à la Convention nationale qu'il y a erreur dans l'article 3 du projet de décret concernant les émigrés (2).
L'intention des législateurs est de traiter et punir tous les Français absents de la même manière. Egalité en tout, voilà le principe.
Ce principe ne serait pas suivi si l'on fixait pour les 44,000 municipalités la rentrée des émigrés ou absents du 9 mai 1792, comme le porte le projet de décret ; cette loi ne peut être applicable qu'à Paris, où elle a été promulguée le 9 avril 1792 ; mais si elle ne l'a été, dans les municipalités du Midi et du Nord, que le 30 avril, le délai qu'elle accorde n'est expiré que le 30 mai suivant.
Faites-y bien attention, législateurs, il y va du plus grand intérêt des administrés éloignés de Paris. Il y a plusieurs opinions sur cet objet: la première," que les émigrés ou absents n ont pu profiter, pour rentrer en France, que des délais à compter de la promulgation de la loi à Paris; la seconde fixe ce délai de promulgation dans le chef-lieu du département ; la troisième, de celle faite dans le chef-lieu du district; la quatrième, enfin, de celle faite dans la municipalité de l'individu sur qui frappait la loi.
Je suis de ce dernier avis; le contraire serait un abus qui enlèverait des fortunes aux uns et en conserverait aux autres, quoique dans le même état.
Il faut donc réformer le projet de décret et dire : « Dans le mois qui a suivi la publication du décret du 8 avril dans la municipalité du citoyen qui s'est absenté. »
Paris, 12 novembre 1792, l'an Ie* de la République française.
personne.
Séance du
présidence de m. hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à l'Assemblée, relativement à la gratification de 1,500 livres accordée dans chaque département à la gendarmerie nationale par l'article 2 du titre IV de la loi du 16 février 1791.
(La Convention renvoie cette lettre auxcomités de la guerre et des finances réunis.)
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui réclame les pièces
concernant les nommés Pierre Borelly et Joseph Reaume, prévenus du crime
d'embauchage, et détenus à Nîmes.
3° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer à la Convention des pièces, au nombre de dix, concernant le citoyen Tulle, colonel commandant de l'artillerie.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
4° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui rend compte que la commune de Granvilie, département de la Manche, demande l'établissement de plusieurs foires et marchés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de commerce.)
5° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui fait passer l'état nominatif de tous les pensionnaires qui, comme l'Anglaise Hardyne, peuvent se trouver sans ressource par la suppression de la maison religieuse de Recouvrance à Brest.
(La Convention renvoie cet état aux comités des secours, de liquidation et des finances, pour en faire un prompt rapport.)
6° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui annonce que la commune de Granvilie sollicite un nouveau règlement pour la fixation de l'époque et la durée de la pêche des huîtres.
(La Convention renvoie la lettre au comité de la marine.)
7° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer les pièces relatives à la pétition des canonniers du 7e régiment d'artillerie.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
8° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui annonce que la municipalité de Marseille a pris une délibération qui suspend de leurs fonctions le chef d'administration de ce port, ainsi que le sous-chef des classes.
(La Convention renvoie les pièces de cette affaire au comité de la marine.)
9° Lettre de Pache, ministre de la guerre (1), qui rend compte des ordres qu'il a donnés pour 1 arrestation des citoyens Vincent, commissaire ordonnateur de l'armée du Midi, et Jacob Benjamin; cette lettre est ainsi conçue :
A Paris, le
« Président,
« J'ai reçu hier au soir le décret rendu dans la séance du même jour qui annule les trois marchés passés par le commissaire ordonnateur en chef de l'armée du Midi, à Jacob Benjamin pour l'approvisionnement de cette armée, et qui me charge de faire partir un courrier extraordinaire pour porter l'ordre d'arrêter les citoyens Vincent et Jacob Benjamin pour être traduits à la barre.
« J'ai sur-le-champ expédié au général de l'armée du Midi le décret avec
la réquisition de faire arrêter les deux citoyens qui y sont désignés;
j'ai en même temps écrit au commissaire des guerres de la place de
Briançon de me rendre compte des livraisons qui y auraient été faites en
exécution desdits marchés, afin de satisfaire à l'article du décret qui
porte que j'en ferai ac-
« Je dois rendre compte à la Convention que, d'après le rapport qui m'a été fait le 24 octobre du marché du 3 septembre qu'elle vient d'annuler, je crus devoir, malgré la copie de l'autorisation donnée à ce marché par les commissaires de l'Assemblée nationale à l'armée du Midi, laquelle copie était jointe à celle de la soumission qui m'a été envoyée, je crus, dis-je, devoir écrire le 26 à l'ordonnateur Vincent, en lui adressant les prix comparés des mêmes objets, que je ne pouvais souscrire à un marché aussi onéreux, et je lui enjoignis de me rendre compte de sa conduite dans cette circonstance ; il n'a pu encore obéir à cet ordre. La mesure sévère que la Convention nationale vient de prendre contre ce commissaire ordonnateur et que j'ai fait exécuter sur-le-champ, n'a donc fait que confirmer celles que mon désir d'économie des deniers publics m'avait fait adopter.
« Le ministre de la guerre, t Signé : PàCHE. »
Le même secrétaire fait lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre ( 1), qui annonce que la commission militaire établie à Metz a condamné à mort deux émigrés: l'un, nommé Philippe-Joseph Maire, et l'autre, Pierre-François-Chrétien-Charles d'Andilly; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le er de la République,
« Citoyen Président,
« La commission militaire établie à Metz a condamné à mort deux émigrés : l'un, nommé Philippe-Joseph Maire, et l'autre, Pierre-François-Chrétien-Charles d'Andilly. Le général Kellermann m'ayant envoyé les procès-verbaux qui ont été rédigés à ce sujet, je m'empresse de les faire passer à la Convention nationale.
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Suit le texte de ces procès-verbaux :
Extrait des minutes du greffe de la commission militaire établie à Metz (2).
Du deux novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an Ier de la République française.
« Vu par le conseil de guerre assemblé à Metz par ordre du citoyen
Kellermann, lieutenant général commandant en chef l'armée du Centre,
l'expédition de l'extrait du registre des délibérations du comité de
surveillance de la com-
« Tout vu et considéré :
« Le conseil de guerre a reconnu que Philippe-Joseph Maire est coupable du crime d'avoir émigré de la France, d'avoir passé dans le pays ennemi, — conséquemment qu'il est dans le cas prévu par la loi du 9 octobre dernier ; en conséquence, a déclaré et déclare que la loi l'a condamné et le condamne à la mort.
« Fait et jugé au conseil de guerre tenu à Metz le deux novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an 1er de la République française.
« Signé : PRILLY, maréchal de camp, président ; Bagel, colonel commandant des carabiniers; cerizial, lieutenant-colonel, adjoint à Vétat-major; Be-gu1net, capitaine des grenadiers du 2e bataillon de la Haute-Marne; Ca-pella, adjudant-major du 71e régiment, et Evotte, greffier.
« Et cejourd'hui, deuxième novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an Ier de la République française, deux heures de relevée, nous, soussigné, greffier de la commission militaire, nous sommes transporté dans les prisons civiles de cette ville, où étant, nous avons fait paraître devant nous Philippe-Joseph Maire, dénommé dans la senténce ci-dessus, auquel accusé présent nous avons donné lecture du jugement rendu cejourd'hui contre lui.
« Fait à Metz, les jour, mois et an que ci-dessus.
Signé : Evotte.
« Et le même jour, environ cinq heures du soir, sur la place de l'Egalité de Cétte ville, où se devait mettre à exécution ledit jugement, ledit Philippe-Joseph Maire y étant arrivé, nous, greffier susdit, lui avons et au public présent donné de rechef lecture, à haute et intelligible voix, de ladite sentence, et ledit Maire nous ayaut dit qu'il avait une déclaration essentielle pour la République française à faire à ses juges, sur quoi nous l'avons fait conduire au corps de garde nommé l'Au bette, pour sa déclaration y être reçue, lesdits jour, an et heure que dessus.
« Signé : Evotte.
« Ledit jour, environ cinq heures du soir, par-devant nous, membres de la commission militaire du conseil de guerre, étant au corps de garde nommé l'Aubette, a été amené Philippe-Joseph Maire, lequel nous a dit qu'avant de subir l'exécution de son jugement, il désirait nous faire la déclaration suivante, savoir. : qu'aussitôt après l'évacuation de Verdun, il avait connaissance que le roi de Prusse avait payé aux émigrés un mois au delà de leurs appointements, qu'il avait entendu dire dans les bureaux des princes, où il travaillait, que toutes les puissances se coalisaient ensemble pour, au printemps prGj chain, prendre la France et se la partager ; qui est tout ce qu'il avait à nous déclarer,- laquelle
déclaration nous avons reçue pour servir et valoir ce qu'au cas appartiendra.
« Fait lesdits jour et heure que dessus.
« Signé : Prilly, Ragel et ÊvOTTE, greffier. »
«Et de suite ladite sentence a été mise à exécution par l'exécuteur des jugements, de la manière voulue par la loi.
« A MetZjL lesdits jour, mois et an que dessus.
« Signé : EVOTTE.
« Pour copie collationnée conforme à la minute: « Signé : Evotte, greffier. »
Extrait des minutes du greffe de la commission militaire établie à Metz (1),
« Du er de la République française.
« Vu par le conseil de guerre assemblé à Metz par ordre du citoyen Kellermann, lieutenant général commandant en chef l'armée du Centre, Tes deux actes qui désignent le nommé Pierre-Fran- Sois-Ghrétien-Charles d'Andilly, originaire de àncy, comme s'étant émigré et pour sa déclaration s'étant absenté depuis le mois de décembre dernier, après avoir donné lecture audit d'Andilly desdites deux pièces, lui avoir fait prêter un interrogatoire verbal et l'avoir entendu dans ses dires, et après l'avoir fait retirer :
« Tout vu et considéré,
« Le conseil de guerre a reconnu que Pierre, François-Ghrétien-Charles d'Andilly est coupable du crime d'avoir émigré de la France et d'avoir passé et séjourné dans le pays étranger et ennemi; conséquemment, qu'il est dans le cas prévu par l'article 1er de la loi du 9 octobre dernier ; en conséquence, a déclaré et déclare que la loi l'a condamné et le condamne à la mort.
« Fait au conseil de guerre tenu à Metz, le deux novembre mil sept cent quatre-vingt-douze.
« Signés : Prilly, maréchal de camp, président; Bagel, colonel commandant des carabiniers; cerizial, lieutenant-colonel adjoint à Vétat-major ; bégui-net, capitaine des grenadiers du 2e bataillon de la Haute-Marne; Capella, adjudant-major au 71e régiment, et, Evotte, greffier.
« Et cejourd'hui, deuxième novembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l'an Ier de la République française deuxheuresde relevée, nous, soussigné, greffier delà commission militaire, nous sommes transporté dans les prisons civiles de cette ville où, étant, nous avons fait paraître devant nous Pierre-François-Chrétien-Charles d'Andilly, dénommé dans la sentence ci-dessus, auquel accusé présent nous avons fait lecture de ladite sentence rendue contre lui.
« Fait à Metz, les jour et an que dessus.
« Signé : Evotte.
« Et le même jour, environ cinq heures du soir, sur la place de l'Egalité
de cette ville, où devait être mise à exécution la sentence d'autre
part, ledit Pierre - François - Chrétien - Charles d'Andilly, y ayant
été amené; nous, greffier susdit, lui avons et au public présent donné
derechef lecture de ladite sentence, à haute et
« A Metz, lesdits jour, mois et an que dessus.
« Signé : Evotte.
« Pour copie collationnée conforme à la minute: « Signé : Evotte, greffier. »
, au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'affaire du citoyen d'Hillerin, accusé de prévarication dans l'exercice de ses fonctions de chef d'un des bureaux du département de la guerre (1); il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez renvoyé à votre comité de la guerre l'examen de la lettre du citoyen d'Hillerin, accusé de prévarication dans l'exercice de ses fonctions de chef d'un des bureaux du département de la guerre. En sa qualité de chef, le citoyen d'Hillerin a été destitué, comme responsable de la prévarication commise; mais rien ne prouve qu'il eu soit personnellement coupable, aucun renseignement n'existe contre lui, et le comité a pensé que le citoyen d'Hillerin ne pouvait rester longtemps victime d'une inculpation qui ne porte pas directement sur lui, et qu'il doit reprendre la place de commissaire des guerres dont il jouissait antérieurement.
En conséquence, votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de la guerre, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande du citoyen d'Hillerin, contre lequel aucun chef d'accusation n'est justifié. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité d'instruction publique, fait un rapport(2) et présente un projet de décret (2) sur une réclamation de la commune de Luçon relativement à son collège; il s'exprime ainsi :
La commune de Luçon, département de la Vendée, possède un établissement d'enseignement considérable. Les évêques, qui voulaient donner à tout ce qui les entourait la livrée de leurs préjugés et de leur despotisme religieux, avaient donné à cet établissement le nom de séminaire, quoiqu'il se composât de toutes les classes, de tous les exercices ordinaires aux grands collèges.
Cet établissement a des' revenus dont une partie est affectée à des bourses ou pensions franches, pour venir au secours de quelques citoyens peu fortunés.
Ces bourses étaient indifféremment appliquées aux jeunes gens qui voulaient se livrer aux études civiles et à ceux qui préféraient les études théologiques.
Un des bienfaits de la Révolution pour cette commune a été l'expulsion des fanatiques qui professaient dans ce collège, et leur remplacement par des amis de la raison et de la patrie.
La municipalité, en faisant cette réforme, a disposé des pensions franches en faveur de
I'eunes gens qui se sont livrés aux études civiles. 1 n'a point été
question de théologie pendant une année entière.
La municipalité de Luçon voit, au contraire, dans ces fondations, des propriétés publiques qui doivent, suivant leur destination constante, être appliquées à l'instruction publique, de la manière qui sera, prescrite par le plan que va tracer la Convention nationale.
Ce plan aura pour objet de former des citoyens et non des prêtres. C'est donc entrer dans l'esprit de la République française que d'appliquer ces fondations, ainsi que les revenus de cet établissement, aux seules études civiles, qui sont les seules qu'on entende y suivre désormais.
Ce collège, le plus considérable du département, a tous les maîtres qui lui sont nécessaires; il n'a point cessé d'être en exercice. Ses bâtiments vastes et solides, et son enclos attenant, offrent tous les avantages qui peuvent le rendre susceptible de devenir un établissement national dans le système général de l'instruction publique. Il mérite donc d'être conservé.
Votre décision, citoyens, va alimenter ou un séminaire peu nécessaire ou un collège qui peut servir encore utilement, jusqu'à ce que vous lui donniez une autre existence.
Votre comité d'instruction publique vous propose le décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique sur une réclamation de la municipalité de Luçon,
« Décrète que les revenus et fondations attachés à son collège, connu sous le nom impropre de séminaire, continueront de lui être appliqués pour l'enseignement, sous la surveillance des corps administratifs, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné par la Convention nationale. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Je viens, au nom du comité des pétitions, proposer à la Convention d'ordonner que la tribune à la droite du Président sera réservée aux commis qui travaillent à la rédaction du Bulletin national.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer à la Convention nationale des exemplaires du traité passé entre la Compagnie Masson et le citoyen Servan, son prédécesseur, pour les fournitures des chevaux de peloton, charriots de transports et forges de campagne, pour le service des armées.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de l'examen des comptes.)
Citoyens, voici le résultat du scrutin public pour la nomination des membres et suppléants du comité dé liquidation.
Ont été nommés membres :.
Les citoyens, Buzot,
Boissy-d'Anglas, Gourdan, Anthoine, Richard (Sarthe), Dupont (Jacob),
Sont nommés suppléants, ûevérité, Dugué-d'Assé,
Voulland, Laurent (d'Auvillars),
Les citoyens, Baudin,
Jean^Bon-Saint-André,
Grenot,
Bonnet,
Dupuis.
Obelin, Pottier,
Chaumont, Poultier,
Poulain-Routancourt, Sallèles,
Beauchamp, Fiquet.
, secrétaire, reprend la lecture des lettres adressées à l'Assemblée :
1° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui demande que la Convention nationale détermine le mode de casernement de la gendarmerie nommée par les départements pour remplacer celle qui a reçu l'ordre de se transporter aux frontières.
(La Convention renvoie la lettre au comité militaire.)
2° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, rappelle l'attention de l'Assemblée, sur les pertes éprouvées par les habitants de Voncq, district de Vouzières, département des Ardennes.
(La Convention renvoie la lettre au comité des secours.)
3° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui adresse à la Convention copie d'une de ses lettres, relative au décret qui le charge de rendre compte des obstacles qu'il aurait pu éprouver dans l'arrestation, des fabri-cateurs de faux assignats.
(La Convention renvoie les deux lettres au comité de sûreté générale.)
4° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer une pétition du citoyen Destanson, premier lieutenant-colonel du 20e régiment de cavalerie.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
5° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui adresse à la Convention plusieurs questions relatives aux émigrés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
6° Lettre de Garat, ministre de la justice, qui envoie des observations relatives à la fixation d'une indemnité pour les jurés.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
7° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui rend compte des mesures qu'il a prises pour accélérer le départ des gendarmes du département des Bouches-du-Rhône; celte lettre est ainsi conçue:
Paris, le er de la République.
« Citoyen Président (1),
« Un décret de la Convention nationale, en renvoyant au ministre de la
guerre l'adresse des gendarmes du département des Bouches-du-Rhône (2)
le charge de lui rendre compte des mesures prises pour accélérer son
départ. Je m'empresse de vous prévenir que dans les rassemblements qui
se sont formés à Versailles et à Fontainebleau, déjà deux divisions ont
été organisées conformément à ce que prescrit la loi du 21 août, et que
toutes les deux sont présente-
« Je suis avec respect,
Citoyen Président, « Le ministre de la guerre, « Signé : PACHE. »
8° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui écrit que les administrateurs du département de l'Orne l'informent qu'une foule de demandes en secours est formée par les femmes et les enfants des citoyens qui se dévouent à la défense de la patrie.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des secours.)
9° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui écrit que les officiers municipaux de Marseille ont sollicité de lui une avance de quinze cents mille livres, pour faire face aux approvisionnements des grains; il ajoute que le département des Rouches-du-Rnône forme, en outre, une demande d'un million; celte lettre est ainsi conçue:
Paris, le er de la République française.
« Monsieur le Président, (1)
« Les officiers municipaux de Marseille, aussitôt qu'ils ont eu connaissance du décret du 4 septembre dernier qui a mis 12 millions à ma disposition pour faire acheter des grains chez l'étranger, et pour donner des secours aux départements suivant les localités, ont sollicité une avance de quinze cent mille livres sur ce fonds pour faire face aux approvisionnements de grains nécessaires pour cette ville.
« Cette demande a été appuyée par les administrateurs des Bouches-du-Rhône qui eux-mêmes en ont fait une autre d'un million pour subvenir aux besoins des subsistances dans le surplus de leur arrondissement.
« Je crois devoir, par ma lettre du 26 septembre dernier, faire connaître à la Convention nationale que les dispositions que j'avais déjà faites sur le fonds de 12 millions ne me permettaient pas d'accorder au département des Bouches-au-Rhône les deux millions cinq cent mille livres qu'il demandait; et que, d'ailleurs cette somme me paraissait si considérable, que je ne pouvais me dispenser de supplier l'Assemblée de me faire connaître sa détermination pour que je pusse l'éxécuter.
« J'ai attendu jusqu'à présent sa décision sur cet objet ; mais de
nouvelles sollicitations que je reçois de la municipalité de Marseille
me mettent dans l'obligation de le lui rappeler. Je renouvelle'donc, en
ce moment, la demande que j'ai déjà faite à la Convention nationale
d'une autorisation particulière pour délivrer au dépar-
« Le ministre de l'intérieur,
« Signé : roland.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui transmet à la Convention la lettre qu'il a reçue de l'Anglais David Williams, en réponse à celle qu'il lui avait écrite pour lui envoyer le décret e l'Assemblée législative, lui conférant le titre et les droits de citoyen français.
Suit la teneur de ces deux lettres :
Paris, er de la République.
« Citoyen Président, (1)
« J'ai l'honneur de vous faire passer la lettre que j'ai reçue de l'Anglais David Williams, en réponse à celle que je lui avait écrite, en lui envoyant le décret de l'Assemblée législative qui lui accordait le titre et les droits de citoyen français. Nouveau monument de l'admiration de tous les peuples de l'Europe pour notre Révolution, cette lettre devient encore un présage de la gloire et du bonheur qui nous sont réservés de les y faire participer un jour.
« Signé : Roland.
Paris, le er de la République française.
Traduction de la lettre de David Williams, à
M. Roland, ministre de l'intérieur.
« Monsieur (2),
« M. Rensard, secrétaire de légation, m'a remis votre lettre à laquelle était joint le décret de l'Assemblée législative qui m'accorde la qualité de citoyen frauçais.
« Quoique convaincu de l'honneur qu'on m'a fait, quoique je sente toute la force des motifs qui ont porté les représentants d'une grande nation à accorder ce titre précieux, la faveur particulière que je viens de recevoir ne pouvait cependant rien ajouter à l'ardeur des désirs et des espérances que je nourris depuis longtemps dans mon âme, et qui n'ont pour objet que de voir s'achever et s'établir une Constitution française à laquelle seront probablement liés les intérêts et le bonheur de tout le genre humain.
c 11 n'est pas étonnant que le premier essai qu'on a fait n'ait pas entièrement réussi. 11 aura du moins servi à développer des principes et des vues qui ont alarmé le despotisme et ses agents d'un bout de l'univers à l'autre.
Tous les amis de l'ordre, de l'humanité, et de cette justice parfaite
qui est le but principal de tous les travaux politiques, ont maintenant
les yeux entièrement fixés sur la Convention nationale de France. La
coalition des tyrans d'Europe est déjouée. Les obstacles que pouvaient
lui opposer la royauté et l'aristocratie héréditaire
« Je saisis avec plaisir cette occasion de vous témoigner, Monsieur, la haute idée que votre conduite politique m'a fait concevoir de vos principes, et l'estime avec laquelle je suis votre concitoyen et ami.
« Signé : David Williams. »
Londres, le
Le même secrétaire donne lecture des tro's lettres suivantes :
1° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui demande que la Convention détermine comment la Savoie sera traitée relativement au régime des douanes françaises ; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le er de la République.
« Monsieur le Président (1),
« Il s'élève la question de savoir comment la Savoie sera traitée relativement au régime des douanes françaises. Le département de l'Isère a déjà déclaré libre et exempt de droits les subsistances, les boissons, et les bestiaux expédiés à cette deslination. Je croirais qu'il ne devrait y avoir d'exempt que ce qui concernerait l'armée de la République. Mais il n'appartient qu'à la Convention nationale de déterminer la conduite que les préposés des douanes doivent tenir à cet égard ; tant que la Savoie n'aura pas été réunie à l'Empire et que des barrières n'auront pas été placées entre elles et l'ennemi, il pourrait résulter de grands inconvénients d'une liberté entière de circulation de la France avec cette contrée. Je vous prie de soumettre cet objet à la considération de la Convention nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, « Le ministre des contributions publiques, « Signé : Clavière. »
(La Convention renvoie la lettre aux comités diplomatique, de commerce et des finances réunis.)
2° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui fait part à la Convention nationale d'une réclamation de plusieurs citoyens de la ville de Brest, relativement à l'article 20 de la loi du 14 juin 1792, sur l'organisation de l'artillerie et de l'infanterie de la marine; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 10 novembre 1792, l'an Ier de la République.
« Citoyen Président (2),
« L'inspecteur général de l'artillerie de la marine Dubouchage me rend
compte que plusieurs citoyens de la ville de Brest réclament contre
l'article 20 de la loi du 14 juin relative à l'organisation de
l'artillerie et de l'infanterie de la marine qui fixe à vingt-quatre ans
le maximum de l'âge auquel les citoyens seront admis au concours pour la
nomination au dernier tiers
« Les uns, élèves ingénieurs des bâtiments civils, ne sont pas trouvés susceptibles par leur ancienneté d'être employés dans la nouvelle organisation de l'administration des ports ; d'autres ayant navigué comme volontaires sur les bâtiments de l'Etat, n'ont pu produire le temps de navigation prescrit pour être admis au grade d'enseigne lors de la formation de la marine militaire; les uns et les autres ont consacré leur jeunesse et leur fortune à acquérir des connaissances dans la vue de se vouer au service de la République; la justice et le bien du service paraissent intéresser au succès-de cette demande.
« Je suis avec respect, citoyen président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Le minisire de la marine, « Signé : MONGE. »
(La Convention renvoie cette réclamation au comité de la marine.)
3° Lettre de M. Roland, misistre de l'intérieur, pour demander à la Convention de décider que la République étendra la loi concernant l'émigration sur les biens que les émigrés possèdent dans la Belgique ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le er de la République.
« Citoyen Président (1),
« La Belgique sera bientôt délivrée des ennemis de la République, et les lois françaises pourront y recevoir leur exécution. Celle qu'il est le plus important d'exécuter est la loi qui a déclaré propriétés nationales tous les biens que possédait le ci-devant clergé de France. De grandes propriétés de cette espèce sont situées dans la Relgique, mais nos lois n'avaient pu y être exécutées parce que l'empereur Léopold, par son ordonnance du 14 septembre 1791, les avait mis en séquestre. Cet obstacle est devenu illusoire, grâce a la valeur des troupes de la République; mais je n'ai pas cru devoir autoriser les corps administratifs des frontières à prendre l'administration de ces biens, sans une décision de la Convention nationale. L'objet est d'une importance à mériter son attention et à provoquer la plus prompte sollicitude. Il en est un second sur lequel je vous prie, Monsieur le Pré? sident, de consulter également la Convention nationale. La-République étendra-t-elle la loi concernant l'émigration sur les biens que les émigrés possèdent dans la Belgique? Les corps administratifs les feront-ils séquestrer et régir au profit de la nation ? Quoique mon opinion soit pour l'affirmative, je dois consulter et attendre la décision de la Convention. Ce qu'elle déterminera pour la Belgique servira de règle pour les autres pays qui sont actuellement au pouvoir de la France.
« Signé: Roland. »
Plusieurs membres demandent le renvoi de cette lettre au comité diplomatique.
Je viens m'opposer au renvoi. Ces
J'insiste pour le renvoi. Selon moi, la conquête de la Relgique ne nous donne pas le droit de nous emparer ae ces biens; je crois que ce serait un outrage à la souveraineté des Belges, et j'ajoute que ce n'est qu'en respectant leurs droits que nous serons fondés à réclamer les nôtres.
Si ces propriétés ne nous appartenaient pas, leur invasion déshonorerait nos armes; si même quelques débats pouvaient s'élever sur la nature de ces propriétés, nous devrions attendre que le peuple belge pût prononcer sur nos intérêts et sur les siens ; mais personne ne peut nous contester les biens que l'Assemblé Constituante a reconnu appartenir à la France.
appuie ces observations etdeman-de un ordre du jour, motive sur la loi qui confie l'administration des biens dont il s'agit, aux administrations les plus voisines et dans l'administration desquelles se trouvent placés les chefs-lieux des dits biens.
(de Douai). Je demande la division. En d'autres termes, je propose que ce qui a rapport aux biens appartenant aux émigrés soit renvoyé au Comité diplomatique, et l'ordre du jour sur l'objet relatif à l'aliénation des biens ecclésiastiques, motivé sur l'existence de la loi du 5 novembre 1790, quidoitavoir une pleine et entière exécution.
(La Convention adopte l'une et l'autre proposition.)
Cette question en appelle une autre sur laquelle je prie la Convention de se prononcer. Les émigrés ont aussi des biens en Belgique, devons-nous entrer en possession de ces biens?
(La Convention renvoie la question aux comités réunis de législation, diplomatique et des finances, avec mission de donner au plus tôt leur avis sur cet objet.)
Je demande encore le renvoi au comité de l'aliénation des domaines nationaux la difficulté qui s'élève sur la question desavoir quels biens administreront les administrations limitrophes et quelle sera entre eux la règle de compétence.
(La Convention ordonne le renvoi.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner à la caisse de l'extraordinaire de Verser à la Trésorerie nationale une somme de 116,742,447 livres; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoirentendu le rapport de son comité des finances sur le tableau des recettes et dépenses ordinaires et extraordinaires, faites par la Trésorerie nationale dans le courant du mois d'octobre dernier, fourni par les commissaires de ladite Trésorerie, décrète ;
Art. 1er.
« Il sera versé à la Trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire la somme de 22,717,771 livres, pour différence entre les recettes du mois d'octobre dernier et l'estimation
des dépenses ordinaires pour le même mois : fixées par le décret du 18 février 1791, qui a été proposé pour 1792.
Art. 2.
« La caisse de l'extraordinaire versera pareillement à la trésorerie nationale: 1° 2,968,7i9 livres pour les dépenses extraordinaires et particulières de 1791, acquittées par la trésorerie nationale dans le courant du mois de septembre dernier; 2° 89,115,976 livres pour les dépenses extraordinaires de 1792, acquittées aussi dans le même mois; 3° enfin, 1,939,951 livres pour avancesfaites aux départements pendant le même mois. »
Vous avez créé 400 millions d'assignats, dont une partie est destinée à fournir aux besoins extraordinaires de la Trésorerie nationale, et ces besoins extraordinaires ne peuvent être que fort considérables, quand on observe que sur les 300 millions de contributions foncière et mobilière de 1792, formant à peu près la moitié du revenu de la République, il n'en est pas rentré au Trésor national un million au 1er novembre 1792 ; quand on considère que l'on a mis à peine en recouvrement les rôles de quelques districts pour cette même année; quand on considère de plus que sur les 300 millions de contributions foncière et mobilière de 1791, il n'est rentré jusqu'à ce jour qu'environ 124 millions; quand on considère enfin que toutes les branches du revenu annuel de la République sont loin de fournir pour ces années les sommes présumées. Voilà des faits auxquels on ne donne malheureusement pas assez d'attention. Je conviens bien que la Convention nationale ne peut pas encore s'occupér d'un nouveau système de finances, puisque en effet, ce nouveau système doit être adapté à l'organisation définitive delà République.Mais je soutiens que son organisation provisoire exige impérieusement que vous ne différiez pas un instant à lui assurer un revenu annuel qui puisse couvrir les dépenses annuelles, et à le lui assurer d'une manière plus positive que par celle que vous avez employée dans votre décret du 21 septembre, et tout autrement encore qu'il ne l'a été depuis 1789 jusqu'à ce moment. La création des 400 millions d'assignats assure dès à présent, sans doute, les moyens de satisfaire aux dépenses qu'exigent les mesures à prendre contre les efforts des ennemis de la République ; mais ses amis doivent désirer et désirent en effet que ses moyens ne soient pas atténués, et cependant ils seraient fortement atténués si les nouvelles créations d'assignats devaient constamment suppléer au déficit des recettes ordinaires. Votre intention est sans doute de consacrer uniquement l'emploi de ces capitaux à leur véritable destination. Votre intention, en un mot, est de frayer aux dépenses courantes, annuelles et fixes, avec un revenu annuel et fixe.
En effet, quelque forme que l'universalité du peuple souverain donne définitivement à l'organisation de la République, sans craindre d'avoir pour ennemis irréconciliables les habitants de telle ville ou de telle section, quelle que forme provisoire qu'ait cette organisation, on aura toujours à pourvoir annuellement, en temps de paix, comme en temps de guerre, à l'entretien d'une force publique, etàdes dépenses d'administration conformément à la déclaration des droits, à moins qu'on ne voulût dissoudre le corps so-
cial et politique, et nous renvoyer dans les fç>rêts d'où sortirent nos pères il y a quelques siècles ce qui, sans doute, n'est pas le vœu du peuple ni le vôtre. On aura toujours à pourvoir aux besoins journaliers d'une classe nombreuse de citoyens, puisque la nature a laissé au législateur le soin de réparer les injustices qu'elle a commises envers l'humanité, en jetant 1 homme sur cette terre, ne voulant pas que la somme des forces humaines, physiques et morales, fût répartie également entre tous les individus de la même société; on aura toujours à pourvoir au paiement annuel des intérêts des différentes parties de la dette légitimée par un nouvel examen.
On aura toujours à pourvoir, et vous avez à pourvoir à l'instant (car tout retard sur ce point est un délit) à la dépense nécessitée pour l'instruction de la génération qui commence, et de la génération actuelle : puisque c'est le seul moyen de délivrer l'espèce humaine par l'exemple que la République en donnera, de l'influence ae cette multitude de tyrans subalternes connus sous le nom de prêtres, après l'avoir délivrée par l'exemple qu'elle en a donné de cette autre horde de tyrans connus sous le nom de rois.
Il est impossible qu'on ne convienne pas que toutes les dépenses fixes et annuelles dont je viens de parler doivent être enfin couvertes par des recettes égales, par un revenu annuel et fixe. Aussi, quand je considère les lenteurs de l'Assemblée constituante, l'insouciance et l'apathie de l'Assemblée législative contre lesquelles j'ai souvent déclamé à cette tribune; l'insouciance et l'apathie de nombre de corps administratifs et municipaux, ainsi que d'un grand nombre de citoyens a assurer à la République ce revenu fixe et annuel ; quand je vois que depuis 1789 on n'a cessé de prendre sur les capitaux, et qu'en créant 400 millions d'assignats on a reconnu encore la nécessité de prendre sur ces capitaux pour frayer aux dépenses fixes ; et quand je calcule l'effet terrible que pourrait avoir dans un temps donné une pareille conduite ; effet tel que la République, après avoir consommé ses capitaux, ses ressources, se trouverait avec un déficit égal ou plus considérable que celui qui a provoqué la Révolution de 1789 ; effet tel que la République tomberait alors dans un état convul-sif, dont il est impossible de prévoir les suites funestes, je ne dirai pas seulement pour sa prospérité, mais pour son existence ; quand enfin je pressens à la marche peu assurée de la Convention nationale sur les objets de cette importance qu'elle se propose aussi ae vivre au jour le jour, de prendre sur les capitaux pour les dépenses fixes et annuelles, j'éprouve un sentiment pénible que je voudrais pouvoir communiquer à tous les citoyens français ; et j'en tire ce résultat, c'est qu'une République aussi étendue que la République française, ne pouvant pas être florissante sans revenu public, tous les départements, toutes les communes, tous les citoyens doivent s'empresser à le lui assurer.
J'ajoute encore qu'il est sage et prudent de ne toucher au mode établi de contributions qu'avec une extrême circonspection ; que par cette raison les contributions de 1793 doivent être les mêmes qu'en 1792, et que la Convention nationale doit s'empresser plutôt aujourd'hui que demain de le décréter, de tracer ainsi à son comité de financés la marche qu'il a à suivre et de le charger de présenter ses vues sur les. projets de loi suivants à jour fixe.
propose différents projets de décrets relatifs à la répartition et à l'amélioration des revenus publics.)
, rapporteur. Il sera peut-être essentiel d'entrer dans quelques détails sur l'opinion de Jacob Dupont. 11 s'est constamment occupé des contributions pendant le cours de l'Assemblée législative. Nous étions tous deux membres du comité des finances, et j'ai partagé ses opinions sur cette matière. J'observerai que l'Assemblée ne viendrait jamais à bout de pourvoir, par les impositions, aux besoins extraordinaires. Ils se sont montés à 198 millions le mois dernier et à 138 millions pour celui-ci. Or, si nous imposions 138 millions, cela ferait un capital de 1,500 millions. Dans le temps du despotisme, il n'est jamais venu dans 1 idée des tyrans de faire la guerre avec des impôts. lis faisaient des emprunts. Ici, nous faisons de grandes dépenses pour faire une guerre qui doit donner la liberté à toute l'Europe et assurer le bonheur des générations futures. Dans l'état de 1793, vous distinguerez les dépenses ordinaires auxquelles vous pourrez pourvoir par des contributions, et les dépenses extraordinaires auxquelles vous pourvoirez en aliénant des capitaux. En revenant à l'opinion du préopinant, nous devons regretter que l'établissement des impositions n'ait pas produit ce qu'en attendait l'Assemblée constituante. Nous avons à regretter que l'impôt des patentes n'ait pas été perçu, et davantage à regretter qu'il ait été ordonné, parce qu'il porte sur le peuple. Nous avons à regretter que la contribution mobilière, si belle pour qui sait l'algèbre, mais si difficile pour des officiers municipaux qui savent à peine lire, ait aussi été établie. Nous devons donc veiller à ce que les dépenses soient le moins considérables qu'il se pourra et en retrancher tout ce qui n'est pas de service public.
Votre comité des finances, qui ne perd pas une minute, qui s'assemble tous les jours, a porté un œil attentif sur beaucoup de dépenses. Il a arrêté hier au soir de vous proposer la suppression de l'impôt mobilier, de l'impôt des patentes, et la diminution de 40 millions sur l'impôt foncier. {Vifs applaudissements.) Votre comité ne s'est pas dissimulé que cette nouvelle serait reçue avec enthousiasme ; mais en même temps il a dû être économe; et, en supprimant la recette, il a dû supprimer une partie de la dépense. Nous avons calculé la suppression de ces impôts, j'ose le dire, immoraux. Il faut dire au peuple : Il est une dépense énorme, une que personne ne croira, une qui coûte 100 millions à la République. (Nouveaux applaudissements.) Ayant à nous occuper de l'état des impositions de 1793, nous dévions vous proposer cette question : si les croyants doivent payer leur culte. (Applaudissements.) Cette dépense pour 1793, qui .coûterait 100 millions, ne peut être passée sous silence, parce que la Trésorerie nationale ne pourrait la payer. Il faudrait donc que le comité .des finances eût l'impudeur de venir demander le sang du peuple pour payer des fonctions non publiques. Votre comité a regardé cette question sous tous les points de vue. Il s'est demandé : Qu'est-ce que la Convention? Ce sont des mandataires qui viennent stipuler pour tout ce que la société entière ne pourrait stipuler elle-même. Us ne doivent point fixer des traitements, lorsque chacun y peut mettre directement la quotité. Alors il s'est ait : Faisons l'application des vrais principes qui veulent que celui qui travaille, soit payé de son
travail, mais payé par ceux qui l'emploient. (Nouveaux applaudissements.) Si cette question eût été présentée isolée à la Convention, on dirait : Voyez ces financiers, ils ne cherchent qu'à sup- primer; mais lorsque nous dirons au peuple : ous te diminuons 124 millions, et vous, laboureurs, qui payez 100 livres de contribution mobilière; vous cabaretiers, qui payiez 300, 400 livres de patente, si vous avez confiance dans cet ecclésiastique, qui a bien servi la Révolution, eh bien! vous ne serez plus soumis à un corps électoral. Au lieu de lui donner 12 ou 1,500 livres, vous lui donnerez 3 ou 4,000 livres. (Vifs applaudissements.)
Ainsi, citoyens, au lieu de 300 millions, vous n'en aurez que 200 à imposer. Il ne faudra pas tant de moyens coercitifs. Avant 8 jours le rapport sera prêt ; ce rapport si désiré est attendu, l'ose le dire,, de tous les prêtres et de tous les Français. Mais, en attendant, il faut pourvoir aux besoins de la Trésorerie nationale. Au lieu de 198 millions de dépense dans le mois dernier, vous n'avez pour celui-ci que 138 millions. Vous n'avez que 28 millions de recette. Il faut donc un versement de 116 millions. Je demande donc vous décrétiez ce versement ordinaire, et que vous accordiez la parole au comité des finances lorsque son travail sera prêt. (Applaudissements.)
(La Convention adopte le projet de. décret présenté par Cambon et passe à l'ordre du jour sur les propositions de Jacob Dupont.)
Je demande la fixation à lundi prochain du rapport du comité des finances.
(Là Convention fixe au lundi suivant l'audition de ce rapport.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui annonce à la Convention qu'une somme de 600 livres a été dépensée par une section de Paris pour faire une excavation sous le dôme des Invalides, sous prétexte d'en retirer des armes qu'on avait dit y être cachées. Le ministère observe que rien d'utile n'est résulté de cette fouille, et qu'au contraire elle a influé sur la solidité de cet édifice national, au point qu'il est extrêmement instant de réparer les dégradations qui ont été commises. Le ministre demande à la Convention de décider aux frais de qui les réparations doivent être faites.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances, pour lui faire un rapport le lendemain.)
Benjamin Jacob, chargé de l'approvisionnement de l'armée du Midi, est traduit a la barre.
lui fait lecture du décret qui prononce sa traduction à la barre, et l'invite à présenter ses moyens de défense.
Benjamin Jacob s'exprime ainsi : C'est aux soldats que j'ai fourni, c'est à eux que je m'en rapporte ; mais lorsque je me chargeai des fournitures de l'armée, je devais la trouver campée, et tout au Contraire, lorsque je me rendis sur les lieux pour voir, par moi-même, si le service était assuré, l'armée était dispersée à 120 lieues à la ronde, de manière que, pour pourvoir à son approvisionnement, je fus forcé de faire des transports qui m'ont énormément coûté. J'observe, d'ailleurs, à la Convention, qui pourra s'en assurer auprès des bureaux de la guerre, que j'ai eu, tout récemment, pour l'armée du Bas-Rhin, à l'adjudication pour 44 sous la livre le lard salé ; j'ai fait auparavant un autre marché où le lard me coûtait 37 sous la livre, tandis que celui de l'armée du Midi n'était que de
34 sous. J'atteste d'ailleurs que le ministre Ser-van avait reconnu que je perdais dans l'entreprise et en avait fait part au général Montesquiou, qui ne voulut pas même se charger du marché et écrivit aux commissaires de l'Assemblée nationale qui le ratifièrent. Personne n'ignore d'ailleurs que pour transporter de Lyon à Briançon un quintal de marchandises, il en coûte à présent 18 livres, et que ces frais énormes augmentent la valeur des objets. Si les chevaux ont paru cher à 30 louis, je demande s'il n'y a pas très longtemps que pour l'armée de Keller-mann, on a donné 25 louis de chaque cheval, encore avec étapes, et moi je les ai fournis avec le harnachement et sans avoir l'avantage des étapes. Mais je m'en rapporte aux soldats; ils diront comment je les ai servis et s'ils sont contents. D'ailleurs, lorsqu'il faut fournir précipitamment tout est plus cher ; c'est une vérité dont on ne peut disconvenir.
Je dépose sur le bureau les certificats les plusau-thentiques, attestant que mes fournitures étaient toutes de bonne qualité; j'attends avec confiance et sans crainte le verdict de la Convention.
Le ministre de la guerre vient de m'écrire que le lard salé vaut en assignats sur les ports 10 sous au lieu de 37 sous, dont moitié en espèces. Tous les autres marchés sont dans la même proportion. Vous avez voulu que Vincent parût à la barre pour découvrir, par la confrontation,quelle coalition il pourrait y avoir. Benjamin Jacob fait parade d*un certificat de l'armée sur ce qu'il a fourni de bonnes marchandises ; mais a des prix excessifs, il n'est pas difficile d'en fournir, et de pareils certificats ne sont pas non plus difficiles à obtenir. Je demande donc que Benjamin garde Paris jusqu'à ce que Vincent soit présent. Plusieurs membres : En arrestation. Benjamin Jacob, reprenant la parole : Citoyens, je ne suis pas responsable des dilapidations commises par le général Montesquiou. Peu m'importe s'il est sorti des principes. {Murmures.) Faites-vous représenter les marchés de Phalsbourg, de Lille et plusieurs autres endroits où le lard aété, passé à 37 sous la livre. D'ailleurs, je suis fournisseur; le général avait le droit de traiter avec moi, ou il ne l'avait pas; s'il en.avàit le droit, c'est à moi à remplir mes engagements, maisle marché fait, tant-pis pour lui; s'il n'en a pas le droit, pourquoi traitait-il avec moi? J'avais un dédit; si je ne l'avais pas payé, on m'y eût forcé; il fallait remplir mes promesses, je l'ai fait; la nation n'a plus rien à me demander. (Murmures prolongés.)
Que Benjamin passe au comité de surveillance, il dira quels sont les pots-de-vin qu'il a déboursés.
Il est indécent que l'on expose ici un marché usuraire.
Un membre : Un marchand vend sa marchandise le plus qu'il peut (Murmures.)
J'ai des faits à exposer entre les fournisseurs et les généraux; je les produirai au comité.
Les scellés sont apposés sur les papiers de Benjamin, nous découvrirons
plus tard s'il n'a pas été le prête-nom de quelques géné-
Je demande que la Convention renvoie Benjamin Jacob par-devant les comités réunis des finances, de la guerre et âe sûreté généralepour y être entendu, et ordonne qu'il restera, en attendant, en état d'arrestation.
(La Convention décrète la proposition de Tallien.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de décret du comité de législation (1), sur le jugement du ci-deoant roi et la forme d'y procédér.
Je donne la parole à Pétion de Villeneuve, qui l'a demandée pour une motion d'ordre.
Citoyens, j'ai demandé la parole pour une motion d'ordre, et je n'en abuserai pas pour entrer dans le fond de la question.-^ Dans une affaire aussi solennelle, votre intention est certainement de prendre une marche imposante, de discuter, de décider avec maturité. Mon opinion n'est pas équivoque sur le dogme stupide de l'inviolabilité, puisque je l'ai combattu à cette tribune lorsqu il était presque une superstition. Mais nous devons traiter cette question séparée de toutes les autres questions qui se présentent avec elle. Nous deyons, je le répète, la traiter avec solennité. J'ai entendu avec surprise demander, dans la dernière séance, que l'on décrétât de suite que le roi était jugeable. Il est important de prouver, la loi à la main, qu'il ne peut invoquer la loi. Il est inutile d'examiner le mode de jugement, avant de savoir s'il peut être jugé; il est inutile d'examiner la peine avant d'avoir décrété les deux premières questions. Je demande donc que, sans divaguer, on traite simplement cette question : Le roi peut-il être jugé? (Applaudissements.)
(La Convention décrète la proposition de Pétion de Villeneuve.)
Je demande à mon tour à formuler une autre proposition. Citoyens, il n'est pas douteux que cette grande affaire politique intéresse toute l'Europe; j'estime qu'il est du devoir de la Convention de lui faire connaître les motifs qui auront déterminé son jugement. Je demande que tous les discours qui seront prononcés sur le procès de Louis XVI, soient imprimés et répandus dans la République.
(La Convention décrète la proposition de Barère de Vieuzac.)
Citoyens, la discussion est ouverte ; la parole est au citoyen Morisson.
Citoyens (2), lorsque nous avons à traiter une question de la plus
grande importance, une question qui tient essentiellement à la politique
et aux principes de la justice distri-butive, nous ne devons prendre une
détermination qu'après la discussion la plus approfondie; et si, parmi
les orateurs, il en est un qui présente une opinion contraire à celles
du plus grand nombre, c'est précisément l'orateur que nous devons
écouter avec plus d'attention. L'erreur
J invoque, citoyens, ces vérités en ma faveur : mon opinion parait isolée; elle se trouve en opposition avec celles du plus grand nombre; mais ici mon devoir a dû faire taire mon amour-propre; ici la nature même de la discussion peut rendre utiles jusqu'à mes erreurs. Je vous prie donc, au nom de la patrie, de m'écouter en silence, quelque choquantes que puissent vous vous paraître quelques-unes de mes réflexions.
Citoyens, je sens, comme voust mon âme pénétrée de la plus forte indignation, lorsque je rassemble dans mon esprit les crimes, les perfidies, les atrocités dont Louis XVI. s'est rendu coupable. La première de toutes mes affections, la plus naturelle, sans doute, est de voir cé monstre sanguinaire expier ses forfaits dans les plus cruels tourments. Il les a tous mérités, je le sais : mais à cette tribune, représentant d'un peuple libre, représentant d'un peuple qui ne cherche son bonheur, sa prospérité, que dans les actes de justice, dans les actes a'humanité, de générosité, de bienfaisance, parce qu'ils ne sont que là, je dois renoncer à moi-même pour n'écouter que les conseils de la raison, pour ne consulter que l'esprit et les dispositions de nos lois, pour ne chercher que l'intérêt de mes concitoyens, objet unique, sans doute, vers lequel doit tendre la totalité de nos délibérations.
Votre comité de législation, dont j'ai l'avantage d'être membre, s est proposé la discussion des questions suivantes :
Le roi est-il jugeable? Par qui doit-il être jugé? De quelle manière peut-il être jugé? Et moi, citoyens, sans m'écarter de l'objet principal que nous discutons dans ce moment, je vous présenterai une autre série de questions, dont a première seule se trouve au nombre de celles qui vous ont été proposées par votre comité.
Louis XVI peut-il être jugé? L'intérêt de la République est-il qu'il soit jugé?
N'avons-nous pas le droit de prendre, à son égard, des mesures de sûreté générale? Enfin, quelles doivent être ces mesures? Je discuterai successivement ces différentes questions; et si la Convention les décide dans mon sens, il en résultera la question préalable contre le projet du comité, et l'adoption des mesures que je propose; c'est dans l'ordre de la discussion générale l'objet de ma demande.
Louis XVI peut-il être jugé? Citoyens, je traite cette question au milieu d'un peuple qui exerce sans cohtrainte la plénitude de sa souveraineté; je n'ai point ici l'intention de contester ses droits, je saurai toujours les respecter : mais ces droits ont des limites; des limites d'autant plus sacrées, que c'est la nature elle-même qui les posa pour notre bonheur, pour le bonheur du genre umain tout entier.
Citoyens, nous naissons tous susceptibles de diverses affections, qui agissent sans cesse sur nous, et très souvent en sens contraire. Nous serions dans une agitation continuelle, et toujours malheureux, si nous n'avions pas le pouvoir de résister à quelques-unes de ces affections, et de nous livrer par préférence àxselles qui nous conduisent plus sûrement vers notre félicité.
Nous avons ce pouvoir ; mais, pour l'exercer, il faut quelquefois nous combattre nous-mêmes, et prendre le temps de calculer avant d'agir.
Ce qui est vrai pour un individu est vrai pour une nation tout entière. Pour prendre une déter-
mination quelconque, il ne suffit pas de consulter son pouvoir, il faut quelquefois résister aux affections les plus naturelles, et suspendre son action pour calculer quelles en seraient les conséquences. Moyennant ces légères précautions, notre jugement a toujours un régulateur fidèle ; les actes qui tiennent à la bienfaisance, nous conduisent ordinairement vers le bonheur particulier; ceux qui tiennent à la justice sont les seules qui puissent opérer la gloire et la prospérité des nations.
Ainsi, le peuple souverain n'a d'autre règle que sa volonté suprême; mais oomme il ne peut vouloir la diriger que vers sa prospérité, et qu'il n'est rien d'utile pour lui que ce qui est juste; ses droits, ses pouvoirs ont nécessairement pour limites les devoirs que lui impose sa propre justice.
Citoyens, c'est d'après ces principes que je dois examiner si Louis XVI peut être jugé.
Je sais bien que les rois, dans le sens de leur institution, n'étaient que les délégués du peuple; que leurs fonctions, leurs devoirs étaient de mire exécuter la volonté générale, et de la diriger vers la prospérité publique, par tous les moyens dont ils pouvaient disposer; et que celui d'entre eux qui était coupable de trahison ou de quel-qu'autre crime, était véritablement responsable; je le sais, parce que, dans leur association primitive, les hommes n'ont pu chercher que leur avantage réciproque, et qu'il était sans doute de l'intérêt de tous de punir les traîtres et les méchants.
Mais ce droit de juger les rois, qui est imprescriptible parce qu'il tient essentiellement à la souveraineté des peuples, est cependant suscep-tiblede recevoir des modifications dans la manière de l'exercer.
Une nation, par exemple, peut établir, par un article précis ae son contrat social» que, quoiqu'elle ait le droit imprescriptible de prononcer des peines aussitôt l existence d'un délit, et la conviction du coupable, l'accusé ne sera jugé, ne sera condamné que lorsqu'il existera antérieurement à son crime une loi positive qui puisse lui être appliquée.
Ainsi, depuis longtemps, les Anglais, nos voisins, ont acquitté leurs criminels clans tous les cas qui n'avaient pas été prévus par une loi positive,
Ainsi, depuis l'institution des jurés parmi nous, le plus grand dès scélérats serait acquitté, s'il n'existait point dans notre Code pénal une loi positive qui pût lui être appliquée.
Je dirai plus, et c'est une conséquence de mes principes : une nation, par superstition, par ignorance, ou par des raisons d'intérêt bien ou mal réfléchies, peut déclarer qu'un magistrat quelconque sera inviolable, qu'il né pourra être accusé pendant l'exercice de sa magistrature, et que s'il commet des crimes, la seule peine à prononcer contre lui sera sa déchéance.
Cependant, je dois convenir ici qu'une telle déclaration ne peut lier le peuplé qu autant qu'il a la volonté de la mettre à exécution ; prétendre le contraire, ce serait contester sa souveraineté» et je le répète, je n'en ai pas eu l'intention; mais lorsqu'une nation s'est fait une loi, quoiqu'elle soit mauvaise, quoiqu'elle ait le droit de la changer à sa volonté, cependant la loi qu'elle lui substitue, ne peut avoir un effet rétroactif, et la loi changée doit avoir son exécution pour tous les cas arrivés pendant qu'elle existait encore. On ne saurait ici me contester cette vérité,
sans blesser les premiers principes de la justice, principes sacrés pour toutes lés nations policées, méconnus des tyrans seuls.
je reviens maintenant à Louis XVI : d'après nos institutions, pour pouvoir le juger il faut qu'il y ait une loi positive préexistante, qui puisse lui être appliquée.
Mais cette loi n existe point.
Le Code pénal, qui a dérogé à toutes les lois criminelles qui lui sont antérieures, prononce la peine de mort contre ceux qui trahissent la patrie.
Louis XVI a bien évidemment trahi sa patrie; il s'est rendu coupable de la perfidie la plus affreuse j il s'est lâchement parjuré plusieurs fols ; il avait formé le projet de pous asservir sous le joug du despotisme ; il a soulevé contre nous une partie de l'Europe ; il a livré nos places et les propriétés de nos frères; il a sacrifié nos généreux défenseurs; il a cherché partout à établir l'anarchie et ses désordres ; il a fait passer le numéraire de la France aux ennemis qui s'étaient armés, qui s'étaient coalisés contre elle; il a fait égorger des milliers de citoyens qui n'avaient commis d'autre crime à son égard que celui d'aimer la liberté et leur patrie; le sang de ces malheureuses victimes fume encore autour de cette enceinte ; elles appellent tous les Français à les venger. Màis ici nous somiftes religieusement soiis l'empire de la loi; comme des juges impassibles, nous consultons froidement notre Code pénal ; eh bien, cè Code pénal ne contient aucune disposition qui puisse être appliquée à Louis XVI; puisqu'au temps de ses crimes il existait une loi positive qui portait une exception en sa faveur ; je veux parler de la Constitution.
J'ouvre, citoyens, cet ouvrage sans doute informe et déraisonnable, cet ouvrage contradictoire avec les premiers principes de l'ordre social, mais qui gouvernait encore lorsque les crimes dont nous gémissons ont été commis parmi nous; l'y trouve ces articles :
« La personne du roi est inviolable et sacrée.
« Si lé roi se met à la tête d'une armée et en dirige les forces contre la nation» ou s'il ne s'oppose pas par un acte formel à une telle entreprise qui s'exécuterait en son nom, il sera censé avoir abdiqué la royauté-
« Après l'abdication expresse ou légale, le roi sera dans la classe des citoyens, et il oourra être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication ».
La personne du roi est Inviolable et sacrée.
L'inviolabilité, vous a-t-on dit, n'était que pour l'intérêt du peuple, et non pour favoriser le roi.
Sans doute, le motif de l'inviolabilité était l'intérêt du peuple; cet intérêt est l'objet unique de toutes les institutions sociales : mais le roi y trouvait son avantage personnel» de même que tous les magistrats trouvent au moins quelques avantages dans l'exercice des fonctions qui leur sont confiées; me nier cette vérité, ce serait contester la proposition la plus évidente.
Le roi, dît-on encore, n'était inviolable que par la Constitution; la Constitution n'existe plus, son inviolabilité a cessé avec elle.
Citoyens, je dois ici vous rappeler Une vérité très utile à propager, vérité sans laquelle nous serions plongés déjà dans toutes les horreurs de l'anarchie ; cette vérité est que les lois qui n'ont point été abrogées par d'autres lois postérieures, existent encore dans touté leur force,
et que chaque citoyen est essentiellement obligé de les respecter, pour son bonheur, pour le bonheur de tous.
Ce qui est vrai pour les lois en général, est vrai pour là Constitution; elle subsiste toujours pour tout ce qui n'a pas été anéanti par des lois postérieures ou par des faits positifs, tels que la suppression de la royauté et l'établissement de la République.
Cependant je veux bien ici convenir gratuitement que la Constitution n'existe plus; mais je demande si une loi qui existait au temps d'un délit, et qui eh déterminait la peine, ne doit plus être prise en considération si elle est détruite à l'epoque où l'on s'occupe de la punition de ce même délit?
Je ne crois pas qu'un homme qui connaît les premiers principes de l'équité, ose ici me répondre l'affirmative.
Quoi ! me dit-on, Louis XV! a violé continuellement la Constitution, il a cherché, par tous les moyens possibles, à la détruire, et avec elle la liberté qui devait en être une conséquence, et vous voudriez qu'aujourd'hui il pût se prévaloir de cette même Constitution qu'il n'a jamais sincèrement adoptée !
Oui, citoyens, je le veux ; sans le consentement du roi la Constitution était la loi de mon pays; elle était loi parce que le peuple, lé souverain }ui avait donné une adhésion générale ; parce qu'il avait juré de la maintenir jusqu'à ce que, par l'exercice de sa souveraineté, il eût fait d'autres lois plus conformes à son amour pour la liberté et l'égalité.
Oui, si j'ai violé les lois de mon pays, si elles n'ont jamais eu mon approbation, je dois néanmoins subir les peines qu'elles prononcent contre moi; et? si elles contiennent quelques dispositions qui me soient favorables, j'ai le droit d'ert demander l'exécution, de la demander au souverain lui-même, qui n'a pas le droit de me là refuser, parce que c'est sa volonté suprême qui a fait mon droit; volonté qu'il ne peut changer que pour l'avenir.
Heureusement ces maximes sont incontestables; heureusement pour nous 11 n'est pas un jour sans que nous les mettions en pratique.
La Constitution enfin, me dit-on, ne prononçait l'inviolabilité que pour les actes qui tenaient essentiellement à la royauté, et pour lesquels les ministres étaient responsables.
Citoyens, écoutez ici mes réflexions; j'espère que vous les adopterez-
Le roi n'était, pour ainsi dire, que le chef de son conseil; tout s'y faisait en son nom; mais il né répondait de rien, parce que les ministres, ses agents subalternes, étaient responsables chacun dans la partie qui le concernait.
Ainsi il n'y avait aucune peine contre lui pour tout ce qui tenait à l'exercice du pouvoir exécutif, parce que, je l'ai dit, pour cet objet il y avait des agents responsables.
Mais il pouvait commettre des crimes qui étaient essentiellement indépendants de sa qualité de premier fonctionnaire public; il pouvait, comme chacun des autres citoyens,' se coaliser avec les ennemis de la patrie, leur fournir des secours, leUr envoyer le numéraire de la France; il pouvait lui-même se mettre à la tête d'une armée» faire égorger les citoyens; il pouvait, en un mot, comme un autre particulier méchant et corrompu, commettre tous lés attentats dont il s'est rendu coupable-
Dans cette supposition, le peuple souverain,
qui peut toujours dispenser la justice à son gré, n'a pas voulu qu'il restât impuni, n'a pas voulu qu'il conservât son inviolabilité; parce que pour ces crimes il n'avait plus aucun agent responsable ; parce qu'il ne restait pour la société aucun garant qui pût l'indemniser, ou lui donner une satisfaction quelconque.
Mais en prononçant d7une manière bien positive cette volonté suprême, il a déterminé la peine qui lui serait infligée, et cette peine est seulement la déchéance; peine qu'il a jugée peut-être plus rigoureuse pour un despote que toutes celles que contient notre Gode pénal.
Si maintenant il existait encore quelques doutes sur ces vérités, je peux les détruire bien facilement par le texte même de la .Constitution. Le voici :
» Après l'abdication expresse ou légale, le roi sera dans ^la classe des citoyens et pourra être accusé et jugé comme eux pour les actes postérieurs à son abdication ». Pour les actes postérieurs à son abdication; il ne peut donc être jugé pour les actes antérieurs à son abdication? Cette proposition est évidente.
Citoyens, c'était alors la volonté du souve-rain ; il faut que nous sachions lui poTter un respect religieux.
On me dit, nous ne pouvons nous dispenser de juger Louis XVI, parce que notre mission nous le prescrit impérieusement.
Vous vous trompez, citoyens, vous n'avez point maintenant la mission de juger Louis XVI. J'en appelle ici au témoignage de ma conscience ; j'en appelle à tous mes collègues de la législature, à tous les citoyens de la République.;
Louis XVI allait nous accabler sous le poids de ses perfidies ; la liberté dont nous étions dépositaires, allait peut-être s'échapper de nos mains, si le trône ae Louis XVI eût existé un instant déplus. Nous» devions le renverser ; mais là... nos pouvoirs n'existait nt plus; et si le salut du peuple fut un instant notre loi suprême; si cette loi, la première de toutes, nous imposait des devoirs, en même temps qu'elle nous donnait des droits, nous avons dû nous arrêter là où nous avions pris les mesures nécessaires pour la sûreté générale et pour le maintien de notre liberté.
Nos pouvoirs n'existaient plus, parce qu'ils ne pouvaient plus s'exercer dans Tordre de leur constitution. Mais Louis XVI s'était couvert de crimes et de perfidies ; il avait mille fois mérité la déchéance, qui était la peine déterminée contre lui par la Constitution : il fallait la prononcer d'une manière légale ét régulière ; je le répète, nos pouvoirs n'existaient plus; nous n'avions donc qu'un parti à prendre: c'était l'appel au peuple, c'était la provocation d'une Convention nationale ; nous avons fait cet appel, la Convention nationale a été formée ; et elle a été formée pour prononcer sur cette déchéance, pour faire* une nouvelle Constitution, pour faire aes lois réglementaires; enfin, pour conduire, pendant sa session, les rênes du gouvernement de la manière la plus avantageuse possible.
La Convention nationale devait donc com -mencer par prononcer sur la déchéance de Louis XVI; mais convaincue avec raison qu'il ne peut exister de liberté, de prospérité publique, la où il existe des rois, elle a prononcé 1 abolition de la royauté : dès lors, la déchéance a été prononcée de droit; dès lors, il n'existe plus de rois ; «t, je l'espère bien, jamais, non, jamais ils ne souilleront la terre de la République française.
Je sais bien que la suppression de la royauté, l'établissement de la République, ne sont point un jugement positif contre Louis XVI, ne sont point une peine prononcée particulièrement contre lui; le peuple souverain peut, quand il le veut, changer la forme de son gouvernement, il peut détrôner ses rois lors même qu'ils ne sont pas coupables; mais ici la Convention nationale, chargée de décider la question de savoir si Louis XVI avait encouru la déchéance, n'a plus rien à prononcer, lorsque, par le fait, cette déchéance se trouve véritablement opérée, et qu'elle était la seule peine déterminée pour les crimes éommis pendant l'existence de sa royauté.
Mais la Convention nationale aurait-elle encore la mission de juger Louis XVI, je soutiens qu'elle ne pourrait la remplir, parce qu'un jugement, dans l'ordre social, n'est que l'application d'une loi positive préexistante, parce qu'il n'existe point de loi positive qui puisse être appliquée à louis XVI, point de peine maintenant qui puisse être prononcée contre lui. Je crois avoir démontré ces diverses propositions.
Il n'est point de loi qui puisse être appliquée à Louis XVI.
On m'a répondu : les lois imprescriptibles de la nature. Louis XVI est l'ennemi déclaré de la nation, les rois le sont du genre humain; ce sont des bêtes féroces qu'il faut détruire quand on le peut, pour l'intérêt de la société, pour l'intérêt de l'humanité tout entière.
Citoyens, suspendez ici votre jugement; les lois de la nature, je les respecterai toujours, elles sont la base sacrée de tous nos droits; mais comme dans l'ordre social, ees droits ne peuvent s'exercer que par une espèce de relation réciproque, il a fallu leur marquer des limites pour éviter une opposition destructive, pour que chaque individu pût exercer les siens dans la plus grande latitude possible; et ces limites, c'est la loi positive, la loi seule qui les a fixées.
J'ose ici le soutenir ; vous ne pouvez vous mettre au-dessus de ces lois positives sans détruire les liens essentiels de la société, sans vous avilir aux yeux de toutes les nations de l'Europe, sans donner vous-mêmes à la République entière une première leçon d'anarchie, un premier exemple de désordre général, exemple bien terrible dans ses conséquences, mais si contraire à vos propres principes, que je peux dire que vous n'avez pas même le pouvoir ae le donner.
Si un roi féroce, me dit-on, avait assassiné ma femme ou mon fils, j'aurais sans douté le droit de l'assassiner à mon tour?
Oui, au moment du crime, parce qu'alors vous suivriez l'impulsion d'une affection trop vive, pour qu'il fût possible dans l'instant de lui résister.
Mais si l'assassin de votre femme, de votre fils, avait été pris par les émissaires de la justice; s'il était sous la sauvegarde de la loi; s'il s'était passé plusieurs jours depuis le moment de votre première affection, croyez-vous que vous pourriez aller l'assassiner à votre tour ? Non...; si vous le faisiez, vous seriez criminel vous-même.
Eh bien* cette vérité peut encore s'appliquer à Louis XVI. Si, le 10 août, j'avais trouvé Louis XVI, le poignard à la main, couvert du sang de mes frères; si j'avais su ce jour-là, d'une manière bién positive, que c'était lui qui avait donné l'ordre d'égorger les citoyens, j'aurais été moi-même l'arracher à la vie et à ses
forfaits ; mon droit à cette action était dans la nature, dans mes principes, dans mon cœur ; personne n'aurait osé me le contester.
Mais il s'est passé plusieurs mois depuis cetle scène horrible, depuis les derniers actes de sa trahison et de ses perfidies; il est maintenant à notre entière disposition ; il est sans armes, sans moyen de défense; nous sommes Français; c'est en dire sans doute assez pour que nous devions écarter de notre cœur les impulsions d'une trop juste vengeance, et n'écouter que la voix de la raison. Eh bien, la raison nous conduit tout naturellement sous l'empire de la loi; mais je l'ai dit, je le dis encore à regret, la loi reste muette à l'aspect du coupable, malgré l'énormité de ses forfaits.
Louis XVI maintenant ne peut tomber que sous le glaive de la loi ; la loi ne prononce rien à son égard; par conséquent nous ne pouvons le juger.
Mais la République française a-t-elle donc un si grand intérêt à ce que Louis XVI soit jugé ?
Citoyens, permettez que je vous rappelle dans ce moment l'amour, l'enthousiasme au Français pour la liberté, l'énergie des peuples libres, les moyens sans cesse renaissants d'une nation agricole; et sans doute, quel que soit le sort de Louis XVI, jamais, non jamais, il ne pourra nous asservir.
Lorsque Louis XVI était fort de notre puissance; lorsqu'il tenait pour ainsi dire notre force enchaînée par le pouvoir qu'il avait d'en disposer à son gré; lorsque tous les despotes de l'Europe s'étaient coalisés pour l'intérêt de sa cause; lorsque l'esprit public n'avait fait encore que de faibles progrès, Louis XVI a vu le sceptre de la tyrannie se briser entre ses mains; et vous croiriez, représentants, qu'il serait encore à craindre, lorsqu'il n'est plus dans une position aussi favorable pour lui, aussi dangereuse pour nous ; lorsque les despotes ses défenseurs fuient à grands pas devant nos généreux guerriers : lorsque le jour de la liberté précède partout nos armées victorieuses; lors enfin que les peuples nos voisins seront bientôt nos imitateurs et nos amis! Oui, citoyens, une telle crainte serait pusillanime; elle serait injurieuse aux Français ; elle le serait à la totalité du genre humain.
Et si nous pouvions crainlre encore le joug du despotisme, croyez-vous que la mort de Louis XVI pourrait nous en garantir? N'a-t-il pas un fils, des frères, des parents qui succéderaient à ses prétentions, et-qui auraient, pour nous asservir, généralement tous les moyens que l'on pourrait supposer à Louis XVI? Une tête coupée, il s'en présenterait une autre à sa place, et notre position serait toujours la même.
L'Angleterre fit tomber sur un échafaud la tête du criminel Charles Stuard, et l'Angleterre se vit encore sous la dépendance d'un roi ; Rome, au contraire, plus généreuse, ne fit que chasser les Tarquins, et Rome a joui pendant longtemps du bonheur d'être en République.
Nous n'avons donc aucun intérêt à juger Louis XVI; c'était la seconde proposition que j'avais à vous démontrer, et sans doute j'ai rempli mon objet.
Mais n'avons-nous pas le droit de prendre à son égard des mesures de sûreté générale ?
Louis XVI est certainement notre ennemi ; nous l'avons surpris dans les trames de la plus noire
trahison ; il était contre nous, les armes à la main: nous l'avons attaqué et vaincu; nous avons brisé le talisman de sa puissance; nous l'avons fait captif, et maintenant il est entre nos mains, à notre entière disposition.
Citoyens, c'est ici que nous pouvons ouvrir le code des nations, que nous pouvons consulter le droit de la guerre; nous y verrons d'une manière très claire, très positive, que nous pouvons regarder Louis XVI comme le prix de la victoire, le tenir à jamais captif parmi nous, le chasser de notre territoire, ou mettre un prix à sa rançon, si ses partisans ont l'intention de le réclamer.
Voici nos droits, citoyens ; voyons maintenant quel est le parti que nous devons prendre.
Nous pouvons le retenir captif parmi nous; mais calculons quels sont les inconvénients que présente cette mesure. Louis XVI, dans sa captivité, pourrait encore se faire des partisans; il est des hommes qui n'ont pu s'élever à la hauteur de la Révolution, qui sont assez faibles, assez ignorants pour aimer la royauté et les rois ; il est des factieux qui profiteraient de cette faiblesse, de cette ignorance, pour répandre encore l'anarchie et le désordre ; qui chercheraient par ces moyens funestes à détruire la liberté, à s'élever sur ses ruines, en sacrifiant même jusqu'au mannequin qu'ils auraient fait encenser.
De telles entreprises, sans doute, ne seraient pas couronnées de succès ; l'exemple du passé peut ici nous répondre de l'avenir : mais les factions sont une maladie des sociétés, et surtout des républiques ; il faut que nous sachions les prévenir.
11 est vrai qu'en prenant ce parti on pourrait nous payer pour Louis XVI une rançon très considérable ; j'ai ouï-dire même, au comité de surveillance, qu'on nous le payerait 100 millions : mais lorsqu'il s'agit d'un acte de sûreté générale , les Français sont trop puissants pour s'arrêter par la considération de leurs finances.
Citoyens, la mesure la plus conforme à nos principes, à notre intérêt, à notre générosité, serait, à mon avis, de le chasser de notre territoire, de lui laisser le pouvoir entier d'aller chez toutes les puissances de l'Europe solliciter personnellement des secours contre nous, y porter ses remords ou la rage impuissante que lui cause cette défaite.
Il apprendrait au moins par son exemple, à tous les peuples du monde, cette double vérité : que les rois n'ont de puissance que par l'ignorance des peuples, et que les peuples deviennent libres aussitôt qu'ils ont formé la résolution de le devenir.
Dans tous les cas, notre position serait toujours la même, puisque nous aurons nécessairement pour ennemis tous les despotes, ou au moins tous ceux qui auront le courage ou le pouvoir de se déclarer contre nous ; je dis plus, nous y trouverions un avantage certain, en ce que Louis XVI serait pour nos ennemis une charge sous tous les rapports.
C'est en prenant cette mesure, citoyens, que nous éviterons de faire une procédure monstrueuse, qui durera beaucoup trop longtemps et qui peut avoir des suites très fâcheuses. C'est en prenant cette mesure que nous serons sûrs, d'avoir une approbation générale, et de l'avoir méritée par l'accomplissement de nos devoirs : c'est en la prenant enfin que nous serons véritablement grands, véritablement dignes 'd'être les
représentants d'un peuple qui veut pour toujours être libre et généreux (J),
Ën conséquence, je demande la question préalable sur le projet du comité, et je propose le décret suivant :
« La Convention nationale, considérant que joug du despotisme; qu' soulevé à cet effet contre elle une partie de l'Europe; qu'il a fait passer le numéraire de ia France aux ennemis mêmes qui s'étaient armés «t coalisés contre elle: qu'il a fait égorger, par des ordres précis, plusieurs milliers de citoyens qui n'avaient commis d'autres crimes à son égard que d'aimer la liberté ét leur patrie;
« Considérant qu'il serait peut-être d'une justice rigoureuse de faire expier a Louis XVI sur un écnafaud la Peine due à ses forfaits; mais que si la nation française veut bien encore lui faire grâce, elle a le droit incontestable de le tenir captif comme un ennemi vaincu et pris les armes à la main, elle peut également le chasser de son territoire comme un i homme méchant, dangereux, indigne de participer aux avantages de son coptrat social ;
«Considérant qu'une neine, quoique juste dans son application, ne doit être infligée que lorsqu'elle peut servir à l'intérêt de la société; que la mort de Louis XVI ne peut être d'aucune utilité publique; que les français sont trop puissants, et par leurs prinpipes et par les ressources infinies de leur territoire, pour qpe Louis XVI et toUs tés despotes du monde puissent jamais les asservir-,
« Considérant enfin qu'il est dans le cœur de tous les Français d'être généreux, même avec leurs ennemis les plus cruels, décrète ce qui suit:
Art. 1er
« Louié! XVI est banni à perpétuité dti territoire de la République française.
Art. 2.
« Si, après son expulsion de la France, Louis XVI fehtre sur son territoire, il sera puni de mort. Il est enjoint, dàtls ce cas, | tous les citoyens dé l'attaquer comme ennemi, et il sera payé une récompensé de 500,000 livrés à celui qui, l'ayant attaqué sur le territoire français, justifiera l'avoir fait périr soUs ses coups.
Art. 3.
« Le présent décret sera envoyé aux diverses puissances de l'Europe avec lesquelles nous con*-servons des relations politiques ou commerciales. »
Le Président. La parole est au citoyen Saint-Just.
Saint-Just. J'entreprends, citoyens (2), de
Le comité de législation, qui vous a parle très sainement de la vaine inviolabilité du rot et des maximes de la justice éternelle, ne vous a point, ce me semble, développé toutes les conséquences de ces principes; en sorte que le projet de décret qu'il vpus a présenté n'en dérive point et perd, pour ainsi dire, leur sève.
L'unique but du comité fut de yous persuader que le roi devait être jugé en simple citoyen; et moi, je dis que le roi doit être jugé en ennemi; que pous avons moins à le juger qu'à le combattre; et que Ji'étant pour rien dans le contrat qui unit les français, les formes delà procédure ne sont point dans la loi civile, mais dans la lqi du droit des gens.
Faute de pes distinctions, on est tombé dans des formes sans principes, qui conduiraient le roi â l'impunité, fixeraient trop longtemps les yeux sur lui ou qui laisseraient sur son jugement une tache de sévérité injuste ou excessive. Je me suis souvent aperçu que dé fausses mesures de prudence, les lenteurs, le recueillement étaient ici de véritables imprudences ; et après celle qui reculé le moment dê nous donner des lois, fa plus funeste serait pelle qui nous ferait temporiser avec le roi. Un jour peut-être, les hommes, aussi éloignés de nos préjugés que nous le sommes de ceux des Vandales, s'étonneront de la barbarie d'un siècle où ce fut quelque chose de religieux que de juger un tyran ; où le peuple, qui eut un tyran à juger» l'éleva au rang de citoyen avant d examiner seg crimes, songea plutôt à ce qu'on dirait de lui, qu'à ce qu'il avait à faire et d'un coupable de la dernière classe de l'humanité, je Veux dire celle des oppresseurs, fit, pour ainsi dire, un martyr de son orgueil.
On s'étonnera un jour qu'au xvme siècle on ait été moins avancé que du temps de César : là, le tyran fut immolé en plein. Sénat, sans autres formalités que trente, coups de poignards, et sans autre loi que fa liberté de Rppie. Et aujourd'hui l'on fait avec respect le procès d'un homme assassin d'un peuple, pris en flagrant délit, 1a main dans le sang, fa main dans le crime!
Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont line République à fonder; ceux qui attachent quelque importance au juste châtiment d'un roi ne fonderont jamais une République. Parmi nous, la finesse des esprits et des caractères est un grand obstacle à la liberté; On embellit toutes les erreurs» et le plus souvent la vérité n'est que la séduction de notre goût.
Votre comité de législation vous en donne un exemple dans le rapport qui vousa été lu. Morisson yous en donne un plus frappant : à ses yeux» fa liberté, la souveraineté des nations sont une chose de fait. On a posé des principes; on a négligé leurs plus naturelles conséquences. Une certaine incertitude s'est montrée depuis le rapport; Chacun rapproche le procès du roi de ses vues particulières: les uns semblent craindre de porter plus tard la peine de leur courage; les autres n'ont point renoncé à la monarchie : ceux- ci craignent un exemple de vertu qui serait un lien d'esprit public et d'unité dans la République; ceux-là n'ont point d'energie. Les querelles, les perfidies, la malice, la colère, qui se
déploient tour à tour, Du sont un frein ingénieux à l'essor de la vigueur combinée dont nous avons besoin, ou sont la marque de l'impuissance de l'esprit humain. Nous devons donc avancer courageusement à notre but ; et si nous voulons une République, y marcher très sérieusement. Nous nous jugeons tous avec sévérité, je dirai même avec fureur ; nous ne songeons qu'à modifier l'énergie du peuple et de la liberté, tandis qu'on accuse à peine l'ennemi commun, et que tout le monde, ou rempli de faiblesse, ou engagé dans le crime, se regardé avant de frappèr le premier coup. Nous cherchons la liberté, et nous nous rendons esclaves l'un de l'autre l Nous cherchons la nature, et nous vivons armés comme des sauvages furieux I Nous voulons la République, l'indépendance et l'unité, et nous nous divisons et nous ménageons un tyran l
Citoyens, si le peuple romain, après 600 ans de vertu et de naine contre les rois; si la Grande-Bretagne, après Gromwell mort, vit re* naître les rois malgré son énergie, que ne doivent pas craindre parmi nous les bons citoyens amis dé la liberté, en voyant la hache trembler dans nos mains et un peuple, dès le premier jour de sa liberté, respecter le souvenir de ses fers ! Quelle République voulez-Vous établir au milieu de nos combats particuliers et de nos faiblesses communes?
On semble chercher une loi qui permette de punir le roi; mais, dans la forme de gouvernement dont nous sortons, s'il y avait un homme • inviolable, il l'était, en partant de ce sens, pour chaque citoyen ; mais de peuple à roi, je ne connais plus de rapport naturel. Il se peut qu'une nation, stipulant les clauses du pacte social, environne ses magistrats d'un caractère capable de faire respecter tous les droits et d'obliger chacun-, mais ce Caractèrè étant au profit du peuple, et sans garantie contre le peuple, l'on ne peut jamais s'armer contre lui d'un caractère qu'il donne et retire à son gré. Les citoyens se lient par le contrat; le souverain ne se lie pas ; ôu le prince n'aurait point de juge et serait un tyran. Ainsij l'inviolabilité de Louis ne s'est point étendue au delà dé son crime et dé l'insurrection : ou si on le jugeait inviolable après, si même on le mettait en question, il en résulterait, citoyens, qu'il n'aurait pu être déchu et qu'il aurait eu la faculté de nous opprimer sous la responsabilité du peuple.
Le pacte est Un contrat entre les citoyens et non point avec le gouvernement : on n'est pour rien dans un contrat où l'on ne s'est point obligé. Gonséquemment, Louis, qui ne s'était pas obligé, ne peut pas être jugé civilement; ce contrat était tellement oppressif qu'il obligeait les citoyens et non le roi t un tel contrat était nécessairement nul, car rien n'est légitime de ce qui manque de sanction dans la morale et dans la nature.
Outre ces motifs, qui tous vous portent à ne juger pas Louis comme citoyen^ mais à le juger cOraihë rébelié, de âiiel droit réclâmerait-il pour être jugé civilement l'engagement que nous avions pris àvép lui, lorsqu il est Clair qu il a violé lé seul quMl avait pris ênvers nous, celui de nous conserver? Quel serait cet acte dernier de la tyrannie, que de prétendre être jugé par des lois qu'il a détruites? Et, citoyens, si nous lui accordions de le juger civilement, c'est-à-dire suivant les lois, c'est-à-dire en
citoyen, à ce titre il nous jugerait, il jugerait le peuple même.
Pour moi, je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou mourir. 11 vous prouvera que tout ce qu'il a fait, il l'a fait pour soutenir lé dépôt qui lui était confié ; car, en engageant avec lui cette discussion, vous ne lui pouvez demander compte de sa malignité cachée : il vohs perdra dans le cercle vicieux que vous tracez vous-mêmes pour l'accuser.
Citoyens, ainsi les peuples opprimés, au nom de leur volonté, s'enchaînent indissolublement par le respect de leur propre orgueil, tandis que la morale et l'utilité devraient être l'unique règle des lois; ainsi, par le prix qu'on met à ses erreurs, on s'amuse a les combattre, au lieu de marcher droit à la vérité.
Quelle procédure, quelle information voulez-vous faire des entreprises et des pernicieux desseins du roi t D'abord, après avoir reconnu qu'il n'était point inviolable pour le souverain, et ensuite lorsque ses crimes sont partout écrits avec le sang du peuple ; lorsque le sang de vos défenseurs a ruisselé, pour ainsi dire, jusqu'à vos pieds, et jusque sur cette image dé Brutus, qu'on ne respecte pas le roi. Il opprima une nation libre ; il se déclara son ennemi ; il abusa des lois ; il doit mourir pour assurer le repos du peuple, puisqu'il était dans ses vues d'accabler le peuple pour assurer le sien. Ne passa-t-il point avant le combat les troupes en revue? Ne prit-il pas la fuite, au lieu de les empêcher de tirer? Que fit-il pour arrêter la fureur de ses soldats? L'on vous propose de le juger civilement, tandis que vous reconnaissez qu'il n'était pas citoyen et qu'au lieu de conserver le peuple, il ne fit que sacrifier le peuple à lui-même.
Je dirai plus : c'est qu'une Constitution acceptée par un roi n'obligeait pas les citoyens ; ils avaient, même avant son crime, le droit de le proscrire et de le chasser. Juger un roi comme un citoyen, ce mot étonnera la postérité froide. Juger, c'est appliquer la loi» Une loi est un rapport de justice : quel rapport de justice y a-t-il donc entre l'humanité et les rois?Qu'y a-t-il de commun entre Louis et le peuple français, pour le ménager après sa trahison?
Il est telle âme généreuse qui dirait, dans un autre temps, que le procès doit être fait à un roi, non point pour les crimes de son administration, mais pour celui d'avoir été roi, car rien au monde ne peut légitimer cette usurpation; et de quelque illusion, de quelques conventions que la royauté s'enveloppe, elle est un crime éternel contre lequel tout homme a le droit de s'élever et de s'armer ; elle est un de ces attentats que l'aveuglement même de,tout un peuple ne saurait justifier : ce peuple est criminel envers la nature par l'exemple qu'il a donné, et tous les hommes tiennent d'elle la mission secrète d'exterminer la domination en tout pays.
On ne peut point tégher innocemment : la folie ert est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. Les rois mêmes traitaient-ils autrement les prétendus usurpateurs de leur autorité? Ne fit-on pas le procès à la mémoire de Gromwell? et, certes, Gromwell n'était pas plutôt usurpateur que Charles 1er; car lorsqu'un peuple est assez lâche pour se laisser dominer par des tyrans, la domination est le droit du premier venu et n'est pas plus sacrée ni plus légitime sur la tête de l'un que sur celle de l'autre.
Voilà les considérations qu'un peuple généreux
et républicain ne doit pas oublier dans le jugement d'un roi.
On nous dit que le roi doit être jugé par un tribunal, comme les autres citoyens... Mais les tribunaux ne sont établis que pour les membres de la cité; et je ne conçois point par quel oubli des principes des institutions sociales un tribunal serait juge entre un roi et le souverain; comment un tribunal aurait la faculté de rendre un maître à la patrie et de l'absoudre, et comment la volonté générale serait citée devant un tribunal.
On vous dira que le jugement sera ratifié par le peuple; mais si le peuple ratifie le jugement, pourquoi ne jugerait-il pas? Si nous ne sentions point tout le laible de ces idées, quelque forme de gouvernement que nous adoptassions, nous serions esclaves; le souverain n'y serait jamais à sa place, ni le magistrat à la sienne, et le peuple serait sans garantie contre l'oppression.
Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n'est point un tribunal judiciaire : c'est un conseil, c'est le peuple, c'est vous; et les lois que nous avons à suivre sont celles du droit des gens. C'est vous qui devez juger Louis, mais vous ne pouvez être à son égard une cour judiciaire, un juré, un accusateur; cette forme civile de jugement le rendrait injuste; et le roi, regardé comme citoyen, ne pourrait être jugé par les mêmes bouches qui l'accusent. Louis est un étranger parmi nous; il n'était pas citoyen avant son crime; il ne pouvait voter, il ne pouvait porter les armes; il l'est encore moins depuis son crime ; et par quel abus de la justice même en feriez-vous un citoyen pour le condamner? Aussitôt qu'un homme est coupable, il sort de la cité; et point du tout, Louis y entrerait par son crime. Je vous dirai plus : c'est que si vous déclariez le roi simple citoyen, vous ne pourriez plus l'atteindre. De quel engagement ae sa part lui parleriez-vous dans le présent ordre des choses?
Citoyens, si vous êtes jaloux que l'Europe admire la justice de votre jugement, tels sont les principes qui le doivent déterminer; et ceux que le comité de législation vous propose seraient précisément un monument d'injustice. Les formes dans le procès sont de l'hypocrisie: on vous jugera selon vos principes.
Je ne perdrai jamais de vue que l'esprit avec lequel ou jugera le roi sera le même que celui avec lequel on établira la République. La théorie de votre jugement sera celle de vos magistratures, et la mesure de votre philosophie dans ce jugement sera aussi la mesure de votre liberté dans la Constitution. .
Je le répète : on ne peut point juger un roi selon les lois du pays, ou plutôt les lois de cité. Le rapporteur vous Ta bien dit; mais cette idée est morte trop tôt dans son âme; il en a perdu le fruit. Il n'y avait rien dans les lois de Numa pour juger Tarquin; rien dans les lois d'Angleterre pour juger Charles 1er ; on les jugea selon le droit Ides gens; on repoussa la force par la force; on repoussa un étranger, un ennemi. Voilà ce qui légitima ces expéditions, et non point de vaines formalités, qui n'ont pour principe que le consentement du citoyen, par le contrat.
On ne me verra jamais opposer ma volonté particulière à la volonté de tous. Je voudrai ce que le peuple français, ou la majorité de ses représentants, voudra; mais comme ma volonté particulière est une portion de la loi qui n'est
point encore faite, je m'explique ici ouvertement.
Il ne suffit pas de dire qu'il est dans l'ordre de la justice éternelle que la souveraineté soit indépendante de la forme actuelle de gouvernement, et d'en tirer cette conséquence que le roi doit être jugé; il faut encore étendre la justice naturelle et le principe de la souveraineté jusqu'à l'esprit même dans lequel il convient ae le juger. Nous n'aurons point de République sans ces distinctions qui mettent toutes les parties de l'ordre social dans leur mouvement naturel, comme la nature crée la vie de la combinaison des éléments.
Tout ce que j'ai dit tend donc à vous prouver que Louis XVI doit être jugé comme un ennemi étranger. J'ajoute qu'il n'est pas nécessaire que son jugement à mort soit soumis à la sanction du peuple; car le peuple peut bien imposer des lois par sa volonté, parce que ces lois importent à son bonheur; mais le peuple même ne pouvant effacer le crime de la tyrannie, le droit des hommes contre la tyrannie est personnel ; et ii n'est pas d'acte de la souveraineté qui puisse obliger véritablement un seul citoyen à lui pardonner.
C'est donc à vous de décider si Louis est l'ennemi du peuple français, s'il est étranger : si votre majorité venait à l'absoudre, ce serait alors que ce jugement devrait être sanctionné par le peuple; car si un seul citoyen ne pouvait être légitimement contraint par un acte de la souveraineté à pardonner au roi, à plus forte raison un acte de magistrature ne serait point obligatoire pour le souverain.
Mais hâtez-vous de juger le roi, car il n'est pas de citoyen qui n'ait sur lui le droit que Brutus avait sur César ; vous ne pourriez pas plutôt punir cette action envers cet étranger, que vous n'avez blâmé la mort de Léopold et de Gustave.
Louis était un autre Catilina; le meurtrier, comme le consul de Rome, jurerait qu'il a sauvé la patrie. Louis a combattu le peuple : il est vaincu. C'est un barbare, c'est un étranger prisonnier de guerre; vous avez vu ses aesseins perfides; vous avez vu son armée; le traître n'était pas le roi des Français, c'était le roi de quelques conjurés. Il faisait des levées secrètes ae troupes, avait des magistrats particuliers ; il regardait les citoyens comme ses esclaves, il avait proscrit secrètement tous les gens de bien et de courage. Il est le meurtrier de la Bastille, de Nancy, du Champ-de-Mars, de Tournay, des Tuileries : quel ennemi, quel étranger nous a fait plus de mal? Il doit être jugé promptement: c'est le conseil de la sagesse et de la saine politique ; c'est une espèce d'ôtage que conservent les fripons. On cherche à remuer la pitié; on achètera bientôt des larmes ; on fera tout pour nous intéresser, pour nous corrompre même. Peuple! si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance ; et tu pourras nous accuser de perfidie.
Je demande la parole. (Murmures.) J'observe que je suis le premier inscrit pour l'inviolabilité et que j'ai des vues différentes à proposer ; on doit m'entendre.
Il existe, en effet, trois listes d'opinants, l'une pour l'inviolabilité, l'autre contre, l'autre sur. Deux orateurs ont déjà parlé pour et contre, la Convention va décider à qui elle désire accorder la priorité.
(La Convention donne la parole au premier orateur qui va parler pour l'inviolabilité.)
La parole est au citoyen Claude Fauchet.
Citoyens (1), la République française, existe; elle triomphe; la royauté est irrévocablement abolie, le ci-devantroi est jugé. Il a mérité plus que la mort. Les vrais principes de l'éternelle justice condamnent le tyran déchu au long supplice de la vie au milieu d'un peuple libre. Dans ces moments où l'indignation inspirée par les grauds et derniers crimes de la tyrannie héréditaire, tient les armes eu feu; dans ces moments où la haine de la royauté, cette peste antique des nations, qui n'a fini pour la France qu'à la minute même où elle voulait en faire un vaste tombeau, bouillonne avec une activité terrible dans les cœurs; représentants du peuple souverain, vous devez un grand exemple à l'univers; c'est celui d'un calme impassible dans le jugement solennel que vous allez porter. Une puissante nation libre ne prononce point dans sa colère sur le sort de son despote renversé; elle s'élève à toute la hauteur de sa sagesse pour le juger avec froideur. 11 y va de la justice du peuple et de la gloire de la patrie.
Nous avons envoyé dans toutes les parties du monde la Déclaration des
droits. On y lit cette maxime fondamentale de la société : «Nul ne peut
être puni qu'en vertu d'une loi . établie et promulguée antérieurement
au délit ». Viole-rons-nous à la face des nations notre pacte social ?
Non, sans doute. On n'oserait pas nous proposer cette infamie. On
suppose donc une loi préexistante qui condamne à une autre peine que la
destitution un roi conspirateur et qui a violé la foi nationale. Mais on
épuiserait en vain l'art des sophismes : cette loi n'existe point dans
notre Code ; il y est dit, au contraire, de la manière la plus formelle,
que les peines portées contre les plus grands crimes dans le Code pénal,
ne sont applicables au roi déchu que pour les délits postérieurs à la
déchéance. On se récrie que cette loi d'exception, qui rendait
inviolable un scélérat sur le trône, était absurde, exécrable ; oui,
citoyens, elle était absurde, exécrable comme la royauté. Donc,
ajoutez-vous, il ne faut y avoir nul égard dans une révolution consommée
qui nous rend la liberté totale. Je conclus, au contraire, qu'il faut y
avoir très attentivement égard, en conservant dans la vie cet homme
criminel qui fut roi, afin qu'il serve longtemps, s'il estpossible, de
vivant témoignage de 1 absurdité, de l'exécration dévolues à
l'institution de la royauté même. Il faut qu'en vertu de cette loi
d'exception, nous puissions dire à tous les peuples : « Voyez-vous cette
espèce d'homme anthropophage qui se faisait un jeu de dévorer la moitié
de la nation pour tyranniser l'autre ? C'était un roi. Il n'y avait
point de loi qui pût atteindre ses crimes ; mais la nature nous venge de
l'ancienne impuissance de notre législation ; elle lui inflige une plus
terrible peine que la mort; elle prolonge son existence dans la publique
liberté; elle le laisse en spectacle à l'univers comme sur un échafaud
d'ignominie, d'où il contemplera dans un sourd désespoir le progrès de
la libération du genre humain. Il verra sans cesse (quel supplice S) les
heureux et
Ici j'invoque, citoyens, cette même justice éternelle de la nature dont les lois sont antérieures à toutes les lois sociales, et qu'on a invoquée avec un avantage qui a paru si sensible, pour soumettre les tyrans, encore plus que les scélérats vulgaires, aux peines capitales prononcées dans les Codes des nations.
Je pourrais vous dire en généralisant les principes : il est souverainement faux que la nature indique, et même qu'elle approuve la peine de mort infligée par les hommes, hors le cas de la légitime et nécessaire défense. Dès que l'aggres-seur qui attente ou à la vie d'un individu ou à celle du corps social est saisi, dès qu'il est renversé, dès qu'il est mis dans l'impuissance de nuire, la nature, l'humanité crient : arrête-toi ; n'égorge pas de sang-froid ton semblable ; il ne peut plus te faire de mal ; tiens-le privé de sa liberté aussi longtemps que tu jugeras sagement qu'il pourrait en abuser encore. Tout nomme est corrigible, même un tyran quand il n'a plus rien à ses ordres : qu'il sente le remords, qu'il pleure ses crimes; qu'il voye la liberté aes autres, qu'il sente qu'il a justement perdu la sienne, et qu'il venge par cet équitable et long supplice, la majorité de la nature qu'il outragea, et la sainteté des lois sociales qu'il osa violer 1 Je me réserve pour l'instant où nous traiterons de la réformation du Code pénal, d'établir que la peine de mort contrairie la nature; que loin d'atteindre le but que la société se propose dans la punition des coupables, elle mit essentiellement à l'intérêt particulier, au bien générai et à l'ordre public. Cette observation préalable suffit du moins pour convaincre tous les bons esprits, que lorsque le Code national écarte expressément de dessus la tête de tel criminel, dans telle circonstance, la hache homicide, il n'appartient qu'à des juges passionnées, injustes et barbares de l'y faire tomber. Mais, il faut magistrats représentants, suprêmes arbitres de la justice républicaine, nous démontrer que, lors même que les peines capitales frappent dans un Code imparfait les assassins et les traîtres, la loi d'exception pour le premier des assassins, pour le traître par excellence, est, sous un rapport supérieur aux combinaisons vulgaires, une loi juste et bien ordonnée. Pourquoi les législations anciennes et modernes, toutes viciées par des cruautés inutiles, ont-elles condamné à mort les nombreux scélérats qui pullulent dans les Ëmpires régis par leurs barbares lois? Par deux motifs : pour effrayer les citoyens par la terreur du supplice des coupables, et pour éviter l'embarras de conserver dans les fers tant de criminels. Ces deux motifs sont illusoires : la longue et pénible existence des scélérats enchaînés et bien autrement propre à inspirer la crainte d'encourir leur sort, que le supplice instantané qui les débarrasse de la vie ; et rien n'est si facile que d'imaginer et d'instituer des ateliers de justice, où les criminels, quel que fût leur nombre, expieraient dans d'utiles et nécessaires travaux, leurs attentats contre l'ordre social. Omettons le développement de cette idée,*qui appartient à une autre question. Je me borne à dire que ces deux motifs qui ont déterminé la législation des peines capitales pour les criminels l'exemple, et là difficulté de retenir les coupables dans les fers, ne sont point
applicables au roi déchu, et que les motifs contraires se montrent avec une force invincible.
En effet, à qui le supplice momentané d'un roi scélérat servira-t-il d'exemple réprimant? Aux citoyens? Ils ne sont pas des rois; ils ne peuvent pas le devenir; ils en ont horreur; la souveraineté de la République, dont ils sont tous les honorables coassociés, fait leur gloire et leur bonheur. A quelques ambitieux insensés qui pourraient prétendre au rétablissement du pou» voir suprême sur leurs têtes impieB? L'idée de terminer leur entreprise insolente par un supplice d'une minute, si le succès manque à leur audace, loin de les réprimer, les encouragera : ce n'est rien que la mort pour des hommes qui ont le génie du crime et qui aspirent au trône. Régner ou périr, cette pensée ne les retient pas ; c'est elle, au contraire, qui les entraîne. La domination peut être longue, la mort [sera courte : marchons à l'empire. Voilà le langage que le supplice bref d'un tyran immolé inspire à son successeur. Mais* non, le tyran est là; il languit dans les chaînes; il y goûte à chaque minute le supplice amer d'une vie rampante et déshonorée; la liberté générale envenime à chaque instant sa juste et honteuse servitude. Je tomberais dans l'enfer de son esclavage, si je Voulais monter à l'ancien pouvoir de son orgueiL Restons à la place d'un républicain ; elle est belle, elle est sublime ; j'ai le génie des grandes entre* prises, je le consacre à ma patrie ; je serai le héros de la liberté; mon bonheur est sûr et ma réputation est sans nuage. Les fers du dernier tyran de son pays ne laissent au citoyen le plus ambitieux d'autre essor vers la Renommée; et cet exemple» loin de le pousser à la domination, l'en écarte pour le précipiter dans la gloire de concourir par d'immortels triomphes à la liberté du genre humain. L'exemple salutaire est donc dans l'avilissement durable et l'enchaînement prolongé du despote infâme qui, par l'avorte-ment de ses crimes, a poussé la nation à la consommation de la liberté. La difficulté de le garder seul sous des grilles impénétrables est nulle, et l'idée qu'un parti d'esclaves séditieux pourrait se rallier à sa personne abominée est fausse. VoUlez-vous que je vous montre le danger, s'il pouvait y en avoir pour un grand peuple aont a souveraineté sentie est devenue le besoin suprême et qui l'a identifiée avec son existence? Tant que la prétention à la royauté reposera sur une tête chargée d'exécrables forfaits, tout rai" liement pour reporter sur le trône l'homme inons^ trueux qui l'a enfoncé, sera comme impossible ou,du moins»peu formidable. Les aristocrateseux-mêmes le meprisent et le détestent; ils lui ihi« putent leur perte et le mauvais succès de leurs vastes et savantes perfidies. Les faibles, les timides, les incertains, cette masse presque inerte qui n'a de mouvement que pour se reposer dans le parti le plus fort» ne verra jamais la force du côté d'un être sans courage, qui ne fait que déranger par des crimes lâches les crimes énergiques des conspirateurs.
Ils se laisseront entraîner par l'énergie de la liberté dominante et se réuniront, par l'effet de la force attractive, à la masse toute-puissante de la souveraineté nationale en action^ Au contraire, faites tomber sur l'échafaud cette tête exécrée, qui est pour les émigrés* pour les tyranB d'Europe et pour les aristocrates internes, tant qu'elle est sur les épaules de Louis, la tête de Méduse : leur espérance renaît» leur audace est ranimée; l'idée de la royauté, replacée sur la
tête d'un jetine innocent, gagne des prosélytes; la stupeur qu'inspirait la criminelle absurdité du père se anange en attendrissement pour l'intéressante innocence du fils ; les âmes énergiques des conspirateurs et }es faibles âmes des bonnes gens (cedl fait nombre) se rallient et s'encou-ragênt. Je le sais, toutes lès conspirations seraient écrasées par la souveraineté nationale, dont le peuple Français ne se départira plus, par cette divine liberté qui doit anéantir toutes les tyrannies de l'univers; mais les troubles momentanés du'ort veut éviter seraient inévitables; fet la faction royale, qu'on ne doit pas avoir à détruire deux fois, nécessiterait encore une large effusion de sang dans la République. Représentants de la France, voulea-vous épargner cette crise à la patrie et cette dernière tragédie & l'humanité ? Gardez le ci-devant roi : son influence est noyée dans le sang qu'il a fait répandre, et son éternelle impuissance est dans l'immortelle horreur que lè traître Inspire à toute la nature.
Je ne ferai pas au comité de législation, au rapporteur et a la nation française l'injure dé combattre l'idée jetée en avant sur le voile pie la liberté étend quelquefois, dit un publicistè cité, sur la sainte image de la justice, comme pour faire entendre que l'innocence même pourrait bien être sacrifiée au repos de la patrie. Lé repos de la patrie dans la justice violéel le repos delà patrie dans uh crime national! le rebos de la patrie dans une sanglante infamie qui ferait horreur à toute la terré 1 (Murmures à l'extrême gauche.)
J'observe que tout signe d'approbation ou d'imprôbatiôr^doit être interdit dans une discussion de cette importance.
Ces Messieurs qui m'interrompent diront sans doute mieux que moi...
Plusieurs membres : Au fait! au faitI
quitte brusquement la tribune (1).
Plusieurs membres observent qu'il importe de ne pas laisser subsister cette apparence de non-liberté, qu'uli mouvement d'impatience de la part d'un ôratéur interrompu jetterait à faux Sur unèt discussion. Ils demandent que Fauchet soit invité à remonter à la tribune.
Veut qu'il soit tenu de terminer son discours.
J'observe que mon ouvrage n'est pas terminé èt que c'est parce que je n'avais plus qu'une phrase à dire que je suis descendu de la tribune.
Plusieurs membrés : Dites-là !
Citoyens, la justice, la sagesse, le courage, voilà ce qui peut assurer le repôs de la patrie. Je conclu* à ce que Louis XVI ne soit pas mis en jugement.
La parole est au Citoyen François Robert.
(1). Assez, et trop longtemps, lés rois ont jugé les nations s le jour
est venu j où lés nations jugeront les rois. Dés nommes encore étonnés
de la journée du 10 août se forçt une haute idée du jugement d'un roi ;
leur étroit
Que ces nommes sont loin de ma pensée! qu'ils sont loin de la vôtre, législateurs du monde 1 Ah! si quelque cho3e est petit dans notre mission ; si les représentants de la République française ont encore à descendre de la hauteur immense où le peuple les a placés pour un instant; si leur mission tout entière n'est pas grande et sublime comme le peuple qui l'a déléguée, n'est-ce pas à cause que nous en sommes réduits, nous représentants d'un peuple, à nous occuper d'un roi : oui, d'un roi, g'est-à-dire d'un tigre, d'un anthropophage, d'un de ces êtres que l'humanité abhorre, que la raison rè* pousse, que la liberté exile à jamais de la terre des vivants?
Quel est celui d'entre nous qui a jamais prononcé le mot de roi sans horreur? Et quelle position est aujourd'hui la nôtre! nous allons juger un roi. Louis XVI, quelque odieux que tu nous sois, ne crois cependant pas que la partialité se fasse place dans nos cœurs; va, lés ion* dateurs de la République sont inaccessibles aux viles passions; et crois, au contraire, que si la justice ne nous commande pas rigoureusement de te frapper, nous sommes assez grands pour désirer que la Convention entière n'ait besoin que de te livrer au mépris.
Ce n'est donc pas en haine des rois que nous allons juger Louis XVI : nous allons le juger par amour pour la justice, par respect pour les prin* cipes et pour donner à l'univers un grand exemple de l'application de cet article de notre première Déclaration des droits : La loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège ou qu'elle punisse,
Si, comme les anciens peuples qui se disaient libres, nous ne voulions la liberté que pour nous; si le français n'était aussi jaloux de sa renommée que dé son bonheur; si de la re nommée du peuple français ne dépendait pas en grande partie le bonheur des autres peuples et le succès de nos armes, vous ne m'entendriez pas mettre en thèse si une nation puissante a le droit de juger celui qui seul a peut-être réuni sur sa tête plus de forfaits que tous leâ rois ses prédécesseurs.
J'emprunterais la voix des victimes qui ont péri le jour de cette fête nuptiale, qui introduisait en France un germe empoisonné de la maison d'Autriche ; j'interrogerais les mânes de ces généreux citoyens qu'on a enchaînés, maltraités, étouffés dans les cachots de la Bastille ; j'exhumerais les corps sanglants de 2,000 habitants du faubourg Saint-Antoine, assassinés dans la trop fameuse affaire de Réveillon; je retracerais à vos yeux les massacres de Ni mes, de Nancy, de Montauban, des colonies, du Champ-de-Mars, et enfin du 10 août ; je vou9 peindrais les cruautés exercées sur notre territoire par les farouches soldats de François il, c'est-à-dire d'Antoinette, c'est-à-dire de Louis XVI; je vous montrerais des monceaux de cadavres, des villes en cendres, des campagnes ravagées ; j'interrogerais le cri plaintif de 50,000 familles désolées* et je vous demanderais si ce bourreau de tant de Français» si celui qui a commis plus de cruautés que Néron» que Dom Pèdrë ; si un
homme au nom de qui, et par qui, et pour qui l'on a égorgé plus d'humains que son existence ne comporte d'heures, de moments: je vous demanderais de quel droit cet être prétendrait au privilège absurde et barbare de se baigner dans le sang de ses semblables» Que dis-je, de ses semblables ! Louis ne ressemble à rien dans la nature, si ce n'est à cette femme* l'exécrable complice de ces crimes.
Non, si nous n'agissions ici que pour nous; si nous n'écoutions que la voix de la justice offensée, de l'humanité outragée, la question qui nous occupe en cet instant n'en serait point une, et déjà vous auriez prononcé que Louis XVI peut être jugé ; mais comme l'œil du monde est fixé sur nous, comme les droits des nations ne sont pas encore généralement connus, comme nous avons à justifier notre conduite aux yeux de l'univers» je vais aussi traiter cette question de compétence nationale et prouver à la postérité que le déclinàtoire proposé par les défenseurs de Louis XVI n'est fondé ni sur les principes éternels de la raison» ni même sur les principes positifs du Gode français.
On dira, on a déjà dit que la Constitution avait déclaré le roi inviolable ; que la déchéance était la seule peine que la nation pût lui infliger ; que cette peine est prononcée, puisque la royauté est abolie; et par conséquent que Louis XVI ne peut être jugé que sur les faits postérieurs à sa déchéance: voilà en peu de mots, et sqUs quelque forme qu'on (e produise, le seul argument en faveur du tyran*
Mais n'est-ce _ point un sophisme puéril ? Quoi! Louis XVI aurait été.déclaré inviolable, c'est-à-dire au-dessus des lois! Quoi! le peuple, en 1789, aurait abattu le despotisme, pour le rétablir sur une base légale! J'ai peine à concevoir ce renversement d idées et ae principes ; cependant les dispositions de l'Acte constitutionnel sont sérieusement invoquées par les défenseurs de Louis XVI : cela suffit pour nous lês faire examiner avec plus d'attention... Oui* je conviens avec eux que le texte de la loi le mettait hors de l'atteinte de toutes les autorités constituées : mais la loi le mettait-elle au-dessus des atteintes de la loi ? Non. Quand on a proclamé Louis XVI inviolable, on a défendu à toutes les autorités qui lui étaient égales ou subordonnées de lui infliger des peines : c'est la nation elle-même qui est censée avoir fait cette proclamation ; mais quel est le politique imbécile qui osera me dire que ]a nation s'était interdit la faculté de le juger d'après ses propres lois ? Ainsi l'exception proposée pour Louis XVI ne peut regarder que les tribunaux ) c'est comme si l'on disait pour lui : je ne peux pas être jugé par la Haute Cour nationale ni par les tribunaux qui la remplacent. Je ne peux pas être jugé par les tribunaux ordinaires ; je ne peux pas être jugé par le tribunal particulier du 10 août..» Mais suit-il de là qu i! ne doit pas être jugé du tout? Cela me paraît absurde, à moins qu'on ne soutienne que le peuple avait délégué sans réserve toutes les portions de sa souveraineté; ce qui serait, à mon sens, une absurdité bien plus grande et bien plus dangereuse. Enfin les tribunaux étaient impuissants contre Louis, mais non la loi; seulement la loi restait pour lui sans organe constitué : il fallait» pour que la loi l'atteignît» il fallait qu'elle parlât pour ainsi dire d'elle-même; et c'est ce qu'elle a fait dans la journée du 10» Un peuple en insurrection est une loi vivante : c'est lui,
c'est donc la loi elle-même qui a prononcé sur le sort de Louis XVI; ce jour, la loi en personne a dit : Tu seras jugé; et il sera jugé.
Mais je vais, par impossible, supposer un instant que la Constitution ait bien effectivement placé Louis XVI à l'abri des atteintes des tribunaux ; je supposerai, si l'on veut, que la Constitution lui ait textuellement dit : « Louis XVI, « je ne suis faite que pour toi : courage ! ras-« sasie-toi de crimes; tu peux impunément « commettre tous ceux que t'inspire ton royal « génie ; va, ne crains rien ; je suis ton égide, « et je réponds de ta vie. » Je fais cette supposition étrange, et je vous demande ensuite si une telle Constitution, si un acte aussi absurde pourrait être invoqué avec quelque fruit par le scélérat qui en aurait fait usage? Vous répondez que non : eh bien ! pourquoi voudriez vous qu'il invoquât avec plus de fruit la Constitution de 1789, 1790 et 1791, interprétée dans le sens de l'inviolabilité absolue, puisqu'une Constitution ainsi interprétée, expliquée, commentée, ne serait, comme la première, ne serait qu'une permission d'assasiner, ou plutôt une invitation au meurtre et au carnage?
Il n'y a pas de contrat sans réciprocité ; un pacte avec un roi est un contrat synallagmatique ; si le roi était inviolable pour la nation, la nation était aussi inviolable pour le roi : or, si le roi a violé les droits de la nation, il a par ce seul fait renoncé à son inviolabilité personnelle ; et comment se fait-il qu'on vienne aujourd'hui la réclamer pour lui ?
Citoyens, ce n'est pas devant vous, qui pensez tous comme moi. que je viens plaider ici la cause de la nation française contre Louis XVI ; je la plaide devant tous les peuples de la terre; je la plaide devant le tribunal du genre humain, devant le tribunal de la postérité qui nous jugera nous-mêmes sans passion, sans admiration... ; oui, sans admiration: j'espère qu'avant deux lustres tous les hommes, animés comme nous par le génie de la liberté, se diront : Et nous aussi, si nous avions formé la Convention nationale de France, nous eussions trouvé qu'il n'y avait rien de plus simple que la liberté ; car la liberté n'est que la vérité.
Peuples de la terre, vous spécialement, Européens, vous plus spécialement encore, nos frères, nos voisins, nos amis, qui avez appelé à vous les armées triomphantes de la République, écoutez l'impartiale discussion sur le sort de Louis XVI. Nos légions ont porté la liberté dans vos foyers ; elles ont été vous donner le baiser de paix et de fraternité:eh bien ! si Louis XVI fut resté sur le trône de France, vous ne seriez pas libres aujourd'hui, nous ne le serions pas nous-mêmes; l'univers serait assujetti sous le triumvirat de Brunswick, Lafayette et Louis XVI. Peuples amis, nous serions bien les maîtres de pardonner à Louis XVI d'avoir voulu nous asservir; mais pouvons-nous jamais lui pardonner d'avoir voulu vous asservir, vous, nos amis, nos frères? Si un assassin avait attenté à ma vie, je lui ferais peut-être grâce de la sienne, après l'avoir constitué dans l'impuissance de me nuire; mais un scélérat qui aurait attenté aux jours de mon frère, je le poursuivrais jusqu'aux bornes du monde pour lui plonger le poignard dans le sein. Ce ne serait donc qu'autant que tous les peuples d'Europe viendraient nous demander la grâce de Louis XVI qu'il nous serait permis de ne pas le juger. Mais comment et de quel front les peuples que nos armées ont émancipés vien-
draient-ils implorer notre clémence en faveur du complice de leurs tyrans ? Ce serait vouloir pardonner à un ennemi quand il peut encore être dangereux : je veux bien qu'on laisse la vie à un roi quand il n'y en aura plus qu'un seul sur la terre; mais si longtemps qu'on comptera encore deux despotes, il faut que l'un des deux périsse.
Citoyens, qu'il m'en coûte de vous tenir ce langage! Ne dirait-on pas, à m'entendre, que je suis le partisan du système de ceux qui croient que la société a le droit d'infliger la peine de mort? Non, je ne partage pas cette erreur barbare : ma conscience et mon cœur me disent que la vie est un bien indépendant de la société, un bien que l'homme ne tient que de l'auteur de la nature, partant, un bien dont l'auteur de la nature a seul droit de le priver. Républicain farouche! pourquoi mens-tu donc ici à ta conscience èt à ton cœur ? pourquoi appelles-tu la peine de mort sur la tête d'un coupable, lorsque tu crois que la peine de mort est au-delà du pouvoir de la société?
Pourquoi ? je vais vous le dire : parce qu'un roi qui a l'insolence de vouloir régner au nom de l'Etre suprême, qui a l'audace de s'intituler roi par la grâce de Dieu, est un monstre nouveau qui flétrit l'humanité, qui en impose à la nature entière, qui fait plus, qui outrage directement la majesté de l'auteur de toutes choses. Assez longtemps l'église s'était chargée du soin de venger le ciel : ressaisissons-nous de ce droit. Après avoir vengé les peuples, vengeons nous-mêmes la divinité si impudemment outragée : c'est un bel hommage à rendre; c'est, j'ose le dire, le seul qui puisse acquitter le bienfait immense de la révolution du 10 août. Ainsi, que la tête de Louis XVI tombe et que ce soit la dernière; prenons l'engagement sacré d'abolir la peine de mort dès que le tyran ne sera plus.
Mais toutes ces suppositions établies sur l'acte constitutionnel de 1791 sont nulles par le défaut de base : je vais prouver qu'il n'y avait pas de Constitution. En effet, qu'est-ce qu'une Constitution ? Une Constitution populaire et républicaine est simplement un contrat public, dans lequel une réunion d'hommes stipule les clauses de l'association commune. Une Constilution monarchique est, d'un côté, ce même contrat public, et de l'autre une pactisation avec un individu à qui l'on donne tant pour faire cela: la Constitution monarchique est donc un contrat Complexe, d'abord passé entre tous les associés moins un, et avec un individu qui contracte lui seul avec la masse des autres individus. Or, pour qu'un tel contrat soit Valide, il faut d'abord qu'il soit accepté librement par toute la société, qu'il soit ensuite accpté librement par la société et par l'individu-rol, dans leur rapport entre eux. Ces conditions ont-elles été remplies?Non. Il n'y a donc pas de Constitution. Citoyens I vous surtout membres de l'Assemblée dite constituante, vous qui étiez à Paris le 17 juillet 1791, dites moi ce que vous y avez vu, ce que vous y avez entendu : vous avez vu un grand massacre, une sanglante boucherie, vous avez entendu le canon : oui, c'est au bruit du canon, sous les auspices du drapeau rouge, avec l'appareil de la tyrannie, que l'on a, je ne dirai pas présenté, mais fait accepter cet ouvrage informe, absurde, incohérent, qu'on a qualifié du nom de Constitution. Et l'on oserait dire que c'est là un contrat ? Il n'y a pas de contrat sans acceptation libre, il n'y a pas eu de liberté dans l'accepta-
tion du peuple; je dirai plus : il n'y a pas eu-d'acception de la part du peuple, car l'acceptation suppose la faculté de rejeter; et le peuple a été contraint d'obéir. On lui a dit : Voilà ta Constitution ; soumets-toi, sinon la mort. L'Assemblée constituante a envoyé son code à ses commettants, comme Léopold envoyait ses édits impériaux à ses sujets.
Premier principe : il fallait l'acceptation du peuple avant celle de Louis XVI; l'acte constitutionnel ne pouvait être présenté au roi avant d'avoir été consenti par le peuple ; et le peuple ne l'ayant jamais consenti, puisqu'on ne le lui a jamais présenté, il en résulte que l'adhésion qu'y a pu donner le roi est complètement nulle. C'est comme si un étranger donnait mon bien et qu'un autre étranger l'acceptât; ce dernier ne serait qu'un prétendu donataire, de même que Louis XVI n'était que le prétendu roi constitutionnel des Français. Et qu'on ne dise pas que la donation insensée contenue en l'acte constitutionnel a été ensuite ratifiée par le peuple : cela n'est pas vrai ; le peuple n a rien fait que comme contraint. Quand les citoyens ont voulu exprimer librement leur pensée; quand ils ont voulu réclamer, La. Fayette, au nom du roi, les a fait égorger, sous le prétexte qu'ils étaient des factieux, des agitateurs : partant, il n'y a jamais eu de ratification, pas plus qu'il n'y a eu d'acceptation populaire.
Mais que diréz-vous quand je vous prouverai que Louis XVI lui-même n'a point accepté cette Constitution? Or, je tire cette preuve de ce qu'on appelle sa lettre d'acceptation, lettre que les marchands de livres et de poison ont si complaisamment imprimée à la suite des éditions de l'acte constitutionnel : « Je manquerais dit-il, à là vérité si je disais que j'ai aperçu dans les moyens d'exécution et d'administration toute l'énergie qui serait nécessaire pour imprimerie mouvement et pour conserver l'unité dans toutes les parties d'un si vaste Empire; mais puisque les opinions sont aujourd'hui divisées sur ces objets, je consens que l'expérience seule en demeure juge. »
Je consens que Vexpérience seule en demeure juge : l'avez-vous entendu, citoyens? Si Brunswick avait pénétré jusqu'à Paris, qu'eût fait Louis XVI? Il eût dit : L'expérience a jugé que les moyens d'administration et d'exécution n'ont pas l'énergie qui leur est nécessaire; je n'ai accepté la Constitution que sous la clause et réserve qu'après-le jugement de l'expérience, on augmenterait cette énergie d'administration et d'exécution : je vous somme donc, sous le bon plaisir et sous la protection de M. de Brunswick, de reviser encore une fois cette Constitution qui ne me plaît pas, qui ne me plaira jamais, si elle ne me rétablit dans toute l'étendue de ma puissance.
11 en est de la prétendue acceptation de Louis XVI comme des ventes faites sous la clause de réméré; avec cette différence, cependant, que detelles ventes sont bonnes et valables, parce qu'elles sont consenties de part et d'autre et que la réserve de Louis XVI ou, si l'on veut, son appel au jugement de l'expérience, viciait son acte d'acceptation qui avait été demandé pur et simple, et qui était nul par cela seul qu'il était conditionnel.
Ainsi, de quelque côté qu'on envisage la question, par tout elle se trouve résolue, et résolue par les les principes de la raison, de la justice et du droit écrit. Louis XVI n'a point accepté la
Constitution; le peuple ne l'a point acceptée. Une Constitution qui placerait un homme au-dessus de la loi, encore bien qu'elle fût acceptée, serait nulle. La Constitution de 1791, toute absurde qu'elle est, ne présente cependant pas ce genife d'atrocité : si elle l'a placé au-dessus des tribunaux, elle ne l'a pas placé au-dessus de la loi ; conséquemment, il peut être jugé.
S'il peut être jugé l Et, encore un coup, comment a-t-on pu faire de cela une question, quand il est constant que, le 10 août, tout Français avait le droit de l'assassiner? Je hasarderai quelque chose de plus fort, et je dirai là-dessus toute ma pensée : Si la Convention nationale pouvait décréter qu'il n'est pas jugeable4 mon avis est que, par ce seul fait, chaque Français se trouverait encore ressaisi du même droit. Un roi n'est pas dans la classe ordinaire des hommes : un roi, comme je viens de l'observer* stipule avec une nation entière; telle était la force du préjugé, c'est-à-dire de l'esclavage, que seul il comptait presque autant qu'une nation. Dans le cercle étroit des suppositions royales, l'être collectif n'est qu'une partie égale à l'être individuel; c'est comme s'il y avait deux êtres distingués dans la nation : or, ces deux êtres, en les supposant égaux, sont nécessairement ensemble, ou en état de paix, ou en état de guerre : ils sont en état de paix tant qu'ils observent mutuellement les clauses du contrat qui les lie; ils sont en état de guerre aussitôt que l'un d'eux veut s'affranchir des conditions du contrat. Louis XVI a voulu s'affranchir des conditions du contrat qui le liait à la nation française : Louis XVI a donc déclaré la guerre à la nation; partant, il est incontestable qu'au moment où il en a proclamé le signal, chaque membre de la nation avait le droit de lui donner la mort. La guerre fait rentrer les hommes dans l'état de nature; et dans l'état de nature, tout homme a le droit de tuer celui ou ceux qui menacent sa propre vie.
Mais, dira-t-on, il n'est plus aujourd'hui en état de guerre ; il est prisonnier de guerre, et il serait atroce de dire qu'on a le droit d'assassiner les prisonniers de guerre. Cela est vrai : aussi ne soutiens-je pas que la nation a le droit d'assassiner Louis XVI : je dis qu'elle a le droit de le juger; il est sous la sauvegarde publique tant qu'il est dans les fers ; mais s'il en sortait, si quelques hommes le mettaient en liberté, s'il brisait lui-même sa prison, je dis qu'alors il serait censé avait renoncé au droit d'être jugé ; je dis qu'il serait de nouveau en état de guerre; je dis que les lois de la nature, de la sociabilité permettraient à tout homme de l'assassiner : il est donc de son propre avantage de subir-le jugement de ses crimes. Je conclus, quant à présent, à ce que la Convention nationale décrète que Louis XVI peut être jugé, me réservant ensuite de dire comment et par qui il doit être jugé.
Je donne la parole au citoyen Rouzet.
Je demande, que pour mûrir les idées sur la question qui est à la discussion, l'ajournement soit fixé a jeudi.
(La Convention décrète l'ajournement à jeudi.
(La séance est levée à quatre heures du soir.)
à la séance de la convbntiqn nationale du
Opinion de Claude Fauchet, député du Calvados,
sur le jugement du ci-devant roi (2).
Citoyens,
La République française existe, elle triomphe ; la royauté est irrévocablement abolie ; le ci-devant roi est jugé. 11 a mérité plus que la mort. Les vrais principes et l'éternelle justice condam* nent le tyran déchu au long supplice de la vie au milieu d'un peuple libre. Dans ces moments où l'indignation inspirée par les grands et derniers crimes de la tyrannie héréditaire, tient les âmes en feu; dans ces moments où la haine dç la royauté, cette peste antique des nations, qui n'a fini pour la France qu'à la minute même où elle voulait en faire un vaste tombeau» bouillonne avec une activité terrible dans les coeurs1, représentants du peuple souverain, vous devez un grand exemple à l'univers .* c'est celui d'un calme impassible dans le jugement solennel que vous allez porter. Une puissante nation libre ne prononce point dans sa colère sur le sort de son despote renversé : elle s'élève à toute la hauteur de sa sagesse pour le juger avec froideur, U«y va de la justice du peuple et de la gloire de la patrie.
Nous avons envoyé dans toutes les parties du monde la Déclaration des droits. On y lit cette maxime fondamentale de ;ia société ; « Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit. ® Violerons-nous à la face des nations notre pacte social? Non, sans doute- Qn n'oserait pas nous proposer cette infamie. Qn suppose donc une loi préexistante qui condamne a une autre peine que la destitution un roi conspirateur et qui a violé la foi nationale, Mais on épuiserait en vain l'art des sophismes : cette loi n'existe point dans notre code ; il y est dit, au contraire, de la manière la plus formelle, que les peines portées contre les plus grands crimes dans le Code pénal ne sont applicables au roi déchu que pour les délits postérieurs à sa déchéance. Qn se récrie que cette loi d'exception, qui rendait inviolable un scélérat sur le trôné, était absurde, exécrable : oui, citoyens, elle était absurde, exécrable comme la royauté. Donc, ajoutez-vous, il ne faut y avoir nul égard dans une révolution consommée qui nous rend la liberté totale, Je conclus, au contraire, qu'il faut y avoir très attentivement égard,. en conservant dans la vie cet homme criminel qui fut roi, afin qu'il serve longtemps» s'il est possible, de vivant témoignage de l'absurdité, de l'exécration dévolues à Pinstitution de la royauté même, II faut qu'en vertu de cette toi d'exception, nous puissions dire à tous les peuples : Voyez-vous cette espèce d'homme anthropophage qui se faisait un jeu de dévorer la moitié de la nation pour tyranniser l'autre ? C'était un roi. Il n'y avait point de loi
qui pût atteindre ses crimes; mais la nature nous venge de l'ancienne impuissance de notre législation; elle lui inflige une plus terrible peine que la mort : elle prolonge son existence dans la publique liberté; èllê le laisse en spectacle à 1 univers comme Sur un écliafaud d'ignominie, d'où il Contemplera dans un sourd désespoir les progrès de la libération du genre humain. Il verra sans cesse (quel supplice !) les heureux et contraires effets ae ses crimes, les immortelles vengeances de la nation magnanime qu'il voulait replonger dans les horreurs de resclavàge. »
Ici j'invoque, citoyens, cette même justice éternelle de la nature dont les lois sont antérieures à toutes lès lois sociales, et qu'on a invoquée avec un avantage qui a paru si sensible, pour Soumettre les tyrans, encore plus que les scélérats vulgaires, aux peines capitales prononcées dans les codes des nations.
Je pourrais vous dire, én généralisant les principes : H est souverainement faux que la nature indique et même qu'elle approuve la peine de mort infligée par les hommes, hors le cas de la légitime et nécessaire défense. Dès que l'agresseur qui attente ou à la vie d'un inaividu ou à celle du corps est saisi, dès qu'il est renversé, dès qu'il est mis dans l'impuissance de nuirè, la nature, l'humanité crient: Arrête-toi; n'égorge pas dé sang-froid ton semblable : il ne peut plus te faire de mal ; tiens-le privé de sa liberté aussi longtemps que tu jugeras sagement qu'il pourrait én abuser encore. Tout homme est corrigible, même un tyran quand il n'a plus rien à ses ordres ; qu'il sente les remords, qu'il pleure ses crimes, qu'il voie la liberté des autres, qu'il Sente qu'il a justement perdu la sienne èt qu'il venge, par cet équitable et long supplice, la ma« jeste de la nature qu'il outragea et la sainteté des lois sociales qu'il osa violèr. Je me réserve, pour l'instant où nous traiterons de la réforma-' tion du Code pénal, d'établir que la peine dé mort contrarie la nature; que, loin d'atteindre le but que la société se propose dans la punition des coupables, elle nuit essentiellement à l'intérêt particulier, au bien général et à l'ordre public. Cette observation préalable suffit, du moins, pour convaincre tous les bons esprits que, lorsque le code national écarte expressément de dessus la tête de tel criminel, dans telle circonstance, la hache homicide, il n'appartient qu'à des juges passionnés, injustes et barbares de l'y faire tomDer, Mais ii faut, magistrats représentants, suprêmes arbitres de la justice républicaine, vous démontrer que, lors même gué les peines capitales frappent dans un code imparfait les assassins et lès traîtres, la loi d'exception pour le premier des assassins, pour le traître par excellence, est, sous un rapport supérieur aux combinaisons vulgaires, une loi jtiste et bien, ordonnée. Pourquoi les législations anciennes et moderne?, toutes viciées, par des cruautés inutiles, ont-elles condamné à mort les nombreux scélérats qui pullulent dans les Empires régis par leurs barbares lois? Par deux motifs : pour effrayer les citoyens par la terreur du supplice des coupables» et pour éviter l'embarras de conserver dans les fers tant de criminels. Ces deux motifs sont illusoires : la longue et pénible existence dès scélérats enchaînés est bien autrement propre à inspirer ).a crainte d'encourir leur sort, que le supplice instantané qui lès débarrasse de la vie; et rien n'est si facile que d'imaginer et d'instituer des
ateliers de justice, où les criminels, quel que fût leur nombre, expieraient dans d'utiles et nécessaires travaux leurs attentats contre l'ordre social, Omettons le développement de cette idée, qui appartient à une autre question. Je me borne à dire que ces deux motifs qui ont déterminé la législation des peines capitales pour les criminels, l'exemple et la difficulté de retenir les coupables dans les fers, ne sont point applicables au roi déchu, et que les motifs contraires se montrent ici avec une force invincible.
En effet, à qui le supplice momentané d'un roi scélérat servira-tàl d'exemple réprimant? Aux citoyens ? Ils ne sont pas des rois ; ils ne peuvent pas le devenir; ils en ont horreur : la souveraineté de la République, dont ils sont tous les honorables coassociés, fait leur gloire et leur bonheur, A quelques ambitieux insensés qui pourraient prétendre au rétablissement du pouvoir suprême sur leurs têtes impies? L'idée de terminer leur entreprise insolente par un supplice d'une minute, si le succàs manque à leur audace, loin de les réprimer, les encouragera : ce n'est rien que la mort pour des hommes qui ont le génie du crime et qui aspirent au trône, Régner ou périr, cette pensée ne les retient pas; c'est elle, au contraire, qui les entraîne, La domination peut être longue; la mort sera courte : marchons à l'empire. Voilà le langage que le supplice bref d'un tyran immolé inspire à son successeur. Mais,'non : le tyran est là; il languit dans les chaînes; il y goûte à chaque minute le supplice amer d'une vie rampante et déshonorée ; la liberté générale envenime à chaque instant sa juste et honteuse servitude. 4e tomberais dans l'enfer de son esclavage, si je voulais monter à l'ancien pouvoir de son orgueil. Restons à la place d'un républicain : elle est belle, elle est sublime ; j'ai le génie des grandes entreprises; je le consacre à ma patrie ; je serai le héros de la liberté; mon bonheur est sûr et ma réputation est sans nuage. Les fers du dernier tyran de son pays ne laissent au citoyen le plus ambitieux d'autre essor vers la renommée; et cet exemple, loin de le pousser â la domination, l'en écarte pour (e précipiter dans la gloire de concourir par d'immortels triomphes à la liberté du genre humain. L'exemple salutaire est donc dans l'avilissement durable et l'enchaînement prolongé du despote infâme qui, par 1 avortement de ses crimes, a poussé la nation à la consommation de la liberté. La difficulté de le garder seul sous des grilles impénétrables est nulle, et l'idée qu'un parti d'esclaves séditieux pourrait se rallier à sa personne abominée est fausse. Voulez-vous que je vous montre le danger, s'il pouvait y en avoir pour un grand peuple dont la souveraineté sentie est devenue le besoin suprême et qui l'a identifiée avec son existence? Tant que la prétention à la royauté reposera sur une tête chargée d'exécrables forfaits, tout ralliement pour reposer sur le trône l'homme monstrueux qui l'a enfoncé sera comme impossible ou, du moins peu formidable. Les aristocrates eux-mêmes le méprisent et le détestent; ils lui imputent leur perte et le mauvais succès de leurs vastes et savantes perfidies* Les faibles, les timides, les incertains, cette masse presque inerte qui n'a de mouvement que pour se reposer dans le parti le plus fort, ne verra jamais la force du côté d'un être sans courage, qui ne sait que déranger par des crimes lèches les crimes énergiques des conspirateurs. là se laisseront
entraîner par l'énergie de la liberté dominante, et se réuniront par l'effet de la force attractive à la masse toute-puissante de la souveraineté nationale en aetion. Au contraire, faites tomber sur l'échafaud cette tête exécrée, qui est pour les émigrés, pour les tyrans d'Europe et pour les aristocrates internes, tant qu'elle est sur les épaules de Louis, la tête de Méduse : leur espérance renaît, leur audace est ranimée; l'idée de la royauté, replacée sur la tête d'un jeune innocent, gagne des prosélytes;; la stupeur qu'inspirait la criminelle absurdité du père se change en attendrissement pour l'intéressante innocence du fils ; les âmes énergiques des conspirateurs et les faibles âmes des bonnes gens (ceci fait nombre) se rallient et s'encouragent. Je le sais, toutes les conspirations seraient écrasées par la souveraineté nationale, dont le peuple français ne se départira plus, par cette divine liberté qui doit anéantir toutes les tyrannies de l'univers ; mais les troubles momentanés qu'on veut éviter seraient inévitables ; et la faction royale, qu'on ne doit pas avoir à détruire deux fois, nécessiterait encore une large effusion de sang dans la République. Représentants de la France, voulez-vous épargnez cette crise à la patrie et cette dernière tragédie à l'humanité ? gardez le ci-devant roi : son influence est noyée dans le sang qu'il a fait répandre, et son éternelle impuissance est dans l'immortelle horreur que le traître inspire à toute la nature.
Je ne ferai pas au comité de législation, au rapporteur et a la nation française l'injure de combattre l'Idée jetée en avant sur le voile que la liberté étend quelquefois, dit unpubliciste, cité sur la sainte image de la justice, comme pour faire entendre que l'innocence même pourrait bien être sacrifiée au repos delà patrie. Le repos de la patrie dans la justice violée ! le repos de la patrie dans un crime nationai ! le repos de la patrie dans une sanglante infamie qui ferait horreur à toute la terre! Citoyens, la justice, la sagesse, le courage, voilà le repos de la patrie 1
Vous avez dû entendre avec surprise un orateur soutenir que la peine de mort, étant contraire à la nature, devait être supprimée aussitôt que le ci-devant roi l'aurait subie. Quoil le seul homme que vos lois sanguinaires en exemptaient pour les délits antérieurs à sa chuté du trône, c'est lui que vous devriez y soumettre avant de ramener votre législation aux principes de l'hu*-manité! Cette logique est inconcevable. On peut dire qu'un tyran déchu n'est pas un homme ; que c'est une bête féroce, un tigre dont il faut que la société se débarrasse ; mais la société en est débarrassée par sa réclusion, par l'impuissance de nuire à laquelle il est réduit : quel mal peut-il vous faire quand on lui a arraché les ongles, quand ses dents sont brisées, quand il n'est plus que le jouet des enfants et le spectacle des nations? 11 suffit qu'un ci-devant despote ait une face d'homme et qu'il ait perdu toute sa force de tyrannie pour que l'humanité en commande la conservation et pour que la société trouve dans.la prolongation de son existence un moyen d'utilité publique, qu'elle perdrait par un jugement qui tendrait à l'immoler. Je vous ai déjà montré son fils, auquel se rallieraient, par la seule idée de son innocence, les hardis conspirateurs et les serviles esprits repoussé avec norreur la pensée immolation qui, loin de profiter à la France, la
chargerait d'une atroce injustice et d'une nuisible infamie. Gomment peut-on parler encore de politique dans le sens même des anciens tyrans ? Ce n'est point par des iniquités que les Républiques prospèrent, c'est par des vertus. Laissez aux monstres couronnés, dont nous voulons anéantir la puissance impie dans l'univers, les restes de cette politique infernale qui leur a valu l'exécration du genre humain : il s'entouraient de forfaits pour soutenir leur autorité sacrilège; la sainte autorité des nations ne doit s'environner que de la justice. C'est aux despotes qu'il appartient de craindre : la nature entière est armée contre eux; ce n'est qu'à force de crimes qu'ils ont, pour ainsi dire, fait reculer les cieux d'horreur et qu'ils ont réellement tenu en effroi l'humanité. La liberté a sa puissance dans son droit; tout la nature est pour elle ; c'est à force de bienfaits qu'elle se concilie les bénédictions du ciel et l'amour de tous les hommes. La politique des peuples libres est dans l'équité courageuse : ils ne font pàs des sacrifices impies à la peur ; ils laissent cette superstitieuse et pusillanime atrocité aux tyrans et aux esclaves, ou plutôt ils la détruisent, en instituant la religion du courage et le culte de la bonté, que notre exemple va bientôt propagersur toute la terre. Ne souillons point l'époque dé la régénération universelle par les actes d'une colère barbare ou d'une terreur honteuse. Nous sommes forts de notre liberté, elle subjuguera les cœurs; voilà les conquêtes : l'injustice les repousseraient; l'équité nous les assure.
Citoyens, j'ai dû écarter, par l'exposition de ces principes républicains qui sont dans vos âmes, les idées d'une politique timide, fausse et sanglante, que quelques orateurs ont reproduites avec une sorte de faveur, par l'effet au sentiment d'exécration que le souvenir des rois, de leur famille, et de la longue suite d'oppressions qu'ils rappellent, excitent dans les esprits. Il n'y a plus de roi, il n'y a plus de famille royale pour la France ; il n'y en aura jamais. Il reste un homme détesté, qui, renversé du trône, rampe impuissant; et un enfant qui, justement déshérité de la succession à la tyrannie, n'a de droits que dans votre pitié. Que voulez-vous faire? Juger le tyran? Il est plus que jugé sous ce rapport; il est anéanti : le despotisme même a pen avec le despote. L'homme - machine qui survit au roi et à la royauté, n'appelle point le glaive des lois, tant qu'il ne fera que végéter dans son opprobre : votre précédente législation s'oppose à tout autre supplice. La nature, législatrice suprême, vous dit que ce sup- plice suffit à l'humanité ; qu'il est même, pour exemple et l'effroi des tyrans, plus puissant que la mort : votre intérêt, toujours d'accord avec les lois de la nature, se joint à elle pour vous recommander la conservation de cet être unique dans les annales du monde, dont l'existence était nécessaire à la révolution des empires ; et dont la vie, prolongée dans l'anéantissement du trône, servira encore très efficacement la cause de votre liberté, la cause de tous les peuples.
On a observé que si c'était le dernier roi, il faudrait le garder après sa chute, comme la curiosité du genre humain. Je n'analyserai point cette idée ; je lui en oppose une plus grave et plus utile. C'est tandis qu'il existe encore des rois, qu'il faut montrer aux nations le peu de chose qu'est un tyran devant un peuple libre. Si après l'avoir destitué, si après avoir écrasé
son trône, on le faisait mourir contre le texte des précédentes lois, on paraîtrait le craindre encore. Si on faisait disparaître son fils, la terreur de la renaissance du royalisme semblerait agiter tous les esprits. On dirait aux autres peuples, par cette conduite faible, illégale et cruelle : « il est très difficile d'abolir la royauté ; on a continuellement à redouter sa résurrection; un automate renversé par la puissance nationale peut, malgré elle, redevenir roi : un embryon ae sa race n'est pas dans l'impuissance de lui succéder, en dépit de la volonté générale; toutes les ramifications de cette famille sont redoutables ; nous ailoas être toujours en frayeur tant qu'il y aura un descendant de Capet dans le monde». Mais, citoyens, c'est épouvanter les. nations au lieu de les encourager; c'est mentir au génie de la liberté; c'est trahir les intérêts de 1 univers. Nous avons une plus digne leçon à donner aux hommes : ils sauront l'entendre. « Dès qu'un peuple veut être libre, un roi n'est rien. Voyez celui qui fut le nôtre; le voilà: nous ne nous en inquiétons pas plus que s'il n'eût jamais existé. Nous le laissons avec le souvenir de ce qu'il fut, et avec le spectacle de ce que nous sommes : c'est son supplice et notre gloire. Son fils ! s'il peut devenir un homme, nous en ferons un citoyen comme le jeune Egalité : il combattra pour la République, et nous n'aurons pas peur qu'un seul soldat de la liberté le seconde jamais, s'il avait la démence de vouloir devenir un traître à la patrie. Nous ne craignons rien : imitez-nous. Renversez ces êtres chétifs qui se croient des souvrains, et qui gn'ont de force que dans votre faiblesse. Soufflez ; et ils tombent. Si leur figure vous im-ortune, envoyez-nous-les dans la ménagerie du èmple : nous les y garderons jusqu'à la formation du congrès européen; ensuite nous les enverrons traîner leur vie obscure le long des républiques, avec de petites pensions; car ces êtres-là sont si dénues de facultés, que le besoin même ne leur apprendrait pas à gagner du pain. »
On a fait une observation à laquelle je dois répondre. La peine de détention, à laquelle, dans mon opinion, je condamne le ci-devant roi, sera elle-même le résultat d'un jugement qui n'est pas indiqué dans les lois préexistantes : [il n'est donc pas vrai, selon mes principes, que le tyran soit déjà complètement jugé par les destitution, et qu'il faille une disposition textuelle des précédentes lois pour le soumettre à un jugement ultérieur. Je réponds, citoyens, que cette détention n'est prononcée, ni comme peine à l'égard du coupable, ni par voie de jugement dans un tribunal, ni en conséquence d'aucune des lois que nous appelons criminelles ; c'est une mesure de police nationale, prise en vertu du droit imprescriptible qu'a la société de veiller à la tranquillité publique, prescrite par les lois conservatrices ae l'ordre, qui autorisent une famille à tenir enfermé un insensé dont la liberté occasionnerait des troubles et des malheurs. On ne punit point un homme quia la rage ou la peste, en le mettant hors d'état de mordre ou de communiquer son épidémie : on se garantit de ses atteintes. Cette police nationale, à l'égard d'un tyran déchu qui ne pourrait assurément point remonter sur un trône qui n'est plus, et dont la volonté de tout un peuple rend la reconstruction impossible, mais qui pourrait, si on le laissait actuellement vaguer, réveiller, dans un petit nombre de furieux ou d'imbéciles, la rage
et la peste.du royalisme, et qui, par conséquent, obligerait à quelque effusion de sang pour réprimer de nouveaux désordres ; cette police nécessaire n'a rien de commun avec un jugement ni avec les lois pénales: c'est une ordonnance domestique et le règlement élémentaire de la société.
Il faut maintenant, citoyens, qu'en finissant, je déchire un voile qui couvre des projets cruels et des espérances perfides. Dignes patriotes, qui votez pour le jugement ultérieur du ci-devant roi, vous tfen voyez pas les conséquences; vous vous laissez entraîner à l'horreur qu'inspirent ses trahisons, et vous êtes bien loin de penser que vous servez les desseins des deux classes d'adversaires qui restent à la patrie : les anarchistes manifestes, et les aristocrates cachés. Ne nous le dissimulons pas: si l'on soumet Louis Capet à un autre jugement que celui qui a prononcé de droit et ae fait sa destitution, on va informer sur tous ses crimes, ensuite on ouvrira le Code pénal, et l'on y trouvera pour chacun des actes de conspiration, la peine de mort. Le juger encore et le tuer, c'est manifestement la même chose. Or, voilà ce que veulent, à tout prix, les anarchistes et les aristocrates qui font ici cause commune, mais pour une fin différente. Les premiers veulent redonner au peuple le goût du sang; il leur faut encore cent cinquante mille têtes qui tiennent à l'ordre, et qui veulent, avec l'autorité de la sagesse, seul empire dans la liberté, la tranquillité intérieure. Le sang d'un ci-devant roi a, par l'effet contraire de la précédente superstition, quelque chose de plus irritant, et qui excite une soif plusardente dans le peuple qui s'en abreuve. Quand je parle ici du peuplé, citoyens, c'est de cette portion toujours prête à s'agiter et à entrer en fureur; c'est du peuple des scélérats; ce n'est pas du peuple français. Celui-là, qui compose éminemment la nation, est magnanime, juste ennemi de tout désordre. Il veut la liberté avec tous ses biens; il a horreur de la licence et de tous ses excès. Mais cette tourbe infâme, pour qui le brigandage est le bonheur, ne respire que le carnage des meilleurs patriotes. Elle tient, par son agitation effrénée, la grande masse paisible dés citoyens en épouvante. Il est assez visible que ce n'est qu'avec les buveurs de sang, que les anarchistes peuvent parvenir à dominer. Ils comptent donc bien que le sang du ci-devant roi coulant illégalement, je le répète, parce que la loi contraire, malgré toutes les interprétations et les subtilités, est formelle, illégalement sur l'échafaud : rien ne sera plus sacré, ni les lois, ni les personnes, pour la classe d'hommes perdus qui vont au crime comme les héros à la victoire. Les innocents de la famille ci-devant royale seront égorgés; et les meurtriers exécrables appelleront cet attentat, contre la justice éternelle, un grand service rendu à la nation. Ils lui en rendront d'autres plus importants encore dans le même genre; ils nommeront factieux, royalistes, traîtres, les républicains sages et sévères qui invoqueront les lois; ils en débarrasseront la patrie.
Je le veux, citoyens, ils ne réussiront pas ; la patrie indignée se lèvera pour anéantir ces monstres. Mais des crimes énormes auront été commis; et le repos intérieur de la République, ce repos si nécessaire aux vastes conquêtes de la liberté, aura souffert de longues atteintes, et manqué à l'accélération du bonheur du monde. Les seconds, les aristocrates cachés, désirent
aussi le jugement et la mort du ci-devant roi, soit qu'on égorge ensuite son fils, soit qu'il survive. Ils espèrent que les puissances neutres seront elles-mêmes entraînées, par cet événement, dans la cause des princes; qu'un mouvement d'horreur contre une nation qui paraîtra avoir violé ses propres lois pour assouvir ses vengeances, armera contre nous, du midi au nord, toute l'Europe ; qu'une forte agitation anarchique dans l'intérieur de l'Empire rendra notre défense impossible, et le succès de nos ennemis facile et sûr. Voilà leurs projets, voilà leurs espérances. C'est ainsi que les bons, les vrais patriotes qui opinent pour le jugement ultérieur de Louis Capet, par un louable motif d'exécration contre le traître et contre la royauté, servent aveuglément la cause des adversaires de la patrie. Je T'avoue, citoyens, je le redis avec une conviction invincible : quoi qu'il arrive, nous triompherons de tout. La liberté est devenue le besoin suprême et l'inéluctable destinée de l'univers. Mais évitons au milieu de nous les agitations cruelles et les secousses sanglantes. Soyons justes, marchons au bonheur et à la paix de l'humanité.
Je conclus que la destitution du ci-devant roi, prononcée de droit et de fait, dans le décret qui abolit la royauté, est, quant à ses délits antérieurs, son jugement définitif; et que, par mesure de police nationale, il doit être détenu jusqu'à l'époque où le Corps législatif, qui a la haute police de l'Empire, déclarera que sa détention n'importe plus a la sûreté de 1 Etat.
Séance du
Présidence de Hérault de séchelles, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire fait lecture des lettres, dont l'extrait suit :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui annonce à la Convention que la contribution, imposée sur l'évêque de Spire montant à la somme de 300,000 livres, a été déposée à la trésorerie nationale. Il demande qu'une loi fixe sa conduite sur les versements ae ce genre qui pourront être faits à l'avenir.
(La Convention renvoie cet objet au comité des finances).
2° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui adresse l'état des prêtres déportés dans les districts d'Altkirch, Belfort et Colmar.
3° Lettre de Garat, ministre de la justice, qui rend compte de l'exécution du décret rendu sur la pétition du galérien Charles Guilbaut, accusé de faux saunage (1).
4° Lettre de Roland, ministre de Vintèrieur, qui réclame une prompte
décision sur l'exécution du décret du 8 de ce mois, qui l'autorise à
faire au département de Paris l'avance d'un million pour servir à
retirer les billets de confiance au-dessous de 25 livres.
5° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse à la Convention des éclaircissements sur les fournitures de souliers pour les troupes de la République ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le er de la République Française.
Citoyen Président (1).
« J'ai écrit à la Convention aussitôt que j'ai reçu son décret sur une dénonciation de mauvais souliers qui devaient partir du magasin de Saint-Denis pour nos armées.
« Je lui annonçais que les souliers qu'on lui a dénoncés et qu'elle m'a envoyés par un de ses huissiers, avaient été refusés par les commissaires des sections et qu'ils étaient marqués du mot mauvais en caractères ineffaçables, consé-quemment que ne pouvant plus être d'aucun usage, ils avaient été abandonnés par les fournisseurs eux-mêmes.
« Je continuerai à prendre toutes les mesures qui seront en mon pouvoir pour procurer une chaussure durable, saine et économique à nos frères qui conquèrent la liberté des peuples qui nous environnent, et si, malgré mes précautions, on fournissait encore de mauvaise chaussure, je suis déterminé à livrer à toute la sévérité des lois les hommes assez vils pour y coopérer.
« Le Ministre de la guerre, » Signé : Pache. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
6° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui réclame une décision sur l'organisation du bureau de consultation des Arts-et-Métiers.
(La Convention renvoie cette lettre au comité d'instruction publique.)
7° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui met sous les yeux de la Convention nationale trois états relatifs à la fabrication des monnaies.
(La Convention renvoie ces états au comité d'assignats et monnaies.)
8° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui annonce à la Convention des réclamations multipliées pour une augmentation de paye pour la route des soldats qui rejoignent leur corps.
(La Convention renvoie la lettre aux comités militaire et des finances réunis.)
9°Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui annonce la nécessité de faire faire une coupe extraordinaire de 400 pieds de hêtres, pour le service du port de Toulon.
« Monsieur le Président (2),
« J'ai informé l'Assemblée législative et la Convention nationale de la
nécessité de faire une coupe extraordinaire de 400 pieds de hêtres à la
Sainte-Beaume, pour procurer au port de Toulon des avirons dont il
éprouve la plus grande
« Je suis avec respect, monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Le Ministre des contributions publiques, « Signé : Clavière. »
Je convertis en motion cette demande et je prie la Convention de décréter que le ministre de l'intérieur sera autorisé à faire faire cette coupe.
(La Convention décrète cette proposition.)
, serétaire, reprend la lecture des lettres adressées à l'Assemblée ;
10° Lettre du citoyen Lelièvre, commandant de la gendarmerie à cheval pour l'approvisionnement des camps des armées, qui se plaint des sections Beaubourg et du Marais, qui ont envoyé dans sa maison des commissaires qui se sont emparés des fonds qui lui avaient été confiés par le ministre de la guerre, sans vouloir même lui laisser copie du procès-verbal qui a été dressé chez lui.
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale.)
11° Lettre de Monge, ministre de la marine, qui annonce que les commissaires envoyés à Saint-Domingue ont disposé pour cette île des forces aux ordres du général Rochambeau, et qu'il devient nécessaire d'augmenter les forces qui seront envoyées aux îles du Vent.
(La Convention renvoie cette lettre au comité de marine, pour en faire rapport séance tenante (2).
12° Lettre du général Dumouriez, général en chef de l'armée du Nord, qui annonce qu'aussitôt la guerre finie, il veut demeurer libre et sans emploi ; cette lettre est ainsi conçue :
Mons, le 9 novembre l'an Ier de la République.
Le général Dumouriez au Président de la Conven-vention nationale.
« Citoyen Président,
« Plus j'ai de succès contre les ennemis extérieurs, plus la colonne de mes ennemis intérieurs doit se grossir. La méfiance est la pierre d'achoppement des Républiques, et plus un citoyen est en évidence, plus ses sentiments, ses opinions et sa conduite doivent être connus de tous ses concitoyens.
« En conséquence, je crois devoir vous envoyer et vous prier de
communiquer l'extrait d'une lettre que j'ai écrite le 30 octobre au
citoyen ministre de la guerre. Cette lettre, une conduite soutenue et
les services que je rendrai
« La forme du gouvernement de la province du Hainault, dont Mons est la capitale, a été changée spontanément et sans aucune influence. Hier, 30 magistrats, choisis au scrutin par le peuple entier, se sont partagés toutes les branches du gouvernement. La tranquillité et la joie régnent dans cette ville, qui lève 1,000 hommes pour joindre l'armée de la République. ( Vifs ap- * plaudissements.) Je fais demain un mouvement en avant; on dit que nos troupes sont dans Tournai, depuis hier matins je n'en ai encore aucune nouvelle officielle.
« Le général en chef de Varmée du Nord, « Signé : Dumouriez. »
Extrait d'une lettre écrite, le
« Le citoyen Lebrun vous dira que, vu la manière dont je suis employé, je n'ai ni pu ni dû conserver le commandement d'une armée particulière, que j'en ai donné ma démission, et que i'en ai rendu le brevet. Je déclare, comme philosophe et comme bon républicain, bien pénétré de la nécessité de conserver l'égalité entre les citoyens, qu'aussitôt cette guerre finie, je veux être libre et sans aucun emploi; que plus le rôle que j'aurai joué pendant la guerre aura été important, plus la nation, ses représentants et son pouvoir exécutif doivent approuver cette abdication précise, et devraient en faire une loi, si je ne la proposais pas moi-même.
« Non seulement je désirerai mon repos, mais aussi celui de la République. Otium eum dignitate, sera la seule chose qui convienne à ma patrie et à moi; ainsi, respectable citoyen, après cette démission, encore plus formelle que la première, vous ne devez pas balancer de donner au général Valence le titre de général en chef de Parmée des Ardennes que lui a annoncé le ministre Lebrun. S'il faut un décret pour cette nomination, lisez ma lettre à la Convention nationale ; c'est un engagement sacré que je prends à la face de l'univers, et que je consigne dans ses registres.
« Quant à moi, digne ministre, je vous déclare encore qu'après avoir prouvé que je sais faire la guerre, je prouverai que je l'abnorre, et qu'aussitôt que la paix sera faite, je pendrai mon épée à un clou et ne la reprendrai qu'en cas que de vils despotes viennent encore mettre la République en danger.
« Le général en chef de l'armée du Nord,
Signé : Dumouriez. »
(Vifs applaudissements.)
Le motif de la lettre du général Dumouriez est une suite de la proposition que j'ai faite à la Convention; il s'agira de savoir si vous l'étendrez aux généraux. J'en demande le renvoi au comité de Constitution pour savoir si on ne fera pas de l'abdication des généraux un article constitutionel.
(La Convention ordonne le renvoi au comité de Constitution.)
, secrétaire, donne lecture d'une
lettre du citoyen Sébastien Huet, qui se présente pour servir au ci-devant roi de défenseur officieux ; cette lettre est ainsi conçue :
« Citoyen Président,
« La Convention va discuter cette importante question : Le roi est-il jugeable? Il me semble que cette question doit être agitée contradictoi-rement avec lui. Alors je me proposerais pour son défenseur officieux, et tu m'entendras lui dire avec cette fermeté républicaine : « Tu n'es plus mon roi, je ne suis plus ton esclave, mais tu es un homme malheureux, je chercherai si les lois m'offrent des moyèns de te soustraire à la mort. » Je te prie, citoyen Président, de communiquer ma lettre à la Convention, et de lui demander le délai d'un mois.
« Signé : sébastien Huet. »
(de Montaigu). Je demande qu'on dresse une liste de tous les citoyens qui, comme Huet, se présenteraient pour défendre Louis XVI, et que cette liste lui soit communiquée.
Et moi, je demande l'ordre du jour sur cette lettre. Le ci-devant roi choisira, sll juge à propos, des défenseurs officieux. Personne n'a le droit de lui en indiquer, parce que c'est sa confiance qui doit déterminer son choix.
Je demande le renvoi au comité de sûreté générale. Cette lettre est terminée par une demande, sans motif, d'un délai d'un mois. Il est possible que ce soit un piège.
Je m'oppose à la demande faite par Gensonné, tendant à renvoyer au comité de sûreté générale la lettre du citoyen qui se présente pour défendre le ci-devant roi, et qui réclame un ajournement d'un mois pour la question qui vous occupe. Renvoyer au comité de sûreté générale est une mesure impolitique et immorale. Qu'y a-t-il de commun entre les opérations du comité de sûreté générale et la défense d'un accusé? Nous devons donner à la défense du ci-devant roi toute la latitude que le droit naturel établit. Nous devons encourager tous ceux qui voudront exercér le plus intéressant ministère. Ce n'est pas avec des soupçons et des renvois au comité de sûreté générale que la Convention nationale peut accueillir les défenseurs officieux d'un accusé.
Mais la Convention doit passer à l'ordre du jour sur cette lettre du citoyen Huet, parce qu'il ne s'agit pas dans ce moment des formes du jugement, et qu'avant tout vous examinez si le ci-devant roi peut-être mis en jugement.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Le même secrétaire donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui met sous les yeux de l'Assemblée la réclamation du citoyen Nicolas Chrystophle, qui demande la fixation et le paiement du traitement qui lui est dû à raison du service qu'il a fait en qualité d'huissier-audiencier auprès du tribunal criminel, établi d'abord à Avignon, et transféré ensuite à Montélimar.
(La Convention ordonne le renvoi de cette lettre au comité de législation, pour en faire son rapport incessamment.)
2° Lettre du citoyen Amelot, qui demande à l'Assemblée de déterminer sur quels fonds doivent
être prises les vacations de l'expert chargé de faire l'inventaire des diamants remis à la caisse de l'extraordinaire.
3° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui demande également à la Convention de fixer sur quels fonds doit être payé l'expert chargé de l'inventaire des diamants ae la couronne.
Je fais la proposition suivante : c'est que la Convention décrète que les diamants et autres objets déposés à la caisse de l'extraordinaire, en exécution de l'article 4 des décrets du 28 septembre dernier, ainsi que ceux qui ont été déposés à la Trésorerie nationale, en exécution au décret 31 août précédent et qui n'ont pas été portés à la Monnaie, seront vendus par les soins du ministre de l'intérieur, en exécution et en conformité du décret du 24 octobre dernier, après distraction préalable des objets qui doivent être conservés, aux termes des décrets des 5, 8 novembre, 15 décembre 1790 et 18 octobre dernier, et des matières d'or et d'argent qui doivent être portées à l'hôtel des Monnaies, des frais d'estimation, d'experts et autres, qui pourront être nécessaires tant pour l'exécution au décret du 28 septembre dernier, que pour parvenir au transport et à la vente des objets qui seront prélevés sur le produit de leur vente. On pourra autoriser le trésorier de la caisse de 1 extraordinaire à en faire, s'il est possible, l'avance qui lui sera remplacée sur les premiers deniers de la vente.
(La Convention décrète la proposition de Cambon.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que les diamants et autres objets déposés à la caisse de l'extraordinaire, en exécution de l'article 4 du décret du 28 septembre dernier, ainsi que ceux qui ont été déposés à la Trésorerie nationale, en exécution du décret du 31 a ùt précédent, et qui n'ont pas été portés à la Monnaie, seront vendus par les soins du ministrè de l'intérieur, en exécution et en conformité du décret du 24 octobre dernier, après distraction préalable des objets qui doivent être conservés, aux termes des décrets des 5, 8 novembre, 15 décembre 1790, et 10 octobre dernier, et des matières d'or et d'argent qui doivent être portées à l'hôtel des Monnaies, des frais d'estimation d'experts, et autres, qui pourront être nécessaires tant pour l'exécution du décret du 28 septembre dernier, que pour parvenir au transport et à la vente des objets qui seront prélevés sur le produit de leur vente. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire est autorisé à en faire, s'il est possible, l'avance qui lui sera remplacée sur les premiers deniers de la vente. »
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Clavière, ministre des contributions /ubliques, qui adresse à la Convention le tableau de l'état de situation, au 10 novembre, de la confection des matrices de rôle de la contribution mobilière de 1791, dans les 83 départements de la République.
(La Convention renvoie ce tableau au comité des finances.)
2° Lettre du citoyen Dalancy, commissaire général de Varmée du Centre, qui adresse à la Convention l'inventaire des euets et papiers qui ont été trouvés à la maison commune ae Longwy.
(La Convention renvoie cet inventaire au comité de sûreté générale.)
3° Lettre de Pache} ministre de la guerre, qui adresse à la Convention nationale une lettre du général Labourdonnaie pour annoncer que les troupes de la République sont entrées à Gand.
Suit la teneur aesdites lettres :
Paris, le er de la République.
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale.
« Citoyen Président,
« J'adresse à la Convention nationale la copie de la lettre du général Labourdonnaye, datée de Gand, le 12 de ce mois. (Applaudissement réitérés.) La Convention apprendra sans doute avec plaisir le progrès des armes de la République.
« Signé : PaCHE. »
Copie de la lettre du lieutenant général Labourdonnaye, commandant l'armée du Nord, au ministre de la guerre.
Au quartier-général de Gand, le er de la République.
« Je m'empresse de vous annoncer, citoyen, que je suis entré aujourd'hui dans la capitale de la Flandre, sanslamoindre difficulté. Mon avant-garde, commandée par le maréchal de camp La Marlière, n'y a trouvé que quelques soldats cachés ou déserteurs. Le lieutenant général La-tour y était arrivé de Courtrai et Menin avec 5,000 hommes, il y a quatre ou cinq jours. Il a envoyé quelques troupes à Anvers et il a pris lui-même la route d'Aloit et Bruxelles cette nuit. Si mon armée n'eût pas fait quatorze lieues, sans camper de Tournay ici, j'aurais l'espérance d'atteindre son arrière-garde; mais il faut que les troupes prennent quelque repos.
« Je compte cependant atteindre une partie de ses bagages embarqués sur l'Ëscaut, après avoir fait reposer mon avant-garde.
« Le général Dumouriez désirait que je marchasse à sa hauteur; il ne nous trouvera pas en arrière, quoique nous ne soyons point aussi bien approvisionnes que lui. (Applaudissements réitérés.)
« Le lieutenant général, commandant l'armée du Nord.
« Signé : LABOURDONNAYE.
« Pour copie conforme :
Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des citoyens Gustave Doulcet et Duhem, commissaires de la Convention nationale à l'armée du Nord, qui instruisent l'Assemblée des détails et des suites de la prise de Kousbrugg; cette lettre est ainsi conçue :
Dunkerque, le 8 novembre, l'an 1er de la République.
« Citoyens,
« En quittant Saint-Omer, nous avons visité Cassel. Cette ville, autrefois l'asile et le refuge de l'aristocratie, commence à respirer l'air pur de la liberté. L'on doit ces heureux changements
à l'arrestation du maire de Lenglé-d'Escoubec, ci-devant subdélégué ; et il est à remarquer que c'est de ce jour seulement que les patriotes de Cassel, datent l'ère de la Révolution.
« Arrivés le même jour à Bergues, nous avons été instruits des détails et des suites de la prise de Rousbrugg, où des grenadiers dits de Soissons se sont portés aux excès les plus coupables, après avoir donné pendant le combat des preuves de la plus insigne lâcheté.
« 11 résulte au compte qui nous a été rendu de la conduite des différents corps employés à cette expédition, que nous n'avons que des éloges à faire et â transmettre à la Convention nationale des détachements des quatorzième et vingt-deuxième régiments d'infanterie, du troisième régiment de dragons, du huitième bataillon des volontaires de Soissons, des canonniers de ligne, des canonniers volontaires de Rergues, et du bataillon de ce district, commandé par le brave patriote Lemaire. Tous ces dignes soldats de la République se sont montrés ardents et courageux pendant le combat, humains et généreux après la victoire. Mais, quant aux grenadiers au bataillon dit de Soissons, tous les rapports nous ont convaincus qu'une grande partie d'entre eux était indigne de servir sous les drapeaux de la République. Aussi, les officiers de ce corps, que nous avons mandés pour rendre compte de leur conduite, et à qui nous avons reproché, avec les sentiments de la plus vive indignation, la lâcheté, le brigandage et l'indiscipline de leurs soldats, nous ont-ils promis, au nom des bons citoyens du bataillon, de dénoncer les coupables, et de les livrer à la rigueur des lois; et, peu d'heures après, ils nous apportèrent une liste de 98 sujets qu'ils avaient déjà désarmés, dépouillés de l'habit qu'ils profanaient, et mis en état d'arrestation. Il estde notre devoir de rendre hommage à la bravoure et à la bonne conduite du lieutenant-colonel commandant ce bataillon, qui a été blessé assez grièvement dans cette affaire ; et la Convention nationale n'apprendra pas sans doute sans émotion que cette expédition a coûté la vie au brave et excellent officier Rivier, lieutenant-colonel du génie. Après avoir donné partout l'exemple du courage et du sang-froid; obligé, au milieu du désordre, de travaiïlèr lui-même à placer un pont volant sur la rivière qui le séparait de l'ennemi, il a été atteint d'un coup mortel à la cuisse, et hier, deux jours après l'action, il a rendu les derniers soupirs dans nos bras.
« Nous avons été témoins des regrets sincères que sa perte excitait dans le cœur de tous les patriotes ; il les méritait, car la ville de Bergues, lorsqu'il en prit le commandement, au mois de mai dernier, était dans un dénuement difficile à imaginer. D'anciennes brèches, qui dataient de la minorité de Louis XIV, étaient encore ouvertes, tellement que l'ennemi eût pu y pénétrer de plein pied; et, grâce aux soins de l'officier patriote que nous pleurons, et à l'activité de son frère d'armes, et ami, le capitaine Saint-Pol, cette place est maintenant, à peu de chose près, dans un état respectable ae défense.
« Les commissaires de la Convention nationale,
« Signé : Gustave Doulcet, P.-H. Duhem. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des députés extraordinaires de la ville de Nice, où il est dit que ce pays est traité comme
un pays conquis et rebelle et que des soldats de l'armee française ont commis de grands désordres et se sont livrés aux plus coupables excès. Aujourd'hui, écrivent-ils, les habitants, au lieu d'aller au-devant des Français, comme ils en avaient le dessein, se réfugient dans les montagnes. Ils supplient l'Assemblée de faire cesser ces désordres et d'en faire punir les auteurs.
Plusieurs membres invoquent contre les coupables toute la sévérité des lois.
D'autres membres demandent que la Convention envoie de nouveaux commissaires à l'armée du Midi.
J'appuie cette dernière proposition, car il serait trop pénible pour nous de savoir qu'un pays conquis à la liberté est malheureux. Ces excès déshonorants sont, n'en doutez pas, l'ouvrage des aristocrates, qui n'ont d'autres ressources que de calomnier la liberté dans l'Europe. Je sais qu'il existe dans les départements méridionaux un parti opposé aux commissaires de l'Assemblée ; c'est pourquoi je demande l'envoi de deux nouveaux commissaires de la Convention.
Et moi je m'oppose à cet envoi. C'est une mesure extraordinaire, qui perdra toute son utilité, toute son influence, si vous l'employez trop fréquemment, chargez plutôt les commissaires, qui sont actuellement à l'armée du Midi, de dénoncer les coupables.
(La Convention renvoie la lettre des députés extraordinaires de Nice à ses comités diplomatique et militaire, et les charge de lui proposer pour le lendemain des mesures répressives.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des citoyens Vitet, Alquier et Boissy d'Anglas, commissaires de la Convention nationale, envoyés à Lyon. Ils y rendent compte de la situation où se trouve la ville. Avant le 10 août, disent-ils, les aristocrates d'Arles, de Toulon, de Nîmes, de Jalès et du département de l'Ardèche s'étaient réunis à Lyon. Ces contre-révolutionnaires étaient enhardis dans leurs projets par un grand nombre d'opulents, qui, comme dans la plupart des prête" à éclater à Lyon. Depuis le 10 août, tout a changé de face dans cette ville ; mais l'inertie des manufactures et le défaut de travail y causent une fermentation dangereuse ; 30,000 ouvriers sont journellement privés de travail et de pain ; les mauvais citoyens profitent de leur position pour les égarer et les faire servir à leurs manœuvres odieuses ; cependant les artistes, les ouvriers ont un excellent esprit. Les classes les moins aisées sont celles où se trouve le plus pur patriotisme.
C'est chez les citoyens pauvres qu'ils ont vu des républicains; les riches, au contraire, ont un mauvais esprit, l'égoïsme, voilà leur dieu ; ils ne connaissent point de patrie. Les commissaires ont conféré avec les maîtres de fabrique pour raviver les manufactures.
Ils s'occupent des moyens d'écarter la disette, dont la ville de Lyon est menacée par les obstacles qu'éprouve la circulation des grains, et de donner au travail aux bras qui en manquent ; ils espèrent qu'avant leur départ de cette ville, ils parviendront à ce but. Les commissaires ont fait faire une avance de 3 millions, par les citoyens les plus opulents, pour acheter des grains ; ils se plaignent que la force publique
soit saris activité. Les prêtres réfractaires cherchent encore à rallumer les torches du fanatisme.
Une pétition, colportée par des femmes, connues à Lyon sous le nom d ecoureuses de nuit, annonçait que la Convention nationale voulait abolir la religion; que déjà les cérémonies du culte étaient détruites, puisqu'on enlevait les cloches des églises. On a remarqué que ces furibondes fanatiques avaient à léur tête des femmes publiques, qui jouaient le rôle de dévotes. Deux vicaires, convaincus d'être les instigateurs de Cette manœuvre fanatique ont été chassés de la ville et le calme est revenu.
, Vun des commissaires envoyés, à l'armée du Nord, dépose sur le bureau "des croix de Saint-Louis, et quelques écuS qui lui ont été confiés par d'anciens militaires, des gardes nationaux et autres citoyens de Valen-ciennes.
Il annonce que le citoyen Portalès, négociant à Valenciennes, â échangé au pair 30,000 livres d'assignats contre du numéraire destiné à l'approvisionnement dés fournitures des armées.
(La Convention applaudit à ces différents dons patriotiques, en décrété là mention honorable dans son procès-verbal et en ordonne l'envoi au citoyen Portalès en ce qui le concerne!)
propose ensuite le renvoi de toutes les réclamations, demandes, pétitions et plaintes qui ont été adressées à ses commissaires à l'armée du Nord; pendant leur mission, àu comité des pétitions, qui réglera leur destination aux différents comités qu'elles regarderont, et qui est chargé aussi de faire au pouvoir exécutif le renvoi de tout ce qui peut le concerner.
(La Convention décrète eette proposition.)
J'ai encore une motion à présenter à l'Assemblée; c'est de décréter que les réquisitions et actes de suspension résultant de notre mission, seront déposés et conservés audit comité des pétitions, pour y avoir recours en cas de besoin.
(La Convention décrète cette dernière proposition.)
J'observe à l'Assemblée qu'en retardant la promulgation de la loi qui annuité les substitutions, on expose la nation à perdre des sommes considérables. Je demande que cette loi soit terminée et envoyée dans le jour au pouvoir exécutif.
Le comité de législation s'est préoccupé de la question," et, si la Convention m'y autorise, je puis lui donner de suite lecture de l'article 3 du projet de décret, dont elle a déjà adopté les deux premiers articles (1). .
{La Convention décide de discuter séance tenante l'article 3 du projet de décret sur les substitutions.)
, au nom du comité de législation, soumet à la discussion l'article 3 du .projet de décret sur les substitutions ; il est ainsi conçu :
« Les substitutions ouvertes lors de la publication du présent décret,
n'auront d'effet qu'en faveur de ceux seulement qui auront alors re-
(La Convention adopte cet article 3.)
Un membre .- Je demande l'abrogation du droit de tester.
Je demande qUe les ci - devant religieux soient admis au partage des successions à échoir.
Je demande qu'en dérogeant à l'article 2, titre premier de la loi du 15 avril 1790, et aux articles 4 et suivants de la loi du 15 avril 1791, il soit ordonné que les dispositions des articles 1 et 3 de cette dernière loi auront leur effet pour toutes les successions qui s'ouvriront aprèslapublication du présent décret. En d'autres termes je propose que le partage égal des successions soit décrété, et que la Convention révoque les distinctions odieuses réservées en fàveur des ci-devant nobles par l'Assemblée constituante.
Plusieurs membres demandent le renvoi au comité. D'autres membres insistent pour aller aux voix.
Je demande que la motion de Lanjuinais soit renvoyée au comité de législation. Ma proposition est appuyée sur la disposition de votre règlement, qui ne veut pas que les motions relatives à la Constitution ou à la législation soient décrétées dans une discussion préalable, à deux jours d'intervalle; elle l'est encore sur la nécessité de prévenir des injustices. Dans les pays régis par le droit écrit, il n'y a point de communauté entre les époux; les avantages stipulés dans les contrats ae mariage en faveur des femmes sont peu considérables; elles attendent de la libéralité de leurs maris lès moyens de subsister honorablement, lorsqu'elles leur survivent; elles n'ont point de part à leur succession, lorsqu'ils décèdent sans testament. Si vous décrétez aujourd'hui l'égalité des partages, vous réduisez à l'indigence des citoyennes qui avaient vécu sous la foi des lois existantes. Sans doute que l'égalité des partages doit devenir l'une des dispositions de notre Code civil; mais il ne faut pas que l'enthousiasme nous fasse adopter cette mesure sans précaution.
Le renvoi est inutile, puisqu'une motion pareille a déjà été présentée et renvoyée.
J'insiste sur le renvoi demandé, quoique député d'un département régi par le droit écrit; je reconnais qu'il est juste d'abroger les institutions d'héritier et d'établir l'égalité dans le partage des successions ; mais je demande qu'on ait de justes égards pour les mères de famille qui ont essentiellement contribué à la formation ou à l'amélioration de la fortune- de leurs époux. Cette considération ne doit pas vous permettre de décréter sans examen et sans réserve la proposition de Lanjuinais. Si l'égalité dès partages est établie, il faut y appeler les femmes et leur donner au moins une part d'enfant.
(La Convention renvoie ces propositions au comité de législation pour en faire son rapport -à la séance du lendemain.) 1
Citoyens, les députés de la ville libre de Francfort et le général Kellermann, demandent à être admis à la barre.
Je prie la Convention de décréter qu'ils seront admis dans l'intérieur de la salle.
(La Convention décrète cette proposition.) Ils sont introduits au milieu des applaudissements.
Joseph Gorani, citoyen français, au nom de la députation, s'exprime ainsi :
Citoyens représentants de la nation française, la République de Francfort se présenté la première entre tous les Etats de l'Europe, devant la République française, et vient réclamer la j ustice. Vous entendrez ses organes avec une bienveillante attention. Ce n'est pas sur l'étendue du territoire que vous mesurez votre intérêt pour les nations et pour les cités étrangères, c'est sur la valeur des hommes qui les habitent, c'est sur le degré de la liberté qui ennoblit leur existence.
Or, citoyens, Francfort est un Etat libre dont l'indépendance n'est limitée que par les liens de la confédération germanique qui nous unit à des princes, à des rois, mais sans nous subordonner à aucun d'eux.
Citoyens, le général Custine a été induit en erreur par des envieux que notre liberté même a excités contre nous. 11 a reproché à la République de Francfort d'avoir protégé les émigrés français, et autorisé un journal opposé à votre Révolution; sur ce prétexte, il nous a taxés à une contribution militaire. C'est contre cette taxe, et surtout contre l'injustice du soupçon qui la motive, que nous venons réclamer devant vous.
Citoyens, le mémoire que nous demandons de remettre en vos mains prouvera, par une longue suite de faits, que la ville de Francfort n'a toléré dans aucun temps ces sortes de rassemblements d'émigrés sur son territoire ; qu'elle a souffert encore bien moins les recrutements pour leurs armées, et que s'il y a eu enfin des émigrés à Francfort, ils n'y ont paru que passagèrement et sans caractère reconnu.
Personne ne soutiendra, sans doute, que les magistrats de Francfort eussent dû aller plus . loin, et que, dans cette ville libre, commerçante, toujours ouverte à tous les hommes de tous les pays et de tous les rangs, les uns vendeurs, les autres acheteurs; dans une ville dont les affaires ne peuvent s'arrêter un instant, sans que le commerce de l'Europe n'en souffre, et que sa propre existence ne périclite, le magistrat inquisiteur eût dû aller ae maison en maison, d'hôtellerie en hôtellerie, reconnaître les personnes qui venaient séjourner dans son enceinte, scruter dans les affaires ou dans les intérêts cachés qui les y avaient amenées. Citoyens, ces recherches auraient pour jamais effarouché et fait fuir le commerce de nos murs. Demandez à vos villes de manufactures, à Lyon, à Nîmes, à Sedan, ainsi qu'à vos ports de mer, ce qu'elles auraient à souffrir?
Nous ne pouvons combattre comme un reproche sérieux l'imputation d'avoir souffert à Francfort une gazette aristocratique. La liberté de la presse y était déjà établie quand on commença à la réclamer en France. C'est à Francfort que les premiers écrits philosophiques furent imprimés. Cette liberté, nous n'avons pas dû la proscrire quand vous la proclamiez; nous n'avons pas dû croire qu'on la punirait chez nous au moment que vous nous l'auriez apportée si nous ne l'avions pas eue.
La France aurait à se plaindre de nous si, laissant imprimer une gazette misérablement contre-révolutionnaire, nous eussions empêché l'impression de gazettes patriotiques. Alors nous au-
rions violé la libre circulation des pensées; nous aurions manqué à la neutralité, [qui était notre devoir et notre intérêt. Mais les papiers qui ont le plus mérité votre estime ont eu le plus libre accès à Francfort.
Nous terminons en observant que les démarches des Francfortois, à l'approche de l'armée française, doivent les mettre à l'abri d'un traitement hostile. Une députation fut envoyée au devant du général Neuvinger, pour lui annoncer que la ville recevrait en amies les troupes françaises. Tous les habitants étaient si persuadés qu'ils recevaient des frères, que la plus grande partie fut les attendre hors de la ville, qu'une autre partie était sur les remparts, que tous s'empressaient autour des soldats de la République; chacun leur apportait des vivres pour réparer leurs forces épuisées par une longue marche; maintenant encore les troupes sont traitées par les citoyens Comme des enfants; c'est la fraternité plutôt que l'hospitalité que nous exerçons envers eux.
D'après ces faits prouvés par lés pièces justificatives que voici (1), nous espérons de la justice.et de la sagesse de la Convention qu'elle voudra bien réformer les dispositions faites par le général Custine dans notre patrie, et qu'elle ordonnera une restitution à laquelle notre neutralité seule suffirait pour nous donner des droits, et qu'elle prouvera ainsi aux nations qui la contemplent que les peuples paisibles peuvent reposer en toute tranquillité à côté de ses dispositions guerrières.
, à la députation. La Convention nationale ne peut, sans de puissants motifs, désapprouver la conduite d'un général qui a déjà donné en Allemagne plusieurs preuves de sa prudence, de son humanité et de sa justice. Les magistrats de Francfort, obligés de payer suivant les lois de la guerre la contribution imposée par le générai français, avaient fait porter sur la portion pauvre du peuple une grande partie de cette taxe. Une telle rigueur a étonné Custine, et il s'est souvenu que le soin d'arracher le pauvre aux vexations du riche, le faible à la tyrannie du fort, était une partie de sa mission et le devoir d'un chef des soldats de la liberté et de l'égalité. Cependant, comme la République française ne peut établir sa puissance que sur les bases éternelles de la justice, elle donnera, à l'Europe l'exemple de discuter avec impartialité toutes les plaintes, et c'est vous assurer qu'elle portera le regard le plus attentif sur la réclamation des nouveaux frères que le peuple français vient d'acquérir à Francfort.
Je vous accorde, en attendant, les honneurs de la séance.
(La Convention décrète le renvoi 4u mémoire des citoyens de Francfort aux comités diplomatique et de la guerre réunis, pour en faire leur rapport à la séance du lendemain.)
Le général Kellermann est admis à la barre.
Il s'exprime ainsi :
« Représentants du peuple souverain (2),
« Le conseil éxécutif m'a mandé à Paris pour lui rendre compte de mes
opérations ; je lui ai
Vos commissaires ainsi que les commissaires du conseil exécutif m'ont suivi pas à pas dans cette expédition mémorable. Ils ont vu si le général démentait le civisme, le courage et la patience des soldats; s'il y a eu un seul instant ae perdu dans la poursuite des ennemis; si entin Kellermann qui, depuis trois ans, commande les armées nationales et gui a combattu sans cesse l'aristocratie et le fayétisme, a manqué dans ces derniers temps aux principes et à la dignité d'un soldat, né républicain dans l'âme. Un plan de campagne d'hiver que jai proposé a produit une erreur; on a cru que je voulais suivre ce plan, malgré le conseil exécutif, parce que je n'avais pas empêché une partie des armées prussienne et hessoise de se porter à Trêves et à Coblentz. Mais comment devancer30,000 hommes au moins qui avaient trois ou quatre marches sur moi avecune armée fatiguée à l'excès, manquant de tout et réduite de moitié par la séparation de celle du général Valence qui marchait alors en sens opposé vers Givet. Cependant, malgré tous ces obstacles et sans avoir reçu les ordres positifs du conseil exécutif, j'obéissais à son plan et je marchais vers la Sarre pour accorder sa justice avec les convenances. Il m'a nommé au commandement de l'armée des Alpes; j'ai accepté et je pars.
« Citoyens législateurs, la journée du 10 août a sauvé la République, celle du 20 septembre a suivi, sur les hauteurs de Valmy, par la valeur mémorable des troupes de lignes et des volontaires nationaux parmi lesquelles il faut distinguer le bataillon de Saône-et-Loire, armée intrépide qui ne m'a jamais donné le moindre sujet de plainte et dont la patrie ne peut que se louer sous tous les rapports. Il s'agit maintenant de venger cette patrie au dehors par la destruction des tyrans étrangers ; il s'agit plus encore : il faut porter chez les peuples voisins l'étendard de la liberté et le tableau des Droits de l'homme»
« C'est vers l'Orient que vous dirigez vos pas, car c'est pour délivrer Rome antique du joug des prêtres, que vous commandez aux soldats français de franchir aujourd'hui les Alpes. Nous les franchirons, si j'en crois mes pressentiments et le courage des troupes de la République; citoyens, comptez sur un vieux soldat qui sait mieux faire que dire et qui vous annoncera la victoire de nos armées que par trois mots : « Elles ont battu les ennemis. » ( Vifs applaudissements.)
, à Kellermann. Général, la Convention nationale a vu avec douleur la division élevée entre deux généraux faits pour être également précieux à la patrie qu'ils défendent avec tant de courage. Ajournez les passions individuelles jusqu'à ce que la paix et la liberté soient établies; voilà le sacrifice que tout Français doit à la cause générale. Vous allez servir la République dans l'armée des Alpes ; les Français que vous allez conduire à de nouvelles victoires n'oublieront pas plus que les représentants du peuple les services à jamais glorieux que vous avez rendus dans les plaines qu'arrosent la Marne et la Moselle. Si quelque citoyen voulait rap-
peler que vous n'avez pas porté la liberté à Trêves et à Coblentz, la patrie tout entière lui rappellera sans doute vos efforts heureux pour la réunion des armées et la célèbre journée du 20 septembre. (Applaudissements.)
Je vous accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de Kellermann et de la réponse du Président.
(La Conventiou décrète cette proposition.)
(de Thionville). Je tiens de bonne source que six mille hommes de l'armée de Kellermann étaient encore, il y a trois jours, aux environs de Thionville, dépourvus de tout, sans habits et sans vivres. Que font donc sur nos frontières les commissaires ordonnateurs?
Je demande que l'Assemblée ordonne l'impression des journaux de cette guerre qui vient d'assurer le triomphe de la liberté. Ce sera un monument à la gloire des Français.
(La Convention adopte cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, voulant faire connaître à toute la République les opérations militaires de la campagne mémorable qui assure la conquête de la liberté, décrète que le pouvoir exécutif provisoire fera imprimerie journal qui a été tenu par les généraux de la République, de leurs opérations pendant la campagne. »
, secrétaire, fait lecture d'une lettre du citoyen Pache, ministre de la guerre, et du général biron, qui annonce qu'il ne balance pas à marcher pour joindre le général Custine et se mettre à ses ordres.
Suit la teneur desdites lettres :
Le ministre de la guerre au président de la Convention nationale.
« Paris, le
« Citoyen Président,
« J'avais écrit le 5 de ce mois au général Riron d'envoyer des troupes au général Custine et de les faire partir au moment où celui-ci le jugerait convenable. Ce peu de mots a suffi pour déterminer Riron, qui avait eu précédemment Custine sous ses ordres, de se mettre lui-même aux siens. (Applaudissements réitérés.) J'ai cru devoir faire connaître cette conduite à la Convention nationale, et je lui adresse les -copies de deux lettres de Riron; l'une m'est adressée, l'autre l'est au général Custine,
« Signé : Pache. »
Copie de la lettre écrite par le général Biron, au général Custine.
Strasbourg, le er de la République française. »
« Je vous envoie, mon ami, la copie de la lettre du ministre, que je viens de recevoir; elle vous prouvera que toutes les troupes de l'armée que je commandais sont à vos ordres : ceux que vous m'adressez seront promptement exécutés. Je vous jure que cette disposition du ministre ne me donne personnellement aucune humeur, et que toutes les matières de contribuer avec vous au succès des armes de la République, ne cesseront jamais de me convenir et de m'être agréables. (Applaudissements réitérés.)
» Vous sentez bien, mon cher ami, que je dois raisonnablement cesser d'être responsable de la sûreté du Haut-Rhin et de ses places, puisqu'un autre peut disposer des troupes qui y sont employées. Je le mande au ministre et au comité extraordinaire de la Convention nationale.
» Je crois que vous serez content de Beurnonville, à qui le commandant de l'armée du centre est maintenant confié : de la manière que je l'ai vu servir, je crois pouvoir vous répondre qu'il fera, avec un grand zèle et une grande exactitude, tout ce que vous lui prescrirez. (Vifs applaudissements dans VAssemblée et dans les tribunes.)
« Le citoyen général, etc.,
Signé : Biron.
« Pour copie conforme :
Le Ministre de la Guerre, « Signé : Pache. »
Copie de la lettre du général Biron, au ministre de la guerre.
Strasbourg, le er de la République française.
« Citoyen ministre,
« Je reçois à l'instant votre lettre du 5 novembre, n° 32. Je me conformerai avec la plus grande exactitude aux ordres qu'elle contient. Je ne me plains en aucune manière que vous mettiez aux ordres du général Custine, indistinctement, toutes les troupes qui sont encore aux miens ; elles ne peuvent être en de meilleures mains ; nous nou3 entendrons toujours parfaitement bien ; et il ne dépendra ni des hommes, ni des circonstances, de troubler notre bonne intelligence et notre amitié réciproque ; mais d'après la copie ci-jointe, d'une lettre du général d'Harambure, vous devez penser, ainsi que moi, citoyen ministre, que la sûreté du département du Haut-Rhin, et des places de guerre qu'il contient, ne peut plus être sous ma responsabilité, puisqu'un autre général est libre d'en tirer à volonté le nombre très insuffisant de troupes qui y est employé. Trouvez donc bon, citoyen ministre, que ie vous déclare que je ne réponds plus de rien de ce qui peut arriver sur aucun point dans les départements du Haut et Bas-Rhin. J'envoie copie de cette déclaration au comité extraordinaire de la Convention nationale. Cette déclaration, que les circonstances rendent indispensable, ne m'empêchera pas, citoyen ministre, de surveiller, avec le même zèle et la même activité, tous les postes qui sont sous mon commandement, et de tâcher de suppléer, par une vigilance infatigable, à tous les moyens qui me manqueront.
Le citoyen généra^d'armée, « Signé : Biron.
« Pour copie conforme :
Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Je demande l'impression de la lettre de Biron et son insertion dans le bulletin de ce jour.
(La Convention décrète cette proposition.)
, au nom du comité de finances, présente un projet de décret tendant à excepter du séquestre ordonné par la loi du 30 août dernier les rentes dues par la nation aux communautés religieuses de Gênes; ce projet est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que les rentes qui sont dues par la nation aux Communautés religieuses de Gênes, sont exceptées du séquestre mis par la loi du 30 août dernier, sur les revenus des différents biens appartenant aux abbayes et communautés étrangères. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de marine, présente un projet du décret tendant à renforcer l'armement extraordinaire déjà décrété pour les îles du Vent et Sous-le-Vent : ce projet de décret est ainsi conçu :
Le Convention nationale décrète ce qui suit :
Art. Ier.
Le ministre de la marine est autorisé d'ajouter à la force armée, déjà décrétée pour les îles du vent de l'Amérique (1), trois bataillons de gardes nationales ou troupes de ligne, et de les faire embarquer sur des bagarres ou flûtes pour le transport.
Art. 2.
« Le ministre sera tenu de fournir, dans vingt-quatre heures au comité des iinances, l'état des dépenses pour cette force armée et les bâtiments de transport. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite de là discussion (2) du projet de décret du comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés.
, rapporteur, donne successivement lecture des paragraphes 2, 3, 4 et 5 de l'article 4 qui, après quelques débats, sont adoptés dans les termes suivants :
2° Les bannis à temps;
3° Les déportés et ceux sortis du territoire de la République en obéissance à la loi du 26 août dernier, ou en exécution des arrêtés des corps administratifs ;
4° Les Français établis par mariage ou naturalisés en pays étrangers avant le 1er juillet 1789 ;
5° Ceux qui ont de la nation une mission vérifiée par le pouvoir exécutif national actuel, leurs épouses, pères, mères, enfants et domestiques demeurant avec eux.
Un membre demande que l'on inflige aux prêtres déportés, en exécution de la loi du 26 août dernier et des arrêtés des corps administratifs, la peine de confiscation de tout ou partie de leurs biens.
(La Convention renvoie l'examen de cette question au comité de législation pour en faire le rapport incessamment.)
Un membre demande que les pénalités ordonnées par la loi soient etendues aux princes étrangers, possessionnés en France, quiexcipent de leur qualité d'étrangers pour se soustraire à la peine de l'émigration.
(La Convention renvoie l'examen de cette question aux comités diplomatique et de législation réunis.)
(La séance est levée à 5 heures.)
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
PÉTITION à la Convention nationale de France, pour les habitants de la ville de Francfort-sur-le- Mein, par JOSEPH GORANI, citoyen français (2).
De Francfort-sur-le-Mein, le
Législateurs,
Accoutumé, depuis 22 ans, à défendre les intérêts de l'humanité contre ses ennemis, j'ai dù me donner à vous aussitôt que vous eûtes adopté les droits naturels de l'homme pour la base de toutes vos lois. Je me croirais indigne de la nouvelle patrie qui a eu la bonté de m'adopter au nombre de ses membres souverains, si je différais d'avertir la Convention nationale que ? sa renonciation vraiment philosophique, à toutes conquêtes, que son principe sacré de respecter les propriétés des peuples qui ne sont point en guerre contre nous ; que sa réputation, son honneur et sa justice ont été dangereusement blessés par la contribution qu'a exigée des habitants de Francfort le général Custine, par excès de zèle patriotique, et trompé par des calomnies contre les Francfortois.
En arrivant à Francfort, le 31 octobre dernier, j'ai été frappé de la tristesse de ses habitants dont pas un n'avait la cocarde tricolore, et que cependant je voyais entourés de nos ardents défenseurs de la liberté. Je demande aux hommes, aux femmes, aux jeunes gens, aux vieillards, si leurs magistrats avaient commis quelques hostilités contre les Français ; tousse sont accordés à me faire la réponse suivante :"
« Dès que nous avons su que les Français arrivaient, nous avons été au devant d'eux ; nous leur avons présenté des rafraîchissements ; nous les avons reçus en frères. Cependant leur général, auquel nous avons fait également le meilleur accueil, nous a condamnés à une contribution de 2 millions de florins, dont moitié est déjà payée, et cfu'îl a, depuis, diminuée d'un quart. »
J'ai suspendu mon jugement sur cette plainte et sur la cause, jusqu'à ce que les informations les plus scrupuleuses et les plus exactes m'eussent éclairé suffisamment pour dire la vérité; la voici
D'abord, le général Custine ne nomme aucun coupable, et je ne vois, dans ses accusations contre les Francfortois; que des imputations vagues, aucun délit positif, même aucun indice de délit de leur part contre les Français, et c'est à l'accusateur à fournir des preuves incontestables de la justice de ses inculpations et de la réalité des délits Contre lesquels il exerce ou Sollicite la sévérité des lois.
Le général a cru mettre assez d'équité dans son exécution militaire en exceptant de la'contribution tous les habitants dont la fortune n'excéderait point 30,000 florins. Mais : 1° si le général pouvait prévoir qu'à l'instant où les troupes françaises auraient quitté Francfort on pouruait étendre la contribution sur tous ceux qui en auraient été exemptés, quel compte le
peuple de Francfort doit-il tenir au général de cette exemption ?
2° Le général doit savoir que, sans aucune provocation ni insinuation, des tailleurs, des bouchers* des cordonniers, des menuisiers, de pauvres femmes, en un mot, toutes les classes les moins aisées du peuple de Francfort, se sont empressés de porter au trésor de la vflle leurs ressources pécuniaires, à l'instant que ces bonnes gens ont su que leurs magistrats n'avaient point le numéraire suffisant pour la contribution, en disant qu'elles ne voulaient pas qu'ils en supportassent seuls toute la charge ; ainsi, la peine infligée par le général a été partagée par les pauvres. Cette injustice est-elle effacée par la remise du quart de la contribution ?
Le peuple de Saxenhausen, faubourg de Francfort, ainsi que celui de cette ville, a été au moment d'exercer son droit de résistance à l'oppression contre nos troupes, et il en a été détourné par les exhortations paternelles de ses magistrats.
Affligés de cet excessif mécontentement des Francfortois, nos patriotes se sont répandus dans toutes les classes de ce peuple pour le calmer; ils leur ont fait mille questions pour découvrir si leurs magistrats, si leurs concitoyens les plus riches ne s'étaient pas rendus coupables envers les Français par quelques hostilités, et s'ils n'avaient point eux-mêmes lieu d'en être mécontents? Voici le résumé de leurs réponses:
« Tout homme qui veut travailler ici est assuré de trouver de l'ouvrage et de gagner le double du salaire nécessaire à sa subsistance ; il y a, dans notre ville, des fondations riches pour subvenir aux besoins des vieillards, des malades, des infirmes et des orphelins. Nos riches concitoyens se sont toujours bien conduits envers nous ; ils nous ont toujours ouvert leurs bourses, lorsque nos besoins les en sollicitaient. Nos magistrats, élus par nous et parmi nous, ne font jamais rien d'important sans nous consulter ; ils npus gouvernent avec une sagesse admirable, et nous leur sommes fort attachés. Nulle part la justice n'est rendue avec plus d'exactitude et d'impartialité qu'ici. Nous ne pouvons trouver nulle part une administration plus pacifique et plus équitable. »
J'ai vérifié tous ces faits ; ils sont exacts. Francfort est effectivement la ville impériale la mieux gouvernée de l'Allemagne ; il n'y a ni factions ni troubles ; le gouvernement n'y exerce aucun monopole. Il y a des riches particuliers, mais la République est pauvre, parce que la contribution publique est très faible.
C'est pour prouver qu'il est extrêmement content de ses magistrats que le peuple a refusé la cocarde tricolore, qu'il ne pouvait accepter sans se montrer ingrat envers eux et insensible à l'injuste contribution qu'on en exigeait ; aussi a-t-il dit qu'il ne pouvait accepter ce signe de fraternité de mains souillées d'une injustice.
C'est par ce même motif que ce peuple s'est opposé à ce que l'arbre de la Liberté fût planté dans le faubourg de Saxenhausert et sur la place de Francfort.
C'est par ce même motif que les plus pauvres familles de ce peuple ont refusé les aumônes que le général a voulu leur distribuer, en disant que cet argent appartenait à leurs magistrats et qu'eux seuls pouvaient en disposer. Et ces refus et leurs motifs n'honorent-ils pas autant ce peuple que leurs magistrats ? Voyons cependant si
ces magistrats n'ont pas quelques torts envers nous.
Ferons-nous un crime à cette petite République de ce que, pendant les couronnements de Léo-pold et de François, les princes et les ministres qui y étaient assemblés se sont plus occupés de leurs projets d'hostilités contre nous que du couronnement? Ce serait ignorer que pendant ces cérémonies les fonctions et l'autorité des magistrats de Francfort sont suspendues par la Constitution germanique.
Lui ferons-nous un crime d'avoir fourni son contingent pour la guerre contre nous ? Mais ce contingent résolu par la majorité de la Diète, ne peut être refusé par une ville impériale, qui dans ce cas n'est considérée que comme un individu du corps germanique, et qui par son refus s'exposerait à être nus au ban ae l'Empire et déclaré félon et rebelle. D'ailleurs cette ville n'a pas fourni son contiagent.
Si quelques négociants de Francfort avaient livré des marchandises ou payé des remises aux Prussiens, aux Autrichiens, aux émigrés, pour-rait-on faire un crime à tous les habitants de cette ville de ces opérations innocentes de commerce ? Le vendeur s'informe-t-il nulle part si l'acheteur est aristocrate ou démocrate? de quel pays, de quelle religion il est? N'y aurait-il pas autant de bassesse que d'injustice de travestir en crimes quelques opérations mercantiles, pour s'en faire un prétexte d'exiger de l'argent.
Oserions-nous déclarer la guerre à l'Angleterre, à la Hollande, parce que quelques négociants anglais ou hollandais auraient vendu des marchandises aux émigrés, ou leur auraient payé des lettres de change ?
Ferons-nous un crime à la ville de Francfort d'avoir eu égard pour les princes et les électeurs dont le moins puissant pouvait l'écraser, pour l'empereur et l'Empire dont elle est vassale ? N'est-il pas du plus grand intérêt d'une si petite république commerçante de ménager des puissances qui peuvent l'opprimer et l'anéantir?
Enfin le reproche d'une gazette aristocratique h'est-il pas indigne d'une nation libre ?
Où sont donc les motifs de la contribution exigée ? Voyons quels en sont les effets désastreux pour le commerce de l'Europe et pour nos intérêts patriotiques.
Le commerce de Francfort n'est qu'en commission. Cette ville a chaque année deux foires considérables où se rendent les marchands de toutes les nations de l'Europe ; elle leur sert d'entrepôt pour leurs marchandises et pour leurs échanges. Le numéraire enlevé à cette ville par la susdite contribution causera un dommage inappréciable au négoce de toutes ces nations qui, en conséquence, nous prendront en haine.
Nos ennemis, et les prêtres surtout,se font de cette injuste contribution une preuve démonstrative que nous sommes des brigands qui pillons également nos amis et nos ennemis.
Enfin, cette injustice détruit la bonne réputation que nous avons méritée à Worms, à Spire, à Mayence, dans le Palatinat ; et quel malheur pour les peuples qui ont besoin de notre secours, s'ils perdaient confiance en nous ?
Voyons maintenant si cette injuste contribution ne serait pas en même temps nn acte d'ingratitude de notre part envers les Francfortois.
Non seulement la ville de Francfort n'a point démérité de nous ; mais elle s'est rendue aigne de notre reconnaissance. En voici les preuves :
Les magistrats de Francfort ont fait arrêter et désarmer des recrues du régiment de Witgens-tein, appartenant aux émigrés ; à la vérité ils les^ ont ensuite rendus à la Cour de Vienne qui les a réclamés, mais lorsque le fait est arrivé, la maison d'Autriche ne nous avait point encore déclaré la guerre.
Forcés d'avoir des ménagements pour l'empereur, pour l'Empire et pour les princes qui les avoisinént, et quelque assurés que fussent les Francfortois de plaire à la Prusse et à l'Autriche en se déclarant contre nous, cependant ils n'ont pas témoigné de sentiments contraires à notre Révolution ; ils sont exactement restés neutres ; ils n'ont jamais voulu souffrir de rassemblement d'émigrés chez eux ; ils n'en ont accueilli aucun : ils les ont toujours écartés.
Les princes français leur ont demandé des canons et des fusils, il les leur ont refusés. Ces mêmes princes leur ont demandé un emprunt aux conditions les plus avantageuses et en leur donnant en gage de diamants d'une valeur double de la somme désirée, les Francfortois l'ont refusé.
Enfin nos législateurs se sont fait un devoir agréable de décréter des remerciements aux Francfortois pour tous ces actes de bienveillance envers nous; si nous étions alors encore incertains de notre sort, la victoire doit-elle nous rendre injustes, ingrats et oppresseurs ?
Hâtez-vous, législateurs, de rendre justice aux Francfortois.
N'employons pas envers les étrangers une jurisprudence insidieuse que nous avons proscrite chez nous; N'imitons pas les despotes qui calomnient pour pillier. Ne permettons pas que nos généraux exercent la tyrannie en nous annonçant comme les fléaux des tyrans et les libérateurs des peuples. Montrons-nous conséquents à nos principes.
S'il'est suffisamment prouvé que les imputations contre les Francfortois sont destituées de preuves ; que ce peuple est honorable par les motifs qui lui ont fait refuser notre signe de fraternité et nos aumônes, par les secours pécuniaires qu'il a portés à ses magistrats, par la prudence avec laquelle ces magistrats nous ont épargné les remords qui nous déchireraient, si l'attachement de leurs concitoyens, si leur résistance à l'oppression avait occasionné l'effusion du sang ; enfin, si les actes de bienveillance des Francfortois en notre faveur leur ont déjà mérité nos remerciements, notre reconnaissance, méritons nous-mêmes de nouvelles preuves de leur estime, de leur confiance, de leur amitié, en réparant l'erreur qui les afflige. Ordonnez, législateurs, la restitution des sommes qu'ils ont déjà payées. Le général Custine nous aura rendu un nouveau service en nous donnant l'occasion de donner une nouvelle preuve de notre probité nationale et de la pureté de notre morale. Cet acte de justice diminuera le nombre de nos ennemis, multipliera nos amis, accréditera notre Constitution, il vous conciliera tous les esprits et tous les cœurs.
Votre décret, honorable pour nous, législateurs, et pour les Francfortois, sera traduit en allemand et sera bientôt lu dans toutes les villes de l'Allemagne avec attendrissement et reconnaissance; il en ouvrira toutes les portes à nos armées, aussitôt qu'elles y porteront l'étendard de la liberté.
Certifié conforme à l'original, le 15 novembre 1792.
Signé : Beauueu.
Séance du
La séance et ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre d'Amelot, commissaire directeur général de l'extraordinaire relative à l'annulation des assignats provenant des échanges d'assignats ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, ce er de la République.
« Citoyen Président (1),
« L'article 7 du décret du 24 août dernier, sur la répartition des 30 millions d'assignats-cou-pures, porte « que les receveurs de district enverront le remplacement en gros assignats, les sommes qu'ils auront reçues et échangées, au trésorier de la caisse de l'extraordinaire pour être annulés et brûlés.
« Pour éviter les frais de transport de ces assignats comme valeur réelle, j'ai marqué aux receveurs de les annuler, avant de les envoyer, parce que le prix de leur transport se trouverait réduit a celui que le porte le transport ordinaire des papiers d'administratiou.
« Mais, quelques corps administratifs et des receveurs mêmes, ne trouvant pas dans la loi l'obligation d'annuler, avant lenvoi, ont fait parvenir ces assignats, en valeur réelle, ce qui, sans doute, est contraire au but que le Corps législatif s'est proposé, et a l'inconvénient ae doubler les frais de transport, sans aucun but d'utilité.
» Je vous prie, citoyen Président, de mettre ma lettre sous les yeux de la Convention et de l'engager à déterminer que les assignats provenant des échanges, dans les départements, seront annulés avant d'être renvoyés à la caisse de l'extraordinaire, et qu'en cas d'oubli des receveurs, les frais de port de ces valeurs seront à leur charge.
» Je suis avec respect, citoyen Président, votre « très humble et très obéissant serviteur, « Signé : Amelot. «
Un membre : Je convertis en motion la demande du commissaire directeur générai de la caisse de l'extraordinaire.
(La Convention adopte cette motion.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que les assignats provenant des échanges d'assignats,faits par les receveurs de district dans les départements, seront annulés avant d'être renvoyés à la caisse de l'extraordinaire, et qu'à l'avenir, en cas d'oubli des receveurs, les frais du port de ces valeurs seront à leur charge. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des citoyens Gustave Doucet
et Duhem, commissaires de la Convention nationale à la frontière du
Nord, qui est ainsi conçue :
« Citoyens, les approvisionnements en cas de siège, déposés dans les places de guerre nous semblent mériter l'attention de la Convention nationale, le conseil exécutif ni ses agents ne paraissant pas s'en occuper. Ces approvisionnements consistent en bœufs, moutons, vin, bière, huile, beurre, fromage, etc------ A Bergues, à Dunkerque, à Gravelmes, les bestiaux meurent et languissent faute de soins et de nourriture suffisante. Les denrées, presque toutes de mauvaise qualité, se détériorent ou se décomposent, et il arrivera, si l'on n'y remédie, que la nation aura dépensé pour l'approvisionnement des places des sommes énormes et qu'elles se trouveront néanmoins dépourvues de tout au commencement de la campagne prochaine. Nous venons de prendre, pour les trois places que nous venons de citer, les mesures de précaution qui nous étaient impérieusement* commandées par les circonstances ; mais nous avons cru devoir attirer l'attention de la Convention nationale sur cet objet, ne doutant pas que la même imprévoyance et les mêmes vices d'administration n'aient produit les mêmes effets dans d'autres points de la République. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des commissaires envoyés dans le département de la Seine-Inférieure, par laquelle ils annoncent que les marchés qui se tiennent dans les différentes villes de ce département sont dégarnis de grains, que les laboureurs ne portent du blé que dans les marchés de leurs arrondissements respectifs; et que la pénurie de grains dans les grandes villes est extrême, surtout à Rouen, au Havre et à Dieppe.
Je demande qu'enfin on mette à l'ordre du jour la loi sur les subsis-tancss, qui, depuis un mois, est toujours indiquée et sans cesse écartée, et que cet ordre du jour soit fixé à demain.
observe que si les fermiers ne portent pas de blé dans les marchés, c'est que les gendarmes nouvellement créés sont des fils de fermiers, et qu'ils ne veulent pas les y forcer.
(La Convention ajourne au lendemain la discussion du projet de décret sur les subsistances.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui fait passer à la Convention un procès-verbal des administrateurs des postes, « qui constate que le courrier de Nantes a Paris a sauvé, dans sa route, la malle prête à tomber dans la Loire, et le ministre demande une gratification en faveur de ce courrier.
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, tendant à savoir si les harengs et poissons salés sont compris dans la loi prohibitive de la sortie des comestibles ; cette lettre est ainsi conçue:
Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« Il s'est élevé, dans un des ports de la Répu-
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Le Ministre des contributions publiques,
« Signé : Clavière. »
(La Convention passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que l'avis exprimé par le ministre, en cette lettre, est conforme à l'esprit de la loi.
Le même secrétaire donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs de la commune de Rouen, qui sollicitent pour cette ville la faculté d'emprunter une somme de cent mille écus pour achat de grains.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'agriculture et des finances réunis.)
2° Lettre de Garat, ministre de la justice,-qui demande que l'on change l'empreinte de tous les marteaux des ci-devant maîtrises des eaux et forêts.
(La Convention renvoie la lettre au Conseil exécutif provisoire pour faire changer promp-tement, et d'une manière convenable aux principes de la Révolution, les empreintes de tous les marteaux qui seront employés pour les opérations relatives à l'administration des bois nationaux.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre au citoyen Pache, ministre de la guerre, qui est ainsi conçue :
Paris, le
Citoyen Président,
« Le décret de la Convention nationale du 11 novembre dernier concernant les hôpitaux, la pétition sur laquelle est intervenu ce décret et la lettre des commissaires de la Convention, renvoyée au comité militaire, me sont parvenus.
« Je me suis fait représenter le dernier compte rendu par les inspecteurs des hôpitaux.
« J'ai demandé aux régisseurs des éclaircissements par écrit sur les faits allègues dans la pétition.
« Je fais publier une invitation aux artisans de s'occuper le plus promptement de la construction de chariots propres au transport des malades, et j'annonce un prix de 2,000 livres pour celui qui aura le mieux réusssi.
« Sainte-Menehould, Landrecies et Avesnes sont les lieux dans lesquels ces prévarications ont été exercées. Je destitue les commissaires des guerres chargés de la police et je les remplace par des patriotes.
«J'invite les municipalités, par une circulaire, à surveiller d'une manière particulière le service des hôpitaux, pour me dénoncer les abus qu'ils pourront y découvrir.
« Enfin, je fais partir trois inspecteurs pour examiner, avec la plus scrupuleuse attention, toutes les parties de cet important service.
« Je suis, etc...
« Le ministre de la guerre, « Signé: Pache. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de deux prisonniers de l'Abbaye, qui écrivent à la Convention nationale, qu'ils ont été arrêtés à Dunkerque le 10 août dernier, comme émigrés, et que depuis ils ont été transférés le 7 septembre à l'Abbaye, où, depuis leur détention, ils n'ont pas encore été interrogés. Ces deux prison-sonniers qui se nomment Roses et Boreston, demandent d'être interrogés ou d'être mis en liberté. S'ils sont regardés comme émigrés, ils obéiront à la loi et se retireront dans les pays étrangers pour se soustraire à la vengeance des hommes dont ils n'ont pas partagé la barbarie.
(La Convention renvoie la lettre au ministre de la justice pour faire interroger ces prisonniers dans les 24 heures.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, avec des pièces y jointes du département des Bouches-du-Rhône, relatives à une demande que la munici-cipalité de Marseille a faite d'une avance de 1,500,000 livres pour l'aidera payer les grains dont elle a commissionné l'achat.
Suit la teneur de ces pièces :
Paris, le er de la République.
Le ministre de l'intérieur au Président la Convention nationale (1), g
« Les Admininistrateurs du département des Bouches-du-Rhône viennent de m'adresser les deux pièces ci-jointes, que je vous supplie de communiquer à la Convention nationale. Elles sont relatives à la demande que la municipalité de Marseille a faite d'une avance de quinze cent mille livres pour l'aider à payer les grains dont elle a commissionné l'achat. J'ai eu l'honneur de vous rappeler cette demande par ma lettre du 11 de ce mois, et de vous prier de mettre sous les yeux de l'Assemblée les considérations qui me faisaient désirer qu'elle voulût bien y statuer elle-même. La Convention verra, par les pièces que je vous envoie, que la situation des choses n'a pas permis d'attendre sa décision et que les trois corps administratifs et commissaires des sections réunis à Marseille ont, par leur délibération du 31 octobre, arrêté d'accorder au Bureau général des subsistances de Marseille, 1 million à titre de prêt remboursable au 30 novembre sur les 1,500,000 demandés au ministère ou sur tous autres fonds qui seraient indiqués par les délibérants, et que ce million serait tiré de la Caisse du district de Marseille.
Je ne présenterai à la Convention aucune réflexion sur la conduite des corps administratifs, qui se permettent de disposer des deniers publics sans aucune autorisation. Je me borne à lui représenter la nécessité de me procurer promptement sa décision sur la demande que te dépar-partement des Bouches-du-Rhône fait aujourd'hui pour la municipalité de Marseille.
« Signé : Roland. »
Blés achetés 35,150 charges
Bureau des subsistances de la ville de Marseille. Etat des blés commis par le bureau des subsistances (1).
7,000 charges à Gènes, montant à...../........ 720,000 l.|
3,000 id: à Livourne..........................180,000
4,000 id. à au ci-devant Languedoc................240,000
1,440 id. achetées ici.................................... 82,000
9,710 id. achetées ici, à livrer.................548,615
10,000 id. à Ferrare................................................600,000
2,070,695 1.
Blés commis dont Tâchât est en activité... 31,000
20,000 charges à Ferrare........................ 1,200,000 1.
4,000 id. à Tunis......................... 240,000
7,000 id. à Gênes......................... 420,000
66,150 charges Blés... M0....................................... T.
Farines com. 3,000 Barrils farines à Cadix........*.........................
1,860,000 1.
3,930,695 1.
168,000 T. 4,098,695 1.
Le montant total des souscriptions générales tant dans la ville que ses faubourgs et son terroir, soit en comptant soit en billets à terme, s'élève à environ............ T. 1,842,000 1.
Le montant des sommes reçues par le citoyen Dolier, trésorier, tant en assignats qu'en billets à termes est T. 1,241,881 it 16 provenant des susdites souscriptions et de plus T. 300,000 1. en assignats prêtés par le Directoire du district, ce qui donne un total..........T. 1,541,881 1. 16 s*
Les payements faits jusqu'à ce jour par le susdit trésorier du bureau des
subsistances se montant a................................................... 1,958,681 1.
Les traites fournies sur les citoyens Martin Salary et Gie qui ont commis les blés au ci-devant Languedpc échéant en novembre décembre et janvier prochain. Celles fournies de Livourne sur les citoyens Bouillon flaller, et Cie échéant
au 4 décembre prochain....................................................
Les remises à faire samedi 3 novembre prochain à Gênes et à Ferrare.....
T.
16
96,000
62,031 300,000
2,416,712 1. 13
Certifié véritable par nous, commissaire semainier du bureau d'exécution des subsistances.
Signé i Vaugaver, commissaire semainier ; George Manent, officier municipal; dominique Strafforelle, commissaire semainier. Certifié conforme à Voriginal.
Signé : desieue, secrétaire général.
Extrait de la délibération du bureau général des subsistances, assemblé le 25 octobre Van Ier de la République française (2).
La séance étant ouverte, MM. les semainiers ont dit : M. Dolier votre trésorier vous a remis un état d'après lequel il conste qu'il a déboursé 1,547,000 livres et qu'il ne lui est entré, jusques à ce moment qu'environ 1,100,000 livres; il aura encore à pourvoir de nouveaux fonds, samedi prochain, plusieurs des membres qui ont été chargés de commettre des achats, et il a encore à payer, en novembre et décembre prochains, les traites qui ont été tirées de Toulouse, Castel-naudary et Livourne.
Comme la souscription ne forme à peu près que la demi du montant des commissions (Tonnées, vous êtes priés de prendre en grande considération cet objet important, et de vouloir bien délibérer sur les moyens à prendre pour pourvoir au déficit.
L'assemblée vivement pénétrée de l'exposé ci-dessus, a unanimement
délibéré que, séance te-
Signé : Audibert, officier municipal; Boulouvard, officier municipal; Gabriel, officier municipal; L. Nitard, officier municipal; barthélémy Benoit, officier municipal; Robert, officier municipal et Seybres, procureur de la commune.
« Vu le dépend de la délibération prise le 25 de ce mois par le bureau général des subsistances de Marseille tendant à demander un secours provisoire d'un million pour les achats du bureau.
«. Vu le dire de la municipalité de Marseille portant qu'il est urgent que le bureau des subsistances ait les fonds indispensablement nécessaires; que l'avance faite par le citoyen Dolier, trésorier et le payement qui doit être fait samedi, forment à peu près une somme d'un million; que le moindre retard dans le payement pourrait occasionner un discrédit très dangereux et la suspension des ordres donnés dans 1 étran-
ger ; que la commune est absolument dénuée de fonds et qu'il n'y a que le recours à la caisse du district pour obtenir une avance momentanée.
« Le directoire du district, ouï le rapport et le procureur syndic, • se déterminant d après les observations de la municipalité, estime que le receveur du district doit être autorisé à faire au bureau des subsistances de Marseille et des fonds de sa caisse une avance d'un million de livres, comptables par portion à son gré, selon que la situation de ladite caisse le lui permettra; lesquelles avances seront remboursées au district receveur, selon l'offre qu'en a fait la municipalité de Marseille, par ladite municipalité et des fonds de 1,500,000 livres que le ministre de l'intérieur doit lui faire passer incessamment pour l'objet des subsistances, ou en cas de retard des fonds que la municipalité fera entrer à cet effet.
« Fait à Marseille, en directoire, le 27 octobre 1792, l'an Ier de la République, présents 4 membres.
« Signé : Bremond, vice-président et J)onjon, secrétaire.
« Certifié conforme à Voriginal :
« Signé : Desieue, secrétaire général. »
« Vu la délibération et l'avis ci-dessus :
« Ouï le procureur général syndic en absence.
« L'Administration dudépartementaarrêtéque la délibération dont il s'agit sera présentée à l'assemblée des trois corps administratifs réunis à Marseille pour y être pourvu.
« Fait à Marseille dans la séance publique de l'Administration du département des Bouches-du-Rhône. En surveillance permanente, le 30 octobre 1792, l'an Ier de la République française.
« Signé : Villiard, président et Desieue, secrétaire général. »
« Certifié conforme :
« Signé : Desieue, secrétaire général. »
Extrait « parte in quâ » du procès-verbal de rassemblée des trois corps administratifs et commissaires des sections réunies à Marseille.
Séance du er de la République française.
« Il a été fait lecture d'une délibération du bureau général des subsistances de. Marseille du 25 de ce mois, par laquelle ce bureau sollicite un secours provisoire d'un million, remboursable sur les 1,500,000 livres demandées au ministre ou sur tous autres fonds qui seront indiqués par l'Assemblée.
« Un membre dudit bureau a exposé le besoin urgent de ce secours et a dit que c'est un prêt demandé pour être remboursé au 30 novembre prochain. La demande a été discutée et mise aux voix.
« L'assemblée a délibéré d'accorder le secours demandé, de le tirer de la caisse du district de Marseille.
« Certifié conforme :
« Signé : Desieue, secrétaire général. »
Délibéré de plus qu'extrait de la présente délibération sera présenté à Ja municipalité par
les citoyens Bouillon, Fevry, Rabaud, Jolier, Vaugover et Abeille, députés à cet effet.
Signé : Manent, officier municipal, président et Hivert, secrétaire.
Collationné conforme à Voriginal par nous, secrétaire du bureau des subsistances : Signé : P. Hivert, secrétaire.
Vu la délibération ci-dessus ;
Considérant qu'il est urgent que le bureau des subsistances ait les fonds indispensablement nécessaires; que l'avancé faite par le citoyen Dolier, trésorier; et le payement qui doit être fait samedi forment à peu près une somme d'un million ;
Considérant que le moindre retard dans le payement pourrait occasionner un discrédit très dangereux et la suspension des ordres donnés dans l'étranger;
Considérant que la commune est absolument dénuée de fonds et qu'il n'y a que le recours à la caisse du district pour obtenir une avance momentanée ;
Le corps municipal ouï sur ce, le citoyen procureur de la commune a arrêté de demander au département, par l'intermédiaire du district, l'avance de la somme d'un million, qui sera versée dans la caisse du citoyen Dolier, avec promesse de rembourser cette somme des fonds que le ministre de l'intérieur doit faire passer incessamment à la municipalité pour l'objet des subsistances, ou en cas d'un retard des fonds que la municipalité fera entrer à cet effet; et comme le temps presse, le corps municipal a nommé les citoyens Guiraud, Manent et Gabriel, officiers municipaux, pour se porter auprès des administrations du district et du département pour solliciter la plus prompte expédition possible de cet objet important.
Fait à Marseille, dans la maison commune, le 26 octobre 1792, l'an Ier de la République française.
Signé : mourraille, maire; baudoin, officier municipal; Petre, officier municipal; Bertrand, officier municipal; Guiraud, officier municipal; corail, officier municipal ; vernet, officier municipal ; george Manent, officier municipal.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Citoyens, je vous dénonce un fait très important. Des huissiers priseurs abusent du décret qui a ordonné la vente des biens meubles des émigrés dans le département de Paris. Ils se coalisent et adjugent à très bas prix, par ce moyen, des objets d'une valeur considérable. Hier, par exemple, on a vendu pour 20 francs un objet de 500 livres, et pour 80 livres un objet de 100 pistoles. Assurément, ce n'est pas votre intention que cela se fasse ainsi. C'est une véritable dilapidation des domaines nationaux. Je demande que ma dénonciation soit renvoyée au pouvoir exécutif, qui sera tenu de vous rendre compte demain des mesures qu'il aura prises à cet égard.
(La Convention décrète le renvoi.)
,au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de
décret sur la demande de remboursement de la dépense faite pour des
fouilles sous le dôme des Invalides (1) ; il s'exprime ainsi ;
Votre comité des finances a scrupuleusement examiné la lettre du ministre et les motifs de la demande des ouvriers.
Il a pensé que la dénonciation d'un maçon, qui s'est même rétracté, n'avait pu autoriser les sections de la Croix-Rouge et des Invalides à faire faire une trouée pareille ; en conséquence, il a arrêté de vous proposer de déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande en payement des 685 1.15 s.
Au reste, -considérant que, sous le règne de la liberté, le 'premier devoir des représentants du peuple était de veiller attentivement à la conservation des arts et des monuments élevés par le génie, le comité des finances a pensé que la Convention devait mettre à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 3,000 livres pour frayer aux réparations qui peuvent être nécessaires au dôme des Invalides.
Enfin, le comité a pensé que le procureur général syndic du département de Paris devait poursuivre le recouvrement des dépenses que peut nécessiter l'excavation en question contre ceux qui ont donné les ordres.
En conséquence, il a proposé le projet de décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, section des dépenses, sur la lettre du ministre de l'intérieur, relative à l'excavation faite sous le dôme des Invalides au mois d'août dernier, en exécution des ordres de la section des Invalides et de celle de la Croix-Rouge de Paris, sous prétexte d'en tirer des armes qu'on avait dit y être cachées ;
« Décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le remboursement de la somme de 685 I. 15 s. dépensée pour ladite excavation, et que la trésorerie tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 3,000 livres pour être employée sur-le-champ à faire faire les réparations suffisantes aux fondations du dôme des Invalides. »
Je propose, par amendement, que l'agent du Trésor public soit chargé de poursuivre le remboursement de ce qui aura été dépensé pour cet objet, contre ceux qui auront autorisé ladite excavation.
(La Convention adopte l'amendement de Lan-juinais.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité des finances, section six des dépenses, sur la lettre du ministre de l'intérieur, relative à l'excavation faite sous le dôme des Invalides, au mois d'août dernier, en exécution des ordres de la section des Invalides et de celle de la Croix-Rouge de Paris, sous prétexte d'en retirer des armes qu'on avait dit y être cachées :
« Décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur
le remboursement de la somme de 685 1.15 s. dépensée pour ladite excavation, et que la trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 3,000 livres, pour être employée, sans délai, à faire faire les réparations suffisantes aux fondations du dôme des Invalides ; et charge l'agent du Trésor public de poursuivre le remboursement de ce qui aura été dépensé pour cet objet, contre ceux qui ont autorisé ladite excavation. »
Un membre, au nom de la commission des archives, propose des vues pour accélérer l'exécution des décrets du 8 novembre, sur les dépôts des Chartes et lois existant dans Paris (1).
Sur sa proposition, le décret suivant est rendu :
« La Convention nationale voulant faciliter l'exécution du décret du 8 novembre présent mois, par lequel elle a demandé à ses commissaires un rapport sur les dépôts de Chartes et lois, existant dans Paris ; instruite que les scellés ont été apposés sur plusieurs de ces dépôts par la municipalité, et qu'ils subsistent encore, décrète que la municipalité de Paris, et, à son défaut, le département, nommeront dans trois jours deux commissaires qui se transporteront dans les lieux et aux jours qui leur seront indiqués par les commissaires de la Convention, à l'effet de lever les scellés qui empêchent l'ouverture des lieux, cabinets et armoires où les dépôts sont établis, et de les rapporter aussitôt après que les commissaires de la Convention auront achevé l'examen nécessaire pour le rapport qu'ils doivent lui présenter. »
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à accorder une récompense à la famille Girardin qui a découvert et suivi au Châtelet et à la Force des fabricateurs de faux as-signats (2); le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance ; considérant qu'il résulte des certificats, tant du commissaire de police de la section des Gravil-liers, que des administrateurs au département de la police de la municipalité de Pans, que le citoyen Girardin, sa femme et leur fils, ont découvert et suivi différentes fabrications de faux assignats au Châtelet et à la Force; que l'article 7 de la loi du 27 février accorde une récompense aux dénonciateurs de fabrication ou distribution de faux assignats ; considérant qu'il résulte du certificat du commissaire de police de la section des Gravilliers, que la citoyenne Girardin a déjà reçu 400 livres qu'elle a employées en frais ae découverte, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera accordé une somme de 1,200 livres, indépendamment des 400 livres reçues par la citoyenne Girardin, laquelle somme de 1,200 livres sera partagée par tiers entre le citoyen Girardin, sa femme et leur fils.
Art. 2.
« Cette somme sera prélevée sur les 1000,0001. laissées à la disposition
des commissaires de la
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comité des décrets, fait lecture de Pacte d'accusation contre la citoyenne Rohan-Rochefort (1).
trouve que l'accusation de complot contre la sûreté publique formulée contre cette citoyenne est trop vaguement basée dans l'acte proposé.
demande que quelques membres du comité de législation soient adjoints au comité des décrets pour la rédaction de cet acte.
(La Convention ordonne le renvoi de cet acte aux comités des décrets et de législation réunis, pour présenter une nouvelle rédaction.) .
(d'Angers), au nom du comité de sûreté générale, fait un rapport sur l'état des prisons de Paris et les motifs de détention des personnes qui y sont incarcérées ; il s'exprime ainsi : Citoyens, vous avez chargé votre comité de sûreté générale de visiter les prisons du département de Paris, de s'informer des causes et du temps des détentions, d'en dresser le procès-verbal et de vous faire un rapport sur cet objet. Il a rempli cette mission intéressante et je viens vous en rendre compte.
Nous avons parcouru successivement la Force, Saint-Lazare, Sainte-Pélagie, Bicêtre, l'Abbaye, la Conciergerie et la Salpêtrière.
Un certain nombre de détenus ont été renfermés pour de très légères causes et sans même qu'il ait été lancé contre eux des mandats d'arrêt.
A Saint-Lazare, nous n'avons trouvé qu'un seul prisonnier, Cappy. La Convention a reçu plusieurs fois ses justes réclamations; elle a ordonné qu'il serait mis en liberté, et nous avons eu le plaisir d'exécuter son décret.
A Sainte-Pélagie, il y avait 14 prisonniers, dont 13 hommes et une femme.
De ces 14 prisonniers, deux n'avaient contre eux que des délits très iégers. Le premier était accusé d'avoir volé une paire de souliers, mais il n'existait aucune preuve contre; lui. Le second, enfant de quinze ans, était à Sainte-Pélagie pour avoir voulu vendre à un orfèvre une pièce d'or oblongue, tombée à ses pieds de la poche d'un officier suisse, tué dans la journée au 10 août. Tous deux ont été mis en liberté.
A l'Abbaye, nous avons trouvé 50 soldats, dont 23 déserteurs et 27 enfermés pour fait d'indiscipline. Outre les soldats, étaient deux ci-devant gardes du corps, arrêtés à Dunkerque et contre lesquels il n'existait aucune preuve de conspiration ; enfin quatre particuliers accusés de fabrication de faux assignats.
A la Salpêtrière, se sont trouvées quatre filles dont une accusée de vol
et trois enfermées pour y être traitées du mal vénérien. A la Force,
nous avons trouvé 13 voleurs. A Bicêtre, se sont trouvés 249
prisonniers, savoir : des particuliers enfermés pour fait de police
correctionnelle ; des particuliers détenus en attendant le jugement du
tribunal criminel; des malades que l'on y guérissait, et nous vous
Enfin, nous avons trouvé à la Conciergerie 213 prisonniers, parmi lesquels étaient 33 particuliers que l'on disait être des émigrés et que nous nous sommes convaincus n'être rien moins que cela : ce sont 33 soldats du régiment de Berwick qui ont quitté leurs drapeaux pour se joindre à l'armée française.
Tels sont, citoyens, les résultats de nos visites, et le comité, réuni pour examiner les procès-verbaux dressés dans chacune des prisons, a arrêtéde vous proposer d'autoriser le ministre de l'intérieur à faire élargir tous ceux dont la détention est arbitraire et d'ordonner au ministre de la justice de presser le jugement de ceux qui doivent l'être.
Je demande l'ajournement et l'impression de ce rapport; j'ai cru y voir quelques taches que je désire examiner et que Te rapporteur lui-même doit désirer de voir disparaître.
(d'Angers), rapporteur. Je demande que l'on imprime aussi les procès-verbaux dressés dans les prisons par les commissaires.
Je m'oppose à l'ajournement, à l'impression et à la discussion. Vous avez ordonné la visite des prisons : quel était votre motif? De vous assurer si, comme on le répandait avec affectation, il existait dans les prisons des gens enfermés pour raison de leur opinion politique. Cette visite a été faite : qu'a-t-on trouvé ? Des petits voleurs, des malades, quelques déserteurs et des gens qui se trouvaient avec raison sous le glaive dè la loi. Qu'avons-nous fait? Nous avons mis dehors les personnes dont la détention nous a paru, après un examen réfléchi, avoir payé la faute légère; nous vous demandons de faire juger les autres. Voilà notre conduite... Elle semble avoir rempli le but de la Convention. Je demande l'adoption du décret proposé par le comité de sûreté générale et l'ordre du jour.
Et moi, je demande que l'Assemblée renvoie les procès-vèrbaux au ministre de la justice.
J'appuie, mais à la condition que ce ministre rendra compte, dans huit jours, de l'exécution du décret rendu le 8 octobre dernier, relativement aux prisonniers.
(La Convention décrète le renvoi des procès-verbaux au ministre de la justice, pour faire exécuter et rendre compte, sous huitaine, de l'exécution du décret du 8 octobre dernier.)
présente à l'Assemblée le grand sceau d'argent du ci-devant ordre de Saint-Louis.
(La Convention décrète qu'il sera brisé et renvoyé à la Monnaie.)
Citoyens, je suis chargé, par huit communes de la principauté de Nassau-Sarre-bruck, de demander leur réunion à la République française, et voici l'adresse qu'elles m'ont demandé de vouloir bien vous lire à cette occasion :
Législateurs français,
« Le désir d'être libres fermentait dans nos cœurs depuis que la Révolution s'est opérée chez vous. Ce germe de liberté qui mûrissait peu à peu vient de se développer dans une telle perfection que, sans en venir à des excès, les habitants de la principauté de Nassau-Saarbruck ont arboré la cocarde nationale et planté l'arbre de la liberté.
« Tous les ressorts de la tyrannie nous comprimaient et nous les avons rompus pour toujours. Le prince de Nassau a eu l'air de vouloir faire des grâces quand il a été instruit de nos mouvements vers la liberté. Il a convoqué les habitants ; mais peu ont répondu à cette invitation, et ce n'est qu'en déclarant par des députés que la liberté, à laquelle nous voulions porter un culte éternel, ne pouvait reconnaître un prince qui renoncerait astucieusement aux droits les plus odieux et s'occuperait sans cesse à retrouver l'occasion de nous assujettir de nouveau.
« C'est à vous, législateurs, à écouter maintenant nos vœux. Placez-nous sous les lois de la République française. La France est notre ancienne famille; il n'est pas une communauté de notre pays qui n'ait été trafiquée ou vendue par les défunts tyrans de la France à ces petits despotes étrangers, nos ci-devant maîtres.
« Les 26 communautés qui forment les limites de la principauté de Nassau sont irrégulièrement enclavees dans le territoire français. Elles ne sauraient se soutenir ni former à elles seules une République. Soyez donc propices aux élans d'un peuple qui veut être libre ; prononcez notre réunion à la nation française ; vous verrez, législateurs, que nous sommes dignes de ce bienfait. Au lieu de laisser dévorer par le prince, ses agents, ses valets et satellites, la grosse partie de nos récoltes que la dîme et les redevances seigneuriales allaient nous enlever, nous l'offrirons aux malheureux citoyens de Thionville et autres lieux ravagés par les ennemis.
« Nos relations commerciales et la conformité de langue semblent nous placer naturellement dans le département du Bas-Rhin.
« Signé : Les citoyens chargés des pleins pouvoirs des communautés de Sarrebruck, Kir-bery, Guerling, etc. »
Je demande que la Convention prononce dans cette séance sur la demande de ces amis de la liberté.
Je propose de les mettre sous la
firotection des armées françaises et de charger e comité diplomatique de lui présenter les moyens de faire droit à leurs pétitions ultérieures.^
Je demande que la Convention charge son comité de législation de lui faire un rapport sur la manière dont la nation française doit accorder sa protection aux peuples qui la réclament.
Cette question en appelle une autre, contre laquelle on ne saurait trop s'élever : je veux parler des- contributions imposées indistinctement sur les villes libres et sur les villes où commandent nos ennemis, sur les peuples qui accueillent fraternellement nos armées et sur ceux qui les combattent. Je n'en veux, comme exemple, que la ville de Francfort.
Cette ville libre attendait les Français avec impatience, elle avait préparé des illuminations pour les recevoir ; mais on a parlé de contributions et à l'instant tout s'est consterné. Je demande si nous pouvons faire payer aux peuples la liberté que nous leur donnons?
La question jprésentée par Ducos ne vient pas à son heure et serait plus utilement discutée quand viendra le rapport sur la conduite à tracer aux généraux français. Je prie la Convention de reporter son attention 6ur la demande des habitants de Nassau-Sarrebruck et je lui rappelle le décret par lequel elle a déclaré que la protection de la République serait accordée à tous les peuples libres qui la réclameront. Je propose, pour ce motif, de passer à l'ordre du jour.
J'appuie la proposition, mais je réclame le renvoi sur la demande en aggréga-tion des habitants de Nassau-Sarrebruck aux comités de Constitution et diplomatique réunis.
(La Convention décrète les propositions de RoUyer et de Mathieu.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre d'Anthoine, député de la Moselle, qui demande un congé de huit jours, et d'une lettre de Cham-pigny-Clément, député d'Indre-et-Loire, qui sollicite un congé d'un mois.
(La Convention accorde les deux congés).
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente deux projets de décret : le premier, tendant à prescrire qu'à l'avenir les commissaires de la Convention nationale ne pourront ordonner aucune dépense extraordinaire ; le second, suspendant l'exécution de l'arrêté prispar les commissaires de la Convention à l'armée des Pyrénées et qui accorde deux sols de haute paye par jour aux soldats de la région de Bayonne; il s'exprime ainsi :
Citoyens, les commissaires de la Convention nationale à l'armée des Pyrénées ont cru pouvoir accorder deux sols de haute paye à chaque soldat et ordonner le payement de plusieurs dépenses faites pour la répartition des places. Votre comité des finances, après étude de la question, s'est convaincu que c'était un acte illégal et dangereux et que si cet usage s'établissait, il rendrait illusoire la responsabilité du ministre et impossible la surveillance des représentants du peuple sur l'emploi des deniers publics. C'est pourquoi il a décidé de vous proposer qu'à l'avenir aucun des commissaires pris aans son sein ne pourrait ordonner aucune dépense, délivrer ni faire délivrer aucune ordonnance ni mandat sur les caisses nationales.
Quant à l'arrêté pris, le 20 octobre dernier, par les commissaires envoyés à Bayonne, pour accorder deux sols de haute paye par jour aux soldats, chasseurs et cavaliers cantonnes à Biarritz, Louhossoa, Cambo, Espelette, Ainhoa, Sare, Guetary, Urrugne et Hendaye, il a décidé d'en suspendre l'exécution, en attendant que les comités réunis des finances et de la guerre en aient examiné les motifs et fait leur rapport.
Voici, en conséquence, les deux projets de décret :
Premier projet.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète qu'à l'avenir aucun des commissaires pris dans
son sein ne pourra ordonner aucune dépense, délivrer ni faire délivrer aucune ordonnance ni mandat sur les caisses nationales. »
Deuxième projet.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, suspend l'exécution de l'arrêté pris par ses commissaires à Bayonne, le 20 octobre dernier, pour accorder deux sols de haute paye par jour aux soldats, chasseurs et cavaliers cantonnés à Biarritz, Louhossoa, Carnbo, Espelette, Ainhoa, Sare, Guetary, Urrugne et Hendaye; et renvoie à ses comités de&finances et de la guerre réunis, pour examiner les motifs de cet arrêté et en faire le rapport incessamment. »
(La Convention adopte ces deux projets de décret.) "
, au nom du comité des finances rend compte de l'état actuel du recouvrement des contributions directes et indirectes de 1791 et propose deux projets de décrets : l'un, tendant à ordonner la mention honorable de l'exactitude que les citoyens du district deFaouët ont apportée aupayement de ces contributions; Vautre, tendant à révoquer la faculté laissée aux corps administratifs de disposer des fonds appartenant à la nation pour les dépenses relatives à la défense de la République ; il s'exprime ainsi:
Citoyens, voici l'état des recouvrements, faits par les receveurs de districts, sur les contributions directes et indirectes de l'année 1791, jusqu'au 1er octobre 1792, et des versements faits par les mêmes receveurs à la trésorerie nationale, jusqu'au 1er novembre.
Exercice de 1791.
Montant des recouvrements au 1er octobre, r— Sur les contributions foncière et mobilière, 180 millions 573,666 livres ;
Sur les patentes, 6,462,595livres ;
Sur le timbre et enregistrement, non compris la ville de Paris, 20,599,883 livres.
Total, 207,636,144 livres.
Montant du versement au 1er novembre. -Sur les contributions foncière et mobilière, 145,958,682 livres;
Sur les patentes, 6,435,673 livres ;
Sur le timbre et enregistrement, non compris la ville de Paris, dont le caissier général n'a encore versé que le produit des 6 premiers mois, 20,547,384 livres;
Dépenses acquittées sur les sous pour livre additionnels, 16,896,642 livres.
Total 189,838.283 livres.
Restait dans les caisses de district, au 1er octobre, soit en assignats, soit en acquits d'objets payés à la décharge de la trésorerie nationale.....
Exercice de 1792. -
Montant des recouvrements au 1er octobre. — Sur les contributions foncière et mobilière, 234,885 livres;
Sur les patentés, 4,160,169 livres;
Sur le timbre et enregistrement, et non compris la ville de Paris, 3(1,022,801 livres; Sur les douanes nationales, 12,222,211 livres. Versement au 1er novembre. — Sur lés contributions foncière et mobilière.....;
Sur les patentes, 4,142,835livres;
Sur le timbre, enregistrement, et non compris la ville de Paris, dont le3 préposés à l'enregistrement ont versé jusqu'au 1er novembre, 8,564,651 1. — 29,897,706 livres;
Sur les douanes, 9,476,222 livres.
Total 43,516,663 livres;
Restait dans les caisses de district, au lw octobre, soit en assignats, soit en acquits d'objets payés à la décharge du Trésor public, 3,123,403
Votre comité a examiné quel était le département ou district qui le premier avait achevé de payer sa contribution. Le district de Faouët? département du Morbihan, a le premier opère ce versement. (Applaudissements.) Je vous propose de décréter qu'il en sera fait mention honorable. (Nouveaux applaudissements.) La cause du retard des rentrées des fonds tient à ce que les administrations emploient une certaine partie des fonds publics. Pour éviter cet abus, nous vous proposerons de décréter qu'à compter de la publication du présent décret, les administrations ne pourront distraire aucun fonds du Trésor national pour les frais d'armement et équipement des gardes nationales et pour tout ce qui intéresse la défense de la République. Le décret qui a déclaré la patrie en danger et autorisé les directoires de départements et de districts à expédier des mandats à cet effet sur les caisses nationales serait rapporté. Les receveurs de districts, payeurs, qui acquitteraient ces dépenses ou des mandats y relatifs, seraient personnellement responsables.
Voici, en conséquence, les deux projets de décret :
Premier projet.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, duquel il résulte que le district du Faouët, département du Morbihan, est le seul qui ait entièrement achevé le payement, tant de la contribution foncière, que de la contribution mobilière de 1791, décrète qu'il sera fait mention honorable dans son procès-verbal, de l'exactitude que les citoyens du district du Faouët, département du Morbihan, ont mise au payement des contributions de 1791. »
Deuxième projet.
« La convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« A compter de la publication du présent décret, la faculté qui avait été accordée aux corps administratifs, notamment par la loi du 18 juillet dernier, de disposer des fonds appartenant à la nation, qui se trouvent dans les caisses publiques pour les dépenses relatives à la défense de la République, est et demeure révoquée.
Art. 2.
« Les administrateurs qui, après cette époque, signeront ou expédieront des mandats ou ordonnances sur les caisses nationales, pour les dépenses propres au Trésor public; les receveurs, payeurs ou caissiers qui les acquitteront, en serontpersonnellement responsables, lesdits mandats ou ordonnances devant être rejetés des comptes des receveurs qui les auront payés.
Art. 3.
« A compter du jour de la publication du présent décret, les directoires de district vérifieront et arrêteront l'état des sommes qui auront été payées par les receveurs de district, pour les dépenses propres au Tréspr public; ils en feront dresser deux comptes sépares, dont un contiendra les sommes qui auront été payées pour le service de la guerre; l'autre contiendra les sommes qui auront été payées pour des objets étrangers au service militaire.
Art. 4.
« Les directoires de district enverront sous trois jours aux directoires de département lesdits états, après les avoir vérifiés et certifiés véritables.
Art. 5.
« Les directoires de département /Vérifieront lesdits états, et ils les enverront sous huitaine avec leur avis; savoir, au ministre de la guerre, ceux relatifs au service de la guerre, et au ministre de l'intérieur, ceux relatifs à des objets étrangers au service militaire.
Art. 6.
» Les ministres, après avoir vérifié les objets de dépenses contenus dans lesdits états, feront expédier les ordonnances ou états de distribution nécessaires, lesquels seront reçus comme comptant des receveurs de district, par la trésorerie nationale. »
(La Convention adopte ces deux projets de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite delà discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le jugement du ci-devant roi et la forme d'y procéder.
Un membre : Je demande la parole pour une motion d'ordre. On a borné la discussion sur Louis XVI à cette question : Est-il jugeable? C'est avoir jeté un voile sur ses crimes, voile qui pourrait peut-être ne jamais être levé; c'est discuter la forme de la cause ; mais vous avez des crimes à punir, le peuple français est là, il attend ce que la justice éternelle vous demande. Louis XVI est prévenu du plus grand de tous les crimes, de celui de haute trahison nationale; il est le chef des conspirateurs et vous discutez s'il est jugeable? Louis XVI a été suspendu par le Corps législatif; examinez donc s'il l'a été j justement, parcourez les. pièces de la procédure et le juré prononcera lorsqu'il sera instruit. Alors vous pèserez la question.
Je demande que l'on s'occupe d'abord de l'examen des crimes attribués au ci-devant roi et que vous rapportiez ensuite votre décret sur cette question: Louis XVI peut-il être jugé?
Cette motion d'ordre en est vraiment une de désordre; la proposition de
Pétion : « Louis XVI est-il jugeable ?» est vraiment celle de l'ordre
des idées. Votre comité est occupé à colliger les pièces relatives aux
crimes ae Louis XVI; voudrait-on faire croire que vous cherchez à éluder
la question? Si les formes sont contre vous; eh bien, vous en appellerez
au
Je m'oppose à l'ordre du iour. La première question « le roi est-il jugeable? » est insignifiante, car Louis XVI peut et doit même être jugé. Mais après avoir décidé cette question par ou vous auriez dû finir, vous n'aurez point avancé d'un seul pas dans cette grande affaire ; il faudra recommencer ; la même question se présentera sous plusieurs autres aspects; elle sera suivie d'une foule de questions nouvelles.
Les uns demanderont si Louis XVI peut être jugé sous le rapport du système mystérieux d'inviolabilité dont on a voulu l'environner; d'autres, après avoir peint tous ses crimes, voudront le frapper comme un conspirateur; d'autres encore voudront examiner si Louis XVI et sa famille n'étaient pas des individus dévoués au salut public. On voudra discuter aussi s'il est politique et sage de juger Louis XVI dans les circonstances présentes. Si vous morcelez toutes ces questions, si vous les discutez successivement, il vous sera impossible d'en réunir les résultats et de traiter cette grande affaire avec méthode.
Le rapport du comité est l'objet naturel de la discussion ; il faut entendre tous ceux qui voudraient le combattre ou présenter des idées nouvelles. Il faut laisser discuter en masse toutes ies questions nécessaires à résoudre ; alors seulement on pourra se décider.
Avec le décret que vous avez voté dans la séance du 13 novembre écoulé et en posant cette question : Le roi est-il jugeable? vous ne parlez que de Louis XVI etnondesa famille; or, moi, républicain, je ne veux point de la race des Bourbons. Condorcet a un discours qui présente la cause sous toutes les vues ; eh bien, d'après votre décret, il ne peut s'expliquer, et vous voyez que, si vous voulez circonscrire le génie, il ne sortira rien de bon de notre discussion.
J'insiste sur le rapport du décret qui fixe le mode de discussion.
Je pense, au contraire, que ce décret doit être maintenu parce qu'il suit la marche ordinaire des idées et qu'il ne gêne point la discussion, car dans cette question : Louis XVI peut-il être jugé ? sont comprises toutes les autres. Il est très inutile, à mon sens, de discuter le mode de jugement avant d'avoir décidé si Louis XVI peut être jugé. Discutez cette question dans toute son étendue et sous tous ses rapports, j'y consens : alors on parlera sur le droit positif, sur le droit naturel, sur le droit politique ; et la question ainsi examinée deviendra claire et facile à résoudre. Mais vous ne pouvez examiner en même temps la question secondaire du mode du jugement ; elle jetterait de l'embarras et de l'obscurité dans toutes nos discussions; d'ailleurs cette seconde question pourrait influer sur la première et vous devez eviter cette influence : c'est par les principes seuls qu'elle doit être décidée. Je demande donc qu'on se borne à discuter cette première question.
Un bon esprit a sa logique, mais chacun a la sienne; vous ne pouvez pas obliger quelqu'un, pour arriver à un point, de passer par des routes différentes.
Au fond Pétion est du même avis que Buzot : il a pensé que les bons esprits pourraient embrasser tous les rapports et terminer par la question principale. Souvenez-vous de
l'Assemblée constituante; elle discutait souvent plusieurs questions à la fois; et lorsqu'il y avait une grande masse de lumières elle délibérait sur une série dequestiôns. Je demande que cette méthode soit suivie et que la Convention rapporte son décret d'avant hier.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(La Convention ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur le rapport du décret.
(La Convention écarte la question préalable.)
met aux voix le rapport du décret du 13 novembre sur la question de savoir si Louis XVI peut être jugé.
(La Convention rapporte ce décret.)
Je donne la parole au citoyen Rouzet.
Citoyens (1), j'avais commencé de dire le dernier jour, et je répète aujourd'hui, qu'après tout ce que vous avez entendu à cette tribune, qui doit vous inspirer une bien légitime horreur contre la scélératesse de cette Cour odieuse que l'indignation nationale a si heureusement anéantie, il serait peut-être imprudent de chercher à tempérer ce trop juste courroux, surtout si l'on voulait faire attention à la sollicitude qu'a manifestée dans cette enceinte le dernier procureur de la commune de Paris, lorsqu'il a proposé de mettre sous la sauvegarde spéciale de la loi ceux qui prendraient la parole dans la cause de Louis XVi. Si l'on voulait s'arrêter à l'assertion du dernier maire de cette même ville, qui dans son discours imprimé sur l'accusation dirigée notamment contre Robespierre.....
Plusieurs membres : Il s'agit de Louis XVI !
en vous annonçant le calme dans cette atmosphère agitée par tant d'orages, n'a pas craint de vous présager des mouvements vraiment sérieux, si votre décision dans cette circonstance choquait l'opinion des Parisiens.
Cependant, législateurs, comptables envers nos commettants de tout ce que l'intérêt national peut nous faire faire de réflexions, il ne sera point, je l'espère, de danger individuel, capable ae ralentir notre zèle, et le calme dans lequel on entendra les discussions vraiment intéressantes fera connaître à la République jusqu'à quel point on sait respecter ses mandataires, jusqu à quel degré peut s'étendre la liberté de leurs opinions.
La discussion avait été d'abord ajournée sur l'entier projet du comité de
législation. En la réduisant le dernier jour à la seule qu'estion de
savoir si Louis XVI peut être jugé, vous aviez déjà singulièrement
affaibli l'effet qui pouvait résulter du rapprochement des grandes
vérités auxquelles cette cause doit vous ramener. Mais les explications
dans lesquelles vous êtes entrés avant de m'accorder la parole, me
laissant espérer que je ne serai pas interrompu par des incidents
d'ordre, en abordant la question dans les termes dans lesquels elle
avait été réduite le dernier jour, je la traiterai, non pas en praticien
ou en grammairien qui pourrait vous faire perdre dans le labyrinthe des
formes ou dans les entraves des définitions des moments que
J'examinerai donc : 1° S'il est de l'intérêt de la nation de juger Louis XVI; 2° S'il est de sa justice de le punir.
En examinant s'il est de l'intérêt de la nation de juger Louis XVI, on ne trouvera pas mauvais, sans doute, que je considère quel pourrait être, pour le peuple français, l'avantage résultant de ce jugement.
A cette occasion, j'espère que l'on ne me forcera pas à m'arrêter à l'effrayante perspective que la dernière partie du rapport du comité de législation pourrait nous offrir dans le sort présagé à Louis Charles.
Ainsi, je suppose que Louis XVI soit jugeable, pour me servir de l'expression très impropre consignée dans le rapport : je suppose qu'il doit être jugé dans le sens et dans la forme da rapport.... Que les rapprochements de la mort de Charles Stuart ne laissent à Louis qu'à désirer l'accélération de cette même fin... Je suppose l'ombre du dernier de nos rois errante avec celle de Néron, et de tous les tyrans qui ont deshonoré l'espèce humaine ; quel prix la nation française retirerait-elle de tout ce qu'elle aurait cherché à mettre de prudence et de régularité dans les formes pour donner à l'univers le spectacle qu'on sollicite ?
Un des principaux que les législateurs de tous les pays, de tous les âges se soient proposés de produire par l'application des derniers supplices a certains crimes, c'est d'intimider les scélérats, de leur offrir des exemples propres à effrayer ceux que des sentiments plus heureux que celui de la crainte ne peuvent retenir.
A qui donc, législateurs, auriez-vous le projet de proposer l'exemple de Louis XVI, conduit sur l'échafaud pour avoir abusé de l'inviolabilité royale, pour s'en être fait un instrument de tyrannie et de destruction ? Quelqu'un de vous aurait-il lé dessein de relever le trône si glorieusement renversé? Et si parmi les factions qui nous environnent il en était quelque une qui aspirât à se nourrir de la substance des victimes que le despotisme immolait devant l'idole de la royauté, ne sentez-vous pas combien ces scélérats peuvent être intéressés à vous délivrer d'un roi coupable, pour pouvoir vous en présenter un innocent... un mineur... que sais-je?
Dispensez-moi, législateurs, de me livrer én ce moment à de trop justes présomptions, à des soupçons trop légitimes; ne me condamnez pas à me laisser entraîner à des développements qui occasionneraient peut-être de nouvelles agitations... Nous voulons une République dont les lois garantissent à chaque individu la sûreté, la liberté, l'égalité, objet des vœux de tous les habitants sociables du globe; et les agitateurs sont bien éloignés de consentir à accélérer cet heureux régime... Qu'ils exercent leur influence sous un ou sous plusieurs tyrans; peu leur importe... Et si vous pensiez que la tyrannie a disparu avec la royauté; rappelez-vous que les proscriptions en furent toujours les précurseurs, si elles n'en étaient pas déjà les effets... Si vous ne réfléchissez pas assez souvent sur cette vérité politique, que rien ne peut donner plus d'aversion pour la royauté que l'existence d'un roi criminel dont on pourrait craindre encore les perfidies, n'oubliez jamais que quand vous parviendrez à exterminer tous les rois, si les Français s'avilissaient à tourner encore une fois leurs regards vers la
royauté, il leur resterait des idoles à encenser, et que le sang qu'ils auraient pu répandre pour satisfaire leu r vengeance, n'au rait peut-être qu'accéléré leur retour à l'esclavage.
Il n'est donc pas de l'intérêt de la nation de iuger Louis XVI; moins encore de le conduire à l'échafaud. La nation a même un intérêt contraire, et l'Assemblée pourra aisément s'en convaincre, en même temps que je lui proposerai les considérations d'après lesquelles je me persuade qu'il ne serait pas de sa justice de le punir, même en le reconnaissant coupable dans le sens dans lequel le rapporteur du comité a cherché à l'établir.
Et d'abord, Louis XVI est-il coupable dans le sens dans lequel on l'a présenté?
Sans contredit, qu'un être inviolable, c'est-à-dire impunissable, puisque c'est là l'acception dans laquelle l'Assemblée constituante a consacré le mot; sans contredit, qu'un être inviolable est un monstre dans l'ordre social. Mais, en supposant que la société eût encore à frapper une telle production, sa juste colère ne devrait-elle pas plutôt retomber sur les créateurs ? Car enfin, d'après les idées reçues jusques à nos jours (et nous serions beaucoup trop orgueilleux ou peut-être trop ignorants, si nous nous décidions a les mépriser) d'après les idées reçues, combien de droits injustes, odieux dans le principe n'avions-nous pas légitimés par notre tolérance, par notre persévérance à nous y soumettre? combien de pactes ridicules n'avions-nous pas autorisés ou ratifiés ? Et lorsque la philosophie et la raison se sont si énergiquement élevées contre les vengeances que les rois ont exercées envers ceux dont les tentatives n'ont pas été assez heureuses pour rompre de semblables liens; nous, après les avoir brisés, en reconnaissant que nous devons principalement nos succès à la philosophie, nous tiendrions la même conduite qu'elle a réprouvée; nous nous livrerions à des vengeances; nous souillerions notre victoire par les mêmes horreurs que nous avons reprochées aux tvrans?... Car, citoyens, ne nous faisons pas illusion, comme les tyrans, nous sommes juges et parties dans cette cause. Les rois avaient usurpé sur nous l'autorité; et rien certainement ne pouvait, ni en justice, ni en fait, maintenir cette usurpation, lorsque notre volonté était de la faire cesser. Mais au lieu de reprendre l'intégrité de nos droits, les constituants ont transigé... Dispensohs-nous de qualifier la transaction, et ne nous occupons que de son existence et des effets qu'elle devait produire.
Elle devait nécessairement entretenir une lutte continuelle entre la nation, vraiment souveraine de droit, et le ci-devant souverain, de fait, devenu roi constitutionnel. Celui-ci a heureusement péri dans l'action. Faudrait-il donc adopter la maxime qu'il est criminel, parce qu'il a été vaincu ? c'eût été à coup sûr la sienne, s'il avait été vainqueur... Mais une grande nation doit-elle s'avilir jusqu'à mettre en pratique les maximes des despotes? La domination de ceux-ci ne pput se consolider que par la terreur... Et que ne faut-il pas se permettre pour soutenir le restige de la puissance absolue d'un seul sur 5 millions de ses semblables?... Et quelle lâcheté n'y avait-il pas à 25 millions d'hommes s'ils s'abaissaient aux mêmes moyens pour assurer leur indépendance?
Quoi qu'on en dise, celle que nous saurons conserver aura bien été préparée par la philosophie. Mais il n'est point vrai qu'il n'y ait, d'un
autre côté, que les crimes de Capet qui aient concouru à nous l'assurer.
Et puisque j'ai annoncé que je dirais mon opinion avec la liberté qu'aucune puissance ne parviendra à me ravir, pourquoi balancerais-je a retracer qu'à son avènement au trône, il a volontairement renoncé à une partie des prétendus droits que ses prédécesseurs s'étaient permis d'exercer?... Qu'il a aboli la servitude dans ce qu'on appelait alors ses domaines? Qu'il a appelé dans ses conseils tous les hommes que la voix publique lui désignait, même les empi-ritiques qui avaient fasciné les yeux du peuple?... Et pourquoi craindrais-je ensuite de dire qu'induit en erreur, successivement par les hommes de probité et par les fripons qui lui avaient été hautement désignés, sans cesse environné de gens intéressés à le tromper, il a été précipité d'abîme en abîme, et par les ministres du choix de sa Cour, et par des personnages pris au sein des notables qu'il avait librement appelés, et par ceux désignés dans l'Assemblée constituante qu'il avait convoquée et par les traîtres que la municipalité de Paris lui a fournis? (Murmures prolongés.)
Ici, législateurs, viendrait naturellement se placer la question de savoir si la précision proposée dans le rapport du comité de législation, relativement à l'inviolabilité, peut être adoptée; cette précision, d'après laquelle le rapporteur a soutenu que le roi a assumé les dangers de la responsabilité, lorsqu'il s'est permis d'agir sans l'intervention d'aucun ministre.
Mais cette subtilité ayant trop peu de consistance par elle-même, examinons si elle serait proposable d'après les textes de la Constitution analysés dans le rapport.
« Si le roi, par exemple, se mettait à la tête d'une armée et en dirigeait les forces contre la nation, il serait censé avoir abdiqué la royauté. »
Sans doute que dans cette supposition le comité n'a pas cru que le roi avait derrière lui, pour l'offrir à la nation, un ministre responsable ; et cependant la Constitution ne prononçait d'autre peine que celle de la déchéance.
D'où il faut conclure que la précision adoptée par le comité serait plus ingénieuse que solide, s'il était permis de faire de l'esprit quand on fait des lois.
«Mais,ajoute le comité,il n'est pas équivoque qu'indépendamment des délits qui ne sont pas prévus par la Constitution, Louis XVI est coupable de ne s'être pas opposé par des actes formels aux entreprises qui s'exécutaient en son nom ; et puisqu'il est vrai qu'il n'y a plus de trône, et,"par conséquent, de possibilité d'abdication légale ou, ce qui est synonyme, de peine de déchéance à appliquer, l'humauité et la justice nous commandent d'en infliger une autre.»
Sont-ce sérieusement des législateurs qui se permettent un persifflage aussi barbare pour vous exciter à des vengeances?... Il n'y a plus de peine de déchéance... Par votre décret d'abolition de la royauté, Louis XVI n'a pas été le seul précipité du trône. Vous avez en même temps écrasé sous ses débris et sa postérité et tous les siens.... Ce sont les crimes de Louis XVI qui auront brisé son sceptre et sa couronne, qui auront privé ce monarque si souvent parjure, de la consolation de transmettre à son fils, de conserver pour sa famille un aussi brillant héritage... Et votre comité ne craint pas de pu-
blier que Louis XVI ne peut pas subir la peine prononcée par la loi ? La nation française est délivrée pour jamais du fléau des rois !... Sans les crimes de Louis, notre postérité porterait peut-être jusqu'à la fin des siècles le poids, j'oserai le dire, des crimes de l'Assemblée constituante, et Louis XVI n'aura pas subi de peine?... et la nation n'est pas suffisamment vengée. Ne peut-elle donc l'être qu'avec du sang? et toujours du sang...
Un membre : Toujours des flatteurs !
Et ce serait dans le séjour des plaisirs, l'asile des sciences et des arts qu'on provoquerait sans cesse à en verser?... 0 vous qu'un excès de sensibilité pourrait égarer, toujours du sang !... La délivrance du genre humain ne vous expose-t-elle pas assez à en répandre ? (Murmures prolongés.)
Et vous hommes féroces, qui souvent divi-, nisez la vengeance publique, pour envelopper sous ce voile perfide vos vengeances particulières, n'aurez-vous pas assez de victimes dans les malheureux que l'indigence ou le sort des armes ramèneront vers une patrie, qu'ils ont si criminellement trahie? N'y ayant point de loi qui puisse les préserver de la juste rigueur que les circonstances nous forcent d'exercer, voilà les vrais coupables; ils le sont d'autant plus que leurs crimes entretenaient l'illusion que rorgueil et l'intérêt des courtisans soutenus par l'adulation de l'Assemblée constituante, au nom de la nation, avaient portée sur le trône!... Hommes atroces, qui voudriez faire rejaillir l'opprobre dont vous êtes couverts sur le peuple que vous êtes trop souvent parvenus à égarer, vous tenteriez vainement de changer son caractère !...N'avez-vous pas été alarmés de ce que Pétion a si bien distingué, dans ces moments où vous vous persuadiez l'avoir associé à vos forfaits ; n'avez-vous pas été frappés de la stupeur de vos* assistants, lorsque vous condamniez ; de leur joie, lorsque vous pardonniez?
11 serait donc d'autant plus injuste de chercher à juger ou à punir Louis XVI, qu'il est déjà jugé et puni plus sévèrement qu'il n'en avait été menacé par la Constitution.
Et si l'humanité outragée avait sollicité qu'il fût infligé à Louis XVI quelque autre peine que celle de la privation de la royauté, pour lui et pour les siens, les plus ardents à la poursuite de cet homme sans défense auraient-ils donc oublié qu'ils ont prodigué les applaudissements aux considérations philosophiques que le ministre de la justice vous a proposées en dernier lieu, pour affranchir de toute perquisition, même les scélérats échappés au massacre des infortunés dont les mânes ont si souvent excité et votre sensibilité et votre indignation à cette tribune ?
Après toutes ces réflexions, en vous disant qu'il vous reste encore un grand exemple à donner à l'univers; qu'on ne se flatte pas de vous persuader que c'est un exemple de sévérité, fût-elle même indiquée par des lois au lieu d'être en contradiction avec celle existante lors du délit. La sévérité qu'on paraît vous indiquer ne serait, dans la situation dans laquelle vous vous trouvez, qu'un acte de faiblesse, j'oserais dire, de lâcheté. Elle ne serait tout au plus qu'un signe certain de fureur ou de crainte ; et ce n'est pas sans doute le -caractère que vous voulez imprimer à la nation. Vous avez annoncé à l'univers que sur la terre de la liberté tous les
hommes étaient égaux. Votre intérêt est de le prouver, et vous y parviendrez bien plus efficacement en conservant dans la société, tels que la nature les avait faits, ces^êtres fantastiques, auxquels l'Assemblée constituante avait attribué une essence presque divine, plutôt qu'en suppléant arbitrairement des lois qui ne pourraient plus être justes dès que vous les appliqueriez à des faits passés; dès que vous rompriez aussi ouvertement cette mesure d'égalité, de laquelle votre souveraineté ne vous autorise pas à vous écarter. Loin de vous nuire, loin de restreindre votre puissance en vous imposant la loi de ne pas vous livrer à l'arbitraire, de prononcer, non pas d'après des mouvements de colère ou de toute autre passion, mais d'après les principes de cette justice dont il ne vous est pas permis de resserrer l'empire, de cette justice d'après laquelle une convention même injuste ne donne à 1 homme en société que le droit de s'en affranchir; vous offririez à l'univers qui vous contemple le spectacle d'un grand roi rentré avec sa famille dans la classe des citoyens, la seule avouée par la nature, spectacle bien plus imposant, bien plus instructif ; leçon bien plus sublime que celle que prépareraient tous les bourreaux réunis.
D'après ces considérations et l'ordre de discussion qui m'empêche d'en proposer tant d'autres, je ne réfuterai pas en détail, je ne dis. pas les objections, mais les systèmes qui vous* ont été présentés; ces. systèmes tendant à exciter bien plus encore qu'à légitimer une vengeance déjà trop légitime par elle-même.
Mais, citoyens, ne perdez pas de vue que ce sont les destinées de la République qui nous sont confiées, et que ce serait déjà les compromettre que de les supposer liées au sort d'un individu, quand même vous voudriez vous prêter à l'illusion que vous êtes en état de guerre avec lui... Il est sans contredit à votre discrétion ; et c'est parce qu'il y est que votre loyauté lui garantit que vous ne vous laisserez ni séduire par des peintures trop touchantes, ni exalter par aucun ressentiment.
S'il fallait, en abondant dans le sens d'un des préopinants, supposer qu'il n'y a jamais eu de Constitution acceptée par le peuple français, \ous avez du moins parmi vous plusieurs de ceux qui l'ont présentée. Vous en avez qui, l'ayant bien formellement et bien librement jurée, s'étant individuellement trouvés dans la lutte entre la nation et son représentant héréditaire, ne pourraient pas plus que les premiers rester juges dans cette cause, si nous avions à la juger.
Ainsi, puisque c'est un de ceux-là même qui ne peut pas avoir annoncé avoir combattu l'inviolabilité avant qu'elle fût déclarée, sans avouer qu'elle avait fait partie de la Constitution ; puisque c'est celui-là même contre lequel le roi constitutionnel avait naguère déclare que la loi devait sévir, celui-là que Louis XVI avait suspendu de sa magistrature populaire;en un mot, Pétion, qui vous a annoncé dans sa motion d'ordre que la discussion serait terminée, si vous reconnaissiez que Louis XVI ne doit pas être jugé; je conclurai en vous proposant un projet de décret qui, analogue aux principes que j ai exposés, serait encore le seul conciliable, avec des vues politiques d'une plus grande étendue et avec les maximes de ceux qui, jusqu'à ce moment, ont énoncé une opinion contraire... Je me charge d'établir ces vérités bien plus importantes encore qu'on ne pense, sï la discussion s'en-
gage sous tout autre rapport que celui sous lequel vous avez cru jusqu'à ce moment devoir vous restreindre. Quel que soit le nouveau que vous voudrez saisir après le premier, mon projet de décret sera toujours bien simple :
« La Convention nationale, applaudissant au zèle et au courage que l'Assemblée nationale législative a déployé lors de la suspension du pouvoir exécutif dans les mains de Louis XVI, demandant l'abolition de la royauté en France et la proclamation de la République, décrète que lors ae la présentation de la Constitution à l'acceptation du peuple français, il lui sera proposé de régler le sort de Louis XVI, de son fils et de sa fille, de sa femme, de sa sœur Elisabeth et de tous les individus de la maison ci-devant régnante actuellement en France. (Murmuresprolongés.) Et jusque-là la Convention nationale fera pourvoir à la sûreté et subsistance du ci-devant roi et de ceux de sa famille qui sont au Temple. » (Rires.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, ui transmet une dépêche du général Valence, atée du quartier général de Charles-sur-Sambre.
Suit la teneur de ces deux pièces :
Paris, le er de la République.
Le ministre.de la guerre au Président de la Convention nationale (1).
« J'adresse à la Convention nationale copie d'une lettre que j'ai reçue du général Valence, datée du quartier général de Charles-sur-Sambre, le 12 novembre l'an Ier de la République.
Du quartier général à Charles-sur-Sambre, le 12 novembre.
« Le général Valence au citoyen ministre de la guerre.
« J'ai l'honneur de vous rendre compte, citoyen ministre, que les troupes de la République française occupent la ville appelée autrefois Charles-Roi, et que le peuple nomme à présent Charles-sur-Sambre (Applaudissements.) L'arbre de la liberté est planté dans cette ville, et presque dans tous les pays entre Sambre et Namur. La garnison de Charles-sur-Sambre a fui à l'approche des troupes françaises. On assure que Namur les attend avec la plus vive impatience. Je ne puis me présenter devant cette place encore en cé moment, parce que j'attends des nouvelles du général Dumouriez, vers lequel je marche, pour me joindre à lui, afin d'attaquer ensemble l'armée autrichienne réunie.
Je pense cependant que les nouvelles que j'apprends ici se confirmeront. On dit que l'armée ennemie n'attendra point Dumouriez, qu'elle se retire par Louvain; il me sera permis alors de suivre ma première destination. J'aurai l'honneur de vous instruire de ma démarche, dès que j'aurai reçu les ordres du général Dumouriez.
« Le lieutenant général, commandant l'armée des Ardennes.
« Signé : Cyrus valence. »
« Signé : Cyrus Valence. »
« Je rouvre ma lettre pour vous recommander l'excellent officier patriote Deville, qui vient d'être blessé dangereusement à la cuisse d'un coup de feu, en emportant le poste de Bouillon ; lui seul a été blessé dans les continuelles affaires que nous avons toujours avec avantage; tous les jours l'avant-garde fait des prisonniers, et n'a pas perdu un homme. » (Vifs applaudissements.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui demande à être autorisé à remettre au département de Paris, à titre d'avance sur le million qui lui est destiné pour le remboursement des billets de secours, la somme de 200,000 livres.
Je convertis en motion la demande du ministre.
(La Convention autorise le ministre de l'intérieur à remettre au département de Paris, à titre d'avance, sur le million qui lui est destiné pour le remboursement des billets de secours, la somme de 200,000 livres.)
Nous reprenons la suite de la discussion (1 ) du projet de décret du comité de législation sur le jugement du ci-devant roi et sur la forme d'y procéder. La parole est au citoyen Grégoire.
(1). Là postérité s'étonnera sans doute qu'on ait pu mettre en question si une nation entière a le privilège de quiconque délègue, et si elle peut juger son premier commis.
Il y a seize mois aujourd'hui qu'à cette tribune j'ai prouvé que Louis XVI pouvait être en jugement : j'avais l'honneur de figurer dans la classe peu nombreuse de patriotes qui luttaient, mais avec désavantage, contre la masse de brigands de l'Assemblée constituante. Des huées furent le prix de mon courage. Citoyens, je viens plaider la même cause. Je parle à des nommes justes : ils m'écouteront avec indulgence, et avec le calme de la raison.
Le rapporteur du comité, voulant appeler des faits à l'appui de ses raisonnements, a cité quelques exemples de rois déposés. L'histoire pouvait lui en fournir un plus grand nombre. Conrad, roi des Romains, l'empereur Henri IV, l'empereur Adolphe, le roi Venceslas, Christian II de Danemark, et beaucoup d'autres, ont vu leurs trônes s'écrouler à la voix des nations ; mais ces faits, pour la plupart, ne prouvent rien dans la question dont il s'agit : les peuples qui détrônèrent ces tyrans n'avaient pas un pacte social dont les dispositions puissent s'assimiler au nôtre.
Pour établir une marche méthodique dans la discussion, je prouverai
d'abord : 1° qu'un roi constitutionnel des Français, abstraction faite
de Louis XVI, est jugeable pour des faits étrangers à l'exercice de la
royauté; 2° que quand même on supposerait que le roi ne peut être
Après avoir développé ces principes, j'en ferai l'application à l'individu qui nous occupe.
La question de l'inviolabilité fut vivement débattue vers la fin de l'Assemblée constituante; elle eut pour partisans tous ces êtres vils qui, prostituant le caractère auguste de législateurs, lui avaient substitué celui de valets de la cour, qui voulaient pomper les canaux de la liste civile, et, sous un autre nom, devenir maires du palais. A l'ombre tutélaire de l'inviolabilité, ils trouvaient le moyen facile de cacher leurs forfaits ; car un roi qu'aucune loi ne peut atteindre couvre aisément de cette égide les complices d'actions criminelles aux yeux de la nature, mais innocentes aux yeux ae la loi.
Vainement leur disait-on qu'un roi ne peut être inviolable qu'autant qu'il est impeccable et infallible : leurs hérésies politiques étaient des dogmes pour un peuple toujours enclin à l'idolâtrie de la royauté ; et, d'ailleurs, n'avaient-ils pas la loi martiale et les baïonnettes ?
Ils prétendirent que l'inviolabilité était une fiction heureusement inventée pour étayer la liberté : le bonheur d'un peuple reposant sur une fiction, et non sur les principes immuables de la naturel Cette fiction, à leur dire, était nécessaire pour assurer l'indépendance du pouvoir exécutif, ce qui entraînait la conséquence inévitable de déclarer les agents du pouvoir judiciaire également inviolables ; d'ailleurs, l'indépendance des pouvoirs n'est-elle pas une doctrine erronée? Ils doivent être séparés, mais est-il décidé qu'ils ne doivent pas être classés dans un ordre hiérarchique, où le pouvoir législatif obtiendra la prééminence ?
La personne du roi, nous disaient-ils, est indivisible : donc l'inviolabilité doit s'étendre à toutes ses actions... La réponse était facile : les législateurs sont également inviolables, mais uniquement pour leurs opinions; les ambassadeurs le sont par le droit des gens, mais seulement pour les objets relatifs à leur agence ; et cependant leurs personnes sont également indivisibles : ainsi, leur inviolabilité doit s'étendre à tout ; ou celle d'un roi le ramène, pour les actes personnels, dans la catégorie des autres mandataires du peuple.
Nos adversaires compulsaient les monuments historiques, pour y trouver des faits à l'appui de leur système ; et leurs citations n'étaient pas heureuses. Les Ephores ne pouvaient être recherchés pour leur gestion, mais là s'arrêtait leur inviolabilité. Les témoignages des publicistes, les lois et l'usage démentaient également lés assertions de nos adversaires relativement à la Constitution anglaise.
L'inviolabilité du roi et la responsabilité des ministres sont des choses corrélatives : ainsi, toutes les fois qu'on peut appliquer la responsabilité du ministre pour corriger les abus de l'autorité, là se trouve l'inviolabilité;quand celle-là manque, celle-ci disparaît ; ainsi, il faut, ou que l'inviolabilité se borne aux faits d'administration, ou que les ministres soient responsables, même de tous les faits personnels; car il faut partout que force soit à la loi et que, partout où il y a un délit, il y ait une peine. Un parjure, une trahison, un meurtre, sont à la vérité des actions royales, quant au fait et d'après les habitudes féroces de cette classe d'hommes qu'on appelle rois; mais, quant au droit, ces crimes rentrent dans la classe des délits privés. Si un
roi veut m'égorger, prétendez-vous que le droit de résistance est anéanti, que le glaive de la loi doit s'émousser contre le meurtrier? Quand on proposait cette difficulté et plusieurs autres très pressantes, les champions de l'inviolabilité absolue étaient forcés d'admettre des exceptions : alors enfin, se contredisant eux-mêmes, ils avouaieut que cette prérogative ne couvre que les délits politiques, et non les délits privés.
L'inviolabilité absolue serait une monstruosité; elle pousserait l'homme à la scélératesse, en lui assurant l'impunité de tous ses crimes. Déclarer un roi inviolable lorsqu'il viole tout, le charger de faire observer toutes les lois, et lui conférer la faculté de les enfreindre, d'interrompre le cours de la justice, c'est non seulement outrager la nature, mais la Constitution : elle porte textuellement, au chapitre de la royauté (chap. II, art. 3) qu'il n'y a pas en France d'autorité supérieure à celle de la loi. Admettre l'inviolabilité absolue, c'est, en d'autres termes, déclarer légalement que la perfidie, la férocité, la cruauté, sont inviolables; et voilà comment, après avoir admis une fiction, on présentait une immoralité révoltante comme un principe élémentaire du bonheur public.
Je passe au second article,?et je maintiens que, l'inviolabilité fût-elle absolue, admet une exception et disparaît devant la volonté nationale; sinon, il faut dévorer les absurdités suivantes: que le roi est, tout; que la souveraineté est aliénable, que là nation, en élevant quelqu'un au-dessus d'elle-même, le fait plus grand qu'elle n'est; et que, partant, il est dans l'ordre des possibles qu'un effet ne soit pas en proportion avec la cause qui l'a produit.
L'inviolabilité, étant une institution politique, n'a pu être établie que pour le bonheur national: elle est utile, disait-on, pour déconcerter ceux qui aspireràient à la puissance suprême; elle est le tombeau de l'ambition. Mais si cette prérogative s'étend à tous les actes de l'individu-roi, elle deviendra le tombeau de la nation, car elle est un moyen de plus pour consacrer l'esclavage et la misère des peuples; il conspire impunément contre eux, et, avec l'arme de l'inviolabilité, il poignarde la liberté. Prétendre que, pour le bonheur commun, il faut qu'un roi puisse impunément commettre tous les crimes, fut-il jamais de doctrine plus révoltante? Et c'est à la fin du xvin8 siècle, c'est dans cette salle qu'elle a été soutenue ! Au reste, si vous prétendez que l'Acte constitutionnel donne cette latitude absurde à la doctrine de l'inviolabilité, tandis que d'un autre côté je lis dans votre déclaration des droits que toute distinction sociale est fondée sur l'utilité commune, vous êtes en contradiction avec vous-mêmes; et mon choix ne balancera pas entre vos lois immorales et les maximes éternelles de la raison.
11 reste donc prouvé, d'une part, que l'inviolabilité ne s'étend qu'aux actes administratifs et non aux délits personnels; de l'autre, que, quand même vous donneriez à cette prérogative une extension illimitée, elle disparaît devant la volonté du souverain ; et dès lors elle disparaît devant la loi, puisque la loi est la volonté du souverain.
Je passe à l'examen des cas d'abdication : car le mot déchéance ne se trouve pas dans l'Acte constitutionnel : il me semble qu'en rapprochant les textes de la loi on n'a pas développé suffisamment ce qu'ils présentaient de favorable à la liberté populaire.
« Le roi, y est-il dit, ne règne que par loi, et ce n'est qu'au nom de la loi qu'il peut exiger l'obéissance. S'il rétracte son serment, s'il ne s'oppose pas, par un acte formel, à une entreprise exécutée en son nom contre la nation, il sera censé avoir abdiqué la royauté; et, après l'abdication expresse ou légale, il est accusable, jugeable comme un simple citoyen, pour les actes postérieurs à son abdication ».
11 y a donc l'abdication expresse de la royauté lorsque spontanément on y renonce; l'abdication légale, celle que la loi détermine ; elle date du moment où le roi, coupable des délits qualifiés par la Constitution, est censé avoir renoncé à la royauté. Je remonte à cette époque, je saisis l'instant où vous commettez le crime : les preuves sont acquises, et dès lors le contrat synallagma-tique est rompu; vous cessez d'être roi; rentré dans la classe des citoyens, toutes les dispositions du Code pénal vous sont applicables et, sous aucun prétexte, vous ne pouvez plus invoquer le privilège de l'inviolabilité, qui d'ailleurs ne s'étendait qu'aux actes de la royauté, et qui était nulle devant la nation dont vous êtes le mandataire.
Après avoir discuté les principes, je passe à leur application. La royauté fut toujours pour moi un objet d'horreur; mais Louis XVI n'en est plus revêtu : je me dépouille de toute animad-version contre lui, pour le juger d'une manière impartiale; d'ailleurs, il a tant fait pour obtenir le mépris, qu'il n'y a plus de place à la haine.
Je maintiens que jamais Louis XVI ne fut roi constitutionnel : non pas, comme l'a dit un des préopinants, qu'il n'y eût pas de Constitution ; nous en avions une, détestable à la vérité, mais enfin elle existait; le peuple l'avait ratifiée par sa non-réclamation, et même par des fêtes civiques; car telle était l'erreur ou l'ignorance du grand nombre, qu'il regardait comme une grâce, comme un bonheur, la démarche d'un roi qui voulait bien accepter 30 millions de revenus et les immenses avantages attachés à la place de premier fonctionnaire public.
Quand Louis XVI, désertant son poste, s'enfuit à Varennes, il nous laissa une protestation, dans laquelle il déclare vicieuse la forme de notre gouvernement, et impossible à exécuter cette Constitution que cependant il a paru accepter depuis. Or, cette protestation, qui est une véritable abdication, fut toujours la règle de sa conduite. Trouvez-moi une seule époque de sa vie politique où il ait été de bonne foi; reportez-vous aux premiers temps de l'Assemblée constituante, lorsque les satellites du despotisme se pressaient autour d'elle à Versailles, lorsque, dans une séance royale, le tyran venait dicter des volontés arbitraires; suivez-le depuis cet instant jusqu'au 10 août; rappelez-vous toutes ses perfidies, et voyez s'il n'a pas réduit l'art de la contre-révolution en système et s'il ne fut pas toujours le chef des conspirateurs. Aux termes de la Constitution, en rétractant son serment, il est censé avoir abdiqué; et quel homme s'est joué avec plus d'effronterie de la foi des serments? C'est dans cette enceinte, c'est là que je disais aux législateurs : II jurera tout, et ne tiendra rien. Quelle prédiction fut jamais mieux accomplie? Ce digne descendant de Louis XI venait, sans y être invité, dire à l'Assemblée que les ennemis les plus dangereux de l'Etat étaient ceux qui répandaient des doutes sur sa loyauté. Il rentrait ensuite dans son tripot monarchique, dans ce château
qui était le repaire de tous les crimes ; il allait avec Jézabel, avec sa Cour, combiner et mûrir tous les genres de perfidie. Grâces à Louis XVI et aux émigrés, plus que jamais l'univers saura ce que valent la parole d'un roi et la foi d'un gentilhomme.
S'opposait-il formellement aux hostilités dirigées contre nous, quand une foule d'actes formels attestent le contraire; quand, au mépris des décrets, il gardait ici une garde justement conspuée, tandis qu'il en payait une autre à Coblentz; quand il soudoyait les émigrés;/quand, laissant nos frontières sans munitions, sans défense, il ourdissait les complots de la guerre civile, de la guerre étrangère, et qu'il invoquait contre la Révolution française toute la meute des rois ? Gomme parjure, comme contre-révolutionnaire, il aurait encouru la déchéance ; et, sous ce point de vue, ne pas le juger, ce serait aller contre le texte et l'esprit ae la Constitution.
Pour tous les actes postérieurs à son abdication, il est donc soumis à la loi ; il ne peut se parer du bouclier de l'inviolabilité. Ouvrez cette loi, et voyez ce qu'elle prononce contre ses innombrables crimes.
Mais s'il est prouvé (et cela est incontestable) que toujours il fut et parjure et contre-révolutionnaire, dites-moi à quelle époque il a été roi constitutionnel. Quoi! celui qui s'efforça sans cesse d'égarer l'opinion publique, d'avilir les législateurs, de paralyser la volonté nationale, d'étouffer la liberté, de déchirer le sein de la patrie, d'affamer, d'égorger un peuple qui avait accumulé les honneurs sur sa tête, qui économisait des deniers de misère pour l'assouvir; cet homme eût été le roi d'un peuple généreux! Non : il n'en fut jamais que le bourreau ; et dès lors, il est pour nous un prisonnier de guerre : il doit être traité comme un ennemi,
J'évoque ici tous les martyrs de la liberté, victimés depuis trois ans. Est-il un parent, un ami de nos frères immolés sur la frontière ou dans la journée du 10 août, qui n'ait eu le droit de traîner le cadavre aux pieds de Louis XVI, en lui disant... Voilà ton ouvrage... et cet homme ne serait pas jugeable! Législateurs, pourquoi donc êtes-vous ici? N'est-ce pas là un des objets essentiels de votre mission? Vos commettants ne vous ont-ils pas chargés de prononcer sur son sort, comme d'organiser à neuf la forme du gouvernement. Et puisque Louis Capet est prisonnier, un jugement quelconque n'est-il pas nécessité par la nature des choses ? Sous quel-queaspectque vous envisagiez ses délits, le Code pénal, la Constilution et la nature vous le commandent.
Et moi aussi, je réprouve la peine de mort; et, je l'espère, ce reste de barbarie disparaîtra de nos lois. 11 suffit à la société que le coupable ne puisse plus nuire : assimilé en tout aux autres criminels, Louis Capet partagera le bienfait de la loi, si vous abrogez la peine de mort ; vous le condamnerez alors à l'existence, afin que l'h orreur de ses forfaits l'assiège sans cesse, et le poursuive dans le silence de la solitude..... Mais le repentir est-il fait pour des rois?.... L'histoire, qui burinera ses crimes, pourra le peindre d'un seul trait. Aux Tuileries, des milliers d'hommes étaient égorgés par son ordre ; il entendait le canon qui vomissait sur les citoyens le carnage et la mort; et là, il man geait, il digérait.
Ses trahisons ont enfin amené notre délivrance ; et, en remerciant le ciel d'avoir eu un Louis XVI,
peut-être devons-nous, par amour pour les peuples opprimés, leur souhaiter des Louis XVI.
Législateurs, il importé au bonheur, à la liberté de l'espèce humaine, que Louis soit jugé. Jetez un coup d'œil rapide sur l'état actuel de l'Europe. En proie au brigandage de 9 ou 10 familles, couverte encore de despotes et d'esclaves, elle retentit des gémissements de ceux-ci, des scandales de ceux-là. Mais la raison approche de sa maturité; elle sonne le canon d'alarme contre les tyrans ; tous les bons esprit» demandent à cette raison, à l'expérience, çe que sont des rois; et tous les monuments de l'histoire déposent que la royauté et la liberté sont, comme les principes des Manichéens, dans une lutte éternelle; que les rois sont la classe d'hommes la plus immorale; que lors même qu'ils font un bien apparent, c'est pour s'autoriser à faire un mal réel; que l'homme vertueux ne doit jamais les juger d'après son cœur ; que cette classe d'êtres purulents fut toujours la lèpre dès gouvernements et l'écume de l'espèce humaine.
Dans toutes les contrées de l'univers, ils ont imprimé leurs pas sanglants; des millions d'hommes, des milliards d'hommes, immolés à leurs querelles atroces, semblent, du silence des tombeaux, élever la voix et crier vengeance. L'impulsion est donnée à l'Europe attentive ; la lassitude des peuples est à son comble ; tous s'élancent vers la liberté ; leur main terrible va s'appesantir sur leurs oppresseurs. Il semble que les temps sont accomplis; que levolcan vafaireexplo-sion et opérer la résurrection politique du globe.
Qu'arriverait-il, si, au moment où les peupiles vont briser les fers, vous assuriez l'impunité à Louis XVI? L'Europe douterait si ce n'est pas pusillanimité de votre part; les despotes saisiraient habilement ce moyen d'attacher encore quelque importance à l'absurde maxime qu'ils tiennent leur couronne de Dieu et de leur épée ; d'égarer l'opinion, et de river les fers des peuples, au moment où les peuples prêts à broyer ces monstres qui se disputent les lambeaux des hommes, allaient prouver qu'ils tiennent leur liberté de Dieu et de leurs sabres. L'impunité d'un seul homme serait un outrage à la justice, un attentat contre la liberté universelle. -
En jugeant Louis XVI, vous obéirez à vos commettants, à votre devoir; vous travaillerez au bonheur des générations actuelles et des hommes de l'avenir, car elles sont aussi de la famille, ces races futures qui s'avancent en nous demandant le bonheur. (Applaudissements.)
Je conclus que Louis Capet peut et doit être jugé ; mais puisque vous ne lavez pas placé dans la classe des autres coupables, et que vous avez voulu agiter la question (oiseuse suivant moi) s'il était jugeable, peut-être est-il de votre magnanimité ae l'entendre sur cette question même, pour qu'il ne puisse vous opposer des récusations ridicules et d'absurdes fins de non-recevoir. Quand, traduit à votre barre, il vous aura, soit en personne, soit par l'organe de son défenseur officieux, présenté ses moyens, vous délibérerez sur la question préliminaire s'il est jugeable ; et si vous adoptez l'affirmative, comme je l'espère, vous chargerez alors votre comité de législation de dresser l'acte d'accusation.
(La discussion est interrompue.)
, ministre de la justice, entre dans la sa'lle et demande parole.
La parole est au ministre de la justice.
, ministre de la justice. Citoyens, parmi les fonctions dont vous m'avez chargé, la plus sacrée, c'est la surveillance des tribunaux. Franchir les bornes de sa compétence, c'est usurper une portion de la souveraineté du peuple. Je viens vous entretenir d'un tribunal qui a franchi ses limites et qui a dépassé ses pouvoirs.
Ici le ministre rappelle les motifs qui détermi nèrent l'Assemblée législative à instituer le tribunal criminel du 17 août ; il cite les lois qui en fixèrent sa compétence ; il en résulte que ce tribunal n'avait d'abord que la connaissance des conspirations du 10 août, et que depuis il eût l'attribution des crimes dont connaissait le tribunal criminel du département de Paris.
Cette juridiction, ajoute le ministre, était immense; elle ne lui a pas suffi. La suppression momentanée des juges de paix de Paris a suspendu l'exercice du tribunal de police correctionnelle. Celui du 17 août a trouvé ce pouvoir vacant et s'en est emparé. Or, rien n'est plus contraire à toutes les lois de police et de justice, que de faire prononcer sur de légers délits, par un tribunal d'exception dont les jugements sont sans appel.
Le tribunal du 17 août s'est égaré dans ses limites ; vous l'y ferez rentrer, ou vous lui donnerez de nouvelles attributions. J'ai accusé ce tribunal, je dois aussi lui rendre justice; il a rempli sa mission avec un zèle, une activité dont n'offrent peut-être pas d'exemple les annales de tous les tribunaux de la terre.
La ville de Paris ne peut rester sans tribunal de police correctionnelle : au nom du Comité de législation, je convertis en motion la demande du ministre.
Il y a des lois; d'après ces lois, décrétez l'ordre du jour motivé.
La raison et l'humanité exigent que l'on suspende à l'instant ce tribunal. Ce soir, demain, il peut commettre des actes injustes. C'est un instrument révolutionnaire, il faut qu'il soit brisé après la. Révolution. II a rendu des arrêts évidemment iniques ; il jugeait souverainement et sans appel, ce qui ne peut avoir lieu en matière de police. J'appuie la demande de suppression.
Et moi je m'y oppose. Vous ne pouvez pas suspendre un tribunal qui tient le fil des conspirations* du 10 août, un tribunal qui doit juger les crimes de la femme de-Louis XVI, un tribunal qui a si bien mérité de la patrie. Il ne faut pas, d'ailleurs, que les juges de paix forment le tribunal de police correctionnelle dans les villes; c'est avilir leurs fonctions. (Murmures prolongés.)
(de la Marne). Pourquoi vouloir supprimer ce tribunal sur-le-champ? Renvoyez à -vos comités pour vous présenter un rapport sur cette pétition.
11 y a dans les prisons au moins 400 prisonniers prévenus de crimes, il faut prendre des moyens pour les faire juger: le tribunal criminel doit être en état d'expé.iier les affaires, sans cela, il ne peut y avoir d'ordre. Je demande que vous renvoyez au comité pour savoir si le tribunal de Paris ne doit pas être divisé en quatre sections.
Si les juges étaient coupables pour leurs erreurs, . j accuserais ce tribunal d'après un jugement dont j'ai été le témoin : oui,
un voleur et sa compagne ont été jugés comme conspirateurs.
Je viens appuyer la demande de suspendre ce tribunal. Il juge, en effet, tous les jours et il n'y a point de moyens d'appel; il peut violer les lois ce soir, demain, et vous devez à l'humanité de prévenir un tel malheur. Je ne vous propose certes pas l'impunité de scélérats qui ont conspiré contre la liberté nationale, mais je viens vous rappeler des principes que vous ne pouvez méconnaître, ceux de la justice; je. viens vous rappeler un intérêt qui. doit vous toucher sans cesse, celui de l'innocence.
En d'autres termes, je vous demande que le ministre de la justice soit tenu d'organiser incessamment à Paris un tribunal de police correctionnelle; que tous les jugements du tribunal criminel établi par la loi du 17 août dernier soient désormais sujets à cassation, ainsi que ceux qui, ayant été rendus, ne sont pas exécutés à dater de ce jour; que le comité de législation nous fasse demain un rapport sur la question de savoir si ce tribunal criminel doit être suspendu.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(La Convention ferme la discussion et adopte les propositions de Barère de Yieuzac.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète;
« 1° Que le ministre de la justice sera tenu d'organiser incessamment à Paris un tribunal de police correctionnelle;
« 2° Que tous les jugements du tribunal criminel établi par la loi du 17 août dernier seront désormais sujets à cassation, ainsi que ceux qui, ayant été rendus, ne sont pas exécutés, à dater de ce jour;
« 3° Que le comité de législation fera demain un rapport sur laquestionaesavoirsi ce tribunal criminel doit être suspendu. »
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de m. hérault de sécbelles, président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Dumouriez, datée, de Bruxelles, le 14 novembre 1792, et portée par un officier de l'armée du Brabant, aide de camp du général, qui, sur sa demande, a été introduit à la barre.
Suit la teneur de ladite lettre :
« Bruxelles, le 14 novembre, à 9 heures du matin.
(Vifs applaudissements.)
« Citoyen Président,
« Hier, je me suis présenté devant Bruxelles avec mon avant-garde.. Les Autrichiens m'ont disputé les hauteurs d'Anderlèche. Je n'ai pas voulu exposer mes braves camarades à répandre un sang inutile; la nuit arrivait : j'ai bivouaqué, et le matin j'ai été reçu dans Bruxelles comme
le libérateur de la nation. (Vifs applaudissements.) Le citoyen ministre vous donnera les détails très succincts que je lui envoie.
« L'armée de la République est plus animée que jamais. On peut lui donner pour épigraphe : vires acquirit eundo. (Vifs applaudissements.)
« La Convention nationale approuvera que toute l'armée lui recommande les citoyennes Fernig, qui se distinguent dans toutes nos avant-gardes, et dont la maison, à Mortagne, a été pillée et rasée par les féroces Autrichiens. » (Applaudissements.)
s'adressant à l'aide de camp, porteur des dépêches de Dumouriez :
Citoyen, la Convention nationale apprend, avec une vive émotion, la grande et décisive nouvelle que vous lui apportez. Ce qui doit frapper le peuple français, ce n'est plus de marcher de victoire en victoire (il y est accoutumé), ce n'est plus la prise d'une ville ou d'un pays : c'est le mouvement révolutionnaire imprimé par lui dans l'Europe, dans l'univers, et qui ne laisse plus de terme aux conquêtes de la liberté. Je vous accorde, au nom de la Convention, les honneurs de la séance. (Vifs applaudissements.)
Voici maintenant l'ex-trait de la lettre du général Dumouriei au ministre de la guerre.
Bruxelles, le er de la République,.
« J'ai essuyé hier, citoyen ministre, un combat à Anderlèche, qui a dure six heures, à la tête de mon avant-garde, commandée par les lieutenants généraux d'Harville et Egalité, les maréchaux Stingen et Rosière, le colonel Thouvenot et neuf ou dix mille hommes de troupes légères et de grenadiers, contre le prince de Wurtemberg, commandant de huit à dix mille hommes, formant l'arrière-garde de nos ennemis.
« Nous leur avons tué beaucoup de monde, à ce que nous assure les habitants qui nous ont reçus comme des dieux bienfaisants. Nous avons déjà reçu 1,500 déserteurs et quelques prisonniers.
« J'envoie sur-le-champ le colonel Frégeviile, du 11e régiment de chasseurs, à la tète de trois mille hommes et de l'artillerie légère, à Ma-lines, sous la conduite de quatre députés des magistrats de cette ville, pour s'emparer d'une grande quantité de munitions de guerre; j'en aurai des nouvelles ce soir. Nous n'avons pas perdu trente hommes; nos troupes ont montré un courage et une constance qui m'inspire la plus grand&confiance. Nous avons tous bivouaqué pendant 36 heures, et n'avons pas mangé depuis la même époque ; vous jugez combien les bons Brabançons vont nous refaire de nos fatigues-; cependant je ne compte pas rester ici longtemps; nous voulons achever de détruire l'armée autrichienne.
« Le général Valence était arrivé avant-hier à Nivelle, après avoir pris Charles-le-Roi ; le général Labourdonnaye est à Gandj je vais le faire marcher sur Anvers ; dès que je me porterai en avant, il prendra,la citadelle et me rejoindra ensuite.
« Je recommande à la Convention nationale les deux sœurs Fernig : ce sont des guerrières intrépides.
« P. S. J'avais laissé l'armée sous les ordres du sage et brave général Méranda. Sur notre canonnade, et à mon invitation, il a marché en
avant; elle arriverait aujourd'hui, si je voulais; je la ferai venir demain. Quels excellents hommes que les Français républicains! que je suis heureux de les commander à leur satisfaction!
« Ci-joint les pièces de la prise de Bruxelles. J'ai établi le lieutenant général Omoran, commandant à Tournai; le maréchal de camp Fer-rand, commandant à Mons; et je vais faire venir le lieutenant général Marassé pour commander à Bruxelles.
« Le général en chef de Varmée de la Belgique, « Signé : dumouriez. »
Réponse du magistrat de la ville de Bruxelles à la sommation du général français.
« Le magistrat de la ville de Bruxelles ayant délibéré sur la sommation faite aujourd'hui par l'adjudant général français Westermann, de rendre à l'instant la place à discrétion à l'armée française, ainsi que ae faire fermer d'abord les portes de cette ville, à l'exception de celle de France; déclare, pour autant que la chose le regarde, de consentir à la reddition de la cité, et qu'il fera à l'instant fermer les portes de cette ville, a l'exception de celle de France; à quel effet le magistrat enjoindra d'abord aux portiers respectifs de fermer les susdites portes. »
(de la Côte-d'Or). C'est pour la seconde fois que le général Dumouriez nous parle des deux jeunes héroïnes qui combattent pour la liberté ; c'est pour la seconde fois qu'il nous rappelle que leur maison a été rasée par les Autrichiens. Il faut décréter, dès aujourd'hui, qu'elle sera rebâtie aux frais de la République.
(La Convention décrète que la maison des jeunes héroïnes Fernig, détruite par les Autrichiens, sera reconstruite aux frais de la République.)
Un membre: Mais les effets que contenait cette maison ont été pillés.
(de la Côte-d'Or). On observe que les effets contenus dans cette maison ont été pillés; mais aussi je me réserve de demander qu'à la fin de la campagne ces deux héroïnes soient dotées par la République. (Applaudissements.)
donne lecture d'une lettre des citoyens Gustave Doulcet et Duhem, commissaires de la Convention nationale à la frontière du Nord, qui est ainsi conçue :
Calais, le
« Citoyens,
« Les arsenaux de Gravelines et de Calais sont soignés et bien tenus ; mais le défaut d'ouvriers se fait sentir dans ces places comme dans toutes celles que nous avons visitées.
« De près de 10,000 fusils, dits de rebut, qui se trouvent dans l'arsenal de Calais, il serait très facile de former entre 3 et 4,000 bons fusils, infiniment supérieurs à la plupart de ceux qu'on tire, à si grands frais, de 1 étranger.
« Il paraît que les marchands de fusils ne sont pas plus honnêtes que les marchands de souliers, et que toutes les entreprises et fournitures de l'armée ont un égal besoin d'une très active surveillance. Le commandant de l'artillerie à Calais, qui nous a paru instruit et patriote, nous
a fait voir des armes venant d'Angleterre, et qui ont été déposées dans cet arsenal, par ordre du ministre, il v a quinze jours.
« Sur 560 fusils qui composent cet envoi, un seul est de calibre et monté en fusil de troupes : tous les autres sont de vieilles patraques, fusils de chasse ou autres rapetassés fort artistement, très propres, très luisants, mais tellement défectueux qu'il est impossible de penser à en tirer aucun service.
« Comme il se pourrait que de pareils envois eussent été faits en d'autres points, nous avons cru devoir rendre compte à la Convention nationale de ce que nous avons vu, afin qu'elle puisse prendre les mesures convenables pour déjouer les intrigues et les fripons qui se coalisent pour voler la République et compromettre la sûreté des citoyens.
Les commissaires de la Convention nationale sur la frontière du Nord.
« Signé : Gustave Doulcet, P.-J. Duhem. »
(La Convention renvoie les questions présentées dans cette lettre, relativement à la fabrication des armes, au comité de la guerre.)
Un membre propose de rendre la République propriétaire de toutes les manufactures d'armes à feu, à la charge d'indemniser les propriétaires actuels desdites manufactures, et demande, en conséquence, le renvoi de sa proposition au comité militaire, qui sera tenu d'en faire incessamment son rapport.
(La Convention décrète le renvoi.)
On procède à l'appel nominal pour 1 ''élection d'un président.
Voici le résultat du scrutin : sur- 352 votants le citoyen Grégoire a obtenu 246 voix. Je le proclame, en conséquence, président de la Convention nationale.
On procède de nouveau à l'appel nominal pour l'élection de quatre secrétaires, en remplacement des citoyens Grégoire, élu président, et Lanjuinais, Barbaroux et Gensonné, secrétaires sortants.
Voici le résultat du scrutin : Sur 152 votants,
Mailhe a obtenu 144 voix;
Carra a obtenu 137 voix.
Lepeletier de Saint-Fargeau a obtenu 115 voix.
Defermon a obtenu 80 voix.
En conséquence, les citoyens Mailhe, Carra, Lepeletier de Saint-Fargeau et Defermon, ayant obtenu plus de la moitié des suffrages exprimés, je les proclame secrétaires de la Convention nationale.
(La séance est levée à dix heures et demie.)
Séance du vendredi
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin. Un ex-secrétaire, en l'absence des secrétaires, donne lecture d'une lettre de François (de Neuf-château), juge de paix du canton de Vicherey (Vosges), qui fait passer à la Convention une
adresse de plusieurs citoyens de Mannheim ; ces | pièces sont ainsi conçues
« Le er de la République.
« Citoyens représentants du peuple,
« Dans la nuit remarquable du 9 au 10 août dernier, je communiquai à l'Assemblée nationale une lettre d'une société allemande, écrite de Mannheim. Cette lettre fut imprimée et envoyée aux départements, par ordre de l'Assemblée. Aujourd'hui, je reçois des mêmes correspondants germaniques une adresse nouvelle à la Convention nationale, datée du 28 septembre dernier, mais qui, par erreur des postes, ne fait que de me parvenir. Malgré ce retard, je crois qtf il est intéressant de donner de la publicité à cette adresse, qui exprime l'opinion des étrangers sur la Révolution du 10 août. Ceux qui font signée demandent seulement que leurs noms ne soient pas connus : c'est un égard que l'As-sembléç législative eut déjà pour eux, lorsqu'elle ordonna l'impression de leur première lettre. Je réclame en leur faveur cette précaution nécessaire, et je m'estime heureux de transmettre à la Convention nationale un témoignage aussi énergique du respect qu'elle imprime à l'Ëurope.
« Signé : François (de Neufchâteau), juge de paix du canton de Vicherey, district de Neufchâteau, département des Vosges. »
Adresse de la Société allemande.
De Mannheim, le
« Messieurs,
« Souffrez que les mêmes Allemands dont l'Assemblée nationale a daigné accueillir l'hommage et les vœux dans la séance du 9 août, vous témoignent encore aujourd'hui leur inté-térêt et vous fassent part * de l'expression de leurs sentiments. Nous vous l'avouons, nous avions cru longtemps que Louis XVI voulait sincèrement l'établissement de votre Constitution. Ses promesses réitérées de fidélité, ses proclamations, ses réponses aux députations qui étaient la plupart consignées dans les papiers publics, nous avaient presque persuadés qu'il était de bonne foi ; mais, depuis l'époque du 10 août, nous sommes désabusés. Toutes les machinations de la Cour, qui sont maintenant dévoilés, nous ont ouvert les yeux. Sa correspondance et celle de la reine avec les chefs de Coblentz ; l'usage qu'il faisait de la liste civile, pour entretenir les gardes du corps, les mousquetaires, les chevau-légers, et autres compagnies armées qui font aujourd'hui la guerre de France, et pour faire imprimer des pamphlets et des libelles contre l'Assemblée nationale, et tous les vrais amis de la liberté ; la perfidie et la corruption de ses ministres, et le renvoi de ceux qui marchaient franchement dans le sens de la Constitution; tout cela, Messieurs, nous convainc qu'il était un traître. La Constitution le plaçait sur le beau trône du monde, lui assurait 24 millions de revenu pour sa dépense, lui donnait un degré d'autorité suffisant, puique indépendamment de toutes les places, dans l'ordre civil et militaire, qu'il pouvait donner à ses créatures, il pouvait encore faire mouvoir
une armée de 200,000 hommes : et de qui tenait-il tant de bienfaits ? D'une nation aimante et généreuse? Ne pouvait-il donc pas être heureux? Oui, sans doute ; mais il a voulu être despote ; et le voilà précipité du faîte des grandeurs dans la classe des simples particuliers : heureux, s'il sait comme Denis de Syracuse, s'y procurer quelque ressource !
« On dira, nous le savons, la nation française est ingrate, puisqu'elle lui doit la convocation des états généraux, qui a été le premier échelon de la liberté. Louis XVI, en convoquant les états généraux, a retiré la nation d'un abîme, et cela est une action estimable. Mais en détruisant ce qu'ils ont fait, il l'y a reprécipitéfc ; et c'est une perfidié épouvantable.
Que dirait-on d'un homme, en apparence compatissant, qui retirerait son semblable d'un précipice, et qui après l'avoir élevé jusqu'à lui l'y fait tomber de nouveau ? Cet homme serait un monstre. Nous approuvons donc, Messieurs, le parti que vous venez de prendre, d'abolir la royauté en France; méprisez les clameurs de ceux qui vous diront que la France est trop grande pour former une République et que ce genre de gouvernement ne convient point aux Français. La République romaine étant encore plus grande, puisque la Gaule n'était qu'une de ses provinces, et les Gaulois ont porté longtemps avec orgueil le nom de citoyens romains.
« Quel que soit le succès de votre démarche hardie, elle sera utile, en ce qu'elle sera une leçon pour tous les despotes de la terre. Elle leur apprendraque tous les peuples commencent à se réveiller à fa liberté, et qu'il est enfin temps de les traiter avec douceur, et de Jes rendre heureux. Votre Révolution est un orage qui gronde sur toute l'Europe.
« Il effraye, il épouvante les âmes timides; il cause même des désordres partiels: mais ses ravages n'auront pas de suites. Bientôt l'air en sera plus pur. Il fallait une convulsion de la politique, pour ramener les princes et les rois à l'état d hommes.
« Courage, Messieurs ; soyez fermes et inébranlables : vous tenez seuls maintenant le timon du vaisseau de l'Etat. Dirigez-le avec courage et prudence au milieu des tempêtes qui l'agitent, et ne souffrez jamais qu'aucun corsaire couronné vienne s'en emparer. Ne vous laissez point abattre par quelques revers. Les Romains perdirent la bataille de Cannes, et ils ne désespérèrent point de la République. Déployez une grande force militaire. Point de mesures partielles. Organisez en grand vos armées pendant cet hiver. Assurez votre liberté, et vous affranchirez tout le monde.
« Permettez-nous de nous prosterner maintenant devant le génie sublime de la France. (Applaudissements.)
(La Convention décrète l'impression de cette adresse et en ordonne l'envoi aux 83 départements.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des citoyens Gustave Doulcet et Duhem, commissaires ae la Convention nationale à la frontière du Nord, qui annoncent à la Convention qu'ils ont fait une réquisition aux corps administratifs du département clu Pas-de-Calais pour qu'ils prissent tous les moyens qui sont en leur pouvoir, afin d'empêcher les émigrés de rentrer en France.
(La Convention renvoie cette lettre au comité de sûreté générale.)
Un membre se présente à la tribune pour faire lecture, au nom des comités de commerce et des finances réunis, dun rapport et d'un projet de décret tendant à excepter Les poissons salés de la loi prohibitive de la sortie des comestibles.
Plusieurs membres observent que l'Assemblée "n'est pas en nombre suffisant pour adopter ou rejeter ce projet de décret ; ils demandent l'ajournement à midi.
(La Convention prononce l'ajournement à midi.)
Je demande que, si tous les jours à dix heures et demie, il n'y a pas pas 200 membres, on procède, comme le règlement le prescrit, à l'appel nominal pour noter les membres absents et en envoyer la liste aux 83 départements.
(La Convention décrète cette proposition.)
, au nom du comité d'aliénation, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à autoriser ÙAdministration de l'Hôtel-Dieu de Gisors à échanger différents biens qui lui appartiennent contre la prairie offerte par les frères Morris et compagnie\ il s'exprime ainsi :
Citoyens, les frères Morris et compagnie, négociants à Rouen, ont acheté les moulins de la ville de Gisors, appartement au ci-devant chapitre de Rouen, pour y établir une mécanique à filer du coton. Ils ont besoin pour compléter leur établissement, qui est très considérable, d'une prairie qui l'acquisition deâdits moulins.
L'Administration de cet hospice acquiesce à leur demande comme très avantageuse à l'Hôtel-Dieu. La maison dont il s'agit a un besoin pressant de réparation, elle n'est louée avec ses dépendances que 50 livres, et, par l'estimation légale qui en a été faite, le tout n'est évalué qu'à 3,012 livres, tandis que la prairie que l'on propose l'est à 3,600 livres. Ces raisons et les considérations de l'avantage du commerce et l'utilité de la ville de Gisors en particulier* ont déterminé le conseil général de la commune, le district des Andelys, le département de l'Eure et le ministre de l'intérieur, à donner dans cette atfaire leur avis conforme aux vœux des frères Morris; or votre comité d'aliénation, sur le vu des pièces, vous propose le décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'aliénation, considérant l'avantage qui résulte pour le commerce, de l'établissement projeté par les frères Morris et compagnie, dans la ville de Gisors, et que l'échange qu'ils proposent avec l'Hôtel-Dieu de ladite ville est avantageux à cette maison
« Décrète qu'elle autorise l'Administration de l'Hôtel-Dieu de Gisors, à échanger la maison, jardin et terrasse qui lui appartiennent, et dont il s'agit, contre la prairie offerte par les frères Morris et compagnie, sous les conditions énoncées dans la soumission faite par eux à ladite Administration. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Je viens demander le renvoi au comité ae la guerre de l'état de services du citoyen Soulié, premier lieutenant-colonel d'un bataillon du département de l'Hérault. Cet officier a perdu la vue à Nice ; il compte 25 ans de services. II convient de ne pas laisser dans la gêne ce serviteur dç la patrie, qui est sans fortune et dont une
bonne partie de sa vie a été consacrée au service du pays.
(La Convention décrète le renvoi demandé par Rouyer.)
Un membre : Je demande la parole pour dénoncer une infraction aux fois. Le comité de la guerre, vous avait proposé d'autoriser le ministre à envoyer aux frontières les volontaires des départements venus au secours de Paris. Vous avez passé à l'ordre du jour sur cette proposition : eh bien, au mépris de votre décret, ces gardes nationaux sont sans cesse fatigués par des ordres du général ou de ses subalternes. Voici un ordre donné à un détachement du département du Lot qui vous en dira plus par lui-même que je ne pourrais le faire en le commentant : Il est ainsi conçu :
Du
« Le général, désirant accélérer votre départ, me charge de vous prévenir que vous faites partie de huit compagnies qui forment un bataillon, et que vous devez vous trouver sur la terrasse du Luxembourg, pour nommer vos officiers, conformément à l'ordonnance.
« Signé : gobbin. »
Ainsi le commissaire Gobbin, s'est dit autorisé par le commandant général, d'après les ordres du ministre de la guerre. Je demande que le commandant général soit mandé à la barre, pour rendre compte de sa conduite et des motifs qui ont déterminé cet ordre.
J'ai, à mon tour, à dénoncer deux autres faits : c'est que les commandants des sections armées se sont permis de demander aux capitaines des volontaires venus à Paris, des états de dénombrement; c'est que Berruyer, passant en revue ces volontaires, leur a dit qu'ils devaient partir pour les frontières, que rester à Paris, c'était une lâcheté. Tout cela ne tend qu'à favoriser un esprit de faction très dangereux. Je demande que le ministre de la guerre, qui connaît tous ces faits, qui tolère ces infractions aux lois, en rende compte.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé I
Et moi, je m'oppose à cette proposition. Il est bien étonnant que des citoyens fassent ici le procès à un ministre qui exécute les lois. Lorsque des Français sont sous les armes, ils sont soumis aux lois et doivent obéir; le ministre de la guerre peut faire partir ceux qui sont venus à Paris, cela ne peut pas être un problème. (Applaudissements des tribunes, murmures au centre.) Ne confondez pas le système de Buzot avec l'objet qui a amené à Paris les citoyens des départements. Un grand nombre de ces citoyens sont venus, il est vrai, par l'effet de sollicitations coupables. (Murmures.) Oui, coupables, car nul n'a le droit de faire venir à Paris une force armée avant que la Convention ait prononcé. Et ne nous y trompons pas, il y a des hommes qui veulent déchirer le sein de cette ville qui a fait de si grands sacrifices pour la liberté. (Applaudissements des tribunes, murmures au centre.) Je n'ai jamais vu Paris plus tranquille. On trompe les citoyens des départements qui n'ont pas encore vu des mouvements révolutionnaires, qui ne savent pas tous les sacrifices que les habitants de Paris ont fait depuis la Révolution et ceux qu'ils feraient, si la chose publique l'exigeait. Si vous voulez qu'il n'y ait plus de
troubles dans la capitale, et que la force publique, qui y est, devienne inutile, il faut adopter la mesure que je vous propose.
Vous avez déporté tous les prêtres réfraclaires hors de la République; éloignez de la France tous les hommes qui ont été flétris par la loi, et alors vous aurez le calme dans Paris. Une nouvelle République se forme, il faut balayer tous ceux qui infestent la société. Je demande le renvoi de cette proposition au comité de législation et l'ordre du jour sur la dénonciation faite en ce que le ministre de la guerre a le droit de disposer des bataillons organisés et les commandants ont le droit de fraterniser avec les citoyens des départements qui se sont rendus à Paris, soit pour secourir cette ville, soit pour se rendre ensuite aux frontières.
Un membre : La Convention ne sera pas étonnée que je sois d'un avis opposé à celui du préopinant. Il y a quelque chose de surprenant, en effet, à voir par quels détours tortueux certains de nos collègues cherchent à éluder les décrets. Je demande que les infracteurs de la loi, soit le ministre, soit le général, soit le commissaire ordonnateur soient mandés à la barre pour rendre compte de leur conduite.
Je partage cette opinion, mais je préférerais que, pour économiser le temps de l'Assemblée, on se bornât à censurer le commissaire ordonnateur pour avoir donné un ordre contraire aux lois, et que les comité de sûreté générale et militaire reunis fussent chargés de l'affaire. J'aurais, pour ma part, à dénoncer à ces comités des ordres surpris pour faire partir un autre détachement.
Renvoyons alors le tout aux comités de sûreté générale et militaire réunis pour en faire uu prompt rapport, et en attendant conservons à Paris tous les bataillons départementaux.
(La Convention renvoie ces propositions aux comités réunis de sûreté générale et militaire et décrète que tous les volontaires départementaux venus au secours de Paris, resteront provisoirement dans l'état où ils sont. Elle ordonne, en outre, que le commissaire Gobbin, de la section de Luxembourg, accusé d'avoir donné au bataillon du Lot l'ordre de sortir de Paris, sera mandé à la barre séance tenante.)
, l'un des inspecteurs de la salle. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée la croix de Saint-Louis du citoyen Bour-gines, lieutenant des grenadiers gendarmes servant près la Convention nationale. (Applaudissements.) Je demande pour lui la mention honorable et l'envoi de 1 extrait du procès-verbal.
(La Convention décrète cette proposition.)
, l'un des inspecteurs de la salle. J'ob-serve maintenant à la Convention que le procès, verbal de la séance du 23 août se trouve égaré, et je demande que deux commissaires soient pris parmi les membres du Corps législatif pour rédiger le procès-verbal de cette séance.
(La Convention adopte la proposition, et désigne comme commissaires Calon et Lasouree.)
Je rappelle à la Convention qu'elle a à nommer des commissaires pour envoyer aux îles sous le Vent. Il y aurait urgence, car l'armement destiné à ces îles est près à partir.
(La Convention décrète qu'il sera formé le our même une liste de candidats pris hors de son sein.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Becker, député de la Moselle, qui demande un congé d'un mois.
(La Convention accorde le congé.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui communique à la Convention une lettre du général Montesquiou, et une note de Frisching, représentant de Berne à Genève. On annonce, par ces lettres, que les Suisses commencent déjà à évacuer la ville de Genève, et continueront lorsque le traité sera ratifié.
Suit la teneur de la lettre et de la note y jointe :
Au quartier général, près Genève, le er de la République.
« Je viens de recevoir, citoyen, de la part de M. Frisching, une note que j'ai l'honneur de vous faire passer en original, ne comptant rien faire en conséquencejusqu'àce que vous m'ayez adressé de nouveaux ordres. Le secrétaire qui m'a remis cette note, ce matin, m'a ajouté queles ordres étaient donnés pour faire retirer le tiers des troupes, tant du côté de Bâle que du pays de Vaud, et qu'aussitôt après la ratification de l'affaire de Genève, un autre tiers se retirerait; et, quand au surplus, le tout s'arrangerait d'après les conventions particulières qui suivraient la négociation. J'espère toujours que vous ne rejetterez pas les heureuses facilités qui vous sont offertes pour assurer la paix sur 60 lieues de nos frontières.
« Je continue d'attendre vos ordres.
« Le général de l'armée des Alpes, « Signé : montesquiou. »
Copie de la note du représentant de la République de Berne.
« Après les déclarations aussi franches que loyales des intentions les plus sincères et amicales de leurs souverains respectifs, contenues dans les diverses notes que M. le général Montesquiou et les représentants des républiques de Zurich et de Berne se sont réciproquement remises, les 20 et 25 octobre, et le 10 du courant, de la part de leurs hauts commettants ; d'après les désirs manifestés par M. le général de l'armée française, que les armements et l'appareil militaire du canton de Berne, sur les frontières de la France, fussent réduits et disposés de manière à faire cesser les défiances si contraires aux sentiments des deux nations, et aux déclarations si précises qu'elles viennent d'en faire :
« Le soussigné, représentant de la République de Berne, à Genève, a été chargé, par son souverain, de faire connaître à M. le général Montesquiou, que M. de Minats, commandant les troupes de la République au pays de Vaud, a reçu le plein pouvoir nécessaire pour, conjointement avec le soussigné, traiter sur cet objet, et à se concerter avec le général Montesquiou, sur les moyens les plus propres de parvenir au but qu'on se propose, et à dissiper et prévenir de part et d'autre, sans déroger à la neutralité adoptée par le Corps helvétique, tout sujet de mésintelligence et soupçon qui pourrait à l'avenir troubler le bon voisinage qui subsiste depuis si longtemps entre les deux Etats, et que le canton de Berne désire sincèrement conserver.
Le soussigné attend, avec la confiance que lui inspire les sentiments si connus de M. le général de l'armée française, sa réponse aux ouvertures qu'il a eu l'honneur de lui faire, en conséquence des vœux qu'il a manifestés, à cet égard, dans sa note du 25 octobre dernier.
« Fait à Genève, le 10 novembre 1792.
« Signé : de frisching, « Représentant de Berne. »
(La Convention renvoie ces pièces au comité diplomatique.)
Je demande que la Convention s'occupe, dans la séance, du rapport du comité diplomatique sur la négociation entre Genève et la République de France et sur la transaction du 2 novembre 1792.
D'autres membres réclament la priorité de la discussion du projet de décret sur les subsistances.. _
(La Convention remet à déterminer la priorité après la lecture des lettres et autres pièces.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer à la Convention des éclaircissements sur le différend élevé entre Kellermann et Custine.
(La Convention renvoie la lettre aux comités de la guerre et de sûreté générale réunis.)
2° Lettre du général Kellermann, qui écrit qu'en acceptant le commandement de l'armée des Alpes, il a moins consulté ses intérêts que la gloire de la République française; mais l'importance des projets dont l'exécution lui est confiée, le détermine à demander à la Convention, comme un des moyens qui peuvent le mieux le seconder dans ses opérations, deux commissaires pris dans son sein. Leur présence soutiendra le courage des troupes à la hauteur de l'entreprise qu'elles vont exécuter et leur service sera facilité par les approvisionnements que dirigeront des patriotes aussi éclairés que zélés pour la patrie.
(La Convention passe à l'ordre du jour motivé sur la confiance qu'elle a dans le général Kellermann.)
3° Lettre des administrateurs de la commune de Lacaugne, district de Rieux, département de la Haute-Garonne, qui demandent a être autorisés à jouir pour cette commune des droits qu'elle a sur une église ci-devant attribuée aux religieuses du lieu.
(La Convention renvoie la lettre au comité des domaines.)
4° Lettre du corps électoral du département de l'Yonne, qui consulte la Convention sur le renouvellement des receveurs de district de ce département et la suppression des payeurs généraux.
(La Convention passe à l'ordre du jour motivé sur la première partie de cette lettre et renvoie au comité des finances la seconde partie.)
5° Lettre du maire de Vic-Fezensac, département du Gers, qui adresse à la Convention nationale une croix de Saint-Louis, que le maréchal de camp Dumaine a déposée sur le bureau de la municipalité.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la
mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
6° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui envoie l'état des bataillons de gardes nationaux, de troupes de ligne et de gendarmerie nationale, parvenus à sa connaissance.
Un membre : Je demande l'impression de cet état et le renvoi au comité de la guerre.
Un autre membre : Cet état est un état partiel et nous avons demandé un état général des forces françaises dans les différentes armées de la République.
Un autre membre : J'appuie le renvoi au comité de la guerre: il examinera cet état sous le point de vue du décret. jugera s'il est suffisant pour nous éclairer sur 1 état positif des forces, et, s'il le juge tel, le fera imprimer.
(La Convention ordonne le renvoi au comité de la guerre et passe à l'ordre du jour sur la demande d'impression.)
Je rappelle à la Convention qu'elle a à prononcer sur la priorité à accorder soit au rapport de Brissot sur la négociation entre Genève et la République française, soit au projet de décret sur les subsistances.
(La Convention accorde la priorité au projet de décret sur les subsistances.)
Je donne la parole au rapporteur.
(Hérault), au nom des comités d'agriculture et de commerce réunis, soumet à la discussion le projet de décret sur les subsistances (1); il est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités d'agriculture et de commerce, décrète :
« Art. 1er. Immédiatement après la
publica-cation du présent décret, tout propriétaire, fermier ou
dépositaire quelconque sera tenu de faire, devers la municipalité du
lieu de son domicile, la déclaration de la quantité de grains qu'il
possède dans ses greniers, et, par approximation, celle qui lui reste à
battre dans ses granges, les directoires de district nommeront des
commissaires pour surveiller l'exécution dans les diverses
municipalités.
« Art. 2. D'après lesdites déclarations, les officiers municipaux pourront requérir tout propriétaire, fermier ou dépositaire quelconque, de porter dans le marché public qu'il désignera lui-même, la quantité de grains qui sera jugée nécessaire, sans qu'en aucun cas et sous aucun prétexte on puisse en taxer le prix.
« Art. 3. Les bladiers et muletiers pourront continuer leur commerce, mais ne pourront vendre que dans les marchés publics.
« Art. 4. Les directoires de département, d'après les demandes des conseils généraux des communes, et sur l'avis des directoires de département, pourront établir des marchés dans tous les lieux où il sera nécessaire d'après les localités.
« Art. 5. Ceux qui n'auront pas fait la déclaration prescrite par l'article 1er, ou qui seront convaincus de l'avoir faite évidemment fausse, seront condamnés à la confiscation du quart des grains non déclarés.
« Art. 6. Il sera laissé à tout propriétaire ou
« Art. 7. Les municipalités feront parvenir, dans la huitaine, l'état des déclarations au directoire du district.
« Art. 8. Huit jours après la réception, le directoire de district eh adressera le résultat au directoire du département, qui l'envérra dans la quinzaine au ministre de l'intérieur.
« Art. 9. L'exportation de toute espèce de grains, sous quelque prétexte que ce puisse être, est expressément défendue; et les lois relatives à cet objet continueront à être exécutées.
« Art. 10. Les municipalités veilleront avec soin à l'observation des lois des mois de janvier et mai 1691, relatives aux chargements faits dans les ports de mer et les cinq lieues limitrophes, et seront personnellement responsables de leur négligence sur cet objet.
« Art. 11. Les acquits-à-caution exigés par lesdites lois seront affichés, et dans les lieux où les grains seront embarqués, et dans celui du déchargement.
Art. 12. Toute personne qui sera convaincue d'avoir exporté des grains, sera dénoncée, à la diligence de l'accusateur public, au tribunal criminel de son domicilè, et condamnée à la confiscation des grains exportés, et à deux années de fer.
« Art. 13. Les commis des. douanes veilleront avec soin à empêcher tout embarquement de grains frauduleux; et, en cas de négligence, ils seront destitués et punis par un emprisonnement.
« Art. 14. Us seraient condamnés à la même peine que l'exportant, s'ils étaient convaincus d'avoir favorisé ou aidé à l'exportation.
« Art. 15. Toute personne qui dénoncera ou contribuera à l'arrestation des grains embarqués en contravention des lois, obtiendra le quart des confiscations qui pourront être prononcées.
« Art. 16. Tout consul ou agent de la République qui sera convaincu d'avoir signé de faux certificats de naufrage ou de déchargement sera destitué et poursuivi comme faussaire.
« Art. 17. Les lois relatives à la libre circulation dans l'intérieur de la République continueront à être exécutées; et tous ceux qui chercheront à la troubler seront punis comme perturbateurs du repos public.
« Art. 18. Les marchands qui voudront faire des achats de grains hors les lieux de leur domicile seront tenus de se pourvoir d'un certificat de leur municipalité, visé par le directoire de district, constatant la quantité de grains
au'ils ont dessein d'acheter et les lieux de leur
estination; ces certificats seront représentés à la municipalité du lieu de l'achat et visés par elle, et ils seront déchargés par la municipalité du lieu pour laquelle lesdits grains sont destinés.
« Art. 19. Les municipalités des lieux où il y a des marchés publics veilleront avec soin à ce que la tranquillité y règne, et y entretiendront une force publique suffisante : toute personne qui y portera le trouble sera de suite saisie, traduite devant l'officier de police et punie comme perturbateur du repos public.
« Art. 20. 11 sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur 2 millions pour des achats de grains dans l'étranger.
« Art. 21. Le ministre de l'intérieur rendra compte de l'emploi de ladite somme, des distri-
butions de grains qu'il aura faites et des demandes des divers départements.
« Àrt. 22. Le conseil exécutif nommera un seul préposé pour tous les achats à faire pour le compte du gouvernement.
« Art. 23. Ledit préposé ne pourra faire des achats pour son propre compte.
« Art. 24. Les marchands ou magasiniers feront placer sur la porte de leurs maisons ou magasins, et en vue, une inscription portant: Magasin de blé ou de farine sous la protection de la loi et de tous les citoyens.
« Art. 25. Les citoyens veilleront avec soin à la sûreté desdits magasins et seront responsables des désordres qui pourraient y être commis. >
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
(1). Les subsistances ont été de- tous les temps un objet de sollicitude pour les administrations, la source des plus grands désordres, l'arme la plus souvent employee par les ennemis du bien public. Il n'existe aucun gouvernement civilisé qui n'ait tenté de les réduire à un système avantageux. Dans les uns, la circulation a été gênée par des taxes; dans les autres, elle a été arrêtée lorsque leur prix s'élevait à une certaine hausse ; plusieurs les ont soumises à une inquisition administrative : mais l'expérience a prouvé que plus on s'éloignait de l'ordre naturel, plus on grevait l'intérêt public, et il reste constant que les subsistances ne souffrent aucune entrave, aucune inquisition.
Les divers projets qui nous ont été distribués, notamment le projet du comité, ne présentent pas, au surplus, des mesures neuves. Elles ont été employées sous l'ancien régime, dans plusieurs parties de la République, par les intendants, et bientôt abandonnées par rapport au mal qu'elles opéraient.
On peut dire de ces mesures ce qu'ont dit nos bons écrivains, en parlant des maisons de secours ou d'abondance, des maisons privilégiées, des magasins confiés aux municipalités.
Elles sont destructrices de l'agriculture, mère nourricière du peuple; de l'économie, besoin essentiel des états ; au commerce, source essentielle de la richesse nationale..... Il est inutile que je le prouve : c'est senti.
Mais-je vous dois compte de quelques idées qui me semblent devoir opérer chez nous les mêmes effets qu'elles ont opérés chez nos voisins.
Pénétrons-nous d'abord d'une bien grande vérité: c'est que lorsqu'il s'agit de faire une loi, on ne doit pas considérer l'intérêt du moment, mais celui des années; les hommes du jour, mais tous ceux pour qui la loi se fait.
N'en dédaignons pas un autre. C'est que toutes les lois provisoires ne sont que des palliatifs qui aggravent Te mal ; que la versatilité du législateur entraîne toujours le mépris ; qu'en législation, la nouveauté, les changements sont presque toujours dangereux par leur effet, et que jamais une loi attentatoire aux droits de l'homme et aux principes sociaux n'a pu se soutenir.
J'avoue qu'il est des cas extraordinaires où il a fallu plus ou moins
s'éloigner de quelques principes, celui, par exemple, dans lequel nous
nous
Mais cette position devient aujourd'hui moins extraordinaire. Des approvisonnements immenses sont faits à l'étranger pour nos armées; les citoyens éprouvent le besoin de la paix, la Révolution est achevée, l'instruction domine, les assignats perdent moins, les salaires s'augmentent, et les défiances s'évanouissent insensiblement.
Je ne serais point aussi rigoureux dans ce moment, et sur le système mauvais d'importation et d'achat à l'étranger, et sur le système absurde des administrations marchandes ; mais si vous voulez niveler vos ressources avec vos besoins, proscrivez les systèmes odieux qui ont dominé depuis deux ans ; laissez au commerce la liberté des spéculations ; le commerce a besoin de consommation, parce que les profits se décuplent. « 11 est constant, ait un nomme célèbre en cette matière, qu'avec la liberté, le commerce se forme, et avec le commerce, que le prix se met bientôt partout au niveau. »
Redoute-t-on que l'exportation à l'étranger fasse hausser le prix? Eh bien, je combats cette crainte par une expérience faite en Angleterre durant les quarante années antérieures à l'année 1690, et les vingt années suivantes, pendant lesquelles il y a eu guerre, paix, abondance et disette de récoltes, le prix des grains, loin de hausser baissa ; et c'est de cette expérience qu'on a conclu chez ce peuple qu'il était sage de favoriser l'exportation par des gratifications garanties sur de bonnes lois, tandis que l'importation était grevée de taxes très fortes.
On s'est beaucoup appesanti sur cette assertion, que l'étranger achète chez nous, et nous revend à de plus hauts prix. Je vais démontrer la fausseté de cette assertion.
1° Jamais le commerce de France n'a pu soutenir la concurrence de la Pologne, ni d'aucun port de la mer Baltique, que pour l'exportation dans les royaumes du Midi, à cause des transports, parce que le prix des grains en France est infiniment plus haut que celui des lieux dont j'ai parlé.
2° 11 est prouvé, par la comparaison des prix des achats faits en France et à l'étranger, que les grains étrangers nous reviennent à meilleur prix, rendus chez nous, que les grains nationaux achetés sur le sol. De la vient que le pain est assez régulièrement à meilleur prix à Paris que dans les départements.
3° Il est prouvé que l'importation de l'étranger, ainsi que toute autre entrave aux circulations, doit nécessairement avilir l'agriculture. Remarquons cependant que l'agriculture est l'âme de tout : par elle le propriétaire reçoit de sa propriété de plus grands moyens d'acquitter l'impôt, que les besoins de l'Etat doivent nécessairement augmenter ; les productions de la terre sont la ressource la plus assurée de l'Etat, car on a beau changer les. dénominations des impôts, on trouvera toujours qu'ils sont acquittés par la terre, soit dans les rapports des produits, soit dans les rapports des consommations : par elle le propriétaire se trouve plus à même de venir au secours de l'industrie et de l'indigence, par l'augmentation des consommations personnelles ; par elle le cultivateur trouve plus aisément la juste
indemnité de son travail, et les moyens de parvenir à se procurer une propriété qui l'attache plus particulièrement à ses labeurs et à la République ; par elle les ressources de l'Etat s'augmentent, et l'ouvrier indigent, trouvant une plus grande abondance de travail, se soustrait plus aisément à la misère et aux besoins.
Après avoir parlé de l'exportation à l'étranger, occupons-nous de l'intérieur. On veut soumettre et le négociant et le cultivateur à l'inquisition des magistrats. Ecoutez ce qu'a dit Turgot sur cette question. « Qu'imagine-t-on de gagner en gênant la liberté? Pense-t-on qu'en écartant le commerce par des gênes avilissantes, ou en décourageant le cultivateur,, en intimidant le magasinage, en annonçant qu'on regarde la propriété des grains comme moins sacrée que celle ae tout autre effet, en la soumettant à l'inspection de l'ignorance d'une foule de juges, d'administrateurs, l'on fera porter ou emmagasiner davantage? Ne sera-t-il pas possible que ces nouveaux risques, et la honte que l'on veut y attacher, ne soient comptés parmi les frais que le consommateur sera tenu de payer? Croit-on, enfin, que des négociants riches, de riches propriétaires, veuillent se faire enregistrer au greffe d'une police, et mettre leur fortune à la merci d'un juge ou d'un administrateur? Le premier changera sa spéculation, le second la nature des productions qu'il exigera de son sol ; et alors vous n'aurez ni commerce ni grains. »
Il me reste à répondre à une autre objection malheureusement trop répandue. Je veux parler des accapareurs. Gomme mon opinion, à cet égard n'est pas soutenue d'une longue expérience, je vais invoquer celle d'un bien grand homme, Smith, Traité des richesses des nations. « Partout, dit-il, où on jouira d'un commerce libre, le blé sera de toutes les marchandises celle qui échappera le plus à l'accaparement, au monopole. Non seulement la valeur de tout ce qu'on en recueille dépasse de beaucoup ce que les capitaux de quelques particuliers sont en état d'acheter, mais, en supposant à ces mêmes capitaux la puissance de tout acheter, la manière dont les grains se reproduisent s'oppose à ces achats, et le rend absolument impraticable. Gomme il n'est pas de denrée, dans tout pays civilisé, dont on fasse annuellement une plus grande consommation, il n'en est aucune aussi dont la reproduction exige tous les ans une si grande industrie. De plus, à l'instant où on recueille le blé, il se distribue nécessairement entre tant de propriétaires, qu'ils ne peuvent jamais se réunir dans un même lieu : ou bien ces propriétaires fournissent directement leurs grains aux consommateurs voisins, ou bien ils les cèdent aux marchands du pays occupé à la consommation. »
Rapprocnez ces idées saines de l'impossibilité d'une exportation avantageuse, à l'étranger de la nécessité de rendre libres les greniers pour les nouvelles récoltes, des craintes des avaries, des baisses, de la nécessité des rentrées de fonds, et calculez si les craintes que l'on répand sont bien fondées, et si le peuple doit être inquiet. 11 est des cas, sans doute, où l'accaparement, non pas à la vérité tel qu'on le suppose, pourrait avoir lieu... par exemple, si vous arrêtez la circulation, si vous gênez la liberté... Je maintiens donc qu'en décrétant des entraves, vous décrétez la famine, vous assassinez le peuple; je ne parle pas des sections du peuple qui habitent les pays de grande culture, mais des sections
du peuple qui occupent les terrains arides, les terrains vulgairement appelés de petite culture, et qui, d'après le calcul avoué, composent les 4/7 du territoire de la République. Vous aurez d'abord paralysé le commerce, enfin vous finirez de paralyser les circulations. Mais le gouvernement viendra, a-t-on dit, au secours. Vous rappellerez donc ces systèmes exclusifs, qui sous Terray, faillirent ruiner la fortune publique, et qui, dans Rome, excitèrent lés ferments d'une redoutable insurrection, en 1764, en réduisant cette contrée aux horreurs de la famine.
Nous savons tous que le sol de la France, dans les années les moins abondantes, fournit au delà des besoins des consommateurs, et qu'au moment actuel il y a plus de grain naturel qu'il n'en faut à la consommation ; et vous voulez détruire les avantages que la nature et l'industrie ont rassemblés autour de vous !
D'où viennent donc les hausses des prix des grains dans les marchés ? Pourquoi ne sont-ils pas pourvus? Pourquoi le peuple murmure-t-il? D'où naissent ces désordres, ces insurrections qui nous affligent tous les jours ? Quelles en sont les causes?... Indiquez un remède.....J'ai déjà indiqué les causes, mais il est nécessaire de leur donner un plus grand développement.
Sans doute que la stérilité des années doit être comptée comme une des principales ; qu'elle doit nécessairement opérer quelque augmentation dans le prix ; mais comme la stérilité dans une vaste étendue n'a jamais été que périodique, c'est-à-dire n'a jamais embrassé toutes les parties de la surface à la fois, et qu'il est incontestable que lorsque le Nord a manqué, le Midi a été abondant, et réciproquement; cette augmentation ne peut être, comme dit Turgot, que l'addition à la valeur ordinaire des frais de transport, magasinage, déchet, et de l'intérêt du négociant; et on ne peut s'en plaindre, et vous ne pouvez pas faire que cela ne soit.
Encore faut-il que le négociant, que le spéculateur, que le propriétaire puissent développer librement, sans crainte, sans gêne, le premier son commerce, le second ses spéculations, le troisième ses moyens d'industrie ; les intérêts se trouvent, pour les uns et les autres à ne pas négliger ces trois branches ; et soyez parfaitement convaincus que, pourvu qu'ils y trouvent leur avantage, ces ressources sont incalculables.
Mais s'il en était autrement, si, comme jusqu'à ce jour, loin de prévenir les désordres, loin de s'armer contre eux de toute la sévérité des lois, on se contente d'en plaindre les victimes, de jeter un grand voile sur elles, de les couvrir même du manteau usurpé de l'amnistie, il est certain que le négociant, que le spéculateur, que le propriétaire, préféreront receler leurs fonds, ou porter vers une branche moins périlleuse leurs spéculations et leur industrie agricole. Si donc les lois ne les favorisent plus particulièrement; si l'œil du législateur se sépare un seul instant de dessus, tremblez que les besoins des habitants des contrées, surtout des contrées de petite culture, ne pouvant être satisfaits, les troubles, les désordres ne recommencent, et qu'alors il ne s'élève quelque ennemi secret de la liberté et de l'égalité, qui peut bien être derrière la loi, et ne profite adroitement de ces mouvements pour opérer des maux, peut-être irréparables.
De ce défaut de protection, de sûreté, de ga-
rantie, dont, il faut l'avouer, le commerçant, le spéculateur, n'ont pu jouir pendant le temps de désorganisation et de désordre, sont provenus, et le manque de subsistance, plus ou moins dans les pays disetteux, et la disparition pres-ue totale des grains dans lés marchés puolics es pays, même les plus abondants.
Alors on a été forcé de recourir à un remède qui est devenu pire que le mal. Les administrations sont devenues marchandes. Elles ont acheté des grains, elles les ont fait exposer et vendre tout à coup avec perte, et au-dessous des prix eourants. Qu'est-il arrivé ? Ceux qui avaient des grains les ont alors recelés plus particulièrement. Eh! qui ne vous a pas dit qu'ils n'aient fructueusement tenté des achats avantageux ! Bientôt, les .greniers dés administrations ont été épuisés ; cependant les demandes se sont multipliées ; car, comme toutes les administrations n'avaient point opéré également et dans le même moment, les administrations voisines, l'agiotage, la malversation, se sont réunies sur les marchés où le bien du peuple était si gratuitement dilapidé ; et tous ont bientôt épuisé cette ressource dont la distribution était si mal conçue, pour aller porter ailleurs un bienfait destiné absolument aux habitants de ces contrées.
Les ressources du peuple renaissaient tous les jours, et les moyens de les satisfaire avaient disparu. Il s'est plaint ; de la plainte à l'insurrection, il n'y a qu'un pas ; les propriétés ont été alors violées, les lois méconnues, la sûreté compromise, les autorités méprisées, et le sang du citoyen a coulé... Si l'anarchie avait d'abord éloigné le commerce, et cette concurrence l'a bien plus éloigné encore, car, il ne faut pas se le dissimuler, plus y a de danger, plus on attache de prix à l'objet pour lequel on.s'expose à ce danger; et le profit espéré a été réduit à une somme telle, que l'on n'a plus voulu se livrer à des hasards.
Une troisième cause provient de la perte du papier monnaie et de 1 augmentation des espèces d'échange dans la circulation. Pour la première, le peuple parait assez dans le tort ; car si le prix du grain s'est accru, les salaires se sont accru également; et toutes choses bien compensées, c'est-à-dire la hausse des grains mise en balance avec l'augmentation des salaires, on verra que les différences ne sont sensibles que pour les propriétaires, et point du tout pour le consommateur salarié, qui nous occupe plus particulièrement dans cet instant. Il en est de même pour la seconde.
Ceux qui prétendent que le manque aux marchés naît de l'avarice des fermiers, des cultivateurs, des commerçants, se trouvent dans la plus grossière erreur; car les grains n'étant pas d'une nature à être conservés, et les lieux qui les contiennent devant être vidés pour les récoltes prochaines, et les besoins particuliers agissant tous les jours sur cette masse de citoyens, il est évident qu'on ne peut supposer une recélation qui n'aurait pu produire d'autre effet que l'anéantissement de leur valeur réelle, ou du moins la diminution du prix de cette valeur.
Il est, par conséquent, aisé de conclure que la plus mauvaise loi, en cette matière, est celle qui apporte le plus de gêne, le plus d'entraves, le plus d'inquisition ; que loin de pouvoir produire un bon effet, elle ne peut servir qu'à entretenir la disette, le trouble, le désordre,
décourager le commerce, l'agriculture, ruiner l'Etat ; et que la meilleure est celle qui assure la liberté, la protection et la sûrete la plus étendue.
En conséquence, je tous propose le projet de décret suivant :
PROJET DE LOI.
« La Convention nationale a décrété ce qui suit:
« Art. 1er. La liberté la plus entière
continuera d'avoir lieu dans le commerce des grains, sur tout le
territoire de la République.
« Art. 2. Tout homme qui sera convaincu d'avoir, par ses instigations ou autrement, cherché à détruire l'exercice de cette liberté, sera puni de ... années de gêne.
« Art. 3. Il est enjoint aux corps administratifs, municipaux et juges de paix; aux chefs de la force armée, et généralement à tous les citoyens, de donner main forte à l'exécution de l'article 1er, même sans réquisition, et d'arrêter ou faire arrêter sur-le-champ tout perturbateur de cet exercice.
« Art. 4. La Convention déclare responsables de toutes pertes, dommages et délits, éprouvés par le défaut de réquisition ou de secours, les membres composant les corps administratifs, municipaux, juges de paix, chefs de la force armée, ainsi que les communes dans le territoire desquelles les pertes, dommages ou délits auront été commis.
« Art. 5. Il est expressément ordonné aux corps administratifs et municipaux, qui auront fait des achats de grains, de ne les vendre aux marchés publics, ni dans les magasins, qu'en concurrence avec le commerce.
« Art. 6. Renvoie aux comités d'agriculture et d'instruction publique, réunis, pour lui présenter incessamment un mode de primes ou récompenses nationales, en faveur, tant des citoyens qui le voueront au commercé des grains, et surtout à. l'approvisionnement des pays diset-teux, que des cultivateurs dont l'industrie aura tourné à l'amélioration de l'agriculture.
« Art. 7. Charge les municipalités de surveiller plus particulièrement les poids et qualités, et d apporter une justice sévère dans la fixation des taxes du pain,
« Art. 8. Maintient toutes les lois existantes, relatives à la police des grains et des marchés, et à la police intérieure des lieux, à l'égard des boulangers, en tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions du présent décret.
« Art. 9. Décrète que le ministre de l'intérieur lui rendra compte, toutes les quinzaines, de lèur exécution et de leur effet.
« Art. 10. Il sera fait une adresse aux citoyens, pour les éclairer sur la nécessité de cette libre circulation, et sur les vrais principes du commerce dés grains. »
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de Féraud.
Sans m'opposer, eh principe, à l'impression, je demande à la Convention de ne se prononcer à cet égard que lorsqu'elle aura entendu, tous les opinants sur le même sujet.
(La Convention adopte la proposition de Girard.)
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Citoyens (1), j'ai déjà fait distribuer à la Convention nationale ma première opinion sur les subsistances (2), et j'ai démontré la nécessité de vendre les blés publiquement. Depuis qu'il est question de faire une loi à ce sujet, j'ai fait beaucoup de réflexions ; je suis cultivateur, et j'ose dire que j'ai une expérience formée sur cette matière.
Qui est-ce, dans la société, qui a eu le plus d'avantages de la Révolution ? C'est le cultivateur r cependant il est notoire que parmi les Cultivateurs et propriétaires fonciers, il y a des avares et des aristocrates qui font extrêmement souffrir les familles malheureuses, en établissant l'usage de vendre les blés arbitrairement, ailleurs que sur les marchés : décrétez la publicité des ventes de blé, vous ferez cesser les plaintes du malheureux, et l'évidence les consolera.
L'usage de vendre à huis clos est devenu frauduleux ; il ruine le consommateur, et fait un profit extraordinaire au cultivateur, au revendeur et à celui qui achète par commission (1).,
Il était dû des avantages aux cultivateurs, parce qu'ils souffraient beaucoup sous l'ancien régime : la Révolution les a servis, qu'ils se rendent donc dignes de posséder ce qu'ils ont reçu ; ils sont membres de la République, par conséquent ils appartiennent à la société : je prétends qu'ils n'ont pas le droit d'user de la liberté pour tyranniser leurs égaux; ils sont libres, et fa liberté est pour eux ce qu'elle est pour tous. L'utilité sociale exige que les blés soient vendus publiquement; ils doivent s'y soumettre; la liberté n'est jamais enchaînée quand la nécessité commande, et qu'il est possible d'obéir; ce droit naturel et inaliénable peut être réclamé.
Ne nous dissimulons point que beaucoup de propriétaires ci-devant nobles, prêtent leurs fermages échus, pour que leurs fermiers gardent plutôt des blés que aes assignats ; l'aristocratie bourgeoise se mele aussi de cette perfidie rjoint à cela les fermiers aisés et les propriétaires avares qui font valoir; c'en est assez pour faire soulever le peuple par toute la République. Pour éviter ce malheur, je propose le décret suivant.
« Art. 1er. Immédiatement après la
promulgation du présent déGret, touj; dépositaire de blé, propriétaire
ou fermier, sera.tenu de vendre cette denrée sur les marchés publics;
ceux qui en conduiront ailleurs pour les y soustraire, seront saisis,
leur charge déposée au greffe de la municipalité du lieu du. dépôt, pour
être délivrée, dans la huitaine, par les officiers municipaux, aux
pauvres du canton.
« Art 2. Les fermiers et côlons qui transporteront des blés pour fermages dûs pour leurs exploitations, s'adresseront, avant l'enlèvement, au greffe de leur municipalité, et il leur sera délivré un certificat signé de deux officiers municipaux.
« Art. 3. Les agriculteurs qui voudront moudre leurs récoltes pour les vendre en farine, feront leur déclaration par écrit à leur municipalité, et se muniront d'un même certificat.
« Art. 4. Les fariniers, bladiers, et muletiers, continueront leur
commerce sous la protection de tous les citoyens, mais ne pourront
revendre
« Art. 5. Les directoires de département, d'après la demande des conseils généraux des communes, et sur l'avis des directoires de district, pourront établir des marchés et faire approvisionner où les lieux et les localités le permettront, pour l'avantage du commerce, de la circulation, et du bien général.
« Art. 6. Tout propriétaire, dépositaire et fermier, aura le droit ae garder, en blé vieux, sa consommation annuelle/et sa semence seulement.
« Art. 7. Il sera établi, près des halles et marchés aux blés, aux dépens des vendeurs, des dépôts pour contenir les blés à vendre, et des réserves, aux frais des acheteurs, pour les blés vendus. Les municipalités veilleront à ce qu'il ne soit soustrait aucuns blés qu'ils n'aient paru sur les marchés. Au-dessus de la porte d'entrée de ces dépôts, comme de tous autres dépôts de subsistance de, première nécessité, il sera écrit çette inscription : Magasins de blé ou de farine, sous la protection de ta loi et de tous les citoyens.
« Art. 8. Les municipalités veilleront avec soin à l'observation des lois des mois de janvier et mai 1791, relatives aux chargements faits dans les ports de mer et les cinq lieues limitrophes, et seront personnellement responsables de leur négligéhce sur cet objet.
« Art. 9. Les acquits à caution exigés par lesdites lois seront affichés, et dans les lieux où les grains seront -embarqués, et dans celui du déchargement.
« Art. 10. Toute personne qui sera convaincue d'avoir exporté des grains chez l'étranger, sera dénoncée, à la diligence de l'accusateur public, au tribunal criminel de son domicile, et condamnée à la confiscation des grains exportés et à deux années de fer.
« Art. 11. Les commis des douanes, veilleront avec soin à empêcher tout débarquement de grains, frauduleux ; et, én cas de négligence, ils seront destitués et punis par une détention.
« Art. 12. Ils seraient condamnés à la même peine que l'exportant, s'ils étaient convaincus d'avoir favorisé ou a$é l'exportation.
c Art. 13. Toute personne qui dénoncera ou contribuera à l'arrestation dés grains embarqués en contravention des lois obtiendra le quart des confiscations qui pourront être prononcées.
« Art. 14. Tout agent de la République, qui sera convaincu d'avoir signé de faux certificats de naufrage ou de déchargement, sera destitué et poursuivi comme faussaire.
« Art. 15. Les lois relatives à la libre circulation dans l'intérieur de la République continueront à être exécutées, et tous ceux qui chercheront à la troubler seront traduits devant le tribunal correctionnel. » . (Les huit derniers articles sont extraits du projet des comités d'agriculture et de commerce.)
« Art. 16. Pour l'exécution du présent décret, les municipalités des lieux où se tiendront les marchés publics, pourront, en cas de besoin, entretenir une force armée pour le maintien de la tranquillité et empêcher ie trouble, les accaparements et la taxe des denréés dans lesdits marchés; les perturbateurs seront conduits devant le tribunal de police, pour y être jugés suivant la rigueur des lois.
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Citoyens (1), plus formé à l'art agreste qu'àl'art oratoire, je ne suis point éloquent, mais je suis sûr de votre attention en vous entretenant de l'intérêt le plus cher du peuple, des subsistances.
Lorsque nous fûmes envoyés pour travailler avec vous à la destruction entière de la tyrannie et à l'affermissement de la liberté, nos commettants nous chargèrent expressément d'inviter la Convention nationale à mettre au rang de ses/premières occupations la révision des lois sur lés subsistances ; parce que ces lois ont produit beaucoup plus de mal que de bien. Tel est littéralement le vœu consigné dans le procès-verbal de l'assemblée électorale du département de l'Aisne, qui n'est sans doute pas la seule qui l'ait exprimé ; en l'énonçant aujourd'hui, je saisis l'occasion de remplir un devoir.
Citoyens mes collègues, la portion la plus in-téssante du peuple, la plus digne de vos sollicitudes, la portion indigente, appelle à grands cris vos regards sur cette partie importante de la législation; partout le peuple vous demande du pain, mais il vous demande .surtout des lois qui lui en assurent. C'est au milieu de l'abondance que la disette le menace : quand je dis la disette, je m'explique : elle est ou réelle ou factice.
La disette réelle est ou générale ou locale : les fléaux du ciel, la fureur des éléments et la rage des tyrans destructeurs en sont les causes ordinaires. Une telle disette ne peut être que locale dans le moment présent.
Mais, dans tous les cas, pour que le peuple soit heureux, il faut que le gouvernement ait toujours prévu la possibilité de ces événements ; il faut qu'il soit toujours en mesure d'appliquer le remède avant que la maladie cruelle de la faim ait excité le premier cri de la douleur' : c'est ce qui arrive quand les lois économiques sout bonnes.
La disette factice est aussi de deux sortes ; plusieurs causes la produisent.
Lorsque la denrée se recèle dans des mains criminelles, qui, sous le prétexte du droit de propriété, la soustraient aux yeux des consommateurs jusqu'au moment où quelque accident funeste aux campagnes vient la rendre rare,^et fournir ainsi à la coupable avarice les moyens de la vendre au plus haut prix, il en résulte une disette anticipée, dont les effets sont d'autant plus funestes qu'ils se prolongent pendant la durée de la disette réelle.
Un autre genre de disette factice se manifeste d'une manière plus cruelle pour le pauvre, qu'elle n'est sensible pour le riche : elle résulte de plusieurs autres causes.
Lorsque des cultivateurs avides, profitant du prétexte ou de la
dévastation partielle d'un canton voisin, ou d'approvisionnements
extraordinaires qui tous ont cependant été fournis sur la récolte
précédente, ou du défaut de bras, quand des milliers de citoyens offrent
les leurs, qui ne sont refusés que parce qu'on ne veut point
proportionner les salaires au prix de la denrée; lorsque enfin, sous le
prétexte du haut prix de leur fermage, ces hommes cupides se coalisent
pour porter le blé à un taux fort su-
C'est cette disette qui fait maintenant retentir cette salle des justes plaintes de l'indigent.
Certes, si vos lois sur les subsistances étaient bonnes, malgré les causes accidentelles qui vous ont été développées par Cambon, cette disette n'existerait point; car le but de ces lois ne peut être que de maintenir une sorte d'abondance sans laquelle le peuple ne peut être que malheureux : elles sontdoncinsufisantesou vicieuses..
Insuffisantes ! Est-ce en nombre? je le nie. Ce n'est pas le nombre des lois sur le même objet, qui caractérise la bonté de la législation; je ne l'invoquerais, moi, que pour établir la preuve contraire.
Est-ce dans les détails? Alors il faut ajouter à la loi, l'expliquer, lui donner les développements nécessaires.
Vicieuses! Ce ne peut être que quand le principe est faux : alors il faut les refondre entièrement, fixer une base nouvelle, et lier tellement son système, que rien d'incohérent ne puisse occasionner des inductions contraires au but qu'on se propose, le plus grand bien de tous.
On ne niera pas, sans doute, que ce soit par les effets d'une loi que l'on puisse la caractériser; eh bien? l'expérience a prononcé.
Les effets de vos lois sur les subsistances, les voici :
Agitations nombreuses et répétées ; existence continue d'une disette factice, dont le peuple souffre de toute parst; lutte perpétuelle entre la cupidité des grands cultivateurs et l'intérêt le plus réel du peuple, entre l'avarice astucieuse des accapareurs de tout genre et les besoins indispensables du peuple; défiance funeste des autorités constituées ; division perpétuelle entre le peuple et le gouvernement ; guerre entre les citoyens ; clameurs fondées de tous les coins de la République; voilà ce qu'elles ont produit; jugez-les.
Si elles n'étaient pas vicieuses, seriez-vous dans la malheureuse nécessité de faire acheter chez l'étranger, pour des sommes immenses, les grains que le sol de la France produit communément en raison doublée du besoin des consommateurs?
Si -elles étaient exécutables sans danger, les avant-coureurs de la disette sonneraient-ils l'alarme, et vos travaux seraient-ils tant de fois et si douloureusement interrompus par les clameurs de la faim, deux mois après la plus abondante récolte ?
N'est-ce point parce qu'elles sont illusoires, que des accapareurs subalternes, préposés par des fripons plus riches, s'autorisent de commissions limitées pour faire des achats illimités, excessifs, dans chacun des arrondissements qui ne devraient fournir à l'approvisionnement commandé qu'un contingent proportionné à la richesse du territoire?
Si l'on ne pouvait les interpréter en faveur de la cupidité, ae l'audace et du crime, le dernier de vos tyrans eût-il osé tenter, avec quelque espoir de succès, de vous ramener à l'esclavage .par la famine?
N'est-ce donc pas, enfin, parce qu'elles offrent tous les moyens possibles à la malveillance, que de prétendus commissionnaires, autorisés par le pouvoir exécutif, enlevaient,cette année même, toutes les subsistances du Nord pour les porter au Midi ; tandis que ce même pouvoir exécutif approvisionnait le Nord avec des grains à prendre à Toulon ; ce qui produisit à la fois la disette momentanée dans les» deux extrémités, et contribua pour beaucoup au renchérissement de la denrée, par les frais de transport?
Si je vous ai longtemps occupés des faits, c'est que j'ai pensé qu'ils fatigueraient moins votre attention que de longs raisonnements, qui ne prouveraient pas autant l'existence d'un vice, jusque alors inconnu, dans vos lois sur les subsistances.
Non, ce n'est point sur l'état présent des choses que des législateurs, dont les travaux doivent être immortels, peuvent combiner les mesures qu'ils ont à prendre par rapport à des objets durable; ce nest pas aux circonstances purement accidentelles qui accompagnent la Révo-lution, que vous devez attribuer les embarras multiplies que vous donnent les subsistances. Sans doute, des causes secondaires, nées de notre situation présente, ont accru le prix de toutes les denrées ; mais un accroissement progressif se manifestait dès longtemps ; et les causes qui le produisaient, subsistent encore. Elles deviendront de plus en plus funestes à la République, si des lois sages n'attaquent point le mal à sa racine, et n'en préviennent pas le retour.
Ce ne peut donc être ni par des additions, ni par des interprétations, et moins encore par des modifications, que vous parviendrez à votre but ; car, tant que le principe sera vicié, les conséquences seront fatales. Le projet du comité ne peut donc remplir votre objet. Sans doute il contient quelques mesures applicables au système nouveau que vous pourrez établir; mais ces mesures, quelque sages qu'elles soient en elles-mêmes, ne produiraient qu'un mauvais effet, si elles étaient isolées de la loi principale, ou si elles y étaient mal adaptées.
C'est donc ce vice principal qu'il faut connaître, c'est lui qu'il faut extirper ; c'està lasouree qu'il faut se porter pour guérir infailliblement le mal, et pour établir et. maintenir à jamais, dans toutes les parties de la République, un juste équilibre entre les consommations et les besoins des consommateurs; car tel doit être l'effet de vos lois économiques, que plus elles seront anciennes et plus leurs résultats doivent fixer le bonheur en France.
Ce vice que vous cherchez, je viens vous le montrer; les causes réelles et principales du renchérissement progressif des denrées et des matières premières de nos arts et de nos manufactures, je vous les développerai ; toutes se lient et se confondent dans une seule.
Les remèdes, je vous en proposerai. Cette tâche est difficile, j'en conviens. Fronder des opinions établies par l'intérêt, propagées par l'erreur, consacrées par la loi; renverser des idoles; enfin, avoir à lutter contre quelques intérêts particuliers; les faire tourner au profit de l'intérêt général; concilier la liberté, le droit de propriété individuelle, avec la nécessité de les l'aire concourir au maintien et au bonheur de la société; c'est, je le sens, s'exposer à des oppositions; mais je suis républicain ; je partage avec vous l'honneur de représenter un peuple i libre, et de vouloir son plus grand bien ; je dojs
tout braver quand ma conscience m ordonne de parler.
Le vice que vous cherchez, je dis qu'il est tout entier dans la consécration comme principe d'une maxime vraie en foi, mais qui ne devait être que la conséquence de lois antérieures, propres à maintenir toujours l'équilibre entre la denrée et le besoin; de cette maxime, que la libre circulation des grains doit être maintenue, qui, par le renversement de l'ordre dans lequel on l'a placée, produirait infailliblement des maux dont la multitude et la durée ne pourraient manquer de perdre la liberté.
Sans doute la circulation intérieure des grains doit être parfaitement libre; mais dans quelles circonstances? Lorsque des lois douces, sages, prévoyantes, claires, intelligibles à tous, et d'une facile exécution, assurent la subsistance de tous; de telle manière qu'il ne s'écoule jamais du territoire au delà du superflu de la consommation des individus qui le fertilisent, et lorsque ces lois donnent au gouvernement les moyens de se convaincre que ce superflu va directement alimenter ceux qui ne récoltent point.
Autrement, n'est-ce pas éveiller la cupidité du grand cultivateur, du capitaliste, de l'agioteur, de tous les malveillants entin, que de leur donner, par cette liberté indéfinie et isolément consacrée par une loi principale, les moyens d'attirer à eux, de tous les territoires agricoles, dans des magasins secrets et inaccessibles, la denrée de première nécessité? N'est-ce pas leur douner tous les moyens de s'engraisser de la substance du peuple, de dépourvoir un canton, pendant qu'ils font haUsser le prix dans un autre; d'exporter même à l'étranger le soutien de notre existence, malgré toutes les prohibitions, je dirai même malgré les mesures les plus rigoureuses pour maintenir ces prohibitions a. la frontière?
Que si quelqu'un venait me dire que cela ne peut arriver, je le renverrais à la faible esquisse que j'ai tracée des maux qu'a produits cette erreur légale.
La liberté de la circulation intérieure des grains ne devait donc pas servir de base aux lois économiques; elle doit, au contraire, en être l'effet naturel.
Il était impossible que cet étrange renversement ne conduisît pas d'erreurs en erreurs, et de dangers en dangers.
Aussi s'est-on tellement écarté de la raison et de la justice, qu'en voulant remédier aux abus, on eu a fait naître de plus grands. Des lois de sang ont élé faites pour soutenir un principe ui, s'il eût été bon comme tel, se serait soutenu de lui-même.
On s'est tellement attaché à vouloir conserver la primauté à cette loi mal placée, que bientôt la totalité de la4récolte est devenue pour le cultivateur, ou le marchand,une propriété tellement respectée, que l'on n'a pas même osé exercer envers eux le droit raisonnable et juste que la société s'est réservé dans l'acte d'association, de les priver d'une portion de cette propriété, pour la nécessité publique, au moyen d'une juste et préalable indemnité.
On a cru la liberté illimitée du commerce des grains, tellement essentielle au bonheur public, que l'on a privilégié ce commerce; il est le seul qui ne soit assujetti à aucune forme, à aucune surveillance.
Il ne faut pas, dit-on, blesser le droit de propriété du cultivateur; il ne faut point gêner la
liberté du commerce. D'accord; mais l'existence n'est-elle donc ipas, elle, la première, la plus incontestable, la plus légitime, la plus essentielle des propriétés? N'est-elle pas la seule inaliénable? N'est-ce pas au maintien de celle-là que tous les sacrifices doivent principalement concourir?
Quoi ! vous avez cru, pour le bien de la société, avoir le droit de priver un citoyen de cette propriété première, la vie? Et vous craignez de prendre des mesures pour contraindre le propriétaire des grains à diriger l'emploi de sa récolte de la manière la plus utile à l'existence de tous !
Quoi ! la totalité de cette récolte sera une propriété tellement particulière, tellement sacrée à vos yeux, que le propriétaire pourra la brûler ou la laisser pourrir dans ses magasins, et compromettre ainsi l'existence de tous les membres au corps social !
Je ne puis me le persuader, et je me plais à croire que si cette question eût été véritablement approfondie, vos prédécesseurs n'auraient pas craint de violer le droit de propriété, en assujettissant les cultivateurs et les dépositaires des subsistances à des obligations et à des formes qui missent l'existence ae tous les individus à 1 abri des manœuvres de la cupidité.
Si la denrée de première nécessité était une propriété purement particulière et absolue, dont la société n'eût pas le droit de changer la nature en une valeur qui la représente; si cette denrée était commerçable sans réserve, vous ne voyez doûc pas qu'une société, peu nombreuse, même d'ambitieux et de capitalistes adroits, pourrait profiter du premier assoupissement dans lequel un moment d'abondance pourrait plonger le peuple, pour engloutir dans des magasins cachés toutes les subsistances de la République, ramener le despotisme à travers les horreurs de la disette, et relever le trône de la tyrannie sur les victimes de la famine 1
S'il est vrai, comme on ne peut en douter en les lisant, que le système des économies n'ait été soutenu que parce qu'il favorisait le gouvernement despotique qui ne peut se maintenir qu'en environnant le trône de tyrans subalternes, et en multipliant les moyens d'amonceler des trésors dans les mains de quelques individus, afin de tenir toujours la masse du peuple dans la dépendance absolue d'un petit nombre d'hommes, n'est-ce donc pas une preuve que ce système n'est point admissible dans un gouvernement libre, et cette réflexion ne devait-elle pas suffire pour le faire rejeter?
Assemblée constituante I pourquoi tant de riches cultivateurs siégeaient-ils dans ton sein?
Ignorais-tu que ce fut sur ce système, sur l'assurance même dé la liberté indéfinie, que reposa ce fameux traité d'accaparement par lequel Louis XV, Ghoiseul et d'autres brigands de la Cour affamèrent la France, en lui revendant au poids de l'or, après les avoir promenés à quelques lieues du Havre, où la mer leur faisait contracter un goût étranger, les grains qu'ils avaient achetés partout à vil prix?
Ignorais-tu qu'à l'époque même où tu te constituas (je frémis d'horreur en retraçant ces faits) de malheureuses mères de famille, assaillies par les cris plaintifs de leurs enfants mourants d'inanition, étaient aux prises avec les animaux les plus immondes, pour arracher de leurs dents les nerbes bouillies dont ils se nourrissaient, et
les convertir en aliments pour leur triste famille expirante?
Eh bien ! c'était la suite funeste de cette liberté indéfinie que tu t'empressas de consacrer. Pardon, mes collègues, si je fatigue vos coeurs et votre attention par de tels récits; j'ai pensé qu'on répondrait difficilement à ces faits.
Vous connaissez maintenant, je crois, le vice qui caractérise vos lois sur les subsistances; je pense que vous ne balancerez pas à les refondre entièrement. Vous concevez facilement que ce n'est ni la bonne volonté, ni les lumières qui manquent au peuple ; que les palliatifs et les instructions ne suffiront pas pour le rendre heureux. Vous qui en doutez encore, parcourez les campagnes pour prouver au pauvre que ces lois sont bonnes; il vous dira : « Je vois ce qui se passe autour de moi ; je suis victime des manœuvres; et ie le sens. J'ai sans contredit un droit primitif au produit du sol que je fertilise : je veux bien partager mon nécessaire même avec mes frères de toute la République ; mais qu'on me prouve deux choses : la première, que c'est pour les soulager que je me prive; la deuxième,qu'il me reste l'indispensable nourriture. Donnez-moi du pain d'abord, et je vous écouterai; car, quand j'ai faim, je ne.puis rien entendre. » (Applaudissements.) Ce n'est pas une fiction : ce langage m'a été tenu dans plusieurs émeutes; car je fus envoyé, en qualité de commissaire, par le département; -et j'avoue que je n'eus pas grand'cnose à répondre-
C'est donc par des lois entièrement neuves, et non additionnelles, que vous pouvez parvenir à bannir de votre territoire cette disette tantôt réelle, tantôt factice, qui désole successivement les différents cantons de la République, et que vous pouvez y susbstituer cette heureùse abondance qui peut seule faire oublier au pauvre et au journalier les malheurs de l'infortune.
Je dois vous le dire : vous ne parviendrez point à établir un juste équilibre entre les consommations et les besoins, tant que la denrée de première nécessité sera considérée comme commerçable dans la totalité et que le commerce s'en fera d'une manière privilégiée, clandestine ou frauduleuse.
Vous ne serez jamais en mesure de parer aux événements désastreux qui peuvent anéantir les récoltes, tant que vous ne conserverez pas à la disposition du peuple, sous la sauvegarde des lois et la surveillance du gouvernement, un approvisionnement égal à la consommation d'une année.
Vous ne maintiendrez la denrée à un prix proportionné aux salaires, que par la destruction des accapareurs ; et vous ne détruirez l'ac-caparemment des productions qu'en mettant un obstacle invincible à l'accaparement de la matière qui produit. C'est là surtout ce qui doit fixer votre attention ; c'est sur la destruction des moyens d'accaparements que vous devez asseoir les bases de toutes vos lois économiques.
Si vous voulez cependant (et ce serait un crime d'en douter) asssurer le bonheur de vos concitoyens, le maintien de la tranquillité publique, donner au peuple les moyens d'étudier et ae connaître les lois, les lui faire aimer et renverser à jamais les prétentions de toute espèce de despotisme, je ne crains pas de le dire, il faut que les subsistances ne puissent jamais manquer, qu'elles ne puissent pas même être attendues ou désirées un seul instant par un seul individu de la République.
Lorsque, par une loi grande, sage, mais complète, épurée par une discussion lentement approfondie, vous aurez embrassé l'ensemble des mesures relatives aux subsistances; lorsque vous aurez opéré en agriculture, comme en économie une révolution salutaire à tous, ce sera alors seulement que l'on pourra rigoureusement établir en loi la liberté de la circulation des grains: car il n'y aura plus alors que le superflu d'un territoire qui s'écoulera dans un autre; tous les sujets de crainte auront disparu.
Législateurs, le principe des accaparements, la cause première et puissante de renchérissement successif des grains, des viandes, du beurre, des œufs, de la volaille, des laines, des cuirs, de la corne, des suifs, des lins et des chanvres, tient directement et particulièrement à l'accaparement des exploitations. Je dis une grande vérité : c'est là qu'il faut attaquer le mal pour en extirper la causé; dès qu'elle sera détruite, l'équilibre se rétablira de lui-même; une surveillance intelligente, mais douce, suffira pour fixer immuablement sur le sol de la France la liberté, l'égalité et le bonheur qu'elles doivent procùrer aux citoyens.
L'Assemblée constituante me paraît encore s'être étrangement méprise à cet égard. Avec le désir d'encourager l'agriculture, elle mit entre les mains de ceux que je ne sais pourquoi l'on nomme grands cultivateurs, de ces hommes qui réunissent d'immenses exploitations les moyens de tout engloutir; elle en fit, sans le vouloir apparemment, une classe privilégiée dans l'instant même de la suppression des privilèges et des distinctions. Ils surent tellement en profiter qu'ils sont maintenant dans la République ce qu'étaient les grands dans la monarchie. C'est par leur cupidité, leur inhumanité; c'est par la plus dure des aristocraties qu'ils se font distinguer; et quoi qu'on me dise, je déclare, moi, que je ne vois pas en eux des cultivateurs, mais bien des spéculateurs avides et dangereux dans un Etat libre.
L'Assemblée constituante a fait, à leur égard, ce que faisait un certain pêcheur, qui, pour ne pas dépeupler la rivière, y rejetait tous les gros brochets qu'il trouvait dans ses filets. Elle oublia, ce que j'ai dit déjà, que le système des économistes tendait à assurer le gouvernement despotique, en favorisant l'aristocratie des richesses. Elle oublia surtout ce qu'elle n'eût jamais dû perdre de vue, que cet erreur des Romains commença la perte de la république. Ils honorèrent aussi l'agriculture, mais ils ne considérèrent point celui qui s'occupait I uniquement à cultiver les terres; et dès lors qu'ils cessèrent d'arracher les hommes à la charrue pour les porter à l'honneur du consulat; dès lors que les richesses furent, chez eux, un moyen de parvenir aux places de la république, elle chancela et ne tarda pas à faire place au despotisme.
Et vous aussi, vous encouragerez l'agriculture cette source féconde de toutes les richesses; vous accorderez au cultivateur une sorte de faveur particulière dans la protection que la loi doit a tous; mais vous vous garderez, sans doute, de prendre pour un agriculteur ce fermier magnifique qui réunit assez de fermes pour occuper quinze ou vingt familles; qui, monté superbement, courant de plaisirs en plaisirs, gage un commis pour faire ses affaires, et laisse le soin de cultiver ses terres à ce qu'il appelle un maître-valet; cet homme insatiable,
dont la fortune s'accroît chaque jour aux dépens de la misère publique, et dont la compagne couverte de diamants et de dentelles, vient enlever sur nos marchés les provisions qu'elle devrait y apporter en abondance.
Citoyens mes collègues, les trop grandes exploitations nuisent essentiellement au bouheur de la société: elles nuisent à la bonne culure; car, indépendamment des opérations précipitées qu'elles nécessitent lorsque l'œil du maître ne peut embrasser l'ensemble des travaux, il y en a toujours un grand nombre de négligés. Elles sont particulièrement nuisibles à l'abondance, facilitent tous les accaparements et causent le renchérissement de toutes les denrées; car elles resserrent les productions premières dans un petit nombre de mains, et elles diminuent la concurrence des vendeurs sur les marchés en augmentant dans une même proportion celle des acheteurs. L'homme qui réunit cinq corps de fermes, par exemple, n'en occupe qu'une; les autres, dégradées par les animaux que les magasins de grains qu'on y recèle y attirent, tombent en ruine. Il néglige les terres médiocres pour épuiser les meilleures, ne fait que peu ou point d'élèves ; sa basse-cour est rarement au double de ce que ferait celle de celui qui n'aurait qu'une de ces cinq fermes ; il tient, enfin dans ses mains tous les moyens de porter à sa volonté l'enchère dans toutes les subsistances. Cette sorte d'accaparement éteint l'émulation, car elle détruit l'égalité entre ceux qui cultivent. C'est là, je ne cesserai de le répéter, c'est dans la réunion des fermes, dans les mains d'un seul locataire, qu'est le principe d'une multitude de maux; et c est ce qu'on n'a pas voulu voir. Il est cependant difficile de concevoir que, dans notre système d'égalité, il puisse être libre à un individu, parce qu'il est riche, de détruire l'industrie de tous ceux qui l'entourent et de nuire ainsi à la population, en s'emparant à prix d'argent de tout le territoire. Un grand exemple vient à l'appui de mon assertion. Ce fut l'accaparement des terres qui produisit, chez le peuple romain, huit grandes disettes dans le court espace du septieme siècle seulement; ce fut lui qui amena la république à ce point de dépravation, que le peuple n exprimait sa volonté que par ces cris tumultueux: Aut panem, aut cir-cernes. Craignez d'en être bientôt là : il est temps encore de vous garantir des suites funestes que produisit à Rome cette monstruosité.
Je le répète : fixez le principe de vos lois politiques sur son renversement : c'est alors seulement que votre système social sera tellement lié dans toutes ses parties, que vous pourrez compter sur l'effet durable que vous en attendez. Mais craignez surtout d'aller chercher chez vos voisins le modèle de votre conduite; vous ne pouvez comparer, ni dans leurs rapports, ni dans leurs conséquences, les immenses exploitations d'Angleterre avec la réunion des fermes en une même main en France. En Angleterre, les propriétaires, pour la plupart, surveillent leur exploitations. En Angleterre, celui qui réunit plusieurs fermes sous-loue celles qu'il n'occupe pas : la division existe donc dans le fait. En Angleterre, le commerce des bestiaux, des fromages, produits des prairies artificielles qui vivifient les métairies, occupe une multitude de citoyens. En Angleterre, enfin, ce n'est pas, pour ainsi dire, le blé que l'on consomme le plus: la consommation en pain d'un seul ouvrier français est quadruple de celle d'un Anglais de la
même force : cependant les Anglais ont mis des bornes à la cupidité, en défendant toute exportation de grains aussitôt que le prix excède celui fixé par la loi dans la proportion des salaires.
Et ne craignez pas que l'on vous reproche d'attenter à la propriété : on ne serait pas fondé, car il ne s'agit ici que de prescrire au propriétaire le mode d'user de sa chose de manière à ne pas nuire aux autres. '
Je Pavance sans crainte: bientôt l'heureux effet de vos mesures éclairant tous les citoyens, les propriétaires mêmes qui ne seront pas dans le cas de la loi s'empresseront, de leur propre mouvement, de disperser leurs héritages en plusieurs mains, de manière à ne laisser jamais plus de trois charrues dans une seule.
Et vous tous, propriétaires qui m'entendez, ouvrez les yeux à la lumière ; ne vous laissez plus tenter par le surhaussement de fermage que vous propose l'homme avide de tout engloutir, et qui vous détermine, par ce piège, à fixer a votre ferme un prix beaucoup au-dessus de sa valeur.
C'est vous qui allumez le feu de la cupidité dans le cœur encore pur du vrai cultivateur, de l'homme qui travaille lui-même à la terre, et qui porte sur les marchés; c'est votre dureté qui Je force à désirer le surhaussement des denrées, à chercher les moyens de le produire ; et vous ne vous apercevez pas que lorsque vous exigez de lui 3,000 livres de trop, vous en rendez en détail 4,500, qui retournent, par différents canaux, à celui que vous avez rançonné sans objet.
Je conclus :
1° Détruire l'accaparement de la matière productive par une loi qui défende expressément la réunion de plusieurs corps de fermes en une seule exploitation ;
2° Que cette loi soit obligatoire pour tous, à mesure de l'extinction des baux, et frappe de la nullité absolue tous ceux qui seraient faits à l'avenir d'un corps de ferme au profit dé celui qui eh tient une;
3° Prononcer contre les propriétaires et fermiers qui seraient reconnus l'avoir enfreinte, et contre les officiers publics qui y prêteraient la main, une peine proportionnée à l'importance du délit, calculée par ses suites;
4° Ne permettre la vente des subsistances que sur les marchés publics; et pour la faciliter, éviter les grands rassemblements et multiplier les moyens de surveillance; établir un marché dans chaque chef-lieu de canton ;
5° Abolir toute espèce de commission, et l'effet des arrhes pour achats de grains;
6° Etablir une surveillance qui mette les magistrats du peuple à même de s'assurer que les subsistances achetées dans un lieu pour être transportées dans un autre ne sont point détournées de leur véritable destination;
7° Prendre des mesures telles que l'état des subsistances soit constaté chaque année, et qu'il soit toujours facile de connaître, à tous les instants de l'année, leur proportion avec les besoins des consommateurs;
8° Faire, pour la première fois, un fonds suffisant pour acheter de l'étranger une quantité de grains équivalente à la consommation, pendant une année, des cantons non agricoles de la République;
9° Obliger les cultivateurs à conserver chaque année, d'octobre en octobre, à la disposition du
gouvernement, une portion de leur récolte, qui sera déterminée parla loi ; leur en payer le prix de trois mois en trois mois, au prix des quatre saisons, dans le cas où on ne ferait usage de cette portion qu'à la fin de l'année, et achever le payement à l'époque de la livraison, quelle qu'elle soit.
C'est le moyen d'éviter les frais de location, d'entretien et d'administration des magasins, et les spéculations improbes qui résulteraient de ces magasins, et de se conserver;en même temps la ressource de greniers publics.
Telles sont les bases générales sur lesquelles doit être établie la loi qu'on sollicite de toutes parts. Ce ne peut être que par des mesures de ce genre que vous parviendrez à écarter pour toujours du territoire de la République les horreurs de la disette réelle ou factice, les troubles, les haines qu'elles enfantent, et l'espoir du despotisme qu'elles nourrissent.
Sans doute il est pressant de statuer ; mais c'est ici le cas de dire que moins nous irons vite, plus nous épargnerons le temps", car c'est en faisant bien que nous ne serons pas obligés de défaire et de refaire.
Ces mesures que je propose ont besoin d'être réfléchies, et tellement combinées, qu'elles se correspondent parfaitement; en sorte que chacune d'elles empêche les autres d'être illusoires. Je ne vous propose donc pas de les décréter; mais je vous propose seulement de décréter que vos comités d'agriculture et de commerce jréunis, vous présenteront, le 24 de ce mois, un projet de loi fondé sur les principes que j'ai établis. Je contribuerai volontiers, de tout mon pouvoir, à son travail, s'il croit que je puisse lui être utile.
Plusieurs membres demandent l'impression de ce discours.
Et moi je m'y oppose, parce que je prétends que ce discours renferme une erreur, if a été dit à tort, à mon sens, que les fermages à grande culture rapportent davantage.
J'appuie la demande d'impression et je prie la Convention de rapporter son premier décret. J'insiste vivement pour que les opinions de Jean Féraud et de Beffroy soient imprimées.
(La Convention décrète l'impression du discours de Beffroy et de Féraud, en rapportant son premier décret.)
présente à son tour un projet (1), dans lequel il attribue la principale
cause de la disette aux bons de confiance avec lesquels les boulangers
achètent au laboureur. Celui-ci ne peut pas payer son propriétaire avec
ces bons. Il spécule, n'amène pas et attend, pour vendre, une occasion
de recevoir de l'argent ou du papier national. « En d'autres termes,
dit-il, plus il y a de numéraire fictif ou réel en circulation, plus les
denrées augmentent : les billets de confiance sont dans le discrédit,
vous avez décrété qu'ils seraient supprimés du commerce. Le laboureur
vend le moins qu'il peut afin de ne pas recevoir de ces billets, il
craint d'en avoir de faux; et s'il est forcé de vendre, il s'adresse aux
marchands de grains qui le payent en assignats. Ce
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
(1). Sans combattre la loi proposée par votre comité, loi tellement absurde et contradictoire dans ses dispositions qu'elle transformerait bientôt une cherté momentanée en une disette, ou plutôt une famine plus cala-miteuse encore, je vais vous proposer une mesure simple, unique, qui ne blesse aucun principe, et dont nos voisins les Anglais ont plus d'une fois éprouvé les heureux effets.
En Angleterre, dans cette île dont le système commercial, par une heureuse combinaison de primes et de prohibitions, est beaucoup supérieur au nôtre, l'importation desgrains étrangers dans l'intérieur est, lors des récoltes ordinaires, grevée de fort gros droits ; l'exportation est au contraire favorisée. Le gouvernement pense encourager par là l'agriculture, en soutenant le prix des grains à un taux moyen: mais les grains atteignent-ils le prix qui fait craindre la disette, prix fixé par la loi, aussitôt l'exportation est prohibée, et les droits sur les grains importés cessant d'être perçus. Cette gratification et la liberté entière de la circulation ont préservé toujours l'Angleterre des disettes qu'une culture très perfectionnée y rend, il est vrai, fort rares. Jamais le gouvernement n'y fait d'achat; jamais il n'accumule dans quelques ports une grande quantité de grains ; il a senti qu'ils ne pourraient être distribués par ses agents avec cette justesse, ce niveau que la libre circulation établit entre le besoin et le secours. En considérant même la question sous le rapport des finances, les Anglais ont vu que le sacrifice d'une prime était moins considérable que ceux qu'entraîneraient les approvisionnements faits par le ministère, en introduisant cependant une quantité de grains beaucoup supérieure.
Si l'on examine d'un œil attentif les causes des famines qui ont affligé
quelquefois les grands empires, on se convaincra qu'elles n'ont point
été produites par les ligues des marchands de blée, mais par les taxes,
les gênes mises à la circulation, et tout ce régime inventé dans des
temps d'ignorance, pour s'opposer aux inconvénients de la cherté, et qui
la transforma bientôt en famine calamiteuse. On veut, au XVIII0 siècle,
anéantir le commerce des blés; on veut empêcher qu'aucun intermédiaire
ne se place entre le fermier et le consommateur ; on veut charger les
magistrats de l'administration des subsistances : toutes -ces
propositions, fruits du zèle le plus louable, mais le plus aveugle, nous
plongeraient dans de grands malheurs et dans a'inextricabics embarras,
si elles étaient adoptées. Le commerce libre, la libre circulation ;
voilà le meilleur préservatif de la cherté :ce prin-cipedevrait exister
entre touslesEtats de l'Europe, comme il doit exister entre tous les
cantons de chacun de ces Etats. Or, concevez-vous comment, sans le
marchand de blé, cette communication entre deux Etats, entre deux
cantons éloignés, dont l'un jouit de l'abondance, et dont l'autre est en
proie à la disette, peut avoir lieu?
Si vous l'environnez de précautions injurieuses; si vous l'entourez de dégoûts ou d'alarmes; si, pour prix des travaux et des sueurs qui ont fécondé un champ souvent ingrat, vous le réduisez, ce bon laboureur, à voir sa petite fortune détruite ou sa vie menacée, il changera jsa culture et demandera à la terre quelaue autre produit d'une moindre valeur, mais dont il aura la libre disposition; il ne manquera plus alors, pour compléter cette inquisition rurale, que de de condamner par une nouvelle loi à semer du blé ; et la liberté, sur le sol d'une République, sera ôtée à l'homme que la nature appelle de plus près à en jouir.
Mais on veut que les administrations ou que le gouvernement fassent des achats. Quelques réflexions feront sentir les inconvénients du premier système. Je développerai un peu plus ceux du second, parce que vous l'avez déjà adopté et que je les mettrai en opposition avec les avantages du moyen que je vous propose.
Cambon vous a déjà prouvé que la concurrence des diverses administrations, achetant des grains à tout prix, étaient une des causes du renchérissement; en effet, il y a ou il n'y a pas assez de grains dans la République pour la subsistance de ses habitants: dans le premier cas, dissipez les craintes du fermier, repoussez toute idée de visite domiciliaire, de taxe arbitraire, de gêne à l'activité ; maintenez la circulation et laissez faire le commerce; dans le second, c'est de l'extérieur qu'il faut attirer des grains ; c'est avec des grains étrangers qu'il faut alimenter les marchés, et pensez-vous que chaque administration puisse avoir un agent en Angleterre, en Hollande, dans les ports du Nord? Quels embarras! quelles dilapidations! Ainsi, ou les blés de l'intérieur suffisent, et dès lors la concurrence des administrations est non seulement inutile, mais elle est encore une des causes du renchérissement ; ou il faut importer de l'étranger, et alors il y a impossibilité à livrer cette opération à une multitude d'administrations subalternes; èt puis, l'idée d'avoir des magistrats marchands dé blés, ne vous efifraie-t-elle pas ? Le peuple, toujours animé d'un sentiment d'inquiétude dans les temps disetteux, n'imputera-t-il pas à ses magistrats une cherté que leurs achats auront, il est vrai, augmentée? Et vous n'avez pas oublié, législateurs, combien en pareille matière la vengeance suit de près le soupçon.
Un savant anglais a dit « que la erainte que le peuple conçoit des accaparements et du monopole, ressemble à l'effroi qu'il prenait autrefois de la puissance de la sorcellerie ». En effet, dans un pays à vaste territoire, la disette peut bien être le fait des fermiers, qui, par la crainte des taxes et des violences, refusent de porter leur grain au marché ; mais comment pourrait-elle résulter d'une confédération générale des marchands épars sur une surface de 28,000 lieues carrées? D'ailleurs, la valeur des blés récoltés ne dépasse-t-elle pas les moyens de tous les marchands ? Enfin, cette denrée, dans sa reproduction annuelle, ne se distribue-t-elle pas entre les mains de proprié-
taires tellement nombreux qu'elle ne peut être la proie du monopole? En attendant que le comité demande la question préalable sur la libre circulation, pour être d'accord avec lui-même, appliquons-nous à la favoriser, et rappelons-nous que l'agriculture, ce grand commerce des campagnes, ce premier de tous les commerces, ne peut, comme tous les autres,prospérer que sous la protection d'une liberté indéfinie.
Je propose d'accorder une prime par boisseau de blé étranger qui sera importé ; avant d'être counue chez l'étranger, elle amènera l'abondance dans nos marchés; les primes ont toujours fait baisser les prix au moment où elles ont été accordées ; et ce double avantage est encore une suite de la liberté des ventes. Les propriétaires de blé, qui eussent attendu la lin de la saison, déterminés par l'idée seule du secours que la prime va bientôt procurer, s'empressent d'envoyer au marché les blés qu'ils gardaient en magasins; ils veulent profiter des hauts prix de l'espèce de disette qui va finir, et leur cupidité même amène la baisse avec l'abondance.
Mais on vous dira qu'on vous fera payer des primes pour des blés frauduleusement exportés, et que la prime en ramènera : c'est convenir d'abord que la prime nous procurera des grains; mais insinuer de ce que l'ancien gouvernement, dans sa corruption profonde et sa complète immoralité, spéculait sur la misère du peuple, que les mêmes crimes doivent se renouveler, c'est raisonner à peu près aussi juste que si l'on disait que toutes nos places de guerre doivent être livrées à l'ennemi, parce que Longwy et Verdun l'ont été parles trahisons de Louis XVI.
La prime coûtera moins à la nation que les sacrifices qui doivent être faits sur les achats du gouvernement, dans le cas même où ces grains vendus aux municipalités soient fidèlement payés ; en supposant que le gouvernement ne perde que 20 0/0; et certes, lorsque je considère les frais, tels que les assurances, les commissions, le fret, les transports d'un lieu à un autre, les avaries de mer, je suis convaincu que la perte s'élève plus haut; mais en supposant, dis-je, qu'elle ne s'élève qu'à 200/0; c'est sur 12 millions, 2,400,000 livres ; et avec ces 12 millions, vous n'introduisez guère que 500,000 boisseaux dans la République, tandis que, pour dépenser 2,400,000 livres, en primes, en les portant à 40 francs par boisseau, il faut que 1,200.000 boisseaux aient été importés.
Mais, dira-t-on, pourquoi le gouvernement est-il obligé de perdre, lorsque le commerçant étranger peut gagner? C'est que des achats, annoncés par les papiers publics pour une aussi forte somme que celle de 12 ou 24 millions, font de suite hausser les grains de tous les marchés de l'Europe ; c'est que les fortes remises en lettres de change que le gouvernement est obligé dé faire à la fois, font, d'un autre côté, baisser les changes, et renchérissent d'autant pour nous seuls la denrée; c'est que les nombreux sous-ordres du ministère ne mettent jamais ni autant de circonspection, ni autant d'économie que peuvent le faire quelques commerçants étrangers, qui envoient quelques cargaisons pour leur compte; c'est que ces négociants, dans l'espoir de payer le fret avec la prime de 40 francs qu'ils reçoivent, s'exposent à perdre, et perdent souvent davantage qu'ils n'ont reçu.
Dans toutes les hypothèses, vous sentez la
nécessité de la libre circulation ; car les blés étrangers ne peuvent arriver que dans quelques points de vos côtés ; et, soit que vous vous en rapportiez au gouvernement, ou au commerce favorisé d'une prime, du soin de les y amener, il faut qu'aucun obstacle ne s'oppose ensuite à leur épancheuient naturel vers les lieux diset-teux.
La prime est, à mon sens, le seul remède efficace, s'il y a disette effective ; l'instruction, le seul recours, si cette disette n'existe pas. Il est plus facile ae s'apitoyer oratoirement sur les malheurs de la cherté, que de trouver les moyens de la faire disparaître ; tous les moyens coërci-tifs doivent l'augmenter en ruinant l'agriculture ; l'expérience et la raison vous l'attestent. Je vous propose le projet de décret suivant:
« Art. 1er. La Convention nationale décrète
qu'il sera payé 40 sous par boisseau de blé importé, du poids de 120
livres.
« Art. 2. Le présent décret sera envoyé à tous les agents de la République dans les ports étrangers, pour y être publié ».
Plusieurs membres : Nous demandons l'impression de ce discours.
Je m'oppose à cette impression, car je prétends que ce serait favoriser les accapareurs que d'accorder cette prime demandée par Boyer-Fonfrède.
(La Convention, malgré cette observation, décrète l'impression du discours de Boyer-Fon-frède.)
, secrétaire, donne lecture des pièces ci-jointes :
Lettre du ministre de la guerre.
Paris, le er de la République.
« Citoyen président, j'adresse à la Convention nationale copie des dépêches que je viens de recevoir du général Custine ; elle verra que l'ascendant des Français libres sur les défenseurs du despotisme est partout le même ; je joins à la lettre que j'ai reçue ce matin copie de celle par laquelle le général Custine m'avait instruit de ses projets, et que je n'ai pas dû rendre publics avant leur accomplissement.
« Le colonel Houchard, dont le mérite est connu, serait maréchal de camp, s'il y avait une place vacante dans ce grade. J'ai déjà représenté à la Convention nationale que nos armées manquent d'officiers généraux, et je la supplie de penser à une détermination que le bien du service exige sous plusieurs rapports.
« Le ministre de la guerre, « Signé? Pache. »
Première lettre du général Custine.
Au quartier général de Koenigstein, le
« Je vous adresse copie de ma réponse à la lettre de Kellermann à la Convention nationale, de ma lettre au citoyen Carra, commissaire à l'armée du Centre, et enfin de ma lettre au général Biron. Elles vous instruiront asséz de ma situation, citoyen ministre, pour qu'il me soit inutile d'entrer dans de plus grands détails ; il est bien tard, il faut bientôt me mettre en marche; dans quelques heures, si les Prussiens m'attendent, je serai aux prises avec eux; faites
des vœux pour que la fortune soit favorable aux armes de la République; je n'ai de moyens pour empêcher les ennemis ae me cerner que de tenter le sort des combats à l'instant même de leur arrivée. Assez heureux pour en avoir été averti avec précision, ils sont arrivés hier au soir, et cette nuit même je lesattaquerai : pourvu qu'ils ignorent ma marché, je dois espérer du succès ; j'ai tout fait pour la cacher ; car ce soir encore j'étais le seul confident de mon plan; il n'a été développé qu'au moment où il a fallu donner à chacun son rôle à remplir, et les principaux acteurs seuls le connaissent. (Applaudissements.)
« Le citoyen général d'armée, « Signé : CUSTINE. »
Seconde lettre du général Custine au ministre de la guerre.
Du quartier général à Usingen, le er de la République.
« Fatigué des lenteurs et des refus que j'éprouvais, de la part du général Kellermann, de faire mouvoir ses troupes cantonnées surlaChière; ces lenteurs ayant fait former le projet à nos ennemis de me faire abandonner Francfort, et de me renfermer dans Mayence, quoique le croyant pas à leurs fanfaronnades et à la jactance avec laquelle ils annonçaient qu'ils allaient se porter sur -Mayence pour l'attaquer, j'ai pensé qu'il était nécessaire, pour la dignité de la nation française, pour soutenir la gloire de ses armes en Allemagne, de marcher au-devant de ceux qui se vantaient de nous faire aban-„ donner la Franconie.
« En conséquence, étant au moment de recevoir une partie des renforts que vous venez de m'envoyer, citoyen ministre, renforts qui serviront à assurer l'importante place de Mayence ; je me suis décidé à me mettre en marche avec un corps de troupes d'environ 9,000 hommes, pour me porter en avant de Kœnigstein sur le chemin de Limbourg. J'avais été obligé, pour former ce corps, de prendre une partie des troupes qui composaient la garnison de Francfort, puisque je devais en imposer aux troupes autrichiennes et prussiennes qui restaient encore dans le Hundstruck, et non seulement laisser sur la Lohn les troupes qui y étaient, mais encore envoyer des troupes pour les renforcer. A mon arrivée à Kœnigstein, j'appris que les Prussiens venaient de cantonner sur la Lohn, qu'ils devaient occuper depuis Nassau jusqu'à Wetzlar.
« Le rendez-vous des Hessois était à Gieffen, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous le mander par ma dernière dépêche. Je me suis décidé à ne laisser établir aucun cantonnement à la rive gauche de la Lohn ; en conséquence je me suis décidé à attaquer à la fois tous ceux qui étaient à cette rive.
« Le général Meunier et le colonel Houchard étaient chargés de l'attaque des cantonnements à gauche, et un corps aux ordres du lieutenant Neuwinger, avec lequel je marchais, devait attaquer ceux de droite.
« Le 8, le colonel Houchard a attaqué les Prussiens qui occupaient un poste très avantageux au-dessus de Limbourg, une éminence avec un grand ravin devant eux. Ils avaient été prévenus de son arrivée, quelque diligence qu'il eût pu mettre dans sa marche. Le général Eben avait assemblé 1,500 hussards et 3,00Q>ommes d'infanterie.
« Le colonel Houchard débouchant avec l'artillerie à cheval et quelques escadrons de chasseurs à cheval, que j'avais mis à ses ordres, fit diriger cette artillerie sur ces hussards, et à l'instant où il allait les charger avec les chasseurs à cheval, ils se sont retirés assez loin pour n'avoir pu en prendre que quelques-uns. Ils ont non seulement passé le ravin, mais aussi la ville de Limbourg et le pont de la Lohn.
« Le colouel Houchard s'est alors décidé à attaquer l'infanterie prussienne, ce que les troupes libres de la République ont fait avec la plus grande vigueur ; après un combat d'une heure, malgré la mousqueterie très suivie et très vive des Prussiens, les troupes de la République les ont forcés d'abandonner leur poste ; le colonel Houchard ayant trouvé le moyen de les prendre en flanc, les Prussiens se sont retirés dans la ville de Limbourg; ils ont été vivement suivis par nos braves soldats qui ont combattu avec ce nerf qui appartient à la liberté. Le premier bataillon des volontaires du Jura, surtout, s'est fait distinguer par son habileté ; il a toujours poursuivi les bataillons prussiens à trente pas dans leur retraite.(Applaudissements.) Le septième bataillon des chasseurs de ligné a aussi combattu avec un très grand nerf, et je demande enfin qu'on donne au colonel Houchard le grade de maréchal de camp. 11 serait trop étonnant que le nouveau régime sanctionnât les injustices de l'ancien, en laissant dans l'oubli un des plus braves officiers, des plus intelligents de l'armée. Ce n'est pas pour lui qu'il faut le faire général, c'est pour la chose publique. (.Applaudissements.)
« Le citoyen Sibau, premier lieutenant-colonel du premier bataiHon du Jura, mérite non seulement de très grands éloges, mais de l'avancement, et je demande pour lui le premier régiment de troupes de ligne vacant.
« Les Prussiens ont laissé sur la place plus de cent morts. On leur a fait cinquante prisonniers, parmi lesquels sont un colonel et un lieutertant-colonel. Ils ont eu prodigieusement de blessés, notre artillerie les ayant tirés à mitraille à cent vingt toises pendant plus d'une heure.
« J'ai toujours à me féliciter de l'heureux destin qui semble préserver les troupes de la République; il est incroyable qu'après un feu de mousqueterie alfreuxnous n'ayons eu que quatre hommes tués et dix blessés, parmi lesquels se trouve Bec-de-Lièvre, lieutenant-colonel en second du septième régiment de chasseurs à pied ; toute leur mousqueterie portant beaucoup trop haut.
« Je voudrais, citoyen ministre, n'avoir jamais que d'heureuses nouvelles à vous annoncer, et que la fortune secondât toujours nos entreprises ; mais elle est femme, et mes cheveux grisonnent. »
« Signé : Custine. »
« P. S. Les Hessois se sont retirés de l'autre côté de Marbourg, en passant par Hambourg, ce qui les a détournés de quelques lieues sur leur gauche. Les Prussiens ne se sont trouvés ni à Weilbourg, ni à Watzlar. »
Un membre: Je demande le renvoi de ces lettres au comité de la guerre afin qu'il nous présente des vues sur l'état des généraux et sur l'augmentation réclamée par Gustine.
(La Convention renvoie ces pièces au comité de la guerre.)
Un membre, au nom des comités de commerce et de finances réunis, fait un rapport et présente
un projet de décret tendant a excepter les poissons salés de la loi prohibitive de la sortie des comestibles (1) ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de commerce et des finances réunis, considérant que lés dispositions de l'article 8 du titre III de la loi du 22 août 1791, ne peuvent s'appliquer aux barils de poisson salé, sans nuire a la célérité d'expédition que ce commerce exige, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« Les poissons salés, ainsi que leurs issues provenant de pêche nationale, et expédiés en arils ou futailles par les ports pêcheurs de la République, jouiront de Exception portée en l'article 3 du titre II du Gode des douanes nationales, et seront comme les vins, eaux-de-vie et liqueurs, exempts de la formalité de la corde et du plomb, et seulement soumis, lors de l'embarquement, aux déclarations et autres formalités prescrites par ladite loi.
Art. 2.
Les barils de poissons salés, expédiés pour l'étranger, feront accompagnés d'acquits à caution, et la prime accordée par la loi du 10 avril 1791, ne sera payée que sur la représentation des certificats qui constateront l'arrivée et le débarquement desdits barils au lieu de leur destination. »
. (La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, poursuit la lecture des différentes lettres adressées à l'Assemblée :
1° Lettre de l'accusateur public près le tribunal criminel du département du Morbihan, qui a pour objet d'établir auprès de chaque tribunal un défenseur salarié par la République pour les accusés qui le plus souvent n'en trouvent pas.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation.)
2° Lettre des administrateurs du district d'Auch, qui envoient un second état des dons patriotiques versés dans la caisse du receveur du district. Cet état se monte à 934 1. 18 s. 4 d.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
3° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui transmet à l'Assemblée treize jugements militaires, prononcés à Verdun, contre des émigrés. Les nommés Joseph Condé, J.-B. Maillet et Louis Robert ont été condamnés à mort. Plusieurs autres ont été absous, faute de preuves suffisantes.
4° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse à la Convention les états de l'habillement des troupes jusqu'au 1er novembre. Il assure qu'il parviendra a faire oublier à nos concitoyens militaires les privations qu'ils ont eu à souffrir. Il demande qu'il soit mis à sa disposition une somme de 300,000 livres pour les voitures qui doivent transporter les malades des armées.
convertit en motion la demande du ministre.
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, délibérant sur la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion par un membre, décrète que la Trésorerie nationale tiendra, à la disposition dudit ministre, une somme de 300,000 livres pour l'exécution du décret du 12 de ce mois, portant établissement de voitures couvertes et suspendues pour le transport des malades et blessés aux armées. »
fait part à la Convention que le nommé Witzig, accusé d'assassinat et condamné en première instance, par le tribunal de Scheles-tadt, à la peine de mort, est détenu depuis environ dix-huit mois, dans les prisons de Strasbourg, sans que le tribunal du district de Strasbourg, juge d'appel, ait pu le juger; ce tribunal ayant demande une interprétation de la loi, sans pouvoir l'obtenir jusqu'à ce moment. Il demande que le comité de législation, auquel a été renvoyé la demande en interprétation, en fasse ce rapport sous trois jours.
J'appuie la motion d'Ehrmann; les juges doivent prononcer d'après la loi et jamais ils ne doivent sous un prétexte quelconque faire languir des malheureux sous une accusation. Si la loi n'est pas claire, il faut l'interpréter en faveur des accusés.
(La Convention renvoie l'affaire au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des commissaires de là Convention nationale dans les départements de l'Ain et du Jura, qui écrivent de Gex, en date du 11 novembre, que le grand nombre d'émigrés, qui se présentent pour entrer en France et les moyens qu'ils emploient pour extorquer des municipalités des laissez-passer, les ont forcés d'adresser des réquisitions a toutes les municipalités pour arrêter tous les émigrés rentrés en France et de les faire reconduire aux frontières, sous bonne et sûre garde. (Applaudissements.)
Ils joignent à leur lettre l'adresse envoyée par eux anx municipalités.
, rapporteur du projet de décret sur les émigrés. Votre comité de^ législation a examiné la question et voici un article qui pourrait prévenir ces inconvénients :
« Les émigrés, rentrés en France et détenus dans les villes frontières, seront conduits hors du territoire de la République, à la diligence des corps administratifs. »
(de la Marne). Je demande qu'il soit fait procès-verbal de l'arrestation de chaque émigré sur les frontières.
(de Thionville). Et moi je propose que les fonctionnaires publics qui leur accorderaient des certificats de résidence, soient traités comme émigrés et leurs biens sequestrés.
Plusieurs membres : Le renvoi à demain !
Il est regrettable qu'on ne puisse donner une séance tout entière à ce projet de décret concernant les pénalités encourues par les émigrés; je demande, si cela n'est pas possible qu'on réserve chaque jour au moins une heure jusqu'à ce que cette discussion soit achevée.
(La Convention décrète qu'elle s'occupera le lendemain du projet de décret concernant les pénalités encourues par les émigrés.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Amelot et d'un état des revenus perçus jusqu à présent sur les biens des émigrés.
(La Convention renvoie ces pièces au comité d'aliénation.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des commissaires. de la Convention à l'armée des Pyrénées, qui écrivent que l'armée qui se forme dans ces départements, depuis Perpignan jusqu'à Toulon, sera au moins de 30,000 hommes prêts à marcher à la première réquisition. Les places de cette frontière et les postes de la côte s'arment de façon à rendre toute tentatiye de la part de l'Espagne inutile, et si la Convention juge que prévenir une puissance, qui n'a pas même voulu garder la neutralité, soit une détermination aussi sage qu'elle est juste, l'armée peut, d'après l'ardeur que tout le peuple montre dans ces départements, non seulement entrer en Catalogne, mais porter nos armes triomphantes jusqu'à Madrid. (Applaudissements.)
Les commissaires vont se concerter avec le général de l'armée du Var pour terminer les opérations qu'ils ont commencées aux Pyrénées-Orientales.
En terminant, ils se plaignent de n'avoir trouvé dans aucun des journaux la réception des différentes lettres qu'ils ont écrites à la Convention.
(La Convention renvoie cette lettre au comité diplomatique et charge son comité de correspondance d'accuser, à tous les commissaires de la Convention nationale, la réception des différentes lettres qu'ils lui écrivent). . Un membre, au nom des comités de commerce et des finances réunis, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la sortie du numéraire pour l'achat des bestiaux nécessaires à la consommation des habitants du Bas-Rhin et des volontaires ou Soldats qui occupent ce territoire; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de commerce et des finances réunis, décrète que les administrateurs du département du Bas-Rhin sont autorisés à délivrer des passeports pour la délivrance du numéraire indispensable à l'achat des bestiaux destinés à la consommation des habitants de ce territoire et des volontaires ou soldats qui s'y trouvent.
« Ces passeports ne seront délivrés par les administrateurs qu'après qu'ils auront examiné les pièces qui justifient ces achats. »
, secrétaire. Le bureau a été saisi, sur le même sujet, d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui annonce à la Convention que les habitants des principautés allemandes ne veulent pas recevoir en payement nos assignats, et ajoute que cet objet est instant.
Je m'oppose à l'adoption de ce projet de décret. Il n'est pas douteux que c'est par les départements frontières que s'écoule l'argent et nous avons vu quel commerce on faisait pour nous priver de notre numéraire. Je ne vois pas en ce moment l'utilité d'autoriser les administrateurs du département du Bas-Rhin à délivrer des passeports pour transporter notre argent sur la terre allemande. C'est dans les montagnes du Jura, où le papier monnaie a légalement cours et est partout reçu, que s'approvisionnent en bestiaux les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin. Je propose l'ajournement.
(La Convention ajourne à trois jours la discussion de ce projet de décret.)
Le citoyen Gobbin, commissaire ordonnateur de la section du Luxembourg, mandé par décret rendu dans la même séance (1), se présente à la barre.
Il s'exprime ainsi : Citoyens, l'on m'accuse d'avoir donné des ordres pour faire partir un bataillon du Luxembourg de Paris; c'est une erreur; l'ordre a été donné de se rendre au jardin du Luxembourg pour s'organiser. Voilà la lettre circulaire envoyée aux compagnies ; je la dépose sur le bureau; l'on verra que c'est à tort que j'ai été accusé.
(La Convention renvoie ces explications à son comité de la guerre.)
, en levant la séance, rappelle aux membres de la Convention le décret rendu le matin même sur la proposition de Léonard Bourdan, et les invite à se trouver le lendemain à 10 heures précises dans la salle.
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de la convention nationale du
jacques Isoré, cultivateur, député de VOise, sur les subsistances (3).
Si je ne connaissais bien tous les avantages de notre révolution, je croirais qu'elle est arrivée pour servir l'agiotage et la cupidité. L'objet des subsistances nous agite en ce moment; l'intérêt général réclame contre quiconque nuit à leur circulation.
Il est aisé de dire, mais il est impossible de prouver que la France soit hors d'état de pouvoir nourrir ses habitants; vous êtes tous à portée de connaître quelles sont les ressources des départements respectifs que vous habitez et de ceux qui vous avoisinent; réfléchissez-y, vous conviendrez bientôt qu'il est très urgent de détruire l'entrave qui est dans le commerce, et que, cette mesure prise, on ne manquera de grains dans aucune partie de la République.
Chacun de vous, citoyens, convient plus ou moins de cette vérité ; pour moi j'en suis tellement convaincu, que je pense qu'avec les précautions que je vais indiquer, il est impossible qu'à l'avenir l'indigent se trouve exposé parmi nous à jeûner à côté de la gerbe qui a moissonnée.
Tous les habitants de la République savent que les marchés sont déserts; mais une partie n en connaît pas la cause, et les uns disent : la récolte a été médiocre; les autres : on maltraite les cultivateurs; d'autres disent : on manque de bras pour battre, on paye avec de mauvais billets; et enfin ceux qui espèrent, disent : après les semences lés marchés seront approvisionnés suffisamment pour que chaque individu puisse avoir sa mouture sans difficulté.
Toutes ces raisons paraissent concluantes aux personnes qui n'ont pas l'expérience du commerce des objets de culture, et qui sont assurées de ne manquer de rien ; mais elles ne paraissent pas de même au consommateur qui se trouve gêné. Je dis avec franchise que je suis cultivateur, exploitant 425 arpents ae terre, mesure de Paris, et que je souffre en voyant l'agiotage et la témérité de ceux qui l'exercent directement, et de ceux qui le font indirectement.
Les premiers sont les cultivateurs avides et avares; leur tranquillité, disent-ils, se trouve embarrassée lorsqu il faut aller au marché ; souvent l'envie de mettre un prix excessif à leurs grains est retenue par la honte ou la crainte; ils sont insensibles au plaisir d'obliger un malheureux; ils n'osent pas faire paraître que la disette est autour du peuple, et que bientôt il ne sera plus possible de vendre de grains, parce gu'il n'en restera que ce qui est nécessaire à leurs exploitations: ce subterfuge ne leur réussirait pas. Cependant cela ne les empêche pas de vendre continuellement des blés, mais incognito ; ils s'excusent de ce que les marchés ne sont pas fournis, sur le prétexte de la médiocrité de la récolte.
Les seconds sont les agitateurs audacieux et assez hardis pour taxer les subsistances ; cette espèce d'hommes est cruelle, et nuit beaucoup à la société, puisqu'elle compromet sa liberté; à l'aide de la stupidité de beaucoup de municipalités, ces agitateurs se mettent en avant et se retirent lorsqu'une multitude aveuglée prépare leurs projets ; quand ce trouble est à son comble, ils reparaissent et achètent le plus qu'ils peuvent a un taux illégitime ; et avec cette hardiesse criminelle, les grains passent des mains du cultivateur qui vend dans les marchés publics, en celles des accapareurs; et le citoyen qui veut conserver sa probité, se trouve privé de sa mouture et contraint de passer par les mains de l'agioteur indirect.
Je conviens que cette dernière manœuvre a dû écarter les cultivateurs des marchés; mais il y a un remède pour guérircette plaie qui incommode la République, et j'espère que bientôt vous cesserez de dire : il faut acheter des grains chez l'étranger.
La Convention nationale a un puissant moyen pour guérir le mal de l'infortuné; rappelez-vous, citoyens mes collègues, que de tous temps les marchés ont été approvisionnés; considérez que la France a récolté de quoi nourrir ses habitants, quoique plusieurs de ses départements aient été privés d'une récolte ordinaire; croyez que les pays à froment ne sont pas près d'être dépourvus, et qu'ils en ont encore ae l'année dernière; ne vous imaginez pas que l'indigent veut l'avoir à très grand marché, quoiqu'il souffre de n'être pas pave de ses sueurs proportionnellement au prix des denrées ; il sait comme vous que la grande quantité de numéraire qui circule tiendra tout ce qui est nécessaire à sa vie à des taux extraordinaires. Vos sentiments généreux doivent vbus exciter à dire que toutes les subsistances de première nécessité sont faites pour être vendues sur des lieux publics, pour faire cesser les inquiétudes des consommateurs.
Les propriétaires à moitié fruit ou plus ou moins, et ceux qui reçoivent leurs fermages en nature, ne manqueront pas de dire que leur liberté est attaquée, et qu'il leur est impossible d'aller à des marchés éloignés ; vous répondrez qu'ils peuvent en établir, et dans leurs villes eu
villages, ou à leur chef-lieu de canton ; alors ils ne seront plus gênés, le transport des grains ne sera plus un sujet de plaintes : ils sont attachés à la société, et je dirai toujours que leur devoir est celui de faire tout ce qui l'intéresse.
L'inquiétude des citoyens est à son comble, et rien ne peut la calmer, si ce n'est l'évidence, c'est-à-dire la circulation par les voies ordinaires. Si vous souffrez que les grains nécessaires à la vie humaine se vendent en secret, le peuple continuera à s'agiter, et l'appréhension d'en manquer le portera à des excès : vous en avez déjà eu des exemples qui vous ont affligés; craignez donc d'en voir encore de pareils et rompez le silence sur cette matière en faisane une loi sage.
Tout m'oblige à démontrer entièrement mon opinion à ce sujet* il est possible que je me trompe sur quelques articles, ce que je ne crois pas; mais en tenant le langage qui m'est ordinaire, je crois dire beaucoup de vérités : je dirai encore qu'il est impossible de bien constater l'état des récoltes même par des inventaires ; j'en ai la preuve, et je vais la citer. L'administration du district que je viens de quitter a fait faire, très scrupuleusement, de ces inventaires dans toutes les municipalités de son ressort, par des citoyens intéressés à ce que ces recherches fussent exactes, et il en est résulté que la récolte qui y existe ne pourra suffire aux habitants de ce même district : surpris de cela j'ai compté ; d'après les connaissances parfaites que j'ai recueillies par mes observations et par les aperçus que mes commettants connaissent eux-mêmes, je puis assurer que ce district aura, au delà de sa consommation, 15,000 setiers de froment, de 275 livres poids de marc ; pareille observation faite sur tous les districts du département de l'Oise, après avoir déduit ce qui convient en raison de la population et de ^ingratitude du sol de plusieurs cantons, il en résultera très certainement que ce département pourra céder à ses voisins 80,000 setiers de blé.
Le département de l'Oise est un pays de grande culture, sa population et son sol sont ordinaires ; je suppose l'arpent de terre récolté en blé et seigles, mesure de Paris, n'avoir produit que 4 setiers 1/2, et j'en donne 3 1/2 à enaque individu pour sa consommation annuelle; comparons ce département à beaucoup d'autres de la République, nous verrons que la moitié peut suffire à l'autre moitié. Malgré l'assurance d'une certaine quantité de subsistances dans ces endroits, on demandera des secours à la Convention nationale, parce que les marchés publics annonceront la disette, que les inventaires des rains seront faux, et de plus que leur excé-ent passera chez leurs voisins.
Je répéterai toujours qu'il faut une loi pour mettre les subsistances en évidence, et que ce n'est qu'avec cette mesure que le prix s'en établira avec justesse et proportion dans les départements respectifs ; les marchés secrets sont la ruine du consommateur, et donnent un superflu énorme aux agriculteurs : les prix des grains ne sont point discutés, et celui qui appréhende de n'être pas approvisionné sur le marché public, achète sans se défendre; et insensiblement tout est à la disposition du vendeur, et l'infortuné se trouve dans l'impossibilité d'exister sans une extrême misère.
Je ne dirai jamais qu'il faut que le cultivateur se dépouille entièrement de sa récolte ; au con-
traire, je dirai qu'il faut qu'il en conserve un quart quand il le peut, parce qu'il est bon de prévoir les accidents; cette quantité peut lui assurer sa semence et sa nourriture : mais cela ne peut arriver qu'à ceux qui sont riches.
Si je croyais gêner l'agriculture et parler contre sa propagation, j'aurais regret de ne m'être pas tenu dans le silence, parce qu'il faut être partisan de cette branche bienfaisante; mais en soutenant avec zèle et l'agriculteur et le consommateur, en proposant des mesures de justice, je crois ne devoir blesser qui que ce soit ; la liberté ne sera pas enchaînee, comme plusieurs le prétendent, lorsqu'il ne s'agira que d'assurer le bonheur de notre société républicaine par un régime régulier.
Avec les mesures que je vais proposer dans le décret suivant, la France peut se sauver et fournir, dans deux ans, après avoir retenu une ample provision, des blés à l'étranger.
projet de décret.
La Convention nationale, connaissant la nécessité de décréter une forme régulière au commerce des principales subsistances, afin d'en protéger la circulation dans l'intérieur de la République française, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Tous les grains propres à la vie humaine et dont les cultivateurs et propriétaires fonciers sont en possession, seront vendus sur les marchés publics, dans une mesure proportionnelle par chaque semaine, pendant toute l'année ; la circulation dans l'intérieur de la République en est libre, et le commerce ne s'en fera que par cette voie, jusqu'à ce qu'ils soient convertis en farine.
« Art. IL Ceux qui feront le commerce de ces subsistances auront un certificat de leur municipalité, signé de la majorité des officiers municipaux, pour justifier la légitimité de leur trafic; ces certificats ne pourront se refuser lorsqu'ils'agiradetransportd'un endroit à l'autre, soit en nature, soit en farine.
« Art. III. Tous propriétaires fonciers et cultivateurs qui soustrairont une denréede ce genre, ou en déposeront ailleurs que sur les marchés publics, seront saisis, leur charge déposée au greffe de la municipalité du lieu où sera fait le dépôt, pour être délivrée, dans la huitaine, aux pauvres du canton.
« Art. IV. Les fermiers qui transporteront des grains pour fermages dus à cause de leurs exploitations, s'adresseront avant l'enlèvement à leur municipalité, et il leur sera délivré un certificat conformément à l'article ci-dessus.
« Art. V. Les agriculteurs qui voudront moudre, ou faire moudre leurs récoltes, pour les vendre en farines, feront leur déclaration, par écrit, au greffe de leur municipalité, et se muniront d'un même certificat.
« Art. VI. Les municipalités de toutes les parties de la République, veilleront pour que qui que ce soit ne s'introduise sur les marchés, pour semer le trouble ; et toutes personnes suspectées d'agiotage, d'accaparement et de retenue de plus d'un quart de récolte à l'avènement de la moisson, seront, en vertu d'une délibération municipale, conduites devant le juge de paix, qui les mettra en état d'arrestation, si elles sont convaincues devant lui, pour être jugées par les tribunaux criminels.
« Art. VII. Les lois qui défendent l'exportation chez l'étranger ne point sont abrogées ; qui-I conque les violera sera puni de mort.
« Art. VIII. Les municipalités des chefs-lieux de cantons pourront établir des marchés publics, pour faciliter ceux qui voudront ne pas aller aux endroits éloignés d'eux.
« Art. IX. Les officiers municipaux des frontières et des marchés aux grains, sont autorisés à requérir la force publique, pour l'exécution du présent décret, toutes les fois qu'il le jugeront convenable. »
Séance du
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
(Haute-Garonne) annonce qu'il a reçu des observations de l'armée du Midi, sur l'état actuel de cette armée, qui exige un examen sévère de la part du comité militaire. Il demande le renvoi de ces observations à ce comité.
(La Convention ordonne le renvoi.)
Quand, pour flatter l'ambition d u despote Louis XIV, ou pour venger son orgueil offensé, les Français esclaves, combattant sous ses ordres, obtenaient quelques légers succès dans les combats, aussitôt cent poètes menteurs, prostituant leur plume à l'adulation, s'alembi-quaient l'esprit pour vanter les opuscules de ces demi-héros et avaient grand soin d'en attribuer tout le mérite et toute la gloire à l'orgueilleux monarque, sans jamais parler des braves guerriers auxquels 1 un et l'autre étaient dus. Aujourd'hui, plus ami de la vérité et non moins favorisé des muses, un citoyen, distingué depuis longtemps par plusieurs écrits, vient ae chanter les victoires des soldats de. la République, et fait hommage à la Convention nationale d'un hymne dont les élans et l'énergie paraissent quelquefois mesurés sur la bravoure de nos guerriers. Je demande que pour honorer les talents de ce Citoyen, qui, à 64 ans, a senti sa verve se ranimer par l'enthousiasme de la liberté, l'Assemblée veuille bien décréter la mention honorable et l'impression de cet hymme, qui contraste beaucoup avec les épîtres flagorneuses de Despréaux à Louis XIv. Cet accueil sera d'ailleurs un hommage de plus rendu au courage et à la valeur des armées républicaines.
Ce citoyen s'appelle Charles-François Guéniot, médecin et homme de loi, citoyen d'Avallon, département de l'Yonne.
(La Convention décrète la mention honorable et le renvoi de l'hymme au comité d'instruction publique.)
, secrétaire, fait lecture d'une adresse des administrateurs du district de Bitche à la Convention nationale, qui est ainsi conçue :
« Citoyens représentants du peuple français, nous respections la Constitution que nous avait donnée l'Assemblée constituante. Le peuple français, glorieux de ces premiers efforts, croyait ses fers brisés ; il était dans l'illusion. Le génie de la France n'a point permis que la nation fût la victime d'une confiance si cruellement trompée par une Cour perfide et corrompue.
« Le peuple s'est levé, les trahisons ont été dévoilées; le vœu de la nation entière a été
consulté; et vous, représentants d'une grande nation, vous avez prononcé l'établissement de la République. Dès cet instant, la patrie a été sauvée, toutes les opinions ont été d'accord, l'ennemi fuit, et la France est vraiment libre.
« Recevez, citoyens législateurs, notre adhésion à vos décrets, notre admiration pour votre courage et nos serments de mourir avec vous, s'il le faut, pour le maintien de la liberté et de la République française.
(La Convention décrète la mention honorable de cette adresse.)
Un membre offre, au nom du citoyen Caneton, lieutenant général des armées de la République, un don patriotique de 2,175 livres qui lui sont dues par le Trésor public pour arrérages de pension.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse des citoyens composant la Société des amis de la liberté et de l'égalité de Laval, exprimant leur dévouement au maintien de la liberté et de l'indépendance des membres de la Convention dans la cité de Paris, et leur vœu que la Convention écarte de son sein tout esprit de parti.
(La Convention décrète la mention honorable de cette adresse.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre d'un membre de l'Assemblée qui sollicite un congé de trois jours.
(La Convention accorde le congé.)
Un membre, au nom des comités des domaines et d'agriculture, fait un rapport et présente un projet de décret sur l'exécution des règlements rendus pour l'approvisionnement de bois de chauffage de la ville de Rouen; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport des deux comités des domaines et d'agriculture réunis, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La Convention nationale décrète que le règlement du 5 juillet 1783, concernant l'approvisionnement de bois de chauffage de la ville de Rouen, sera provisoirement exécuté jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
Art. 2.
« La Convention charge son comité des domaines de faire les recherches relatives aux affectations de ce genre, de lui en faire son rapport et de lui proposer un projet de décret. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comité de division, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition faite par le corps électoral de Paris de tenir ses assemblées ailleurs qu'au Bourg-l'Egalité; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez renvoyé à votre comité de division un procès-verbal adressé par les électeurs du département de Paris, duquel il résultait que le Bourg-l'Egalité, qui a été fixé par la loi du 30 octobre dernier, pour la réunion des électeurs du département, n offre pour réunion qu'une église trop petite pour un rassemblement de 900 citoyens. Les électeu rs demandaient en conséquence un autre lieu pour tenir leurs séances.
Votre comité, après avoir examiné la question,
était d'abord d'avis d'indiquer un autre lieu que le Bourg-1'Egalité pour la réunion du corps électoral, mais il est parvenu un second procès-verbal contradictoire à celui des électeurs, et dans lequel le conseil de commune du Rourg-l'Egalité atteste que le lieu est assez spacieux pour recevoir les électeurs.
D'après ces considérations, le comité de division a pensé que les électeurs du département de Paris devaient rester au Bourg-l'Egalité, et il propose de passer à l'ordre du jour sur la pétition des électeurs, en ordonnant que la loi du 30 octobre dernier sera exécutée dans toutes ses dispositions.
Voici, en conséquence, le projet de décret:
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, passe à l'ordre du jour sur la réclamation du corps électoral de Paris, tendant à ne pas se réunir au Bourg-l'Egalité, et ordonne que son décret qui fixe le Bourg-l'Egalité pour le lieu du rassemblement du corps électoral sera exécuté. »
combat le projet et soutient que l'adopter, c'est vouloir faire siéger le corps électoral dans la rue, l'église du Bourg-l'Egalité étant trop petite^
Le rappôrteur rappelle la pétition présentée en second lieu par les autorités municipales de ce bourg et prie la Convention de ne pas faire d'exception pour Paris.
(La Convention adopte le projet présenté par le comité de division.)
, au nom du comité d aliénation, fait un rapport et présente un projet de décret relatif aux demandes des municipalités tendant à obtenir des avances sur le seizième du bénéfice de la revente des domaines nationaux; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'aliénation sur les mesures à prendre relativement aux demandes formées par un grand nombre de municipalités, à l'effet d'obtenir des payements et avances sur le seizième du bénéfice qui leur échoit par les reventes des biens nationaux dont l'aliénation a été faite en leur faveur, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les décrets du 5 août et du 28 septembre 1791, concernant l'affectation au payements de dettes des municipalités, du seizième qui leur revient sur la revente des biens nationaux à elles aliénés, et sur les conditions à remplir pour obtenir des payements et avances sur ledit seizième, seront exécutés selon leur forme et teneur.
« Art. 2. Pour assurer d'autant plus l'exécution desdits décrets, les municipalités qui demanderont des payements ou avances sur leur seizième de bénéfice, seront tenues de joindre à leur demande un état dressé par elles, certifié par le district, visé par le département, de toutes les sommes dont elles seront débitrices à l'époque de leur demande. Les dettes seront classées, dans cet état, selon leur différente nature : dettes constituées ; dettes exigibles actuellement; dettes exigibles à terme. Les causes pour lesquelles les dettes auront été contractées, et l'époque à laquelle elles l'auront été, seront exprimées.
« Art. 3. Les officiers municipaux seront res-
« Art. 4. Le décret qui autorisera le payement ou avance à faire à une municipalité sur son seizième, spécifiera en même temps la dette ou les dettes auxquelles le payement ou avancé seront affectés.
« Art. 5. A l'égard de l'extinction ou remboursement de la dette, il sera fait une distinction entre les dettes échues soit actuellement, soit à l'époque où les décrets qui en ordonneront le payement interviendront, et les dettes constituées, ou dont le terme ne serait pas échu.
« Art. 6. Les dettes échues seront soldées au moyen des fonds qui seront envoyés aux receveurs de district, en conformité de l'article 5 du titre II du décret du 28 septembre 1791. Ces fonds seront remis directement, par le receveur de district, au créancier dont le payement aura été ordonné par le décret rendu en exécution de l'article 4 ci-dessus, ou à son fondé de procuration,, en présence d'un des officiers municipaux, qui se transportera, à cet effet, au district, avec le créancier ou son fondé de procuration. Une expédition de la quittance, certifiée par le receveur du district, sera jointe au bordereau de sa dépense du mois, qu il est tenu d'envoyer au commissaire de la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 7. A l'égard des dettes constituées et de celles dont le terme ne serait pas échu, il sera expédié, par le directeur général de la liquidation, sur le vu du décret rendu en exécution de l'article 4, une reconnaissance portant que la République se charge de ladite dette, pour l'acquitter en principal et intérêts à échoir, de la manière qu'elle est due.
« La reconnaissance sera adressée au receveur de district, qui la remettra au créancier ou à son fondé de pouvoir, en présence d'un des officiers de la municipalité débitrice, ainsi qu'il est dit en l'article précédent.
« En échange ae la reconnaissance, le créancier ou son fondé de pouvoir remettront à la municipalité une décharge de la somme qui était par elle due. Expédition de la décharge, certifiée du receveur du district, sera envoyée par lui au commissaire de la caisse de l'extraordinaire.
« Les intérêts échus jusqu'au premier jour du quartier dans lequel la reconnaissance sera délivrée, seront payés comptant, de la manière qu'il a été ordonné dans l'article précédent à l'égard des dettes échues.
« Art. 8. Aucun créancier des municipalités ne sera admis à toucher son payement, ou à recevoir sa reconnaissance de liquidation, qu'en satisfaisant aux mêmes justifications de résidence et d'acquit de contribution, qui sont exigées des créanciers de la République.11 sera fait mention dans les quittances et décharges, de la représentation des pièces rapportées à cet effet.
Art. 9. Les municipalités qui n'auront point de dettes, ou dont toutes les dettes auront été acquittées, ne pourront demander aucun payement ou acompte sur leur seizième de bénéfice, pour les dépenses qui, aux termes des précédentes lois, doivent être acquittées sur les sols additionnels aux contributions, mais uniquement pour des dépenses extraordinaires, relatives à des objets stables, d'une nécessité reconnue par les directoires de district et de département, dont les avis seront, en ce cas, envoyés aîu mi-
nistre de l'intérieur, chargé de les faire passer à la Convention, avec les demandes des municipalités.
« Art. 10. L'excédent du seizième dû aux municipalités, après les emplois autorisés par les articles précédènts, demeurera dans la caisse nationale, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ; et il sera seulement payé aux municipalités l'intérêt dudit excédent, à raison de quatre pour cent.
« Art. 11. Les municipalités qui ne se seraient pas conformées, avant le 1er avril prochain, aux lois concernant la mise en vente des biens à elles adjugés, seront déchues, à cette époque, du seizième qu'elles auraient pu prétendre sur la revente desdits biens. »
Après une légère discussion, le projet de décret est adopté dans les termes suivants :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport dé son comité d'aliénation sur les mesures à prendre relativement aux demandes formées par un grand nombre de municipalités, à l'effet d'obtenir des payements et avances sur le seizième du bénéfice qui leur échoit par les reventes des biens nationaux dont l'aliénation a été faite en leur faveur, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les décrets du 5 août et du 28 septembre 1791, concernant l'affectation au payement des dettes des municipalités, du seizième qui leur revient sur la revente des biens nationaux à elles aliénés, et sur les conditions à remplir pour obtenir des payements et avances sur ledit seizième, seront exécutés selon leur forme et teneur.
Art. 2.
« Pour assurer d'autant plus l'exécution desdits décrets, les municipalités qui demanderont des payements ou avances sur leur seizième de bénéfice, seront tenus de joindre à leur demande un état dressé par elles, certifié par le district, visé par le département, de toutes les sommes dont elles seront débitrices à l'époque de leur demande. Les dettes seront classées, dans cet état, selon leur différente nature : dettes constituées, dettes exigibles actuellement, dettes exigibles à terme. Les causes pour lesquelles les dettes auront été contractées, et l époque à laquelle elles l'auront été, seront exprimées.
Art. 3.
« Les officiers municipaux seront responsables et deviendront personnellement débiteurs des sommes dues par les municipalités, à la date de la présentation des états mentionnés au précédent article, qui ne s'y trouveraient pas comprises.
Art. 4.
« Le décret qui autorisera le payement ou avance à faire a une municipalité sur son seizième, sera rendu sur le vu de l'état qui aura été dressé par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, en exécution de l'article 2 du décret du 28 septembre 1791, et qui constatera le montant de ce qui revient à Ja municipalité. Le décret spécifiera la dette ou les dettes auxquelles le payement ou avance seront affectés, et la différente manière dont les dettes devront être acquittées, d'après les distinctions établies dans les articles suivants.
Art. 5.
« A l'égard de l'extinction ou remboursement de la dette, il sera fait une distinction entre les dettes échues soit actuellement, soit à l'époque où les décrets qui en ordonneront le payement, interviendront, et les dettes constituées, oudont le terme ne serait pas échu.
Art. 6.
« Les dettes échues seront soldées au moyen des fonds qui seront envoyés aux receveurs de district, en conformité de l'article 5 du titre II du décret du 28 septembre 1791. Ces fonds seront remis directement, par le receveur de district, au créancier dont le payement aura été ordonné par le décret rendu en exécution de l'article 4 ci-dessus, ou à son fondé de procuration, en présence d'un des officiers municipaux, qui se transportera, à cet effet, au district, avec le créancier ou son fondé de procuration. Une expédition de la quittance, certifiée par le receveur du district, sera jointe au bordereau de sa dépense du mois, qu'il est tenu d'envoyer au commissaire de la caisse de l'extraordinaire.
Art. 7.
« A l'égard des dettes constituées, et de celles dont le terme ne serait pas échu, il sera expédié par le directeur général de la liquidation, sur le vu du décret rendu en exécution de l'article 4, une reconnaissance portant que la République se charge de ladite dette, pour l'acquitter en principal et intérêts à échoir de la manière qu'elle est due.
« La reconnaissance sera adressée au receveur de district, qui la remettra au créancier ou à son fondé de pouvoir, en présence d'un des officiers de la municipalité débitrice, ainsi qu'il est dit en l'article précédent.
« En échange de la reconnaissance, le créancier ou son fondé de pouvoir remettront à la municipalité une décharge de la somme qui était par elle due. Expédition de la décharge, certifiée du receveur du district, sera envoyé par lui au commissaire de la caisse de l'extraordinaire.
« Les intérêts échus jusqu'au premier jour du quartier dans lequel la reconnaissance sera délivrée, seront payés comptant, de la manière qu'il a été ordonné dans l'article précédent à 1 égard des dettes échues.
Art. 8.
« Aucun créancier des municipalités ne sera admis à toucher son payement, ou à recevoir sa reconnaissance de liquidation, qu'en satisfaisant aux mêmes justifications de résidence et d'acquit de contribution qui sont exigées des créanciers de la République. Il sera fait mention dans les quittances et décharges, de la présentation des pièces rapportées à cet effet.
Art. 9.
« Les municipalités qui n'auront point de dettes, ou dont toutes les dettes auront été acquittées, ne pourront demander aucun payement ou acompte sur leur seizième de bénéfice, pour les dépenses qui, aux termes des précédentes lois, doivent être acquittées sur les sols additionnels aux contributions, mais uniquement pour des dépenses extraordinaires, relaves à des objets stables, d'une nécessité recon-
nue par les directoires de district et de département, dont les avis seront, en ce cas, envoyés au ministre de l'intérieur, chargé de les faire passer à la Convention, avec les demandes des municipalités.
Art. 10,
« L'excédent du seizième dû aux municipalités, après les emplois autorisés par les articles précédents, demeurera dans la caisse nationale, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné ; et il sera seulement payé aux municipalités l'intérêt dudit excédent, à raison de 4 0/0.
Art. 11.
« Les municipalités qui auront reçu directement des acquereurs des biens nationaux tout ou partie du seizième qui leur revenait, seront tenues de rendre compte de ce qu'elles auront reçu, de l'emploi qu'elles en ont fait, et de remettre à la caisse de l'extraordinaire, les obligations et annuités qui leur resteraient entre les mains, a
, au nom du comité d'aliénation, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur les demandes des municipalités et corps administratifs, pour être autorisés à faire des acquisitions d'immeubles ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'aliénation sur les mesures à prendre relativement aux demandes formées par un grand nombre de municipalités et de corps administratifs, à l'effet d'être autorisés à acquérir des bâtiments, maisons ou domaines, soit nationaux, soit autres, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Il est sursis, quant à présent,
et jus- qu'à ce que la Convention en ait autrement or-onné, à accorder
aux villes et communes, administrations de district et de département,
aucune autorisation à l'effet d'acquérir des bâtiments, maisons et
domaines, soit nationaux, soit autres.
« Art. 2. Dans le cas où les villes et communes croiraient avoir besoin de quelques maisons ou bâtiments pour le service de la commune, elles feront lever le plan desdites maisons et bâtiments, faire l'estimation du produit qu'ils peuvent donner ; et elles indiqueront les moyens qu'elles auront pour en payer le loyer, si la location leur en est accordée.
« Les municipalités enverront leur demande, avec le résultat desdites opérations, au directoire de district, qui en vérifiera l'exactitude, et fera passer le tout au directoire de département, lequel l'enverra avec son avis au ministre de l'intérieur, pour le remettre à la Convention nationale.
Art. 3. Sur le rapport qui en sera fait à la Convention, il pourra être ordonné par elle, que la vente des bâtiments sera suspendue, et qu'ils seront loués à la commune pour un temps et un prix qui seront déterminés par le décret, ainsi que la manière dont il sera pourvu aux fonds nécessaires pour le payement du loyer.
« Art. 4. Les districts et départements qui se trouveraient dans le même
cas d'avoir besoin de quelques bâtiments pour leur administration,
enverront leurs demandes, savoir : les districts aux départements qui
feront passer les demandes
« Art. 5. Aucune administration de département ou de district, aucune commune, municipalité ni section de .commune, ne pourra jouir de domaines nationaux que la location n'en ait été ordonnée en sa faveur, ainsi qu'il est porté dans les articles précédents. Les régisseurs du droit d'enregistrement sont chargés de veiller à la perception des loyers, et de fournir sans délai au ministre de l'intérieur, qui en rendra compte à la Convention, l'état des maisons, bâtiments et domaines dont les corps administratifs, municipalités, communes et sections jouiraient sans avoir obtenu la permissiou de les louer^ ou sans en payer le loyer. »
Plusieurs membres sont entendus dans la discussion de ce projet de décret.
, rapporteur, donne lecture des articles 1, 2, 3 et 4 qui sont successivement adoptés avec quelques amendements dans les termes suivants :
Art. 1er.
« Il est sursis, quant à présent, et jusqu'à ce que la Convention en ait autrement ordonné, à accorder aux villes et communes, administrations de district et de département, aucune autorisation à l'effet d'acquérir des bâtiments, maisons et domaines, soit nationaux et autres. Toute vente ou adjudication, d'une date postérieure à ce jour, est dès à présent annulée.
Art. 2.
Dans le cas où les villes et communes croiraient avoir besoin de quelques maisons ou bâtiments pour le service de la commune, elles feront lever le plan desdites maisons et bâtiments, faire l'estimation du produit qu'ils peuvent donner, et le devis des dépenses nécessaires pour rendre les bâtiments propres aux usages auxquels ils seront destinés; elles indiqueront aussi les moyens qu'elles auront pour en payer le loyer, et faire les dépenses comprises aux devis, si la location leur en est accordée.
Les municipalités enverront leur demande, avec le résultat desdites opérations, au directoire de district, qui en vérifiera l'exactitude, et fera passer le tout au directoire de département, lequel l'enverra avec son avis au ministre de l'intérieur, pour le remettre à la Convention nationale.
Art. 3.
Sur le rapport qui en sera fait à la Convention, il pourra être ordonné par elle, que la vente des bâtiments sera surpendue, et qu ils seront loués à la Commune, pour un temps (lequel ne pourra excéder trois ans) et pour un prix qui seront déterminés par le décret, ainsi que la manière dont il sera pourvu aux fonds nécessaires pour le payement du loyer et des ouvrages compris dans le devis mentionné en l'article précédent.
Art. 4.
Les districts et départements qui se trouveraient dans le cas d'avoir besoin de quelques bâtiments pour leur administration, enverront
leurs demandes, savoir : les districts aux départements, qui feront passer les demandes des districts au ministre avec leur avis ; les départements, directement au ministre. Les demandes seront accompagnées des pièces ordonnéés par l'article 2; le décret de la Convention sera rendu ainsi qu'il est dit dans l'article 3 ; le prix de la location, quand elle aura été autorisée, et les dépenses nécessaires pour mettre les bâtiments en état, seront payés par les administrés.
Un membre propose, pour article additionnel, de suspendre en général toutes les rentes et que le décret soit expédié sur-le-champ aux Corps administratifs.
Après une légère discussion cet article additionnel, qui devient article 5, est adopté dans les termes suivants :
Art. 5 (nouveau)?
« Pour assurer aux communes et corps administratifs le moyen de faire l'indication des objets dont la location leur serait nécessaire, il est sursis pendant 3 mois, à compter de la promulgation du présent décret, à la vente et adjudication des maisons et bâtiments susceptibles d'être employés à une destination publique. »
Un membre demande que les communes soient autorisées à acheter le local nécessaire pour les prisons..
Un autre membre demande que les communes soient autorisées à prendre le local nécessaire pour les prisons, sans l'acheter.
Un autre membre demande que les corps administratifs soient autorisés à prendre le local nécessaire pour établir les administrations.
Un autre membre demande qu'ils soient seulement autorisés à les acheter.
(La Convention ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent la question préalable sur les amendements.
(La Convention décrète qu'il y a lieu à délibérer sur les amendements.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour l'amendement tendant à autoriser les corps administratifs à acheter le local dés prisons.
(La Convention n'accorde pas la priorité à cet amendement.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour l'amendement tendant à autoriser les corps administratifs à louer le local nécessaire pour les prisons.
Cette proposition est mise aux voix; deux épreuves sont douteuses.
Plusieurs membres proposent de mettre aux voix l'amendement tendant à concéder gratuitement le local des prisons. ,
D'autres membres demandent la question préalable sur cet amendement.
(La Convention décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement.)
Un membre propose, pour sous-amendement, qu'on rembourse aux corps administratifs les sommes qu'ils ont payées pour acquérir le local des prisons.
La discussion reprend sur ce sous-amendement.
Plusieurs membres demandent le renvoi de 1ouS lés amendements au comité pour présenter un nouvel article.
La Convention décrète le renvoi dans les termes suivants :
Art. 6.
« A l'égard des dispositions qui seraient nécessaires pour l'établissement des maisons d'arrêt, de justice, de correction et des prisons, la Convention renvoie à son comité d'aliénation et le charge de lui présenter incessamment un projet de décret. »
, rapporteur, propose de décréter l'article 5 et dernier du projet de décret.
Cet article, qui devient article 7, est adopté dans les termes suivants ;
Art. 7 (ancien art. 5).
Aucune administration de département ou de district, aucune commune, municipalité ni section de commune, ne pourra jouir de domaines nationaux que la location n'en ait été ordonnée en sa faveur, ainsi qu'il est porté dans les articles précédents. Les régisseurs du droit d'enregistrement sont chargés de veiller à la perception des loyers et de fournir sans délai au ministre de l'intérieur, l'état des maisons, bâtiments et domaines dont les corps administratifs, municipalités, communes et sections jouiraient sans avoir obtenu la permission de les louer, ou sans en payer le loyer. Le ministre de l'intérieur en rendra compte a la Convention, et y joindra son avis, sauf à l'égard des prisons, relativement auxquelles il n'est rien innové quant à présent.
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'aliénation sur les mesures à prendre relativement aux demandes. formées par un grand nombre de muni-palités et corps administratifs, à l'effet d'être autorisés à acquérir des bâtiments, maisons ou domaines, soit nationaux, soit autres, décrète ce qui suit :
Art. 1er,
« II est sursis, quant à présent, et jusqu'à ce que la Convention en ait autrement ordonné, à accorder aux villes et communes, administrations de district et de département, aucune autorisation à l'effet.d'acquérir des bâtiments, maisons et domaines, soit nationaux, soit autres. Toute vente ou adjudication, d'une date postérieure à ce jour, est dès à présent annulée.
Art. 2.
« Dans lé cas où les villes et communes croiraient avoir besoin de quelques maisons ou bâtiments pour le service de la commune, elles feront lever le plan desdites maisons et bâtiments, faire l'estimation du produit qu'ils peuvent donner et le devis des dépenses nécessaires pour rendre les bâtiments propres aux usages auxquels ils seront destines ; elles indiqueront aussi les moyens qu'elles auront pour en payer le loyer et faire les dépenses comprises aux devis, si la location leur en est accordée.
« Les municipalités enverront leur demande, avec le résultat desdites opérations, au directoire de district, qui en vérifiera l'exactitude et fera passer le tout au directoire de département, lequel l'enverra avec son avis au ministre de l'intérieur, pour le remettre à la Convention nationale.
Art. 3.
« Sur le rapport qui en sera fait à la Convention, il pourra être ordonné par elle, que la vente des bâtiments sera suspendue et qu'ils seront loués à la commune pour un temps (lequel ne pourra excéder trois ans) et pour un prix qui seront déterminés par le décret, ainsi que la manière dont il sera pourvu aux fonds nécessaires pour le payement du loyer et des ouvrages compris dans le devis mentionné en l'article précédent.
Art. 4.
« Les districts et les départements qui se trouveraient dans le cas d'avoir besoin de quelques bâtiments pour leur administration enverront leurs demandes, savoir : les districts aux départements, qui feront passer les demandes des districts au ministre avec leur avis ; les départements, directement au ministre. Les demandes seront accompagnées des pièces ordonnées par l'article 2 ; le décret de la Convention sera rendu ainsi qu'il est dit dans l'article 3 ; le prix de la location, quand elle aura été autorisée, et les dépenses nécessaires pour mettre les bâtiments en état, seront payés par les administrés.
Art. 5.
« Pour assurer aux communes et corps administratifs le moyen de faire l'indication des objets dont la location leur serait nécessaire, il est sursis pendant deux mois, à compter de la promulgation du présent décret, à la vente et l'adjudication des maisons et bâtiments susceptibles d'être employés à une destination publique. »
Art. 6.
« A l'égard des dispositions qui seraient nécessaires pour l'établissement des maisons d'arrêt, de justice, de correction et des prisons, la Convention renvoie à son comité d aliénation et le charge de lui présenter incessamment un projet de décret.
Art. 7.
« Aucune administration de département ou de district, aucune commune, municipalité ni section de commune, ne pourra jouir de domaines nationaux, que la location n'en ait été ordonnée en sa faveur, ainsi qu'il est porté dans les articles précédents; les régisseurs du droit d'enregistrement sont chargés de veiller à la perception des loyers et de fournir sans délai au ministre de 1 intérieur l'état des maisons, bâtiments et domaines dont les corps administratifs, municipalités, communes et sections de commune, jouiraient sans avoir obtenu la permission de les louer ou sans en payer le loyer. Le ministre de l'intérieur en rendra compte à la Convention nationale et y joindra son avis, sauf à l'égard des prisons, relativement auxquelles il n'est rien innové quant à présent. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui transmet à la Convention la copie de la lettre par laquelle le citoyen Feuvre d'Arles, commissaire chargé de faire arrêter le général Montesquiou, rend compte de l'évasion de ce général.
Suit la teneur de ces deux lettres :
Paris, le er de la République. .
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale.
« J'adresse à la Convention nationale copie de la lettre par laquelle Feuvre dvArles, commissaire chargé de faire arrêter le général Montesquiou, me rend compte de son évasion.
« Signé : PACHE. »
Copie de la lettre de Feuvre d'Arles au citoyen Pache, ministre de la guerre.
Annecy, er de la République.
Citoyen ministre (l)j
Je suis arrivé ce matin, à huit heures, à Annecy. Je me suis transporté chez le citoyen Dornac, le le plus ancien des lieutenants généraux com-r mandant sous les ordres du général Montesquiou : je lui ai exibé les ordres dont j'étais porteur et la commission qui lui déférait le commandement général de l'armée des Alpes. Nous nous sommes rendus aussitôt au quartier général;là, nous avons appris que le général Montesquiou était monté à cheval depuis environ trois quarts d'heure. J'ai envoyé, de concert avec le général Dornac et l'adjudant général Dubreuil, des courriers sur toutes les routes qui avoisinent ce lieu : nous avons appris qu'il était entré à Genève. Je me me suis rendu ae suite, avec l'adjudant général, à Genève, chez le résident de la République, que j'ai requis, pour qu'il eût à réclamer sans délai, au nom de la République française, le général Montesquiou, présentement dans cette ville, auprès de qui il appartiéndra ; ce que ledit résident a fait à l'instant. Les syndics de Genève ont mis tout Je zèle possible dans les recherches qu'ils ont faites du citoyen Montesquiou; mais elles ont été infructueuses. Il était parti de cette ville et s'était embarqué sur le lac de Genève ; et on ignore encore la route qu'il aura prise. Je t'enverrai demain de plus grands détails sur la manière dont j'ai rempli ma mission, avec toutes les pièces à l'appui.
J'ai requis la municipalité de Garrouge d'envoyer, sur toutes les routes, avis de la fuite du citoyen Montesquiou et prière de l'arrêter partout où il se présenterait.
J'ai mis en état d'arrestation trois aides de camp, deux secrétaires et tous les domestiques du citoyen Montesquiou. Je vais, avec le général Dornac, le commissaire ordonnateur Alexandre, l'adjudant général P. Dubreil et le maire de Landrecy, faire l'examen de tous les papiers laissés par le citoyen A.-P. Montesquiou, et y faire apposer les scellés, ainsi que sur tout ce qui pourrait appartenir audit A.-P. Montesquiou.
Je te prie de me donner tes ordres sur la conduite que je doistenir,etquej'attendraiàAnnecy.
« Signé : Feuvre D'Arles. »
« Pour copie conforme :
« Le ministre de la guerre, « Signé pache. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la
guerre, qui annonce que.
(La Convention décrète que le commissaire ordonnateur Vincent sera traduit à la barre le lendemain à midi.)
Je demande la mise à l'ordre du jour de demain de la discussion du rapport du comité diplomatique sur la convention intervenue entre la ville de Genève et la République française.
(La Convention fixe au lendemain la discussion du rapport du comité diplomatique.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret au comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés.
, rapporteur, donne lecture du paragraphe de l'article 4, tendant à excepter les négociants de la loi en discussion ; il est ainsi conçu :
« ..... les négociants, leurs facteurs et les ouvriers notoirement connus pour être dans l'usage dé faire, en raison de leur commerce ou de leur profession, des voyages chez l'étranger.....»
Citoyens, vous avez porté une loi contre les émigrés; en la portant vous avez voulu être aussi justes que sévères. Vous avez pensé que la rigueur de la peine devait être proportionnée a la gravité du délit. Rien n'égale le crime de ces hommes qui soulèvent des conjurés puissants contre leur patrie, qui portent la guerre dans son sein, et qui veulent teindre du sang de leurs concitoyens les chaînes qu'ils leur préparent. Mais, plus ce forfait est énorme, plus il importe de le distinguer d'avec les délits d'un autre genre ; plus la peine est grande, plus il importe qu'elle soit appliquée avec justice.
Or, ie ne saurais trouver ce caractère de justice dans une loi générale qui confond, sous une acception unique,, toutes les classes d'émigrés et toutes les époques d'émigration ; dans une loi qui décerne une peine égale contre le monstre qui déchire à main armée le sein de sa patrie, et l'homme paisible, resté attaché à cette même patrie, mais qui s'est effrayé des scènes atroces dont nous avons été les témoins et qui a cherché, pour quelque temps, sur une terre amie, la sûreté que les lois ne pouvaient pas lui garantir dans son pays.
Traiterons-nous aussi sévèrement celui qui a fui les brigands de l'intérieur, que ces brigands du dehors qui sont armés contre la patrie ? Citoyens, c'est affaiblir l'horreur qu'inspire le crime que de le confondre avec des fautes légères. Tfn émigré sanguinaire qui a pour compagnon de la même peine un citoyen dont le crime paraît être d'avoir été faible et craintif, paraît moins coupable qu'il ne l'est. Cette égalité de peine, pour des délits de gravités si différentes, donnerait à la, loi un caractère de barbarie et détruirait tout le respect que la seule justice lui concilierait.
Vous rappellerai-je le sort de ce citoyen qui a péri à Gisors sous le fer des brigands! Qui l'aurait blâmé? Qui aurait pu taxer son absence de crime d'Etat, s'il se fût dérobé par la fuite à la recherche de ses assassins? Cependant il aurait été émigré dans le sens qu'on donne à ce mot; il encourrait aujourd'hui la peine de la loi; tous ses biens seraient confisqués ; et, pour
avoir, échappé aux poignards des assassins, il serait condamné à la misère. Si la mère, si la femme de ce citoyen ont fui une terre teinte de sang d'un fils, de celui d'un époux, les puniriez-vous d'une faute aussi naturelle? et pour consommer leur douleur, décréterez-vous encore leur ruine? Cette loi ne s'exécuterait pas, elle ne pourrait pas s'exécuter ; elle trouvera contre elle toutes les réflexions, tous les sentiments, tous les devoirs ; elle sera improuvée par la conscience nationale et la vertu même lui opposera partout une résistance invincible. (Murmures.)
Citoyens, nous ne sommes pas des hommes durs, des cœurs barbares; nous avons même horreur de la dureté et de la barbarie; c'est elle que nous voulons punir et nous n'en donnerons jamais l'exemple, en frappant du glaive à la légère et sans distinction. On pardonne à la faiblesse des mesures extrêmes, des partis violents. Aujourd'hui que nous sommes forts, aujourd'hui que nos victoires nous élèvent au-dessus de toute crainte, livrons-nous à notre caractère naturel, osons être sages, et n'oublions pas que l'humanité est la perfection de la justice. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.)
Voici, en conséquence, la disposition que je propose à la Convention d'ajouter aux exceptions :
« Ne seront point censés émigrés les citoyens et citoyennes qui prouveront leur résidence habituelle en France sans interruption, depuis le 9 mai 1792 jusqu'au 2 septembre de ladite année; qui, depuis cette époque n'ont habité que des pays neutres, et qui rentreront dans leur patrie un mois après la publication du présent décret. »
, rapporteur. Cette exception, fondée sur un principe d'humanité, aurait vraiment une trop grande latitude. Un événement arrivé sur un point d'un immense Empire ne justifie pas l'émigration. On peut fuir des scènes sanglantes sans, pour cela, sortir de sa patrie. Un nomme surtout doit, dans ces circonstances critiques, prendre les armes pour la défense des lois, et non pas fuir lâchement la patrie qui réclame le secours de son bras. Mais il peut être juste de faire une exception pour les personnes du sexe. (Rires).....Mais, citoyens, nous en avons tous un..... (Nouveaux rires).....Eh bien, je veux dire pour les femmes, que des troubles intérieurs, des événements sanglants et désastreux ont forcées de fuir momentanément leur pays. Cette crainte peut être excusable de leur part ; et, en conséquence, votre comité m'a chargé de vous proposer un article par lequel les femmes qui justifieront n'être sorties de France, pour aller sur un territoire neutre, que depuis le 2 septembre dernier, seront exceptées du bannissement. Mais cet article devra être un des derniers de la loi, j'en demande en conséquence l'ajournement.
Un membre : Il faut bien s'imaginer que la loi que nous faisons ne doit pas se calquer sur les règles ordinaires de la justice; c'est une loi de circonstance, une loi de guerre, qui entraînera nécessairement quelques injustices particulières; car, il serait impossible, sans en anéantir l'effet d'admettre toutes les exceptions. Au surplus, rien ne vous empêchera, par la suite, d'admettre toutes les réclamations particulières et individuelles qui pourraient être fondées.
(La Convention ajourne l'article proposé par Manuel.)
Un membre : Je propose d'excepter également de la loi les propriétaires des manufactures et autres objets d'utilité publique, que la nécessité de rechercher des connaissances utiles à l'entretien, amélioration et perfectionnement d'établissements de ce genre, a retenus et retient hors du territoire de la République.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur cet amendement.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer silr l'amendement.)
La disposition présentée par le comité est ensuite décrétée en ces termes :
« Ne seront réputés émigrés les négociants, leurs facteurs et leurs ouvriers, notoirement connus pour être dans l'usage de faire, en raison de leur commerce et de leur profession, des voyages chez l'étranger. »
Un membre propose de passer à la discussion de l'article 19 du projet du comité dont l'admission préviendrait beaucoup de difficultés ; il est ainsi conçu :
« La Convention nationale se fera rendre compte de toutes pétitions, adresses et réclamations qui lui ont été ou seront présentées jusqu'au 1er avril prochain, touchant les exceptions ou modérations qui pourraient avoir été ou être prétendues par qui que ce soit, et fera droit sur celles qui seront fondées. Après le délai ci-dessus fixé, il ne sera plus admis de réclamations, adresses ou pétitions à ce sujet, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit. »
Un membre s'oppose à la discussion de cet article.
Vous ne pouvez prévoir toutes les exceptions. Il est impossible de les déterminer toutes avec justice. 11 faut nécessairement remettre aux administrations le droit de prononcer d'après la loi.
, le jeune. Votre loi ne sera pas immorale, puisqu'elle exprime la vengeance nationale. Si l'on débat sur les exceptions, c'est qu'il n'en fallait pas faire. Il fallait déclarer que tous les ci-devant et les prêtres absents sont ennemis de la nation et je demande expressément qu'ils soient déclarés émigrés. (Murmures.)
(La Convention renvoie la discussion de l'article 19 au moment où elle en sera à cet article et décrète qu'elle se bornera, quant à présent, à l'article 4.)
Je propose, par amendement, d'excepter de la loi ceux qui justifieront leur absence par la nécessité de rentrer dans des biens de famille situés à l'étranger, soit à titre d'héritage, de retrait, ou de toute autre manière, pourvu que lesdites acquisitions aient été faites et consommées, avant l'époque du 9 février 1792.
, rapporteur. On vous propose des exceptions de toutes espèces, et particulièrement pour les négociants. Si vous admettiez ces exceptions, elles serviraient de prétexte à bien des hommes coupables, car on se donne aujourd'hui des airs de marchand, comme autrefois on se donnait des airs de marquis. (Rires et applaudissements.) Il n'y a pas une étude de notaire, du moins à Paris, ou il n'y ait des procurations d'émigrés, des actes de négociants. Moi-même, j'ai délivré à l'hôtel de la Commune, 400 pa-
tentes à des émigrés. Il n'y a pas de ruse qu'ils n'aient mis en usage pour se donner l'air de négociants, d'artistes, et c'est pourquoi votre comité a cru devoir mettre dans l'article qu'il vous présente, ces mots : notoirement connus.
D'ailleurs, c'est un grand filet national que la Convention a tendu pour prendre tous ces coquins. 11 est possible que quelques honnêtes gens s'y trouvent, mais elle les distinguera à la loupe et les fera sortir du filet. (Rires et applaudissements.)
Je connais beaucoup d'enfants de négociants qui sont absents par raison de commerce et qui sont d'excellents patriotes. Faites une exception en leur faveur.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'amendement de Mallarmé.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de Mallarmé.
Un membre propose un amendement tendant à ce que ceux qui se présenteraient comme négociants fussent tenus d'en justifier par la représentation de leurs livres.
Plusieurs membres . La question préalable!
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
, rapporteur, donne lecture du paragraphe 4 relatif aux artistes et savants résidant à l'étranger ; il est ainsi conçu :
: ...ainsi que ceux qui, avant leur départ, ont été notoirement connus pour s'être.consacrés à l'étude des sciences ou des arts, et ne s'être absentés que pour acquérir de nouvelles connaissances dans leur état. »
Plusieurs membres demandent la question préalable sur cette disposition.
Vous ne pouvez excepter ceux qui sont sortis, en amateurs pour l'étude des arts et des sciences, car tous les émigrés se seront pour la première fois consacrés à l'étude.
, rapporteur. Il s'agit de savants et d'artistes notoirement connus et non d'amateurs, La Peyrouse n'est pas encore rentré et La Pey-rouse n'est pas émigré.
Mais d'Entraigues et beaucoup d'autres ont fait quelques misérables ouvrages et ils profiteront de la loi.
La loi du 8 avril dernier porte les mêmes mots que celle qu'on vous présente, et vous ne pouvez être plus sévères, puisque, sur la foi de cette loi, tel savant est resté jusqu'à présent à Rome ou à Londres. Iriez-votis le punir de mort? Il faut de la sévérité dans l'exécution de la loi, mais avant tout il faut être juste.
(La Convention rejette par la question préalable la disposition présentée par le comité relative aux savants et aux artistes.)
, rapporteur,donne lecture du dernier paragraphe de l'article 4; il est ainsi conçu :
« Ceux qui, attaqués de maladie en pays étrangers avant le 9 mai 1792, y sont morts ae ladite maladie, avant ou depuis ladite époque, à la charge par les héritiers de prouver qu'ils n'ont point porté les armes, ni commis aucune action hostile contre la patrie.»
Plusieurs membres : La question préalable 1
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette disposition.)
, rapporteur. Je crois qu'il est juste
d'adopter une exception en faveur des domestiques. J'ai été touché des malheurs d'une foule de femmes et d'enfants réduits à la plus affreuse indigence et je me suis chargé de leur cause. Les domestiques n'ont suivi les émigrés que par besoin. Un grand nombre, créanciers de leurs maîtres, auraient perdu en restant en France, tout moyen d'existence. On dira, je le sais bien, qu'ils n'étaient point attachés à leur patrie, mais ils n'avaient point de patrie. Les droits de citoyen leur étant refusés, ils sont en quelque sorte hors de la société et ne peuvent être punis pour n'avoir pas rempli les devoirs qu'elle impose. Si la classe des domestiques a été perverse jusqu'à présent, c'est la faute des mœurs et des loisvEh bien, il est digne de vous, il est digne de législateurs philosophes de leur rendre la dignité d'homme, de leur rendre l'estime d'eux-mêmes. Laissez rentrer en France cette foule de malheureux ; qu'ils deviennent citoyens, et vous les attacherez à leur patrie.
Un membre : Je crois essentiel de combattre cette proposition. J'observe que la plupart des domestiques des ci-devant nobles partageaient les préjugés et les vices de leurs maîtres ; qu'ils ont été les principaux agents de leurs intrigues; ils ont entretenu des correspondances avec eux ou les ont suivis pour prendre les armes contre leur patrie. Dans l'intérieur, ils ontfaitdes enrôlements et ont été les espions des aristocrates auprès des patriotes. Ils s'étaient coalisés dans plusieurs villes, notamment à Lyon et à Rennes, A Bordeaux, ils avaient menacé d'assassiner tous les citoyens qui porteraient les couleurs nationales. Observez, en outre, que ce sont les domestiques des riches qui ont émigré ; ils n'ont pas suivi les citoyens pauvres, qui, pour beaucoup, ne payaient pas assez. Si vous leur permettiez de rentrer en France, ils pourraient renouer les fils des complots dans lesquels ils sont initiés. D'ailleurs comment constaterez-vous que tel émir gré est un domestique? Les certificats des ci-devant maîtres peuvent-ils être reçus en jugement ? Vous sentez combien un pareil mode d'exécution serait abusif. Vous verriez les émigrés être tous successivement, comme à la comédie, maîtres et valets, et cette seule exception suffirait pour rendre nul l'effet de votre loi. Je demande la question préalable sur l'exception proposée en faveur des domestiques.
, rapporteur. Mais les femmes de chambre, les servantes, sont-elles aussi comprises au nombre des émigrés?
Un grand nombre de membres : Oui ! oui ! oui !
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'exception proposée en laveur des domestiques.)
Je rappelle que les enfants des négociants ne sont pas compris dans la loi, du moins nominativement.
(de Fontenay). Vous savez que les protestants et non catholiques ne pouvant faire élever leurs enfants dans nos collèges, les envoyaient à l'étranger pour faire leurs études. Ils ne sont pas émigrés. Je demande qùes ces enfants soient exceptés de la loi.
Je suis d'un pays de manufactures et je sais que les enfants des négociants vont apprendre le commerce et les langues étrangères, soit en Espagne, en Hollande ou à Londres. J'insiste pour que vous fassiez une exception en faveur de ces enfants.
Depuis le temps que l'intolérant Louis XIV a supprimé les Académies de Toulouse et de Montauban et d'autres maisons d'éducation, mes frères, les protestants, ont bien été obligés d'envoyer leurs enfants hors de France pour poursuivre leurs études. Moi-même j'en suis un exemple frappant. Si je n'avais été chercher ailleurs les lumières que me refusait ma patrie, j'eusse été condamné à végéter toute ma vie dans l'indigne métier de recors que j'avais obtenu avant la Révolution. Ainsi, tous les enfants des non-catholiques, que l'édit de Nantes, exécuté encore par habitude dans le département du Rhin, éloigne de leurs familles pour aller étudier en Allemagne, seraient réputés émigrés quoiqu'ils soient tous de bons républicains. Je demande formellement que ces enfants soient exceptés de la. loi.
Plusieurs membres demandent le renvoi au comité des propositions de Saladin et de Riihl.
(La Convention renvoie au comité les propositions de Saladin et de Rûhl).
L'article 19 du projet du comité porte que tous les citoyens, qui se croiraient être dans les exceptions non prévues par la loi, seront tenus, avant le 1er février prochain, d'adresser leurs réclamations à la Convention nationale, sans néanmoins pouvoir, avant sa décision, rentrer sur le territoire de la République ou se dispenser d'en sortir, s'ils y étaient entrés. Comme il est impossible de prévoir, dans une loi générale, toutes les exceptions particulières, je propose de décréter, au lieu de l'article 19, que les tribunaux et corps administratifs seront juges des administrations particulières.
(de la Marne) invoque la question préalable sur cette proposition.
Je connais un Quaker, excellent citoyen, que l'on prit pour un abbé le 3 septembre et qui rut traîné dans la rue, au milieu de la boue, et courut des dangers. Sa femme et ses enfants éplorés le prièrent de quitter le pays. Eli bien]I il était permis de s'effrayer dans cette circonstance. Je vous demande si ce bon patriote doit être condamné à perdre la tête ou à se bannir du territoire de la République? Je crois qu'il faut adopter la proposition de Treilhard.
Il est impossible de livrer l'interprétation des lois à l'arbitraire des tribunaux ou des corps administratifs. Le Corps législatif peut l'interpréter en prononçant par une loi les exceptions : c'est son droit; mais il est impossible que dans la loi sur les émigrés, il prononce judiciairement sur les réclamations particulières, car il aurait 30 à 40,000 procès a juger. Si l'on entend qu'il pourra être statué législativement sur les réclamations des émigrés qui se trouveront dans une espèce excusable non prévue par la loi, alors il est inutile de l'annoncer par un article, puisque c'est de droit. D'ailleurs, un article qui semblerait annoncer l'intention de détruire la loi pourrait être infiniment préjudiciable aux ventes des biens séquestrés. Je demande en conséquence la question préalable, non seulement sur la proposition de Treilhard, mais encore sur l'article 19 du projet du comité.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
L'autres membres : La priorité pour la question préalable !
(La Convention accorde la priorité à la quès-
tion préalable et décrète qu'il n'y a lieu à délibérer ni sur la proposition de Treilhard, ni sur l'article 19 du projet.)
(La suite de la discussion est ajournée à demain.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Alenin par laquelle il indique certaines précautions a prendre pour la surveillance de Louis XVI, au Temple :
« Citoyen Président,
« Je descends la garde du Temple, et même du poste de la tour.
« J'ai vu, au milieu d'un jardin bordé de murs d'une hauteur excessive, une tour aux murailles épaisses, aux fenêtres garnies de forts barreaux de fer, et masquées encore par de larges soufflets; son escalier est coupé par cinq ou six guichets, dont les portes basses, étroites et garnies de gros verroux, tournent lourdement sur d'énormes gonds; à l'entrée de cet escalier,sera placée incessamment une porte tellement construite, que le feu ni la hache, ne pourraient la détruire. Deux cent cinquante citoyens et plus veillent autour de cette inexpugnable prison : c'est là qu'est enfermé Louis Xvl.'
« Toutes ces sages précautions semblent nous dire que le prisonnier ne s'échappera pas: eh bienl un seul homme peut les rendre inutiles. Un seul commissaire municipal peut arracher le tyran d'une captivité aussi méritée que nécessaire.
Je suis loin de soupçonner de perfidie aucun des membres de la municipalité; mais la fuite et le vol des deux surveillants de Guillaume peuvent autoriser des défiances.
« On sort du Temple, de la tour, jusqu'à onze heures du soir : le commissaire municipal qui serait acheté par les ennemis de la tranquillité publique pour favoriser la fuite de Louis XVI aurait la taille et l'embonpoint de cet être engraissé du sang des hommes. Il viendrait monter sa garde en habit brun, en catogan, en chapeau rond, le ruban tricolore sur l'épaule, la carte du jour, et tout cela double dans la poche; à neuf heures trois quarts, il sortirait de l'appartement, traverserait le jardin et parviendrait jusqu'à la rue à dix heures un quart : les sentinelles changées, l'ex-roi, en habit brun, en catogan, en chapeau rond, le ruban tricolore sur l'épaule, et la carte du jour à la main, sortirait de son appartement et, à la faveur de la similitude de costume et de l'obscurité, traverserait, cour, jardin, et irait sans obstacle rejoindre dans la rue son compagnon de voyage.
« J'ai indiqué le crime qui pouvait se commettre ; je vais indiquer les moyens de le prévenir.
« Faire battre la retraite et la diane au pied de la tour, la première une heure avant la nuit, la seconde une heure après le lever de l'aurore ; défendre que, dans l'espace de temps qui s'écoulera entre la retraite et la diane, qui que ce soit sorte de la tour.
« J'ajoute que, pour faciliter l'exécution de cette mesure, on se hâtera d'établir les cuisines au rez-de-chaussée de la tour, et que l'on aura soin d'avertir les citoyens de garde dans l'intérieur qu'il ne leur sera point accordé de permission pour aller souper dehors.
« J'ai cru qu'il était de mon devoir de communiquer mes idées. Un républicain doit, selon moi, dire tout ce qu'il juge pouvoir être utile à
sa patrie; s'il se trompe, son intention l'excuse. (Applaudissements.)
« Signé : Menin. »
(La Convention renvoie la lettre au comité de sûreté générale pour en faire son rapport le lendemain.)
fait hommage à la Convention d'un ouvrage de sa composition sur le juré français.
(La Convention ordonne la mention honorable,)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
,secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Mauborgne, qui fait hommage à la Convention d'un tableau géographique de 83 départements, destiné à donner aux enfants, par forme d'amusement, les premières notions de cette connaissance utile.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
2° Lettre du citoyen Piguet, lieutenant de volontaires, qui annonce que les habitants de Puce-raange, duché de Luxembourg, témoignent le désir le plus vif d'être adoptés, par la République française. L'arbre de la liberté, dit-il, s'élève au milieu d'eux. Ils ne souffriront pas que le souffle du despotisme en dessèche les rameaux.
(La Convention ordonne la mention honorable et renvoie la demande des habitants de Puce-mange au comité diplomatique.)
3° Lettre du peintre Me, qui fait présenter à l'Assemblée un tableau ayant pour sujet une des vues du port de Lorient.
(Les membres de la Convention voient avec satisfaction cet ouvrage national et applaudissent au talent de l'artiste.)
4° Lettre du conseil général de la commune de Montigny-le-dernier, ci-devant surnommée le roi, qui annonce le vœu de changer de nom.
(La Convention renvoie la demande au comité de division.)
5° Lettre du général Dillon, qui demande à être admis à la barre pour présenter une pétition; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, er de la République.
« Citoyen Président (1),
« Un soldat de la République, qui gémit d'être réduit momentanément à un état d'inactivité, désire recourir au droit sacré de pétition et vous prie d'obtenir de la Convention nationale qu'il soit admis aujourd'hui à la barre-
« Le lieutenant général, « Signé : A. Dillon. »
(La Convention décrète que le général Dillon
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui écrit à l'Assemblée pour lui annoncer que la médiation de la France auprès du canton de Soleure, relativement aux trois officiers suisses inquiétés à l'occasion de leur attachement à la Révolution française, a eu un plein succès; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, 17 novembre, l'an Ier de la République.
« Citoyen Président (1),
« Sur le compte rendu à la Convention nationale que trois officiers du ci-devant régiment suisse de Vigier avaient été arrêtés à Soleure, et que la cause de leur arrestation était l'attachement qu'ils avaient manifesté pour la Révolution française, il a été décrété que le pouvoir exécutif, après s'être assuré de la vérité des faits, réclamerait la liberté de ces officiers.
« L'ambassadeur de la République française en Suisse avait déjà rempli l'objet du décret de la Convention avant que ce décret n'eût pu lui parvenir. Ses démarches ont eu le succès le plus ,prompt. Vous verrez, citoyen président, par la lettre de l'avoyer en charge de l'Etat de Soleure dont je joins ici copie, que les trois officiers patriotes du régiment de Vigier qui avaient été arrêtés ont été remis en liberté.
« il n'y a pas encore bien longtemps que l'Etat de Soleure n aurait pas mis le même empressement à satisfaire à la demande de l'ambassadeur.
« Le ministre des affaires étrangères, « Signé: Le Brun. »
Copie de la réponse de M. Glutz (1), avoyer en charge de la République de
Soleure, à M. Barthélémy, à Soleure, le
« Monsieur,
« J'ai reçu les deux lettres que vous m'avez fait l'iionneur de m'écrire en date des 1er et 2 de ce mois, ainsi que les copies de celles de M. le général Biron et de MM. les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin.
« J'y ai remarqué, Monsieur, avec une peine extrême qu'on a cherché à dénaturer un événement, lequel présenté dans son vrai jour perd beaucoup d'importance que l'on a cru devoir y attacher.
«Trois jeunes officiers du ci-devant régiment de Vigier, Grimm, Wallier et Brunner, peu de jours après leur retour à Soleure, se présentent à la barre du Conseil d'Etat, où après l'aveu fait d'avoir manqué à la discipline militaire et aux ordres de leurs souverains, ils supplient Leurs Excellences de leur faciliter les moyens de justification, en cas qu'ils fussent accusés sur d'autres objets. En conséquence de cette démarche, Leurs Excellences leur donnèrent les arrêts chez leurs parents et nommèrent une commission pour examiner cette affaire.
« Le rapport en fut fait le 2 de novembre, le décret d'arrestation levé
le même jour et les jeunes citoyens confiés aux soins et à la~
surveillance de leurs familles respectives.
« Je vous prie, Monsieur, d'agréer, etc., etc.
« Pour copie
« Le ministre des affaires étrangères, « Signé : Le Brun. §
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 15 novembre 1792, au matin.
Un membre observe, après cette lecture, qu'il a été rendu un décret (1) par lequel une gratification de 1200 livres avait été accordée à Girar-din, à sa femme et à leur fils, pour dénonciation de faux assignats, et qu'il a connaissance personnelle que le citoyen Girardin n'avait pas suffisamment justifié de son droit à la gratification; il demande la suspension de l'exécution du décret jusqu'après la vérification des faits.
(La Convention ordonne la suspension de ce décret, puis adopte la rédaction lue par Jean Debry.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Vaillant, sous-officier des Invalides, qui réclame contre la modicité de la pension qui lui a été accordée.
Je demande qu'en raison de l'âge avancé du pétitionnaire, qui a atteint 81 ans, et qui compte 51 ans de service militàire, la Convention décrète que cette pension sera portée à 600 livres.
(La Convention adopte la proposition de Camus.)
Suit le texte du décret rendu :
« La Convention nationale, considérant l'âge avancé du citoyen Vaillant, sous-officier des Invalides, parvenu à 81 ans, après 51 années de service militaire, décrète que la pension de 300 livres dont il jouissait, sera portée à celle de 600 livres, à compter de la dernière échéance à laquelle elle lui a été payée. »
expose que l'Assemblée électorale du département de l'Aisne, après avoir nommé les députés à la Convention nationale, a procédé au renouvellement de tous les fonctionnaires publics du département, à l'exception seulement au greffier du tribunal criminel, que les électeurs n ont pas cru nécessaire de renouveler; et il demande que la Convention nationale décrète qu'il n'y avait pas lieu à convoquer l'Assemblée électorale du département de l'Aisne, pour la nomination du greffier du tribunal criminel.
Je demande l'ordre du jour motivé sur ce que l'Assemblée électorale a tacitement confirmé la nomination du greffier du tribunal criminel, en ne procédant pas à son renouvellement en même temps qu'elle a renouvelé les autres fonctionnaires publics.
(La Convention passe à l'ordre du jour ainsi I motivé.)
Je demande à la Convention la
Législateurs (1),
Le grand bailliage de Berg-Zabern, composé de
Elus de dix villages, appartenant au duc des eux-Ponts, las de se voir encore esclave d'un prince et de ses satellites, au milieu d'un peuple libre et heureux, encouragé par les victoires des armes de la liberté française, a tout d'un coup rompu les fers de l'esclavage affreux dans lequel il gémissait, et se présente libre devant les augustes représentants de la nation française, pour leur témoigner sa reconnaissance pour les grands bienfaits qu'ils préparent aux peuples, et pour leur demander la réunion avec la République.
Pénétrés des mêmes sentiments que la Savoie, nous vous manifestons les mêmes désirs, et nous nous engageons aux mêmes devoirs. Déjà comme eux, nous avons juré de maintenir de toutes nos forces la liberté et l'égalité, et de mourir à nos postes ; la cocarde tricolore orne nos têtes et le sein de nos femmes et filles ; l'arbre de la liberté est planté au milieu de la ville de Berg-Zabern et dans les villages de la campagne ; nous nous sommes procuré vos sages décrets, qui nous servent de règle invariable dans l'administration nouvelle de nos affaires publiques; et pour ne pas manquer de fonctionnaires patriotes, nous nous sommes adressés à la municipalité de la ville de Landau/ trois lieues de chez nous, pour obtenir les instructions nécessaires à élire nos municipalités ; et c'est par ses bons offices qu'une députation de plusieurs citoyens, prise du sein de la société patriotique, nous a été envoyée, sous l'assistance de laquelle nous avons formé nos conseils généraux des communes.
Représentants, la nature même et notre situation locale nous ont fait frères des Français ; il nous serait impossible de porter plus longtemps le caractère d'esclaves, et servir de chiens ae chasse à notre tyran, au milieu des hommes libres dont nous sommes entourés. Non, nous nous ensevelirons plutôt avec nos familles sous les ruines de nos maisons, que de retomber dans l'ancienne misère que les oppresseurs inhumains nous avaient préparée : agréez notre sollicitation pour la réunion avec le pays de la liberté, et vous verrez que nous sommes dignes de porter le nom de Français.
Législateurs, déclarez à l'Univers que tous les peuples qui secoueront le joug du despotisme, et désireront la protection des Français, et la réunion avec leur République, seront protégés et reconnus pour Français. Vous verrez que ce sera le dernier coup fatal pour tous les tyrans ; car les peuples, surtout nos voisins Palatins, et tous les sujets pitoyables des petits princes du Saint-Empire, n attendent que ce moment désiré, pour rompre leurs chaînes ; et ce n'est que par crainte de succomber, faute de votre assistance, qu'ils ne l'ont pas encore fait.
Oui, représentants, cette déclaration seule remportera la victoire
complète sur tous les tigres couronnés, et accélérera leur ruine totale.
C'est donc au nom de nos commettants, que nous vous prions d'accorder notre prière ; mais c'est au nom de l'humanité que nous vous prions de la délivrer, de cette manière, des maux insupportables qui l'accablent, et ce seront les races futures qui vous en sauront grâces.
Le conseil général de Berg-Zabern, ainsi que tous les maires des villages, expressément députés à cet effet par leur concitoyens.
Berg-Zabern, le er de la République.
Je demande l'impression de cette adresse et son envoi aux 83 départements. Je propose, en outre, le renvoi aux comité diplomatique et de législation réunis, avec mission de nous faire, sous trois jours, un rapport sur la conduite à tenir par les généraux en pays étranger et envers les peuples qui veulent devenir libres.
(La Convention nationale décrète que cette adresse sera imprimée et envoyée auxo3 départements, et charge en outre ses comités diplomatique et de législation de lui faire, dans trois jours, un rapport sur la conduite à tenir par les généraux en pays étranger et envers les peuples qui veulent devenir libres.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des députés extraordinaires de Nice, qui écrivent à la Convention que leur pays est encore le théâtre des plus affligeants désordres et ses habitants les victimes des excès de quelques soldats. Ils demandent l'envoi de commissaires pris dans le sein de la Convention nationale.
(de Fontenay). Depuis plusieurs jours j'ai un rapport sur cet objet.
Vous avez la parole pour la lecture du rapport.
(de Fontenay), au nom des comités diplomatique et de la guerre réunis, fait un rapport sur les excès commis à Nice par les troupes françaises et présente un projet de décret tendant à envoyer à l'armée£ du Var trois commissaires pris dans le sein de la Convention; il s'exprime ainsi :
Citoyens, les députés extraordinaires de la ville de Nice vous ont dénoncé, il y a quelques jours, les attentats commis contre les personnes et les propriétés par quelques individus, faisant partie de l'armée du Var; ces attentats sont encore constatés par la proclamation du général Anselme du 1er octobre, proclamation insuffisante pour eh prévenir de semblables, insuffisante surtout pour les réprimer.
Les vols, les pillages, les viols, les concussions arbitraires, la violation des droits de l'hospita- fléaux qui affligent une région que vous avez rendue à la liberté, et où vous avez voulu que les personnes et les propriétés fussent placées sous l'égide de la République française.
Vos comités diplomatique et de la guerre réunis, ont cru voir dans ces malheureux événements une nouvelle ressource, et peut-être la dernière des ennemis de notre Révolution. Trop
lâches et trop faibles pour résister à la valeur et au courage des soldats de la liberté, ils ont bien senti que vous ne mettriez bas les armes que lorsque vous seriez entourés de peuples libres; mais pour rendre vos succès militaires plus difficiles, et éloigner les peuples des principes d'égalité et de liberté que vous avez proclamés, ils ont sans doute trouvé le moyen de faire entrer dans vos armées des hommes qui, sous le masque du patriotisme, n'avaient d'autre but que de souiller la gloire de vos armes par les excès les plus repréhensibles.
N'en doutez pas, citoyens, c'est là la principale et peut-être l'unique cause des désordres dont se plaignent à juste titre les citoyens de Nice.
11 ne faut pas se le dissimuler, c'est à ces désordres que nous devons attribuer la résistance des habitants d'Oneille, et la crainte d'éprouver les violences commises à Nice, les a portés à cet acte de barbarie qui a entraîné la ruine de leur patrie et les a déterminés à fuir dans les montagnes.
Il est important pour la République que les fautes, les crimes de quelques individus ne rejaillissent pas sur une armée entière; il est important que les coupables soient punis, et qu'ils le soient sévèrement. C'est une satisfaction que vous devez à l'armée, et une justice au peuple de Nice.
Ce n'est pas seulement à ces mesures que vous devez vous borner, il faut encore éclairer les soldats; il faut les prémunir contre les insinuations perfides de quelques contre-révolutionnaires qui se sont mêlés parmi eux et qui ne cherchent qu'à les égarer.
Il faut enfin rassurer les habitants de Nice, et tous les peuplés que vous voulez rendre à la liberté.
Il semblerait, d'après cela, qu'il ne devrait être question que de renvoyer au pouvoir exécutif pour faire punir les coupables; mais vos comités ont pensé que cette mesure était insuffisante; d'un côté, parce que vous avez supprimé les commissaires auditeurs, et que l'établissement de vos cours martiales devient en quelque sorte impossible; et de l'autre, parce qu'il ne s'agit pas seulement de punir, mais il s'agit encore de prévenir de pareils excès, en éclairant les soldats, en leur parlant, en leur faisant entendre que les peuples qu'ils vont délivrer du joug de la servitude sont leurs frères, que leurs personnes et leurs propriétés sont aussi sacrées aux yeux de la loi, que celles des citoyens français; qu'il est de leur devoir de dénoncer et faire connaître les coupables.
11 s'agit encore, et c'est une justice, d'indemniser les malheureux qui ont été les victimes de ces atrocités, et vos comités ont pensé que des commissaires de l'Assemblée pouvaient seuls remplir tous ces objets.
Vos comités sont intimement convaincus que c'est avec la plus grande précaution, et dans des cas extrêmement rares, que vous devez adopter la mesure d'envoyer des commissaires pris dans le sein de la Convention.
Mais si, lorsqu'il existe des troubles dans quelque département de la République, où vous avez des autorités constituées pour faire exécuter les lois, vous vous déterminez à l'envoi des commissaires, à plus forte raison devez-vous le faire, lorsque le désordre se met dans une de vos armées, et que l'autorité du général est insuffisante pour le faire cesser; lorsqu'un peuple voi-
sin qui a reçu vos soldats en libérateurs est outragé par une partie de ceux qui devaient le défendre; lorsqu'enfin les lois protectrices des personnes et des propriétés sont ouvertement violées.
Une des lettres remises à vos comités annonce bien que l'on espère voir arriver à Nice les commissaires de la Convention; mais cet espoir des habitants de Nice n'est pas une certitude; et nous avons pensé que lamission de vos commissaires ne portant pas qu'ils se transporteront à Nice, il pourrait se raire qu'ils ignorassent les désordres qui s'y commettent; où que, retenus ailleurs par le grand nombre des objets confiés à leurs soins, ils n'arrivassent à Nice et à l'armée du Var que lorsque les désordres seraient à leur comble ; et daignez considérer que dans la triste position où se trouvent les habitants de Nice, ils ne voient d'autre terme à leurs maux que l'arrivée des commissaires envoyés de votre part, et que si vous différez de quelques jours, de quelques heures, de nouveaux et de plus grands désordres peuvent affliger cette malheureuse contrée.
La Convention prouvera à tous les peuples que ce n'est pas pour les opprimer, mais pour les défendre, pour les faire jouir paisiblement de leurs droits, qu'elle les délivre ae leurs tyrans. Dans les circonstances où nous sommes, au moment où les armées de la République font flotter l'étendard de la liberté chez les nations qui nous avoisinent, il est de votre intérêt et de votre gloire que nul ne puisse douter de vos intentions, et vous ne sauriez apporter trop de vigilance et mettre trop de solennité dans un acte de justice aussi éclatant.
Voici le projet de décret que vos comités m'ont chargé de vous soumettre :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et de la guerre réunis, décrète que trois commissaires, pris dans le sein de la Convention, se transporteront à l'armée du Var, dans le pays de Nice et lieux circonvoisins, pour prendre les renseignements nécessaires sur les faits dénoncés par les députés extraordinaires de la ville de Nice, examiner la conduite des officiers et des généraux qui auraient pu autoriser ou tolérer les excès commis; s'assurer des moyens qu'ils ont pris pour les prévenir et les réprimer; recevoir les plaintes des habitants qui ont été victimes de ces désordres; suivre la trace des effets qui leur ont été enlevés, les faire restituer, examiner les indemnités auxquelles il pourra y avoir lieu, suspendre provisoirement, faire remplacer et mettre en état d'arrestation ceux des agents militaires, qui seront trouvés prévenus avoir concouru à ces désordres, ou les avoir soufferts; de faire les proclamations qu'ils croiront convenables pour rétablir l'ordre et la discipline dans l'armée, requérir la force armée, en cas de besoin; enfin, d'employer tous les moyens qui seront en leur pouvoir pour assurer la tranquillité des citoyens du pays de Nice, et rappeler dans leurs foyers ceux que la crainte aurait déterminés à les abandonner; lesquels commissaires rendront compte du tout à la Convention nationale. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre: Je demande que le Président nomme lui-même les commissaires qui doivent se rendre à Nice.
(La Convention décrète cette proposition.)
nomme les citoyens Goupil-leau, Collot d'Herbois et Lasource.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Garnier, qui fait hommage à la Convention du Code du divorce, dans lequel il indique plusieurs articles additionnels et des dispositions qui demandent d'être interprétées.
Je demande le renvoi de ces observations au comité de législation pour perfectionner une loi si longtemps sollicitée par la justice et par l'humanité. (La Convention décrète le renvoi.)
, au nom du comité des pétitions et de correspondance, présente le tableau aes adresses et dons patriotiques qui ont été envoyés pendant la semaine ; il s'exprime ainsi (1) :
Citoyens, le comité de pétitions et de correspondance m'a chargé de vous présenter l'analyse d'une partie des nombreuses adresses qui ont été renvoyées à ses bureaux. Une semblable analyse vous sera présentée toutes les semaines.
Sur Louis Capet, voici ce que disent : l°les habitants de Craon :
« Nos législateurs n'avaient pas eu la force ou la hardiesse de terrasser le monstre qui voulait nous dévorer: ils avaient coupé quelques têtes; mais elles renaissaient, et renaîtront toujours, si vous ne vous hâtez de les abattre toutes d'un seul coup. »
2° Les amis de l'égalité et de la liberté de Pithiviers : « Les mânes de nos frères victimes de la perfidie de ce lâche assassin et de ses complices, crient vengeance : nous la sollicitons ; que ce traître tombe sous le glaive de la loi. » 3° Les citoyens de la ville de Bourg se bornent à demander l'incarcération perpétuelle de Louis Capet et de sa famille, dans le cas où l'on se déciderait à le juger : c'est aux erreurs de son éducation qu'il faut principalement, disent-ils, attribuer ses crimes.
4° Les républicains de la ville de Rennes s'expriment ainsi : « Un grand coupable reste à punir, il était roi, il assassina son peuple ; sa vie n'est désormais que l'espoir des traîtres et l'aliment du crime. »
Contre les dictateurs, les triumvirs, les tribuns, les protecteurs :
« Précipitez-les, précipitez-les du haut de la roche Tarpéienne, s'écrient les républicains de la ville de Provins ; frustrez de toute espérance ces hommes pervers, qui, ne connaissant pas assez les vrais intérêts du peuple, voudraient nous donner un triumvirat, une dictature : qu'ils tremblent, ces scélérats. Comment se fait-il que Paris, si fameux par son patriotisme, par sa haine pour tous les tyrans, semble aujourd'hui chercher une autre idole que celle de la loi ? Nous le jurons, rien ne pourra nous séparer de nos frères des 83 départements ; mais aussi rien ne pourra nous faire reconnaître un dictateur ni un triumvir. »
Tels sont les sentiments exprimés par plusieurs sociétés amies de la liberté et de l'égalité, et notamment parcelles de Nevers et Cherbourg.
Les mêmes républicains de Rennes, en applaudissant aux décrets contre les
émigrés, s'écrient: « Malheur aux factieux qui, oubliant le plus saint
des devoirs, portent même au sein de la
Les sections de la ville du Havre ajoutent : « Qu'ils fuient la terre de la liberté, ces prédicateurs anarchistes, ces promoteurs de la loi agraire, ces provocateurs au meurtre, à l'incendie, vendus à Coblentz : ils ne sont pas dignes de respirer l'air que nous respirons ; ils ne "sont pas dignes d'être Français.. »
Des citoyens de Péronne vous écrivent : « Que les agitateurs tremblent et frémissent ! ils ne souilleront pas longtemps un pays où vous avez commandé le respect des propriétés et des personnes, où vous rétablirez d'une main ferme le règne ae la loi. Nous n'ignorions pas,,en jurant le gouvernement républicain, qu'il est très exposé aux troubles et aux factions ; mais le serment que nous avons prêté contient l'engagement formel de détruire les factieux et les agitateurs. Les Catilina, les Gromwell, nous sont odieux ; et des républicains ne doivent pas plus se laisser séduire par la réputation et les caresses des uns, que trembler devant la barbarie et les poignards des autres. .
« Périssent tous ceux qui ne servent leur patrie que pour se ménager l'odieux moyen de l'asservir ! » Telle est l'imprécation des amis de la liberté et de l'égalité de Cherbourg.
« Une poignée d'agitateurs, disent les citoyens et corps administratifs de Villefranche, pourrait-elle vous intimider? ils sont aussi lâches que ceux qui les soudoient. Noubliez pas qu'ils étaient cachés le 10 août, et qu'ils ne se sont montrés que le 2 septembre. » (Applaudissements).
Si le decret qui déclare le principe d'une force départementale autour des dépôts nationaux, des caisses publiques et de la Convention, est réprouvé par les Sans-Culottes républicains de la ville de Ci vrac, département de la Vienne, et dans une adresse signée de plusieurs citoyens, sans désignation de lieu, qui pensent qu'il ne vous faut pas de garde pour faire des lois (ce sont leurs expressions), les sociétés populaires de Viens, département des Bouches-du-Rhône, et de la ville de Bayonne ; les citoyens libres du Puy et ceux de Nevers, déclarent, les uns que ce décret est un des plus fermes appuis de là liberté ; les autres, qu'ils sont prêts à marcher, et qu'il est instant qu'ils soient bientôt réunis aux hommes du 14 Juillet et du 10 août, pour écraser ensemble ces êtres malfaisants qui ne veulent ni les lois ni la liberté; qui, nés de l'anarchie, s'agitent en tout temps pour la prolonger, et ne fondent leur existence que sur le mal qu'ils font, ou sur le bien qu'ils empêchent de faire. (Applaudissements.)
Enfin, vos commettants sollicitent une prompte organisation de l'éducation publique, et appellent votre attention sur les diverses branches -de l'administration commerciale, agricole et industrielle; tous applaudissent et adhèrent aux décrets qui abolissent la royauté, établissent la République, et assurent l'inviolabilité des personnes et dés propriétés; tous fondent leur espérance sur la Convention nationale, et l'investissent de leur confiance.
Un trait digne d'éloge terminera ce rapport. Une grande quantité de citoyens de la ville de Tarbes, département des Hautes-Pyrénées, que leur âge dispensait de l'enrôlement civique, ont caché cet âge et sont venus se ranger sous lés
drapeaux de la liberté, pour voler là où les besoins de la patrie les appelleront. (Applaudissements.) Qu'il me soit permis de dire que c'est aux excellentes prédications, aux encouragements patriotiques de la société, vraiment républicaine, de cette ville, et au républicanisme qui éclaire ses autorités constituées que nous sommes redevables d'un si bel exemple. (Nouveaux applaudissements.)
Ces adresses sont souscrites par les corps électoraux du département d'Eure-et-Loir et des districts de Muret et Belvert;
Des conseils généraux et directoires des départements du Jura, du Puy-de-Dôme, du Haut-Rhin des Hautes-Pyrénées, du Morbihan et de Corse ;
Des corps administratifs et judiciaires de Rennes, Dourdan, Hazebrouck, Pons et Le Puy ;
Des districts de Fresnay, Loudeau, Castelnau-dary, Panarges, Sablé, Saint-Malo, Savenay, Se-mur, îles d'Hyères et Moulins ;
Des communes, municipalités ou conseils généraux de Bergues, Bapaume, Guiseau, Craon, Marvejols, Riom, Soissons, Cette, Le Vigan, Bour-ganeuf, Beaumont-d'Isère, Laroche-de-la-Neuville, Sainte-Anne, Soissons, Chouarre, Rodez, Pont-de-1'Arche, Marennes, Tarbes, Rebais-en-Brie, Brie, Bourg, Lyon, Saint-Andèl, Saint-Céré, Aute-rive, Dorseny, Honfleur, Saint-Martin-de-Brava, Tournon;
Des sociétés populaires de Rodez, de Saint-Céré, Civray, Rennes, Bayonne, Bois-Commun, Laon, La Rochelle, Mirande, Pithiviers, Provins, Troyes, Tartas, Châteauroux, Crémieu, Strasbourg, Saint-Andel, Crécy, Cherbourg, Layrac, Nevers, Philippeville, Puy, Rennes, Saint-Luste, Tonax;
De citoyens d'Alençon, Péronne, George, Lan-gon, Lons-le-Saulnier, Notre-Dame-de-Lille, Puy, Sauveur, Sarvies, Souterraine, Villefranche, Vi-nard.
inculpe Féraud de n'avoir pas lu son rapport au comité des pétitions et accuse le comité de partialité, de passer sous silence plusieurs pétitions importantes, tandis qu'il insiste sur d'autres qui présentent moins d'intérêt.
, rapporteur. Je réponds au membre qui m'a inculpé que, quant à moi, j'exercerai librement et avec courage le droit que me donne ma qualité d'homme et de représentant du peuple français, et que je prouverai que je n'ai d'autres sentiments que le bonheur et la prospérité de la République, le maintien de la liberté et de l'égalité.
A l'int€rpellation qui m'est faite, je réponds que ce rapport a été lu hier soir au comité et adopté par lui à l'unanimité des suffrages, et après l'examen des pièces.
Au reproche fait au comité, je déclare qu'il rendra un compte exact, comme il l'a fait jusqu'ici, du pour et du contre. Organe impassible des vœux de ses commettants, ils peuyent être tranquilles sur l'expression fidèle de leurs vœux. Le comité ne se permettra jamais aucune réflexion; mais pour flatter servilement quelque opinion injurieuse, je le dirai au peuple français, le comité ne trahira pas la confiance de l'Assemblée.
Enfin, on annonce qu'il y a des adresses contraires à ce qui a été dit dans le rapport; je maintiens, les pièces à la main, le fait faux, quant à celles dont le rapport est fait aujourd'hui. Il est très possible que dans celles mises à
l'ordre du jour pour la semaine, le vœu énoncé ])ar le préopinant existe ; il en sera rendu compte fidèlement à son tour d'ordre.
Plusieurs membres : Nous demandons le rappel à l'ordre de l'interrupteur;
, rapporteur. J'entends demander que le membre qui m'a inculpé soit rappelé à l'ordre ; je m'y oppose ; il a émis son opinion, je la crois indépendante de tout mauvais sentiment, et vous ne pouvez que le louer d'avoir dit ce qu'il pensait
(La Convention décrète l'impression du rapport de.Féraud) (1).
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Lefebvre, député de la Seine-Inférieure, qui demande un congé de trois semaines.
(La Convention accorde le congé.)
2° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui envoie les comptes des dépenses qu'il a ordonnées pendant le mois d'octobre dernier.
(La Convention renvoie la lettre au comité de l'examen des comptes.)
3° Lettre des citoyens allobroges, qui instruisent l'Assemblée de détails relatifs à l'Etat de Berne.
(La Convention renvoie la lettre au comité diplomatique.)
4° Lettre d'Edouard Bayle, qui écrit à la Convention pour lui demander le droit de citoyen français et d'être admis au service de la République.
(La Convention renvoie la demande aux comités de marine et de Constitution, pour lui en faire incessamment son rapport.)
5° Lettre des citoyens Vitet, Alquier et Boissy d'Anglas, commissaires de la Convention nationale envoyés à Lyon, qui écrivent que le besoin de subsistances y est à son comble, comme la misère des ouvriers. La nécessité d'obtenir de prompts secours, disent-ils, les a déterminés à ouvrir dans cette ville un emprunt de 3 millions ; ils espèrent qu'il sera bientôt rempli et que la Convention s'empressera de ratifier une mesure qui leur a paru aussi urgente que politique, ils ajoutent que leur présence a ramené l'ordre et la paix dans les murs de Lyon, mais que les agitateurs auraient bientôt de nouveaux succès, si on leur laissait encore pour texte de leurs déclamations incendiaires l'indigence d'un peuple nombreux, qui voit autour de lui des riches qui ont à ses yeux le double tort de posséder beaucoup et de n'être- pas animés d'un très pur civisme.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
L'adresse aux bataillons des volontaires nationaux, pour les engager à ne point quitter leurs drapeaux, ne leur est point parvenue. Le bataillon de la Creuse, qui est en ce moment à Verdun, et dont plusieurs volontaires sont sur le point de partir, ne l'a point reçue. Je demande que le ministre de la guerre rende compte, séance tenante, des motifs pour lesquels l'adresse n'est point parvenue à tous les bataillons.
Le ministre de la guerre peut très bien ignorer les motifs pour lesquels l'adresse n'est pas parvenue; je propose de poser la question différemment et de demander au ministre de justifier, dès demain, de l'envoi de l'adresse aux bataillons de volontaires employés dans les différentes armées de la République et delà date de cet envoi.
(La Convention décrète que le ministre de la guerre sera tenu de justifier, le lendemainvde l'envoi de l'adresse aux bataillons de volontaires employés dans les différentes armées de la République et de la date de cet envoi.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés.
, rapporteur. Avant d'aborder l'article 5, je propose à la Convention de décréter l'article additionnel suivant :
« Les fonctionnaires publics qui ont quitté leur poste depuis le décret du danger de la patrie, ainsi que les ecclésiastiques et ci-devant nobles qui ont signé et souscrit des protestations contraires aux décrets portant abolition des ordres, seront réputés émigrés et, comme tels, sujets aux mêmes peines. »
appuie l'article additionnel.
(de Fontenay). Cet article n'est pas proposable. Il me suffira de citer, pour le l'aire rejeter, l'exemple du général patriote Wimpfeu, qui s'était laissé entraîner à signer une protestation contre l'abolition de la noblesse et qui, rendu à lui-même, se rétracta bientôt. C'est le même qui depuis a donné tant de preuves de patriotisme et qui a couvert Thionville d'une égide impénétrable.
Je citerai également le cas de 28 officiers de l'armée des Alpes qui, forcés de quitter leurs régiments, se sont retirés au sein de leurs familles.
Plusieurs membres : La question préalable !
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel.)
, rapporteur. Je prie ceux qui voudront me charger de présenter des articles additionnels, de les présenter eux-mêmes.
, rapporteur, donne lecture de l'article 5, qui est ainsi conçu :
« Art. 5. Pour justifier de la résidence exigée par l'article 3, il sera nécessaire de représenter des certificats de quatre personnes domiciliées dans l'arrondissement de la commune de la résidence certifiée, lesquels certificats seront datés postérieurement à la promulgation de la présente loi, seront signés en présence du certifié et de leurs officiers municipaux, désigneront le temps et le lieu de la résidence, et seront visés parles directoires de district. »
Après de longs débats et plusieurs amendements et propositions additionnelles. Osselin, rapporteur, présente une nouvelle rédaction en six paragraphes qui sont successivement mis aux voix et adoptés en ces termes :
« Pour justifier de la résidence exigée par l'ar-
« Les certificats désigneront le temps, le lieu de la résidence, et les maisons où les certifiés auront demeuré.
« Les certificats délivrés, ou dont on a justifié antérieurement, sont nuls et de nul effet.
« Les certificats seront délivrés par les conseils généraux des communes des chefs-lieux des cantons de la résidence certifiée. Ils seront soumis au droit d'enregistrement, qui sera fait dans huitaine de la délivrance. Ils seront inscrits dans les registres des communes de chefs-lieux, publiés et affichés, tant dans les chefs-lieux de cantons, que dans les communes de la résidence certifiée, et ne seront délivrés que quinzaine après l'affiche et la publication.
« Les maires, officiers municipaux et tous les membres des conseils généraux, seront garants de la vérité des faits énoncés aux certificats qu'ils auront délivrés.
« Les certificats seront visés par les directoires de district et de département, et vaudront pendant trois mois du jour de l'enregistrement. »
(Après avoir décrété ces divers paragraphes, la Convention nationale ajourne à demain, 11 heures,la continuation de la discussion de la loi relative aux émigrés.)
secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui fait passer à la Convention l'extrait d'une dépêche du général Labourdonnaie, qui est ainsi conçue :
Au quartier £ vembre 1792 général, de Gand, le 16 no-, l'an 1er de la République.
« Je vous préviens, citoyen, que mon avant-garde marche aujourd'hui sur Anvers par Ter-mond; qu'elle y arrivera demain, ou au plus tard après demain, et que la citadelle se rendra le même jour aux armées de la République française. (Applaudissements.)
« Les habitants d'Anvers sont armés; les cocardes s'y multiplient, et il n'est resté dans la citadelle, que 5 à 600 hommes et quelques malades. Les Autrichiens ont fait descendre par l'Escaut la plus grande partie de leurs approvisionnements. Mon avant-garde a intercepté quelques bateaux chargés de grains et farines à Termond; mais, quelque diligence que nous ayons faite, ils avaient trop d'avance pour pouvoir prendre la totalité de ces convois. J'ai envoyé quelques bataillons pour occuper Bruges et Ostende.
« Par ce moyen, l'ar mée du Nord est en possession de la Flandre maritime autrichienne. » (Applaudissements) .
Signé : Labourdonnaie. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du citoyen Amelot, commissaire directeur de la caisse extraordinaire des finances, qui est ainsi conçuè :
Paris, le er de la République.
« Citoyen Président,
J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il a été brûlé hier à la caisse de l'extraordinaire 2 mil-
lions d'assignats, provenant des recettes sur les domaines nationaux ; ces 2 millions, joints aux 645 millions déjà brûlés, forment un total de 648 millions.
« La dépense de la caisse de l'extraordinaire depuis son établissement, s'élevait hier au soir à 2.758,539,404 1. 14 s. en déduisant le montant des brûlements; la masse des assignats qui restent en circulation, n'est plus que de 2,113,539,494 1. 14 s ; mais en y joignant les 6,519,800 1. de billets de caisse, ou promesses qui remplacent encore les assignats dans le commerce, la véritable circulation est de 2,120,59,2941. 14 s; il manque par conséquent 279,940,705, fi 6 s, pour arriver aux2,400,000,000, qui peuvent exister en circulation, aux termes du décret du 24 du mois dernier.
« Signé : AMELOT. »
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
Le citoyen Vincent, commissaire ordonnateur de Varmée du Midi, est amené à la barre.
lui fait la lecture du décret qui le concerne.
Vincent. Citoyen, je désirerais fournir d'abord une explication générale à la Convention ; je serai ensuite à sa disposition pour répondre en détail sur toutes, les questions posées au sujet des marchés que j'ai passés au nom de la nation.
Il a été remis au Président une série de questions qui doivent être faites au citoyen Vincent. Je demande qu'il réponde catégoriquement à chacune de ces questions et qu'il ne vienne pas ici nous donner des escobarde-ries.
appuie la motion de Tallien.
(La Convention adopte la motion de Tallien.)
Votre nom ?
R. Vincent.
D. Quels sont les marchés que vous avez signés au nom et pour le compte de la nation ?
R. J'en ai signé avec le citoyen Joseph Pascal. J'ai passé un autre marché avec Joseph Benjamin, avec le sieur l'Envieux, pour mulets et plusieurs autres.
D. Avez-vous signé ces marchés sans ordres ni autorisation du ministre, de la guerre?
R. Je n'ai point eu d'autorisation directe ; mais, conformément à la loi du 29 octobre, j'ai obéi aux réquisitions du commandant, et j'ai les marchés signés.
D. Avez-vous fait ratifier ces marchés par le ministre de la guerre avant leur exécution?
R. J'ai successivement, et aussitôt que je l'ai pu, envoyé ces divers marchés; l'un pour voitures, avec Jean Barbier; unautre, pour 400 tentes avec Benjamin; 1,800 lits pour soldats à Briançon, pour vivres pour Briançon, pour souliers : et celui-ci a été approuvé des commissaires de la Convention : un autre, pour l'habillement de 120 volontaires; un autre, pour 30,000 aunes de drap avec Benjamin, aussi avec l'approbation des commissaires.
D. Avez-vous délivré des ordonnances de payement à compte ou en avance de ces marchés, avant l'autorisation du ministre de la guerre?
R. Oui, en vertu des marchés.
D. Avant de délivrer des ordonnances payables en numéraire, vous êtes-vous assuré s'il resterait, dans la caisse du payeur de l'armée, le
numéraire nécessaire et indispensable pour le payement de la subsistance de 1 armée ?
R. Toujours. J'ajouterai que la plupart des fonds pour ces objets étaient faits entre les mainS du payeur de l'armée.
D. Avez-vous fourni des ordonnances pour le service de l'armée, sur d'autres payeurs que celui de l'armée?
R. Je ne pouvais pas en fournir sur d'autres que le payeur de l'armée, qui s'en faisait fournir par les payeurs de Lyon, Aix, etc.
D. Avant de passer les marchés avec Jacob Benjamin, avez-vous fait annoncer, par des affiches, l'adjudication des objets qui en sont l'objet?
R. Je n'ai point fait afficher avec Benjamin : 1° les soumissions pour les premiers marchés étaient approuvées par les commissaires de l'Assemblée; 2° parce que, dans les camps, il eût été difficile d observer ces formes; 3° j'ai eu des ordres de les passer sans délai.
D. Avez-vous connaisjance que, d'après les ordres du ministre de la guerre, le commissaire Fontenay ait fait faire des affiches pour annoncer l'adjudication des objets vendus par Jacob Benjamin, et que l'adjudication annoncée n'ait pas eu lieu, d'après les ordres du général Montesquiou?
R. Le commissaire ordonnateur Fontenay adressa au général Montesquiou une affiche; le général écrivit et ordonna d'écrire à l'ordonnateur que les commissaires ayant approuvé et le marché étant passé, ce serait un double emploi. J'écrivis au commissaire Fontenay. Le marché ne portait que sur partie des objets com pris dans l'affiche; ils n'y étaient pas tous.
D. Pourquoi avez-vous consenti de signer un marché où le lard était porté à 34 s. 6 a. la livre, payable, moitié en numéraire, moitié en assignats, tandis que, d'après les renseignements fournis par le ministre de la guerre, cet article ne revenait, à Briançon, qu'à 20 sols la livre, payable en assignats? Le bœuf salé 27 sols la livre, le riz 66 livres le quintal, le vin 18 s. 6 d. la pinte, etc., le tout payable moitié en espèces, moitié en assignats, tandis que tous ces articles revenaient à Briançon, à un prix inférieur d'environ un tiers, payables en assignats ?
R. Ma réponse est dans la lecture de la soumission de Jacob. (Vincent lit cette soumission, et l'approbation des commissaires qui est à la suite.)
J'ajouterai que, nommé commissaire-ordonnateur en chef, pendant mon absence, et pendant que j'étais à Paris, je ne suis arrivé à Sessieux que dans les derniers jours d'août; que la soumission est antérieure ; que je passai le marché le 3 septembre, n'ayant commencé mes fonctions que le 29 août ; que je n'ai eu de part aux marchés que comme un notaire rédacteur; que cependant j'ai discuté les articles et fait réduire de 4 sols par livre le mouton sur pied. J'ai donc ménagé les intérêts de la nation, lors même que je ne pouvais prendre une part directe à ces marchés. J'ajouterai encore que j'ai deux autres marchés passés avec le même Benjamin ; l'un, pour chemises, chapeaux, guêtres, également approuvé des commissaires, et que j ai discuté et obtenu une réduction de 10 sols par paire de guêtres. J'ajouterai que, sur un autre marché, également approuvé, j'ai obtenu une réduction sur le drap bleu, et sur le drap blanc. S'il y avait fraude de ma part, je ne me serais pas arrêté à diminuer, et me serais reposé sur l'autorisation des commissaires.
D. Pourquoi avez-vous préféré envoyer en poste Jacob Benjamin auprès des commissaires de l'Assemblée, pour obtenir leur autorisation pour souscrire les marchés, tandis que vous les aviez laissé partir de Sessieux sans la leur demander? Et pourquoi n'avez-vous pas préféré vous adresser au ministre de la guerre, ce qui n'aurait retardé que deux ou trois jours cette autorisation ?
R. Je n'ai point envoyé le soumissionnaire; j'étais à Paris pendant le voyage.
D. Avez-vous une ou plusieurs autorisations des commissaires de l'Assemblée?
R. J'ai eu l'honneur d'observer que j'en ai trois.
D. De qui avez-vous reçu les ordres? R. Je croyais avoir dit que j'avais reçu les ordres du général, et que, conformément à la loi d'octobre, nous sommes tenus de déférer à leur réquisition, sans autre responsabilité.
J'ai été l'un des commissaires à l'armée du Midi, et l'un des signataires des autorisations ; j'ai à ce sujet quel' ques observations à vous faire. Nous ne soupçonnions pas, lorsque nous reçûmes ces marchés a Orange qu'on, nous tendait un piège. Alors une invasion, nous disait-on nous menaçait du côté de la Savoie, les routes était couvertes de grenadiers sans habits.
Montesquiou nous écrivit à Orange que, chargé de l'habillement et de l'équipement de l'armée du Midi, il éprouvait à cet égard, et pour les subsistances, un renchérissement tel qu'il pouvait produire de très grands inconvénients et que, si l'on ne se pressait pas de s'approvisionner, ce renchérissement s'accroîtrait de telle manière que tous les calculs seraient en défaut. Voici, d'ailleurs, la lettre de Montesquiou : « Je vous prie de mettre votre autorisation au bas des marchés, c'est le moyen d'éviter de grands
malheurs.....» Avec cette lettre il nous envoyait
la soumission de Benjamin-Vincent pour fournir à l'armée tous les ofijets dont elle avait besoin, à un prix du tiers au-dessous de la valeur courante.
Que fallait-il faire? Les bataillons arrivaient en affluence, cette partie de la République était menacée ; les besoins étaient pressants ; il y allait du salut de la patrie ; nous ne balançâmes point à donner notre autorisation, en la motivant cependant de manière que la responsabilité restât tout entière sur la tête de Montesquiou ; c'était tout ce que la prudence nous permettait de faire. Si l'exposé de la lettre du général était vrai, nous avons bien fait; s'il est faux, lui seul doit être puni.
Reportez-vous aux circonstances pressantes où nous nous trouvions alors, à une époque où nous n'apprenions que des trahisons ; c'est alors qu'on nous marquait que l'armée était prête à manquer de tout. Devions-nous exposer les soldats à commettre des désordres? Le devoir des commissaires était avant tout de hâter la réunion de ces troupes et non d'en entraver la marche. Nous n'avons droit qu'aux éloges de l'Assemblée et l'on doit nous savoir gré de notre activité.
, s'adressant à Vincent : AveZ-vous connaissance de marchés faits entre Benjamin Jacob et le général Montesquiou ?
Vincent. Je suis profondément humilié de cette question ; ma vie est sans tache ; je n'ai aucune connaissance de marchés secrets passés avec le
général de Montesquiou, et malgré mon amitié pour lui, s'il s'en fût rendu coupable, je l'eusse dénoncé moi-même.
C'est par une confusion de pouvoirs que nous sommes embarrassés ici : le général aoit commander d'après les plans de campagne qui lui sont confiés ; l'ordonnateur doit pourvoir à tous les besoins de l'armée. Voilà leurs devoirs. Si Montesquiou a fait des marchés, Vincent devait les vérifier avant de les signer. S'il ne l'a pas fait, c'est un jeu de responsabilité dont nous ne devons pas être dupes. La loi est claire, je demande qu'elle soit exécutée et que l'on renvoie au comité de surveillance l'examen des marchés. Nous saurons ainsi bientôt à quoi nous en tenir.
Je sais que le général Montesquiou a longtemps sollicité le prédécesseur du citoyen Vincent de passer ces marchés, mais que celui-là n'a jamais voulu y souscrire. Et c'est à cette époque qu'il a été remplacé par Vincent, et que le général a trouvé le moyen de faire passer ces marchés. Je demande pourquoi le citoyen n'a pas également porté un œil scrupuleux sur tous les autres marchés comme sur certains articles qu'il Vient de citer, puisqu'il a senti qu'il avait le droit de surveiller les marchés. Je demande le renvoi des pièces aux comités de la guerre et des finances réunis, et que le citoyen reste jusqu'au rapport, en état d'arrestation.
En arrivant, nous trouvâmes les choses dans une telle situation que nous fùme3 obligés de destituer le commissaire ordonnateur; Montesquiou nous présenta Vincent pour le remplacer et nous l'acceptâmes. Il est vrai d'ajouter que Vincent était en ce moment à Paris.
(La Convention renvoie le tout aux comités réunis des finances, militaire et de sûreté générale.)
La première vertu dans une grande Assemblée, c'est la justice. Il me paraît évident que le commissaire ordonnateur ne peut pas être soupçonné d'avoir participé à la fraude au général Montesquiou ; et cela est si vrai, que Rouyer vient d'attester le fait. Il serait donc injuste de tenir en état d'arrestation le citoyen Vincent, qui n'est pas coupable. Je demande donc qu'il soit mis en liberté.
Plusieurs membres combattent cette opinion et demandent la question préalable.
(La Convention décrète que le commissaire ^Vincent restera en état d'arrestation jusqu'après le rapport des comités.
D'autres membres font différentes propositions sur le mode d'exécuter le décret d'arrestation; les uns veulent que Vincent ait Paris pour prison ; d'autres demandent qu'il soit gardé a vue.
(La Convention renvoie le commissaire Vincent au comité de sûreté générale.)
, secrétaire, donne lecture des dons patriotiques, déposés sur le bureau de l'Assemblée depuis et compris le lundi 12 novembre 1792, jusqu'au samedi 17 inclusivement.
Du
1° Le citoyen Marque, rue de Lappe, faubourg Saint-Antoine, a donné une tente de campagne qui peut contenir 16 soldats; il y a ajouté un assignat de 5 livres pour les frais de transport,
2° Pierre-François Quatre-Sols, citoyen de la ville d'Animale, a déposé sur le bureau la somme de 100 1. 4 s., dont 101. 4 s. en numéraire pour la solde d'Antoine Quatre-Sols, son fils, volontaire au bataillon de Seine-et-Marne, à compter du 1er octobre dernier, suivant sa soumission faite devant la municipalité d'Aumale.
3° La garde nationale de Beauvais, département de l'Oise, a fait déposer sur le bureau, pour le soulagement des veuves et orphelins de la journée du 18 août, 753 h 18 s. 6 d.
4° Le citoyen Giroux, électeur du département de la Drôme, district de Nyons, canton de Mollans, a fait déposer sur le bureau un contrat de rente de 60 livres au principal de 1,200 livres avec toutes les pièces a l'appui.
Du mardi 13.
10 Le citoyen Nicolas Bouché, officier de gendarmerie française, retiré à Marnay, canton de Pou-langy, département de la Haute-Marne, âgé de 55 ans, a fait déposer sa croix de Saint-Louis et son brevet du 27 septembre 1781.
2° Augustin-Ambroise du Mesnil-d'Hérouvitle, gendarme en la compagnie servant près le ci-devant roi, a déposé sa croix et son brevet du 1er janvier 1785.
. 3° Les ouvriers des ateliers des citoyens Perrier, frères, à Chaillol, ont déposé 67 liv. 10 s. pour les trois mois de solde de leur camarade qu'ils ont envoyé aux frontières.
4° Des administrateurs composant le directoire du département du Haut-Rhin, ont fait parvenir, de la part du citoyen François-Frédéric Lucé, une somme de 180 livres (dont 120 liv. en or, et 60 liv. en assignats). La seconde de^ces sommes avait été envoyée au citoyen Lucé, par l'imprimeur Decker pour la traduction en langue allemande de l'hymne des Marseillais. La première est parvenue au citoyen Lucé de la part d'un étranger, le tout pour secourir les malheureux Lillois.
5° La commune d'Ancénis a fait parvenir à la Convention les deux guidons du ci-devant régiment des chasseurs à cheval, connu depuis sous le nom de chasseurs des Alpes.
Du mercredi 14.
1° Le citoyen Dubois a fait part à la Convention nationale que le citoyen Potalès? de Valen-ciennes, a échangé en sa ville, au pair des assignats, 30,000 livres en écus.
2° Le citoyen Lée, garde national de la ville d'Avesnes, et depuis nommé commandant, a fait déposer, par le citoyen Dubois, député, sa décoration militaire.
3° Deux autres officiers de bataillons de volontaires nationaux, qui ne. se sont pas nommés, ont fait déposer, par le même député, chacun leur décoration militaire.
3° Le second bataillon des volontaires nationaux du département de la Meurthe a fait déposer par le même, pour les veuves du 10 août, une somme de 600 livres en écus.
5° Le citoyen Barret, commandant en chef le premier bataillon de l'Orne, a fait déposer par le même, et pour le même objet, sa décoration militaire.
6° Un grenadier garde national du camp de Mau-beuge a fait déposer par le même, pour les frais de la guerre, un écu de 6 livres.
7° Le citoyen Guilhermel, lieutenant de gendarmerie nationale à Vitré, département de Vllle-et-Vilaine, a fait deposer par Charles Duval, député, sa croix de Saint-Louis, gagnée par quarante ans de service.
8° Le citoyen Nanœuvre, capitaine invalide à Saint-Tropez, a fait parvenir sa croix de Saint-Louis, fruit de quarante-trois ans de service.
Du jeudi 15.
1° Le citoyen André-Joseph Menard, ci-devant capitaine du bataillon provincial de Piémont, habitant de Castelnaudary, département de l'Aude, a fait parvenir sa croix.de Saint-Louis.
2° Le citoyen For lier, tapissier, rue Venta-dour, n° 11, a envoyé à la Convention deux billets à ordre, souscrits par le ci-devant marquis Ducrest, le 29 septembre 1789; le premier, de la somme de 5,300 livres, payable le 1er juillet 1790 ; le second, de la somme de 5,404 liv. 6 s., payable le 1er février 1791.
3* La Société des amis de la liberté et de l'égalité de Saintes a envoyé 830 livres en assignats pour les infortunés de la ville de Lille.
4° ,Un Genevois, ami des Français, a envoyé, pour les frais de la guerre, 120 livres en argent.
5° Un simple ouvrier, Suisse de nation, y a joint un écu de 6 livres.
6° Le conseil général du district de Sézanne a lait parvenir les procès-verbaux de ce directoire, en date des 7 octobre et 4 novembre, qui constatent que, pour venir au secours des communes des districts de Châlons et de Sainte-Menehould, le canton de Broyé, district de Sézanne, a donné 250 boisseaux de blé, 403 liv. 19 s. en assignats et un muid de vin, non compris 1,743 livres de pain, fournies par la commune d'Allemant, à l'armée campée près Châlons.
Le canton de Sézanne a donné 200 boisseaux de froment et 298 livres en
Du vendredi 16.
1° Les comédiens du Théâtre national de Molière ont envoyé, par l'intermission du citoyen D.-S. Rousseau, régisseur de la Société, une sommé de 172 liv. 5 s. pour la guerre.
2° Le citoyen Jean Debry, député et secrétaire de la Convention, a remis sur le bureau quatre décorations militaires, au nom de quatre personnes inconnues.
3° Le citoyen Mauborgne, ancien professeur, a fait hommage à la Convention d'un jeu géographique des .83 départements.
4° Le citoyen Lemauff, capitaine des vaisseaux de la République, a fait déposer sa croix de Saint-Louis;
5° Le citoyen Legris, ancien capitaine d'infanterie à Vannes, a fait déposer sa décoration militai re;
6° Les citoyens François Rivaux, capitaine d'une compagnie d invalides, à Porte-croix, et François Clebsattet, capitaine d'infanterie, ont fait déposer chacun leur décoration militaire;
7° Le citoyen Galon, député, a déposé la décoration militaire du citoyen Bourgines, lieutenant des grenadiers gendarmes, servant près la Convention;
8° Le maire de Vic-Fezenzac a fait parvenir la décoration militaire de François-Joseph Dumaine,
maréchal de camp, qui la portait depuis quarante-cinq ans et qui l'avait payée de son sang
_ qui à la bataille de Lawsel.
Du 17 novembre.
1° Le citoyen Canchlaux, lieutenant général des armées de la République, a fait l'anandon de 2,175 livres qui lui sont dues par la République;
2° Le ministre des affaires étrangères (le citoyen Lebrun) a fait parvenir, pour les frais de guerre, au nom du citoyen Berville, secrétaire rambassade en Suisse, une somme de 600 livres en assignats;
3° Au nom de Jean Troëttes, chargé du payement des officiers invalides retirés en Suisse, 200 livres ;
4° Au nom d'Edmond-Ma terne Schleich, commis de la trésorerie de l'ambassade de la République en Suisse, 100 livres;
5° Au nom du citoyen Helfflinger, chargé des affaires de la République en Valais, 300 livres ;
6° Plus, la croix de Saint-Louis du citoyen Henri-Bernard Troëtte, retiré en Suisse;
7° Celle du citoyen Bourgoing, ministre de la République en Espagne;
8° Deux croix de Saint-Louis d'un ministre de la République en pays étranger ;
9° Une médaille d'or provenant d'un prix de l'Académie de peinture et sculpture;
10° La commune de Marennes, chef-lieu de district, département de la Charente-Inférieure, a fait dé-
{toser un ornement degiberne en argent, 17épau-ettes et 19 contre-épaulettes en or, 3 épau-lettes et 3 contre-épaulettes en argent ; une frange en or.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître. Plus spécialement, en ce qui concerne l'hommage fait le 16 novembre par le citoyen Mauborgne, elle décrète le renvoi de sa carte géographique des 83 départements au comité d'instruction publique.)
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de la convention nationale du
Tableau (2) des dons patriotiques.
Pour la guerre.
Un citoyen de Champlitte..........100 1. » s.
Le citoyen Saunier........................24 »
Le citoyen Marque..........................5 »
Pierre-François Quatresols..........100 4
Les ouvriers des ateliers de .. Perrier.......................................67 10
Un grenadier du camp de Mau- » beuge, un écu de........................6 »
Un Genevois, en argent..............120
Un Suisse, un écu de..................6
Le théâtre de Molière....................172 15
Le citoyen Berville........................500
Jean Troëtte..............................200
Edmond-Materne Schleick..... 100
Le citoyen Helfflinger............300
Un anonyme, en argent................24
1 ,825 1. 9 s.
Pour les Lillois............. 4,626 1. »
Pour les veuves du 10 ...... 3,030 14
Pour la guerre............. 1,825 9
Abandons........................10,764 »
Total général : 20,246 1. 35 s.
Certifié conforme au bordereau original, vérifié par les citoyens secrétaires de la Convention, et resté entre mes mains.
Paris, ce 18 novembre, l'an Ier de la Lépu-blique française.
Signé : Ducroisi, Receveur des dons patriotiques.
La commune d'Anceuis a donné les deux guidons des chasseurs des Alpes.
Dons pour les infortunés de Lille.
La commune de Saint Méry, district de Melun, ci:................ 230 liv.
La citoyenne Sarrasin............ 230
Le curé de la paroisse de Plouëray,
département du Morbihan......... 120
Le citoyen Barguin.............. 40
Le troisième bataillon de Lot-et-
Garonne.......................... 655
Le citoyen Saunier—.......... 50
Les gendarmes du Bouches-du-
Rhône............................ 470
Plusieurs professeurs de la Faculté
des arts de Paris.................. 1,821
Le citoyen Lucé................. 180
La Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité de Saintes................820
Total : 4,626 liv. Pour les veuves et orphelins de la journée dw10 août.
Le conseil général de la commune de Chartres............. 1,6976 1. 1 s.
La garde nationale de Beau-
vais.......................... 753 18
Le second bataillon de volontaires nationaux de la Meur-the (enécus).................. 600 »
Total........... 3,030 1. 14 s.
Suite des dons offerts à la Convention nationale depuis et compris le 10 novembre jusqu'à ce jour. Les Citoyens Jean-Choussi, Dieu part, Delestre, Gaudet. Nicolas Bouché,Dumesnil-Dhérouville,Lée,Bartet, Guilhermet, Mannœuvre, Mesnard, Lemaust, Le-gris, Rivaux, Clebsattel, Rourgines, le maire de Vic-Fezenzac, Troëtte, Bourgoing, Pechiora, Egalité, et huit anonymes, ont offert, pour les frais de la guerre, leur décoration militaire; en tout, soit 30 livres.
Le citoyen Egalité a offert de plus deux grands colliers de l'ordre de Saint-Esprit, et quatre grandes croix du même ordre.
Un anonyme a offert une médaille en or.
Un autre, 17 épaulettes, 19 contre-épaulettes en or, 3 épaulettes et 3 contre-épaulettes en argent.
Le citoyen Makketros, deux épaulettes et une dragone en argent.
Abandons.
Le citoyen Ginoux, électeur du département delà Drôme, a abandonné une rente de 60 livres.
Le citoyen Fortier, tapissier à Paris, abandonne 10,704 livres, qui lui sont dûes par le ci-devant marquis du Grest.
Séance du
PRÉSIDENCE DE GRÉGOIRE, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 15 novembre 1792, au soir.
(La Convention en adopte la rédaction.) .
Le même secrétaire donne lecture du prOcès-verbal de la séance du vendredi 16 novembre 1792.
(La Convention en. adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 17 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
Je demande, par motion d'ordre, que les membres qui ne pourraient se faire entendre à la tribune, sur fa discussion du jugement de Louis Capet, soient autorisés à livrer leur discours à l'imprimeur de là Convention nationale, qui en ordonnerait l'impression aux frais du Trésor public'.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)
Je reçu hier au soir, après la séance, une lettre du général Custine, datée du 12 du mois courant, avec les copies de deux lettres écrites, l'une au citoyen Beurnonville et l'autre au général Biron, relatives à la suite des opérations de campagne. Ce général demande, à raison des détails qu'elles contiennent, qu'elles soient renvoyées au comité de la guerre, sans qu'elles soient lues à la Convention.
(La Convention ordonne le renvoi desdites lettres au comité de la guerre.)
, au nom du comité colonial, fait un rapport et présente un projet de décret (2) sur la demande d'un relief d'appointements par le citoyen Lazare Guys, officier d'administration à l'île de Tabago, il s'exprime ainsi :
Lé citoyen Guys, victime du despotisme de l'assemblée coloniale dej'îlè
de Tabago, est encore un de ces malheureux persécutés, pour avoir, dans
les premiers élans d'une liberté naissante, manifesté une opinion
favorable aux progrès de la Révolution. Tout son crime fut d'avoir été
élu vice-président d'une de ces associations populaires, si ridiculement
calomniéds, parce que, formées par le maintien des lois,
Guys, livré à un tribunal inique, fut condamné à une amende de 1,000 livres, et forcé de la payer sur-le-champl Continuellement en butte aux vexations, il vint réclamer en France la justice éclatante de l'Assemblée nationale : son espoir ne fut point trompé. Par un décret du 17 février 1781, il fut déchargé de l'accusation, et remboursé de l'amende de 1,000 livres; mais depuis son arrivée, il n'a joui que de la moitié de ses appointements, comme s'il eût été absent par congé. Guys s'est pourvu à ce sujet, tantôt auprès de l'Assemblée nationale, tantôt auprès du ministre de la marine, et toujours sans succès. il vient d'être renvoyé au comité colonial : c'est là où il a démontré que, n'étant revenu en France que comme contraint, et par une suite de vexations que son patriotisme seul lui àvait attirées, il ne pouvait être assimilé à ceux qui quittaient leurs fonctions pour s'occuper de leur santé ou de leurs affaires. En effet, le ministre Monge, par sa lettre du 17 octobre dernier, semble incliner en faveur du pétitionnaire, en annonçant qu'il l'a fait inscrire pour être employé à Toulon (1), et qu'il ne sait sur quels motifs ses prédécesseurs ont suspendu le demi-relief de ses appointements.
3 officiers dWministration de la Martinique, Levacher, Lacaze et Lestibaudois, revenus en France, pour s'y dérober aux mêmes persécutions, ont reçu leur traitement entier, d'après une décision du comité colonial de l'Assemblée constituante ; mais ces sortes de décisions n'existant plus, le ministre n'a pas cru pouvoir de lui-même s'écarter du régime adopté dans son département. Ainsi le pétitionnaire n'ayant point volontairement quitté son poste, et devant être considéré avec justice comme un patriote opprimé, déjà vengé par l'Assemblée nationale, et dont les services tourneront constamment au succès de la chose publique, votre comité colonial vous propose avec confiance de décréter ce qui suit :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité colonial, autorise le ministre de la marine et des colonies à faire payer à Lazarfe Guys la totalité de ses appointements, échus depuis le mois de novembre 1789, sauf à en distraire les différentes sommes qu'il a touchées à titre d'avance ou d'acompte depuis cette époque. 4
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire,donne lecture d'une lettre de la Société des amis de la liberté et de l'égalité, séant à Chambéry,qui prie l'Assemblée de prendre les mesures nécessaires pour rendre à leur patrie les deux volontaires du Gard, César Martin et Gabriel Triblié ; cette lettre est ainsi conçue :
Chambéry,le
« Législateurs,
« Le peuple allobroge à qui vous venez de procurer la liberté, jouit de son bonheur; mais ce bonheur n'est pas parfait, il est troublé par les souvenirs les plus déchirants, et une douleur profonde se mêle à nos fêtes civiques.
« Entre les nombreux forfaits commis par nos
» Généreux législateurs, écoutez les vœux ardents de la Société des Amis de la liberté et de l'égalité séante à Ghambéry; rendez à nos empressements ces deux braves volontaires du Gard et qu'à votre voix leurs fers soient brisés. Une négociation, un échange des prisonniers peuvent leur procurer la liberté;nous sentons et vous sentez aussi qu'un citoyen français, qu'un homme libre jvaut mieux que des milliers d'esclaves. Faites donc que nous puissons presser contre notre sein ces braves soldats de la patrie et nous vivrons heureux et satisfaits.
« C'est le vœu de toute là nation savoi-sienne.
« Suivent les signatures. »
(La Convention renvoie cette lettre aux comités diplomatique et de la guerre réunis.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du maire et du procureur-syndic du district de Roche fort, qui annoncent qu'ils ont été chargés, par les autorités constituées dé Rochefort, de îaire transférer le nommé Rouxel, dit Blanche-lande, décrété d'accusation et débarqué au port de Rochefort le 14 du mois courant, et demandent à rendre compte de leur mission à la Convention nationale.
(La Convention décrète qu'ils seront admis à la barre.)
(de Nantes), au nom du comité de l'instruction publique, soumet à la discussion un projet de décret (1) explicatif de plusieurs articles de la loi du 18 août dernier concernant les membres des congrégations séculières qui continuent provisoirement leurs fonctions d'instituteur ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, décrète :
« Art. 1er. Les membres des congrégations
séculières qui ont rempli durant vingt ans les fonctions d'instituteurs
publics seront exceptés de l'article 6 du titre Ier de la loi du 18 août
1792, article par lequel les membres desdites congrégations actuellement
employés dans l'enseignement public sont obligés à en continuer
l'exercice jusqu'à son organisation définitive.
« Art. 2. Les congrégationnaires qui continueront provisoirement les.fonctions d'instituteurs conserveront jusqu'à la nouvelle organisation, leurs logements individuels dans les bâtiments qui sont à l'usage des collèges et qui, conformément à l'article 2 du titre II de la susdite loi du 18 août, demeurent réservés de l'aliénation.
« Art. 3. Il ne sera exigé des ci-devant membres des congrégations
d'autres titres d'admis-
« Art. 4. Les pensions de 30 livres par chaque année de congrégation, établies par l'article 1er du chapitre Ier du titre 111 de la susdite loi en faveur de ceux qui ont passé plus de dix années dans les congrégations séculières, ne pourront excéder la somme de 1,000 livres, conformément au décret du 27 septembre 1792.
« Art. 5. Les années de congrégation compteront jusqu'au 1er janvier prochain.
« Art. 6 Les corps administratifs sont autorisés, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, à nxer sur les fonds des collèges le traitement des professeurs provisoires. Ce traitement ne pourra être moindre de 1,200 livres dans les villes au-dessous de 30,000 âmes, et de 1,500 livres dans les villes au-dessus de cette population, sans néanmoins que le maximum, pour les premières villes, puisse s'élever au delà de 1,500 livres, et pour les secondes, de 2,000 livres, dérogeant pour cet effet l'article 1er du titre IY de la loi du 18 août 1792.
« Art. 7. Les instituteurs et institutrices qui continueront à remplir les fonctions des écoles dites de petite instruction recevront la moitié des traitements ci-dessus.
« Art. 8. Il ne pourra être fait aucune retenue sur le premier payement prescrit par l'article 3 du titre V, qu'autant que les congrégationnaires n'auront pas satisfait aux dispositions de l'article 6 du titre Ier, ou des articles 2, 8, 18, 20 et 25 du titre V ;
« Nulle responsabilité d'administration ne pou -vant être exercée sur eeux qui n'étaient chargés d'aucune gestion, et la responsabilité de ceux qui en étaient chargés ne pouvant avoir d'autre objet que de justifier qu'ils n'ont distrait ou dilapidé les biens, meubles ou immeubles appartenant à la République.
« Art. 9. L'article 20 du titre Vsera interprété de la manière suivante :
« Les membres des congrégations séculières qui auront abandonné, durant l'année 1791, les fonctions instructives dont ils étaient chargés au commencement de ladite année, ne recevront aucun traitement, sauf le cas de maladie et l'exception portée dans les articles 22 et 23 du titre V.
« Art. 10. C'est toujours à la maison où ils ont résidé en dernier lieu, à quelque titre que ce soit, que les congrégationnaires seront censés appartenir ; et c'est là seulement qu'ils pourront disposer du mobilier de leur chambre et des effets servant à leur usage personnel, conformément à l'article 15 du titre V.
« Art. 11. Le décret concernant la suppression des congrégations séculières ne s'étendant pas aux établissements d'instruction publique, qui ne dépendent point de ces fondations, la vente des biens de ces établissements continuera à être suspendue, conformément au décret rendu par l'Assemblée constituante.
« Art. 12. La loi du 18 août 1792 sera exécutée dans toutes les dispositions auxquelles il n'a pas été dérogé par le présent décret.
Un membre : Je viens solliciter l'ajournement
de ce projet de décret, que je considère comme insuffisant et qui soulèverait, s'il était appliqué, des difficultés sans nombre, J'observe, d'ailleurs, qu'il deviendra inutile du jour où aura été adopté par la Convention le projet de décret sur l'enseignement primaire, et j'ajoute, en passant, qu'il est étrange que ce rapport soit encore à faire et que la classe la plus intéressante de la société soit la seule, jusqu'à présent, qui n'ait eucore retiré aucun avantage des sages réformes qu'a produites la Révolution.
(de Nantes), rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les explications que j'ai déjà données à la Convention dans mon rapport du 6 novembre écoulé. Je rappelle seulement que c'est pour répondre aux réclamations soulevées, d'une part, par les ex-congréganistes attachés aux établissements d'instruction, d'autre part, par les corps administratifs, dont la marche était entravée sans cesse par la loi du 18 août 1792, que le présent projet de décret vous est soumis. Il convient, avant que l'on puisse organiser les écoles primaires, de songer à soutenir les établissements d'instruction qui existent et qui doivent faire le fonds de ceux que l'on a l'intention de créer.
(La Convention décide d'entamer séance tenante la discussion du projet de décret.)
(de Nantes), rapporteur, donne lecture des articles 1 à 6, qui sont adoptés, sauf rédaction, dans la forme qui suit :
« Art. 1er. Les membres des congrégations
séculières qui ont rempli durant vingt ans les fonctions d'instituteurs
publics seront exceptés de l'article 6 du titre Ier de la loi du 18 août
1792, article par lequel les membres desdites congré-grations
actuellement employés dans l'enseignement public sont obligés à en
continuer l'exercice jusqu'à son organisation définitive.
« Art. 2. Les congrégationnaires qui continueront provisoirement les fonctions d'instituteurs conserveront, jusqu'à la nouvelle organisation, leurs logements individuels dans les bâtiments qui sont à l'usage des collèges et qui, conformément à l'article 2 du titre II de la susdite loi du 18 août, demeurent réservés de l'aliénation.
« Art 3.11 ne sera exigé des ci-devant membres des congrégations d'autres titres d'admission ou d'incorporation que les certificats des supérieurs locaux ou généraux, portant qu'au moment de la suppression des congrégations, les individus en étaient membres et qu'ils y étaient entrés à telle époque. Ces certificats seront justifiés par les registres et actes desdites congrégations, lesquels, dûment parafés, seront remis par les supérieurs généraux au directoire de leur département.
« Art. 4. Les pensions de 30 livres par chaque année de congrégation, établies par l'article 1er du chapitre Ier du titre III de la susdite loi en faveur de ceux qui ont passé plus de| 10 années dans les congrégations séculières, ne pourront excéder la somme de 1,000 livres, conformément au décrer du 27 septembre 1792.
« Art. 5. Les années de congrégation compteront jusqu'au 1er janvier prochain.
« Art. 6. Les corps administratifs sont autorisés, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, à fixer sur les fonds des collèges le traitement des professeurs provisoires. Ce traitement ne pourra être moindre de 1,200 livres dans les villes au-dessous de 30,000 âmes et de 1,500 livres dans les villes au-dessus de cette population, sans néanmoins que le maximum, pour les pre-
mières villes, puissent s'élever au delà de 1,500 livres et pour les secondes de 2,000 livres, dérogeant pour cet effet l'article 1er du titre IV de la loi du 18 août 1782.
(de Nantes), rapporteur, donne lecture de l'article 7 qui est ainsi conçn :
« Les instituteurs et institutrices qui continueront à remplir les fonctions des écoles dites de petite instruction recevront la moitié des traitements ci-dessus. »
Je prie la Convention de rapportez les six articles qu'elle vient de voter et d'ajourner toute discussion sur ce septième article jusqu'au dépôt du rapport sur l'enseignement primaire. Ce projet, nous a dit le rapport, qui fait pourl'instant l'objet des préoccupations du comité d'instruction publique, est sur le point d'être terminé. Il lesera, nous a-t-on assuré, avant huit jours. Fixons au jeudi, 22 courant, ladatedu dépôt de ce rapport, et attendons jusqu'à (cette date au lieu de nous prononcer dès aujourd'hui sur un décret appelé à devenir inutile, et qui soulèverait, on vous l'a dit, d'innombrables difficultés.
(La Convention rapporte les six articles précédemment votés et ajourne la discussion de ce projet de décret jusqu'après l'établissement des écoles primaires. Elle ordonne ensuite que le comité d'instruction publique lui fera son rapport sur ies écoles primaires dans la séance de jeudi prochain, 22 de ce mois.)
Je vais vous dénoncer un fait qui prouve que, tandis que vous travaillez avec tant ae zèle à la propagation de la liberté et de l'égalité chez tous les peuples qui nous environnent, les ministres de France auprès des Cours étrangères travaillent avec un zèle égal à étrangler cette même liberté. Le bailliage de Oarmstadt, qui devait vous appartenir d'après le traité de Ryswick, à arboré la cocarde nationale et demandait à être français. Le duc des Deux-Ponts, pour arrêter ce mouvement, s'est hâté d'envoyer des troupes dans ce bailliage, pour saisir les magistrats et les amener dans les cachots de Deux- Ponts; à la tête de ces troupes, on a remarqué le sieur Delporte, ministre de France à la Cour de Deux-Ponts. Les citoyens du duché deLimbourget du bailliage de Darms-tadt demandent donc notre protection contre l'invasion des despotes. D'un autre côté, le club des amis de la liberté et de l'égalité établi à Mayence m'a écrit pour m'engager à vous demander si vous voulez accorder votre protection aux Mayençais ou les abandonner à la merci des députés qui les menacent.
On leur fait craindre (ce sont les termes de la lettre que j'ai reçue) que les Français ne les abandonnent.
Plusieurs membres ; Non, non !
Daignez alors les rassurer et vous occuper du sort de tous ceux à qui nos armes ont rendu leurs droits et leurs libertés.
Je demande, moi, que vous déclariez que les peuples qui voudront fraterniser avec nous, seront protégés par la nation française.
Dès le moment où les troupes de la République entrèrent sur le territoire des despotes nos voisins, la nation française contracta l'engagement solennel de reconnaître et respecter la souveraineté des peuples auxquels nous rendions la liberté; Cet engagement sera sacré pour nous, sans doute ; mais ce n'est pas assez.
Une partie de ces peuples demande, ou notre protection ou leur réunion à la république. Il faut nous expliquer enfin positivement sur le genre de rapport qui doit exister entre eux et nous. Je ne pense pas, moi, que nous devions protéger personne, mais je regarde comme un devoir indispensable de la part de la République française, de protéger par nos armes la liberté que nous avons donnée. Je demande donc que vous renvoyiez au comité diplomatique et la dénonciaton de Riïhl et toutes les réclamationss qui vous sont faites par nos voisins de différents endroits, pour en faire rapport à jour fixe et que ce jour soit le plus prochain possible (Applaudissements.)
(Louis). J'appuie cette proposition. Il est important de fixer enfin d'une manière certaine notre conduite et nos rapports politiques avec nos voisins; et j'observerai à la Convention que notre position politique exige que nous ayons une ceinture de peuples libres autour de nous.
Le comité diplomatique vous fera un rapport vendredi prochain, sur les principes d'après lesquels la France doit accorder sa protection à tous lès peuples qui la réclament. Le citoyen Grégoire est chargé de vous faire le rapport. Quant à la protection à accorder aux Mayençais, elle a été proclamée plusieurs fois dans des adresses. J'en demande e renvoi au comité diplomatique, pour servir de base au rapport que je vous annonce.
Oui, mais en attendant on persuade les Mayençais de l'abandon de la nation française.
Alors, je demande qu'on décrété le principe et qu'on en renvoie la rédaction au comité diplomatique.
Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de donner des ordres aux généraux d'armée pour venger à l'instant les peuples qu'on a opprimés.
Indépendamment des mesures qui doivent vous être présentées par votre comité diplomatique, je demande qu'il soit chargé de la rédaction d'une instruction aux peuples explicative des principes des droits naturels sur lesquels fut basée la destruction des droits féodaux en France.
Citoyens, c'est en France que naquirent, pour le malheur des hommes, les droits féodaux et tout ce qui les suit; c'est de la France que doit partir la lumière; ce sont les Français qui doivent lever le voile épais, qui, chez tous nos voisins, couvre encore les droits primitifs de la nature.
Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de demander vengeance au prince des Deux-Ponts des vexations qu'il a exercées contre des hommes qui avaient eu le courage de se déclarer Français. Je crois essentiel que l'on ajoute cette disposition à celles que vous prendrez.
II est une mesure préliminaire à toutes celles-là, c'est de déclarer hautement par un décret que vous reconnaissez la souveraineté de tous les peuples de la terre. Quant au rapport qui doit vous être fait, je pense que vous dever accorder secours et garantie à tous ceux qui, libre par le cœur, vous demanderont l'un et l'autre pour protéger les efforts qu'ils voudront faire pour arracher leur liberté, des mains de leurs tyrans. C'est sous ce point de vue que, se-
lon moi, le rapport doit être fait. (Applaudissements.)
Il y a deux questions bien différentes.
Accorderons-nous secours et garantie à tous les peuples qui nous les demanderont ?
Quels seront nos rapports politiques, et de quelle manière fraterniserons-nous avec nos voisins?
Voilà les deux points que nous avons à décider.
Je demande que, sur-le-champ, nous déclarions que nous accorderons secours et garantie à tous les peuples qui nous demanderont l'un et l'autre.
J'appuie cette motion et je la motive d'un fait.
Vous vous rappelez, citoyens, la douleur dont tous les Français furent pénétrés lorsque Luck-ner fut obligé d'abandonner aux vengeances féroces dès Autrichiens lès malheureux Belges qui lui avaient ouvert leurs bras. Prévenons, s il se peut, de pareils événements; déjà le duc de Deux-Ponts, dont vous a parlé Rûlîl, a fait précipiter dans les cachots et traîner par les cheveux, ceux des citoyens de son duché, qui avaient arboré la cocarde nationale et planté l'arbre de la liberté.
Je'ne m'oppose point à la proposi-sition qui est faite de déclarer que vous accorderez fraternité et secours aux peuples qui voudront conquérir la liberté. Je vous prie d'ob-sëryer qu'ici plusieurs questions sont enchaînées les unes aux autres. Vous aurez d'abord à régler la conduite des généraux envers les peuples chez lesquels ils porteront les armesde la République. Vous déciderez ensuite là proposition d'aujourd'hui. Enfin, il vous restera à traiter une grande question que jen'ai pas aperçu qu'on discutât c'est la conduite que vous aurez à tenir envers les peuples qui voudront se réunir à vous. Englober toutes ces questions, ce serait faire une mauvaise loi, ou plutôt ce serait n'en point faire. Je demande donc la priorité pour le projet de décret du comité diplomatique sur la conduite des généraux en pays étranger.
Je m'oppose à la proposition de Lasouree et je demande la parole pour m'expli-quer.
veut lire quatre articles relatifs à la conduite des généraux en pays étranger (Violentes interruptions.)
Il ne s'agit point d'une discussion au fond ; il s'agit, et le cas est urgent, d'obliger le duc des Deux-Ponts à respecter dans ses Etats les citoyens qui manifestent leur attachement aux principes de la République française. Je demande que l'on s'occupe exclusivement des moyens d'y parvenir et que tout le reste soit ajourné. (Applaudissements.)
rappelle les propositions.
demande la priorité pour la déclaration que la nation française promet fraternité et secours à tous les peuples qui en auront besoin.
Cela ne suffit pas : il faut charger le pouvoir exécutif d'intimer aux généraux de la République i'ordre positif de protéger les individus et les propriétés de tous ceux dont les principes révolutionnaires pourraient être mal interprétés par leurs souverains.
J'a; ;,ui ? cette proposition. Dans l'Or-
dre naturel, tous les hommes doivent être considérés comme formant une seule famille qui n'a été divisée que par les tyrans (Applaudissements.)
(La Convention accorde la priorité à la déclaration.)
Plusieurs membres présentent des rédactions.
présente la rédaction suivante :
« La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'elle accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours à ces peuples, et défendre les citoyens qui auraient été vexés ou qui pourraient l'être pour la cause de la liberté. »
Je propose, comme article additionnel, de décréter que le pouvoir exécutif donnera des ordres aux généraux de la République pour faire imprimer et proclamer en toutes les langues, dans toutes les contrées qu'ils parcourront avec leurs armées, le décret rendu.
(La Convention décrète la proposition de Sergent.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale déclare, au nom de la nation française, qu'elle accordera fraternité et secours à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté,, et charge le pouvoir exécutif de donner aux généraux les ordres nécessaires pour porter secours à jces peuples, et défendre les citoyens qui auraient été vexés, ou qui pourraient Fêtre pour la cause de la liberté.
« La Convention nationale décrète que le pouvoir exécutif donnera ordre aux généraux ae la République française de faire imprimer et proclamer le décret préçédent, en diverses langues, dans toutes les contrées qu'ils parcourront avec les armées de la République. »
Il faut vous rappeler que le résident de France était à la tête des satellites qui, au nom du tyran des Deux-Ponts, arrêtaient les patriotes. Je demande que le ministre des affaires étrangères soit tenu de nous donner des renseignements sur la conduite de l'agent de France auprès du duc des Deux-Ponts.
(La Convention décrète cette proposition.)
Je demande le renvoi au comité diplomatique de la dénonciation de Riihl et de toutes les réclamations qu'il nous a soumises.
(La Convention ordonne le renvoi.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse du conseil général du département du Calvados, relative aux volontaires nationaux, à leurs femmes et leurs enfants.
(La Convention renvoie cette lettre au comité des secours publics.)
Un membre observe qu'un des plus sûrs moyens d'attacher les volontaires nationaux à leurs drapeaux, est d'assurer le sort de leurs femmes, enfants, pères et mères, par un décret qui leur accorde les secours dont ils peuvent avoir besoin; il demande que le rapport du comité des secours sur cette matière soit ajourné à demain.
(La Convention décrète l'ajournement au lendemain.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, relative au décret qui le chargeait de justifier de l'envoi de l'a-
dresse de la Convention nationale aux bataillons des volontaires employés dans les différentes armées de la République et de la date de cet envoi ; cette lettre est ainsi conçue ;
Paris, er de la République.
Le ministre de la guerre au Président de la Convention nationale ( 1).
« La Convention nationale a décrété que je lui justifierais aujourd'hui de l'envoi de l'adresse de la Convention nationale aux bataillons de volontaires employés dans les différentes armées de la République et de la date de cet envoi.
« C'est le 29 octobre que le ministre de la justice m'a fait parvenir cette adresse.
« ûozerai, chargé de suivre l'impression et l'envoi des lois, m a assuré l'avoir remise sur-le-champ à l'impression.
« Ët cependant ce n'est que le 17 de ce mois que l'envoi en a été fait.
« En cet état, j'ai destitué Dozerai pour n'avoir
Point suivi l'impression avec l'activité qu'exigeait l'envoi de cette pièce.
« Et j'ai retiré tout travail d'impression pour le département de la guerre à Lepage, directeur de l'imprimerie du Patriote français, qui n'a point mis à cette impression la célérité qu'elle méritait; et je l'ai, de plus, destitué d'une place d'inspecteur des bâtiments de l'hôtel de la guerre, à iaquelle il avait été nommé depuis peu.
« Signé : Pache. »
annonce que les volontaires du quatrième bataillon de l'Oise ont juré de ne quitter leur drapeau qu'après la guerre. (Applaudissements.)
La Convention nationale avait décrété (2) qu'elle donnerait un drapeau aux grenadiers de la gendarmerie de service auprès d'elle et chargés de la garde des archives. Ces grenadiers demandent a se présenter devant vous pour recevoir leur drapeau.
(La Convention décrète qu'ils seront admis séance tenante.)
(Ils entrent et se rangent en bataille devant le bureau du président.)
, remettant le drapeau à leur commandant : Citoyens, en vous donnant ce drapeau, les représentants de la République récompensent en vous l'amour des lois et de la discipline militaire. La Convention nationale est persuadée que ce drapeau ne couvrira jamais que des hommes dignes de la patrie, que de véritables républicains.
(Le commandant reçoit le drapeau, et la compagnie de grenadiers défile au milieu des applaudissements.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse à la Convention un
mémoire sur le besoin de cavalerie dans les armées de la République et
sur les moyens d'y pourvoir promptement.
2° Lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui adresse à la Convention, au nom de Châteauneuf, résident de France à Genève, sa décoration militaire et 150 livres pour les incendiés de Lille. (Applaudissements.)
(La Convention accepte l'offrande et en décrète la mention honorable.)
Je viens déposer sur le bureau de l'Assemblée, de la part du général Sparre, la décoration militaire que lui ont mérité ses longues années de service. Il en fait hommage à la patrie, se déclarant comme suffisamment récompensé d'avoir pu la servir. Je demande pour lui l'insertion au procès-verbal et la mention honorable.
(La Convention nationale accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
Une députation du corps électoral de Seine-el-Oise est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Citoyens, le premier principe que nous devons vous exposer est celui-ci : La liberté du commerce des grains est incompatible avec l'existence de notre République... De.quoi est composée notre République ? D'un petit nombre de capitalistes et d'un grand nombre de pauvres... Qui fait le commerce des grains ? Ce petit nombre de capitalistes... Pourquoi fait-il le commerce? Pour s'enrichir. Comment peut-il [s'enrichir? Par la hausse du prix des grains, dans la revente qu'il en fait au consommateur.
Mais vous remarquerez aussi que cette classe de capitalistes et propriétaires, par la liberté illimitée, maîtresse du prix des grains, l'est aussi de la fixation de la jou rnée du travail : car chaque fois qu'il est besoin d'un ouvrier, il s en présente dix, et le riche a le choix ; or, ce choix, il le porte sur celui qui exige le moins : il lui fixe le prix et l'ouvrier se soumet à la loi, parce qu'il a besoin de pain et que ce besoin ne se remet pas pour lui. Ce petit nombre de capitalistes et de propriétaires est donc maître du prix de la journée de travail. La liberté illimitée du commerce des grains le rend également maître de la subsistance de première nécessité. Le sordide intérêt ne leur laisse pas de calculer d'autre loi que celle de leur avidité. Il en résulte une disproportion effrayante entre le prix de la journée de travail et le prix de la denrée de première nécessité. La journée est à 16 et 18 sols, tandis que le blé est à 36 livres le setier, pesant de 260 à 270 livres, poids de 16 onces à la livre. La journée ne suffit donc pas pour vivre. De là, sort nécessairement l'oppression de tout individu qui vit du travail de ses mains.
Mais si cette classe qui vit du travail de ses mains est la plus considérable ; si, appelée par l'égalité des lois, à leur formation, elle est encore la seule et unique force de l'Etat, comment supposer qu'elle puisse souffrir un ordre de choses qui la blesse, l'écrase et lui enlève et la substance et la vie ?
Législateurs, ne vous effrayez point de la hardiesse de cette vérité : ce ne sont pas les vérités mises au jour, qui font les révolutions, ce sont celles que l'on étouffe. La liberté illimitée du commerce des grains est oppressive pour la classe nombreuse du peuple. Le peuple ne la peut donc supporter. Elle est donc incompatible
avec notre République. Nous allons plus loin : cette liberté illimitée est contre le vœu du peuple. Les insurrections sans nombre qu'elle a produites, le cri général, le vœu manifeste cie toutes parts, vous l'indiquent assez, et cette seule raison suffit pour la proscrire ; car la loi est l'expression de la volonté générale. Cette vérité a été sentie par l'Assemblée législative (la loi du 16 septembre en est une preuve) ; mais nous devons vous le dire, elle n'a pas été assez loin, et cette mesure partielle, si elle était prolongée, entraînerait les plus grands maux. Il n'y a plus de liberté, il ne peut plus y avoir de commerce, on ne peut plus compter sur le commerce des grains pour alimenter les départements qui n'ont pas assez de subsistances; et si l'on n'y peut plus compter, il ne faut pas le souffrir, car il est odieux et immoral... et cependant il faut procurer des subsistances aux départements !
Nous voici pervenus à une seconde vérité. La loi doit pourvoir à l'approvisionnement de la République et à la subsistance de tous. Quelle règle doit-elle suivre en cela? Faire en sorte qu'il y ait des grains ; que le prix invariable de ce grain soit toujours proportionné au prix de la journée de travail; car si le prix du grain varie, le prix de la journée ne variant pas, il ne peut y avoir de proportion entre l'un et l'autre. Or, s'il n'y a pas de proportion, il faut que la classe la plus nombreuse soit opprimée : état de chose absurde et qui ne peut durer longtemps.
Législateurs, voilà donc des vérités constantes; il faut la juste proportion entre le prix du grain et la journée de travail. C'est à la loi à maintenir cette proportion à laquelle la liberté illimitée est un obstacle.
Quels sont les moyens qui doivent être employés ? C'est le dernier objet que nous devons vous développer... 11 ne faut pas vous le dissimuler, législateurs, tout moyen partiel est ici dangereux et impuissant; point de termes moyens, ce sont eux qui nous ruineront : ce sont ceux sur lesquels comptent les économistes, pour faire triompher leur système de liberté illimitée. Pour compter sur le commerce, il faut "que la liberté soit entière et, à la première entrave, il faut que le commerce soit détruit; autrement il n'agira que pour vous enlever et non pour vous apporter, il n'existera que pour votre ruine : tel serait l'effet la loi du 16 septembre, de cette loi si nécessaire et qui deviendrait si pernicieuse, si vous n'acheviez l'ouvrage qui a été commencé : Supprimez dès à présent toutes ces mesures inégales, qui entretiennent l'ignorance et favorisent le monopole. Ordonnez que tout le grain se vendra au poids. Taxez le maximum; portez-le pour cette année à 9 livres le quintal, prix moyen, également bon pour le cultivateur et le consommateur. Ordonnez que, pour les autres années, il sera fixé dans la même proportion, d'après le rapport du produit de l'arpent, avec le coût de la culture : rapport qui sera déterminé par des personnes choisies par le peuple.
Interdisez le commerce des grains à tout autre qu'aux boulangers et meuniers, qui ne pourront eux-mêmes acheter qu'après les habitants des communes, au même prix, et qui seront obligés de faire leur commerce à découvert. Ordonnez que les mesureurs ne pourront acheter pour plus ae trois mois de leur consommation; que chaque fermier sera tenu de vendre lui-même son grain au marché le plus prochain de son domicile, sans pouvoir le vendre sur montre par des me-' sureurs, portefaix ou facteurs,enfînqueles grains
restants à la fin du marché, seront constatés par les municipalités, mis en resserre, rapportés aux marchés suivants, et exposés les premiers en vente. Anéantissez les grands corps ae ferme, qui concentrent dans des mains coupables des quantités considérables de grains. Ordonnez que nul ne pourra prendre à ferme plus de 120 arpents, mesure de 22 pieds pour perche; que tout propriétaire ne pourra faire valoir par lui-même qu'un seul corps de ferme, et qu'il sera obligé d'affermer les autres; que nul ne pourra faire payer les fermages en grains ; et enfin, que nul ne pourra être en même temps meunier et fermier. Remettez ensuite le soin d'approvisionner chaque partie de la République, entre les mains d'une administration centrale, choisie par le peuple, et vous verrez que l'abondance des grains et la juste proportion de leur prix avec celui de la journée du travail, rendra la tranquillité, le bonheur et la vie à tous les citoyens.
Nous sommes, ajoute l'orateur, des citoyens paisibles, amis des lois, qui pensons que l'ordre ne peut être produit, ni être conservé que par la justice, et qui venons vous le dire : Notre sang appartient à la patrie; notre soumission aux lois et notre pensee à nous-mêmes. La loi et notre courage nous permettent de la manifester, et notre devoir nous l'ordonne ; nous venons de le remplir ; notre confiance en vous, législateurs, nous fait croire que nous ne les aurons pas rempli en vain.
Quant le peuple souffre, ses représentants partagent sa douleur; l'Assemblée va suspendre ses utiles travaux pour s'occuper de l'objet important de votre pétition ; déjà elle a recueilli les lumières qui ont pu lui parvenir et va prendre incessamment des mesures salutaires. (Applaudissements.) Je vous accorde les honneurs de la séance. Un membre :
Je demande l'impression de cette
Eétitionet son renvoi au comité des secours pu-lics.
Le ministre de l'intérieur vient de saisir la Convention d'une lettre relative aux subsistances. Je crois qu'il sera peut-être bon d'en donner connaissance à l'Assemblée avant qu'elle se prononce sur la pétition du corps électoral du département de Seine-et-Oise; un des secrétaires va vous en faire la lecture.
, secrétaire, donne lecture de cette lettre et des pièces qui l'accompagnent; elles sont ainsi conçues :
Paris, er de la République française.
Lettre du ministre de l'intérieur à la Convention nationale sur les subsistances, suivies des observations par lui adresseés, à la municipalité de Paris, ae la proclamation du conseil exécutif relative à cet objet et de la lettre d'envoi de cette proclamation à la Convention.
« Un citoyen, au Président de la Convention nationale (1).
« Je me dépouille du titre de ministre, parce
au'il sert à faire mettre des entraves à la liberté e l'homme, à qui il
est donné; parce que je crois
« Le comité d'agriculture et de commerce a présenté un projet de décret, que me font croire très nuisible quelque expérience en administration, des voyages en Europe pour y étudier le génie des nations, leurs relations commerciales et très particulièrement la naissance et le progrès de cet esprit, qui veut et doit faire des intérêts privés les éléments à l'intérêt publie. Tout, et l'histoire d'Angleterre et la nôtre propre, et les grandes vues de Turgot, et les erreurs désastreuses de Necker, tout prouve que le gouvernement ne s'est jamais mêlé d'aucun commerce, d'aucune fabrique, d'aucune entreprise, qu'il ne l'ait fait avec des frais énormes en concurrence avec des particuliers et toujours au préjudice de tous; que toutes les fois qu'il a voulu s'entremêler, dans les affaires des particuliers, faire des règlements sur la forme, sur le mode de disposer des propriétés, de les modifier à son gré, il a mis des entraves à l'industrie, fait enchérir la main d'œuvre, et les objets qui en sont résultés.
« L'objet des subsistances est, dans ce cas plus particulièrement qu'aucun autre, parce qu'il est de première nécessité, qu'il occupe un grand nombre d'individus, et qu'il n'en est pas un seul qui n'y soit intéressé. Les entraves annoncent, appellent, préparent, accroissent, propagent la défiance, et la confiance est le seul moyen de faire marcher une administration dans un pays libre. La force, quelque moyen coactif qu'on imagine, ne saurait être employée que dans ies moment de crise, dans les convulsions, dans les moments violents et irréfléchis; mais dans une suite de travaux, dans une continuité d'opérations, l'emploi de la force nécessite la continuité de son usage; elle en établit le besoin, elle le multiplie et l'aggrave sans cesse, de manière que bientôt il faudrait armer la moitié de la nation contre l'autre. Tel sera toujours l'effet de décrets, qui auront pour but de contraindre ce que la justice et la raison veulent et doivent laisser libre.
Or, toute déclaration exigée en fait de subsistances spécialement sera fausse et nécessitera la violence.
« Tout ordre de porter çà ou là une telle ou telle quantité, de vendre en tel lieu, et non en tel autre, à telle heure aux uns, à telle heure aux autres; tout ce gui étabira la gêne tendra à l'arbitraire et deviendra vexatoire.
« Le propriétaire s'inquiète d'abord, se dégoûte ensuite; il finit par s'indigner : le peuple alors peut s'irriter et se soulever. La source des prospérités serait tarie et la France deviendrait la proie d'agitations longues et cruelles. C'est une arme terrible, dont les malveillances ne tardent pas de s'emparer, qu'un décret qui porte avec soi la contrainte et laisse à la violence le diriger. Déjà celui du 16 septembre dernier, qui ordonne le recensement des grains et autorise l'emploi de la force pour son exécution, répand l'alarme et favorise les émeutes. Encore une entrave, encore un provocation de l'autorité pour la soutenir, je ne connais, ie ne conçois plus de puissance humaine capable d'arrêter les désordres.
« On ne se représente pas assez qu'en administration, comme en mécanique, la multiplicité de rouages gêne les mouvements, retarde ou
diminue l'effet, faule d'un plan raisonné, fondé sur l'histoire des faits, sur le résultat des combinaisons, sur la somme des moyens moraux et physiques, un code se trouve chargé d'articles, dont les uns sont destinés à rectifier les autres.
« Il s'ensuit une complication, susceptible de commentaires et l'exécution devient également difficile et hasardeuse. Les inconvénients de cette nature sont infiniment graves, dans la législation des subsistances, qui devient alors un arsenal d'armes meurtrières, que saisissent tous les partis.
« Président de la représentation d'un grand peuple, montrez que le grand art est de faire peu et que le gouvernement, comme l'éducation, consiste principalement à prévenir et à empêcher le mal d'une manière négative, pour laisser aux facultés tout leur développement, car c'est de cette liberté que dépendent tous les genres de prospérité. La seule chose peut-être que l'Assemblée puisse se permettre sur les subsistances, c'est de prononcer qu'elle ne doit rienfaire, qu'elle supprime toute entrave, qu'elle déclare la liberté la plus entière, sur la circu-tion des denrées; qu'elle ne détermine point d'action, mais qu'elle en déploie une grande contre quiconque attenterait à cette liberté. La gloire et la sûreté de la Convention me paraissent attachées à cet acte de justice et de raison, parce qu'il me semble que la paix et le bonheur de la nation en dépendent.
« J'abonde en motifs : le temps et l'espace sont trop courts ; mais je jouis ici des observations que j'ai cru devoir adresser à la municipalité décris, avec la proclamation du pouvoir exécutif et ma lettre d'envoi de proclamation à la Convention ; elles concourront a développer mes idées. Elles m'ont paru mériter assez d'attention pour être étonné que le comité chargé' d'un projet auquel sont intéressées les destinées de la France se soit éloigné de m'entendre sur une partie d'administration dans laquelle il importe de recueillir les vues, de peser les raisons, pour se garantir de l'erreur et n'être pas exposé à des méprises.
« Je soumets à la sagesse de l'Assemblée mes représentations sur le sujet de mes plus importantes sollicitudes : je les lui dois comme citoyen, et c'est à ce titre que je lui en fais hommage.
« Signé : ROLAND. »
Le ministre de Vintérieur, à la municipalité de Paris.
Paris, le er de la République française.
« J'ai reçu la délibération que la municipalité de Paris a prise le 14 de ce mois, par laquelle elle demande que sur les grains qui ont été achetés à l'étranger pour le compte de la nation, et qui sont actuellement au Havre, il lui en soit accordé quarante mille quintaux qu'elle fera ensuite remplacer.
« Les administrateurs des subsistances de la capitale m'avaient déjà annoncé la nécessité de leur accorder une avance de ces blés, autant pour les distribuer dans les moulins qui environnent Paris, et qui sont, en grande partie, dans l'inaction, que pour subvenir ensuite aux propres besoins de cette ville.
« Les conférences que j'ai eues avec ces administrateurs, il y a peu ae jours, m'ont fait con-
naître que vous vous proposiez de me présenter cette demande : et j'avais fait à l'avance les dispositions nécessaires pour faire arriver du Havre à Paris vingt mille quintaux de blé qui sont actuellement en route, et qui seront rendus ici très incessamment; je vais également donner des ordres pour qu'il soit mis à votre disposition vingt mille autres quintaux de ces blés, que vous pourrez faire tirer du Havre quand vous le jugerez à propos; mais je vous préviens que cette avauce de quarante mille quintaux de froment est tout èe que je puis vous accorder, parce que je dois pourvoir aux besoins urgents qui se manifestent dans beaucoup d'autres parties de la République. Vous voudrez donc bien effectuer la remise de cette avance le plus tôt qu'il vous sera possible.
Nos administrateurs des subsistances ne m'ont pas laissé ignorer que la ville de Paris faisait, depuis longtemps, et notamment depuis plus de trois mois, des sacrifices considérables pour maintenir dans cette ville le prix du pain à un taux fort inférieur à celui de la farine ou du blé ; qu'ils étaient obligés de faire porter à la halle depuis 12 jusqu'à 1,500 sacs de farine par jour; que cette farine revenait à 62 livres le sac et qu'elle ne pouvait être distribuée aux boulangers que sur le pied de 54 livres;' d'où il résultait que la ville de Paris éprouvait sur cet objet une perte réelle d'environ 12,000 livres par jour; qu'à ce premier inconvénient se .joignait celui, non seulement d'empêcher que les boulangers ne fissent des approvisionnements particuliers, mais qu'une partie de ces farines sortait ensuite de Pans, pour être revendue avec bénéfice dans les environs; enfin, que la disproportion du prix du pain avec celui du blé, et la facilité qu'avaient les marchands de grains et de farine, de vendre leurs denrées plus avantageusement chez eux qu'en les apportant à Paris, empêchaient le commerce particulier d'approvisionner la halle de cette ville.
J'ignore quels sont les motifs qui ont pu vous déterminer à laisser subsister si longtemps une pareille mesure; mais je dois vous observer qu'elle est aussi ruineuse pour la ville de Paris, que contraire à la liberté du commerce et aux véritables intérêts du peuple. Je dis qu'elle est contraire à la liberté du commerce, parce qu'en faisant acheter le grain et la farine à un taux supérieur au prix du pain, vous avez mis les marchands particuliers dans l'impossibilité de vendre ces denrées aux boulangers, puisque ceux-ci n'auraient pu les acheter que dans la proportion de la taxe du pain qu'ils fournissent aux consommateurs.
Vous n'avez sans doute pas calculé qu'en éloignant ainsi le commerce particulier de la concurrence qu'il devrait naturellement faire naître dans la halle de Paris, vous avez, d'un côté, diminué vos ressources, et, par conséquent, augmenté vos besoins, et de l'autre, vous avez donné lieu à l'inconvénient de maintenir le pain à un prix peut-être plus élevé qu'il eût été si le commerce fût resté libre.
L'on a cru, pendant longtemps, qu'il fallait que le pain, à Paris, fût à un taux toujours moindre que dans beaucoup d'autres parties de la République ; et tout le monde sait que l'ancien régime a fait, dans plusieurs circonstances, des sacrifices considérables pour soutenir ce système, vicieux sous tous les rapports ; mais le peuple d'autrefois n'est plus le peuple d'aujourd'hui ; s'il a fait des efforts pour secouer le joug de
l'esclavage et reconquérir sa liberté, il n'en a point à faire pour être bon, pour être juste, lorsqu'il sera éclairé.
C'est particulièrement aux magistrats qu'il s'est choisi, c'est à vous à le rassurer sur les craintes que des agitateurs perfides cherchent, sans cesse, à lui inspirer; c'est à vous à présenter des vérités qu'il doit connaître, parce qu'elles intéressent son repos et la tranquillité publique. Dites à ce même peuple, que l'on calomnie si injustement, parce qu'on l'égaré : Vos représentants ont fait des lois sages auxquelles vous devez être soumis, parce qu'elles ont pour objet le bonheur de tous; ces lois prescrivent, entre autres choses, la libre circulation des grains, comme le moyen le plus sûr de procurer l'abondance, en faisant passer le superflu de cette denrée, des lieux ae la production à ceux du besoin et de la consommation : « respectez donc cette même circulation, sans laquelle plusieurs cantons de la République, et particulièrement les habitants des villes, seraient continuellement exposés à manquer de ce qui est le plus nécessaire à leur existence. »
Toutes les fois, que les corps administratifs voudront entraver le commerce par des achats de subsistances, il en résultera certainement une augmentation du prix de la denrée, et par conséquent, des pertes pour les consommateurs. Cet inconvénient sera encore bien plus ruineux pour le peuple, lorsqu'une ville ou une municipalité taxeront le prix du pain au-dessous de la valeur réelle du blé, parce que tôt ou tard ce même peuple devra supporter, par une augmentation de ses impositions, la perte qui en résultera. Il est donc bien démontré que ni le gouvernement ni les corps administratifs ne doivent s'occuper du commerce des subsistances, que pour lui donner toute la protection qui lui est nécessaire pour en faciliter lu liberté; car il est certain que de l'extrême liberté du commerce naît nécessairement l'abondance. Je pourrais établir la preuve de cette assertion par une foule de faits que j'ai actuellement sous les yeux ; mais je me contenterai seulement d'en indiquer quelques-uns.
Antérieurement à 1776, le commerce des grains pour l'approvisionnément de Paris était entravé de toute manière. Une multitude de règlements, souvent contradictoires, le rendaient aussi difficile que dangereux. Turgot, cet ami de l'humanité, celui, peut-être, de tous les ministres de ce siècle qui a manifesté, avec quelques succès, son amour pour la liberté, fit rendre une loi, le 5 février de la même année, par laquelle tous les droits et anciens règlements sur les subsistances de la capitale furent abrogés. Il est résulté de l'effet ae cette loi, ainsi que des dispositions générales de celle du 2 novembre 1774, que depuis 1776 jusqu'en 1788, c'est-à-dire dans l'espace d'environ douze ans, le prix des grains n'a presque pas varié, quoique l'exportation chez 1 étranger en ait été permise plusieurs fois dans cet intervalle et qu'il s'est toujours maintenu à un prix commun de 22 livres le setier de 240 livres, poids de marc, tandis qu'aujourd'hui ce prix commun monte à plus de 37 livres, quoique l'exportation chez étranger soit prohibée depuis longtemps. Il ne faut pas se dissimuler que cette augmentation est, en partie, l'effet des fausses spéculàtions de Vecker, des erreurs de son administration, de la multiplicité des agents qu'il employa en 1789 pour faire faire dès achats de subsistances chez
l'étranger, et qui ont coûté, presque en pure perte, des sommes énormes à la nation.
Le système réglementaire existait aussi anciennement en Angleterre ; la circulation et la vente des grains y étaient assujetties à des lois fiscales ou de police ; et ce régime, oppressif pour le commerce, nuisait également aux progrès de l'agriculture ; mais le gouvernement anglais, qui s'aperçut bientôt du vice et du danger de ces lois, s'est empressé de les abolir et de rendre au commerce toute la liberté qui lui est si nécessaire. L'exportation du blé non seulement a toujours été permise depuis, mais elle est même favorisée par des primes d'encouragement ; aussi l'agriculture, en Angleterre, est-elle dans le plus grande état de prospérité.
L'exemple des nations commerçantes et une expérience bien démontrée se réunissent donc pour établir la nécessité, non seulement de ne faire aucun règlement, aucune loi même qui puisse gêner en aucune manière le commerce aes grains, mais qu'il est indispensable, au contraire, que ce commerce jouisse de la liberté la plus absolue et la plus illimitée.
Si, depuis plusieurs années, le gouvernement a été obligé de faire faire des achats de grains chez l'étranger pour secourir quelques parties de l'Empire qui éprouvaient des besoins, il faut peut-être moins attribuer ces besoins à la cause d'une disette réelle, qu'aux obstacles de tous genres qui se sont opposés et qui s'opposent encore à la circulation des blés.
Pour démontrer jusqu'à quel point cette circulation est encore entravée, c'est que, dans plusieurs départements de la République, le setier de blé coûte jusqu'à 64 livres, tandis qu'il ne se vend qué 25 à 26 livres dans d'autres.
Il est vrai cependant de dire qu'il ne peut pas exister une parfaite uniformité dans le prix des grains en France, soit parla difficulté et la longueur des transports, soit par d'autres causes locales; mais il est certain aussi qu'il n'y a pas eu d'exemples, jusqu'à présent, d'une disproportion aussi énorme que celle de 25 à 64 livres, qui subsiste aujourd hui.
En rapprochant cette différence du produit de la récolte de cette année, qui a été généralement abondante, et de la quantité de plus de deux millions de quintaux de grains qui ont été importés dans nos ports depuis le 1er janvier dernier, il sera facile de se convaincre que l'augmentation du prix du blé, en France, est moins l'effet d'une disette réellement existante, que celui du défaut de circulation.
Il est hors de doute que plusieurs départements ont beaucoup plus de blé qu'il ne leur en faut pour leur consommation, et que ce superflu, s'il était réparti par la voie des spéculations du commerce ordinaire, porterait l'abondance là où la pénurie des subsistances se fait sentir.
Je vois, avec beaucoup de peine, que plusieurs cantons et municipalités s'opposent à ce que l'on fasse des achats de grains dans leurs arrondissements: que cette résistance, en produisant beaucoup de mal, peut compromettre la subsistance des grandes villes, et surtout celle de Paris; mais il doit répugner aux corps administratif d'employer des moyens de rigueur pour faire exécuter la loi ; cette mesure extrême produirait sans doute uji plus grand mal que celui que l'bn voudrait éviter.
11 est donc préférable d'employer la voie de la douceur pour éclairer le peuple, plutôt «ué de heurter, par la force, ses opinions, qu'elles
qu'elles soient. 11 est possible que ce même peuple soit facile à séduire ou à égarer, lorsqu'il s'agit de sa subsistance ; mais je sais aussi qu'il est sensible au langage de la raison, et je ne doute pas que ceux en qui il a mis sa confiance ne parviennent aisément à le ramener au respect qu'il doit aux lois, surtout quand, à l'exécution de ces mêmes lois, se trouvent réunis sa tranquillité et ses propres intérêts.
La République française est l'image d'une grande famille, dont toutes les parties se doivent des secours mutuels. Si un canton qui ne récolte que du blé refuse de céder son superflu à un autre, ou qu'il veuille le vendre à un prix considérable, celui-ci usera de réciprocité : il lui vendra aussi ses marchandises, ses denrées jou le fruit de son industrie dans la même proportion; et tel qui croira ne payer que deux sous la livre de pain, parce que le blé sera abondant où il est, se trouvera la payer peut-être le double et le triple, par l'augmentation du prix des marchandises qu'il sera obligé d'acheter, pour son usage, dans le canton voisin, où le pain sera en apparence plus cher; car tout est relatif dans les transactions commerciales.
Ces observations vous paraîtront peut-être s'éloigner un peu de l'objet de ma lettre; mais j'ai pensé qu'il pouvait être utile que je vous les présentasse, pour vous mettre à portée de juger combien il est essentiel que les lois relatives à la circulation des grains soient exécutées, et qu'il ne soit porté aucune atteinte à la liberté de cette circulation.
Si l'orage désastreux du 13 juillet 1788 et les premiers temps de la Révolution ont exigé des mesures extraordinaires, surtout pour alimenter la ville de Paris; si enfin la nation a été obligée alors de faire de grands sacrifices et d'employer des sommes énormes pour se procurer à grands frais des subsistances chez l'étranger, ce temps de crise et de besoin n'a été heureusement que passager; et la récolte de 1790 l'ayant fait cesser, la municipalité de Paris aurait dû, dès cette époque, abandonner entièrement l'approvisionnement de cette ville au soin du commerce particulier; elle se serait épargné beaucoup de sollicitude et de dépenses inutiles ; il en serait résulté que le prix du blé aurait subi moins de variations et que le pain serait peut-être moins cher à Paris qu'il ne l'est aujourd'hui.
Il ne faut pas perdre de vue, en effet, que les grandes villes appellent naturellement l'abondance, par la richesse et le nombre des consommateurs qu'elles renferment, Paris, surtout, semblent être en particulier destiné, par sa position, à devenir 1 entrepôt du commerce le plus étendu.
Les rivières de Seine, d'Yonne, de Marne, d'Oise, la Loire, par les canaux de Briare et d'Orléans, établissent des communications faciles entre cette ville et les départements les plus fertiles de la République. Elle offre un passage naturel par lequel les richesses de toutes ces parties de l'empire doivent circuler librement et se distribuer entre elles.
Si l'on ajoute à tous ces avantages la nécessité et même l'obligation où vous êtes de parer aux abus qu'entraîne nécessairement l'administration actuelle des subsistances de la ville de Paris, vous serez sans doute convaincus que le commerce affranchi de toute gêne et de toute contrainte, pourra seul, sans le concours du gouvernement, suppléer efficacement au vide des disettes effectives, lorsqu'il en existera. Mais
pour que le commerce puisse employer avec succès les moyens et les ressources qui lui sont propres, il ne suffit pas qu'il soit dégagé de toutes les entraves qui le gênaient ; il faut encore que le négociant et le marchand trouvent auprès des corps administratifs appuis et protection, tant pour la vente de leurs denrées que pour leurs propres personnes, et qu'ils ne soient plus exposés à des actes de violence, dans les marchés ou dans les transports de leurs marchandises.
Je ne puis donc trop inviter la municipalité de Paris à se pénétrer de cette vérité, si bien démontrée par 1 expérience et par les lois mêmes qui établissent la libre circulation des subsistances : que toute la mission doit se borner à surveiller seulement celles de la capitale et que le commerce, en général, ne peut devenir véritablement florissant et utile au peuple, qu'en laissant à ce commerce toute la liberté que les lois lui ont accordée.
Pour copie :
Signé : Roland.
Proclamation du conseil exécutif provisoire relative aux subsistances.
Du er de la République française.
Concitoyens,
La cause de la liberté triomphe, et les tyrans, qui avaient envahi notre territoire, sont forcés de l'abandonner. Déjà les braves défenseurs de la République ont planté l'arbre de la liberté dans les villes de nos ennemis, et leurs habitants nous demandent de les aider à briser leurs chaînes; et de les admettre dans notre famille. Un avenir heureux se prépare; bientôt les peuples tie l'Europe ne formeront plus qu'une société de frères et d'amis, et nos relations commerciales, eu rendant aux arts et à l'industrie nationale, une activité qu'ils n'ont jamais eue, feront naître une abondance plus générale et mieux répartie; mais vous ne pouvez atteindre à cette prospérité que vous présente l'avenir, qu'en vous soumettant à l'observance religieuse es lois, puisque c'est de leur exécution que dépend essentiellement le bonheur de tous.
Depuis l'heureuse époque où vous avez recon- quis votre liberté, des agitateurs perfides, des ominateurs insolents, toujours intéressés à fomenter le désordre et l'anarchie parmi vous, pour recouvrer de prétendus droits qu'ils avaient usurpés et qui sont disparus, n'ont cessé d'employer toutes sortes de moyens pour vous égarer; mais vous avez reconnu leurs pièges, et vous les avez évités. Furieux de n'avoir pu jusqu'à présent vous tromper avec succès, pour vous enchaîner de nouveau, ils emploient le dernier moyen qui leur reste; ils cherchent à vous alarmer sur vos subsistances.
Dans plusieurs départements de la République, les subsistances sont en effet l'objet des inquiétudes du peuple. En vain notre sol nous fournit-il d'abondantes récoltes, des terreurs s'emparent des esprits ; les propriétaires ferment leurs greniers; le marchand n'ose se livrer à ses spéculations; le commerce languit, et de là nous éprouvons des disettes partielles et factices, au milieu d'une abondance réelle.
Cette abondance, n'en doutez pas, existe réellement, et vos subsistances sont assurées. Le sol
de la France en avait suffisamment produit, et depuis le 1er janvier de cette année.jusqu'à présent, le commerce particulier et les diverses administrations du ministère en ont considérablement augmenté la masse, en faisant importer de l'étranger plus de 2 millions de quintaux, tant en grains qu'en farines. Mais les entraves qu'éprouve la circulation des subsistances font qu'elles sont encombrées dans plusieurs parties de la République, tandis que d autres en man -quent, ou sont obligées de les payer à un prix excessif.
Dans presque tous les départements méridionaux, le setier de grain, de 240 livres poids de marc, s'y vend actuellement jusqu'à 60 livres et plus, tandis qu'il se trouve moins cher, de plus ae moitié, dans ceux du Nord. C'est un fait dont les preuves ont été présentées au conseil exécutif.
D'où provient donc celte énorme disproportion dans le prix du blé? Pourquoi le pain vaut-il six sous la livre dans quelques départements, et deux sous six deniers seulement dans d'autres? Il ne faut en chercher la cause que dans les obstacles sans nombre qu'éprouve la circulation.
Ce défaut de circulation est encore le crime de nos ennemis. Toujours occupés à vous inspirer des craintes et à vous trouper, ils veulent vous persuader que les pourvoyeurs des grandes villes sont des monopoleurs qui courent les campagnes; ils disent que les commissionnaires chargés de l'approvisionnement des places maritimes accaparent les g rains pour les faire passer à l'étranger, et pour alimenter les ennemis de la patrie. Telles sont les calomnies qu'ils emploient pour vous séduire et vous induire en erreur.
Sans doute, lorsque pour fournir à ses déprédations, l'ancien gouvernement réduisait en système l'oppression du peuple; lorsqu'une Cour Corrompue ne craignait pas d'agioter elle-même sur les grains, il se trouvait alors des accapareurs, des hommes assez vils pour seconder ce monopole scandaleux. Mais ces temps ne sont plus ; et tel, qui autrefois pouvait impunément affamer des provinces entières, n'osérait pas aujourd'hui acneter dix sacs de blé, s'il n'était pas a même de justifier qu'il agit au nom d'une ville ou d'un canton qui ont des besoins.
Des lois sages ont été rendues pour dissiper toute alarme sur vos subsistances ; elles en prescrivent la libre circulation pour l'intérêt commun de tous les enfants de la République : vous devez donc respecter ces mêmes lois que vous avez juré de maintenir, et en laisser surveiller l'exécution par les magistrats que vous avez investis de votre confiance.
Concitoyens, pénétrez-vous bien de cette grande vérité, que le commerce ne peut devenir florissant que par la liberté la plus illimitée. Nos législateurs ont consacré ce principe, qui est la base de la prospérité des nations commerçantes. Ils ont anéanti les privilèges exclusifs, les jurandes, les maîtrises et toutes ces corporations qui étouffaient l'émulation et l'industrie ; enfin ils ont détruit toutes les entraves qui paralysaient depuis si longtemps notre commerce, et us lui ont rendu toute la liberté qui lui était si nécessaire. Mais cette liberté qui nous offre de si grands avantages, ne peut véritablement exister que par l'effet de la confiance ; et elle deviendrait nulle, s'il fallait employer perpétuellement les moyens de rigueur, pour faire exécuter les lois qui l'ont établie.
Dans un Etat libre, le cultivateur et le fermier doivent être maîtres de vendre leurs denrées, comme le fabricant et le marchand vendent leur marchandises, et il ne doit pas y avoir plus de raison de fixer le prix des comestibles, qu'il n'y en a de fixer celui des étoffes ou des autres objets de consommation.
Les officiers municipaux sont à la vérité autorisés à déterminer la valeur du pain et de la viande, particulièrement dans les grandes villes ; mais cette mesure de police ne s'étend pas plus ioin, et il leur est même défendu, par l'article 30 du titre I9r de la loi du 20 juillet 1791, de taxer aucune autre denrée, sous peine de destitution. Ainsi, lorsque dans un marché dés malveillants prétendront fixer le prix des grains, ou s'opposer à leur libre circulation, ils commettront une infraction à la loi et devront être arrêtés sur-le-champ ou dénoncés aux tribunaux, comme perturbateurs du repos public.
Ralliez-vous donc, concitoyens, autour des lois ; protégez-en l'exécution, et c'est alors que vous ferez un usage véritablement utile de votre liberté, que ces mêmes lois vous garantissent.
De son côté, le conseil exécutif vient d'arrêter qu'il serait pris des mesures efficaces pour simplifier le mode des achats de subsistances que nécessite le service public. Il n'y aura plus à l'avenir d'agents séparés pour ces achats, afin d'éviter une concurrence qui, en faisant augmenter le prix des denrées, était toujours onéreuse aux consommateurs et à la nation. Les mêmes agents seront chargés en même temps de tous les approvisionnements de divers départements du pouvoir exécutif, et il leur sera délivré à cet effet des pouvoirs signés des ministres de l'intérieur, de la guerre et de la marine.
Toutes ces précautions doivent vous rassurer et vous faire sentir la nécessité de laisser aux subsistances la plus entière circulation : si elle éprouvait de nouveaux obstacles, la famine la plus affreuse en deviendrait la suite nécessaire dans plusieurs cantons qui ne récoltent pas de quoi s'alimenter ; les autres languiraient infailliblement dans la misère ; les travaux précieux et nécessaires de l'agriculture seraient négligés, et le recouvrement de l'impôt y deviendrait impossible ; car le défaut de commerce tarit toutes les sources de l'aisance et de la prospérité. Ne perdez donc pas de vue que le territoire des départements n'est pas également fertile ; il produit beaucoup dans lés uns et peu dans les autres, il faut par conséquent que la surabondance des premiers passe chez ceux où les moyens de subsistance ne sont pas suffisants ou manquent tout à fait.
Si le commerce dans l'intérieur de la France est libre, si les négociants ne sont ni inquiétés, ni poursuivis dans les achats et dans le transport des grains, alors, stimulés par leur propre intérêt, ils s'empresseront de porter ces grains dans les endroits où ils sont cners, parce qu'ils sont rares : bientôt la quantité qu'ils y auront introduite en fera baisser le prix au taux le plus modéré ; chacun alors, sans crainte sur sa subsistance, se livrera entièrement à son industrie et en recueillera paisiblement le fruit.
Tels sont les effets qui dérivent nécessairement de l'embarras ou de la liberté du commerce des grains. Entre ces deux résultats, le choix ne doit pas être douteux.
Concitoyens, au nom de la patrie et du salut public, au nom de la fraternité qui unit tous les membres de la République, repoussez loin de
vous toutes suggestions qui tiendraient à vous faire manquer a vos serments et au respect que vous devez à la loi. Abandonnéz-vous au penchant si doux de secourir ceux de vos frères que l'intempérie des saisons ou l'aridité du sol qu'ils cultivent exposent à l'impuissance de remplir les premiers besoins de la vie, et rappelez-vous que l'humanité seule vous en fait un devoir.
Fait au conseil exécutif provisoire, à Paris, le 31 octobre 1792, l'an Ier de la République française.
Signé : Roland, Monge, Pache, Garat, Clavière et Le Brun. Par le conseil, Signé : Grouvelle, secrétaire.
Certifié conforme à Voriginal :
Le ministre de l'intérieur, Signé : Roland.
Lettre du ministre de Vintérieur à la Convention nationale.
Paris, le er de la République française.
J'ai l'honneur d'envoyer à la Convention nationale une proclamation que le conseil exécutif a cru devoir faire pour rappeler aux citoyens français l'exécution des lois sur la libre circulation des grains.
Jamais il ne fut plus important de retracer les principes sur cet objet. Les départements s'isolent ; les districts seraient portés à les imiter, et peu s'en faut que chaque canton ne veuille conserver, presque à main armée, les subsistances que son territoire lui procure.
Je ne donnerai pas tous les détails affligeants ue me fournit ma correspondance ; mais je ois prévenir la Convention nationale que les approvisionnements se font partout d'une manière aussi violente qu'arbitraire. Si des charges de blé ont à traverser quelques départements pour arriver à leur destination, il est rare qu'elles ne soient pillées ou vendues à des prix fixés par les acheteurs ; et celles qui sont garanties exigent l'emploi de la force armée, et tous les efforts des corps administratifs, pour rappeler aux citoyens égarés leurs devoirs.
Il n'est pas sans exemple que des administrateurs y aient perdu la vie : je ne citerai que la mort au procureur général syndic du département de l'Aude, qui a péri sur le bord du canal des Deux-Mers, pour avoir voulu protéger le passage des blés achetés par les départements du Midi.
Je rappelle encore l'attention de la Convention nationale sur beaucoup d'endroits où les.gardes nationales de communes entières se rendent en armes, où les grains sont taxés au-dessous du prix courant, et où les cultivateurs qui résistent sont souvent maltraités et quelquefois dépouillés.
Au milieu de ces agitations convulsives, le commerce des blés est presque anéanti ; aucun citoyen n'ose se mêler de spéculations qui compromettent la fortune et la vie: entre autres inconvénients qui résultent de l'inertie accablante dans laquelle on retient l'industrie, je citerai la disproportion choquante dont le conseil exécutif parle dans sa proclamation, qui existe dans ce moment, entre les prix des subsistances dans les diverses parties de la République, tandis que dans le temps où le commerce déplaçait
avec sécurité ce que la fertilité accordait à un département pour le porter dans un autre où les besoins se faisaient sentir, il n'y avait de différence dans les prix que celle du déplacement.
Les villes ont senti, bien plus que les communes des campagnes, le préjudice de la cessation du commerce des grains. Les villes ne ré^ coltent rien : leurs paisibles habitants, livrés aux arts et à des travaux sédentaires, s'occupent peu du soin de pourvoir à leur subsistance ; et si le commerce, le gouvernement ou les administrations ne veillaient à leurs approvisionnements, la famine serait continuellement à leurs portes. Heureux le pays qui doit l'abondancé aux actives, mais tranquilles combinaisons commerciales ! A l'abri de l'inquiétude de la disette, elles n'ont à craindre que l'élévation momentanée du prix des grains. Si le levier du commerce ne suffît pas pour les besoins des villes, c'est au gouvernement à prendre le soin d'y pourvoir; et s'il est une vérité dont l'énonciation soulage mon cœur, c'est, en présentant à la Convention nationale les pertes que les villes ont faites, de provoquer sur elles sa sollicitude. Une révolution, et surtout celle de la France, qui appelle la vertu où le vice dominait, qui abat l'orgueil et les distinctions, pour mettre à la place la modestie et l'égalité ; cette régénération, dis-je, ne s'est pas commencée et ne s'accomplira pas sans que le luxe et tout ce qui l'accompagne disparaissent des villes, et que ceux qu'il y soudoyait n'aient à souffrir dans ce passage révolutionnaire.
Les campagnes, au contraire, resplendissent déjà des bienfaits de la Révolution. Les chaînes de ses habitants sont toutes brisées : la terre, qui n'obéit plus à des tyrans, à des dévastateurs, leur ouvre un sein fertile ; l'aisance et les commodités habitent sous les toits rustiques.
Cependant, il faut l'avouer, cette prospérité a presque resserré les mains des cultivateurs. Pressés par le besoin, ils vendaient autrefois leurs récoltes aussitôt qu'ils pouvaient en disposer; aujourd'hui la possibilité de renvoyer ces ventes à un autre temps et de les diriger à leur gré, donne lieu à une intervention qui est en partie cause de la rareté que l'on éprouve dans les marchés.
C'est sans doute d'après cet aperçu que l'Assemblée législative, mue par la disette qui se faisait sentir à Rouen, étendit son décret du 16 septembre dernier à tous les départements de la République, ordonna le recensement général de tous les grains existant eu France, et permit aux administrations de forcer les cultivateurs d'approvisionner les marchés.
La sincérité, premier devoir d'un administrateur, me. porte, Monsieur le Président, à présenter quelques observations à la Convention nationale, sur cet objet important. Si le recensement ordonné pouvait être exempt d'erreur, ce serait sans doute une opération bien précieuse, elle nous apprendrait l'exacte quantité de nos substances ; elle nous ferait connaître nos richesses ; car je me persuade que les grains dont nous sommes possesseurs peuvent nous conduire jusqu'à la récolte de 1793.
Mais doit-on compter sur un recensement assez exact pour l'offrir à la Convention nationale comme une base certaine à des déterminaisons ultérieures? Ne faut-il pas prévoir au contraire que l'inquiétude des cultivateurs, la mauvaise foi de quelques-uns, la crainte que d'autres auront qu'en faisant connaître toute l'étendue
de leur récolte, ils ne s'exposent à des contributions et à des taxes, la surveillance peu exacte de quelques corps administratifs, leur propension même à favoriser l'opinion de leurs administrés, et à conserver dans leur territoire le plus de grains possible, les porteront à mettre peu d'exactitude dans leurs déclarations. Tout fait donc conjecturer que le recensement sera très irrégulier et très incomplet. Comment d'ailleurs porter une estimation précise sur des blés dont une grande partie est encore en paille?
Si l'appréciation est infiniment au-dessous de la vérité, si ce que nons possédons en grains est amoindri d'un tiers, d'une moitié, si, d'après cette donnée vicieuse, il en résulte que la France n'a, je le suppose, que pour six mois de subsistances, quel champ vaste ouvert aux inquiétudes, aux agitations 1 Faudra-t-il aller chercher chez l'étranger ce déficit apparent? Et alors ne nous livrerons-nous pas à la discrétion, quant aux prix et à la quantité ?
Les maux de l'imagination, que l'Assemblée législative a voulu prévenir, ne deviendront-ils pas plus dangereux et plus irrémédiables?
Je devais, Monsieur, le Président, ces observations à la Convention nationale, qui les pèsera dans sa sagesse : elles /me paraissent de nature a devoir exciter son attention.
La Convention nationale la portera, sans doute, encore cette attention, sur les atteintes portées à la libre circulation des grains, et si une nouvelle loi, pour rappeler les principes déjà consacrés, pour les réunir et leur donner une nouvelle force, lui paraît nécessaire, je m'applaudirai de lui avoir proposé mes doutes et mes craintes.
Il est temps enfin qu'il n'y ait plus qu'une règle pour tous les départements et pour tous les individus; il est temps qu'on ne souffre pas que des contrées s'isolent et veuillent disposer tyranniquement de leurs productions; il est temps que le commerce des blés ne soit plus regardé comme un crime, et ne compromette par la fortune et la vie de ceux qui s'y livrent (1); il est temps que la loi parle, et qu'elle parle seule ; il est temps que les citoyens s accoutument à son empire ; il est temps que les administrations, s'élevant à la hauteur de leurs devoirs, prennent ce caractère de vigueur et d'immobilité sans lequel le gouvernement républicain n'est qu'un vain mot, et la France qu'une terre malheureuse, déchirée par la plus cruelle anarchie.
Le moment presse, il est favorable ; les municipalités et les corps
administratifs vont être renouvelés; les citoyens intéressés à faire de
bons choix, sauront placer leur confiance en des hommes qui en seront
dignes. Dès lors, plus de prétexte aux inquiétudes, aux soupçons ; en
saisissant ces circonstances, en replaçant la nation sous l'autorité
tutélaire des lois, en mettant, avec une inflexibilité inexorable, tout
in-fracteur sous son glaive, la Convention nationale ramènera le calme
dans la République, fera
« Signé : Roland. »
(La Convention ordonne l'impression de la lettre de Roland et des pièces qui l'accompagnent.)
Quelques membres reviennent sur la motion précédemment faite et demandent l'impression ae la pétition des électeurs du département de Seine-et-Oise.
Un membre : Je combats cette proposition. Les électeurs pétitionnaires vous ont proposé de restreindre, par toutes sortes de gênes et d'entraves, la liberté du commerce des grains. Ils proposent d'autoriser les municipalités à exercer une inquisition révoltante sur les fermiers. Ils vont jusqu'à demander que le même homme ne puisse exploiter plus d'un certain nombre d'arpents, que le commerçant ne puisse employer qu'un nombre déterminé de portefaix; que les municipalités forcent chaque propriétaire à porter tant de grains chaque semaine à tel marché. Ils proposent des entraves pour le commerce de département à département. Il serait très dangereux dé propager ces idées qui nous conduiraient, j'ose le dire, au code de la famine, qui porteraient l'épouvante parmi les propriétaires et déprécieraient même les biens nationaux ou en ralentiraient la vente.
J'ajoute que si vous ordonniez l'impression de cette pétition, vous sembleriez autoriser les délibérations des corps électoraux, ce qui serait d'un exemple très dangereux. Si nous voulons garantir l'unité de la République, empêchons sévèrement les assemblées électorales de s'ériger en autorités représentatives, et en corporations permanentes. {Vifs applaudissements.)
(La Convention décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de l'impression).
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés.
, rapporteur, donne lecture de l'ar ticle 6, ainsi conçu :
« Dans les villes divisées en sections, les certifiants devront être domiciliés dans l'arrondissement de la section du certifié et les certificats seront visés par deux des commissaires de ladite section, s'il y en~a? sinon par deux officiers municipaux. S'il s'élève quelques doutes ou quelques difficultés sur les certificats, leur validité sera iugée par les directoires de département, sur l avis du directoire du district, sauf l'appel des décisions des directoires devant les tribunaux de district de l'arrondissement, lesquels jugeront en dernier ressort entre l'appelant et le procureur général syndic du département contre la décision duquel l'appel aura été formé. •>
Après quelques débats, l'article 6 est adopté dans les termes suivants :
Art. 6
« Dans les villes divisées en sections, les cer-
, rapporteur, donne lecture de l'article 7, ainsi conçu :
« Les personnes qui seront convaincues d'avoir attesté un faux par leur certificat, seront condamnées à 4 années de fers, et en outre responsables solidairement et sur tous leurs biens, des pertes que le faux aura occasionné à la République. »
Après quelques débats l'article 7 est adopté dans les termes suivants :
Art. 7.
« Les personnes qui seront convaincues d'avoir attesté un faux par leur certificat, seront condamnées à 4 années de fers, et en outre responsables solidairement et sur tous leurs biens, des pertes que le faux aurait occasionnées à la République. Les procureurs-syndics de district et les procureurs généraux syndics des départements seront tenus, sous des peines ci-après portées de dénoncer les délits et contraventions aussitôt qu'ils seront venus à leur connaissance, au directeur du juré d accusation près le tribunal criminel de l'arrondissement qui, sans instruction préalable devant le juge de paix, et sans avoir recours au tribunal, sera tenu de dresser l'acte d'accusation et de le présenter au juré d'accusation, pour être procédé de suite dans la forme prescrite par la loi du 29 septembre 1791. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 8, ainsi conçu :
« Tous ceux qui seront convaincus d'avoir aidé ou favorisé les projets hostiles des émigrés, et, dans ce dessein, d'avoir envoyé ou soudoyé des hommes sur terre étrangère, de leur avoir fourni des armes ou des chevaux ou des munitions ou toutes autres provisions de guerre, seront réputés complices desdits émigrés et punis, comme tels, des peinés contre eux portées par la présente loi. »
Un membre observe que ceux des émigrés qui ont profité de l'amnistie de 1791 ne seront pas compris dans la loi.
, rapporteur. J'en conviens et je pense que les seuls jurés pourront prononcer dans ce cas.
Après quelques débats, l'article 8 est adopté dans les termes suivants :
Art. 8.
« Tous ceux qui seront convaincus d'avoir, depuis le 9 mai 1792, aidé ou favorisé les projets hostiles des émigrés, et, dans ce dessein, d'avoir envoyé leurs enfants, ou soudoyé des hommes sur terre étrangère, de leur aVoir fourni des armes, ou des chevaux, ou des munitions, ou toutes autres provisions de guerre ou des secours pécuniaire, seront réputés complices des dits émigrés et punis comme tels des peines portées contre eux par la présente loi.»
, rapporteur, donne lecture de l'article 9, ainsi conçu.
« Les émigrés rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République, savoir : de Paris et de toute autre ville dont la popula-
tion est de vingt mille âmes et au-dessus, dans vingt-quatre heures du jôur de là promulgation de la présente loi, et dans quinzaine du même jour ae toutes les autres parties de la République. Après ces délais, ils seront censés avoir en freint la loi du banissement et punis de mort.
« Les émigrés qui, au jour delà promulgation de la présente loi, seront détenus dans les villes frontières ou dans l'intérieur dé la France, seront conduits sans délai, sous bonne et sûre garde, hors des frontières, à la déligence des corps administratifs; les frais de détention et ceux de transport seront payés sur les deniers des ventes des meubles des émigrés. »
Après quelques débats, l'article 9 est adopté dans les termes suivants :
Art. 9.
« Les émigrés rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République, savoir : de Paris et de toute autre ville dont la population est de Vingt mille et au-dessus, dans vingt-quatre heures du jour de la promulgation de la
{irésente loi, et dans du même jour de toutes es autres parties de là République. Après ces délais, ils seront censés avoir enfreint la loi duba nissement et punis de mort.
« Les émigrés qui, au jour dé la promulgation de la présente loi, seront détenus dans les villes frontières ou dans l'intérieur de la France, seront conduits, sans délai, sous bonne et sûre garde, hors des frontières, à la diligence des corps administratifs. Lès frais de détention et ceux de transport seront payés sur les deniers des ventes des meubles des émigrés ; sans néanmoins déroger aux dispositions de la loi relative à ceux qui ont été pris les armes à la main ou qui ont servi contre la France. »
(La Convention renvoie la suite de la discussion à une autre séace.)
, secrétaire, fait lecture (Tune lettre de Pache, ministre de la guerre, et de l'extrait d'une lettre qu'il vient de recevoir du général Beur-nonville, datée du quartier général à Sarrelouis, le 16 du mois courant.
Suit la teneur de l'extrait de la lettre (1) :
Extrait de la lettre du général Bournonville au ministre de la guerre.
Quartier général à Sarrelouis le er de la République.
« J'ai conservé le corps des carabiniers pour flanquer les deux côtés de la ligne que je me propose de former, et j'ai composé mon avant-garde du reste, que j'ai placé sur pays ennemi, entre la Sarre et la Moselle ; déjà cette avant-garde, aux ordres du général Barollière, a pris la ville de Remich; elle y a brûlé le pont volant et six bateaux pour empêcher l'ennemi de l'inquiéter. Le général Barollière s'est emparé des magasins de blé, avoine, tentes, bâts de chevaux, harnais, carabines, pistolets et gibernes, que je fais porter sur Thionville. (Applaudissements.)
« Pour extrait conforme :
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
(de Thionville). C'est l'adjudant général
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Monge, ministre de la marine, contenant copie d'une lettre du citoyen Monthon, qui lui annonce qu'ayant pris mouillage dans le port d'Ostende, il y a été reçu avec les témoignages de la joie la plus vive, et que des députations de magistrats et citoyens sont allés offrir aux soldats de la République tous les secours dont ils pourraient avoir besoin.
Suit la teneur de là lettre :
Ostende, le er de la République.
« Je suis parti de la rade de Dunkerque aujourd'hui à dix heures du matin, accompagné de l'aviso l'Eveillé, commandé par le citoyen Mulon ; le reste de notre flotte n'a pu sortir du port par la continuité des vents d'Ouest et Nord- Puest. Homme il était instant de se rendre sur-le-champ à Ostende, je m'y suis rendu, et j'ai pris mouillage dans le port à trois heures après midi.
« La joie la plus vive a éclaté parmi les habitants lors de notre entrée, et des députations des magistrats et citoyens sont venues nous offrir tous les secours que nous pourrions avoir besoin; leur loyauté, leur franche amitié nous ont facilement fait concevoir qu'il était plus nécessaire, pour les conquérir, d'avoir des bonnets que des canons.
« J'attends le reste de la flotte pour continuer la mission flatteuse dont on m'a chargé, et j'espère la remplir avec autant de succès que de zèle. (Applaudissements.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LÀ SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
Lettre adressé au Président de la Convention nationale par le général Custine, le 12 novembre 1792, à l'effet de lui transmettre copie de deux lettres F écrites par lui, l'une au général Beurnonville et au général Biron (2).
Au quartier général à Usingen, le er de la République
française.
« Citoyen Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer deux copies des lettres écrites, l'une au citoyen Beurnonville et l'autre au général Biron ; je crois nécessaire, citoyen Président, de vous tenir, ainsi que le comité, instruits de la suite des opérations de cette intéressante campagne.
« Le citoyen général d'armée.
« Signé : CUSTINE. »
Le citoyen général Custine au citoyen lieutenant . général BournonviUe.
Au quartier général à Usingen, le er de la Republique
française.
« J'ai à me féliciter, citoyen, d'avoir à terminer cette laborieuse campagne avec un coopérateur dont le zèle, l'activité me sont aussi connus, et dont les talents ont autant servi à décider nos ennemisà abandonner les terres de laRépublique.
« Vous aurez, sans doute, été aussi étonné que moi, citoyen général, de la dispersion des troupes dans des cantonnements qui d'abord, ce me semble, tenaient une trop grande étendue, et qui étaient placées dans un pays d'où elles ne pouvaient opérer. En voulant cantonner des troupes, c'était sur la Sarre, ce me semble, qu'il fallait le faire; car, pour opérer dans le vallon de la Moselle, il faut nécessairement passer la Sarre, et votre réunion, sur cette rivière, va annoncer votre plan ; mais votre activité, citoyen général, remédiera, sans doute, à cet inconvénient.
« M. Kellermann se proposait de.marcher avec des bataillons à quatre cents hommes ; ce nombre me paraît bien faible, et ie ne doute pas que vous ne trouviez moyen de marcher avec des bataillons dont les compagnies seront à vingt files, indépendamment des sous-officiers et tambours, et je vous y invite.
« Il est un inconvénient cependant pour que tous les bataillons soient à ce nombre, car les bataillons de volontaires nationaux qui ne sont point au grand complet, ne pourront les fournir; mais cette égalité parfaite qui serait mieux, sans doute, n'est cependant pas indispensable. Le fait est qu'il faut présenter le plus de combattants possible à nos ennemis.
« Il faut aussi, ce me semble, tirer des garnisons le plus de bataillons possible, d'anciens gardes nationaux et tous les premiers bataillons de ligne, mettre les seconds bataillons surtout dans Montmédy, Longwy et Thionville, quelques-uns dans Metz, un à Sarrelouis; le reste des garnisons peut être en gardes nationaux de nouvelle levée, et les trois premières de ces villes ont seules besoin de garnisons complètes et de quelque cavalerie : car le plus sûr moyen, sans doute, d'éviter les courses de la garnison de Luxembourg aurait dû être et sera de rassembler, dans les places et sous leur protection, fourrages et grains existants jusqu'au delà de Metz et de Boulay ; je ne parle pas au pays depuis Étain jusqu'à Sedan, car j'imagine qu'il n'y sera pas resté beaucoup de denrées, dans quelque genre que ce soit.
« Si vous pouvez porter votre infanterie à vingt-six mille hommes, avec les précautions dont je viens de parler, ce que je crois possible, en y comprenant l'infanterie légère, votre cavalerie à cinq mille hommes, ce que je ne crois pas plus difficile, en portant les escadrons à 124 hommes, dont 96 seront en escadrons et le reste en troupes de réserve: alors nous serons sûrs de compléter la plus brillante campagne qui jamais ait été faite.
« Vous vous assurerez du poste de Sarrebourg en Sarregau, vous lé garderez seulement comme l'objet de vous assurer un second point qui vous permette de rentrer dans le département de la Moselle; dans le cas, que la prudence humaine ne peut pas prévoir, celui où les Autrichiens auraient remporté de si grands avantages sur
vous, qu'ils vous auraient interdit le retour dans le département de la Moselle par Gonsarbruck ; car, c est à Corisarbruck qu'il faut que vous passiez la Sarre, et être maître des deux, rives, après l'occupation du poste de Sarrebourg.
« Cet exposé vous annonce déjà, citoyen lieutenant général, qu'il faut avoir a votre suite des pontons pour jeter un pont sur la Sarre, et ces pontons sont à Metz.
Cette rivière, dans ce point, peut avoir entre 45 et 50 toises de large.
Vous descendrez jusqu'à Traerbach que vous attaquerez, et alors votre communication s'établira avec moi, dont les troupes occupent Crautznach.
« C'est le moment de vous parler de la position de nos ennemis. Une forte garnison reste dans Luxembourg, on la dit de douze mille hommes, je n'en crois rien ; un corps de trois mille hommes est, dit-on, à Wirlich ; dix mille Autrichiens se dirigent aussi vers Coblentz, assUre-t-on. Presque toute l'armée du roi de Prusse est à la rive droite du Rhin, elle occupe le Westervald et le pays de Neuviedt. Le quartier du roi est à Mun-terbaur, à quatre lieues d'Hermanstein, forteresse de Coblentz; cette armée avait porté tous les postes avancés à la rive gauche delaSalm : ayant eu avis de son projet, malgré ma grande infériorité, j'ai marché pour attaquer tous ces postes le même jour, celui de leur arrivée.
« Les Hessois qui occupaient la gauche des cantonnements, qui, peu ae jours avant, avaient reçu une première leçon du colonel Houchard, à l'approche des troupes de la République, se sont retirés au delà de Marbourg, et un corps prussien, cantonné à Limbourg, a été bien battu e 9, par le colonel Houchard ; en sorte qu'à l'instant où je vous parle, les premiers postes des Prussiens sont à deux lieues en arrière de Limbourg, du côté de Montbaur, dans le Westervald, et nous sommes occupés à manger le pays qui s'étend entre nous et eux; le tout soit dit en confidence avec huit à neuf mille hommes, car je gardé toujours Francfort et Mayence, ainsi que Worms et les bords de la Nave, depuis Creutz-nach jusqu'à Bingen.
« Quand vous serez à la hauteur de Traerbach, citoyen, il me faudra attaquer Rbinsels, petite forteresse très bonne, et qui commande le Rhin sur les deux rives qu'il faut, par conséquent, occuper. Il sera donc nécessaire, à cette époque, que vous me rendiez les troupes dont je vais yous onner l'état. Le 30e, le 62e, le 96e régiments, le bataillon de Rhône-et-Loire, commandé par Charles Seriziat, le bataillon de Saône-et-Loire, qui tous ont leurs dépôts dans les départements u Rhin; les deux escadrons de chacun des 8" et 10e régiments de chasseurs à cheval, les deux escadrons du 2e régiment de dragons, et les deux escadrons de chacun des 4° et 19e régiments de cavalerie, dont tous les dépôts sont dans les départements du Rhin. Je vous observe que le retour du 8e régiment de chasseurs à cheval m'a déjà été annoncé par M. Kellermann.
« Il est nécessaire aussi que vous ajoutiez à cet envoi, à l'époque de votre arrivée devant Traerbach, le corps des carabiniers, ainsi que le régiment ci-devant Schomberg.
« Vous ne tarderez pas à vous persuader, citoyen, de l'inutilité dont vous serait une aussi grande cavalerie dans le pays dans lequel vous aurez à opérer. A cette époque, leur direction devra se porter sur Creutznach, qui n'est qu'à
douze lieues de Traerbach : ce sera là l'époque de notre réunion.
« Comme vous me donnerez de vos nouvelles avant ce temps, nous choisirons un rendez-vous pour convenir de nos faits, ce qui se fera après une très courte conversation ; car vous entendez, et j'espère me faire comprendre.
« Donnez-moi de vos nouvelles le plus tôt possible, faites-moi vos observations, mais agissez. Je crois d'avance qu'elles ne porteront que sur des choses impossibles que je ne puis prévoir d'aussi loin.
« Le citoyen général d'armée, Signé : CUSTINE. »
Le général Custine au général Biron.
Au quartier général à Usingen, le
« Cher général, et je vous le jure, l'ami de toute ma vie. Vous êtes arrivé pour me commander, et je crois, à cette époque, avoir rempli ce que l'on doit attendre d'un bon citoyen; je vous avais toujours commandé jusque-là, je reprends mon rôle, et je crois pouvoir vous dire avec vérité qu'il ne changera rien à notre manière d'être ; je n'en serai pas moins votre ami, nous n'en aurons pas moins le désir égal de concourir aux véritables intérêts de la République ; je dis plus, nous n'en serons pas moins toujours du même avis : il était donc peu utile qu'a cette époque vous annonciez au ministre de vous décharger de toute responsabilité. Je ne veux point affliger ce bon d'Harambure : laissez-lui le fond de son régiment de chasseurs à cheval, mais envoyez-m'en soixante-dix hommes pour compléter les deux escadrons de ce huitième régiment qui m'arrive. Je vous demande aussi un bataiUon de campagne d'un régiment de troupes de ligne.
« Je vous envoie-copie de mà lettre au général Bournonville; elle vous laissera au courant dé mes dispositions.
« J'ai marché aujourd'hui sur lîsingen, après m'être assuré non seulement que les Prussiens avaient abandonné Limbourg, mais qu'ils s'étaient retirés jusqu'à Kerchhausen, deux lieues dans l'intérieur ae Westervaldt, et encore après avoir imposé à M. Nassau trois cents mille florins de contributions, pour avoir eu soixante hommes dans Mayence, lui avoir enlevé des canons et désarmé des troupes.
« Le trompette qui a porté ma lettre au roi de Prusse est de retour; il n'a pu passer les premiers postes pour parvenir au quartier du roi. Je ne sais, mon ami, si j'aurai une réponse ; mais je lui ai proposé pour lui une chose aussi utile que facile d'exécution.
« Je serai à Mayence vendredi prochain, car je ne suppose pas au roi de Prusse la tentation de venir m'attaquer, quelque nombreuses que soient les forces qu'il a vis-à-vis de moi ; il faudrait qu'il pénétrât par un pays difficile, et il vient d'en reconnaître les inconvénients.
Je désire vivement vous voir, et vous assurer de la tendre amitié aue j'aurai toute ma vie pour vous, mon cher collègue.
« Le citoyen général d'armée, « Signé : CUSTINE. » Pour copies conformes,
Signé : CUSTINE.
Séance du
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin. Lepeletier de Saint-Fargeau, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche, 18 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
Le mime secrétaire donne lecture d'une lettre de Roland, ministre'de l'intérieur, qui annonce à la Convention que la somme de 1,200 livres accordée à Girardin, pour une dénonciation de fabrication de faux assignats, avait déjà été remise à la femme du citoyen Girardin, lorsqu'il donna des ordres pour en arrêter le payement, conformément au décret rendu par la Convention.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui transmet à la Convention une note remise au ministre de France à Londres par Malouet, qui se présente comme défenseur officieux de Louis Capet.
Suit un extrait de cette noté :
« Sorti de Paris lé 17 septembre dernier, ainsi que cela est constaté par mon passeport, visé à Amiens le 18, et produit à Londres à M. le ministre de France, occupé ici à réparer mes établissements à Saint-Oomingue par les avances de fonds qui me sont nécessaires, je ne peux, sous aucun rapport, être compris dans la classe des émigrés, et j'attendrais sans inquiétude l'explication du dernier décret, si un intérêt plus pressant que celui de mes propres affaires ne me faisait désirer de rentrer en France le plus tôt possible. J'apprends par les papiers puplics qu'il est question d'instruirè le procès de Louis XVI.
« Soumis au gouvernement et aux lois établies, quelles qu'elles soient, mais indépendant dé toute considération dans le sentiment de mes devoirs et la déclaration de mes opinions, je me crois obligé de me proposer comme défenseur officieux d'un prince dont j'ai .toujours honoré les vertus, et dont il m'est permis de déplorer l'infortune. J'ai l'honneur de prier M. le ministre de France de soumettre ma demande au conseil, à l'effet d'en obtenir un passeport qui me. mette à l'abri des difficultés qu'éprouvent en rentrant en France ceux même qui, comme moi, n'en ont sortis que depuis le 2 septembre pour se dérober au fer des assassins, et chercher des ressources que nos désastres à Saint-Domingue et la situation de nos correspondants en France ne permettent plus aux colons de trouver dans l'intérieur du royaume. Londres,, le 8 octobre 1792.
« Signé : Malouet. »
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour.
11 est possible que le, citoyen Malouet ne soit pas connu comme émigré dans son département. Je demande que le ministre de l'intérieur soit chargé de réparer cette omission et fasse porter son nom sur la liste des émigrés.
Il suffit de renvoyer la lettre au comité d'aliénation, où il y a un registre ouvert
sur lequel sont portés tous les noms de ceux dont on apprend l'émigration. >
(La Convention passe à l'ordre du jour, en renvoyant les pièces et les observations au comité d'aliénation et des domaines nationaux .)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Dillon, qui demande que son compte rendu, joint à Sa lettre, soit renvoyé à un comité pour en fâiré le rapport ; cette lettre est ainsi conçue :
Lettre du lieutenant général citoyen Dillon à la Convention nationale.
Paris, le er de la République.
« Citoyens législateurs, mandé par le conseil exécutif pour rendre compte de ma conduite dans cette campagne, au moment où je conduisais une armée victorieuse à la poursuite des ennemis, j'ai obéi à cet ordre, et j'ai rendu ce compte avec la simplicité et la vérité qui doivent former le caractère d'un soldat républicain et d'un homme irréprochable, i;
Convaincu que les soupçons élevés contre moi ne pouvaient avoir leur source que dans l'ignorance où l'on paraissait être dos faits qui me sont relatifs; persuadé que dans un gouvernement libre chaque citoyen à le droit d'être éclairé sur les moindres détails, de la conduite d'un fonctionnaire public, j'ai dû, en me justifiant auprès du conseil exécutif, soumettre à mes concitoyens le compte que je lui avais rendu, et en conséquence je 1 ai livré à l'impression. J'affirme ici, devant les représentants du peuple, l'exacte vérité de tout ce qu'il contient. Chacun a pu y voir si j'ai démérité de ma patrie, ou si au contraire je n'ai pas coopéré ae tout mon pouvoir à Chasser les armées des despotes de la terre sacrée de la liberté. Le poste de Biesnes, où j'ai constamment arrêté les armées combinées et repoussé leurs attaques; l'heureuse affaire d'Autrecourt qui a! déterminé la fuite de 20,000 Autrichiens où Hessois ; mon camp offensif de Sivrey-la-Perche,avec moins de 16,000hommes contre 50,000; et enfin la reprise de Verdun sans effusion de sang : voilà des faits que je pourrais opposer à une injuste prévention.
« J'avais lieu de me flatter, citoyens législateurs, qu'avant de retourner aux combats, il me serait permis, en vous rendant mes hommages, de renouveler dans votre sein le serment gravé dans l'àme de tout soldat français, celui de combattre jusqu'à la mort les despotes. Mais le conseil exécutif; dont je n'ai pu savoir les motifs, s'est tenu à mon égard dans une réserve qui ressemble fort à l'arbitraire de l'ancien régime; il m'a déclaré qu'il ne me rétablissait pas dans mon commandement, en m'offrant l'expectative d'une honteuse pension de retraite. Cette décision me voue à l'inactivité, au moment où la République a besoin du bras de chacun de ces soldats, et elle m'attaque jusque dans mon honneur.
« Çitoyens législateurs, l'estime de mes compatriotes est le premier besoin de mon cœur, et la justice est le premier bienfait d'un gouver nement libre, j'ai le droit de la réclamer, on pourrait me croire coupable si je ne la sollicitais pas vivement. C'est à vous que je m'adresse, vous à qui le peuple souverain a remis tous ses pouvoirs et en qui il a placé une confiance sans réserve. Vous avez, le 12 octobre dernier, en
passant à l'ordre du jour, sur les inculpations qui m'étaient faites, décrété que vous ajourniez toute décision, jusqu'après le compte rendu par le conseil exécutif.
« C'est l'exécution de ce décret que je viens réclamer aujourd'hui ; qu'il me soit permis surtout de connaître toutes les inculpations, et je suis assuré d'y répondre victorieusement. Je vous supplie donc de décréter que l'examen de ma conduite sera renvoyé à vos comités, ainsi que cet exemplaire de mon compte rendu, que je signe comme pièce authentique, et que je demande la permission de déposer sur le bureau.
« Signé : DlLLON. »
Plusieurs membres demandent qu'il soit admis à la barre.
J'observe que le général Dillon a été admis à la barre par un décret rendu dimanche dernier; mais que l'affaire du commissaire Vincent a empêché cette admission. J'insiste pour que lé comité de la guerre rende compte incessamment à la Convention nationale, de la pétition et du compte rendu de ce général, dont le rapport imprimé inspire le plus vif intérêt, et prouve les services qu'il a rendus à la patrie dans les terribles circonstances dont nous venons de sortir glorieusement.
Je m'empresse de rendre justice aux talents et à la conduite courageuse du général Dillon; si j'ai quelques regrets dans cette affaire, c'est que le général Valence, mon gendre, ait pris sa place dans le commandement de cette armée, attendu que le général Dillon s'est conduit avec un patriotisme et une bravoure qui méritent les plus grands éloges.
(La Convention nationale renvoie la pétition et le rapport du général Dillon au comité de la guerre, et charge le comité de lui en rendre compte incessamment.)
demande qu'il Soit tenu une séance extraordinaire du soir pour la nomination des commissaires civils à envoyer aux îles du Vent.
(La Convention décrète qu'il sera placé des scrutins dans la salle à la séance du lendemain, pour nommer les quatre commissaires civils.)
, au nom du comité des décrets, fait lecture de l'acte d'accusation rédigé sur les nouveaux faits articulés par lui contre Frédéric Diétrich, renvoyé devant le tribunal criminel du département au Bas-Rhin ^1); cet acte d'accusation est ainsi conçu :
Acte d'accusation contre Frédéric Diétrich, ci-devant maire de Strasbourg.
« Par une adresse que Frédéric Diétrich, ci-devant maire de Strasbourg,
fait présenter à l'Assemblée nationale législative^ la suite d'une
conférence qu'il eut à Strasbourg avec le général Lafayette, il est dit
: que les citoyens de Strasbourg ont trouvé dans la lettre du
département de Paris du 12 juin au ministre de l'intérieur et dans celle
du général Lafayette l'expression de leurs sentiments et de leurs vœux,
qu'ils ont reconnu dans la dernière l'émule de Washington et le héros de
la liberté des deux
« Par une lettre signée Diétrich, du 27 juin dernier, adressée au citoyen Champy, où il recommande l'impression de cette adresse en placards en grande profusion,où il le prie de la faire afficher dans tout Paris, puisque selon lui elle fera un excellent effet,et où il avoue cependant qu'elle n'est signée que du conseil général de la commune, en ajoutant qu'il lui enverra demain le nombre des signatures que la journée pourra produire ;
« Par un avis imprimé aux Parisiens, du citoyen Champy, qui porte: que Strasbourg, ville forte, riche, peuplée, puissante, la clef et le boulevard de la France, ressent profondément les atteintes portées à ses droits, en ce que les Parisiens l'ont empêché d'afficher et de placarder l'adresse dont il est question ;
« Par une lettre signée Diétrich, du 16 juillet dernier, où il approuve les menaces de Champy, faites aux Parisiens, en disant qu'il engagera le corps municipal à y donner son acquiescement formel, et où il dit : J'ai disposé les esprits de manière à n'être étonnés d'aucun événement et à montrer les dents ;
« Par une dénonciation d'avoir défendu à la Société populaire de Strasbourg de s'assembler et d'avoir fait apposer le scellé sur ses livres, papiers et correspondance, sans y être légalement autorisé ;
« Par une dénonciation de Philibert Simon, vicaire épiscopal, aujourd'hui député du département du Bas-Rhin à la Convention nationale, de l'avoir banni et exilé de Strasbourg, lui et plusieurs autres citoyens, sans aucune forme égale, sous peine d'emprisonnement s'ils ne quittaient la ville dans les vingtTquatre heures;
« Par une dénonciation faite contre lui au district de Strasbourg, fondée sur ce qu'il a accordé de sa propre autorité un passeport signé de sa main à la femme de Nadal, directeur de l'arsenal de cette ville, qui avait émigré en emportant plusieurs effets précieux, pour, pouvoir suivre son mari avéc le reste de ses effets ;
« Par une adresse à l'Assemblée nationale, signée d'un grand nombre de citoyens de Strasbourg, dont la plupart n'ont pas l'usage de la langue française, où il leur fait dire qu'ils demandent que l'on conserve au roi les pouvoirs que la Constitution lui a délégués et que, le jour où la Constitution sera violée, leurs liens seront brisés et leurs droits leur Seront rendus ;
« Par une lettre du citoyen Laquiante, ancien officier municipal, et notable ae la ville de Strasbourg, du 20 août dernier, où il expose : qu'il a empêché la rédaction et la publication ae deux adresses, qui ne tendaient à rien moins qu'à séparer Strasbourg du centre d'union qui réside dans l'Assemblée législative, en désapprouvant le parti qu'elle a pris de la suspension au roi.
« Par la minute d'une de ces adresses, qui paraît de la main même de Diétrich, où il dit entre autres au conseil général de la commune de Strasbourg : Citoyens, nous remplissons aujourd'hui un devoir pénible ; c'est d'une erreur de vos représentants que nous allons vous entretenir : mais il s'agit de votre salut, et toute démarche qui a cet objet est justiflëe.La Cons-
titution que vous avez jurée vient d'être violée : l'Assemblée nationale a suspendu le pouvoir exécutif, et, devançant l'époque déterminée par l'Acte constitutionnel pour la revision, elle a ordonné la convocation d'une Convention nationale qui doit s'occuper, dès à présent, de cette réforme ;
« Par une pétition aux corps administratifs réunis dans la ville de Strasbourg, où il est dit : Des commissaires de l'Assemblée nationale sont attendus, peut-être arrivés en cette ville. Le mystère qui enveloppe leur marche, leurs rapides apparitions dans plusieurs villes de leur route, tout autorise à craindre que leur mission annoncée comme ayant l'armée seule pour objet n'ait dans le fait encore un autre but,une destination plus étendue. On doit craindre leurs entreprises sur les pouvoirs tutélaires qui assurent a cette commune la liberté et la paix. On doit craindre la suspension, la destitution même des magistrats, pour qui la confiance dont ils jouissent n'est qu'un titre de plus à la proscription. Et où il est dit encore : Citoyens, ces hommes qui viennent ici vous commander peut-être au nom d'une Constitution qu'ils ont anéantie, n'ont aucun droit à votre obéissance et ne peuvent prétendre à votre acquiescement aux propositions qu'ils pourront vous faire qu'autant que vous les jugerez conformes à vos vrais intérêts ;
« Par une lettre des membres composant le conseil général permanent de la commune de Gray, datée du 21 août dernier, qui dénonce Diétrich et quelques membres du conseil général de la commune de Strasbourg de leur avoir envoyé des adresses licencieuses et qui demandent la punition de leurs auteurs ;
« Par toutes ces adresses, lettres, minutes et dénonciations, H est annoncé que Frédéric Diétrich a prêté gratuitement à la commune de Strasbourg des sentiments et des vœux qu'elle n'a jamais émis, et dont l'effet devait être la proscription des sociétés permises et approuvées par la loi ;
« D'avoir disposé les esprits de manière à n'être étonnés d'aucun événement et à montrer les dents ;
« D'avoir porté atteinte à la liberté de ses concitoyens en leur défendant de s'assembler paisiblement et sans armes ;
« D'avoir fait un abus d'autorité, en exilant plusieurs citoyens de leurs foyers sans aucune forme légale ;
« D'avoir séduit et égaré un très grand nombre de citoyens, en leur faisant signer une adresse, où ils disent que le jour où la Constitution sera violée, en ne conservant pas au roi les pouvoirs qui lui sont délégués, leurs liens seront brisés et leurs droits leur seront rendus ;
« D'avoir tenté de soulever les départements et les principales municipalités de la République contre l'Assemblée nationale législative, en leur envoyant des adresses licencieuses ;
« De s'être élevé contre la suspension du ci-devant roi ;
« D'avoir fait des efforts pour détacher la commune de Strasbourg du centre de l'union qui réside dans l'Assemblée nationale ;
« D'avoir provoqué la désobéissance de ses concitoyens aux propositions que pourraient leur faire les commissaires de l'Assemblée nationale;
« D'avoir enfin favorisé l'émigration et les émigrés.
« Sur quoi la Convention nationale a, dans
ses séances du 27 septembre dernier, et du 11 du courant, décrété qu'il y avait lieu à accusation contre Frédéric Diétrich, ci-devant maire Strasbourg.
« En conséquence, elle l'accuse par le présent acte devant le tribunal criminel du département du Ras-Rhin, comme prévenu du crime indiqué dans le paragraphe 4 de l'article 1er, section 1", titre Ier de la seconde partie du Gode pénal, parce qu'il a tenté d'ébranler la fidélité des citoyens de Strasbourg envers la nation française, en leur faisant signer qu'ils briseront leurs liens et reprendront leurs droits, si ies pouvoirs délégués au ci-devant roi ne lui sont pas conservés;
« Comme prévenu du crime désigné dans le paragraphe 2, de l'article 1er, section 2, de la seconde partie du Code pénal, parce qu'il a, de son propre aveu, disposé les esprits à montrer les dents, selon son expression, et à demander la punition et la suppression des sociétés permises par la loi, espérant armer les citoyens les uns contre les autres;
« Comme prévenu du crime indiqué dans le paragraphe 4, article 1er, section 3, partie seconde du Code pénal, pour avoir travaillé d'avance à la dissolution de la Convention nationale, en excitant les citoyens contre elle et contre la réforme dont elle devait s'occuper;
« Gomme prévenu du crime désigné dans le paragraphe 19 de l'article 1er, section 3, partie seconde du Code pénal, en ce qu'il s'est permis des attentats contre la liberté individuelle de plusieurs citoyens, en les exilant et banissant ae leurs foyers, sous peine d'emprisonnement, s'ils ne sortaient pas de la ville de Strasbourg dans les vingt-quatre heures;
« Gomme prévenu enfin du crime dont il est fait mention dans le paragraphe 5, article 1er, section 5 de la seconde partie du Code pénal, en ce qu'il a provoqué les citoyens à désobéir aux autorités légitimes. »
(La Convention adopte la rédaction présentée par Ruhl.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Chevret, qui fait hommage à la Convention d'un ouvrage ayant pour titre : Principe universel d éducation publique.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'instruction publique.)
2° Adresse du 1er bataillon du Calvados, qui, étant en route pour Phalsbourg, demande des canons.
(La Convention renvoie l'adresse au comité militaire pour en faire son rapport incessamment.)
3° Lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui envoie à la Convention les réclamations des administrateurs du département du Calvados, relative aux besoins des femmes et des enfants des volontaires qui combattent contre les ennemis de la patrie ; il annonce de semblables réclamations faites par plusieurs autres départements.
(La Convention charge son comité des secours publics de lui faire au plus tôt son rapport sur cet objet.)
4° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui demande à la Convention qu'elle statue incessamment sur un régime forestier, à cause des délits qui se commettent tous les jours dans les forêts nationales, dont le revenu décroît et s'anéantit très sensiblement.
(La Convention charge son comité des domaines de lui faire un rapport incessamment sur le régime forestier.)
demande le renvoi au comité de législation d'une pétition de la commune de Saint-Avold qui sollicite une amnistie en faveur des citoyens de cette commune qui sont détenus dans les fers pour avoir ravagé, dans le cours de la Révolution, un jardin de plaisance.
(La Convention ordonne le renvoi.)
, au nom du comité des finances, présente Un projet de décret relatif au paiement à faire dans les chefs lieux de département, des créances de sommes die trois cents livres et au-dessous, dues aux fournisseurs, et autres créanciers des ci-devant corps et communautés ecclésiastiques et laïques, supprimés; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, conformément à l'esprit des lois des 11 avril et 13 septembre 1791, qui ont eu pour objet de faciliter laliquidation et le payement, dans les départements, des créances de 300 livres et au-dessous, dues aux fournisseurs, ouvriers et autres créanciers des ci-devant corps et communautés ecclésiastiques et laïques supprimés, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les reconnaissances de liquidation définitives de ces créances, et de toutes celles qui n'excéderont pas le montant de 800 livres, (la Convention nationale étend jusqu'à ladite somme de 800 livres les dispositions des lois des 11 avril et 13 septembre dernier) et qui seront délivrées par les directoires de département, conformément à ladite loi du 13 septembre, seront ac- quittées par le receveur du district du chef-lieu u département, sur les fonds qui lui seront faits par la caisse de l'extraordinaire, d'après les états aesdites reconnaissances, qui seront adressés doubles à l'administrateur de cette caisse par les directoires.
Art. 2.
« Il en sera de même des reconnaissances de supplément, délivrées pour intérêts desdites créances, à ceux desdits créanciers qui n'auraient précédemment obtenu des ordonnances que pour le capital, et qui réclameraient ces intérêts, conformément à la loi du 27 avril 1791.'
Art. 3.
« Les ordonnances ou reconnaissances de liquidation qui auraient été délivrées antérieurement au 1er décembre prochain, seront payées par les receveurs du district du domicile des parties, auxquels receveurs il sera fait un fonds a cet effet par la caisse de l'extraordinaire, aussi d'après des états particuliers qui seront adressés doubles à l'administrateur par les directoires, et séparés par districts.
Art. 4.
« Les propriétaires des créances mentionnés au présent décret seront
dispensés de la justification, prescrite par les lois des 24 juin, 29
juillet, 23 septembre derniers «t 9 de ce mois, concernant la résidence,
le payement des im-
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Hier au soir, un courrier arrivant de Lyon, est venu chez moi, et m'a remis un paquet renfermant une lettré des commissaires Alquier, Boissy-d'Anglas et Vitet, qui dévoilent de grandes friponneries.
,^cr^m fait lecture de cette lettre; elle est ainsi conçue (1) :
Lyon, 17 novembre, l'an 1er de la République.
« Citoyens nos collègues, la tranquillité règne à Lyon ; mais elle n'y sera durable qu'après le renouvellement des corps administratifs et judiciaires. Nous espérons que les nouveaux magistrats du peuple saisiront d'une main plus ferme les rênes de l'administration, et que les lois seront enfin respectées dans cette ville, Où depuis si longtemps elles sont méconnues ou violées. Nous n'exagérerons pas en disant que rien n'existe ici comme il devrait exister, et que les plus grands désordres y ont été tolérés ou favorisés par la connivence la plus criminelle. Nous venons de découvrir des faits graves ; nous réclamons toute votre attentiou pour la dénonciation que vous allez entendre, et nous appelons toute votre sévérité sur les coupables.
« Les papiers publics nous ont fait connaître le décret rendu contre Vincent et Benjamin ; nous avons vu que des fournitures militaires étaient déposées à Lyon pour l'armée du midi; et dès lors nous avons pensé qu'il était de notre devoir de surveiller ce dépôt, et d'y vérifier les abus qui vous ont été dénoncés. Sans avoir prévenu personne, et sans être attendus, nous nous sommes donc transportés au magasin militaire. C'est là que s'est développé sous nos yeux le spectacle de toutes les délapidations, de tous les brigandages qui peuvent souiller une administration et ruiner un Etat.
« Le magasin est rempli de fournitures faites par Renjamin, d'après le marché passé entre lui et Vincent, et approuvé par Montesquion. Nous vous faisons passer six chemises, prises dans les fournitures acceptées, et dont une grande partie a déjà été expédiée à l'armée du Midi. D'après le marché, les chemises doivent être payées 7 livres 10 sols aux fournisseurs; et vous jugerez aisément de l'énormité du vol commis par Benjamin et ses complices. Nous nous sommes fait représenter les fournitures des souliers acceptés, et nous avons vu avec indignation qu'on avait violé sans pudeur toutes les conditions du marché. Les fournitures dans lesquelles nous avons pris les quatres paires de souliers que nous vous faisons passer, ont été faites par un sieur Lajard, cousin du ministre de ce nom, qui de société avec le sieur Lebrun, négociant de Montpellier, a été chargé par le ministre Laiard, de fournir 200,000 paires de souliers et 200,000 chemises.
« Vous vous étonnerez sans doute que de pareils souliers aient été acceptés dans un magasin militaire ; mais cet étonnement cessera lorsque vous saurez que les visiteurs nommés par les commissaires des guerres sont très chèrement payés par les fournisseurs eux-mêmes. Les autres objets contenus dansle magasin,et prêts à être expédiés, ne nous ont pas parus de meilleure qualité.
« La buffieterie nous a paru beaucoup trop
« S'il est évident que les fournisseurs sont d'infâmes brigands, il ne l'est pas moins que le commissaire des guerres qui a accepté les fournitures est un insigne fripon; ce commissaire-là est le sieur Vast, attaché à l'armée du Midi. Nous avons à l'instant suspendu ce prévaricateur de, toutes fonctions attachées à son grade; nous avons aussi interdit le sieur Delaunay, faisant les fonctions d'ordonnateur, qui a eu connaissance des prévarications du sieur Vast, qui n'en a pas prévenu le ministre, et qui a laissé expédier pour l'armée du Midi six ou sept mille chemises pareilles à celles que nous vous faisons passer.
« Nous avons vu dans le magasin une très grande quantité de tonneaux et de ballots remplis de fournitures et prêts à être expédiés à la première demande; nous avons pensé, d'après ce que nous venions de voir, que les objets renfermés dans les tonneaux avaient été fournis et acceptés aussi frauduleusement, et nous en avons ordonné une nouvelle visite, ainsi que de tous les objets acceptés qui se trouvent dans le magasin. Nous nous sommes félicités ce matin du parti que nous avons pris, en apprenant que plus des trois quarts d'une immense fourniture de souliers, acceptée comme bonne par le commissaire Vast, ont été mis au rebut par les experts nommés d'après nos ordres parles corps administratifs. Ce n est pas à Lyon seulement qu'il existe des dépôts militaires pour l'armée du Midi; le sieur Lajard en a un immense à Montpellier : il serait à souhaiter que ce dépôt, qui n'est vraisemblablement encore qu'un repaire de brigandages, fût examiné par des yeux sévères.
« Quelque pénible qu'il fût de retrouver toutes les ramifications de friponneries dont nous apercevons la masse, nous nous y livrerons avec zèle si vous l'ordonnez; ce n'est pas seulement l'exécution des marchés qu'il faut surveiller, ce sont les marchés eux-mêmes qu'il faut revoir; il en est qui sont pour l'Etat onéreux jusqu'à l'excès ; celui des charrettes, par exemple, qui coûte par mois, d'après le sieur Vast lui-même, de 12,000 à 14,000 livres. C'est ainsi que que la République est indignement trahie par des fonctionnaires publics prévaricateurs, qui, si nous étions crus, devraient être confondus avec les conspirateurs contre l'Etat, et punis comme tels. C'est une conspiration, en effet, c'est une trahison contre l'Etat que le crime dont les effets doivent en décourager les braves défenseurs de la liberté, ou les faire périr de misère au milieu des triomphes. Nous oserons vous le dire afin
d'exciter votre surveillance et- votre sévérité ; l'ancien régime à cet égard ^entendait mieux que nous, les abus étaient moins foFts, et les dila-pidateurs moins audacieux.
« Nous avons découvert, et nous en avons la preuve, que dans,chaque marché, chaque fourniture, la hiérarchie militaire ne présente qu'une échelle de crimes : fournisseur général, fournisseur en second, visiteur, garde -magasin, commissaire, commissaire ordonnateur, état-major, général, tous prévariquent, tous volent, tous s'enrichissent. Le malheureux soldat souffre seul, se plaint, n'est point écouté, et la nation paie des prévaricateurs; et est presque toujours injuste envers celui qui a mérite le plus. Voilà le tableau de votre état militaire pour la partie des approvisionnements; voilà quelle est la situation de vos soldats.
« Nous cherchons à rassembler dans nos mains les fils qui doivent nous conduire à découvrir d'autres friponneries encore. 11 en existe qui sont portées jusqu'au scandale dans l'hôpital militaire de Lyon; nous les recherchons, et elles seront l'objet de notre première lettre.
« P. S. Nous avons provisoirement remplacé les deux commissaires des guerres par deux autres qui se sont trouvés à Lyon. Nous vous prions d'en faire prévenir le ministre de la guerre.
« Les commissaires de la Convention nationale à Lyon,
Signé: Boissy d'Angi^as, Alquier, Vitet. »
P. S. Nous désirons que la Convention nationale nous fasse promptement connaître ses intentions, et par le retour de notre courrier.
(La Convention renvoie la lettre au comité de correspondance.)
Je demande que les pouvoirs jdonnés aux commissaires pour la ville de Lyon soient étendus pour tous, les départements du Midi et qu'ils aient la facilité de suspendre du leurs fonctions et de faire arrêter, s'il y a lieu, les délinquants et fauteurs de malversations dans les approvisionnements et fournitures de l'armée des Alpes. Je propose également le renvoi au comité militaire et de législation pour rédiger l'acte d'accusation'contre tous les fournisseurs infidèles..
(de Thionville). Il y a deux mois qu'on a dénoncé les fournitures de souliers pour l'armée du Nord, aujourd'hui on vous dénonce les fournitures pour l'armée du Midi; je demande le renvoi au comité militaire, pour en faire son rapport sur-le-champ, et vous présenter un mode de remplacer les commissaires de guerre, et les fournisseursquisesontenrichis aux dépens de la nation. Il est affreux que sous le régime de la liberté il se commette des dilapidations, qui n'existaient pas sous l'aûcien régime. Il est temps que le ministre nous donne la liste de tous les commissaires de guerre et fournisseurs des armées, afin que l'on connaisse les prévaricateurs et qu'on en fasse justice.
Je demande le décret d'accusation contre les deux commissaires des guerres; ils doivent être rangés dans la classe des conspirateurs.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix 1
Lorsque nous voyons les citoyens qui vont combattre pour le salut de la République» et affermir notre liberté
et notre repos ; lorsque nous les voyons manquer de tout, victimes de la friponnerie de fournisseurs et commissaires des guerres, nous ne devons pas balancer à prononcer le décret d'accusation. Ce ne sera que l'échafaud. qui nous fera justice de ces hommes qui ont la barbarie de s'enrichir aux dépens des malheureux soldats de la République. Je demande le décret d'accusation contre les citoyens Vincent et Benjamin, et que le ministre soit tenu de les faire mettre en état d'arrestation. Je demande aussi le décret d'accusation contre les commissaires des guerres ; je demande, en outre, que vos commissaires à Lyon soient autorisés à faire arrêter les fournisseurs et tous les fripons qui ont volé la République; qu'ils se transportent à Montpellier, qu'ils y exercent les mêmes pouvoirs qu'à Lyon, et prennent toutes les précautions nécessaires pour les fournitures des armées, afin que nous soyons assurés que ceux qui ont trahi la chose publique, n'échapperont pas à la pe'ne qu'ils ont encourue.
Je demande que le ministre de la guerre mette sous les yeux de la Convention le tableau de tous les commissaires des guerres. L'incivisme de plusieurs n'est pas douteux. On a nommé à la place de commissaire des guerres, un èx-député à l'Assemblée législative, dont l'aristocratie nous est bien connue.
Vous avez chargé votre comité de vous faire un rapport sur les peines à infliger aux fournisseurs qui auraient volé la nation. Vous avez fait amener à votre barre, Jacob Benjamin et Vincent. Ces deux particuliers se sont, excusés, et vous leur avez ordonné de garderies arrêts dans leur maison, au lieu d'être dans les prisons de l'Abbaye. Depuis, j'avais sollicité le ministre de la guerre de me donner communication de tous les marchés, pour en prendre connaissance. Je croyais ensuite vous dénoncer |e citoyen Maréchal, que je sais avoir passé un marché sur lequel le lard salé est porté à 38 sous la livre, tandis qu'ailleurs il n'a été payé que 19 sous.
J'ai aussi à faire une dénonciation Contre Malus, commissaire ordonnateur, accusé d'avoir retardé de 24 heures les hôpitaux ambulants, de manière que nos malades ont été 24 heures sans être pansés. Nous avions chàrgé le pouvoir, exécutif de nous dénoncer tous les commissaires ordonnateurs et fournisseurs qui auraient prë-variqué, et le pouvoir exécutif n'en a rien fait. Je propose qu il soit nommé une commission pour vérifier tous les marchés passés au nom de la nation; que les membres de cette commission soient renouvelés souvent, afin que les agioteurs, n'aient pas le temps de les attendrir par leurs plaintes.
Je voulais vous faire la même proposition que Cambon. Quand on nous présente l'état éxcessif de nos dépenses, nous nous consolons par la persuasion qu'elles sont utiles à la République. Mais quel est celui dont le sang ne bouillonne pas lorsqu'il apprend que les trois quarts de ces dépenses passent dans des mains infidèles?... Les conspirateurs ne sont pas seulement au delà du Rhin, ils sont aussi au milieu de nous, nous leur donnons notre confiance. J'appuie donc la proposition de Cambon, et je demande que les membres de cette Commission soient parmi les membres de la Convention qui ne sont d'aucun comité.
Un grand nombre de membres : La clôture ! la
clôture!
(La Convention ferme la discussion;) 4
rappelle les "propositions et met aux voix celle formulée, tout d'abord, par Defermon, de charger ses commissaires envoyés à Lyon de visiter les magasins des approvisionnements de l'armée des Alpes établis à Montpellier.
(de Toulouse). Je propose de nommer de nouveaux commissaires pour se rendre à Montpellier.
(La Convention repousse cette proposition ; charge ses commissaires envoyés à Lyon, de visiter les magasins des approvisionnements de l'armée des Alpes établis à Montpellier, et leur donne les pouvoirs de suspendre de leurs fonctions, et faire arrêter, s'il y a lieu, les délinquants et fauteurs de malversations dans les approvisionnements et fournitures de l'arméei)
, secrétaire, lit les noms des personnes dénoncées par les commissaires à Lyon et le décret d'accusation proposé contre eux, qui est ainsi conçu s
« La Convention nationale, d'après la lecture de la lettre de ses commissaires à Lyon, du 17 de ce mois, et sur la motion qui a été faite, décrète qu'il y a lieu à accusation contre Vincent, commissaire ordonnateur de l'armée du Midi ; Jacob Benjamin, fournisseur de la même armée ; Vast, commissaire des guerres à Lyon ; Lajard, fournisseur; Lebrun, négociant à Montpellier; et Delaunay. »
(La Convention adopte le décret d'accusation proposé.)
Il est dit dans la lettre que les visiteurs des fournitures de souliers ont été bien payés par les fournisseurs. Si le fait est vrai, je demande le décret d'accusation contre les visiteurs.
Cambon avait également dénoncé le citoyen Maréchal, je propose aussi le décret d'accusation contre ce dernier.
Maréchal pourra se justifier s'il a été payé en assignats ; ceux-ci perdaient 50 0/0.
Portez des décrets d'accusation, mais au moins qu'ils soient exécutés : Lacoste que vous avez accusé est tranquillement dans sa chambre.
J'ai annoncé que le citoyen Maréchal a signé un marché qui porte le lard salé à 38 sous la livre. Si l'Assemblée veut, je signerai ce fait, et je me rendrai accusateur; mais je demande cependant que pour rendre le décret d'accusation, la Convention se fasse rendre jeompte, séance tenante, par le ministre de la guerre, de tous les marchés passés par les commissaires ordonnateurs des troupes. Si nous pouvons obtenir l'état de ces marchés, je vous dénoncerai ensuite un abbé qui est devenu fournisseur. C'est l'abbé d'Espagnac, voulant absolument être fonctionnaire public; cet abbé a passé un marché pour la fourniture de mulets et chevaux, à raison de 5 liv, 15 sous, à la charge par la nation de nourrir l'homme et le cheval. J'annonce que le même marché a été affermé à loyer à raison de 50 sous pour l'armée du Rhin.
Je demande donc que le ministre soit tenu de nous apporter tous ces marchés, parce que peut-être découvrirons-nous que Lajard était d'accord avec l'abbé d'Espagnac. Je demanderai ensuite le décret d'accusation contre Maréchal et l'abbé d'Espagnac.
Vous avez des agents responsables ce sont les ministres ; que celui qui a passé ces marchés soit mis en état d'accusation.
C'est Lajard, il est déjà décrété.
Organisez une commission qui inspectera les marchés et que vous renouvellerez par quinzaine.
(La Convention décrète qu'il sera nommé une commission extraordinaire composée de 24 membres, qui ne seront d'aucune commission, et qui seront renouvelés par moitié chaque mois ; laquelle commission est chargée de se faire représenter et de vérifier tous les différents marchés qui ont été passés, et de faire le rapport des abus et malversations qui auront été commis dans les approvisionnements et fournitures des armées, ainsi que de la conduite des préposés à ces approvisionnements.)
J'ai voté le décret instituant une commission extraordinaire des marchés; mais, en attendant, comme des faits précis et des accusations formelles ont été argués par Cambon, je demande qu'on mette aux voix sa seconde proposition, cest-à-dire qu'on enjoigne au ministre de la guerre de rendre compte, séance tenante, des marchés passés par Maréchal et d'Espagnac.
(La Convention nationale décrète que le ministre de la guerre fournira, séance tenante, le marché passé le 28 juillet dernier, par Maréchal, commissaire des guerres, pour fourniture de lard salé et fumé, ainsi que celui passé avec l'abbé d'Espagnac, pour des mulets et chevaux pour l'armée du Midi. Il joindra son avis et des instructions sur la valeur dés objets compris dans lesdits marchés.)
S'il est vrai, comme l'a dit tout à l'heure Champeaux, que Lacoste soit tranquillement dans sa chambre, je demande qu'on mande sur-le-champ le ministre et qu'il soit mis en état d'accusation. (Applaudissements à Vextrême-gauche).
C'est le ministre de la justice.
Le fait est tellement à ma connaissance que Lacoste est mon voisin et que plusieurs personnes lui ont parlé.
Pour que vos décrets s'exécutent, il faut que votre comité les expédie : il faut qu'il rédige les actes d'accusation.
Sitôt qu'un décret d'accusation est rendu, l'accusé doit être arrêté; pourquoi donc Lanjuinais cherche-t-il à disculper le ministre?
C'est une calomnie, je ne l'ai pas disculpé.
Qu'importe que l'acte d'accusation soit rédigé ou non ? Cet acte ne regarde que la procédure et non l'arrestation de l'accusé.
se précipite à la tribune et demande la parole.
Je vous refuse la parole.
Plusieurs membres : Le décret a-t-il été envoyé ?
Oui en voilà le reçu.
(La Convention décrète que le ministre de la justice lui rendra compte, séance tenante, des causes de l'inexécution du décret d'accusation rendu contre l'ex-ministre Lacoste.)
Je propose que la Convention
fixe le tribunal devant lequel sera porté le jugement des accusations qu'elle vient de prononcer.
(La Convention renvoie cette proposition au comité de législation.)
Je demande que la Convention ordonne aussi que les actes d'accusation soient renvoyés au comité des décrets de la législation pour être rédigés.
(La Convention décrète la" proposition de Lajuinais.)
Citoyens, permettez-moi de vous soumettre quelques réflexions relatives aux décrets d'accusation que vous venez de rendre. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
insiste pour avoir la parole. (Nouveaux murmures.)
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Je vais faire lire à la Convention une autre lettre du ministre de la guerre que je reçois à l'instant : c'est un supplément à la confusion générale des fripons.
, secrétaire, donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
Paris, le er de la République française.
M. Pache, ministre de la guerre, à la Convention nationale.
Président (1),
« Je fais passer à la Convention une paire de souliers, une chemise et plusieurs paires de bas fournis au magasin de Strasbourg par Jacob Benjamin.
« Ces trois objets m'ont été apportés par Vieusseux, maréchal de camp, employé dans l'armée du Rhin, et ils avaient été refusés dans les màgasins de Strasbourg par Thierry, commissaire des guerres de la même armée.
« La Convention verra que les souliers sont de la plus mauvaise qualité, que la chemise est faite d'une toile presque aussi grosse que la toile d'emballage, tandis que les marchés sont pour des toiles semblables à la chemise ordinaire qui l'accompagne.
« Les bas ne sont qu'à deux brins au lieu de l'être à trois.
« Mais, ce qui étonnera la Convention, c'est la découverte faite par Vieusseux et Thierry, que le cachet de la guerre était apposé sur le bas, que Renjamin a donné au magasin de Strasbourg, comme ayant été accepté par le ministre et que ce cachet paraît avoir été détaché d'une lettre pour être apposé sur le bas ; la bande de papier que l'on aperçoit entre le bas et le cachet semble le prouver d'une manière positive.
« Il est de mon devoir de dénoncer ce nouveau genre de concussion à la Convention afin qu'elle avise sur les moyens qu'elle prendra pour faire punir les fournisseurs infidèles.
« Le ministre de la guerre,
« Signé : Pache.
P.-S. — J'envoie dans un paquet séparé qui
Signé : PACHE.
Voici une lettre des membres de la société populaire de Metz. Ils vous dénoncent que les souliers délivrés par les fournisseurs sont faits en cuir de cheval pour les semelles, en basane pour l'empeigne, et que pour leur donner une apparence de force au tact, ils sont garnis de sapin, d'écorces d'arbre et de carton entre les deux semelles.
Un membre : Je vous dénonce les deux fournisseurs qui ont livré des souliers pour les magasins de Saint-Denis, et notamment le citoyen Gerdret. Je vais vous lire le procès-verbal du 9 et celui du 11 novembre faits par les commissaires de la section de Paris, dite des gardes françaises, qui constatent que ce fournisseur a fait transporter dans la chambre cotée n° 50 de ce magasin, des souliers fendus en dedans et doublés eu carton en entredeux. (L'opinant fait lecture de ce procès-verbal, ainsi que d'une attestation du garde-magasin, des commissaires de la municipalité et d'un officier inspecteur.) La fraude étant évidente, d'après ces procès-verbaux et ces attestations authentiques qui constatent que Gerdret avait fait recevoir par l ancien garde-magasin des souliers hors d'état de servir, je demande qu'il soit décrété d'accusation.
Gerdret a toujours joui d'une excellente réputation ; il a toujours montré la probité la plus intacte; étant commandant de l'un des bataillons de l'ancienne garde nationale dans Paris, il a été persécuté par Lafayette. On l'ac-. cuse d'avoir fait une fourniture de soutiers défectueuse. Lui soutient, dans un mémoire qu'il a publié, que ses souliers ont été échangés, douze autres fournisseurs ayant fait des livraisons au même magasin. IJ faut donc entendre sa justification. Je demande qu'il soit traduit à la barre.
C'est au ministre que vous devez renvoyer cette affaire.
Un membre : J'appuie la motion de Defermon. Le 5 octobre et jours suivants, des commissaires ont, dans le magasin de Gerdret, vérifié avec soin paire par paire les souliers; ils emportaient la clef du magasin chaque séance; Ces souliers ont été ensuite transportés à Saint-Denis et déposés dans la chambre n° 50; mais dans celte chambre, il y a des souliers d'un nommé Maury, que Gerdret n'a point employé. Il peut être résulté mille erreurs de ces transports. Examinez que Gerdret est un républicain qui a servi la Révolution avec constance et courage; l'Assemblée doit renvoyer ces faits à l'examen du ministre.
Un membre : J'ai lu le mémoire de Gerdret, j'ai lu les procès-verbaux et je demande que vous le mettiez en état d'accusation.
Mettez-le plutôt sous la surveillance du comité de sûreté générale.
J'insiste pour le décret d'accusation. Gerdret prétend que les souliers qu'il a fournis ont été changés, et il établit le fait sur ce que les clés de la chambre dans laquelle ils ont été déposés sont restées entre les mains des commissaires qui ont fait un rapport contre lui. Cette excuse est contredite par les procès-verbaux, par les attestations des gardes magasins ; et d'ailleurs peut-on détruire, par de simples allégations, des faits constatés par des procès-verbaux? D'ailleurs, c'est aux tribunaux qu'il âp-
partiendra de juger ces moyens de justification; votre devoir est de décréter d'accusation un homme aussi fortement prévenu d'avoir lésé les intérêts de la République, et le mezze termine que vous propose Tallien est absolument inadmissible.
Je demande la priorité pour ma proposition.
(La Convention refuse la priorité à la proposition de Tallien.)
(se précipitant vers la tribune.) Je demande la parole pour un père de famille qui a onze enfants. (Murmures prolongés.)
Tallien, vous n'avez pas la parole, et votre proposition est repoussée. Je mets aux voix la motion présentée par Defermon.
(La Convention repousse la proposition de Defermon et prononce le décret d'accusation contre Gerdret.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu la lecture de l'extrait des délibérations de la section des gardes françaises, des 9 et 11 de ce mois, et sur la motion qui en a été faite, décrète d'accusation. Gerdret, fournisseur de souliers au magasin de Saint-Denis pour les armées de la République. »
Vous n'avez aucune pièce justificative à l'appui du décret que vous venez de rendre ; ordonnez, au moins, que le ministre de la guerre les communique au comité.
Je demande une seconde fois la parole pour présenter quelques réflexions relatives au décret d'accusation que vous venez de rendre. (Murmures.)
Un grand nombre de membres: L'ordre du jour!
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Blanchelande, détenu dans les prisons de l'Abbaye. qui demande à être entendu un seul instant a la barre.
Plusieurs membres : A dimanche.
(La Convention ne prononce point.)
Roland, ministre de l'intérieur, entre dans la salle et demande la parole. (Papiers découverts aux Tuileries.)
La parole est au ministre de l'intérieur.
Roland, ministre de l'intérieur. Je viens apporter à la Convention nationale plusieurs cartons remplis de papiers qui, par leur nature, et par le lieu où ils ont été trouvés, m'ont paru d'une très grande importance. Je crois qu'ils sont propres à jeter un très grand jour sur les événements du 10 août, sur la Révolution entière, et sur les personnages qui y ont joué le plus grand rôle. Plusieurs membres de l'Assemblée constituante et de l'Assemblée législative paraissent y être compromis ; ils renferment des correspondances de M. Laporte et de plusieurs autres personnes attachées au roi ; il y a même des lettres originales du ci-devant roi, et une immensité de projets sur sa garde, sur sa îhaison, sur les armées, et de combinaisons de toute espèce, relatives à|la Révolution.
Si ces pièces se fussent trouvées dans les appartements des Tuileries, je les aurais remises à vos commissaires ; mais elles m'ont paru devoir être détachées des autres par leur importance. Elles étaient dans un lieu si particulier, si secret,
que si la seule personne de Paris qui en avait connaissance ne l'eût indiqué, il eût été impossible de les découvrir. Elles étaient derrière un panneau de lambris, dans un trou pratiqué dans le mur, et fermé par une porte de fer; c'est l'ouvrier qui l'avait fait qui m'en a fait la déclaration. J'ai fait ouvrir ce matin cette armoire, et j'ai parcouru rapidement ces papiers. Je crois qu'il est important que l'Assemblée nomme une commission expresse pour en prendre connaissance. (.Applaudissements.)
Je ne me plains pas du ministre de l'intérieur, en ce que sa vigilante activité lui a fait découvrir des papiers qui peuvent nous mener peut-être à la connaissance d'une conspiration; mais je me plains de ce qu'ayant fait la découverte des papiers dont il s agit au château des Tuileries, les y ayant fait enlever et ne pouvant ignorer que votre commission des Vingt-Quatre s'y occupait, dans un appartement sous le sien, de l'examen important dont elle est chargée, il ne lui ait cependant fait aucune part de sa découverte.
Plusieurs membres : Ah! ah! (Rires.)
Je demande si le ministre a fait dresser un procès-verbal de ces pièces.
Je demande que la commission* qui doit être chargée de l'examen des pièces apportées par le ministre, soit nommée sur-le-champ et que son rapport soit fait demain, que nous sachions au plus tôt s'il est réellement des coupables parmi nous et que la Convention en fasse une éclatante justice. (Applaudissements.) Gela dit, je pense que Roland a eu raison de s'empresser d'apporter ces pièces directement à la Convention nationale. Je suis encore de son avis pour la nomination d'une commission spéciale prise dans le sein de cette Assemblée.
Il faut que ces papiers soient remis a votre Commission des Vingt-Quatre chargée d'examiner les précédents. (Murmures.)
(Ventrée des papiers, qui sont portés par les huissiers et déposés sur le bureau du Président, achève de compliquer le tumulte.)
J'appuie la demande de nomination d'une commission spéciale et ie propose que cette commission soit formée de 12 membres.
Plusieurs membres : La clôture 1 la clôture !
(La Convention ferme la discussion.)
Un membre : Je demande, par amendement, que la nomination de cette commission se fasse par appel nominal, auquel ne concourront ni les membres de l'Assemblée constituante, ni ceux de l'Assemblée législative.
Un autre membre : J'appuie cette proposition et je demande que ce soit ropinant qui les nomme. (Rires.)
Je propose une séance extraordinaire du soir, à laquelle ne pourront assister ni les membres de l'Assemblée constituante, ni ceux dé l'Assemblée législative, hors desquels, en présence du public, cette commission sera élue à haute voix... (Violentsmurmures.)
Plusieurs membres : Cette proposition est une injure et nous demandons le rappel àl'ordré.
Si les tyrans mêmes ont voulu être à l'abri du soupçon, une grande Assemblée, comme celle-ci, dont toute la puissance est dans
l'opinion, doit surtout s'attacher à demeurer pure aux yeux de ses commettants, et si César... (On rit... — Gaston parle dans le tumulte...). Les Français qui nous écoutent^ et l'Europe qui nous envisage, croiront toujours que parmi nous il existe des coupables, tant que le rapport de la commission que vous allez nommer, ne sera point fait; et si vous êtes soupçonnés, comment voter pour la nomination... (Vives interruptions.)
Plusieurs membres. Votre amendement?
Mon amendement?... Je suis de l'Assemblée législative ; eh bien, je demande que vous ayez ce soir une séance extraordinaire, où se rendraient les membres qui n'ont fait partie d'aucune assemblée, pour nommer douze commissaires.
Cette proposition est attentatoire à la représentation nationale. Mettez 83 noms dans l'urne; celui de chaque département : les douze premiers qui sortiront, indiqueront les membres des départements qui éliront les commissaires. Il importe que les élections tiennent du choix et du sort ; c'est le seul moyen qu'elles puissent être bonnes.
J'appuie cette proposition,-mais je voudrais que l'on exceptât ceux des membres employés, soit dans d'autres comités, soit à d'autres commissions, car le travail de la Convention doit être partagé entre tous les membres qui la composent. Je profiterai même de ce que jè suis à la tribune pour présenter une autre motion. Je propose qu'on choisisse, lors du renouvellement de tous les comités, les divers membres qui les composent, par la voie du sort. (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres. La question préalable sur cette dernière proposition!
Je ne m'explique pas ces murmures ; vous êtes, après tout, l'élite de la République; nous sommes envoyés tous ici avec la confiance de la nation, et le sort ne peut tomber que sur des hommes dignes des missions qui leur sont confiées. (Nouveaux murmures.)
Je propose à mon tour un amendement plus simple ; c'est de mettre indistinctement aans une urne les noms de 746 députés à la Convention, et que l'on agrée, pour former la Commission, les douze membres dont les noms sortiront les premiers.
Il me semble qu'on devrait avant tout faire lecture à l'Assemblée du procès-verbal que le ministre Roland a bien certainement fait dresser lors de la découverte des papiers.
Je trouve que Tallien a raison. Que voulez-vous, en effet, que l'on pense de vous, lorsque nous sommes si longtemps pour la nomination de douze membres, pour examiner des papiers, quand nous n'avons pas trouvé étrange qu un seul homme les examinât avant nous ?
monte à la tribune : des membres s'en éloignent.
Un membre : Faites vider la tribune !
(de sa place). Je suis représentant. du peuple, j'ai fait partie de la Législative, je suis aujourd'hui membre de la Convention, j'ai des droits, je veux les exercer. (Applaudissements.) '
Et moi aussi !
demande la parole; (Rires et applaudissements ironiques.)
(La Convention nationale décrète qu'il sera nommé sur-le-champ, par la voix du sort, une commission de douze membres, choisis parmi les membres qui ne sont d'aucun cbmité et sur la totalité des députés de la Convention, dont les noms seront déposés dans une urne.)
fait à nouveau la proposition de choisir, lors du renouvellement ae. tous les comités, les divers membres qui les composent, par la voix du sort.
H est impossible de présenter une motion plus destructive dans l'intérêt public. Si vous votiez la proposition' de Chabot, il arriverait qu'un agriculteur pourrait f^tire partie du comité diplomatique, tandis qu'un publiciste serait désigné par le comité des secours publics.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de Chabot.)
Je demande que . toutes les pièces déposées par le ministre soient par lui cotées et paraphées.
Mettez le scellé sur toutes ces pièces en présence du ministre, il se trouvera au levé.
11 a été prouvé dans cette dernière Révolution que le scellé ne suffit pas malheureusement pour garantir des fraudes; je demande à la Convention de décréter que sur-le-champ les pièces déposées sur lé bureau par le ministre de l'intérieur seront numérotées et signées par le ministre et par deux secrétaires, en présence de quatre commissaires.
(La Convention décrète la proposition de Barère de Vieuz'ic.)
, secrétaire, fait lecture des lettres de Pache, ministre de la guerre, et du général Dumouriez, envoyées avec la capitulation proposée par de Clair fait, général autrichien, et avec l'état des approvisionnements d'armes et de vivres trouvés dans les magasins de Matines. Suit la teneur de ces pièces :
Le ministre de la guerre au président de la Convention nationale.
Paris, le er de la République.
« Je m'empresse, d'adresser à la Convention nationale copie d'une dépêche que je reçois à l'instant du général Dumouriez, ainsi que des pièces qui y étaient jointes.
« J'adresse de plus à la Convention nationale copie de la capitulation de Malines, qui m'a été transmise par le ministre des affaires- étrangères, de la part de ce général.
Signé : Pache. »
Copie de la lettre du général Dumouriez au ministre de la guerre.
Bruxelles, le er de la République.
« Je viens de recevoir un parlementaire de la
Iiart du duc de Saxe-Teschen, qui m'a apporté es propositions ci-jointes.
« J'y ai répondu de bouche qu'étant le général d'une République, j'étais assujetti à des ordres encore plus stricts que le général qui pouvait me faire des propositions de la part
d'une Cour ou d'un prince chargé d'un gouver? nement ; que je regrettais, ainsi que lés généraux autrichiens, la dévastation des campagnes et la souffrance des armées dans une saison aussi fâcheuse; mais que, malgré mes sentiments particuliers à cet égard, je ne pouvais qu'envoyer cette pièce au pouvoir exécutif de la République, et que je continuerais les opérations de la campagne.
« Je vous prie, citoyen ministre, de rendre compte à la Convention nationale de ma réponse verbale à cette proposition qui prouve que les Autrichiens se sentent bien faibles*. La prise des grands magasins de Malines complète la victoire ae Jemmapes, dont elle est le résultat. J'espère que bientôt celle d'Anvers achèvera de leur ôter toutes les ressources militaires pour une campagne prochaine. (Applaudissements.)
« Le. général en chef,
« Signé : Dumouriez.
Propositions faites parle duc de Saxe-Teschen aux généraux de la République.
« La saison trop avancée pour continuer la campagne, et les deux armées souffrant également pour ne pas désirer du repos; le Rassemblement d'ailleurs de ces armées ne servant qu'à ruiner le pays au détriment du cultivateur, il paraît qu'il serait de l'intérêt des deux armées opposées de convenir d'une suspension d'armes pour un temps limité, pendant laquelle les armées réciproques pourraient entrer en quartier de cantonnement et d'hiver. Cette suspension d'armes comprendrait également la province de Luxembourg et le corps de M. le prince de Hohenlohe.
« A cet effet, M. le major comte de Meerrelot, de l'approbation de S. A. R. Mgr. le duc Albert de Saxe-Teschen, est chargé de se rendre au quartier général de M. le général Dumouriez, à Bruxelles, et d'entamer avec lui une négociation en conséquence, d'après laquelle on conviendrait d'une Base pour les quartiers à prendre.
« A Louvain, le
« Signé : le prince de Saxe-Teschen, commandant l'armée autrichienne. » « Par ordre de Son Altesse Royale, « Signé : de clairfait, général. »
Copie de la capitulation accordée à la garnison de Malines.
« 1° La garnison, composée de 1,300 hommes environ d'infanterie des régiments dé François Kinski et de ligne, et en cavalerie, de deux pelotons de Saxe-Cobourg, et d'un peloton des hussards de Blanckeristein, et d'un corps de 70 hommes de l'artillerie, et généralement toutes les personnes du militaire au service de Sa Majesté Impériale, devront quitter demain 17 novembre fa ville de Malines, pour se rendre par la route de Louvain à l'armée du général Glairfait. Les troupes conserveront leurs armes et pièces de bataillon. Les officiers et soldats, ou familles militaires, pourront emporter leurs équipages. Le général français garantit leur retraite et celle d'un détachèment de 20 hommes environ venant d'Anvers.
« 2° L'arsenal, l'artillerie, les magasins de tout genre, munitions et vivres, et généralement tous les effets appartenant à Sa Majesté l'Empereur, seront livres aux troupes françaises, et l'inven-
taire sommaire en sera fidèlement remis au lieutenant - colonel Rarrois, par le baron de Braudenstein, lieutenant-colonel, et commandant l'arsenal de Malines.
« Les magistrats et citoyens de Malines seront responsables, si les effets sont détériorés ou égarés.
« Les portes de Bruxelles et d'Anvers seront livrées ce soir aux troupes françaises.
Les compagnies d'invalides, dont plusieurs invalides sont hors d'état d'être transportés, resteront à Malines, et le général en chef Dumouriez en ordonnera ce qu'il jugera convenable, de concert avec le général des troupes impériales.
« Quelques malades et blesses resteront à Malines, et sont recommandés aux soins des Français. Ces malades et blessés recevront, à l'époque de leur guérison, des passeports pour rejoindre leur corps.
« Le général français consent qu'on fournisse, et engagera les magistrats à faire fournir 36 chevaux de trait, un cheval de selle pour le transport des effets militaires de la garnison : il sera fourni, au même usage, un charriot attelé de 4 chevaux. »
« Fait à Malines, le
« Le général commandant l'avant-garde de l'armée commandée par le général Dumouriez.
« Signé : Henri steugel. « Signé : Girval, major et commandant la ville ae Malines.
« Pour copie conforme :
« Signé : Pache, ministre de la guerre. »
Etat des approvisionnements pris dans les magasins de Malines.
« 4 pièces de canon de 24, 3 pièces de 12, 9 pièces de 4, bonnes ; 11 mortiers mis hors de service devant Lille ; 68 canons de différents calibres, de 48, 36, 2ô, 18, etc., hors de service ; 200 ou environ petits canons pris sur les Belges; 15,000 fusils avec leurs baïonnettes, bons; 2,400 canons de fusils neufs ; 4,000 fusils à réparer ; 600 pistolets ; 300 mousquetons ; 300 carabines rayees ; 60,000 livres de plomb ; 1,300,000 livres de poudre, en baril de 200 livres, avec des chappes ; les barils sont en chêne, bien conditionnés ; 80,000 sacs d'avoine, contenant 16 rations du pays; 1,600,000 livres de foin; 2,000 bottes de paille ; 50,000 livres de charbon de terre ; 600 matelas ; 1,200 aunes de toile grise ; 1,000 sacs de seigle, ou de farine de seigle ; le sac pesant 150 livres ; 10,000 sacs vides..
« Un magasin très considérable de poudre, à 5 quarts de lieues de Malines, sur le chemin de Louvain, qu'on ne peut encore apprécier; une fonderie à canon, une machine à forer; un arsenal, un grand nombre d'affûts neufs, d'avant-trains, de caissons, d'autres voitures d'artillerie, et 600 roues neuves.
« Un magasin de plusieurs pièces, pleines de cartouches à fusil, à canon, et d'artifices de guerre ; 20 drapeaux pris sur les Belges.
«Le lieutenant-colonel adjudant général Pierre Thouvenot pense que l'on pourrait faire travailler la fonderie avec avantage, le cuivre ne valant à Malines que 22 sols de France.
« Il travaille à développer les moyens, je les adresserai très incessamment au ministre. »
« Signé : DUMOURIEZ. »
Je demande que le pouvoir exécutif se fasse rendre compte de quelle fabrique sont les 1,500 fusils réunis à Malines, et qu'elle renvoie au comité de la guerre la proposition faite par le lieutenant général Thouvenot, de fondre les canons qu'on y a trouvés.
(La Convention décrète la proposition d'Os-selin.)
(de Thionville). Je propose que les 20 drapeeux pris sur les Belges et qu'on a trouvés à Malines, leur soient rendus par un de nos généraux.
(La Convention décrète cette proposition.)
Je fais la motion que la Convention déclare qu'elle passe à l'ordre du jour sur les propositions d'Albert de Saxe. (On rit.) .
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du citoyen Faye, député de la Haute-Vienne, qui demande à la Convention nationale un congé de six semaines pour affaires urgentes.
(La Convention accorde le congé.)
, ministre de la justice, entre dans la salle et demande la parole.
Vous avez la parole.
, ministre de la justice. Un décret de la Convention (1) vient de m'appeler pour lui rendre compte du décret d'accusation rendu contre Lacoste.
Je dois dire que l'usage établi est que les décrets d'accusation soient remis dans mes bureaux, ils passent ensuite dans ceux du ministre de l'intérieur; de là ils sont envoyés aux corps administratifs.
En l'espèce, ce décret fut apporté au bureau de la justice le 9. Il y avait dans l'énoncé des erreurs de nom; je les ai fait réformer par le comité des décrets. Le 15 novembre, je le soumis à la signature de Roland, alors président du conseil exécutif. Ce décret a été envoyé à tous les ministres. Voilà le récépissé du ministre de l'intérieur; voilà celui du ministre de la marine; c'est tout ce qui concerne mon ministère. Je dépose ces récépissés sur le bureau.
Un décret rendu le 9, et qui n'est exécuté que le 15, prouve évidemment que l'ordre établi est peu convenable. Je demande que le ministre de l'intérieur, présent à cette heure à la séance, rende compte sur-le-champ de l'exécution du décret contre Lacoste.
, ministre de l'intérieur. Je reçois par jour 6 pu 700 lettres; les affaires sont étrangement multipliées et je ne crois pas qu'il y ait un homme qui puisse, dans cette situation, rendre compte de mémoire. Je m'expliquerai demain sur cette affaire devant la Convention.
Faut-il laisser aux coupables le temps de se sauver? c'est une prévarication dans les fonctions de ministre.
Un membre : La nation n'a pas enjoint au ministre de répondre, lorsque sa mémoire ne peut le servir.
Je demande à parler contre le ministre. (Murmures.) Plusieurs membres . L'ordre du jour!
Je demande en ce cas à parler sur l'inviolabilité des ministres.
Il faut enfin exercer la responsabilité.
Au moins le ci-devant roi exécutait les décrets d'accusation.
Je demande que l'Assemblée décrète que les ministres sont infaillibles.
Je reconnais bien là l'infâme, tactique par laquelle une poignée d'hommes opprimait jadis le ci-devant club des Jacobins.
A l'ordre! je demande que Louvet soit rappelé à l'ordre.
(La Convention décrète que le ministre de l'intérieur rendra compte le lendemain de l'exécution du décret d'accusation porté contre Lacoste.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui transmet à la Convention les marchés passés avec Maréchal, d'Espagnac et Richer frères.
(La Convention renvoie ces pièces à la commission nommée pour cet effet.)
(On procède au tirage au sort pour le choix des quatre commissaires qui doivent assister au numérotage et à la signature des pièces apportées par le ministre de l'intérieur).
(La séance est levée à cinq heures du soir.)
(Les commissaires, les deux secrétaires Carra et Defermon, et le ministre de Vintérieur ne désem-mrent pas la séance jusqu'à ce que les pièces aient Hé signées et numérotées, au nombre de 625, à une heure après minuit).
Séance du
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du président du comité de la trésorerie nationale, qui adresse à l'Assemblée l'état des recettes et dépenses faites à la trésorerie nationale pendant les quinze premiers jours dumois courant.
(La Convention en ordonne le renvoi au comité des finances.)
2° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée l'état des ecclésiastiques insermentés qui se sont soumis à la déportation dans le district de Saint-Junien département de la Haute-Vienne.
(La Convention en ordonne le renvoi au comité de sûreté générale.)
3° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui adresse à l'Assemblée un mémoire sur la nature des services d'un des bureaux dépendant de son département.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité des finances.)
4° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, qui envoie à l'Assemblée 3 liasses de mémoires, accompagnés d'arrêtés du directoire du département de la Meurthe.
(La Convention en ordonne le renvoi au comité des domaines.)
5° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative au directoire du département des Pyrénées-Orientales, qui demande à être autorisé, par un décret de la Convention, à imposer en 1793 une somme de 22,000 livres pour faire face à la perte qu'il a essuyée sur des achats de grains.
(La'Convention en ordonne le renvoi à ses comités des finances et des secours publics réunis).
6° Lettre de Roland, ministre de Vintérieur, relative à la prohibition provisoire de la sortie des bestiaux pour l'Espagne, proclamée par les commissaires de la Convention à l'armée des Pyrénées.
(La Convention en ordonne le renvoi à ses comités diplomatique et de commerce réunis.)
7° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, relative à la question de savoir si les légumes et racines sont compris dans la prohibition des subsistances à la sortie.
(La Convention en ordonne le renvoi à ses comités de commerce et d'agriculture réunis.)
8° Lettre de Pache, ministre de la guerre, relative à lamanière dont doivent s'effectuer les paiements à faire par la trésorerie pour les dépenses de la guerre.
(La Convention en ordonne le renvoi à ses comités de la guerre et des finances réunis.)
9° Lettre de Monge, ministre de la marine, relative à la loi du 12 février dernier, qui accorde aux ouvriers domiciliés dans les ports depuis plus de 40 ans un secours de 3 livres par mois pour chaque enfant au-dessous de 8 ans.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de marine.)
10° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui adresse à l'Assemblée un mémoire relatif à la répartition qui doit être faite, dans le département du Pas-de-Calais, des sommes dues en remplacement des droits supprimés en 1790.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité des finances.)
11° Lettre du général Custine, relative aux biens que le nommé Ermstadz, né en Souabe, possède en France.
(La Convention en ordonne le renvoi à ses comités de correspondanceetd'aliénation réunis.)
12° Pétition du citoyen Pierre-Nicolas Aumon, relative à l'adjudication, des domaines dépendant ci-devant de la cure de Saint-Maurice-Ie-Girard.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité des pétitions.)
13° [Pétition du citoyen Blanc, député suppléant à la Convention nationale et électeur suppléant de la ville de Trévoux, relative au refus qu'a fait l'assemblée électorale du département de l'Ain de l'admettre pour remplacer un électeur, membre actuel de la Convention.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de législation.)
14° Pétition de la citoyenne M air esse, qui réclame une exception pour elle et sa fille, âgée de 15 ans, dans la loi concernant les émigrés.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de législation.)
15° Lettre du directoire du département des Pyrénées-Orientales, qui adresse à la Convention une pétition des administrateurs de l'hôpital Saint-Jean, de Perpignan.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité d'aliénation.)
16° Pétition du citoyen Vincent, relative au lot qui lui est échu dans le partage des biens communaux du village de Gnatou.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de législation.)v
17° Lettre du citoyen Evrard, le fils, qui dénonce certains faits, et propose des mesures relatives aux fournisseurs des armées de la République.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de correspondance.)
18° Lettre du citoyen Sarot, qui envoie à la Convention un exemplaire de son adresse aux 48 sections de Paris, sur le mode d'élire le maire et les officiers municipaux.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité de Constitution.)
19° Lettre de Joseph Belinam, qui réclame le prix de certains objets et une pension.
(La Convention en ordonne le renvoi à son comité des pétitions.)
20° Lettre du citoyen Dumousseaux, au nom de rassemblée générale de la section, des Lombards, qui envoie à l'Assemblée une lettre du citoyen La-valette, premier lieutenant-colonel du bataillon des Lombards, contenant le récit des traits de courage et de dévouement que les citoyens Collier, cnirugien-major, et Carré, adjudant de ce bataillon, ont déployés pour aller chercher au fond d'un puits le citoyen-soldat Brossard, qu'ils en ont en effet retiré, mais gravement blessé et mourant.
(La Convention décrète qu'il sera fait mention honorable dans son procès-verbal du courage et de la générosité des citoyens Collier et Carré.)
21° Lettre de Thomas Paine, député du Pas-de-Calais, qui adresse au Président de la Convention, avec prière de lui en donner connaissance, son opinion sur le jugement de Louis XVI ; cette lettre est ainsi conçue :
Lettre de Thomas Paine, au président de la Convention nationale.
« Citoyen Président (1)
« Comme je ne sais pas précisément quel jour la Convention nationale reprendra la discussion sur le procès de Louis XVI, et que, faute de pouvoir m énoncer en français, je ne saurais parler à la tribune, je demande la permission de déposer entre vos mains le papier ci-inclus, qui renferme mon opinion sur ce sujet. Je fais cette démarche avec d'autant plus d'empressement, que les circonstances prouveront à quel point il importe à la France que Louis XVI continue de iouir d'une bonne santé. Je serais charmé que la Convention voulût bien entendre ce matin la lecture de cet écrit, attendu que je me propose d'en envoyer une copie à Londres, pour le faire imprimer dans les journaux anglais.
« Signé : Thomas Paine. »
, secrétaire, fait cette lecture :
opinion de thomas paine Concernant le jugement de Louis XVI.
Je pense qu'il faut faire le procès à Louis XVI, non que cet avis me soit suggéré par un esprit de vengeance, car rien n'est plus éloigné de mon caractère; mais parce que cette mesure me semble juste, légitime et conforme à la saine politique. Si Louis est innocent, mettons-le à portée de prouver son innocence ; s'il est coupable, que la volonté nationale détermine si l'on doit lui faire grâce, ou le punir.
Mais, outre les motifs personnels à Louis XVI, il en est d'autres qui nécessitent son jugement. Je vais développer ces motifs dans le langage qui me paraît leur convenir, et non autrement. Je m'interdis l'usage des expressions équivoques ou de pure cérémonie.
II s'est formé, entre les brigands couronnés de l'Europe, une conspiration, qui menaçait non seulement la liberté française, mais encore celle de toutes les nations. Tout porte à croire que Louis XVI fait partie de cette horde de conspirateurs. Vous avez cet homme en votre pouvoir, et c'est, jusqu'à présent, le seul de sa bande dont on se soit assuré. Je considère Louis XVI sous le même point de vue que les deux premiers voleurs arrêtés dans l'affaire du garde-meuble; leur procès vous a fait découvrir la troupe à laquelle ils appartenaient.
Nous avons vu les malheureux soldats de l'Autriche, de la Prusse,, et des autres puissances qui se sont déclarées nos ennemies, arrachés de leurs foyers, et traînés au carnage, ainsi que de vils animaux, pour soutenir, au prix de leur sang, la cause commune de ces brigands couronnés. On a surchargé d'impôts les habitants de ces régions, pour subvenir aux frais de la guerre. Tout cela n'est pas uniquement fait en vue de Louis XVI. Quelques-uns des conspirateurs ont agi à découvert; mais on a sujet de présumer que la conspiration est composée de deux classes de brigands, ceux qui ont mis des armées en campagne, et ceux qui ont prêté à leur cause de secrets encouragements et des secours clandestins. Or, il est indispensable de faire connaître tous ces complices a la France et à l'univers entier.
Peu de temps après que la Convention nationale se fut constituée, le ministre des affaires étrangères lui présenta le tableau de tous les gouvernements, de l'Europe, tant de ceux dont les hostilités étaient publiques, que de ceux qui agissaient avec une circonspection mystérieuse. Ce tableau donnait matière à de justes soupçons sur le parti que les derniers étaient disposés à prendre; et, depuis cette époque, diverses circonstances sont venues confirmer ces soupçons.
On a déjà pénétré quelque chose de la conduite de M. Guelphe, électeur de Hanovre, et de violentes présomptions inculpent le même homme, sa Cour et ses ministres, en sa qualité de roi d'Angleterre. La réception amicale dont cette Cour a constamment favorisé M. de Calonne; l'arrivée de M. Smith, secrétaire de M. Pitt, à Goblentz, lorsque les émigrés s'y rassemblaient; le rappel de rambassadeur d'Angleterre; l'extravagante joie que témoigna la Cour de Saint- -James, à la fausse nouvelle de la défaite de Dumouriez, lorsqu'elle lui fut communiquée par
le lord Elgin, alors ministre de la Grande-Bretagne à Bruxelles, toutes ces circonstances la rendent infiniment suspecte.Le procès de Louis XVI fournira probablement des preuves plus décisives.
La crainte depuis longtemps subsistante de voir éclater une révolution en Angleterre, aseule, je crois, empêché cette Cour de mettre dans ses opérations autant de publicité que l'Autriche et la Prusse. Une autre raison a pu s'y joindre. Le décroissement nécessaire du crédit à l'aide duquel tous lès anciens gouvernements pouvaient se procurer de nouveaux emprunts, à mesure que les révolutions acquéraient une plus grande probabilité. Quiconque place dans les nouveaux emprunts de ces gouvernements, doit s'attendre à la perte de ses fonds.
Tout le monde sait que le landgrave de Hesse ne combat qu'autant qu'on le paye. Il a été pendant plusieurs années à la solde de la Cour de Londres. Si le procès de Louis XVI faisait découvrir que cet exécrable trafiquant de chair humaine a été payé sur le /produit des taxes imposées au peuple anglais, ce serait une justice envers ce peuple que de l'instruire de ce fait. On donnerait en même temps à la France une connaissance exacte du caractère de cette Cour, qui n'a cessé d'être la plus intrigante de l'Europe, depuis sa liaison avec l'Allemagne.
Louis XVI, considéré comme individu, n'est pas digne de l'attention de la République; mais envisagé comme faisant partie de cette bande de conspirateurs, comme un accusé, dont le procès peut conduire toutes les nations du monde à connaître et à détester le système désastreux de la monarchie, les complots et les intrigues de leurs propres cours, il convient que son procès lui soit fait.
Si les crimes dont Louis XVI est prévenu, lui étaientabsolument personnels, sans relation avec des conspirations générales, et bornés aux affaires de la France, on aurait pu alléguer en sa faveur, avec quelque apparence de raison, le motif de l'inviolabilité, cette folie du moment; mais il est prévenu, non seulement de trahisons envers la France, mais d'avoir conspiré contre l'Europe : et si la France veut être juste envers toute l'Europe, elle doit user de tous les moyens qu'elle a en son pouvoir pour découvrir toute létendue de cette conspiration.
La France est maintenant une République. Elle a terminé sa;Révolution; mais elle n en peut recueillir tous les avantages aussi longtemps qu'elle est environnée de gouvernements despotiques. Leurs armées et leur marine l'obligent d'entretenir aussi des troupes et des vaisseaux. Il est donc de son intérêt immédiat que toutes les nations soient aussi libres qu'elle-même, que les révolutions soient universelles; et puisque le procès de Louis XVI peut servir à prouver au monde la scélératesse des gouvernements en général, et la nécessité des révolutions, elle ne doit pas laisser échapper une occasion aussi précieuse.
Les despotes européens ont formé des alliances pour maintenir leur autorité respective, et perpétuer l'oppression des peuples. C'est le but qu'ils se sont proposé en faisant une invasion sur le territoire français. Ils craignaient l'effet de la Révolution de France au sein de leur propre pays; et dans l'espoir de l'empêcher, ils sont venus essayer d'anéantir cette Révolution, avant qu'elle eût atteint sa parfaite maturité. Leur tentative n'a pas eu de succès. La France
a vaincu leurs armées; mais il lui reste à sonder les détails de la conspiration; à découvrir, à placer sous les yeux de l'univers les despotes qui ont eu l'infamie d'y prendre part; et l'univers attend d'elle cet acte de justice.
Tels sont mes motifs pour demander que Louis XVI soit jugé, et c'est sous ce seul point de vue que son procès me parait d'une assez grande importance pour fixer l'attention de la République.
A l'égard de l'inviolabilité, je voudrais que l'on ne fit aucune mention de ce mot. Si, ne voyant plus dans Louis XVI qu'un homme d'un esprit faible et borné, mal élevé comme tous ses pareils, sujet, dit-on, à de fréquents excès d'ivrognerie, et que l'Assemblée constituante rétablit imprudemment sur un trône pour lequel il n'était pas fait, on lui témoigne par la suite quelque compassion, cette compassion doit être 1 effet de la magnanimité nationale, et non le résultat de la burlesque idée d'une inviolabilité prétendue.
(La Convention en ordonne l'impression.)
, au nom du comité de la guerre, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (2) relatif à une pétition faite par le citoyen Lièvre, pour la levée d'une compagnie de gendarmerie à cheval ; il s'exprime ainsi :
Le citoyen Lièvre fit une pétition le 6 septembre 1792, par laquelle il exposait que les 5 et 9 octobre 1789 il avait, lui et ses camarades, sauvé le trésor de la ville de Paris, et demandait pour récompense à être autorisé à lever une compagnie de gendarmerie à cheval, chargée de veiller aux approvisionnements des subsistances de Paris. L Assemblée nationale accueillit favorablement cette pétition; et par décret du même jour, la renvoya au pouvoir exécutif, avec recommandation du pétitionnaire et de son fils, ainsi que de tous ceux qui avaient concouru à sauver le trésor de la ville de Paris. Le ministre Servan, sur la représentation de ce décret, approuva la levée de ce corps. Ce ministre, en vertu de la loi du 4 septembre 1792, portant que le ministre de la guerre sera autorisé à faire pour la levée des différents corps, telles avances successives qu'il jugera nécessaires, fit délivrer, à titre d'avance, au citoyen Lièvre, une somme de 55,462 livres, pour servir à l'équipement de cette compagnie.
Par une copie eu forme, communiquée à la Convention nationale le 28 du
mois d'octobre dernier, il est constaté que cette compagnie avait été
passée en revue le 3 du même mois, par le commissaire général du pouvoir
exécutif. Le ministre Servan quitta le ministère sans avoir le temps de
rendre compte de cette affaire à la Convention ; le conseil exécutif
nous l'a renvoyée, tant pour prononcer sur l'approbation donnée par le
ministre Servan, à la levée d'une compagnie de 113 hommes, conformément
au décret du 6 septembre dernier, rendu sur la pétition du citoyen
Lièvre, que sur les propositions par lui faites au ministre, pour
l'augmentation de ce corps. Votre comité militaire n'a pas cru devoir
s'arrêter aux nouvelles demandes au citoyen Lièvre, tendant à obtenir
l'augmentation d une deuxième compagnie.
Pour la résoudre, cette question, il n'y a qu'à se rappeler que le ministre Servan était autorisé, en vertu du décret du 6 septembre dernier, a approuver la levée de cette compagnie.
Il n'y a qu'à se rappeler que c'est à titre de récompense que le citoyen Lièvre a obtenu, pour lui et ses camarades, la formation de cette compagnie de gendarmerie.
II n'y a qu'à se reporter aux circonstances de sa création, et ne point perdre de vue qu'à cette époque un cri général se faisait entendre dans toutes les parties de la République, pour trouver des défenseurs à la patrie.
Ce corps existe ; il est équipé ; il est habillé ; son utilité est reconnue par le ministre ; il n'attend, pour se rendre à une destination quelconque, qu'un décret, qui, en confirmant l'approbation du ministre, lui donne une existence légale. Le ministre n'a pas eu le temps de vous faire cette demande, avant de quitter le ministère : le conseil exécutif vous la fait aujourd'hui, cette demande ; et votre comité militaire a cru devoir, en conséquence, vous proposer le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La Convention nationale confirme
l'approbation donnée par le ministre Servan, à la levée d'une compagnie
de gendarmerie, destinée aux approvisionnements des subsistances de la
ville de Paris, ou à toute autre destination que le conseil exécutif
pourra juger convenable.
« Art. 2. La composition de cette compagnie sera tout conforme à celle des autres compagnies de gendarmerie, réglée par la loi du 28 août 1791.
« Art. 3. Le mode de retenue pour les avances faites au citoyen Lièvre, pour servir à l'équipement de ladite compagnie, sera opéré sur les individus, de la même manière que sur les corps dont le traitement est le même.
« Art. 4.11 sera tenu compte aux individus, officiers, sous-officiers de cette compagnie, de leur traitement et solde, depuis le 3 octobre dernier, jour où ladite compagnie a été passée-en revue, par le commissaire général du pouvoir exécutif, et dont copie conforme a été communiquée à la Convention, le 28 du même mois.
« Art. 5. La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre la somme de 114,300 livres pour le traitement de ce corps, pendant une année complète; et de plus, jusqu'à la concurrence de 55,9921.10 s., pour son équipement et habillement, suivant l'aperçu fourni par le ministre de la guerre, lequel demeure annexé au présent décret, sur lesquelles sommes le ministre de la guerre retiendra celles qu'il peut déjà avoir avancées.
Art. 6. Le ministre de la guerre rendra compte des sommes avancées au citoyen Lièvre, pour l'équipement et l'habillement de cette compagnie.
Tableau de la dépense de Véquipement et habillement d'une compagnie ae gendarmerie ;
Savoir :
(Habillement et équipement par homme.)
Habit à raison de. 1111.10s.
Pour chapeau — 32 »
Baudrier et sabre. 23 »
Rottes.............32 »
Selle, housse,chaperon, mords et
bridon................147 »
Ci, par homme. 3451.10 s.
Et pour 113 hommes. ...............39,0411.10 s
Pour manteaux et porte-man-teaux, à raison de 150 livres pour chaque homme, ci pour
113 hommes............................16,950 »
Total........ 55,9911.10s.
Etat de la dépense annuelle d'une compagnie de gendarmerie à cheval de 113 hommes, suivant la loi du 28 août 1791 ;
Savoir :
1 Capitaine............. 2,600 liv.
3 Lieutenants, à raison de
1,800 liv. chacun...... 5,400 »
4 Maréchaux des logis à
1,100 liv. chacun...... 4,400 »
Chaque maréchal des logis doit commander neuf hommes, suivant l'article5 de ladite loi.
12 Brigadiers, chacunàrai-
son de 1,000 livres...... 12,000 »
92 Gendarmes, à raison de
900 livres.............. 89,000 »
1 Trompette............ 900 »
Total, 113 hommes.. 114,300 liv.
(La Convention ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et en ajourne la discussion au lendemain.)
Un membre demande que le décret qui renvoie au ministre de la guerre la pétition du citoyen Lièvre soit imprimé à la suite de ce projet de décret.
(La Convention décrète cette motion.)
J'apprends à l'instant par une lettre de Tapino Lebrun, mon élève, que deux sculpteurs français ont été arrêtés, par ordre de l'Inquisition et enfermés au château Saint-Ange, parce que l'on avait trouvé chez l'un d'eux un groupe représentant la Liberté appuyée sur le Génie de la France. C'est le seul motif de leur arrestation, et l'on craint pour eux un autodafé. Je demande que le comité diplomatique s'occupe de suite de cette affaire et nous fasse incessamment un rapport à ce sujet. Voici d'ailleurs cette lettre :
Florence, le er année de la République.
Citoyen,
Je viens offrir à votre zèle l'occasion d'être encore utile à la patrie, en la faisant respecter
au dehors, et en sauvant des flammes inquisi-torales deux patriotes, français.
« Les citoyens Rater et Chinard, rentrant chez eux dans la nuit du 22 âu 23 septembre, furent assaillis par des sbires, qui les garottèrent et les conduisirent dans les prisons du gouvernement. Peu de jours après, on fit enlever plusieurs modèles de Chinard, ainsi qu'un chapeau orné d'une cocarde nationale, mais qu'il ne portait que chez lui. Les groupes saisis sont : la Liberté couronnant le Génie de la France; Jupiter foudroyant l'Aristocratie, et la Religion assise, soutenant le Génie de la France, dont les pieds posent sur des nuages, et dont la tête, ornée de rayons, indique qu'il est la lumière du monde. "Eh bien, les abbatti du gouvernement ont répandu dans le public que Chinard avait outragé la religion, qu'elle était foulée aux pieds, etc., etc. On a transféré les deux prisonniers au château Saint-Ange, et là, croupissant dans la malpropreté, l'Inquisition instruit leur procès.
« On ne parle plus que ae Chinard, et le bruit court que Rater est mort... Ils ont servi l'un et l'autre dans la garde nationale de Lyon ; Chinard était capitaine. Ils devaient partir, au premier moment, pour reprendre leur poste ; c'est sûrement là leur plus grand tort aux yeux de leurs bourreaux.
« M. Chaset, ami des deux détenus, reçut ordre de se trouver à l'Inquisition, le 16 octobre; il y fut menacé de la galère, s'il ne déposait comme les autres témoins qui chargeaient Chinard ; il eut cette faiblesse, et il ne peut sortir de Rome pour réclamer.
« On ne lui demanda rien sur Rater.
« Vous savez que depuis longtemps les Français sont outragés ici; plusieurs renvoyés ignominieusement, d'autres emprisonnés, etc. Ce sont des faits qui viennent à l'appui du dernier. Les bruits que l'on commencent à faire courir sur Chinara, pour préparer l'opinion publique à l'idée d'un autodafé, demandent la plus grande célérité dans les réclamations nationales. Vous saurez mieux que moi ce qu'il faut faire.
« J'écris, par le même courrièr, au président; je demande un rapport du ministre sur cette affaire, il doit en être instruit,.. Ah! si nous avions à Rome un ministre comme en Toscane, l'activité de son patriotisme aurait évité bien des angoisses à des patriotes !
« Il vous paraîtra étonnant de n'avoir reçu aucune autre lettre sur cette affaire ; mais, surveillé par les tyrans, on n'ose écrire de Rome, et je n'en ai précipité mon départ que pour faire des réclamations, au nom de tous les patriotes que j'ai laissés gémissant sur le sort de leurs frères.
« Signé : Topino Lebrun. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité diplomatique, pour en faire le rapport incessamment.)
Citoyens, vous avez rendu une loi contre Tes lâches qui ont fui leur patrie dans le moment du danger ; contre les conspirateurs qui se sont armés pour la détruire.
Vous avez généralisé cette loi autant qu'il a été possible, afin que des exceptions multipliées ne la rendissent pas illusoire, et qu'une foule de coupables n'échappât à sa sévérité.
Mais la circonstance que j'ai à vous exposer est réellement particulière; je crois qu'elle est la seule de ce genre.
Ma fille, âgée de 15 ans, est passée en Angle-
terre au mois d'octobre 1791, avec la citoyenne Brulart-Sillery, son institutrice, et deux de ses compagnes d'étude, élevées avec elle depuis leur enfance par la citoyenne Brulart-Sillery, dont l'une est la citoyenne Henriette Sercey, sa nièce, orpheline ; et l'autre, la citoyenne Pa-mela Seymour, naturalisée Française depuis plusieurs années.
La citoyenne Brulart-Sillery a fait l'éducation de tous mes enfants, et la manière dont ils se conduisent prouve qu'elle les a formés de bonne heure à la liberté et aux vertus républicaines.
La langue anglaise est entrée dans l'éducation qu'elle a donnée à ma fille; et un des motifs de ce voyage a été de la fortifier dans l'étude, et surtout dans la prononciation de cette langue.
Un autre motif a été la santé faible de cet enfant, qui avait besoin de dissipation et de prendre des eaux qui lui étaient indiquées comme très salutaires.
Un autre motif enfin, et ce n'était pas le moins puissant, a été de la soustraire a l'influence des principes d'une femme, très estimable sans doute, mais dont les opinions sur les affaires présentes n'ont pas kété toujours conformes aux miennes.
Lorsque des raisons aussi puissantes retenaient ma fille en Angleterre, ses frères étaient dans les armées ; je n'ai cessé d'être avec eux ou au milieu de vous, et je puis dire que moi, que mes enfants ne sont pas les citoyens qui auraient couru le moins de dangers, si la cause de la liberté n'eût pas triomphé.
Il est impossible, il est absurde sous tous les rapports, d'envisager le voyage de ma fille comme une émigration ; il est impossible, il est absurde de lui supposer l'intention la plus légère, même la pensée d'émigrer.
Je sens bien que la loi se trouve ici sans aucune application, mais le plus léger doute suffit pour tourmenter un père; je vous prie donc, citoyens, de calmer mes inquiétudes.
Si par impossible, je ne puis le croire, mais si enfin vous frappiez de la rigueur de la loi ma fille, quelque cruel que fût ce décret pour moi, les sentiments de la nature n'étoufferaient point les devoirs du citoyen ; et en l'éloignant de sa patrie pour obéir à la loi, je prouverais de nouveau tout le prix que j'attache à ce titre, que je préfère à tout.
(La Convention renvoie cette motion à son comité de législation pour en faire l'objet d'un rapport dans sa séance du 22).
, secrétaire, donne lecture dune lettre du citoyen Laharpe, commandant pour la République la ville et le château de Bitche, qui adresse à l'Assemblée deux lettres qu'il a reçues de la régence du prince de Nassau-Sarrebruck, et sa réponse à la première lettre.
Suit la teneur de ces pièces :
«
« Citoyen président,
« J'ai l'honneur de vous faire passer deux lettres que j'ai reçues de la régence du prince de Nassau-Sarrebruck, et ma réponse à la première lettre, ayant répondu verbalement à la seconde
« Je crois de mon devoir de les envoyer à la Convention, la priant de me donner des ordres sur la conduite que je dois tenir dans cette circonstance, où tous les pays qui nous avoisinent sont dans la plus grande fermentation.
« J'ajouterais que de toutes parts les habitants des villages de Hanau, Deux-Ponts et Nassau, viennent réclamer assistance des volontaires, pour leur aider à secouer le joug et planter l'arbre de la Liberté.
« Je n'ai pas voulu y coopérer sans ordres : il est cependant planté dans beaucoup d'endroits.
« Signé : La Harpe. »
Lettre des président, conseillers privés et du conseil de régence de S. A. S. le prince de Nassau, duc de Dilling, à M. de Laharpe, 13 novembre.
« M. le commandant, les troubles survenus dans le grand bailliage de rïarskerck, nous forcent de charger M. de Berthel, cavalier de la Cour du prince notre maître, d'avoir l'honneur de se rendre auprès de vous et de vous faire connaître plus particulièrement nos désirs déjà marqués dans notre lettre du 9 courant, relativement à cette circonstance fâcheuse.
« Daignez, Monsieur le commandant, l'écouter favorablement, et vous convaincre de la reconnaissance la plus vive de l'assistance que vous voudrez nous accorder pour le maintien de la tranquillité publique.
(Suivent les signatures.)
(Vautre lettre contient les mêmes phrases en termes différents.)
(La Convention renvoie ces pièces au comité diplomatique.)
Le même secrétaire donne lecture dune lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui rend compte de la conduite du citoyen Desporles, chargé d'affaires de la République française dans le duché des Deux-Ponts, et qui adresse, en conséquence à l'Assemblée, l'extrait des dernières dépêches qu'il a reçues sur les mouvements révolutionnaires de ce duché ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris,
« Citoyen président,
« Une lettre particulière ayant inculpé le citoyen Desportes, chargé d'affaires de la République dans le duché des Deux-Ponts, la Convention a décrété que je lui rendrais compte de sa conduite politique : je vous envoie, en conséquence, l'extrait des dernières dépêches que j'ai reçues sur les mouvements révolutionnaires de ce duché.
« Dans l'une de ces dépêches, ce citoyen m'annonce qu'ayant donné sa sauvegarde aux commissaires et aux 300 hommes du duc, il a prévenu en secret le commandant de Wissembourg contre son effet, lui enjoignant d'accorder aide et protection à tous ceux qui réclameraient les Droits de l'homme.
« Il me paraît donc constaté que le citoyen Desportes ne s'est pas rendu coupable de la démarche dont on l'accuse ; mais on peut lui reprocher le tort de ne pas se renfermer dans le cercle de ses fonctions, et de s'abandonner trop légèrement au désir de paraître utile.
« Signé : Lebrun. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité diplomatique.)
J'ai reçu la mission d'offrir, au nom du citoyen Joseph Foclatien et de sa famille, vingt fusils de munition armés de baïonnettes, sous la seule réserve que ces armes
seront, après la guerre, réversibles à la com, mune de Bains, département des Vosges, et lu1 appartiendront. Je réclame la mention honorable et l'insertion au procès-verbal.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal,dontun extrait sera remis au donateur.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui envoie à la Convention l'extrait des registres des conseils de Genève, contenant des décrets relatifs à l'évasion du général Montesquiou.
Suit la teneur de ces pièces :
Paris,
« Citoyen président,
« Je vous envoie, pour être communiqué à la Convention, l'extrait des registres du magnifique conseil de Genève, qui contient plusieurs détails relatifs^ l'évasion au général Montesquiou.
« Je profite de l'occasion pour vous prier de provoquer l'attention de la Convention nationale sur l'affaire de Genève, et en accélérer la discussion.
Signé : lebrun.
Extrait des registres du magnifique conseil de la ville et république de Genève, 14 novembre.
« M. de Châteauneuf, résident de France, étant venu à l'hôtel de ville, a dit à Messieurs les syndics, qu'il venait les requérir, au nom du peuple français, de faire rechercher et arrêter le général Montesquiou, qui était dans cette ville ; en conséquence, M. le syndic Micheli fit fermer sur-le-champ les trois portes de la ville et celle du lac; puis, ayant reçu de M. le résident une désignation de la figure et de l'habillement de M. de Montesquiou, il l'envoya aux quatre portes, avec l'ordre, par écrit, d'arrêter la personne désignée, si elle s'y présentait.
«De l'information faite sur-le-champ, on apprit et vérifia les détails suivants :
« M. Montesquiou, arrivé à Genève à cheval, suivi d'un domestique, un peu avant dix heures, se rendit chez un particulier de cette ville, avec lequel il avait quelques relations : il le pria de lui aider dans le projet qu'il avait formé de traverser le lac pour se rendre à Coppet.
« Quelque léger que soit ce service, lui dit-il, je me serais abstenu de vous le demander, s'il pouvait vous compromettre le moins du monde; mais je dois commencer par vous déclarer que, bien que j'aie lieu de prévoir une destitution très prochaine et des ordres rigoureux contre ma personne, je n'ai encore que des soupçons ; ainsi je suis encore et je dois être pour vous le général Montesquiou.
« Le particulier auquel M. Montesquiou s'adressa, le pressa de se confier en la bonté de sa cause et en la justice de la Convention, dont il avait toujours paru pénétré. M. Montesquiou parut craindre des ennemis trop puissants, et partit après avoir emprunté de ce particulier quelques louis, dont, disait-il, il avait d'àutant plus besoin, qu'il avait laissé dans son bureau au quartier général, une centaine de louis en espèces et environ six mille livres en assignats.
« Dès lors, MM. les syndics ont fait cesser toutes poursuites ultérieures. »
A Chambéry, le magistrat ft fait arrêter une valise qui renferme des
papiers appartenant à Montesquiou. Je demande qu on fasse venir cette valise à Paris et qu'elle soit remise au comité chargé de rédiger le décret d'accusation contre lui.
(La Convention renvoie ces pièces, ainsi que la valise saisie à Chambéry, au comité des décrets, chargé de la rédaction de l'acte d'accusation.)
, au nom du comité diplomatique, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur la négociation entre Genève et la République de France et sur la transaction du 2 novembre 1792 ; il s'exprime ainsi :
Vous avez renvoyé à votre comité diplomatique l'examen des négociations qui ont lieu entre le générai Montesquiou et la République de Genève (2), et de l'espèce de transaction qui en est résultée le 22 octobre, modifiée depuis par un autre acte du 2 novembre (3).
Nous ne vous rappellerons ici ni l'origine de cette contestation, ni les motifs sur lesquels on la fondait. Votre comité les a suffisamment développés dans le premier rapport du 16 octobre (4). Il a prouvé démonstrativement que, d'après le traité de 1579, réservé par celui de 1584, maintenu par celui de 1782, les Genevois n'avaient pu requérir, sans le consentement de la France, l'introduction dans leurs murs de 1,600 hommes de troupes de Zurich et deRerne.
Nous n'avons maintenant à vous entretenir que de la négociation, de ses progrès, de son résultat. Nous le dirons avec franchise : en suivant pas à pas cette négociation, en suivant la conduite de la France et des magistrats de Genève, on verra d'un côté la loyauté et la magnanimité d'un peuple libre, et de l'autre la politique tortueuse d'astucieux machiavélistes.
Les magistrats de Genève accordent faveur et protection aux émigrés, la France se tait; les magistrats se font comprendre dans la neutralité d'Arau, qui n'était qu'une accession mal déguisée à la coalition couronnée; la France se tait encore. Ses armées entrent en. Savoie; les magistrats de Genève appellent les Suisses dans son sein. Ils croyaient alors aux conquêtes des Prussiens ; les Prussiens sont repoussés, les magistrats géne-vois demandent à négocier. La République française se borne à demander l'évacuation des troupes suisses.
On chicane, on cite les traités ; mais ces traités condamnent Genève; les
magistrats consentent à l'évacuation, mais ils demandent que les troupes
françaises n'entrent point dans leurs murs; le général le promet; on ne
se contente pas de sa promesse, on veut une ratification du conseil
exécutif; il la donne : on désire un décret de la Convention, elle le
rend. Il semble que toutes les difficultés sont applanies, que les
Suisses vont évacuer : point du tout. On imagine de nouveaux prétextes,
on feint d'avoir besoin du concours des cantons de Ëerne et de Zurich et
des représentants du Corps helvétique. On demande ces concours à ces
derniers, et ils répondent que les troupes ont marché à la réquisition
des Genevois, qu elles sortiront à leur première réquisition. On insiste
encore. On demande à ces
Toutes ces manœuvres ne servant pas encore assez rapidement le désir des aristocrates genevois, ils ont employé un moyen plus puissant. Le caractère, les habitudes de corruption et les principes du général Montesquiou leur étaient connus; ils le savaient aussi éloigné des formes austères et de l'énergie des têtes républicaines qu'ami de la morale relâchée du modérantisme et de l'aristocratie. Montesquiou, qui a signé tant de marchés frauduleux, usuraires ; Montesquiou, qui parait n'avoir vu dans la Révolution qu'une spéculation, qu'un nouveau genre d'agiotage; Montesquiou voulait vous tromper, pour sauver l'aristocratie genevoise et consoler 1 aristocratie française. Sa ftiite vous a donné la mesure de son patriotisme comme de sa conscience.
C'est à l'influence de l'aristocratie genevoise sur le général que vous devez ce traité du 22 octobre, évidemment dicté par elle, et qui remplissait parfaitement son but : quel était ce but? Pour vous l'expliquer, il faut vous rappeler l'état des esprits à Genève. Trois partis les divisent : les aristocrates héréditaires, qui formèrent en 1782 la masse du parti négatif; les citoyens et bourgeois, qui composèrent à cette époque le parti représentant ; et les natifs et autres sujets qui n'ont point de part à la loi, laquelle est faite en apparence, en conseil général, par les deux premières classes, et dans la réalité par le grand et le petit conseil.
Il est très vrai que la Révolution française a réuni les deux premiers partis; mais s'il y a eu concert entre les négatifs et les représentants, c'est que chacun de ces deux partis voulait défendre contre les égaliseurs son aristocratie respective.
C'est pour enchaîner ces égaliseurs, natifs, patriotes ou sans-culottes, qu'on avait appelé les Suisses dans Genève : on craignait que l'approche des troupes françaises ne favorisât le développement de leurs principes et ne les portât à l'insurrection.
Voilà l'esprit qui a dicté les clauses déshonorantes dans le premier traité du 22 octobre, par lesquelles le général s'oblige de faire retirer son artillerie dans les arsenaux de la France, d'éloigner ses troupes à dix lieues, étend le terme de l'évacuation au 1er décembre et consent à des réserves pour le traité favorable à Genève, tandis qu'il se tait sur celui qui nous était favorable.
Y avait-il rien de plus ignominieux, de plus perfide qu'un pareil traité? Le général n'y sacri-liait-il pas tout à la fois et la cause des patriotes genevois qu'il livrait à la vengeance de leurs en-
nemis, et l'honneur et les intérêts de la France qui recevait ici des lois? Dira-t-on que le général Montesquiou n'avait pas assez de troupes pour emporter Genève, trop bien fortifié? Mais les dispositions de militaires qui avaient une connaissance exacte de la place attestent que, même sans avoir recours au bombardement, si terrible surtout pour des rentiers et des capitalistes, il pouvait aisément, en s'abandonnaut à la valeur française, emporter la place d'assaut; il se vantait lui-même ae cette facilité dans ses premières lettres au conseil exécutif. Par quelle magie cette place si faible était-elle devenue tout à coup à ses yeux une place imprenable?
Un pareil traité, qui n'était qu'une capitulation ignominieuse faite par l'armée française, dut indigner le conseil exécutif, avec d autant plus de raison que le général en avait stipulé et commencé l'exécution, avant même que la Convention nationale l'eût ratifié. Il faut rendre cependant justice à la vérité. Toutes les troupes ne devaient pas s'éloigner entièrement de Genève ; et d'un autre côté, si le général Montesquiou arrêtait l'envoi de nouvelle artillerie, 400 Suisses sortaient de Genève. Mais, quoique Genève exécutât le traité, le général était toujours coupable de se priver des forces qui pouvaient être nécessaires pour réduire cette ville, si la France n'approuvait pas les conditions. Le conseil exécutif s'empressa de les blâmer, d'en exiger le changement; il laissa subsister, pour l'évacuation, répoque du l*r décembre, parce qu'il présumait que les nouvelles discussions et la nécessité de la ratification absorberaient une grande partie de l'intervalle; mais il exigea que le général pût disposer de son artillerie et ae ses troupes comme il le jugerait convenable pour les intértês de la France ; il exigea la suppression de la distance de dix lieues; il exigea qu'on réservâtl e traité de 1579, puisque Genève s'opiniâtrait à réserver le traité de 1584.
Le général Montesquiou a satisfait en partie à ces ordres. Je dis en partie; car si, par exemple, dans le nouveau traité, la distance de dix lieues est supprimée relativement anx troupes, d'un autre coté on a substitué à cette condition une clause très équivoque et même insultante : on y dit que l'artillerie et les troupes seront retirées et placées de manière qu'elle ne puisse donner aucun motif d'alarmes à Genève.
Dans l'article 4, en laissant à Genève la faculté de réserver le traité de 1584, et l'article 5 de celui de 1782, on déclare que cette réserve ne pourra lier la France aux traités dans lesquels elle n'est point intervenue, ni préjudicier à la faculté de revoir les traités qu'elle déclare toujours exécuter : or, ces réserves réciproques portent un caractère de faiblesse, d'obliquité, d'impuissance, tout à fait indigne de la grandeur et de la franchise de la nation française.
Le conseil exécutif,- en vous notifiant ce traité, vous a observé qu'il ne croyait pas que les différences peu essentielles qui existaient entre ce traité et les articles envoyés au général dussent être la matière d'une nouvelle controverse. Il a pensé qu'il était de la dignité de la République française de ne pas se montrer à l'égard de Genève aussi exigeante qu'elle le serait vis-à-vis d'une puissance plus imposante. La générosité, ajoute fe conseil exécutif, est le caractère de la force : c'est aujourd'hui le nôtre. Elle ne calcule pas avec la faiblesse; les sacrifices qu'elle lui fait ne sont jamais réputés nécessaires et ne peuvent que l'honorer.
Votre comité doit rendre hommage au principe de générosité qui dirige le conseil exécutif. Sans doute il est beau d'oublier les outrages des magistrats, pour ne s'occuper que du bonheur du peuple genevois, de sacrifier à l'union ses ressentiments et des prétentions même fondées. Sans doute l'objet principal de la France est rempli par ce traité : il est cependant quelques points incompatibles avec la dignité du peuple français, qu'il est impossible de laisser subsister.
La diplomatie française doit enfin revêtir le caractère de notre Révolution; elle doit être franche, loyale et fière; la simplicité, le laconisme, la clarté, doivent constituer notre style diplomatique. Rien d'équivoque ni d'inutile ne doit ternir ou embarrasser nos traités. Les des-potent en usaient autrement, parce qu'ils trouvaient dans ces équivoques des motifs de pallier leurs usurpations et leurs guerres.
De quoi s'agit-il entre Gensye et nous? Genève a, par une injuste défianSt? et contre la teneur des traités, fait entrer 1,600 Suisses dans ses murs. Nous en demandons la sortie. Genève demande, de son côté, que nous respections sa neutralité, son indépendance. Nous y consentons. A ces deux conditions, la paix doit être rétablie comme par le passé. C'est dans cet esprit qu'a été rendu votre décret du 17 octobre dernier, qui se réduit à ces mots si simples : Que les Suisses sortent, et les Français n'entreront pas.
Par quel motif n'a-t-on pas imité ce laconisme dans le traité du 2 novembre? Voyez dans quel embarras vous jette l'article 2 : on y stipule que votre artillerie et vos troupes seront retirées et placées de manière qu'elles ne puissent donner aucune alarme à Genève. Mais ces expressions sont vagues. Quel est le point où ces troupes donneront ou ne donneront point d'alarmes? Qui pourra le fixer? La mauvaise foi ne pourra-t-elle pas le placer partout où il lui conviendra? Ne reste-t-il pas une ouverture à des débats éternels ?
Ou Genève a confiance dans votre loyauté, ou elle ne ne l'a pas. Si elle l'a, elle doit croire à votre engagement solennel; si elle ne l'a pas, des expressions vagues et indéfinies ne peuvent être des garants de sa tranquillité ; et dans tous les cas, il est indécent pour un peuple libre de laisser suspecter sa foi.
Quand la Savoie sera parfaitement rassurée, quand le Piémont jouira de la liberté, alors les armées françaises abandonnant le lac Léman, ou rentreront dans leurs foyers, ou voleront à d'autres combats. Tel est le terme où vous pourrez abandonner ces contrées. Vous mentiriez à vos principes et à vos engagements, si vous agissiez, si vous parliez autrement; je dis plus, vous compromettriez votre sûreté, celle des Sa-voisiens, qui renaissent à la liberté ; car vous ne devez pas ignorer les intrigues que fait aujourd'hui le tyran de Sardaigne, soit pour engager le corps Helvétique dans sa querelle, soit pour défendre le Piémont des suites de la Révolution. Le Piémont doit être libre ; votre épée ne peut être remise dans le fourreau, que tous les sujets de votre ennemi ne soient libres; jusqu'alors vous ne pourrez abandonner les lieux de la Savoie, voisins du pays genevois, puisque là est votre sûreté. Les chances de la guerre vous détermineront pour les lieux à occuper; vous ne pouvez les désigner d'avance, vous ne pouvez que promettre de respecter toujours l'indépendance et la neutralité de Genève; et vous l'avez fait.
L'article 4 du traité du 2 novembre n'est pas plus clair que l'article 2.
Que signifient, en effet, les réserves de traités qu'il contient? Puérilités de l'ancienne diplomatie; en voici le sens en français intelligible. Le Sénat genevois dit : Je me réserve de faire venir des Suisses, quand je ne craindrai plus la France ; et la France dit : Je me réserve de l'empêcher si vous le faites; c'est-à-dire que chacun, en signant ce traité, jure encore la méfiance, les soupçons, le parjure; et, par une autre lâcheté, on les déguise sous d'emphatiques réserves. Un pareil langage, dicté par la faiblesse qui n'ose mettre au grand jour ses restrictions perfides, adopté par la complaisance qui affecte ae ne pas les voir, qui s'arrange cependant pour n'en être pas dupe, ce langage, dis-je, est indigne de vous. Point de restrictions, point de fausse complaisance: il faut parler net. Genève a des traités avec ses voisins : elle veut les maintenir; soit : que vous importe? Eh ! quelle nécessité pour vous de déclarer que ces traités, dans lesquels vous n'êtes point intervenus, ne vous lient point? Peut-on être lié par un traité qu'on n'a pas signé? Une pareille réserve n'est-elle pas une niaiserie? N'est-ce pas encore un autre enfantillage, de se réserver de revoir ses propres traités, en déclarant qu'on les exécutera provisoirement jusqu'à l'époque de la revision ? Chaque Etat indépendant û a-t-il pas ce droit, que rien ne peut périmer ou prescrire?
Les traités qui existaient avant la rupture existent encore, puisqu'on ne les détruit point, puisqu'on ne les modifie même pas. Sans doute, le temps des changements, des modifications viendra. Mais qu'est-il besoin de faire des réserves? ce droit est imprescriptible.
Quand àbjurera-t-on donc cette politique tortueuse qui désigne un but apparent, pour cacher un autre but secret qu'elle veut atteindre? Non, ce n'est pas la déloyauté de la France que Genève redoute ; mais on veut enchaîner les efforts des patriotes genevois qui veulent l'égalité.
Ah! si les aristocrates genevois (et je comprends sous cette dénomination les négatifs comme les représentants), si lés aristocrates genevois voulaient enfin s'éclairer sur leur situation, sur la nature de la Révolution française; s'ils voulaient se convaincre qu'il est impossible maintenant d'en arrêter le cours, parce qu'elle ne dépend plus ni d'un homme, ni des hommes, ni même des nations, parce que la communication irrésistible des idées universalise les principes de l'égalité; si dès lors ils voyaient que le succès de la révolution genevoise ne peut être subordonné au voisinage ou à l'éloignement des troupes françaises ; qu'il peut être retardé, mais qu'il est inévitable; s'ils voyaient que cette révolution improvisée peut être terrible dans ses développements, tandis qu'en l'anticipant on peut la rendre douce, amicale, fraternelle ; si," partant de ces données, ils abjuraient leur système arisiocratique; s'ils naturalisaient l'égalité dans leurs murs; si, déchirant leurs odieuses pancartes de citoyens, bourgeois, natifs, ils devenaient enfin des républicains (car il n'y a de république que là où il y a égalité de droits), alors ils n'auraient plus besoin, pour se défendre des mécontents, de recourir à d'autres aristocrates en Suisse, qui, bientôt tremblants pour eux-mêmes, n'armeront pas aussi facilement ces braves paysans suisses, dont les yeux se dessillent tous les jours; alors, devenus "frères des Français, quoique formant une république à
part, ils verraient leur force dans notre force, leur prospérité dans notre prospérité, et nous n'aurions plus d'autres traités que la communauté de nos principes. Telle est la révolution à laquelle nous osons, nous devons même inviter les magistrats de Genève. Sans doute, la France sera toujours fidèle à son principe de ne jamais s'immiscer dans le gouvernement intérieur des pays étrangers : mais elle sera fidèle aussi à son serment d'être la protectrice de tous les peuples opprimés et de les éclairer sur leurs droits. Eh! quel Etat devrait être plus disposé à embrasser les principes d'égalité que la ville de Genève? Satellite presque imperceptible d'une vaste planète, il obéit] à son impulsion morale, quoique^ détachée de son système politique. (Applaudissements.) Les lumières l'environnent et y pénètrent par tous les points. Ni les baïonnettes, ni les édits ne peuvent maintenant les éloigner: la révolution s y fera, ou la nôtre doit rétrograder.
Votre comité a éprouvé quelque embarras sur le mode d'après lequel vous devrez ratifier ou rejeter lés articles du traité du 2 novembre.
Nous ne sommes plus dans la position où nous plaçait la Constitution précédente. Le Corps législatif devait accepter ou ratifier en masse les traités; il devait attendre que le roi exerçât son initiative. Aujourd'hui, vous n'êtes plus astreints à ces formes, à ces limites; vous ordonnez ce que le bien public exige. Vous pouvez donc exercer vous-mêmes l'initiative, ratifier ou rejeter partiellement un traité. Sans doute, la Constitution nouvelle fixera à cet égard les droits et les devoirs de chaque pouvoir constitué; sans doute, on examinera si un peuple libre peut et doit se lier par des traités; s'ils ne sont pas inutiles avec les Républiques, que la communauté des mêmes principes doit toujours gouverner; s'ils ne sont pas indécents avec tout gouvernement qui ne tient pas ses pouvoirs du peuple. Car C'est peut-être là qu'est le secret de votre Révolution et de celles qui se préparent. Vous avez réussi, vous réussirez, parce que les peuples, les individus sont pour vous. Traitez avec des tyrans, vous n'êtes plus pour les peuples qu'un gouvernement {ordinaire ; l'enthousiasme des peuples cesse avec votre gloire et vos succès. Votre comité diplomatique se propose de fixer un jour vos regards sur ces questions importantes. En attendant votre décision, il ne croit pas en avoir besoin pour la négociation actuelle avec Genève. On a eu tort de regarder les actes du 22 octobre et du 2 novembre comme des traités. De| quoi s'agissait-il, en effet? De la rupture et de l'exécution réclamée d'anciens traités. La France demande l'évacuation des Suisses ; Genève y consent: on ne voit ici que deux déclarations, et non point un traité; car on entend ordinairement par ce mot un contrat entre des puissances, où l'on stipule de nouvelles clauses, de nouvelles obligations. Il n'y a rien de nouveau ici. Il est d'autant plus important de ne pas envisager la transaction du 2 novembre comme un traité, que Genève se fonde sur ce mot pour justifier les réserves des anciens traités, réserves auxquelles cette ville se dit obligée par les traités mêmes. Puisqu'on est d'accord sur les faits, sur l'exécution des traités, sur la résolution de les observer, il faut que le langage soit simple comme le fait; et c'est ce qui a engagé votre comité à vous proposer de réduire en 2 articles l'acte du 2 novembre, qui, d'un côté, renferment tout ce que Genève peut désirer et, de llautÈe, ne, sont qu'un développement du décret
du 17 octobre ; ce décret doit équivaloir à la ratification du traité. Les Suisses ont déjà commencé à l'exécuter, puisque partie de leurs troupes ont évacué Genève. Vous né serez pas moins loyaux que les Suisses; et s'il faut en croire à la note amicale du conseiller Frifchinq, ce retour à la paix ne sera, sans doute, que le prélude d'Une paix plus profonde et d'une alliance plus naturelle avec ces républicains.
projet de décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique sur les transactions conclues les 22octobre et 2 novembre 1792, entre la République de Genève et le général Montesquiou, au nom de ia République française ;
« Considérant qu'elle a déjà manifesté la volonté de la République française, sur l'introduction des troupes de Zurich et de Berne à Genève, par son décret du 17 octobre, et se référant à ce décret ;
« Considérant que les déclarations et traités des peuples libres doivent être clairs et précis;
« Que l'article 2 de l'acte du 2 novembre renferme des expressions équivoques et propres à faire naître de nouvelles discussions;
« Que l'article 3 est inutile; « Que les réserves contenues dans l'article 4 dudit acte, qui peuvent être interprétées dans divers sens et amener de nouvelles contestations, sont inutiles, et parce que la République française est tenue, d'après les décrets, à l'exécution des traités qui ne sont point abrogés; et parce que tous les gouvernements ont le droit imprescriptible de revoir leurs traités, décrète ce qui suit:
« Art. 1er. La Convention nationale charge le conseil exécutif de requérir que l'évacuation des troupes suisses, de Genève, soit consommée le 1**décembre prochain; moyennant laquelle évacuation les troupes françaises respecteront la neutralité et l'indépendance du territoire genevois, et l'évacueront si elles l'ont occupé.
« Art. 2. La Convention nationale passe à l'ordre du jour sur le surplus de l'acte du 2 novembre 1792. »
La Convention ajourne le considérant au moment où seront examinés les traités et adopte le projet de décret dans les termes suivants :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité diplomatique, et délibérant sur la transaction conclue le 2 novembre 1792, entre la République de Genève et le général Montesquiou, au nom de la République française, charge le Pouvoir exécutif de requérir que l'évacuation des troupes suisses maintenant à Genève, soit consommée, le premier décembre prochain, moyennant laquelle évacuation les troupes françaises respecteront la neutralité et l'independance du territoire genevois, et l'évacueront si elles l'ont occupé.
La Convention passe à l'ordre du jour sur le surplus de la transaction du 2 novembre 1792.»
Les citoyens Doppet, Favre, Dessaix et Vil-lar, députés du peuple savoisien, se présentent à la barre.
(La Convention décrète sur-le-champ qu'ils seront introduits dans l'intérieur même ae la salle.)
Le citoyen Dqppbt, lieutenant - colonel de la
Légion àllobroge et orateur de la députation, s'exprime ainsi : (1)
« Représentants de la République française, nous avons été chargés par l'Assemblée nationale des Allobroges d'apporter le vœu de tous les Savoisiens à la Convention nationale de France. Nous avons été en même temps chargés par tous nos commettants de vous exprimer les sentiments de reconnaissance dont ils sont pénétrés envers la nation française, pour le bienfait, on plutôt (car c'est un bienfait au-dessus de tous les autres) pour la liberté qu'elle leur a apportée. Dès que nous avons pu emettre notre vœu, nous avons renversé d'un seul coup le despotisme royal et la domination ultramontaine. Le peuple savoisien a exercé spontanément son droit de souveraineté. Dès que les troupes françaises se furent retirées pour se porter vers Genève, on convoqua une assemblée générale du peuple. Toutes les communes, au nombre de 655, furent spontanément assemblées. Elles émirent d'abord leur vœu pour la réunion à la France; mais outre cela, elles nommèrent chacune un député pour se rendre à l'assemblée générale, qui eut lieu à Chambéry, le 21 octobre dernier. Dans la première séance de cette assemblée générale des députés du peuple savoisien, on vérifia les pouvoirs qu'ils avaient reçus de leurs communes respectives. Voici le procès-verbal de la seconde séance, qui fait connaître quel est le vœu de toutes les communes des Allobroges.
Extrait du procès-verbal de la seconde séance de rassemblée des députés des communes de la Savoie,, le 22 octobre 1792, Van premier de la République.
Séance ouverte à 9 heures du matin.
Eustache Monachon, président iïâge, occupe le fauteuil.
« La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la précédente. On a fait successivement à la tribune lecture des rapports des commissaires de chaque bureau sur la vérification des pouvoirs à laquelle ils avaient procédé la veille.
« De ces divers rapports, il résulte que, dans la province de Carouge,
composée de 64 communes, 42 ont voté pour la réunion à la République
française dans les pouvoirs qu'elles ont remis à leurs députés ; que 21
ont donné des pouvoirs illimités à leurs députés, et qu'une seule n'a
pas fait connaître ses sentiments. Toutes les communes de la province de
Ghablais, au nombre de 95, ont unanimement manifesté, dans les pouvoirs
remis à leurs députés, leurs désirs d'être réunies à la nation française
; la majorité de ces députés avaient des pouvoirs illimités. Celles de
la province de Faucigny, au nombre de 79, ont toutes, dans leurs
pouvoirs, émis le vœu d'être réunies à la nation française, pour en
faire partie intégrante. Les 116 communes delà province du Genevois ont
toutes chargé leurs députés de demander l'incorporation à la nation
française ; la très grande majorité a donné à ses députés le pouvoir de
représenter, délibérer et arrêter tout ce qui serait utile pour le bien
public et pour l'établissement de la liberté et de l'égalité
savoisienne. Les communes de la province de Maurienne, qui sont au
nombre de 65,
« La lecture de ces rapports a été souvent interrompue par les applaudissements de l'assemblée et des tribunes ; ils ont été déposés sur le bureau. 11 a été arrêté que les pouvoirs que chaque député avait reçus de sa commune, y seraient également déposés pour être conservés dans les Archives, et servir éternellement de preuve de l'attachement du peuple savoisien au gouvernement républicain des Français. (Applaudissements.
« Nous, président et secrétaires, déclarons le présent extrait conforme à l'original.
« Signé i j. Decret, président; F. Chas-tel, F. Favre, Gumery, Hacquier, secrétaires.
En attendant que la Convention nationale de France eût prononcé sur notre demande, l'Assemblée nationale crut qu'il était important d'exercer promptement la souveraineté du peuple savoisien. Son premier décret fut l'abolition de la royauté. (Applaudissements réitérés.) Elle protesta contre les soi-disant droits de la ci-devant maison de Savoie ; elle annula tous ceux qu'elle pouvait encore réclamer ; ensuite elle décréta une adresse à la Convention nationale de France, dans laquelle sont exprimés les sentiments de tous les Allobroges. Législateurs, on va vous en donner lecture.
liberté, égalité.
L'assemblée nationale des Allobroges, à la Convention nationale de France.
« Législateurs, le soleil bienfaisant de la Liberté vient enlin, par ses douces influences, de dissiper les nuages épais de la tyrannie et du despotisme qui infestaient notre atmosphère : nos tyrans, aussi lâches qu'ils ont été cruels, n'ont pu soutenir l'aspect redoutable du drapeau tricolore -, ils ont fui, et pour jamais ont délivré de leur odieuse présence une terre trop longtemps abreuvée des maux émanés d'un sceptre de fer. Les Savoisiens. pénétrés de la reconnaissance la plus vive, prient l'auguste Assemblée d'en recevoir les témoignages ; nos hommages, législateurs, ne sont pas dictés par ces organes corrompus de l'ancien régime : ce sont des hommes libres qui vous les présentent, et qui sentent toute la dignité de leur nouvelle existence.
« Il n'est que trop vrai que nous fûmes esclaves, mais le sang des tyrans effacera les traces de nos fers; nos cœurs, depuis longtemps forcés de réprimer leurg élans patriotiques, se livrent maintenant à toute l'étendue de notre bonheur; fiers de notre liberté) notre vie, pour la conser-
ver, nous paraît un faible sacrifice et le citoyen expirant pour sa patrie regrettera de ne .pouvoir renaître pour lui donner encore un dernier soupir. Législateurs, si, défenseurs sacrés des droits de l'homme, vous avez tendu une main généreuse pour nous tirer de l'abîme où nous étions plongés; si, créateurs de notre liberté, vous avez anéanti nos tyrans; si, enfin, vous nous avez rendu à la dignité d'hommes libres, vous avez vous-mêmes prononcé entre la République française et la nation savoisienne : union et fraternité ;
« Vous nous avez laissés les maîtres de nous donner des lois, nous avons agi. La nation savoisienne, après avoir déclaré la déchéance de Victor-Amédée et de sa postérité, la proscription éternelle des despotes couronnés, s'est déclarée libre et souveraine. C'est du sein de cette assemblée qu'est émis le vœu unanime d'être réunis à la République française, non par une simple alliance, mais par une union indissoluble, en formant partie intégrante de l'Empire français.
« Législateurs, ce n'est point une assemblée d'esclaves tremblants à l'aspect des fers qu'ifs viennent de quitter, qui vous supplie de la prendre sous votre protection : c'est un souverain, admirateur ae votre gloire, demandant à en faire réfléchir sur lui quelques rayons. (Il s'élève des applaudissements et des acclamations unanimes. — Ils se prolongent pendant plusieurs instants.)
« Fait à l'assemblée nationale des Allobroges, séante à Chambéry, le 27 octobre, l'an 1er de la République.
« Signé : doppet, vice-président; Favre, secrétaire, vlllar, membre du comité de rédaction. »
Villar. Citoyens, nous allons maintenant vous faire connaître nos pouvoirs. Les voici :
pouvoirs.
« L'assemblée nationale des Allobroges donne pouvoir aux citoyens Doppet, Favre, Dessaix et Villard, qu'elle a députés auprès de la Convention nationale des Français, et aux citoyens Gumery, Bard et Balmain, leurs suppléants, en cas d'empêchement, de lui présenter l'adresse qui lui sera remise et de lui énoncer le vœu qu'a formé la nation qu'elle représente d'être unie à la République française et d'en former partie intégrante. Elle charge expressément les députés de solliciter l'acte solennel d'adhésion de la Convention nationale des Français à l'incorporation demandée et de faire part à la commission provisoire d'administration de l'exécution de leur mission et des réponses qui leur seront laites et d'entretenir avec elle une correspondance exacte : le tout en conformité des déterminations prises dans les seconde et dernière séances de l'assemblée nationale des 22 et 29 octobre dont les extraits des procès-verbaux seront joints au présent, signés par le président et les secrétaires.
« Fait à l'assemblée nationale des Allobroges, séante à Chambéry, le 29 octobre 1792, l'an Ier de la République. -
« Sigrié ',: J. decret, président; chastel, Gumery, F. Favre, Hacquier, secrétaires. »
Extrait du procès-verbal de la séance du er de la
République.
« Sur la motion faite par un membre, l'as
semblée a décrété que le citoyen Doppet, l'un des sept choisis par les bureaux pour la députation qui doit être envoyée auprès de la Convention nationale des Français, ne courrait pas la chance du sort, par la voie duquel il devait être déterminé, quels seraient les quatre qui seraient chargés ae cette mission et quels seraient les trois suppléants.
« En conséquence les noms de six autres candidats ont été jetés dans une urne et ont été extraits par le président, dans l'ordre suivant : Favre, homme de loi ; Dessaix, homme de loi ; Villar, Gumery, homme de loi; Bar, Balmain, homme de loi; les trois premiers, conjointement avec le citoyen Doppet, ont été proclamés députés et les trois derniers suppléants.
«Nous, président et secrétaires, déclarons le présent extrait conforme à l'original.
« Signé : j. decret, président-, F. chas-tel, Gumery, F. Favre, Hacquier, secrétaires. »
Nous aurons l'honneur de remettre sur votre bureau des copies de la Constitution des Allobroges, décrétée pendant les premières séances de l'assemblée nationale savoisienne (1). Ce n'est point qu'elle ait voulu se donner un gouvernement particulier, comme les ennemis ae la réunion pourraient vouloir l'insinuer; mais c'est qu'après avoir renversé un gouvernement tyrannique, après la conquête de la liberté et les premiers mouvements qui l'accompagnent, il était instant de montrer la loi et de la faire exécuter. (Vifs applaudissements.)
Voilà, législateurs, quels furent les premiers travaux de l'assemblée nationale savoisienne. Tous les pouvoirs ci-devant constitués vinrent à sa barre reconnaître son autorité ; le ci-devant Sénat de Chambéry, qui se disait souverain, vint reconnaître aussi la souveraineté de la nation allobroge et les pouvoirs de son assemblée représentative. (Applaudissements.)
On invita ce Sénat a continuer ses fonctions; bien entendu, lui dit-on (car on sè souvenait qu'il avait jugé des patriotes), bien entendu que tout ce que vous appeliez crime de lèse-majesté, vous le qualifierez désormais crime de lèse-nation. (Applaudissements.) Ce Sénat prêta le serment d etre fidèle à la liberté, à l égalité, ou de mourir en les défendant. (Applaudissements.)
Les ci-devant intendants, les prêtres, les moines même, car il y en avait, vinrent tous à la barre ét prêtèrent le serment. (Vifs applaudissements.)
L'assemblée nationale était composée de plus de 600 députés ; elle reconnut qu'elle était trop nombreuse pour administrer : en conséquence, après avoir décidé que quatre de ses membres iraient présenter à la Convention nationale sa reconnaissance et ses vœux, elle composa un comité d'administration, dont les membres furent choisis dans son sein, et elle se sépara. C'est avec ce comité qu'elle nous chargea de correspondre.
, répondant à la députation. Représentants d'un souverain, ce fut un
grand jour pour l'univers celui où la Convention nationale de France
prononça ces mots : La royauté est abolie. De cette nouvelle ère,
beaucoup
Semblable à la poudre à canon, plus la liberté fut comprimée, plus son explosion sera terrible. Cette explosion va se faire dans les deux mondes, et renverser les trônes qui s'abîmeront dans la souveraineté des peuples. Il arrive donc ce moment où l'orgueil stupide des tyrans sera humilié, où les négriers et les rois seront l'horreur de l'Europe purifiée, où leur perversité héréditaire n'existera plus que dans les archives du crime. Bientôt enfin on verra cicatriser les plaies dès nations, reconstituer, pour ainsi dire, l'espèce humaine, et améliorer le sort de la grande famille. (Applaudissements.)
De respectables insulaires furent nos maîtres dans l'art social; devenus nos disciples., et marchant sur nos traces, bientôt les fiers Anglais imprimeront une nouvelle secousse qui retentira jusqu'au fond de l'Asie.
Déjà Malines, Ostende, Mayence, Nice et Chambéry voient le drapeau tricolore flotter sur leurs remparts. La majeure partie du genre humain n'est esclave, disait un philosophe, que parce qu'elle ne sait pas dire non. EstimablesSavoisiens, vous avez dit non, et soudain la liberté, agrandissant son horizon, a plané sur vos montagnes ; et dès ce moment vous avez fait aussi votre entrée dans l'univers. (Quelques applaudissements rompent le silence de l Assemblée. — Ils deviennent universels.)
Ne redoutez pas les menaces des despotes de l'Europe. Ils assemblent de nouvelles phalanges pour faire la guerre au printemps ; mais cette guerre expiatoire creuse leur tombeau : les efforts des rois sont le testament de la royauté. La France esclave était autrefois l'asile des princes détrônés. La France libre est devenue l'appui des souverains détrônés. (Applaudissements.) Elle vient de déclarer, par l'organe de ses représentants, qu'elle ferait cause commune avec tous les peuples décidés à secouer le joug pour n'obéir qu'à eux-mêmes.
Les statues des Capet ont roulé dans la poussière ; elles se changent en canons pour les foudroyer tous, s'ils osaient se relever et lutter contre la nation. Si quelqu'un tente de nous imposer de nouveaux fers, nous les briserons sur sa tête ; la liberté ne périra chez nous que quand il n'y aura plus de Français; et périssent tous les Français plutôt que d en voir un seul esclave ! (Acclamations reitérées.)
Généreux Savoisiens, vous désirez vous incorporer à notre République, unir vos destinées aux nôtres, confondre vos droits politiques avec les nôtres! la Convention nationale posera, discutera solennellement une demande de cette importance; mais, quelle que soit sa décision, dans les Français vous trouverez toujours des amis.
Eh ! tous les hommes ne sont-ils pas frères ! Celui qui parcourt des régions lointaines, peut-il rencontrer un homme, sans être en famille, à moins qu'il ne rencontre un roi ? (Applaudissements.)
Persuadés que pour les peuples, comme pour les individus, les vertus sont la source ae la prospérité et du bonheur, développons, vivifions
cette justice universelle qui trace aux nations l'étendue de leurs droits et le cercle de leurs devoirs ; que nos bras s'étendent vers les tyrans pour les combattre, vers nos champs pour les cultiver, vers les hommes pour les embrasser, vers le Ciel pour le bénir. Unis par les liens indissolubles, formons un concert d'allégresse qui augmentera le désespoir farouche des tyrans et l'espoir des peuples opprimés.
Un siècle nouveau va s'ouvrir... Les palmes de la fraternité et de la paix en-orneront le frontispice. Alors la liberté planant sur toute l'Europe, visitera ses domaines ; et cette partie du globe ne contiendra plus ni forteresses, ni frontières, ni peuples étrangers. (Vifs applaudissements.)
(Les quatre députés savoisiens sont conduits vers le président.)
(L'Assemblée se lève tout entière. -— Un cri unanime : Vivent les nations! se fait entendre.)
donne aux députés, au nom delà République française, le baiser fraternel.
Un grand nombre de membres simultanément. Aux voix la réunion l... Qu'ils soient nos frères à jamais!... (Nouvelles acclamations de l'Assemblée, la salle retentit des cris d'allégresse du spectateur attendri.)
(La demande d'aller aux voix est répétée par l'Assemblée presque entière. — Le président se dispose à la consulter. — Barère de Vieuzac demande la parole.)
Je ne pense pas que les représentants du peuple français veuillent s'occuper dans ce moment de la réunion demandée par le peuple allobroge ; je ne pense pas qu'on veuille entraîner la Convention nationale par des mouvements d'enthousiasme, et lui faire prononcer sans examen, sans discussion, sur une réunion qui tient à une foule de rapports politiques et moraux. Ces décrets, produits par l'enthousiasme, sont des fruits précoces que la raison cueille rarement. Ce n'est pas que je veuille élever des doutes sur le vœu des Allo-broges, et sur leur souveraineté, qui repose sur les mêmes principes que celle des autres peuples et du genre humain. Mais j'observe que vos comités de Constitution et diplomatique sont déjà chargés par vous de faire un rapport sur cette réunion désirée jpar tous les Français, comme par tous les Allobroges ; cette question tient à la souveraineté des peuples; à l'état diplomatique de l'Europe, aux progrès de nos armes, à l'intérêt national, et surtout à l'intérêt de la Savoie ; car c'est surtout son intérêt sur lequel il faut appeler votre attention ; il faut aussi qu'on ne puisse vous opposer les principes que vous avez proclamés dans la ci-devant Constitution ; non que l'on puisse jamais regarder comme conquête l'opinion unanime d'un peuple souverain, qui s'occupe de se réunir à un autre peuple souverain. La conquête suppose des maîtres et des esclaves ; et les conquêtes de la raison ne peuvent être confondues avec les conquêtes du despotisme ; ainsi je me réduis à demander l'ajournement à jour tixe du rapport des comités diplomatique et de Constitution, sur la réunion de la Savoie, pour laquelle je voterai aussi, quand la réflexion aura préparé un résultat.
Je demande aussi l'impression et l'envoi aux départements, des discours et pièces présentés par les députés savoisiens, et je voudrais que la réponse du président fût traduite dans toutes les langues, car c'est le manifeste de tous les
peuples contre les rois. (Vifs applaudissements.)
Citoyens, on a vous a dit qu'il fallait toute la maturité de la raison pour savoir si on réunira un peuple libre à un peuple libre ; mais l'expérience a prouvé que c'est dans l'enthousiasme des sentiments qu ont été rendus les décrets qui ont,sauvé la République. Souvenez-vous des événements d'Avignon pendant l'incertitude de sa réunion à la France et voyez si vous voulez èx poser la Savoie aux mêmes malheurs. Je demande que le principe -de la réunion soit à l'instant prononcé et que le comité soit chargé de présenter un mode d'exécution. (Applaudissaments.)
Je ne crois pas que la Convention nationale puisse, sur aucune question, se décider par|sentiment ; c'est la raison, c'est la justice, ce sont les droits éternels des peuples qui doivent la déterminer : l'examen de ces principes ne peut qu'être favorable au peuple savoisien. On peut discuter cette.question sans passer par la filière des comités; je demande que dans trois jours elle soit solennellement traitée. (Applaudissements.
Je conviens qu'il faut un certain temps pour examiner les pouvoirs des députés de la Savoie; mais ce temps doit être court, et quand il s'agit de la réunion des peuples et que leur vœu est prononcé à une telle majorité, l'on ne doit pas balancer.
11 faut savoir si cela convient.
C'est le moyen de renverser les trames; je demande l'ajournement à lundi prochain.
J'avoue qu'avant de rendre un décret, il faut procéder à la vérification des pouvoirs; mais cette opération n'est pas longue, à moins qu'on ne veuille exiger l'attestation de tous les individus savoisiens qui ont pris part à l'émission du vœu pour la réunion, ce qui serait prétendre l'absurde. La voix publique, les dépositions de tous ceux qui ont été témoins des délibérations de l'assemblée générale des Allobroges, dépositions qui ont précédé l'arrivée de ses députés, attestent suffisamment l'authenticité de leurs pouvoirs.
Voulez-vous connaître par des faits quel est l'esprit individuel et collectif des Savoisiens ?
Ils ont plus fait, en moins de 8 jours, que l'Assemblée constituante dans l'espace de 3 ans. La royauté et la noblesse, abolies ; les biens du clergé, mis sous la main de la nation; tous les pasteurs inutiles, supprimés; l'anéantissement de toute espèce de féodalité, sous quelque dénomination qu'elle existât ; les biens des ordres de Malte, de Saint-Maurice, séquestrés ; la majorité fixée à 21 ans : voilà le fruit des travaux de leurs représentants.
Il y a même eu dans l'assemblée nationale savoisienne des débats vifs et prolongés, sur la question de savoir si ces décrets n'auraient pas une force rétroactive, et si l'on ne ferait pas regorger les ci-devant seigneurs des capitaux d'indemnités qu'ils avaient put recevoir pour le rachat de leurs droits; je demande si les principes de la liberté et de l'égalité pouvaient faire chez une peuple, naguère esclave, des progrès plus rapides ?
A mesure que ces décrets bienfaisants étaient portés, on voyait accourir de toutes les communes des députés porteurs d'adresses d'adhésion et de félicitation ; des réjouissances, des
êtes manifestaient partout l'allégresse publique. Et pourrait-on, d'après cela, contester resprit et le caractère républicain de cette nation ? 11 est étonnant que dans une assemblée d'hommes libres, on propose de discuter la question de savoir si de tels hommes sont dignes de faire partie de notre République. On ne vous envoie pas des députés pour vous proposer d'admettre dans votre société des esclaves, des fruits de conquête, mais les députés d'un peuple libre, d'un souverain qui veut identifier sa souveraineté avec la vôtre. Vos commissaires envoyés à l'armée du Midi ont parcouru la Savoie. Je les somme de dire si, en France, ils ont vu un seul endroit où le patriotisme soit prononcé avec plus de naïveté et d'énergie. Je les somme de déclarer s'ils n'ont pas comparé plusieurs villes de Savoie au faubourg Saint-Antoine. Lors de la fête nationale qui fut donnée à Chambéry, plus de 60,000 citoyens des différentes communes du pays y accoururent; et là, hommes, femmes et enfants s'agenouillèrent dans la boue pour répéter en chœur avec un respect religieux le couplet d'adoration à la Liberté. Voici des faits qui prouvent que les Allobroges sont dignes de devenir Français. Je demande donc que la Convention nationale, instruite par la voix publique du vœu unanime de ce peuple, prononce une réunion que la situation topographique et la situation politique de ce peuple commandent également.
Personne ici ne contestera le droit qu'a un peuple de s'allier à un autre ; mais voici uniquement la question. Dé-créterez-vous, dans cette séance, la réunion de la Savoie ou l'ajournerez-vous ? Il ne suffit pas que quelques membres qui connaissent la situation soient sûrs que cette réunion est utile ; il faut que nous le soyons tous. 11 pourrait y avoir telle partie de la Belgique qui proposerait la réunion, que la Convention refuserait peut-être. Vous désirez donner de la solennité à cette cause : nous le devons, car l'Europe nous contemple. J'insiste sur l'ajournement à bref délai. Lors de l'affaire d'Avignon, on différa la réunion, et cela fit un grand mal; il vint uniquement des factions qui agitaient l'Assemblée. Pour nous, nous voulons également la liberté, et en ajournant à un très court délai, il n'y a nul inconvénient.
(La Convention nationale ajourne à lundi la qnestion de la réunion de la Savoie à la République française et ordonne le renvoi à ses comités diplomatique et de Constitution.)
Je renouvelle la motionjformulée par Barère de décréter que les pièces lues par les députés savoisiens, les discours prononcés par l'un d'eux et la réponse du Président de la Convention, seront imprimés, envoyés aux 83 départements, aux armées françaises et au peuple savoisien, et traduits dans les différentes langues des pays où se sont portées les armées de la République.
(La Convention nationale décrète que les pièces lues par les députés savoisiens, les discours prononcés par l'un d'eux et la réponse du Président de la Convention, seront imprimés, envoyés aux 83 départements, aux armées françaises et au peuple savoisien, et traduits dans ces différentes langues des pays où se sont portées les armées de la République.)
Je demande que la Convention nationale décrète que les députés de l'Assemblée na-
tionale savoisienne seront'admis dans la salle des séances de la Convention pour assister aux délibérations qui auront lieu relativement à la réunion de la Savoie à la France et jusqu'à ce qu'il y aura été prononcé.
(La Convention décrète la motion de Carra.)
Suit le texte du décret rendu :
« La'Gonvention nationale, sur la proposition de ses membres, décrète que les députés de l'Assemblée nationale savoisienne seront admis dans la salle des séances de la Convention, pour assister aux délibérations qui auront lieu relativement à la question de la réunion de la Savoie à la France, et jusqu'à ce qu'il y aura été prononcé. »
roland, ministre de Vintérieur, et garat, ministre de la justice, viennent rendre compte de l'exécution du décret d'accusation rendu contre Vex-ministre Lacoste.
Roland, ministre de Vintérieur. Je viens pour satisfaire au décret d'hier, qui me charge de rendre compte de l'exécution du décret contre l'ex-ministre Lacoste. Ce compte serait rendu, en disant que je n'en ai point reçu d'expédition en forme. Le ministre de la justice m'en a fait passer, il y a huit jours, 83 exemplaires imprimés pour l'ènvoi aux départements; il n'a pas de moi d'autre reçu. On a dit que l'envoi du décret d'accusation contre Montesquiou avait été retardé, et que c'était la cause qu'il n'avait point été arrêté. Je réponds que je ne suis point chargé de l'exécution des décrets d'accusation .contre les employés du département de la guerre ou de la marine.
Garat, ministre de la justice. L'ex-ministre Lacoste est maintenant dans les prisons de l'Abbaye. Voici le certificat qui l'atteste. J'ai cru, comme homme, avoir le droit de faire arrêter un individu qui est notoirement sous le coup d'un décret d'accusation. J'observe maintenant que le retard de cette arrestation provient d'une incertitude ou d'une erreur de compétence entre les ministres. Les décrets ne tracent point un mode exclusif pour l'exécution des décrets d'accusation. Celui contre l'ex-ministre Lacoste est arrivé le 9 dans mes bureaux ; le chef s'est rendu au comité des décrets pour le faire corriger. Le même jour, je l'ai fait signer au conseil par le président. A chaque conseil, on présente la liste des décrets rendus avec des notes sur les décrets exécutables à l'instant par tel ministre. Le chef de bureau a pensé què, conformément à l'usage rapporté par le ministre de l'intérieur, celui contre l'ex-ministre Lacoste regardait le ministre de la marine, et il le lui a fait passer.
Plusieurs membres : L'ordre du jour.
(La Convention à l'ordre du jour.) ~
Je propose que dorénavant tous les décrets d'accusation, soient envoyés au ministre de la justice, qui les fera seul exécuter.
Une faut plus imprimeries décrets d'accusation, c'est une dépense inutile.
(de Thionville). C'est une économie de 2 milliards ; la question préalable.
Lorsque des officiers municipaux reçoivent des centaines de décrets, ils ne les lisent pas et négligent les lois importantes. Sait-on que l'impression des lois coûte de 15 à 17 millions par an? que celle d'un décret d'accusation coûte 25,000 livres, et souvent l'individu ne les vaut pas !
Un décret d'accusation ne peut parvenir dans les colonies sans l'intervention du ministre des colonies; un tel décret ne peut parvenir dans l'armée sans le ministre de la guerre : vous aurez cinq pouvoirs exécutifs au lieu d'un.
Le ministre de la justice peut requérir les autres ministres pour faire exécuter les décrets d'accusation ; mais il faut qu'un seul ministre soit chargé de les poursuivre.
La Conveution rend le décret suivant :
« La Convention nationale décrète que désormais les décrets d'accusation seront envoyés au ministre de la justice, pour en poursuivre l'exécution, et qu'ils lui seront expédiés séance tenante.
« La Convention décrète, en outre, qu'à l'avenir les décrets d'accusation et les actes d'accusation ne seront ni imprimés, ni envoyés aux départements. »
Roland, ministre de Vintérieur. Citoyens, les pièce que je vous ai apportées hier (1) ont donné ieu à beaucoup de discussions dans la ville de Paris ; il est même des personnages qui prétendent en faire contre moi l'objet d'une grande dénonciation ; mais je suis accoutumé à ne pas les craindre. Mes dénonciateurs sont comme la calomnie ; ils ont mis leurs ailes à l'envers, et en voulant s'élever, ils s'enfoncent plus que jamais dans la boue. (Rires.)
On a prétendu que j'aurais dû dresser procès-verbal de ces pièces; on a prétendu que j'aurais dû être accompagné des commissaires de la Convention nationale pour les tirer de leur dépôt; on a prétendu qu'il y avait des bijoux avec ces papiers, et que, sans doute, j'avais escamoté ces bijoux. (Mouvement d'indignation.)
Plusieurs membres : C'est Marat qui l'a dit!
Roland, ministre de l'intérieur. Citoyens, le fait est qu'on prépare une grande dénonciation contre moi ; le fait est que je n'ai trouvé que des papiers, et que j'étais accompagné de deux témoins lorsque je m'en suis emparé. Mais je demande à la Convention nationale, si lorsque je ferai quelque recherche intéressante pour le salut public, ou si, même sur un simple soupçon, je dois venir lui proposer de nommer des commissaires.
Un grand nombre de membres : Non, non !
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
(Le ministre sort de la salle au milieu des applaudissements.)
, secrétaire, donne lecture de deux lettres du général Labourdonnaie au ministre de la guerre et d'une autre du général Custine.
Suit la teneur desdites lettres :
Lettre du général Labourdonnaie au ministre de la guerre.
« Quartier général de Dermonde, ce
« Je dois vous rendre compte, citoyen, que j'ai fait marcher des troupes
de Dunkerque pour occuper les villes d'Ypres, de Furnes et d'Os-tende;
les deux premières sont en notre possession, ainsi que la ville de
Bruges, où j'ai envoyé un bataillon pendant mon séjour à Grand. Nous
sommes actuellement les maîtres de l'Escaut, puisque la division que
j'ai envoyée sur la rive gauche de cette rivière, vis-à-vis Anvers,
s'est emparée de deux petits forts que l'Empereur
« En quittant la ville de Gand pour quelques jours, j'y ai laissé l'esprit républicain assez généralement répandu; j'ai donné à la société des Amis de la Liberté et de l'Egalité l'ouvrage dé Paine, intitulé le Droit des nations, en me chargeant de faire imprimer en flamand 500 exemplaires de cet ouvrage classique; je leur ai donné aussi une année d'abonnement de la Feuille villageoise, leur recommandant cet ouvrage, aussi propre à faire connaître à l'homme ses devoirs que ses droits. (Applaudissements.)
« Ces habitants témoignent une grande joie d'être délivrés du joug des Autrichiens.
« Je suis fort aise de pouvoir rendre justice à la bonne conduite des vainqueurs de la Bastille. Le maréchal de camp Champmorin, à qui j'ai donné le commandement des trois divisions de la gendarmerie, est fort content de l'ordre et de la discipline qu'elles observent. Je les avais chargées de l'attaque de Varneton, parce qu'il fallait enlever ce poste de vive force.. (Applaudissements.) Elles occupent actuellement la rive gauche de l'Escaut. » (Applaudissements.)
« Signé : labourdonnaie. »
Seconde lettre du général Labourdonnaie au ministre ae la guerre.
« Route de Malines à Anvers, ce 19 novembre.
« Je vous annonçai, hier, citoyens que les habitants des Pays-Bas recevaient avec plaisir les armées de la République. Mon avant-garde, commandée par le maréchal de camp Lamarlière, fit son entrée hier 18 dans la ville d'Anvers; les magistrats lui répondirent, sur sa demande, qu'ils étaient prêts à lui remettre les clefs, et à répondre aux sentiments de fraternité que la République française leur offrait. (Applaudissements.) J'arriverai ce soir à Anvers, et je saurai si la citadelle doit résister. -Notre artillerie de siège est embarquée, et n'arrivera pas aussitôt quelle corps d'armée ; mais elle ne nous retardera que peu de jours ; et le général Dumouriez pourra m'en prêter, si cela devient nécessaire. » (Applaudissements.)
« Signé : Labourdonnaie. »
Extrait d'une lettre du général Custine au ministre de la guerre.
« Hombourg,
« Les Prussiens se vantaient déjà de me renfermer bientôt dans Mayence, et de pouvoir bientôt m'y bombarder. Je n'ai pàs balancé d'aller les attaquer, malgré ma grande infériorité. Ils avaient fait la faute de prendre des cantonnements, au lieu de se camper. J'avais pris des moyens pour être instruit ; et c'est le jour même de leur arrivée dans ces cantonnements, que, par une marche de douze lieues, je les aurais attaqués partout ; mais, prévenus de ma marche, ils se sont retires. Le seul colonel Houchard a pu joindre l'avant-gàrde commandée par Hében. Il lui a tué plus de 200 hommes et blessé plus de 400, d'après tous les rapports qui me sont arrivés depuis. C'est ainsi qu'avec 12,000 hommes en campagne, et 9,000 seulement au bord de la Lahn,
le jour de l'action, j'ai fait retirer les Hessois jusqu'au delà de Marbourg, et que les Prussiens n'ont pas cru pirudent de mettre leurs avant-postes à moins de deux lieues en arrière de laLahn. Leurs patrouilles viennent seulement en visiter les bords; les miennes en font autant. Mes avant-postes en sont aujourd'hui à quatre ou cinq lieues; et je tiens en force tous les défilés des montagnes, de manière à pouvoir me réunir en huit heures, si les Prussiens se déterminaient à tourner ces montagnes pour arriver par la plaine, à l'extrémité de laquelle j'ai une position reconnue. Je vais aujourd'hui continuer mes reconnaissances; et j'ose vous assurer que s'il m'ar-rivait quelque événement fâcheux, ce que je ne puis penser, étant trop près du moment où il va m'arriver des moyens, ce ne serait ni faute de soin, ni de prévoyance de ma part, ni même faute d'avoir employé tous les moyens politiques, ainsi que vous avez pu le juger. J'espère encore' que nous étonnerons par nos résultats, pour peu que la saison puisse encore nous seconder. » (Applaudissements.)
« Signé : CUSTINE. »
On procède, par la voie du sort, à la nomination des 12 commissaires pour le dépouillement et la vérification des papiers trouvés aux Tuileries (1).
Suit la liste des commissaires :
Citoyens, Rabaut-Pomier, Bohan, Bolot, Saurine,
Bernard de Saint-Affri-
que. Ruhl,
Suppléants. Anacharsistîloots, Doublet, Louchet,
Citoyens, Boussion, Borie, Lefranc, Ruamps, Pellissier, Gardien.
Suppléants. Baudot, Tocquot,
Saint-Martin (de l'Ar-dèche).
Je propose à la Convention de décréter que la commission nommée pour procéder à la vérification des papiers trouvés aux Tuileries sera autorisée à décerner des mandats d'amener et des mandats d'arrêt contre ceux qui se trouveraient chargés par le résultat de cette vérification. Je propose également que ces mandats ne soient mis à exécution qu'autant qu'ils seront revêtus des signatures des deux tiers des membres de la commission. Je demande enfin qu'excepté les membres de la commission, personne ne puisse s'introduire dans la salle où se fera le dépouillement des papiers trouvés aux Tuileries.
(La Convention adopte les propositions de Defermon.)
Suit le texte du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que la commission nommée pour procéder à la vérification des papiers trouvés aux Tuileries, est autorisée à décerner des mandats d'amener et des mandats d'arrêt contre ceux qui se trouveraient chargés par le résultat de cette vérification.
« Ces mandats ne pourront être mis à exécution qu'autant qu'ils seront
revêtus des signa-
« Excepté les membres de la commission personne ne pourra s'introduire dans la salle où se fera le dépouillement des papiers trouvés aux Tuileries. »
J'observe que le 21 juin 1791 et jours suivants, après la fuite de Louis XVI, il fut déposé aux Archives un carton, un paquet de papiers et un portefeuille tombé de la poche de l'un de ses courriers, et que tous ces effets furent mis sous les scellés. Je demande que la nouvelle commission soit autorisée à les vérifier.
(La Convention adopte la proposition de Camus.)
Suit le texte définitif-du décret rendu :
« La Convention décrète que le garde des archives de la République remettra à la commission la caisse dans laquelle les papiers scellés hier sont renfermés, après que les scellés apposés sur ladite caisse auront été reconnus par les commissaires qui ont procédé hier à leur apposition. Décrète en outre que le garde des archives remettra à la même commission un carton ou paquet de papiers et un portefeuille qui ont été trouvés aux Tuileries, et scellés à l'epoque des 21 et 23 juin 1791, et qui sont demeurés depuis cette époque aux archives de la République. »
On procède, par la voie du sort, à la nomination des commissaires pôur l'examen des marchés relatifs aux armes (l).
Suit la liste des commissaires.
Citoyens, Citoyens,
Thomas La Prise, Laguire,
Esnue de la Vallée, Rourbotte,
Quirot, Rongier,
Turreau-Linières, Pocholle,
Roux, Precy,
Michet, Genevois,
Gauthier, Ruault,
Baunolles, Vallée,
Bodin, Balla,
Regnauld-Bretel, Serre, Garnier (sans désignation), Allaffort,
Royer, Thabaud.
, sécrétaire, donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui fait passer à la Convention nationale un arrêté pris par le conseil exécutif provisoire, relativement à la libre circulation et navigation de la Meuse et de l'Escaut, cet arrêté est ainsi conçu :
Extrait des registres des délibérations du conseil exécutif provisoire. 16 novembre 1792, l'an Ier de la République.
Le conseil exécutif délibérant sur la conduite des armées françaises dans le pays qu'elles occupent, spécialement dans la Relgique, un de ses membres a observé :
1° Que les gênes et les entraves que jusqu'à présent la navigation et le commerce ont souffertes, tant sur l'Escaut que sur la Meuse, sont directement contraires aux principes fondamentaux du droit naturel que les Français ont juré de maintenir ;
2° Que le cours des fleuves est la propriété commune et inaliénable de
toutes les contrées arrosées par leurs eaux ; qu'une nation ne sau-
3° Que la gloire de la République française veut que partout où s'étend la protection de ses armes, la liberté soit rétablie, et la tyrannie renversée ;
4° Que lorsqu'aux avantages procurés au peuple belge par les armes françaises, se joindra la navigation libre des fleuves, et l'affranchissement du commerce de ces provinces, non seulement le peuple n'aura plus lieu de craindre pour sa propre indépendance, ni de douter du désintéressement qui dirige la République ; mais même que les nations de l'Europe ne pourront dès lors refuser de reconnaître que la destruction de toutes les tyrannies et le triomphe des droits de l'homme soient la seule ambition du peuple français;
Le conseil, frappé de ces puissantes considérations, arrête, que le général commandant en chef les armées françaises dans l'expédition de la Belgique, sera tenu de prendre les mesures les plus précises, et d'employer tous les moyens qui sont à sa disposition, pour assurer lalibert* de la navigation et des transports dans tout le cours de l'Escaut et de la Meuse. (Applaudissements).
, au nom du comité des finances, fait Un rapport (1) et présente un projet de décret :(1) portant création ae 600 millions d'assignats de 400 livres; il s'exprime ainsi :
Le Corps législatif, avant de terminer sa session, a pris les mesures de précaution les plus efficaces pour assurer le service des caisses publiques. Forcé de soutenir une guerre des événements de laquelle dépend notre liberté, il a pensé qu'il fallait préparer d'avance à la Convention les moyens de déployer toutes les forces nationales contre les tyrans coalisés pour .nous asservir.
Après s'être assuré qu'il existait un gage certain pour les nouvelles créations désignais que les circonstances pourraient commander, il a ordonné tous les préparatifs nécessaires à leur fabrication : déjà 750 rames de papier dans les dimensions des assignats de2001ivres, et 3,000 rames dans celles de 50 livres, sont prêtes ^recevoir les formes et les empreintes qui leur donnent le caractère dé monnaie.
Tandis que l'on travaillait à la fabrication de cette matière première,
votre comité des finances faisait des recherches sur la quantité de
chaque espèce d'assignats que les besoins du commerce exigent pour la
circulation. 11 appelait auprès de lui les artistes les plus distingués
pour 'établir de nouvelles formes, changer les empreintes des attributs
de la royauté, leur en substituer d'analogues au régime républicain,
Si les circonstances de la guerre rendent indispensable que vous teniez en réserve un fonds toujours disponible, cette mesure n'en serait pas moins avantageuse dans un temps plus calme. L'abondance dans le Trésor national facilite la réforme des abus, rend le gouvernement indépendant des spéculations de l'agiotage, et lui permet de pourvoir à tous les besoins par ies moyens les plus économiques.
Ces motifs seraient suffisants pour déterminer la Convention à ordonner une nouvelle fabrication d'assignats, toujours prêts à recevoir le caractère de monnaie par un décret qu'elle rendrait; mais les besoins du commerce l'exigent particulièrement. Depuis longtemps on éprouve de la difficulté à se procurer des assignats d'une forte valeur. Les échanges ordonnés par les décrets antérieurs, le brûlement des assignats donnés en paiement des domaines nationaux en ont absorbé une grande quantité ; et l'on voit aujourd'hui, par les comptes de la caisse de l'ex-traordinaire, qu'à défaut d'assignats de forte valeur, les petits sont reçus en paiement des domaines nationaux, annulés et ensuite brûlés; d'où il suit qu'il n'existe plus en circulation une assez grande quantité d'assignats de fortes sommes. Le temps n'est donc pas éloigné où les be? soins du public engageront la Convention à émettre de ces sortes d'assignats, soit par une nouvelle création, soit par la voie de l'échange, Pour donner à cette fabrication tous les avantages dont elle est susceptible, le comité des finances a pensé que là Convention remplirait tous les objets, si les nouveaux assignats avaient une valeur, une forme et dès empreintes telles qu'il n'en eût point encore été émis de semblables; c'est le moyen d'apporter le plus d'obstacles possibles à la contrefaçon.
En conséquencé; il propose de leur donner une valeur de 400 li vres. Ainsi les 750 rames de papier pourront fournir une somme de 600 millions. Un objet particulier lui a paru digne de toute l'attention de la Convention nationale.
Le timbre est la dernière empreinte qui donne en quelque sorte le caractère de monnaie à l'assignat. Quelque soin que l'on ait donné au timbre des fabrications précédentes, il a paru possible; d'atteindre à un plus haut degré ae perfection. Un artiste a présenté un nouveau timbre qui ajoute beaucoup aux difficultés qu'auraient à vaincre les contrefacteurs. Les artistes les plus distingués le regardent comme une chose jusqu'ici inconnue. Ce timbre présenté par le citoyen Poissault, qui en est l'inventeur et le propriétaire, donne une empreinte nette, transparente, également apparente des deux côtés de l'assignat. L'artiste s'engage à fournir, dans un mois, huit timbres semblables, avec les machines propres à les faire mouvoir, chaque timbre pouvant frapper 10,000 assignats par jour et les huits timbres 80,000 assignats. Votre comité des finances vous propose d'autoriser le ministre des Contributions publiques à traiter avec cet artiste pour l'acquisition de ces timbres et de ces machines.
Des raisons d'économie et la célérité des opérations vous avaient déterminés à supprimer le numérotage, etla signature à la main dans la dernière émission que vous avez ordonnée pour les assignats de 25 livres et au-dessous. Votre comité sentant cependant l'importance du numérotage pour les assignats ae fortes sommes,
afin d'avoir un point de renseignements de plus contre les contrefacteurs, vous propose de les faire numéroter à la planche, suivant un nouveau procédé du citoyen Barthelet. Ce moyen, beaucoup plus économique que le numérotage à la main, est en même temps très expéditif.
La signature à la planche vous est encore proposée par les mêmes motifs. Trente signatures seraient employées, et pourraient même être variées sur chaque feuille par la voie de l'impression ; leur position, toujours semblable sur chaque assignat, sera un nouveau point de remarque auquel on pourrait distinguer l'assignat vrai du faux; mais un avantage bien précieux que l'on en peut tirer, c'est de les combiner avec le nombre des séries, de manière que cette combinaison ne soit connue que de ceux qui sont chargés de la vérification des assignats. Il en résulte que cette combinaison, ignorée des contrefacteurs, deviendra, au bureau de vérification, un moyen sûr de distinguer le véritable des faux assignats.
Aperçu des dépenses qu'occasionnera la fabrication des six cent millions d'assignats de 400 livres, suivant Vétat fourni par le directeur général de la fabrication des assignats.
Le marché du papier est fait d'après les bases de celui de 200 livres ; la feuille contient quatre assignats, la rame deux mille. La totalité du papier décrété est de 750 rames ; mais il faut ajouter un dixième pour le supplément, ce qui porte la somme totale à 820 rames, qui, à 50 livres la rame, présentent une somme de.............................. 41.000 liv.
Le graveur en taille-douce demande pour son travail une somme de............................. 600
M. Herlam, qui s'est chargé de multiplier les poinçons de cette gravure, demande, pour la totalité ae cette opération, une somme de. 10.000
On peut évaluer la quantité de cuivre nécessaire pour cette multiplication à un poids de 2.500 livres, qui, à 5 livres la livre, y compris le transport, la préparation et le planage, donnent une somme de...................... 12.500
L'imprimeur en taille douce se charge de livrer chaque cent de feuilles bonnes à raison de 6 livres le cent, ce qui fait un total de... 22.500
Firmin Didot demande, pour la gravure des textes et légendes ... 7.200
Le graveur en ornements n'évalue pas la gravure des timbres, ornements et signatures à moins de.............................. 10.000
La fonte des caractères, ornements, timbres et signatures ne peut guère être évaluée d'une manière précise : on ne peut que présenter une approximation, que je porterai plus forte que plus faible; ]e crois qu'elle ne coûtera environ que................,........... 6.000
M. Granal, chargé de préparer les planches de cuivre à coulisses, évalue le travail nécessaire pour chaque planche à 400 livres; la quantité des planches nécessaires pour imprimer en dix jours la totalité de 600 millions étant égale au nombre de 30 presses, il en résulte une somme de............. 12.000 liv.
Le numérotage et la signature, qui seront exécutés en même temps que l'impression, sont deux articles de dépenses bien faibles en raison de ce qu'ils coûtaient à la main; la quantité de planches nécessaires, leur fonte, leur préparation, celles des chiffres, et leur ajustage, coûtera environ 10.000 livres, en y comprenant les honoraires de l'artiste chargé de diriger tous les préparatifs et de surveiller avec l'imprimeur l'exactitude des numéros et signatures appliqués sur chaque assignat, ci. 10.000
L'imprimeur, M. Didot, demandait 30 livres par rame, mais il sera facile de le déterminer à se contenter d'un prix beaucoup moins élevé. Il serait peut-être imprudent de le désigner d'avance dans un mémoire public; je dois seulement prévenir le comité que ce prix n'ira certainement pas à 24 livres. Il y a 820 rames, c'est donc........................... 19.680
Le dernier article, celui qui donne à l'assignat le caractère de papier-monnaie, le timbrage, peut être évalué avec assez de précision pour ne laisser qu'une légère différence entre l'aperçu et la dépense effective.
La dépense des machines est faite; il ne reste plus que l'application des timbres sur cette machine et le prix de la façon. Chaque série timbrée coûte 21 livres; les 820 séries coûteront donc 17.220 livres pour la façon seulement, non compris les frais d'administration et les dépenses journalières, ci..................... 17.220
Total......... 168.700 liv.
Voici maintenant le projet de décret que votre Comité des finances vous propose d'adopter :
« La Convention nationale, considérant que les besoins du commerce exigent une plus grande quantité d'assignats de forte valeur que ceux qui sont actuellement en circulation; qu'il importe de préparer d'avance tous les moyens qui peuvent donner à une nouvelle fabrication un degré de perfection supérieur aux fabrications précédentes ; présenter des obstacles presque insurmontables aux contrefacteurs, en employant le numérotage et la signature à la planche par des combinaisons variées sur le nombre des séries, et surtout en faisant usage d'un nouveau timbre sec à deux faces avec son vis-à-vis; qu'enfin il est avantageux de changer souvent la forme et la valeur des assignats; après avoir entendu le rapport de son Comité des finances, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« 11 sera fabriqué pour 600 millions en assignats de 400 livres chacun.
Art. 2.
« Les 750 rames de papier dans les dimensions des assignats de 200 livres seront employées à cette fabrication.
Art. 3.
« L'assignat portera dans le texte : République française, assignat de 400 liv., de la création du. 21 novembre 1792, l'an premier de la République, hypothéqué sur les Domaines nationaux. Au bas et dans le centre, il y aura une taille-douce représentant une aigle, les ailes déployées, les serres sur la foudre, supportant un faisceau d'armes, surmonté du bonnet de la liberté, et entouré d'un serpent en cercle, symbole de l'éternité, rayonnant de lumière ; le faisceau sera orné de branches de chêne, de laurier et d'olivier, pour caractériser la force, la victoire et la paix.
« Sur la gauche de cet emblème sera placé le sceau de la République en timbre sec; a droite sera la signature.
« La bordure de l'assignat sera composée de la série et du numéro, répétés en haut et en bas ; de la somme répétée aux quatre angles, alternativement en lettres et en chiffres; des deux légendes : La loi punit de mort le contrefacteur; la nation récompense le dénonciateur, placées latéralement ; de deux camées représentant la Liberté et l'Egalité, placés au milieu de la bordure dans le haut et dans le bas; et enfin de parallélogrammes taillés en facettes variées par les ombres, et faisant le pourtour de la bordure dans les espaces libres.
Art. 4.
« Le numérotage et la signature seront faits à la planche.
Art. 5.
« Il sera employé trente signatures, dont la combinaison pourra être variée suivant le nombre des séries. Ces signatures seront les suivantes :
Noms des citoyens dont la signature sera apposée sur les assignats de 400 livres.
« Say, Manuel, Noël, Rousseau, Desmazières, Henry, Tulpin, Groiziers, Orry, Ginier, Griois, Pougm, Bertaut, Abraham, Camuzet, Brilants, Gorsse, Adam, Benoist, Perrier, Evin, Durand, Ribou, Gaillard, Vieilh, Taupin, Tridon, Dar-naud, Grosnior, Fleurie!.
Art. 6.
« Le ministre des contributions publiques est autorisé à traiter avec le citoyen Poissault pour l'acquisition des timbres secs à double face, ou avec leurs vis-à-vis, et des machines propres à appliquer ces timbres.
Art. 7
« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre des contributions : 1° jusqu'à la concurrence d'une somme de 168,700 livres pour la dépense de cette fabrication, suivant l'état fourni par le Directeur général de la fabrication des assignats, et annexé au rapport du Comité des finances; 2° jusqu'à la concurrence d'une somme de 55,000 livres pour traiter de l'acquisition des timbres et des machines à
timbrer du citoyen Poissault, après en avoir fait examiner et vérifier l'avantage. » (La Convention adopte ce projet de décret.) (La séance est levée à cinq heures et demie.)
a la séance de la convention nationale du
Pièces justificatives du ràpport de Brissot de Warville (1 ), sur la négociation entre Genève et la République de France et sur la transaction du2novembre 1792(2).
I
Copie de la convention conclue entre la République française et la
République de Genève, le
Le Conseil souverain de la République de Genève ayant, au moment de l'entrée des troupes françaises en Savoie, autorisé les syndics et conseil a requérir des louables cantons de Zuricb et de Berne, d'envoyer à Genève un secours de 1,600 hommes pour préserver cette ville de toute entreprise des puissances belligérantes, les trou-^ pes y furent introduites le 30 septembre.
« L'événement de la guerre ayant amené la dispersion des troupes sardes et l'évacuation entière de la Savoie, le gouvernement envisagea la demande d'un tel secours, au moment où "armée française seule environnait Genève, comme l'effet d'une méfiance injurieuse. Le résident de France fit sur cette demande les observations que ses instructions lui dictaient, requit expressément la sortie du secours suisse et renouvela au surplus l'engagement de maintenir la liberté entière et l'indépendance de l'Etat et de la ville de Genève, conformément à tous les traités, et d'après les principes solennellement proclamés par la nation française de renoncer à toute conquête et de respecter les droits de tous les peuples; les syndics et conseil de Genève retenus par leurs premières alarmes, et jugeant que la sûreté de la République de Genève se trouvait compromise, y refusèrent leur acquiescement : sur ce refus, le résident de France remit l'ordre de protester contre l'introduction des troupes appelées dans Genève et de se retirer de cette ville ; alors les liens d'amitié qui unissaient depuis si longtemps Genève à la France furent un moment relâchés et auraient peut-être été rompus si des communications franches et amicales n'eussent prévenu des mesures hostiles.
« Le conseil exécutif provisoire de Franse, en chargeant le citoyen français, Anne P. Montes-quiou-Fezensac, génénal ae l'armée des Alpes, de soutenir contre toute atteinte la dignité de la République française, lui a donné en même temps de pleins pouvoirs pour terminer à l'amiable -les différends qui s'étaient élevés. Les syndics et conseil de Genève, empressés de donner à la France des marques non équivoques de l'attachement de leur République et du désir qu'ont les Genevois de maintenir la bonne harmonie qui a, si heureusement pour leur patrie,
subsisté entre les deux Etats, ont également investi de leurs pleins pouvoirs leurs féaux et bien aimés frères, Jacob-François Prévôt, conseiller d'Etat, Ami Lullin, ancien çonseillerd'Etat, membre du grand consèil, et François d'Yver-nois, conseiller du grand conseil.
« Les susdits plénipotentiaires réunis au quartier général de Landrecy, le plénipotentiaire de la République française a déclaré que la France, incapable de redouter ses ennemis, l'était également d'abuser de la victoire ; que, venant de rendre à lui-même un peuple conquis, à l'instant même de la conquête, elle ne pouvait être raisonnablement soupçonnée de vouloir porter atteinte à la liberté d'un peuple ami; que les calculs de la puissance contre la faiblesse, cette doctrine insolente des despotes, seraient toujours étrangers à une nation qui a fondé ses propres droits sur les droits imprescriptibles de l'homme ; que, lorsqu'au prix du sang de ses concitoyens la République française repousse toute intervention étrangère, elle doit s honorer en déclarant qu'elle ne prétend introduire aucune troupe ni dans la ville de Genève ni sur son territoiré; qu'elle n'entend exercer aucune autorité sur cette République, aucune espèce d'influence sur son gouvernement; que si dans les circonstances actuelles la France demande aux syndics et Conseil de se contenter des forces armées de la République pour remplir le devoir de la défendre et d'y faire observer et respecter les lois qui la régissent, c'est qu'elle regarde cette mesure comme un garant de la liberté de Genève et comme un moyen de rendre inviolable la neutralité que cette ville a professée et que pour son propre intérêt elle doit religieusement observer; qu'enfin les intentions de la France, si souvent et si hautement prononcées, ne peuvent être suspectes à un peuple libre, et qu'il ne serait permis de les calomnier qu'aux fauteurs du despotisme et de la tyrannie.
« Les plénipotentiaires des syndics eti conseil de Genève, après avoir déclaré de leur part qu'ayant l'honneur d'être les magistrats d'un peuple libre ils ne reconnaissent et ne reconnaîtront jamais d'autres juges de leur conduite que l'Etre suprême et leurs concitoyens, ont ajouté que le gouvernement de Genève, lié par sa profonde reconnaissance envers la France et par ses devoirs envers sa patrie, a travaillé constamment à conserver les relations honorables et utiles qui unissaient les Genevois avec la nation française ; que, loin d'avoir eu ou seulement conçu des idées hostiles, il a été sans relâche occupé des moyens de conserver la paix; que s'il a désiré et obtenu que Genève fût comprise dans la neutralité au corps helvétique, c'est qu'il savait combien cette neutralité était loyale et franche et qu'il l'envisageait comme un gage assuré de la paix; que_si, dans les jours d'alarmes, il a réclamé, à l'exemple de ses prédécesseurs, le secours de généreux alliés, qu'il savait pacifiques, neutres, c'est qu'il a vu dans ce secours un moyen de conserver la paix et avec elle la sûreté et la liberté de la République ; mais qu'aujourd'hui, pleinement tranquillisé par l'assurance des sentiments généreux ae la République française, si longtemps exprimés par son plénipotentiaire, - il s'abandonne à la confiance que lui inspirent des déclarations aussi formelles; et, voulant écarter jusqu'à l'apparence d'un , doute que la France envisageait comme injurieux, il s'empresse d'adhérer à ses"désirs en remerciant ses chers et fidèles alliés d'un
secours qu'il ne juge plus nécessaire dans les circonstances actuelles.
« Et pour que l'effet de ces déclarations respectives ne soit pas équivoque, les articles suivants ont été arrêtés :
Art. 1er.
« Tous les corps des troupes suisses qui sont actuellement à Genève se retireront successivement en Suisse ; et ladite retraite sera consommée d'ici au 1er décembre prochain.
Art. 2. |
« D'ici à la même époque, la grosse artillerie et les troupes françaises qui environnent Genève, et qùi s'en étaient approchées en raison des différends terminés par la présente convention, seront retirées et placées de manière qu'elles ne puissent donner aucun motif d'alarme à Genève.
Art. 3.
« Dès la date de la présente convention, la libre communication entre les habitants de la Savoie et les deux Républiques, et l'entière liberté du transit de Genève en Suisse et de Suisse à Genève, seront rétablies sur le même pied qu'en temps de paix, conformément aux traités et à l'usage.
Art. 4.
« La République de Genève se réserve expressément et solennellement tous les traités antérieurs avec ses voisins, et spécialement celui de 1584 avec les louables cantons de Zurich et de Berne, ainsi que l'article 5 du traité de neutralité de 1782 : n'entendant la République française que ladite réserve puisse la lier aux traités dans lesquels elle n'est pas intervenue, ni pré-judicier en rien à là faculté qu'elle s'est réservée de revoir ses propres traités, qu'elle exécute provisoirement jusqu'à l'époque de cette revision.
Art. 5.
« La présente convention sera ratifiée par la République française et par la République de Genève, et les lettres de ratification en seront échangées de part et d'autre dans le terme de douze jours, ou plus tôt, si faire se peut.
« Fait en double original et convenu entre nous, au quartier général de Landrecy, le 2 novembre 1792, l'an 1er de la République française. » Le général de l'armée des Alpes, Signé: Montesquiou; J. F. Prévôt, conseiller d'Etat; Ami Lullin, conseiller d'Etat, membre du grana conseil; François d'Yvernois, membre du grand conseil.
Pour copie conforme :
Le ministre des affaires étrangères, Signé : Lebrun.
II
traité perpétuel
Fait par le roi Henri III, avec les villes de Genève; Berne et Soleure,
le
Henri, par la grâce de Dieu, roi de France et
de Pologne, à tous présents et à venir, salut. Comme ci-devant et de longtemps nos très chers et grands amis, alliés et considérés, les sieurs des villes et cantons de Berne et de Soleure, sur les bruits qui ont par diverses fois couru de plusieurs entreprises et desseins sur la ville de Genève, fussent entrés en opinion qu'i-celle ville venant à changer de main la paix et tranquillité générale de tous les pays des ligues en pourrait être beaucoup altérée, pour être icelle ville l'une des clefs et boulevards desdits pays des ligues; et d'ailleurs, alliée comme ancienne combourgeoisie avec lesdits sieurs de Berne, ils nous auraient fait entendre que pour obvier à telles entreprises, dont le seul bruit troublerait grandement leur repos, ils étaient délibérés de faire entre eux quelque traité pour maintenir et conserver ladite ville de Genève en l'état qu'elle se retrouvait, comme chose qu'ils estimaient des plus importantes et nécessaires, non seulement au bien et sûreté commune de toutes les ligues, mais aussi à la conservation et entretènement de l'ancienne amitié et alliance qui est entre nous et elles; nous requérant qu'à cette occasion, à l'exemple de nos prédécesseurs rois, qui ont toujours été très prompts d'embrasser tout ce qui s'est présenté pour le bien et repos d'icelles ligues, nous voulussions entrer avec eux audit traité ; à quoi ne voulant défaillir par l'ancienne amitié et bienveillance que nous eur portons, après avoir diverses fois mis l'affaire en délibération, nous aurions envoyé lettres patentes en date du dixième jour de juillet 1578, a notre aimé et féal conseiller, à notre privé conseil, premier président en Dauphiné, et lors notre ambassadeur esdites ligues, le sieur de Hautefort, portant pouvoir exprès de traiter avec lesdits seigneurs des ligues en général ou avec aucuns cantons ou allies d'icelles en particulier qui y voudraient entrer, de ce qu'ils jugeraient et aviseraient être propre et nécessaire pour la conservation et défense de ladite ville de Genève et territoire d'icelle, en l'état qu'elle se trouvé de présent, et empêcher les entreprises qui se pourraient faire sur icelle, au préjudice du repos aesdites ligues, par quelques personnes ou,po-tentats que ce soient ; et pour cet effet accorder par ledit sieur de Hautefort, en notre nom, tel secours et] aide, favéur et assistance qu'il serait trouvé expédient et nécessaire pour la continuation et fortification du repos général desdites ligues et de notre amitié et commune intelligence avec icelle. SUivânt lesquelles nos lettres ae pouvoir et autres lettres, mémoires et instructions que nous en aurions depuis envoyés au sieur de Hautefort, après en avoir diverses fois traité et négocié avec lesdits sieurs des villes etcantons de Berne et de Soleure, nos très chers et grands amis, alliés et confédérés. Icelui sieur de Hautefort, par l'avis et en présence de notre aimé et féal conseiller en notre dit conseil, et notre ambassadeur après lui, auxdites ligués, le sieur de Sancy, seraient enfin demeurés d'accord avec lesdits sieurs de Berne et Soleure, sous notre bon plaisir, des articles ci-après déclarés et insérés de mot à mot. C'est à Savoir : En premier lieu, que, pour satisfaire à la requête que lesdits sieurs de Berne et de Soleure en ont faite à Sa Majesté Très Chrétienne, et à l'opinion qu'ils ont qu'il importe grandement à leur bien et repos, et de tout le général des ligues, que les pays appartenant auxdits sieurs de Berne et à ceux délaissés par les accords ci-devant faits entre M. le duc de Savoie et eux
soient compris au traité de la paix perpétuelle qui est entre la couronne de France et je général des ligues: il a été accordé qu'iceUx pays délaissés par ledit sieur duc de Savoie auxdits sieurs de Berne seront et demeureront compris en ladite paix perpétuelle, aux mêmes qualités et conditions des autres pays appartenant d'ancienneté auxdits sieurs de Berne, tout ainsi que si elles étaient ici désignées et spécifiées par le même.
2° Pour les mêmes considérations que dessus, et en faveur et contemplation desdits sieurs de Berne et de Soleure, il a été aussi accordé que ladite ville et cité de Genève avec son territoire sera comprise audit traité de paix perpétuelle, à la charge que les habitants d'icelle se comporteront envers Sa Majesté et la couronne de France.avec le respect qu'il appartient, et qu'il est porté par ledit traité de paix perpétuelle.
3° Sans néanmoins que par le moyen de ladite compréhension les habitants d'icelle ville dé Genève jouissent d'aucune exemption des droits de gabelles, péages et autres subsides et impôts, pour raison du trafic et marchandises qu'ils feront en France; ainsi se contenteront lesdits habitants d'être traités comme les propres sujets du roi, pour raison dudit commerce, péages, gabelles, subsides et impôts, tant pour l'achat et débitement des denrées et marchandises que pour les droits d'entrée et sortie d'icelles, ensemble pour la liberté d'aller, de venir et négocier par le royaume de France, terres et seigneuries de son obéissance.
4° Et s'il intervient quelque différend entre les sujets de Sa Majesté et les particuliers de ladite ville de Genève, le demandeur sera tenu de poursuivre son droit par devant le juge Ordinaire et au domicile du défendeur, tant d'une part que d'autre; mais s'il y échet quelque difficulté et différend sur le fait de la garnison ou , du secours dont sera parlé ci-après, le roi en sera au droit de marche, suivant et à la forme du traité de la paix perpétuelle.
5° S'il advient que pour la conservation de ladite ville de Genève lesdits sieurs de Berne et de Soleure aient occasion d'accorder garnison à icelle, sadite Majesté en ce cas sera tenue de soldoyer ladite garnison à ses frais et dépens, jùsques au nombre de cinq compagnies de gens de guerre de la nation suisse, si tant est besoin pour la sûreté de ladite ville, chacune desdites cinq compagnies composée de 300 hommes qui seront payés à raison a& 1,300 écus de 4 testons pièce, par mois pour chacune compagnie, et ce seulement pour le temps et au prorata des jours qu'elles auront servi pour la nécessité qui se présentera, outre cinq jours pour l'aller, et autres cinq jours pour le retour.
6° Mais afin que l'on ne fasse entrer le roi en dépense inutile et superflue pour ladite garnison, il a été accordé que lorsqu'il conviendra la mettre, la délibération avec l'ambassadeur de Sa Majesté auxdites ligués, lequel y aura sa voix comme un dés cantons qui seront entrés en ce traité, et sera faite la résolution de bonne foi selon la pluralité des voix.
7° Et pour ne demeurer court de ce qu'il faudra pour soldoyer ladite garnison, et qu à faute de deniers il n'advienne quelque inconvénient à ladite ville, et par conséquent auxdits sieurs des ligues, a été accordé que Sa Majesté sera tenue de faire consigner ès mains des seigneurs de la ville et canton de Soleure, la somme de 13^000 écus de 4 testons pièce, à quoi monte la
solde de cinq compagnies ci-dessus accordées pour ladite garnison pour deux mois entiers.
8° Et s'il advenait que ladite ville de Genève fût assiégée par qui que ce soit, et que pour la secourir lesdits sieurs de Berne et de Soleure et autres cantons qui entreront en ce traité, fussent contraints de dresser une armée, en ce cas sadite Majesté sera tenue de les secourir et aider de la somme de 15,000 écus de 4 testons pièce, pour cbacun mois, pour tout secours, tant et si longuement qu'il y aura armée en campagne, pour la défense de ladite ville, moyennant lesquels 15,000 écus par mois sadite Majesté demeurera déchargée du payement des cinq compagnies ci-dessus accordées pour la garnison de ladite ville, à compter du jour que ladite armée sera en campagne pour la défense d'icelle.
9° Et afin que lesdits seigneurs de Berne et Soleure et autres cantons qui entreront en ce présent traité, aient plus de moyens de se fortifier et dresser une plus belle armée, pour le secours de ladite ville, quand le besoin y sera, si aucuns des sujets de sadite Majesté les veuillent venir aider et secourir, il ne leur sera aucunement défendu ni empêché par sadite Majesté, ni par ses ministres et officiers.
10° Que si à l'occasion ou en haine de la défense et conservation de ladite ville de Genève, aucun prince ou potentat venait à mouvoir guerre contre lesdits seigneurs de Berne et Soleure et autres cantons qui pourraient ci-après entrer en ce traité, ou aucuns d'iceux, en ce cas Sa Majesté sera tenue de les aider et secourir de la somme de 10,000 écus de 4 testons pièce, par mois, tant et si longuement qu'ils auront armée en campagne pour raison de ladite querelle.
11° Gomme aussi en cas pareil, si quelqu'un venait à mouvoir guerre contre Sa Majesté très catholique à l'occasion de ladite défense et conservation de Genève, lesdits seigneurs de Berne et Soleure et autres cantons qui y entreront, seront tenus de secourir Sa Majesté jusques au nombre de 6,000 hommes de guerre de ladite nation, si tant elle en a besoin, en faisant les levées et soldoyant les compagnies suivant et à la forme des traités d'alliance que Sa Majesté a déjà avec aucuns desdits cantons desdites ligues.
12° Et pour reconnaissance du bien que ladite ville recevra du roi, par le moyen de ladite défense et conservation, les sujets de sadite Majesté auront sur ce libre accès en icelle, tant pour le regard du trafic et autres Affaires qu'ils y pourraient avoir, qu'aussi pour le passage des gens de guerre que sadite Majesté et ses successeurs auront à tirer desdites ligues, ou envoyer de France de delà les monts. Lesquels gens de guerre passant à la file, sans désordre et avec toute modestie, seront reçus et logés, et à iceux administrer vivres et autres choses nécessaires, en payant raisonnablement, et seront pour cet effet, les seigneurs de ladite ville premièrement avertis du passage desdits gens de guerre, attendu la qualité de ladite ville, à ce qu'ils ne soient surpris ou surchargés.
13° Gomme aussi ne sera donné aucun passage ni retraite en ladite ville de Genève aux ennemis de Sa Majesté et couronne de France.
14° Et en outre il a été dit et accordé que le présent traité durera et tiendra à perpétuité, de même que la paix perpétuelle, sans que par ci-après, il puisse être fait d'uné part ni d'autre aucune chose au préjudice d'icelui ; ainsi sera inviolablement et de bonne foi observé, entretenu et gardé, tant par sadite Majesté que par
lesdits seigneurs de Berne et de Soleure, et au très cantons et alliés desdites ligues qui, par ci-après, y pourront entrer de point en point, selon sa forme et teneur, sans aller jamais au contraire en quelque sorte et manière que ce soit, se réservant néanmoins ledit seigneur de Hautefort, de faire entendre à Sa Majesté tout le contenu ci-dessus, pour en avoir son beau plaisir, et l'ayant pour agréable d'en envoyer auxdits seigneurs de Berne et de Soleure, dans trois mois prochains, lettres et sceaux de Sa Majesté; et lors, faisant prêter de part et d'autre les serments en tel cas requis et accoutumé. En témoin de quoi lesdits seigneurs de Hautefort et de Sancy ont signé les présentés de leurs mains, et à icelles fait mettre le scel de leurs armes, comme aussi lesdits seigneurs de Berne et de Soleure les ont pareillement signées, et à icelles fait mettre et apposer leurs sceaux, le huitième jour de mai, l'an de grâce 1579.
III
Traité de neutralité Annexé a Vaete de garantie passé entre les trois puissances médiatrices qui ont rétabli la tranquillité dam la République de Genève.
L'intérêt que Sa Majesté sarde, Sa Majesté très chrétienne et la République de Berne, prennent au bonheur et à la prospérité de la République de Genève, les ayant déterminés à venir à son secours, pour y rétablir l'autorité légitime, l'ordre et la tranquillité, lesdites puissances ont estimé, que le moyen le plus efficace de prévenir le retour des troubles passés, et d'affermir la constitution de cet état, était de garantir, ainsi
Qu'elles l'ont fait, le gouvernement qui vient 'être rétabli dans Genève; elles ont dé plus considéré que, pour assurer à cette garantie l'activité et l'énergie qu'elle doit avoir, prévenir tout ce qui en pourrait gêner l'exercice, et pourvoir d'autant mieux à l'indépendance et à la tranquillité de ladite République, il était nécessaire de convenir entre elles, par un traité de neutralité à la suite de celui de garantie, des mesures les plus propres à parvenir à ce but; en conséquence, elles ont statué ce qui suit :
Art. 1er.
Dans les temps ordinaires, si lesdites puissances étaient dans le cas d'assurer leur garantie et de rétablir dans Genève la tranquillité qui serait troublée au point que le gouvernement fût réduit à ne pouvoir réprimer la licence et agir conformément aux lois,-elles se concerteront le plus promptement possible sur les moyens de remplir leurs engagements envers la République.
Art. 2.
Si '(ce qu'à Dieu ne plaise) il survenait une rupture entre deux des puissances garantes, elles enverraient des plénipotentiaires dans un lieu appartenant à la troisième, pour y aviser de bonne foi, avec ceux de cette dernière, au meilleur moyen d'exercer leur garantie, et décideraient s'il conviendrait mieux que les trois puissances fissent marcher des troupes vers Genève, dont tout le territoire serait dès lors réputé neutre entre les deux puissances en guerre, ou si l'on n'y ferait marcher que les troupes de la puissance neutre, chacune des puissances alors en guerre se chargeant de payer un tiers des frais de cette expédition*
Si les trois puissances se trouvaient en guerre, elles enverraient chacune leurs plénipotentiaires, soit à Genève, soit dans un lieu tiers, pour décider des mesures les plus propres à réta-ir la tranquillité dans la République ; et dans le cas où il serait indispensable d'y envoyer des troupes, le territoire de Genève serait réputé neutre, et aucune des puissances n'y pourrait exercer des actes d'hostilité contre les autres ; au contraire, les commandants auraient l'ordre de se comporter respectivement, pour le bien de la République, avec la même harmonie, que si la plus profonde paix régnait entre leurs souverains.
Art. 4.
Dans le cas d'une guerre entre deux des puissances garantes, ou même entre toutes les trois, si l'on avait lieu d'espérer que la seule présence de leurs plénipotentiaires suffise pour rétablir la tranquillité dans Genève, les trois puissances y en feraient passer chacune de leur côté; et il leur serait prescrit de traiter des affaires de la République avec la même impartialité et le même concert que si, d'ailleurs, il n'existait aucun sujet de division entre leurs souverains respectifs.
Art. 5.
La ville et le territoire de Genève seront encore réputés neutres, toutes les fois qu'étant calmes et tranquilles deux ou les trois puissances garantes auraient guerre entre elles, et entretiendront des troupes dans son voisinage ; aucune de ces puissances ne pourra, dans ce cas, exiger de la République que les devoirs et offices contenus aux traités reservés dans l'acte de garantie. La présente convention est déclarée perpétuelle et irrévocable.
Fait et arrêté à Genève le 12 novembre 1781.
Signé : L. S. le comte de la Marmora, le marquis de jaucourt, Steiguier, de Watteville de Belp.
a la séance de la convention nationale du
procès-verbaux de VAssemblée nationale des Allobroges (2). Procès-verbal de la "première séance ae VAssemblée des députés de toutes les communes de la Savoie.
er de la République.
Les députés de toutes les communes de la Savoie, à un député par commune, se sont assemblés dans l'eglise paroissiale de Chambéry à deux heures après midi. Le citoyen Eustache Monachon, député de la commune de Saint-Joire, province de Savoie, a été élu président d'âge ; on
a nommé secrétaires les citoyens Jean-Marie Michaud, député de la commune de Mézery, et Joseph Palluel, député de celle de Cléry, les deux plus jeunes de l'Assemblée.
Un membre a demandé qu'avant d'émettre le vœu des communes sur le gouvernement qu'elles veulent adopter il fût procédé à la vérification des pouvoirs de chaque député. La discussion ouverte sur le mode d y procéder, l'Assemblée a arrêté qu'elle serait divisée en sept bureaux composés chacun des députés d'une des sept provinces de Savoie, et que chacun de ces bureaux se nommerait des commissaires pour vérifier les pouvoirs de ses membres et en faire ensuite le rapport à l'Assemblée.
Les bureaux organisés ont procédé en conformité de l'arrêté de l'Assemblée ; la lecture de leur rapport a été renvoyée à la séance du lendemain, fixée à neuf heures du matin.
La séance a été levée à huit heures du soir.
Signé : Eustache Monachon, Président d âge ; Jean-Marie Michaud, Joseph Palluel, secrétaires provisoires.
Procès-verbal de la seconde séance de l'Assemblée
des députés des communes de la Savoie.
er de la République.
Séance ouverte à neuf heures du matin.
Eustache Monachon, président -d'âge, occupe le fauteuil.
La séance a été ouverte par la lecture du procès-verbal de la précédente. On a fait successivement à la tribune le rapport des commissaires de chaque bureau sur la vérification des pouvoirs, à laquelle ils avaient procédé la veille.
De ces divers rapports, il résulte que, dans la province de Carouge, composée die soixante-quatre communes, quarante-deux ont voté pour la réunion à la République française dans les pouvoirs qu'elles ont remis à leurs députés ; que vingt-et-une ont donné des pouvoirs illimités a leurs députés et qu'une seule n'a pas fait connaître ses sentiments. Toutes les communes de la province de Chablais, au nombre de soixante-cinq, ont unanimement manifesté, dans les pouvoirs remis à leurs députés, leur désir d'être réunies à la nation française; la majorité de ces députés avait des pouvoirs illimités. Celles de la province du Faucigny, au nombre de soixante-dix-neuf,-ont toutes, dans leurs pouvoirs, émis le vœu d'être réunies à la nation française, pour en faire partie intégrante. Les cent seize communes de la province du Genevois ont toutes chargé leurs députés de demander l'incorporation à la nation française; la très grande majorité a donné à ses députés le pouvoir de représenter, délibérer et arrêter tout ce qui serait utile pour le bien public et pour l'établissement de la liberté et de l'égalité savoisienne. Les communes de la province de Maurienne, qui sont au nombre ae soixante-cinq, ont toutes manifesté, dans les pouvoirs donnés à leurs députés, leur désir d'être réunies à la Républipue française, sauf celles de Lans-villard, Bessan et Bonneval, qui n'ont pu faire connaître leurs vœux, lors des assemblées des communes, parce que leur territoireétait encore occupé par des soldats piémontais. Des deux
cent quatre communes qui composent la province de Savoie, une seule a émis son vœu pour former une République particulière; les autres ont exprimé leur vœu de réunion à l'Empire français. Des soixante-deux communes formant la province de Tarentaise, treize ont voté pour l'incorporation à la République française ; les autres avaient toutes donné par leurs mandats à leurs députés le pouvoir de choisir et adopter pour elles le gouvernement que l'Assemblée des députés jugerait le plus convenable à la nation savoisienne.
La lecture de ces rapports a été souvent interrompue par les applaudissements de l'assemblée et des tribunes ; ils ont été déposés sur le bureau. Il a été arrêté que les pouvoirs que chaque député avait reçu de sa commune y seraient également déposés, pour êtrp conservés dans les Archives, et servir éternellement de preuve de l'attachement du peuple savoisien au gouvernement républicain des Français.
Avant d'ouvrir la discussion sur le mode du gouvernement à adopter, un membre a demandé qu'il fût procédé à la nomination des président et vice-président de l'assemblée ; que leur élection se fît par appel nominal. L'assemblée a adopté cette motion et a arrêté que les commissaires qui ont vérifié les pouvoirs assisteraient à cette opération.
D'après l'appel nominal, il a résulté que la majorité des suffrages pour la présidence était en faveur du citoyen Decret, homme de loi; et pour la vice-présidence, en faveur du citoyen Amédée Doppet, lieutenant-colonel de la légion des Allobroges : l'un et l'autre ont été proclamés aux applaudissements unanimes de l'assemblée.
Un membre a proposé que les quatre citoyens qui avaient le plus de suffrages après les président et vice-président fussent nommés secrétaires; la motion a été combattue, et la discussion en a été renvoyée au lendemain, dont la séance a été fixée à neuf heures du matin.
La séance a été levée à huit heures du soir.
Signé : EustàCHE monachon. président d'âge ; Jean-marie Michaud, Joseph Palluel, secrétaires provisoires.
Procès-verbal de la troisième séance de l'assemblée des députés des communes de la Savoie.
Le er de la République.
Séance du matin.
decret, président; doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à neuf heures du matin par la lecture du procès-verbal de la précédente.
La discussion a été continuée sur l'Ordre du jour. Sur différents modes proposés pour l'élection des secrétaires, l'assemblée a arrêté qu'ils seraient au nombre de quatre ; que chacun des sept bureaux organisés comme ils l'avaient été pour vérifier les pouvoirs des députés Choisirait un de ses membres; que les noms des sept élus seraient jetés dans une urne et que les quatre premiers noms qui sortiraient désigneraient les 'secrétaires, et les trois autres leurs suppléants. Les noms sont sortis dans l'ordre suivant : Gumery, Jacquier, Favre, F. Chastel; Marin, Blanc et Gilbert. Les quatre premiers ont été
proclamés secrétaires et ont pris place au bureau, et les trois autres ont été désignés suppléants.
D'après les observations de différents membres sur la police intérieure de la salle, le président, par un arrêté de l'assemblée, a nommé pour commissaires inspecteurs les citoyens. Chastel, lieutenant dans les Allobroges; Perreti, Lyonnaz, Cbamoux et Brunier.
La séance a été levé à midi.
Signé : decret, président; doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J.-F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la quatrième séance de l'assemblée des communes de la Savoie.
Le er de la République.
Séance du soir.
decret, président ; Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance est ouverte à quatre heures après midi; un secrétaire fait lecture du procès-verbal de la séance du matin, dont la rédaction est adopté.
On arrête que, pour prendre des délibérations, les épreuves se feront toujours par assis et levé, et qu'on fera la contrer-épreuve de la même manière.
j Un membre fait la motion qu'avant d'entrer dans aucune discussion sur l'ordre du jour, il soit proposé par le président une formule de serment pour être prêté par tous les députés : cette formule ayant été lue, tous les membres de l'assemblée prêtent le serment d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité et de mourir en les défendant. Ce même serment est aussi prêté avec acclamation par un grand nombre de citoyens qui sont aux tribunes.
Un membre monte à la tribune; il demande qu'il soit, d'après les événements passés, pris acte de la lâcheté, de la rapine et de la tyrannie de la Cour de Turin envers la Savoie. Après avoir démontré toutes les usurpations et vexations de cette Cour, il propose à l'Assemblée le serment de ne plus reconnaître, ni au duc, ni à la maison soit-disant royale de Savoie, aucune autorité sur ce pays. Ce serment est aussitôt répété par tous les députés et les tribunes : la salle retentit des cris, à bas pour toujours les ducs et la maison de Savoie. Il propose aussi le serment de ne plus reconnaître de royauté, de noblesse, ni rien qui puisse blesser l'égalité : ce serment est prêté de même dans toute la salle.
La discussion s'ouvre sur le mode du gouvernement que la Savoie doit adopter. Un membre observe qu'il résulte des rapports faits sur les mandats, que les communes de la Savoie désirent d'être réunies à la France, et qu'il convient à l'Assemblée de se déclarer Assemblée nationale, pour pouvoir traiter avec la nation française: il développe avèc énergie le danger qu'il y aurait de s'en tenir à émettre un vœu, et de dissoudre l'Assemblée après son émission; il montre un Sénat dans la plus profonde et timide léthargie, des municipalités qui n'ont pas été constituées par le peuple, et des administrateurs encore en place qui n'ont prêté serment que dans les mains du roi sarde. Ce même membre
fait voir les dangers d'une telle nullité de pouvoir dans un moment d'alarmes et de troubles; il demande que le peuple, par la voix des dépu-r tés de chaque commune de l'Empire savoisien, reprenne sa souveraineté, et mette la Loi sur le trône. Après une longue discussion, l'Assemblée se reconnaît et se constitue Assemblée nationale : cette déclaration est arrêtée à l'unanimité et aux applaudissements universels des tribunes.
Un membre demande que la Savoie ne soit plus divisée par le nom de provinces: on y substitue celui de cantons, et l'on arrête que, sans avoir égard à cette distinction de cantons, la Savoie est une et indivisible. , Un membre fait la motion que copie de ce procès-verbal soit envoyée à la Convention nationale de France. Après quelques observations, on arrête que tous les procès-verbaux seront imprimés et envoyés au plus tôt à la Convention nationale et à toutes les communes de la Savoie : on en arrête la plus grande distribution possible, pour montrer à l'Europe entière qne la Savoie est digne de la liberté. Cettè délibération est arrêtée à l'unanimité, et couverte d'applaudissements.
Un membre observe que la dénomination $ Allobroges était celle des peuples de ce pays, pendant qu'ils étaient libres et qu'ils se signalaient contre les Romains; et qu'on ne lui a donné la dénomination * de Savoie que depuis qu'il est tombé sous la domination des despotes : en conséquence, il fait la motion de renoncer au nom de Savoie et de Savoisiens, et que l'Assemblée prenne celui d'Assemblée nationale des Al-> lobroges. C.ette motion est adoptée à la majorité.
Un membre fait la motion qu'il soit fixé un traitement aux députés qui n'en reçoivent pas d'ailleurs de la nation ; il propose de porter à 9 livres de France par jour. Un autre membre demande qu'il soit porté à 12, et un des secrétaires, qu'il ne soit que dé six. Un autre membre fait la motion que ce traitement ne soit déterminé que dans la dernière des Séances. La priorité est accordée à la motion qui fixe lé traitement à 12 livres de France par jour.
Une députation de la Société des Amis de la Liberté et de l'Egalité, séante aux Jacobins, à Chambéry, demande à être admise à la barre; l'Assemblée arrête qu'elle sera introduite à l'instant même. L'orateur fëliéite, de la part de la Société, l'Assemblée sur son arrivée, sur ce qu'elle s'est constituée Assemblée nationale, sur tous ses autres travaux, et sur les présages heureux de la félicité publique^ Il remet sur le bureau une lettre iclose adressée à l'Assemblée, contenant, dit-il, dénonciation de ce que deux communes ont envoyé chacune deux députés. Le Président répond que l'Assemblée ne manquera pas de déterminer, dans sa sagesse, ce qui sera convenable; il félicite la Société des Amis de la Liberté de l'Egalité de ce qu'elle a apporté la première les hommages à l'Assemblée nationale. Il accorde à la députation les honneurs de la séance.
L'Assemblée ajourne au lendemain la discussion sur Ja manière de faire porter à la Convention nationale de France les voeux d'incorporation de la nation des Allobroges à la nation française.
Elle ajourne aussi au lendemain la discussion sur les moyens de fournir au traitement des députés.
v L'Assemblée arrête que ses séances se tiendront
régulièrement chaque jour; qu'elles seront ouvertes à huit heures du matin, à commencer par celle du lendemain.
La séance a été levée à huit heures du soir.
decret, Président ; Doppet, Vice-Président ;
Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J.-F.
Favre, Secrétaires.
Procès-verbal de la cinquième séance de l'Assemblée .nationale des Allobroges.
er : de la République.
Séance du matin.
decret, Président; Doppet, Vice-Président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance s'est ouverte à huit heures par la lecture du procès-verbal de la précédente.
Un membre propose qu'il soit formé un Comité chargé de rédiger une adresse à la Convention nationale de France, contenant l'expression des vœux émis par les communes de la Savoie, pour former partie intégrante de la nation française.
Après quelques discussions, l'Assemblée a décrété la formation du Comité, et arrête qU'il sera de sept membres, dont le choix a été laissé au Président; il a nommé, pour ce Comité, les citoyens Doppet, Burnod, Blanc, Joseph Picolet, Vil-lars, Morel et Claude Picolet.
Un membre ayant proposé deux adresses, l'une à l'armée française, l'autre aux communes de Savoie, le même Comité a été chargé de leur rédaction.
Un membre, a fait la motion de former des comités de législation, de finances et de surveillance. Cette motion a été décrétée, et le nombre des membres de chaque comité a été fixé à vingt-huit.
Lasale (de Carouge), Villar et Morel, ont fait don à la patrie: le premier, d'une montre d'or, et les deux autres, d'une montre d'argent.
Sur la motion d'un membre, l'Assemblée s'est divisée en bureaux pour l'élection des membres du Comité de législation-
La séance a été levée à une heure après midi.
DECRET, Président ; Doppet, Vice-Président;
Gumery, F, Jacquier, F. Chastel, J.-F.
Favre, Secrétaires.
Procès-verbal de la sixième séance de l'Assemblée ■ nationale des Allobroges.
er de la République.
Séance du soir.
decret, président; Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à trois heures. Un des secrétaires a fait lecture du procès-verbal de celle du matin.
Ensuite on a proclamé les noms des membres du comité de législation, suivant l'élection faite parles 7 bureaux; ces membres sont les ci-après :
ler bureau. Carouge.
Joseph Picolet, homme de loi. Claude-François de la Fontaine. Michel Chastel, officier des Allobroges. Etienne Burdallet, notaire.
Dessaix, Blanc,
2° BUREAU. Chablais. {hommes de loi.
Betemps, avoué. Folliet, homme de loi.
3e bureau.
Faucigny.
Gavard, Revilliod, Jacquier, ( Sommellier, /
hommes de loi.
Favre, Burriod, Thiollier, Brachet,
4e bureau. Génevois.
jhommes de lois.
5e bureau. Maurienne. Jhommes de loi.
Favre,
Martin,
Gilbert, notaire.
Laimond, avoué.
6e bureau.
Savoie.
Picolet, père, )
Marin, [hommes de loi.
Morel, )
Bonjean, sénateur.
7e bureau.
Tarentaise.
Fontami, jhommM dè («4.
£7"' Hés.
Quelques membres ont fait observer à l'Assemblée que le citoyen Simon, commissaire et député de la Convention nationale des Français, se trouvait actuellement à Chambéry, et qu'il pourrait fournir aux comités des lumières propres à hâter et diriger leurs travaux ; ils ont demandé que le Président soit autorisé à lui faire l'invitation de paraître à l'Assemblée, et de se rendre aux comités; ce qui a été adopté avec applaudissements de tous les membres.
Le citoyen Lyonnaz, membre de l'Assemblée et secrétaire de l'ordre des saints Maurice et Lazare, a annoncé, en son nom et à celui du citoyen Curton, trésorier du même ordre, qu'ils sont nantis de tous les titres relatifs aux avoirs
dudit ordre en Savoie; il a offert de donner à l'Assemblée tous les renseignements dont elle pourrait avoir besoin à cet égard.
Les commissaires-inspecteurs de la salle ont annoncé que le Sénat, suivi de l'office public, demandait à se présenter à la barre. L'Assemblée consultée a décidé qu'il y seraient introduits. L'orateur (le second président) a prononcé le discours suivant :
« Citoyens,
« La Savoie est devenue libre ; la nation exerce sa souveraineté ; vous en êtes les augustes représentants : c'est en cette qualité que nous venons vous offrir nos hommages, et vous demander vos ordres. Il est bien consolant pour nous de ne les recevoir désormais que d'un peuple libre, et pour le bonheur de tous les citoyens a qui nous devons rendre la justice, pendant que vous nous en jugerez dignes. » Le vice-président a répondu en ces termes :
« Citoyens,
« Vous étiez les magistrats du despotisme ; vous êtes ceux de la liberté : ministres de la justice, vous allez prêter serment de ne jamais l'oublier. Un individu avait usurpé la souveraineté, et vous forçait à suivre et a dicter ses caprices : aujourd'hui, c'est un peuple souverain qui reprend ses droits, et qui vous charge de les éfendre. N'oubliez pas que les crimes qui étaient ci-devant de lèse-majesté, sont devenus crimes de lèse-nation. Rappelez-vous que vous n'êtes chargés du pouvoir judiciaire que pour maintenir la liberté. L'Assemblée nationale vous charge provisoirement d'exercer ce pouvoir, en rendant vos assemblées et vos séances publiques. L'Assemblée nationale vous invite à sa séance. »
Tous les membres du Sénat et de l'office public ont prêté le serment d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, et de mourir en les défendant. Il a été arrêté que les discours précédents seront insérés dans le procès-verbal.
Le citoyen Simon a été annoncé a l'Assemblée : des applaudissements universels lui ont prouvé qu'il est glorieux d'employer ses connaissances et ses moyens au service ae la chose publique : il a prononcé à l'Assemblée un discours aune énergie neuve, digne d'un républicain et d'un législateur français; le Président lui a exprimé la confiance de l'Assemblée, en l'invitant à éclairer les travaux des comités.
Sur la motion d'un membre, il a été arrêté qu'il sera mis à l'entour du Christ placé au-dessus du fauteuil du Président, un drapeau tricolore, avec quelques instruments d'agriculture et des arts les plus utiles.
L'Assemblée nationale ayant, sur la réquisition du comité de législation, mandé à la municipalité de Chambéry de lui procurer des emplacements pour les séances de ces comités, elle s'est présentée à l'Assemblée, quia arrêté qu'elle serait introduite à la barre. Le maire a prononcé le discours suivant :
« Au moment où l'on a reçu vos ordres, la municipalité provisoire de la commune de Chambéry a commis les citoyens Manford, Rey, Garin et Balmain, pour prendre toutes les mesures propres à leur exécution. C'est ainsi qu'elle croit devoir exprimer son respect pour l'Assemblée, et non par des députations inutiles, et chargées, sous le régime proscrit des despotes, de porter de fades hommages. Vivre libre ou
mourir : tels sont les sentiments que la municipalité partage avec vous. »
Le Président a répondu :
« En vous dépouillant seulement du nom qui désignait vos fonctions; j'aime à croire que le peuple souverain n'a fait que ce que vous désiriez. Vous êtes officiers municipaux provisoires ; c'est de vous que les citoyens attendent leur repos : continuez provisoirement vos fonctions paternelles; contribuez à assurer la liberté et l'égalité de vos concitoyens. Dès que vous aurez quelque doute sur la nature de vos fonctions, venez dans le sein des représentants du souverain; ils vous exprimeront les vœux du peuple ; et nous sommes assurés d'avance qu'ils sont les vôtres- Ce n'était pas des adulations qu'attendait l'Assemblée ; c'était des hommages. Ils ont prêté le serment civique, et les honneurs de la seance leur ont été accordés. »
Un membre a proposé qu'il fût incontinent procédé à l'élection des membres des comités de finances et de surveillance, et que cette élection fût faite par bureaux; cette motion a été adoptée; après, l'Assemblée s'est divisée en bureaux.
(La séance a été levée à huit heures du soir.)
Signé : decret, président; Doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chas-tel, J.-F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la septième séance de VAsssemblée nationale des Allobroges.
er de la République.
decret, président; Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à huit heures.
Un membre du bureau fait lecture du procès-verbal de la séance précédente.
Ensuite on proclame les noms de ceux qui ont été élus pour composer les comités de finances et de surveillance, comme ci-après :
Noms des membres élus pour le comité des finances.
1er bureau.
Carouge.
Joseph Dupraz. Bernard Duplaine.
Louis - François Rib- François Lasalle. baz.
2e bureau.
Chablais.
Maxi. Bron.
Thevenet. Saint-Amour.
Favrat. Frezier.
3° bureau. Faucigny.
Ballalloux. Débois.
4e bureau. Génevois.
François Ruphy» Nicollin.
Rubellin. Fernex»
Truchet. Joseph-François Grange.
5® bureau. Maurienne.
Noraz. Clerc.
6e bureau. Savoie.
Bertrand. Laurent Prallet.
Antoine Dupasquier. Picolet fils.
7e bureau. Tarentaise.
Avet.
Jacquemard.
Compagnon. Serret.
Noms des membres du comité de surveillance. 1er bureau. Carouge.)
Jean-Jacques Burlat. Claude Chautems. Jean Berthet. Jean-Baptiste Frarin.
2° bureau.
Chablais.
Tupin, homme de loi. Guyot. Dubouloz. Cachat.
3e bureau.
Faucigny.
Crottet père. Crottet fils.
Brunier. Bernard Decret.
4e bureau. Génevois.
Thomas Ruphy. Joseph Lachenal. Mathieu Lavenay.
Jacques-Philippe Richard.
5e BUREAU. Maurienne.
Maurice Rochette. Jacques Rostaing.
Ferley. Bertrand.
sixième bureau.
Savoie.
Jean Baptiste Prallet. Claude Pavy.
Glapigny.
Jean-Baptiste Perret.
septieme bureau
Tarentaise.
Claude Ancenay. Jacques Mugnier.
Fontaine Durandard.
Le citoyen Garrela, architecte, a été introduit à la barre. Après avoir fait hommage de ses services à l'Assemblée, il lui a fait part que les eaux avaient considérablement dégradé une digue située dans le voisinage d'Ayguebelle ; il a demandé des ordres pour prévenir les suites qui pourraient résulter de cette dégradation. Les onneurs de la séance lui ont été accordés.
Sur la motion d'un membre* il a été décrété
que les rapports des comités seront signés par leurs présidents et secrétaires.
Les fonctionnaires composant le tribunal de la judicature-maje de la ci-devant province de Savoie se sont présentés à l'Assemblée. Les commissaires inspecteurs les ayant fait passer à la barre, le citoyen juge-maje y a prononcé un discours renfermant les preuves du civisme des membres de son tribunal. Le Président leur a fait uhe réponse digne de l'Assemblée; ils ont prêté serment et obtenu les honneurs de la séancç; après quoi ils ont déposé leur discours sur le bureau, en suite de l'invitation qui leur en a été faite.
Les membres du bureau des finances et gabelles ont été introduits à la barre ; ils ont offert leurs services à la nation ; un d'eux a prononcé un discours qui a été déposé sur le bureau; ils ont prêté le serment civique, et le Président les a invités aux honneurs de la séance.
Le secrétaire-archiviste, accompagné des membres de son bureau, a succédé à la barre aux membres du bureau des finances et gabelles; l'orateur a manifesté, par un discours, leur zèle infatigable pour l'intérêt de la patrie ; et les honneurs de la séance leur ont été accoYdés.
La discussion a été ouverte sur la députation que l'Assemblée doit envoyer auprès de la'Gon-vention nationale de France. Après plusieurs contestations, l'Assemblée a arrêté que le nombre des députés sera de sept; que chaque canton en élira un, et que les membres des comités ne seront pas éligibles.
11 s'est ensuite élevé quelques contestations sur le mode d'élection; et l'Assemblée a décrété que le comité de législation en présenterait le projet à la séance du soir, et qu'on procéderait incontinent à l'élection des députés.
La municipalité de Chambéry, introduite à la barre, a présenté un projet de fête civique et allégorique, dressé par le citoyen Debri. Elle a supplié l'Assemblée nationale d'en fixer le jour et d'y assister. L'Assemblée a voté des remerciements à la municipalité, fixé la fête au 28;du courant, à deux heures après midi, et décrété qu'il sera fait mention honorable de l'auteur du projet.
La séance a été levée à une heure après midi, et ajournée à trois.
« Signé : decret, président; Doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J.-F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la huitième séance de l'Assemblée nationale des Allobroges.
Le er de la République.
Séance du soir.
decret, président ; Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil. __
La séance a commencé par la lecture du procès-verbal de celle du matin.
Un député a demandé le rapport du décret qui exclut de la députation auprès de la Convention nationale de France les membres des comités. Sa proposition a été ajournée jusqu'au rapport du comité de législation sur le mode d'élection des députés.
Un membre a représenté que le traitement accordé aux députés de l'Assemblée, quoique
modique, n'est pas proportionné au peu de ressources que les Piémontais ont laissées à la Savoie; et par cette raison, il a demandé le rapport du décret qui le fixe à douze livres de francs par jour. Cette représentation a été appuyée par plusieurs membres, et notamment par François Batardin, laboureur, député de Trivier, qui a dit, avec énergie et vivacité, que celui qui refuserait la diminution de son traitement serait regardé comme aristocrate. Sur ce, le décret a été rapporté, et il a été décrété qu'il sera fait men-tionbonorable de Batardin dans le procès-verbal ; le traitement a été fixé à six livres.
Un membre a fait la motion d'envoyer une adresse de remerciements à l'armée française. Cette motion a été adoptée, et le comité d'adresses a été chargé de la rédiger.
Les administrateurs des biens des SS. Maurice et Lazare et de Malte; ceux des jardins du château de Chambéry, ceux des postes, et les juges des terres ci-devant seigneuriales se sont successivement présentés à l'Assemblée. Introduits à la barre, ils ont prononcé des discours d'un patriotisme décidé; prêté le serment civique, et obtenu les honneurs ae la séance.
Un des secrétaires a fait lecture d'une lettre du citoyen Michel, premier èvêque de Chambéry. L'Assemblée, après diverses discussions sur son contenu, et notamment sur la demande que lui fait l'évêque de laisser l'église libre pour dimanche prochain, a passé à l'ordre du )our.
L'Assemblée a décrété, sur la motion d'un membre, qu'aucun notaire ni fonctionnaire public, ne prendra dorénavant la qualification de royal. ;
Un membre a fait des motions pour que l'Assemblée nationale déclare nationaux les biens duilergé; qu'elle donne les déterminations que sa sagesse lui suggérera pour la subsistance des prêtres, et pour qu'elle s'occupe de la suppression de la dîme et des droits féodaux. Ces motions ont été renvoyées au comité de législation.
La séance a été levée à 9 heures du soir.
« Signé: decret, président; doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J.-F. Favre, secréta
Procès-verbal de la neuvième séance de VAssemblée nationale des Allobroges.
Le er de la République.
Séance du matin.
DECRET, président ; Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à huit heures par la lecture du procès-verbal de celle de la veille.
L'évêque de Chambéry, accompagné de son chapitre, et de plusieurs ecclésiastiques, a été admis à la barre et a prononcé le discours suivant :
« Citoyens,
« Le clergé de cette ville vient offrir ses hommages à la nation, et l'assurer de son zèle à maintenir les vrais principes de la religion ; il n'emploiera la confiance que les peuples pourraient lui accorder, que pour leur inspirer la soumission aux lois, qui caractérisera toujours le vrai citoyen. Nous sommes persuadés que
cette glorieuse époque sera celle du bonheur et de la félicité de la nation Allobroge, et que la postérité la plus reculée sera pénétrée de la plus vive reconnaissance pour le bienfait signalé que la République française vient de lui procurer. »
Le vice-président-lui a répondu en ces termes :
« Citoyens, -
« Ministres d'un Evangile saint et sacré dans lequel on puise depuis longtemps des moyens de consolation et des preuves d'égalité, l'Assemblée nationale reçoit vos hommages àveç d'autant plus de plaisir, qu'elle est assurée qu'ils sont sincères. Si, dans la révolution à laquelle la France doit sa liberté, tous les ecclésiastiques se fussent, comme Vous, rappelé les vérités de l'Evangile, les presses de Coblentz n'eussent pas vomi tant de mandements incendiaires et ridicules. Fidèles à la nation, vous allez montrer par vos vertus ce qu'un citoyen doit à sa patrie ; vous tournerez les consolations que promet la religion à l'avantage de ceux à qui l'Eternel les destine ; et si le peuple souverain vient à réclamer ce que des usages mal entendus lui ravirent, croyez que l'homme vertueux qui sait distinguer la religion du religieux, est bien payé de quelques sacrifices qu'il lui en coûte, par l'estime, la confiance et l'amitié de tous ses concitoyens. »
Un membre a remis sur le bureau trois titres de noblesse ; deux autres ont protesté contre toutes les distinctions héréditaires et ont aussi déposé sur le bureau leurs titres et insignes ; un autre membre a fait hommage d'une
(latente et d'une clef de gentilhomme de a chambre du ci-devant duc de Savoie.
Sur le rapport fait par un membre du comité de législation, l'Assemblée a décrété ce qui suit :
Décrets sur l'organisation provisoire des municipalités.
« L'Assemblée nationale des Allobroges; considérant que les personnes et les propriétés doivent être sous la sauvegarde immédiate de la loi, et que le moyen le plus efficace de remplir cet objet est l'organisation provisoire des municipalités, dont les membres sont les premiers magistrats du peuple, a décrété les articles suivants :
Art. Ier
« Les corps administratifs des villes, bourgs, paroisses ou communautés, connus sous le nom ae conseils, sont supprimés et abolis ; et cependant les officiers actuellement en exercice continueront leurs fonctions sous la dénomination d'officiers municipaux, et jusqu'à ce qu'Usaient été remplacés.
Art. 2.
« Chaque commune sera convoquée par ses administrateurs actuels, en assemblée générale, paisiblement et sans armes, et ce, dans la huitaine de la publication du présent décret, pour procéder à l'élection des citoyens destinés à former une municipalité provisoire ; et, avant que de commencer l'élection, tous les citoyens, en levant la main, prêteront serment de fidélité à la nation, à la liberté, à l'égalité et de mourir en les défendant.
Art. 3.
« Le corps municipal s'occupera seul des objets d'administration journalière ; et pour ceux qui sont relatifs à l'intérêt général de la commune, en formant la municipalité, l'on nommera des adjoints dans le rapport déterminé ci-après. Leur réunion formera le conseil général, et les adjoints seront sans fonctions hors des cas du conseil général.
Art. 4.
« Les membres des corps municipaux seront au nombre de trois, y compris le maire, qui présidera le conseil et le convoquera. Dans les communes qui n'excèdent pas deux cents âmes, et dans les conseils généraux, ils auront deux adjoints.
« Lorsque la population sera de cinq cents et au-dessous, le nombre sera de cinq et trois adjoints ;
« Depuis cinq cents jusqu'à mille, de sept et quatre adjoints ;
« Depuis mille jusqu'à trois mille, de neuf et cinq adjoints ;
« Depuis trois mille jusqu'à neuf mille, de douze et huit adjoints ;
« Depuis neuf mille et au-dessus, de seize et douze adjoints.
Art. 5.
« 11 y aura dans chaque municipalité un procureur de la commune, sans voix délibérative ; il sera chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la commune.
Art. 6.
« Dans les communes au-dessus de trois mille âmes, il y aura en outre un substitut du procureur, lequel, à défaut de celui-ci, en exercera les fonctions.
Art. 7.
« Il y aura dans chaque municipalité un secrétaire nommé par le conseil général ; il ne sera pas nécessaire que ce secrétaire soit notaire.
Art. 8.
» Les parents en ligne directe, les frères etles alliés au premier degré, ne pourront être en même temps membres du même corps municipal, ni les citoyens revêtus par leur état de la force armée et en exercice, ni les autres fonctionnaires publics dans le ressort de la municipalité.
Art. 9.
« Avant que d'entrer en exercice, le maire et les autres membres du corps municipal, prêteront le serment de remplir leurs fonctions avec exactitude et probité, le maire en présence delà commune, et les autres officiers entre les mains du maire.
Art. 10.
« Lorsque le maire et les officiers municipaux seront en fonctions, ils porteront pour marque distinctive, par-dessus l'habit et en baudrier, une écharpe aux trois couleurs, sayoir bleue, blanche et rouge.
Art. 11.
« Dès que les municipalités seront organisées, chaque citoyen, dès 1 âge de dix-huit ans jusqu'à soixante, devra se laire inscrire aux registres de la maison commune, pour être chaque jour, à tour de rôle, et en nombre déterminé, en état de réquisition permanente, lorsque les officiers municipaux l'ordonneront, pour la sûreté publique ; ces citoyens inscrits, s'organiseront en gardes nationales, suivant le règlement qui sera envoyé aux communes par la commission provisoire d'administration. Nul citoyen n'est exempt du service de garde national, sauf aux fonctionnaires publics en activité de service, de se faire représenter.
Art. 12.
« Tous les citoyens devront déclarer à la municipalité, dans la huitaine de son organisation, les armes dont ils sont possesseurs, leur nombre et leur qualité, afin quelles soient prêtes dans tous les cas où la force armée serait jugée nécessaire.
Art. 13.
« Les officiers municipaux sont expressément chargés de veiller au maintien exact de la police et à la sûreté des personnes et des propriétés, dans toute l'étendue de leur ressort ; ils pourront requérir la force armée dans tous les cas où le maintien de la liberté, de l'égalité et du bon ordre l'exigera.
Art. 14.
« La surveillance et agence nécessaires à la conservation des propriétés nationales, des bois et forêts, chemins publics, sont confiées aux municipalités.
Art. 15.
« L'inspection des travaux publies, de ceux de reconstruction et réparation des églises, presbytères et autres objets relatifs au service au culte, est de leur ressort.
Art. 16.
« Tous les citoyens devront obéir à la réquisition des officiers municipaux, à peine de détention qui ne pourra s étendre au delà de trois jours ; toute rebellion,avec ou sans armes, contre l'exécution des ordres de justice, toute violence exercée contre eux, sera poursuivie et punie selon la rigueur des lois.
Arl. 17.
« Si les officiers municipaux sont insultés, menacés, attaqués dans leurs fonctions, ils prononceront, à haute voix, ces mots : force à la loi-, et à l'instant, les dépositaires de la force publique et tous les citoyens sont obligés de prêter main-forte à l'exécution des jugements de l'homme public, qui seul demeurera responsable.
Art. 18.
« Si un fonctionnaire public exerçait, sans titre légal, quelque contrainte contre un citoyen ; ou si, avec un titre légal, il employait ou faisait employer des violences inutiles, il sera responsable de sa conduite à la loi ; et puni sur la plainte de l'opprimé et sur la preuve légale.
Art. 19.
« Les officiers municipaux, les conseils généraux de commune, et tous fonctionnaires publics, sont responsables dans leurs fonctions.
Art. 20.
« L'Assemblée nationale ordonne que le présent décret provisoire sera envoyé à toutes les communes, pour être mis en exécution. »
Un membre a demandé s'il serait loisible à ceux qui doivent des rentes constituées aux communautés religieuses, de s'en libérer en payant les capitaux : l'Assemblée a renvoyé cette question à la commission provisoire d'administration.
D'après la motion faite par un membre, l'Assemblée nationale a décrété : 1°, que le traite ment des députés leur sera payé par les exac~ teurs de leurs communesrespectives, sur le man" dat qu'ils leur présenteront ; 2° qu'on exprimera dans ce mandat le nom du député, celui de sa commune, le nombre des jours de vacations et la somme qui lui revient ; 3° que les exacteurs seront tenus de recevoir ces mandats et d'en payer le montant au porteur ; 4° qu'ils leur seront passés en compte par les trésoriers des cantons.
L'Assemblée a ensuite arrêté que le président chargerait un de ses membres de dresser la formule de ses mandats ; il a choisi dans l'instant le citoyen Gabet.
Le secrétaire-insinuateur du département de Chambéry et celui de Gonflans ont été introduits à la barre. Après avoir offert, dans un discours plein de civisme, leurs hommages et leurs services à l'Assemblée, ils ont prêté serment de fidélité à la nation, à la liberté, à l'égalité, et juré de mourir en les défendant.
Le premier a demandé de quelle manière il devait authentiquer les expéditions des actes. Sa pétition a été renvoyée au comité de législation. Il a déposé le sceau de son tabellion sur le bureau. L'un et l'autre ont été admis aux honneurs de la séance.
L'officier de la solde a été introduit à la barre. Il a également offert ses hommages et ses services à la nation. Les honneurs ae la séance lui ont été accordés.
Sur la motion d'un membre, il a été décrété que les actes des municipalités et tous ceux d'administration publique seront reçus et expédiés sur papier libre et non timbré.
D'après l'observation faite par plusieurs membres, qu'il est instant de veiller à la conservation des biens possédés par les corps religieux et de prévenir leur dilapidation, l'Assemblee a décrété qu'il sera nommé des commissaires pour se transporter dans les communautés religieuses oû se trouvent des fabriques, usines, artifices, bois et forêts, pour prendre note dans leurs registres de leurs avoirs, devoirs, recettes, titres, papiers quelconques relatifs auxdits objets, recevoir, vérifier leur état actuel, recevoir les plaintes et dénonciations des citoyens, sur les baux et autres conventions qui peuvent avoir été faits au préjudice et en fraude de la nation; et enfin, que le rapport de ces commissaires serait fait à la commission provisoire d'administration, qui prendra les déterminations qu'elle jugera convenable.
Un membre, après avoir observé que c'est principalement dans les sociétés populaires que
se forme l'esprit public, et que les cœurs s'embrasent de l'amour sacré de la patrie, et que c'est dans la réunion de tous les bons citoyens que se trouve le plus ferme appui de la liberté, propose à l'Assemblée d'arrêter qu'elle autorise les sociétés populaires, assemblées paisiblement et sans armes, pour délibérer et veiller sur les intérêts de la patrie, à dénoncer les machinations qui se trament contre la chose publique, contre les personnes et les propriétés, et notamment les efforts faits pour égarer l'opinion publique et détruire la liberté et l'égalité; en leur recommandant de donner l'exemple de l'obéissance aux lois et de la soumission aux autorités constituées. Cette proposition a été adoptée à l'unanimité. Un membre observe que, pour faciliter et hâter la publication des procès-verbaux et décrets de l'Assemblée, il conviendrait de nommer des commissaires pris dans son sein, chargés de leur rédaction par ordre de matière et de leur impression : cette proposition a été adoptée à l'unanimité. Le choix de ces commissaires ayant été laissé à ce président, il a nommé les citoyens Doppet, Vuagnat, Follier et Roch.
Décrets provisoires sur, les tribunaux.
Sur le rapport du comité de législation, les décrets suivants ont été rendus :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'un peuple libre doit se régir par des lois simples ; que rien ne tend plus a en retarder et en arrêter l'exécution que la multiplicité des attributions particulières de juridiction et de privilège dont jouissaient les personnes et les cnoses ; qu'elle est une source de contestations sans nombre sur la compétence ou incompétence des tribunaux ;
« Considérant que la facilité d'obtenir des évocations, en enlevant aux citoyens le droit d'être jugés par leurs juges naturels, dégénérait en vexations, et entraînait des abus inralculables, a voulu prendre des mesures pour en arrêter le cours ; et pour rétablir l'égalité, a décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« Toutes les autorités judiciaires ci-devant établies, toutes attributions et évocations particulières, sous quelque dénomination que ce puisse être, sont supprimées et abolies ; néanmoins le Sénat, les juges-mages, les juges ordinaires, les châtelains et les officiers qui dépendent de ces tribunaux, continueront, sous le titre de juges et officiers nationaux, d'exercer leurs fonctions suivant les lois et les formes établies, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par la nation à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire : est cependant conservée provisoirement aux intendants la connaissance des objets de douane, contribution foncière et tabellion.
Art. 2.
« L'Assemblée autorise les communes à se choisir d'autres juges, d'autres châtelains ; elles ne pourront les élire qu'à la majorité absolue des voix, et elles devront envoyer le procès-verbal de leur élection à la commission provisoire d'administration.
Art. 3.
« Les municipalités qui voudront avoir dans leur ressort une juridiction de commerce pourront nommer un juge pour en faire les fonctions, ainsi qu'un secretaire.
1. 21 novembre 1792.J ffëft
Art. 4.
« Les émoluments des arrêts, sentences et décrets exécutoires qui émaneront des tribunaux judiciaires sont, des ce jour, supprimés et abolis.
Art. 5.
« Tous les officiers de justice conservés ou élus en vertu des précédents décrets, les hommes de loi et avoués devront, avant que d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions provisoires, prêter, en présence des officiers municipaux de chaque commune où ils seront domiciliés, le serment d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, de mourir en les défendant, et de remplir exactement les fonctions qui leur sont confiées ».
Décrets provisoires sur certains délits, le port d'armes et les fidéi-commis.
Sur le rapport du comité de législation, l'Assemblée nationale a encore rendu les décrets suivants :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est urgent de donner des déterminations provisoires en matière de jurisprudence criminelle et civile, décrète :
Art. 1er.
« Il n'existe plus de délit de lèse-Majesté ; et tout citoyen qui sera convaincu d'avoir des intelligences secrètes, de traiter directement ou indirectement avec les ennemis de la République, de leur prêter secours ou conseil, et de fomenter des séditions ou tumultes tendant à troubler la liberté et l'égalité, seront réputés criminels de lèse-nation.
Art. 2.
« Tous les citoyens convaincus de quelques délits seront punis de la peine ordinaire, sans autre différence que pour raison de l'âge des délinquants.
Art. 3.
« Le port de toutes armes est libre à tout citoyens, pourvu qu'il les consigne à la municipalité de son domicile.
Art. 4.
« Il ne sera plus permis à personne d'établir des fidéi-commis, primogénitures ou majorats ; et les biens qui se trouvent aujourd'hui affectés à de semblables liens resteront libres et à la pleine disposition du grevé, à moins qu'il n'y ait eu ouverture à la restitution avant la date du présent. »
On introduit à la barre des religieux de différents ordres; l'orateur prononce le discours suivant :
«Ce sont des citoyens-religieux que le patriotisme le plus pur conduit en ce moment vers les représentants de la nation des Allobroges, pour y exprimer l'hommage sincère de leur dévouement et de leur obéissance aux lois.
« 11 est infiniment consolant pour nous, citoyens, de paraître dans un temple qui a si souvent retenti de l'unité d'une même foi, d'un même seigneur souverain de l'univers, d'un même baptême, d'y ajouter encore aujourd'hui l'unité d'une thème famille, d'un même gouver-
nement et d'un même patriotisme. Si nos bras paraissent peu destinés à la défense des principes que nous adoptons au milieu de ce sanctuaire, au moins osons-nous, citoyens, vous protester que notre zèle, notre ministère, nos exemples, nos démarches, tous nos voeux enfin conspireront à les propager et à les faire régner dans tous les cœurs. Nous voilà donc, jusqu'ici réputés morts pour la société, rappelés par votre sagesse à devenir vos frères et vos concitoyens. »
Le vice-président a répondu :
« Citoyens,
« Celui qui, sans réflexion, blâmerait l'histoire du monde, prouverait qu'il ne connaît ni les vertus ni les besoins de l'humanité. Irrité par les maux du despotisme, l'homme put dans un temps chercher la paix dans la solitude; mais, dans un siècle où se meurt la tyrannie, tout citoyen se doit à sa patrie; la solitude et l'égoïsme deviennent alors un crime. Il est bien plus facile de pratiquer des vertus, lorsqu'on n'est pas tenté par des vœux à y manquer ; et quand l'homme n'a plus que la loi et la nature à suivre, il est certain qu'il est vraiment au niveau de sa dignité. Que cette révolution n'alarme aucun individu : la justice, l'humanité et la fraternité sont les vertus des patriotes. Tous les citoyens, en devenant membres de la patrie, sont devenus les enfants de cette même patrie; tous doivent être les surveillants du Trésor national, parce que tous en tirent leur subsistance comme membres de l'Etat. Une vérité reconnue maintenant, c'est que nul n'a le droit de vivre seul aux dépens du peuple et que le siècle des abus est passé.
« L'Assemblée nationale reçoit avec plaisir vos hommages ; elle vous invité à sa séance. » Diverses motions ont été faites sur le mode d'élection des députés qui doivent porter le vœu des Allobroges à la Convention nationale des Français. Après quelques discussions, elles ont été renvoyées au comité de législation.
La séance est levée à une heure après midi et ajournée à trois heures.
decret, président; DoPPET, vice-président; Gu-mery; F. Jacquier; F. Ghastel; j. F. Favre, secrétaire.
Procès-verbal de la dixième séance de l'Assemblée nationale des Allobroges.
er de la République.
Séance du soir
decret, président, Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à trois heures par la lecture du procès-verbal du matin.
Le comité de législation a proposé qu'on substitue un sceau à celui dont se servaient les insinuateurs et autres fonctionnaires publics ; l'Assemblée a arrêté qu'il sera fait un nouveau sceau dont l'emblème sera un faisceau d'armes surmonté d'un bonnet de la liberté, et qu'on gravera dans l'exergue ces mots : La nation des Allobroges.
Un membre a fait la motion que les actes des municipalités et autres corps administratifs qui étaient ci-devant sujets à l'impôt dé l'insinua-
tion en soient exempts : cette motion a été décrétée.
Sur la motion faite par un membre que le citoyen Paul-Joseph Biord peut, comme conservateur des apanages des ci-devant princes, donner des renseignements utiles à la chose pu* blique, il a été arrêté qu'il sera mandé à la barre.
Les professeurs du collège de Chambéry, un député de ceux du collège de Rumiily et les officiers municipaux de Montmélian, introduits à la barre, ont offert leurs hommages et leurs services à l'Assemblée; ils ont prêté le serment civique et prononcé successivement des discours dans lesquels ils ont peint leur attachement à la chose publique. Les derniers ont déposé les bâtons de syndics de leur commune et demandé que leurs garnitures d'argent soient remises au trésorier de la nation.
Un membre a fait lecture d'une adresse du prieur de la Chartreuse d'Hallion : elle a été renvoyée à la municipalité de Chambéry.
Il s'est fait différentes motions sur la valeur qu'on doit donner aux espèces d'or et d'argent e France, qui seront présentées aux trésoriers et aux exacteurs de deniers publics : après quelques discussions, il a été décrété que les louis neufs de France seront reçus par les trésoriers et receveurs", à raison de vingt livres huit sous, et les écus neufs à raison de cinq livres et deux sous de Savoie; et l'Assemblée nationale a déclaré que les espèces tarées, reçues jusqu'au, jour de la publication du présent décret par les receveurs et trésoriers, ne seront reçues à la trésorerie nationale que sur le pied de vingt livres le louis et de cinq livres les écus; que les sous additionnels seront portés en avoirs dans les livres de la trésorerie.
L'Assemblée a en outre décrété qu'on ne recevra aux trésoreries nationales que les espèces d'or et d'argent et que les monnaies de billon, n'y entreront que pour former des appoints.
Un membre a annoncé à l'Assemblée que la femme du citoyen Salomon, receveur des gabelles en Maunenne, revenant du Piémont en Savoie avec un enfant et quelques effets, a été arrêtée à Suze, et que les Piémontais ne veulent la mettre en liberte et restituer les effets qu'autant que son mari fera toucher au trésorier du ci-devant duc de Savoie le produit de sa dernière recette (ce qu'il ne peut ni ne doit faire) ; ce même membre a proposé à l'Assemblée de lui faire sentir les effets de sa générosité ; il a été arrêté qu'il sera accordé à Salomon les indemnités qu'il fera conster lui être dues.
L'Assemblée nationale, ayant ouï le rapport qui lui a été fait par un membre du procès qui se poursuit contre le prêtre Allaman Akarien, de Bonnèville, et considérant que ce procès a eu pour cause la destitution faite arbitrairement du défendeur de la place Qu'il occupait, contre les principes des droits de l'homme, puisqu'il a été privé de sa place sans jugement préalable, sans accusation légitime et sans preuve juridique, ce qui est un excès de despotisme d'autant plus intolérable que c'est un faux zèle de religion qui en a été le prétexte, décrète que le prêtre Allaman sera réintégré dans le temporel de son bénéfice, en donnant caution pour les indemnités auxquelles il pourra être assujetti.
Un membre du comité de législation a fait des rapports sur les biens du clergé, des émigrés, des ordres des SS. Maurice et Lazare et de Malte, sur les domaines ci-devant royaux, sur les biens
non imposés et sur lesséances ses fonctionnaires publics et autres; les articles suivants ont été unanimement adoptés. Ce même membre a été chargé d'en présenter la rédaction; ce qu'il a exécuté de la manière suivante.
nement
Décrets sur les biens du clergé, rendus sur le rapport du comité de législation.
« L'Assemblée nationale, considérant que le clergé séculier et régulier n'a d'autre but, dans son institution, que cèux énoncés par le fondateur de la religion qu'il enseigne, savoir, de détruire, combattre l'espritd'égoïsme et d'ambition, en représentant aux fidèles le néant et l'inconstance des biens de ce monde, de ramener tous les hommes au niveau de l'égalité, en prévenant, par l'apologie et l'exemple du désintéressement et de la charité, l'explosion de ces passions véhémentes qui sortent les hommes de leurs places ordinaires, les changent en usurpateurs insatiables, toujours dangereux pour la liberté;
« Considérant que tous leurs biens leur sont parvenus successivement ou par concession des rois et autres préposés à la chose publique, ou qu'ils ont été abandonnés à l'Eglise et à ses esservants, tant pour leur entretien que pour la splendeur et les frais du culte, qui seront désormais à la charge de la nation;
« Considérant que, dans tous les cas, ils ont été donnés à l'Eglise ou à son clèrgé définitivement, et jamais aux individus nominativement et à titre ae propriété personnelle;
« Considérant que la répartition de ces biens est faite d'une manière très inégale et abusive ; que leur administration et perception de cense annuelle, entretiennent parmi les citoyens des querelles coûteuses et des divisions, et que tel est l'état actuel des choses parmi le cierge, dans la gestion de son temporel, que l'individu qui jouit du revenu le plus considérable, est précisément celui qui paraît avoir les fonctions les moins nécessaires et les plus faciles à remplir, décrète :
Art. 1er.
« Que tous les biens du clergé, tant séculier que régulier, passent en propriété à la nation, qui leur en continue la jouissance provisoire jusqu'à ce qu'elle ait déterminé le meilleur mode pour leur assurer un traitement honorable.
Art. 2.
« Sous la dénomination de biens du clergé, l'Assemblée nationale comprend les dîmes, prémices, biens ruraux, édifices, créances, titres, billets et tout effet quelconque formant sa propriété, toutes les bourses, biens, capitaux, établissements et autres objets formant la masse de ses possessions.
Art. 3.
« Sont compris sous la même dénomination, les séminaires, leurs édifices, meubles et immeubles, et tout ce qui compose l'avantage de leur établissement, les églises cathédrales, collégiales, paroissiales, succursales, oratoire ou chapelle quelconque, ainsi que les meubles, effets, ustensiles en or et en argent qui se trouvent dans icelles.
Art. 4.
« A dater de la publication du présent décret, nul ecclésiastique séculier, ni les maisons religieuses de l'un et de l'autre sexe, ne pourront aliéner, hypothéquer ou dénaturer, sous aucun prétexte quelconque, les meubles ou immeubles dont ils doivent être nantis.
Art. 5,
« Il sera procédé, par devant les officiers municipaux et secrétaires des communes, à un inventaire de tous les biens ecclésiastiques, tant mobiliers qu'immobiliers, avant lequel les administrateurs, receveurs, prieurs, procureurs et tous préposés quelconques seront assermentés et sommés de dire la vérité.
Art. 6.
« Tout assermenté qui sera convaincu d'avoir fait sciemment une déclaration fausse ou incomplète, sera déchu de son traitement, s'il y a lieu, et puni selon la gravité des circonstances.
Art. 7.
« A compter du lor août, tout ecclésiastique, agent, receveur, membre de communauté, religieux ou autres, sous telle dénomination que ce soit, qui aura reçu des fonds, partie d'iceux, ou qui aurait fait des aliénations, soustractions, avant l'inventaire, seront responsables, ou des dommages, ou des sommes reçues, ou comptables de leur emploi.
Art. 8.
« Les inventaires seront signés des officiers municipaux, secrétaires et parties intéressées, et écrits à double sur papiers ordinaire, et copie de chacun sera envoyée à la commission d'administration qui en sera chargée.
Art. 9.
«. L'Assemblée nationale confie tous les biens ecclésiastiques à la surveillance paternelle des communes.
Art. 10.
« L'Assemblée nationale défend à toute communauté religieuse de l'un et l'autre sexe, d'augmenter le nombre de ses individus, en recevant des novices, et suspend l'émission des vœux pour ceux qu'elle aurait déjà dans son sein; les communautés religieuses donneront à la municipalité la désignation des membres qui les composent, de leur âge, du lieu de leur naissance et de celui de leur profession (s'ils ont émis des vœux) et la date de leur domicile dans ce pays.
Art. 11.
« La dîme, de quelque nature qu'elle soit, et quels que soient l'état et la qualité de celui qui l'exige, est définitivement supprimée, à compter du 1er janvier prochain, et l'Assemblée conserve aux communes et particuliers les actions qu'ils peuvent avoir contre les décimateurs qui n'ont pas reçu leurs charges.
Art. 12.
« Pour que le traitement des fonctionnaires ecclésiastiques n'éprouve aucun retard et ne laisse aucune inquiétude, l'Assemblée nationale
décrète qu'à dater du 1er juillet 1793, le traitement des curés, dans les communes dont la population est ae 500 individus et au-dessous, sera de 900 livres de France, avec un logement convenable, un jardin tel qu'ils l'ont déjà; et, s'ils n'en ont point encore, ce jardin sera de 100 toises carrées, ou d'une indemnité enj cette proportion.
Art. 13.
« Le traitement des curés dont les communes contiennent une population excédant 500 individus, sera de 1200 cents livres de France dans les campagnes, de 1500 livres dans les villes, outre les logement et jardin ci-dessus.
Art. 14.
« Sont réputées villes : Chambéry, Carouge, Annecy, Bonneville, Thonon, Saint-Jean de Mau-rienne, Moutiers, Evian, la Roche, Rumilly.
Art. 15.
« A compter du 1er juillet prochain, tous les droits perçus par les ecclésiastiques, compris sous le nom de casuels, sont définitivement supprimés.
Art. 16.
« Tous les biens et capitaux, sous telle dénomination qu'ils soient, donnés au clergé à titre de fondation, appartiennent à la nation, qui en fera acquitter les charges.
Art. 17.
« Les nominations aux bénéfices qui appartenaient au ci-devant duc de Savoie, aux ci-devant seigneurs, patrons laïques, ou autres que l'évêque diocésain, sont dévolues à la nation.
Art. 18.
« La commission provisoire d'administration en reste seule chargée, et ne pourra y procéder qu'en cas d'urgence.
Art. 19.
« Lorsqu'il s'agira d'une cure vacante à laque l'évêque est eh coutume de nommer, les communes pourront lui présenter trois indivi-dus ecclésiastiques domiciliés dans le diocèse, entre lesquels il sera tenu de choisir pour faire le remplacement.
Art. 20.
« Les curés des communes au-dessous de 500 individus ne pourront être remplacés que sur l'avis de la commission d'administration provisoire.
Art. 21.
« Lorsque dans les villes et bourgs où il se trouve plus d'un curé, l'un d'eux décédera, il ne pourra être remplacé que sur l'avis de la commission provisoire.
Art. 22.
« Les vicaires recevront pour traitement 700 livres dans les campagnes, et 800 livres dans les villes désignées à l'article 14.
Art. 23.
« Les ecclésiastiques dont la subsistance dépen-
dait des dîmes supprimées, et qui n'occupent aucune des places a traitement déterminé par l'Assemblée nationale, pourront se présenter devant la commission d'administration provi-voire, qui prendra les mesures nécessaires à cet effet.
Art. 24.
« Tous ceux qui possèdent des bénéfices à traitement fixe, ne pourront percevoir des revenus de bénéfice simple; et le produit appartient exclusivement à la nation; sont néanmoins exceptés les curés dont le revenu en totalité ne forme pas la somme de 600 livres de France.
Art. 25.
« Tous ceux qui ont des bénéfices ou revenus quelconques ecclésiastiques qui n'obligent pas à résidence, et dont la totalité du produit excède la somme de 600 livres de France, devront en abandonner la perception aux trésoriers nationaux chez lesquels tous les censiers ou redevables devront compter sous leur responsabilité.
Art. 26.
« Les censiers et redevables qui devront payer en nature ou en toute autre manière qu'en espèces sonnantes, en préviendront la municipalité.
Art. 27.
« Les trésoriers respectifs des cantons paieront à chaque titulaire dont ils auront perçu les cens en valeur, la somme de 600 livres de France en quatre termes, et à l'expiration d'iceux. »
Décret de VAssemblée nationale sur les biens desémigrés.
« L'Assemblée nationale, considérant que, dans ces moments de crise qui précèdent et accompagnent les révolutions politiques des Empires, tout citoyen doit énoncer, par un acte positif, sa soumission à ses décrets, et conserver ses forces et ses moyens pour le triomphe de la liberté, de l'égalité;
« Considérant qu'en contradiction de ces prin" cipes, il s'est fait une émigration extraordinaire de gros propriétaires et de ci-devant privilégiés;
« Considérant que les annales des peuples libres nous représentent leur liberté dans sa naissance, entourée d'orages et contrariée dans sa marche, parce que les" nations ont toujours été plus généreuses que justes envers ceux qui en retardaient le triomphe ;
« Considérant qu'il doit être glorieux pour un citoyen vertueux et patriote d'habiter son pays dès que le despotisme armé et tous ses suppôts en sont bannis, et qu'il faut être l'ennemi ae sa patrie et de l'égalité pour la fuir au moment de sà régénération, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Tous les citoyens qui ont émigré dès le 1er août sont invités à reprendre leur domicile ordinaire dans le laps de 2 mois ; et provisoirement tous leurs biens seront séquestrés, avec défenses à tous les procureurs, débiteurs, censiers, chargés d'affaires, et autres redevables sous dénomination quelconque, de ne rien aliéner, hypothéquer ou acquitter que sur l'autorisation des syndics et conseils des communes, qui attesteront a la commission provisoire d'ad-
ministration la rentrée et la résidence des émigrés.
Art. 2.
« 11 est défendu à tout notaire et receveur d'actes publics d'authentiquer aucun acte de vente, quittance, échange, accensement, ou autre en faveur d'un émigré, sans la permission des municipalités, qui répondront des suites de l'acte au préjudrce ae la nation.
Art. 3.
« Tout émigré qui, dans deux mois, n'aura pas rejoint son domicile ordinaire," ou ne fera pas conster des causes légitimes de son retard, subira la confiscation dé tous ses biens au profit de la nation.
Art. 4.
« A cette époque il sera fait inventaire à double sur papier ordinaire, de tous les biens meubles et immeubles des émigrés, par le châtelain, en l'assistance de la municipalité, dont copie sera envoyée à la commission provisoire d'administration.
Art. 5.
« Les domestiques, agents et créanciers légitimes pourront poursuivre la rentrée de leur dû sur les biens séquestrés.
« L'Assemblée nationale décrète en outre, sur le rapport de son comité de législation,
Décret sur Vabolition des privilèges et distinctions.
« L'Assemblée nationale, considérant que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit; que les distinctiods sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune; que toute société qui ne veut être sous d'autre empire que sous celui de la liberté et de l'égalité, ne doit pas autoriser de distinction deoiais-sance ; que toutes les distinctions d'accident n'ont été créées que par le délire du despotisme et de la vanité, et qu'il èst instant de réparer les maux occasionnés par ces mépris des droits de l'homme, décrète :
Art. 1er.
« Que la noblesse héréditaire est pour toujours abolie; qu'en conséquence les titres de prince, duc, marquis, comte, vicomte, baron, chevalier, messire, vassal, nobles et tous autres semblables, ne pourront être pris par qui que ce soit, ni donnés à personne; que lés-"titres de nosseigneurs, monseigneur et messeigneurs, ne seront donnés ni à aucun corps, ni à aucun individu, non plus que ceux d'altesse, d'excellence, d'émi-nence, de Grandeur, etc. : les étrangers ne sont cependant pas compris dans le présent décret.
Art. 2.
« Sont pareillement abolis les ordres de chevalerie, de même que toutes les corporations ou décorations pour lesquelles on exigeait des preuves de noblesse, ou qui supposaient des distinctions de naissance.
Art. 3.
« Aucun citoyen allobroge ne pourra porter ni faire porter ae livrée, ni avoir d'armoiries, ni placer ou conserver sur ses maisons des girouettes ou autre figure de féodalité.
Art. 4.
« Les bans patrimoniaux ou seigneuriaux qui pourraient avoir été placés dans les églises Ou chapelles; les litres et ceintures funèbres, les
fourches patibulaires, les piloris érigés à titre de justice, et tous autres indices de seigneurie et féodalité, seront détruits à la diligence des propriétaires ou des officiers municipaux, suivant qu'il sera dit ci-après artticle 8.
Art. 5.
« L'encens nejsera brûlé dans les temples que pour honorer la divinité ; il ne sera offert à personne ; et dans la distribution du pain bénit, l'on ne suivra aucune distinction.
Art. 6.
« Les places et bancs particuliers existants dans les églises ou chapelles publiques, sont communs et publics dès ce jour.
Art. 7.
« Il est néanmoins défendu à tout particulier d'attenter aux monuments placés dans les temples, aux Chartres, titres ou autres renseignements intéressant les familles et les propriétés, ni aux décorations d'aucun lieu public ou particulier.
Art. 8.
«. L'exécution des articles 3 et 4 du présent décret et confiée à la diligence des municipaux dans la commune desquels les objets desdits articles se trouveront, dans le cas où les propriétaires n'y auront pas satisfait dans le terme d'un mois, à dater de la publication du présent décret. »
L'on fait ensuite lecture d'une lettre que le citoyen Dardel, cadet, adresse à l'Assemblée, avec copie d'une autre lettre écrite de Turin par un soi-disant comte Pullini, officier du bureau des gabelles, à un citoyen employé dans cette partie a Genève, par laquelle celui-ci est invité de vendre au plus tôt les fonds des magasins, pour en faire passer le produitjen Piémont; l'Assemblée renvoie ces pièces à l'office public, pour qu'il ait à poursuivre, par devant les tribunaux cette atteinte aux droits de la nation.
Sur la motion d'un membre, l'Assemblée déclare et reconnaît solennellement le principe éternel que tous les délits sont personnels, et _ que.la flétrissure qui en résulte ne doit atteindre que leurs auteurs.
L'Assemblée décrète ensuite, sur la motion d'un membre, que les tribunaux poursuivront, sous leur responsabilité, ceux qui leur auront été dénoncés, si le cas l'exige et qu'on puisse avoir des preuves suffisantes.
Le citoyen Garelli, membre de l'office public, paraît à la barre; il demande qu'on lui remette la lettre du citoyen Dardel, et proteste de son zèle à poursuivre tous les crimes, et surtout ceux de lèse-nation : sur l'ordre de l'Assemblée, cette lettre lui est remise à l'instant.
Sur le rapport du comité de législation, l'Assemblée a rendu le décret suivant :
Décret sur les biens de Malte, Saints-Maurice et Lazare, droits et domaines ci-devant royaux.
« Que tous les biens appartenant aux communautés étrangères, telles que l'ordre de Malte, Saints-Maurice et Lazare, et tous les domaines ci-devant de la Couronne, sont séquestrés; inventaire en sera fait ainsi que dessus, et tous les censiers, procureurs et préposés quelconques à leur administration, seront comptables de tout cé dont ils seront reconnus chargés ».
Décret sur les biens non imposés.
« Tous les biens des ci-devant privilégiés, dits biens féodaux ou ecclésiastiques, et tous autres, quels que soient les propriétaires, exempts d'impositions ordinaires, y seront soumis comme toutes autres propriétés ; et elles seront acquittées par les redevables dès la courante année »,
Décret sur les séances des fonctionnaires publics et autres, sur le rapport du comité de législation.
« L'Assemblée nationale décrète que les séances de tous les fonctionnaires publics et des prêtres rassemblés pour délibérer, seront publiques, et que tous les citoyens pourront y assister sans armes et sans autre précaution que d'y observer le silence et la décence. » La séance a été levée à neuf heures du soir.
« Signé: decret, président? Doppet, vice-président ; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J.-F. Favre, secrétaires
Procès-verbal de la onzième séance de VAssemblée nationale des Allobroges.
« Le er de la République.
Séance du matin.
decret, président; Doppet, vice-président.
La séance a été ouverte à huit heures par la lecture du procès-verbal de la séance précédente.
Un membre a fait diverses observations sur la nature des commissions dont seront chargés les députés auprès de la Convention nationale de France ; elles ont été renvoyées au comité de " législation, qui a été chargé de faire son rapport sur cet objet, en même temps que sur le mode d'élection ae ces mêmes députés.
Sur la motion d'un membre, l'Assemblée a arrêté qu'il sera envoyé deux commissaires dans chacune des deux Chartreuses d'Aillon et de Saint-Hugon, pour y procéder aux vérifications ordonnées dans la -séance du 26 au matin, concernant les communautés religieuses, et que le bureau lui présenterait dans la séance du soir quatre commissaires pour ces opérations.
Sur le rapport du comité de législation, l'Assemblée a rendu les décrets suivants :
Décret sur la suppression des droits féodaux.
« L'Assemblée nationale, considérant que rien n'est plus contraire à la liberté et à l'égalité que le régime féodal; que l'origine de la féodalité a presque toujours été la violence, l'injustice et la. ruse.
« Considérant encore combien les droits féodaux et emphytéotiques pèsent sur les habitants des campagnes, nuisent à l'agriculture et à l'industrie, décrète :
Art. ler.
« Qu'elle abolit, sans indemnité, toute juridiction seigneuriale, tous droits honorifiques et utiles en dépendant ; ceux de nommer des officiers ,de justice, de percevoir des émoluments de greffe, les droits exclusifs de chasse, de pêche, de colombier, de banalité de four, de moulins et banvins; droits de boucherie, langues, leides, péages et autres semblables.
« Sont néanmoins provisoirement conservés les droits de boucherie appartenant aux communes.
Art. 2.
« Sont abolies, de la même manière, toutes main-mortes, les taillabilités réelles, et personnelles et toutes autres servitudes féodales, telles que les corvées et semblables.
Art. 3.
« Toutes les propriétés sont déclarées franches de tous droits féodaux ou censuels, quelles que soient leur dénomination et nature apparente; lesquels sont aussi abolis sans indemnité, à moins qu'ils n'aient eu pour cause une concession de fonds, laquelle cause ne pourra être établie, qu'en tant qu'elle se trouverait clairement énoncée dans l'acte primordial d'inféodation, d'accensement ou d'abergement, qui devra être rapporté.
Art. 4.
« Tous les arrérages des droits supprimés par le présent décret, sont pareillement éteints et inéligibles.
Art. 5.
« Tous procès intentés et jugements non exécutés avant J a publication du présent décret, relativement auxdits droits supprimés et arrérages d'iceux,sont de même éteints et anéantis, sauf indemnité, dans les cas et de la manière expliqués.
Art. 6.
« Tous les contrats d'affranchissement dont le prix n'a pas encore été payé aux possesseurs des nefs, sont annulés, sauf l'indemnité pour les cas et de la manière ci-devant. »
Quelques membres ont demandé que les ci-devant seigneurs ou autres à qui ont été payées des sommes pour l'extinction de leurs nefs, fussent tenus de les restituer; après une longue et vive discussion, l'Assemblée a décidé à la presque unanimité, qu'il n'y avait pas lieu à cette restitution.
Sur la motion- d'un membre, l'Assemblée a décrété que toutes les sommes qui se trouvent dans les caisses des trésoriers du ci-devant duché de Sàvoie, ou entre les mains des collecteurs et exacteurs, destinés à l'affranchissement des droits féodaux, appartiennent à la hation.
Un membre fait observer à l'Assemblée que des communes accablées par l'abus des fiefs, et les vexations seigneuriales, obtinrent du roi Charles la cession de son droit de réachat des fiefs et emphytéoses de leur territoire, et des autres choses y annexées; que ce droit du roi, pour lors incontestable, elles ne l'obtinrent qu'à prix d'argent, et à la charge d'éteindre tous les droits féodaux et emphytéotiques, et de rembourser les seigneurs ; que, faute d'autres moyens,
ces communes cédèrent à des particuliers, et à prix d'argent, l'exercice de quelques droits moins onéreux, tels que les dîmes, péages, leides, poids, pontenages, haut-sièges, cours d'eau, etc., et en appliquèrent le prix à payer la finance, les frais de procès, et à rembourser les seigneurs, afin de se soustraire d'abord aux vexations, et éteindre les droits féodaux les plus nuisibles, tels que les raillabilités, les servis et les lods.
11 a observé que, sans ce moyen concerté d'avance, les communes auraient souffert bien plus longtemps toutes ces oppressions ; que sans cela, elles auraient payé jusqu'à l'édit des affranchissements, en écneutes, servis et lods, bien au delà du montant du prix des concessions qu'elles ont faites à quelques particuliers.
Il a encore observé que ces particuliers en avaient la plupart emprunté le prix et ne l'avaient trouvé que sur cette application ; qu'ils avaient presque tout sacrifié leur sûreté, leur repos et partie de leur fortune, pour tirer leurs compatriotes de cette oppression ; que les communes ont conservé la faculté de reprendre ces droits ; qu'elles ont même contracté avec le roi Charles, au profit du commerce, l'obligation de les éteindre, en remboursant les acquéreurs ; et que, dès qu'on les supprime au profit de la nation, il serait injuste de ne pas rembourser à ces particuliers le prix que les communes ont retiré, puisqu'il a servi à éteindre des emphytéo-ses et droits, qui^sans douteront eu pour cause des concessions dè fonds, quoique peut-être on ne pourrait plus l'établir, faute par les communes d'en avoir retiré ou conservé les titres.
Ce membre a enfin observé que ce sont ces communes qui ont développé tous les abus delà féodalité, fixé tous les yeux sur ses inconvénients; qu'elles ont amené et hâté les édits des affranchissements, et par là beaucoup contribué à préparer les peuples à l'heureuse révolution qui nous rend la liberté et l'égalité.
Il a en conséquence fait la motion de décréter que les particuliers possesseurs actuels de droits féodaux vendus par des communes depuis quarante ans, en çà, seront remboursés du prix que ces communes en ont retiré ; et que les deniers nécessaires seront pris dans les caisses dites des affranchissements, ou ailleurs, suivant que l'Assemblée le jugera convenable.
L'Assemblée a décrété le renvoi de cette motion à la commission provisoire d'administration, pour y pourvoir, suivant l'équité, sur les pétitions des particuliers intéressés.
La séance a été levée à une heure et demie, et ajournée à trois heures.
Signé: decret, président; Doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J. F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la douzième séance de l'Assemblée nationale des Allobroges.
Leer de la République.
Séance du soir.
Decret, président, Doppet, vice-président, occupent alternativement le fauteuil.
La séance a été ouverte à trois heures, par la lecture du procès-verbal.
L'Assemblée nationale des Allobroges ayant entendu le rapport de son comité des finances sur la gabelle au sel, tabac, plomb, poudre, et des
douanes aux frontières de France, et considérant que ces établissements sont contraires aux principes de liberté consacrés par la nation et pernicieux au commerce ; que d ailleurs cet impôt se trouve détruit par le fait et que les frais annuels d'administration de cette ressource nationale s'élèvent à environ un demi-million qui resterait à la charge de la nation, vu la concurrence libre des objets ci-devant, décrète :
Art. 1er.
« Que la gabelle du sel, tabac, plomb et poudre, est abolie.
Art. 2.
« Il sera fait, dans le terme de huit jours, dès la publication du présent décret, inventaire des fonds, en tout genre, des objets ci-devant désignés, existant dans les différents dépôts et bureaux de distribution des Etats allobroges, en l'assistance des officiers municipaux des lieux où se trouvent lesdits dépôts et bureaux de distribution et en contradictoire des comptables.
Art. 3.
« La douane sur les frontières de France est supprimée pour l'importation et exportation de tous les objets.
Art. 4.
« Les douanes sur les confins du Piémont, de la Suisse et Genève sont conservées, avec pouvoir à la commission provisoire d'administration d'en charger et régler le tarif dans tout ce qu'elle jugera tenir à l'amélioration du commerce de la nation. »
Le même comité a fait un second rapport dont les articles suivants ont de même été adoptés :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il existe dans les magasins nationaux et divers bureaux de distribution une considérable quantité de papier timbré, et que l'impôt du timbre est celui seul dont l'existence soit compatible avec les principes adoptés par l'Assemblée nationale des Allobroges et susceptible de fournir un accroissement de ressource pour la prospérité des finances de l'Etat ;
« Considérant que l'on ne peut proscrire le papier approvisionné pour cause du timbre qui y est apposé, sans que la nation éprouve une perte de toute la valeur réelle de cet objet, et que l'on peut en conserver l'usage jusqu'à l'épuisement de celui qui existe, en batonnant ce timbre, décrète :
Art. 1er.
« Que l'impôt du papier timbré est provisoirement conservé au prix de deux sous et demi de France, et par proportion à celui de plus haute valeur, et encore suivant les mêmes modes ci-devant usités.
Art. 2.
» Il sera procédé, dans le terme de huit jours, dès la publication du présent décret, à l'inventaire du papier timbré qui se trouve en fond dans les magasins nationaux et bureaux de distribution, empreint du timbre ci-devant usité ; il restera paraphé par le préposé à cet effet, et le timbre en sera seulement bâtonné.
Art. 3.
« La vente du papier timbré sera continuée
dans les mêmes lieux et au même prix ci-devant énoncés, jusqu'à l'épuisement des fonds existants actuellement dans les magasins nationaux et bureaux de distribution.
Art. 4.
« Après que la consommation du papier timbré existant dans les magasins et bureaux de distribution aura été faite, celui qui sera mis en usage sera pourvu d'un timbre national, dont l'empreinte représentera une pique surmontée d'un bonnet de la liberté, avec l'inscription circulaire des mots timbre national des Allobroges, et sera paraphé.
Art. 5.
« Les officiers municipaux des communes sont chargés de surveiller les magasins à sel qui sont dans leur territoire. »
Ce comité a fait faire le troisième rapport suivant, dont les articles ont de même été adoptés :
« L'Assemblée nationale, considérant le contenu au mémoire présenté par le citoyen Gar-rella, architecte, au comité des finances, relativement à divers ouvrages ci-devant donnés à prix fait pour la réparation des ponts et chemins du ci-devant duché de Savoie, aux dégradations survenues auxdites routes dès lors, et à l'offre faite par ce citoyen, de se transporter sur les lieux dont il s'agit, de dresser des procès-verbaux des réparations à faire, et de veiller à leur exécution ; après avoir entendu le rapport du comité des finances, décrète :
« Que tout prix factaire ou adjudicataire d'ouvrages et réparationsà faireaux ponts, chaussées, digues, routes et autres ouvrages publics du ci-devant duché de Savoie, est tenu d'exécuter le prix fait auquel il se sera soumis, en chargeant les préposés à la direction desdits ouvrages et réparations, de veiller à leur prompte et parfaite exécution. »
Sur le rapport du comité de législation, l'Assemblée nationale a arrêté :
Art. 1er.
« Les députés de l'Assemblée nationale des Allobroges auprès de la Convention nationale des Français, sont autorisés à lui présenter l'adresse qui leur sera remise, et à énoncer le vœu général de Jâ nation des Allobroges, libre et indépendante, d'être unie et incorporée à la nation française pour en faire partie intégrante.
Art. 2.
« Si les circonstances exigeaient leur séjour auprès de la Convention nationale, leurs opérations doivent se borner essentiellement à solliciter l'acte solennel d'adhésion de la Convention nationale des Français à l'incorporation demandée.
Art. 3.
« Ces députés devront faire part à la . commission provisoire d'administration de l'exécution de leur mission et de la réponse qui leur aura été faîte, et entretenir avec lui une correspondance exacte, relative à leur mission.
Art. 4.
« Les pouvoirs qui leur serontdonnés en cette conformité, seront signés par le président et les secrétaires de l'Assemblée nationale, et extrait leur sera remis du procès-verbal où est énoncée
l'émission des vœux des communes, qui sera signée par le président et les secrétaires. »
L'Assemblée nationale a arrêté que le traitement des députés à la Convention nationale sera de 15 francs par jour, qui leur seront payés en en espèces sonnantes, en leur allouant, en outre, les frais de ports de lettres et autres dépenses qu'ils seraient obligés de faire pour la nation.
Sur le rapport du même comité, chargé de proposer un mode d'élection des députés auprès ae la Convention nationale des Français, l'Assemblée nationale arrête que l'Assemblée se formera en sept bureaux dans chacun desquels seront les députés de chacun des cantons, soit des ci-devant provinces. Chaque bureau sera présidé par un de ses membres, qui sera choisi par appel nominal; il y aura de plus un secrétaire et un commissaire inspecteur.
Le secrétaire sera un des sept secrétaires, tant actifs que suppléants de l'Assemblée, dont le nom sera tiré au sort dans une urne.
Le commissaire inspecteur sera choisi parmi les membres d'un autre bureau, par le président de l'Assemblée.
Le bureau procédera ensuite par appel nominal au choix d'un député dont le nom sera donné à voix basse au président, secrétaire et commissaire inspecteur; et, lorsque l'appel nominal sera fini, le dépouillement des voix se fera par ceux-ci.
Les noms des sept députés qui seront nommés, seront placés sur le bureau dans une urne ; les quatre premiers qui sortiront, seront les députés, et les trois autres suppléants.
Tout citoyen allobroge est admis à être élu député à la Convention nationale des Français.
Le même comité a fait faire un autre rapport, dont les articles suivants ont été adoptés :
L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe -à une République naissante de conserver tous les moyens physiques et moraux qui peuvent en accélérer le bonheur et la force, et d'entretenir entre tous les citoyens une union fraternelle ;
« Considérant que les jeux de hasard éloignent les citoyens de l'attention et des soins qu'ils doivent porter au bien public, et même de ceux qu'ils doivent avoir pour la conservation de leurs fortunes; que les dépenses qu'ils occasionnent, entraînent la ruine des joueurs et de leurs familles; que les jeux,sont une source de malheurs, de corruption ; et qu'ils sont de nature à rompre tous les liens de fraternité qui doivent unir tous les citoyens, pour leur substituer les vils appâts de la cupidité, décrète :
Art. Ier.
« Tous les jeux de hasard sont prohibés dès la date du présent décret; sous cette dénomination sont compris ceux qui n'assurent le gain que sur le seui effet du sort.
Art. 2.
« Les municipalités sont chargées de veiller à l'exécution du présent décret.
Art. 3.
« Les officiers municipaux pourront, en tout temps, entrer dans les maisons où l'on donne à jouer des jeux de hasard, sur la seule désignation qui leur aurait été donnée par deux ei-» toyens domiciliés!
Art. 4.
« Tout citoyen qui sera convaincu d'avoir pris part à ces jeux, sera puni de 15 jours d'arrêt* pour la première fois, et de 3 mois de détention, en cas ae récidive.
Art. 5.
« Tout citoyen qui tiendra ou favorisera chez lui des jeux de cette nature sera puni de peine double que celle ci-dessus, dans les deux cas. »
Une députation de la société des amis de la liberté et de l'égalité de Rumilly a été introduite; elle a obtenu les honneurs de la séance.
Une autre députation de la même Société de Chambéry, introduite, a demandé l'abolition du droit de bourgeoisie; cette abolition a été décrétée.
Un commissaire d'extentes a déposé sur le bureau sa patente et d'autres titres de son état, et en a fait hommage à la patrie.
Un citoyen de cette ville a fait remettre sur le bureau des titres de noblesse.
Il a été arrêté que les garnitures des bâtons des officiers municipaux de Montmélian seront déposées dans le Trésor national. * On a fait lecture de trois adresses, à la Convention nationale des Français, à l'armée française, et à toutes les communes de la nation allobroge. L'envoi et l'impression en ont été ordonnés.
Les citoyens Vuagnat et Michon ont été commis pour se transporter dans la Chartreuse d'Aï-lion; et Lionna et Pichet pour Saint-Huhon, en conformité du décret rendu dans la séance du 26 au matin.
Le comité de législation fit soumettre ensuite à l'Assemblée un projet d'organisation d'une commission provisoire d'administration, dont les 7 premiers articles ont été adoptés; et les autres furent proposés et adoptés séance tenante, en suite des motions faites par divers membres.
« L'Assemblée nationale, après avoir déclaré la nation des Allobroges souveraine, une et indivisible ; après avoir aboli les institutions qui blessaient la liberté et l'égalité des droits ; après avoir rendu plusieurs décrets provisoires sur les anciennes autorités et sur l'organisation des municipalités ; après avoir émis le vœu solennel des Allobroges, de faire partie intégrante de la nation française; considérant qu'actuellement elle a à peu près atteint le but de sa mission, et qu'avant de clore ses séances, elle rie doit pas laisser la chose publique sans l'établissement d'un corps administratif supérieur, a décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale se divisera en sept bureaux; chacun de ces sept bureaux nommera trois citoyens qui ne seront point parents au second degré d'affinité, ni au troisième de consanguinité, ni fonctionnaires publics; il nommera aussi deux suppléants.
Art. 2.
» Les juges châtelains pourront être membres de la commission provisoire d'administration ; et, dans le cas où quelques-uns d'eux seraient élus, les communes devront les remplacer.
Art. 3.
« Les 25 citoyens élus par les sept bureaux formeront la commission provisoire d'adminis-
tration générale, et entreront en fonction dès la date de leur nomination, et sous le salaire de 1,500 francs par an, qui leur sera payé par proportion au temps de leur travail.
Art. 4.
« Ils seront chargés de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale; ils donneront, dans tous les cas d'urgence, les déterminations provisoires, et administreront la chose publique sous leur responsabilité.
Art. 5.
« Us tiendront toutes leurs séances publiques, recevront toutes adresses, pétitions et réclamations de tous les citoyens de la nation, et donneront les déterminations convenables; ils auront aussi la surveillance sur toutes les autorités constituées, et rempliront les fonctions qui étaient du ressort des ci-devant grande chancellerie et chambre des comptes.
Art. 6.
« Toutes les déterminations de cette commission ne seront que provisoires, et pour des cas d'urgence.
Art. 7.
« La commission se choisira sept secrétaires, dont le traitement sera de 800 francs par an, qui leur sera payé par proportion au temps de leur travail.
Art. 8.
« L'Assemblée nationale autorise la commission provisoire d'administration à faire droit sur les réquisitions de ceux qui demanderont la révision des jugements qui ont été rendus contre eux pour cause de leur attachement aux principes de la liberté.
Art. 9.
« L'Assemblée nationale charge la commission provisoire d'administration de faire des règlements sur la régie et conservation des bois et forêts; de prendre incontinent après son organisation les précautions qu'elle jugera convenables, concernant les dégradations qui pourraient y être survenues; en déclarant que tous particuliers qui, depuis le 22 septembre dernier, auraient fait des coupes de bois dans les fonds communs sans l'autorité des intendants ou autres tribunaux, sont responsables des dommages. »
Sur la motion d'un membre, l'Assemblée nationale, considérant que, sous le règne de la liberté et de l'égalité, une partie nombreuse des citoyens ne peut être privée des premiers avantages que la société doit assurer aux individus qui la composent, et qu'il est temps de restreindre, dans l'enceinte domestique, une puissance que des mœurs, faites pour un peuple barbare et conquérant, avaient portée au delà de ses vraies limites;
Considérant que la raison a fait jusqu'à cette heure, dans la nation des Allobroges, de vains efforts pour rompre cette obstination servile à des préjugés antiques, décrète :
« Que les hommes majeurs de vingt-cinq ans, et les femmes de vingt-un ans sont hors de la puissance paternelle, pour les effets civils. »
Un membre observe que l'usage barbare de la torture ne doit pas subsister sous le règne de
la liberté ; il en demande l'abolition ; cette proposition a été décrétée à l'unanimité.
Le citoyen Gabet, nommé par le président pour dresser une formule des mandats qui doivent être délivrés aux députés en acquittement de leur traitement, à raison de 6 livres par jour, en a présenté une qui a été adoptée.
Sur la demanae faite par plusieurs membres, l'Assemblée nationale considérant que le citoyen Simon a toujours montré un amour ardent et raisonné pour la liberté et l'égalité; qu'il a toujours parlé avec énergie delà dignité du peuple, même devant les despotes qui en persécutaient les défenseurs; qu'il a bâté, parmi ses concitoyens, avec force et prudence, le développement de l'opinion publique et la haine sentie de tous les oppresseurs, décrète :
« Que le citoyen Simon a bien mérité de sa patrie. »
La séance a été levée à huit heures.
decret, président; doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chas-tel, J.-F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la treizième séance de l'Assemblée nationale des Allobroges.
Leer de la République.
decret, président ; doppet, vice-président.
La séance est ouverte à neuf heures du matin ; un secrétaire a fait lecture du procès-verbal de la séance précédente.
On a procédé à l'élection des députés auprès de la Convention nationale de France, et des commissaires de l'administration provisoire, en conformité du décret rendu dans la séance précédente. La lecture des rapports pour le dépouillement du scrutin a été renvoyée à la séance du lendemain.
La municipalité a été introduite à la barre. Le maire a annoncé que tout était disposé pour l'exécution de la fête civique, et a invité l'assemblée à y assister.
Lé citoyen Debri, qui en avait donné le plan, introduit "à la barre, a offert ses hommages à l'assemblée.
Le président de la.Société des Amis de la li-nerté et de l'égalité de Chambéry a développé, dans le discours qu'il a prononcé, les avantages du règne de la liberté, qui allaient se répandre sur tous les citoyens.
L'Assemblée en a arrêté l'impression et l'envoi à la Convention nationale de France, aux communes de la nation des Allobroges, et à toutes les sociétés des amis de la liberté et de l'égalité.
L'Assemblée nationale s'est rendue en corps à la fête civique. A son retour, une multitude de citoyens et citoyennes de tout âge, dont plusieurs portaient les emblèmes de la liberté, a défilé dans la salle devant les représentants de la nation, au milieu des applaudissements, et aux Sons mélodieux d'Une musique guerrière et patriotique; la joie la plus pure s'est manifestée dans l'Assemblée et dans les tribunes.
L'Assemblée nationale a arrêté, sur la motion qui en a été laite, qu'il serait voté des remerciements à la France, pour la création de la légion des Allobroges, et qu'il en serait aussi voté à cette légion, pour avoir courageusement poursuivi les ennemis de la nation.
L'Assemblée nationale arrête qu'il sera envoyé, auprès du commandant de l'armée française,
quatre commissaires chargés de présenter les vœux de l'Assemblée, pour obtenir l'élargissement des soldats français détenus dans les prisons du ci-devant duché de Savoie pour cause d'insubordination, ou pour délits commis sur le territoire des Allobroges; et, en cas que la mission des commissaires auprès de ce général devienne inefficace, elle charge ses députés à la Convention nationale des Français, de faire, à ce sujet, les plus vives instances.
La séance a été levée à huit heures du soir.
Signé : decret, président ; doppet, vice-président; Gumery, F. Jacquier; F. Chastel; J.-F. Favre, secrétaires.
Procès-verbal de la quatorzième séance de VAssemblée nationale des Allobroges.
Le er de la République.
Séance du matin.
decret, président; doppet, vice-président.
La séance a étéouverte à huit heures du matin ; un secrétaire a fait lecture du procès-verbal de la séance précédente.
Un secrétaire de l'Assemblée a lu les procès-verbaux des sept cantons pour la nomination des députés auprès de la Convention nationale des Français et des membres de la commission provisoire d'administration.
Le dépouillement des scrutins a donné les députés, commissaires et suppléants suivants :
Bureau de Savoie : Doppet, lieutenant-colonel, député; Picolet père, Bertrand, Morel, commissaires; Viviant, premier suppléant. Velat, Pavy, Antoine Dupaquier ont eu égalité de suffrages pour l'office de second suppléant.
Bureau de Faucigny : Bar, député; Gavard, Décret, Sommelier, commissaires ; Jacquier, Balla-lou, suppléants.
Bureau de Tarentaise: Gumery, député; Fonta-nil, Sanche, Domenget, commissaires; Avet, Jacquemart, suppléants.
Bureau de Maurienne : Balmin, député; Favre, Gilbert, Clerc, commissaires ; Laimond, Truchet, suppléants.
Bureau de Chablais : Dessaix, député; Betemps» Blanc, Violant, commissaires ; Vacheran, Faveras, suppléants.
Bureau de Carouge: Villar, député; François Chastel, Roch, Curtet, commissaires ; Lafontaine, Cavussin, suppléants.
Bureau de Génevois: Favre, député; Burnod, Ruphy cadet, Garbillon, commissaires; Fernex, Nicollin, suppléants.
Trois députés du canton de Savoie ayant réuni une égalité de suffrages pour la place de second suppléant à la commission provisoire d'administration, il a été arrêté que le sort déciderait lequel devrait en remplir la fonction. Leurs noms ayant été jetés dans une urne, celui du citoyen Pavy en est sorti le premier.
Sur la motion faite par un membre, l'assemblée a décrété que le citoyen Doppet, l'un des sept choisis par les bureaux pour la députatjon qui doit être envoyée auprès de la Convention nationale des Français, ne courrait pas la chance du sort, par la voie duquel il devait être déterminé quels seraient les quatre qui seraient
chargés de cette mission, et quels seraient les trois suppléants.
En conséquence, les noms des six autres candidats ont été extraits, par le président, dans l'ordre suivant : Favre, Dessaix, nommes de loi ; Villar, Gumery, hommes de loi; Bar, Balmain, hommes de loi; les trois premiers, conjointement avec le citoyen Doppet, ont été proclamés députés, et les trois derniers suppléants.
On lit une lettre que la municipalité de Carouge adresse à l'assemblée, dans laquelle elle soumet diverses observations sur les douanes de sou canton, et se plaint de quelques procédés des magistrats de la ville de Genève : cette lettre est renvoyée à la commission provisoire d'administration.
On lit une autre lettre envoyée par le citoyen Lampoz, dans laquelle il proteste de son civisme, et donne des renseignements sur les passages qui conduisent du Piémont en Savoie, ainsi que sur les moyens les plus propres à les défendre. L'assemblée arrête qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.
Quelques membres ont demandé le rapport du décret qui établit la commission provisoire d'administration, et ont proposé qu'au lieu de cette commission, l'on forme un Corps législatif tiré de l'assemblée; ils ont appuyé leur motion, en disant que la nation ne doit pas rester sans un corps de représentants, qui ait le pouvoir de faire des lois pour tous les cas urgents, qui ne manqueront pas de se présenter.
Cette motion a été combattue; et, après quelques débats, l'on est passé à l'ordre du-jour.
Plusieurs membres ont ensuite proposé que l'on déterminât le temps et le mode de convocation d'une nouvelle Assemblée nationale; après une discussion assez longue et assez vive, les articles suivants ont été décrétés :
Décret sur le temps et le mode de convocation de la prochaine Assemblée nationale.
Art. 1er.
« Il sera convoqué une assemblée des représentants de la nation : 1° dans le cas où la Convention nationale des Français refuserait d'adhérer au vœu émis par les Allobroges, pour être réunis à la nation française; 2° si la majorité des communes de la nation des Allobroges en faisait la demande à la commission provisoire d'administration; 3° lorsque la commission provisoire d'administration en aura déterminé l'urgence; 4° si, jusqu'au 1er mars prochain, il ne se présente aucun de ces trois cas, la commission sera tenue de convoquer, à cette époque, une assemblée des représentants de la nation.
Art. 2.
« Le nombre de ces représentants ne pourra excéder celui de cent, ni être moins de quatre-vingt-dix.
Art. 3.
« 11 sera réparti suivant le triple rapport de l'impôt territorial, de la population, et de la surface du sol des cantons.
Art. 4.
« L'on formera dans chaque canton, pour l'élection de ces représentants, deux assemblées électorales, et même davantage, si la commission provisoire d'administration le juge convenable.
Art. 5.
« Les corps électoraux ne pourront se rassembler deux lois de suite dans le même endroit; ils seront ambulants, et alterneront dans les lieux fixés par la commission provisoire; le sort décidera de ceux où ils se rassembleront la première fois.
Art. 6.
« La commission provisoire est chargée de faire les règlements nécessaires pour l'exécution des précédents décrets ».
Un membre a ensuite proposé à l'assemblée de fixer le lieu du rassemblement de la prochaine Assemblée nationale. Après quelques débats, on est passé à l'ordre du jour, par le motif que ce sera^ à cette Assemblée à choisir le lieu ae ses séances.
Sur la motion faite par un membre, l'assemblée décrète qu'il sera nommé Tin trésorier et deux adjoints pour recevoir les dons patriotiques. Cette nomination ayant été laissée au président, il a choisi pour trésorier le citoyen Picolet père; et pour adjoints, les citoyens Gavard et Nicollin.
L'assemblée a ensuite arrêté que les sept bureaux choisiraient chacun deux commissaires et un prud'homme inspecteur, pour délivrer les mandats aux députés, en remplir les blancs et les signer.
Le citoyen Léger, archiviste, a été autorisé à délivrer au citoyen Simon une carte topographique du pays des Allobroges.
Sur la motion faite par un membre, l'assemblée a décrété que le citoyen Doppet avait bien mérité de sa patrie.
Les membres de la commission provisoire d'administration se sont ensuite présentés à la barre ; ils ont prêté serment d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, de mourir en les défendant, et de ne pas abandonner leur poste, à moins que l'impuissance de remplir les fonctions qui y sont attachés, ne le mît dans lecasdese faire remplacer par leurs suppléants.
L'assemblée a ensuite décrété :
Art. 1er.
« Que son président et les secrétaires n'abandonneront pas cette cité avant que les procès-verbaux soient entièrement imprimés.
Art. 2.
« Que dès ce moment commencent les fonctions de la commission provisoire d'administration.
Art. 3.
« Que tous les citoyens, les tribunaux, et autres pouvoirs provisoirement conservés, lui sont soumis ».
« Après quoi l'assemblée a prononcé que les séances étaient finies, et s'est dissoute sous les auspices de la liberté et de l'égalité.
a Signé: decret, président ; doppet, vice-président; Gumery, F. Chastel, j.-F. Favre, secrétaires. »
Adresse de l'Assemblée nationale des Allobroges, à la Convention nationale de France.
Législateurs,
« Le soleil bienfaisant de la liberté vient enfin, par ses douces influences, de dissiper les nuages
épais de la tyrannie et du despotisme qui infestaient notre atmosphère. Nos tyrans, aussi lâches | qu'ils ont été cruels, n'ont pu soutenir l'aspect redoutable du drapeau tricolore; ils ont fui, et pour jamais ont délivré de leur odieuse présence une terre trop longtemps abreuvée des maux émanés d'un sceptre de fer. Les Savoisiens, pénétrés de la reconnaissance la plus vive, prient l'auguste Assemblée d'en recevoir les témoignages. Nos hommages, législateurs, ne sont pas dictés par ces organes corrompus de l'ancien régime ; ce sont des nommes libres qui vous les présentent, et qui sentent toute la dignité de leur nouvelle existence. Il n'est que trop vrai que nous fûmes esclaves, mais le sang des tyrans effacera les traces de nos fers; nos cœurs, depuis longtemps forcés de réprimer leurs élans patriotiques, se livrent maintenant à toute l'étendue de notre bonheur; fiers de notre liberté, notre vie, pour la conserver, nous paraît un faible sacrifice; et le citoyen expirant pour sa patrie, regrettera de ne pouvoir renaître pour lui donner encore un dernier soupir. Législateurs, si, défenseurs sacrés des droits de l'homme, vous nous avez tendu une main généreuse pour nous tirer de l'abîme où nous étions plongés ; si, créateurs de notre liberté, vous avez anéanti nos tyrans ; si, enfin, vous nous avez rendu à la dignité d'hommes libres, vous avez vous-mêmes prononcé entre la République française et la nation savoisienne : union et fraternité; vous nous avez laissé les maîtres de nous donner des lois; nous avons agi: la nation savoisienne, après avoir déclaré la déchéance de Victor-Amédée et de sa postérité, la proscription éternelle des despotes couronnés, s'est déclarée libre et souveraine ; c'est du sein de cette assemblée qu'est émis le vœu d'être réuni à la République française, non par une simple alliance, mais, par une union indissoluble, en formant partie intégrante de l'Empire français.
« Législateurs, ce n'est point une assemblée d'esclaves tremblants à l'aspect des fers qu'ils viennent de quitter, qui vous supplie de la prendre sous votre protection; c'est un souverain admirateur de votre gloire, demandant à en faire réfléchir sur lui quelques rayons.
« Fait à l'Assemblée nationale des Allobroges, séante à Chambéry, le 27 octobre 1792, l'an premier de la République.,
« Signé: decret, président; Doppet , vice-président; Gumery, F. Jacquier, F. Chastel, J. F. Favre, secrétaires,Nih-lar, rédacteur de Vadresse. »
Adresse de l'Assemblée nationale des Allobroges, , à Varmée française.
« Défenseurs de la loi,
« La nation souveraine des Allobroges, sensible à votre zèle pour défendre la cause de la liberté, à l'ardeur que vous avez mise à renverser le trône du tyran qui l'opprimait, vous adresse les témoignages de sa reconnaissance.
» Sans doute que vous eussiez désiré trouver dans la résistance de vos ennemis un moyen de donner de nouvelles preuves de votre courage ; mais quel honheur peut faire à un souverain la tête d'un esclave? Le sang impur des satellites d'un despote eût plutôt souillé l'éclat de vos armes, que d'ajouter à votre gloire. Nous brûlons, citoyens, de voir resserrer les liens qui nous unissent, et de former pour jamais un peuple de frères : vous nous avez prouvé qu'un bon citoyen
ne peut jouir tranquillement des avantages de la liberté, tandis qu'à ses côtés le bruit des chaînes se fait entendre : jaloux du droit que vous acquérez à la reconnaissance des peuples asservis, notre yoœu le plus cher serait de pouvoir, comme vous, mériter le titre glorieux de protecteurs du genre humain; mais si la faiblesse de nos armes cause nos regrets, votre valeur les fait disparaître ; et nous nous rassurons en pensant que vous êtes assez généreux, assez puissants, pour vous charger seuls de briser les fers des peuples qui gémissent encore sous la tyrannie.
« Fait à l'Assemblée nationale des Allobroges, séante à Chambéry, le 27 octobre 1792, l'an premier de la République.
« Signé: decret, président', doppet, vice-président; gumery, F. jacquier, F. Chastel, j. F. Favre, secrétaires, vlllar, rédacteur de Vadresse. »
Adresse de VAssemblée nationale des Allobroges au peuple.
« Flattés de la confiance dont vous nous avez donné des preuves en nous chargeant d'être, à l'assemblée savoisienne, l'organe de vos volontés, nos premiers soins ont été de nous en rendre dignes, en représentant avec énergie la majesté d'un peuple libre; et pénétrés du désir de vous rendre heureux, nous ne sommes occupés que de ce qui pouvait y contribuer.
« Le vœu de réunion à la République française, émis unanimement dans rAssemblée savoisienne, a dû porter vos représentants à saisir toutes les voies qui leur paraissaient les plus propres à vous conduire au but que vous vous proposez d'atteindre.
« L'Assemblée nationale des Français ayant posé pour point fondamental de sa Constitution, de ne point faire de conquêtes, il était absolument nécessaire de détruire des motifs de refus incontestables. Demander en suppliant l'incorporation, ç'eût été montrer à l'univers, qu'étonnés de la liberté dont nous jouissions, nous n'avions pas trouvé dans nos cœurs l'énergie et la fierté qui constituent l'homme libre; et certes, la nation française, au plus haut point de gloire, eût-elle voulu s'associer quelques milliers d'esclaves? Non, citoyens: elle eût, en nous élevant au nombre de ses frères, terni l'éclat de sa majesté.
« Protectrice du genre humain, elle eût fait croire au monde qu'elle ne travaillait à reculer les bornes de l'empire de la liberté, que par un motif ambitieux ; elle eût peut-être étouffé dans le cœur des peuples encore à naître à notre révolution, ce germe de liberté qui doit universellement se développer.
« Citoyens, portés par la confiance que vous nous avez donnée, à obvier à tous ces inconvénients; persuadés d'ailleurs, qu'il était de la gloire de la nation savoisienne de s'élever autant au-dessus de ses fers, qu'elle avaitété avilie sous le despotisme de ses tyrans, l'Assemblée de vos représentants s'est déclarée Assemblée nationale souveraine des Allobroges : gardez-vous, citoyens, de croire que cette souveraineté ait rien qui tende à restreindre votre liberté; vos représentants ne sont souverains que parce qu'ils vous représentent: c'est de la nation entière qu'ils ont prononcé la souveraineté, et non celle d'une puissance usurpatrice et individuelle. Maîtres de vos volontés, les raisons qui motivaient les refus de la Convention nationale dis-
paraissent; et traitant de souverain à souverain, on ne peut plus voua contester le droit de disposer ae votre sort. Les armes victorieuses de la République française nous ont, il est vrai, rendus à la dignité d'hommes libres; mais par là même qu'elles sont entièrement dévouées à la propagation de la liberté, les Français ont dù, en suivant les principes qui les font agir, nous laisser les maîtres d'user de cette liberté, de telle manière qu'il nous conviendrait d'adopter: ils l'ont fait, et la nation des Allobroges a pu, par ses représentants, se déclarer libre et souveraine, et travailler au maintien de l'ordre et du bien public, par des décrets qui n'ont pour but que le bonheur de tout ce qui la compose. Que le Comité d'administration provisoire décrété par l'Assemblée pour la remplacer à sa dissolution ne soit pour vous le sujet d'aucune crainte ; il est chargé d'exécuter sans commentaires les décrets de l'Assemblée, et s'il existait quelques mécontentements, le peuple, seul souverain légitime, pourra toujours, au gré de ses désirs, convoquer de nouveau l'Assemblée générale.
« Citoyens, l'aurore de la liberté vient enfin d'éclairer notre horizon ; nous touchons à l'heureux instant d'être réunis à une nation aussi généreuse que puissante: montrons-nous dignes du titre de frères que nous lui demandons : entourés des ennemis de notre existence, que les revers qu'a éprouvés la République française servent à prévenir, dans notre patrie, les moyens violents dont elfe a dù se servir pour venger sa confiance trompée. Réfléchissez profondément sur le choix que vous allez faire des magistrats entre les mains de qui vous allez mettre vos biens et votre sûreté; faites en sorte d'anéantir la cabale, qui ne manquera pas alors de faire jouer tous ses ressorts; défiez-vous de l'intrigant, qui, profanant le mot sacré de patriotisme, n'a en vue que son intérêt particulier, une vaine gloire, et nul désir de travailler à la chose publique. Défiez-vous de ces nouveaux prosélytes de la liberté, d'autant plus dangereux qu'ils vous feront de grandes protestations de ae civisme : ceux-là, citoyens, qui, sous un gouvernement de baïonnettes, ont été les vils sectateurs du despotisme, ceux chez qui l'habitude de l'esclavage, étouffant tout germe patriotique, ne leur a pas permis de se lever .pour la liberté ; nous vous le demandons, citoyens, croyez-vous que s'ils ont manqué d'énergie pour s'exposer au courroux des despotes, ils aient pu si prompte-ment se régénérer? Non : le temps seul pourra extirper de leur cœur corrompu le germe fatal de contre-révolution.
« Citoyens, observez cependant que, si lès fers que nous portions avec eux, nous ont fait plus tôt sentir leur poids accablant, ils n'en sont pas moins nos frères : essayons de faire passer dans leur cœur le patriotisme dont nous sommes animés; n'usons pas d'un moyen de conversion que la liberté proscrit, mais prononçons '. malheur au sujet rampant de l'ancien régime, qui, tenant, au préjudice de sa patrie, à ses opinions empoisonnées, pourrait manifester la moindre intention nuisible à ses concitoyens!
« Fait à l'Assemblée nationale des Allobroges, séante à Chambéry, le 27 octobre 1792, l'an 1er de la République.
Signé : decret, Président-, doppet, Vice-Président; Gumery, F. Jacquier, Chastel, J.-F. Favre, secrétaires; Villar, rédacteur de^adressei
La Commission provisoire d'administration aux citoyens allobroges.
LorsqueJes rois vous tenaient dans les fers, ils vous annonçaient le plus souvent, sous le nom de loi, ce. qu'un cruel génie inventait pour aggraver votre servitude et vous rendre plus malheureux. Ces temps de calamités ne sont plus : la raison éternelle et la souveraineté du peuple ont exercé, dans l'Assemblée nationale des Allobroges, l'empire suprême que les armes françaises leur ont reconquis. Ce n'est plus la volonté d'un despote ou de ses ministres fourbes et ineptes, qui va être proclamée au peuple, mais la volonté nationale : ce ne sont plus des édits pour pressurer la dernière partie de votre subsistance, ou pour enchaîner vos bras et votre industrie, mais des lois salutaires qui brisent pour jamais vos chaînes, et qui vous délivrent de ces impôts désastreux qui ne furent jamais combinés et établis que par l'orgueil et l'ignorance, au mépris des droits de l'homme. Ces lois sont les vôtres, citoyens, puisqu'elles ont été faites par vos organes, par vos représentants librement élus, dans vos assemblées primaires, là où vous avez, pour la première fois, exercé la souveraineté du peuple. La Commission provisoire qu'ils ont établie avant de se séparer, s empresse dé transmettre ces lois à votre soumission et à votre reconnaissance.
« Vous y verrez que vos représentants, chargés d'émettre un vœu également cher à toutes les communes du pays des Allobroges, chargés de travailler, de concert, à la destruction de l'édifice du despotisme, pour élever, sur ses ruines, celui de la liberté et de l'égalité, ont rempli leur mission. Vous y verrez qu'ils n'ont pas rrappé à demi les ennemis de votre bonheur. Le despotisme sur son trône, et l'aristocratie sur les marches et aux avenues, tout s'est écroulé et a disparu en même temps. Un seul jour de lumière a suffi pour détruire ce que tant de siècles d'ignorance avaient eu tant de peine à créer.
« La royauté, ce fléau des peuples; la noblesse héréditaire, tous les privilèges et tous les genres d'oppression qui les suivent, ont été abolis: la dîme, devenue odieuse et injuste à tant de titres, a été supprimée, et la natton s'est chargée des frais de culte; la gabelle, le cens et tous ces impôts créés au milieu des excès de la tyrannie et de la féodalité; toutes ces institutions qui sacrifiaient le sang et les sueurs du peuple à l'entretien des palais et des châteaux, ont été anéantis; tous ces corps séculiers et réguliers qui ne se recrutaient qu'en morcelant les familles, et qui ne subsistaient qu'en étouffant les générations dans un égoïsme scandaleux, ont été abolis, et les biens qu'une piété aussi aveugle que trompée avaient soustraits en détail à la fortune nationale pour en alimenter une oisiveté superstitieuse, ont été déclarés appartenir à la masse de la nation.
« Si tant de réformes salutaires, si tant d'autres lois sages qui les accompagnent, ne vous ont pas été connues plus tôt, citoyens, n'en accusez que le despotisme, qui tremblant à l'aspect d'une imprimerie, ce véhicule des vérités éternelles, n'en permettait l'usage que pour faire connaître ses sinistres ordonnances. Il a fallu réunir tous les imprimeurs du pays allobroge pour vous faire connaître aujourd'hui les travaux de l'assemblée
« Parmi ses décrets, il en est un bien important sur l'organisation provisoire dés municipalités. Hâtez-vous, citoyens, d'en recueillir les précieux effets. Le service de la chose publique, une des obligations les plus sacrées, vous y invite. Vous n'aviez point de patrie, vous en avez une aujourd'hui; et vous ne devez connaître d'autre félicité ni d'autre gloire que de la servir et de la défendre. Les municipalités sont les premières sentinelles de la loi ; elles doivent veiller à la tranquillité publique contre tous les agitateurs criminels qui pourraient la troubler.
« Que de soins, que de précautions ne devez-vous pas prendre dans le choix de vos maires et officiers municipaux ! Vous devez, dès ce moment, vous en occuper, et faire de bien sérieuses réflexions sur ceux que vous devez appeler à cette magistrature. Il ne s'agit plus de nommer des esclaves pour remplir les volontés d!un intendant; il s'agit de choisir les vrais magistrats du peuple. Pour remplir la place de maire surtout, cette place la plus importante, vous devez porter vos regards sur l'homme de votre commune que vous croirez être le plus éclairé, mais en même temps le plus droit, le plus fermement attaché aux vrais principesde IaJtiberté et de l'égalité, le plus impassible, le plus ferme et le plus intrépide au milieu de toutes les passions et de tous les orages qui pourraient s'agiter autour de lui ; la vertu même, en un mot, si vous pouviez la rencontrer. La charge de procureur ae la commune mérite aussi toute votre attention : elle exige, avec un patriotisme à toute épreuve et les autres qualités du cœur, les talents, l'inflexibilité, une surveillance et une activité continues ; jamais il rie doit sommeiller. Ces notions vous font■concevoir en même temps quel doit être votre choix à l'égard des autres officiers municipaux et adjoints. Gardez-vous, dans ces différents choix, de vous laisser arracher la propriété de vos suffrages ; qu'ils soient libres, et qu'ils ne dépendent que de votre conscience ; dénoncez tous ceux qui seraient assez téméraires pour vous demander ou captiver votre vœu ; faites trembler la cabale et l'intrigue en les dévoilant ; le citoyen qui. les dénoncera, méritera bien de la patrie. Gardez -vous d'élever à aucune place ceux dont le patriotisme n'aurait pas été prononcé avant la Révolution, ces ambitieux qui chercheraient à maîtriser votre choix, ces intrigants connus qui, se prévalant de vos habitudes, s'offriraient à vos yeux comme des êtres nécessaires. Le citoyen vertueux fait le bien et ne prétend jamais qu'il ne puisse se faire sans lui. C'est une vérité éternelle, que l'ambitieux ,est un égoïste et consé-quemment un mauvais citoyen qui vendra la patrie à ses ennemis ; donnez donc votre vœu a celui dont les vertus et les lumières le demandent à votre conscience et qui ne paraîtra dans l'assemblée que pour y donner le sien, comme tout autre citoyen. Lorsque la majorité des vœux se réunira librement sur un citoyen, alors vous pourrez dire : il est digne de notre confiance.
Maintenant, citoyens, ayez toujours présent que l'ordre et l'union doivent faire votre bonheur ; que la liberté affermit les Empires, mais que la licence les détruit et que, loin d'être le droit monstrueux de tout faire, la liberté ne peut exister que par une entière soumission aux lois. Ces lois vous obligent à payer provisoirement tous les impôts établis ; nul Etat ne peut subsister sans tribunaux, sans force publi-
que et sans administration ; et pour tous ces objets indispensables, une contribution commune est nécessaire. Quelques regrets peut-être viendront se mêler à votre obéissance à la loi, relativement à l'imposition faite pour les affranchissements des droits féodaux que l'Assemblée nationale a abolis ; mais ces regrets disparaîtront lorsque vous réfléchirez qu'en payant, cette année, cette-faible imposition, vous payez une contribution patriotique à la nation, vous la payez à vous-mêmes.
« La commission provisoire d'administration attend donc de tous les citoyens allobroges le recouvrement exact des contributions et le respect le plus religieux pour la loi. C'est par ce respect pour la loi et pour les autorités constituées, que l'ordre sera conservé et que les personnes et les propriétés seront respectées ; vous accélérerez ainsi le succès de vos députés auprès de la Convention nationale des Français; vous le prouverez que la nation allobroge est vraiment digne de la liberté et digne de former partie intégrante de la République française ; et en offrant à l'univers le spectacle d'une révolution sans secousses et sans effusion de sang, vous ferez chérir de plus en plus la liberté chez tous les peuples .»
« Oui, citoyens, il vous était réservé de démentir l'expérience et d'arrêter la fatalité qui a toujours Condamné les peuples à ne rompre leurs fers qu'en pleurant des victimes, et à ne pousser des chants de triomphe qu'après avoir fait entendre des accents funèbres... On verra une fois un peuple se régénérer sans combattre et conquérir la liberté sans l'avoir ensanglantée. Ce sera le plus beau triomphe de l'humanité, si longtemps désolée par les calamités qui souillent les époques tristement célèbres de la régénération des peuples (1) » .
« C'est pourquoi la Commission d'administration provisoire, était établie par l'Assemblée nationale des Allobroges, par décret du 27 octobre dernier, pour l'exécution des lois, ordonne que chaque commune sera convoquée par les administrateurs actuels, en assemblée générale, paisiblement et sans armes, dans la huitaine dès la publication des décrets de ladite assemblée nationale, pour procéder à l'élection des citoyens destinés a former une municipalité provisoire, en conformité des décrets du 26 octobre dernier : mande à ces fins au fonctionnaire-régent de l'intendance générale des Allobroges, ae faire parvenir, sous sa responsabilité, lesdits décrets, avec le présent manifeste, aux intendants, pour ceux-ci les transmettre à toutes les communes par les voies ordinaires et les faire publier et afficher à la manière et aux lieux accoutumés, le même jour de fête ou dimanche, à l'issue des offices divins, par les secrétaires, qui seront autorisés à se choisir des suppléants dans les communes où- ils ne pourraient pas se rendre, et qui-devront les insérer dans les registres de la commune ; mandant au même fonctionnaire de faire parvenir, en même temps, lesdits décrets et le présent manifeste aux tribunaux, pour y être lus, publiés et transcrits sur leurs registres, et de transmettre à la commission les verbaux de publication et transcription, dans le délai de quinze jours ; la commission déclarant qu'aux extraits imprimés par
les citoyens Gorin, foi entière doit être ajoutée, pour être iceux conformes à l'original : en foi de quoi elle a arrêté que le présent serait signé par son président et par quatre de ses secrétaires.
« Fait à Chambéry, au château national, dans la salle des séances de la commission, le 14 novembre 1792, l'an 1er de la République ».
« Signé : Gavard, président ; Favre-Buisson, Dumaz, Curtelin, Velat, secrétaires ».
Séance du
présidence de guadet, ex -président.
La séance est ouverte à dix heures un quart.
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Sauregrain, qui fait hommage à la Convention d'un ouvrage sur les farines.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'agriculture.)
2° Lettre du citoyen Cavoty, qui fait également hommage de quelques réflexions manuscrites sur la nécessité de la liberté du commerce des grains.
(La Convention renvoie la lettre au comité d'agriculture.)
Le même secrétaire donne lecture d'une adresse des citoyens de Sheffield, en Angleterre, qui est ainsi conçue (1) :
« Citoyens et frères,
Nous nous empressons de vous saluer de cet honnête, honorable et doux nom, quoique nous soyons individuellement inconnus les uns aux autres, et de vous prier de recevoir nos très sincères félicitations sur le brillant aspect des affaires de France dans_ce moment. Trop longtemps on a fait croire aux Anglais- que la nation française était leur ennemie naturelle. Le temps est venu où leurs yeux sont enfin débarrassés du bandeau politique qui les a couverts jusqu'ici et ils voient clairement que cette doctrine n'était fondée que sur la fausseté et sur la tromperie ; que c'est une calomnie atroce contre la nature, un blasphème contre le Créateur de l'univers, le Dieu de la paix et de le concorde, de supposer qu'il aurait créé deux grandes nations et les aurait placées l'une près de l'autre sur ce globe, dans la seule vue cruelle qu'elles vivraient dans une perpétuelle inimitié.
« C'est avec la plus vive satisfaction que nous vous déclarons que nous
avons suivi, et avec inquiétude, les progrès de votre glorieuse
Révolution depuis la première assemblée des notables jusqu'à présent ;
que nous avons été constamment et tour à tour agités par la crainte et
l'espérance, à mesure que nous voyons l'approche, ae chaque grand
événement, qui devait immanquablement affecter vos intérêts les plus
essentiels ; et si notre pouvoir eût égalé notre bonne volonté et nos
inclinations, avec quel empresse-
« Au milieu de toutes les vicissitudes de la fortune auxquelles cette grande et unique révolution devait naturellement être exposée, l'espérance ne nous a jamais abandonnés. Nous croyions voir, dans chaque grand événement, le doigt de la Providence en tracer le vaste plan, et son bras tout-puissant étendu pour vous garantir des coups qu'on ne cessait de porter à vos vertueux et patriotiques efforts. Menacés par une armée redoutable d'ennemis au dehors; travaillés, agités par une foule d'ennemis encore plus redoutables, encore plus destructeurs, les traîtres intérieurs et les prétendus amis, au-de-dans, nous avons considéré votre situation avec la plus vive, la plus compatissante sensibilité; et après avoir suivi d'un œil inquiet le vaisseau de l'Etat dans sa course dangereuse, craignant sans cesse qu'en évitant le gouffre de Scylla, il ne vînt se briser sur les rochers de Carybde,-nous l'avons vu, avec une joie indicible, échapper à l'un et à l'autre, et nous bénissons l'heureux moment qui nous a délivrés de nos craintes à votre égard.
« Pendant tout le temps si. intéressant, dans lequel il s'agissait du sort, des droits de tant de millions d'hommes (car nous regardons la cause des Français comme celle de l'humanité entière), nous avons rougi en pensant qu'il a pu se trouver des Anglais assez dégénérés des principes de leurs ancêtres, pour oser défendre publiquement l'injuste-invasion de notre pays par le matamore Brunswick et les autres satellites du despotisme, et surtout pour calomnier et chercher à avilir une grande nation offensée et vertueuse, parce qu'elle défend ses droits, parce qu'elle fait tous ses efforts pour défendre la plus glorieuse cause dont les hommes aient jamais entrepris la défense, et pour repousser 1 attaque la plus révoltante, la plus injuste et la plus infâme qui ait jamais déshonoré les annales de l'histoire et de la justice; attaque dans laquelle les agresseurs n'avaient pas plus de droit de leur côté que n'en a le voleur de grand chemin, quand il présente son pistolet au voyageur surpris, tremblant et fatigué. — Leur seul droit est la force.
« Mais, citoyens et frères, ce ne sont pas là les sentimènts du peuple anglais : nous vous prions de le croire. Cette opinion impie est l'ouvrage de ces malheureux libellistes, qui vendraient leur liberté et celle de tous les nommes à toute puissance qui payerait le mieux... leur voix. Chaque jour, à chaque instant, ils répandent les mêmes poisons sur ceux de leurs compatriotes qui ont le courage de parler ou d'écrire en faveur de la liberté et contre les procédés infâmes des Cours. Nbus les connaissons et nous les méprisons. Nous vous prions d'en faire autant. Ce sont les plus vils reptiles. Leur courage sont des outrages, et leurs calomnies des éloges : enfin, ce sont les prôneurs de Burke.
Pour éviter le risque d'être enveloppés dans le reproche que des procédés aussi lâches et aussi malveillants ne peuvent manquer d'élever dans l'esprit d'une grande et généreuse nation, nous venons nous disculper et vous assurer, généreuse Assemblée de patriotes, que nous conserve la nouvelle d'un événement, quel qu'il soit, qui peut tendre à votre avantage ou au succès de vos mesures, et qui, si nous étions actuellement engagés dans la même cause, au lieu de l'être
éventuellement, nous ne pourrions être plus ardents ni plus sincères dans nos souhaits pour votre bonheur.
« Vous avez déjà la promesse de notre cœur qu'elle gardera la plus exacte neutralité tant que durera la guerre à laquelle vous avez été si injustement forcés. Nous nous flattons que vous pouvez entièrement compter sur ces assurances, parce que nous ne voyons pas sous quel prétexte, par quelle raison, elle peut ou pourrait entrer dans une ligue aussi détestable, et se mêler du gouvernement intérieur d'une nation indépendante. Vous avez eu cependant, et tout récemment, des preuves trop réitérées et trop positives du parjure des rois, de la duplicité et de l'intrigue des favoris qui les environnent, pour mettre trop de confiance dans leurs promesses, ou pour être surpris quand ils y manquent. L'histoire prouve que les rois et leurs ministres ne gardent la foi qu'ils" ont solennellement donnée qu'autant que cela convient à leurs intérêts, ou bien que cela plaît à un parasite favori ou à une concubine.
« Nos directeurs ont eu la folie de nous montrer les dents, quoiqu'ils n'osent pas mordre; mais ce n'était probablement que pour contrarier et pour inquiéter les amants et les fils de la Liberté chez nous.—Les hommes par lesquels nous apprenons chaque jour des nouvelles, évidemment à leurs gages, sont les seuls qui ont noirci votre nation d'une manière aussi infâme que peu méritée. La calomnie, la méchanceté sont devenues d'autant plus atroces dans leurs bouches, qu'ils avaient besoin de se débarrasser d'un venin qui les aurait tués, s'ils n'avaient trouvé moyen de l'évacuer.
« Malheureusement pour eux, ils ont entouré, ils ont pris vos armées victorieuses au moment où les Jbraves, les généreux guerriers qui les Composent, chassaient leurs téméraires assaillants comme des moutons devant eux, et ils ont noirci du nom de séditieux tous les Anglais qui n'ont pas mis une confiance implicite dans leur fausseté, parce qu'elle leur venait de la part d'un ambassadeur qui semble avoir été aussi dupe qu'eux. Mais ces actes sont ceux d'une faction sans principes, et non ceux du peuple anglais. Citoyens et frères, regardez-les avec le mépris qu'ils méritent. La foi qu'ils ont engagée est celle de la nation, et nous espérons, nous sommes bien persuadés qu'ils n'oseut pas badiner avec elle. Cependant, comme nous ne pouvons répondre des événements qui ne dépendent pas de nous, cette société composée de plusieurs milliers de négociants, d artisans, de manufacturiers et d'ouvriers de toute espèce,' qui savent qu'ils composent le corps le plus utile et le plus nombreux, et forment avec ceux de la même classe la force et la puissance d'un Etat, vous prient d'être assurés que si cette foi ainsi solennellement engagée venait à être rompue par perfidie^ nous regarderions cet acte comme une déclaration de guerre contre nos propres libertés, et nous emploierions toute l'influence que nous avons et tous les moyens légaux qui sont en notre pouvoir, pour arrêter le bras qui serait levé contre vous, et pour détourner le mal auquel on aurait visé, avec le même zèle et la même ardeur que s'il nous eût été adressé à nous-mêmes.
« Ces sentiments étant la suite de la plus vive sensibilité et du patriotisme le plus ardent, seront reçues de votre part, nous l'espérons, avec le plaisir que nous vous les offrons, et que chacune des deux nations ne visera qu'à une
union d'intérêt qui doit être un jour avantageuse à l'une et l'autre. Le voile de l'erreur une fois déchiré, nous ne pouvons rester plus longtemps aveugles sur nos vrais intérêts. Nous avons trop [longtemps souffert tous les deux des ani-mosités excitées par sa perfidie, et entretenues par la fraude. — Eloignons de nous d'aussi vils v instruments d'inimitié et de malheurs pour l'humanité, et soyons dorénavant les fils unis de la liberté et de la candeur, et les fermes et déterminés défendeurs des droits de l'homme.
« En attendant, nous vous saluons et vous disons adieu. Puisse le Dieu des batailles guider et protéger vos armées, et les faire triompher de tous vos ennemis ! Puisse le Dieu de la sagesse, de la raison, de la vérité et de la justice, éclairer Vos esprits, ô Sénateurs! et donner à vos cœurs le vrai sentiment de vos devoirs envers vous, envers, votre pays, envers la pros-térité; et puissent vos noms devenir immortels, en formant une Constitution qui doit être éternellement l'admiration et lenvie de toutes les natiops ! (Vifs applaudissements.)
« Signé, par ordre de la Société ;
David Martin, Président ;
James Horsfield, Secrétaire ;
John Alcoch, Trésorier ;
(Suivent une infinité d'autres signatures.)
(La Convention décrète que cette adresse sera imprimée et envoyée dans tous les départements, ainsi qu'à toutes les armées de la République et que le Président y fera réponse.) ~
, secrétaire,. poursuit la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
4° Adresse des citoyens de la section de la Fraternité', qui demandent que les officiers municipaux de la commune de Paris soient nommés avant le maire.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de législation pour en faire son rapport le samedi suivant.) -
5° Adresse dès républicains de la ville d'Auxerre, qui engagent les députés à la [Convention à presser leurs travaux et à cesser entre eux toute question de personne.
« Législateurs, disent-ils, occupez-vous beaucoup moins de vous et plus de nous;; ne discutez pas les personnes, mais les choses; il nous importe plus de connaître nos députés en général qu'en particulier; les patriotes sont sûrs de trouver a leur retour au milieu de nous, des couronnes civiques ; les traîtres y trouveront la mort. (Applaudissements).
(La Convention ordonne la mention honorable.)
6° Lettre, du citoyen Brunei, député de l'Hérault y qui demande un congé de deux jours.
(La Convention accorde le congé.)
7° Pétition des invalides et vétérans de la ville du Mans, qui demandent l'augmentation de leur pension ae retraite et l'amélioration de leur sort.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
Un membrer au nom du comité de législation, présente un projet de décret pour établir la formule qui sera employée à l'avenir, lors de la promulgation des lois; ce projet de décret est ainsi .conçu :
« La Convention nationale décrète que la
formule d'exécution des lois sera conçue ainsi qu'il suit:
« Au nom de la République, le conseil exécutif provisoire mande et ordonne à tous les corps administratifs et tribunaux que la présente loi ils fassent consigner dans leurs registres, lire, publier, afficher et exécuter dans leur département et ressorts respectifs ; en foi de quoi nous y avons apposé notre signature et le sceau de la République. A Paris, ce..... »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret pour parvenir à Vexécution du décret du 8 novembre 1792, sur Vavance dun million au départemeat de Paris, dans le but de retirer les billets de secours et de procurer le remboursement tant de cette avance, que de celles précédemment faites pour le. même objet ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, sur les comptes qui lui ont été rendus par le département et la municipalité de Paris, desquels il résulte que la maison de secours a mis en émission pour 10,213,500 livres de billets; que déjà il en a été retiré pour 7,227,437 livres; qu'il en reste en circulation pour la somme de 2,986,063 livres, pour le paiement de laquelle il n'y a qu'un actif présumé de 1,267,052 livres 7 sols 6 deniers, de sorte qu'il manquerait la somme de 1,719,-010 livres 12 sols 6 deniers pour opérer leur entier retirement ; qu'en joignant à cette somme: 1° les 3,030,000 dues au Trésor public par le département de Paris, et qui ont été employées au retirement desdits billets ; 2° les non-valeurs que pourra éprouver la rentrée de l'actif, le déficit s'élèvera à environ 5.200,000 livres ; que, pour arrêter entièrement la circulation desaits billets, sans que les citoyens pauvres aient à en souffrir, la Convention a déjà décrété une nouvelle avance d'un million au département de Paris, et que cette avance, ainsi que les précédentes, et la somme nécessaire pour couvrir le déficit, seraient levées sur le département de Paris par une contribution extraordinaire, décrète ce qui suit :
TITRE PREMIER.
Distribution du million d'avance décrété ie
« Art. 1er. Dans le jour de la publication du
présent décret, il sera remis par le ministre ae l'intérieur, à la
disposition du département de Paris, une somme de 400,000 livres sur le
million accordé par le décret du 8 de ce mois.
« Art. 2. Il sera remis, de suite, par les ordres du département, à chacun des seize receveurs des contributions de Paris, une somme de 25,000 livres pour échanger les billets de parchemin ou de la Maison de secours.
« Art. 3. Chaque receveur est àutorisé à choisir, pour l'aider, un contrôleur sous sa responsabilité. L'indemnité du contrôleur sera réglée par le département, sur la proposition de la municipalité, et ne pourra excéder 200 livres par mois.
« Art. 4. Lesdits receveurs seront tenus de tenir leurs bureaux ouverts, et de faire lesdits échanges depuis 8 heures du matin jusqu'à 6 heures après midi. Le Conseil général de la commune ae Paris nommera des commissaires en nombre suffisant ; à l'effet que chaque rece-
veur soit toujours assisté d'un commissaire pendant le temps des échanges.
« Art. 5. Il sera accordé une indemnité à chaque receveur, laquelle sera réglée par le département sur l'avis de la municipalité, et ne pourra excéder un denier pour livre sur l'échange effectif.
« Art. 6. Aucun porteur des billets à échanger ne pourra s'adresser au receveur de son arrondissement, et sera tenu, à cet effet, de représenter un certificat de la section de son domicile.
« Art. 7. Tout porteur de billets à échanger ne pourra exiger à chaque fois un échange au-dessous de 25 livres.
« Art. 8. Pour accélérer l'échange de billets de secours dans les départements voisins de Paris, il sera nommé six commissaires, lesquels seront tenus de se rendre à Versailles, Laon, Châlons, Melun, Chartres etBeauvais; d'y ouvrir de suite des bureaux d'échange, et de les tenir ouverts au moins huit heures par jour.
« Art. 9. Les &i± commissaires sont nommés par le département de Paris, et leur traitement réglé par lui. Leurs fonctions ne pourront être prolongées au delà du premier janvier prochain.
« Art. 10. Il sera remis à chacun de ces commissaires, par les ordres du département, une somme suffisante pour commencer les échanges.
« Art. 11. Les billets seront annulés par une croix au fur et à mesure de leur remboursement. Seront de même barrés par les receveurs et commissaires, et rendus aux porteurs, les billets reconnus faux.
« Art. 12. Les départements veilleront à ce que l'ordre soit exactement maintenu dans les lieux d'échange.
« Art. 13. Aussitôt que chaque receveur de Paris et chacun des commissaires envoyés dans les six départements, auront échangédes billets ; les premiers pour une somme de 5,000, les secondes pour celle de 10,000, ils les remettront par voie sûre au département de Paris, où, en présence de deux commissaires nommés par la municipalité, et d'un commissaire nommé par le directoire du département, il sera procédé à leur comptage et vérification, pour en être de suite donné décharge au receveur ou commissaire, qui resteront responsables des faux billets.
« Art. 14. Il sera dressé procès-verbal de cette opération. Le brûlement des billets ainsi vérifiés sera fait chaque dimanche à une heure indiquée, sur la place publique la plus voisine du lieu des séances du département.
« Art. 15. Le ministre de l'intérieur remettra successivement à la disposition du département de Paris, au fur et à mesure du brûlement des billets, le surplus du million décrété pour l'échange.
« Art. 16. Au moyen de l'ouverture de l'échange desdits billets, ils ne seront plus reçus dans les caisses publiques.
Titre II.
Mode de recouvrement.
« Art. 17. Le remboursement de la somme de 400,000 livres avancée par le Trésor public au département et à la municipalité de Paris, pour échanger des billets de parchemin ou de la Maison de secours, sera fait par le produit d'une contribution additionnelle aux rôles de contribution foncière et mobilière de 1791, 1792 et 1793.
« Art. 18. La contribution additionnelle au rôle de la contribution foncière sera 1 sou 6 de-
niers pour livre du montant du principal de cette contribution.
« Art. 19. Il sera imposé sur le rôle de la contribution mobilière, diaprés la cote d'habitation de chaque contribuable dont le loyer est évalué au-dessus de 300 livres et sans déduction, une cote additionnelle, comme suit pendant lesdites trois années.
Celui dontle loyer est évalué de 310 à 1,000 livres, sera taxé au trois-centième de son revenu présumé ; sa taxe sera légale à sa cote d'habitation.
Celui dont le loyer est évalué de 1,000 à 1,500 livres sera taxé à trois huit-centièmes de son revenu présumé, sa taxe sera de sa cote d'habitation, plus un huitième.
Celui dont le loyer est évalué de 1,500 à 2,000 livres sera taxé à un deux cent quarantième de son revenu; sa taxe sera de sa cote d'habitation, plus deux huitièmes.
Celui dont le loyer est évalué de 2,000 à 2,500 livres aura une taxe égale à sa taxe d'habitation ; plus, trois huitièmes.
De 2,500 à 3,000 livres, un deux-centième, ou une cote d'habitation ; plus quatre huitièmes.
De 3,000 à 3,500 livres, une cote d'habitation ; plus cinq huitièmes.
De 4,000 à 5,000 livres, — un cent soixantième ounne cote d'habitation; plus sept huitièmes.
De 5,000 à 6,000 livres, — un cent cinquantième. ou-deux cotes d'habitation.
De 6,000 à 7,000 livres, — deux cotes; plus un huitième.
De 7,000 à 8,000 livres, trois quatre centièmes ou deux cotes ; plus deux huitièmes.
De 8,000 à 9,000 livres, — deux côtes; plus trois huitièmes.
De 9,000 à 10,000 livres, — deux cotes; plus quatre huitièmes.
De 10,000 à 11,000 livres, — deux cotes; plus cinq huitièmes.
De 11,000 à 12,000 livres, — deux cotes; plus six huitièmes,
De 12,000 à 15,000 livres, — deux cotes; plus sept huitièmes.
De 15,000 à 50,000 livres, — un centième ou trois côt6S«
De 50,000 à 100,000 livres, - un soixante-quinzième ou quatre cotes.
De 100,000 livres et au-dessus,— un soixantième ou cinq cotes.
« Art. 20. Les receveurs des contributions seront tenusde percevoir les contributions addition-. nelles, en même temps que le surplus des contributions, et de faire mention, tant sur leurs quittances qu'à la marge de leurs rôles, de ce qu'ils auront reçu.
« Art. 21. Ils prendront, d'ici au 1er janvier 1793, en payement desdites contributions additionnelles, les billets de parchemin ou de la Maison de secours, sous leur responsabilité pour les faux billets.
« Art. 22. Ils joindront à leurs bordereaux de recettes ordinaires, un bordereau particulier de l'état du recouvrement des contributions additionnelles.
« Art. 23. Les deniers provenant desdites contributions additionnelles, seront versés à la caisse publique, avec les contributions directes ; le département de Paris y fera verser, de même les recouvrements de l'actif des Maisons de secours ou des billets de parchemin, qui doivent être faits par la municipalité, à la requête et diligence du procureur de la commune. Les pre-
miers deniers qui rentreront, tant des contributions additionnelles que desdits recouvrements, jusqu'à concurrence de. . . . . . .
seront tenus, par les commissaires de la trésoe rerie nationale, à la disposition du ministre d-l'intérieur, pour être, par lui, remis à la dispo- -sition du département, au fur et à mesure du brûlement desdits billets après l'épuisement du dernier million d'avance, et être employés au remboursement du restant des billets de parchemin, ou de la Maison de secours, ou jusqu'à ce qu'ils aient été retirés.
« Art. 24. Le ministre de l'intérieur rendra compte, dans le mois, à la Convention nationale, de l'état des échanges, de la rentrée du recouvrement de l'actif les Maisons de secours et des billets de parchemin, et des contributions additionnelles : il rendra compte en même temps des mesures prises contre les entrepreneurs, directeurs, associés et intéressés dans lesdites caisses.
« Art. 25. Dans le cas où, par la rentrée des contributions additionnelles et des recouvrements, il se trouverait un excédent du remboursement dû au Trésor public par le département et la municipalité de Paris, ledit excédent sera remplacé en moins-imposé au profit des contribuables. »
Un membre : Je demande l'impression et l'ajournement de la discussion à samedi prochain.
(La Convention ordonne l'impression et ajourne au samedi suivant la discussion de ce projet de décret.)
, au nom de la commission des Douze chargée d'examiner les papiers trouvés dans l'armoire de- fer aux Tuileries. Citoyens, votre commission des Douze, chargée de l'examen des papiers trouvés aux Tuileries, s'est assemblée hier au soir pour cet objet; elle n'a pas désemparé jusqu'à ce moment. La lecture de quelques-unes de ces pièces l'a convaincue qu'elle devait lancer un mandat d'arrêt contre Dufresne-Saint-Léon, commissaire liquidateur, et faire mettre les scéllés sur ses effets. Dufresne a comparu devant la commission. Il est encore arrêté. Il est essentiel de le remplacer dans ses fonctions publiques. Mathieu, juge de paix de sa section, nous a annoncé qu'il s'était transporté chez Dufresne-Saint-Léon, qui lui a dit qu'il était chez sa femme, à qui tout appartenait, ce qui l'a empêché de procéder à l'apposition des scellés, l'ordre qu'il a reçu ne le portant pas positivement. La commission a ordonné itérativement d'apposer ces scellés, et a chargé deux de ses membres d'y assister. Comme Dufresne-Saint-Léon est fonctionnaire public, la commission a cru devoir s'en référer à vous pour le remplacer.
11 est donc prouvé que les plaintes portées contre Saint-Léon étaient fondées ; il est temps enfin de nettoyer ses bureaux, qui ont été une vache à lait pour tant d'individus; il est temps que cela cesse. Je propose donc, puisqu'il faut un patriote éprouvé, que le conseil exécutif en corps, soit chargé de nommer provisoirement, à la place de Saint-Léon, le commissaire liquidateur.
(La Convention nationale accepte la proposition de Cambon.)
Suit le texte du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des Douze, sur le mandat d'arrêt qu'elle a décerné contre le citoyen Dufresne-Saint-Léon, directeur général
de la liquidation, charge le conseil exécutif provisoire de nommer dans le jour un citoyen pour exercer provisoirement les fonctions qui étaient exercées par le directeur général de la liquidation, et d'en rendre compte a la Convention. »
Le citoyen Dufresne-Saint-Léon demande à paraître à la barre, mais votre commission croit qu'il importe que Vous entendiez avant la lecture de deux ou trois pièces intéressantes. Plusieurs membres : Non, non! Legendre (Louis). Le juge de paix Mathieu n'a pas fait son devoir; il importe qu'il soit mandé pour rendre compte de sa conduite.
Mathieu n'est point homme de loi; c'est un des Gitoyens choisis provisoirement par son patriotisme. La chose publique n'a point souffert, il n'a péché que par zèle.
Les scellés sont apposés chez le commissaire liquidateur ; c'est là le point important : je réclame l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur ces différentes propositions.V
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur la réclamation du citoyen Philippe Egalité, relative aux citoyennes Egalité, Sillery, Pamela Seymour et Henriette Sercey (1) ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, un père est venu déposer dans votre sein ses inquiétudes et ses alarmes. Des motifs puissants l'avaient déterminé à éloigner de lui une liile chérie ; rappelée dans sa patrie au moment où. une loi sévère frappe tous ceux qui, -absents jusqu'alors, pouvaient être regardés comme émigrés, il a craint que la disposition de cette loi ne s'étendît sur des enfants, sur une institutrice dont l'absence ne pouvait être suspectée.
Citoyens, votre comité a apporté la plus scrupuleuse attention à l'examen de cette pétition. lia cru que, si des motifs particuliers commandaient une exception, elle ne saurait être admise qu'autant que, se conciliant avec les principes mêmes de la loi, elle n'en dérangerait point l'harmonie et n'ouvrirait point la porte à une foule d'abus propres à rendre la loi illusoire et sans effet.
Aussi est-ce moins une exception que votre comité a aperçue dans la demande du citoyen Egalité, qu'une déclaration que la loi n'est point applicable à cette circonstance.
Dans l'espèce qui yous est proposée, votre comité a dû considérer l'époque et les motifs de l'absence.
L'époque, c'est au mois d'octobre 1791 ; aucun obstacle ne s'opposait en ce moment à la sortie du royaume. Les causes, c'est le désir de perfectionner une éducation à laquelle avaient été consacrés les soins les plus inquiets ; le besoin de fortifier par l'usage des eaux une santé faible; le besoin, plus impérieux peutrêtre, de soustraire un jeune cœur à l'influence de principes désavoués par la raison.
Les causes qui ont prolongé l'absence sont aussi légitimes que celles qui viennent de la justifier.
La réclamation du citoyen Egalité se concilie donc parfaitement avec les
principes de justice •qui distinguent vos décrets, même les plus sé-
Il ne faut pas oublier d'ailleurs que si, au nombre des exceptions, vous n'avez point admis celle qui vous était proposée en faveur des citoyens absents pour cause d'études, cependant la loi du 8 avril avait admis cette exception. La loi du 8 avril offrait une garantie assurée à ces citoyens, et la loi qui proclamait le danger de la patrie n'existait pas encore. Eût-elle parlé, elle ne s'adressait pas àux enfants, à qui la faiblesse de leur âge interdisait d'utiles efforts pour la défense commune; elle ne s'adressait pas à ce sexe timide, que ne lie pas le contrat social et qui, privé des droits politiques, ne pouvait seconder que par ses vœux le succès de nos armes.
Ort tant que la loi n'est pas expressément ou tacitement révoquée, elle conserve son empire ; celle du 8 avril paraît devoir le conserver jusqu'à la promulgation de la nouvelle loi.
La disposition que je vais vous proposer, au nom de votre comité, remplit l'Objet que vous lui avez renvoyé, et évitant une exception personnelle, qui ne serait ni digne de cette Assemblée, ni conforme aux principes du citoyen qui vous a soumis sa sollicitude, elle fait partager le bienfait de la loi à tous ceux qui méritent la même justice.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la réclamation du citoyen Egalité, relative aux citoyennes Egalité, Sillery, Pamela Seymour et Henriette Sercey ; considérant que ceux qui sont sortis du territoire de la République, pour commencer ou perfectionner leur éducation, et acquérir de nouvelles connaissances, ou se livrer à l'étude des sciences, arts ou métiers, ainsi que leurs instituteurs et institutrices, notoirement connus, n'ont point fui en haine des lois, ni dans la vue de conspirer contre la liberté publique, et ne peuvent être considérés comme émigrés, passe à l'ordre du jour sur la proposition du citoyen Egalité. »
Je demande la question préalable sur ce projet de décret. En effet le rapport de Saladin n'est basé sur aucune pièce justificative et il en faut pour vous déterminer. Vous n'avez pas voulu admettre l'exception en faveur de ceux qui prétendent être sortis pour leur éducation; mais vous vous êtes réservé le droit de faire les exceptions qu'exige la justice. La citoyenne Egalité est, sans doute, dans le cas de ces exceptions ; il est juste qu'elle réclame ; mais il est juste aussi quelle soit jugée comme tous les autres citoyens. Je demande que la loi soit uniforme pour tous, et que l'Assemblée, en rejetant le projet du comité de législation, le charge de présenter un mode suivant lequel on prononcera sur toutes les réclamations. (Applaudissements.)
(d'Angers). Citoyens (1), je n'examinerai pas si les dispositions
pénales du décret sur les émigrés s'appliquent, ou non, aux citoyennes
Sillery et Egalité. Je pense,
Une loi sur les émigrés, comme toutes celles où l'on est forcé de considérer des hommes dans un état de guerre, devait renfermer des dispositions rigoureuses : or, il est de la nature de ces lois d'offrir dans les applications particulières quelques injustices; et l'impossibilité de comprendre dans des articles généraux toutes les exceptions véritablement justes semble obliger le législateur à ne pas rejeter des exceptions individuelles.
Ainsi, des hommes notoirement connus pour savants, qui voyagent pour s'instruire; des domestiques qui, emmenés sous prétexte d'un simple voyage, ont été retenus malgré eux; des malades qui ont été chercher des remèdes auxquels le consentement de l'Europe entière attribue une efficacité réelle ou chimérique ; les femmes et les filles de citoyens restés au milieu de nous, et servant la République, soit dans les armées, soit dans des fonctions civiles, qui voyagent pour faire l'éducation de leurs enfants ; des nommes qui, appelés dans un pays étranger par des motifs personnels, n'avaient projeté qu'une courte absence et n'avaient pas même excédé l'étendue de deux mois accordée à un certificat de résidence, et qui ont été retenus par la discussion de la loi nouvelle : telles sont les principales exceptions qui se présentent.
On a senti que, si on insérait ces exceptions dans une loi générale, on s'exposerait à la voir trop aisément éludée. On a senti que même ces exceptions ne suffiraient pas pour éviter toute injustice, puisqu'il se présenterait encore des cas imprévus : cependant, tel a été la force des circonstances, que la Convention n'a pu, sans rendre la loi presque nulle, ou même dangereuse, accorder un terme pendant lequel tout émigré qui n'aurait pas, ou trahi la patrie, ou porté les armes contre elle, aurait la faculté de rentrer librement, faculté d'une justice rigoureuse à l'égard des personnes qui ne s'étaient pas cru comprises dans la loi du 8 avril.
Il est donc très difficile que l'exécution de la loi générale ne soit pas accompagnée de quelques injustices particulières ; par conséquent il est nécessaire de s'occuper des moyens de les prévenir. Ces injustices nous seraient amèrement reprochées ; elles jetteraient une teinte odieuse sur la juste sévérité des mesures générales; et il ne faut pas se le dissimuler ; ces exemples sont de nature à frapper tous ,les esprits, tandis que les hautes considérations d'intérêt général échappent souvent au grand nombre.
Tout homme a le droit de sortir du territoire de sa patrie ; mais vous avez dit : Ce droit a cessé d'exister, non pas seulement parce que la patrie avait besoin des services de tous, mais parce que des traîtres qui l'avaient abandonnée, qui avaient
pris les armes et qui intriguaient contre elle, l'avaient mise en péril, et que les Français émigrés, quoique passifs et étrangers à ces traîtres et à ces intrigants, ont servi leur cause par leur seule présence dans les mêmes pays, en paraissant grossir leur troupe et augmenter leur importance. Mais ceux dont l'absence a été notoirement involontaire et absolument innocente, ou appuyée sur des motifs nécessaires, n'ont pas commis cette faute de se confondre volontairement avec des coupables, seul motif qui puisse justifier la rigueur de la loi.
Quel moyen reste-t-il donc pour être juste, sans exposer la sûreté publique ? Je n'en vois qu'un seul : c'est de former un juré spécial qui,, sur les demandes présentées dans l'espace d'un mois pour l'Europe, soit au tribunal, soit au résident français du pays de leur retraite, qui en référera au tribunal, prononce si l'émigré a eu ou n'a pas eu des motifs personnels et légitimes de sortir de France ou de n'y pas rentrer à temps.
Ce juré serait formé de cent membres. Sur dix-huit tirés au sort, l'émigré ou son défenseur pourrait en récuser six; les douze autres prononceraient d'après leur conviction intime.
Ces jurés, les juges du tribunal, des commissaires nationaux ad hoc seraient nommés par la Convention et seraient tenus de communiquer aux comités de législation et de surveillance les demandes des émigrés.
L'instruction et les jugements seraient publics ; et certes il ne faut pas croire que le nombre des demandes légitimes et fondées soit très grand et qu'il y ait lieu à beaucoup de jugements.
On pourrait d'ailleurs établir un jugement préliminaire : trois des juges tirés au sort, après avoir appelé un commissaire national, décideraient d'abord si la question'est de nature à être portée au tribunal; et il suffirait de la voix d'un seul, pour qu'elle y fût portée. Je propose ce moyen pour écarter promptement les demandes absurdes, évidemment de mauvaise foi, et dénuées de toute espèce de preuve.
Voici le projet ae décret :
« Art. 1er. Les émigrés qui prétendront avoir
des motifs d'absence légitimes et personnels pourront les alléguer
devant un jury spécial, institué pour prononcer sur leur demande.
« Art. 2. Le jury prononcera sa décision en ces termes : « Les motifs d'absence allégués sont, ou ne sont pas légitimes. »
« Art. 3. Les jurés seront au nombre de cent, parmi lesquels on en choisira dix-huit au sort, dont l'émigré ou son défenseur pourra en récuser six.
« Art. 4. Il faudra la pluralité de huit contre quatre pour décider que l'absence est légitime.
« Art. 5. Le juré sera formé sur une liste indicative de cent vingt noms, qui sera présentée à la Convention nationale par ses comités de législation et de surveillance générale. Chacun de ceux qui y seront inscrits sera accepté ou rejeté par assis et levé.
« Art. 6. Si le nombre n'est pas rempli parce moyen, il sera complété sur une nouvelle liste, où ceux qui auront été rejetés ne pourront être replacés.
« Art. 7. Il sera nommé, suivant la même forme, six juges et six commissaires nationaux chargés de veiller aux intérêts de la République.
« Art. 8. Il sera tiré au sort, pour chaque demande, un juge et un commissaire national.
« Art. 9. Chaque demande, avant d'être portée
à un jury, sera présentée à un bureau formé de trois juges pris au sort, qui l'examineront en présence d'up commissaire national, aussi pris au sort; et la demande ne sera pas présentée au jury, mais définitivement rejetée, si les trois uges la déclarent unanimement non admissible i l'examen.
« Art. 10. Le commissaire national sera tenu de communiquer les demandes des émigrés qui doivent être portées au jury, aux comités de législation et de sûreté générale. Si, après le jugement rendu en faveur de l'émigré, il déclare qu'il y a lieu à le poursuivre pour des délits particuliers que le commissaire spécifiera dans sa déclaration, l'émigré ne pourra jouir de l'exception prononcée en sa faveur, qu après s'être légalement purgé de ces délits.
« Art. 11. 11 ne sera donné aux émigrés qu'un mois, à compter de la publication au présent décret, pour présenter leur demande, soit devant le tribunal, soit devant un résident français dans un pays neutre. »
J'estime avec Saladin que la réclamation du citoyen Egalité est juste, mais je pense aussi que la proposition du comité est contraire à l'esprit de justice et d'impartialité qui doit sans cesse animer des législateurs! Cependant, il faut que justice soit faite. Il serait barbare que ces citoyennes, dont on connaît le patriotisme, fussent frappées par laioi; mais ce n'est pas les personnes cjue vous devez juger, ce sont les principes et les choses : il faut donc s'occuper d'une loi générale.
La loi rendue contre les émigrés est une loi de guerre et de circonstance; elle aura toujours une très grande rigueur. Elle a besoin d'exceptions pour être juste ; mais il faut trouver un mode pour juger les réclamations légitimes. Je propose d'imprimer le projet de décret de ûelaunay (d'Angers) et de le renvoyer au comité de législation, avec mission de nous faire promptement un rapport à cet égard.
En attendant, je crois que, sur la demande du citoyen Egalité, vous devez passer à l'ordre du jour, motivé sur ce que vous vous réservez de faire à la loi les exceptions que commandent la justice et l'humanité.
(La Convention Ordonne l'impression etleren* voi au comité de législation des observations et du projet de décret présenté par Delaunay'(d'An-gers). Elle passe à l'ordre du jour, ainsi motivé, sur la demande du citoyen Egalité.)
Le bureau vient d'être saisi à l'instant d'une lettre du général Biron en faveur de sa femme, qui est en pays étranger. Le cas est de tous points analogue à celui du citoyen Egalité; la Convention, d'ailleurs, jugera; je vais lui faire donner lecture de cette lettre.
, secrétaire, donne lecture de la lettre du général Biron, qui es(t ainsi conçue :
Strasbourg, le er de la République.
« Citoyen Président,
« J'ose vous demander avec la plus vive instance de mettre sous les yeux de la Convention nationale la note ci-jointe.
« Un fidèle soldat de la République ose demander aux représentants du peuple de fixer leurs regards sur l'affreuse position d'une femme qu'un instant de délire, dont elle peut administrer les preuves, expose au malheur d'être reje-
tée du sein de sa patrie. Citoyens, cette femme est la mienne. Séparé de biens, éloigné d'elle depuis 15 ans, je sens pour la première fois, avec de douloureux remords, que sans la distance mise entre nous par les circonstances, plus confiante, plus rassurée, fière peut-être du patriotisme ae son mari, cette femme, plus malheureuse que coupable, n'eût jamais mérité d'attirer sur elle la sévérité des lois. Il appartient à un peuple libre d'être généreux plutôt que sévère; de pardonner à la faiblesse d'une femme plutôt que de la punir : terrible dans ses efforts, dans ses jugements pour le maintien de la liberté, il est indulgent dès qu'il peut l'être. Citoyens, je vous demande pour ma femme plus que justice, je vous demande générosité. Destiné, je l'espère, à porter vos armes et la liberté dans des contrées voisines, il n'y a point d'in-iérêt sur la terre qui puisse me faire abandonner le poste honorable que vous m'avez confié; j'ai donc le droit de dire, sans me permettre un choix : « Citoyens, qu'un de vous se lève et serve le défenseur à ma femme, puisque je ne la puis défendre moi-même. » Ce droit, je le réclame, je l'exerce.
« Signé : Le citoyen général d'armée, Biron. »
Plusieurs membres : L'ordre du jourl (Murmures.)
D'autres membres : Motivé! motivé!
(Louis). L'on emploie tous les moyens possibles pour vous faire innocenter des coupables, des scélérats ; devez-vous vous occuper des individus ? Suivez votre marche et achevez la loi ; l'ordre du jour !
Que vous demande Biron?
Le rapport du décret !
Si vous faites grâce à la femme de Biron, pourquoi ne feriez-vous pas grâce à tous les émigrés.
L'on est venu au comité exposer que la citoyenne Biron se croyait, non émigrée, mais dans les exceptions. Vous avez renvoyé à votre comité pour vous présenter le mode de juger les exceptions; ainsi je crois que l'on peut adopter sur la lettre de Biron l'ordre du jour pur et simple.
(La Convention passe à l'ordre du jour pur et simple sur la lettre de Biron.)
Je demande la parole pour le rapport du décret Lepeletier sur la demande au citoyen Egalité.
et plusieurs autres membres s'opposent à ce que Buzot soit entendu et demandent la clôture de la discussion.
(La Convention décide que la discussion continue.)
Je demande le rapport du décret rendu en faveur de la citoyenne Egalité.
En effet, vous ne pouvez avoir deux poids et deux mesures. Pour la citoyenne Egalité, vous êtes passé à l'ordre du jour motivé; pour l'autre, l'épouse de Biron, vous venez d'adopter l'ordre du jour pur et simple. Cependant, la fille d'Egalité est à Londres......
Elle est à Paris.
Cela ne change rien à la situation ; car d'après, la loi ; si la fille d'Egalité est en France, elle doit en sortir. Pour les deux personnes les conditions sont les mêmes, et si on examine les titres des pétitionnaires, je trouve
que le général Biron a aussi bien mérité de la patrie qu'Egalité, (Applaudissements.) ;
Sur quoi, d'ailleurs, s'appuierait-on pour établir une différence? 11 y avait dans la loi sur les émigrés un article qui contenait une exception pour ceux qui ne seraient sortis du territoire ae la République que pour commencer ou perfectionner leur éducation ; vous l'avez rejeté. Dès lors, ni la citoyenne Egalité, ni la citoyenne Biron n'ont de droit à votre faveur particulière.
Je ne crois pas avoir besoin d'en développer davantage les raisons. 11 faut rapporter votre premier décret, sans quoi je me verrais obligé ae constater qu'il n'y a plus d'égalité et de justice dans les décisions que vous prenez.
Je crois nécessaire de répondre en quelques mots à Buzot. 11 semble présenter la Convention en contradiction avec elle-même; cependant il n'en est rien, car elle a motivé en principes chacune des déterminations qu'elle a prises. Egalité a demandé une exception pour sa fille, la Convention en a renvoyé l'examen à son comité de législation. Biron demande une faveur pour sa femme et la Convention vient de passer à l'ordre du jour.
Citoyens, si, à vos yeux, faveur et exception sont une même chose, si l'indivisibilité est réelle, je pense comme Buzot, nous devons être également inexorables pour être rigoureusement justes ; mais j'estime qu'il faut faire une grande différence entre la signification de ces deux mots; c'est pourquoi je conclus au maintien des décrets que vous avez rendus.
Pusieurs membres : La discussion fermée I
(La Convention décrète la continuation de la discussion.)
Je demande la parole sur la position de la question. Si vous avez renvoyé à votre comité, c'est pour vous présenter le mode de juger des exceptions et non pour faire une exception en faveur du citoyen Egalité.
Si tout à l'heure, vous avez voté l'ordre du jour sur la lettre du général Biron, c'est parce que vous n'aviez rien fait pour un individu et que vouS n'aviez statué que sur des principes. Je propose l'ordre du jour sur la motion de Buzot,
Je demande aussi le rapport de votre décret; mais par un motif étranger à la fille d'Egalité et à la femme de Biron. Ce sont des individus que la Convention ne peut, ne doit pas apercevoir. Je ne vous parlerai donc ni de l'une ni de l'autre. Mais je vous dirai que votre premier décret détruit absolument l'effet de la loi générale sur les émigrés. En effet, il ne doit exister de tribunaux que ceux qui sont chargés de l'application de la loi ; or, par Votre décret, vous établissez un tribunal particulier auquel vous accordez la faculté dangereuse de faire des lois nouvelles... (Vives interruptions)... Oui des lois nouvelles! (Nouveaux murmures).
Je demande donc que ce décret soit rapporté et que ces tribunaux ne puissent avoir à appliquer que les exceptions portées par la loi.
Une fois encore on cherche à dénaturer les faits : l'Assemblée a renvoyé le projet de décret présenté par Delaunay au comité de législation, mais elle a passé simplement à l'ordre du jour sur la demande d'Egalité comme sur celle de Biron.
Un grand nombre de membres : C'est cela ! c'est cela !
Renvoyez alors toutes les propositions à votre comité, et passez à l'ordre du jour sur toutes les demandes particulières. Notre premier devoir, en effet, celui que nous ne pouvons oublier sans être parjures à tous nos serments, c'est d'être justes pour tousles individus etd'appli-quer rigoureusement les premices de l'égalité sur toutes les têtes.
(La Convention adopte la proposition de Camus.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale rapportant les décrets par elle précédemment rendus, relativement aux pétitions d'Egalité et de Biron, et ah renvoi des propositions ae Delaunay, (d'Angers), au comité de législation, décrète ce qui suit :
«Les propositions faites sur les exceptions qui peuvent être ajoutées à la loi concernant les émigrés, et sur le mode de les déterminer, sont toutes renvoyées au comité de législation.
« Sur les pétitions présentées par Egalité et Biron, la Convention passe à l'ordre du jour. »
, secrétaire, donne lecture d'une adresse de la commune de Marseille, qui, pour prévenir le plus grand des fléaux, la disette, a fait dans le Levant des achats de grains pour 4,000,000 de livres; une souscription a produit 1,800,000 livres, reste à payer 2,200,000 livres. Marseille demande que cette somme lui soit avancéé par le Trésor national.
Suit la teneur de cette adresse :
« Marseille, le er de la République française.
« Législateurs,
« Nous avons écrit, le 31 du mois d'octobre dernier, la lettre la plus pressante au ministre de l'intérieur, par laquelle, en lui rappelant nos demandes précédentes et réitérées, nous lui faisions connaître combien il est instant pour le salut de Marseille et des départements méridionaux, qu'il nous soit accordé, le plus prompte-ment possible, un secours d'environ 1,500,000 livres, pour assurer les subsistances pendant cet 'hiver aux peuples qui habitent ces contrées.
« Le ministre, connaissant tous les justes motifs qui avaient dicté notre demande, nous répondit avec exactitude qu'il était disposé à y faire droit, mais que l'importance de l'objet devait nécessairement déterminer une autorisation de la part de la Convention nationale, à laquelle il disait avoir écrit, et qu'il attendait sa décision ultérieure. Pressés par les besoins du peuple et par nos devoirs, encouragés d'ailleurs par les offres précédentes qui nous avaient été faites par le ministre Roland, nous avons donné dans l'étranger des commissions pour des achats de blé, pour une somme de plus de 4 millions; nous n'avons pour y faire face que le produit d'une souscription qui a été ouverte, et qui ne monte qu'à 1,800,000 livres; produit qui ne s'est élevé à cette importante somme que par la confiance qui a été inspirée à nos commerçants par l'établissement salutaire d'un bureau de subsistances à Marseille, composé d'un nombre conséquent de citoyens très habiles dans ce genre de spéculation. Cet établissement a produit l'effet que nous devions en attendre : il a déjoué les sinistres projets de diverses petites Cours d'Italie, qui avaient résolu d'affamer nos départements : et déjà nous pouvons espérer
que nous aurons la quantité de subsistances nécessaires, si la Convention nationale vient à notre secours.
« Le mémoire que nous adressons, de la part du président et des membres du bureau des subsistances à Marseille, vous instruira d'une manière plus étendue de la position où se trouvent les abitants du midi de la France, en faveur desquels nous réclamons la justice des législateurs, et vous verrez par ce mémoire que le secours de 1,500,000 livres que nous avons demandé, n'est pas même suffisant, et qu'il doit s'étendre à la somme de 2,200,000 livres. Il vous sera facile de concevoir, citoyen Président, que ce n'est pas pour Marseille seule que nous sollicitons une somme aussi grande ; Marseille à la rigueur, pourrait par son commerce, aidée de quelques secours, fournira ses propres besoins; mais cette grande ville a été de tout temps le magasin des lieux qui l'avoisinent à une certaine distance : et aujourd'hui que les récoltes ont été mauvaises dans ces mêmes lieux, quel funeste inconvénient ne résulterait-il pas des refus qu'elle serait obligée de faire, si elle n'était considérablement approvisionnée !
« Les députés du département des Bouches-du-Rhône connaissent, dans toute leur vérité, les sollicitudes qui nous accablent ; ils sont chargés par nous d'en rendre compte aux législateurs ; mais c'est à vous surtout, citoyen Président, que nous les confions sans réserve, dans un moment où il s'agit de l'existence d'un nombre infini de Français et de frères. Pleins de confiance en vous, livrés sans cesse aux occupations mul* tipliées occasionnées par les divers intérêts du peuple qui nous a choisis, nous nous bornons à instruire la Convention nationale, par la voie d'un courrier extraordinaire, que les Marseillais et leurs frères des départements méridionaux demandent du pain à la patrie en récompense du courage qu'ils ont mis et qu'ils mettront toujours à sa défense.
« Signé : les maire, officiers municipaux et procureur de la commune de Marseille. »
Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi de cette lettre aux comités d'agriculture et des finances réunis.
Je m'oppose au renvoi parce que je le crois inutile. Vous avez mis à la disposition du ministre de l'intérieur 24 millions pour les achats de grains, c'est à lui que cette lettre doit être renvoyée ; lui seul doit rembourser les officiers municipaux de Marseille de l'avance qu'ils ont faite. S'il n'a point suffisamment de fonds il vous en demandera; s'il en était autrement, le ministre étant autorisé à faire des achats de grains chez l'étranger, et Marseille se permettant d'en faire, il s'établirait une concurrence entre les différents mandataires de la République, et c'est ce que nous devons particulièrement éviter.
La lecture du mémoire qui accompagne la lettre répond suffisamment à ce que dit Defermon. Dans quel temps Marseille a-t-elle fait des approvisionnements de grains dont elle vous demande aujourd'hui le remboursement ? Lorsque les Prussiens marchaient sur Paris ; lorsque les regards de tous les patriotes se tournaient vers le Midi, et qu'il devenait chaque jour d'une indispensable nécessité d'y avoir des magasins.
Je ne vous rappellerai point les avances faites en différentes circonstances par Marseille pour
la République, et elle ne vous a point demandé le remboursement ; mais je vous dirai que dans un temps favorable à l'achat du blé, Marseille en a acheté pour 4 millions; qu'elle a déjà payé 1,800,000 livres acompte, et qu'elle vous demande un secours qu'elle pourrait appeler une dette, puisque c'est moins pour Marseille seule que pour ceux des départements qui en peuvent manquer, qu'elle a fait cet approvisionnement considérable de grains.
Je demande donc que la Convention nationale décrète à l'instant le secours qui lui est demandé par Marseille, à la charge, si elle le juge ainsi, de faire répartir de la manière la plus utile à la République, les grains qui excéderont les besoins de Marseille.
Si Marseille a besoin d'argent qu'elle vende ses grains à ceux qui n'en ont pas; pour moi je ne consentirai jamais que l'on donne ainsi 2 ou 3 millions pour faire des accaparements. Il ne faut pas nous livrer ainsi à laisser faire des achats de grains par les communes, elles le feraient augmenter à notre détriment chez l'étranger.
Je demande le renvoi aux comités d'agriculture et des finances réunis, pour vous faire un rapport à ce sujet.
La commune de Rrioude était sur le point de manquer de blé, et, bien convaincue que les greniers étaient pleins, elle a fait chez les particuliers le recensement des grains. A la suite de cette mesure le blé a baissé de 7 francs par septier.
Je cite ce fait pour montrer que l'absence de grains vient souvent de ce quelle particulier, comptant sur un bénéfice plus grand, refuse de le vendre.
La commune de Marseille a fait des achats qui ont approvisionné les communes voisines. Sans cette mesure, les département des Alpes et des Rouches-du-Rhône eussent été déjà dans la disette. Le pain y a valu jusqu'à 8 sous la livre. N'ajournez donc pas la demande qui vous est faite par la commune de Marseille.
Ces blés sont encore en Italie, ils sont au pouvoir de l'ennemi et vous perdrez ces blés si vous ne venez au secours des marchés faits par les officiers municipaux de Marseille. Subrogez, si vous le voulez, le ministre de l'intérieur à ces marchés, mais ne privez pas la France d'un approvisionnement considérable.
(de la Marné). Nous sommes tous d'accord sur l'excellence de l'opération des officiers municipaux de Marseille. Renvoyez aux comités pour en faire le rapport demain matin.
(La Convention décrète le renvoi aux comités des finances et de commerce réunis, pour en faire demain le rapport, de la pétition de la commune de Marseille.)
Voici le résultat du scrutin pour la nomination des quatre commissaires civils qui doivent être envoyés aux isles du Vent.
Ces quatres commissaires sont :
Les citoyens : Chrétien, de Périgueux, Coroller, ex-constituant, Jeannet, ex-législateur. Antonelle ex-législateur.
Le soupçon doit rester le moins possible sur une tête innocente. Le juge de paix Mathieu a fait son devoir. Voici l'un de nos collègues qui va nous en rendre compte.
J'atteste à la Convention que le citoyen Mathieu est innocent. Il a parfaitement rempli son ministère. Il a mis cette nuit les scellés sur les effets de Dufresne Saint-Léon; mais comme Dufresne est séparé de biens avec sa femme, elle a un domicile particulier. Le juge de paix a mis les scellés chez elle, seulement sur une correspondance entre Dufresne et sa femme, avant qu'elle le sût; cen'est qu'une correspondance galante.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de l'officier municipal qui fait les fonctions de maire par intérim, qui informe la Convention que le nombre des officiers municipaux est réduit de 48 à 12 ; il expose la nécessité de renouveler sur-le-champ le corps municipal. Si on emploie le mode ordinaire, les élections ne seront pas faites avant 2 mois.
(La Convention renvoie la lettre au comité de législation pour en faire son rapport samedi prochain.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret tendant à déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur la pétition des citoyens Hugot et Chevalier, marchands tapissiers, à Paris, par laquelle ils demandent à être payés d'une somme de 3,341 livres pour fournitures faites aux deux compagnies de gendarmerie nationale servant près de l'Assemblée ; le projet de décret est ainsi concu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, sur la demande des citoyens Hugot et Chévalier, marchands tapissiers à Paris, pour être payés d'une somme de 3^341 livres qu'ils prétendent leur être due à raison de différentes fournitures qu'ils ont faites aux deux compagnies de gendarmerie nationale servant près ae l'Assemblée, en exécution des ordres du département de Paris; considérant que l'article 5 du titre 5 de la loi du 15 mai 1791, relative à la suppression de la compagnie de la prévôté de l'hôtel, n'accorde bue la fourniture du casernement en nature à faire aux sous-officiers et gendarmes nationaux, ce qui ne doit s'entendre que du logement militaire, et non pas d'ameuolements et ustensiles, décrète qu'attendu que ladite dépense n'est ordonnée par aucune loi, elle n'est pas à la charge de la nation, et qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande des citoyens Hugot et Chevalier. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret au comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés (1).
, rapporteur. Il importe que, pour la ville de Paris, les certifiants, pour les émigrés, soient domiciliés dans l'arrondissement de la section.
Un membre : Il faut que les certificats d'émigrés portent leur signalement.
Un membre : Il importe aussi que le signalement d'un émigré qui se
présente à la frontière ou dans un port, soit envoyé au ministre de
l'intérieur, qui le fera parvenir dans tous les ports et frontières,
afin qu'un émigré ne puisse se' présenter à 30 ou 40 lieues de la
municipalité où il a été refusé.
« Les certificats contiendront les noms, prénoms ou surnoms, l'âge, la qualité et le signalement des certifiés; ils seront signés des cerli-tifiés, tant sur les registres des municipalités que sur les certificats qui leur seront délivrés.
« Dans le cas où les certifiés ou les certifiants ne sauraient pas signer, il serait fait mention, tant dans les registres que dans les certificats, de l'interpellation qui leur [aura été fait de signer, et de la déclaration qu'ils ne savent signer.
« Les certificats seront faits conformément ail modèle qui sera joint à la présente loi : »
La Convention adopte ensuite l'article additionnel suivant pour faire suite à l'article 9 relatif aux émigrés détenus dans les prisons des frontières et de l'intérieur de la République:
« Avant l'élargissement et le renvoi desdits émigrés détenus, il sera dressé un procès-verbal desdits élargissement et renvoi, lequel contiendra les noms, prénoms ou surnoms des élargis et renvoyés, ainsi que leur âge, qualités et signalement.
« Les concierges des prisons seront tenus de remettre aux officiers municipaux des lieux de leur domicile, les procès-verbaux ci-dessus prescrits. Les officiers municipaux enverront, sans délai, ces procès-verbaux au ministre de l'intérieur, qui en adressera des expéditions aux départements respectifs du domicile ou de l'assise des biens des émigrés, pour que ceux qui y seront dénommés soient compris, si fait n'a été, dans les listes des émigrés. »
,rapporteur, donne ensuite lecture de l'article 10 au projet du comité qui est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 10.
« Les voies de fait contre les émigrés sont dé-» fendues sous les peines portées par le Code pénal. Mais sur la dénonciation qui sera faite de tout émigré qui, en contravention à la loi du bannissement, sera trouvé sur le territoire français, le dénoncé sera poursuivi dans les formes prescrites par la loi du 29 septembre 1791, concernant le jury. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 11 du projet du comité, ainsi conçu :
« Les pères et mères qui, aux termes de la loi du 12 septembre, sont tenus de fournir l'habillement et la solde de deux hommes par chaque enfant émigré, né pourront fournir le remplacement d'homme, ni le fournissement en nature, seront tenus de verser à la caisse du receveur de district de l'arrondissement de leur domicile, et ce, dans la quinzaine de la sommation qui leur en sera faite, à la requête du procureur général syndic, poursuite et diligence dudit receveur de district, la somme à laquelle sera arbitrée par le directoire du département de l'arrondissement , la valeur desdits remplacements. Le montant de la solde, à raison de 15 sols par jour, par chaque homme sera également versé à la caisse du receveur du district par chaque année, et d'avance, tant que durera la guerre, à compter du 1er janvier 1792.
« Sont exceptés des dispositions de l'article ci-dessus, ceux des pères et mères dont les enfants seraient absents de chez eux avant le 1er juillet 1789, et ceux qui,'ayant plusieurs
enfants, pourraient justifier qu'ils en ont un au service ae la République, et qu'aucun de leurs enfants n'a porté les armes contre la patrie._»
Un membre: Un citoyen patriote de nion département avait trois fils. 1 un est aide de camp, les deux autres étaient dans un régiment qui a déserté. Je demande si vous pouvez rendre ce père responsable des actions de ses fils ? Voulez-vous ajouter à sa douleur par une amende?
Vous ignorez donc que la plupart des ci-devant ont envoyé leurs aînés à Coblentz, parce que ceux-ci perdaient le plus à la Révolution. Les cadets; au contraire, servaient dans la garde nationale. Un frère devait ainsi favoriser l'autre quelle que fût l'issue de la Révolution. C'était une affaire de calcul.
Si la négligence ou le conseil des pères doit être réprimé parla loi, assurez-vous au moins, dans ce délit présumé, que le père innocent conservera du pain, car deux gardes nationaux peuvent coûter 1,500 livres par an. Fixez donc la fortune d'un père qui se sera démis. Portez-la, si vous le voulez même, à 1,500 livres de revenu.
Le père a dans ses mains un pouvoir terrible sur son fils, l'exhédération; c'est pour-quoi l'Assemblée législative prononça l'indemnité ue à la patrie, pour un fils émigré, d'après ce droit du père. Elle fut juste. Un fils qui porte les armes contre sa patrie est un monstre. Il ne doit donc pas y avoir d'exception, et il est étonnant que, dans l'Assemblée conventionnelle, il se trouve encore des défenseurs des passions humaines.
Un membre : Mais si ce père s'est démis et a passé tout son bien à son fils en ne se réservant qu'une pension alimentaire, vous ne pouvez 1 assujettir à une taxe. Il faut qu'il ait au moins 100 pistoles pour vivre.
(Après de longs débats, la Convention décrète que sont exceptés dei'articlell, ceux des pères qui justifieront n'avoir annuellement que 1,000 livres de revenu, et pourront en outre produire un certificat de civisme, attesté par le conseil général de la commune du lieu de résidence.)
En conséquence l'article 11 est adopté dans les termes suivants :
Art. 11.
« Les pères et mères qui, aux termes de la loi du 12 septembre dernier, sont tenus de fournir l'habillement et la solde de deux hommes par chaque enfant émigré, ne pourront fournir le remplacement d'hommes ni le fournissement en nature; mais ils seront tenus de verser à la caisse du receveur de district de l'arrondissement de leur domicile, et ce dans la quinzaine de la sommation qui leur en sera faite à la requête du procureur général syndic du département, poursuite et diligence dudit receveur^ la somme à laquelle sera arbitrée par le direc-toir de département, de l'arrondissement la valeur desdits remplacements ; le montant de la solde, à raison de 15 sols par jour, par chaque homme, sera également versé à la caisse du receveur de district de l'arrondissement, par chaque année et d'avancer tant que fdurera la guerre, à compter du 1er janvier 1792.
« Sont exceptés des dispositions de l'article «i-dessus : 1° ceux des pères et mères dont les •enfants seraient absents de chez lesdits pères et
mères, avant le 1er juillet 1789 ; 2° ceux qui justi fieront n'avoir pas plus de 1,000 livres de revenu, par ménage et non par tête, et qui justifieront en outre d'un certificat de civisme, délivré par le conseil général de la commune de leur résidence. »
, secrétaire, fait lecture à la Convention de la relation du citoyen Mouthon, transmise par le citoyen Monge, ministre de la marine, pour annoncer son arrivée, à bord de la frégate VAriel, dans le port d'Ostende ; cette relation est ainsi conçue :
Relation du commandant de Vexpédition maritime d'Ostende, à bord de la frégate VAriel, dans le port d'Ostende, le 17 novembre.
« Législateurs, résolu de périr sous les débris de mon bâtiment, je suis parti de Dunkerque pour forcer le port et la ville d'Ostende à reconnaître l'indépendance de ma nation adoptive. Je me suis présenté à l'embouchure du port, la mèche allumée et les hommes en batterie; mon équipage avait juré de s'ensevelir dans le vaisseau, plutôt que d'amener le pavillon tricolore qui fait sa gloire; mais cette résolution ne pouvait avoir son effet; car aussitôt notre entrée dans le port, des cris d'allégresse se sont fait entendre dans toutes les parties du port et de la ville, et tous exhalaient leur amour pour la liberté : ces cris prouvaient aisément que pour conquérir cette cité, des bonnets étaient plus utiles que des canons. Le peuple, amant des Français, s'est jeté dans des canots, des nacelles; et détruisant l'espace qui le séparait de nous, est venu se jeter dans nos^bras, en pleurant du plaisir de presser contre son cœur ceux qu'il appelait ses libérateurs. Les scènes les plus touchantes ont eu lieu à bord ; et dans l'effusion de leur âme, éprise du charme naissant de la liberté, des journaliers pauvres, des hommes opulents, tous voulaient donner leur bourse pour nos besoins, et leurs maisons pour nous servir d'asile. Bientôt les magistrats sont venus nous offrir les secours dont nous pouvions avoir besoin; nous n'en avions qu'un, c'était le désir de parler au peuple; mais il était trop tard pour le satisfaire. Pendant toute la nuit on entendait du vaisseau les transports de la joie qui empêchait les citoyens de se iivrer au sommeil. Le jour a paru, et plusieurs députations du peuple sont venues nous inviter de descendre à terre, pour être témoins de leur joie et pour la partager. Cédant à des prières si souvent répétées, je suis descendu à terre à 9 heures du matin, accompagné du brave citoyen . Mulon, commandant la corvette VEveillée, et de plusieurs officiers de nos états-majors, au milieu du peuple, nous nous sommes rendus à la maison commune, où j'ai dit :
« Citoyens, le peuple français naguère esclave, est devenu libre par sa propre volonté, les tyrans qui vous ont opprimés se sont unis pour anéantir ses naissantes espérances; mais le peuple indigné, en élevant sa massue terrible, a fait rentrer dans le néant les spectres du despotisme.
« Nous ne sommes point venus pour ravager vos propriétés, ni porter un fer assassin dans le sein de vos timides épouses; nous ne voulons que votre amitié, chasser vos oppresseurs, les conduire jusqu'aux enfers, et les renfermer dans e lieu de supplice d'où la bonté divine n'eût amais dû les laisser sortir. »
« 11 est difficile d'exprimer tous les transports et tout le délire que notre présence a fait naître dans le cœur et dans là tête de ces hommes. On a bien raison de dire que pour faire voir le jour à l'aveugle, il faut le conduire par gradation à la lumière, ou l'on s'expose à lui faire perdre entièrement la vue. Il en est ainsi de la raison, car lorsqu'on la fait connaître trop vite, on doit craindre de perdre le fruit de son ouvrage. J'ai cru, pour un instant, que ce peuple sensible était devenu fou ; mais heureusement que la raison a survécu au délire, èt qu'il a été plus sage et plus religieux lors de la cérémonie qui a suivi notre entrée à la commune. Sur une place vaste on avait déjà creusé le lieu où les racines du chêne sacré devaient nourrir et étendre ses rameaux. Dès la veille, les citoyens avaient été à deux lieues de leur cité chercher nn arbre superbe : il était prêt à se placer daus son berceau ; le peuple a voulu que les premiers Français entrés dans la ville fussent aussi ceux qui eussent la gloire de placer l'arbre autour duquel, en se serrant, il n'aura rien à craindre des efforts des tyrans. Nous avons donc planté ce chêne respectable, symbole de notre force ; et par son enthousiasme, le peuple a témoigné la ferme résolution de le défendre. J'ai eu, conjointement avec le bourgmestre, le plaisir d'attacher à cet arbre le bonnet de la liberté. Je suis le premier officier de la marine qui ait joui de cet avantage, et je m'en glorifie avec plaisir. S'il reste, après ma mort, quelques contrées dans le monde où ce signe sacré du bonheur des peuples soit inconnu, j'imprimerai à mes enfants le louable désir de l'aller placer eux-mêmes. (Applaudissements.)
« Il s'est formé un club sous mes auspices ; je n'téais jamais entré de ma vie dans aucune de ces associations populaires; mais le désir de montrer à ce peuple la route de son bonheur m'a fait inscrire sur la liste des membres qui le composent. Puisse son influence concourir à maintenir dans la oité l'amour des lois et la tranquillité, si utile à la félicité des peuples. (Applaudissements.)
« Je ne dois point laisser dans l'oubli un fait, dont l'ancien régime n'offre pas d'exemple.
« Le capitaine Mulon, commandant la corvette l'Eveillée, .arrivée à Dunkerque, convoyant des vaisseaux chargés de munitions de guerre, apprenant l'expédition dont j'étais chargé, demande à me suivre. Il est plus ancien que moi : je devais donc être sous ses ordres; mais, oubliant ses prétentions, il en a fait le sacrifice, en recevant mes ordres, au plaisir de rendre à la liberté un peuple qui ne soupirait que pour elle. (Applaudissements. )
« Je n'attends pour poursuivre les ennemis de ma patrie que le reste de la flotte, qui n'a pu sortir de Dunkerque par la continuité des vents contraires. Aussitôt son arrivée ici, je partirai pour remplir les vues du général Dumouriez. Je laisse à Ostende le capitaine Mulon, avec sa corvette, pour faire flotter, dans cette cité, le drapeau tricolore.
« Signé : M0UTH0N,
« Commandant la division maritime du-Nord. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, qui adresse à la Convention la traduction d'un chant de triomphe, composé parun Danois, en l'honneur des armées .rançaises ; cette lettre est ainsi conçue :
Paris, le
« Citoyen Président,
« J'ai l'honneur d'adresser à la Convention la traduction d'un chant de triomphe, composé par un Danois et imprimé à Copenhague. L'auteur a célébré l'immortelle journée du 30 septembre et la retraite honteuse des armées coalisées contre la France.
« L'Assemblée ne verra pas sans intérêt un habitant du Nord parler en homme libre et donner, avec l'arme de la raison, des leçons aux peuples et aux tyrans. Une douce philosophie règne dans ce petit ouvrage, et, à ce titre, j'ai cru en devoir l'hommage aux représentants de la nation française,
« Signé: LEBRUN. »
(La Convention en ordonne le renvoi au comité de l'instruction publique, pour le lire et en connaître le vrai sens.)
Le ministre de la guerre me fait passer à l'instant une lettre du général Dumouriez, qui fait plusieurs demandes et propositions relatives aux marchés à faire et aux approvisionnements pour 80,000 hommes; je vais faire donner lecture à la Convention de la lettre du ministre.
, secrétaire, fait cette lecture :
Paris, le
Le ministre de la guerre au président de la Convention nationale.
« Je reçois une lettre du général Dumouriez, en date du 20 de ce mois, dans laquelle, après-s'être plaint d'avoir éprouvé des embarras par le retard des envois de substistances, il demande r 1° de l'autoriser à passer seul par le ministère du commissaire en chef Malus tous les marchés nécessaires pour l'approvisionnement de toute espèce des armées qui concourent ou concourront à l'expédition de la Belgique; 2° de l'autoriser à passer pareillement tels traités qui lui paraîtront les plus avantageux pour assurer le service du numéraire indispensable pour la solde et les dépenses de l'armée ; 3° de ratifier en conséquence le .marché passé, le 8 de ce mois, par le commissaire en chef Malus avec le citoyen Simon, quand j'en aurai examiné la condition; 4° d'ordonner aux agents employés dans la Belgique de cesser à l'instant toutes acquisitions de grains et de fourrages, et à la trésorerie nationale de cesser tout versement de numéraire dans les caisses des armées de la Belgique.
« J'adresse ci-joint à la Convention nationale t
« 1° Copie de la lettre du général Dumouriez-
« 2° Copie de la lettre du commissaire général Malus,, concernant un emprunt de 300,000 livres,, opéré de concert avec le citoyen d'Espagnac, par une traite sur les commissaires de la trésorerie-nationale, dont il demande que le payement soit autorisé;
3° Copie de la commission donné par le général Dumouriez en conséquence de 1 autorisation à lui donnée par la Convention nationale, aux. citoyens Malus et d'Espagnac, de faire traite sur les commissaires de la trésorerie nationale de la somme de 300,000 livres à l'ordre du citoyen Lys de Meule-Meesser, de Bruxelles, qui en four-
nira le produit pour le compte de l'armée française;
« 4° Le relevé des états de situation des magasins militaires des départements du Nord, du Pas-de-Calais, des Ardennes, de l'Aisne et de la Somme, du 8 au 10 de ee mois, montant à 166,000 quintaux de froment, seigle, méteil et farine, quantité suffisante pour la subsistance d'une armée de 80,000 hommes pendant six mois et huit jours, et à 79 milliers de foin, 160 milliers de paille, 54 mille sacs d'avoine ;
« 5° Copie de la lettre du citoyen Biderman, directeur du comité d'achat, en daté de ce jour, concernant les achats faits jusqu'à présent dans le Brabant ; montant en 100,000 sacs de froment et seigle, 40,000 sacs d'avoine, 50 milliers de foin, 50 milliers de paille, quantité suffisante pour la subsistance d une armée de 80,000 hommes pendant neuf mois.
« 6° Copie de la déclaration du citoyen Pick, commissaire aux achats dans la Belgique, concernant le prix des foins, paille et avoine, portés au marché de Henri Simon, comparés à la valeur des mêmes denrées.
« Il me paraît nécessaire que la Convention nationale veuille bien entendre la lecture de ces pièces. Une détermination qui remettrait aux généraux des fonctions semblables à celles qui résultent des demandes du général Dumouriez, est au-dessus des pouvoirs qui me sont confiés, et je dois la soumettre à la Convention nationale.
« Signé : PACHE. »
Le ministre de la guerre nous annonce par sa lettre que le général Dumouriez demande à être autorisé à conclure définitivement par le ministère du commissaire Malus les marchés pour les fournitures nécessaires à nos armées. Cette demande me paraît inadmissible. Je n'entends faire aucune application particulière ; mais vous devez sentir combien serait illusoire la responsabilité d'un général entouré de toute la force d'opinion que lui auraient données les victoires. D'après les lois actuelles, les marchés ne peuvent être passés que par les commissaires ordonnateurs qui sont indépendants des généraux, mais qui sont obligés de livrer, à leur réquisition, toutes les fournitures nécessaires à la subsistance des troupes. Ces commissaires ordonnateurs et les payeurs doivent être nommés par le ministre ae la guerre. Ici qu'a-t-on fait? Le commissaire ordonnateur, le contrôleur et le payeur, nommés par le ministre, ont été laissés dans le département du Nord. On s'en est débarrassé lors de l'entrée de l'armée française dans la Belgique. Malus, Petit-Jean et l'abbé d'Espagnac, qui veut devenir l'ordonnateur général des finances delà nation,ont suivi l'armée; et voulez-vous savoir quel est ce Petitjean que Dumouriez a fait payeur générait C'est un ancien agent de la trésorerie qui, dans ses comptes de l'année dernière, a été en défaut de 35,000 livres qu'il a volées à la nation. J'ai des procès-verbaux qui font foi de ce fait. Voulez-vous savoir quelle foi on peut donner au commissaire ordonnateur Malus? Il a passé avec l'abbé d'Espagnac un marché pour louage de mulets, d'après lequel chaque mulet rapportera au fournisseur 2,400 livres par an.
Cet abbé d'Espagnae, non content de ces profits, a fait une autre spéculation. Il s'est engagé à fournir pour la solde de l'armée du numéraire tiré du pays, pour ne pas épuiser celui qui
reste encore én France. Cette proposition avait sans doute quelque chose de spécieux ; aussi a-t-elle séduit lé général. Mais veut-on savoir à quoi se réduirait cette opération? 11 s'est associé avec un banquier de Bruxelles qui lui fournit de l'argent tiré de France, et dont il sait bien faire payer le prix. L'abbé d'Espagnac est en effet bien connu pour savoir jouer a la hausse et à la baisse; et déjà depuis 2 ou 3 jours on s'aperçoit à la bourse ae cette funeste opération; car, au milieu de nos succès, on ne peut attribuer à une autre cause la baisse ae 2 à 3 0/0 qu'ont éprouvée depuis quelques jours les effets publics. Il faut donc que le maniement des deniers publics ne soit confié ni à cet abbé d'Espagnac, ni même au général; car plus un générai a de succès, plus il a de prépondérance dans l'opinion, et plus il est important qu'il n'ait point de maniement de finances, et qu'il soit assujetti à des règles strictes. Je propose donc que, sur la demande du général Dumouriez, transmise par le ministre de la guerre, l'Assemblée passe à l'ordre du jour ; que lès commissaires ordonnateurs des armées restent sous la surveillance du ministre de la guerre, et l'emploi du numéraire sous la surveillance ae la trésorerie nationale.
Il est bon que la Convention sache que les marchés passés par Malus, sont de 25 et f|J 0/0 plus cher que les autres passés avec le ministre.
Je demande non seulement la destitution "du commissaire Malus, mais celle du commissaire d'Espagnac. Il est bien étonnant que dans un gouvernementrépublicain, c'est-à-dire, sous le règne des mœurs et des vertus, on emploie un agent connu pour être aussi profondément immoral que cet abbé d'Espagnac, un homme dont la mauvaise réputation a couru dans toute l'Europe; un homme contre lequel le ci-devant parlement de Paris a été sur le point de faire exécuter un décret de prise de corps; un homme qui a participé aux dilapidations de son protecteur Calonne ; celui, enfin, que trois députations de la Convention nationale avaient dénoncé au ministre Servan pour des faits très graves. On nous conduirait bientôt au despotisme par la dilapidation des finances.
Il y a sept à huit jours que j'ai rencontré, à Paris, l'abbé d'Espagnac se promenant dans un très brillant cabriolet. Il était vêtu en uniforme; il se donna la peine de me parler; je lui demandai quel nouveau métier il faisait? J'ai une commission pour le roulage de l'armée du Nord, me dit-il, et il ajouta que c'était une très grande spéculation à laquelle il comptait bien faire sa fortune.
Le marché passé pour le roulage est en effet si fort, qu'un intéressé dans cette opération, pour un huitième seulement, s'est flatté, devant des témoins qui attesteront le fait, d'y avoir déjà gagné 1,500,000 livres; mais cet abbé d'Espagnac ne s'est pas contenté de ce marché. Après avoir joué le patriote, après s'être fait nommer président d'un club, il est parvenu à séduire le général Dumouriez, par une proposition spécieuse, pour se faire donner le maniement général des fonds de l'armée. Il est essentiel qu'on débarrasse le général de ces agioteurs intrigants qui le circonviennent.
Quant au commissaire Malus, il est accusé devant vous, par un commissaire du pouvoir exécutif, d'avoir à dessein retardé Parrivée des approvisionnements, pour forcer le ministre à
lui accorder le droit de faire des marchés dans le pays ; il est accusé notamment d'avoir retardé la marche des hôpitaux ambulants, de manière que les blessés à la bataille de Jemmapes sont restés 24 heures sans secours..
Un grand nombre de membres. A la barre ! à la barre!
Dans les bureaux de la guerre sont des aristocrates, des fripons, qui imprudemment favorisent toutes les déprédations. Pache est un honnête homme, mais il ignore quels sont ses commis. Ils ont fait des marchés étonnants! Ils ont mis dans l'armée des Pyrénées, la plus puante aristocratie; ils ont fait piller et voler imprudemment la nation. Ordonnez donc au ministre de la guerre de purger ses bureaux.
J'appuie la demande de traduire d'Espagnac, Petitjean et Malus à la barre; mais, comme ce sont tous des intrigants, des agioteurs et des fripons, et que, sentant leur conscience bourrelée, ils pourraient bien ne pas obéir aux décrets, je propose qu'ils y soient amenés par la force, et surtout qu'ils soient arrêtés sur-le-champ.
(La Convention décrète que les Citoyens Malus, Petitjean et d'Espagnac, seront mis en état d'arrestation, pour être traduits à la barre. Elle passe ensuite à l'ordre du jour sur les demandes formulées par le général Dumouriez, et renvoie aux comités de la guerre et des finances réunis, les pièces jointes a sa lettre.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du général Dumouriez, contenantla liste des officiers supérieurs et autres qui ont mérité de Vavancement par leur conduite à la bataille de Jemmapes ; cette lettre est ainsi conçue :
Bruxelles,
« Vous me mandez, vertueux ministre, de vous désigner moi-même les récompenses convenables à tous les citoyens qui ont mérité la gratitude de la patrie à la bataille de Jemmapes. Ilest difficile d'accorder les décrets qui restreignent infiniment les nominations, avec le désir et la justice que la Convention nationale et le pouvoir exécutif doivent porter dans une circonstance aussi rare qu'une bataille rangée, et aussi décisive que celle du 6 novembre; je vais commencer par vous mettre sous les yeux plusieurs états.
« 1° Celui des officiers généraux, officiers supérieurs et d'état-major que j'avais été obligé de nommer pour organiser l'armée de la Belgique, sans cependant me permettre d'en proportionner le nombre à la force de cette armée.
« Tous ces officiers ont rempli leur devoir de la manière la plus méritante, dans les grades auxquels je les avais élevés avant l'époque où un décret a ôté aux généraux la faculté de nommer aux places de leur armée. Tous ont combattu; plusieurs ont été tués et blessés dans leur nouveau grade, et cependant presque aucun n'a reçu l'expédition du brevet du pouvoir exécutif, et n'a servi que sur son brevet provisoire.
« 2° L'état de mes aides de camp. Dans le principe, je n'en ai eu que quatre, dont un a quitté et a été remplacé par un autre ; le pouvoir exécutif, sans égard au décret, m'en a donné cinq autres, et il a très bien fait, car le commandant en chef d'une armée de plus de 80,000 hommes, divisée en plusieurs corps, ne peut pas faire faire ce service ae confiance par quatre aides de camp, et quoique j'en ai eu neuf a la fois, si leur zèle n'avait pas été extrême, ils n'auraient pas suffi
aux différentes missions dont je les ai chargés, desquelles dépendaient souvent !la célérité de mes opérations militaires et leur sûreté.
« Si vous étiez obligé sur l'article des aides de camp, de vous en tenir à la stricte règle du décret, la plupart des miens se trouveraient privés de toute récompense, et même de leur état. Dans un genre de guerre aussi vaste que celui que j'ai entrepris, et dans une campagne aussi extraordinaire et aussi fatigante, il n'est pas possible de suivre les règles ordinaires : c'est d'après cela que vous verrez que plusieurs d'entre eux ont le grade de lieutenant-colonel quoi-, que je ne dusse en avoir qu'un de ce grade. La plupart sont des officiers de la plus grande espérance ; tous méritent ma confiance, ce qui est très nécessaire à un général d'armée ; tous préfèrent de rester avec moi, plutôt que leur avancement ; et ce serait les punir, que de les placer ailleurs. Soumettez cette question à l'équité et aux lumières du comité militaire: entre lui et vous, je ne doute pas qu'il ne soit trouvé un moyen de réparer la sécheresse d'un décret qui serait excellent en temps de paix, mais qui ne laisse aucune récompense possible dans une guerre aussi vive et aussi importante que celle-ci.
« 3° L'état des officiers de l'état-major, sur lequel il y a précisément les mêmes réclamations à faire que sur celui des aides de camp.
« 4° Un état des officiers supérieurs de l'armée, qui Ont mérité de monter au grade d'officiers généraux. J'ai à vous observer qu'en mettant à part cesdeux corps d'armée du général Labour-donnaye et du général Valence, je n'ai dans une armée, dont le fond est de soixante mille hommes, que cinq lieutenants généraux, dont un chef de l'état-major, et l'autre de l'artillèrie, et douze maréchaux de camp, dont un d'artillerie.
« Il est impossible de donner aucune récompense par un avancement successif dans les différents corps, sans faire une promotion. Cette promotion devient même nécessaire , pour pouvoir placer des commandants temporaires dans les principales villes de la Belgique qui en ont besoin. J'ai déjà tiré les lieutenants généraux Omoran et Marassé, l'un de Condé et l'autre de Douai, pour les placer, le premier à Tournay, et le second à Anvers. J'avais d'abord destiné le lieutenant général Morassé pour Bruxelles ; mais le comité du général Moraton n'égalant pas son zèle, et le mettant hors d'état de continuer la campagne d'hiver, sans courir le risque de perdre un excellent officier et un bon patriote, qui réunit une profonde théorie révolutionnaire à ses autres qualités, je prends le parti de lui donner le commandement de Bruxelles et de le remplacer pour la conduite de l'état-major par le colonel Thouvenot pour lequel je vous demande avant tout le grade de maréchal de camp, étant obligé de lui rendre la justice de dire qu'il est l'officier le plus instruit de l'armée et le plus capable de me seconder.
« Chez un peuple républicain, et dans une armée aussi neuve que la nôtre, l'ancienneté n'est un titre qu'après les talents, parce qu'il s'agit de trouver promptement des successeurs aux généraux actuels, pour que le sort de nos armes ne dépende pas de tel ou tel homme. D'ailleurs ce que je dis à cet égard ne s'applique pas précisément au colonel Thouvenot, puisqu'il est dans sa vingt-cinquième année de service. Je mets à part les demandes faites parle général Harville; son excellente conduite depuis qu'i
me seconde, et le trait de noblesse républicaine consigné dans la lettre qu'il m'a écrite, et que je vous envoie, me mettant dans le cas de compter sur sa discrétion dans les demandes qu'il fait, et de vous les proposer comme il vous les propose.
» Je vous envoie pareillement un mémoire du maréchal de camp Dampierre, pour le nommé Jolibois, vétéran ; ce trait mérite d'être connu et récompensé.
« Quant au lieutenant général Lanoue, sa détention injuste et la fausse accusation dont il a été la victime, sa justification prononcée unanimement par ses juges, son expérience et son courage me mettent dans le cas d'en tirer le plus utile parti pour la République dès qu'il viendra me joindre ; ce qu'il doit faire sous peu de jours : il serait à désirer que cet exemple servît de leçon pour ne pas ajouter foi si légèrement aux délations contre des officiers respectables. Il n'est pas possible qu'il reste des royalistes dans l'armée, et on doit se méfier des délateurs qui la plupart ne sont que de vils calomniateurs.
« Le maréchal de camp Drouet vient de mourir au Quesnoy de ses Blessures; j'ai placé à Mons le maréchal de camp Ferrand dont le zèle et le courage surpassent les forces.
« C'est uniquement par esprit de justice, et pour augmenter le courage et la confiance de l'excellente armée que je commande, que je vous propose des récompenses dignes de ses grands travaux.
« Vous verrez de plus qu'il n'y a point trop de grades supérieurs dans l'armée, vu son augmentation successive, à laquelle il faut encore ajouter un tiers en sus pour l'armée de Belgique qui fera le service avec l'armée française.
« J'ai nommé, avant le décret, le maréchal de camp Duval, lieutenant général, pour être le second du générai Labourdonnaye, et pour suppléer à son inexpérience; c'est un officier d'un grand mérite, d'un patriotisme très pur et d'une prudence consommée; je crois très nécessaire ae lui envoyer au plus tôt son brevet.
« J'ai de même placé à la même armée le citoyen Arnaudin, adjudant général très instruit, pour remplacer auprès du général Labourdonnaye le citoyen Vergne. 11 convient aussi de lui envoyer son brevet d'adjudant général lieutenant-colonel, sa nomination est du 29 septembre.
« Il est à noter que tous ces officiers généraux et supérieurs ont été mes coopérateurs dans ma campagne contre les Prussiens ; qu'il s méritent sûrement bien des récompenses ae la part de la nation.
« Le général en chef, b Signé : dumouriez. »
, secrétaire. Voici les deux pièces que Dumouriez annonce dans sa lettre :
Mémoire du général Dampierre, au général Dumouriez pour le vétéran Jolibois.
« Le nommé Jolibois, vétéran à l'armée française, ayant appris que son fils était déserté du premier bataillon de Paris, est arrivé ce matin à la bataille de Jemmapes, a pris la place de son fils, en s'écriant à chaque coup de fusil qu'il tirait sur l'ennemi : 0 mon fils, faut-il que le souvenir douloureux de ta faute empoisonne des moments aussi glorieux ! (Applaudissements.)
« Les braves volontaires du bataillon de Paris, ont chargé Balaud et moi de prier le général j
Dumouriez de vouloir bien avoir un brevet d'officier à ce brave vétéran. »
« Signé : dampierre. *
Lettre du lieutenant général d'Harville au général Dumouriez.
« Général, j'ai rempli jusqu'à ce moment les fonctions du lieutenant général Lanoue, commandant avant moi à Maubeuge, et naturellement commandant en chef du corps d'armée que vous m'avez autorisé à conduire sous vos ordres à l'affaire de Mons. Je vous demande, comme faveur particulière pour moi, général, si j'ai par ma conduite, mérité votre estime, de me donner les moyens d'apprendre à faire la guerre sous les ordres d'un général expérimenté comme l'est le général Lanoue. Je serais flatté qu'il m'adoptât comme son second, et je lui servirais volontiers d'aide-de-camp. Réponse prompte, je vous prie, général républicain. Vous devez me permettre de rendre au général Lanoue, le corps de troupes qu'il a dû commander, et que j'ai été assez heureux d'accompagner jusqu'à Bruxelles.
« Signé : d'Harville. »
Un membre : Je demande le renvoi de ces pièces et de la lettre de Dumouriez au comité de la guerre.
Dans une des lettres qui viennent de nous être lues, il est question de donner un commandement dans l'armée du Nord au général Lanoue. J'observe que ce général a été décrété d'accusation.
Il a été absous par le tribunal criminel de Lille, à l'unanimité des voix.
C'est possible, mais en tous cas la Convention n'en a pas été officiellement saisie. Je demande alors que le ministre de la guerre soit ténu de rendre compte de l'exécution du décret d'accusation rendu contre le généralLanoue.
(La Convention nationale décrète que le ministre de la guerre rendra compte de l'exécution du décret d'accusation rendu contre le général Lanoue.)
, secrétaire. Parmi les pièces transmises àla Convention par le ministre de la guerre étaient encore deux autres lettres; la première,, qui était une copie de la lettre écrite par le maréchal Steingel au général Dumouriez et donnant quelques détails complémentaires sur la prise de Malines ; Vautre du général Dumouriez lui-même, qui se plaint des retards qu'éprouvent les approvisionnements des armées de la Belgique, retards préjudiciables à la rapidité et au succès des opérations de la campagne.
Voici ces deux lettres :
Extrait de la lettre écrite par le maréchal Steingel, au général Dumouriez.
Malines,
« Mon général,
« A ma lettre d'hier, par laquelle ie vous ai annoncé et envoyé la capitulation de la ville de Malines, j'ajouterai aujourd'hui que cette conquête vous paraîtra importante, lorsque je vous aurai assuré que vous trouverez ici 2,000 quintaux de métal pour fondre du canon, 1,300 quintaux de poudre, un million environ de cartou-
ches à fusil, 24,000 cartouches à canon, 16,000 fusils ou carabines, de grands magasins de blé et de fourrages : bref, des effets pour la valeur de plusieurs millions de livres, et 12 canons sur leurs affûts, dont 9 canons français, à 4 livres. Ce qui a bâté la prise de cette ville, qui, outre son rempart, a devant elle un canal large et profond, est l'attaque que nous avons faite sur le pont de Batell pour y passer le canal, comme nous l'avons fait, pour y établir notre artillerie. Nous nous sommes également emparés du passage près de Trianon; mais sa situation entre Matines et le camp ennemi, dont les avant-postes sont à Campenhoult, ne m'a pas permis de songer à passer du canon sur cette partie du canal, ae manière que nos attaques n'étaient dirigées que sur celui qui regarde Avon et sur ma droite, e me suis contenté de faire passer à Trianon un bataillon de grenadiers et un escadron, du moment que je fus assuré de l'arrivée du corps commandé parle général Dampierré. Ce sont les deux points de Batell et de Trianon qui ont hâté la reddition de la place, qui alors n'a plus été assurée, de n'être pas escaladée pendant lanuit. J'ai donné provisoirement le commandement et détail de la place au colonel Noisie, du 99e régiment. (Applaudissements.)
« Signé : steingel. »
Extrait de la lettre du général Dumouriez sur les
approvisionnements des armées de Belgique.
Bruxelles,
« Je vois avec peine que vous désapprouvez les marchés qui viennent d'être passés avec le citoyen Malus ; j'allais entrer dans la Belgique, et malgré mes demandes, réitérées les approvisionnements ne venaient pas ; je pris donc sur moi de faire approvisionner de braves gens que je ne saurais commander sans les faire vivre. Ces marchés ont facilité mon entrée dans la Belgique. Je vois avec peine qu'aujourd'hui ils sont blâmés. Je sais quels sont vos talents, mais vous pouvez être trompé par un commis. Quand j'ai formé un plan, j'ai dû croiré que je ne manquerais pas de ce qui m'était nécessaire; sans cela, je ne pourrais répondre à la nation de mes succès. Je suis souvent obligé de m'arrêter par l'impéritie d'un fournisseur.
« Autorisez donc les marchés passés et à passer avec Malus; sans les entraves, j'aurais déjà chassé les ennemis au delà du Rhin; sans les emprunts d'argent et de farine que j'ai faits à. des particuliers, j'aurais déjà manqué de vivres. Je ne saurais suivre une marche tant que je n'aurais pas l'esprit tranquille sur les subsistances.
« Signé : Dumouriez , »
L'on vient de vous annoncer qu'il y avait dans la Belgique pour 6 mois de vivres, pour quinze mois ae fourrages, et vous voyez d'autre part que des fournisseurs, qui vendent le lard 27 et 34 sous, font manquer de vivres toute une armée pendant 7 à 8 heures. Le général, qui ne voit que la vie des hommes et les succès à remporter pour la nation, s'inquiète et écrit, ainsi que vient de le faire à cette heure Dumouriez. 11 faut que cet état de choses cesse; il faut faire justice de tous ces fripons.
Je vous ai dit que Malus a tout fait pour que les lits des malades arrivent trop tard à la bataille de Jemmapes et que les malheureux blessés étaient restés 24 heures sans pansement.
Je demande que le ministre de la guerre soit
tenu de rendre compte demain de l'état des fournitures et des vivres qu'il avait préparés pour l'armée du Nord avant son entrée dans la Belgique et des magasins où ils étaient placés. Je demande également quele ministre rende compte demain s'il a eu connaissance de la conduite du commissaire Malus, accusé d'avoir retardé l'arrivée des hôpitaux ambulants à l'affaire de Jemmapes; ce qui a privé, pendant 24 heures, les citoyens blessés des secours dont ils avaient besoin.
(La Convention décrète que le ministre de la guerre présentera demain l'état des fournitures et des vivres qu'il avait préparés pour l'armée du Nord avant son entrée dans la Belgique, et des magasins où ils étaient placés ; et que le ministre rendra aussi compte demain s'il a eu connaissance de la conduite du commissaire Malus, accusé d'avoir retardé l'arrivée des hôpitaux ambulants à l'alfaire de Jemmapes, ce qui a privé, pendant vingt-quatre heures, les citoyens blessés, des secours dont ils avaient besoin.)
(La séance est levée à cinq heures du soir.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE GRÉGOIRE, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 19 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
Le même secrétaire donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 21 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.) -j
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Clavière, ministre des contributions publiques, qui fait passer plusieurs exemplaires d'un tableau d'état de situation, au 17 de ce mois, des matrices de rôles de la contribution foncière.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
2° Lettre du citoyen Amelot, relative à la loi sur la suppression de la régie générale des économats.
(L'assemblée renvoie la lettre au comité des finances.)
3° Lettre du citoyen Dauzeret, renvoyé des bureaux du ministre de kuguerre sur l'accusation d'avoir négligé de faire imprimer une adresse aux volontaires nationaux, qui demande que sa conduite soit examinéé par un comité.
, secrétaire. Je demande le renvoi de cette lettre au comité de la guerre.
Ce serait porter atteinte à la responsabilité des ministres que de les gêner dans le choix de leurs agents. Je réclame l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret pour autoriser les comités à renvoyer au pouvoir exécutif les pétitions qui sont de nature a lui être adressées; il s'exprime ainsi :
Citoyens, votre comité de législation examine avec promptitude et avec attention les différentes pétitions que vous lui renvoyez : mais il s'est aperçu qu'il en est un grand nombre sur lesquelles il est impossible de vous faire des rapports particuliers. Là, c'est un citoyen qui se plaint ou d'un tribunal ou d'un jugement, et alors il est évident que le pétitionnaire doit employer la voie de l'appel ou celle de la cassation, ou recourir au ministre de la justice; mais, en aucun cas, l'objet ne peut faire la matière d'un décret. Ici, ce sont des réclamations contre un corps municipal ou contre des corps administratifs, et il est encore évident qu'avant de s'adresser à la Convention nationale, les réclamations doiventêtre portées devant les différentes autorités dans l'ordre établi entre elles. Dans tous ces cas et dans plusieurs autres, le comité ne peut que vous proposer des renvois aux différents ministres pour les objets relatifs au département dont chacun d'eux est chargé. Vous seriez étonnés de la multitude des décrets de ce genre que vous auriez à rendre; je né crains pas de vous dire que leur nombre s'élèverait peut-être à plus de 300 par jour. C'est pour prévenir cet inconvénient que j'ai été chargé, par le comité de législation, de vous proposer la mesure suivante :
« La Convention nationale décrèteque ses comités, après l'examen des pétitions et mémoires qui leur sont renvoyés, feront passer aux ministres respectifs les pétitions qui seront relatives à leur département, et qu'ils feront connaître aux pétitionnaires le parti qu'ils ont à prendre relativement à leurs demandes. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de l'examen des comptes, soumet à la discussion un projet de décret sur la vérification de la comptabilité arriérée des villes; (i) ce projet de décretest ainsi conçu :
« La Convention nationale, considérant qu'il est instant de faire apurer et juger les comptes arriérés des villes qui, aux termes des anciennes lois, devaient être présentés aux chambres des comptes et à tous autres tribunaux; que la nation est intéressée à vérifier, le plus prompte-ment possible, les comptes des villes dont elle s'est chargée de l'acquittement des dettes ; et que la présentation au bureau de comptabilité dans les formes prescrites par la loi du 29 septembre 1791, entraînerait des difficultés et des dépenses considérables qu'il est nécessaire d'éviter, décrète ce qui suit:
« Art. 1er. Les receveurs, trésoriers et tous
autres comptables des deniers patrimoniaux, d'octrois et autres revenus
anciens dont ont joui les villes qui comptaient précédemment, soit à
Paris, soit devant les chambres des comptes des ci-devant provinces, et
tous autres tribunaux, seront tenus de remettre leurs comptes et même de
présenter à la revision ceux des dix dernières années antérieures au 1er
mai 1791, avec les pièces justificatives à l'appui, aux municipalités
des lieux, dans le délai d'un mois à compter de la publication du
présent décret, à peine de 3,000 livres d'amende, et de ID livres par
chaque jour de retard.
« Art. 2. Les comptables pourront cumuler dans un seul et même compte la
totalité des
« Art. 3. Les municipalités recevront et procéderont à la vérification des comptes dans le mois de la remise qui leur en sera faite, et feront passer lesdits comptes et pièces justificatives avec-leurs observations aux directoires de district dans le même délai.
« Art. 4. Les directoires de district donneront leur avis sur lesdits comptes, et enverront le tout aux directoires de département dans le mois de la remise faîte par les municipalités.
« Art. 5. Les directoires de département procéderont, au plus lard dans les six mois qui suivront la publication du présent décret, à la vérification et jugement définitif de tous les comptes qui devront leur être remis en exécution de l'article précédent, à l'exception seulement de ceux desdits comptes dont il sera parlé en l'article suivant.
« Art. 6. Les comptes des revenus des villes dont les dettes doivent être supportées par la nation d'après la loi du 19 mars 1791 seront vérifiés par les départements et soumis à la revision du bureau de comptabilité, pour être jugés définitivement par l'Assemblée nationale.
« Art. 7. Les directoires de département feront faire un double des comptes mentionnés en l'article précédent, et en enverront la minute avec les observations des districts, et leur avis au bureau de comptabilité, dans le délai prescrit par l'article 5 du présent décret. Ils déposeront dans les archives les doubles desdits comptes et les pièces justificatives pour y avoir recours au besoin.
« Art. 8. Le montant des débets des comptes dus à la nation, et dont le jugement définitif est réservé à la Convention nationale, sera versé dans la caisse du receveur du district, qui en fournira son reçu au comptable. $ « Art. 9. Quant aux débets des comptes dus aux villes et communes, autres que ceux désignés en l'article 8 ci-dessus, le montant en sera versé dans la caisse des trésoriers des communes ; et la remise et vérification des comptes des revenus de toutes les communes de la République aura lieu pour la nouvelle comptabilité, conformément à la loi du 14 décembre 1789.
« Art. 10. L'Assemblée nationale déroge aux lois précédemment rendues en tout ce qui est contraire au présent décret; le ministre de l'intérieur demeure chargé de son exécution et d'en certifier l'Assemblée dans les huit premiers jours de chaque mois. »
met aux voix ce projet de décret, article par article.
(La Convention adopte, sauf rédaction, les articles 1; 2, 3, 4, 5 et 6.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 7, qui est ainsi conçu :
« Les directoires de département feront faire un double des comptes mentionnés en l'article précédent, et en enverront la minute avec les observations des districts, et leur avis au bureau de comptabilité, dans le délai , prescrit par l'article 5 au présent décret. Ils déposeront dans les archives les doubles desdits comptes et les pièces justificatives pour y avoir recours au besoin. »
Un membre propose, sur cet article, pour amendement, que ce soit une expédition et non la minute qui soit envoyée.
(La Convention, après discussion, décrète qu'il
n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article 7.)
met successivement aux voix les articles 8 et 9.
(La Convention adopte, sauf rédaction, ces deux articles.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10, qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale déroge aux lois précédemment rendues en tout ce qui est contraire au présent décret; le ministre de l'intérieur demeure chargé de son exécution et d'en certifier l'Assemblée dans les huit premiers jours de chaque mois. »
Un membre propose, sur cet article, pour amendement d'en supprimer la dernière partie, qui charge le ministre de l'exécution.
(La Convention accepte l'amendement et adopte l'article 10 ainsi modifié.)
Un membre propose la disposition additionnelle suivante :
« Dès qu'un comptable aura donné ses comptes, il sera tenu de verser dans la caisse du trésorier du district ou de celui de la commune, conformément aux articles 8 et 9 ci-dessus, ce dont il s'avouera débiteur; il joindra la quittance qjie lui donnera le trésorier aux autres pièces justificatives de son compte. » (La Convention accepte la disposition.) Un autre membre propose, comme disposition additionnelle, de décréter que pour assurer l'exactitude des comptes dus par les municipalités et l'emploi de leur fonds, d une manière conforme aux lois prononcées sur cette matière, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire fera dresser un état des liquidations décrétées à leur profit et pour lesquelles elles ont reçu, soit des remboursements, soit des reconnaissances portant intérêts et d'envoyer ledit état à la Convention.
(La Convention adopte cette nouvelle disposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu : « La Convention nationale, considérant qu'il est instant de faire apurer et juger les comptes arriérés des villes qui, aux termes des anciennes lois, devaient être présentés aux chambres des comptes et à tous autres tribunaux; que la nation est intéressée à vérifier, le plus promptement possible, les comptes des villes dont elle s'est chargée de l'acquittement des dettes ; et que la présentation au bureau de comptabilité dans les formes prescrites par la loi du 29 septembre 1791, entraîneront des difficultés et des dépenses considérables qu'il est nécessaire d'éviter, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les receveurs, trésoriers et tous autres comptables des deniers patrimoniaux, d'octroi, et autres revenus anciens dont ont joui les villes,
3ui comptaient précédemment, soit à Paris, soit evant les chambres des comptes des ci-devant provinces, et tous autres tribunaux, seront tenus ae remettre leurs comptes, et même de présenter à la revision ceux des dix dernières années antérieures au décompte jugé, avec les pièces justificatives à l'appui aux municipalités des lieux, dans le délai d'un mois, à compter de la publication du présent décret, à peine de
300 livres d'amende, et de 10 livres par chaque jour de retard.
Art. 2.
« Les comptables pourront cumuler dans un seul et même compte la totalité des recettes et dépenses de leur gestion, à la charge cependant de distinguer les natures de recette et dépense de chaque exercice.
Art. 3.
« Les municipalités recevront et procéderont à la vérification des comptes, dans le mois de la remise qui leur en sera faite, et feront passer lesdits comptes et pièces justificatives, avec leurs observations, aux directoires de district, dans le même délai.
Art. 4.
« Les directoires de district donneront leur avis sur lesdits comptes, et enverront le tout aux directoires de département, dans le mois de la remise faite par les municipalités.
Art. 5.
Les directoires de département procéderont, au plus tard, dans les six mois qui suivront la publication du présent décret, à la vérification et jugement définitif de tous les comptes qui devront leur être remis, en exécution de|l'article précédent, à l'exception seulement de ceux desdits comptes dont il sera parlé en l'article suivant.
Art. 6.
« Les comptes des revenus des villes dont les dettes doivent être supportées par la nation, d'après la loi du 19 mars 1791, et celle du 17 du courant, seront vérifiés par les départements, et soumis à la revision du bureau de comptabilité, pour être jugés définitivement par l'Assemblée nationale.
Art. 7.
« Les directoires de département feront faire un double des comptes mentionnés en l'article précédent et en enverront la minute avec les observations des districts et leur avis au bureau de comptabilité, dans le délai prescrit par l'article 5 du présent décret. Ils déposeront dans les archives les doubles desdits comptes et les pièces justificatives, pour y avoir recours au besoin.
Art. 8.
« Le montant des débets définitifs des comptes dus à la nation, et dont le jugement définitif est réservé à la Convention nationale, sera versé dans la caisse du receveur de district, qui en fournira son reçu aux comptables.
Art. 9.
« Quant aux débets définitifs des comptes dus aux villes et communes, autres que ceux désignées en l'article 8 ci-dessus, le montant en sera versé dans la caisse des trésoriers des communes, et la remise et vérification des comptes des revenus de toutes les communes de la République, aura lieu pour la nouvelle, comptabilité, conformément à la loi du 14 décembre 1789.
Art. 1O.
« Dès que le comptable aura donné ses comptes, il sera tenu de verser dans la caisse du trésorier du district ou de celui de la commune, conformément aux articles 8 et 9 ci-dessus, ce dont il s'avouera débiteur; il joindra la quittance que lui donnera le trésorier aux autres pièces justificatives de son compte.
Art. 11.
« Pour assurer l'exactitude des comptes dus par les municipalités et l'emploi de leurs fonds d'une manière conforme aux lois prononcées sur cette matière, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire fera dresser un état des liquidations décrétées à leur profit, et pour lesquelles elles ont reçu, soit des remboursements, soit des reconnaissances portant intérêt, et d'envoyer ledit état à la Convention.
Art. 12.
« La Convention nationale déroge aux lois précédemment rendues, en tout ce qui est contraire au présent décret. Le ministre de l'intérieur rendra compte de son exécution tous les mois. »
, au nom du comité de l'examen des comptes, présente un projet de décret tendant à ordonner que les anciens ministres, dont les comptes n'ont pas été approuvés par la Convention, produiront dans le délai de trois jours, à l'appui desdits comptes, les pièces exigées par le décret du 30 octobre dernier; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que les exministres, dont les comptes n'ont pas été approuvés par la Convention, produiront à l'appui desdits comptes, dans le délai de trois jours, les pièces [exigées par le décret du 30 octobre dernier, et charge le ministre de l'intérieur de l'exécution du présent décret. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre : Je propose d'ordonner au comité de législation de faire un rapport sur la démarcation des fonctions des ministres.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)
, au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret sur la pétition du citoyen Boyer (1) tendant à porter au complet d'un régiment de hussards la troupe légère à cheval de deux cents hommes qu'il a levée; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu sou comité de la guerre, sur la demande faite par le citoyen Boyer de porter au complet d'un régiment ae hussards la troupe légère à cheval de deux cents hommes qu'il a levée, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La troupe légère à cheval de deux cents hommes, levée par le citoyen Boyer, sera portée au complet d'un régiment de hussards.
Art. 2.
« Ce régiment sera formé, organisé et soldé
Art. 3.
« La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre, jusqu'à concurrence de la somme de 823,384 livres pour l'armement, équipement, engagement et habillement des hussards, et jusqu'à concurrence de celle de 175,749 liv. 1 s. 8 d. pour leur solde annuelle, le tout, suivant l'aperçu des dépenses fournies par le ministre de la guerre, et qui est annexé au présent décret. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret sur la demande faite par le citoyen Benoit-Lamothe de lever un régiment de hussards.
Un membre demande l'impression de ce projet.
Un autre membre propose de retrancher du projet de décret la disposition qui ordonne à la trésorerie nationale de tenir à la disposition du ministre de la guerre un fonds nécessaire.
Ces amendements sont combattus et le projet de décret est adopté comme il suit :
« La Convention nationale après avoir [entendu son comité de la guerre, sur la demande faite par le citoyen Benoit-Lamothe de lever un régiment de hussards, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
«Il'sera levé un nouveau régiment de hus sards de la République.
Art. 2.
« Ce régiment sera formé, organisé et soldé comme les autres régiments de hussards de ligne de la République et prendra rang avec eux suivant la date «Je sa création.
Art. 3.
« La trésorerie nationale tiendra à la dispôsïV tion du ministre de la guerre, jusqu'à concurrence de la somme de 823,384 livres pourd'ar-mement, équipement, engagement et habillement desdits hussards, et jusqu'à concurrence de celle de 175,749 1. 1 s. 8 d. pour leur solde annuelle, le tout suivant l'aperçu des dépenses fournies par le ministre de la guerre, qui est annexé au présent décret. Suit la teneur des deux aperçus :
Formation de 2 régiments de hussards, dont la levée est proposée par les citoyens Boyer et Benoit Lamothe.
Pour un régiment sur le pied de guerre : Etat-major.
1 colonel.
2 lieutenants-colonels.
1 quartier-maître trésorier.
A pied.
1 aumônier.
1 chirurgien-major.
Montés.
2 adjudants. 1 trompette major. 1 maître maréchal.
1 maître sellier. 1 maître armurier. 1 maître tailleur. 1 maître bottier.
Le régiment sera composée de 4 escadrons, et chaque escadron de 2 compagnies. Chaque compagnie sera composé de :
1 capitaine.
1 lieutenant.
2 sous-lieutenants.
Montés.
1 maréchal des logis en chef.
2 maréchaux des logis. 1 brigadier fourrier.
4 brigadiers. 4 appointés.
72 hussards, dont 68 montés, et 4 à pied,
parmi lesquels 1 maréchal-ferrant. 1 trompette.
Officiers, 4. —85 hommes, dont 4 à pied. Pour les 8 compagnies, ou les 4 escadrons, formant le régiment :
Officiers 32. — 680 hommes, dont 32 à pied-
Etat-major : Officiers, 4.-8 hommes, dont 4 à pied.
Force du régiment : Officiers, 36. — 688 hommes.
Les appointements et la solde seront semblables à ceux de la même armé dans la troupe de ligne.
Les dépenses de première mise consistent pour un régiment, dans les articles suivants :
Savoir :
Habillement de l'homme, équipement et hanar-chement du cheval et l'achat du .cheval sur le pied de 1,000 livres, par aperçu. 700,000 1.
Armement des hommes sur le pied de 63 livres, par aperçu.....
Engagement des hommes, à raison de 120 livres..,.............
40,824 82,560 823,3841.
Pour le second régiment......... 823,384
Pour les 2 régiments.. ....... 1,646,768 \
Total.
Appointements et solde par an d'un des régiments. etat-major.
1 colonel...... ........1'........ 6,000 1.
2 lieutenants-; 1 lieutenant-colonel....... 4,400 1.) q onn
colonels..\ 1 lieutenant-colonel....... 3,800 l.|
1 quartier-maître.................................. 1,400
2 adjudants à 608 1. 6 s. 8 d............».......... ............1,2161. 13 s. 4 d.
1 trompette-major................................................349 15 10 _
1 maître maréchal......................................... .325 9 2
1 maître sellier......................................... 325 9 2
l armurier.......J
3 maîtres] tailleur........f à 1551. 2 s. 6 d............. 465 7 6
/ bottier.........\
8
15,6001. 2,682 1. 15 s. » d.
18,282 1.15 s.
Pour une compagnie.
1 capitaine........................................................2,000 1.
1 lieutenant..:..........................................1,200
2 sous-lieutenants à 1,000 livres.......... . ......... 2,000
1 maréchal des logis en chef....................—. —
2 maréchaux des logis à 313 1. 5 s. 10 d..................
1 brigadier fourrier.....................................
4 brigadiers à 209 1. 17 s. 6 d—........................
4 appointés à 164 1. 5 s..................................
72 hussards à 1551. 2 s. 6 d., dont un maréchal ferrant..... 11,169
1 trompette.. —...;..,...................................')ftK
349 1. 15 s. 10 d.
626 11 8
246 7 6
839 10 »
657 » - »
11,169 » »
295 » 10
_4 85_
Pour les 8 compagnies. Etat-major..........
5,2001. 14,183 1. 5 s. 10 d.
Supplément d'appointements.
A 2 capitaines de lre classe, à 700 livres.............. 1,400 1.
A 2 capitaines de 2e-classe, à 500 livres.............. 1,000 1,
Total pour 1 régiment. Pour les 2 régiments..
155,066 1. 6 s. 8 d. 18,282 15 »
173,349 1. 1 s. 8d.
. 2,400 1.
175,749 1. 1 s. 8 d. 351,498 1. 3 s. 4 d.
, au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret tendant à prononcer la levée de la suspension provisoire du citoyen Denis-César Desterzan, lieutenant-colonel du 20e régiment de cavalerie ae la République, ordonnée par décret du 7 septembre dernier (1).
J'observe que cet officier a, contre le texte des lois, empêché les soldats de ce régiment de fréquenter la Société des amis de la liberté et de l'égalité de Chartres, où ce régiment était en garnison ; je demande la question préalable sur le projet du comité.
(La Convention ajourne la discussion à la séance du lendemain.) >
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner au receveur du district d'Arles de verser immédiatement à la trésorerie nationale les fonds appartenant à la nation qu'il a mal à propos employés au payement des dépenses locales; il s'exprime ainsi :
Citoyens, je viens vous dénoncer une dilapidation nouvelle. Le comité des finances a reçu hier l'adresse suivante :
Les commissaires de la trésorerie nationale aux membres composant le comité de l'ordinaire des finances.
21 novembre.
« Citoyens, nous avons eu, la semaine dernière, la satisfaction de vous mettre à portée d'offrir à la Convention nationale le tableau de la situation avantageuse des recouvrements dans le district de Faouet, département du Morbihan. Nous remplissons aujourd'hui un travail pénible, en mettant sous vos yeux la position bien différente du district d'Arles, département des Bouches-du-Rhône.
«Lacontribution foncière de ce district monte en principal et sous pour livres additionnels, à................................. 127,675 1.
« La contribution mobilière, à.... 26;199
Total............ 158,874 1.
« Sur cette somme il n'avait été recouvré au 1er octobre dernier que celle de 14*389 1.17 s. 1 d., et il paraît qu'il n'a été fait aucun recouvrement dans le courant du mois d'octobre.
« Cependant le receveur annonce avoir payé pour les dépenses du département et du district, tant de 1791 que de 1792, près de 32,000 livres; en sorte qu'il a appliqué à ces dépenses qui ne peuvent être régulièrement acquittées que sur les sous pour livre additionnels, non seulement la totalité de sa recette effective sur les contributions foncière et mobilière de 1791, mais encore une partie du produit des contributions indirectes qui doivent rentrer sans aucune déduction au Trésor public,
« Vous jugerez vraisemblablement à propos d'appeler l'attention de la
Convention nationale sur l'état affligeant des choses dans cette partie
de la République. Il paraîtrait à désirer qu'eu manifestant son
mécontentement del'insurveillance des administrateurs, elle témoignât
qu'il est
Voilà ce que le comité des finances m'a chargé de mettre sous vos yeux, en vous proposant le projet de décret suivant;
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que le receveur de district d'Arles versera de suite à la trésorerie nationale les fonds appartenant à la nation, qu'il a mal à propos employés au payement des dépenses locales; et charge les commissaires de la trésorerie nationale de rendre compte, dans le mois, des versements qui auront été faits en exécution du présent décret. »
Je demande, par amendement, que les administrations qui ont dù délivrer les mandats, ou qui ont souffert la dilapidation, soient déclarées responsables.
La Convention adopte l'amendement et le projet de décret du comité.
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète que le receveur du district d'Arles versera de suite à la trésorerie nationale les fonds appartenant à la nation qu'il a mal à propos employés au payement des dépenses locales, sauf son recours contre les administrateurs qui auront signé ou expédié les ordonnances de payement, et faute d'y satisfaire, lesdits administrateurs et receveur y seront contraints par corps, à la requête et diligence du procureur général syndic; charge les commissaires de la trésorerie nationale de rendre compte dans le mois des Versements qui auront été faits en exécution du présent décret. »
Je ne viens pas demander le rapport du décret présenté par Cambon, que j'ai d'ailleurs moi-même voté, mais il est nécessaire que vous sachiez que c'est à cause du long silence dé l'Assemblée constituante et de l'Assemblée législative que la ville d'Arles s'est déterminée au parti qu'elle a pris. Vous n'ignorez pas que la ville d'Arles a avancé plus de 600,000 livres pour la levée des volontaires nationaux; vous n'ignorez pas que cette ville a vu marcher Contre eflé une armée de4,000contre-révolution-nairei; plusieurs dé ces hommes sont dans les prisons, et ne sont pas encore punis. Je demande qu'enfin on fasse le rapport sur l'affaire d'Arles.
(La Convention décrète que le comité de sûreté générale fera, sous huitaine, son rapport sur l'affaire d'Arles.)
Un membre demande qu'on fixe à demain le rapport du comité de législation sur la suppression du tribunal criminel..
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des commissaires de la section des Gravil-liers, qui demandent à présenter une pétition à l'Assemblée.
(La Convention renvoie ces commissaires au comité de la guerre.)
, au nom de la commission des Douze. chargée d'inventorier les papiers trouvés dans l'ar-
moire de fer aux Tuileries, monte à la tribune et demande la parole.
Vous avez la parole.
, rapporteur. Citoyens, votre commission s'est occupée sans relâche à examiner les papiers que vous lui aviez confiés et elle a trouvé, dès son premier examen, une foule de pièces à conviction contre Louis XVI le traître, e ce nombre il en est une particulière qui prouve que Louis est le plus grand scélérat, non pas de toute la République, mais de l'univers. Voici une lettre qui prouve que ce monstre a conseillé le massacre de Nancy, le 31 août 1790.
Le
« Vous avez sauvé la France le 31 août dernier; c'est le comble de la bonne conduite que vous tenez depuis un an, je ne puis que vous féliciter de vos entreprises, continuez sur la même route. Vous ne sauriez mieux faire, soignez votre popularité que je regarde comme l'ancre du salut; j'ai été très affecté des dangers qu'a courus M. deGouvernet; j'attends de ses nouvelles : quant à vous, monsieur, vous avez acquis des droits éternels à mon estime et à mon amitié.
« Signé : Louis.
« P.-S. Je sais que vous avez perdu l'un de vos chevaux que vous aimiez le plus et qui a été tué sous M. de Gouvernet ; je vous envoie le dernier que j'ai monté; gardez-le toujours pour l'amour de moi. »
Réponse de Bouillé, datée du 21 novembre.
« Sire, Votre Majesté attache un grand prix à mes devoirs ; j'aurais désiré lui en rendre de plus importants dans un autre genre (Exclamations et murmures). Elle peut être assurée que je ne négligerai aucune occasion de le lui prouver, en emploYant toutes mes facultés ; je fais mon possible pour acquérir la popularité, mais on fait tout pour me la faire perdre. Puisque vous voulez bien me permettre, je désignerai au ministre de la guerre, les officiers qui ont bien mérité de Votre Majesté. Le présent du cheval est une. grande recherche de bonté de sa part, à laquelle je suis très sensible, mais qui ne peut rien ajouter à mon attachement pour sa personne. Le bon esprit commence à régner parmi les troupes dans cette province et en Alsace. L'Ordre et la tranquillité commencent à y renaître.
« Je suis, avec le plus profond respect, de Votre Majesté, le très humble et très soumis serviteur.
« Signé : bouillé. »
Un membre : Je prie l'Assemblée de décréter que la commission des Douze lui fera un rapport général des pièces qu'elle estime importantes et bonnes à vérifier.
(La Convention décrète cette proposition.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, fait un rapport et présente un projet de décret sur le mode à adopter pour l'envoi des bataillons nationaux dans les Iles-au-Vent; il s'exprime ainsi :
Citoyens, la Convention nationale a renvoyé à son comité de la guerre l'examen des observations qui lui ont été faites par le ministre de ce département, sur le mode à adopter pour l'envoi 4es bataillons nationaux dans les Iles-du-Vent.
Les décrets que vous avez rendus relativemen à l'augmentation des fonds employés dans les colonies, nécessitent en ce moment l'embarquement de six bataillons de gardes nationaux, ou au moins cinq, auxquels on joindra un batai lion de troupes de lignes.
Dans le premier cas le nombre d'hommes à embarquer serait de 4,800 ; et dans le second, le nombre des gardes nationaux serait de 4,000; mais on ne peut dissimuler qu'en adoptant la mesure d'embarquer des bataillons entiers, on ne restât loin au but qu'on doit se proposer, celui d'avoir une force effective, une composition d'hommes, telle que leur physique pût les mettre en état de résister aux fatigues de la mer et aux dangers du climat.
Sur le nombre de 800 dont chaque bataillon est composé, il faudra au moment de l'embarquement déduire :
Les volontaires trop jeunes, trop âgés ou trop faibles pour supporter un service pénible ;
Les gens mariés, nécessaires à leur famille et qui ne pourraient pas s'en séparer ;
Les pères de familles, les commerçants qui ne se sont enrôlés qu'au moment où la proclamation du danger de la patrie leur faisait un devoir de se dévouer momentanément à sa défense; ils réclameraient contre une disposition qui les mettrait dans le cas d'une absence trop prolongée et d'un abandon total de leurs affaires. Les hommes attaqués de maladies que le séjour de la mer rendrait mortelles.
Si l'on ajoute à ces considérations le non-complet quTil est possible de présumer, on peut, sans exagérer, calculer sur une réduction d'un quart, et, conséquemment, chaque bataillon se trouverait peut-être réduit à 500 hommes.
Le ministre de la guerre vous propose de ne prendre que ce nombre sur chaque bataillon et votre comité a pensé qu'il était d'autant plus utile d'adopter cette mesure, qu'on aura, par ce moyen, une force dont l'effectif sera déterminé avec précision ; chaque détachement sera mieux choisi, et composé d'hommes de la meilleure volonté.
Chaque bataillon laissera en France un fonds destine à recruter ce qui sera passé aux colonies, mesure qui a été négligée dans les précédents embarquements, et qui cependant est indispensable pour remplacer les vacances qui peuvent arriver par morts, maladies, congés ou désertion; ce moyen écarte, d'ailleurs, la dépense d'un état-major, qui dans les îles est plus onéreux qu'utile, puisque ces corps sont toujours séparés.
Voici le projet le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre, sur la proposition du ministre de ce département, relative à l'envoi des forces nationales dans les Iles-du-Vent, décrète ce qui suit :
Art. ler
« Les bataillons de gardes nationales, destinés à l'augmentation des forces employées dans les Iles-du-Vent, ne fourniront chacun que le contingent de 500 hommes pris parmi ceux que leur position et leurs forces physiques mettront en état de servir utilement la patrie.
Art. 2.
« Le fonds des 300 hommes excédant restera
en dépôt sous les ordres d'un des lieutenants colonels.
Art. 3.
« Chacun des corps restant au dépôt se portera successivement au complet, pour fournir les remplacements que les circonstances pourront exiger dans leurs détachements respectifs aux colonies. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(Manche), au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret ayant pour objet d'assurer aux bataillons de volontaires qui sont dans l'intérieur, le traitement de guerre jusqu'au 31 octobre dernier.
Plusieurs membres réclament le renvoi de ce projet de décret aux comités des finances et de la guerre réunis.
(La Convention décrète le renvoi.)
, au nom du comité de la guerre, demande à être entendu sur un projet de décret relatif à la levée d'une compagnie de gendarmerie à cheval (1).
(La Convention décrète l'ajournement de ce projet à la séance du lendemain.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre d'une députation de Seine-et-Marne, qui demande à être admise à la barre pour instruire la Convention d'une insurrection arrivée pour les subsistances, et indiquer les moyens d'y remédier.
(La Convention renvoie cette députation au pouvoir exécutif.)
(Hérault), au nom des comités d'agriculture et des finances réunis, fait un rapport ai présente un projet de décret sur la pétition de la municipalité de Marseille (2) relative aux subsistances de cette ville ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous aviez renvoyé à vos comités d'agriculture et des finances réunis, une pétition de la municipalité de Marseille relative aux subsistances de cette ville. Vos comités, après avoir examiné attentivement la pétition, ont considéré que cette demande était juste. Ils ont vu que le blé dans le département des Basses-Alpes vaut 78 livres le septier, tandis qu'à Etampes, il ne vaut que 36 livres. Le ministre de l'intérieur a déjà fait venir 80,000 septiers de blé pour la ville de Paris; il vous a rendu compte des 12 millions décrétés par l'Assemblée législative et nous avons constaté aux comités que le ministre avait commissionné pour la valeur des 12 millions décrétés par la Convention. Dans ces conditions, nous vous proposons d'ordonner que sur les 12 millions mis à la disposition du ministre de l'intérieur, 2,200,000 livres seront prêtés à la commune de Marseille pour faire un achat de grains.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de vos comités d'agriculture et des finances réunis, décrète que le ministre de l'intérieur sera subrogé aux achats faits par le bureau des subsistances de Marseille, qu'il acquittera jusqu'à la concurrence de 2,200,000 livres. »
Un membre : Sans m'opposer, en principe, au
(d'Angers.) Il faut avant tout entendre le ministre; vous ne pouvez le subroger aux marchés sans savoir réellement quels sont ces marchés.
Mais il est une considération plus pressante; les départements méridionaux manquent de pain ; voulez-vous leur en donner, oui ou non ?
Le ministre n'a pas envoyé ses commis dans l'Italie pour n'être pas en concurrence avec les commerçants de Marseille. C'est un marché très avantageux et vous ne pouvez balancer à décréter le projet de vos deux comités. II n'est pas à présumer que les négociants de Marseille aient fait à leur compte de mauvais marchés.
Je m'oppose fortement à un décret de ce genre. Vous ne savez pas si ces marchés n'ont pas été passés à un prix onéreux. Par cette mesure impérative, vous compromettriez les finances de l'Etat, en mêrtie temps que vous anéantiriez la responsabilité dn ministre. Je demande qu'on se borne à autoriser le ministre à accepter ces marchés, s'il les juge avantageux.
Un membre: Et s'il n'est pas prouvé que nous avons fait des achats de grains plus que suffisants.
Je viens m'élever contre la motion de Cambon ; les traites de ces blés arrivent journellement à Marseille; il faut les acquitter ou renoncer aux marcnés, car s'il faut passer un mois avant que l'on ait examiné, pesé, il n'y a plus d'achats à espérer.
J'appuie le projet du comité et pour le fortifier, je propose que l'on substitue le mot tenu au mot autorisé, parce que le ministre ne prendra pas sous sa responsabilité des marchés qu'il ne peut connaître avant quinzaine. Ces blés.....
Sont donc bien chers ?
, Si vous le croyez, faites une avance à la commune de Marseille, elle vous le demande. Dans le cas contraire, obligez le ministre à se subroger à cette ville jusqu'à concurrence de deux millions deux cent mille livres.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion de Buzot.
la met aux voix, et prononce, à la suite du vote, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.
Un grand nombre de membres réclament contre cette décision et observent que les voix sont tellement partagées qu'il est impossible d'assigner un résultat certain à cette délibération.
Je demande à dire encore quelques
mots sur la question, car si le vote était acquis ce serait dire qu'il faut punir des administrateurs pour avoir fait le bien de la République. (Murmures.)
et quelques autres membres réclament l'appel nominal.
Prêtez deux millions deux cent mille livres à la commune de Marseille, mais ne lui faites pas manquer à ses traités par lés lenteurs de l'examen des marchés. Faites-lui un prêt à condition qu'elle partagera ces grains avec les départements méridionaux- Elle a voulu prévenir la famine et la guerre civile dans un moment difficile ; elle a fait un acte civique puisqu'elle vous demande de faire l'achat à son compte, c'est qu'elle n'a pas fait de marchés onéreux. N'oubliez pas que le pain manque, qu'il vaut huit sous dans nos départements et que le peuple souffre.
J'appuie la proposition de Buzot. La première rédaction qu on vous a proposée est un piège (Murmures à l'extrême, gauche) ; nous l'avons aperçu et nous n'y tomberons pas. Te suppose que cette rédaction soit décrétée: alors si le ministre refuse le marché, ses ennemis l'accuseront d'avoir mis la famine dans le Midi. (Applaudissements au centre.) S'il l'accepte, ils l'accuseront d'avoir passé un marché ruineux. (Nouveaux applaudissements.) Cette supercherie ne doit trouver ici que des improba-teUrs. Je demande que la première rédaction proposée soit rejetéé, et qu'on adopte bu la proposition de Buzot ou celle du comité.
Je demande la parole contre le Président pour avoir laissé reprendre une discussion sur laquelle la Convention s'était prononcée.
Je ne sais quel est le motif de ces débats; mais la question est très simple. Un premier fait, qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans nos départements méridionaux, le pain vaut, en ce moment, 5, 6 et jusqu'à 8 sous a livre, tandis qu'il ne coûte que 3 sous 1 liard à Paris. Il faut absolument que tous veniez à leur secours, en faisant des avances pour les approvisionnements ; car ils ont fourni autant de défenseurs à la patrie que les départements du Nord. Le second fait, c'est que ces marchés de grains ont été passés dans des circonstances extraordinaires, lorsque l'ennemi menaçait Paris et lorsque les départements méridionaux se préparaient à faire une vigoureuse résistance ; et j'ose affirmer que la mesure de cet approvisionnement de grains est une de celles par lesquelles ils ont bien mérité de la patrie. Enfin, le troisième l'ait, c'est que ce.n'est pas la commune de Marseille qui a demandé que la nation fût subrogée dans ces marchés ; elle a seulement demandé un emprunt de 2,200,000 livres, pour en consommer le paiement et faire la revente de ces grains à ses risques et périls ; d'où je conclus que ce3 marchés ont été faits à un prix raisonnable et que la commune de Marseille n'a pas eu l'intention de mettre à la charge de la nation une opération onéreuse. Je demande donc que l'emprunt, ou la mesure proposée par Buzot, soit accordé.
La proposition de Buzot est la seule que vous puissiez admettre ; sinon, les négociants de Marseille, quiontacheté ces grains, pourraient être tentés de faire un bénéfice sur la revente, ce qui grèverait les départements
voisins et ne ramènerait pas l'abondance. J'appuie également cette motion.
(La Convention adopte la proposition de Buzot.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu les rapports de ses comités d'agriculture et des finances réunis, décrète que le ministre de l'intérieur est subrogé dans les marché de grains faits par le bureau de subsistances de Marseille, jusqu'à la concurrence de 2,200,000 livres, pour en être fait la distribution entre les divers départements méridionaux proportionnellement à leurs besoins. »
, secrétaire, fait lecture d'une lettre du général Valence au ministre de la guerre, du 21 de ee mois, par laquelle il annonce la prisé de Namur, et les conditions de la capitulation, et d'une lettre du général Ferrières au Président de la Convention, contenant une autre lettre du citoyen Westermann.
Suit la teneur des dites lettres :
Du quartier général de Flawines,le er de la République,
« J'ai l'honneur de vous rendre compte^, citoyen ministre, que lé 16 j'ai quitté Nivelle, aprèsavoir eu une: conférence avec le général Dumouriez, à Bruxelles; que le 17 j'ai campé à Mazi, côtoyant le corps d'année du général Beau-lieu, qui se portait de Louvain à Namur, tandis que Je reste de l'armée autrichienne avait une position à Louvain. Le 18, je suis parti avec quelques troupes pour soutenir mon avant-garde et attaquer celle du général Beaulieu, et prendre une position entre lui et Namur, s'il s'obstinait à vouloir y marcher. Je .sentais que cette mesure n'était pas sans danger, parce que, pendant que j'aurais à combattre le général Beaulieu, je pouvais être attaqué par une partie des troupes qui étaient à Louvain : cette journée s'est passée en attaques d'avant-postes. Mon aide de camp, Collot, qui commandait un petit corps, leur a fait 32 prisonniers. A Leuze et dans les environs, tous leurs postes ont été attaqués avec succès; enfin, l'ennemi ayant reculé son camp, j'ai bivouaqué le soir sous Namur. Le 19, l'ennemi ayant campé à Ramillies, j'ai fait tirer, à quatre heures du soir, sur la ville de Namur quelques coups de canons. Le 20, au matin, mon artillerie étant arrivée, j'ai fait former des batteries. Celle de la porte Saint-Nicolas a tiré dès sept heures du matin, et j'ai fait sommer la ville, en donnant jusqu'à dix heures pour tout délai. A quatre heures, deux compagnies de grenadiers occupaient la porte de Bruxelles, et ce matin, à sept heures, les troupes françaises entreront dans la ville.
« J'ai l'honneur de vous envoyer, citoyen ministre, une copie des demandes du commandant et de mes réponses. 11 paraît que le château se propose de faire une grande résistance : la garnison en est d'environ 3,000 hommes, qui comptent sur la jonction d'une partie du corps du général Hohenlohe avec Beaulieu, qui passe par Huy pour remonter par la rive droite de la Meuse. Je vais dès aujourd'hui travailler, autant que mes forces me le permettent, à empêcher cette jonction et me préparer à attaquer le château. Déjà deux ponts sur la Sambre et un sur Meuse sont construits. Je ne puis prévoir quel sera le succès de mes efforts ; je désire qu'il réponde à vos espérances.
Copie des demandes du commandant autrichien.
Le général de Moitelle, commandant des ville et château de Namurpour Sa Majesté l'empereur et roi :
« Au lieutenant général Valence^ commandant de l'armée des Ardennes.
« Comme il nvest point dans les principes de la nation française, ni dans les miens, de faire tomber le fléau de la guerre sur les citoyens qui ne portent point les armes,je propose d'évacuer la ville aux conditions suivantes:
« 1° Qu'on n'établira aucune batterie ni dans la ville, ni dans son enceinte, contre le château. Je mets cette condition, parce que je regarderais comme le plus grand des malheurs pour l'humanité d'être obligé de répondre à ces Datte ries ;
« 2° Qu'on ne tirera point de coups de carabine du côté de la ville;
« 3° Qu'on maintiendra dans la ville la plus exacte police, et ne touchera ni à sa Constitution, ni à ses privilèges;
« 5° Qu'on n'y lèvera aucune contribution ; ' « 6° Qu'il n'y entrera qu'un détachement tout au plus, de 1,000 hommes, de l'armée française pour maintenir l'ordre.
« Tous les magasins autrichiens et prussiens, que nous laisserons dans la ville, seront livrés à l'armée française contre inventaire.
« A ces seules conditions, je m'engage .d'évacuer la ville en vingt-quatre heures et à livrer la porte de fer demain 21 à sept heures du matin.
« On donnera des otages de part et d'autre pour l'exécution des conventions.
« Fait à Nâmur, le 20 novembre 1792.
« Signé : de Moitelle. »
Réponse du général Valence.
Le lieutenant général Valence répond au général Moitelle, que les article^ de capitulation relatifs aux batteries, coups de carabine, police, contribution, sont refusés, parce que personne ne peut douter que les généraux du peuple français, qui ne veut apporter que le bonheur et la liberté à ses voisins, ne leur feront aucun mal, et ne prendront aucunes mesures qui puissent leur attirer des malheurs, si elles ne sont indis-pensablement nécessaires pour faire évacuer le territoire belge.
« Quant aux magasins, accordé qu'il en soit fait lin inventaire pour la décharge des comptables.
« La porte de Bruxelles doit être remise ce soir à deux compagnies de grenadiers, et les troupes françaises entreront demain matin à sept heures ; il sera remis des otàges.
« Il entrera tout de suite un officier de l'état-major et un commissaire des guerres pour prendre connaissance des magasins et des pièces d'artillerie, s'il y en a d'autres que celles des bataillons.
« A Sainte-Groix, le er de la République française.
« Signé : Cirus VALENCE. »
Lettre du général Ferrière au citoyen Président de la Convention.
« Je vous envoie, en original, une lettre que j'ai reçue de mon ami Westermann, venant de 1 armée
du général Dumouriez, en date du 17 courant.
«Vous y verrez un article relatif aux biens-fonds acquis par les émigrés dans les pays conquis, qui me paraît nécessiter un décret ad hoc de l'Assemblée : la lettre, d'ailleurs, pourra l'intéresser.
« Signé : ferrière. » Lettre du citoyen Westermann.
« Bruxelles, le er de la République française.
« Prenez et arrangez l'affaire de la voiture à votre mieux. Je vous ferai passer les fonds à votre avis.
« Malines est à nous avec' 30,000 fusils (Applaudissements)} beaucoup de canons et des magasins de tout genre; des compagnies entières de déserteurs arrivent chaque jour. (Vifs applaudissements.) Hier j'ai fait une expédition, à ma tête; je me suis fait représenter les livres de tous les meuniers des environs deRruxelles; j'ai trouvé passé 600 sacs de farine aux Autrichiens; j'ai découvert une terre près de Bruxelles, achetée comptant 100,000 écus par Lagalaizièfe, ci-devant intendant d'Alsace. Tâchez donc de faire éclaircir la chose, si les terres, acquises en pays ennemis par les émigrés, sont aussi dans le cas de la confiscation : je suis pour le oui. (Applaudissements.)
« Je pars à l'instant, avec 100 hussards, pour lever les emprunts dans les abbayes et faire conduire les fourrages dans nos magasins : tout va au mieux; bientôt nous serons à Liège. (Applaudissements.) Je vous embrasse.
« Signé : westermann, »
Le même secrétaire donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen général Custine, du 17 novembre, sur diverses dispositions militaires et diplomatiques.
(La Convention en ordonne le renvoi à ses comités diplomatique et de la guerre réunis.)
2° Lettre des commissaires Alquier, Boissyd'An-glas et Vitet, envoyés par la Convention à Lyon, sur les mesurés qu'ils ont prises pour découvrir èt prévenir les abus dans les fournitures pour les armées de la République ; cette lettre est ainsi conçue :
« Nous poursuivons avec zèle la recherche des dilapidations que nous avons découvertes, et chaque jour nous acquérons la certitude que l'administration militaire pour la partie des approvisionnements est infectée d'abus et de vices ae toutes espèces. Nous vous invitons à vous occuper, sans délai, d'une réforme devenue indispensable, si vous né voulez pas voir le trésor de la République absorbé et les armées découragées et affaiblies par un dénûment auquel il serait bientôt impossible de reuiédier.
« Les faits que nous vous avons dénoncés nous ont paru assez graves pour nous déterminer à faire mettre en état d'arrestation les deux commissaires des guerres Vassè et De-launay ; cèlui-ci, moins coupable, est gardé dans sa maison. Nous avons ordonné de conduire l'autre en prison; mais il est, dit-on, évadé. Cet homme serait facilement retrouvé, si l'inconcevable inertie des administrateurs de Lyon n'avait pas laissé tomber dans un affaissement absolu tous les ressorts de l'ordre .public.
« Delaunay avait pour secrétaire un sieur
Toulouse, qui obligeait les fournisseurs à lui donner de l'argent : nous avons dénoncé cet agent infidèle, et on va lui faire son procès. L'impartialité nous oblige à dire que Delaunay a déclaré qu'il n'avait jamais eu connaissance des friponneries de son secrétaire ; et que, d'après les renseignements que nous avons pris, cette déclaration parait sincère.
« Nous faisons aussi poursuivre un sieur Guarin, ci-devant secrétaire du commissaire Grandmaison, qui s'était fait donner 1,500 livres par les cordonniers qui avaient entrepris une fourniture de souliers pour l'armée des Alpes.
« Enfin, nous dénonçons à l'accusateur public les experts nommés par les commissaires des guerres, et qui ont été chèrement payés par les ouvriers dont ils devaient apprécier les fournitures.
« Les commissaires des guerres ne sont pas encore dénoncés à l'accusateur public; ceux-là sont des fonctionnaires prévaricateurs qui doivent être accusés par la Convention elle-même ; et nous attendons votre décert.
« Nous venons d'être informés qu'une assez grande quantité de chevaux d'artillerie qui sont nourris et entretenus aux dépens de l'Etat, sont à la libre disposition des officiers, et notamment de Vasse et Delauny, qui les attelaient à leur voiture soit dans l'intérieur de la ville, soit pour des parties de plaisir à la campagne. Nous avons donné des ordres pour faire cesser ces abus.
« Nous espérons que l'Assemblée approuvera ces mesures, qui nous ont été dictées par notre amour pour le bien public.
« Signé : Alquier, Boissy d'anglas et Vitet. »
(La Convention renvoie la lettre à son comité de la guerre.)
, secrétaire, donne lecture, d'une lettre, de Clavière, ministre des contributions publiques, qui fait parvenir à la Convention une expédition de la délibération du conseil exécutif, qui nomme le citoyen Normandie, commissaire à la comptabilité, pour remplir provisoirement les fonctions du directeur général delà liquidation.
(La Convention renvoie la lettre au comité des finances.)
Les fripons doivent être sévèrement punis : mais en poursuivant comme conspirateurs des fournisseurs, un marchand de souliers, c'est vouloir qu'ils restent impunis, c'est prodiguer des décrets d'accusation qui ne doivent offrir qu'une mesure imposante.
Décrétez que le ministre de la guerre sera tenu de poursuivre et faire punir les commissaires et ordonnateurs, fournisseurs et autres agents qui ont malversé dans les fournitures des armées de la République, décrétez que dans huit jours il vous rendra compte des poursuites qu'il aura exercées, et vous aurez bien mérité de la patrie.
Je propose, comme amendement à la motion de Buzot, que le ministre soit chargé d'intervenir dans les procès criminels intentés aux fournisseurs infidèles pour y obtenir les dommages et intérêts dus à la nation.
Vainement vous ferez punir un fripon, vingt autres se présenteront le lendemain aux bureaux des ministres. Il faut, si vous voulez aboutir, décréter une loi générale qui rendra tous les agents responsables et qui fixera par quels modes ils seront poursuivis. Alors le ministre seul les fera suivre dans les tribunaux»
(La Convention ordonne le renvoi de toute8 ces propositions aux comités de la législation et de la guerre.)
, ministre de là justice, entre dans la salle et demande la parole.
Vous avez la parole.
, ministre de la justice. Un décret du 8 octobre dernier ordonnait au ministre de la justice de faire transférer dans les prisons toutes les personnes juridiquement accusées, et qui n'étaient détenues que dans des maisons particulières. Je viens rendre compte des mesures que j'ai déjà prises pour l'exécution de ce décret.
J'ai voulu me faire guider dans ces recherches par des commissaires du département et de la commune de Paris; mais ces commissaires m'ont observé qu'ils n'avaient aucun moyen de distinguer les maisons d'arrêt des prisons reconnues par la loi.
Or, depuis la date du décret, la quinzaine est expirée, l'examen est fait; dois-je remettre en liberté les détenus, ou dois-je attendre la quinzaine après l'examen ?
Je demande que le ministre de la justice surveille aussi ces maisons particulières, où soi-disant on ne renferme que des fous, mais où il y a beaucoup de victimes du pouvoir arbitraire. (Mouvement.)
Je vous assure qu'il existe dans Paris une multitude de ces maisons connues sous le nom de pensions bourgeoises, où l'on tient renfermés, sous prétexte ae folie, une foule de citoyens et de citoyennes, arrêtés en vertu d'ordres arbitraires.
Manuel, alors procureur de la commune, et moi, nous les avons autrefois visitées, ces maisons; nous y avons trouvé un grand nombre de personnes innocentes, détenues injustement; Manuel en a fait sortir beaucoup : nous y avons trouvé un père de treize enfants, homme très sage et très estimé, enfermé depuis plusieurs années, sur un ordre signé Louis; nous y avons trouvé la propriétaire du fameux jeu de paume de Versailles: cette citoyenne est renfermée, parce qu'elle a voulu épouser une personne qui ne convenait pas à sa famille... Je demande que l'Assemblée prenne un parti sur ces sortes de maisons d'arrêt qui ne devraient pas exister.
Lorsqu'à l'Assemblée constituante j'étais membre du comité des lettres de cachet, ie reçus des différents ministres un grand nombre de notes sur ces maisons d'arrêt, qui n'offrentextérieurement en effet, que l'aspect de maisons particulières, mais où le despotisme ministériel renfermait une foule de ses victimes. Les papiers du ci-devant comité des lettres de cachet, déposés aux archives, contiennent sur cet objet des renseignements précieux. Je demande que le ministre de la justice soit autorisé à faire des recherches dans ces papiers.
J'appuie volontiers la nation de Barère, mais je demande que ces pièces ne soient remises au ministre qu après inventaire et que ce dernier les rétablisse aux archives après en avoir fait usage.
(La Convention adopte ces différentes propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que le ministre de la justiee se fera délivrer l'état de toutes les maisons, quelles qu'elles soient, et qui sont situées dans les différents départements, où il
y a des détenus pour démence, fureur, ou toute autre cause, ainsi que des personnes qui y sont détenues, de la cause et de l'époque de leur détention ; à cet effet, le garde des archives de la République remettra au ministre de la justice les pièces qui ont été déposées auxaites archives par le comité des lettres de càchet de l'Assemblée constituante. Le ministre de la justice se chargera desdites pièces, d'après l'inventaire qui en a été fait et après récolement préalable; il sera tenu de les rétablir aux archives dans le délai de deux mois, et rendra compte à la Convention de l'exécution du présent décret, successivement et à mesure des renseignements qu'il aura pris. »
Un membre: Je propose, comme disposition additionnelle au décret qui vient d'être rendu, d'ordonner que ceux qui se sont rendus coupables de détentions arbitraires soient poursuivis devant les tribunaux.
Un autre membre : Le Code pénal a prononcé sur ce délit la peine des fers ; je réclame l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
, secrétaire, donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre des juges de paix de Paris qui demandent à être admis à la barre.
(La Convention renvoie la demande au comité des pétitions.)
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qx\\ annonce en réponse au décret rendu la veille par la Convention que Lanoue, décrété d'accusation, a été constitué prisonnier le 6 octobre dernier fit que ce lieutenant-général a été unanimement déchargé d'accusation par le tribunal criminel.
(La Convention passe l'ordre du jour.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret au comité de législation sur les pénalités encourues par tes émigrés (1).
, rapporteur, propose un article additionnel sur les acquisitions faites par les émigrés en pays étrangers.
(La Convention renvoie cet article au Comité.)
, rapporteur, donne lecture de l'art. 12 du projet de décret; il est ainsi conçu :
« Toutes donations entre vifs ou à cause de mort, toutes ventes, cessions obligations, saisies réelles ou mobilières , et généralement tous actes de disposition de propriété mobilières ou immobilière, tous baux à ferme et à loyer,toutes quittances de sommes ou effet déposés, faits et passés par les émigrés, leurs fondés de pouvoirs ou agents d'affaires, depuis le 9 février 1792, sont nuls et de nul effet. Les séparations ou divorces entre maris et femmes émigrés, ou dont l'un d'eux serait émigré, faites ou prononcées depuis le 9 février 1792, seront nuls et de nul effet en ce qui concerne les dispositions relatives aux biens. »
propose un amendement.
D'autres membres proposent divers amendements.
D'autres membres demandent le renvoi du tout au comité.
(La séance est levée à cinq heures du soir.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE HÉRAULT DE SÉCHELLES, ancien président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du pro-cès-verbal de la séance du 23 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
J'arrive de Corse, et j'ai passé par Nice. En arrivant ici j'ai appris qu'on avait dénoncé des faits graves contre l'armée du Var. Qu'il me soit permis de vous annoncer ce que j'ai recueilli sur les lieux. Je commence par déclarer que je ne garantis point la vérité des faits, mais je les tiens de personnes qui n'avaient aucun intérêt à me tromper. On vous a dit que les armées ont commis des horreurs à Nice. Lorsque le général Anselme a passé le Var à la tête de 3,000 hommes et que la flotte du contre-amiral Truguet parut devant Montalban, il y avait à Nice, S,000 nommes de troupes Sardes et 5,000 émigrés. Tout ce monde s'enfuit à la nouvelle de l'approche de l'armée française. Pendant l'intervalle de son arrivée et de la fuite des troupes, des gens sans aveu, de la ville même de Nice, se sont portés aux maisons qui avaient été occupées par les émigrés, et y ont effectivement commis des horreurs. Il peut se faire qu'ils eussent entraîné quelques soldats, mais il est certain que les violences ont été commises avant l'arrivée d'Anselme. Voilà ce que j'ai recueilli sur les lieux. (Vifs applaudissements.)
J'ajoute que les forces, déjà considérables, que vous avez a Nice, ont été renforcées par une phalange marseillaise de 6,000 hommes. Si toutes vos troupessontorganisées comme cette dernière, vous pouvez compter que vous ne tarderez pas à parvenir en Italie, et certainement vous en recevrez de très bonnes nouyeWes. (Nouveaux applaudissements.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret relatif à l'exécution de la loi du 4 septembre dernier, qui met à la disposition du ministre de l'Intérieur, une somme de douze millions, pour être employée en achats de grains; ce projet de décret est ainsi concu (1) :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de finances,
sur les dispositions ultérieures qui sont nécessaires pour procurer
l'exécution prompte et régulière de la loi du 4 septembre dernier, qui
met à ladisposition du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions,
pour être employée en achats de grains chez l'étranger, et donner des
secours aux départements ; décrète que la trésorerie nationale tiendra à
la disposition du ministre de l'Intérieur ladite somme de 12 millions,
et que les diverses règles et mesures décrétées par les lois des 2
octobre 1791 et 14 mars 1792, pour la distribution des grains aux
municipalités, la vente qu'elles
(La Convention adopte le projet de décret.)
Je propose un article additionnel à ce décret.
J'observe que la loi du 14 mars 1792, qui a mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions pour des achats de grains, destinés à l'approvisionnement de la République, porte que les sommes provenant de la vente de ces grains, seront versées dans les caisses de district et que les receveurs en compteront directement avec la trésorerie nationale.
Je propose à la Convention de changer cette derniere disposition et d'ordonner que le versement de ces produits sera fait par des receveurs de district, directement à la caisse de l'extraordinaire.
Le motif en est que la trésorerie nationale, à l'instant où un décret l'a chargée de faire une avance, en est toujours remboursée en masse par la caisse de l'extraordinaire. C'est donc à cette dernière caisse que les receveurs de district doivent verser la rentrée des fonds avancés pour achat de grains.
Je pense donc qu'il faut ajouter, pour l'ordre de la comptabilité, un article ainsi conçu :
« Les receveurs de district verseront directement dans la caisse de l'extraordinaire le produit des ventes de grains ou farines provenant des avances faites par la trésorerie nationale aux départements, en exécution des lois des 2 octobre 1791, 14 mars 1792, et autres lois postérieures, dérogeant, quant à ce, à l'article 3 de ladite loi du 14 mars 1792. »
(La Convention adopte l'article additionnel.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances, sur les dispositions ultérieures qui sont nécessaires pour procurer l'exécution prompte et régulière de la loi du 4 septembre dernier, qui met à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions, pour être employée en achats de grains chez 1 étranger, et donner des secours aux départements, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« La trésorerie nationale tiendra à la dispo-. sition du ministre de l'intérieur ladite somme de 12 millions ; et les diverses règles et mesures décrétées par les lois des 2 octobre 1791 et 14 mars 1792, à la réserve de ce qui est compris dans l'article 2 delà présente loi, pour la distribution des grains aux municipalités, la ventequ'elles en feront, ensuitelecomptequ'elles devront rendre du produit desdites ventes, le mode et les délais à suivre dans les différentes sommes accordées aux départements, à titre de secours et de prêt, seront suivies, selon leur forme et teneur, pour l'entière exécution de la loi du 4 septembre dernier.*?
Art. 2.
« Les receveurs de district verseront directement dans la caisse de l'extraordinaire le produit des ventes de grains ou farines provenant des avances faites par la trésorerie nationale
aux départements, en exécution des lois dès 2 octobre 1791, 14 mars 1792, et autres lois postérieures, dérogeant, quant à ce, à l'article 3 de ladite loi du 14 mars 1792.
, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1) pour autoriser la municipalité de Lyon, à faire un emprunt de S millions destinés à acheter du blé pour Vapprovisionnemen t de la ville. Il s'exprime ainsi :
Citoyens, le conseil général de la commune de Lyon a pris, le 10 de ce mois, une délibération portant : qu'il serait ouvert un emprunt de 3 millions, par voie de souscription et sans intérêt, pour être employée à l'achat des grains nécessaires à l'approvisionnement de cette ville et des lieux voisins; que le déficit qui résulterait des frais de régie et ae la différence du prix de l'achat à la vente, serait rempli par une contribution extraordinaire, qui ne porterait que sur les citoyens aisés.
Les Commissaires que vous avez envoyés à Lyon ont eux-mêmes provoqué cette mesure, en excitant le zèle des riches négociants de cette ville. Ils l'ont jugée nécessaire pour maintenir l'ordre dans la ville de Lyon.
Par ce moyen, disent-ils, tous les accaparements seront déjoués, toutes les manœuvres criminelles seront détruites; et une aussi grande abondance faisant nécessairement baisser le prix dans les lieux qui avoisinent la ville de Lyon, il en résultera le grand avantage d'avoir à l'instant beaucoup de grains, et de l'avoir à meilleur marché.
La municipalité de Lyon demande à être autorisée à faire cet emprunt de 3 millions, et à lever une contribution extraordinaire pour remplir le déficit qui proviendra des frais de régie, et de la différence du prix de l'achat à la vente.
Le comité des finances, à qui vous avez renvoyé cette demande, a pensé unanimement au elle devait être accueillie. Mais il a cru cependant devoir fixer les lieux où il serait permis à la ville de Lyon d'acheter des grains, et déterminer, pour remplir le déficit, un mode de contribution, qui, ne portant que sur les citoyens aisés, les atteignit dans une proportion croissante en raison de leurs fortunés.
Voici le projet de décret qu'il m'a chargé de vous présenter:
« La Convention nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la délibération prise par le conseil général de la commune de Lyon, le 10 novembre présent mois, et la lettre de ses commissaires à Lyon, du 13, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La municipalité de Lyon est
autorisée à emprunter, par voie de souscription et sans intérêts, la
somme de 3 millions, qui sera employé à acheter du blé pour
l'approvisionnement de la ville, sous la surveillance des corps
administratifs.
« Art. 2. L'achat des blés ne pourra être fait qu'à Marseille et dans l'étranger.
a Art. 3. Le remboursement des souscriptions se fera sur le produit de la vente des blés, au fur et à mesure de la rentrée, et au prorata de chaque mise, conformémentà ladite délibération.
« Art. 4. Le déficit qui pourra provenir des frais de régie et de la
différence du prix de l'achat à la vente, sera rempli parle produit
d'une contribution additionnelle aux rôles des contribu-
« Art. 5. La répartition du déficit sera faite entre les contribuables; savoir, une moitié sur le rôle foncier par des sous additionnels, au marc la livre du montant de chaque cote; et l'autre moitié sur le rôle mobilier, par une contribution graduée d'après l'échelle de proportion suivante.
« Art. 6. Les citoyens dont le revenu présumé d'après leurs cotes de contribution mobilière est au-dessous de 500 livres, ne seront point soumis à cette contribution.
« Celui dont le revenu présumé, d'après ses cotes de contribution mobilière, s'élève de 500 à 1,000 livres, payera une quote-part'que l'on suppose devoir égaler le trois centième de son revenu, ou le minimum de sa cote d'habitation.
« Celui dont le revenu présumé est de 1,000 à 1,500 livres, sera taxé aux trois huit-centième de son revenu ; sa taxe sera de la cote d'habitation, plus un huitième.
« De 1,500 à 2,000 — livres un deux cent-quarantième ou une cote d'habitation, plus 2 huitièmes.
« De 2,000 à 2,500 livres — une cote d'habitation , plus 3 huitièmes.
« De 2,500 à 3,000 livres — un deux-centième ou une cote d'habitation; plus 4 huitièmes.
« De 3,000 à 3,500 livres — une cote d'habitation, plus 5 huitièmes.
« De 3,500 à 4,000 livres — une cote d'habitation, plus 6 huitièmes.
« De 4,000 à 5,000 livres — un cent soixantième ou une cote d'habitation, plus 7 huitièmes.
« De 5,000 à 6,000 livres — un cent-cinquantième ou 2 cotes d'habitation.
« De 6,000 à 8,000 livres — trois quatre centièmes ou deux cotes, plus 2 huitièmes.
« De 8,000 à 10,000 livres — deux cotes d'habitation, plus 3 huitièmes.
« De 10,000 à 12,000 livres —deux cotes, plus 5 huitièmes.
De 12,000 à 15,000 livres — deux cotes, plus 7 huitièmes.
« De 15,000 à 50,000 livres— un centième ou trois cotes.
« De 50,000 à 100,000 livres un soixante-quinzième ou quatre cotes.
« De 100,000 livres et au-dessus — un soixantième ou cinq cotes.
« Art. 7. m Quand le déficit sera connu, les officiers municipaux dresseront un rôle particulier pour ladite contribution, dans lequel ils augmenteront ou diminueront, suivant le déficit, le taux du trois centième du revenu présumé qui a servi de base à l'échelle de proportion ci-dessus. »
Je demande la question préalable sur ce projet de décret. J'observe qu'il contrarie le principe de ne faire acheter des grains que par le ministre de l'intérieur pour éviter que les municipalités en fassent hausser le prix par leur concurrence. Dans une république, en effet, il en doit y avoir qu'un centre, et les municipalités ne doivent pas être autorisées à faire des achats de grains. Je ne pourrais, en tout cas, accepter le projet qu'à la condition qu'il soit bien spécifié à l article 2, que le ministre de l'intérieur sera chargé de fournir lui-même aux approvisionnements de Lyon.
, rapporteur. Le comité des finances s'est fait la même objection, mais il a pensé :
1° que l'on ne devait pas imposer à une muni-cipfjïté, qui demande à fournir elle-même à sa subsistance, des conditions aussi rigoureuses qu'aux communes auxquelles le Trésor public fait des avances ; 2° que le projét de décret impose à la municipalité de Lyort l'obligation _de n'acheter des grains qu'à Marseille et à Pé-tranger. Or, la Convention sait que la municipalité de Marseille a fait acheter pour quatre millions de grains dans l'étranger, pour fournir à sa subsistance et à celle des départements méridionaux. Il n'y a donc point de concurrence à Craindre pour les marchés faits.
Cependant, pour prévenir tout inconvénient et entrer dans les vues du préopinant, je propose d'ajouter à l'article 2 ces mots : A la charge, par la municipalité dé Lyon, de se concerter pour les achats aevc le ministre de Vintérieur.
,rapporteur, donne lecture, après cet exposé, des articles 1,2, 3, 4 et 5 du projet de décret.
(La Convention adopte, sauf rédaction, ces cinq articles, ainsi que 1 amendement proposé pour l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6, qui est ainsi conçu
« Les citoyens dont le revenu présumé d'après leurs cotes de contribution mobilière est au-dessous de 500 livres, ne seront point soumis à cette contribution.
« Celui dont le revenu présumé, d'après ses cotes de contribution mobilière, s'élève de 500 à 1,000 livres, payera une quote-part que l'on suppose devoir égaler le trois centième de son revenu ou le minimum dé sa cote d'habitation.
« Celui dont le revenu présumé est de 1,000 à 1,500 livres, sera taxé au trois huit centième de son revenu; sa taxe sera de sa cote d'habitation; plus un huitième.
« De 1,500 à 2,000 livres — un deux-cent-quarantième ou une cote d'habitation, plus 2 huitièmes. •
« De 2,000 à 2,500 livres — une cote d'habi tation, plus 3 huitièmes.
« De 2,500 à 3,000 livres — un deux-centième ou une cote d'habitation, plus 4 huitièmes.
« De 3,000 à 3,500 livres — une cote d'habitation, plus 5 huitièmes.
De 3,500 à 4,000 livres -f-, une cote d'habitation, plus 6 huitièmes.
« De 4,000 à 5,000 livres — un cent-soixantième ou une cote d'habitation, plus 7 huitièmes.
« De 5,000 à 6,000 livres — un cent-cinquan-tième ou deux cotes d'habitation.
« De 6,000 à 8,000 livres — trois quatre-centièmes ou deux cotes, plus 2 huitièmes.
« De 8,000 à 10,000 livres — deux cotes d'habitation, plus 3 huitièmes.
« De 10,000 à 12,000 livres — deux cotes, plus 5 huitièmes.
« De 12,000 à 15,000 livres — deux cotes, plus 7 huitièmes.
« De 15,000 à 50,000 livres ^ un centième ou trois cotes
« De 50,000 à 100,000 livres — un soixante-quinzième ou quatre cotes.
« De 100,000 livres et au-dessus — un soixantième ou cinq cotes.
Je combats l'article 6 du projet de décret ; j'observe que le conseil général de la commune de Lyon, de concert avec vos commissaires avait jugé convenable d'excepter de là
contribution à imposer pour le déficit, tout citoyen qui n'avait pas 15,000 livres de revenu. Cette exception était juste, parce que ce sont les citoyens les plus riches qui ont contribué le plus, par leur émigration ou par leurs manœuvres, à faire hausser le prix des denrées.
Je demande donc pourquoi le comité a restreint cette exception aux citoyens qui n'ont que 500 livres de revenu? Je pense qu'elle doit être étendue à ceux qui ont 1,500 livres de rente.
, rapporteur. Deux motifs ont déterminé votre comité à n'excepter de cette contribution que les citoyens qui ont moins de 500 livres de revenu : 1° il a pensé qu'il était impolitique et même injuste d'excepter d'une contribution légitime un citoyen qui avait 1,500 livres de revenu. Il ne faut pas habituer une partie des citoyens à ne concourir en rien aux charges publiques, on en sent les raisons; 2° le comité a cru trouver un juste terme, en n'exceptant de cette contribution extraordinaire que des citoyens qui ont moins de 500 livres de revenu, et en adoptant un mode de réparation, qui, ne pesant légèrement que sur un citoyen peu aisé, atteint les riches en raison croissante de leur fortune. Je demande la question préalable sur l'amendement proposé.
Plusieurs membres : L'ajournement!
, rapporteur. Je prie la Convention de vouloir bien délibérer sur le projet de décret, rien n'est plus instant ; vos commissaires écrivent de Lyon que la tranquillité de cette ville en dépend.
(La Convention adopte l'article 6, ainsi que l'article 7, dont lecture est donnée par le rapporteur, puis l'ensemble du projet de décret.)
Suit le texte définitif du decret rendu :
« La Convention nationale, sur le rapport de son comité des finances, vu la déclaration prise par le comité central de la commune de Lyon, e 10 novembre présent mois, et la lettre de ses commissaires à Lvon, du 13, décrète ce qui suit:
Art 1er.
« La municipalité de Lyon est autorisée à emprunter, par voie de souscription et sans intérêt, la somme de 3 millions, qui sera employée à acheter du blé pour l'approvisionnement de la ville, sous la surveillance des corps administratifs.
Art. 2.
« L'achat des blés ne pourra être fait qu'à Marseille et dans l'étranger, à la charge par la municipalité de Lyon de se concerter pour l'achat des grains avec le ministre de l'intérieur.
Art. 3.
« Le remboursement des souscriptions se fera sur le produit de la vente des blés, au fur et à mesure de la rentrée et au prorata de chaque mise, conformément à ladite délibération.
Art. 4.
« Le déficit qui pourra provenir des frais de régie et de la différence du prix de l'achat à la vente, sera rempli par le produit d'une contribution additionnelle aux rôles des contributions foncière et mobilière de la présente année 1792,
Art. 5.
«La répartition du déficit sera faite entre les contribuables, savoir : une moitié sur le rôle foncier par des sous additionnels, au marc la livre du montant de chaque cote ; et l'autre moitié sur le rôle mobilier par une contribution graduée d'après l'échelle de proportion suivante.
Art. 6.
« Les citoyens dont le revenu présumé d'après leurs cotes ae contribution mobilière est au-dessous de 500 livres ne seront point soumis à cette contribution.
« Celui dont le revenu présumé, d'après ses cotes de contribution mobilière, s'élève de 500 à 1,000 livres, payera une quote-part que l'on suppose devoir égaler le trois-centième de son revenu, ou le minimum de sa cote d'habitation.
« Celui dont le revenu présumé est de 1,000 à 1,500 livres, sera taxé au trois huit-centième de son revenu: sa taxe sera de sa cote d'habitation, plus un huitième.
« De 1,200 à 2,000 livres, un deux cent-quarantième ou un^ cote d'habitation ; plus deux huitièmes.
« De 2,000 à 2,500 livres, une cote d'hsbita-tion, plus trois huitièmes.
« De 2,500 à 3,000 livres, un deux-centième ou une cote d'habitation, plus quatre-huitièmes.
« De 3,000 à 3,500 livres, une cote d'habitation, plus cinq-huitièmes.
« De 3,500 à 4.000 livres, une cote d'habitation, plus six-huitièmes.
« De 4,000 à 5,000livres, un cent-soixantième ou une cote d'habitation, plus sept-huitièmes.
« De 5,000 à 6,000 livres, un cent-cinquan-tième ou deux cotes d'habitation.
« De 6,000 à 8,000 livres, trois quatre-centièmes ou deux cotes, plus deux huitièmes.
« De 8,000 à 10,000 livres, deux cotes d'habitation, plus trois huitièmes.
« De 10,000 à 12,000 livres, deux cotes, plus cinq huitièmes.
« De 12,000 à 15,000 livres, deux cotes, plus sept huitièmes.
« De 15,000 à 50,000 livres, un centième ou trois cotes
« De 50,000 à 100,000 livres, un soixante-quinzième ou quatré cotes.
« De 100,000 livres et au-dessus, un soixantième ou cinq, cotes.
Art. 7.
Quand le déficit sera connu, les officiers municipaux dresseront un rôle particulier pour ladite contribution, dans lequel ils augmenteront ou diminueront, suivant le déficit, le taux du trois-centième du revenu présumé qui a servi de base à l'échelle de proportion ci-des-sus. »
Un membre: Je demande qu'on ajourne à date fixe, à mardi prochain par exemple, la lecture du rapport sur le tribunal criminel de Paris,du 17 août dernier.
(La Convention décrète cet ajournement.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret sur la formation provisoire de la commune de Paris ; jl s'exprime ainsi ;
Citoyens, le corps municipal de Paris vous a présenté une pétition par laquelle il vous expose l'impossibilité où il se trouve de continuer son administration avec le petit nombre de membres auxquels il est réduit. Des 48 municipaux, les uns ont passé à la Convention nationale ou au département, et d'autres à des places de juges de paix ou de commissaires de police.
La réélection de la municipalité de Paris ne l'ait encore que commencer ; et l'expérience nous assure que la réélection totale ne sera consommée par l'installation que dans plus de deux mois.
C'est un trop long intervalle sans municipalité réelle pour une vile telle que Paris ; aussi vous observe-t-on que ce corps administratif ne peut plus avoir d'activité ; car dans les séances, qui ne sont composées que de dix à douze membres, on n'ose plus nommer de commissaires, de crainte de ne pas avoir des membres suffisants pour les délibérations journalières.
Pour parvenir au complément provisoire du corps municipal, on avait indiqué deux moyens à votre comité de législation ; ils consistaient à rappeler les 96 anciens notables suspendus à l'époque de la révolution du 10 août ou à rappeler également 288 commissaires insurgents le même jour 10 août, et ces commissaires réunis avec les 12 municipaux restants, auraient élu entre eux autant de représentants provisoires qu'il y a de places vacantes.
Ni l un ni l'autre de ces moyens n'a pu être adopté par votre comité de législation ; d'abord, parce que les 96 notables déjà suspendus ne jouiraient peut-être pas de toute la confiance nécessaire; secondement,parce que les 288 commissaires ont été nommés sans qu'il y ait eu de procès-verbaux de leur élection ; rarement même se sont-ils tous assemblés. Jamais il n'y en eut de liste fixe, arrêtée ni authentique. Elle n'est nulle part, ni à la mairie, ni au secrétariat de la commune, ni entre les mains d'aucun d'eux ; ils forment un tableau mouvant, révocable au gré de chaque section.
Les choses en cet état, votre comité s'est fait les trois questions suivantes :
Procédera-t-on provisoirement à l'élection des membres du conseil général de la commune et du corps municipal ? Conservera-t-on les douze membres qui exercent maintenant, avec autant d'intelligence que de zèle, les fonctions municipales ? Enfin, par qui les élections provisoires seront-elles faites ?
Sur ces trois questions, votre comité pense qu'il faut nécessairement organiser le conseil général ét le corps mnnicipal en entier, et fixer en conséquence le nombre des membres à 144, conformément à la loi du mois de mai 1790 ; 2° que l'élection de ces membres doit se faire-par les 48 sections, mais par un seul scrutin et à la pluralité relative des suffrages, attendu l'urgence ; 3° enfin, que les douze municipaux actuellement en fonctions se réuniront aux 132 membres à élire, et qu'ensuite ils concourront tous ensemble à la formation du corps municipal.
Telles sont, citoyens, les bases d'après lesquelles votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« La Convention nationale, considérant que la municipalité de Paris ne peut continuer son administration avec le petit nombre de membres auxquels elle est actuellement redpite, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les sections de Paris nommeront dans trois jours, à compter de la publication du présent décret, cent trente-deux citoyens, qui, avec les douze municipaux actuellement en exercice, formeront le conseil général de la commune et le corps municipal, provisoirement et jusqu'au renouvellement définitif décrété par la Joi du 19 septembre dernier.
Art. 2.
« Chaque section nommera trois membres dans son sein. Celles qui se trouveront avoir fourni un ou deux officiers municipaux actuellement en exercice, ne nommeront que les membres qui devront compléter le nombre de trois.
Art. 3.
« Les élections seront faites par un seul tour de scrutin, et à la pluralité relative des suffrages.
Art. 4.
« Le conseil général provisoire nommera, dans les trois jours de son installation, les quarante-huit membres qui doivent former le corps municipal.
« Dans le cas où quelques sections négligeraient de procéder auxdites élections dans le délai de trois jours porté par l'article 1er le département y suppléera par la nomination de commissaires. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Citoyens, vous voulez être justes; vous ne voulez pas qu'un citoyen ait à gémir plus longtemps et que son honneur et ses biens soient anéantis. Je vous ai fait connaître hier, au nom du comité de la guerre, l'affaire de la suspension du citoyen Denis-César Des-terzan (1).
Les calomnies qui lui avaient été attribuées ne lui appartiennent pas; il n'est pas douteux qu'il avait été injustement dénoncé et que les commissaires, envoyés par la Convention à Orléans, l'avaient suspendu à tort.
J'ai applaudi ceux qui sont venus au comité de la guerre, pièces justificatives en mains, vous donner des lumières sur cette affaire ; mais nous n'avons pas voulu nous en tenir là.
Après un examen des plus attentifs et des plus minutieux, votre comité apensé qu'il y avait lieu de réparer cette erreur et de vous proposer le rapport au décret que vous aurez prononcé dans votre séance du 8 septembre contre cet officier.
(La Convention rapporte le décret rendu contre Denis-César Desterzan.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre,
sur la réclamation faite par le citoyen Denis-César Desterzan, premier
lieutenant-colonel du vingtième régiment de cavalerie de la République,
contre la suspension provisoire prononcée contre lui par
, au nom du comité delà guerre, présente "un"projet de décret tendant à la création de seconds lieutenants et de seconds capitaines dans le corps de l'artillerie : ce projet est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la guerre, considérant combien il est instant de mettre le corps de l'artillerie à portée de remplir tout ce dont il est chargé, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera accordé aux sous-officiers du corps de l'artillerie la moitié des placés de seconds lieutenants vacantes en ce moment, et la moitié de celles qui viendront à vaquer d'ici à l'époque qui fera fixée pour le premier examen de l'artillerie; mais à cette époque, il sera nommé aux places de seconds lieutenants conformément à l'article 2 du titre II de la loi du 27 avril 1791,
Art. 2.
« Le corps de l'artillerie sera augmenté de vingt-huit seconds capitaines, destinés à faire le service des côtes maritimes.
Art. 3.
« Sept seconds capitaines seront indépendants des ofnciers des compagnies; et néanmoins ce nombre de vingt-huit sera divisé en raison de quatre par régiment d'artillerie, qui concourront pour leur avancement avec les autres seconds capitaines pour prendre les compagnies.
Art. 4.
« De ces quatre seconds capitaines d'augmentation par régiment d'artillerie, les deux premiers auront 2,000 livres d'appointements par année, et les deux derniers 1,600 livres.
Art. 5.
« Ces seconds capitaines ne seront remplacés que pendant la guerre ; à la paix, ils seront remis dans les compagnies à mesure qu'il y; vaquera des places de capitaines. . « La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre la somme de 56,448 livres pour le montant des appointements et du logement de ces officiers, suivant l'aperçu que le ministre en a fourni, et dont l'état est annexé au présent décret.
Aperçu du. montant des appointements et du logement des vingt-huit seconds capitaines dans le corps de l'artillerie.
Quatorze seconds capitaines à 2,000 livres par
an...............................................28,000 liv.
Quatorze idem...........à 1,600 1.
idem............................... 22,400
Pour le prix du logement qui doit leur être payé à 18 livres par mois chacun................................ 6 ,048
Total pour l'entretien annuel de vingt-huit seconds capitaines d'augmentation dans le corps dé l'artillerie................................ 56,448 liv.
Je ne viens pas protester contre le projet de décret; je viens vous dire
seulement : Prenez garde vous créez des jeunes gens pour commander à de vieux soldats, vous créez officiers des élèves. Les canonniers, le 20 septembre, ont montré qu'ils étaient les meilleurs de l'Europe, ils ont sauvé la République, et vous ne pouvez être plus justes qu'en leur donnant moitié des places vacantes.
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de la guerre, soumet à la discussion (1) un projet relatif à une pétition faite par le citoyen Lièvre pour levée d'une compagnie de gendarmerie à cheval ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre décrète ce qui suit : « Art 1er. La Convention nationale confirme l'approbation donnée par le ministre Servan, à la levée d'une compagnie de gendarmerie, destinée aux approvisionnements des subsistances de la ville de Paris, ou à toute autre destination que le conseil exécutif pourra juger convenable.
« Art. 2. La composition de cette compagnie sera en tout conforme à celle des autres compagnies de gendarmerie, réglée par la loi du 28 août 1791.
« Art. 3. Le mode de retenue pour les avances faites au citoyen Lièvre, pour servir à l'équipement de ladite compagnie, sera opéré sur les individus, de la même manière que sur les autres corps dont le traitement est le même.
« Art. 4. Il sera tenu compte aux individus, officiers, sous-officiers de cette compagnie, de leur traitement et solde, depuis le 3 octobre dernier, jour où ladite compagnie a été passé en revue, parle commissaire général du pouvoir exécutif, et dont copie conforme a été communiquée à la Convention le 28 du même mois.
« Art. 5. La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre, la somme de 114,300 livres, pour le traitement de ce corps, pendant une année complète ; et de plus, jusqu'à la concurrence de 55,992 livres 10 sous, pour son équipement et habillement, suivant l'aperçu fourni par le ministre de la guerre, lequel demeure annexé au présent décret; sur lesquelles sommes le ministre de la guerre retiendra celles qu'il peut déjà avoir avancées.
« Art. 6. Le ministre de la guerre rendra compte des sommes avancées au citoyen Lièvre, pour l'équipement et habillement de cette compagnie.
Tableau de la dépense de l'équipement et habillement d'une compagnie de gendarmerie.
Savoir:
Habillement et équipement par homme.
Habit, à raison ae..................111 1. 10 s.
Pour chapeau------........... . 32
Baudrier et sabre............- 23
Bottes......................32
Selle, housse, chaperon, mors
et bridon................. —,. 147
Ci par homme... —... 345 1. 10 s.
Et pour 113 hommes........ 39,041 1. 10 s.
Pour manteaux et porte-manteaux, à raison de 150 livres pour chaque
homme, ci pour
Etat de la dépense annuelle d'une compagnie de gendarmerie à cheval de 113 hommes, suivant la loi du 28 août 179-1. .
Savoir :
1 capitaine.......'.... : .? 2,600 liv.
3 lieutenants, à raison de 1,800 livres chacun......................5,400
4maréchaux-des-logis,àl,100 livres châcu n.................................4,400
Chaque maréchal-des-logis doit commander 9 hommes, suivant
l'article 5rde ladite loi; 12 brigadiers, chacun à raison de
1,000 livres..................................12,000
92 gendarmes à raison de 900 livres.....................................89,000
1 trompette.............................900
Total, 113 hommes..... 114,300 liv.
, secrétaire. Les sections du Marais et delà Réunion ont saisi le bureau d'une lettre dans laquelle ils font parvenir à la Convention leurs observations sur le citoyen Lièvre. Je crois qu'il serait bon d'en donner connaissance à rassemblée avant qu'elle prononçât sur le décret du comité de la guerre. En voici toujours la partie principale:
« Il a surpris, disent-ils (il s'agit du citoyen Lièvre), à l'assemblée un décret de renvoi de sa pétition au pouvoir exécutif, lequel lui a remis une somme dè 55,000 livrés pour établir une compagnie de gendarmes qui protégeât les approvisionnements de Paris. Cet homme a été garde de la Monnaie et chassé de sa place. Il a nommé son frère officier de gendarmerie dans sa compagnie; son fils, âgé de 12 ans, il l'a nommé capitaine. Il a fait écrire cés mots sur son guidon : Le mérite du citoyen le colonel Lelièvre. Il n'a pas de carte de citoyen, il n'a jamais fait de service dans la garde nationale. Et voilà l'homme que l'on vous représente comme ayant sauve le Trésor public le 3 septembre.
(d'Angers). Je demande la question préalable sur le projet du comité de la guerre, et le renvoi de cette lettre au pouvoir exécutif, {Jour se faire rendre compte des sommes remise^ à la disposition du citoyen Lièvre et incorporer dans l'armée ou dans la gendarmerie de la République les hommes qui en seront jugés dignes.
(La Convention adopte la motion de Delau-nay.)-; y isà/Xî ^ « WM -Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète qu'il n'y a lieu à délibérer sur le projet présenté par son comité de la guerre;
Renvoie au pouvoir exécutif pour se faire rendre compte des sommes remises à la disposition du citoyen Lièvre, et incorporer dans l'armée ou dans la gendarmerie de la République les hommes levés qui en seront jugés dignes. »
, au nom du comité des finances, soumet à la discussion un projet de
décret (i) pour parvenir à Vexécution du décret du 8 novembre 1792,
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances sur les comptes qui lui ont été rendus par le dépar^ tement et la municipalité de Paris, desquels il résulte que la Maison de secours a mis en émission pour 10,213,500 livres de: billpts ; ; que déjà il en a étéretiré pour7,227,4371ivres; qu'i 1 en reste en circulation pour la somme de 2,986,063 livres, pour le payement de laquelle il n'y à qu'un actif présumé de 1,267,052 liv. 7 fr..6d- , de sorte qu'il manquerait la somme de 1,719,010. liv. 12 s. 6 d. pour opérer leur entier retirement ;
« Qu en joignant à cette somme : 1° les3,030,000 livres dues au Trésor public par le département de Paris, et qui ont été employées au retirement dè partie desdits billets ; 2° les non-valeurs què pourra éprouver la rentrée de l'actif, le déficit s'élèvera à environ 5,200,000 livres; que, pour arrêter entièrementla circulation desdits billets, sans que les citoyens pauvres aient à en souffrir, la Convention a déjà décrété une nouvelle avance de 1 million au département de Paris, et que cette avance, ainsi que les précédentes, et la somme nécessaire pour couvrir le déficit, seraient levées sur le département de Paris par une contribution extraordinaire, décrète ce qui suit:
TITRE PREMIER
Distribution du million d'avance décrétée le
Art. 1er.
« Dans le jour de la publication du présent décret, il sera remis par le ministre de l'intérieur, à la disposition du département de Paris, une somme de 400,000 livres sur le million accordé par le décret du 8 de ce mois.
Art. 2.
« Il sera remis de suite, par les ordres du département, à chacun des seize receveurs des contributions de Paris, une somme de 25,000 livres
sou r échanger les billets de parchemin ou de la Maison de secours.
Art. 3.
« Chaque receveur est autorisé à choisir, pour l'aider, un contrôleur sous sa responsabilité. L'indemnité du contrôleur sera réglée par le département, sur la proposition de la municipalité, et ne pourra excéder 200 livres par mois.
Art 4.
» Lesdits receveurs seront tenus de tenir leurs bureaux ouverts, et de faire lesdits échanges depuis 8 heures du matin jusqu'à 2 heures après midi. Le conseil général de la commune de Paris nommera des commissaires en nombre suffisant, à l'effet que chaque receveur soit toujours assisté d'un commissaire pendant le temps des échanges.
Art. 5.
« Il sera accordé une indemnité à chaque rece-véur, laquelle sera réglée par le département sur l'avis de la municipalité, et ne pourra excéder
un denier pour livre sur l'échange effectif.
Art. 6.
« Aucun porteur des billets à échanger ne pourra s'adresser qu'au receveur de son arrondissement, et sera tenu, à cet effet, de représenter un certificat de la section de son domicile.
Art. 7.
« Tout porteur de billets à échanger ne pourra exiger à chaque fois un échange au-dessus de 25 livres.
Art. 8.
« Pour accélérer l'échange des billets de secours dans les départements voisins de Paris, il sera nommé six commissaires, lesquels seront tenus de se rendre à Versailles, Laon, Châlons, Melun, Chartres et Beauvais; d'y ouvrir de suite des bureaux d'échange, et de les tenir ouverts au moins huit heures par jour.
Art. 9.
« Les six commissaires seront nommés par le département de Paris, et leur traitement réglé par lui. Leurs fonctions ne pourront être prolongées au delà du 1er janvier prochain.
Art. 10.
« Il sera remis à chacun de ces commissaires, par les ordres du département, une somme suffisante pour commencer les échanges.
Art. 11.
« Les billets seront annulés par une croix au fur et à mesure de leur remboursement. Seront de même barrés par les receveurs et commissaires, et rendus aux porteurs, les billets reconnus faux.
Art. 12.
« Les départements veilleront à ce que l'ordre soit exactement maintenu dans les lieux d'échange.
Art. 13.
« Aussitôt que chaque receveur de Paris et chacun des commissaires envoyés dans les six départements, auront échangé des billets, les premiers pour une somme de 5,000, les seconds pour celle de 10,000, ils les remettront par voie sûre au département de Paris, où, en présence de deux commissaires nommés par la municipalité, et d'un commissaire nommé par le directoire du département, il sera procédé à leur comptage et vérification, pour en être de suite donné décharge aux receveurs ou commissaires, qui resteront responsables des faux billets.
Art. 14.
« Il sera dressé procès-verbal de cette opération. Le brûlement des billets ainsi vérifiés sera fait chaque dimanche à une heure indiquée, sur la place publique la plus voisine du lieu des séances du département.
Art. 15.
« Le ministre de l'intérieur remettra successi, vement à la disposition du département de Paris-au fur et à mesure du brûlement des billets, le surplus du million décrété pour l'échange.
Art. 16.
« Au moyen de l'ouverture de l'échange desdits billets, ils ne seront plus reçus dans ies caisses publiques.
TITRE II.
Mode de recouvrement.
Art. 17.
« Le remboursement de la somme de 4 millions 30,000 livres avancée par le Trésor public au département et à la municipalité de Paris, pour échanger des billets de parchemin ou de la Maison de secours, sera fait par le produit d'une contribution additionelle aux rôles des contributions foncière et mobilière de 1791,1792 et 1793.
Art. 18.
La contribution additionnelle au rôle de la contribution foncière, sera de 1 sou 6 deniers pour livre du montant du principal de cette contribution.
Art. 19
11l sera imposé sur le rôle de la contribution mobilière, d'après la cote d'habitation de chaque contribuable dont le revenu est présumé de 900 livres, et sans déduction, une cote additionnelle, comme suit, pendant lesdits trois années.
« Celui dont le revenu présumé sera de 900 livres à 3,000 livres, sera taxé au trois-centième de son revenu présumé ; sa taxe sera égale à sa cote d'habitation.
« Celui dont le revenu présumé sera de 3,000 à 5,000 livres, sera taxé à trois huit-centièmes de son revenu présumé ; sa taxe sera de sa cote d'habitation; plus, un huitième.
« Celui dont le revenu présumé sera de 6,000 à 10,000 livres, sera taxé à un deux cent-quarantième de son revenu; sa taxe sera de sa cote d'habitation; plus deux huitièmes.
« Celui dont le revenu persumé sera de 10,000 à 15,000 livres, aura une taxe égale à sa taxe d'habitation ; plus, trois huitièmes.
« De 15,000 à 20,000 livres, une cote d'habitation ; plus, quatre huitièmes.
« De 20,000 à 25,000 livres, une cote d'habitation: plus cinq huitièmes.
« De 25,000 à 30,000 livres, une cote d'habitation; plus, six huitièmes.
« De 30,000 à 40,000 livres, un cent-soixantième ou une cote d'habitation ; plus, sept huitièmes.
« De 40,000 à 50,000 livres, un cent-cinquantième, ou deux cotes d'habitation.
« D(? 50,000 à 60,000 livres, deux cotes; plus, un huitième.
« De 60,000 à 72,000 livres, trois quatre-centièmes ou deux cotes, plus deux huitièmes.
« De 72,000 à 85,000 livres, deux cotes, plus trois huitièmes.
« De 85,000 à 100,000 livres, deux cotes, plus quatre huitièmes.
De 100,000 à 115,000 livres, deux cotes, plus cinq huitièmes.
«De 115,000à 130,000 livres, deux cotes, plus six huitièmes.
« De 130,000 à 150,000 livres, deux cotes, plus sept huitièmes.
« De 150,000 à 500,000 livres, un centième ou trois cotes.
« De 500,000 à 1,000,000 de livres, un soixante-quinzième ou quatre cotes.
« De 1,000,000 de livres et au-dessus, un soixantième ou cinq cotes.
Art. 20.
« Les receveurs des contributions seront tenus de percevoir les contributions additionnelles en même temps que le surplus des contributions et de faire mention, tant sur leurs quittances qu'à la marge de leurs rôles, de ce qu'ils auront reçu.
Art. 21.
« Ils prendront, d'ici au 1er janvier 1793, en payement desdites contributions additionnelles, les billets de parchemin ou de la Maison de secours, sous leur responsabilité pour les faux billets.
Art. 22.
« Il joindront à leurs bordereaux de recettes ordinaires un bordereau particulier de l'état du recouvrement des contributions additionnelles.
Art. 23.
« Les deniers provenant desdites contributions additionnelles seront versés à la caisse publique, avec les contributions directes; le département de Paris y fera verser de même les recouvrements de l'actif des Maisons de secours ou des billets de parchemin qui doivent être faits par la municipalité, à la requête et diligence du procureur de la commune. Les premiers deniers qui rentreront, tant des contributions additionnelles que desdits recouvrements, jusqu'à concurrence de 2 millions, seront tenus, par les commissaires de la trésorerie nationale, à la disposition du ministre de l'intérieur, pour être par lui remis à la disposition du département, au furet à mesure du brûlement desdits billets, après l'épuisement du dernier million d'avance, et être employés au remboursement du restant des billets de parchemin ou de la maison de secours, ou jusqu'à ce qu'ils aient été retirés.
Art. 24.
« Le ministre de l'intérieur rendra compte, dans le mois, à la Convention nationale, de l'état des échanges, de la rentrée du recouvrement de l'actif des maisons de secours et des billets de parchemin, et des contributions additionnelles : il rendra compte en même temps des mesures prises contre les entrepreneurs, directeurs, associés et intéressés dans lesdites caisses.
Art. 25.
« Dans le cas où, par la rentrée des contributions additionnelles et des recouvrements, il se trouverait un excédent du remboursement aû au Trésor public par le département et la municipalité de Paris, ledit excédent sera remplacé en moins imposé au profit des contribuables qui auront fourni à la contribution. »
Un membre propose, par amendement, de faire accompagner les commissaires du département de Paris, par deux officiers municipaux dans chaque commune.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur cet amendement et adopte le projet de décret présenté par Defermon.)
, secrétaire»
donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, relative aux châteaux des émigrés; celte lettre est ainsi conçue j.
Le ministre de l'intérieur au Président de la Convention nationale.
Paris, le
« Plusieurs départements m'envoient, sur la destination des ci-devant châteaux des émigrés, des vues que je vais soumettre à la Convention nationale. Ces monuments de féodalité subsiste-ront-ils tels qu'ils sont ? passeront-ils avec leurs tours menaçantes dans les mains des nouveaux propriétaires. Telle est la question que je soumets à sa sagesse. Les lois sur la vente des biens des émigrés ont .sagement voulu qu'ils fussent divisés en autant ae parties qu'il serait possible. Les châteaux formeront donc presque un lot, et ce lot se vendra mal, parce que ces bâtiments somptueux et immenses ne convenaient au propriétaire qu'autant qu'il y joignait des possessions considérables. Cette ambition ne pouvant plus être satisfaite, grâce à vos sages décrets, il faudrait donc convertir en d'autres usages le séjour des ci-devant seigneurs. Il conviendrait d'en vendre les matériaux en détail, et cette vente s'effectuerait sans dépense et sans confusion, en char* geant les acquéreurs de la démolition, et en ivisant les bâtiments par parties, bien distinctes et séparées. On aurait alors pour enchérisseurs (en réalisant la vente des châteaux après celle de tous les fonds en dépendant), on aurait alors pour enchérisseurs tous les nouveaux acquéreurs qui, jalouxdese faire une habitation dans leurs nouvelles propriétés, joncheront ces campagnes de maisons utiles? riantes et commodes, nées des colosses qui ont si longtemps pesé sur la France.
« Voilà l'exposition sommaire des pétitions innombrables, qui sont faites; je ne doute pas qu'elles ne soient prises fortement en considération par la Convention nationale.
« Signé : Roland. »
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'aliénation et d'instruction publique réunis.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de la section Mauconseil qui adresse à la Convention une pétition et un paquet cacheté contenant des pièces relatives à l'affaire de Réthel.
(La Convention renvoie ces pièces aux comités de la guerre et de sûreté générale réunis.)
J'annonce à la Convention, dont le devoir et le but sont de former l'esprit public, que Lindet, évêque d'Evreux, s'est marié. J'en emande la mention honorable. (Rires.)
Un membre:Je la demande pour ma femme, qui vient de donner un citoyen à la République; elle est accouchée d'hier au soir. (Rires.)
(de la Marne). Je demande l'ordre du jour, motivé sur ce qu'on ne doit pas de reconnaissance à qui ne fait que son devoir de citoyen.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
Avant que l'on reprenne ia discussion des émigrés, je demande à faire une motion d'ordre. On s'étonne dans les départements de ce que ia Convention ayant commencé une discussion sur le ci-devant roi, l'a interrompue. Je sais rendre justice à la Convention. Le prestige de la royauté s'est évanoui avec la proclamation de la République; mais les étrangers vous observent, vos ennemis vous épient, vousdevezjusticc
à la nation qui vous la demande ; ce n'est pas que je veuille que vous consacriez tout votre temps à cette affaire, mais je demande que vous y assigniez deux jours par semaine, le mercredi et le samedi, et que cet ordre commence mercredi prochain. (Applaudissements.) „
(La Convention décrète la motion de Gouthon.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre Roland, du ministre de l'intérieur, qui envoie la note des décrets adressés aux départements.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion \ 1) du projet de décret du comité de législation concernant les pénalités encourues par les émigrés.
, rapporteur, présente une rédaction en deux articles, destinés à remplacer l'article 12 renvoyé au comité et portant nullité des actes gratuits faits par les émigrés.
Quelques membres contestent l'époque choisie par le comité et demandent à y substituer l'époque du premier juillet 1789.
(sans désignation) propose la rédaction suivante en un seul article :
« Toutes donations entre vifs ou à cause de mort, même celles faites par testaments et codi-ciles, et tous autres actes de libéralité faits par des émigrés, ou leurs fondés de pouvoirs, depuis le 1er juillet 1789, sont nuls et ae nuls effets. »
(La Convention adopte cette rédaction; puis décrète sauf rédaction divers articles qui seront insérés dans le décret général (2).
, rapporteur, présente une addition à l'article 4 en faveur des savants et artistes qui sont allés étudier en pays étrangers.
(Cette exception soulève de vils débats.)
Quelques membres demandant que la loi frappe tous les absents par crainte que les émigrés ne profitent de l'exception.
Il existe une loi qui regarde les artistes. Législateurs, vous devez respecter la morale, la foi publique. Vous avez dit a un artiste : « Tu peux aller en pays étranger », Maintenant que les circonstances ont changé, vous lui tendez un piège, et quoi qu'il soit allé s'instruire pour acquérir des sciences utiles à la patrie, vous le frappez du glaive de la loi et vous le confondez avec ceux qui trahissent la République.
Vous ne pouvez pas priver la République d'hommes qui pourront un jour l'illustrer. Vous ne voulez pas aux yeux de l'Europe vous déshonorer par un décret injuste. Embellissons un peu la Révolution par les sciences et les arts et renvoyons au comité pour présenter un article plus exactement rédigé.
Les jeunes artistes ont plus fait à Rome que s'ils eussent été à Paris. Ils vous ont fait des prosélytes en pays étranger ; ils ont été les apôtres de la Révolution. Distinguez les jeunes artistes des vieux ; les premiers ont des vertus, ils aiment la patrie et vous ne pouvez les en exiler.
(La Convention renvoie l'article au comité
, secrétaire, fait lecture d'une lettre de Monge, ministre de la marine, qui annonce qu'il a reçu des nouvelles du contre-amiral Truguet. Suit la teneur de ladite lettre : « Je m'empresse d'annoncer à la Convention nationale que je viens de recevoir des nouvelles dé la flotte de la Méditerranée- Le contre-amiral Truguet, qui la commande, m'écrit qu'il a enfin reçu les ordres et instructions que le conseil exécutif provisoire lui a expédiés le 18 octobre dernier. Ce général est disposé à remplir, en vrai républicain, la mission dont il est chargé. »
« Signé: Monge. »
(La séance est levée à 5 heures.)
Séance du
présidence de hérault de séchelles, ancien président.
La séance est ouverte à dix heures et demie.
, secrétaire, donne lecture de la liste des dons patriotiques adressés à la Convention dépuis et y compris le 18 novembre jusqu'à ce jour.
Suit la teneur de cette liste :
Du
1° Le citoyen Pechsiora, ancien capitaine au régiment de Viennois, résidant à Plouescat, district de Lesneven, département du Finistère, a fait parvenir sa décoration militaire, obtenue il y a 18 mois, après 36 années de service ;
2° Le citoyen Godard, capitaine au 9e régiment d'infanterie, ci-devant Normandie, a fait remettre, par l'intermédiaire des officiers municipaux de Maintenon, sa croix de Saint-Louis et quatre écus de 6 livres pour les Lillois;
3° Le citoyen Egalité a déposé sur le bureau deux croix ae l'ordre militaire, et deux grands colliers de l'ordre du Saint-Esprit, et quatre grandes croix du même ordre ;
4° Le citoyen Chazaud Duteil, adjudant général au camp de Meaux, a fait déposer sa décoration militaire et sort brevet du 8 avril 1792 ;
5° Le citoyen Du fer on Delamache, garde national républicain, â Bayèux, a fait déposer une croix de mérite, une décoration militaire et son brevet du 14 septembre 1788;
Le citoyen Tugnot, lieutenant-colonel, commandant du bataillondes volontaires de laHaute-Saône, en garnison à Sar-Louis, a fait parvenir sa décoration militaire ;
7° Le citoyen Raymond, officier général et curé de Chanu, département de l'Orne, a écrit que sept curés et lui s'étaient engagés de payer, pour les frais de la guerre, ?00 livres par chaque quartier.
8° La citoyenne Thérèse Colinet, rue de Seine, petit hôtel ae Toulouse, a donné, pour les habitants de Lille, 14 livres, dont 9 livres en argent, et 5 livres en un corset.
9° Les habitants du bourg de Lihons, district de 'Péronne, département de la Somme, ont donné,
pour les frais de la guerre, 16 1. 10 s. en billets de la maison de secours.
10° Le citoyen Dutilleul, l'un des premiers commis de la direction générale de la liquidation, a fait parvenir 520 livres, montant de la collecte faite entre les employés à la direction, pour les frais de la guerre.
Du lundi 19.
11° Le citoyen Springsfeldl a fait déposer sa décoration militaire, meritée par 38 années de service et nombre de blessures.
12° Le citoyen Châteauneuf, résidant de la République, à Genève, à fait déposer, par le ministre des affaires étrangères, sa décoration militaire, et trois assignats ae 50 livres pour les Lillois.
13° Les citoyens Jean-Pierre Serres Bransolle, officier de mérite au soixante-dixième régiment d'infanterie, et Bernard Tondut, officier invalide, en garnison au château de la cité de Carcassonne, ont fait déposer, par les députés du département de l'Aude, chacun leur décoration militaire.
Du mardi 20.
14° Le citoyen Legrand, maire au Pont-Saint-Esprit, et officiers de mérite, a fait déposer sa décoration militaire.
150 Le citoyen Duprat, premier lieutenant-colonel du troisième bataillon de la Moselle, et commandant temporaire de Thionville, a fait déposer sa décoration militaire.
16° Vigor-Boudin, capitaine au cent-deuxième régiment, ci-devant garde française, a fait déposer sa décoration militaire.
17° Le citoyen Roger, premier lieutenant-colonel de la dix-huitième division de gendarmerie, sa décoration.
18° Le citoyen Dardenne, capitaine de gendarmerie à la résidence d'Epinal, sa décoration.
19° Les citoyens Lamiche et Athanas, officiers retirés à Epinal, leur décoration militaire.
20° Le procureur syndic du district de Tonnerre, département de l'Yonne, a fait parvenir la soumission de Jean-Baptiste Daret, le jeune, homme de loi, et accusateur public près le tribunal du district de Tonnerre, en date du 11 mai dernier, par laquelle il abandonne à la patrie le quartier de son traitement échu le Ier juillet dernier, montant à 225 livres.
21° Même soumission de la part d'Edme Marti-neau, prêtre, curé de Nitry, en date du 28 avril dernier, la somme de 125 livres échue au 1er juillet dernier.
Du mercredi 21.
22° Le citoyen Lanjuinais, député du département de rille-et-Vilaine, a déposé la décoration militaire du citoyen Jacques-Christophe Bertin.
23° Le citoyen Dupré, graveur général des monnaies de la République Française, a déposé 500 livres en assignats qu'il vient de toucher, faisant le tiers du prix d'encouragement qui lui a été accordé le 23 avril dernier ; il destine cette somme au soulagement des veuves de nos frères d'armes morts dans la lutte de la liberté contre la tyrannie.
II promet de donner à la patrie les deux autres tiers, lorsqu'il les touchera.
Du jeudi 22.
24° La Société des Amis de la liberté et de l'égalité, séante à Entrevaux, département des Basses-Alpes, a donné, pour les veuves de la journée du 10, 100 livres en deux assignats de 50 livres.
25° La municipalité d'Anse, district de Ville-franche, département de Rhône-et-Loire, par addition à son offrande du 25 mai, a fait déposer, our les frais de la guerre, un assignat de 0 livres.
26° La municipalité d'Ambérieu d'Azergue, même département, a fait déposer 31 livres 15 sols pour les frais de la guerre.
Du vendredi 23.
27° Le citoyen Jean Mullon, lieutenant de vaisseaux de la République, en rade à Dunkerque, a fait parvenir sa décoration militaire, qu'il, se flattait depuis longtemps de venir déposer sur l'autel de la patrie.
28° Le citoyen Bonard, président de la société de l'Egalité, séante à Auray, département du Morbihan, a fait parvenir, pour les frais de la guerre :
Argent de France....... 82 1. 7 f.
Argent étranger........ 22
Assignats . ...........185
Du samedi 24.
29° Les citoyens Labarre, colonel du quinzième régiment de dragons, ci-devant Noailles ; Ver-dillard, fils, demeurant à Brilhas, district de Con-follens; Teyssier, capitaine de la gendarmerie, nationale à Alby ; Charles-Louis-Théophile Bertel, ont fait déposer chacun leur décoration militaire à l'exception de Verdillard, qui a donné celle de Jean-Joseph-César Bazillas, son aïeul maternel.
30° Les citoyens Larogue, Mauvesin, Burgne, Julien, Simard, Massène, Bourbonne et Luet, officiers employés dans l'armée de Savoie, ont envoyé chacun leur décoration militaire.
31° Les administrateurs et procureur syndic du directoire du district de Sisteron, département des Basses-Alpes, ont envoyé, pour les frais de la guerre, 400 livres en assignats.
(La Convention nationale accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité des pétitions et de correspondance, fait un rapport (1) sur diverses adresses et pétitions envoyées à la Convention ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, je suis chargé par le comité des pétitions et de correspondance de vous rendre compte des réclamations générales et des vœux consignés dans les adresses qui arrivent journellement des diverses parties de la République.
L'assemblée électorale du département des Ardennes, les administrateurs
du district de Langeais, les conseils généraux des communes de Graon et
de Villeneuve-du-Lot, le conseil général et les citoyens de Saint-Malo,
la municipalité de Château-Renard, département des Bouches-du-Rhône; les
citoyens de Château-Salins; les citoyens et citoyennes de Chartres ; les
sociétés populaires de Guissac, département du Gard ; de
En exprimant le même vœu, le conseil général du département du Gers jure anathème à quiconque chercherait à ébranler les bases que la Convention nationale a posées; les président, juges et commissaires national du tribunal du district de Cambrai remercient la Convention du décret qui admet tous les citoyens à remplir les places ae juge; les administrateurs du district a'Hyères rendent compte que le commissaire national, par eux nommé, n'a accepté cette commission que sous la condition que les émoluments qui y sont attachés serviront aux frais dé la guerre tant qu'elle durera.
Aux mêmes sentiments de gratitude pour l'abolition de la royauté, les citoyens de Rosny, et le conseil général de la commune de Saint-Claude, ajoutent le vœu formel que le ci-devant roi et son infâme compagne soient livrés au glaive de la justice, afin, disent ces bons républicains du Jura, que leur supplice épouvante celui qui, sous toute dénomination que ce pût être, ambitionnerait d'usurper la souveraineté du peuple ; les citoyens de Rosny voudraient de plus qui leur fût permis d'élire leur curé.
L'assemblée électorale du département du Rhône-et-Loire, en partageant entièrement les sentiments de celle des Ardennes, attend avec impatience une bonne Constitution, et vous rappelle que le silence des lois est le plus grand des maux. Soyez unis, dit-elle, tous les Français le seront, et comptez moins sur une garde que sur vos vertus et sur l'amour du peuple. Les citoyens de Sablon éprouvent également, en vous offrant tout leur sang pour le maintien des lois, le projet d'une garde départementale. Mais le conseil général du département de la Gironde, les conseils généraux des communes de Villeneuve, département du Lot-et-Garonne, de Fécamp et de Carcassonne, les sociétés populaires de Sisteron et de Roquemaure, les citoyens du Puy, département de la Haute-Loire, et ceux de la ville de Brest, applaudissent ancontraire au projet d'une force armée auprès de la Convention; et ces derniers ajoutent même que leurs frères sont prêts à partir.
Tous ces vœux divers et différemment exprimés sont inséparablement unis au désir fortement prononcé par tous les citoyens qui les émettent de maintenir la liberté et l'égalité jusqu'à la dernière goutte de leur sang, et de voir le règne de la loi, cette divinité des peuples libres, solidement établi ; s'il se trouvait ae nouveaux Césars, s'écrient les amis de la liberté de Meilhan, des nouveaux Brutus se lèveraient en foule pour leur donner la mort. Songez, législateurs, disent les citoyens de Noyon, que la liberté ne peut exister sans de bonnes mœurs, un respect profond pour la loi et une union parfaite entre tous les citoyens; et ils pensent que pour établir cette union, il serait utile de renouveler la fête du 14 juillet 1790. Les citoyens de Lorient, qui n'ont plus de jeunes gens à offrir pour défense de la patrie, sont prêts à voler aux frontières pour remplacer ceux qui ont eu le malheur de périr en combattant pour elle et afin de venger leur mort. Cette union parfa/te qui fait l'objet des sollicitudes des citoyens de
Noyon, l'est aussi des citoyens de la ville de Viliefranche, de ses corps administratifs, de sa garde nationale et du cinquième bataillon des volontaires de Rhône-et-Loire; et cela est plus vivement exprimé encore dans un discours prcn nonce dans la société populaire de Perpignan, par un sous-officier du 61° régiment d'infanterie. Tous ces bons citoyens vouent à l'exécration les agitateurs et les ambitieux, et se plaignent de ce qu'on s'efforce de substituer l'anarchie au culte de la loi.
11 est bien doux pour votre comité de n'avoir à vous rendre compte que des vœux et des désirs si dignes d'un peuple libre; mais ce qui lui rend la tâche qu'il remplit encore plus agréable, c'est de voir et de vous annoncer que la raison dissipe tous les nuages qu'avaient, pendant tant de siècles, amoncelés les préjugés, et acquiert un plus grand horizon. Le citoyen Joseph Lebon, ci-devant curé de Neuville, et actuellement maire d'Arras, fait part à la Convention du mariage qu'il vient de contracter et lui fait hommage du discours qu'il a prononcé dans cette occasion ; et un prêtre piémontais vous écrit de Madrid qu'il fait de vœux pour la réussite de vos travaux, et vous offre ses services pour vous aider à naturaliser dans le pays qu'il habite les sublimes principes de la raison et de la liberté. Je finis, citoyens, en vous faisant connaître le vœu des citoyens dés Andelys pour obtenir une loi qui règle promptement le mode de partage des communaux, et le dévouement des officiers, sous-officiers et volontaires du 4e bataillon de l'Isère, qui ont juré de ne quitterl eurs drapeaux que lorsque la patrie n'aura plus besoin de leurs bras.
Je demande mention honorable de toutes ces adresses et le renvoi aux divers comités qu'elles concernent.
(La Convention ordonne la mention honorable de ces adresses et le renvoi aux divers comités qu'elles concernent. Elle décrète l'impression du rapport de Duplantier et son insertion au Bulletin (1).
, au nom du comité d'instruction publique, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur la suppression de la place de directeur de l'Académie de France à'Rome ; il s'exprime ainsi :
Plusieurs artistes vous ont demandé la suppression des académies de peinture et d'architecture (2). Vous avez renvoyé leur pétition à l'examen de votre comité d'instruction publique ; je viens en faire le rapport en son nom et vous présenter un objet sur lequel il est très urgent que vous voûs prononciez.
Vous voyez sans doute avec peine, législateurs, des corporations sous le nom d'académies, dont plusieurs furent créées pour servir la vanité et l'ambition des cours, bien plus que par amour pour les progrès de l'esprit humain, insulter encore à la Révolution française, en restant debout au milieu des décombres de toutes les créations royales.
C'est aux lettres et à la philosophie que nous sommes redevables du grand
caractère que prend
Mais la raison a souvent gémi de voir des hommes, enivrés par les caresses des grands et plus affamés de vaines distinctions que d'une gloire utile, rechercher avec une avidité scandaleuse le privilège exclusif de mutiler, par une censure barbare, les productions de la philosophie et du génie qui montraient de la sagesse et du courage. Ces mêmes hommes prostituaient leurs talents à encenser l'audace et l'impudeur des despotes, à faire l'apothéose du vice et de la sottise, qui le leur rendaient par des cordons, des diplômes, et par cet accueil dédaigneux que la bassesse recevait comme un bienfait, que tout être pensant regardait comme une injure.
Aujourd'hui le masque est tombé ; les géants de l'orgueil sont renversés. Le génie, rendu à ses propres conceptions, ne fera plus respirer la toile et le marbre que pour la liberté et l'égalité.
Mais le fantôme de ces jurandes des beaux-arts ne sera-t-il plus longtemps souffert parmi nous?
Votre comité pense que vous ne devez pas vous occuper de destructions partielles et que le même coup doit frapper toutes les académies de la France, mais'il pense aussi que vous ne devez le faire que lorsqu'en vous occupant de l'organisation générale de l'instruction publique vous prendrez des mesures pour les branches d'enseignement dépendantes de quelques académies, pour la conservation des objets précieux qui sont sous leur garde et pour des opérations importantes confiées à quelques-unes d'elles.
Vous ne devez abattre que lorsque vous pourrez réédifier, afin que les seiences et les arts n'en reçoivent pas une secousse funeste.
Mais il importe que vous arrêtiez les abus de leur autorite chancelante, surtout lorsqu'en nuisant aux arts ils peuvent nuire encore à notre Révolution.
Il existe à Rome, sous le titre d'académie de France, un corps d'élèves en peinture, sculpture et architecture, sous la direction d'un artiste français, nommé jusqu'à présent par le roi.
Ces élèves, reconnus dignes des regards et de l'appui de la nation, sont envoyés à Rome pour exercer leurs crayons et dérober le secret du génie en copiant les chefs-d'œuvre échappés à fa faux du temps.
Par une suite d'un régime barbare et que vous devez vous empresser de détruire, ces jeunes artistes sont mal logés, mal nourris, impitoyablement délaissés, pendant que le directeur vit somptueusement au milieu des attributs de la royauté, qu'une cour orgueilleuse a fait placer dans le palais qu'il habite, et déploie le faste insolent d'un représentant royal de l'an-jcienne diplomatie.
La place est dans ce moment vacante ; et nous la croyons inutile, nuisible même à l'esprit de l'institution : ce n'est pas au milieu des productions des Raphaël et des Michel-Ange que des artistes dans la vigueur de l'âge pourront être dirigés avec fruit par un homme inférieur à ces grands maîtres et déjà lui-même glacé par Pâge.-
Une surveillance trop rigoureuse ne convient pas mieux aux élèves artistes qui sont appelés,
par la nature de leur art, à exercer librement leur génie.
Ce qu'il leur faut, c'est une surveillance morale, fraternelle et de confiance ; C'est un puissant appui contre les vexations auxquelles les amis de la liberté sont souvent exposés, dans un pays où l'on s'honore encore de la servitude; où l'ignorance, l'erreur et le préjugé sont effrontément présentés comme la source d'une félicité éternelle.
Votre comité vous, propose en conséquence de supprimer la place de directeur de cette académie : la nation y gagnera environ 50,000 livres par an. L'agent de France pourra lui être substitué avec succès pour l'établissement.
Voici le projet de décret qu'il vous propose :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité d'instruction publique, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La place de directeur de l'académie française de peinture, sculpture et architecture établie à Rome, est supprimée. Cet établissement est mis sous la surveillance immédiate de l'agent de France.
Art. 2.
« Le conseil exécutif est chargé d'en changer, sans délai, le.régime, pour l'étanlir sur les principes de liberté et d'égalité qui dirigent la République française.
Art. 3.
« La Convention nationale suspend dès à présent, dans toutes les académie de France, toutes nominations et remplacements. »
(La Convention adopte ce projet de décret).
Je demande que le ministre des affaires étrangères donne des ordres à l'agent de France auprès de la Cour de Rome, pour faire disparaître les monuments de féodalité et d'idolâtrie qui existent encore dans l'hôtel de l'Académie de France à Rome. Je demande la destruction du trône et des bustes de Louis XIV et de Louis XV qui occupent les appartements du premier et que ces appartements servent d'atelier aux élèves.
Laissons à Kellermann le soin de faire tomber tous ces monuments de l'orgueil et de la servitude et de les confondre dans la poussière avec les emblèmes de l'oppression sacerdotale ; n'exposons pas ainsi nos leunes artistes, que l'amour des arts a conduits à Rome, au ressentiment d'un prêtre et aux poignards de ses sbires.
J'observe que le pape n'exerce pas dans Rome un pouvoir absolu. Cette ville est divisée en plusieurs juridictions, telle que celles d'Espagne, de Portugal, de France, etc. Elle offre en quelque sorte aux artistes une patrie et des lois particulières dont ils peuvent invoquer l'appui. Ce n'est jamais que par lajfaute du' résident de leur nation qu'ils peuvent être oppri*-més ; ils peuvent faire un autodafé de ces bustes, et je suis sûr que le peuple les applaudira.
(La Convention renvoie la proposition de David au pouvoir exécutif.)
Il existe encore à Versailles des valets du ci-devant roi, des pages, qui n'existent u'à grands frais, et aux dépens de la nation. Je emande que le ministre des affaires étrangères
rende compte des mesures qu'il a prises pour faire cesser ces dilapidations.
(La Convention renvofe ces observations au ministre de l'intérieur pour faire prendre des renseignements sur cet objet.)
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée, la soixante-deuxième et la soixante-troisième livraison du Voyage pittoresque de la France que les auteurs de cet ouvrage m'ont remis à cet effet.
Je sollicite pour eux la mention honorable et l'insertion de leur offrande au procès-verbal.
(La Convention décrète la mention honorable et l'insertion de l'offrande au procès-verbal.
, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet de décret pour ordonner que Thomas Imbert, lieutenant de vaisseau, sera continué dans Vexercice de ses fonctions ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, sur la pétition du citoyen Imbert, lieutenant de vaisseau, et la lettre du ministre qui y est relative; considérant que cet officier a justifié la légitimité des obstacles qui l'ont empêché de se trouver à la revue du 15 mars dernier, ainsi que du désir qu'il a manifesté de satisfaire au vœu de la loi, dès qu'il a été en son pouvoir de le faire décrète que Thomas Imbert, lieutenant de vaisseau, est continué dans l'exercice de ses fonctions, et que le ministre est autorisé à lui faire payer ses appointements, selon ce qui est prescrit par la loi du 1er mai 1792. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité d~es finances, fait un rapport présente un projet de décret pour ordonner qu'Usera mis à la disposition du ministre de l'intérieur la somme nécessaire au paiement du loyer des bureaux de l'ancienne administration du commerce et à celui des appointements des ci-devant préposés à la marque des étoffes; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :
La trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur, jusqu'à concurrence de la somme de 32,023 livres 10 sols, pour être employée au paiement de loyers des bureaux de l'ancienne administration du commerce, et à celui des appointements des ci-devant préposés à la marque des étoffes, ainsi que des autres dépenses relatives à cet objet, suivant l'aperçu présenté par le ministre, qui vérifiera et arrêtera lesdites dépensés. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comités des finances fait un rapport et présente un projet de décret tendant à mettre à la disposition du ministre de la marine un fonds extraordinaire de 12, 171, 388 ivres pour être par lui employé a acquitter les dépenses de l'expédition ordonnée pour les Iles du Vent ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète que la Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la mariné, jusqu'à concurrence de la somme de 9,268,92$ livres, laquelle jointe au fonds de.2,902,463 livres mis à sa disposition par le décret du 25 octobre dernier, forme celle de 12,171,388 livres pour être par lui employée à acquitter les dépenses de l'expédition ordonnée
pour les Iles du Vent, par les décrets des 9 et 14 ae ce mois, suivant l'aperçu qui en a été fourni par le ministre, et qui demeure annexé au présent décret.
Etat par aperçu des dépenses de Vexpédition des. Iles du Vent, ordonnée en novembre 1792, l'an premier de la République.
Frais d'armement pendant treize mois de campagne ........................ 2,078,996 1.
Dépense de l'armée de terre.. 6,109,200
Frais de passage de retour, tant des troupes que des commissaires civils et des officiers destinés à remplacer les états-ma-
jors rebelles...................3,305,582
Traitement annuel des commissaires civils et du secrétaire de
la commission.................77,610
Fonds mis à la disposition des dits commissaires pour dépenses imprévues pendant leur séjour. 600,000
12,171,388 I.
(La Convention adopte le projet du décret.)
Un membre: Je prie la Convention de revenir sur son décret au 24 novembre 1792, et d'en rapporter l'article 2, portant que les receveurs de district verseront directement dans la caisse de l'extraordinaire, le produit des ventes de grains ou farines provenant des avances faites par la trésorerie nationale aux départements, a question a été examinée par votre comité de commerce qui a vu les plus grands inconvénients à l'application de cet article, et qui m'a chargé d'en demander le retrait.
(La Convention nationale rapporte l'article 2 du décret du 24 novembre présent mois (1), portant que les receveurs de district verseront directement, dans la caisse de l'extraordinaire, le produit des ventes de grains ou farines provenant des avances faites par la trésorerie nationale aux départements.)
Je viens porter à la connaissance de la Convention que le comité de surveillance a, entre les mains* les cachets et griffes dont on s'est servi pour délivrer, au nom de la Commune de Paris, de faux passeports et de faux certificats de résidence. Je demande, dès à présent, la suppression de l'effet des certificats de résidence, délivrés par la commune de Paris.
(La Convention nationale suspend l'effet de tous les certificats de résidence, passeports et commissions donnés par la commune ae Paris depuis le 10 août dernier.)
Un mémbre, au nom du comité des finances, fait un rapport et présente un projet de décret sur les deux pétitions adressées à l'Assemblée législative par les départements des Côtes-du-Nord et d'Ille-et-Vilaine et tendant à obtenir une dérogation à la loi du 29 septembre 1791 relative à la liquidation des affaires des ci-devant pays d'état. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité
dés finances, par lequel il a rendu compte des deux pétitions présentées
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comité de marine, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à rapporter le décret du 5 avril dernier qui ordonnait que le capitaine Colmin, commandant le navire t Emmanuel, fût mis en état d'arrestation et jugé pour avoir débarqué dans l'île dïEngliskey 218 esclaves déportés; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine sur les pièces officielles qui lui ont été transmises par le ministre de la marine, relativement à l'expédition des 218 esclaves déportés du Port-au-Prince par le capitaine Colmin, et par lui débarqués dans l'île d'Engleskey; considérant que ledit capitaine Colmin n'a fait qu'exécuter les ordres de la municipalité du Port-au-Prince, et les instructions de 1 ordonnateur de la marine de cette ville, et vu l'arrêté du 16 mars dernier de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, lequel porte qu'il n'y a lieu à aucune inculpation contre ledit xapitaine Colmin, rapporte le décret du 5 avril dernier, qui ordonnait qu'il fût mis en état d'arrestation, et jugé conformément aux lois. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité de commerce, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à rendre commun à la ville de Çharleville le décret rendu le 20 juin dernier en faveur des manufactures de Sedan, Reims et Rethel; il s'exprime ainsi :
Citoyens, l'Assemblée constituante, attentive à tout ce qui pouvait favoriser les manufactures nationales, rendit, le 26 février 1790, un décret oui prohibait provisoirement l'exportation à r étranger, des laines, cotons et cotons non filés.
Les manufactures de Sedan, Rethel et Reims qui ne pouvaient suffire à leurs manufactures en ne faisant filer que sur le territoire français, en envoient à cet effet dans le Brabant et le Luxembourg; le décret qui prohibait toute exportation, leur nuisant considérablement, ils réclamèrent l'usage où ils étaient de tous temps, de faire filer à l'étranger les laines et cotons qu'ils emploient dans leurs fabriques, et représentèrent que si l'on ne leur accordait pas une exception au décret, leurs manufactures ne pourraient se soutenir.
L'Assemblée législative^ après avoir mûrement examiné leur demande, la reconnut juste et utile, et par son décret du 20 juin dernier, leur accorda ce qu'ils demandaient.
La commune de Çharleville, qui ne s'était pas réunie alors à celles de Sedan, Reims et Rethel, réclame aujourd'hui la même faveur.
Votre comité, après avoir examiné leur pétition, a reconnu qu'elle était dans un cas encore plus favorable que celles qui avaient déjà obtenu laveur, puisqu'au lieu de ne manufacturer que des étoffes de luxe, comme celle de Sedan, elle ne fabrique que des objets de première nécessité pour le vêtement du peuple, et surtout pour celui de nos frères d'armes, et que de ne pas le lui
accorder, ce serait en quelque sorte exposer nos troupes à manquer de chaussures, partie si nécessaires de leurs vêtements. : Une chose qui l'a encore frappé, c'est qu'aujourd'hui ce n'est plus envoyer a l'étranger que d'envoyer dans le Brabant, où nous avons porté si heureusement le Gode de.la fraternité.
En conséquence, votre comité de commerce vous présente, par mon organe, le projet de décret que voici :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce, décrète ce qui suit :
« Le décret rendu le 20 juin dernier, en faveur des manufactures de Sedan, Reims et Rethel, est commun aux fabricants de la commune de Çharleville, à charge par eux, de se conformer aux formalités prescrites pour assurer la rentrée dans la République, des laines et cotons qu'ils enverront filer dans les provinces de là Belgique et du Luxembourg. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (\) du projet de décret d'aliénation concernant l'administration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes.
, rapporteur, donne successivement lecture des articles de la section III (Vente du mobilier) qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
SECTION III.
De la vente du mobilier.
Art. 23.
« Il sera procédé à la vente du mobilier trouvé chez les personnes absentes, ou déclaré appartenir à des absents; savoir : du mobilier appartenant à des personnes notoirement émigrées, ou comprises dans les listes d'émigrés, qui ont dû être faites en exécution de la loi du 8 avril dernier, sans autres délais que ceux indiqués par l'article suivant, et du mobilier appartenant a toutes autres -personnes absentes, après l'expiration du délai d'un mois accordé par l'article 17 de la section Ire, pour justifier de la résidence habituelle dans le territoire français depuis l'époque indiquée par la loi du 8 avril dernier.
Art. 24.
« Les ventes seront faites par l'autorité du directoire de district, et à Paris, du directoire du département, en présence de deux commissaires nommés par la municipalité de chaque lieu, dans la formé et les délais prescrits pour la vente du mobilier des établissements nationaux supprimés.
Art. 25.
« Aucunes oppositions, hors les deux cas exprimés dans l'article suivant, ne pourront arrêter la vente des effets mis sous scellés; mais elles seront toutes converties en saisie-arrêt sur le prix de la vente.
Art. 26.
Les deux cas où il y aura lieu à la suspension de la vente, seront :
(lortant un.certificat de résidence conforme aux ois des 8 avril et 13 septembre derniers, visé de la manière qu'il est dit dans l'article IX de ladite loi du 8 avril ;
2° Lorsque le propriétaire d'effets compris sous les scellés, et qui les revendiquera, produira une décision du district prononcé sur le vu des titres de la nature de ceux qui seront spécifiés ci-après, et sur l'avis de la municipalité, dans le territoire de laquelle les scellés auront été apposés, et par laquelle la propriété du réclamant aura été reconnue.
Art. 27.
Le prix provenant des ventes sera versé dans la caisse au receveur de l'enregistrement, auquel sera remise une expédition du procès-verbal de vente, et .ce, dans les huit jours de la dernière vacation de chaque vente, a peine, contre l'huissier chargé d'y procéder, de 10 livres d'amende pour chaque jour de retard.
Art. 28.
Les ventes des meubles appartenant aux émigrés, faites par les directoires de district jusqu'à ce jour, sont valides encore qu'elles n'aient point été faites par la présente loi, en justifiant de la remise des deniers en provenant dans une caisse nationale.
Art. 29.
Les actes relatifs à la main-mise, régie ou vente des biens des émigrés, faits ou à faire, resteront soumis aux dispositions des lois du timbre et de l'enregistrement, à l'exception de ceux qui en sont nommément exemptes par la présente loi.
Je suis chargé par le comité de la guerre de solliciter en fàveur du citoyen Dumont, lieutenant-colonel du 8e hussards, une indemnité de 33,476 livres, pour les pertes qu'il a éprouvées dans l'équipement des compagnies de hussards qu'il a levées. C'est une somme de 100 livres 11 sols environ par homme. Cette différence provient de l'excessive cherté des étoffes.
(La Convention renvoie la proposition au ministre de la guerre.)
Je présente à la Convention deux exemplaires de la Constitution que le peuple savoisien s'était provisoirement donnée. Je demande que l'un de ces exemplaires soit déposé aux archives nationales, et l'autre renvoyé au comité de Constitution, qui trouvera peut-être que cette constitution provisoire, faite en cinq jours, sans mémoires lus, dans une espèce de conversation, mérite de servir de base aux lois de tous les peuples libres.
Un membre : J'appuie la demande, mais je propose que la Convention passe à l'ordre du jour sur les autres propositions du préopinant.
(La Convention ordonne l'impression, et après un cours débat, décrète le dépôt aux archives et le renvoi au comité de législation.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de Blanchelande, prisonnier à VAbbaye, qui demande de nouveau (1) à être entendu à la barre.
(La Convention renvoie la lettre au comité des pétitions.)
2° Pétition du citoyen Guillaume Eupin, par laquelle il demande un passeport pour son père.
(La Convention renvoie cette pétition au comité de législation pour le rapport en être fait demain.)
3° Lettre du citoyen Normandie, directeur général provisoire de la liquidation, qui apprend que les scellés ont été apposés sur une foule de lettres adressées à Dufresne-Saint-Léon.
Un membre : Je demande qu'il soit décrété qu'un membre de la commission des Douze recevra les lettres, qu'il délivrera au nouveau liquidateur celles qui regardent la liquidation, et mettra sous le scellé celles qui regardent particulièrement ûufresne.
(La Convention renvoie la question à la commission des Douze, pour prendre telles mesures qu'elle jugera à propos.)
4° Lettre du procureur général syndic du département de Paris, qui apprend que les électeurs de la municipalité du bourg l'Egalité ne peuvent tenir leurs séances dans le local qui leur a été assigné (2).
Vous voyez que les électeurs ont obéi à votre décret, et qu'il est impossible qu'ils puissent tenir dans l'église du bourg l'Egalité. S'il fallait y faire construire un local exprès, les élections seraient beaucoup retardées. Je demande qu'ils puissent se réunir dans la salle de l'évê-ché.
(La Convention adopte cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète, qu'attendu l'impossibité reconnue de recevoir le corps électoral du département de Paris, dans le local qui lui était destiné au bourg de l'Egalité, elle autorise, sans tirer à conséquence pour l'avenir, les électeurs du département à se réunir dans les salles de l'évêché, pour y procéder de suite aux élections. »
Un membre : Je demande à plaider la cause des pétitionnaires ; la séance de dimanche s'est passée sans qu'on en entendît aucun, je demande qu'ils soient admis sur-le-champ.
J'ai encore à faire donner lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui transmet à la Convention une lettre du gé-néralDumouriez, dans laquelle ce général annonce la prise de Tirlemont. (Applaudissements.) Nous entendrons ensuite les pétitionnaires.
, secrétaire, donne lecture de cette lettre :
Tirlemont, le er de la République française.
« Je me suis avancé hier, citoyen ministre, avec une avant-garde de
quatre à cinq mille hommes sur Tirlemont. J'y ai trouvé toute 1 armée
ennemie, campée derrière la ville, avec une avant-garde de trois ou
quatre mille hommes campés en avant sur les hauteurs de Cumptich,
vis-à-vis de Reautersen. J'ai battu celte avant-garde avec de
l'artillerie toute la journée; elle a
« Signé : DUMOURIEZ. »
Je viens dénoncer à la Convention une feuille périodique, qui s'imprime chez lés frères Chaigneau, rue de Chartres, et qui appartient à Etienne Feuillant, pour avoir donné au public un article de la loi des émigrés, dont la rédaction n'a pas été faite par la Convention.
Il ne convient pas au rapporteur des comités d'être le rédacteur d'un journaliste; je demande l'ordre du jour.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
La barre est ouverte aux pétitionnaires.
Une députation de la garde de Bicêtre est admise à la barre.
Uorateur de la députation se plaint, au nom de ses camarades, de n'avoir point participé aux bienfaits de la Révolution. Législateurs, dit-il, soulfrirez-vous que nous portions plus longtemps la livrée d'un despote, qui nous attire chaque jour la haine de nos frères d'armes. Nous demandons à quitter l'uniforme que nous portons et à être organisés en corps de gendarmerie.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité de la guerre.)
Une députation de l'Académie des sciences est admise à la barre.
Rorda, orateur de la députation, s'exprime ainsi (1) :
Législateurs,
L'Académie des sciences vieat rendre compte à la Convention nationale de l'état actuel du travail sur les poids et mesures, dont elle a été chargée par l'Assemblée nationale constituante.
Pour accélérer ce travail, qui exige plusieurs opérations de différents genres, l'Académie l'a divisé en cinq parties, pour chacune desquelles elle a nommé une commission particulière.
La première de ces commissions doit déterminer, par des observations astronomiques et géodésiques, l'étendue de l'arc du méridien terrestre qui traverse toute la France depuis Dun-kerque jusqu'aux Pyrénées, et une petite partie de 1 Espagne, depuis les Pyrénées jusqu'à Barcelone; et de cette mesure, elle conclura la grandeur de la circonférence de la terre, pour y rapporter l'unité de mesure usuelle.
La seconde commission mesurera les bases sur lesquelles doivent s'appuyer les opérations géodésiques.
L'objet de la troisième est d'observer la longueur du pendule à secondes,
prise au quarante-cinquième degré de latitude, et au bord de la 'mer,
pour trouver ensuite le nombre d'oscilla-
La quatrième commission déterminera le poids d'un volume donné d'eau distillée, et en conclura l'étalon général des poids.
Enfin, la cinquième est chargée de comparer d'abord à la toise et à la livre de Paris toutes les mesures de longueur et de capacité et toœs les poids usités en France, et de déterminer ensuite leurs rapports avec les nouvelles unités de poids et de mesures.
La première occupation des commissaires nommés par l'Académie a été de faire construire les différents instruments nécessaires pour leurs opérations. Ceux qui devaient servir aux observations astronomiques et géodésiques, étaient les plus pressés*, mais leur construction exigeant beaucoup de temps, il n'ont pu être achevés que cette année, et c'est à la fin du printemps seulement que les commissaires chargés de Fa mesure de l'arc terrestre ont pu commencer leur travail.
Le citoyen Méchain, l'un de ces commissaires, qui devait mesurer la partie de la chaîne des triangles comprise depuis les Pyrénées jusqu'à Barcelone, est arrivé en Espagne au mois de juillet. Ses premiers travaux ont été d'aller reconnaître les sommets des montagnes qui pouvaient servir de point de station pour ses triangles, afin d'en former d'abord un plan général ; rèvenU ensuite une seconde fois sur ces montagnes, il a mesuré tous ies angles, et maintenant la chaîne des triangles qu'il devait observer en Catalogue est déterminée.
Mais cet académicien a conçu le projet d'étendre beaucoup plus loin ses opérations ; il désirerait lier à son travail l'île de Majorque, dont les hautes montagnes s'aperçoivent des hauteurs voisines de Barcelone et de Tortose, quoiquelles en soient éloignées d'environ 45 lieues ; il voudrait même aller jusqu'à la petite île de Cabrera, qui est au sud ae Majorque, et toujours à peu près sous le méridien de Paris. La mesure de l'arc terrestre comprendrait alors 12 degrés d'un grand cercle, ou 300 lieues communes de France en ligne droite, et le quarante-cinquième degré de latitude se trouverait au milieu 'de l'arc mesuré, ce qui remplirait complètement l'objet de l'Académie : cette extension de travail donnera, sans doute, un nouveau prix à l'opération entreprise, qui sera fort au-dessus de tout ce qui a jamais été fait en ce genre, et annoncera l'ouvrage d'une grande nation,
Le gouvernement espagnol paraît s'honorer de concourir à ce beau travail : une corvette armée à Carthagène a été envoyée en station à Barcelone et est destinée à transporter le citoyen Méchain à Majorque, à Tortose et à Cabrera, lorsque la suite des observations l'exigera. M. de Gonzalès, officier de marine très instruit, qui commande la corvette; plusieurs autres officiers et ingénieurs accompagnent et secondent le citoyen Méchain, et partout les ordres de M. de Lascy, commandant de la Catalogne, précèdent et facilitent ses opérations.
Le citoyen Méchain, après avoir achevé toutes ses observations au delà des Pyrénées, rentrera en France au printemps prochain;et continuant ses opérations, il viendra à la rencontre du citoyen Delambre, second commissaire, qui, 'de son côté, a commencé la mesure des triangles autour ae Paris. Une saison pluvieuse, des temps obscurs et brumeux qui font le désespoir
des observateurs, ont contrarié les premiers travaux du citoyen Delambré; des obstacles d'un autre genre ont encore ralenti sa marche ; mais son courage et sa constance ont surmonté toutes les difficultés : il a déjà mesuré des triangles dans l'étendue de plus de 20 lieues, et la rigueur de la saison ne l'empêche pas de continuer encore ses travaux; son zèle se proportionne à la longueur de la carrière qu'il doit parcourir.
Tandis que ces deux académiciens s'occupent des observations des triangles, on fait les préparatifs nécessaires pour la mesure des bases sur lesquelles Ôés triangles doivent s'appuyer ; la commission qui en est chargée en mesurera une première au printemps, et c'est celle qui a déjà servi dans le siècle dernier, pour la détermination du degré terrestre entre Paris et Amiens, et qui se trouve auprès de Paris, entre Villejuif et Juvisy; une seconde sera mesurée dans le midi de la France, et peut-être une troisième en Catalogne. Les commissaires se proposent de mettre, dans ce travail, des attentions et des soins particuliers, dont les Anglais leur ont donné l'exemple dans une opération de ce genre, qu'ils viennent de faire auprès de Londres. Ils espèrent ne pas leur rester inférieurs et ils chercheront à les surpasser.
L'opération relative à la longueur du pendule, qui est l'objet de la troisième commission, est déjà fort avancée; de nombreuses expériences ont été faites à l'Observatoire, par les citoyens Borda, Coulomb et Cassini. pour déterminer d'abord la longueur du pendule qui bat les secondes à Paris. Le choix des moyens qu'ils ont employés, le scrupule qu'ils ont mis dans leurs observations, et 1 accord singulier de leurs résultats, pourraient, dès à présent, faire regarder cette première partie de leur travail comme suffisamment exacte; mais ils se proposent de continuer encore leurs expériences pendant l'hiver, et ils ne les cesseront que lorsqu'ils croiront ne pouvoir plus ajouter aucun degré de précision à leur résultat. Nous mettons sur le bureau un mémoire dans lequel ces commissaires ont rendu à l'Académie un compte sommaire de ces premières expériences, en attendant la publication qu'ils feront de tous les détails ae leurs observations, lorsque leur opération sera terminée.
Il reste encore à ces commissaires à comparer la longueur du pendule observée à Paris, avec celle qui a lieu au 45e degré de latitude au bord de la mer ; et c'est auprès de Bordeaux qu'ils achèveront cette dernière partie de leur travail.
Celui de la quatrième commission, qui doit déterminer le poids d'un volume donné d'eau distillée, et en conclure l'étalon des poids, va être incessamment commencé. Les commissaires chargés de ce travail, qui exige beaucoup de recherches et d'opérations délicates, espèrent qu'il sera terminé avant la fin de l'hiver, et dès lors ils seront en état ae déterminer le nouvel étalon des poids, ou la nouvelle livre, avec une précision déjà plus grande qu'il est nécessaire pour tous les usages ordinaires ; mais ils ne le fixeront absolument que lorsqu'ils auront pu comparer avec la mesure conclue de la grandeur de la terre, les dimensions du volume d'eau distillée, dont ils auront trouvé le poids par leurs expériences.
Les quatre commissions dont nous venons de parler ont un objet général qui intéresse toutes
les nations ; le travail de la cinquième commission regarde la France seule, puisqu'elle doit s'occuper uniquement de déterminer les rapports de nos mesures actuelles avec celles qui seront établies; pour y parvenir, l'Assemblée constituante avait décrété que les différents départements enverraient à l'Académie les étalons de leurs mesures de longueur et de capacité, ainsi que les étalons des poids. Jusqu'à présent, un petit nombre de départements a satisfait au décret ; mais il faut espérer que, sollicités de nouveau par le ministre de l'intérieur, et mieux instruits de l'utilité de cette entreprise, ils chercheront à en hâter les succès.
L'Académie vient de rendre compte àla Convention nationale, de l'état actuel de son travail sur les poids et mesures ; elle espère que les premiers mois de 1794 verront la fin de cette grande opération ; il ne restera plus alors qu'à faire les étalons qui seront envoyés aux différentes nations, et peut-être aussi aux compagnies savantes de l'Europe qui, par leur célébrité, peuvent le plus contribuer à en étendre l'usage : l'Académie s'estimera heureuse de pouvoir y contribuer par elle-même, et elle se félicitera toujours d'avoir concouru à l'exécution d'un projet glorieux à la nation, utile à la société entière, et qui peut devenir pour tous les peuples qui l'adopteront, un nouveau lien de fraternité générale.
Qu'il soit encore permis à l'Académie de rappeler à la Convention nationale un autre projet adopté par l'Assemblée constituante, et qui se trouve intimement lié au premier; nous voulons parler du système de division décimale à établir dans les mesures de toute espèce, dans les poids et dans les monnaies : cette division, dont l'usage n'exigera aucune nouvelle connais sance, facilitera tous les calculs du commerce, en les réduisant aux opérations les plus simples de l'arithmétique, et sera d'un avantage aussi grand et plus étendu pour toute la société, que l'uniformité même et l'universalité des poids et mesures.
Les commissaires de l'Académie ont senti que ce système devait s'étendre jusqu'aux mesures dont l'astronomie et la géographie font usage. Déjà la division décimale a été employée et a remplacé l'antique division du cercle, dans les instruments dont les citoyens Méchain et Delambré se servent pour la mesure de l'arc ter-' restre; elle l'a été également dans une horloge astronomique destinée pour les dernières expé-| riences sur la longueur du pendule; et enfin l'Académie s'occupe de réduire à cette division toutes les tables qui servent aux calculs des astronomes, des navigateurs et des géographes, ouvrage immense que son zèle pour les sciences et pour tous les projets utiles lui fait entreprendre.
Le citoyen Lalande, faisant fonctions de secrétaire de VAcadémie, prend alors la parole et s'exprime ainsi :
Législateurs,
L'Académie des sciences demande à la Convention nationale la permission de lui offrir la collection entière des ouvrages qu'elle a publiés depuis son établissement. Cette collection de plus de 150 volumes, renferme une partie des travaux des académiciens sur toutes les sciences; les ouvrages, auxquels elle a adjugé des prix sur des questions difficiles et importantes de
physique et de navigation ; les mémoires que des savants, étrangers à l'Académie, ont soumis à son examen ; la description dès machines ingénieuses et utiles qui lui ont été présentées ; enfin la description d'un grand nombre d'arts, à laquelle les savants les plus éclairés, et les artisans les plus célèbres, se sont fait un devoir de concourir.
Ce sont là les titres de l'académie où la reconnaissance publique : elle les offre avec confiance aux représentants de la nation : ils y verront que sans négliger jamais ces grandes théories nécessaires au progrès des sciences, et, par là, au perfectionnement des facultés humaines, à l'accroissement de nos moyens d'activité et de bonheur, l'académie a marqué une préférence constante pour tout ce qui offre 'espoir d'une utilité sensible et prochaine; ils y verront que les hommes qui, malgré les fautes d'un gouvernement despotique, ont encorj servi la raison, qui l'ont élevée et fortifiée lorsqu'on tendait à l'opprimer, ne peuvent manquer de redoubler de zèle au moment, où, sous la République française, le génie peut choisir, à son gré, l'objet de ses méditations, où il peut se servir de tous les moyens d'être utile, où enfin la raison est devenue la seule puissance réelle, la seule à laquelle des hommes égaux et libres ne dédaignent pas d'obéir.
(à la députation). Citoyens, la Convention nationale applaudit à l'importance et au succès de votre travail. Depuis longtemps les philosophes plaçaient au nombre de leurs vœux celui d'affranchir les hommes de cette différence des poids et des mesures, qui entrave toutes les transactions sociales, et travestit la règle elle-même, en un objet de commerce. Mais le gouvernement ne se prêtait point à ces idées des philosophes ; jamais il n'aurait consenti à renoncer à un moyen de désunion. Enfin, le génie de la liberté a paru, et il a demandé au génie des sciences 'qu'elle est l'unité fixée et invariable, indépendante de tout arbitraire, telle, en un mot, qu'elle n'ait pas besoin d'eire déplacée pour être connue, et qu'il soit possible de la vérifier dans tous les temps et dans tous les lieux?
Estimables savants! c'est par vous que l'univers devra ce bienfait à la France. Vous avez puisé votre théorie dans la nature. Entre toutes les longueurs déterminées, vous avez choisi les deux seules dont le résultat combiné fût le plus absolu, la mesure du pendule, et surtout la mesure du méridien ; et c'est en rapportant ainsi l'une à l'autre, avec autant de zèle que de sagacité, la double composition du temps et de la terre, que par une confirmation mutuelle, vous aurez la gloire d'avoir découvert pour le monde entier cette unité stable, cette vérité bienfaisante qui va devenir un nouveau lien des nations, et une des plus utiles conquêtes de l'égalité.
La Convention nationale accepte la collection précieuse, dont vous lui faites hommage, et vous invite à la séance. (Applaudissements.)
(La Convention ordonne l'impression du mémoire et de la réponse du Président.)
Des citoyens de la ci-devant, province dlAlsa'ce sont admis à la baire.
Ils demandent la résiliation du traité de commerce passé en 1791, entre la France et la petite république de Mulhouse.
répond à l'orateur et accorde
à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention'renvoie la pétition aux comités diplomatique et le commerce réunis.) , Le citoyen Von des Rois est admis à la barre.
Il présente à l'Assemblée une pétition où il expose ses vues relativement aux examens à passer pour être admis au grade d'élève de l'école militaire.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition au comité militaire et le pétitionnaire au ministre de la guerre, pour être, par lui, soumis un nouvel examen sur les parties mathématiques, dont la connaissance est exigée pour être admis au grade d'élève de l'école militaire.)
Un citoyen se présente à la barre.
Il présente des vues nouvelles sur le commerce et l'approvisionnement de la République. Il s'élève fortement contre le monopole des accapareurs. « Le pain et l'eau, Pair et le feu, dit-il, voilà les éléments de l'homme, nulle puissance humaine ne peut les lui ravir sans crime. »
répond à l'orateur et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie sa pétition aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Le citoyen Léon Adrien, tailleur à Moulins, département de VAllier, est admis à la barre.
11 présente à la Convention nationale une pétition dans laquelle il expose qu'il est père de 20 enfants, dont 8 sont actuellement au service de la République; savoir 2 au régiment de Beauvoisis, 1 dans un bataillon de Paris, 1 dans de premier bataillon de l'Allier et 4 dans le second bataillon du même département. Adrien sans fortune et sans autre secours que celui de son aiguille, a élevé cette nombreuse famille, mais la caducité de l'âge et le manque de travail le mettent aujourd'hui dans l'impossibilité de pouvoir exister. Adrien réclame le paiement a'une pension de 240 livres, qu'il lui a été faite en 1777 par Louis le dernier, à titre de gratification pour ses anciens services. Cette pension lui a été régulièrement payée jusqu'en 1788, mais depuis ce temps il ne reçoit plus rien. Adrien vient de 80 lieues pour réclamer la justice de la Convention nationale ; il joint à sa pétition des certificats des députés de son département et une lettre du commissaire liquidateur Dufresne-Saint-Léon qui s'est adressé à l'Administration de son département pour obtenir des renseignements sur la justesse de sa réclamation.
répond au pétionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre: J'atteste la véritédes faits qu'Adrien a allégués, et je demande le rapport du décret du 7 avril dernier, qui lui accordait 150 livres de pension, au lieu de 240 livres qu'il réclame. Je propose également que cette pension de 240 livres sera réversible sur la tête de sa femme en cas de prédécès du pétitionnaire. Je demande enfin que les arrérages de ladite pension de 240 livres lui soient payés, à compter du 1er janvier 1788.
(La Convention adopte ces différentes propositions.)
Suit là texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, sur la pétition de Léon Adrien, tailleur de la ville de Moulins, et
père de vingt enfants, convertie en motion par un membre, rapporte le décret du 7 avril dernier, qui accordait 150 livres de pension audit Adrien, au lieu de 240 livres qu'il réclame, et décrète qu'il sera payé annuellement audit Adrien une pension viagère de 240 livres, laquelle sera réversible sur la tête de sa femme en cas de prédécès du pétitionnaire; en outre, que les arrérages de ladite pension de 240 livres lui seront payés, à compter du 1er janvier 1788. »
Un membre : Je demande l'ajournement à demain, après la lecture du procès-verbal, du rapport concernant les veuves et les enfants des volontaires nationaux morts en défendant la patrie.
(La Convention décrète l'ajournement demandé.)
Un autre membre : Je propose l'ajournement à mercredi de l'affaire concernant les employés dans les ci-devant fermes.
(La Convention prononce l'ajournement à mercredi.)
Joseph Béhénam,prêtre chaldéen et naturalisé français depuis 1776, est admis à la barre. Il expose, dans une pétition, qu'il avait une place d'interprète pour les langues orientales, à la bibliothèque du ci-devant roi, et qu'il a été privé de sa place dans le changement survenu dans ce mouvement national, il a enrichi cette bibliothèque de plusieurs manuscrits précieux en langue chaldéenne et syriaque, et ces ouvrages ont été estimés 15,000 livres^ La Cour de Suède lui en a offert cette somme, et, en outre, une chaire de professeur de langues orientales qui lui aurait valu 2,000 livres.
Béhénam a préféré la place qu'il avait à la bibliothèque du ci-devant roi, et aujourd'hui qu'elle se trouve supprimée, il réclame une indemnité. Il a payé son don patriotique et ses contributions et il a prêté serment comme fonctionnaire public.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
Un membre : Je demande le renvoi de cette pétition au comité d'instruction nublique, mais je propose, en attendant le rapport qui nous sera fait à cet égard, d'accorder, sur les fonds extraordinaires, un provisoire de 300 livres à Joseph Béhénam.
(La Convention décrète ces propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète qu'elle accorde un provisoire de 300 livres à Joseph Béhénam, prêtre chaldéen, naturalisé depuis 1776, sur les fonds extraordinaires, et renvoie sa pétition aux comités d'instruction publique et ae liquidation, pour en faire un prompt rapport. »
Le citoyen Jacques Laquet, se présente à la barre.
Il rappelle qu'il a servi au bataillon de marine et qu'il sert à cette heure, en qualité de sergent-major, aux volontaires. Il demande le payement d'une pension, due à ses services, qui lui avait été accordée par Louis XVI.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie sa demande au pouvoir exécutif.)
Le citoyen Barthélémy Recologne est admis à la barre.
Il expose qu'il est inventeur d'une poudre qui porte à 65 toises plus loin que la poudre ordinaire et se plaint de ce qu'il appelle- les calomnies de Lecointe-Puyraveau. Il sollicite l'examen de sa demande.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité des pétitions.)
Le citoyen Picard, prêtre, vicaire de Boulogne, près Paris, se présente à la barre.
11 offre, au nom des citoyens de cette commune, 90 marcs, 3. onces, 19 gros de pièces d'or et d'argenterie et divers effets d'église.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un membre : Je demande le renvoi de la pétition des citoyens de Boulogne au comité d'aliénation et l'envoi des pièces d'or et d'argenterie à la Monnaie.
(La Convention décrète ces deux propositions.)
Je demande qu'il soit rendu compte, chaque quinzaine, des membres qui n'assisteront pas aux séances de leurs comités.
(La Convention décrète cette proposition.)
Le citoyen Dupuis se présente à la barre.
Il s'exprime ainsi :
Persuadé que tout citoyen peut être utile à sa patrie, je-viens vous présenter des vues pour occuper cet hiver un très grand nombre d'ouvriers qui pourraient manquer de travail. Vous avez décrété qu'il serait fait sur les routes où viennent de passer les armées des travaux de restauration et de réfection; la plupart des ouvriers qui voudraient se rendre à ces travaux, craignent de ne pas trouver sur les lieux de l'occupation; quelques-uns n'ont pas les moyens de s'y rendre. Si l'Assemblée adoptait mes vues, je pourrais conduire ces ouvriers et mettre en activité de grands travaux, utiles à la patrie et à des citoyens.
répond à l'orateur et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au ministre de l'intérieur.)
Le citoyen Mouder, ancien lieutenant-colonel du régiment ci-devant Vivarais, se présente à la barre.
11 dépose sa décoration militaire sur le bureau de ia Convention.
remercie le donateur et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
Une députation des citoyens de Versailles est admise à la barre.
L'orateur de la députation demande que les domestiques soient exceptés de la rigueur de la loi portée contre les émigrés, attendu l'ignorance où leurs, maîtres les entretenaient sur les lois du royaume.
observe à l'orateur que l'Assemblée a déjà prononcé la négative.
(La Convention accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.)
Une députation de la municipalité de Fontenay-sous-Vincennes est admise à la barre.
L'orateur de la députation expose que la municipalité pour avoir équipé à ses frais 30. volontaires est aujourd'hui sans [ressources et demande un secours.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au comité de la guerre.)
Le citoyen Solle est admis à la barre.
Il s'exprime ainsi :
Citoyens, je viens me plaindre de ce que j'ai été dépossédé de la baraque que je possédais dans la cour du manège. On l'a démolie, paraît-il, pour les besoins du service; les commissaires de la salle en ont fait un corps de garde. Citoyens, je viens vous demander de m'en faire reconstruire une autre ou de m'accorder 100 louis pour le déménagement.
En échange, je vous remets mon portefeuille. Je ne sais ce qu'il contieut, mais je n'ai point fait de don patriotique; prenez la moitié des billets et rendez-moi le reste. (Rires.)
Je cours depuis neuf mois après la justice : neuf mois! Ne serait-il pas temps que la justice accouchât pour moi?... (Nouveaux rires.)
, secrétaire, ouvre le portefeuille et en fait la décompte.
Il contient 16 1. 8 s.
Un grand nombre de membres : Rendez tout !
, commissaire de la salle. Je tiens en deux mots à rétablir les faits. La demande du pétitionnaire n'est pas fondée. L'emplacement où se trouvait la baraque en question n'a jamais appartenu, pas plus d'ailleurs que la baraque elle-même, au citoyen Solle. Il lui avait été abandonné par l'Assemblée constituante à titre purement gratuit. La Convention en a eu besoin pour établir un corps de garde, nous nous en sommes emparés comme c'était notre droit. Je prie l'Assemblée de ne pas délibérer sur cet objet.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
La citoyenne Marianne Bolot se présente à la barre.
Elle se déclare mère de six enfants et enceinte d'un septième. Son mari est à l'armée de Dumouriez et combat les tyrans. Elle demande un secours.
répond à la pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la seance.
(La Convention renvoie la demande au comité de liquidation.) .
Une députation de la municipalité d'Ivry-sur-Seine se présente à la barre.
L'orateur de la députation demande, au nom de citoyens de la commune, une décharge sur son imposition.
répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande au pouvoir exécutif.)
Le citoyen Lallemand est admis à la barre.
Il expose qu'un militaire mort dans les prisons d'Orléans y a laissé des plans militaires et un cachet prussien en cuivre. Il a cru de son devoir de les apporter à la Convention.
remercie le pétitionnaire et lui accorde les honneurs delà séance.
(La Convention renvoie le tout au comité de la guerre.)
Le citoyen Desalle se présente à la barre.
Il s'exprime ainsi :
J'étais le maître d'écriture de 1a fille de Louis XVI. Citoyen patriote, je lui donnais, comme modèle d'écriture, des maximes de liberté, de morale et de justice. Je fus destituer Je viens réclamer aujourd'hui à la Convention l'emploi de mes talents.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la demande aux comités d'instruction publique et des secours réunis.)
Une députation d'artistes est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture de la pétition suivante (1) :
Législateurs, Mirabeau disait que le génie~ne se restreignait jamais dans des données ; qu'il devait exercer le despotisme le plus absolu, par la raison que sa dictature n'effrayait personne, pas même la liberté.
D'après ces principes vrais, nous allons vous faire entendre le langage austère des arts, enfants du génie ; et le génie, ainsi que les arts, n'ont reçu des ailes que pour s'élever et conserver leur liberté.
Barère vous disait, il y a peu de jours : « Il est bien étrange qu'il soit réservé aux représentants des peuples, comme aux rois, de ne jamais connaître la vérité ! »
Ah ! Législateurs, entourez-vous sans cesse du peuple, et toujours vous la connaîtrez.
Nous venons vous la présenter, nous vous apportons le tribut de nos connaissances, le fruit de nos travaux, et nous espérons dissiper une erreur que la nature des choses vous empêche d'apercevoir.
Nous sommes encore à concevoir comment on a osé vous proposer d'établir la salle de vos-séances dans un des coins étroits et resserrés du château des Tuileries ; comment une idée aussi mesquine a pu réussir ; tandis que non loin de là languit le plus beau des monuments de l'Europe.
Nous sommes encore à concevoir comment on a pu oublier le superbe péristyle du Louvre, ce chef-d'œuvre du génie, devant lequel les anciens se seraient prosternés.
Il semble qu'on ait voulu plonger dans un état éternel d'abandon ce magnifique monument des arts, le seul digne d'être le sanctuaire des lois qui doivent assurer, et la paix et le bonheur au monde.
Oui, représentants de la République, oui, le lieu de vos séances sera le temple de la morale; et tout ainsi qu'elle est sublime, son temple doit être majestueux et respectable.
Ah! lorsque les Romains, arbitres des destinées des peuples et vainqueurs
des tyrans, eurent résolu d'élever le Capitole, ils n'eurent pas la
gaucherieide le placer dans un coin de Rome; ils ne fixèrent pas la
salle du sénat dans un des angles du Capitole. Rapportant tout à leur
objet principal, la majesté du peuple, ils élevèrent le
Ce que les Romains (de qui nous tenons la plus belle architecture); ce que les Romains, di-sons-nous, ont fait de plus beau, de plus grand, de plus majestueux, est surpassé par le péristyle du Louvre ; et la syndérèse que les artistes éprouvent à la vue de ce monument, ils ne l'éprouvent jamais à la vue des plus beaux édifices de Rome ; et cependant ce Louvre immortel est oublié 1
Ce monument, parfaitement disposé, plus vaste, plus spacieux que les Tuileries;,ce monument du plus grand beau, vous offre la confection facile d'une salle magnifique, sans luxe, imposante par sa seule sévérité, belle cie sa simplicité architecturale ; et à laquelle vous arriverez par une place bien disposée, et par une cour spacieuse, percée de quatre beaux portiques.
Cet édifice vous présente dévastés et immenses archives, que les travaux de cent années ne pourront encore remplir, fussent-ils aussi abondants que ceux des trois dernières années.
Il vous offre de grands emplacements, des débouchés et des issues faciles pour vos comités.
Enfin, l'imprimerie, cet immortel multiplicateur des lumières, y sera vaslement et commodément placée.
Lorsque les ambassadeurs de tous les peuples de la terre viendront vous présenter leurs vœux, ou consulter le dieu des hommes libres, il faut qu'avant même d'avoir pénétré dans votre enceinte, ils soient frappés d'étonnement et de respect ; il faut qu'ils perdent, pour un instant, une portion de leurs facultés morales; il faut que 1 extérieur du temple de la liberté leur imprime un sentiment si profond de sa majesté, qu'ils n'osent y entrer qu'avec le frissonnement ae la vénération.
Eh bien! législateurs, ce que nous venons de vous peindre, commandez, nous le ferons. Si vous nous demandiez dans quel lieu, nous vous répondrions au Louvre, au Louvre, et toujours au Louvre.
Oui, législateurs, oui, ordonnez ; et le Louvre va devenir le Capitole français : le Louvre effacera le Capitole des Romains ; et le décret qui tirera ce monument de l'oubli dans lequel il est plongé, sera bien reçu de la République, et sera la gloire des arts.
C'est maintenant, législateurs ; c'est après ce court exposé, que se fait vivement sentir la justesse de la réflexion de Barère ; car en vous enrayant ici, la République n'a pas voulu enrayer des architectes, mais bien des hommes justes, qui, éclairés par l'opinion publique et par la nature même de leur mission, défendissent le même isolé, contre l'ignorance et les demi-talents protégés.
Vous avez cnargé le ministre de l'intérieur de vous proposer des plans, mais le ministre de l'intérieur n'est qu'un homme; il n'est point architecte, il est sujet à l'erreur; il peut être circonvenu par des ignorants ou des intrigants : alors il ne vous présentera de plans que ceux de l'ignorance ou de l'intrigue, de devis que ceux de ces mêmes ignorants ou de ces mêmes intrigants; alors vous êtes enfermés dans le cercle qu'il lui plaira de vous tracer ; alors vous n'aurez d'autre volonté que la sienne, parce que vous n'aurez vu que par ses yeux.
Non, non : vous réformerez, législateurs, voug
réformerez cette marche qui rétablit le privilège de la protection des ministres à l'exclusion des talents.
Faites, hommes justes, faites ce que le ministre n'a pas fait, et ce qu'il aurait dû faire; dites à tous les enfants des arts : « Exercez votre génie, apportez-nous vos travaux ; celui de vous qui fera le mieux, aura la gloire de l'exécution : dites aux artistes, rendez-vous là... vous y trouverez les plans nécessaires à vos travaux >» ; et alors vous les verrez paraître en foule : établissez la rivalité; elle est la compagne des arts, le principe vivifiant des connaissances humaines, et le chemin qui conduit à la perfection.
Ordonnez au génie de sortir de la solitude où l'intrigue le tient enchaîné; rappelez les arts, de la stupeur profonde où les a jetés le tumulte de la Révolution : alors vous verrez éclore les idées les plus brillantes; mais surtout nous vous en conjurons, dans toutes les occasions, principalement dans celle-ci, préservez les arts et les artistes du contact ministériel.
Le projet que nous vous proposons ne coûtera guère plus que celui proposé pour les Tuileries, en supposant encore qu'il coûtât davantage. Ah ! croyez que la République française, la République des sciences et des lettres, ne vous reprocheront jamais ce que vous aurez dépensé pour relever la dignité de la représentation nationale et la splendeur des arts.
Nous allons maintenant vous découvrir le fil principal de l'intrigue, et nous nous arrêterons à celui-là.
Les intrigants ont répandu partout, jusque dans les bureaux du ministre, que votre intention était de ne faire qu'une salle provisoire. Ce bruit nuit à la perfection des ouvrages que vous avez commandés : soyez certains qu'on fera mal. Pour vous démontrer la nécessité de faire construire un édifice somptueux, quelques architectes regardent cet édifice à venir comme une proie qui ne doit pas leur échapper; déjà ils s'occupent à la cerner; et, dans leur avare délire, dans leur frénésie spéculante, ils sourient à la perspective du ministre chargé de cette exécution : ils ne voient pas que tous les architectes de la République sont les vôtres; que vous êtes justes, et que le talent seul fixera votre choix.
Prenez-y garde, législateurs : les arts sont des enfants timides et ailés, qui demandent à être caressés, que l'injustice fait envoler; fixez-les donc sur le territoire français, car ils sont républicains ; vous y parviendrez facilement en écartant d'eux tout ce qui tient à l'intrigue.
Nous demandons à la Convention nationale : - Qu'elle ordonne la suspension des travaux commencés aux Tuileries, au moins en ce qui concerne l'établissement des comités, des archives et de l'imprimerie;
Que de suite elle ouvre un concours pour l'érection d'une salle nationale destinée à recevoir l'assemblée des représentants de la République avec les comités, les archives et l'imprimerie attachée à cette Assemblée;et ce,dans des bâtiments nationaux déjà existants, sans en affecter aucun particulièrement;
Qu'elle ordonne à son comité d'inspection de la salle de dresser, dans un court délai, le programme nécessaire pour mettre les artistes à portée de concourir;
Qu'elle ordonne au ministre de l'intérieur de tenir à la disposition des artistes, et dans des édifices publics, au moins six copies des plans des châteaux des Tuileries, du Louvre, et des
bâtiments accessoires, avec liberté aux artistes d'en lever des copies ou des calques;
Que ces plans, ainsi que leurs échelles, seront certifiés véritables et hdèles par les architectes chargés en chef des bâtiments du ci-devant roi;
Que ce concours sera fermé à l'époque du 1er janvier prochain fixe;
Que les concurrents joindront à leurs plans un devis ou aperçu des dépenses qu'entraînerait leur exécution;
Que ces plans porteront une devise et seront remis cachetés, soit au comité d'inspection de la Convention nationale, soit au ministre de l'intérieur;
Que la Convention défende aux concurrents de signer, ni leurs plans, ni leurs devis, à peine de réjection; et leur enjoigne d'y joindre un paquet cacheté, contenant leurs noms et leur demeure, et sur l'enveloppe duquel ils apposeront la même devise que celle apposée sur leurs plans :
Qu'à l'époque de la fermeture du concours, et non plus tôt, pour déjouer l'intrigue et éviter les sollicitations, elle nommera des examinateurs qui, dans un délai quelconque, lui feront un rapport, d'après lequel elle prononcera.
Signé : muly, lemoynk, Gan-tellet, paissenel.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition aux comités des monuments et d'instruction publique réunis et en ordonne l'impression.)
, secrétaire. Je vais donner lecture à la Convention de quelques pétitions et adresses dont le bureau vient d'être saisi ; les voici :
1° Pétition du citoyen Lordeneau, père, qui demande un secours.
(La Convention renvoie la demande au comité des secours publics.)
2° Lettre des chefs de la légion du district de Metz, qui envoie sa décoration militaire.
(La Convention accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
3° Pétition du citoyen Berthier, qui demande un emploi.
(La Convention renvoie la pétition au comité de la guerre.)
4° Pétition de la veuve Galbert, qui demande un secours.
(La Convention renvoie la demande au comité des secours publics.)
5° Lettre du citoyen Amelot qui annonce la brûlure de cinq millions d'assignats, qui, joints aux 645 millions d'assignats déjà brûlés, fait le total de 650 millions brûlés.
6° Adresse du citoyen Perrot, le jeune, de Chalon-sur-Saône pour offrir de surveiller la fourniture de nos armées, et de procurer de grands moyens d'économie sur cet objet, sans aucune indemnité pour lui.
(La Convention renvoie cette adresse au pouvoir exécutif.)
7° Adresse de félicitation du corps électoral du département de la Meurthe à la Convention nationale.
(La Convention ordonne la mention honorable au procès-verbal.)
8° Pétition du citoyen Pequet, sur l'état politique de l'île de Cayenne.
(La Convention renvoie la pétition aux comités de la guerre et des colonies réunis, pour en faire le rapport incessamment.)
Le citoyen Jean Honoré Alziary, est admis à la barre et donne lecture d'une pétition sur les subsistances adressée à la Convention par le département du Var; elle est ainsi conçue (1) :
« Citoyens,
« L'Administration du département du Var, pénétrée des dangers dont le défaut de subsistance nous menace, a député un de ses membres près la Convention nationale et le bureau de l'intérieur (2), pour réclamer des secours d'autant plus urgents que notre pénurie est avérée, et que la crainte seule, au sein même de l'abondance, est une véritable calamité.
J'ai vu Roland, je lui ai fidèlement exposé nos besoins; mais l'exécuteur passif de la loi n'a pu me promettre qu'un partage proportionnel sur les douze millions récemment décrétés. L'insuffisance et la lenteur de ces mesures me forcent à renoncer aux intermédiaires.
C'est aux délégués du souverain (3) que le département du Var vient
présenter sa pétition, et quelques idées relatives aux moyens de
distribuer les ressources de la République sur les bases de l'égalité,
et de suppléer provisoirement aux dispositions que ces établissements
peuvent exiger.
On avait voulu nous affamer en 1789; on essaye encore ce ressort usé; mais les temps de l'intrigue, du mensonge et de l'erreur seront bientôt évanouis. On invoque la liberté du commerce! et moi j'invoquerai la nécessité; j'invoquerai le sang du peuple, qui veut et qui peut tout ce qui est juste; j'invoquerai cette même liberté de commerce, bien étrangement définie, bien cruellement interprétée, et je prouverai peut-être que les notions les plus simples sont souvent les meilleures.
Citoyens, la liberté n'est, sans doute, que le droit de faire tout ce qui n'est pas nuisible à la société. Le commerce n'est aussi que la faculté d'échanger le superflu, en faisant circuler l'abondance, et d'alimenter, le plus possible, tous les besoins factices ou réels.
Ces deux principes bien établis, comment pourrait-on, en les liant ensemble, en produire un résultat désastreux? Comment ose-t-on en conclure, sous le règne de l'égalité, qu'il faut que le riche ait la liberté de tuer le pauvre; que le propriétaire peut impunément disposer de la subsistance du journalier; que le commerce monopoleur est autorisé dans ses infâmes profits? Au temps des rois, cette doctrine abominable pouvait être entendue; aujourd'hui elle fait horreur!
Le pain et l'eau, l'air et le feu, sont les éléments de l'homme, que nulle puissance créée ne peut lui refuser. Le pain est le produit de ma sueur, impitoyable fainéant; hé! tu pourrais m'en priver!... Non, la République ne veut pas frapper de mort ceux par qui tu existes; et, pour enchaîner ta malveillance, elle distribuera, dans sa sagesse, les sources nourricières de l'abondance et de la paix publique, qui appartiennent à tous également.
Semblables au bon père, qui met en réserve tout ce qu'exigent les besoins de ses enfants, les hommes de la nation, les pères de la grande famille établiront, dans tous les chefs-lieux de districts, des greniers publics (1) où seront déposés le blés excédant la consommation du propriétaire. Ils surveilleront les encouragements dûs à l'agriculture, en lui assurant annuellement une juste indemnité.
Ils décréteront peine de mort pour quiconque, hors de la loi, osera
traiter des grains comme d'une marchandise commerciale (2).
On objectera les difficultés de ce nouveau régime ; mais rien n'est impossible, dans l'ordre moral, au souverain vertueux qui veut faire le bien.
La somme effrayante de 250,000,000 livres et plus (2) attribuée aux opérations des subsistances, n'est, pour l'Etat, qu'une avance fictive, qui met à sa disposition des richesses réelles et purement nationales, qui n'appartiennent, en toute propriété, à aucun membre distinct du corps social, non plus que ces pernicieux métaux frappés au coin monétaire (3).
Des privilèges exclusifs, des bandes liber-ticides ont pu, pendant des siècles, entraver l'agriculture et le commerce; et vous, citoyens, vous n'oseriez pas, vous, en qui la loi réside, parce que la confiance du peuple est là, vous n'oseriez pas prononcer sur notre existence, sur la véritable égalité, je dis même sur l'unique moyen de prospérité universelle !
Ah! ces droits sacrés (4) que j'atteste sont trop bien gravés dans vos ;cœurs, ils vous inspirent. L'accent de la vérité n'est qu'un trait de lumière pour la vertu.
Qu'il me soit permis, citoyens, d'ajouterà cette faible esquisse un mot
sur les dispositions provi-
Le département du Var, riche en productions sensuelles, est absolument dénué par son infertilité ; ses récoltes les plus abondantes suffisent à peine au dixième de sa population. Autrefois on sollicitait ; aujourd'hui lè législateur prononce.
Nous demandons un prêt de 60,000 charges de blé. Notre crise est extrême. Environnés de disette et de crainte, de malveillance et d'accaparements, nous ne pourrons assurer nos triomphes qu'en écrasant les têtes du monstre avec le poids de la prodigalité.
Faites verser dans nos ports n'importe à quel prix l'abondance qui doit appartenir à la terre ae la liberté ; et que, des bords du Tage aux confins de la Sibérie, les hommes régénérés bénissent vos glorieux travaux.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(La Convention renvoie la pétition aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
, secrétaire. J'ai encore à donner lecture des deux pétitions suivantes :
1°Pétition du Belge Cumelle, Hector, qui demande que la Convention décrète la confiscation des biens que possèdent dans la Belgique Albert de Saxe et Chistine, sa femme, pour en appliquer le produit à des indemnités pour les habitants de Lille.
Un membre convertit en motion la demande du pétitionnaire.
(La Convention renvoie la pétition au comité diplomatique.)
2° Pétition de la femme Verrier, aveugle des Quinze-Vingts, qui se plaint que l'administration de ce département veut la faire sortir pour s'être mariée sans le consentement des administrateurs.
Voilà une pétition d'une femme aveugle, qui nourrit son fils. Elle est aux Quinze-Vingts, son mari est aux frontières. Je demande que demain le comité des secours s'occupe de sa pétition.
Je demande que le rapport sur l'organisation des Quinze-Vingts soit fait mercredi prochain à midi. Je vous dénonce l'économe de cet hôpital, comme le plus barbare et le plus scélérat des citoyens.
(La Convention adopte ces deux propositions.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale, après avoir entendu lapétition de la femme
Verrier, aveugle des Quinze-Vingts, que l'administration de cet hôpital
veut
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
Résumé des dons patriotiques faits au cours de la semaine, du 18 au 24 novembre 1792.
Pour les Lillois :
La société de l'égalité de l'île de Ré......8241
La citoyenne Thérèse Colinet.........14
Le citoyen Châteauneuf, résident de
France à Genève.......................150
Plus une décoration militaire. Les citoyens Carlan, Toncault, Morgand, de Chezeaux et Sallé, chacun leur décoration militaire.
Total......... 988 1.
Pour les veuves du 10 août :
Les citoyens Ghazeau, Dutheis et Teys-sier, chacun leur décoration militaire..
Le citoyen Dupré, graveur............ 500 l.
La société de l'égalité d'Entrevaux.... 100
Total.......... 600 1.
Pour la guerre :
Les citoyens Duféron de la Marche, Tugnot, Springsfelat, Duprat, Boudin, Roger, Dardenne, Lamiché, Athanas, Bertin, Mullon, Labarre, Ver-dillau, Bertel, Laroque, Mauvesin, Burgue, Simard, Nassène, Bourbonne, Ricard et Luet, chacun leur décoration militaire; en tout 26, parce que Duféron en a donné deux.
Les habitants de Lihons..................16 1. 10
La direction de la liquidation..........520
La municipalité d'Anse......................90
Celle d'Ambeyrieux.............. 31 10
La société de l'égalité d'Aurai..........289 7
Le directoire du district de Sisteron. 400
Total......... 1,347 1. 7
Abandons
Le citoyen Raimond et sept autres curés abandonnent 200 livres par chaque quartier 800 1. Jean-Baptiste Daret, de Tonnerre— 225 Edme Martineau, curé de Mitry...... 125
Total.
1,150
Récapitulation :
Pour les Lillois....................................998 1.
Pour les veuves du 10 août.............- 600 »
Pour la guerre......"................1,347 »
Abandons......................................1,120 »
Total.............. 4,095 1. 7
Plus 34 décorations militaires. Certifié conforme aux bordereaux des citoyens secrétaires de la Convention nationale.
Paris, le 25 novembre 1792, l'an Ier de la République.
Séance du
PRÉSIDENCE DE GRÉGOIRE, président.
La séance est ouverte à 10 heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 22 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
donne lecture à la Convention d'une adresse de l'assemblée électorale du département de la Vendée, qui exprime son adhésion aux décrets de la Convention.
(La Convention ordonne la mention honorable.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse de l'Assemblée électorale du département d'Ille-et-Vilaine, qui, pour assurer les progrès de notre Révolution, prévenir les ravages de l'ignorance et de la superstition, et apprendre à la jeunesse française les devoirs du citoyen, demande que la Convention s'occupe de l'organisation des écoles, des instituts et des lycées.
(La Convention renvoie l'adresse au comité de l'instruction publique.)
Le même secrétaire donne lecture d'une adresse de la. Société des Amis de ta liberté et de l'égalité d'Annecy, qui applaudit aux généreux efforts de la nation française pour anéantir le despotisme et les despotes, et renouvelle avec énergie l'expression ae ses sentiments d'attachement à la République française, et la demande de la réunion de la République des Allobroges ; cette adresse est ainsi conçue :
Annecy, le er de la République.
La Société des Amis de la liberté et de l'égalité d'Annecy, à la Convention nationale.
« Législateurs, la nation française a rompu ses chaînes; elle a brisé tous ses fers ; elle a pulvérisé tous ses ennemis ; elle a aboli la royauté ; elle a, en un mot, établi la République ; elle a plus fait, cette nation magnanime et généreuse, elle a juré l'anéantissement de tous les despotes ; elle a juré la liberté de tous les peuples ; et déjà, d'un pôle à l'autre, les trônes chancèlent, et bientôt ils disparaîtront pour faire place à la souveraineté universelle, la seule idole devant qui les mortels épars vont désormais se prosterner.
« Quelle époque donc pour le peuple allobroge, que celle où la Convention nationale prononcerait son incorporation à la nation française !
Daignez donc, législateurs, daignez nous entendre. Nous ne rappellerons pas que jadis nous fûmes réellement Français. Les siècles passés n'ont presque pas de rapport au temps présent; ils s'éclipsent à l'aspect du règne de la liberté et de l'égalité. Nous dirons que la circonscription des lieux, l'identité des mœurs et du langage, nous ont de droit fait naître et maintenus Français ; et que si, par le fait, nous avons cessé de l'être, ce n'est que par la force; ce n'e»t que parce que les tyrans nous ont arraché du sein de votre famille.
« Nous dirons qu'à l'instant où le peuple savoisien a été libre, il s'est élevé comme un éclair spontanément et tout entier, qu'il a unanimement et simultanément, dans toutes les communes, prononcé le vœu d'incorporation à la France ; que jamais vœu ne fut plus universel, puisqu'il a été celui de tous ; nous dirons même qu'il est de l'intérêt de la nation française d'accueillir un vœu aussi formel, quand ce ne serait que pour éviter à ses côtés le spectacle d'un peuple qui verrait bientôt s'ouvrir sous ses pas un abîme de malheurs.
Ainsi donc l'incorporation de l'Allobrogie à la République française est la conséquence des vrais principes, ainsi la justice éternelle lasollicitute. Qu'on ne dise pas que les autres peuples auront les mêmes droits de réclamer un pareil bienfait, car, d'abord, les circonstances morales et physiques ne sont pas les mêmes. D'ailleurs l'on ne trouvera peut-être pas un peuple qui, comme le peuple allobroge, se soit élevé soudain à la hauteur de la république. Dira-t-on que la République française serait trop étendue si elle adoptait tout les peuples qui voudraient s'unir à elle? Mais jamais une république fondée sur le principe consacrés par la nation française ne sera trop vaste ; les bornes de l'univers devraient seules être les siennes. Oh! vous, qui allez poser les fondements du bonheur du genre humain, vous, appelés à de si hautes destinées; législateurs du monde, prononcez, et l'existence du peuple allobroge sera éternelle; il fera partie intégrante de la première nation de l'univers ; il ne fera qu'un avec le peuple français ; et c'est dans ce consolant espoir que nous renouvelons entre vos mains le serment que nous avons fait de maintenir avec vous la liberté et l'égalité, ou de mourir en les défendant.
« Les membres composant la Société des amis de la liberté et de l'égalité d'Annecy. »
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.) ,
Je viens porter à la connaissance de la Convention que les villes de Calais et de Dunkerque sont exposées aux mouvements de l'insurrection; les prisons y regorgent d'émigrés. Le 10 novembre, l'Assemblée a rendu un décret qui les renvoie tous au delà des frontières, et ce décret n'est pas connu dans toute la République. A Calais, on a été obligé de battre la générale, le.peuple voulait se porter aux prisons. Je demande que le pouvoir exécutif soit chargé d'envoyer promptement le décret dans ces deux villes.
J'observe que les trois articles concernant les émigrés rentrés sur le territoire français ont été envoyés au pouvoir exécutif sitôt qu'ils ont été décrétés.
Le bien public ne doit souffrir aucun rétard. Je demande que les articles de la
loi des émigrés, relatifs au renvoi des émigrés _qui sont rentrés en France, à leur signalement et à !a protection à leur accorder jusqu'à leur sortie, soient détachés sur-le-champ au projet de décret pour en faire un décret à part, et renvoyés au conseil exécutif avec mission de les faire exécuter aussitôt.
(La Convention adopte la proposition de Treilhard.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que les articles du décret sur les émigrés (1), qui ordonnent à tout émigré rentré de sortir de la République dans les délais indiqués, et que les émigrés détenus dans les villes frontières ou dans 1 intérieur de la France, seront conduits sans délais hors des frontières, procès-verbal préalablement dressé de leur éloignement, ainsi que l'article qui défend toute voie de fait contre les émigrés, seront envoyés sur-le-champ au conseil exécutif, pour être proclamés et exécutés sans délai, et qu'à cet eflfet, copie desdits articles sera joint au présent décret. »
Suit la teneur desdits articles :
Art. 1er.
« Les émigrés rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République, à moins d'indisposition physique reconnue par les corps administratifs, savoir : de Paris et de toutes les villes dont la population est de 20 mille âmes et au-dessus, dans vingt-quatre heures, du jour de la promulgation de la présente loi, et dans quinzaine du même jour, ae toutes les autres parties de la République Après ces délais, ils seront censés avoir enfreint la loi du bannissement, et punis de mort.
Art. 2.
« Les émigrés qui, au jour de la promulgation de la présente loi, seront détenus dans les villes frontières, ou dans l'intérieur de la France, seront conduits, sous bonne et sûre garde, hors des frontières, à la diligence des corps administratifs. Les frais de détention et ceux de transport seront payés sur les deniers des ventes des meubles des émigrés; sans néanmoins déroger aux dispositions de la loi relative à ceux qui ont été pris les armes à la main, ou qui ont servi contre la Francé.
Art. 3.
* Avant l'élargissement et le renvoi desdits émigrés détenus, il sera dressé un procès-verbal deSdits élargissement et renvoi» lequel contiendra les nom, prénoms ou surnoms des élargis et renvoyés, ainsi que leur âge, possessions et signalement.
Art. 4.
« Les concierges des prisons seront tenus de remettre aux officiers
municipaux des lieux de leur domicile les procès-verbaux ci-dessus
prescrits. Les officiers municipaux enverront, sans délai, ces
procès-verbaux au ministre de l'intérieur, qui en adressera des
expéditions aux départements respectifs du domicile ou de l'assise des
biens des émigrés, pour que ceux qui y
Art. 5.
« Les voies de fait contre les émigrés sont défendues, sous les peines portées par le Gode pénal; mais sur la dénonciation qui sera faite de tout émigré qui, en contravention à la loi de bannissement, sera trouvé sur le territoire français, le dénoncé sera poursuivi dans les formes prescrites parlaloi du 29 septembre 1791, concernant le juré. »
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 20 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
Un membre demande que la Convention fixe à 800 livres la somme que les corps administratifs seront autorisés à régler et à faire payer aux fournisseurs et ouvriers et autres créanciers des ci-devant corps et communautés ecclésiastiques et laïques supprimés.
(La Convention décrète cette proposition.) ;
Un autre membre propose d'autoriser les Corps administratifs à faire payer les arrérages échus des rentes sur les établissements ecclésiastiques supprimés et qui n'ont pu être liquidés.
(La Convention renvoie cette proposition au comité des finances.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur les secours à accorder aux pères, mères, femmes et enfants des citoyens soldats volontaires qui sont dans te besoin; il s'exprime ainsi :
Représentants du peuple, les dangers de la patrie ont été proclamés, une multitude de pères de famille se sont consacrés à la défense. Ils ont imposé un généreux silence aux calculs de l'intérêt personnel, pour ne voir que l'intérêt général. S arrachant des bras de tout ce qu'ils avaient eu jusque là de plus cher, ils ont laissé à ces malheureux enfants et leurs mères dont'ils faisaient toute la richesse; à ces pères infortunés dont ils étaient le soutien sur la fin de leur carrière, le soin de vous faire connaître leurs besoins; bien convaincus qu'ils seraient injustes envers vous, s'ils pouvaient douter de votre empressement à les secourir.
Vous n'avez pas trompé leur espoir. Vous avez accueilli avec empressement toutes les pétitions qui vous ont été présentées. Vous avez chargé votre comité des secours du soin d'en examiner le mérite, et de vous présenter, ses vues sur les moyens à employer pour fournir aux besoins de ces familles. Votre comité s'est occupé de ce double objet avec cette attention scrupuleuse que vous aviez droit d'attendre dé lui dans une matière si intéressante.
La multiplicité des demandes que votre comité a déjà reçues, celles qui
lui parviennent chaque jour, l'ont convaincu que le travail que vous
attendiez de lui ne se bornait pas à vous demander des secours pour
chaquepétitionnaire; qu'il fallait embrasser un plan plus vaste, un plan
qui réglât dans le même instant la manière dont vous vous libéreriez
envers tous ceux pouvaient avoir droit à ces secours. Il a senti
Après avoir ainsi fixé ses idées sur la nature du travail que vous attendiez de lui, votre comité a cru que son premier soin était de bien préciser quels sont les citoyens qui auront droit a ces secours. Nous nous sommes tous répondu que c'étaient seulement ceux qui avaient un aroit naturel direct au produit du travail du citoyen soldat volontaire qui est sur les frontières, et qui, pour fournir à leur subsistance, n'ont pour toute ressource que le produit de ce travail.
Trois sortes de personnes nous ont paru avoir un pareil droit : 1 enfant, le père devenu invalide, et la femme infirme qui ne peuvent trouver leur subsistance dans leur propre travail.
La nature impose au père l'obligation de nourrir son enfant.
L'enfant, en recevant de son père la nourriture, contracte envers lui l'obligation de le nourrir quand l'âge aura donné à l'un la faculté de travailler, qu'il ôtera à l'autre.
L'homme, en unissant son sort à celui d'une femme, a pris l'engagement formel de fournir à ses besoins et de la secourir dans ses infirmités.
Les uns ni les autres ne peuvent jamais se dégager des devoirs que leur impose l'obligation qu ils ont contractée.
Si la patrie réclame dans des moments de crise, l'antériorité du contrat que tout citoyen a passé avec elle, la seconde obligation n'en subsiste pas moins ; mais, comme la chose publique demande alors tous les moments du citoyen, c'est à la société à qui il les consacre à acquitter la seconde dette. Le corps social remplace momentanément ce père de famille auprès de ces enfants, de sa femme et des auteurs de ses jours.
Ainsi, l'enfant qui ne vivait que du produit de son père, privé de cette unique ressource tant que son père sera éloigné de lui, doit puiser aans le Trésor public, des secours qui égalent ceux qu'il aurait reçus de eon père, s'il était resté près de lui.
Ainsi, la femme qui, par l'état d'infirmité où elle est, ne peut trouver dans le travail sa nourriture doitla recevoir de la nation, dès que son mari, qui y aurait pourvu, esfr éloigné d elle, et s'est consacré au service de la patrie.
Ainsi, ces vieillards qui, n'ayant trouvé dans un travail assidu, mais peu fructueux, que ce qu'il fallait pour fournir aux besoins journaliers ae leur famille, parvenus aujourd'hui à cet âge où tout travail leur est interdit, n'avaient de recours contre le besoin que dans les secours que leur fils leur fournissaient, doivent encore trouver dans la bienfaisance nationale ce qu'ils trouvaient dans la pitié filiale.
Votre comité ne s'est pas dissumulé toute l'étendue de l'obligation, toute la grandeur de la dette qu'il vous imposait; mais il lui a suffi d'en avoir reconnu la légitimité, pour qu'il ait cru ne devoir pas balancer à vous en proposer le plus prompt acquittement. 11 s'est dit que, débiteur envers tous les indigents, de leur subsistance, le corps social était doublement obligé envers ceux pour qui nous venons solliciter votre justice, puisque l'indigence que vous avez à soulager n'est que le résultat du sacrifice
journalier que lui font ceux de qui ces malheureux reçoivent leur nourriture, le prix des services journaliers qu'ils lui rendent, et des dangers sans cesse renaissants qu'ils bravent pour le salut de la République. Mettre en doute si la société doit pourvoir aux besoins de ces familles, ce serait vouloir méconnaître les premiers principes qui constituent les sociétés.
Votre comité, après avoir ainsi déterminé quels étaient les parents des citoyens-soldats à qui vous deviez des secours, s'est attaché à fixer la quotité et la durée de ces mêmes secours.
Cette dernière partie de la discussion a présenté quelques difficultés. Nous avons tous reconnu que la société était devenue débitrice du jour même où le père de famille, le mari, le fils dont il s'agit avaient marché pour défendre leur pays ; parce que de ce jour-là leur travail avait été nul pour leur famille, parce que de ce jour-là leurs bras n'avaient été employés que pour la chose publique, et que, par une juste réciprocité de droits et de devoirs, la société avait été, dès ce jour-là, obligée de les représenter dans leur famille, de faire disparaître, par les secours qu'elle y recevait, le déficit qu'y laissait la cessation du travail.
Cette obligation de fournir jour par jour aux besoins de la famille, n'est pas éteinte par le retard qui a été mis à la remplir; la créance que ces familles ont réellement sur le Trésor national, date du jour même où ces citoyens-soldats ont marché pour la défense de la patrie.
Les mêmes principes servent à fixer la durée de ces secours. Ils doivent continuer tant que durera la cause gui les a fait naître ; c'est-à-aire tant que ces citoyens volontaires combattront pour la patrie, et même après avoir été licenciés par la cessation des besoins de la patrie, jusqu'à ce qu'ils soient rentrés dans leurs foyers, dans un temps déterminé d'après l'éloignement de leur domicile.
Il ne restait donc plus à votre comité qu'à fixer la quotité des secours, mais cette tâche, quoique la dernière, était la plus pénible.
Le mot économie s'est fait entendre. Voire comité qui a senti combien elle était nécessairé dans un moment où les dépenses sont si considérables, n'a pu cependant se dissimuler combien il était cruel d'être forcé de calculer froidement, pour le restreindre au plus strict nécessaire, ce qui était rigoureusement indispensable à un enfant, à une femme, à un vieillard pour se substenter et de suivre méthodiquement les gradations de la misère en plus ou moins, jusqu'au moment où les besoins cessent ; mais aussi il s'est souvent répété que la première œuvre du législateur était d'être juste envers tous, si, cédant aux premiers mouvements de sensibilité, on ne voyait de malheureux que ceux que l'on a sous les yeux, si l'on songeait que chaque jour fait naître de nouveaux besoins, et impose de nouvelles dettes à la société et que ce n'est qu'en usant dans tous les temps de la plus sévère économie, que l'on peut être continuellement en état d'y satisfaire.
Votre comité, après s'être bien pénétré de ces grandes vérités, a considéré qu'ici, comme dans toute organisation de secours, il fallait proportionner ces secours aux besoins, et que, où les besoins étaient différents, il était indispensable d'établir différentes modifications, afin d'accorder à tous ce qui leur était nécessaire, et de ne donner à aucun du superflu. G'est à
l'aide des principes que l'on peut parvenir à se former des idées justes sur la nature des besoins de chaque classe d'individus que vous avez à soulager.
Déjà votre comité vous a observé que vous ne deviez ces secours qu'à ceux qui n'avaient pour toute ressource que le produit de travail de celui qui le leur devait, et qui ne peut plus le leur fournir, parce qu'il travaille dans ce moment pour le compte seul de la société.
Vous avez pressenti que si l'enfant, la femme ou les père et mère du citoyen-soldat qui est sur les frontières peuvent trouver dans leur propre travail des ressources pour fournir à leurs Desoins, ils n'ont aucun droit aux secours de la nation, parce qu'ils ne perdent rien de ce qui leur est absolument nécessaire par l'absence de celui qui est sur les frontières.
Mais ce n'est pas subitement que l'enfant acquiert l'aptitude au travail ; ce n'est pas aussi subitement que l'homme la perd. La nature a partout une marche progressive; le développement des forces se fait par degrés chez l'enfant, comme c'est aussi par degrés que l'homme s'use : à mesure que l'enfant croît, il compte plus ou moins pour la société; c'est une consolation de ne voir disparaître qu'à la longue et insensiblement celui qui a été longtemps utile.
Le corps social, qui n'est tenu ae fournir qu'un déficit que laisse un travail poussé aussi loin qu'on a droit de l'attendre de celui qui doit y trouver sa subsistance, a un calcul indispensable à faire. Il doit suivre le développement ou la diminution des facultés physiques dans celui qui est à sa charge, pour y proportionner ses secours.
Quand l'enfant est parvenu à cet âge où il peut commencer à travailler, comme le premier devoir du corps social est de ne jamais rendre des secours immoraux (et ils le seraient s'ils favorisaient la paresse chez lui qui sans eux se serait accoutumé de bonne heure au travail), il faut que dès ce moment cet enfant, qui jusqu'à ce jonr-là avait reçu le maximum des secours, éprouve sur ces secours un retranchement égal à la diminution des dépenses ou aux ressources qu'il trouve dans les services qu'il commence à rendre.
Cette même progression doit avoir lieu pour le vieillard, mais en sens inverse : c'est-à-dire, qu'il faut suivre dans le vieillard la déperdition des forces, pour y appliquer des secours plus considérables, à mesure que ce malheureux approchera de cet âge où la société ne peut plus rien exiger de lui, et où elle doit fournir à tous ses besoins.
Pour pouvoir faire l'application de ces principes dans la circonstance présente, aux enfants et aux vieillards qui prouveront avoir droit aux secours de la nation, votre comité a dû commencer par fixer un maximum et un minimum.
Pour le déterminer, votre comité a examiné ce que les différentes sociétés philanthropiques, dont les soins ont si bien remplacé l'insouciance criminelle de l'ancien gouvernement, accordaient à chaque individu. Il s'est convaincu que vous donniez à la bienfaisance nationale toute l'étendue qu'elle doit avoir, en fixant annuellement le maximum des secours à accorder aux enfants à 40 livres, et le minimum à 25 livres ; le maximum des secours à accorder aux vieillards à 50 livres, et le minimum à 40 livres.
Votre comité a cru que pour les enfants des malheureux journaliers (et vous sentez que c'est d'eux uniquement qu'il s'agit ici), le temps des plus grandes dépenses était depuis le moment
de leur naissance jusqu'à l'âge de8 ans; l'expé rience lui a prouvé que, parvenus à cet âge, la dépense était moins considérable; que déjà ils pouvaient être employés utilement ; que dès lors les secours que la nation fournissait devaient recevoir une diminution et qu'ils devaient cesser totalement lorsque ces enfants avaient accompli leur douzième année, parce qu'alors ils avaient acquis assez de force et assez d'industrie pour pouvoir vivre de leur travail.
Sans doute qu'il peut se trouver quelques exceptions qu'il ne faut pas négliger de saisir, quand il est question d'assurer la vie des individus : dans quelques familles, le père qui a volé sur les frontières peut avoir laissé quelques enfants qui, parvenus à leur treizième année, ne peuvent, à raison de leurs infirmités, se procurer par eux-mêmes leur subsistance. Ici, la nation n'invoquera pas l'âge quand elle verra le besoin. Toujours juste, toujours bienfaisante, elle appliquera les secours que réclamera l'état de l'enfant.
Quant au vieillard, votre comité a cru que l'on devait fixer l'instant où il commence à ne pouvoir trouver dans son travail les ressources nécessaires pour vivre, une fois qu'if a atteint la soixantième année. Votre comité vous proposera de faire jouir du minimum proposé, tous ceux des pères et mères ayant droit à vos secours, qui auront atteint leur soixantième année, et du maximum, tous ceux qui auront accompli leur soixante-dixième année.
Quant aux femmes des citoyens volontaires, votre comité a cru qu'ici le secours devait être uniforme, parce qu'il n'y avait qu'un seul cas où il pût être accordé, celui de l'infirmité, et alors la femme se trouvant dans un état à ne pouvoir pas travailler, doit puiser dans le trésor national tout ce qui lui est nécessaire pour fournir à la subsistance que son mari lui aurait fournie. Les états tenus dans les différents établissements publics, ont prouvé à votre comité qu'un secours annuel porté à 60 livres était suffisant.
Telle est la théorie de secours que votre comité vous propose; tels sont les principes sur lesquels il repose.
Convaincu que les détails de la loi qu'il va vous présenter ne peuvent vous concerner, il vous proposera de décréter une somme qui sera mise a la disposition du ministre de l'intérieur. Ce sera auprès de lui que se pourvoiront les administrations de départements pour obtenir les secours qui leur seront nécessaires. Une seule chose pourrait vous donner de l'inquiétude, c'est l'exactitude dans la formation des états des personnes qui invoqueront ces secours. Mais le zèle des administrateurs qui seront chargés de tous ces détails, mais les règles que vous établirez pour les mettre eux-mêmes à l'abri de toute surprise, doivent suffisamment vous tranquilliser.
projet de décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de deux millions, pour être distribuée, par forme de secours, aux personnes ci-après désignées :
Art. 2.
« Les personnes qui ont droit à ces secours sont les père, mère, femme et enfants qui n'avaient pour toute ressource que le produit du travail du citoyen soldat volontaire de tout grade qui est au service de la République.
Art. 3.
« Il sera ouvert dans chaque municipalité, et à Paris dans chaque section, pendant quinze jours, à compter de celui de la publication du présent décret, un registre où iront se faire inscrire tous ceux qui croiront avoir droit à ces secours.
Art. 4.
« Ceux qui se présenteront seront tenus de remettre au greffe de leur municipalité, ou à celui de leur section, l'extrait de leur acte bap-tistaire, et de l'inscription du citoyen-soldat pour servir comme volontaire.
Art. 5.
« A l'expiration de la quinzaine, le registre sera clos, et chaque municipalité ou section en fera le dépouillement et formera un rôle de ceux qu'elle jugera devoir obtenir ces secours. Elle portera en marge les sommes qu'elle croira être dues à chacun, d'après les règles établies ci-après, et par mémoire ceux qui, s'étant fait inscrire, ne lui auront pas paru devoir obtenir des secours, en faisant mention des motifs sur lesquels est fondée leur exclusion.
Art. 6.
« Dans la huitaine de cette clôture, ces rôles seront envoyés avec les pièces justificatives, savoir : par les sections de Paris, à la municipalité faisant les fonctions de district; et parles municipalités, aux directoires des districts, en certifiant au bas des rôles qu'il est de leur parfaite connaissance que ceux qui y sont portés sont dans la classe des personnes désignées dans l'article 2 du présent décret.
Art. 7.
« Les directoires de district seront tenus, dans la huitaine de la réception desdits rôles, de les examiner et de les faire passer avec leur avis aux directoires de département, qui, dans le même délai, les arrêteront et les enverront au ministre de l'intérieur avec toutes les pièces justificatives.
Art. 8.
« Le ministre de l'intérieur, après les avoir vérifiés et signés, les fera parvenir sans retard, par la voie des corps administratifs à chaque municipalité ou section, avec les secours qui seront dus à chaque individu depuis le départ du citoyen soldat volontaire, jusqu'au jour de sa signature.
Art. 9.
« Ces secours seront payables, pour l'avenir, par trimestre, mais jamais par avance. La date du trimestre sera celle de la signature du ministre de l'intérieur, qui, en conséquence, sera tenu, sous sa responsabilité, de faire passer, avant l'échéance, à chaque municipalité et sec-
tion, par la voie des corps administratifs, les fonds nécessaires pour acquitter les secours qui lui reviennent.
Art. 10.
« Le payement en sera fait par chaque municipalité ou section, à chaque individu porté dans le rôle des secours, ou à ceux qui le représenteront légalement, comme père, mère et tuteur, au fur et à mesure qu'ils se présenteront après l'échéance.
Art. 11.
« Il sera fait mention en marge du rôle, du payement, du jour où il a été fait, et du nom de la personne qui aura reçu. Il en sera envoyé au ministre de l'intérieur, chaque trimestre, un duplicata certifié par deux officiers municipaux et signé du citoyen qui aura reçu, s'il le sait faire, ou avec mention qu'il ne sait pas signer.
Art. 12.
«gGes secours sont fixés, pour chaque année de leur durée, de la manière suivante : les enfants âgés de moins de 8 ans auront une somme de 40 livres; ceux qui auront plus de huit ans, mais qui n'auront pas accompli leur douzième année, 25 livres; les pères et mères âgés de soixante ans et plus recevront chacun la somme de 40 livres, et s'ils ont soixante-dix ans et plus, 60 livres; les épouses auront 60 livres.
« Ce secours, qui commencera pour tous à courir du jour du départ du citoyen-soldat du lieu de son domicile, cessera lorsqu'il sera rentré dans ses foyers, ou que le délai pour s'y rendre sera expiré, ou par la mort de l'individu à qui le secours avait été accordé, ou lorsqu'il aura atteint l'âge où il n'est plus accordé de secours.
Art. 14.
« Chaque municipalité ou section instruira des changements survenus dans ses rôles dè secours les corps administratifs, qui les feront connaître au ministre dé l'intérieur. Celui-ci fera faire les retranchements convenables dans les sommes à envoyer.
Art. 15.
« Si, après la formation des rôles, le nombre des personnes qui ont droit à ces secours augmentait, leur demande sera reçue, jugée et envoyée dans les formes ci-dessus prescrites, au ministre de l'intérieur, qui, après en avoir reconnu la légitimité, se conformera, pour l'envoi des nouveaùx fonds, aux dispositions précédentes. »
Un membre propose, pour amendement, d'augmenter le maximum et le minimum proposés.
(La Convention repousse l'amendement et adopte le projet du comité.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport (1) et présente .'un projet de décret (1) concernant l'indemnité due aux huissiers dès tribunaux ; criminels il s'exprime ainsi : * '
Citoyens, vous avez renvoyé à votre comité de législation deux lettres,
l'une du ministre
Le ministre vous marque que l'Assemblée législative, en autorisant les juges des tribunaux criminels à choisir deux huissiers pour le service intérieur de leur tribunal, s'était réservée de fixer incessamment le traitement de ces huissiers ; que ce traitement n'avait point encore été fixé, malgré les instances réitérées des prédécesseurs, et les réclamations d'un grand nombre d'individus ; que dans plusieurs tribunaux plusieurs de ces huissiers avaient été obligés de renoncer à leurs fonctions, parce qu'ils ne pouvaient subsister faute de paiement.
Le procureur général syndic du département de Seine-et-Marne demande si la loi du 3 juin 1791, qui fixe à 1,200 livres le traitement des huissiers près le tribunal criminel de Paris, doit être exécutée dans les autres départements.
Votre comité a pensé qu'il est juste, qu'il est urgent de payer une indemnité légitime à ces huissiers au moins pour le passé, et en attendant une fixation générale pour le traitement des fonctionnaires publics ; mais il a considéré que cette dépense est à la charge des départements, que quelques-uns de ces huissiers ont déjà reçu une indemnité, que la dépense n'est pas égale dans tous les lieux, et qu'ils n'ont pas tous également été chargés de travail, et m'a chargé de vous proposer le décret suivant :
projet de décret.
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de législation, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les directoires de département
sont autorisés à fixer provisoirement, et à payer sur les sous
additionnels, l'indemnité due aux huissiers des tribunaux criminels, à
raison du travail dont ils ont été chargés.
« Art. 2. Cette indemnité ne pourra excéder la somme de 1,200 livres par année, et il sera fait déduction aux huissiers des sommes qu'ils auraient pu avoir touchées comme acompte. »
Un membre propose, pour amendement, que les huissiers des tribunaux criminels reçoivent pour leur service près Je tribunal un traitement de (300 livres et soient payés comme les autres huissiers pour les actes de leur ministère.
Un autre membre propose, par sous amendement, que les tribunaux criminels ne puissent faire faire que dans les cas de nécessité des actes extérieurs par leurs huissiers et soient obligés de les faire faire par la gendarmerie.
La Convention rejette par la question préalable ce sous-amendement et rend le décret suivant :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de législation, décrète que les huissiers des tribunaux criminels seront payés pour leur service extérieur près des tribunaux, à raison de 600' livres par an, et qu'ils seront,en outre, payés pour les actes de leur ministère comme les huissiers des tribunaux civils. »
Je suis saisi à l'instant d'une requête des députés extraordinaires du Loir-et-Cher, qui demandent à être admis à la barre pour rendre compte d'une insurrection qui a eu lieu dans ce département»
11 y a 3 jours, une députation s'est présentée pour le même objet, elle a été renvoyée au conseil exécutif. Je demande que celle-ci y soit aussi renvoyée.
J'observe à la Convention que lorsqu'elle a renvoyé de semblables 'pétitions au conseil exécutif, les ministres ont répondu qu'ils ne pouvaient rien faire, que c'était la faute de la loi. Aujourd'hui on vous annonce que l'insurrection devient générale, et que bientôt elle s'étendra sur toute la surface de la République si vous ne faites des lois sages. Je demande donc l'admission des pétitionnaires.
(La Convention ordonne que la députation de Loir-et-Cher sera admise à la barre.)
La députation des corps administratifs du département du Loir-et-Cher est introduite.
L'orateur de la députation. Nous sommes envoyés par les corps adminisiratifs de Loir-et-Cher, pour vous instruire d'une insurrection qui vient de se manifester dans l'étendue de ce département, après avoir parcouru successivement les départements voisins, et qui, par la marche rapide et probablement concertée, semble menacer tous les départements de la République. Voici un procès-verbal des dépositions d'un citoyen qui a été témoin du commencement et des progrès de cette insurrection. Elle est partie du département de la Sarthe, de la forêt de Montmirail. Le rassemblement a forcé les ouvriers de la verrerie de Montmirail à se porter avec eux à Montdoubleau, où ils ont taxé le blé, et obligé les habitants et les corps constitués de les accompagner à Saint-Calais. De là ils sesojit portés à Vendôme, le 23 de ce mois, au nomb're de 3,000, ayant à leur tête 150 hommes à cheval. Ils ontcommencé par annoncerqu'ils nevenaient exercer aucune violence, mais taxer le blé et les autres denrées. Ils ont été logés chez les citoyens, ils apportaient du pain, pour ne point affamer la ville où ils n'étaient point attendus ; ils ne demandaient que le couvert et de l'eau. Ils ont effectivement taxé le blé à 21 deniers la livre, et annoncé qu'ils iraient samedi prochain à Blois, pour l'y fixer au même prix, et que si les habitants de Vendôme ne les y suivaient pas, ils mettraient le feu à la ville. Il est presque certain que le rassemblement qui arriverait vendredi au soir à Blois, ne serait pas moins de 12 ou 15,000 hommes.
Voilà les faits; il en résulte que dans plusieurs parties de ce département, les citoyens sont forcés de se faire une nourriture de son mêlé avec des choux et des pommes de terre. Une malheureuse femme de la paroisse de l'Hôpital, n'ayant pu avoir de grains pour faire son pain, a égorgé son enfant pour ne pas le voir mourir de faim et s'est pendue après. (Long mouvement d'horreur.) Le fait est annoncé par le3 officiers municipaux de cette commune. Les corps administratifs de ce département demandent à la Convention nationale d'envoyer des commissaires pour prendre connaissance des faits et tâcher de remédier au mal.
Il existe dans cette calamité momentanée une manœuvre des ennemis de la patrie; elle doit-être attribuée à l'ancien ministère de Louis XVI et surtout à Lessart, peut-être aussi aux ennemis de la liberté qui sont rentrés en France. Cette disette n'est qu'artificielle, c'est une vérité reconnue ; il faut que la Convention nationale nomme à l'instant une Commission
ad hoc, chargée de s'occuper sur-le-champ des moyens d'arrêter ces désordres.
(Louis). La cause de ces insurrections est au Temple.
Je demande que le Président fasse à la députation les trois questions suivantes : Le blé manque-t-il dans le département dè Loir-et-Cher? Les corps administratifs ont-ils fait le recensement prescrit par la loi? Ont-ils pris les mesures nécessaires pour faire approvisionner les marchés?
(La Convention décrète que le Président posera les questions proposées par Charlier.)
Savez-vous si les grains manquent,dans votre département?
L'orateur de la députation : Nous ne manquons pas de grains dans notre département, il est connu que nous en avons assez pour l'année.
Avez-vous fait, conformément à la loi, le recensement des grains qui se trouvent dans votre département ?
L'orateur de la députation : Les administrations ont obéi à la loi, elles ont fait le recensement qu'elle ordonne ; elles ont fait connaître au ministre le résultat de leurs opérations r il en est résulté qu'il y a du grain pour une année, mais il est très vrai que ces subsistances sont emmagasinées ou arrêtées par la malveillance.
La libre circulation des grains a-t-elle éprouvé des obstacles dans votre département?
L'orateur de la députation : On se souvient qu'une grande quantité de grains fut précédem-mént arrêtée dans notre pays : ainsi il est prouvé que la circulation des grains a éprouvé des obstacles. La commune de Romorantin n'en a pas pu obtenir, parce que les communes n'en ont pas voulu laisser passer.
Les corps administratifs ont-ils pris les précautions nécessaires pour approvisionner les marchés?
L'orateur de la députation : Un arrêté des corps administratifs ordonne aux fermiers d'apporter Leurs grains dans les marchés, et cet arrêté est connu. Nos boulangers ont acheté 1,500 sacs de farine dans l'Orléanais, mais il leur a été impossible de nous les faire parvenir, parce que le département de la Loire-Inférieure s'oppose à la circulation.
Citoyens, un rassemblement pareil s'est présenté samedi dernier à Nogent-le-Rotrou et dans plusieurs autres parties du département d'Eure-et-Loir, pour y faire la même taxation. Je vais Vous lire un procès-verbal qui pourra vous conduire à la découverte de l'un des chefs de ces agitations.
Il résulte de ce procès-verbal que, le 21 novembre, un rassemblement de 1,000 à 1,200 hommes en partie armés, s'est présenté aux portes de Brou. Vainement un capitaine de gendarmerie et 30 gendarmes ou environ, requis par le district, s'y transportèrent dans l'intention de réunir leurs efforts à ceux de la garde nationale de cette ville; les officiers municipaux lui annoncèrent, que loin de s'opposer à l'introduction des séditieux, la garde nationale de Brou et les habitants paraissaient disposés à la protéger et même à aller au devant-d'eux.
Cependant la municipalité de Brou, en corps, sortit de la ville et parla au peuple rassemblé, ltii rappela la loi et ses devoirs.
Il fut répondu que la loi autorisait cette démarche, et qu'un décret de l'Assemblée nationale contenait expressément cette autorisation. Sur la dénégation de la municipalité que cette loi existât, on lui dit que M. Duval, propriétaire de la verrerie de Montmirail, en avait reçu l'assurance de son frère, ex-député à l'Assemblée législative, par une lettre, et la leur a lue.
Plusieurs membres : Ah ! ah !
Cependant, le peuple promit de ne commettre aucun désordre, mais ii insista pour qu'on laissât ses bommissaires procéder tranquillement à la taxation des denrées.
Je ne dénonce pas Duval, mais je vous observe que ce procès-verbal m'a fait naître de fortes présomptions contre lui. Ce sont ses ouvriers fui composent en partie le rassemblement ; ce ut dans-sa manufacture que le rassemblement prit sa source, et c'est beaucoup plus qu'il n'en faut pour le faire soupçonner.
Plusieurs membres : C'est une calomnie ! nous avons connu Duval, c'était un excellent patriote.
(de la Marne) et Sillery. se précipitent à la tribune et demandent la parole.
Je vous répète que je ne dénonce personne, ni Duval le député, ni son frère. Je vous ai fait lecture d'une pièce qui m'a été remise par lés députés extraordinaires dû département d'Eure-et-Loir, qui sont ici et que je vous prie d'entendre avant de prendre aucune détermination. Je vous ai dit quelles conséquences l'observateur pouvait en tirer, c'était mon devoir, je l'ai rempli.
Je demande l'admission à la barre des députés extraordinaires du département d'Eure-et-Loir.
(La Convention décrète qu'ils seront admis.)
Les députés sont introduits.
L'orateur de la députation. Citoyens, la tranquillité publique est menacée dans le département d'Eure-et-Loir. Les pauvres habitants des campagnes environnantes se sont réunis, et égarés sans doute ou par le besoin qui ne connaît point de lois, ou par les malveillants, dont le seul espoir repose dans les troubles intérieurs, ils se sont permis de taxer les denrées dans tous les marchés où ils ont passé. Les corps administratifs ont été fidèles à leurs serments, mais ils ont la douleur de voir que ceux-mêmes dont ils attendaient des secours n'écoutaient que la crainte et leurs besoins peronnels.
Citoyens, le pain est cher dans notre département et cette cherté qui menace particulièrement la classe des indigents, pourrait y causer les plus grands maux. C'est pour les prévenir que les corps administratifs du département d'Eure-et-Loir se présentent devant vous. Ils viennent vous supplier de prendre une prompte détermination sur les moyens d'assurer enfin la subsistance du pauvre. Ce n'est qu'en promettant que nous viendrions déposer dans votre sein les inquiétudes que le peuple au désespoir nous a promis de suspendre l'effet de sa volonté souveraine. A votre nom, nous avons eu la satisfaction de voir sa confiance renaître. Législateurs, vous remplirez son attente.. Vous vous occuperez de ses intérêts les plus chers et les plus pressants; vous rendrez la tranquillité à notre ville, et vous acquerrez ainsi de nouveaux droits aux bénédictions du peuple.
La position de votre département est malheureuse et 1$ Convention a en-
tendu avec intérêt le tableau que vous venez d'en tracer. Sans doute, elle remplira le vœu du peuple et fera respecter la loi ; comptez sur sa sollicitude, elle s'occupera de l'objet de votre pétition et vous invite à sa séance.
Je demande que le président pose à cette députation les questions qu'il a déjà posées à la députation de Loir-et-Cher.
Connaissez-vous dans votre département l'état des subsistances, du blé, du vin?
L'orateur de la députation : Il y a du blé, il n'en manque pas ; mais les marchés ne sont pas fourr nis.
Les administrations ont-elles ordonné le recensement des blés, aux termes de la loi?
Vorateur de la députation : Les autorités constituées ont, pour la plupart, satisfait à la loi, mais les communes en grande partie n'ont pas fourni les tableaux exigés.
Savez-vons quelles sont les causes secrètes dés troublés ?
L'orateur de la députation : Nous pouvons vous donner lecture des procès-verbaux que voici : « Nous soussignés, président du district de Vendôme, etc... instruits, le 23 novembre dernier, que des hommes s'avançaient armés, nous requîmes la force publique le 24. Quatre cents citoyens, de la commune de Villiers, dont 150 à cheval, se sont présentés aux portes delà ville; ils nous ont dit : Nous ne venons point avec des intentions hostiles, mais seulement pour taxer lès blés et les denrées. Les magistrats ont répliqué: Vous pouvez disposer de notre vie, mais vous ne nous ferez pas désobéir à la loi. (Applaudissements.) Lorsque j'ai tenu ce langage à nos frères, ils m'ont embrassé; nous nous sommes serrés dans les bras les uns des autres, et cette journée qui paraissait devoir être si désastreuse, s'est terminée par des témoignages de sentiments dé fraternité. (Applaudissements.) La plupart des citoyens rassemblés, après s'être transportés au lieu de nos séances, ont accédé à nos raisons, de ne point violer la loi : mais quelques autres, guidés par des agitateurs, que nous avons résolu de dénoncer, et il y en a bien 80 dans notre département, étaient plus irascibles et s'opposaient à des mesures de douceur. Cependant nous avons proposé de nous rendre à la Convention, cela seul a suspendu leurs projets, car ils ont la plus grande confiance dans l'Assemblée. Nous vous l'avons déjà dit, la misère est grande ; les blés, les vins, les denrées sont à un prix excessif; nous vous demandons, au nom de la patrie, de prendre des mesures pour adoucir le sort de nos citoyens pauvres.
Avez-vous connaissance que le citoyen Duval, propriétaire, à Montmirail, d'une verrerie, ait dit avoir une lettre de son frère le député, dans laquelle il l'assure qu'on peut taxer les grains, que l'Assemblée l'a décrété ?
L'orateur de la députation: Les faits relatifs à Duval sont consignés au procès-verbal et voici la lettre qui est la même que celle dont on vient de vous parler.
Les députés m'avaient communiqué cette lettre.
(Les administrateurs obtiennent les honneurs de la séance et vont se placer sur }es bans de la Montagne.)
L'Assemblée ne doit pas s'occuper des hommes, mais des choses. (Murmures.)
Je puis assurer que Duval est un citoyen qui m'a toujours paru bon patriote, et les quatre frères Duval ont constamment occupé un grand nombre d'ouvriers. (Nouveaux murmures.)
Le maire de Nogent-le-Rotrou., délégué. Samedi dernier.....(Murmures et interruptions.)
Plusieurs membres : Parlez, parlez 1
Le maire de Nogent-le-Rotrou. Samedi dernier Nogent-le-Rotrou a failli être le théâtre du carnage, des hommes furieux menaçaient d'égorger quiconque s'opposerait à taxer les grains. Je leur ai parlé, j ai fait mon devoir, mais j'ai bien remarqué que parmi eux, il en était de soudoyés. Dans le moment où je leur parlais de la loi,* de la paix, l'un d'eux s'est écrié qu'il fallait me couper la tête. J'ai crié: Vive la République ; tous m'ont imité et nous nous sommes embrassés. Ils m'ont entraîné au marché ; là, ils ont taxé ies grains. Cependant il n'y a point eu de meurtre, ils se sont retirés en disant qu'ils reviendraient aujourd'hui.
Citoyens, les pétitionnaires vous ont fait le tableau des troubles qui agitent en ce moment le département d'Eure-et-Loir, mais il ne vous ont pas dit quelle en était la cause principale; ils l'ignorent. Je vais vous la dire, moi.
Dans plusieurs départements de la République et surtout dans le département de lEure, il existe encore de ces hommes qui sont restés, par l'opinion, les esclaves des ci-devant nobles et des ci-devant corps ecclésiastiques, tellement qu'ils partagent leurs vues désastreuses et leurs projets désorganisateurs. Ces propriétaires consentent à recevoir leurs fermages, non en valeur fictive comme autrefois, mais en valeur réelle, comme cela se pouvait faire, c'est-à-dire en grains, en légumes, en laines, beurres et autres denrées, de manière que tous ces objets renchérissent et que le grain reste renfermé dans les greniers. Je connais une ferme ou les grains n'ont pas été battus depuis huit mois.
Plusieurs membres : Tant mieux 1
D'autres membres : Tant pis !
D'autres membres : Il divague!
Je conclus par demander que la chose publique soit sauvée.
Je demande la parole poiir énoncer des faits importants. C'est à ma porte que le premier rassemblement s'est fait, et c'est dans la verrerie de Duval, à Montmirail, que l'insurrection a pris sa source. Non que je prétende que Duval ou Basson, propriétaires associés de cette verrerie, l'aient créée et organisée, mais j'atteste que c'est de là que sont partis les hommes qui ont désobéi à la loi. C'est à Montmirail qu'ils ont commencé leurs taxes; de là ils se sont portés à La Ferté-Bernard ; de là à Mont-doubleau; de là à Saint-Calais, où ils sesont partagés en deux bandes, dont l'une a marché versv le Mans, et l'autre a pris la route de Vendôme.
Je ne rappellerai pas ce qu'ils ont fait à Vendôme, on vient de vous en faire le tableau, et je pense que cela doit vous suffire.
Au Mans, ils ont forcé-les administrateurs du département a approuver par un arrêté l'irrégularité de leur conduite. Les administrateurs ont cédé; je ne les excuse pas. Ils paraît qu'ils ont préféré la sécurité avec un peu de honte, à l'honneur dangereux de remplir leurs devoirs.
Partout, ce rassemblement s'est augmenté de la totalité des citoyeus des lieux par lesquels il passait; partout ils n'ont laissé que les femmes, les infirmes et les enfants. Tout le reste a été forcé de se joindre à eux, sous peine de se voir incendier ses possessions. Us ont eu soin de faire précéder, dans leur marche, par les officiers civils et militaires des lieux dont ils emmenaient les habitants.
Citoyens, n'en doutez pas, c'est le dernier effort des ennemis de la République. Ils tentent de suppléer par les troubles et les insurrections qu'ils fomentent, et qu'ils couvrent du nom du peuple, à l'impuissance de leurs moyens militaires.
Je demande que vous employiez, dans cette circonstance, une mesure qui vous a si souvent réussi pour calmer les inquiétudes du peuple, et lui prouver que ses intérêts vous sont chers. Envoyez trois commissaires choisis parmi vous et investissez-les des pouvoirs nécessaires pour découvrir les véritables causes des insurrections et rétablir la paix, et cette fois encore vous déjouerez les manœuvres des malveillants. (Applaudissements.)
Je demande à vous faire lecture de cinq articles; j'espère que les mesures qu'ils indiquent vous mettront à portée de venir d'une manière utile au secours de la partie la plus intéressante du peuple, et de prévenir désormais l'abus que des méchants pourraient vouloir faire de sa volonté ou de sa puissance.
Voici l'article 1er :
« Le conseil exécutif est chargé de rappeler sur-le-champ les commissaires envoyés par lui dans les départements, à l'exception de ceux qui ont été envoyés pour le service militaire et de ceux qui ont été retenus par les autorités constituées. Il est chargé aussi de rendre compte du nombre de ceux qui auront été retenus et des causes de leur détention. »
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
D'autres membres : L'ajournement!
Je demande la question préalable sur ce premier article.
Je m'y oppose, et bien au contraire, je propose que le premier article soit adopté sur-le-champ. J'ai chez moi des preuves écrites de toutes les malversations exercées par ces commissaires; les uns ont conseillé à des administrateurs de s'emparer du domaine national pour leur usage, les autres ont conseillé à des officier municipaux de prendre sur la caisse publique les sommes dont ils pouvaient avoir besoin pour l'acquit de leurs dettes.
Pour compléter les renseignements fournis par Lidon, je puis ajouter que j'ai chez moi un procès-verbal qui constate que Momoro et Dufour, envoyés dans les départements de l'Eure et du Loir-et-Cher, ont voulu forcer des citoyens pauvres à s'emparer d'un château d'émigré, qui leur appartenait comme bien national; j'ai même devers moi un écrit par lequel Momoro demandait la loi agraire. (Murmures.)
, le jeune. Je puis en dire autant pour Fontainebleau. Il m'est possible de prouver que ces commissaires en ont fait dévaster la forêt, en disant aux citoyens que le bois leur appartenait.
Ces commissaires sont des envoyés de Roland, qu'il en réponde!
Pas du tout, ces commissaires ont été imposés par la commune de Paris, c'est à elle à rendre compte de leur conduite.
Je reviens sur ma proposition et je demande à nouveau la question préalable sur cet article. Je crois à la possibilité des faits qui vous sont dénoncés, je les crois même vrais, mais je vous observe que par cet article, si vous l'adoptiez, vous déchargeriez les ministres de la responsabilité, ce qui n'est pas sans doute dans votre intention. (Murmures.)
(La Convention repousse la proposition de Sergent et adopte l'article 1er du projet de décret présenté par Barère de Vieuzac.)
Je demande alors que le pouvoir exécutif soit tenu de rendre compte de la conduite desdits commissaires.
C'est précisément le but de mon second article et le voici :
« Le conseil exécutif rendra compte incessamment de la conduite qu'ont tenue lesdits commissaires dans les divers départements. »
Je demande une adjonction à cet article, c'est que la commune de Paris soit tenue de rendre compte à son tour des actes commis dans les départements par ses commissaires. Il est important de connaître le dogme et la doctrine ae ces prêcheurs de révolte, il faut qu'il en soit fait rapport au ministre, il faut que nous connaissions ici tous ceux qui ont organisé le désordre et la dévastation.
Plusieurs membres (à l'extrême gauche) : L'ordre du jour !
(de la Marne). Je demande la parole.
Je vais mettre la proposition aux voix.
(L'épreuve est douteuse.)
La question est mal posée, c'est la proposition Morisson qui est mise aux voix et non l'article 2 du projet de Barère.
Vous allez décider, je vais mettre une seconde fois la proposition aux voix.
(Cette seconde épreuve est encore douteuse.)
Plusieurs membres : L'appel nominal!
(de la Marne). Je réclame l'ordre du jour, et je le trouve d'autant plus juste que parmi ces commissaires de la commune de Paris, je ne connais pas de désorganisateurs mais des hommes qui ont souvent sauvé la chose publique (Applaudissements à l'extrême gauche).
Tant mieux, on leur rendra justice.
Et, bien moi,j'en connais qui ont égaré l'opinion, qui ont prêché le maratisme. J'en ai vu qui ont dit au peuple, que les biens nationaux n'appartenaient qu'aux pauvres. J'estime que passer à l'ordre du jour, ce serait consacrer leurs crimes, (\iolents murmures à l'extrême gauche.)
Et moi, j'estime que discuter ainsi, c'est perdre le temps de la Convention ; la discussion des grains, voilà notre devoir. J'appuie la demande de Prieur.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition de Morisson et adopte l'article 2 du projet de décret proposé par Barère de Vieuzac.)
Voici mon troisième article :
« 11 est interdit au conseil exécutif d'envoyer des commissaires civils dans les départements,
sans l'autorisation de la Convention nationale. »
Cet article, à mon sens, a pour but d'éviter à l'avenir les malheurs qui viennent de nous être dénoncés.
(de Thionville). Cet article est inutile, j'en propose la suppression.
Plusieurs membres : Pas du tout il faut le maintenir!
Oui, mais il faut ajouter les autorités constituées; il importe que les autorités \ constituées aient le droit d'envoyer des commissaires.
11 faut ainsi poser la question. Le conseilexécutif pourra-t-il envoyer des commissaires, autres que pour l'observation?
(de la Marne) et plusieurs autres membres réclament l'ordre du jour.
(La Convention décrète l'article 3 du projet de décret proposé par Barère de Vieuzac.)
Dans mon article 4 j'avais pensé qu'il serait peut-être possible de parer aux abus qui s'étaient déjà commis et qui pourraient à l'avenir se commettre en décidant l'envoi de commissaires pris dans le sein de la Convention, avec mission- de rétablir dans les départements la circulation des grains et de prendre connaissance des causes qui l'ont arrêtée.
En voici la teneur :
« 11 sera nommé dans le sein de la Convention nationale neuf commissaires, dont trois se transporteront dans chacun des départements de Loir-et-Cher, d'Eure-et-Loir et de la Sarthe, pour y rétablir la libre circulation des grains, rechercher les motifs qui l'ont arrêtée, et qui ont empêché l'exécution des lois rendues sur cet objet, et de faire connaître à la Convention nationale les causes et les auteurs des agitations et des troubles qui ont eu lieu dans ces départements. »
Mandez le ministre de l'intérieur pour savoir qu'elle a été l'exécution de la loi sur le recensement des grains.
Plusieurs membres : Vous êtes hors de la question.
Si vous ne mettez que trois personnes pour commissaires, elles seront insuffisantes; c'est une disette, non de grains (ils ne manquent pas, même dans ces départements il y en a beaucoup), c'est une disette d'opinion, et il faut déjouer les agitateurs. Nommez neuf commissaires.
(La Convention adopte l'article 4 du projet de décret de Barrère de Vieuzac ainsi amendé.)
Je propose un article additionnel, c'est d'accorder a ces neuf commissaires l'autorisation de décerner des mandats d'amener et d'arrêté.
(La Convention décrète cet article.)
Mon dernier article avait pour objer la formation des commissions des subsistances. J'estime qu'elles devraient être composée de 12 membres; sa mission aurait été de s'occuper de la circulation des grains et elle aurait été exclusivement chargée d'examiner la manière avec laquelle on agite le peuple.
J'estime qu'une pareille proposition est inutile ; le comité d'agriculture est réservé pour ces objets et suffit amplement à mon sens. D'ailleurs, si l'Assemblée m'accorde la parole quand elle discutera l'objet des subsistances, je lui prouverai par des faits que la disette qui existe
dans quelques départements n'est qu'apparente; que dans le département du Nord et dans plusieurs autres, il y a un tel engorgement de cette denrée, que les cultivateurs sont au désespoir de ne pouvoir la vendre. A Romorantin, qui n'est qu'à quelques lieues d'Orléans, on paye le pain 7à 8 sous la livre, tandis qu'à Orléans il ne coûte que 2 sous 3 deniers; pourquoi? Parce que les citoyens d'Orléans ne veulent pas laisser sortir les grains qu'ils ont en surabondance. Vous voyez donc que tout le mal vient des entraves que l'inquiétude populaire oppose partout à la liberté du commerce et de la circulation des grains. C'est de la publicité de ces vérités que nous devons principalement attendre le retour de l'ordre et la diminution du prix des comestibles.
(La Convention décide qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur le dernier article du projet de décret de Barère de Vieuzac.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le conseil exécutif est chargé de rappeler sur-le-champ les commissaires envoyés par lui dans les départements, à l'exception de ceux qui ont été envoyés pour le service militaire et de ceux qui auront été retenus dans les départements par les autorités constituées; il est chargé aussi de rendre compte du nombre desdits commissaires qui auront été détenus, et des causes de leur détention.
Art. 2.
« Le conseil exécutif rendra compte incessamment de la conduite qu'ont tenue lesdits commissaires dans les divers départements.
Art. 3.
« Il est interdit au conseil exécutif d'envoyer des commissaires civils dans les départements, sans l'autorisation de la Convention nationale.
Art. 4.
« Il sera nommé dans le sein de la Convention nationale neuf commissaires, dont trois se rendront dans chacun des départements de Loir-et-Cher, d'Eure-et-Loir et de la Sarthe, et dans les départements limitrophes, s'il est nécessaire, pour y rétablir la libre circulation des grains, rechercher les motifs qui l'ont arrêtée et qui empêchent l'exécution des lois rendues sur cet objet, et pour faire connaître à la Convention nationale les causes et les auteurs des agitations et des troubles qui ont eu lieu dans ces départements;
Art. 5.
« Lesdits commissaires nationaux sont autorisés à décerner des mandats d'amener et d'arrêt. »
Les observations présentées par Briez prouvent combien il importe que les agitateurs, queles fauteurs des inquiétudes et des erreurs populaires soient punis. Vous avez décrété que Malus et Petit jean seraient traduits à la barre ; décrétez donc que Duval y sera également traduit. Vous avez contre lui un procès-verbal.
Vous devez sévir contre les agitateurs et les fomenteurs de troubles; vous avez la confiance du peuple, montrez-lui
ses ennemis. Que ce soit par erreur ou qu'ils soient mûs par des impulsions secrètes vous devez les frapper. J'appuie la proposition.
(Applaudissements des tribunes.)
La loi présume innocent quiconque n'est pas convaincu de délit, on vous a produit un procès-verbal, mais qu'est-ce que c'est que de telles pièces ? (Murmures.)
(de Thionville). Vous avez entendu les accusateurs, vous devez écouter les défenseurs de l'accusé.
Ce procès-verbal porte qu'en se présentant à Chartres, les hommes armés ont dit : « Nous n'avons pas d'intentions hostiles, nous venons pour taxer le blé. » Ce même procès-verbal dit ensuite que le nommé Duval, propriétaire de la verrerie de Montmirail, avait reçu une lettre de son frère le député, portant que la Convention venait de rendre un décret qui ordonnait de taxer le blé. Eh bien, ces deux faits ne sont appuyés d'aucunes pièces probantes. Ce n'est là qu'une délation; un procès-verbal ne prouve rien, et l'on pourrait, sur de telles allégations, jeter dans les fers des hommes vertueux. J'ai connu Duval dans l'Assemblée législative et j'affirme qu'il est incapable d'écrire une telle lettre. Je soutiens, en outre, que vous ne pouvez mettre ce citoyen en état d'arrestation sans porter atteinte à la liberté individuelle.
Il s'agit du Duval de la verrerie et non du député. Lisez le procès-verbal, il est facile de s'en rendre compte. Vous y verrez que des hommes de Chartres ont répliqué que Duval leur avait lu une lettre de son frère le député et que cette lettre portait que la Convention avait rendu un décret pour taxer les grains.
Plusieurs membres (au centre) : Duval à la barre!
D'autres membres (à gauche) : La question préalable! .
consulte l'Assemblée et déclare que la. Convention ordonne la traduction de Duval à la barre. (Vives protestations à gauche.)
L'épreuve est douteuse, on ne peut ainsi accuser l'un des meilleurs citoyens, j'ai un amendement à proposer.
(sans désignation). L'Assemblée est juste, qu'elle précise son décret; interpellez au moins les commissaires de la députation, qu'ils vous disent quel est ce Duval. Ils sont quatre frères.
Je réclame l'appel nominal.
(de la Marne) réclame à grands cris la parole.
La mesure que l'on vous propose contre Duval est extraordinaire, c'est une mesure si violente.....(Murmures au centre.)
Plusieurs membres à gauche : Oui, oui!
parle dans le tumulte.
Cette mesure, vu l'état des choses est si violente, que l'homme le moins passionné serait tenté de croire qu'elle est dictée par la passion (Nouveaux murmures.)
Les mêmes membres à gauche : Parfaitement.
Comment citoyens, quand un représentant parle pour être le défenseur d'un accusé, on ne l'écoute pas? Sommes-nous les pères ou les oppresseurs du peuple? (Applaudissements.)
Vous ne devez pas partager les passions, je
n'en embrasse aucune, je vis isolé, je suis libre comme l'air que je respire ; je demande l'ajour- ment de la mesure que l'on vous propose jusqu'à l'arrivé des commissaires dans le département de l'Eure.
(de la Marne) insiste pour que les municipaux de Nogent-lé-Retrou, qui sont présents, soient entendus. Ils sont là, s'écrie-t-il, pourquoi ne pas les entendre?
(La Convention décrète qu'elle entendra les administrateurs du département de l'Eure.)
Le maire de Nogent-le-Rotrou. Je déclare à l'Assemblée que je ne connais pas Duval; samedi les agitateurs n'ont pas prononcé son nom.
Entendez aussi les autres administrateurs.
les invite à paraître à la barre.
Plusieurs membres à gauche : Ils n'y sont pas ! (Murmures.)
D'autres membres au centre : C'est une manœuvre, huissiers faites-les paraître!
Deux hommes sont introduits à la barre.
Les mêmes membres au centre : Ce ne sont pas eux; c'est une supercherie !
Plusieurs membres à gauche : Les commissaires du département de l'Eure-et-Loir sont partis; l'ordre du jour, nous demandons l'ordre du jour!
(La Convention ajourne son décret sur Duval jusqu'après l'arrivée des commissaires dans le département de l'Eure-et-Loir).
J'ai quelques observations à présenter à la Convention.
Plusieurs membres : Pas du tout, décidons d'abord de quelle façon seront nommés les commissaires.
(La Convention décrète que les neuf commissaires dont l'Assemblée vient d'ordonner l'envoi, seront présentés par le Président et les secrétaires.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui adresse à la Convention le compte de Santerre, général provisoire de la garde nationale parisienne; cette lettre est ainsi conçue ;
Paris, le
« Citoyen Président,
« Je viens de recevoir la démisssion de Santerre, général provisoire de la garde nationale parisienne, Il vient de me remettre son compte; ii„a reçu 4,217,371 livres, il a dépensé 4,188,572 livres; il lui reste en càisse 28,798 livres Ce commandant observe qu'il reste pour 400,000 livres d'objets à payer; il demande qu'il soit tenu cette somme à sa diposition, sauf à en rendre compte.
« Je vous prie d'informer l'Assemblée que 2,400 volontaires forment la garde à cheval de Paris et que, à l'Ecole militaire, les dépenses de ce corps augmentent tous les jours. Je demande personnellement qu'il soit mis 200,000 livres provisoirement à ma disposition, pour les besoins de cette troupe.
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
Je convertis en motion la demande du ministère; cet objet est tellement
pressant que des maréchaux ont refusé de ferrer 200 chevaux dont on n'a pu disposer ce^ matin.
(La Convention renvoie la lettre au comité de l'examen des comptes.)
Le même secrétaire donne lecture des trois lettres suivantes :
1° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui demande un fonds de 200,000 livres pour pourvoir aux besoins des volontaires formant la cavalerie nationale casernée à l'Ecole militaire.
(La Convention en ordonne le renvoi au comité des finances pour faire un rapport demain.)
2° Lettre de Pache, ministre de la guerre, qui demande une somme de 40,000 livres pour faire continuer la solde du corps des éclaireurs de l'armée.
(La Convention en ordonne le renvoi aux comités des finances et de la guerre réunis.)
3° Lettre du commissaire Malus, envoyée par le ministre de la guerre, qui renferme des observations sur la nécessité d'augmenter la solde donnée aux soldats convalescents, pendant leur route.
Je demande qu'il soit payé aux convalescents militaires 5 sols par lieue de poste , pour les aider à retourner chez eux, et qu'il soit tenu compte aux départements de ce qu'ils ont payé par avance.
(La Convention décrète la proposition de Carra.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens d'Aoust, Duhem et Delmas, commissaires de la Convention nationale à Varmée du Nord, qui est ainsi conçue](l) :
Lille, le er de la République.
« Citoyen Président,
« Nos concitoyens de Lille ont célébré nos victoires par une fête civique; le grand aigle de bronze doré, qui était au haut du beffroi de Tournai, qui en avait été descendu à l'arrivée des Français, pour faire place au bonnet de la liberté, et que le général Labourdonnaye avait fait arriver le matin même à Lille, a été traîné dans les principales rues de la ville; à la suite du cortège, formé par des hussards, ou voyait les braves canonniers, qui ont si heureusement dirigé leurs bombes sur les barbares, le bataillon des enfants, celui des vieillards, vos commissaires, la municipalité et les corps administratifs et judiciaires de ce district; la joie éclatait sur tous les visages. Cette fête nous a donné occasion de tenir à ce respectable peuple le langage qui lui plaît, celui des vrais républicains. Nous avons parié de même à la garnison assemblée pour prendre part à la fête, et tous ont fait retentir dans les airs les cris de Vive la République ! périssent les rois et les despotes !
« Nous avons été au Quesnoy, à Commines, à Tourcoing, à Roubaix ; nous
avons rassemblé les citoyens de ces différents lieux et des villages
circonvoisins; nous n'avons rien oublié en leur parlant de ce qui nous a
paru le plus propre à fortifier dans leur cœur l'amour ae la liberté, de
l'égalité et du gouvernement républicain qui en est la conséquence.Nous
avons consolé ces braves
« Nous avons destitué Blanchon, qui, dans l'Assemblée nationale législative, a montré une active aristocratie qui devait l'éloigner nécessairement des fonctions de commissaire des guerres, dont l'importance est telle qu'elles ne pouvaient être confiées qu'à des hommes bien purs et dont les principes soient bien connus pour véritablement républicains.
« Il nous a été impossible de concevoir comment un ministre a osé employer un pareil personnage. Nous ignorons sous quel ministère il a été nommé.
« Vos commissaires à l'armée et sur la frontière du Nord.
« Signé : d'Aoust, Delmas, Duhem. »
Vous deviez discuter aujourd'hui la question de savoir si vous réuniriez l'Allobrogie à la France. Il est important de faire connaître les motifs qui vous ont empêché d'ouvrir cette discussion, car il y a des agitateurs envoyés exprès en Savoie pour tromper cette province sur vos intentions. Je demande que, pour déjouer leurs manœuvres, on ajourne à demain midi cette discussion.
(La Convention prononce l'ajournement au lendemain, à l'heure de midi.)
propose la liste suivante des commissaires qui doivent se rendre dans les départements de la Sarthe, d'Eure-et-Loir et Loir-et-Cher ; elle est adoptée.
Pour le département de la Sarthe : les citoyens Mathieu, Couppé, des Côtes-du-Nord ; Lehardy, du Morbihan.
Pour le département d'Eure-et-Loir : Lecointe-Puyraveau, Maure, Birotteau.
Pour le département de Loir-et-Cher; Villers, de la Loire-Inférieure; Couthon.
(La séance est levée à cinq heure et demie.)
a la séance de la convention nationale du
MOYEN de secourir efficacement les enfants et les veuves de ceux qui meurent pour la défense de la patrie, sans toucher au Trésor public, par Daiibermesnil, député par le Tarn à la Convention nationale (2).
Le berceau de la République française est entouré de lauriers'; à peine s'écoule-t-il un jour qui ne soit marqué par de nouveaux succès ; et la liberté, marchant au-devant de vos armées, et parcourant à pas de géant ces contrées d'où naguères le despotime osait vous menacer, vous envoie en tribut et les trophées des ennemis de votre liberté vaincus, et la reconnaissance des nations jalouses de vous imiter.
Mais chacune de ces victoires coûte une larme à la patrie; il n'est aucun triomphe qui ne soit
marqué par la perte que des enfants font de leur père, hélas! que des pères sont de leurs enlants ! Vous avez senti que la solidarité nationale devait venir à leurs secours; vous avez senti que c'était à vous à donner un soulagement aux uns, et, s'il était possible, une consolation aux autres ; qu'enfin la patrie leur devait tout ce qu'ils avaient perdu. Vous avez fait une loi pour parvenir à ce hut, mais vous connaissez, sans doute, combien les moyens qu'elle offre sont insuffisants. N'est-il donc d'autre ressource que celle de puiser dans le Trésor public ? Ne saurons-nous jamais être reconnaissants qu'avec de l'argent, toujours de l'argent? Ne perdrons-nous jamais cette méthode aristocratique ? Ah ! devenons grands comme les événements, adoptons enfin les mœurs républicaines et les lois qu'elles exigent, si nous voulons en soutenir le système politique.
Serait-il possible que nous voulussions mettre à prix d'argent les efforts de la vertu, les sacrifices de la nature envers la patrie et pour la cause de la liberté?
Le cœur humain, le cœur généreux, l'âme magnanime des français, l'affection, la vertu, voilà le trésor où je veux puiser pour offrir à ces victimes infortunées le seul dédommagement qui puisse se rapprocher de leurs pertes, le seul digne de la majesté d'une grande nation, le seul enfin capable d'accélérer la génération des mœurs en divisant les grandes propriétés. L'argent est le mobile le plus actif dans les états despotiques, il sert merveilleusement les vues usurpatrices du pouvoir arbitraire; il dégrade l'homme, et nous devons l'élever à toute sa hauteur; il enfante l'égoïsme, et je voudrais le détruire, et je voudrais remplacer ce ressort avilisant par les affections douces et renaissantes de la nature et delà patrie ; elles seules peuvent élever l'homme à ces grandes choses que les contemporains admirent, que la postérité raconte avec vénération et contemple avec étonnement.
Quelque pension, qu'elque traitement que vous fixiez pour des orphelins, leur rendrez-vous un père? vous serait-il même possible de donner à chacun d'eux un équivalent de subsistance égal à l'abondance qu'un seul homme entretenait dans sa famille? Non, sans doute; il faut donc chercher d'autres moyens.
Les sentiments de la nature, l'expérience des peuples anciens, la reconnaissance native dans tous nos cœurs, la générosité des Français, leur enthousiasme pour la liberté inséparable de l'intérêt qu'ils doivent prendre à ceux qui se sont sacrifiés pour elle, tout me fait présumer que les enfants dont les pères ont été les victimes de la fureur de nos ennemis, trouveront dans le projet que je vais vous présenter, un refuge plus assuré, plus utile contre l'infortune et l'abandon, que les secours du Trésor public.
Dans une circonstance semblable à celle où se trouve la République française, le Sénat de Rome porta la loi sur les adoptions: je n'entrerai point dans le développement des motifs qui la dictèrent; je devrais, pour cela, faire un nouvel effort, et je ne veux pas le mesurer avec mon courage. Ces motifs sont renfermés en quatre mots, et vous les connaissez tous aussi bien que moi. Une différence sensible se trouve cependant entre cet Etat et notre République; c'est que la perte des Romains était immense, et que leur territoire et leur population ne leur présentaient point les mêmes facilités pour la réparer.
Sans doute, vous imiterez une mesure aussi grande, aussi simple, aussi facile; et quel est le Français qui, dans ce moment, ne s'empressera de payer a la patrie le tribut sacré qu'elle doit à ses défenseurs? Quel est l'homme opulent, le riche célibataire qui ne cherchera pas à partager, par ses bienfaits, la gloire des héros de la Révolution, et des conquérants de la liberté?
En quel nombre croyez-vous que soient ces orphelins de la patrie? Supposez-en deux mille, trois mille, trois fois davantage, qu'est-ce pour la France entière? Qu'est-ce pour l'intérêt que doivent inspirer à ses heureux habitants les enfants dont l'existence rappelle les sacrifices de leur pères ? Je ne vous parle pas d'autres infortunés que vous avez à consoler ; je ne tenterai pas de vous peindre la situation de leur âme; ne les ai-je pas désignés en disant que c'était eux que les lois romaines avaient principalement en vue, lorsqu'elles consacrèrent l'adoption?
Un autre motif bien plus puissant s'offre à ma pensée. Ne désirez-vous pas d'empêcher l'agglomération de grandes propriétés dans une seule main ? La loi que je vous offre tend nécessairement à ce but, en laissant passer à un fils adop-tif et pauvre les biens qu'un neveu, déjà riche, eût réunis; car vous ne doutez pas que les grandes fortunes se sont principalement établies par les successions collatérales; et l'adoption donnant des enfants au citoyen qui n'en aura point, appellera à sa succession le fils du citoyen pauvre, mais honnête, dont les services et les talents ont utilement servi la chose publique. Je vois l'opulent embrasser le fils de l'indigent, je vois les richesses se diviser, se partager plus également, et par un nouveau canal, tendre vers le niveau auquel nous devons désirer qu'elles parviennent; je vois le fils adoptif, devenu possesseur d'une petite fortune, en faire refluer une partie sur ses parents malaisés; je vois enfin peu d'hommes opulents, et beaucoup de citoyens aisés. Que quelqu'un de nous donne l'exemple, bientôt les amis ardents de la chose publique, dans tous les départements, l'imiteront ; un nouveau lien de fraternité unira toutes les familles de la République. En envisageant ce projet de loi sous ce rapport politique, elle devient une des plus intéressantes que vous puissiez proclamer ; mais considérez-la dans tous ses bienfaits, et vous vous déciderez bientôt à donner encore au monde un grand exemple de plus. C'est donc cette mesure magnanime et désintéressée que je vous propose; simple comme la nature qu'elle imite, ses dispositions doivent être claires et peu nombreuses: l'enfant doit trouver un père, le père doit trouver un enfant. Les circonstances présentes exigent des articles particuliers; mais vous devez à ceux que les combats ont fait orphelins, de consacrer le principe qu'attend nn grand nombre de citoyens patriotes pour leur donner un père. Ainsi vous acquitterez par la vertu, par la générosité, le prix des sacrifices de nos concitoyens, et la dette sacrée dont nous sommes chargés envers leurs familles. Peut-être objectera-t-on que par cette loi les veuves paraissent oubliées; mais toutes les fois qu'elles seront déchargées du soin de pourvoir à la subsistance de leurs enfants, qu'elles les verront à l'abri de l'infortune et de la misère, n'auront-eiles pas reçu le plus grand des soulagements? Si leur âge leur permet de former de nouveaux nœuds, elles éprouveront moins d'obstacles; si leur douleur le leur interdit, leurs fils seraient
bien ingrats s'ils ne profitaient du premier moment d'aisance pour les secourir. Enfin, si vous étiez réduits à leur offrir une pension, toujours est-il vrai que les enfants qui sont en bien plus grand nombre, n'en auraient pas besoin.
Je ne vous présenterai pas ici des motifs d'économie; je craindrais d'avilir, par un sordide calcul, les sentiments purs et sublimes qui doivent dicter cette loi. Elevons-nous donc à la hauteur des grandes destinées qui reposent en nos mains; lançons parmi les lois passagères que les circonstances nous obligent de faire, parmi ces lois de rigueur que l'état de guerre exige, et qui nous ont si longtemps occupés, lançons, dis-je, une loi de douceur, une loi qui, rassurant les principes sociaux, soit aussi durable que la nature, et qui fixe enfin la reconnaissance des hommes sur l'époque qui l'aura vu proclamer, et sur les législateurs à qui les nations devront ce bien. C'est d'après ces considérations et sous ces rapports que je vous propose de décréter pour principe: La loi reconnaît l'adoption et ses effets suivant le mode et lé cas qui seront déterminés, et que le comité de législation soit tenu de présenter, sous quinze jours, une loi sur le mode, les motifs et les effets de l'adoption.
Séance du
PRÉSIDENCE DE GRÉGOIRE, président, ET DE HÉRAULT DE SÉCHELLES, ancien président.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 24 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 25 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, au nom du comité d'aliénation, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à déclarer qu'il ny a lieu ae transférer au Palais-Bourbon le magasin des effets militaires actuellement établi à Saint-Denis ; le projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale décrète qu'il n'y a lieu d'accorder une portion de la maison ci-devant dite le Palais-Bourbon, pour l'établissement du magasin des effets^ militaires actuellement établi à Saint-Denis.
« Le ministre de la guerre indiquera, dans le délai de troisjours, un des ci-devant couvents le plus à portée de l'hôtel de la guerre, pour l'établissement desdits magasins. Il joindra à sa demande la désignation précise et l'état des lieux nécessaires pour l'établissement desdits magasins et pour le logement d'un concierge, sans qu'aucun administrateur, ou commis, puisse y loger. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
dépose sur le bureau une pétition des administrateurs de Perpignan, relative aux hôpitaux du département de Pyrénées-Orientales, et en demande le renvoi au comité des secours publics.
Sans combattre le renvoi proposé
par le préopinant, i'observe que la Convention nationale doit étendre également ses sollicitudes et son humanité sur tous les hôpitaux de la République qui, depuis la Révolution, éprouvent des non-payements et des, pertes considérables. Ainsi, il convient de généraliser la proposition du préopinant. Je demande donc que le renvoi au comité des secours publics soit décrété, et qu'il y soit dit que le même comité s'occupera sans délai du mode et des moyens de remplacements des déficits de tous les hôpitaux delà République.
(La Convention renvoie la pétition au comité des secours publics et le charge de présenter un projet de décret général sur les secours à accorder aux hôpitaux de la République.)
, au nom du comité d'aliénation, fait un rapport et présente un projet de décret sur les traitements des personnes employées, par le ci-devant roi, dans les domaines de la ci-devant liste civile et sur l'administration desdits domaines; le projet de décret est ainsi conçu:
« La Convention nationale, ouï le rapport de son comité d'aliénation, décrète ce qui suit :
Art: 1er
« Tous les traitements, gages, appointements, gratifications, et autres émoluments, de quelque nature qu'ils soient, attribués aux personnes employées par le ci-devant roi dans les maisons et domaines de la ci-devant liste civile, dans le Louvre et les Tuileries, Cesseront entièrement le 31 décembre prochain.
Art. 2.
« A la même époque, toutes personnes qui avaient leur logement dans lesdites maisons et domaines, seront tenues de les évacuer et de remettre les lieux en bon état, tels qu'ils leur ont été livrés.Sont exceptées delà présente disposition les personnes auxquelles les logements dans le Louvre ont été réservés par les décrets des 12 et 16 août dernier.
Art. 3:
« Celles des personnes mentionnées dans l'article premier, dont les gages et traitements n'excédaient pas la somme de 600 livres par an, seront payées de leurs gages courants jusqu'audit jour 31 décembre prochain, conformément au décret du 3 octobre dernier. Les personnes dont les gages et traitements excédaient Ja somme de 600 livres, recevront seulement des acomptes sur le pied de 600 livres par an.
Art. 4.
« Tout ce qui était dû par la liste civile au 10 août dernier, tombera en arriéré, et sera payé sur les fruits échus audit jour 10 août, ainsi que sur les deniers comptants et effets qui seront reconnus appartenir à la liste civile, après que la liquidation et l'ordre desdites créances auront été faits, conformément aux décrets qui seront prononcés par la Convention.
Art. 5.
« La Convention se réserve de prendre en considération la nature et le temps des services, l'âge et les besoins des employés dahs les maisons et domaines de la liste civile, ainsi que ce qui pourra être dû à ceux d'entre eux dont le traitement excédait 600 livres, jusqu'au mo-
ment de la suppression dudit traitement, et elle y statuera sur le rapport qui lui sera fait par le comité de liquidation.
Art. 6.
« Les personnes employées à la conservation, garde et police des bois et forêts, dépendant ae la liste civile, ne sont pas comprises dans le présent décret ; la Convention se réservant de statuer sur ce qui regarde la conservation desdits bois et forêts, d'après le rapport qui lui en sera fait incessamment par le comité des domaines.
Art. 7.
« Les aumônes qu'il était d'usage de donner chaque mois dt ns les communes dépendant de la liste civile, continueront provisoirement, et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, à être versées entre les mains des officiers municipaux, pour être distribuées, par l'avis du conseil général de la commune, sous la surveillance du district et du département auxquels les municipalités rendront compte de la distribution.
Art. 8.
« Les biens dépendant de la liste civile seront administrés, comme tous les autres biens nationaux, par les régisseurs du droit d'enregistrement, conformément au décret du 19 août 1791. Ils feront la perception des revenus échus, tant avant le 10 août, que postérieurement à cette époque ; mais ils distingueront dans leurs registres les fruits et revenus antérieurs et postérieurs au 10 août.
Art. 9.
« Les régisseurs du droit d'enregistrement présenteront à la Convention, avant le 20 décembre prochain, l'état du nombre des commis extraordinaires qui leur paraîtra nécessaire d'employer sur les lieux, pour la régie des biens de la ci-devant liste civile. Ils auront la faculté de choisir pour commis les personnes ci-devant employées dans l'administration desdits biens ; le aroit de les changer et révoquer, leur demeurant réservé. Mais ils ne pourront choisir parmi les ci-devant employés, que ceux qui auront un certificat de civisme, délivré par le conseil général de la commune de leur résidence.
Art. 10.
« Les terres, fermes et domaines que le ci-de-Yant roi faisait valoir par agents directs, seront affermés, conformément aux décrets rendus à l'égard des biens nationaux. Les maisons et bâtiments seront loués, conformément aux mêmes décrets.
Art. 11.
« Les dispositions des articles 1, 2, 3, 8, 9 et 10 du présent décret, sont étendues aux biens qui appartenaient aux frères du ci-devant roi, lesquels seront régis par les directeurs du droit d'enregistrement, en conformité desdits articles. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comité de marine, présente un projet de décret tendant à accorder une récompense au citoyen Babu, pour sa découverte des trirèmes des anciens ; ce projet de décret est ainsi conçu;
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine sur la découverte des trirèmes des anciens par le citoyen Babu, a renvoyé l'inventeur vers le ministre de l'intérieur, qui, sur le fonds de 300,000 livres mis à sa disposition par décret de l'Assemblée constituante du 9 septembre 1791, fera jouir cet artiste du minimum des récompenses et gratifications fixées par ladite loi, et aux conditions y énoncées. »
(La Convention adopte ce projet de décret.),
, au nom du comité d'instruction publique, présente un projet de décret concernant la vente des papiers déposés à la ci-devant chambre des comptes; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité d'instruction publique, décrète :
Art. 1er.
« Le ministre de l'intérieur est chargé de suspendre dans le jour la vente des papiers déposés à la ci-devant chambre des comptes.
Art. 2.
« La commission de la conservation des monuments est chargée de séparer de ses papiers les objets qui pourraient intéresser l'histoire, les sciences ou les arts.
Art. 3.
« Les papiers qui n'auront pas été jugés dignes d'être conservés, seront vendus en conformité des décrets déjà rendus. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
J'ai l'honneur, au nom du citoyen Legendre, de déposer sur ie bureau de l'Assemblée un ouvrage qui a pour titre : Réflexions sur l'éducation républicaine. Je prie la Convention de décréter la mention honorable et je demande le renvoi au comité d'instruction publique.
(La Convention décrète la mention honorable et ordonne le renvoi au comité d'instruction publique.)
Les républicains de Nîmes offrent un don patriotique de 1,070 livres pour les citoyens malheureux de Lille. Ils m'ont chargé .d'en opérer le versement à la Convention. Je réclame pour eux la mention honorable.
(La Convention accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse des Amis de la République, établie à Auxerre, département de l'Yonne, qui est ainsi conçue :
« Législateurs,
« La postérité ne croira pas que ceux qui abolirent la royauté par acclamation et décrétèrent la République une et indivisible, qui consacrèrent par cette mesure vigoureuse les droits inaliénables, mais usurpés, des principes imprescriptibles, mais méconnus, ayant pu descendre de la hauteur à laquelle ils s étaient élevés, jusqu'à mettre en discussion si un homme, si un assassin pouvait être jugé, serait jugé, comment, en quelle forme, et par qui. « Ces questions, tout au plus faites pour être agitées en des écoles de jurisprudence, puérilisent la
Convention et consument, en discours purement oratoires, une infinité de séances, dont le légitime emploi se trouve ainsi frustré.
« Cessez donc de rétrograder, cessez de donner à Louis Capet une importance qu'il ne mérite pas et que la loi de l'égalité repousse.
« Craignez que pendant le cours de vos longs débats, une maladie ou quelque autre cause vous ravisse la gloire de signaler votre justice, et ne vous livre, au contraire, à d'odieuxsoupçons.
« L'univers connaît les crimes de Louis. Les nations sont dans l'attente du jugement que vous allez rendre; qu'il soit prompt, qu'il soit terrible, qu'il fasse frémir les tyrans [de la terre, et que le sang du plus scélérat des conspirateurs expie sans délai ses forfaits. » (Applaudissements.)
Je demande la mention honorable.
(La Convention ordonne la mention honorable de cette adresse.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, sur les subsistances de Paris ; cette lettre est ainsi conçue :
Lettre du ministre de l'intérieur au Président de la Convention nationale.
Paris, er de la République française.
« Monsieur le Président (1),
« Je fais ci-joint passer à la Convention nationale deux états ae la situation actuelle des subsistances à Paris: le premier est le compte qui a été rendu, le 17 ae ce mois au conseil général de la commune, par les administrateurs ae ces subsistances, et le second comprend le détail des ressources en grains et farines pour la consommation de la capitale au 20 du même mois. 11 est bon de répandre la connaissance de ces deux états autant qu'il sera possible, pour rassurer le peuple sur les inquiétudes que l'on cherche à lui donner relativement à sa subsistance.
« L'Assemblée verra que nous n'aurions rien à craindre si la confiance
laissait à la circulation des denrées la liberté qui lui est nécessaire
; mais que nous avons tout à redouter, parce que cette confiance
n'existe pas, et que l'Administration de la commune de Paris est propre
à l'éloigner de plus en plus et définitivement à l'anéantir. La
faiblesse du corps municipal où le désir mal calculé de procurer quelque
adoucissement aux habitants de Paris l'a porté à faire vendre depuis
longtemps la farine à un taux inférieur au prix d'achat. Dès lors,
presque tous les approvisionnements des environs se sont faits dans
Paris, d'où l'on retire sans cesse au lieu d'y apporter; par cette
disparition, la municipalité fait chaque jour une dépense de 112,000liv.
qui ne sert qu'à l'épuiser, et qui, pour un avantage apparent et
momentané, produit le double mal d'une surcharge qui doit finir par
retomber sur le peuple même, et d'un appât pour le voisinage qui vient
retirer de Paris tout ce qui serait nécessaire à la consommation. C'est
ainsi que la fixation du bois va porter l'effroi de ce genre de commerce
et y faire sentir aussi la disette. Je ne veux point assurer
« Les fermiers, les laboureurs n'osent plus paraître dans un marché, mettre en route ou en vente un sac de blé ; le prétexte d'accaparement fait menacer et craindre d'être égorgé, et, au sein même de l'abondance, nous sommes prêts à périr de misère.
« Voilà le fruit de l'inquiétude,de l'agitation, des éternelles déclamations avec lesquelles on soulève les esprits, répand la menace et l'effroi ; les fripons s'agitent, les sots s'épouvantent ; je suis assailli de plaintes, de reproches, d'arrêtés de la commune, qui d'ailleurs ne répond jamais aux lettres officielles que je lui adresse, aux questions que je lui fais. Les sections reçoivent son impulsion, en propagent les effets ; les parties de l'Administration sont toutes négligées ; c'est un désordre affreux que je dénonce de nouveau, dussé-je y perdre la tête sur l'heure, car il faut que la chose publique soit sauvée ou que je périsse avec elle.
« C'est à la Convention de prescrire enfin les mesures convenables pour que l'Administration de Paris soit remise en des mains sages qui ne sacrifient point à une éphémère popularité, à des vues particulières d'intérêt ou de vengeance la paix et la sûreté de cette ville.
« Quarante mille quintaux de grains sont partis du Havre pour Paris. Si la fureur dès agitations, la crainte qui les accompagne, les clameurs qui les suivent empêchaient ces provisions d'arriver, nous souffririons de la famine, et la faute en serait uniquement à la faiblesse qui n'aurait point établi le régime équitable, répressif contre les malveillants, protecteur de la sûreté de la propriété et de la plus grande liberté du commerce.
« J'ose dire enfin que l'esprit de la commune de Paris finira par perdre la capitale et la Convention elle-même, si elle ne met fin à cette agitation des sections, à cette permanence, qui n est plus que celle du trouble et de la désorganisation, et à l'existence-de cette commune, foyer de toutes les intrigues.
« Le Ministre de l'intérieur,
« Signé : Roland. »
I.
Compte rendu le
« Le conseil général nous ayant demandé l'état actuel des subsistances,
nous nous empressons de nous rendre à son invitation et de lui présenter
les détails suivants : « Il y a actuellement à la halle en farine de la
« Il existe dans les magasins neuf
mille sacs, ci................... 9,000 sacs .
« A Gorbeil, sept cents, ci..... 700
« En blé distribué dans les moulins, 3,000 setiers qui produiront 1,500
«Partide Soissons,le8 de ce mois,650sacs de farine et 288 setiers de blé qui produiront environ 150 sacs.
« Nous nous sommes assurés d'ici à la fin du mois de nos différents marchands, à une distance au moins de 15 lieues de 9,000 sacs.
« Parti du Havre 40 millequintaux de blé qui arriveront successivement d'ici au 15 du mois prochain au plus tard et qui produiront au moins 8,500 sacs.
« Toutes ces quantités réunies forment un total de 30,800 sacs du poids de 325 et en portant la consommation des farines de la municipalité à 1,300 sacs, pour chacun des deux jours de marché dans la semaine telle qu'elle est actuellement et à 1,000 sacs pour les quatre autres jours, cette quantité totale fournirapôur 32 jours ; il y a lieu de s'attendre que cette consommation diminuera ; les semences étant finies et le fermier ne pouvant plus s'occuper qu'à battre, le commerce prendra la vigueur qu'il a entièrement perdue, depuis le commencement de septembre.
« Le conseil général jugera des efforts de la municipalité, lorsqu'il saura que depuis'le 1er mai dernier jusque et compris le 15 novembre elle a vendu à la halle 136,013 sacs du poids de 325; et que depuis le 12 septembre le commerce ayant manqué entièrement elle a pourvu à la consommation totale de Paris et des environs qui trouvaient un bénéfice énorme à acheter ces farines à la halle, de préférence à celles du commerce.
« L'Administration des subsistances a l'honneur d'observer au conseil général que indépendem-ment des approvisionnements en farine, il y a encore en magasin environ deux millions pesant de riz.
« Pour copie conforme à l'original, c Signé : ROLAND »
II.
Situation actuelle de la capitale relativement aux subsistances (1).
Farine.
Il existe dans les magasins 5,000 sacs de 325.
Arrivé de Soissons....... 686
A Alfort et Pontoise..... 3,000
De M. Rrocq.............. 900
De Scipion.............. 450
Attendu d'Etampes dans la
semaine................. 3,000
Dans la semaine prochaine.............................4,000
De Dourdan, tant cette semaine que la semaine
prochaine................. 1,800
Des différents marchands de Paris cette semaine et
Arrivé de Gorbeil....... 600
20,936 sacs de 325.
Blé.
Arrivé de Soissons......... 288 setiers.
En chemin................ 400
Arrivé de Rouen........... 2,900
Trois grands bateaux partis de Rouen et vus à la hauteur de Pontoise de 350 sacs chacun..................................... 8,700
12,288 setiers.
Nous ne faisons pas mention ici des 20,000 derniers quintaux de blé cédés par le ministre et qui vont partir du Havre.
Le 20 novembre 1792, L'an Ier de la République française.
Signé: COUSIN.
Pour copie :
Le Ministre de l'intérieur, Signé : ROLAND.
Citoyens, il faut faire cesser enfin la perte journalière de 12,000 livres, dont vous parle le ministre de l'intérieur, parce que cette perte, que l'on suppose, ne devant à la charge que des consommateurs, retombera en définitive sur le Trésor de la République,; c'est une chose lointaine qu'il faut contrarier par la sagesse de nos mesures. Voilà une première observation. Une autre observation, non moins importante, c'est que la source principale des difficultés qu'éprouve la liberté de la circulation et des troubles que nous dénonce le ministre, c'est la permanence des sections des communes, je ne dis pas seulement dans Paris, mais dans tous les départements. On m'écrit que tout récemment à Gaen, les sections armées ont forcé le tribunal criminel à juger des accusés hors de leur rang; qu'elles ont influencé le jugement, en restant armées pendant plusieurs jours et qu'elles l'ont fait exécuter par le bourreau, malgré lademan-de en cassation^
Je demande que la permanence des sections de communes et même celle des conseils administratifs soient dès à présent supprimée, Comme inutile et pernicieuse.
Enfin une dernière mesure que mon amour pour la chose publique me fait regarder comme indispensable, c'est le prompt renouvellement du comité de sûreté générale, dont les divisions intérieures peuvent devenir funestes à la tranquillité des citoyens.
J'appuie la première proposition de Lanjuinais. J'observe que la prime de 12,000 livres par jour accordée à la ville de Paris pour faciliter ses approvisionnements, entrave de telle manière la liberté des marchés qui environnent ce département, que les départements voisins, et notamment celui de Seine-et-Oise, se trouvent privés des ressources qu'ils devaient trouver dans leur sein. C'est ainsi que les administrateurs des subsistances ont retiré les grains de Versailles, de Longjumeau et de Montfort-l'Amaury, en les payant 35 livres et ont ainsi, pour dire vrai, Organisé la famine partout où ils sont passés. J'étais hier à Ver-
sailles, mon domestique a mis trois grandes heures pour avoir du pain pour dîner.
Il serait dangereux de prononcer en ce moment sur les propositions de Lanjuinais; je crois apercevoir un autre motif dans ces propositions, que l'on reproduit sans cesse, c'est celui d'ôter à la Convention nationale la confiance de la nation. Les intrigants espèrent empêcher de décréter la forme du gouvernement et de faire regretter au peuple 1 ancien ordre de choses. C'est là le véritable but de nos ennemis. Je ne parle ni de la commune de Paris, ni de Roland; ils peuvent avoir fait des fautes; c'est une faiblesse attachée à l'espèce humaine. Je ne connais point les partis, ni les hommes, je ne connais, je ne dois voir que la chose publique. Je demande que les comités d'agriculture et de sûreté générale forment une commission spécialement chargée de l'examen de la lettre au ministre de l'intérieur et de la conduite des administrateurs des subsistances de la ville de Paris.
Un membre du comité d'agriculture et du commerce appuie la proposition de Bréard, en observant que les administrateurs des subsistances de la ville, dans plusieurs séances du comité, leur ont assuré que les subsistances ne manqueront pas et qu'ils ont pris les mesures les plus certaines à cet égard.
Je viens m'opposer aux propositions de Lanjuinais. Paris j en effet, est le grand foyer des agitateurs et les subsistances sont leur plus important moyen. Tant que les magasins sont bien approvisionnés, nul trouble, le passé vous en est le plus sûr garant, ne se manifestera ; mais s'il arrivait que la disette s'y fît sentir, n'en doutez pas, les malveillants saisiraient avec empressement cette arme si dangereuse pour ronvrir de nouveau les blessures politiques qui nous ont coûté si cher à cicatriser. Otez-leur promptement le moyen de renouveler leurs tentatatives liberticides.Je demande que la lettre du ministre de l'intérieur soit renvoyée sur-le-champ au comité d'agriculture pour s'occuper des mesures générales que commandent les circonstances.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(La Convention ferme la discussion et accorde la priorité à la proposition de Bréard).
Voici le texte de cette proposition :
« La Convention nationale charge ses comités de sûreté générale et d'agriculture de l'examen de la lettre du ministre de l'intérieur, relative aux subsistances. Ces deux comités se feront rendre compte des opérations du ministre de l'intérieur et de la commune de Paris, et en feront, dans le plus court délai, leur rapport à la Convention nationale ».
(La Convention adopte la proposition de Bréard.)
La Convention a encore à se prononcer sur les propositions de Lanjuinais et sur celle d'Osselin ; l'une entraîne le retrait des autres, je les mets aux voix.
(La Convention adopte la proposition d'Osselin et passe à l'ordre au jour sur celles de Lanjuinais).
Suit le texte de la proposition d'Osselin :
« La Convention nationale décrète que par provision, et en attendant la loi générale sur
les subsistances, ses deux comités de sûreté générale et d'agriculture réunis, sont chargés de lui faire un rapport incessamment sur les moyens d'approvisionner Paris de grains et farines, sans dégarnir d'une manière trop sensible les marchés des départements, et de faire supporter les dépenses nécessaires à cet approvisionnement par les consommateurs. »
, secrétaire, donne lecture de trois lettres suivantes :
1° Lettre du citoyen Gourgauderie, ci-devant chanoine et maintenant chef de légion du district de Saint-Yrieix, département de la Haute-Vienne, qui fait un don patriotique, pour les frais de la guerre, de la somme de 31 livres 10 sols.
(La Convention accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
2° Lettre des citoyens Infrost et Joël Barlow, Anglais, députés de la Société constitutionnelle de Londres, qui demandent à être admis à la barre comme porteurs d'un arrêté pris par cette Société le 5 novembre.
(La Convention décrète leur admission dans la séance du lendemain à midi.)
3° Lettre des citoyens anglais réunis à Paris pour célébrer les triomphes de la liberté en France qui demandent la même admission.
(La Convention décrète qu'ils seront également entendus le lendemain, après l'audition des députés de la société constitutionnelle de Londres.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret (1) relatif à une demande de la commune de Voncq, district de Vouziers. département des Ardennes, pour obtenir une somme de 772,623 livres, pour indemnité des dommages et pertes occasionnés par l'invasion des ennemis et des émigrés sur son territoire, et notamment par l'incendie du 24 septembre dernier; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances
sur la pétition de la commune de Voncq, district de Vouziers,
département des Ardennes, à l'effet d'obtenir une indemnité pour raison
de l'invasion des ennemis, et de l'incendie général qu'elle a éprouvé,
de la part des émigrés, le 24 septembre dernier, les pertes et dommages
estimés à 772.623 livres, ainsi qu'il résulte du procès-verbal estimatif
dressé par-devant les commissaires du département des Ardennes le 9
octobre dernier, d'après l'opinion du département des Ardennes, et
l'avis du ministre de l'intérieur, décrète qu'il sera accordé à ladite
commune de Voncq, une somme de 200,000 livres, qui sera mise, par la
trésorerie nationale, à la disposition du ministre de l'intérieur, pour
être, par lui, distribuée aux citoyens de Voncq, dénommés audit
procès-verbal estimatif, conformément à la loi cfu 8 du mois d'octobre
dernier, et particulièrement aux laboureurs, fermiers, cultivateurs, aux
femmes des citoyens qui ont été enlevés par l'ennemi,
proportionnellement au nombre des enfants restés à la charge des mères,
aux domestiques et servantes des cultivateurs, qui ont perdu tous leurs
effets, et finalement aux citoyens les moins aisés; la-
Je propose une disposition additionnelle à ce projet de décret. La Convention doit connaître, en effet, le désintéressement généreux qu'ont mis ces habitants dans l'évaluation de leur perte. Elle s'élevait, notoirement à plus de 1,500,000 livres; ils ne l'ont portée qu'à 700,000 livres. Je propose de leur faire payer cette dernière somme à titre d'indemnité définitive.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette disposition" additionnelle et adopte le projet de décret présenté par Mallarmé.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Custine, datée de quartier général de Mayence, du 23 novembre 1792, et qui est transmise par Pache, ministre de ia guerre; cette lettre est ainsi conçue :
Au quartier général à Mayence, er delà République
française.
« Un détachement des troupes placées à Greutznach, a pénétré jusque sur la Moselle, près de Traerbach, où celui qui le commande a pris, à la vue de 400 hommes qui faisaient l'ar-rière-garde de 4,000 malades que l'on transportait par eau à Coblentz, un bateau chargé de 2,000 sacs d'avoine, qu'il a fait jeter dans la Moselle à la vue de ce détachement, et brûlé, le bateau et les sacs, sans que le détachement prussien ait osé attaquer.
« Pour copie conforme s
» Le ministre de la guerre,
« Signé : PACHE. »
cède le fauteuil à Hérault de Séchelles, ancien président.
PRÉSIDENCE DE HÉRAULT DE SÉCHELLES, ancien président.
, au nom des comités diplomatique et de Constitution réunis fait un rapport ( 1) et présente un projet de décret (2) concernant la réunion de la Savoie au territoire de la République française; il s'exprime ainsi :
Citoyens, depuis trois ans, l'esprit humain a franchi un intervalle
immense; les efforts soutenus ont fait reculer le fanatisme et la
tyrannie, et des hommes que couvrait naguère le bandeau de l'erreur, ont
connu ou soupçonné leurs droits. Certes, l'on peut se féliciter
d'exister à une époque où les sujets deviennent citoyens, où les rois
ont les peuples pour successeurs. Législateurs, avant d'examiner si,
d'après le vœu librement émis de la Savoie, vous devez l'incorporer à la
République française, vous avez voulu compulser les archives de la
nature, voir
Des nations diverses ont-elles le droit de se réunir en un seul corps politique? Cette question porte avec foi sa réponse; c'est demander en d'autres termes si elles sont souveraines. En s'identifiant, elles n'aliènent pas la souveraineté, elles consentent seulement à augmenter le nombre des individus qui l'exercent d'une manière collective.
11 serait beau, sans doute, de voir tous les peuples ne former qu'un corps politique, comme ils ne forment qu'une famille, mais quand on nous parle de République universelle, quelle est l'acception de ces mots? Si l'on entend que l'univers entier aura les mêmes lois, il est évident que, quoique les principes de la nature et la déclaration des droits soient de tous les lieux, comme de tous les temps, leur application est subordonnée à une foule de circonstances locales qui nécessitent des modifications.
Les immenses variétés résultant des climats, des distances, des productions du sol et de l'industrie, de l'idiome, des mœurs, de l'habitude repoussent le projet d'amener l'univers à l'unité politique. Veut-on nous dire que les peuples, avant des constitutions différentes, les fonderont toutes sur les principes de l'égalité, de liberté, et se chériront en frères? C'est le cas d'appliquer le conseil d'un ministre à l'abbé de Saint-Pierre : Envoyez préalablement des missionnaires pour convertir le globe.
Plusieurs contrées de l'Europe et de l'Amérique agrandiront bientôt le domaine de la liberté ; mais quelques centaines de peuples seront encore longtemps étrangers aux vrais principes, et il est douteux qu'ils soient de sitôt adoptés par les écumeurs barbaresques, les voleurs de l'Arabie, et les anthropophages de la mer du Sud.
Veut-on nous dire enfin que les divers Etats du globe formeront des alliances? Cette hypothèse ne s'applique guère qu'à ceux qui sont rapprochés par des relations commerciales ; ainsi, bien du temps doit s'écouler encore avant que les Français signent un traité avec lesTschouaes ou les Pepys; et sous ces divers aspects, la république universelle est en politique, ce que la pierre philosophale est en physique. Si la République universelle n'était pas un être de raison, e'est sans doute en se fédérant que les grandes corporations du genre humain communiqueraient entre elles; mais si l'on voulait ensuite appliquer le système fédératif à notre gouvernement; si, au lieu de former un tout indivisible, on bornait ses fractions à des points de contact, ce [serait le comble de la démence; le système fédératif serait l'arrêt de mort de la République française.
Après avoir soufflé sur des chimères, rentrons dans l'ordre du réel et de l'utile.
Le peuple de Savoie est souverain comme celui de France; car la souveraineté n'admet ni plus ni moins; elle n'est pas susceptible d'accroissement ni de diminution; la progression graduelle de la population et des richesses augmente la puissance, mais non la souverainete ; Genève et Saint-Marin la possèdent dans un degré aussi éminent que la France ou la Russie, et lorsqu'une nation peu nombreuse s'unit à
une grande nation, elle traite d'égal à égal, sinon elle est esclave.
La Savoie est composée de sept provinces, celles de Carrouge, Gnablais, Faussigny, Géne-vois, Maurienne, Savoie propre et Tarrantaise, qui forment 655 communes. A la seconde séance de l'Assemblée nationale des Allobroges, en date du 22 octobre 1792, vérification faite du vœu de ces communes, il est résulté que 580 ont voté leur réunion à la France, 70 avaient revêtu leurs députés de pouvoirs illimités. Une seule a exprimé le désir de former une République particulière; mais il est à observer qu'à l'Assemblée nationale des Allobroges, un membre de cette commune en dénonça le secrétaire, comme ayant énoncé dans la rédaction de son procès-verbal un vœu contraire à celui des citoyens. Des quatre autres qui n'ont point émis leur vœu, trois l'ont fait équivalent ment.
Le député de Saint-Jean-de-MaUrienne déclara, dans la première séance de l'Assemblée générale des Allobroges, que plusieurs députés des communes de Lansvillard, Bressan et Bonneval l'avaient chargé expressément d'annoncer que leurs communes ne pouvaient se réunir sans s'exposer à la fureur des troupes piémontaises qui occupaient encore leur territoire. Ils l'avaient chargé en outre d'exprimer dans cette assemblée le vœu individuel de chaque habitant d'être incorporé à la République française, avec assurance de faire éclater leur désir dès que la retraite des brigands leur en laisserait la facilité. Cette déclaration a été insérée dans les registres de l'Assemblée générale des Allobroges. -
Il conste dès lors que la demande en réunion, .faite au nom de la nation savoisienne, est l'expression libre et solennelle de la presque totalité des communes; elles déclarent, par l'organe de leurs représentants, qu'aucune violence, aucune influence étrangère, n'a dirigé leurs opinions, et dès lors le souverain a parlé.
L'Assemblée nationale des Allobroges, dans sa séance du 29 octobre 1792, a chargé les citoyens Doppet, Favre, Dessaix et Villar de se rendre près de la Convention nationale de France, comme interprètes de la volonté du peuple allo-broge. Leurs pouvoirs, soumis à la vérification, constatent l'authenticité de leur mission, dont ils ont amplement discuté l'objet avec vos comités; il en résulte qu'en manifestant le vœu de se réunir à la France, les Savoisiens ont connu toute l'étendue des engagements qu'ils voulaient contracter : ils avaient envisagé la chose sous tous les rapports.
Deux communes avaient opposé une restriction relative aux dettes de la France, dont elles refusaient de partager le fardeau. L'Assemblée nationale savoisienne a passé sur ces restrictions à l'ordre du jour. Le peuple allobroge déclare que son assentiment est fondé sur les calculs les plus réfléchis, et qu'il ne prétend à aucune exception, et que la fusion complète des deux peuples, en un seul, veut que tout soit commun et proportionnel quant aux charges et aux avantages sociaux; et certainement ils décrétaient avec connaissance de cause, ces hommes qui, s'élançant tout à coup vers la liberté, et s'élevant à la hauteur de tous les principes, ont consacré leurs premiers travaux à démolir un trône, et qui ont débuté en abolissant la royauté, la noblesse, la gabelle et la torture.
La première question qui se présente est de savoir si l'intérêt politique de la France lui permet de s'agrandir et d'accéder à aucune de-
mande en réunion. Le but de l'association politique est de procurer aux individus la liberté, la sûreté, le bonheur; pour atteindre ce but, il faut à l'Etat une puissance ; cette puissance est réelle ou relative : elle est réelle, lorsqu'on v voit prospérer l'agriculture et le commerce, lorsque l'amour de la patrie, l'austérité des mœurs et la fierté du courage forment autour de l'Etat une enceinte impénétrable; elle est relative, lorsque sa contiguïté à des voisins faibles, lui assurant la supériorité des forces et celle de l'opinion, elle peut se garantir de leurs attaques. Sparte et Athènes étaient resserrées dans un territoire peu étendui mais comparées à cette foule de petites républiques qui partageaient la Grèce, elles étaient deS puissances formidables.
L'Etat atteint sdn but lorsqu'il procure aux individus qui le composent tout ce qui sert à leur consommation, à leurs besoins; et l'étendue de sa population et de son territoire ne sont point alors des éléments nécessaires de la félicité publique. Sous nos yeux, Raguse, Gênes, Genève et Gersaw, la plus petite république connue, furent constamment plus heureuses que la plupart des vastes empires de l'Europé. Ces petits Etats ont été garantis d'invasions étrangères, soit par leur position géographique, soit que l'exiguïté de leurs forces n'éveillât pas la jalousie des grandes puissances, soit enfin que leurs liaisons avec celles-ci" les aient mises à l'abri de toute attaque ; mais lorsqu'un Etat se trouve exposé aux agressions de ses voisins, lorsque la nécessité de combattre une grande puissance nécessite de grands moyens, il peut lui être utile sans doute d'accroître ses domaines. Le terme de cette agrandissement est un problème dont nous allons tenter la solution.
Plus l'Etat est vaste, plus vous concentrez le pouvoir dans la main des premiers agents, et quoiqu'ils soient temporaires, que de moyens leur restent pour échapper à la surveillance? Rien n'est plus voisin d'un pouvoir excessif que l'abus; car il faut toujours calculer d'après les passions humaines, et cette soif de dominer qui tourmente la plupart des hommes, et fait éclore des révolutions.
L'action du gouvernement doitêtre simultanée et se déployer avec énergie sur tous les points de sa circonscription territoriale. Dans un pays très vaste, la disparité de mœurs et de climats contrarie souvent cette simultanéité ; ses forces s'affaiblissent, lorsqu'il faut les répartir sur une vaste surface, et les fractionner pour la garde de frontières très étendues, et qui multiplient le nombre de ses voisins. D'ailleurs, l'énergie du gouvernement s'atténue, lorsqu'elle agit à grande distance. Plus une corde s'étend, plus elle décrit la courbe, image sensible d'un trop vaste empire, où le lien social se relâche et dont les ressorts se détendent. Ainsi, quoique le mouvement imprimé soit un dans ses principes, sa direction se ramifie à l'infini; de là résulte la complication dans les mouvements secondaires, la difficulté dans les communications, ce qui altère la forme du gouvernement et facilite des explosions révolutionnaires, dans les divers points de l'empire, où un homme en crédit, un Catilina fait fermenter le levain de la rébellion ; et n'est-ce pas ainsi que s'est établi le despotisme presque dans tout l'univers? Appelons du moins le passé au conseil du temps présent. Peut-être nous citerez-vous les Chinois, dont le vaste empire date de loin dans- les fastes du
monde, quoiqu'il n'ait pas été à l'abri des révolutions; et quand nous vous céderions cet exemple unique qui forme exception, en est-il moins vrai que l'expérience vient à l'appui de nos raisonnements? Les grands Etats de l'Asie, qui étaient des colosses d'argile au bras d'airain, se sont affaissés sous leur propre poids; les conquêtes d'Alexandre devinrent la proie de ses car pitaines ; Rome exténuée par sa grandeur dis-parut sous ses décombres ; les empires de Char-lemagne, de Gengis-Kan, de Tamerlan, éprouvent les mêmes vicissitudes; tous ont trouvé dans leur trop grande étendue une des causes prin-? cipales de leur dissolution ; et sans hasarder,;on peut prédire qu'avant le milieu du siècle pro? chain la Russie sera démembrée. Il est vrai que la forme du gouvernement fournit des données sur l'étendue que comporte un Etat.
Un préjugé très accrédité veut circonscrire toute République dans un territoire resserré. L'on ne veut pas voir qu'il n'existe aucune.pa-rité entre les autres Républiques et la nôtre; celleshlàj créées pour la plupart dans l'enfance de l'art social, ne; pouvaient s'étendre, sous peine de n'avoir qu'une existence précaire; ,la République française, presque la seule qui soit fondée sur les véritables principes de l'égalité, est ramenée sans cesse à l'unité par l'ensemble de ses lois constitutives : dans sa construction savante et hardie, elle trouve le présage d'un bonheur qui embrassera l'étendue , des siècles, comme celle des départements.
Les despotes paraissent eraindre qu'elle n'envahisse leurs Etats et que nous n'aspirions à faire de l'Europe entière une seule République dont la France serait la métropole. Cette domir nation universelle était, dit-on, le projet que voulait réaliser: Louisi XIV. (Dès lors il ne peut être le nôtre ; car, quoi de commun entre les rêves ambitieux d'un roi et la loyauté d!un peuple libre % {Applaudissements.) Ne te rends ni l'esclave des hommes, ni.leur tyran, disait queU qu'un à qui la philosophie pardonne presque d'avoir été couronné. Cette sentence de Marc-Aurèle est la devise des Français^ L'étendue né* cessaire;d]un Çtatûdoit se mesurer s,urles localités et le besoin de maintenir l'existence du corps politique.
Appliquons ces principes à la France.
600,000 hommes sous les armes, forts de leur courage etde leurs principes, prouvent que^sapo* pulation suffit pour faire face à la coalition des despotes; et quelle sera l'immensité de sa puissance lorsque, rendue à la paix, elle verra se développer dans son sein toute la fécondité de l'agriculture, toute l'activité du commerce ? Quant à l'étendue territoriale, que lui servirait defran* chir le Lac de Genève, le Mont-Cenis ou le Pic du Midi ?-Scrait-elle plus heureuse en joignant à ses domaines le pays de Vaud, la Catalogne ou la Lombardie ? Elie doit craindre que les extrémités de sa vaste enceinte ne soient trop éloim gnées du centre; alors elle . ne ; pourrait plus surveiller le jeu de la machine, en connaître les rouages, diminuer les frottements et lui imprimer une marche uniforme et constante, autant que le-comportent l'imperfection et la faiblesse des ouvrages humains;dans une grandeur exagérée, elle trouverait le principe de sa déca-. dence, et cet accroissement funeste préparerait sa chute.
La France est un tout qui 6e suffit à lui-même, puisque partout la nature lui a donné des barrières qui la dispensent de s'agrandir, en sorte
que nos intérêts sont d'accord avec nos princier pes. Quand nos armées victorieuses pénètrent dans un pays, contentes d'avoir brise les fers des peuples opprimés, elles leur laissent la fa-culte pleine et entière de délibérer sur le choix de leur gouvernement, sans influencer leur détermination. Nous vouons, au mépris cette politique astucieuse qui, sous prétexte de raison d'Etat, de cpup d'Etat, veut, au gré de son ambition, faire fléchir les principes de la justice* Telle est la résolution irréfragable de la France-Rendues à la liberté, les nations ne nous vêleront jamais attenter à leur souveraineté, en troublant l'exercice de leurs droits. Maîtresses de s'organiser à part, elles trouveront toujours en nous appui et fraternité, à moins qu'elles ne veuillent remplacer les tyrans par des tyrans; car, si mon voisin nourrit desserpents, j'ai droit de les étouffer, par la crainte d'en être victime. (,Applaudissements.) Des Français ne savent pas capituler avec les principes. Nous l'avons juré : point de conquêtes et point de rois.
Mais si des peuples occupant un territoire enclavé. dans le nôtre, ou renfermé dans les bornes posées ,à la République française par les mains de la nature, désirent l'affiliation politique, devons-nous les recevoir ? Oui, sans doute ; en renonçant au brigandage des. conquêtes, nous n'avons pas déclaré que nous repousserions de notre sein des hommes rapproches de nous par l'affinité des principes, et des intérêts et qui, par un choix.librei;désireraient s'identifier avec nous.
Et tels sont les Savoisiens : conformité de mœurs et d'idiome, rapports habituels, haine des Savoisiens envers les Piémontais; amour pour les Français qui les payent d'un juste retour ; tout les rapelle dans le sein d'un peuple qui est leur ancienne famille. Tous les rapports physiques, .moraux et politiques, solicitent leur réunion. ; Vainement on a voulu au Piémont lier la'Savoie.. Sans cesse les Alpes repoussent celle-ci dans les jdomaiues de la France ; et l'ordre de la nature serait contrarié si leur gouvernement n'était pas identique. :
Jusqu'à ce que notre République ait pris une, assiette imperturbable, et dans, l'hypothèse de la non-réunion, elle serait obligée de ; tendre un cordon de troupes depuis Briancon jusqu'à Gex, c'est-à-dire sur une lign.e de plus de 601ieuesf) eu égard aux contours que présentent les grou->, pes de montagnes ; l'incorporation de la Savoie raccourcit notre ligne de défense. La France alors n'aura plus à garder que 3 défilés :1e Mont-Cenis, Bonneval et le petit Saint-Bernard; $0Q soldats et quelques pièpes de canon y arrêteraient des armées. Quant au grand Saint-Bernard, borné au nord-est par le Valais et les glacières de Chamouny, il ne laisse rien à redouter des entreprises au roi de Sardaigne ; et en cas d'attaque de là part des Valaisans, 500 hommes placés ! le long des hauteurs du Cbablais rendraient inutiles tous les efforts des despotes d'Italie; car la contrée ofr/sont situées les Thermopyles de la République française est aussi la patrie des Spartiates. u >. , . nrëWia aissîiiB .
Là existe un peuple composé de 400,000 individus, plus voisin que nous de. la nature, ayant moins que nous la science des préjugés., ou l'ignorance acquise, et conséquemment soumis à moins de besoins factices, à moins de vices; il ne connaît le fanatisme que par l'horreur qu'il lui inspire; la frugalité, la probité sont ses attributs, et. tandis qu'à Genève le patriotisme esti comprimé sous la main d'un magnifique.
seigneur, le Savoisien, déployant la fierté d'une âme qui ne fut jamais rétrécie par la servitude, prouve que l'homme des montagnes est vraiment l'homme de la liberté.
Considérée sous le point de vue financier, la réunion de la Savoie présente à la France les avantages suivants : les biens du clergé, des émigrés et du fisc, devenus nationaux, peuvent s'élever à un capital de 20 millions, et la rente suffira pour couvrir les pensions que l'on fera sans doute aux moines supprimés. Cette charge s'étendra graduellement sur la ligne séparative de la France et de la Savoie ; une trentaine de bureaux dédouané entraînaient une surveillance dispendieuse et, de plus, incapable de réprimer la contrebande. Par la réunion, les barrières, portées sur une frontière plus éloignée, n'exigeront plus que quatre bureaux de douane : Mont-Cenis, Bonneval, Je petit Saint-Bernard etSaint-Gerigo; ils sont placés si avantageusment, qu'ils peuvent empêch^ tout commerce interlope. Loin d'augmenter la dépense que nécessite la garde des frontières, elle diminue, par la réunion, ainsi que l'impôt par l'augmentation du nombre des imposables.
Les mines d antimoine exploitées avec soin offriront d'heureux résultats, une mine de cuivre très abondante présente des avantages certains pour les arsenaux et le. doublage des vaisseaux; des mines de fer qui alimentent la manufacture de Saint-Etienne seraient plus lucratives, si l'on forgeait sur les lieux ; il est reconnu que la trempe des ouvrages fabriqués en Savoie est bien supérieure à celle des ouvrages faits avec la même matière en France ou dans d'autres ateliers.
Le chanvre, le miel, le suif et le cuir sont des branches de commerce qu'il sera facile de vivifier, à l'aide de deux canaux d'une construction peu dispendieuse;
Le Rhône et l'Isère nous donneront la facilité de tirer d'excellentes matières qui alimenteront les chantiers de nos ports du Midh La navigation libre du lac de Genève est un moyen de contenir plus efficacement le canton de Berne. Sa position géographique parait l'exclure naturellement de notre association. Nous le voulons pour voisin, nous ne le craignons pas comme ennemi.
A cette énumération des avantages que nous apporte la Savoie, doit succéder le tableau de ceux qu'elle reçoit en échange : on y verra que notre mise est infiniment supérieure à la sienne. Je commence par les objets d'industrie. La politique piémontaise fut toujours de s'opposer à tout genre d'établissement qui aurait pu faire fleurir les arts eh Savoie; et, par un raffinement de cruauté, elle comprimait l'industrie, étouffait l'émulation et tenait le peuple enchaîné dans la misère, par la crainte que sa prospérité ne tentât l'ambition d'un conquérant; sure de ne pouvoir le conserver en temps de guerre, elle se tenait toujours prête à le perdre. Ce pays, condamné à l'anathème politique, payait au Piémont des droits d'entrée sur tous les objets commerciaux; contraint de vendre à la France des marchandises brutes qu'il n'avait pu manipuler, il en tirait en échange toutes ses marchandises ouvrées, comme étoffés, linge, cuirs tannés, et une foule d'objets consommables ; et comme le commerce entraîne journellement des contesia-tions entre le vendeur et l'acheteur, au lieu d'être terminées avec cette rapidité qui n'arrête pas le cours des échanges, la disparité de gou-
vernement, la différence des lois, la multiplicité de tribunaux, occasionnait des difficultés interminables qui, en harcelant le consommateur, étaient funestes à la chose publique.
L'unité de gouvernement et de lois va remédier à ces inconvénients; sous le régime de là liberté, l'industrie renaîtra dans un pays qui possède les eaux les plus favorables à la tannerie, aux papeteries, à la draperie. Un travail éclairé soignera les marais, fertilisera les campagnes, ranimera le commerce, sera suivi de l'abondance; et, sous l'égide de là France, cette contrée recevra de sa nouvelle manière d'être une impultion morale qui bientôt la rendra florissante.'Les SaVoisiens étaient les îlotes du Piémont; toutes les branches d'administration et presque toutes les places Confiées à des mains étrangères aggravaient leur joug; ils étouffaient des plaintes que l'on eût traitées comme des cris de rébellion. Dans leur réunion à la France ils trouveront l'avantagé d'êtrè jugés, administrés par les dépositaires de leur confiance, leurs amis, leurs concitoyensi 30,ÔOÔ Savoisiens se répandent annuellement en divers pays, mais surtout en France. Là, par l'économie la plus rigoureuse et les travaux les plus pénibles, ils recueillent les deniers nécessaires au payement de leurs contributions. Sur l'impôt brut d'environ 3 millions et demi, 2 billions passaient en Piémont pour n'en revenir jamais. L'extraction du numéraire était encore augmentée par l'émigration des étudiants qui allaient prendre leurs grades à Turin; des militaires qui allaient y passer leur temps de congés ; des nobles qui allaient y ramper. Le Piémont pompait tout et desséchait tous les canaux de la prospérité publique. Cette source d'abus sera tarie par l'effet de là réunion proposée : alors une plus grande masse de numéraire circulant dans le pays facilitera les échanges; on n'y verra plus une caste privilégiée porter sa bassesse à la Cour de Sardaigne et rapporter ses vices en échange; des instituts nationaux dispenseront les hommes à talent de franchir les Alpes pour moissonner la science, car la Savoie partagera les moyens d'instruction qui seront communs à tous les dé-! partements.
Jusqu'ici l'impôt territorial grevait én Savoie ces bons cultivateurs qui sont les nourriciers de l'Etat. Les maisons de ville conservant la franchise qu'elles avaient obtenue dans les siècles de la féodalité n'étaient point imposées; désormais la justice répartira les contributions,, de manière que le citadin n'échappe pas l'acquittement des charges publiques.
Ne dites pas que la part contributive de la Savoie sera plus considérable que si èlle fut restée isolée. La suppression de la dîme et de la féodalité, l'accroissement de son industrie, de ses richesses lui rendraient moins onéreuse une imposition plus forte ; mais dans l'hypothèse de la non-réunion, elle succombera nécessairement sous la masse des impôts. On peut d'abord pQrter en compte les droits d'importation auxquels le voisinage de la France la soumettrait. Mais à quelles dépenses énormes ne serait-elle pas réduite pour la conservation d'une liberté qu'à la fin elle verrait encore lui échapper ? Car si la Savoie n'est point réunie à la France, quel parti lui reste? Elle ne peut retourner sous la verge de la tyrannie piémontaise : par la nature même de ses principes elle ne peut s'unir à Berne qui n'a de république que le nom et dont les dominateurs sont coalisés avec les despotes de l'Europe.
Dès lors, elle reste forcément abandonnée à elle-même,
2,000 hommes en temps de guere suffisent pour garder la Savoie devenue française; 10,000 suffiraient à peine pour garder la Savoie formant un Etat à part. La nécessité d'accroître sa force publique, d'élever des forteresses, de payer tous les agents de son gouvernement, la, condamnerait ou à quadrupler la masse de l'impôt, ou, ce qui est la même chose sous une aulre forme, à un emprunt énorme dontrla rente la preverait également et produirait les mêmes effets. Trouverait-elle d'ailleurs les fonds de cet emprunt? Ainsi commençant par un déficit, sa dissolution politique serait prochaine; car, malgré ses efforts, bientôt elle serait engloutie par l'invasion de quelques despotes concertes, qui aggraveraient son joug, en raison delà fureur et de leur orgueil humilié; et le souvenir de la liberté dont elle aurait goûté les prémices ajouterait pour elle au malheur de l'avoir perdue. En confondant ses intérêts politiques avec les nôtres, c'est la partie faible qui s'unit à la partie forte : une nation pauvre s'associe à une nation riche; elle s'agrandit de toute notre puissance, Et dès lors la générosité commande de lui ouvrir notre sein.
Ne craignons pas que cette incorporation devienne une nouvelle pomme de discorde. Elle n'ajoute rien à la haine des oppresseurs contre la Révolution française ; elle ajoute auxmovens de puissance par lesquels nous romprons leur ligue. D'ailleurs le sort en est jeté; nous sommes lancés dans la carrière ; tous les gouvernements sont nos ennemis, tous les peuples sont nos amis; nous serons détruits, ou ils seront libres... Ils le seront; et la hache de la liberté, après avoir brisé les trônes, s'abaissera sur la tête de quiconque voudrait en rassembler les débris. (Applaudissements réitérés.)
A l'instant où vous prononcez la réunion, il n'y aura plus de Savoie. Dès lors, sous une autre dénomination, elle forme un quatre-vingt-quatrième département : la France reculant sa frontière, la porte au Saint-Bernard, et le Gode des lois de la République étend son empire sur cette contrée ; dès lors les citoyens de cette section de l'Empire doivent nommer des mandataires qui, siégeant au milieu de vous, travailleront de concert à fonder la félicité et la gloire de la République sur la base éternelle de la justice. Vos comités n'ayant pu réunir tous les éléments qui règlent, d'àprès la triple base, le nombre des députés de ce département, se sont fixés, d'après un calcul approximatif, sur un nombre de dix.
Nous vous proposerons une mesure que vous avez suivie avec succès dans une foule de circonstances, celle d'envoyer des commissaires pris dans votre sein, qui se transporteront dans cette sortie de la République, pour procéder à la division provisoire et à l'organisation de ce département en districts et en cantons. Les citoyens s'attendent à recevoir ces commissaires ; ils aspirent au moment d'embrasser la France en leurs personnes.
La réunion de ces deux contrées forme une époqué unique dans l'histoire du monde; elle se consomme au moment où les trônes s'ébranlent de toute part, et où les peuples se réveillent.
Braves descendants des Allobroges, pendant trois siècles vous fûtes Français; vous le fûtes toujours par l'énergie de votre caractère; depuis mille ans le despotisme vous avait arrachés du
sein de la patrie et vous en tenait éloignés; sous le règne de plusieurs dynasties abhorrées, vos ancêtres et les nôtres ont traîné leurs pénibles existences; ils ont versé des larmes brûlantes de désespoir; elles sont à peine desséchées, et leurs gémissements retentissent encore dans nos cœurs : mais ils sont vengés; leurs descendants ont brisé leurs fers; et si jamais ils repassent la cime des Alpes, ce sera pour aller renverser le trône du despote de Turin. Ils sont vengés : la liberté embrasse les siècles futurs; à sa suite elle conduit les vertus et le bonheur; et ils vous béniront, ces hommes de l'avenir, qui n'arriveront à l'existence que quand vous dormirez dans la poussière.
Généreux Savoisiens, eh vous, nous chérirons des Français, des amis et des frères. Nos intérêts communs vont se confondre; vous rentrez dans la famille pour n'en sortir jamais ; et notre union, notre liberté et la souveraineté des peuples seront durables comme vos montagnes, immuables comme le ciel qui nous entend.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution et diplomatique, et avoir reconnu que le vœu libre et universel du peuple souverain de la Savoie, émis dans les assemblées de communes, est de s'incorporer à la République française ; considérant que la nature, les rapports et les intérêts respectifs rendent cette union avantageuse aux deux peuples, déclare qu'elle accepte la réunion proposée et que, dès ce moment, la Savoie fait partie intégrante de la République française.
« Art. 1er. La Convention nationale décrète
que la Savoie formera provisoirement un quatre-vingt-quatrième
département sous le nom de département du Mont-Blanc.
« Art. 2. Les assemblées primaires et électorales se formeront incessamment suivant la forme des lois établies, pour nommer leurs députés à la Convention nationale.
« Art. 3. Ce département aura provisoirement une représentation de dix membres à la Convention nationale.
« Art. 4. Il sera envoyé dans le département du Mont-Blanc quatre commissaires pris dans le sein de la Convention nationale, pour procéder à la division provisoire et à l'organisation de ce département en districts et en cantons. »
(La Convention décrète que le rapport sera imprimé et envoyé aux 83 départements et aux armées.)
La discussion est ouverte sur le projet de décret.
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution et diplomatique; et avoir-reconnu que le vœu libre et universel du peuple souverain de la Savoie, émis dans les assemblées de communes est de s'incorporer à la République française ^considérant que la nature, les rapports et les intérêts respectifs rendent cette réunion avantageuse aux deux peuples, déclare qu'elle accepte Ta réunion proposée et que, dès ce moment, la Savoie fait partie intégrante de la République française.
« Art. 1er. La Savoie -formera provisoirement
un 84e département, sous le nom du département du Mont-blanc. »
Je demande la parole pour parler contre cet article. [Murmures.) Je pretends qu'y
n'est pas nécessaire pour opérer la réunion de deux peuples libres ae les amalgamer ensemble. (Nouveaux murmures.) Plus un peuple s'agrandit, plus chacun de ses membres perd de son droit politique. Dans une petite république chaque citoyen ayant plus d'influence, prend du goût pour les affaires publiques et s'y adonne. Dans une république trop étendue, son influence est presque nulle ; il néglige l'intérêt général et se laisse dominer par ceux qui s'en occupent. (Murmures prolongés.).,...
Je demande à combattre l'opinion de Pénières.
Un grand nombre de membres : Non ! non 1 la clôture!
Je crois qu'il serait juste, avant de fermer la discussion, d'entendre tous ceux qui voulaient parler contre.
Il y a une longue liste d'orateurs inscrits pour, mais Pénières est le seul qui se soit présenté pour parler contre.
Les cris : Aux voix! la réunion ! se reproduisent avec plus de force.L'Assemblée entière se lève et manifeste son vœu par une acclamation réitérée.
La question est mise aux voix par assis et levé. Un seul membre se lève contre.
Les quatre députés de l'Assemblée nationale des Allobroges sont amenés au milieu de la salle.
prononce le décret :
« La Convention nationale déclare, au nom du peuple français, la réunion de la ci-devant Savoie à la République française. » (Des applaudissements unanimes et prolongés se font entendre dans l'Assemblée et dans les tribunes.)
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Citoyens, j'ai voté pour la réunion de la Savoie à la République, mais je n'en dois pas moins reconnaître les droits du souverain, du peuple français. Le décret que nous venons de renare est un article constitutionnel, il importe de le déclarer. Je demande que, pour ne faire illusion à personne et pour rendre hommage à un principe consacré, on ajoute à la rédaction ces mots : « La Convention nationale déclare, comme article constitutionnel, au nom du peuple français, la réunion de la-ci-devant Savoie a la République française. » (Murmures.)
Plusieurs membres se précipitent à la tribune et parlent à l'orateur.
D'après les observations que viennent de me faire plusieurs de mes collègues, je retire mon amendement.
Et moi, je le reproduis et je le motive ainsi : 11 est incontestable que la réunion que vous déclarez ne peut être faite qu'au nom du peuple français; la proposition vous en a été faite par le peuple savoisien, réuni dans ses assemblées primaires. Sans doute, le peuple français vous approuvera toujours quand nous lui aurons fait ae pareilles conquêtes.
Un membre : Point de conquêtes !
C'est la conquête de la raison ; mon expression n'était pas louche. Je reprends et dis qu'un pareil contrat ne deviendra éternel que duand la nation française l'aura accepté. Sans doute, vos lois ont une exécution provisoire ; sans doute, ce contrat doit avoir sans délai tous ses
effets politiques et civils ; mais je demande que vous reconnaissiez que cette réunion ne peut être durable que lorsqu'elle sera cimentée par l'acceptation textuelle du peuple français. J?ai partagé l'enthousiasme raisonné de toute l'Assemblée, mais l'Assemblée aussi partage mon sentiment ; elle a reconnu, par un décret solennel, qu'elle ne peut rien faire de durable que par la sanction nationale. Je dis donc que ce n'est point assez de le reconnaître implicitement, je pense qu'il faut encore que la rédaction porte que c'est au nom du peuple français que vous avez accepté la réunion.
(de Douai). Je demande la question préalable sur la proposition de Buzot et de Dan-, ton. Je la fonde sur votre première déclaration, par laquelle vous avez reconnu le principe incontestable de la souveraineté du peuple. Si jamais vous attachiez à une loi l'expression qu'elle doit être soumise à la sanction du peuple, vous diriez en même temps qu'il peut exister des lois qui pourraient n'y être pas soumises ; et si cela arrivait, la Convention nationale se serait érigée en despote. \
J'avais retiré mon amendement parce qu'on m'avait dit qu'il était sous-entendu, mais Merlin vient de me faire sentir qu'il doit être décrété. Je reprends avec Danton cet amendement et je le motive : il n'est point exact de dire que toutes les lois faites par la Convention nationale doivent être soumises à la sanction du peuple ; ce principe rentre dans un système aésorganisateur que vous ne pouvez pas adopter si vous voulez avoir un gouvernement quelconque, si vous voulez avoir l'ordre et la paix. Les lois purement législatives, les lois purement réglementaires ne sont pas, d'après sa propre volonté, soumises à la sanction du peuple, car le peuple ne peut pas vouloir une ■chose évidemment impraticable et absurde. Mais il est vrai que les lois constitutionnelles ne peuvent exister qu'après qu'il les aura sanctionnées ; or, le décret que vous venez de rendre est véritablement constitutionnel et cette déclaration y doit être portée.
Nous devons cet hommage solennel à la souveraineté du peuple français, et le peuple savoisien doit savoir à quoi il s'engage par ce décret.
Sous ces deux rapports, je demande que l'on énonce dans le décret qu'il est constitutionnel, ou plutôt que l'on passe à l'ordre du jour motivé.
et plusieurs autres membres déclarent qu'ils appuient cette proposition.
(La Convention passe à l'ordre du jour motivé sur la déclaration faite qu'il ne peut y avoir de Constitution en France que celle qui aurait été acceptée par le peuple.)
, rapporteur, donne lecture des articles 2, 3 et 4 qui sont adoptés dans la forme qui suit :
« Art. 2: Les assemblées primaires et électorales se formeront incessamment, suivant la forme des lois établies, pour nommer leurs députés à la Convention nationale.
« Art. 3. Ce département aura provisoirement une représentation de dix députés à la Convention nationale.
Art. 4. Il sera envoyé dans le département du Mont-Blanc quatre commissaires pris dans le sein de la Convention nationale, pour procé-
der à la division provisoire et à l'organisation J de ce département en districts et en cantons. »
Doppet, l'un des députés de l'Assemblée nationale des Allobroges, demande et obtient la parole. 11 s'exprime ainsi :
« Législateurs, le citoyen Simond ayant rendu de grands services au peuple savoisien, en a reçu déjà cette récompense flatteuse d'entendre déclarer qu'il a bien mérité de sa patrie. Nous prions l'Assemblée de nous l'envoyer comme commissaire avec les citoyens Dubois-Crancé, Lacombe-Saint-Michel et Gasparin, qui ont déjà des connaissances de ces contrées. »
, rapporteur, demande que les commissaires, chargés de remplir une mission si importante, soient nommés au scrutin.
(La Convention décrète la proposition de Grégoire.)
Citoyens, il est essentiel que nous fassions disparaître le régime fiscal qui divisait la France et la Savoie. Je demande que d'ici le 1er janvier les barrières soient reculées au lac de Genève et au Mont-Genis et que toutes les lois soient provisoirement exécutées dans le département du Mont-Blanc.
Un membre demande que cette motion .soit rejetée par la question préalable, motivée sur ce que, suivant les lois, il ne peut exister de douanes dans l'intérieur de la Republique.
Si vous n'adoptez pas la mesure que je vous propose, les Genevois feront passer toutes leurs marchandises en France par la ci-devant Savoie.
observe que c'est faire tort aux citoyens du département du Mont-Blanc que de tarder jusqu'au 1er janvier à reculer les barrières.
annonce que tous les bureaux de douane établis sur les frontières de Suisse et d'Italie ont été conservés. 11 pense qu'il suffit de les y maintenir.
Il demande, en conséquence, que les douanes françaises établies sur les confins du département du Mont-Blanc soient supprimées et que le ministre soit chargé d'envoyer le tarif des droits d'entrée dans ce nouveau département.
La Convention adopte les propositions de Cambon et de Simond, qui sont décrétées en ces termes :
» Les douanes sur les confins du Piémont, de la Suisse et Genève seront conservées provisoirement, et le ministre de l'intérieur sera chargé de faire parvenir sur-le-champ les lois et tarifs relatifs à la perception des droits exportés ou importés.»
Citoyens, les assignats vont avoir un cours forcé dans le département du Mont-Blanc, comme dans toutes les autres parties de la République» et sans doute les contrefacteurs vont porter leurs vues sur la classe peu instruite des habitants de ce département. Je demande que pour déjouer ces scélérats, on établisse dans le département du Mont-Blanc un bureau de vérification des assignats.
(La Convention décrète qu'il sera établi dans les chefs-lieux de district ou dans les bureaux de douane aux frontières, après l'organisation des autorités, des commissaires pour la vérifications des assignats.)
Je demande que l'époque mémo-
rable de cette réunion soit dédiée à la postérité par un monument national.
J'appuie la" proposition de Kersaint, mais, comme j'estime qu'on ne peut point consacrer cette réunion sur l'airain et le marbre, avant qu'elle le soit par l'acceptation du peuple français, je demande le renvoi au comité [institution.
(La Convention renvoie au comité de Constitution la proposition de Kersaint.)
Suit le texte définitif du décret rendu.
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution^ et diplomatique, et avoir reconnu que le vœu universel du peuple souverain de la Savoie, émis dans les assemblées des communes, est de s'incorporer à la République française; considérant que la nature, les rapports et les intérêts respectifs rendent cette union avantageuse aux deux peuples, déclare qu'il accepte la réunion proposée et que, dès ce moment, la Savoie fait partie intégrante de la République française.
Art. 1er.
« La Convention nationale décrète que la Savoie formera provisoirement un quatre-vingt-quatrième département, sous le nom du département du Mont-Blanc.
Art. 2.
« Les assemblées primaires et électorales se formeront incessamment suivant la forme des lois établies, pour nommer leurs députés à la Convention nationale.
Art. 3.
« Ce département aura provisoirement une représentation de dix députés à la Convention nationale.
Art. 4.
« Il sera envoyé, dans le département du Mont-Blanc, quatre commissaires pris dans le sein de la Convention nationale, pour procéder à la division provisoire et à l'organisation de ce département en districtseten cantons. Ces commissaires seront nommés par la voie du scrutin.
Art. 5.
« Les bureaux des douanes établis sur les frontières de la France et de la Savoie sont supprimés. Ceux sur les confins du Piémont, de la Suisse et de Genève seront conservés provisoirement ; et le ministre des contributions publiques sera chargé de faire parvenir, sur-le-champ, les lois et tarifs relatifs à la perception des droits sur les objets exportés ou importés.
Art. 6.
« Il sera établi dans les chefs-lieux de district ou dans les bureaux de douanes aux frontières, après l'organisation des autorités, des Commissaires pour la vérification des assignats.
Art. 7.
« Sur la proposition d'insérer dans le décret de réunion ae la Savoie, les mots : au nom du Peuple français, la Convention nationale passe à l'ordre du jour, motivé sur la déclaration solennelle qu'elle a faite, qu'il n'y aura de Constitu-
tion que celle qui aura été acceptée par le peuple français » (1).
Doppet, l'un des membres de rassemblée nationale des Allobroges, demande et obtient de nouveau la parole.
Il s'exprime ainsi :
« Réprésentants républicains, nous donnons aujourd'hui à l'univers philosophe le premier exemple d'un contrat diplomatique passé entre deux vrais et légitimes souverains. Ce contrat honorant également les deux parties contractantes, l'une outragerait l'autre en. lui adressant dés remerciements. Maintenant les sentiments de reconnaissance, qu'ont les ci-devant Allobroges pour leur libérateurs, se confondent et doivent rester confondus dans ceux de l'amitié !.... (Applaudissements.) Ce n'est plus le temps où les rois traitaient et trafiquaient des peuples ; ce sont les peuples qui jugent les rois, qui les traitent comme ils le méritent, et qui les confinent dans leur sphère imaginaire.
« Nous devons vous observer, que, puisque vous avez décrété l'envoi de quatre commissaires au 84e département, le vœu des habitants de ce nouveau département serait de revoir leur concitoyen Simond, votre collègue ; nous savons qu'il leur est cher, et nous devons vous le dire. »
convertit cette proposition en motion.
, rapporteur. L'assemblée, en procédant au scrutin pourra avoir égard au vœu des citoyens ci-devant Allobroges, mais elle ne doit pas faire exception pour un homme. Je demande qu'elle passe a l'ordre du jour.
Et moi aussi je demande qu'on passe à l'ordre du jour. Mes concitoyens n'ont été déterminés, sans doute, que par ce motif, c'est que je parle les différents patois du pays et qu'un paysan s'adressant à moi n'est pas obligé d'ôter son chapeau.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
vlllar, l'un des députés de l'assemblée nationale savoisienne, demande et obtient la parole.
11 s'exprime ainsi :
« Nommés pour apporter au sein de cette auguste assemblée le vœu de nos
concitoyens, sans doute le plus beau jour de notre vie est celui qui
nous procure l'heureux instant, objet de tous nos désirs. En nous
associant à une ia-r mille de héros, vous nous avez trouvés dignes de
marcher fièrement sous l'étendard de la liberté. Vos lauriers nous
serviront de guidés? et nous nous flattons que désormais la République
française, servie avec ardeur par ses enfants adoptifs, ne connaîtra
plus de différence entre eux et leurs nouveaux frères. En rejetant la
réunion que nous sommes venus vous proposer, la liberté que nous tenions
de vos armes victorieuses, eût pu nous devenir funeste ; mais il ne nous
était pas permis de croire que, représentants d'une nation aussi
généreuse que puis* santé, vous puissiez laisser votre ouvrage
imparfait. Notre satisfaction est complète, et si l'expression manque à
mes sentiments, mon silence peut seul vous donner une idée de mon
admira-
, aux députés. Citoyens français, témoins des acclamations touchantes que vient d'exciter dans ce temple national la réunion des Allobroges et des Français, vous devez iuger si notre souverain s'empressera d'accepter la proposition du vôtre ! Une si douce espérance fait la plus belle partie du bonheur de cette auguste journée. Il sera donc répété deux fois dans tout l'Empire, que les deux nations seront unies éternellement! Déjà la nature avait décrété l'unité physique et morale de nos communs territoires, nous venons de lui obéir ; et ce ne sera pas le dernier hommage que la Convention se glorifiera de rendre aux inspirations de la nature. Dans cette chute nécessaire et prochaine de tous les rois ensevelis sous leurs trônes, le seul trône qui restera, sera celui de la Liberté, assise sur le Mont-Blanc, d'où cette souveraine du Monde, faisant l'appel des nations à renaître, étendra ses mains triomphales sur tout l'univers ! (Vifs applaudissements.)
(La Convention décrète l'impression du discours des députés et de la réponse du Président.)
reprend le fauteuil.
Présidence de grégoire, président.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Garran, Lamarque et Lazare Carnot, commissaires de la Convention aux frontières des Pyrénées (1) dans laquelle ils rendent compte de leur mission; cette lettre est ainsi conçue :
« Toulouse, le er de la République.
« Citoyens, nos collègues,
« Après avoir visité la ville de Tarbes, lieu; duquel notre dernière lettre vous a été adressée, nous nous sommes rendus à Auch, pour y organiser la légion des Pyrénées, conformément à la loi du 16 septembre dernier, qui prescrit le mode de sa formation* De là nous sommes venus à Toulouse où doit être formé l'état-major de l'armée, et nous allions continuer notre marche dans quelques départements voisins pour lever de nouvelles troupes et lier nos opérations avec celles de nos collègues les commissaires envoyés à Perpignan, si nous n'avions jugé d'après votre décret du 16 de ce mois, que notre mission de-: vait être finie.
: « Ce décret renferme, deux dispositions qui nous sont relatives : par l'une vous suspendez l'arrêté que nous avions pris le 20 octobre 4er-nier pour faire donner une haute paye de 2 sols aux soldats cantonnés dans quelques villages dès Basses-Pyrénées en renvoyant au surplus des comités des finances et de la guerre réunis pour connaître les motifs de cet arrêté. : ',
« Il est étonnant que ces motifs aient échappés à votre comité des
finances qui à, proposé ce décret, puisqu'ils sont pris danslajôi du 19
août, laquelle a été abrogée sur le rapport de ce mêmç comité, le 31
octobre; d'après cette loi qui, comme voiiis lé voyez, existait encore
lors de notre arrêté, nous eussions pu èt dû peut-être, faire
« L'autre disposition de votre décret concernant les commissaires aux armées leur interdit la faculté d'ordonner aucune dépense publique, ni de faire délivrer aucun mandat sur les caisses nationales; quoique ce décret puisse paraître une critique des mesures que nous avons déjà prises contre l'Espagne, nous l'avons reçu avec satisfaction, parce qu'il nous fournit au moins une réponse à faire aux malheureux citoyens qui viennent en foule, réclamer l'exécution des lois.
« Que pouvions-nous leur dire, lorsqu'ils nous représentaient dans leur détresse qu'ayant épuisé tous ies moyens de sollicitation auprès du pouvoir exécutif, ils l'avaient trouvé constamment sourd à leurs plaintes? qu'ayant adressé ces mêmes plaintes à l'Assemblée ou à la Convention nationale, ils avaient appris que leurs pétitions avaient été se perdre dans le gouffre des comités. Lorsqu'ils nous disaient : nous périssons de misère parce que nous ne pouvons obtenir justice, n'avez-vous pas de consolation à nous donner? n'êtes-vous pas venus sécher nos larmes? et le pouvoir de le faire ne vous est-il pas délégué? voilà nos titres, voilà la loi, jugez-nous rigoureusement, mais au nom de la patrie, prononcez enfin sur notre sort.
« Sur toutes ces demandes, nous avions pris un parti : c'était celui de renvoyer à la Convention ou au pouvoir exécutif tout ce qui était susceptible de quelque délai et de prononcer seulement avec circonspection sur celles qui ne paraissaient pouvoir souffrir aucun ajournement : c'est ainsi que nous avons fait payer quelques fournisseurs, quelques entrepreneurs, qui, après avoir épuisé leur bourse et celle de leurs amis, se trouvaient forcés d'abandonner les travaux, parce qu'on ne remplissait point envers eux les conditions de leurs marchés; c'est ainsi que nous avons pourvu provisoirement aux pressants besoins de quelques invalides qui réclament en vain, depuis le 16 mai, l'exécution de la loi qui les concerne. Nous devons le dire franchement, malgré la sagesse de vos vues pour obtenir aujourd'hui le payement de la créance
la plus modique et la plus légitime, il faut plus de démarches, de dépenses qu'il n'en fallait autrefois pour obtenir des pensions extravagantes ; et si nous avions quelques reproches à nous faire sur ce point, c'est peut-être d'avoir usé trop austèrement des moyens justes et légaux qui nous étaient confiés.
« Les payeurs ne désirent rien tant que de voir s'accumuler les obstacles qui séparent d'eux les créanciers de l'Etat ; ils aiment à les voir s'égarer dans le labyrinthe des formes, et c'est parfaitement servir leur cupidité que de rendre ces formes de plus en plus inextricables. Cela n'empêche pas que l'invention de certaines chicanes, dans ce genre, ne puisse être applaudie quelquefois ; mais que ceux qui les imaginent viennent dans ces contrées où les lois pénètrent à peine, ils entendront bientôt ces applaudissements, qui les enivrent, changés en cris-de douleur; ils y verront que le fruit ae leur injuste parcimonie est la misère profonde du peuple; ils y verront que, faute des premiers secours, les chemins sont impraticables, les hôpitaux sans moyens, les municipalités écrasées de dettes, réduites à un tel état de dénument qu'elles sont hors d'état de payer le papier de leurs procès-verbaux, que l'instruction publique est abandonnée et que la barbarie élève rapidement son voile lugubre sur les plus brillantes contrées de la République.
« Il est une autre classe dedépenses, dont nous avons spécialement à vous entretenir, puisqu'elle faisait le principal obiet de notre mission, c'est celle qui regarde les levées de troupes, fortifications et approvisionnements militaires.
« Le mandat que nous avons reçu de vous, en partant, nous ordonne de -préparer des moyens assurés de défense contre l'Espagne ; tout était à créer et jusqu'à présent vous aviez paru approuver les mesures que nous avons prises soit pour lalevée des bataillons, soit pour l'achat des vivres et des pièces d'artillerie, soit pour les hôpitaux et travaux de fortifications ; tout cela est commencé et devait être payé sur des mandats délivrés par le commissaire du pouvoir exécutif, en vertu de nos réquisitions : ces moyens devenant nuls, nous ne pouvons vousdissimuler l'extrême confusion qui va suivre votre décret ; il est plus que probable que la plupart des ouvriers resteront sans payement, que ies fournisseurs et entrepreneurs abandonneront leurs travaux, le pouvoir exécutif ne leur pardonnera point d'avoir exécuté d'autres ordres que les siens, et si vous envoyez d'autres fois des commissaires tirés de votre sein, au milieu de cette confiance indéfinie, ae ce zèle, de cet abandon qui les accompagne, partout, au milieu de cet enthousiasme qu'existe le seul nom de la Convention nationale, il est .à craindre qu'ils ne trouvent plus que froideur et résistance et c'est ainsi que le génie rétréci de la fiscalité aura porté une atteinte mortelle à l'esprit public, à cet esprit d'héroïsme et de désappropriation qui enfantait les prodiges.
« Nous avions adopté un plan général, il s'exécutait avec le plus parfait concert entre nous et les chefs de Parmee; à la réception de votre décret, nous avons sur-le-champ arrêté notre marche et retenu les dépêches qui étaient expédiées pour les nouveaux départements que nous avions à parcourir.
« Nous nous occupions ici de la levée d'une nouvelle légion et d'un établissement d'artillerie qui nous paraissaient indispensables ; pour cela,
11 faut de l'argent; l'ensemble de nos mesures est rompu, nos opérations sont coupées, et nous pensions même à révoquer toutes les réquisitions que nous avions faites depuis le commencement de notre mission, mais comme la plupart ont déjàreçu une partie de leur exécution, nous avons craint d'augmenter encore les embarras; nous remettons les choses dans leur état actuel, entre les mains du ministre de la guerre qui fera mieux apparemment, mais nous ne pouvons répondre, vous le sentez, que de ce que nous avons fait nous-mêmes.
« Nous devons vous prévenir, citoyens, que nous avons prononcé, à Tarbes, la suspension du citoyen Le Cocq, officier du 20e régiment, pour cause d'incivisme, et celle des citoyens Guéry et Pégot, l'un caporal-fourrier au même régiment et l'autre lieutenant-colonel au 3e bataillon des Hautes-Pyrénées, lesquels, parleur inimitié personnelle, s'étaient portés à des actes de violence et d'indiscipline heureusement réprimés, mais qui paraissaient devoir renaître et pouvoir entraîner les deux corps aux plus fâcheux désordres.
« Dans cette même ville les troupes devaient être payées sur le pied de guerre, en vertu d'un ordre du ministre ; nous savions alors que la loi du 19 août était révoquée, et nous les réduisîmes au pied de paix.
« Nous avons fixé notre départ pour Paris au 12 du mois prochain, afin que si vous avez encore des ordres à .nous donner, nous puissions les recevoir.
« Nous vous rendons le compte exact de nos opérations ; ils se trouvent dans les divers ordres que nous avons donnés et nous faisons passer copie de tous au comité de correspondance ; nous vous prions, citoyens, de les juger sévèrement ; nous n'avons point la vanité de nous croire exempts d'erreurs, mais nous avons dans nos cœurs la certitude qu'il est impossible de travailler avec un zèle plus ardent que nous l'avons fait et un dévouement plus absolu, pour la gloire et la prospérité de la République.
« Les commissaires de la Convention nationale aux frontières des Pyrénées,
Signé
Garrau, Lamarque, Lazare Carnot. »
(La Convention Tenvoie cette lettre au comité de correspondance.)
, au nom du comité de législation, fait la lecture des articles décrétés dans la séance du 24 de ce mois (1), concernant les pénaliés encourues par les émigrés.
Plusieurs membres ftoposent des amendements et de nouvelles rédactions qui sont fondus dans les articles suivants.
Art. 15.
« Toutes donations entre vifs ou à cause de mort, même celles faites par testaments et co-diciles, et tous autres actes de libéralité faits par des émigrés, ou leurs fondés de pouvoirs, depuis le 17 juillet 1789, sont nuls et de nul effet.
Arts 16.
« Toutes ventes, cessions, obligations, tous
Art. 17.
« Toutes quittances et tous actes de remise de sommes ou effets dus ou déposés appartenant à des émigrés, faits et passés depuis le 9 février 1792, sont nuls et de nul effet, sauf le recours des débiteurs ou dépositaires qui auront payé à des agents, contre lesdits agents.
Art. 18.
« Tous les écrits, billets, effets de commerce négociables ou non, et généralement tous les actes énoncés aux deux articles précédents, an--térieurs au 9 février 1792, et qui sont sous signature privée, sont nuls et de nul effet, si leur date n'a pas été arrêtée par l'enregistrement, ou s'ils ne sont pas devenus authentiques par des actes de dépôt public, ou par des jugements, le tout avant le 9 février 1792.
Art. 19.
« Seront néanmoins exécutés, par exception, tous les actes authentiques ou devenus authentiques, faits, signés et passés en présence des parties contractantes depuis le 9 février 1792, lorsqu'il sera constaté que les signataires desdits actes n'ont émigré que depuis la date authentique ou devenue authentique desdits actes.
Art. 20.
« Les mêmes actes que ceux énoncés aux précédents articles, qui seraient dénoncés comme frauduleux, soit qu'ils soient antérieurs ou postérieurs au 9 février 1792, seront nuls et de nul effet, S'ils sont jugés faits en fraude et en contravention à la saisine nationale prononcée par la loi du 9 février 1792.
Art. 21.
« Les saisies réelles, les baux judiciaires, les saisies mobilières, ces dernières, non suivies de vente et tradition d'espèces, faites sur les émigrés depuis le 9 février dernier, sont annulées, sauf les droits de saisissants et le payement des frais légitimement faits sur le prix des objets saisis.
Art. 22.
« Les liquidations de droits, les collocations et actes d'éxécution des séparations et des divorces prononcés depuis le 1er juillet 1789 entre maris et femmes émigrés, ou dont l'un d'eux serait émigré, sont nuis et de nul effet, sauf les droits des femmes séparées ou divorcées, qu'elles exerceront, comme les autres créanciers, sur les biens de leurs débiteurs émigrés.
Art. 23.
« Tous les effets de la puissance paternelle, et tous les autres droits attributifs de jouissance ou d'usufruit sur les biens des enfants émigrés, sont abolis, à compter du jour de la promulgation de la présente loi.
Art. 24.
« Ceux qui, pour troubler les acquéreurs des
biens des émigrés dans leurs acquisitions, auraient enlevé ou fait enlever les fruits; ceux qui, dans le même dessein, auraient commis ou commettraient des dégradations dans les biens des émigrés vendus ou à vendre, seront punis de six années de fers, et seront, en outre, responsables, sur tous leurs biens, des pertes et dommages que leur délit aura occasionnés, soit à la République, soit au particuliers.
Art. 25.
« Ceux qui, pour nuire à la vente des biens des émigrés, auront employé les voies de fait ou menaces, seront punis ae quatre années de fers, et en outre responsables, sur tous leurs biens, des torts que leur délit aura occasionnés à la République ou aux particuliers.
Art. 26.
« Les administrateurs, les officiers municipaux et tous les autres fonctionnaires publics qui seront convaincus de négligence dans l'exécution de la [présente loi, seront destitués de leurs places.
Art. 27.
« Ceux qui seront convaincus d'infidélité dans l'exercice des fonctions relatives aux dispositions de la présente loi, seront punis de la dégradation civique ; et, dans tous les cas, les uns et les autres seront responsables, sur tous leurs biens, des pertes que leur négligence ou leur infidélité auront occasionnées à la République ou aux particuliers.
Art. 28.
Tous les lois antérieures relatives aux émigrés sont abrogées en ce qu'elles pourraient avoir de contraire aux dispositions ae la présente loi. »
Un membre : Je propose l'impression de la partie pénale de cette loi, l'envoi aux départements, districts et municipalités, et, en outre; qu'il en sera distribué six exemplaires à chacun des membres de la Convention. -^(La Convèhtion décrète cette proposition) (1).
J'ai deux propositions à faire à la Convention: la première, c'est de décréter que le pouvoir exécutif sera chargé de notifier aux puissances étrangères que la République ne reconnaîtra comme ministre public, aucun émigré, fût-il naturalisé chez la puissance qui» l'enverrait et qu'elle ne souffrira aucun émigré, sous quelque titre que ce puisse être, à la suite d'un ministre public ; la seconde, c'est de prononcer que les ministres lui feront remettre, clans lès vingt-quatre heures, le tableau des ci-toyens qui ont reçu une mission quelconque du gouvernement et de l'époque à laquelle ils l'ont reçue.
(La Convention adopte ces deux propositions.)
Suit le texte définitif des deux décrets : )
« La Convention nationale décrète que le pouvoir exécutif sera chargé de
notifier aux puissances étrangères, que la République ne reconnaîtra
comme ministre public aucun émigré, fût-il naturalisé chez la puissance
qui l'enverrait, et qu'elle ne souffrira aucun émigré, sous quelque
« La Convention nationale décrète que les ministres lui feront remettre, dans vingt-quatre heures, le tableau des citoyens qui ont reçu une mission quelconque du gouvernement et de l'époque à laquelle ils l'ont reçue. »
Je propose qu'en ce qui concerne l'Administration, les biens des ci-devant princes soient réunis à ceux des émigrés et que les états-majors et valets ou gardes des çi-devant princes aient à vider les lieux.
(La Convention adopte la proposition de Camus.) :
Un membre : Je demande que le comité de législation soit tenu de faire jeudi prochain le rapport: 1° sur les exceptions générales qui pourraient être ajoutées à celles déjà décrétées; 2° sur le mode ae jugement des exceptions particulières qui n'auraient pu être prévues par la loi des émigrés.
(La Convention charge son comité dé législation de faire le rapport jeudi prochain:)'
Un autre membre : Je demande que les pères qui jopissent de l'usufruit des biens de leurs enfants émigrés non émancipés, soient tenus de restituer cet usufruit, à compter du jour de l'émigration. Les liquidations de droit, les collo-cations ej; autres actes d'exécution et de divorce passés entre maris et femmes d'émigrés depuis le 1er juillet 1789 sont nuls et de nul effet, sauf les droits des femmes divorcées qui viendront les répéter avec les autres créanciers.
Je m'oppose à cette date du 1èr juillet 1789 ; je trouve plus équitable de ne faire cesser ces effets de la puissance paternelle sur les enfants émigrés, relativement aux biens et autres droits attributifs qu'à compter du jour de la publication d'usufruit et de la jouissance de la loi.
(La Convention décrète que les effets cesseront seulement du jour de la publication de la loL)
Il existe un article de votre décret qui autorise les séparations frauduleuses ou faites à dessein entre mari et femme d'émigrés pour soustraire leurs biens à la disposition de la nâtion ; je demande le rapport de rarticle que j'indique et que l'Assemblée casse et annule toutes les séparations faites depuis le 8 avril dernier.
La loi du 8 avril dernier'accorde un quart des biens de l'émigré aux enfants, je rië crbiti pas qùèèètte disposition doive subsister; car ces biens retourneront par ce moyen formel-lément à l'émigré, •
Je vais mettre de nouveau ces articles aux voix.)
(La Convention maintient en entier son premier décret et charge son rapporteur d'insérer ces articles dans la partie pénale de la loi des émigrés.)
(La séance est levée à, cinq heures.); r
A la séance de la convention nationale du
Projet de proclamation (2) par L. T. Dubois- Dubais, citoyen député du Calvados à la Convention nationale, au nom delà République française, aux Savoisiens.
Savoisiens, le peuple français, pour avoir voulu être libre et reprendre l'exercice inaliénable de sa souveraineté, a excité contre lui la colère des despotes qui l'environnent. Ils se sont coalisés, et ils ont conçu le coupable et frivole projet de le remettre dans les fers.
Ces fantômes orgueilleux n'ont pas vu qu'une aussi folle entreprise contre une nation puissante et redoutable mettrait bientôt à découvert leur nullité, les précipiterait vers leur néant, et accélérerait, l'affrancnissement de l'espèce humaine.
Leurs armées ont osé se porter sur la terre de la liberté; mais des flots de leur sang sont prêts à couler et à laver les traces criminelles dont ils l'oht souillée.
Les Français les ont vu arriver sans étonne-ment et sans crainte; Ils les combattront avec courage et succès Des hommes libres ne doivent pas craindre de vils esclaves, quel que soit leur nombre.
Plus ils avancent et plus l'ardeur des citoyens s'enflamme ; tous, depuis l'âge le plus tendre jusqu'à la vieillesse décrépite, se disputent l'honneur de marcher au combat et de concourir à les exterminer.
La France, en ce moment, ne forme plus qu'un camp; nos routes sont couvertes de soldats; les airs retentissent de toutes parts d'une musique guerrière, et des bataillons formidables, tous armés et équipés semblent sortir, comme par;un miracle, du sein de la terre française, pour se précipiter sur ces hordes de brigands foudroyés.
Chaque pas qu'ils font sur le territoire français les approche de leur tombeau ; et déjà la foudre exterminatrice qui doit nous en délivrer, gronde sur la tête coupable de ces vils tyrans et de leurs satellites.
Déjà aussi les remords, précurseurs de leur honte et:de leur défaite, lesiagitent et déchirent leur âme ; l'effroi, la douleur et la mort sont dans leurs cœurs.
Qu'ils tremblent en effet; ils ont voulu attaquer sans raison un peuple généreux et magnanime qui avait renoncé aux conquêtes; nombre de fois il leur avait offert, mais inutilement, le rameau d'olivier: il s'est fatigué enfin de leur dédains injurieux et de leurs insolentes menaces.
Les Français, justement irrités, ont couru aux armes, ils ont défié les tyrari3coalisés ; ils triompheront de leur imbécile et aveugle fureur.
Ces lâches ennemis, ces bourreaux de l'espèce humaine ont donc osé s'avancer ; ils ont obtenu quelque succès qui leur étaient préparés par des traîtres, mais qu'ils n'en doutent pas, ces succès ne serviront qu'à rendre leur perte plus infaillible et plus complète.
Les forces d'un peuple libre augmentent et
s'accroissent de ses propres défaites ; son courage alors se change en fureur, et chaque perte d'hommes est aussitôt réparée par un nombre plus considérable.
Les armées des tyrans, au contraire, s'anéantissent de leurs propres victoires. Le courage factice d'un esclave se lasse et s'affaiblit, parce que les exploits ne tendent qu'à river ses fers. Telle est la différence entre l'homme qui sourit à la liberté et qui combat pour elle, et celui dont l'âme paisible est comprimée par le sentiment douloureux de l'esclavage.
Rois téméraires, redoutez la juste fureur d'un peuple bon et paisible que vous avez si lâchement outragé et attaqué, parce qu'il a voulu jouir de ses droits les plus légitimes ! Et ne craignez-vous pas encore qu'un éclat de lumière ne frappe les yeux des peuples que vous dominez, et qu'eu prévenant les vœux des Français, ils ne réduisent eux-mêmes en poussière vos trônes chancelants ?
Vous avez forcé le peuple français à prendre les armes contre vous, il ne les quittera pas sans doute quand vous voudrez ; en le provoquant ainsi, vous avez ouvert un vaste champ à la gloire, et vous l'avez appelé à remplir de grandes destinées.
Tyrans ligués! ces destinées si terribles pour vous, si consolantes pour les peuples qui gémissent sous votre sceptre de fer, sont de vous anéantir et de rendre a leurs droits et à la liberté, les nations que vous tenez enchaînées.
Allobroges, peuple antique! apprenez donc que nous n'en voulons qu'aux despotes seuls et à leurs satellites, et que nous tendons des bras fraternels aux peuples. Menacé par le tyran qui nous gouverne, lui seul est l'ennemi que nous poursuivons. Ainsi les bataillons français sont entrés sur notre territoire, non pour vous conquérir, mais pour s'unir à vous; non pour s'emparer de vos personnes et de vos propriétés, mais pour les faire religieusement respecter et gagner vos cœurs; non pour vous régir et vous donner des lois, mais pour vous rendre à vous-mêmes et à vos propres droits. Soyez libres et ne reconnaissez plus de tyrans, voilà les seules conditions que nous vous imposons.
Faites vos lois ; adoptez tel gouvernement qui qui vous conviendra ; livrez-vous sans crainte aux élans qu'excite en vous le sentiment de la liberté. Nos bras, nos armées sont à vous ; nous vous protégerons de tous nos moyens, non pas en vainqueurs j mais en frères et en vertueux républicains, qui ne combattent que pour le bonheur du genre humain.
a la séance de la convention nationale du
Opinion (2) de F. Robert, député du département de Paris, sur la réunion de la Savoie à la France.
Du temps des rois, ces monstres disposaient
entre eux du genre humain; ils se partageaient les hommes comme les bergers se partagent leurs troupeaux : les tigres ne se les disputaient entre eux que pour les égorger au besoin. Oui, tous les tyrans, tous les rois, tous les despotes sont au rang de ces êtres qui ne vivent que de sang, ne se repaissent que de cadavres, ne respirent qu'autant que la nature est opprimée et presque anéantie. Un pays gouverne par un roi n est plus qu'un vaste tombeau où l'homme est étouffé en naissant, où le cruel despotisme ne laisse respirer que des esclaves ; enfin, je dirai que naguère nous étions encore une vile marchandise dont les rois trafiquaient insolemment; je dirai que naguère on eût souffert avec patience que Victor-Amédée vendît à Louis XVI plusieurs centaines de milliers d'hommes.
Que les temps sont changés I Ce n'est plus un tyran qui marchande avec un autre tyran l'existence et la propriété d'une portion des habitants du globe ; c'est une nation entière ; c'est un peuple jouissant de ses droits, c'est une société souveraine, qui vient demander son incorporation dans la grande société de la République française. Magnifique et sublime spectacle! Je les ai vus, les députés des Allobroges, je les ai vus au milieu de nous, j'ai vu le président de la Convention nationale de Franee leur donner lé baiser de paix et de fraternité: et si mes yeux humides ont pu se sécher, c'est par le consolant espoir que bientôt les Allobroges eux-mêmes seraient appelés à nous rendre ce baiser, gage de l'union qui doit les unir éternellement, mofi-visiblement à la République des Français.
De quoi s'agit-il aujourd'hui ? De savoir si la Savoie peut se donner à nous, à nous pouvons l'incorporer dans notre association, si cette association est avantageuse aux Allobroges, si elle est avantageuse aux Français, et enfin quelles sont les raisons particulières sur lesquelles ont peut fonder le système de rejection ou d'admission.
Je ne ferai pas à la Convention nationale l'injure de discuter ici la question : si un peuple peut changer sa forme de gouvernement, s'il peut étendre les limites de son pacte social, s'il peut augmenter le nombre de ses associés. On supporte ces discussions quand on les traite sous les yeux d'un roi, entouré de satellites; mais quand on a l'honneur d'être citoyen d'un pays qui veut la République, on ne se permet pas ae emander sérieusement si ce peuple a le droit de la vouloir. Oui les Savoisiens ont le droit de nous proposer un pacte d'union, par cela seul que nos armées les ont rendus à eux ; oui, nous avons le droit d'accepter le pacte qui nous est offert, par la seule raison que nous sommes nous, que nous sommes républicains, que nous "sommes peuple.
Je passe donc rapidement au point de savoir si la réunion des Allobroges leur est utile, si elle est utile à la France ; et c'est ici que nous avons à combattre l'ancien préjugé des Français, et les anciennes erreurs de quelques hommes de mérite, qui ont cru, ou qui ont affecté de croire que les grands Etats n'étaient pas propres au gouvernement républicain.
Je ne partage pas.l'idée de ceuxqui s'obstinent à soutenir le système de la République universelle ; mais j'exècre la maxime perfide de quelques hommes qui, chaque jour, répètent tout bas que déjà la France est trop étendue, et que nous avons quelques départements de trop. Si l'on peut pardonner à Montesquieu, qui vivait
sous un roi, d'avoir écrit que l'empire français était fait pour la monarchie, on ne pardonnera jamais aux républicains de 1792 d'avoir dit que la France n'était pas susceptible d'accroissement territorial. La nature a dessiné le globe pour les hommes, comme elle a fait les nommes pour habiter le globe. Si longtemps que le gouvernement d'une société quelconque peut agir sur un climat et sur les hommes qui l'habitent, ce climat et ces hommes peuvent faire partie de la société. Les associations humaines ne deviennent nécessairement distinctes que là où le gouvernement de l'un ne peut agir efficacement sur l'autre. Des rochers escarpés, des mers en fureur, des lacs impraticables, voilà ce que j'appelle des obstacles naturels à la réunion des peuples ; mais dès que les ordres du gouvernement peuvent circuler avec liberté, dès que le coup d'électricité centrale se communique aisé-, ment et avec assurance, il n'y a pas de raison pour soutenir l'inextensibilite des Etats.
J'ajouterai quelque chose à cette idée, et je dirai que plus une République est grande plus elle est sûre de conserver sa liberté. Comment se perd-elle? par les factions ou parles gqerres étrangères. Dans un grand état les factions sont toujours, c'est-à-dire tôt ou tard livrées au mépris, parce que les factieux se perdent dans l'immensité d'une grande population. Dans un grand Etat les" guerres étrangères, les invasions ennemies, sont d'autant moins dangereuses qu'il y a plus de citoyens pour défendre le territoire public ; mais dans les petits Etats, les factions dominent aisément ; avec de l'intrigue et de la patience on parvient sans difficulté à établir de magnifiques seigneurs. Si la France n'était composée que d'un million d'hommes, déjà nous verrions un parti oppresseur et un parti opprimé ; ce n'est qu'à cette grande masse, qui ne prend parti pour personne, et qui n'est forte que de la force d'inertie et d'observation, que la République devra son salut. Dans un petit Etat la sûreté publique est toujours à la discrétion des puissances voisines ; la liberté n'y' est qu'un bien précaire. Les citoyeus des petites républiques sont à la merci du premier brigand qui trouve les moyens de rassembler une armée nombreuse. Croyez-vous que Marseille, que Bordeaux, que Paris, que Lille, que Metz, que Thionville, croyez-vous que ces cités particulières eussent pu résister seules aux féroces soldats de l'Autriche ? Non, il a fallu les efforts combinés de tous les départements de la République, pour les chasser du territoiré français ; et ces barbares y eussent séjourné quelques heures, peut-être quelques jours de moins, si la France avait eu un bon département de plus. Il est donc incontestable qu'une République ne saurait être ni trop grande ni trop populeuse, à moins que sa population et son étendue ne tendent sensiblement à neutraliser l'action du gouvernement ; mais comme l'action du gouvernement, dont je suppose le centre à Paris, peut être aussi forte sur, pour, ou contre les Savoisiens, qu'elle est forte sur,pour ou contre les habitants des Pyrénées, je ne vois pas pourquoi la nation française refuserait de faire société avec les premiers humains qu'elle a délivrés du joug de la tyrannie. S'il est un peuple à qui cette reunion convienne c'est le peuple de Savoie : il parle le même idiome ; ses mœurs, tous ses goûts sont les nôtres : un quart de ses habitants est déjà, pour ainsi dire, naturalisé en France; tous partagent avec nous la sainte horreur des rois, parce que tous,
ont été, comme nous, opprimés par les rois. Législateurs, ne soyons pas généreux à demi ; nos armées ont rendu les Savoisiens libres :-, qu'un décret de la Convention les rende Français. L'honneur d'avoir les premiers brisé leurs chaînes, doit leur valoir celui d'entrer en société avec nous.
On connaît l'industrie des Savoisiens et leur amour pour le travail. On sait que leur pays fournit une quantité prodigieuse de matière première. On sait que, malgrécela, le commerce y est presque anéanti; que le sol y est stérile par les exactions du despotisme ; que les rivières y sont sans lit pour rouler leurs eaux, ce qui fait des plaines de la Savoie un vaste marais, inutile à l'agriculture..
On sait que la nature a placé dans le sein de ses montagnes, des dépôts précieux de ce métal qui facilite les transactions du commerce;.on sait que les cupides Piémontais ne permettaient plus, depuis longtemps, aux Savoisiens, qu'ils s'habituaient à regarder comme leurs esclaves, d'avoir chez eux ni écoles publiques, ni même des universités... et l'on entame une discussion sur la question de savoir si la réunion à la France serait pour elle un acte avantageux I
La Savoie comprend environ 400,000 âmes, mais quels que soient l'industrie et l'amour du travail qui stimulent cette population, comment veut-on que 400,000 âmes, parmi lesquelles je compte à peine 70,000 hommes propres à la fatigue ; comment veut-on que 70,000 hommes ruinés, et pour ainsi dire exténués par le despotisme, ressuscitent tout à coup un commerce abattu ? Comment veut-on qu'ils élèvent, qu'ils puissent élever des manufactures pour perfectionner les productions du pays ? 70,000hommes sans autres ressources que celles offertes par un pays longtemps désolé, pourraient-ils jamais percer des canaux, dessécher des marais, et Fertiliser le sol de l'Europe, qui a peut-être le plus besoin de soins instantanés ? l'exploration des mines, et l'érection des écoles publiques, et l'instruction d'un gouvernement particulier, et l'entretien ~ d'un corps électif particulier, et la solde d'une armée particulière, croyez-vous que tout cela puisse se faire sans des avances considérables? Et dire que les Savoisiens peuvent aujourd'hui faire ces avances, ce serait, à mon sens, afficher l'injustice et la cruauté. L'état politique de la Savoie relativement à la France me paraît être le même que celui d'un pauvre métayer relativement à un propriétaire plus à l'aise; la ferme dépérit dans les mains du propriétaire ; le cultivateur pauvre èt industrieux ne peut que se livrer à aes regrets : tel arpent de terre lui produirait cent, s'il pouvait faire des avances, qui ne produit que dix à défaut d'une culture soignée et des secours de l'aisance : mais cette même ferme passe-t-elle à un autre propriétaire, ou bien le premier propriétaire augmente-t-il ses moyens par une association utile ? Alors les champs fleurissent, les moissons deviennent abondantes et le métayer trouve qu'il aurait été heureux de donner la moitié de son héritage pour acquérir les moyens de fertiliser l'autre moitié. Il en est de même delà Savoie. Je la défie de faire usage de ses grandes ressources et de profiter de tous les avantages que lui a donnés la nature, à moins qu'une main bienfaisante, ou, si l'on veut, une main intéressée, vienne à son secours. Que la France s'unisse à la Savoie par les liens d'un pacte social ; que la Savoie devienne partie in-
tégrante de la France, et je réponds qu'avant deux ans la Savoie est un des départements les plus florissants de la République française. Des manufactures seront élevées, le commerce sera ranimé, les champs cultivés, les marais desséchés, les canaux ouverts, la navigation facile, la circulation aisée et les savoisiens n'auront plus qu'à s'étonner d'avoir été si longtemps malheureux, alors que la nature les avait placés là où il était si facile d'être heureux.
Et que l'hypocrisie ne vienne point affecter ici de prétendus sentiments de désintéressement de bienveillance ; qu'elle ne vienne pas se charger du rôle de défenseur officieux de là Savoie ; qu'elle né vienne pas nous dire que son incorporation à la France augmenterait ses impôts ; que la Savoie ne payait, à l'heure de son émancipation, que 3 millions au tyran des Piémontais, et qu'elle payerait au moins le double de contribution en France. Les réponses à cette objection se présentent en foule, et ne laissent que l'embarras du -choix. D'abord je dirai que notre système d'imposition ne peut être calculé que sur le territoire et sur la population. Or, en suivant ces deux bases, il est impossible que la Savoie, département de la Ré-pèblique française, paye jamais plus qu'elle ne payait au roi des Piémontais, par la raison que celui-sci soutirait, pour ainsi dire, jusqu'au suc de la dernière plante qui naissait en Savoie ; tandis que l'intention du gouvernement français, et surtout.des représentants du peuple, sera nécessairement de n'exiger en contribution que la cinquième ou sixième portion du produit territorial, quel que soit ce produit. D'ailleurs, le despote de Tunn? non content d'envahir tous les fruits delà Savoie, forçait encore sesmalheu-reux sujets à aller, pendant une partie de l'année, recueillir de l'or dans les pays étrangers, pour le porter à son trésor : et nous Français, qui savons que celui qui n'a rien ne doit rien à la société, nous ne dirons jamais aux généreux Savoisiens : quittez vos femmes et vos enfants pour aller arracher, au prix d'un tel sacrifice, quelque peu d'or chez les nations voisines.
Mais, dira-t-on, il ne s'agit pas de savoir si les habitants de la Savoie, incorporés à la France, seront plus grevés de contributions,qu'ils ne l'étaient par leur tyran, mais bien de savoir si la nation savoisienne, constituée en république particulière, payera moins d'impôts que si elle était unie à la France : et je réponds que non; je réponds qu'elle en payera beaucoup moins. Je demanderai à ceux qui font cet argument, s'ils croient que le système des petites républiques est avantageux même pour les contributions ? Je suppose que les 83 départements de la France soient 83 républiques distinctes; il faudrait à chacune des républiques une Assemblée nationale et un gouvernement particulier; il leur faudrait des a rmées particulières ; il leur faudrait des administrations, des cours de justice, des institutions particulières de tout genre : et certes je maintiens que la dépense serait au moins doublée, si elle n'était quadruplée. Si les premiers actes de réunion entre les hommes n'ont d'abord eu pour but que la défense commune et la conservation de la vie, les agréments et les commodités sont ensuite devenus un objet accessoire; et la vie n'est agréable et commode, qu'à raison de ce que chaque individu doit donner moins à la générale et peut retenir de plus dans son pécule particulier.
Et s'il est avantageux à chacun des départe-
ments de la République d'être partie intégrante de la République, combien cet avantage n'est-il pas plus sensible à l'égard du peuple savoisien? Je l'ai déjà dit : cf peuple sort de l'esclavage son sol est inculte, ses moyens personnels sont nuls ; et vous le laisseriez dans cet état d'isolement et d'abandon I Je pense qu'il en coûterait plus à la Savoie, pour s'entourer de barrières du côté de la France, qu'il ne lui coûterait pour fournir à la France sa quote-part de contribution. Mais quel mot ai-je prononcé? La Savoie s'en-tomer de barrières contre la France 1 Ah ! l'on en met entre soi et son ennemi, jamais entre soi et son libérateur.
J'ajouterai une considération qui ne sera peut-être pas la moins importante. 11 me semble que le sentiment le plus pressant, le plus intime d'un républicain, doit être l'amour de la République : j'aime tous les hommes; j'aime particulièrement les hommes libres; mais je ne puis me défendre d'un accent de préférence envers les hommes français. Cette préférence est comme identifiée avec moi ; le décret qui fonde la République l'a surtout rendu inséparable de mon cœur. Or, le peuple de Savoie, libre et souverain, nous fait aujourd'hui l'inappréciable honneur de nous offrir son intime alliance : c'est un peuple aimant qui demande à contracter un mariage indissoluble avec nous; ne lui faisons donc pas l'offense d'examiner la question de son intérêt pécuniaire : soyons francs; et, en vrais républicains, contentons-nous de Voir si cette union nous est avantageuse à nous-mêmes.
Or, l'union avec la Savoie est pour nous une mine inépuisable de richesse; la Savoie, dans nos mains, sera un trésor vivihant qui ranimera notre propre commerce et qui nous donnera des têtes industrieuses, des bras vigoureux et un rempart du roc, contre les attaques des tyrans étrangers. La dépense occasionnée par le Corps législatif et par le gouvernement sera la même ; la dépense de l'armée, tant qu'il y aura des rois, sera la même, la dépense de toutes les administrations sera aussi la même ; et puis les Savoisiens, qui n'ont pas de dettes nationales, ne nous apportent-ils cependant pas des biens nationaux? Victor-Amédée y possédait des domaines, le clergé y était riche propriétaire, les moines y étaient opulents comme partout ailleurs; et ces biens on nous les apporte : c'est comme la dot qui nous est offerte par la nation savoisienne. Augmenter ses richesses, faire valoir un-sol susceptible de fertilité, dégager le commerce national d'une entrave, s'accorder avec la nature sur les bornes de la République franèaise : voilà ce que c'est que l'acceptation de la réunion de la Savoie.
Mais non seulement la nation française trouve un avantage réel dans cette réunion; je vais prouver que refuser la réunion, ce serait porter un dommage également réel à la République. Qu'était la Savoie? Victor-Amédée l'appelait son dorffaine; et Victor-Amédée dit tout haut que les Français l'ont spolié de sa propriété. Il est dans l'intention du tyran des Sardes de rentrer, quand il le pourra, dans cette prétendue propriété. Or, je suppose que vous ne décrétiez pas ia réunion, et qu au printemps prochain Victor-Amédée tentât une invasion dans la République des Savoisiens, que feriez-vous alors ? Les aoandonneriez-vous à leur impuissance ? La Convention nationale imiterait cet infâme Jarry, qui ne se rendit maître de Courtrai que pour le livrer ensuite à la fureur des Autrichiens, 1 Non; la République
française protégerait ses amis, elle les protégerait de ses propres armes, elle les protégerait au dépens ae son Trésor, car je suppose bien qu'elle ne vendrait pas ses secours : ces sortes de marchés ne conviennent qu'à des princes de la Germanie, et les républiques n'imitent pas les princes. Mais cette protection, toute due qu'elle serait, n'en grèverait pas moins la caisse publique; et il vous est si facile de défendre la Savoie avec la Savoie elle-même, qu'en vérité, ceux qui s'opposent à la réunion me paraissent aussi mauvais Français que mauvais politiques et inhabiles dans l'art du gouvernement.
Dans l'hypothèse particulière, la Savoie ne peut jouir d'une grande somme de bonheur qu'autant qu'elle fera partie intégrante de la nation française; en opérant ce bonheur, la France ne fait qu'ajouter à la splendeur de son nom, et à l'immensité de ses ressources : il est donc absurde de s'opposer sérieusement à cette union.
Législateurs, décrétez-le, et vous aurez déplus en plus affermi la puissance du peuple et le règne des lois et de la paix, sous lequel il veut jouir des fruits de sa victoire. Des hommes pusillanimes craignent ou aûectent de craindre le fléau des dissensions et des guerres civiles. Ah! il n'y a de guerres civiles que là où il y a beaucoup de cités, que là où les membres de la cité ne sont pas assez nombreux pour étouffer les partis; mais dans un pays qui a sanctionné l'unité, dans un pays fort de son union, dans un pays qui se serre à tous les hommes qui ne sont pas séparés de lui par des barrières insurmontables, il n'y a pas, il n'y aura jamais de guerre civile; et quelques efforts qu'on fasse pour la susciter, quelle que soit l'activité que des hypocrites ambitieux donnent au poison de la calomnie, l'olivier croîtra dans tous les champs, malgré leurs efforts : Heureux Allobroges, venez à 1 ombre de cet arbre saint, venez cimenter avec nous les clauses d'un contrat durable. Si les traités des rois sont éphémères et futiles, les traités des peuples sont impérissables comme la souveraineté sur laquelle ils sont fondés. Je vote pour la réunion des Allobroges aux Français.
« Les députés de l'Assemblée nationale des Allobroges auprès de la Convention nationale de France, après avoir entendu la lecture de l'opinion du citoyen Robert, et y ayant reconnu l'expression énergique des sentiments de leurs commettants, ont jugé que la publication de cet écrit ne pouvait que remplir les vues des Allobroges; ils ont donc, avec l'agrément du citoyen Robert, arrêté l'impression et la distribution de cette opinion.
« Les députés Allobroges.
» Signé : Doppet, Villar, Favre,
Dessaix. »
A la séance de la convention nationale du
Articles décrétés (2) de la loi contre les émigrés, sur le rapport fait, au nom du comité de législation, par Osselin, député de Paris.
partie pénale.
La Convention nationale, considérant que les lois antérieures contre les émigrés sont insuffisantes, qu'elles n'ont point atteint leurs com- plices; voulant compléter les dispositions des ois précédentes contre ceux qui ont trahi ou abandonné leur patrie dans le moment du danger, décrète ce qui suit ;
« TITRE Ier. De ce qu'on entend par émigrés,
des peines de l'émigration et des exceptions.
« Art. 1er. Les émigrés sont bannis à
perpétuité du territoire français; ils sont morts civilement; leurs
biens sont acquis à la République.
« Art. 2. L'infraction du bannissement prononcé par l'article 1er, sera puni de mort.
« Art. 3. Sont réputés émigrés :
« 1° Tous Français absents du lieu de leur domicile, qui ne justifieront pas, dans la forme qui va être prescrite, d'une résidence sans interruption en France depuis le 19 mai 1792;
« 2° Tous Français qui, quoique actuellement présents se sont absentés de leur domicile, et ne justifieront pas d'une résidence sans interruption ën France depuis le 9 mai 1792;
« 3° Ceux qui sortiront du territoire de la République avant l'époque où la loi aura permis de sortir ;
« 4° Tous agents du gouvernement'qui ayant été chargés d'une mission auprès des puissances étrangères ne seraient pas rentrés en France dans trois mois du jour de leur rappel notifié;
« 5° Tous ceux qui, depuis la guerre, ont quitté,1e territoire non envahi, pour résider sur le territoire occupé par l'ennemi.
« Art. 4. Ne seront pas réputés émigrés :
« 1° Les enfants de l'un et l'autre sexe qui, au jour de la promulgation de la présente loi, ne seront pas âgés de quatorze ans, à la charge par eux de rentrer en France dans trois mois de la promulgation de ladite loi, et d'y résider. Ledit délai, ne courra pour chaque enfant de l'âge au-dessous de dix ans, qult compter du jour où il aura atteint dix ans accomplis; et pour ceux âgés de dix ans et au-dessus a compter du jour de la promulgation de la présente loi;
« Ceux desdits enfants qui seront convaincus d'avoir portés les armes contre la patrie, ne sont pas compris dans l'exception ci-dessus ;
« 2° Les bannis à temps;
« 3° Les déportés et ceux sortis du territoire
de la République en obéissance à la loi du 26 août dernier, ou en exécution des arrêtés des corps administratifs ;
« 4° Les Français établis par mariage, ou naturalisés en pays étranger avant le lw juillet 1789;
« 5° Ceux qui ont de la nation une mission vérifiée par le pouvoir exécutif national actuel, leurs épouses, pères, mères, enfants et domestiques demeurant avec eux;
« 6° Les négociants, leurs facteurs et les ouvriers notoirement connus pour être dans l'usage de faire, en raison de leur commerce ou de leur profession, des voyages chez l'étranger.
« Art. 5. Pour justifier de la résidence exigée par l'article 3, il sera nécessaire de représenter des certificats de huit citoyens domiciliés dans le canton de la résidence certifiée, lesquels ne seront ni parents, ni alliés, ni fermiers, ni domestiques, ni créanciers, ni débiteurs, ni agents des certifiés.
« Les certificats désigneront le temps, le lieu de la résidence et les maisons où les certifiés auront demeuré.
« Les certificats délivrés, ou dont on a justifié antérieurement, sont nuls et de nul effet.
« Les certificats seront délivrés par les conseils généraux des communes des chefs-lieux des cantons de la résidence certifiée. Ils seront soumis au droit d'enregistrement, qui sera fait dans huitaine de la délivrance. Ils seront inscrits dans les registres des communes de chefs-lieux, publiés et affichés, tant dans les chefs-lieux de cantons que dans ies communes de la résidence certifiée, et ne seront délivrés que quinzaine après l'affiche et la publication.
« Les maires, officiers municipaux et tous les membres des conseils généraux, seront garants de la vérité des faits énoncés aux certificats qu'ils auront délivrés.
« Les certificats seront visés par les directoires de district et de département, et vaudront pendant trois mois du jour de l'enregistrement.
« Les certificats contiendront les noms, prénoms ou surnoms, l'âge, la qualité et signalement des certifiés;ils seront signés des certifiés tant sur les registres des municipalités que sur les certificats qui leur seront délivrés.
« Dans le cas où les certifiants ne sauraient pas signer, il sera fait mention, tant dans les registres que dans les certificats, de l'interpellation qui leur aura été faite de signer, et de la déclaration qu'ils ne savent signer.
« Les certificats seront faits conformément au modèle qui sera joint à la présente loi.
« Art. 6. Dans les villes divisées en sections, les certifiants devront être domiciliés dans l'arrondissement de la section du certifié. S'il s'élève quelque doute ou quelque difficulté sur la forme des certificats leur validité sera jugée par les directoires de département, sur l'avis du directoire de district.
« Art. 7. Les personnes qui seront convaincues d'avoir attesté un faux parleur certificat, seront condamnées à quatre années de fers, et en outre, responsables solidairement, et sur tous leurs biens, des pertes que le faux aurait occasionnées à la République. Les procureurs syndics de district et les procureurs généraux syndics des départements seront tenus, sous les peines ci-après portées, de dénoncer les délits et contraventions aussitôt qu'ils seront venus à leur connaissance, au directeur du juré d'accusation près le tribunal criminel de l'arrondissement, qui, sans ins-
truction préalable devant le juge de ! paix, et sans avoir recours au tribunal, sera tenu de dresser l'acte d'accusation et de le présenter au juré d'accusation, pour être procédé de suite dans la forme prescrite par la loi du 29 septembre 1791.
« Art. 8. Tous ceux qui seront convaincus d'avoir, depuis le 9 mai 1792, aidé ou favorisé les projets hostileBdes émigrés, et, dans ce dessein, d'avoir envoyé leurs enfants, ou soudoyé des hommes sur terre étrangère, de leur avoir fourni des armes, ou des chevaux, ou deB munitions, ou toutes autres provisions de guerre ou des secours pécuniaires, seront réputés complices desdits émigrés et punis, comme tels, des peines portées contre eux par la présente loi.
« Art. 9. Les émigrés rentrés |en France sont tenus de sortir du territoire de la République ; savoir : de Paris et de toute autre ville dont la population est de 20,000 âmes et au-dessus, dans vingt-quatre heures du jour de la promulgation de la présente loi, et dans quinzaine du même jour, de toutes les autres parties de la République. Après ces délais, ils seront censés avoir enfreint la loi du bannissement, ket 'punis de mort.
« Art. 10. — Les émigrés qui, au jour de la promulgation de la présente loi, seront détenus dans les villes frontières ou dans l'intérieur de la France, seront conduits, sans délai, sous bonne et sûre garde, hors des frontières, à la diligence des corps administratifs. Les frais de détention et ceux de transport seront payés .sur les deniers des ventes des meubles des émigrés ; sans néanmoins déroger aux dispositions de la loi relative à ceux qui ont été pris les armes à la main, ou qui ont servi contre la France.
« Art. 11. Avant l'élargissement et le renvoi desdits émigrés détenus, il sera dressé un procès-verbal desdits élargissements et renvois, lequel contiendra les nom, prénoms ou surnoms des élargis et renvoyés, ainsi que leur âge profession et signalement.
« Art. 12. Les concierges des prisons seront tenus de remettre aux officiers municipaux des lieux de leur domicile, les procès-verbaux ci-dessus prescrits. Les officiers municipaux enverront, sans délai, ces procès-verbaux âu ministre de l'intérieur, qui adressera des expéditions au département respectif du domicile ou de l'assise des biens des émigrés, pour que ceux qui y seront dénommés soient compris, si fait n'a été, dans les listes des émigrés.
« Art. 13. Les voies de fait contre les émigrés sont défendues, sous les peines portées parle Gode pénal, mais sur la dénonciation qui sera faite de tout émigré qui, en contravention à la loi du bannissement, sera trouvé sur le territoire français, le dénoncé sera poursuivi dans les formes prescrites par la loi du 29 septembre 1791, concernant le juré.
« Art. 14. Les pères et mères qui, aux termes de la loi du 12 septembre dernier, sont tenus de fournir l'habillement et la solde de deux hommes pour chaque enfant émigré, ne pourront fournir le remplacement d'hommes ni le fournissement en nature, mais ils seront tenus de verser à la caisse au receveur de district de l'arrondissement de leur domicile, et ce dans quinzaine de la sommation qui leur en sera faite à la requête du procureur général syndic du département, poursuite et diligence dudit receveur, la somme à laquelle sera arbitrée, par le directoire de département de l'arrondissement,
la valeur desdits remplacements. Le montant de la solde, à raison de 15 sous par jour, par chaque homme, sera également versé à la caisse du receveur de district de l'arrondissement, par chaque année, et d'avance, tant que durera la guerre, à compter du premier janvier 1792.
« Sont exceptés des dispositions de l'article ci-dessus : 1° ceux des pères et mères dont les enfants seraient absents de chez lesdits pèrès et mères avant le 1er juillet 1789 ; 2° ceux qui justifieront n'avoir pas plus de 1,000 livres de revenu par ménage, et non par tête, et qui justifieront» en outre, un certificat de civisme, délivré par le conseil général de la commune de leur résidence.
« Art. 15. Toutes donations entre vifs ou à cause de mort, même celles faites par testaments et codiciles,- et tous autres actes de libéralité faits par des émigrés, ou leurs fondés de pouvoirs, depuis le |ler juillet (1789, sont nuls et de nul effet.
Art. 16. — Toutes ventes, cessions, obligations et transports, tous partages ou licitàtions, tous beaux à ferme ou à lover, et généralement tous actès de disposition aè propriété ou d'usufruit mobilier ou immobilier faits et passés par des émigrés depuis lé 9 février 1792, sofit nuls ët de nul effet..
Art. 17. — Toutes quittances et tous actes de remise de sommes ou effets dus ou déposés appartenant à des émigrés, faits et passes depuis le 9 février 1792, sont nuls et de nul effet, sauf le recours des débiteurs ou dépositaires qui auront payé à des agents, Contre lesdits agents.
Art, 18. — Tous écrits, billets, effets de commerce négociables ou non, et généralement tous les actes énoncés aux deux articles précédents, antérieurs au 9 février 1792 èt qui sont sous signature privée, sont nuls et de nul effet, si leur date n'a pas été arrêtée par l'enregistrement, ou s'ils ne sont pas devenus authentiques par des actes de dépôt public, ou par des Jugements; le tout avant le 9 février 1792.
Art. 19. — Seront néanmoins exécutés, par exception, tous les actes authentiques du devenus authentiques, foits, signés et passés en présence des parties contractantes, depuis le 9 février 1792, lorsqu'il sera constaté que les signataires desdits actes n'ont émigré que depuis la date authentique ou devenue authentique des dits actes.
Art. 20. — Les mêmes actes que ceux énoncés aux précédents articles, qui seraient dénoncés comme frauduleux, Soit qu'ils soient antérieurs ou postérieurs au 9 février 1792, seront nuls et nui effet, s'ils sont jugés faits en fraude et en contravention à la saisine nationale prononcée par la loi du 9 février 1792.
Art. 21. — Les saisies réelles, les baux judiciaires, les saisies mobilières, ces dernières, non suivies de vente et de tradition d'èspèces, faites sur les émigrés dèpuis lè 9 février dernier, sont annulées, sauf le droit de saisissants et le paiement des frais légitimement faits sur le prix des objets saisis.
Art. 22. -— Les liquidations de droits, les collo-cations et actes d'exécution des séparations et des divorces prononcés depuis le Ier juillet 1789 entre maris et femmes émigrés, ou dont l'un d'eux serait émigré, sont nuls et ae nul effet, sauf les droits des femmes séparées ou divorcées, qu'elles exerceront, comme les autres Créanciers, sur les biens de leurs débiteurs émigrés.
Art. 23. — Tous les effets de la puissance paternelle et tous les autres droits attributifs de jouissance ou d'usufruit sur les biens des enfants émigrés, sont abolis, à compter du jour de la promulgation de la présente loi.
Art. 24, — Ceux qui auront enlevé, diverti ou recelé des titres, de l'argent, des assignats ou des effets appartenant aux émigrés, seront poursuivis et punis comme voleurs d'effets publics.
Art. 25. Ceux qui, pour troubler les acquéreurs des biens des émigrés dans leurs acquisitions, auront enlevé ou fait enlever les fruits ; ceux qui, dans le même dessein, auront commis ou commettront des dégradations dans les biens des émigrés vendus ou à vendre, seront punis de 6 années de fer, et en outre, responsables, sur tous leurs biens, des pertes et dommages que leur délit aura occasionnés, soit à la République, soit aux particuliers.
Art. 26. — Ceux qui, pour nuire à la venté des biens des émigrés, auront employé des voies de fait ou menaces, seront punis de 4 années de fers; et en outre, responsables, sur tous leurs biens, dès torts que leur délit aura occasionnés à la République ou aux particuliers.
Art, 27. — Les administrateurs, les officiers municipaux et tous les autres fonctionnaires publics qui seront convaincus de négligence dans l'exçcutipn de la présente loi, seront destitués de leurs places.
Art. 28. — Ceux qui seront convaincus d'infidélité dans l'exercice des fonctions relatives aux dispositions dç la présente loi, seront punis de la dégradation fiiyique, et, dans tous les cas, les uns et les autres seront responsables, sur tous leurs biens, des pertes occasionnées à la République ou aux particuliers. - Art. 29. -r Toutes les lois antérieures relatives aux émigrés sont abrogées en ce qu'elles pourraient avoir de Contraire aux dispositions de la présente loi.
Ârtiçle$ renvoyés à la rédaction du comité de législation et proposés à la Convention nationale.
Art. 1. Sont exceptés ceux qui justifieront qu'ils sont livrés à 1 étude des sciences, arts et métiers, et çeux qiii ont été notoirement connus, avant leur départ, pour s'être consacrés à ces études, et ne s'être absentés que pour acquérir de nouvelles connaissances dans leur état.
Né sont pas compris dans l'exception ci-dessus les personnes qui n'ont cultivé les sciences et lès arts que comme amateurs, ni ceux qui. ayant quelque autre état, n'ont pas fait et ne font pas leur profession unique de l'étude des sciences èt des arts.
Art. 2. Les enfants que leurs parents, leur tuteur ou ceux qui en sont chargçs ont envoyés en pays étrangers pour apprendre le commerce ou pour leur éducation, à la charge de fournir des certificats délivrés dans les assemblées générales des communes» lesquels constateront qu'il est notoirement connu que les dits enfants ont été envoyés pour le commerce du leur éducation. _
Art 3. Les femmes et les enfants des nego ciants, et leurs domestiques, dénommés et signalés dans les passeports desdits négociants. Ceux qui seront convaincus d'avoir favorisé la rentrée d'un ou, plusieurs émigrés, en lés substituant frauduleusement aux personnes dè leur
famillèou domestiques, seront ptulis de 4 années de fers.
Art. 4. Seront exceptés des dispositions de l'article relatif à la nullité des actes de libéralités, les legs et pensions faits aux domestiques, aux nourrices et instituteurs, ainsi que les rémunérations pour longs services et soins domestiques.
Art. 5. Seront exceptés de la disposition de l'article relatif à l'infraction du bannissement, les prévenus d'émigration qui seraient rentrés en France ou qui n'en seraient pas sortis aux termes de l'article ci-dessus, s'ils sont attaqués d'une maladie justifiée par des certificats des municipalités du domicile, visés par les directoires de district et de département de l'arrondissement, lesquels certificats constateront que le malade ne pourrait être transporté, sans danger, hors des frontières, et ceux qui auraient, atteint l'âge de 70 ans, à la charge : 1° de justifier de la demande en exception à la loi générale qu'ils auront formée dans la forme prescrite par la loi ; 2° de donner caution de se représenter, laquelle caution sera un citoyen domicilié, si mieux n'aiment garder prison.
Questions et articles renvoyés aux différents comités sur lesquels ils n'ont point encore pu présenter leur rapport.
Savoir : aux comités diplomatique et législation réunis:
Les prinèes et Seigneurs étrangers qui ont des possessions en Francè pourrodt-ils faire valoir leur qualité d'étranger, pour se soustraire à la loi contre l'émigration? Aux comités ae législation èt de finances : Quel sera le nombre d'années, ou la somme, que la nation recevra en paiement des débiteurs des rentes viagères ou d'usufruit et droits à vie, appartenant aux émigrés?
Nota. Le comité de législation avait proposé cinq années. Au comité de législation: Les prêtres déportés en vertu de la loi ou des arrêtés des corps administratifs supporteront-ils la confiscation de tout ou partie de leurs biens ?
Nota. Le comité propose l'ajournement. Àii comité d'aliénation pour, la rédaction: L'article relatif aux nouvelles listes des émigrés et aux précautions â prendre pour leur formation, affiche et publication. Au comité de législation ; Lé mode de juger tes exceptions particulières, non prévues par la loi.
Modèle du certificat de résidence.
Commune de District de Département de Certificat de résidence délivré gratis.
Nous, soussignés, président, secrétaire, membres du conseil général de la commune de , sur la demande qui en a été faite, en exécution de la loi du
Certifions, sur l'attestation des citoyens domiciliés dans le canton de , qui est
celui de la résidence du certifié (1)* que demeure actuellement à et qui y
réside, ou y a résidé sans interruption depuis jusqu'à
En foi de quoi nous avons délivré le présent certificat, qui a été donné en présence du certifié, etdes huit citoyens certifiants,lesquels ont justifié, ainsi que nous l'attestons, qu'ils ne sont parents, alliés, fermiers, domestiques, créanciers, débiteurs, ni agents dudit certifié, et ont lesdits cer-fiées et certifiants, signé tant sur le registre des délibérations et actes de la commune, que sur le présent extrait, à l'exception de qui déclaré ne savoir écrire ni signer, de ce interpellé aux termes de la loi.
Fait en la maison commune, ce 1792,
l'an Ier de la République française.
Séance du
présidence de grégoire, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 26 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du citoyen David Leroi, qui adresse à la Convention quelques exemplaires de deux écrits relatifs à des objets d'administration.
(La Convention nationale décrète qu'il sera fait mention honorable de ce citoyen dans son procès-verbal, et renvoie ces exemplaires à ses comités d'instruction publique, de marine et de commerce.)
2° Lettre d'une députation du onzième bataillon du département de Paris, qui demande d'être entendue à la barre.
(La Convention décrète que cette députation sera admise demain à la séance du soir.)
3° Adresse de la société populaire de la ville de Mme*, relative à la suppression de la royauté et à l'établissement de la République.
(La Convention décrète qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal.)
4° Pétition de la société populaire de Nîmes, qui exprime la crainte de voir les départements méridionaux manquer de grains ; son vœu pour la suppression de l'ordre judiciaire, relativement aux matières civiles, et celui de voir remplacer les tribunaux civils par des tribunaux de conciliation et de famille.
(La Convention nationale renvoie cette pétition à ses comités de division et de législation.)
5° Lettre et mémoire de Ctavière, ministre des contributions publiques, sur les avantages qui résulteraient pour la République de mettre en régie les messageries nationales ; cette lettre est ainsi conçue :
Le ministre des contributions publiques au Président de la Convention nationale (1).
« Président, « Lorsque j'ai rendu compte à la Convention
« Si j'avais eu besoin d'être confirmé dans cette iopinion, je le. serais aujourd'hui par les diverses informations que j'ai prises : elles m'ont appris ; qu'on devait proposer à la Convention divers projets. Je crois qu'il n'en est qu'un d'admissible, celui de mettre cet établissement en régie pour le compte de la nation, d'en écarter toute espèce de privilège et d'intéresser les régisseurs à sa perfection, sous tous les rapports qui peuvent le rendre utile et agréable au public ; car* d'ailleurs, au degré de consistance où il est parvenu, sa consacration est importante.
« J'ai cherché à prouver la vérité de ces propositions dans le mémoire que je vous envoie (1). Je vous prie de mettre mon travail sous les yeux de la Convention et je souhaite qu'il lui soit agréable.
« Le ministre des contributions publiques, « Signé : Clavière. >>
(La Convention ordonne l'impression de ce mémoire et son renvoi au comité des finances.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre des citoyens Vitet, Boissy d'Anglas et Alquier, commissaires de la Convention nationale à Lyon, qui donnent des détails sur les fournitures faites à l'armée et envoient à l'Assemblée un arrêté du conseil général de cette ville, relatif aux secours qu'il croit nécessaires pour donner de l'occupation aux ouvriers et assurer la tranquilité ; cette lettre est ainsi conçue :
Lyon, le er de la République française,
« Citoyens nos collègues (2),
« La municipalité de Lyon vient de nous adresser à l'instant un arrêté
pris en conseil général qui a pour objet de demander à la Convention
nationale une somme déstinée à donner des encouragements aux fabriques ;
cet arrêté nous paraît au fond de la plus grande sagesse. 11 est
indispensable et pressant, en effet, de venir promptement au secours
d'une population immense qui a doublement à souffrir et'de la disette
des grains et du défaut absolu de travail. Nous ne vous répéterons pas
ce que nous vous avons dit précédemment sur l'état actuel de la ville de
Lyon; .nous vous rappelons seulement qu'on ne peut prendre des mesures
trop sages pour y maintenir la tranquillité te que les troubles, qui
s'élèveraient dans cette grande cité, réagiraient nécessairement avec
force sur la partie méridionale de la République. Lé conseil général de
la commune demande 3 millions pour être employés en encouragements
répartis par un mode de distribution qui assurerait à l'Etat la rentréé
d'une partie des fonds. Ce mode nous a paru bon, mais nous ne regardons
pas moins la demande de 3 millions comme excessive dans les
circonstances actuelles, et nous avons lieu de penser que 1,500,000
livres pourront suffire pour les besoins du moment; nous vous demandons
instamment de prendre dans la plus
« Nous avons reçu hier, citoyens, par le retour de notre courrier, le décret qui nous charge de visiter les magasins militaires de l'armée des Alpes et nous partons ce matin pour nous rendre à Montpellier. Nous espérons suivre avec succès le fil de tous les brigandages que nous avons découverts ici. La visite du magasin militaire de Lyon se continue, et les preuves de la mauvaise foi des fournisseurs et ae la prévarication des guerres s'accumulent chaque jour dans nos mains. La très grande partie des effets acceptés est reconnue de la plus mauvaise qualité; c'est ainsi que sur une fourniture de 2,150 paires de souliers déjà acceptés par des commissaires des guerres et des vérificateurs coupables, près de 1,900 ont été réjetées et que sur 5,000 et quelques cent, chemises, 3,000 ont été mises au rebut. Des fournitures entières ont été rebutées sans qu'on ait pu en conserver une seule pièce, celle es guêtres est de ce nombre. Il y aura aussi une très grande réforme dans la partie des draps et il est difficile de concevoir comment Vincent et Montesquiou ont pu consommer un marché aussi considérable, sans spécifier la longueur des draps, de sorte que le juif Bènjamin en a fourni une grande quantité, de la plus petite largeur; sans qu'on puisse le lui reprocher raisonnablement, puisque le marché ne lui impose-aucune condition a cet égard et qu'il ne fait mention que du prix; Nous avons entre les mains une pièce importante, c'est le marché passé entre Benjamin et les deux citoyens d'Avallon, pour la fourniture du lard sale. Vous avez été étonné que la République payât cet approvisionnement 34 sols la livre, vous le serez peut être davantage en apprenant que Benjamin ne paye le lard salé, rendu à Lyon aux frais des fournisseurs, que 63 livres le quintal, c'est-à-dire 12 s. 7 d. la livre.
« Nous vous avons dit précédemment qu'il existait dans l'hôpital militaire les abus les plus répréhensibles. L'examen que nous faisons chaque jour de cet établissement nous fait connaître des détails de friponnerie que nous dénoncerons à la commission que vous venez de nommer, aussitôt que nous les aurons rassemblés. Nous aurons aussi à vous parler des déprédations effrayantes qui se commettent dans la partie des convois militaires, mais il est nécessaire qu'avànt d'éclairer votre commission sur cet important objet, nous conférions avec le général de l'armée des Alpes pour déterminer le nombre de voitures indispensables pour les transports, afin que nous puissions ensuite faire réformer une foule de chevaux et de voitures payés chaque iour très chèrement par la République et que les entrepreneurs ont l'audace d employer à leur profit. Enfin nous ne négligerons aucun moyen de découvrir les dilapidations dont nous sommes environnés, et nous serons inflexibles pour les prévaricateurs.
« S'il est de l'intérêt de l'Etat qu'on rejette des magasins militaires les fournitures de mauvaise qualité, il ne l'est pas moins que les objets d'approvisionnement soient promptement remplacés. La Convention nationale donnera sans doute
les ordres les plus prompts pour que cette indispensable précaution soit prise le plus tôt possible. S'il est inconcevable qu'on ait recours à des hommes de l'espèce de Benjamin, de Brun," Lajard et autres, pour approvisionner nos ar-mees, lorsqu'il serait si facile de traiter directement et sans intermédiaire avec les ouvriers ou marchands fournisseurs, vous concevrez que, sans une réforme totale dans cetté partie de l'administration, vous n'obtiendrez pas des côm-mis, des commissaires des guerres et de quelques généraux qu'ils renoncent à ces marchés obscurs si lucratifs pour les hommes avides et si favorables aux fripons. L'Etat sera toujours volé tant qu'on ne fera pas les affaires de la République comme lin particulier fait les siennes.
« Les députés commissaires de la Convention nationale à Lyon.
« Signé : Vitet, Boissy d'Anglas, Alquier. »
Arrêté du conseil général de Lyon (1).
Dans la séance du conseil général de la commune, tenue en l'hôtel commun de la ville de Lyon ce jourd'huy mercredi 21 novembre 1792, l'an premier de la République.
Le citoyen Nivière-Ghol, officier municipal, chargé des fonctions de procureur de la commune, dit :
Citoyens :
Au milieu des pénibles travaux d'une administration orageuse votre sollicitude n'a point cessé de se porter sur les malheureux ouvriers en soie de la ville de Lyon.
Vous avez appelé des conseils avec lesquels vous avez recherché les moyens de secourir cette nombreuse partie de citoyens que la cessation de leurs travaux a réduit à l'indigence.
Les conférences que vous avez eues avec les principaux chefs de fabriques d'étoffes de soie, bien loin de vous amener à des vues grandes, à des résultats d'une exécution facile et prompte, ne vous ont offert que des calculs et des combinaisons dictés par un intérêt particulier.
Vous avez communiqué aux citoyens commissaires de la Convention nationale vos inquiétudes sur cet objet d'un intérêt vraiment général et pressant, mais la multiplicité d'affaires qui s'accumulent chaque jour n'a pas permis de donner à cette discussion toute la maturité nécessaire pour fixer le parti qu'il y aurait à prendre.
Cependant le temps passe, le mal augmente et 24,000 individus attendent que vous leur procuriez du travail et du pain.
Pour des besoins si grands, il faut des grandes ressources, la nation seule peut le$ offrir parce que dans l'intérêt des choses et sans un secours prompt et extraordinaire par lequel on puisse redonner de l'activité aux manufactures de Lyon, les maux qui résulteraient de ce défaut d'inaction prolongé sont incalculables; ils troubleraient non seulement la tranquillité de la ville dé Lyon, mais ils porteraient encore lè désordre dans les départements qui avoisinent cette grande cité.
D'après ces considérations, je propose de demander à la Convention
nationale par l'entremise de ses commissaires les citoyens Vitet, Boissy
et Alquier :
2° Que cette somme, destinée à remettre en activité les fabriques de la ville de Lyon, soit successivement adressée par le ministre de l'intérieur au directoire du département pour être versée dans la caisse du tresorier du district;
3° Que l'emploi en sera fait par un comité choisi par le conseil général de la commune pris parmi les officiers municipaux et notables au nombre de cinq, présidé par le maire et en présence du procureur de la coi.pnune;
4° Ce comité sera tenu de se conformer aux instructions du ministre et de lui justifier tous les huit jours de l'emploi ;
5° Lès mandats fournis par le comité de la municipalité serviront de décharge au receveur du district;
6° Si, pour donner de l'activité aux fabriques de soie, le Gomité jugé convenable de faire fabriquer des étoffes pour le compte de la nation, il y sera autorisé, sous la réserve de donner la connaissance et le détail de ses opérations au ministre de l'intérieur;
7° Le tiers de la somme sera payée en assignats depuis 10 sols jusqu'à 3 livres.
Sur quoi, le conseil général, adoptant toutes les propositions du citoyen procureur de la commune, a arrêté qu'extrait d'icelles seraient remises incessamment aux citoyens Yitet, Boissy d'Anglas, Alquier, commissaires de la Conven-tion nationalç, qui seront priés de les prendre en grande considération en les appuyant d'un avis favorable près de la Convention; le conseil général de la commune est d'autant plus fondé à espérer le succès de ses demandes que les commissaires de la Convention nationale reconnaissent journellement par eux-mêmes combien il est instant que la nation vienne au secours des manufactures de la ville de Lyon.
Fait à Lyon, les jour et an susdits.
Extrait collationné,
Signé: Sobry, secrétaire greffier.
(La Convention renvoie ces pièces à la commission de l'examen des marchés.)
, secrétaire, donne lecture d'une autre lettre des mêmes commissaires de la Convention nationale à Lyon, contenant le récit de certains excès auxquels se sont portés, dans cette ville, auelques volontaires du quatrième bataillon du Var et des mesures qu'ils ont prises pour les réprimer ; cette lettre est ainsi conçue :
Lyon, le er de la République française.
« Citoyens nos collègues (1),
« Nous n'avons pu partir aujourd'hui pour Montpellier, comme nous vous
l'avions annoncé ce matin. Un mouvement assez vif qui s'est manifesté
après une querelle survenue entre quel- ques soldats du 4e bataillon des
volontaires du Var et quelques autres d'une compagnie franche, nous a
fait juger que notre présence était nécessaire. La nuit dernière, un
soldat des compagnies franches a été, dit-on, assassiné par des
volontaires du Var;ce matin trois hommes désignés comme auteurs de cet
assassinat ont été arrêtés èt conduits provisoirement dans une chambre
« Les députés commissaires de la Convention nationale à Lyon.
« Signé : BoïSSY D'ANGLAS, YlTET et
Alquier.
« P. S. Nous partons demain pour Montpellier. »
, au nom du comité de la guerre, présente un projet de décret pour ordonner que les emblèmes de la royauté seront effacés des drapeaux de l'armée ; lé projet dé décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, sur le rapport fait au nom du comité de là guerre, décrète que chaque régiment de ligne de toute arme Où bataillon de volontaires nationaux sera chargé, sous la responsabilité dé son état-major, de faire effacer ou couvrir, avant le 15 janvier prochain, par des étoffes aux trois couleurs, tous les emblèmes de la ci-devant royauté qui pourraient encore se trouver sur les drapeaux, étendards, Voitures et fourgons des armées de ja République dans toute l'étendue de l'Empire èt dans toutes les garnisons.
« Les frais relatifs à ces changements seront payés sur le trésor de l'armée. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret tendant à annuler la remise d'une somme de 10,000 livres faite par le chapitre de Troyes à la veuve de son receveur des décimes; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances sur la remise d'une somme de 10,000 livres, faite, le 12 octobre 1790, par le chapitre de Troyes, à la veuve
de son receveur des décimes, décrète que ladite remisé est nulle, comme contraire aux dispositions de la loi du 18 juillet 1790; en conséquence, l'agent du Trésor public est chargé de faire réintégrer cette somme dans le Trésor public. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, au nom du eomitè des finances, présenté un projet de décret relatif à la reconstruction du clocher de Villecey-sur-Trey ; ce projet de décret est ainsi Conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité des finances autorise la commune de Villecey-sur-Trey à emprunter une somme de 5,500 livres pour la reconstruction de son clocher, à charge de pourvoir au remboursement en la forme prescrite par les lois. »
(La Convention adopte ce projet de déoret.)
, secrétaire, dpniie lecture d'une lettre de la commune de Toul, qwi sollicite d'être autorisée à emprunter une somme de 12.000 livres dont le remboursement sera hypothéqué sur son seizième des biens nationaux.
convertit en motion cette demande.
(La Convention ajourne l'autorisation jusqu'à ce que ladite commune se soit conformée aux derniers décrets concernant les seizièmes dus aux municipalités.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de Paris, relative au décret qui suspend la vente des papiers et parchemins qui se trouvent dans l'église des ci-aevant Cordeliers..
Je propose, pour ne pas retarder la vente des papiers et parchemins gui a été ordonnée hier par la commune de Paris, de décréter que la commission des monuments examinera chaque jour la partie des papiers qui devra être exposée en vente, soit le jour même, soit les jours suivants. On fournira à la commission le nombre d'hommes de peine nécessaires pour le mouvement desdits papiers; leurs salaires seront prélevés sur le prix de la vente.
(La Convention adopte la proposition d'Ar-bogast.)
Suit le texte définitif du décret rendu : t La Convention nationale, interprétant le décret réndu le jour d'hier, relativement à la vente des papiers dé la ci-devant Chambre des comptes, décrète que la commission des monuments examinera chaque jour la partie dès papiers qui devra être exposée en Vente, soit le jour même, soit les jours suivants, de manière que l'examen et la venté des ' pàpiérs se fessent successivement sans retardement ni interruption. Il sera au surplus fourni à la commission, le nombré d'hommes de peine nécessaires pour le mouvement desdits papiers. Leurs salaires seront prélevés sur le prix de la vente. »
, au nom de la commission des armes, fait un rapport et présente un projet de décret sur un marché de 60,000 fusils passé entre Caron-Beaumarchais et les ministres Lajard et Chambonas ; il s'expriiqe ainsi :
Citoyens, je dénonce un marché de 60,000 fusils, passé entré lés ministres Lajard et Chambonas, et Caron-Beaumarchais. Ose, banquier à Rotterdam, avait vendu 60,000 fusils, à raison de 6 livjres, à Delahaye, négociant hollandais, qui les revenait à son tour à Provins èj cpmpagnlé, à raison dp 8 livres et 7 livres. Celui-ci avait pour bailleur de fonds Guillaume et Vauchér,
directeurs de la Maison de secours de Paris. A Tépoque de la banqueroute de cette maison de secours, Beaumarchais s'empara de ce marché et acheta les fusils à raison de 6 livres le fusil; il fit partir 2 vaisseaux du port de la Haye, chargés de ces fusils ; mais ils furent arrêtés dans le port de Tevers, par ordre de Provins et compagnie, premier acheteur, et qui n'a pas voulu céder son marché à Beaumarchais; celui-ci a reconnu son droit, et cependant il a feint que ses deux vaisseaux avaient été arrêtés par ordre du gouvernement hollandais, et en conséquence a réclamé une indemnité de 500,000 livres qu'il a obtenue.
Je conclus qu'il y a eu fraude et collusion entre Beaumarchais et les ministres. En conséquence, je propose la résiliation des marchés et le décret d'accusation contre Caron-Beaumarchais. Je demande enfin que les deux ministres prévaricateurs soient déclarés solidairement responsables de ces dilapidations nouvelles.
Voici le projet de décret :
« La Convention nationale, après avoir entendu son comité de la guerre, considérant que le traité du i0 juillet dernier est le fruit de la collusion et ae la fraude; que ce traité, en anéantissant celui du 3 avril précédent, a enlevé au gouvernement français toutes les sûretés qui pouvaient répondre de l'achat et de l'arrivée ae ces armes; qu'il se manifeste bien clairement par ce traité l'intention de ne point procurer d'armes, mais seulement de se servir de ce prétexte pour faire des bénéfices illicites et considérables, avec la certitude que ces armes ne parviendraient pas ; que les stipulations ruineuses qui constituent la totalité de l'acte du 18 juillet doivent être réprimées avec sévérité, décrète :
Art. 1er.
« Le marché passé, le 3 avril dernier, à Beaumarchais par Pierre Grave, ex-ministre de la guerre, et là transaction faite le 18 juillet suivant, entre Beaurparchais, Lajard et Chambo-? nas, sont annulés ; en conséquence, les sommes avancées par le gouvernement à Beaumarchais, en exécution desdits traités, seront par lui restituées.
Art.2
« Attendu la fraude et la connivence criminelle qui régnent tant dans le marché du 3 avril que dans la transaction du 18 juillet dernier, entre Beaumarchais, Lajard et Chabonas, Pierre-Augustin Caron, dit Beaumarchais, sera mis en état d'accusation.
Art. 3.
« Pierre-Auguste Lajard, ex-ministre de la guerre, et Scipion Chambonas, ex- ministre dès affaires étrangères, sont et demeurent, avec Beaumarchais, solidairement responsables et par corps des dilapidations résultant desdits traités, et ils seront tenus de répondre sur ces articles, ainsi que sur ceux pour lesquels ils ont été décrétés d'accusation ; en conséquence, le pouvoir exécutif est et demeure chargé d'en faire le renvoi devant les tribunaux. »
Sans m'opposer au principe du projet de décret, j'estime que cette affaire doit être renvoyée devant les tribunaux et que c'est aux commissaires de la trésorerie nationale à poursuivre les coupables.
et plusieurs autres membres : Appuyé! appuyé!
Et moi je suis d'une opinion contraire. Il n'y a pas de doute que les marchés sont frauduleux ; Cela ressort clairement du rapport de Lecointre ; vous avez vu que la friponnerie et la trahison étaient manifestes et vous hésiteriez à prononcer le décret d'accusation contre Beaumarchais, l'homme le plus vil et le plus corrompu de son siècle; l'homme qui a trompé tous les peuples qui ont voulu conquérir la liberté; l'homme dont la vie entière est souillée de Crimes et d'attentats, le digne agent d'une cour corruptrice. Vous avez prononcé des décrets d'accusation, oui, j'ose le dire, contre des citoyens qui le méritaient moins ; je citerai le citoyen Gerdret, patriote, et beaucoup d'autres. Je demande qu'a l'instant Beaumarchais soit décrété d'accusation. (Applaudissements.)
(La Convention adopte le projet de décret présenté par Lecointre.) >
, au nom du comité des finances, fait un rapportai) et présente un projet de décret (t) sur l'enregistrement et visa des effets au porteur ; il s'exprime ainsi :
Citoyens, vous avez renvoyé à votre comité des finances l'examen ^e diverses pétitions relatives à l'enregistrement et visa des eflets au porteur.
Votre comité, après avoir reconnu qu'il était résulté de la forme vicieuse de promulgation des lois, que celles des 27 août et 17 septembre derniers n'ont été publiées dans plusieurs districts qu'après l'échéance du terme fixé pour l'enregistrement, a pensé qu'il était indispensable d'accorder une prorogation ; mais il a cru devoir adopter telles dispositions qui ôteraient tout espoir de nouveaux délais.
Votre comité a aussi pensé que les lois des 27 août et 17 septembre avaient été insuffisantes à quelques égards; en conséquence,il me charge de vous présenter le projet de décret suivant :
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :
Art. ler.
« Les effets publics au porteur, soit ceux sur l'Etat, soit ceux des compagnies et Sociétés d'actionnaires, soit les actions d'associations de rentes viagères sur plusieurs tètes réunies, qui n'ont pas été visés en exécution des articles 2 de la loi du 27 août dernier, et 10 de celle du 17 septembre suivant, pourront être présentés à cette formalité pendant les trois mois delà publication du présent décret, en acquittant les droits fixés par les articles suivants ; sans que lesdits effets puissent néanmoins être négociés ou cédés, à quelque titre que ce soit, avant d'avoir été enregistrés et visés, sous les peines portées par l'article 4 de ladite loi du 27 août.
Art. 2.
« Ceux de ces effets qui seront présentés au visa pendant le premier
mois, acquitteront le droit d'enregistrement sur le pied de 15 sous par
100 livres, tel qu'il est fixé par l'article 1er de ladite loi du 27
août. La perception sera du
Art. 3.
« La perception aura lieu sur le montant du capital originaire de l'action ou bordereau, enjoignant les coupons d'intérêts ou dividendes échus, et à défaut de capital, déterminée sur le pied du cours du 31 octobre dernier, régulièrement constaté.
Art. 4.
« Le montant du droit payé sera énoncé sur l'effet, indépendamment des autres mentions prescrites par l'article 2 de la loi du 27 août dernier.
Art. 5.
« Sont exceptées les reconnaissances d'actions de l'ancienne Compagnie des Indes, qui sont en dépôt dans les bureaux de cette compagnie, appelés le dépôt d'hypothèque, et les billets d'annuités au porteur, donnés en remboursement de l'emprunt de 70 millions restés en dépôt à l'administration de la caisse d'escompte, tous lesquels effets seront enregistrés, sans aéplacer, par les préposés de la régie, et visés avec énonciation des noms, profession et domicile des propriétaires, dans les trois mois de la publication du présent décret, sans acquitter aucun droit.
Art. 6.
« Tous les effets sujets au visa et à l'enregistrement qui se seront trouvés sous le scellé pendant les délais accordés pour la formalité, seront enregistrés et visés sans droit dans le mois qui suivra la levée du scellé; le certificat en forme de l'apposition de la levée des scellés et de l'inventaire, sera rapporté et mentionné à l'enregistrement.
Art. 7.
« Tous les effets qui n'auront pas été enregistrés et visés dans les délais fixés par les articles précédents, seront de nulle valeur pour ceux dont le montant est dû par le Trésor national. Quant à ceux sur des sociétés et compagnies d'actionnaires, la confiscation en sera acquise de plein droit à la République, d'après les états qui ont dû être remis par les directeurs de ces sociétés, en exécution de l'article 19 de la loi du 27 août dernier, et la comparaison qui en sera faite au registre du visa.
Art. 8.
« Les administrateurs des compagnies d'actionnaires, et leurs receveurs et caissiers, ne pourront acquitter les susdits effets non visés, dus par ces compagnies, et les intérêts et dividendes qui en résulteront, à d'autres qu'aux receveurs es confiscations nationales, à peine de payer deux fois.
Art. 9.
« L'exception faite par l'article 7 de ladite loi du 27 août, pour les porteurs de ces effets qui se trouvent hors l'étendue du territoire français, subsistera pour ceux qui sont en Europe seulement; l'exception portée audit article pour les porteurs d'effets qui se trouveraient en Amérique et sur les c^tes d Afrique, et pour ceux qui sont
au delà du Gap de Bonne-Espérance, demeurant supprimée.
Art. 10.
« Les récépissés de liquidation qui seront délivrés nominativement au propriétaire du contrat, par les liquidateurs ae la trésorerie nationale pour reconstitution de contrats dus par la République, seront visés dans le mois de la publication du présent décret, sans payer aucun droit, sous la peine de nullité prononcée par l'article 7. Les transports desdits récépissés, par endossement, seront sujets à l'enregistrement sur le même pied que ceux des autres effets au porteur, et ne pourront avoir lieu que sur l'effet revêtu de la formalité du timbre, conformément à l'article 5 de la loi du 27 août.
Art. 11.
« Les coupures d'effets qui Ont été délivrés au porteur, soit par la trésorerie nationale, soit par les compagnies et sociétés d'actionnaires, seront visées sans droit dans le mois de la publication de la présente loi, au profit du dernier possesseur dénommé à l'effet coupé, dûment visé et enregistré ; et les coupures qui seront délivrées à l'avenir, seront aussi visées gratuitement dans le mois de la date de leur délivrance, qui y sera exprimée, le tout sous l'obligation du timbre et les peines rappelées à l'article précédent.
Art. 12.
« Les coupons pour annuités, et ceux pour intérêts ou dividendes, séparés de l'effet principal, et revêtus de la formalité du timbre seront visés, sur la réquisition du porteur, dans les délais et sous les peines portées par les articles précédents. Quant à ceux faisant corps avec l'effet principal, ils seront compris dans le visa et enregistrement de l'effet; mais lorsqu'ils seront coupés pour être acquittés ou cédés séparément, ils seront timbrés et ensuite visés au profit du dernier possesseur dénommé sur l'effet, en le rapportant dûment visé et enregistré sans acquitter de nouveau droit d'enregistrement.
Art. 13.
« Lorsque, à défaut d'espace, le transport d'un bordereau ou coupon est inscrit sur une feuille attachée, le receveur de l'enregistrement sera tenu d'énoncer dans sa première relation sur ladite feuille, la nature de l'effet, sa date, sa série et son numéro, à peine de 30 livres d'amende pour chaque omission.
Art. 14.
« Les endossements et transports des bulletins de l'édit de décembre 1785, non sortis par le tirage, acquitteront le droit d'enregistrement sur le pied du prix payé, lequel doit être énoncé conformément à l'article 4 de la loi du 27 août dernier; et il est dérogé, en conséquence, à l'article 4 de la loi du 17 septembre.
Art. 15.
« Les effets publics au porteur, remis en nantissement à des particuliers ou a des sociétés d'actionnaires, seront visés sous le nom de celui qui les a donnés en nantissement, et qui en a conservé la propriété ; mais il sera fait en outre mention, tant dans l'enregistrement que dans la relation, des noms, profession et domicile du
dépositaire ; et, dans le cas où ce dernier viendrait ensuite à céder lesdits effets, il sera perçu, entre le droit résultant du transport, un second droit pour la mutation opérée au profit dudit dépositaire.
Art. 16.
« il ne sera pas nommé de préposé à l'enregistrement et au visa dans la ville de Londres, dérogeant à cet égard à l'article 2 de la loi du 17 septembre. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des citoyens Aubry, Isnard et Despinassy, commissaires de la Convention nationale à l'armée du Midi (1), sur la situation des villes de Nice et de Villefranche ; cette lettre est ainsi conçue :
Nice, le er de la République.
« Citoyens, nos collègues,
« Avant de quitter les bords du Var où la suite de nos opérations nous a amenés et partir pour Toulon où le même intérêt nous appelle, il est nécessaire que nous vous fassions part de la situation où nous avons trouvé les villes, à tous égards intéressante, que la France vient de conquérir ici à la liberté.
« Les citoyens de Nice et de Villefranche nous ont paru pénétrés des sentiments qui animent la République entière et vouloir à jamais jouir du bonheur que leur a procuré notre armee en la délivrant au joug de leur ancien roi. Comme les assemblées primaires sont convoquées pour dimanche prochain, nous leur avons annoncé,de la part de la Convention,que la plus grande liberté devait présider à leur délibération sur la forme de gouvernement que voudra se donner le peuple. Et que, pourvu que celui qu'il choisirait lût . conforme aux droits immortels de l'homme, ils pouvaient être assurés de la toute-puissante protection de la nation française pour la soutenir.
« L'esprit qui régna dans la société populaire qu'on a établie dans cette ville nous a semblé bon. Les deux visités que nous lui avons faites nous ont convaincus qu'elle pouvait être infiniment utile à la propagation des vrais principes et nous l'avons fortement engagée à maintenir, par la sagesse de sa surveillance, tous les citoyens soumis à la loi.
« Quant à l'armée, elle brûle, en général, du plus pur patriotisme, et ne désire que d'étendre, par son courage, les conquêtes que la République fait chaque jour sur les tyrans. Bile espère qu'aux succès qu'elle a déjà eus, d'autres bientôt viendront se joindre ; la difficulté des marches, le péril des combats, et les maux irréparables des campements au milieu des montagnes, ne la rebuteront jamais.
« Nous avons hier, avec une partie de l'armée, la société populaire, et
tous les corps administratifs, assisté à une cérémonie où, sur les
débris accumulés de la tyrannie et de la féodalité, au bruit des
fanfares et des cris mille fois répétés de : Vive la République
française ! on a planté l'arbre de la liberté. Le maire de Nice, élevé
par Amédée à la risible dignité de baron, en a déchiré le diplôme devant
un peuple im-
t Le général Anselme apprit, hier, à trois heures du soir, que son avant-garde, composée de 3,000 hommes, et placée à Sorpello, avait été surprise, attaquée, et repoussée jusqu'à trois lieues. Il partit sur-le-champ avec 1,600 hommes et 4 pièces dé canon pour aller là secourir. Ce matin, il en a envoyé chercher 1,000 autres pour les placer entre lui et Nice, de manière à pouvoir les appeler au besoin. Nous attendions des nouvelles ultérieures, mais comme elles n'arrivent pas et que lé courrier ne peut attendre davantage, nous ne pouvons vous én faire part. Nous ignorons toujours ce que nos lettres à la Convention nationale sont devenues. Cependant, voici la cinquième que nous avons l'honneur de lui écrire depuis notre départ.
« Les commissaires de la Convention nationale, « Signé: F. Aubry, Isnard, Despinassy. »
(Le Comité envoie la lettre au comité de correspondance.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre du général Dumouriez, relative aux fournisseurs et aux besoins de l'armée et au protêt qu'ont éprouvé certains effets; cette lettre est ainsi conçue :
De Saint-Tron, à 5 lieues de Liège, le
« Je dénonce un crime contre la loyauté française. Je demande, au nom de la patrie qu'on déshonore, qu'il soit réparé sur-le-champ et que ses auteurs soient punis. Ce crime est consigné dans la lettre que le reçois de Bruxelles et que je joins ici. Quand je suis arrivé dans la capitale dè la Belgique, il n'y avait pas plus de 10,000 livre? dans la caisse de l'armée. 11 n!y avait point de payeurs nommés pour l'armée de Belgique. Déjà les compagnies Masson et d'Espagnac m'avaient avancé, pour le prêt de mes dignes compagnons d'armes, 300,000 livres-, la victoire et ma réputation de probité et d'intérêt, pour les Belges m'ont donné du crédit. J'en ai profité pour payer les troupes, et l'on renvoie les effets protestés et on met en état d'arrestation mes administrateurs, sans pourvoir aux besoins de l'armée, et des orateurs me peignent comme un homme ou faible ou coupable, entouré de fripons ou d'intrigants, et on déshonore avant de les avoir entendus, par les épithètes les plus avilissantes, les citoyens qui vien nent de sauver l'armée.
J'ai lu dans le Journal des Débats la discussion qui s'est élevée à l'occasion d'une lettre dans laquelle je demandais à être chargé seul de l'approvisionnement de l'armée et à passer seul, par le ministère du commissaire Malus, toute la traite pour le numéraire nécessaire pour la solde des troupes. Oui, j'ai écrit cette lettre, j'ai fait cette demande et je la fais encore, si, contre mon gré, je conserve le commandement de la Belgique. Que Cambon qui a l'air de s'effrayer de l'influence d'un général victorieux me réponde.
« Dans ma campagne contre les Prussiens, je n'avais pas fait cette demande; c'est qu'alors il existait uiie régie ; je trouvais à.la suite de l'armée tout ce qui était nécessaire aux soldats. Dans la Belgique, nous nous sommes trouvés saps magasins, sans payeurs, sans hôpitaux, ftappè-
lez-vous ce mémoire que je lus à l'Assemblée nationale, lorsque j'acceptai le ministère dè la guerre.
« Ce mémoire fut très mal accueilli, parce que je présentais dés faits qui n'étaient pas agréables; je reconnais aujourd'hui combien peu je m'étais trompé; nous accablons nos amis de réquisitions; nous vivons au jour le jour; et si le courage des Français n'était au-dessus de tout, la campagne serait terminée depuis longtemps.
« Le ministre de la guerre vous présente un état de situation de l'armée. Mais défiez-vous de ces états de magasin. D'ailleurs quand ils seraient exacts, pourquoi porter des comestibles et dés fourrages dans le pays le plus abondant de l'Europe? Pourquoi porter dû numéraire dans un pays riche ?
« Pesez dans votre sagesse, citoyens, la justice de ma demande au ministre de la guerre. Je la renouvelle encore, et ce n'est qu'a cette condition que je garderai la conduite d'un plan vaste et sublime, enfanté pour le bonheur de deux peuples voisins et pour la propagation de la liberté et de la bonne foi. Ce n'est donc point aux administrateurs, si durement traités, ce n'est point au citoyen d'Espagnac qu'il faut faim le procès ; c'est à moi. Si les marchés passés par nécessité dans la Belgique, si les emprunts faits pour sauver l'armée, sont des crimes, si l'abdication que j'ai faite de tout emploi après la paix ne vous rassure pas sur mon caractère moral, si les erreurs de Cambon sur un général victorieux deviennent l'opinion générale, traduisez-moi à la barre; sacrifiez-moi. J'aurai trop vécu. Je préfère la liberté de ma patrie à tout. Ma tête supportera aveG le même calme les lauriers et la nache. Mais épargnez-vous les regrets et à moi la douleur de vofr punir des agents qui n'ont fait qu'exécuter mes ordres, dans des emplois qui in inspirent pas autant de soupçons que mes exploits.
« Signé : Dumouriez. »
Extrait de la lettre écrite à ce général par le citoyen Henry Simon.
« D'après vos ordres et le besoin pressant que l'armée paraissait en avoir, je m'étais empressé de me procurer des écus en contre-valeur de la rescripiion de 1,700,000 livres, Urée sur la trésorerie générale par le commissaire général Malus. Mais quelle a été ma surprise, lorsque j'ai reçu par un courrier extraordinaire, la nouvelle au refus de payement de cette rescriptioij et de sa réception en nature ! Je ne me permettrai aucune réflexion ; mais vous sentez qu'il n'est pjus possible de remettre aucune somme en numéraire au trésorier payeur de l'armée, malgré la demande très ipstaute qu'il vient de me faire.... ètc....
» Signé Hpnry Simon. »
Je dpmapde à faire une motioty d'ordre. Je crois que là Convention ne peut pas délibérer en ce moment $ir l'objet important de ces lettres. Mais, comme il est intéressant de prononcer promptement et en connaissance de cause, je demande la réunion des comités de la guerre et des finances pour faire un rapport séance tenante.
Un membre propose de leur adjoindre la çom-i mission des Douze.
Je ne veux pas entrer dans la
discussion du fonds, mais je m'étonne que sans autorisation dé la Convention nationale ou du pouvoir exécutif, la trésorerie nationale... (Interruptions.) Je demande comment la trésorerie nationale, ae son autorité privée, a pu compromettre le crédit delà nation française et la subsistance de nos armées, en renvoyant à Bruxelles, une lettre de change, tirée, pour l'honneur de la République, par un général victorieux? Jë demande que les commissaires de la trésorerie nationale Boient tenus de rendre compte sur-le-champ des motifs de leur conduite.
Plusieurs membres : Aux voix! la clôture ! la clôture!
(La Convention ferme la discussion.)
Je demande à faire un amendement à la proposition de Kersaint. Il est impossible que les comités vous fassent un rapport séance tenante, car il faut qu'ils se procurent des renseignements dans les bureaux des ministres. 11 faut que leur rapport soit bien médité, car de ce rapport dépend peut-être le salut de l'armée et celui de la République. Je demande qu'on donne aux comités un plus long ajournement.
Je ne crois pas que cet ajournement doive être indéfini. Les comités pourront prendre dans la journée tous les renseignements nécessaires. Je demande que le rapport soit fait demain à midi.
observe que l'on ne peut pas retarder beaùcoup ce rapport, puisque les armées sont en souffrance.
Un membre : Sur la première lettre écrite par Dumouriez, je n'ai pu m'empêcher de manifester mon étonnement ; c'est le mot le plus doux que je puisse employer..— (Interruptions.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Le même membre : Non, non, car Cambon a donné les plus grands développements..... (Nouvelles interruptions.)
(La Convention renvoie à ses comités des marchés, des finances et de la guerre pour faire leur rapport, savoir, sur l'objet particulier relatif àu défaut d'acceptation des traités. dans le cours de la séance actuelle, et sur les autres articles dé la dépêche, dans la séance de demain).
Vous avez décrété hier qu'aujourd'hui seraient admises à la barre deux dé-putations d'Anglais, je vais ordonner que la barre leur soit ouverte.
La première députation, composée d'un grand nombre d'Anglais, paraît à la barre. Bile est accueillie par les applaudissements unanimes et prolongés de l'Assemblée et des spectateurs.
L'orateur s'exprime ainsi :
« Citoyens Législateurs,
« Les Citoyens britanniques et irlandais, actuellement à Paris, animés du
sentiment de la liberté que vos principes ont communiqués à la
République française, se sont réunis, dimanche 18 novembre, pour
célébrer les brillants succès de vos armes ; et ils ont unanimement
pensé qu'il était de leur devoir d'offrir aux représentants d'une aussi
grande nation, le tribut
« Recevez donc, citoyens législateurs, cet hommage pur et fraternel d'hommes qui ont toujours applaudi aux principes sacrés sur lequeis vous avez juré de fonderie nouveau gouvernement que vous allez donner à votre patrie.
« Jusqu'ici les guerres n'ont été entreprises que pour assouvir les passions les plus viles, aussi n'ont-elles été conduites que par les moyens les plus iniques ; vous n'avez pris les armes que pour faire triompher la raison et la vérité.
« C'était, sans doute, à la nation française qu'il appartenait d'affranchir l'Europe, et nous la voyons avec joie remplir ses grandes destinées ; espérons que les troupes victorieuses de la liberté ne poseront les armes, que lorsqu'il n'y aura plus ni tyrans, ni esclaves. (Applaudissements réitérés.)
« De tous ces prétendus gouvernements, ouvrage de la fraude des prêtres et des tyrans coalisés, il ne restera bientôt qu'un honteux souvenir. Les peuples, éclairés par votre exemple rougiront d'avoir courbé si longtemps dès têtes servîtes sous un joug avilissant pour la nature humaine. (Vifs applaudissements.)
« Nos vœux, citoyens législateurs, nous rendent impatients de voir le moment heureux de cè grand changement, dans l'espoir qu'il ne sera pas plutôt arrivé, que nous verrons se former une union étroite entre la République française et les nations anglaise, écossaise et irlandaise ; union qui ne pourrait manquer d'assurer à l'Europe entière la jouissance des droits de l'homme et d'établir sur les bases les plus solides la paix universelle. (Applaudissements.)
Nous ne sommes pas les seuls animés de ces sentiments ; nous ne doutons pas qu'ils ne se manifestent également chez la grande majorité de hos compatriotes, si l'opirtion publique y était consultée Comme elle devrait l'être dans une Convention nationale.
« Quant à nous, qui faisons dans ce moment .notre résidence à Paris, nous saisissons avec joie cette occasion, pour déclarer que dans tout le cours de la Révolution, et nonobstant le brusque départ de notre ambassadeur, ou plutôt de l'ambassadeur dé la Cour de Londres, nous avonà constamment éprouvé de la part de la nation française les sentiments de la cordialité la plus frahphë, et de l'amitié la plus sincère. » (Applaudissements réitérés.)
, à la députation :
Concitoyens du Monde,
En exprimant à la République française, dans la personne de ses représentants, vos sentiments de fraternité, Vous félicitez une famille qui s'accrût hier de quatre cent mille individus que la nature avait placés dans notre sein, que le despotisme en avait arrachés, que la liberté y a ramenés. Ce sont autant d'amis de plus qui vous sont acquis. Oui, vous êtes ici au milieu de vos frères : la nature et les principes rapprochent de nous l'Angleterre, l'Iïcosseet l'Irlande; que ce cri de l'amitié retentisse dans les deux républiques.
Les vœux que vous formez pour la délivrance des peuples se réaliseront. La ràce impie des oppresseurs a poursuivi la liberté de j'homipe presque dans l'asile de sa pensée, mais les peu-
ples relevant leurs fronts humiliés, comparent ce qu'ils sont et ce qu'ils peuvent être. Les principes sont la guerre au despotisme, qui tombera sous les coups de la philosophie. La royauté est ou détruite, ou agonisante sur des décombres féodaux : et la déclaration des droits placée à côté des trônes, est un feu dévorant qui va les consumer. (Applaudissements.) Estimables républicains, félicitez-vous en pensant que la fête que vous avez célébrée en l'honneur de la Révolution française, est le prélude de la fête des nations.
La Convention vous offre les honneurs de la séance.
(La députation traverse la salle au milieu des applaudissements enthousiastes.)
La députation de la Société constitutionnelle de Londres se présente à la barre.
(Les applaudissements recommencent.)
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Citoyens de France,
« Nous sommes députés par une société patriotique, appelée the society for constitutional information, pour vous féliciter en son nom des triomphes ae la liberté. Avant l'origine de votre Révolution", cette société s'était longtemps occupée de ce grand intérêt, avec peu d'espérance de réussir. Jugez d'après cela des transports de sa reconnaissance, lorsque grâce aux admirables efforts de la nation française, elle a vu l'empire de la raison s'étendre, s'affermir, et promettre aux hommes vertueux, en assurant le bonheur de leurs semblables^ que leurs travaux ne resteraient plus sans récompense. ÇApplaudissements.)
« D'innombrables sociétés du même genre se forment actuellement dans toutes les parties de l'Angleterre. (Applaudissements.) Tous les esprits en reçoivènt une impulsion générale qui les portent à sonder les abus du gouvernement, et a rechercher les moyens d'y remédier ; moyens aussi simples que ces abus sont compliqués. D'après les exemples que la France a donnés, les révolutions vont devenir faciles ; la raison va faire de rapides progrès, et il ne serait pas extraordinaire si, dans un intervalle beaucoup moins long que nous n'oserions' le prédire, il arrivait du continent des adresses de félicita-tion à une Convention nationale (tn Angleterre. (Applaudissements.) »
« Voici une lettre que nous sommes chargés de vous remettre; je prie instamment le Président de cette Assemblée de Ta porter aussitôt qu'il le jugera convenable à la connaissance de la Convention. »
, secrétaire, fait lecture de l'adresse de la Société constitutionnelle de Londres; elle est ainsi conçue :
La société constitutionnelle de Londres à la Convention nationale de France.
« Mandataires d'un peuple souverain et bienfaiteurs de l'espèce humaine, nous nous trouvons heureux que la Révolution française ait acquis un degré de perfection qui nous permette de vous donner ces titres, les seuls qui conviennent à de véritables législateurs. Les époques successives de votre régénération politique ont toutes ajouté quelque chose au triomphe de la liberté. Et la glorieuse victoire du 10 août a enfin préparé les voies à une Constitution qui,
nous l'espérons de vos lumières, sera fondée sur les bases de la nature et de la raison. En considérant par quel amas d'impostures on s'est efforcé d'obscurcir l'esprit humain, vous ne pouvez être surpris de l'opposition que vous avez éprouvée de la part des tyrans et des esclaves. Ces deux classes d'individus ont employé contre vous les mêmes moyens. Hélas ! dans la combinaison des misères humaines, l'ignorance est en même temps la cause et. l'effet de l'oppression et de l'obéissance servile. Ce qui se passe journellement prouve que vous avez conquis l'opinion de tous les peuples placés près de vous sur le continent; que vous avez réellement pour amie la majorité de ces nations ; que leur apparente inimitié n'est qu'une suite passagère de la violence exercée sur elles par leurs gouvernements, et qu'elles n'attendent que le moment où vos armes les auront affranchies de la nécessité de vous combattre.
La situation des Anglais est moins déplorable. La main de l'oppression n'a pas encore osé leur ravir entièrement la liberte d'écrire, ni vous attaquer ouvertement. Tout de feu pour la cause que vous soutenez, nous vous faisons passer nos vœux les plus ardents pour qu'il ne manque rien à vos progrès et à votre réussite. C'est en effet une cause sacrée ; nous la suivons avec amour, comme le gage du bonheur d'un peuple dont la nature a voulu faire notre ami, puisqu'elle en a fait notre plus proche voisin ; notre confiance s'y attache comme au lien d'une union fraternelle entre toutes les branches de la famille humaine; union à laquelle, si nos espérances ne sont pas vaines, nos compatriotes seront leSrpremiers à concourir.
Notré gouvernement a encore le pouvoir et peut-être la volonté de stipendier des plumes vénales pour nous contredire ; mais nous croyons dans la sincérité de nos Cœurs exprimer les sentiments de la majorité de la nation anglaise. Un long système d'imposture a fatigué cette nation, et de toiles guerres l'ont épuisée ; elle a appris à réfléchir que ces fléaux doivent l'être à des combinaisons que la naturé réprouve, qui modifient la société d'après les relations factices avec le gouvernement, et qu'ils ne sont point le résultat de la disposition naturelle des peuples sous le rapport dé leur situation respective. Continuez, législateurs, de travailler au bonheur des hommes ; nous participerons à vos bienfaits ; mais la gloire vous en appartiendra tout entière. C'est le prix de votre persévérance ; c'est ia récompense de la vertu. Les étincelles de liberté qui s'étaient conservées en Angleterre pendant plusieurs siècles, pareilles aux lueurs de l'aurore boréale, ne servirent qu'à rendre visible au reste de l'Europe l'obscurité qui le couvrait. Une lumière plus vive, image ae la véritable aurore, jaillit du sein des républiques Américaines ; mais son éloignement l'empêchait d'éclairer notre hémisphère ; il fallait, si la sagesse de notre langue nous permet d'achever ce parallèle; il fallait, disons-nous, que rayonnante de tous les feux du soleil au milieu de son cours, la Révolution françaisé déployât soudain au centre de l'Europe le résultat pratique des principes que la philosophie avait semés dans l'ombre de la spéculation, et que confirme partout l'expérience. Partout son influence dissipe les nuages des préjugés, révèle les secrets du despotisme de tout genre, et crée à l'homme un nouveau caractère. D'autres marcheront bientôt sur Vos traces dans cette carrière,; d'utiles,
changements; et les nations, sortant de leur léthargie, s'armeront pour revendiquer les droits de l'homme, de cette voix toute-puissante à laquelle des hommes ne sauraient résister. -
Signés: SempïLL, président; D. Dams, secrétaire, Joël Barlow, J. Frost, députés de la société.
L'orateur de la députation, reprend: Nous sommes chargés aussi de Vous informer que la société que nous représentons, a envoyé 1,000 paires de souliers, pour offrir en don patriotique aux soldats de la liberté.(Des applaudissements unanimes s'élèvent et se prolongent.) Ces souliers sOnt déjà arrivés à Calais. Il en sera envoyé plus de 1,000 paires par semaine, au moins, six semaines de suite. (Mêmes applaudissements.)
, répondant à la députation. Fiers enfànts d'une nation qui a illustré les deux mondes, et donné de grands exemples à l'univers; vous nous apportez plus que des vœux, puisque le sort de nos guerriers a mérité votre sollicitude. Les défenseurs de notre liberté le seront un jour de la vôtre; vous aviez des droits à notre estime, vous en avez à notre réconnaissance, et d'ailleurs les hommes libres n'oublier ront jamais ce qu'ils doivent à la nation anglaise..
Les ombres de Pym, de Hampden, de Sidney, planent sur vos têtes; et sans doute il approché le moment où des Français iront féliciter la Convention nationale de la Grande-Bretagne. Longtemps la discorde agitait les flambeaux entre l'Angleterre et la France; l'ambition des rois fomentant des haines nationales, voulait faire oublier que l'Eternel n'a créé que des frères. Vos îles furent autrefois, dit-on, arrachées au continent par un mouvement convulsif du globe ; mais la liberté et l'amitié se replaçant sur les deux rives du détroit qui nous sépare, donnent la main à deux nations faites pour s'estimer et se chérir, La raison a commencé sa course majestueuse, elle ne s'arrêtera plus.
Généreux républicains, vôtre apparition au milieu de,nous prépare des matériaux à l'histoire; elle mentionnera le jour où des citoyens d'une nation longtemps rivale, au nom d'une foule de leurs compatriotes, parurent au sein de l'Assemblée des représentants du peuple français; elle racontera qu'à votre aspect tous nos cœurs se dilatèrent. (Nombreux applaudissements.) Dites à la société qui vous a députés ; dites à vos compatriotes que dans vos amis les Français, vous avez trouvé des hommes. (Vifs applaudissements.) La Convention nationale vous invite à sa séance.
(Les deux députés vont se placer dans la salle au milieu des applaudissements réitérés.)
Plusieurs membres demandent l'impression des deux adresses et des réponses du président.
(La Convention]hationale décrète que le discours de la députation de la société constitutionnelle dé Londres, l'adresse de cette société et la réponse du présidènt, ainsi que le discours de la députation des citoyens britanniques et Irlandais, résidant à Paris; et la réponse du président, seront imprimés et envoyés au quatre-vingt-quatre départements et aux armées françaises, et traduits dans toutes les langues pour être proclamés par les généraux dans toutes les contrées où se porteront les armées de la République; décrète, en outré, qu'il sera remis aux députés de la Société constitutionnelle de Lon-
dres, et à ceux des Anglais, Ecossais et Irlandais, résidant à Paris, un extrait en forme du procès-verbal de sa séance.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, (1) qui annonce une souscription de là Société constitutionnelle de Londres, pour la somme de 1,000 livres ster-lings, destinée à procurer des souliers aux soldats de la liberté, semblables aux modèles qu'il envoie à l'Assemblée :
Pache, ministre de la guerre' au-Président de la Convention nationale.
« Paris, er de la République française.
« La société des informations constitutionnelles de Londres vient de faire une souscription de 1,000 livres sterlings pour procurer des souliers aux braves soldats de la liberté, semblables aux modèles que je joins ici. Mille paires sont déjà rendues a Dunkerque et il y en arrivera successivement chaque semaine pareille quantité jusqu'à ce que le produit de la souscription soit entièrement consommé.
« Heureuse la nation que de pareils traits honorent! plus heureuse encore celle qui en est l'objet, car est-il une plus douce récompense des soins que nous nous donnons pour propager la liberté universelle, que l'affection d'un peuple aussi éclairé que la nation anglaise.
« Le ministre de la guerre.
« Signé : Pache. »
Je crois suivre l'intention unanime de la Convention nationale en demandant que le président soit chargé d'écrire à la Société constitutionnelle de Londres pour lui témoigner, au nom des représentants du peuple français, sa reconnaissance pour le don patriotique relatif à nos armées, les assurances de notre dévouement fraternel et de l'union intime qui doit réunir à jamais les hommes libres de la France et dé l'Angleterre.
(La Convention adopte la proposition de Rarère de Vieuzac.) ■
Représentants du peuple français, citoyens, l'impression du discours que
vous venez d'entendre, ne suffit pas aux sentiments qu'ils vous ont
inspirés. Sans doute, ces discours laisseront de grands souvenirs, comme
ils donnent un grand exemple; sans doute que bientôt nous pourrons, èt
j'adopte cette opinion du président, féliciter le peuple anglais dans
une Convention qui le représente : mais en attendant, nous ne pouvons
communiquer avec lui que dans un point que j'ai cru apercevoir. Les
Anglais, cette portion du peuple anglais qui a répandu la lumière dans
l'Europe par son amour pour la liberté, qui a fait une guerre vigoureuse
au despotisme et aux préjugés ; cette portion s'est réunie pour former
une expédition dont le but mérite que vous y concouriez ; elle est
contrariée par ces mêmes hommes qui vendent leurs frères pour de
l'argent;'je parle de cette société philosophique qui s'est réunie pour
porter en Afrique l'agriculture, et détruire l'affreux commerce des
nègres. Il serait digne de la Convention de la nation française de
prêter une main
(La Convention renvoie la motion de Kersaint à ses comités de commerce et des colonies réunis.)
Je pense que la meilleure manière de reconnaître la démarche fraternelle des Anglais serait de s'occuper sur-le-champ et en leur présence de la suite du procès de Louis XIV. Je demande la mise à l'ordre du jour de la discussion sur le jugement du ci-devant roi.
Il serait préférable à mon avis qu'il soit établi des séances du soir pour entendre les orateurs qui voudront parler sur le procès de Louis XVI.
(La Convention décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de Bourbotte êt décide la mise à l'ordre du jour de la discussion sur le jugement du ci-devant roi.)
{de Thionville). Je propose, par motion d'ordre, que dans là discussion de 1 affaire du roi, Ja Conventiop n'entende pas les orateurs qui voudront parler pour l'inviolabilité, tellement l'Assemblée est convaincue qu'un tyran doit périr, par cela sèul qu'il est un tyran.
(La Convention ne prononce point sur cette motion.)
Je demande que pour la discussion sur le ci-devant roi, il y ait sur le bureau du Président deux urnes, sur l'une desquelles il sera écrit pour et sur l'autre contre. Les membres qui voudront parler déposeront leur nom dans une des urnes jusqu'à l'ouverture du grand ordre du jour et le Président tirant successivement des billets de l'urne, annoncera le nom de ceux à qui le sort donnera la parole.
(La Convention adopte la proposition de Brival.)
La parole ést au citoyen Faure, pour énoncer son opinion sur la question de savoir si Louis XVI doit être jugé (1).
(Seine-Inférieure). Citoyens, ami des hommes, j'ai toujours été l'ennemi sentimental des rois.
Tite, Trajan, Marc-Aurèle, dont l'histoire a dft tant de bien, avaient une teinte bien prononcée de férocité d'Etat. La possession du pouvoir absolu aurait corrompu la vertu même.
L'homme roi, sous l'aspect de la philosophie, n'est, comme nous, qu'un malheureux iportèl, qui n'a pu se soustraire que par l'empire des abus et ae la force à l'impulsion des lois.
Inviolabilité poûf inviolabilité, voilà le drpit de la nature et des geiiç ; les rois, au contraire, faisaient punir leurs assassins des supplices les plus cruels et ils faisaient massacrer impunément cent mille honimès pour satisfaire à leur orgueil et à leur caprice.
Sous l'aspect de la loi, mon respect pour elle frappe mes sens en faveur de Louis.
II est çlonc des lois qui protègent la tyrannie ! Ainsi, peuple français,
vous avez dit au dernier de vos monarques, par l'organe de vos repré-
Cet homme roi, que vous voulez accuser, à l'égard duquel vous prétendez même faire tout à la fois les fonctions de dénonciateur et de juge, vous l'avez soustrait à la rigueur de la loi, Vous vods êtes dégradés, vous vous êtes manqué à vous-mêmes ; par cette inégalité.de traitement
que vous avez prononcée, vous avez commis une aute inexcusable, mais vous l'avez commise. Je vous somme de votre parole et dé vos serments. Si la parole des rois dût être sacrée, Celle dès peuples, comment l'entendez-vous ?
Loin de nous, législateurs, les distinctions sophistiques que le genie mis à la gêne a enfantées pour sépàrer l'homme roi de l'homme privé dans son odieuse conduite.
Loin de nous ces moyens d'astuce, en tirant partie de l'abolition de la royauté, pour appliquer au prévenu les peines du citoyen, comme si les délits n'avaient pas été commis dans l'époque de la qualité auguste qu'il a perdue. Loin de nous toutes ces subtilités de droit, pour soutenir que l'inviolabilité prononcée par l'Assemblée constituante ne portait point sur les crimes dont le monarque s'est rendu coupable ; comme si ceux dont on prétend l'accuser étaient dans l'àme sans passions, sans intérêts, plus graves que la possibilité de se mettre à la tête d'une armée ennemie pour nous égorger.
Le rapporteur dans son discours, et tous ceux qui ont parlé dans son sens, ont prouvé l'hablr leté de leurs talents oratoires, et rien de plus. N'avez-vous pas cité, posé dernièrement le principe que làoùlaloi ne s'était pas expliquée nettement, vous ne pouviez l'interpréter, dût le crime rester impuni? Sortir des règles contre le dernier de vos rois. C'est une injustice dont vous ne vous rendrez pas coupables; songez à vous, citoyens. Machiavel ne sera pas sans doute le héros des représentants d'un peuple généreux. Vous ne voulez pas, en suivant la morale de l'orateur vénal du despotisme, commettre le crime par la seule raison qu'il serait nuisible à vos intérêts.
Votre politique barbare serait encore, j'ose vous le aire, en défaut.
Jetez un coup d'œll sur l'histoire. La mort de Charles Ier fut la principale cause de la restauration de la royauté chez un peuple trop éclairé pour aimer les rois. Le supplice du père plaida la cause du fils. Le peuple quelquefois se livre à des mouvements de sensibilité contraires à ses intérêts et dont on ne peut calculer l'explosion et le délire.
A la Révolution de Jacques II qui avait aussi un fils, on prit d'autres mesures; on facilita son évasion ét son fils fit de vains, efforts pour recouvrer son trône. C'est précisément là notre position. Les Anglais étaient alors plus avancés
?ue vous n'êtes, même à présent en politique.
renez garde à vous, législateurs ; et si le supplice du rpi, vous semble utile à votre position, songez que vous travaillez aussi pour la postérité.
Vos armées étonnent la terre par leur courage et leur grandeur, tandis que vous chicanez ici la vie (fun homme désarmé, dont les excès i
tout criminels qu'ils sont, donnent en résultat ! la pleine restauration de yos droits antiques. Sous un prince moins pervers, nous aurions peut-être encore un maître. Donnez aussi à la terre un grand exemple de vertu, de magnanimité ; faites venir Louis Capet en cette auguste Assemblée; qu'il comparaisse à la barre, et dites lui :
« Tu n'es plus roi. Telle est la volonté du peuple. Nous écarterons de ta vue l'exemple de tes forfaits. Nous y sommes sensibles. Nous étions tes enfants... » (Vifs murmures.)
réclame la liberté des opinions.
Un membre : Je demande qu'il soit permis à l'opinant de comparer Louis Capet à Saturne,
Nousétions tes enfants, et tu voulais nous égorger! Tu mérites la mort; nous te pissons la vie. Nous ferons plus; nous te ferons citoyen français, titre plus auguste que celui de roi.
N'oublie jamais la magnanimité du peuple; s'il n'y joint pas pour l'instant la liberté ae ta personne, c'est moins pour sa sûreté que pour a tienne : le peuple français ne craint plus les rois. (Murmures.)
Quoi! /citoyens, vous ne pouvez vous faire qu'une image effrayante d'un homme yoi. yiyant parmi vous, en observant les règles de l'égalité? L'homme, dites-vous, n'est point destiné a tant de perfection; il occasionnerait des troubles : il vaut mieux l'enfermer, si on ne le juge pas.
Le peuple français n est donc pas aussi grand qu'un simple roi d'Angleterre, (jui fftit son fiial à sa cuisine après l'avoir vaincu? Cè n'était qu'un aventurier, j'en (conviens ; mais la Séfhi-ramis du Nord en agit-elle ainsi à l'égard tflî Pugachef? Ce fut Cromwell qùi fît le procès à son roi, et non le peuple anglais.
Mais Louis Capet. qn'est-il autre chose, lui et toute sa race, qu un aventurier à l'égârd des droits sacrés et imprescriptibles du peuplé? Où trouverait-il des amis? A l'armée? Il y serait massacré. Dans l'intérieur? Sès amis sont des hommes vils, lâches ou faibles, et condamnés depuis longtemps au silencè.
Un préopinant a taxé de faiblesse ceux qui résistaient à l'opinion de juger le ci-devant roi. Et moi je dis que la faiblesse existe là particulièrement où se trouve la crainte. Un vrai républicain n'est ni vindicatif ni féroce, il est fermé et juste; il chasse ses rois, et lie s'abaisse point à fatiguer son esprit de controverse ou de politique pour les punir.
L'Assemblée constituante avait accordé à Capet 50 millions de liste civile, sans s'embarrasser de l'usage qu'il en ferait: eue lui avait accordé lé véto suspensif, dont i{ a fait publiquement un mauvais usage; elle lui avait accordé le choix de ses ministres, qui, appelés par Antoinette, notre ennemie mortelle, soutenaient la faiblesse de l'infortuné monarque contre ses sermènts et son peuple.
Donne-t-on du poison à celui qui a intérêt de s'en servir? une torche & celui qui a intérêt d'incendier? Cest cependant çe qu'a fait l'Assemblée constituante. Ménagez son honneur en écartant l'acte d'accusation : c'est elle qui vous a tirés dq néant, malgré tous les obstacles qu'elle a eu à essuyer; c'est elle qui vous a préparé lès voléé, qui vous a montré ia lumière, qui a du moins commencé à briser vos fers. ,
Qu'on ne me dise pas que le monarque a pro-
testé contre la Constitution qu'il avait sanctionnée : tout ce qui se fait secrètement est nul en principes; et ce n'est pas là une raison de décider.
Au reste, s'il a protesté, il a manqué royalement à ses serments. Tenez populairement les vôtres. La gloire du peuple français sera immortelle.
Qu'on ne me dise pas non plus que la Constitution est anéantie. A quel titre la Convention existe-t-elle ici par le même mode qu'a indiqué la Constitution : élections par assemblées primaires. Quelles sont vos lois pénales? celles qui sont attachées à la Constitution : il y en a pour les citoyens; il y en a pour le ci-devant roi dans l'activité de ses fonctions. Il est inviolable à l'égard d'autres peines. Comment concevoir autrement l'inviolabilité? Tu ne seras plus roi, si tu nous égorges soit à la tête des armées, sôit autrement : voilà la loi, voilà la peine; je ne sortirai pas de ce cercle.
L'inviolabilité doit être réciproque : moyen frivole. Il fallait le prononcer, Alors l'inviolabilité n'eût plus été qu'une chimère. Il fallait du moins l'arrêter au premier pas qu'il a fait contre la Constitution, le destituer, et non pas lui laisser entasser crimes sur crimes, pour l'immoler ensuite sous prétexte que son inviolabilité avait des bornes qu'il a franchies.
Un des préppinants de l'Assemblée constituante vous a dit que la question de l'inviolabilité avait été très débattue; qu'il avait même employé toute l'élpqqence qu'on lui connaît pour démontrer Combien elle était contraire aux droits de l'homme : il a accusé un grand nombre de ses confrères de perversité; mais que conclure de cette tirade? J'inyiqJabilité a été prononcée. Si nous prétendions nous soustraire à l'exécution des lois, sous prétexte que d'après le débat on aurait pris le plus mauvais parti, nous serions donc tous juges de la loi et moi je dis que par ce passage de son discours, cet orateur a plaidé la cause du ci-devant roi sans le vouloir. En effet, il convient par là que l'Assemblée constituante a pris un très mauvais parti.
Voulez-vous me permettre quelques réflexions en politique? Eh bien, la mort de Charles Ier était nécessaire aux projets de Cromwel ; l'évasion de Jacques II aux desseins de Guillaume. Les peuples n'ont besoin ni de supplice ni de l'absence des rois pour exercer des droits aussi antiques que l'univers. La scélératesse et la corruption ont fait les rois, les maîtres et les esclaves, les seigneurs et les serfs.
Je sais comme vous la politique de rois ; je n'ignore pas qu'ils ne connaissent ni procédés ni serments, qu'ils massacreraient la moitié de leurs peuples pour régner arbitrairement sur l'autre; je sais aussi qu'a est des lois plus sacrées que celles de la constitution : Salus populi, su-prema lex. Vous pouvez, à ce titre, juger Louis Capet; c'est un devoir même, si la sécurité de 25 millions d'hommes l'exige ; mais voilà en quoi l nous différons d'opinion,.c'est que je crois qu'un peuple qui a pu braver et combattre avec courage dés ennemis puissants, ne doit point trembler devant l'existence d'un mortel sans talent, sans énergie, et qui ne peut pas nous donner plus d'ennemis qu'il n'a cherché à nous en susciter pour nous massacrer indignement par les moyens les plus lâches; c'est que je ne crois pas que sa tête vous réponde des intrigues et des excès de toute sa race, et que je pense que cette tête est inutile à votre sécurité. Ne mettons donc pas
dans un supplice illégal le salut du peuple.
Enfin, législateurs, vous n'avez pas besoin de juger Capet, il ne s'agit que de le détrôner ; eût-il été le meilleur des rois, le peuple est incontestablement en droit de renverser la forme de son gouvernement, et de se passer de monarque. Ce ne sont point, dans mon esprit, les crimes de Louis qui le détrônent, c'est la volonté du peuple ; lui faire simplement son procès pour le déchoir, c'est reconnaître qu'on ne pouvait le faire descendre du trône sans lui prouvèr ou lui supposer des crimes ; et en cela l'Assemblée constituante avait commis une grande erreur ; c'était insu 1-ter à la souveraineté du peuple. Dans les délits royaux proposés par la Constitution, il fallait prononcer la mort et non la déchéance, qui n'est point une peine. Ce peuple a voulu un roi, il n'en veut plus.
Voici son arrêt.
Je demande qu'il soit passé à l'ordre du jour sur le projet de décret contre le roi ; que ce projet soit envoyé à toutes les assemblées primaires de la République, pour connaître le vœu du peuple entier sur le fait de savoir s'il veut ou ne veut plus de roi.
Je viens de recevoir du ministre de l'intérieur différentes pièces d'une certaine urgence. Il s'agit de troubles suscités dans le département du Loiret à Voccasion des subsistances. Le ministre fait ensuite quelques observations sur la situation des esprits dans Paris. Je vais donner lecture de ces pièces.
,secrétaire, en donne lecture :
Le ministre de Vintérieur (1) au Président de la Convention nationale.
Paris, er de la République.
« Un courrier extraordinaire envoyé par les administrateurs du département du Loiret m'apporte à l'instant un procès-verbal du conseil général de cette administration que je me hâte de mettre sous les yeux de la Convention nationale. Elle y verra que la trofipe de gens armés qui ont répandu 1 alarme dans les départements voisins est actuellement à Blois, et que la ville d'Orléans est elle-même menacée. La Convention verra, dans sa sagesse, ce qu'elle doit prescrire dans des circonstances aussi fâcheuses.
« Signé : Roland. »»
« P. S. Je crois, monsieur le Président, vu la position très critique où nous nous trouvons dans ce. moment, par l'esprit de fermentation et de rébellion qui se propage d'une manière effrayante, qu'il est important que la lettre que j'eus l'honneur, de vous adresser hier, soit lue aujourd'hui à la Convention.
Signé : Roland. »
Lettre des administrateurs du département du Loiret au Président de la Convention nationale (2).
Orléans, le er de la République.
« Citoyen président,
« Nous apprenons que les corps administra-
« Les administrateurs composant le conseil du département du Loiret.
« Signé:Fera,président; (illisible), secrétaire ».
liberté. — égalité.
Extrait du procès-verbal des séances publiques de l'assemblée administrative du département du Loiret (1).
« Du er de la République française.
« Les membres composant le conseil général de la commune et ceux du conseil du district d'Orléans, accompagnés des chefs de la garde nationale de la même ville, ayant été introduits, ont pris séance et ont dit que les hommes qui se sont réunis dans les environs de Montmirail et qui se sont d'abord portés à Mondoubleau et à Vendôme sous le pretexte de taxer les grains et denrées sont actuellement dans les murs de Blois, en sorte que, d'après l'intention manifestée par cette troupe de diriger sa marche par Beau-gency sur Orléans, il y a lieu de craindre qu'elle ne soit bientôt dans cette ville et qu'elle n'y commette des excès fâcheux.
« La matière mise en délibération : Ouï le substitut du procureur général syndic,
« Le conseil du département, considérant que la marche d'un nombre considérable d'hommes armés qui se grossit dans sa route par l'effet de sa force a un but que les lois réprouvent et qu'il est du devoir de 1 Administration de s'opposer, par tous les moyens que la loi a mis à sa disposition à l'exécution, ae pareilles entreprises et de préyénir sans perte de temps les excès fâcheux auxquels la troupe pourrait se livrer ;
« A arrêté, en présence du conseil de la commune et de celui du district d'Orléans :
« 1° Que les citoyens Briliard et Devilliers, qu'il a nommés
commissaires, se rendront cette nuit à Beaugency, à l'effet de prendre
des renseignements positifs sur la marche et les dispositions de la
troupe annoncée, de réquérir à leur passage la gardfe nationale de
Meung, de se tenir prête à marcher au premier ordre qui lui en sera
aonné; de requérir également, de concert avec l'administration du
district ae Beaugency, s'il en est besoin, d'après les renseignements
qu'ils auront
« 2° Que les administrations dès districts d'Orléans, de Neuville et de Pithiviers requerront les gardes nationales de leurs arrondissements respectifs actuellement en état de réquisition permanente, de se rendre sur-le-champ en armes à Orléans;
« 3° Que la municipalité d'Orléans fera, de concert avec l'administration du district, les dispositions nécessaires pour assurer la subsistance des gardes nationales des districts de Neuville et de Pithiviers dont le séjour sera nécessaire dans cette ville, pour remplacer celle d'Orléans qui va se rendre à Beaugency;
« 4° Que le commandant de la gendarmerie nationale du département sera requis de faire rendre sur-le-champ à Orléans le plus grand nombre de brigades de sa division qu'il sera possible;
« 5° Que le commandant de la garde nationale d'Orléans séra requis d'envoyer sur-le-champ à Beaugency un détachement de la compagnie de cavalerie nationale;
6° Que le commandant de la garde nationale d'Orléans sera requis d'envoyer sans perte de temps à Beaugency, une force suffisante pour, de concert avec la garde nationale du district de Beaugency, arrêter la marche des hommes que la malveillance a égarés, si la voix de la loi ne peut les rappeler à leur devoir ;
« 7° Que l'administration du district sera autorisée à faire remettre à la municipalité les fusils qu'elle a à sa disposition, à la charge de les remplacer à la première réquisition ;
« 8° Que la municipalité d'Orléans sera et demeure autorisée à traiter de gré à gré avec le citoyen Pecautin des fusils que cet armurier peut avoir chez lui pour, l'armement des citoyens qui sont dépourvus de cette arme ;
« -9° Enfin, qu'expédition de la présente délibération sera envoyée sur-le-champ au ministre de l'intérieur, par un courrier extraordinaire.
« Pour extrait : « Signé : (Illisible). »
, secrétaire. Voici maintenant une seconde lettre de Roland, dont j'ai à donner lecture à la Convention, qui porte la date du 27 novembre ; elle est ainsi conçue :
« Le ministre de l'intérieur au Président de la Convention nationale (1).
« Je viens répéter à la Convention nationale de tristes vérités : je les dois à la sûreté, je les dois au salut public.
« La circulation des grains éprouve de toutes parts les plus grands
obstacles : il n'est presque aucun citoyen qui ose ou qui puisse se
livrer à .ce commerce : s'il fait transporter des grains, il passe pour
accapareur ; il est traité comme tel. Des rassemblements du plus triste
présage ont
« Je ne citerai que quelques exemples. : la ville de Chartres vient de repousser 3,000 hommes armés venus à ses portes pour taxer les comestibles. Ils ont annoncé qu'ils se présenteraient en plus grand nombre le 30 de ce mois.
« Au Mans, les lois èt les autorités constituées viennent d'être méconnues et avilies avec une audace et une violence qui ne connaissent plus de frein. La municipalité de cette ville et l'administration du département ont signé, sous le couteau, le 23 de ce mois, un arrêté portant taxe à perpétuité du pain mollet à 2 sv 3 d. la livre, et du froment à 45 sols le boisseau.- Les lettres que je reçois de cette ville consternée annoncent que de pareils excès viennent d'avoir lieu à La Ferté-Bernard, Bonnétable, Saint-Calais et autres marchés, et qu'ils doivent se répéter le 24( et jours suivants dans les autres villes du département.
« A Lyon, de3 agitateurs avaient entraîné le peuple dans de pareils désordres, et on ne peut plus douter qu'il n'existe un foyer d'où ces insurrections doivent sè propager dans toute la République ; et ce foyer, Monsieur le Président, existe à Paris.
Plusieurs membres : Au Temple !
, secrétaire, continuant la lecture : C'est de Paris que sortent ces envoyés qui sont allés à Marseille, à Perpignan et dans d'autres villes prêcher l'anarchie et la guerre civile; les bruits les plus faux, les plus désastreux sont répandus par eux : s'ils ont été repoussés par des villes patriotes, ils font des progrès effrayants dans celles où l'aristocratie et la haine de la liberté ont été le plus hautement prononcées.
Il n'est pas besoin de réfléchir avec effort pou r apercevoir la correspondance et la réunion de ces agitateurs avec les aristocrates et les ennemis les plus acharnés contre la République. S'iL fallait en fournir la preuve, je dirais que, dans les villes où le patriotisme a eu les plus sincères et les plus nombreux adorateurs, les scélérats qui y sont venus prêcher la révolte y ont été bientôt arrêtés et punis, et que les villes infectées d'aristocratie telles que Lyon, Rouen, sont aussi celles où le poison répandu par ces agitateurs a causé le plus de maux etfde désordres.
« Le bien même sert d'aliment à la calomnie. On a répandu au Havre que les blés que j'ai com-missionnés en Angleterre sont gâtés, et sans une vérification solennelle de laquelle il résulte que ces grains sont de la meilleure qualité, cette calomnie aurait produit tout son effet.
« Ces moyens et beaucoup d'autres sont mis en usage pour égarer et corrompre le peuple. On m'a assuré que pour l'apitoyer sur le sort du ci-devant roi, plusieurs individus riches distribuaient en son nom à la classe indigente de l'argent, du pain et des vêtements : j'en ai écrit à la municipalité de Paris.
« D'autres dangers menacent encore cette ville: ses approvisionnements souffrent les plus grandes difficultés. Le transport des grains et des farines qui lui sont destinées est entravé de toutes parts : sur des plaintes particulières et graves qui m'ont été portées contre les communes de Lisy, la Ferté-Milon, la Ferté-sous-Jouarre, je viens d'écrire à leurs municipalités pour les rappeler à la loi; mais, malgré mes
efforts, je ne puis répondre que les blés que je fais venir du Havre ne serpiit pas arrêtés en route, et cette ville presque .uniquement livrée aux ressources municipales et du gouvernement verra la famine à ses portes* si cette anarchie déchirante subsiste,encore quelque temps.
« Un autre abus hâtera .encore ce terrible nprç-r ment. Depuis que la municipalité, fait vendre aux halles les farines au-dessous du prix qu'elles ont dans les environs de Paris, tous ces environs viennent s'approvisionner içjL et .taudis que la consommation double et triple., le commerce a cessé presque entièrement d'alimenter les halles, parce qu'il ne peut pas livrer les blés et farines au prix de celles vendues par la municipalité.
« Il est bien facile de conclure dé là, Monsieur le Président, que la consommation augmeptant en même temps que les approvisionnements diminuent, nous touchons aux termes d'iine disette.
« Le seul moyen de la prévenir, c'est dé vendre les farines municipales au prix du commerce. La municipalité de Paris a senti cette vérité et l'a consignée dans une délibération. Elle a sans doute reconnu que l'état contre nature par lequel on réglait ies subsistances de cette ville, ne pouvait durer; que le.sacrifice de 12,000 livres au moins par jour qu'elle .est obligée de faire retomberait en définitive sur ces mêmes citoyens qu'on caresse et qu'on égare.
« On accuse les Commissàirës des sections, même le comité d'agriculture, de la Convention nationale de retarder l'exécution dé cette mesure : il s'est laissé influencer et intimider par ces, commissaires, au point de mettre les administrateurs même des approvisionnements dé Ià-çommune dans .cette terrible alternative, de supporter les. entravés de toutes les espèces, de ruiner le peuple de Paris et. de le faire périr ,dé misère ou d'être exposé âuné insurrection subite : tels sont les propos du comité même, de l'administrateur Cousin, pour l'empêcher de , publier l'arrêté de la municipalité de vendre à Paris les farines au prix qu'elle les achète aux environs de cette ville ; on les accuse .d'être lés auteurs de ces désordres qui, en effet, ne. tendent qu'à ruiner incessamment la chose publique.
« Je dénonce cette opinion, ces conseils,comme subversibles de tout ordre, et je déclare l'impossibilité d'approvisionner Paris, si la Convention ne décrète pas :
« 1° Que le commerce des grains sera dorénavant délivré de toute entrave et que la circulation sera d'une liberté sans restriction.
« 2° Que ceux qui porteront la moindre atteinte à ce genre de commerce et à la circulation des denrées seront déclarés perturbateurs dii repos public, poursuivis comme tels, mettant sous la responsabilité ,des corps administratifs et des municipalités la sûreté des personnes et du commerce de ce genre.
« 3° Que la commune de Paris, ruinait le peuple et l'exposant à la famine par des considérations pusillanimes, contre le vœu même du peuple, toujours bon et juste, mais pressé par des gens mal intentionnés, vendra les denrées au prix qu'elle les achète.
« J'ai déjà présenté ces réflexions à la Convention nationale. Cette lettre n'est que la répétition de celles que je lui ai écrites, notamment le.23 de ce mois : c'est à la Convention seule à qui il appartient, de remédier aux maux que je lui dénonce, saris quoi la chose publique périt, et nous avec elle. « Signé : Roland.
« J'envoie copie de ma lettre du 23-
P. S. — Depuis plusieurs jours, l'on annonee un soulèvement prochain de Paris, et l'on vient dans le moment de me dénoncer verbalement qu'il y avait eu hier le projet de tirer le canon d'alarme. Je ne puis dire jusqu'à quel point les bruits sont fondés, mais il est bon que les législateurs les connaissent pour en apprécier les causes, et que le public en soit averti pour se tenir en garde contre les instigateurs.
« Signé : Roland. »
Je demande que le ministre de l'intérieur nous déclare de qui il tient les bruits qu'il noUs débite.
Je demande qu'il soit tenu dè nommer les agitateurs dont il parle.
Je préviens la Convention que lç Comité de sûreté générale a toiljtiurs dans son sein 30 à 40 commissaires des différentes secjtibh s de Paris et qu'il n'a jàmais été question ni d'un Soulèvement, ni d'un projet ae faire tirer le càrion d'alarme. Lés rechèrcnes personnelles du comité et les rapports qui lui sont faits par les gens qu'il emploie démentént également ces bruits. (Applaudissements à gaiiche et dans quelques tribunes.)
Le canon d'alarme... c'est la lettre de Roland.
(de Thionville). Le général Santerre est à la barre, il peut nous donner des renseignements sur la lettre du ministre ; je demande qu'il soit entendu.
Un membrè : Çè qui tn'étonne, c'est que le commandant de la gârde nationale, qui ne savait pas qu'il serait interrogé; soit prêt à répondre.
, secrétaire. La raisbn ert est simple; c'est que, la lettre de Rolaild est depuis hier sur le bureau, que ce ministre s'est plaint de cè qu'on ayait tardé de la lire et que d'ailleurs le commandant de la garde nationale, dont le poste est d'être à là Convention naiibhâle, ne s'est jjrésenté à la barre que pour répondre sur là proposition faite de l'iiiterroger.
Je demande que ,1e commandant soit entendu, car je suis de l'avis de Turreaui je prétends que c'est Roland lui-même qui a tiré le canon d'alarme par sa iettre.
(La Convention décrète que le commandant de la garde nationale de Paris sera entendu séance -tenante.)
paraît à la barre.
Il s'exprime ainsi :
Me trouvant à la Convention, qui est mon poste habituel, j'ai entendu lire la lettre du ministre Roland; je crois devoir déclarer que Paris est dans la plUs parfaite tranquillité. (Vifs applaudissements à gauche.) Le service se fait avec activité; personne n'a. proposé^ de tirer le canon d'alarme, personne n oserait le tenter ét.ne pourrait lé faire ; j'en, réponds sur nia tête,^(Nouveaux applaudissements.) Si je reste à là place que j'occupe, c'est à cause des. dangers mêmes et des troubles dont on nous menace ; càr je ri!aimè pas le généràlat : j'aimé l'égalité- (Applaudissements des tribunes.) Mais, je le répète, tant qu'il pourra y avoir du dangér, je resterai àrmon poste, malgré toutes les calomnies dont on m'eiwironne. Quand le calme sera rétabli, je retournerai brasser de la bière. (Vifs, applaudissements.) Il y a deux moyens d'amener la contre-révolution; j'ai
déjà déjoué, dans, plus de vingt sections, ççlui.qui consiste à répandre dejtaihç bruits parmi lé peuplç, pour le jeter dans, là stupeur et dans l'effroi. Il né reste qu'un moyennes); cçlu.i d'effrayer les ministres et laÇoriventidn. Et cependant qu'avons-nous, à craindre,?jAyëç,,la ,Gon-. vejçition nationale,, je brav,erài l'Europe, s'il le faut. (Àjpplâùdisseyients et rires sïif,cpr,tains barics j Je ne suis d'aucun parti, je n'ai jamais,embrassé aucune façjion, j'ai résisté, à 13. Qorruptiçiri dé toutes lei listes civiles,, je résisterai à tQq]tës lef autres, car je n'ai pqint d'ambition,, si ce' n'est ççlié de^âireexpçuter ljéSMS» (Applfludis^epifÂts-) La stupeur,et la frayeur,font crqire à i'anarcliie et elles la produisent; ielles font naître les entraves qu'éprouve la circulation des subsistances; partout, dans jes environs dé Paris, on m'annonce depuis.quelque temps-, des soulèvements dans les marchés ; j'y ai envoyé pour m'assurer des faits^et je me suis convaincu que si ces soulèvements, d'abord imaginaires, finissent par exister, c'est précisément parce qu'on les a annoncés. (Applaudissements et murmures au centre à gauche.) Au reste, il y a à Paris des forces suffisantes pour les porter a Chartres, Blois et ailleurs; et si la Convention nie le permet, je marcherai à leur tête, je les précéderai comme je ie faisais au faubourg Saint-Antoine, pour ne pas d'abord effaroucher par,l'appareil de la. force, et je suis sûr que le langage de la raison guérira tout.
demande à-opposer au récit de San-terre des faits certifiés.
J'avais auparavant démandê la parole.
Lorsqu'il existait une Cour aux Tuileries, les aristocrates, qui conspiraient avec elle, avaient deux moyens dè servir sfes desseins, les fausses nouvelles et la listé civile. Mais à présent qu'il n'existe plus de liste civile, lès;ésclavès du tyrah ont èttcbré le moyen des fddssès alarmes. C'est la dernière ressource des àristobrates. Je pense qde le peuple et la Cbhvention né doivent pas s'effrayer èt je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Je demande que l'ordre du jour soit motivé sur ce qu'hier vous avez décrété que les çqmités d'agriculture et.de sûreté générale s'assembleraient pour s'occuper de l'objet des subsistances.
(La Convention nationale, après avoir entendu le commandant général de la garde de Paris, qui a annoncé que la plus grande tranquillité règne dans cette ville, passe à l'ordre du jour motivé sur ce que hier elle décréta qûe ses comités d'agriculture et de sûreté générale s'assembleraient pour s'occuper des subsistances, et renvoie à ces deux comités la lettre du ministre de l'intérieur, et les pièces qui lui ont été adressées par le département du Loirèt.)
L'ordre du jour appelle là suite de lit discussion (1) dû projet de décret du comité de législation sur le jugement du ci-devdnt roi et la forme d'y procéder; la pàrolë est aù citoyen Serre.
L'inviolabilité du roi est-elle absolue, comme on veut le faire entendre?
Citoyens, c'est la Constitution d'une main et ia raison dè l'autre, que
je vàis faire dériver en peu dè mots la prëuvè au contraire.
« Il n'y a point en France d'autorité supé- . Heure à la loi. Le roi ne règne que pàr elle, et ce n'est qu'au nom de la loi qu'il peut exiger l'obéissance,.. » Voilà la Constitution; voilà la loi positive dQiit on nie aujourd'hui l'existence.
Mais l'article 2 du même chapitre porte que la personne du roi est inviolable et sacrée. Mais l'article 8 semble lui garantir l'impunité de ses crimes. C'est ee qu'il importe d'examiner, puisque les partisans de l'inviolabilité font découler leurs arguments des dispositions de ces deux articles.
J'avouerai cependant que si la nation, avait consenti l'inviolabilité absolue du roi, tout cè qu'on pourrait dire aujourd'hui pour détruire ou prouver que ce contrat n'a pas existé serait inutile, et que la nation française ne pourrait juger Louis XVI, sans blesser à la fois sa loyauté et sa justice. Encore dans ce Cas, il ne s'ensuivrait pas qde les crimes de Louis XVI dussent rëster impunis, parce que la nation entière, en les garantissant, en devenait complice, et que, par conséquent, elle en ferait comptable envers la postérité, envers le geni-e humain entier.
Mais qu'on est loin d'établir, je ne dirai pas avec fondement, mais avec vraisemblance, une pareille supposition!
La nation était trop éclairée; trop juste, pour transiger sur ce point avec les principes, avec les lois de la nature. Elle n'avait consenti l'inviolabilité du roi, et personne ne ,1e contesté, que pour son intérêt propre, pour elle seule, et non pour lui (quoique le roi y prouvât son avantage personnel) ; donc elle n'avait pu donner à l'inviolabilité d'autre extension que celle de ses fonctions royales. Ainsi, partout oû les actés de la royauté ont cessé, l'inviolabilité du roi a fini.
Ne serait-il pas absurde de croire d'ailleurs que la nation eût pu comprendre dans là même inviolabilité, et l'individu agissant comme roi, et l'individu agissant comme particulière Dahs le premier cas elle pouvait au moins présumèr quelques avantages pour elle, tandis que dans le second elle n'y pouvait voir que l'oubli de ses droits, la résurrection du-plus odieux des privilèges, et le tombeau de l'égalité.
On conçoit bien comment, pour son avantagé, la nation avait consenti cette espèce d'inviolabilité; elle voulait, par là, se préserver des secoussès inséparables dès révolutions ; elle voulâit garantir plus de célérité et d'énergie à l'exécution de ses lois, mettre le roi à l'abri des calomnies et tentatives de l'ambition ; elle savait bien que ce 1 vice était plus particulièrement inhérent à cette espècè d'hommes qu'on appelait jadis Princes français, et qui prétendait avoir des droits éventuels à la Couronne; elle voulait y mettre un frein, parce qu'elle ne se croyait pas si ràppro-chée du tombeau des rois, et du triomphe de l'égalité.
On conçoit bien comment le roi pouvait être en même temps inviolable et ne l'être pas. Louis XVI, par exemple, opposant son infâme veto à la loi des 20,000 fédérés, à celles contre les prêtres réfractaires, était inviolable; Louis XVI, je suppose; dirigeant les forces nationales contre l'ennemi, et perdant une bataille par son impé-ritie ou sa lâcheté, était inviolable; Louis XVI nommant ses agents (bons ou mauvais); Louis exécutant la loi ; Louis, en un mot j dâns l'exercice de ses fonctions, était inviolable.
Mais Louis XVI protestant contre la nation, n'était plus qu'un grand coupable; Louis b conspirateur n'était plus Louis le général ; Louis
parjure n'était plus Louis exécutant la loi ; Louis, assassin du peuple, en un mot, n'était plus Louis, roi des Français (Applaudissements), il n'était plus qu'un monstre souillé de crimes, qu'un lâche scélérat, et comme tel, la loi qui est égale pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse, avait prévu son crime et prononcé son supplice.
Mais on ne concevrait pas comment une nation éclairée aurait pu donner à l'inviolabilité d'autres bornes que celles prescrites par la raison ou la nécessité; dire aujourd'hui qu'elle l'a fait, c'est mentir à soi-même; c'est la supposer en démence; c'est lui faire une injure; c'est convenir que la nation aurait pu croire qu'un vol, qu'un homicide, parce qu'il serait commis par le roi, aurait pu tourner à l'avantage de la nation.
Je dis donc, et c'est la vérité, que l'inviolabilité du roi n'a jamais différé de celle des représentants à la législature. Sur ce point j'en appelle à votre témoignage, législateurs intègres, qui avez lutté pendant trois ans contre ce que le despotisme a de plus redoutable, je veux dire l'or, qui corrompt, et les places qui séduisent.
J'en appelle au témoignage de votre conscience, citoyens; j'en appelle à la nation entière.
Quel est le Français qui, en jurant ia Constitution, a juré aussi l'impunité des crimes que le roi pourrait commettre? Quel est celui d entre vous, quel est celui qui n'aurait pas frémi d'horreur, même à l'idée d'une aussi infâme transaction? Aucun, j'ose le dire, excepté cette tourbe de factieux, ces artisans perpétuels du despotisme qui dominaient alors l'Assemblée constituante, et qui avaient besoin, sans doute, du manteau de l'inviolabilité pour couvrir et leurs crimes passés et ceux qu'ils méditaient encore.
Je dis en un mot, et c'est toujours la vérité, qu'en vertu de l'article 7 du chapitre premier de la Constitution, le roi, tout inviolable qu'on le supposait, tout puissant qu'il était, entouré de ses satellites et de son inviolabilité, pouvait être arrêté et traduit pour fait de vol, devant le juge de paix de sa section. Un roi devant un juge de paix! Pour les superstitieux, j'en conviens, le tableau est choquant. Oui, un roi devant un juge de paix; un roi, comme un autre citoyen, obligé de se justifier et de subir la peine de son crime; qu'a-t-elle donc de révoltant, cette idée? Un roi n'est-il pas homme avant d'être roi?
Mais, dira-t-on, l'article que vous citez n'est relatif qu'aux seuls représentants à la législature; il n'y est pas du tout question du roi. Je ne dis pas cela, moi; les dispositions de l'article sont générales pour tous les représentants de la nation; et certes, on ne dira pas, j'espère, que Louis XVI ne fût représentant de la nation; on ne dira pas que les fonctions royales étaient de nature plus grandes que celles des vrais représentants du souverain, pour exiger un privilège plus éminent.
Mais une preuve presque matérielle contre l'inviolabilité absolue, c'est que la nation n'a même consenti l'inviolabilité pour l'exercice des fonctions royales, que sous la garantie de la responsabilité des ministres.
Or, si pour des actes purement administratifs la nation a cru devoir exiger la responsabilité des ministres, à plus forte raison elle a dû exiger la responsabilité du vol ou de l'homicide; mais pouvait-elle raisonnablement exiger la responsabilité ministérielle contre les actions d'un roi voleur, ou assassinant à l'insu des ministres?
Non, sans doute ; donc elle n'a pas dû la stipuler dans sa Constitution.
Qui devait donc répondre des crimes du roi? Car, je le répète, il répugne à toute âme sensée de croire qu'un vol, un assassinat connus, pussent rester impunis, quel qu'en soit l'auteur. Qui donc doit en répondre? Ici point de doute encore, c'est le coupable lui-même.
Qu'on n'argumente point en sa faveur des dispositions des articles 2, 7 et 8 du chapitre II de la Constitution; ces articles sont au plus équivoques; mais fussent-ils positifs, ils n'auraient pas pu obliger la nation ni aliéner ses droits imprescriptibles; et d'ailleurs il est plus qu'évident qu'elle ne les a jamais consentis dans le sens qu'on veut leur donner aujourd'hui.
Je dis donc qu'on peut usurper les droits d'une nation; qu'elle-même peut bien les oublier un instant, mais ils ne cessent jamais d'être ses droits. Je dis que si Louis XVI ne s'est pas cru lié par la Constitution, qui lui défendait de ne point attenter à la liberté nationale, la nation n'a pu l'être encore moins; parce que, comme on l'a dit et je le répète, nul contrat n'est valide si les parties contractantes n'y sont respectivement liées, et que d'ailleurs il n'a jamais pu exister de réciprocité entre un roi et une nation.
Mais, dit-on encore, nul ne peut être jugé ni puni qu'en vertu d'une loi antérieurement promulguée à son délit, ici, ajoute-t-on, la loi a prévu des cas; elle a prononcé; elle est restée muette dans d'autres : respectons son silence.
Mais ici la loi contre les assassins existe, la loijContre les conspirateurs est promulguée; d'ailleurs, là où les lois sociales n'ont point parlé, ne trouve-t-on pas encore les lois de la nature? Si l'on admettait les raisonnements de Morisson, n'en résulterait-il pas que le silence de nos ancêtres aurait légalisé l'usurpation de la tyrannie, et qu'aujourd'hui nous ne pourrions pas, sans injustice, précipiter nos tyrans du trône dans la poussière? (Applaudissements) car les lois antérieures n'avaient point garanti la résistance à l'oppression. Or, selon ces mêmes lois, les journées du 14 juillet et du 10 août seraient des crimes affreux. J'avoue que Morisson, en défendant l'inviolabilité, a trouvé là un moyen ingénieux de faire le procès à la Révolution.
Il convient cependant qu'au moment du délit, j'aurais pu, sans injustice, céder à l'impulsion d'un sentiment trop naturel et irrésistible pour punir l'assassin de ma femme ou de mon fils. Un instant plus tard, dit-on, m'aurait privé de ce droit. Pourquoi? Parce que si le meurtrier de votre femme ou de votre fils est le roi, la loi n'a rien prononcé.
Citoyens, je ne croyais pas que la superstition de la royauté eut égaré des Français jusqu'au point de reconnaître des distinctions dans le crime. Quoi ! un roi voleur, un roi homicide serait plus aux yeux de la loi qu'un obscur assassin! Quoi ! un malheureux désespéré, réduit sous la loi impérieuse du besoin, qui vole ou assassine pour vivre, serait plus criminel à vos yeux qu'un roi dans l'abondance! Il a dit, et un sage avait raison : « Plus un homme paraît grand aux yeux des autres, plus sa place est éminente, plus elle suppose de vertus, plus ses fautes sont grandes, plus ses crimes sont énormes. » Et c'est aujourd'hui, c'est à la fin du xvme siècle qu'on prêcherait une maxime contraire!
Mais rendons grâce aux partisans de l'inviolabilité absolue, d'avoir laissé échapper un aveu
qui doit être bien précieux pour ceux qui la combattent.
Morisson a convenu que le roi, pris en flagrant délit, n'était pas inviolable; eh bien, Louis XVI est dans ce cas, puisqu'il a été pris encore teint du sang qu'il venait de répandre.
C'est donc en vain qu'on s'étaye de l'inviolabilité pour soustraire Louis au glaive de la loi : c'est encore en vain qu'on s'étaye d'une Constitution qui, en le déclarant inviolable partout, aurait consacré la tyrannie, effacé les droits du peuple, établi un homme au-dessus de la loi, contre le vœu de la loi même, détruit l'égalité, en ressuscitant le plus monstrueux des privilèges. Or, l'article 16 de la déclaration des droits, porte « que toute société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution; ». Or, je vous demande, citoyens, avec un roi dont les droits et les pouvoirs étaient illimités, aurions-nous eu une Constitution? Non ; eh bien, si nous n'avions point de Constitution, de quel droit Louis Capet prétendrait-il trouver l'absolution de ses crimes dans une Constitution qui n'a pas existé?
Mais enfin, dira-t-on, Louis XVI viendra vous dire lui-même : quand j'ai accepté la Constitution, j'ai pris l'inviolabilité dans le sens le plus étendu* autrement je n'aurais pas accepté une place dont les devoirs étaient si difficiles, les périls si grands, et la responsabilité si étendue; je ne l'aurais pas acceptée, si elle ne m'avait garanti l'impunité des crimes que j'ai pu commettre sans que ma volonté y ait pris part. Eh bien, je veux la supposer un instant absolue, ton inviolabilité, monstre, lâche, scélérat; mais, demande à Brunswick ce qu'il en a fait en prenant Longwy, Verdun ; va voir si elle a échappé aux incendies de Courtray, de Vonc, et de Lille ; examine enfin si elle ne s'est pas effacée dans le sang que tu fis couler à la journée du 10 ; et après cela, prononce, si tu en as l'impudeur ou le courage; prononce, dis-je, ou ton pardon ou ton supplice.
Je n'examinerai point cette question sous le rapport de l'intérêt public, $ous celui de l'influence que votre décision aura nécessairement sur l'esclavage ou la liberté des peuples. Mais puisqu'on vous menace encore de la colère des tyrans, qu'on ne compte pour rien la colère des peuples; puisque enfin on a mis en question s'il était de l'intérêt de la nation de juger le roi ne pourrai-je pas demander à mon tour : est-il de son intérêt qu'il ne le soit pas?
Sans doute, si la coalition des despotes est encore redoutable ; si les peuples plient encore un front soumis sous leur sceptre de fer; si ies premiers, déjà prêts à nous demander pardon, se liguaient encore pour venger ce qu'ils appellent les droits et l'honneur des rois; si cette nouvelle lutte de la tyrannie, contre la liberté devait encore coûter du sang à l'humanité, quoique sûrs de sortir victorieux du combat, je ne balancerai pas entre conserver à la vie un coupable dans l'impuissance de nuire, et exposer à la mort des milliers d'innocents ; car j'imagine bien qu'on ne nous forcera plus à les réintégrer dans ce qu'ils appellent ses droits et son autorité, et que si la raison ne leur a point appris à reconnaître notre indépendance, nos canons et nos baïonnettes leur auront au moins appris à la respecter.
Mais s'il est vrai, comme on le dit, que les trônes s'ébranlent, que le réveil des peuples s'approche; s'il est vrai, comme le dit Grégoire,
que. la mode des rois est passée, je ne vois pas quelle considération politique vous forcerait d'imposer silence à la loi, tandis que la nature outragée vous demande justice; tandis que 100,000 Français vous demandent vengeancer l'un pour son fils, l'autre pour son père; tandis, en un mot, que vous devez à la nation/à l'univers entier, à la postérité, le grand exemple que nulle autorité au monde n'est au-dessus de la loi.
Citoyens, d'après la Constitution et ces raisonnements, je me demande : Louis XVI peut-il être jugé?— Je réponds, oui.
(La séance est levée à cinq heures du soir.)
A LA SÉANCE DE LA CONVENTION NATIONALE DU
MÉMOIRE du ministre des contributions publiques sur les messageries (2).
Le prix du bail des messageries est-il dans une proportion équitable avec le bénéfice des fermiers?
Les fermiers remplissent-ils les conditions de leur bail?
Peut-on opérer un meilleur service en laissant les messageries entre les mêmes mains?
Quel parti faut-il prendre?
Telles sont les questions que je me suis posées, et que je vais résoudre.
PREMIÈRE QUESTION.
Le prix du bail des messageries est-il dans une proportion équitable avec le bénéfice des fermiers ?
Toute ferme qui, après avoir prélevé de son produit le prix du bail, les frais d'exploitation, et le salaire de ceux qui la régissent, laisse encore aux fermiers un bénéfice double de celui du propriétaire, lui a été surprise. Le partage en deux parts égales du produit net, l'une pour le propriétaire, l'autre pour le fermier, est la condition la plus avantageuse qu'un fermier puisse prétendre; il n'est donc pas possible de soupçonner que le prix du bail des messageries ait été calculé sur une proportion plus favorable aux fermiers, sans accuser, en même temps, ceux qui ont arrêté ce prix, d'avoir trahi l'intérêt du propriétaire.
Cette observation acquiert plus de force encore, si l'on fait attention que le propriétaire, qui est ici la nation, fournit lui-même et de ses propres deniers une grande partie du bénéfice que les fermiers se partagent. En effet, on ne peut nier que depuis vingt mois, les bénéfices résultant de l'exploitation des messageries ne proviennent du mouvement extraordinaire des assignats, mouvements occasionnés par leurs échanges, la nécessité d'envoyer des fonds dans les départements pour les dépenses de la guerre, pour la marine, pour les frais du culte, etc., par la vente des biens nationaux, par les remboursements d'offices, etc., etc., mouvement qui, loin
de tendre à sa fin, promet des bénéfices toujours plus considérables, surtout si la marche et le régime des messageries.se rapprochaient davantage des convenances du public.
Or, il est constant : 1° que les messageries reçoivent, dès à présent, pour le 'ëeul transport des fonde publics, plus de 1,200,000 livres; 2°que celui des voyageurs,'des marchandises et des fonds des commerçants et des particuliers donne au moins 600,000 livres; 3b que tant sur les traités pour la conduite des voitures que sur les frais de régie, on peut économiser au moins 250,000 livres ; partant, la totalité des bénéfices des messageries doit s'élever, au moins, à 2,500,000 livres. Le prix du bail devrait donc être fixé à plus d'un million, dans l'hypothèse la plus favorable aux fermiers ; il n'est que de 600,500 livres. Il n'est donc pas dans une proportion équitable avec le bénéfice des fermiers.
deuxième question.
Les fermiers remplissent-ils les conditions de leur bail?
Les fermiers se sont engagés à desservir exactement, non seulement les principales routes de la République, mais encore les communications particulières et principalement tous les chefs-lieux de districts, conformément à un état annexé à leur bail.
Qr, le service dé la majeure partie de ces communications ne se fait point. A la vérité, les fermiers ont pris des arrangements pour faire venir, tous les mois, les fonds1 de quelques receveurs de district ; mais, outre que le public est trompé par cet arrangement, beaucoup d'autres receveurs sont obligés dé sé déplacer pour porter leurs fonds dans les lieux où se trouvent de3 bureaux de messageries, ce qui les expose à des frais, des absences et des risques qui, directe-tement ou indirectement, tombent a la charge de la nation.
Les fermiers sont obligés de faire parcourir à leurs voitures deux lieues par heure et 25 à 30 lieues par jour. Cette diligence n'est point extraordinaire ; c'est le moins que le public puisse attendre d'un établissement dont le privilège écarte de toute entreprise ceux qui, comme én Angleterre, se piqueraient d'attirer la préférence des voyageurs par les avantages d'un transport très rapide.
Or, la diligence de Paris à Rouen met aujourd'hui 26 heures pour faire un trajet de 30 lieUès. Les autres routes sont desservies avec aussi peu de célérité.
Les fermiers étaient encore tenus d'établir au plus tard, au 1er octobre 1792 : 1° dès voitures commodes et légères dont aucune ne devrait être chargée de plus de huit quintaux; 2° des fourgons, pour le transport des voyageurs et marchandises, dont la marche serait de 15 à .20 lieues par jour.
Des voitures légères et peu chargées, auraient facilité les moyens de contenter les voyageurs et le public, sur la célérité du transport; elles pourraient aisément parcourir 30 lieues par jour, et, conséquemment, porter en quatre jours les voyageurs à une distance dé 120 lieues, comme à Lyon, à Strasbourg, etc.
Les fourgons n'étaient pas moins importants à établir. Destinés à la classe des citoyens, la moins aisée, ils leur procuraient une manière de voyager plus commode pour eux, et moins
incommode pour les citoyens en état de payer une plus grande vitesse.
Aucune dé ces conditions n'a été remplie : les fermiers ont conservé sur la majeure partie dei routes, leurs lourdes voitures à 10 places; et ces énormes machines sont "conduites si lentement qu'elles n'arrivent à leur destination qu'en consommant le temps destiné au repos des voyageurs, repos qu'elles rendent cepërtdant encore plus nécessaire d'ailleurs, les nouvelles Voitures établies seulement sur quatre routes, sont d'une cônstructipn presque aùsSi matérielle que les anciennes; et au lieu de borner leur chargé à huit quintaux de marchandises, on la porté de 15 à 18; en sortè que ces nouvelles voitures n'ont rien fait gagner aux voyageurs sur ces quatré routes.
Enfin, les fermiers ont conservé sur Ces nouvelles voitures, les cabriolets d'avant, au mépris de la loi qui ne les tolérait que sur lès anciennes machines. Ils ont ainsi éludé, au désavantage du public, la clause de leur bail qui les obligeait d'établir des fourgons faisant 15! à 20 lieues par jour, et dans lesquels on ne devait payèr que 8 sols par lieue.
Les fermiers n'Ont dont pas rempli les fonctions de leur bail ; et les plaintes du public à cet égard sont parfaitément fondées. Il demandé diligence et commodité, il n'a ni l'un ni l'autré; et, cependant, le privilège lé force, eh quelque sôrte, à se seryir des messageries:
Troisième question.
Peut-on espèrèx un meilleur, service, en laissant les messageries, entre les mêmes mains ?
Non- Indépendamment de l'effet nécessaire de tout privilège, de sacrifier le public à l'avidité bien où mal calculée des fèripiers ; l'exploitation des mèsSàgéries repose sûr uh autre vice radical. Gétté ferme a été adjugée à une compagnie de 131 maître^ de poste, dont la plupart flè sont intéressés au bail que pour un nlbdique fonds de 3,333 livres.
En prenait ces portions d'intérêt, les maîtres de postes fermièrs ont principàlèment cherché à s'assurer la cdnduité dey voitures à des prix qui leur fussent très avantageux : spéculation convenable, sans doute, à la sitùation dans laquelle ils sé trouvent" maintenant- placés à l'égard du service' général de la poste, mais qui ne peut convenir au public, sdus aucun rapport, puisque loin1 qu'il en sôit résulté un meilleur servicë, jamais les plaintes n'oiit été ni plus nombreuses ni' m'ieuxTondées.
Lés mal très de poste pensant peut-être que leur copropriété dans le bail, les constitue jugés de leUrs convenances, ne veulent se'soumettre à aUcun des règlements de police et de discipline, faits par l'administration centrale, quoiqu'ils l'aient établië pour ditigèr l'exploitation. Ils sè soiit constamment refusés à achétèr'dès' chevaux forts, tels qué la conduite des voitures les exigé ; en sorte qu'elles ne sont presque jamais attelées qtie des plus mauvais chevaux de leurs écuries : ils né veillent point à ce qu'dn relaye avéc célérité ét, C'est pour cela ett partie, que lès voitures né parcourent leur trajet qu'aux dépens du rèpos des voyageurs. Ert vain les inspecteurs, les'contrôleurs et les commis-conducteurs, cherchent-ils, par leurs représentations, à ramener les maîtres de poste à leurs obligations, ils ne sont point écoutés, les maîtres de poste ihtérèssés au bail prétendent n'avoir point d'ordrés à ré-
cevoir de commis dont ils sont les maîtres.
D'un autre côté, les maîtres de poste non intéressés au bail, jaloux deë bénéfices de leurs confrères, affectent de faire très mal le service pour dégoûter, de plus en plus, ceux qui voyagent par les messageries, afin de les engager à prendre la poste.
C'est sans doute, par un mauvais calcul que les maîtres de poste desservent mal les messageries dont ils sont fermiers; mais s'ils ne sont fermiers que pour un très petit intérêt, et seulement afin d'obtenir un prix considérable du service qu'ils peuvent encore tirer de leurs mauvais chevaux, on ne peut pas espérer qu'ils portent leur attention au delà; en sorte que les messageries sont sans aucun avantage pour les voyageurs et pour le public, soumises : 1° à une dépense extraordinaire et inutile, dépense qu'on évalue à 200,000 livres; 2° à une jalousie désastreuse, de la part des maîtres de poste non in téressés au bail. Quel motif porterait les uns et les autres à mieux faire ! II n'en est qu'un : la crainte de détourner les voyageurs. Mais la ty rannie du privilège les rassure. Ainsi, on ne saurait espérer un meilleur service en laissant les messageries dans les mêmes mains
quatrième question.
Quel parti faut-il prendre1
Il n'est pas de doute qu'il ne faille résilier le bail. Le prix en est abusif; les conditions n'en ont point été remplies. On ne peut pas se flatter qu'elles puissent 1 être; et, le public, mal servi, sous le rapport de la commodité et de la célérité, n'est pas content. Mais faut-il que la nation abandonne le bénéfice qu'elle peut tirer de cet établissement?
Est-il un moyen de le conserver et cependant de faire jouir le public de tous les avantages de la liberté?
Je crois que le problème sera résolu au plus grand avantage de la nation et du public, au moyen d'une régie nationale au sujet ae laquelle les régisseurs seraient eux-mêmes intéressés.
Nos besoins sont extrêmes, ainsi tout revenu qui ne blesse aucun principe et qui ne tourmente point la chose publique est précieux à conserver.
La commodité, la célérité et la sûreté des transports d'un lieu à un autre sont des parties importantes de toute bonne police. Si, d'un côté, la perfection des moyens ae transport est un résultat dé la prospérité publique, de l'autre, cette perfection est un grand moyen de prospérité.
Or, à cet égard, je pense que nous ne sommes pas encore assez remis de nos secousses; quë les citoyens ne sont pas encore assez en état de mesurer et de s'assurer sur leurs forces individuelles, et qu'ils ne sont pas encore assez accoutumés aux spéculations des régimes libres, pour abandonner, sans précautions, le roulage des messageries aux résultats de la concurrence. Les opérations du commerce, les communications entre citoyens, les transports que les besoins de la guerre exigent^ ceux qui riécéssitent les recettes, les dépenses et l'échange des assignats dans toute l'étendue de la République ; la régularité et la solvabilité que l'on recherche, surtout dans les temps critiqués, sont des objets de la plus haute importance ; on ne peut lés abandonner, tout à coup, à la libre industrie, saris offrir en même temps aux citoyens un éta-
blissement qui remplisse leurs besoins à point nommé et les dispense de l'embarras des recherches, de l'inquiétude de l'attente, et des doutes sur les dépositaires de leur confiance. En un mot, abattre subitement les messageries et s'en remettre à l'industrie des citoyens pour remplacer le service qu'elles font et la sûreté qu'elles offrent, serait tout au moins une imprudence; le public aurait droit de reprocher au gouvernement cet excès de confiance pour peu qu'il en éprouvât des désagréments. Il faut tout au moins faciliter le passage d'un état à l'autre ; mettre à l'abri de toute suspension le mouvement qui, de proche en proche, vivifie les sources de nos besoins, et perfectionne nos moyens. C'est la loi des sociétés dès longtemps civilisées et qui se régénèrent; on ne peut pas les recommencer en tout, pour se donner le plaisir de tout ramener aux premiers éléments ; on finirait par placer un petit nombre d'individus au milieu d'un vaste cimetière.
Ce ne sera donc pas contredire les principes de la liberté et les droits de l'égalité, que de conserver l'établissement actuel des messageries, en le faisant régir pour le compte de la nation. On favorisera, au contraire, tous les perfectionnements qui nous restent à acquérir sur le roulage commode et diligent ; car, en détruisant le privilège, les hommes industrieux s'enhardissent, et en conservant l'établissement, nous évitons, dans cette partie importante de l'économie sociale, les embarras qui ralentissent les progrès qui nous restent à faire relativement au service des voyageurs.
A ces considérations générales, je dois en ajouter de particulières, auxquelles nos circonstances donnent un grand prix.
La libre circulation des assignats est de la plus grande importance ; la rendre sûre est un soin que nous devons craindre de négliger. Il ne convient pas qu'elle se fasse par la poste aux lettres. Des détails de cette administration y rendent les vols trop faciles, pour qu'on ne doive pas en écarter la tentation; d'autant plus qu'il y a, tout à la fois, justice, convenance et profit à assurer le remboursement des assignats perdus ou volés, et que les précautions nécessaires pour rendre cette assurance possible sans être onéreuse à personne, sont incompatibles avec la célérité qu'exige le service des lettres.
Or, relativement aux engagements qu'on prend lorsqu'on assure les assignats contre les risques de transport, je doute qu'on puisse offrir promp-tement aux citoyens, un établissement particulier aussi solvable que l'est celui des messageries.
La solvabilité des assureurs ne se tire pas tant de leurs prospérités que de la somme journalière des primes d'assurance qu'ils retirent (1).
Or, l'établissement actuel des messageries, possède déjà dans les sommes qu'il tire de la nation pour le transport des fonds du Trésor public une masse plus que suffisante de bénéfice pour faire face à tous les cas de remboursement, et telle est, à cet égard, la force des choses, que, plus les sûretés sont grandes, plus le public se porte à les augmenter par la préférence qu'il donne à l'établissement le plus solide ; en sorte que celui des messageries, rendu sol-vable par ses gains actuels avec la nation, doit le devenir toujours plus, par l'effet naturel de la confiance que cette circonstance lui assure.
Cette basé de solvabilité n'est pas la seule dont l'établissement des messageries soit en possession; elle est encore augmentée par la valeur des effets et ustensiles que les messageries possèdent, par les cautionnements auxquels on peut assujettir les régisseurs, et par l'étendue et 1 efficacité des mesures que peut prendre, pour l'avantage du service, un établissement déjà parvenu à un aussi haut degré de consistance.
De pareils édifices ne se construisent pas en un moment. D'ailleurs, s'il était détruit, la circulation si importante des assignats, et le service, non moins important ,de la Trésorerie, languiraient infailliblement, jusqu'à ce que sur tous les points actuellement en communication dans la République, l'établissement des messageries ait été remplacé par l'activité entreprenante des citoyens.
Ces considérationssuffisentpour'démontrerque la conservation de l'établissement des messageries est nécessaire ; mais cette conservation comporte-t-elle la nécessité de maintenir le privilège .dont les messageries jouissaient? c'est ee qui reste à examiner.
Ce privilège consiste dans le droit exclusif : 1°, De fixer le départ des voitures à jours et à heures fixes annoncés ;
2° D'avoir des relais dans des points déterminés.
Je fçrai d'abord une observation générale.
Plus' un établissement de roulage a de force dans ses moyens, plus il a de ressources pour satisfaire le public à tous égards, et se maintenir en possession de la préférence dont il retire de si grands avantages.
Ce principe, vrai dans la théorie, ne peut être mis en défaut dans la pratique, que par une seule cause. C'est lorsque l'établissement jouit d'un privilège. Les privilèges sont les poisons des administrations ; elles deviennent négligentes, insolentes, elles acquièrent, en un mot, tous les défauts les plus propres à leur aliéner l'opinion publique.
La question est donc de savoir si l'établissement des messageries jouit de cette force de constitution qui lui permet tous les sacrifices propres à lui mériter de plus en,plus la confiance des citoyens. La réponse est déjà faite et l'on peut ajouter que des régisseurs, personnellement intéressés au succès du roulage, et soumis à la surveillance immédiate du pouvoir exécutif, ne sauraient avoir intérêt à mécontenter les citoyens.
A quoi donc servirait à la nouvelle régie le droit exclusif de fixer les jours et heures du départ de ses voitures, et de les annoncer? A rien : c'est même un droit non seulement odieux mais nuisible, car le vrai garant de l'exactitude des départs, c'est la crainte de voir d'autres entrepreneurs profiter du relâchement qu'on croirait pouvoir se permettre.
Le droit exclusif d'avoir des relais dans des
points déterminés, ne paraît pas plus nécessaire, d'après lés principes que j'ai posés.
On prétend que la permission d'établir des relais désorganiserait nécessairement non seulement l'administration des messageries, mais encore celle des postes. Mais pourquoi? Parce que, dit-on, toutes les spéculations de roulage se porteraient s^r les routes fréquentées et chargées des transports commerciaux, etc.
Mais il faut, pour cela, supposer qu'on peut mieux servir le public que ne l'a fait l'administration des messageries et celle des postes, car on ne se livre pas facilement à des spéculations de roulage sans la presque certitude du succès. Or, si l'on peut mieux servir le public que ne l'a fait l'administration des messageries, c est parce qu'elle est mauvaise; car j'ai prouvé qu'elle a, pour faire le meilleur service, une supériorité de moyens à laquelle il Serait difficile d'atteindre. Et pourquoi 1 administration est-elle mauvaise? à cause du privilège dont elle jouit, d'avoir seule des relais. Ge ne serait pas un grand mal qu'une pareille administration fît place à une meilleure ; et une meilleure administration ne craindra pas le droit dont chaque citoyen doit jouir, d'établir des relais où bon lui semble.
Quant aux postes, la liberté d'établir des relais ne peut nuire qu'au privilège de mal servir le public, et cela est si vrai, que, pour défendre le privilège, on est obligé de aire que si la faculté exclusive d'avoir des relais était supprimée, chacun pourrait alors en établir pour la, conduite des voitures ; que les entrepreneurs qui placeraient des chevaux sur les routes, ne seraient point tenus dé borner leur service à celui des messageries, et que plusieurs pourraient entreprendre la conduite des berlines et des chaises a un prix inférieur à celui de la poste, qu'alors l'établissement des maîtres de poste tomberait, et que le service des dépêches serait confié à une foute d'entrepreneurs dont plusieurs ne présenteraient aucune responsabilité, ce qui obligerait l'administration à former et à entretenir elle-même des relais sur les routes, ce qui entraînerait de grandes avances, etc.^ etc.
C'est donc toujours par l'intérêt du gouvernement qu'on cherche à séduire en faveur du privilège. On craint qu'il ne trouve pas des entrepreneurs responsables pour la conduite des dépêches. La responsabilité des maîtres de poste est-elle donc d'un si grand prix à l'égard de cette conduite, qu'il soit si difficile de la remplacer. Qu'exige-t-on d'eux? Des chevaux toujours prêts. Que faut-il pour cela? Un service assuré. Or, comme les dépêches ne peuvent pas cesser, il ne. manquera jamais, pour les conduire, d'entrepre-' neurs à qui on puisse les confier, surtout, si au service indispensable des dépêches, s'ajoute encore celui des voitures assujetties à des départs constants, réguliers, et dépendant d'un établissement monté sur de riches bases.
11 faut donc laisser aux citoyens la jouissance de leurs droits sur les relais : l'établissement des messageries n'a aucun besoin, pour se soutenir des procédés tyranniques. Que l'administration paye convenablement, et on la servira partout où elle voudra l'être. Il est dans l'ordre que certaines communications coûtent plus que d'autres et c'est pour cela que des entrepreneurs en état de les embrasser toutes, d'asseoir leurs conditions sur un grand ensemble et de conduire leur affaire avec intelligence et activité, n'ont besoin que de leurs propres forces pour se défendre contre des concurrents qui n'offriraient
ni les mêmes avantages, ni les mêmes sûretés.
L'établissement des messageries ne roulant plus sur aucun privilège, sa conservation ne choque aucun principe ; il est replacé dans l'ordre commun, ce n'est plus qu'une entreprise soumise, comme les autres, à la nécessité d'attacher irrévocablement ses succès aux avantages qu'on trouvera dans ses services, et c'est là ce que le public attend de la liberté et de l'égalité, à la possession desquelles il fait de si grands sacrifices.
Il reste maintenant à examiner si l'établissement actuel des messageries doit être régi pour le compte de la nation, ou s'il doit être mis en ferme à des conditions plus avantageuses pour le Trésor public que celles qui ont été accordées aux fermiers actuels.
Cette question est facile à décider. La mise en ferme ne convient plus dès qu'il ne s'agit plus de privilège. Les fermiers, dans ce cas, ne manqueraient jamais de recourir à la République pour en obtenir des indemnités chaque fois que leurs succès ne répondraient pas à leur attente. 11 n'y a donc pas à balancer : l'établissement des messageries, qui reçoit de si grands avantages de la République, et sur lequel il est si nécessaire qu'elle exerce une continuelle surveillance, à cause des trésors qu'elle lui confie, doit f être régi pour son comple; et, comme l'intérêt est le mobile des bonnes exploitations, il est également indispensable de faire participer les régisseurs et les préposés aux bénéfices de l'entreprise, dans une proportion et sous une forme qui entretiennent leur activité, éveillent leur vigilance, et stimulent leur conception sur tout ce qui peut augmenter les produits d'une manière durable et utile à l'établissement même.
L'accroissement de leur rétribution ne doit avoir de bornes que celle des profits. C'est une loi dictée par le but même qu'on se propose. Car si l'intérêt des régisseurs èst un stimulant favorable aux produits, son action cesse avec l'accroissement. Les remises peuvent devenir proportionnellement moins fortes à mesure que les bénéfices s'élèvent au-dessus d'un certain degré, mais jamais elles ne doivent cesser, quelque avantageux que devienne le traitement éventuel du régisseur. Toute jalousie à cet égard est injuste; elle ne suppose aucune grande vue en administration. Proposer de faire cesser les remises des régisseurs au delà d'une certaine somme, c'est proposer de fixer les profits des commerçants.
La régie intéressée à l'accroissement des produits, assure au public un grand avantage; celui d'exciter partout une grande émulation pour rendre les voitures plus commodes et les transports plus diligents, puisque ces deux avantages devront sans cesse exciter l'industrie des régisseurs. Enfin, si fe service de la poste aux chevaux doit être rendu à la liberté, par cela seul qu'il ne sera défendu à personne d'établir des relais, nul doute que l'établissement des messageries, intéressé à s'assurer ses relais et à multiplier ses voitures, ne prévienne tous les inconvénients qu'on pourrait craindre pour les voyageurs, des premiers effets de celte liberté.
J'ai prouvé :
1° Que la nation est lésée dans le prix du bail des messageries ;
2° Que les fermiers n'ont pas rempli leurs engagements ;
3° Que l'établissement actuel des messageries doit être conservé,
4° Qu'il doit être régi pour le compte de la na-
tion et par des régisseurs participant sans cesse aux bénéfices de l'entreprise.
Il reste à examiner si, en reprenant à elle l'établissement des messageries, la République doit des dédommagements aux fermiers actuels.
Je ne le crois pas, et, en cela, je ne pense pas être injuste, non seulement les fermiers ont joui d'un prix de bail abusivement trop bas, mais encore, ils n'ont pas rempli leurs engagements. De quel droit prétendraient-ils donc à des indemnités ? Où serait la peine de leur délit où serait le dédommagement dû à la République pour des profits inconnus, pas même présumés, dont les termiers ont joui? Comment justifierait-on ces indemnités au milieu de la sévérité que la Convention exerce contre une multitude de malheureuses victimes des changements et des besoins de tout genre, qu'entraîne la Révolution? Pourquoi prodiguerait-on, à titre d'indemnité, des deniers dont on est si avare sous tant d'autres rapports, malgré les sollicitations et de la justice et de l'intérêt public. En reprenant tout à elle, la République doit payer la valeur de ce qu'on lui met; c'est là tout ce que les fermiers ont droit d'exiger d'elle, jusqu'à ce que, du moins, d'autres principes dirigent l'économie des finances.
Est-il besoin de prouver que la régie des messageries doit être réunie au Directoire des postes? Je ne le pense pas. Ces deux administrations sont l'une et l'autre chargées d'immenses détails. On ne pourrait être tenté de les réunir que par économie, et cette économie se changerait bientôt en une dépense très coûteuse, si l'on fait attention qu'il s'agit ici d'établissements à faire prospérer, et-que, pour cet effet, il ne faut pas que ies directions soient surchargées par les travaux et les soins journaliers.
L'avantage delà réunion est uniquement dans la communauté des relais; mais rien n'empêche que le Directoire des postes et la régie nationale des messageries ne se concertent dans les marchés qu'ils feront avec les maîtres de postes, ou avec d'autres citoyens, pour avoir des relais sur toutes les routes aux jours et heures convenus. Le temps du relai pour les malles portant les dépêches, n'est pas le même que celui fixé pour les messageries. Tout tient à bien payer les fournisseurs de relais et à faire avec eux des conventions clairement exprimées.
Je joins ici : 1° l'état, par aperçu, des dépenses de l'établissement des messageries; il donne une idée de l'immensité de l'entreprise et des ressources qu'elle offre pour augmenter son utilité dans les mains des régisseurs encouragés par leur propre intérêt et par la nécessité de combattre la concurrence ;
2° Les bases d'après lesquelles il paraît qu'on doit résilier le bail et former la nouvelle régie.
Je terminerai par une dernière observation.
Les régies intéressées sont sans doute les meilleures de toutes. Cependant les améliorations ne rapportent pas immédiatement les bénéfices qu'on en attena; la plupart exigent des avances et une suite de dépenses qui, en attendant l'indemnité, frappent sur la totalité des produits de l'établissement; d'où il résulte que des régisseurs inceriainsde la durée de leur place, répugneront à toute amélioration qui prendrait sur les bénéfices actuels, et ne promettrait que des profits éloignés.
Il faudrait donc, pour concilier l'intérêt du public et de l'entreprise avec l'intérêt des régisseurs, que ceux-ci lussent assurés de leurs places pour un certain nombre d'années; cette
condition entre même nécessairement dans le système de toute régie intéressée, si l'on veut qu'elle remplisse son but; mais des régisseurs inamovibles affaiblissent l'action du gouvernement; ils peuvent lui opposer une grande résistance/ '
Cette objection peut être levée de deux manières.
On peut statuer que toute dépense dont le remboursement ne peut se faire qu'à la longue pat le produit sera mise hors du compte des dépenses ordinaires lorsque lés remises seront régléës; en sorte que ces dépenses ne puissent pas lès diminuer ; ou bien assurer aux régisseurs leurs placés pour neuf années, et que, pendant ce terme, leur révocation ne pourra s'effectuer
gu'avpc l'approbation de l'Assemblée législative, e dèrnier expédient serait peut-être préférable à tout autre.
Signé : CLAVIÈRE.
Etat de l'aperçu des dépenses de l'exploitation des
messageries pour la partie non sous-fermée.
1. Pour frais de conduite des diligences par la posté, environ........................ 2,000,0001.
2. Pour loyers de màisons à Paris etpKx de fermes et dépenses
dé ferme de Soisy..:.......... 33,000
' 3. Pour illumination, entretien de l'horloge, poêle et des eaux de Perrier...............................8,800
4; Pour frais dé nourriture des -chevaux de fourgons............ 600,000
5. Pour frais ' d'entretien et dé construction des voitures et harnais............................ 800,000
6. Pour loyers des maisons dans les différentes villes dés départements;......................:.. 40,000
7. Pour dépenses extraordinaires de route-pour les diligences ét fourgons, et pàyemént des chévaux de renfort......:..................1 25,000
8. Pour honoraires et droits de présence des huit administrateurs 80,000
9. Pour honoràireà des membres composant le conseil général d'àd-ministration.......................6,000
10. Pour frais de poste et de tournée des commissaires-inspecteurs. 25,000
11. Pour honoraires des membres du comité contentieux, appointements du bureau du conténtiéux et
frais de procédure...........20,000
' 12. Pour traitements de l'architecte, du chirurgien et du prête-nom de la ferme................. 6,000
13. Pour appointements des ins- -peçteurs généraux et dés contrôleurs ambulants".;.......... 48,000
14. Pour appointements du caissier, des commis à la caisse et garçons de caisse...-................ 12,000
15. Pour le bureau des sous-fermes
et du recouvrement des effets.... 12,000
16. Pour le bureaù du secrétariat général................ 15,000
17. Pour celui de la correspondance générale.................. 12,000
18. Pour celui de la comptabilité
et de la vérification.......... 24,000
19. Pour celui du comptage de la pesée ét dèrènrègistremént des
assignats —................... 14,000 1.
20. Pour les huit bureaux des départements de Paris............. 60,000
21. Pour appointements des commis' préposés à la survèillance des conducteurs des ateliers et des cburs....'......;.....:..14,000
22. PoUr gages des pôrtièrs ét aides-portiers................... 7,000
23. Pour frais de chauffage dés bureaux, lumières, fournitures de registres, feuilles, papiers, encré, plumés, Canifs, grattoirs, cire à cacheter et aûtres objets nécessaires
dans les bureaux................ 36,000
24. Pour frais d'impression..... 24,000
25. Gages des conducteurs et cochers.. ...... :.... %............ 180,000
26. Pour appointements des directeurs et contrôleurs dans les différentes villes des départements. 1472600 "27. Pour frais de bureau....:.. 35,400
28. Pour pertes, vols ét avaries. 200,000
A quoi il convient d'ajouter les dépensés des différentès routes directes sous-fermées et qui devront rentrer dans l'exploitation directe de la régie. :
Gès dépenses, en raison de la quantité et dè l'étendue des routés et dés voitures d'eau, peuvent être pyaluëes à....................'. : 3,580,000
Total général..... 8,062,800 1.
On observe que l'on ne fait pas mention dans l'état ci-dessus dés frais qu occàsionne l'ex-ploitatiôn de toutes les petites routes de copri-m u n ica tion,'qu'il'sera prudent dé soùs-fermér pu de maintenir lès baux existants. ' ' Si les vués indiquées pàr le mémoire ci-joint sont adoptées, voici d'après quelles bases on estime que le bail doit être résilié èt la régie formée :
« Art. 1er. Le bail des messageries, coches ft voitures d'eau, adjugé le 16 mars 1719, à Jean-François Dèqueux, pour six ans neuf mois, qui ont commencé au 1er avril suivant, sera et demeurera'résilié au 1er janvier 1793.
« Art. 2. Tous lés baux qui' ont pu être passas par ledit Ejeqdeux, relàtiveinent à cettè exploitation, seront résiliés de même; ' « Ar|. 3. Il'sérà!1 procédé, avant cette époque, par dés experts nommés Respectivement par le ministre des contributions publiques et ledit pequéux, â l'estimation des chevaux, voitures dè toute espèce, coches, bateaux, fourrages, ustensiles et effets iclé toute nature, maisons et magasins servant à ladite exploitation èt appartenant tant aqdit fermier'qu'à éeux de ses sous-fermiers dont les baux ne seront point maintenus.
« Art. 4. Le montant desdites estimations leur sera payé comptant.
1 Nota. — On pense qu'elles s'élèveront à 1,200,000 livres environ.
« Art. 5. Ledit fermier sera de même remboursé comptant des sommes, à titre d'avahce, ainsi què des pots dé vin, qu il jùstiiSèra avoir payés tant aux propriétaires des maisons louées poijr Son exploitation qu'aux entrepreneurs des relais et
à tous autres fournisseurs, et ce dans la proportion des non-jouissances.
« Art 6. 11 sera pareillement payé comptant, sur un état détaillé et certifié qu'il sera tenu de fournir, et après vérification préalable, du montant des ports dus, pour les paquets qui, faute d'être réclamés, sont restés dans les bureaux de messageries.
« Art. 7. A compter dudit jour, 1er janvier 1793, il sera établi une régie intéressée au compte de la nation, pour l'exploitation des messageries, coches et voitures d'eau comprises au bail du dit François Dequeux.
« Art. 8. Cette régie sera sous la surveillance immédiate du ministre des contributions publiques. Aucun marché ni traité n'aura de force qu'il n'ait été visé par lui.
« Art. 9. Elle sera dirigée par 5 régisseurs, à la nomination du pouvoir exécutif, qui résideront à Paris.
Nota. Cette exploitation est dirigée aujourd'hui par huit administrateurs nommés par les fermiers, aux appointements fixes, l'un de 15,000 livres, un second de 10,000 livres, les autres de 7,500 livres, indépendamment des remises.
« Art. 10. Chacun de ces régisseurs aura un traitement fixe de 8,000 livres par année. Outre ce traitement, les régisseurs auront droit à des remises sur les produits nets de la régie, lorsqu'ils excéderont la somme de 70,000 livres.
« Ces remises seront réglées comme il suit :
« Elles seront d'un cinquième sur les premières 100,000 livres, d'un dixième sur les secondes 100,000 livres, et de 2 0/0 sur toutes les sommes qui excéderont ces deux 100,000 livres, à quelque somme que l'excédent puisse arriver.
Nota. On croit devoir observer que lés dépenses de toute nature, qu'une exploitation telle que celle des messageries entraîne, sont immenses, et qu'une pareille administration exige de la part des régisseurs beaucoup de connaissances, une surveillance et une activité soutenues, qui rendent leurs fonctions très pénibles.
« Art. 11. Les susdites remises seront chargées de la retenue du quart de leur montant, quel qu'il soit ; et cette retenue servira à faire un fonds de gratification en faveur des employés dans l'administration et dans l'exploitation des messageries, coches d'eau et autres voitures.
« 11 sera prélevé sur la portion des profits appartenant à la République, et sur laquelle les régisseurs auront exercé leurs droits de remise, une somme égale à celle retenue aux susdits régisseurs sur leurs remises, laquelle somme sera ajoutée au fonds de gratification.
« Art. 12. Aucune gratification ne pourra être distribuée, sauf les cas extraordinaires, qu'à l'expiration de la seconde armée, et dans le cas où les remises auraient eu lieu-
« Il sera fait un règlement pour déterminer les motifs d'après lesquels les gratifications seront accordées et le mode de leur distribution. Ce règlement n'aura de force qu'après l'approbation du pouvoir exécutif.
« Art. 13. Les gratifications, pour les cas extraordinaires, ne pourront être accordées que par le pouvoir exécutif sur le rapport du ministre des contributions publiques et d'après l'avis des régisseurs. Elles seront prises sur le fonds des dépenses imprévues.
« Art. 14. Lesdits régisseurs seront tenus de fournir chacun un cautionnement de 60,000 liv. en immeubles.
« Chaque employé comptable en fournira un proportionné à sa recette.
« Art. 15. Tous les employés et agents de la régie seront à la nomination des régisseurs, qui pourront les destituer.
« Art. 16. Lesdits régisseurs exploiteront directement toutes les grandes routes partant de Paris et ne pourront, sous aucun prétexte, les affermer.
« Art. 17. Ils sont autorisés à maintenir les sous -baux des routes de communication, ou à en passer de nouveaux, si l'intérêt public l'exige.
« Art. 18. Les baux des maisons louées, tant à Paris que dans les villes des différents départements, pour l'exploitation des messageries, notamment celui de la ferme rurale de Soisy, destinée au rétablissement des chevaux fatigués ou malades, seront maintenus jusqu'à leur expiration.
« Art. 19. Tous les traités et même les conventions sociales faites pour la conduite des diligences, fourgons et autres voitures, pour la nourriture des chevaux, ainsi que les marchés pour fournitures, seront résiliés, à compter du 1er avril 1793, et les régisseurs autorisés à en passer de nouveaux avec qui bon leur semblera, de la manière la plus avantageuse, tant pour l'intérêt de la régie que pour l'exactitude, la sûreté et la célérité du service.
» Art. 20. Les différents entrepreneurs de ces marchés, traités ou fournitures, même les maîtres de poste intéressés au bail, seront tenus de continuer l'exécution desdits marchés et traités, chacun en ce qui les concerne, jusqu'à ladite époque du 1er avril 1793, aux prix, charges et cenditions qu'ils ont souscrits.
« Art. 21. Le tarif décrété par l'Assemblée nationale constituante pour le service des messageries, coches et voitures d'eau sera maintenu dans son intégrité.
« Les régisseurs pourront néanmoins faire, sous l'autorisation du ministre des contributions publiques, tels traités en modération de prix qu'ils jugeront convenables avec les négociants qui chargeront les messageries de transports considérables et fréquents.
« Nota.— Cela s'est toujours ainsi pratiqué, et le fermier actuel a maintenu cet usage, qui est en même temps favorable à son intérêt et à celui du coïYiYYievce.
« Art. 22. A compter dudit 1er janvier 1793, il sera libre et permis à tous citoyens d'établir telles voitures que bon leur semblera pour le transport des voyageurs et des marchandises, de les faire partir à jours et heures fixes, et conduire par des relais; le privilège dont jouissaient à cet égard les messageries nationales demeurant aboli.
« Art. 23. Les dispositions de tous les décrets rendus sur le fait des messageries, coches et voitures d'eau, ainsi que les anciens règlements, non abrogés, continueront d'être exécutés en tout ce qui n'est pas contraire aux susdits articles ».
Séance du
La séance est ouverte à dix heures un quart.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi, 27 novembre 1792.
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire donne lecture de deux adresses : l'une de la Société des amis de la liberté et de Végalité de Vié; l'autre des municipaux de cette ville.
(La Convention ordonne la mention honorable de ces deux adresses.)
fait une proposition tendant à modifier l'article 2 du décret du 27 novembre 1792, concernant Y administration des maisons et domaines de la liste civile. Il cite notamment l'exemple de la domesticité attachée au ci-devant château de Brunay, qui ne se trouve pas atteinte parles dispositions de cet article, et propose d'une façon générale, de déclarer, que dans le décret du 27 novembre écoulé, concernant l'administration des domaines de la ci-devant liste civile, ne sont pas comprises les manufactures dont l'administration avait été laissée au ci-devant roi.
Le ministre de l'intérieur, ajoute-t-il, pourrait rendre compte de l'état de ces manufactures et de leur régime actuel.
(La Convention adopte cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
La Convention nationale décrète que, dans le décret du 27 concernant l'administration des domaines de la ci-devant liste civile, ne sont comprises les manufactures dont l'administration avait été laissée au ci-devant roi.
« Le ministre de l'intérieur rendra compte incessamment de l'état de ces manufactures et de leur régime actuel. »
Je demande que les commissaires de la Convention nationale, destinés pour la Savoie, soient chargés de présenter au peuple savoisien, de la part de la nation française, un drapeau fédéral pareil à celui qui a été donné aux 83 départements de la République.
Je demande la question préalable sur cette proposition. Ce n'est point une fédération, mais une union que nous avons faite avec la Savoie.
J'appuie la question préalable ; gardons-nous de faire dépendre cette union d'un signe militaire tel que ce drapeau. L'union des peuples entre eux doit être cimentée par la fraternité et la confiance, sur les bases durables.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur la proposition de Philibert Simond.)
Citoyens, je n'étais pas présent au moment où, sur la proposition de Camus, l'Assemblée a rendu l'article 2 du décret concernant Y administration des maisons et domaines de la liste civile, exécutoire pour les gens qui existaient encore dans le ci-devant château de Brunoy; non seulement j'aurais appuyé Camus, car vous ne croirez peut-être pas qu'il y a de ces
individus qui reçoivent encore aujourd'hui jusqu'à 1,000 écus de traitement, aux frais de la nation, mais j'aurais demandé, en outre, et j'en fais en ce moment la motion expresse, que ce décret s'étende à toutes les maisons des ci-devant princes; mais en même temps qu'il est de la nation de renvoyer tous ces individus, je crois qu'il est aussi de la justice de l'Assemblée d'accorder aux infirmes, à ceux chargés de famille ou qui ont vieilli sous le harnais des livrées, une indemnité proportionnée à leur âge, à leurs besoins et à leurs années de service. En conséquence, je demande que l'article 5 du décret dont je viens de vous parler, puisse aussi leur être applicable ; je ne fais cette demande que pour ceux qui avaient un service pénible dans ces maisons, et qui ne participaient point aux dilapidations' qui s'y sont commises, au point que le gouverneur de Brunoy, un nommé Cromat-Dubours, a émigré avec la concierge, après avoir pillé tous deux une grande partie des effets appartenant au ci-devant Monsieur.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(La Convention passe à l'ordre du jour sur cette proposition.)
Je me présente à la tribune pour rendre compte des raisons qui m'ont engagé à revenir à mon poste avant l'expiration de mon congé. J'en avais obtenu un pour quinze jours, le 23 octobre dernier. Je n'en fis pas usage aussitôt, parce que la tranquillité publique paraissait menacée; et que s'il y avait des dangers à courir, je voulais les partager avec mes collègues. Enfin je partis pour Anet où j'ai ma résidence, il y a eu samedi huit jours. Pendant mon absence, le ministre de l'intérieur a déposé à la Convention des pièces trouvées aux Tuileries. Dans l'intervalle, a été arrêté un particulier du même nom que moi, et qui a été commissaire du pouvoir exécutif. Mes ennemis, et j'en ai beaucoup, car j'ai fait tout ce qu'il faut pour en avoir.
Plusieurs membres : Et vous avez bien fait.
J'ai appris, dis-je, que mes ennemis ont répandu que jetais un traître, que j'étais compromis dans les papiers trouvés aux Tuileries, qu'on avait décerné un mandat d'arrêt contre moi, que j'avais pris la fuite. Le dessein des scélérats était de faire dévaster mes propriétés et tomber ma tête. Pour mes propriétés, je les leur abandonne ; ma tête je la leur apporte, la voilà, je la présente à mes détracteurs. Ma présence déconcertera leurs projets, car ils sont lâches; ils redoutent les hommes de courage, et ils savent que j'en ai. (Applaudissements.) Mes collègues, le jour de la vérité approche. Le peuple connaîtra et ceux qui le servent et ceux qui le trompent. Je demande que la commission fasse au plustôt son rapport sur ces pièces, afin que le soupçon ne pèse pas plus longtemps sur la tête de nos collègues estimables. Les calomnies se répandent dans les départements, et la confiance y est facilement altérée. {Vifs applaudissements.)
Lorsque le rapport sera fait, et cette affaire terminée, je demanderai à la Convention la permission de retourner dans mon village jouir du reste du congé que j'ai obtenu.
Lorsque Roland a déposé ces papiers, il a dit que des députés des deux premières Assemblées y étaient compromis. Je ne suspecte point ses intentions, je répondrais même de leur pureté. Mais il a commis au moins une, grande
imprudence. 11 devait déclarer s'il existait dans la Convention de ces membres compromis. J'appuie la demande de Delacroix.
Il ne faut pas perdre de vue que lorsque des malveillants disent : On a arrêté un nomme, ils veulent, le premier jour, lui ôter la confiance, le lendemain le rendre suspect, enfin, le faire croire coupable « le faire arrêter et élargir » ; or, on sait ce que ces hommes entendent par là. Le soupçon ne s'efface plus ; il poursuit de son trait empoisonné le citoyen assez malheureux pour en être atteint. Citoyens, voici ma profession de foi publique; je vais directement à mon but, c'est-à-dire à mon devoir. La mort est sur ma route, je le sais; mais qu'elle repose dans la main du scélérat ou qu'elle m'attende au bout de la carrière, que m'importe! Cela ne me fait point peur, je sais que je dois mourir un jour, ie serai trop heureux de mourir pouç la patrie. (On applaudit.)
Sans doute il est,doux de mourir pour sauver la patrie ; mais il ne faut pas mourir pour des scélérats.
Si la commission ne peut faire Son rapport tout de suite, elle peut au moins répondre négativement. Je demande que, séance tenante, la commission dise s'il y a des députés de la Convention inculpés dans les pièces trouvées aux Tuileries.
(La Convention décrète que la commission des Douze sera tenue dè déclarer, séance tenante, s'il y a des membres de la Convention nationale compromis dans les papiers apportés par le ministre Roland.)
Delacroix n'est pas le seul que le bruit public ait dénoncé. Avant-hier au soir, on répandait dans les places, dans les sections, dans les cafés, qu'on venait d'arrêter plusieurs députés, au nombre desquels on plaçait Camus; on m'a fait aussi cet honneur. Tout cela prouve qu'il y a des scélérats qui cherchent à détruire la confiance, et des êtres faibles qui se laissent séduire. Les premiers méritent du mépris, les autres excitent la pitié. Mais la motion de Delacroix, notre collègue, vous a prouvé la nécessité de fixer votre attention sur les motifs qui ont fait arrêter ce certain Delacroix, accusé d'avoir délivré de faux certificats de résidence. Une grande partie de la fortune publique est attachée à cette affaire. Je demande que, dans vingt-quatre heures, le comité de sûreté générale fasse son rapport sur les faux certificats •de résidence et sur l'arrestation de Delacroix.
(La Convention décrète que le comité de sûreté générale fera, dans les vingt-quatre heures, son rapport sur l'affaire des faux certificats de résidence de la municipalité de Paris, et particulièrement sur l'affaire du citoyen Delacroix.
, secrétaire donne lecture : 1° d'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, relative à une demande du prince de Linange ;
(La Convention renvoie la demande au comité diplomatique.).,
2° D'une lettre de Lebrun, ministre des affaires étrangères, par laquelle
il fait part d'un arrêté pris par la Société établie à Rochester pour la
propagation des Droits de l'homme; cette lettre est ainsi conçue (1) :
Paris, le er de la République.
« Le ministre plénipotentiaire de la République en Angleterre, vient de me faire passer la décoration militaire de Henri Montfort Power, né à Londres en 1736, passé en 1758, au service de France, où il est resté jusqu'en 1791, ayant été, à cette époque, réformé avec l'état-major des InvàlideSj après 33 ans de service.
« Il a sollicité inutilement de l'emploi par quatre 'mémoires adressés aux ministres de la guerre, Duportail, Narbonne et Degrave. Affligé de goutte aujourd'hui, il dépose sa croix sur l'autel de sa patrie adoptive, jusqu'à ce que sa santé lui permette de dévouer ses bras pour la défense de la liberté et de l'égalité, au maintien desquelles il jure de consacrer ce qui lui reste d'années à vivre.
« Je copie, citoyen Président, les propres expressions de Henri Montfort Power. Il m'est doux d'ajouter que ce dévouement à la cause de la République française devient général parmi le peuple anglais. Les adresses que j'ai été chargé de faire passer à la Convention nationale, en sont une preuve frappante. Hier enéore, j'ai reçu d'une société qui consacre son temps à établir l'empire de la liberté et de l'égalité, et qui placerait son bonheur à pouvoir contribuer à l'union de deux peuples trop longtemps ennemis, une résolution prise dans sa séance du 20 de ce mois, dont voici la traduction :
« La société ayant été informée, que M. Lynd-fay est dépêché à Paris, sans aucun caractère diplomatique qui annonce que le ministère anglais reconnaît la République française,
« A résolu unanimement que cette société voue au mépris, à la haine et à l'indignation des vrais amis ae la liberté, les agents d'une administration corrompue, qui ont l'audace d'envoyer aux ministres d'un peuple libre, un certain Lïndfay, avec un message menaçant, insultant, dans la vue d'obtenir des conditions qui déshonoreraient la majesté du peuple français, et de lui faire abandonner la cause des peuples qui aspirent à recevoir de lui le bienfait de la liberté ;
« A résolu que le Président de la société invitera tous les amis de l'égalité, toutes les sociétés correspondantes èn France, à employer leur zèle, leurs efforts, leurs sollicitations auprès du conseil exécutif, même le ministre citoyen ayant le département des affaires étrangères, à ne recevoir, ni reconnaître le messager insolent Lindfay ; à refuser toute communication avec le cabinet britannique, jusqu'à ce qu'il ait reconnu la souveraineté du peuple français, et chassé de la Cour l'infâme Galonné, boutefeu, instigateur odieux, intrigant ami du despotisme, et agent malévole d'un parti infâme ;
« A résolu aussi que la société continuera ses séances deux fois par semaine, et que des remerciements seront faits au citoyen ae La Ches-naye, pour son zèle infatigable à nous procurer des lumières, intelligences et objets d'instructions.
« Cet arrêté a été pris par la société établie à Rochester, pour la propagation des droits de l'homme.
« Signé : LEBRUN. »
(La Convention décrète l'impression de la lettré
de la Société de Rochester à la Convention nationale et lé renvoi ail comité diploniàtique. Bile en ordonné; en outre, la mention honorable au procès-verbal.)
Le même secrétaire donne lecture de deux autres lettres :
1° Lettre dé Frédéric Schlûter, qui àdrëssè à la Convention un, ouvrâge en alletnâiid sur i'ins-ttuction publique.
.(La Convention ordonne ia mention honorable.) •
2° Lettre de Vex-ministre Narbgnne* qui écrit à la Convention pour lui demander la faculté de revenir apporter à l'appui du procès du roi et pour sa défense, les renseignements qu'il peut avoir comme ministre et conseiller intime de Louis XVI.
(La Convention pâséë à l'ordre dtl jdtlt avant la fin de là lecture.)
Je dépose, au nom de la Sociétés des Républicains de, Nîmes, 1.070,; livres pour les habitants ae Lille et de Thidnvilie. (Applaudissements.)
Et moi, j'offre à mon tour 50 livres en assignats de la part d'un. Français qui est à Rome, et qui a envoyé son offrande, pour la remettre à la Convention, au procureur syndic du district de Melun. (Nouveaux applaudissements.)
(La Contention ortiodne là mention honorable de ces deux Offrandes; et décrété qu'un extrait dtl prOcèg-vèrbal sera remis aux doiiâtedrs.)
Je. suis saisi d'ùqe lettré dune dépuiatwn des commissaires aes sections, de Paxis et dés membres du conseil ae la commune, qui, demandent à être introduits, pour entretenir la Convention de l'objet des subsistances.
Comme la pétition qu'on veut présenter est le préliminaire de la discussion qui va s'ouvrir, on ne peut se dispenser, je ne dis pas de l'entendre, mais de la lire, quoiqu'il soit dangereux de donner cette espèce d'initiative. Il est bien extraordinaire qu'on ne puisse rien discuter ici, sans être influencé d'une manière quelconque. Je fais donc la motion qu'on lisfe cette pétition si importante et qui cadre si bien avec les insurrections de Blois.
(La Convèntioii décrète 1'admissidtt.) | La députàtion des coirimissaires des sections de Paris et des membres du conseil de la commune est introduite à la barré.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
Représentants du peuple, les commissaires des sections réunis avec le conseil général de la commune, viennent vous présenter le tableau de grands maux; sûrs qu'ils sont d'en obtenir le remède, puisqu'il est en vos mains. La partie la plus nombreuse du peuple, celle qili a fait la Révolution, qui la maintiendra, qui fait aimer la liberté, qui mérite avant tout votre sollicitude, est livrée aux plus grandes inquiétudes, à la plus cruelle misère, une coalision de riches capitalistes vèUt s'emparer de toutes les ressources territoriales et industrielles ; non contente d'etitretenir la cherté des subsistances, ellë les dénature, en travaillant, en empoisonnant les boissons. Une nouvelle aristocratie veut s'élever sur les çlébris de l'ancienne, par le fatal ascendant des richesses. Les maisons de commerce, de banque,, de secours, les caisses prétendues
patriotiques, .étaient liguées aveç le tyran des Tuileries,, pour affamer le peupleet le reconduire au despotisme par la disette,.
La Révolution est faite; il n'en faut plus. L'Assemblée constituante décrëtà la supjpreésibn des entrées, le peuple allait être soulagé, mais elle décréta là liberté du commercé ; et son bienfait dévirit nul. Au nom du saldt public, nous venons vous demaridèr de rèndrè éM autorités cdnsti-tuëfes le droit de taxer les denréës dë première nécessité;
Si une aristocratie nouvelle veut s'éiever sur les débris, de l'ancienne, ëjle aura le même sort; le peuple n'a pas conquis la liberté a si haut prix pour la perdre. Si d'un autre côté des vampires vëûlent engloutir ses subsistances, ils seront piinis parla loi. La Cph-yêntiph examlhera l'objet de votre pétition. îllle vous accorde lès honneurs de la séance. (Ap-plaudissemen ts.)
(La Coqventipn renvoie la pétition au comité d'agriculture et de commerce réunis.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport \i) et présente un projet de décret (2) sur la suppression du tribunal criminel établi à Paris au mois d'août dernier et sur le traitement de ses membres. Il s'exprime ainsi ; .
Concitoyens, les motifs qui piil déterminé rétablissement d'un nouveau tribunal criminel à Paris, au milieu du mois d'àoût dernier, vous sont trop brésents à l'èsprit, pblir qu'il soit besoin de totis les rdppeler. Il suffira de vous re-trRcër iln petit nombre dë faits dont la connaissance est nécessaire pour bien entendre qùelqûes-Uns des articles du projet dë décret que le comité de législation m'a chargé de présenter.
Une loi du 15 août dernier ordonna la nomination, jiar chacunè des dèux sections de Paris, de deux jurés d'àfccUsation et deux jurés de jugement destinés â prononcer sur « les crimes au 10 août dernier, imputés au officiers et soldats des ci-devant gàrdes-suisses, complices et adhérents. »
Le surlendemain, 17 août, une autre loi ordonna qu'il serait procédé à la formation d'un corps électoral, pour nommer les membres d'un tribUhal criminël déstihé à juger les mêmes crimes.
Ettfih, £iar une autre loi du 11 septembre suivant, rattrlbdtioû accordée à ce tribunal fût provisoirement étendue à tous lès crimes commis dans lë département de Pans, à l'exception de ceUX qui exigeaient là formation d'un juré spécial, tels que le crime de faux, etc.
Suivant l'article 2 de la -foi du 17 août, le tribunal a été divisé en deux sections; composées chacune de quatre juges, quatre suppléants, un accusateur public, deux greffiers, quatre commis greffiers et un commissaire national. ^article, 9 veut que les deux sections ,du tribunal criminel soient en activité,, sans intervalle de session, et que les fêlais pour la convocation et la réunion dés jurés d'accusàtion et de jugement ne puissent jamais excéder vingt-quatre heures.
L'article 6 de la mêmé loi ordonne de plus, que « lë Cbrps électoral
nOmlhéfa se|)t directeurs de juré; que quatre directeurs du juré
formeront Un tribunal qui remplira les fonctions as-
L'article 10 àjoûte : que « le costume et le traitement des membre^ composant Je.tribunal (criminel) seront les. mêmes que céiix attribués aux membres dii tribunal criminel (lu département de Paris. »
La loi du 17 août në parle ni du traitement des,membres du tribunal des jurés d'accusation, ni de, celui des huissiers attachés auxt deux iri-bunaux. Lçs. lçijï .postérieures. ,n'en disent rien non plus.: mais un décret dii 20 octobre dernier a renvoyé cet objet, au. comité de législation. D'autres décrets lui ont aussi rënyçye la demandé en Suppression aé cette institution révolutionnaire.
Le comité, n'a pas balancé à Vous proposer dès à présent la suppression des deux tribunaux et des jurés d'accusation et de jugement qui y sont attachés. Il a pensé que les motifs qui avaient déterminé cet établisserilënt extraordinaire ne subsistant plus, l'ëtâblissemëiit devait Cesser avec eux. Il a cru îiëanmoifis utile dè iië fixer Cette Cessation qu'en déçëitibrè, d'après les renseignements que le tribunal conservait sur les crimes relatifs à la révolution dû 10. août et sur le vol du gàirde-meUble. Le décrët rendu le 15 dë ce nlois, qui rëhd les jdgëments dë ce tribunal sujets à la cassation, prévient les inconvénients qd'on pourrait trouver; sans cela, à cette courte prorogation.
Durant cet intervalle votre comité prendra les renseignements nécessaires pour décider s'il ne serait pas convenable, comme l'ont cru quelques-uns de iës membrès, dé vous proposer là qivipi^q dii tribhriàl criminel du département de Paris eh dëiix sections, pour accélérer le jugement du grand nombre d accusés que renfer-riiëht les prisons de Cette imûiense ville, et qui s'accroissent journellement.
Voici le projët de décret qu'il m'a charge de vous présenter ; il n'a pas cru au sùrplus devoir entrer darts l'examën dés différëhts reproches qui ont été faits à ce tribunal, et dë ce qùi a été dit pour sa justification ; bùtrè que plusieurs de cés reproches porteraient siir la loi même qui à établi lë tribunal, plutôt que sur lës membres qui le composent, il est des objets sur lesquels l'opiiiion seule a lë droit de prononcer, et dont la législature s'occuperait vainerhent. Le tribunal criminel du mois d'août dèrnier est dans ce cas. C'est à ses concitoyens à prononber sur le patriotisme, les lumières et l'intégrité qu'il a dû apporter dans l'accomplissement de ses fonctions.
projet de décret.
«La Conventibri nationale, après âvoii* entendu le rapport de son comité dë législation, décrète :
Art. 1er.
« A compter du 1er décembre prochain, les jurés d'accusation et de jugement établis par la loi du 15 août dernier/le tribunal criminel et le tribunal des directeurs du juré d'accusation, établis par la loi du 17 dû même mois, seront supprimés.
Art. 2.
Au moyen de cette suppression, toutes les procédures commencées dans lesdits tribunaux,
seront renvoyées aux tribunaux ^ordinaires, tant civils que crimihëls, du,département de Paris, chacun en Ce, qui jès çon.eerhe, pour l'instruction y être continuée suiyant les formes prescrites par les lois relatives à la procédure par jurés.
Art. 3.
« Le çpnseil exécutif provisoire est chargé de prendre toutes les mesures nécessaires pour la consërvatiori des minutes, papiers ,ét autres eftëts existants dans les greffes et dépôts desdits tHbUnatix supprimés, et pour assurer leur trans-pbrt dans léS greffes et dépôts dès tribunaux civil et crimihel du départëiheiit de Paris, ci-dessus indiqués.
Art. 4.
« Le traitement des membres composant le tribunal, criminel, éjtâbH p$r la loi. du 17 août, leUr sera payé, ainsi qu'il à été régie par l'article 10 de cette loi, p.ar ,1a trésorerie nationale, sur les mandats qui leur seront délivrés parie ministre,,de lajustiQe, d'après Jes états certifiés par le président de sèction dii tribunal à là-quelle il appartiennent.
Art. 5:
« Le traitement des commis greffiers, dudit tribunal leur sera payé sur. le pied de 2Q0" livres par mois, pour chacun d'eux, par la même caisser sur de semblables mandats.
Art. fc.
« Le traitëmertt des membres formant le tribunal du juré d'accusation, et du greffier dé ce dernier tribunal, sur le mêmé quë cèlûi des juges du tribunal criminel. Çelui des commis greffiers sera réglé sur le pied de 200 livres par mois pour chacun d'eux., Ces divers traitements sérpnt auési payés, par la même caisse,èur des mandats qui seront délivrés par le ministre de la justiçe. ,sur les ,ëtàis>certifiés par lé premier des dirëcteurs du juré d'accusatioii.
Art. 7.
, « Le traitement des huissiers attachés aux deux tribunaux, leur sera pareillement payé, sur le pied de_. 150 livres par mois, pour chacun d'eux, sur des mandats semblables, d'après les états certifiés par le président de la section du tribunal criminel, ou du premier directèur du juré d'accusation, auprès duquel ils auront fait le service.
Art. 8.
« Le ministre de l'intérieur est autorisé à arrêter les frais de service faits aux deux tribunaux ét à en ordonner le payement, sur les états certifiés qui lui seront remis par les présidents de section, ou par le premier directeur du juré d'accusatioiU Chacun pour ce qui le concerne. »
(La Convention adciptë be projet de débrët.)
, au nom du/comité de liquidation, lait,Un rapport et présentégun.fyrojei :àe. 'décret tendant à proroger jusqu'au ieT Janvier 1793 le délai pour présenter au bureau ae liquidation les certificats et passeports délivrés par lés communes; il s'exprime ainsi :
Le décret rendu par la Convention, le 25 de ce mois, qui suspend l'exécution et l'effet des
certificats, passeports et commissions, délivrés par la commune de Paris depuis le 10 août der nier, quoiqu'il soit très clair et qu'il affecte moins les fonctions du commissaire liquidateur que celles des payeurs et des administrateurs des caisses sur lesquelles doivent être faits les payments, a néanmoins présenté des difficultés au commissaire-liquidateur, qui a, sur ses doutes, consulté votre comité de liquidation qui l'a renvoyé à vous adresser une pétition, dont je vais vous donner lecture :
« La Convention nationale, par un décret qu'elle a rendu hier a suspendu l'effet des certificats de résidence qui se délivraient par la commune de Paris.
« D'après la loi du 4 avril dernier, toutes les personnes qui avaient des pensions, secours, etc..., ou qui en demandent, sont astreintes à produire à la direction de la liquidation des certificats de leurs municipalités, visés par les directoires de district, qui constatent leur rési-leur résidence sur le territoire français depuis le lor janvier dernier. Le terme fatal pour cette production expire-le dernier de ce mois ; ils ne peuvent toucher les arrérages qui leur sont dus qu'en présentant aux payeurs un bulletin, délivré dans les bureaux ae la liquidation, qui atteste l'enregistrement du certificat et journellement on vient en demander.
« Jé prie l'Assemblée de décider si, d'après le, décret, je dois cesser de délivrer ces bulletins' des certificats de résidence produits, et de recevoir les certificats qui me seront apportés jusqu'à ce qu'on ait arrêté la forme nouvelle qui doitassurer leur validité ; enfin si cette disposition doit avoir un effet rétroactif, et n'empêche de délivrer ces bulletins.
«Le commissaire-liquidateur. »
Je suis chargé par votre comité de liquidation de convertir cette pétition en motion, et de vous proposer un projet de décret.
L^ntention de la Convention nationale, par le décret du 25 de ce mois, a été, sans contredit, d'éviter les suites-que pouvaient avoir de faux certificats ou passeports et d'arrêter les payements qui pouvaient être escroqués en vertu de ces faux certificats. Cependant, l'effet de cette dernière loi va plus loin : d'un -côté, le commis-_ saire liquidateur ne sait, comme il vous l'expose, s'il doit continuer de recevoir les certificats et délivrer les bulletins ordinaires de ceux qui lui sont présentés, délivrés par la commune de Paris, et qui, aux termesae la loi du 4 avril dernier, sont nécessaires pour obtenir le payement des pensions, secours, etc... D'un autre côté, les sections de Paris refusent de délivreras certificats et se contentent de donner des attestations qu'on s'est présenté; et cependant le délai fatal est près d'expirer: la loi du 4 avril n'accorde que jusqu'au lor décembre pour la présentation de ces certificats. Dans cet état de choses, votre comité croit devoir vous proposer le projet de décret ci-après :
« La Convention nationale, sur la pétition du commissaire-liquidateur provisoire, et après avoir entendu le rapport ae son comité de liquidation j considérant que l'effet de la loi du 25 de ce mois peut être un obstacle à l'exécution de celle du À avril dernier, qui fixe le délai pour la présentation des certificats de résidence au bureau de liquidation au 1er décembre prochain, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le délai pour présenter au bureau de liquidation les certificats, passeports, délivrés par les communes, fixé par la loi du 4 avril dernier au 1er décembre prochain, est prorogé jusqu'au 1er janvier 1793.
Art. 2.
« Pendant ce délai, les sections de Pàris délivreront les certificats et passeports déterminés par la loi du 4 avril, le commissaire-liquidateur Continuera de recevoir lesdits certificats et passe-porls et délivrera les bulletins comme il le faisait auparavant, en ajoutant dans ceux qui seront délivrés sur des certificats et passeports émanés de la commune de Paris, sans préjudice aux dispositions de la loi du 25 novembre dernier.
Art. 3.
« Les commissaires de la trésorerie nationale, les payeurs et tous autres chargés des caisses publiques, ne pourront faire aucun payement sur les bulletins donnés par le commissaire-liquidateur, sur des certificats et passeports émanés de la commune de Paris, jusqu'à ce que la Convention nationale ait, par un décret, levé la suspension portée par celui du 25 novembre dernier. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° La commune de Saint-Germain-en-Laye a envoyé 216 en assignats, 7 livres 10 s. en argent, 2 pièces d'argent vieilles, et une croix de Saint-Louis, pour venir au secours des habitants de Lille.
2° Théodore Prieur, administrateur du district de Poitiers, adresse à la Convention nationale, au nom de la commune de Mirebeau la somme de 557 1. 5 s. en assignats; plus une petite boîte recouverte en toile cirée, du poids de marcs 4 onces 2 gros, contenant un galon d'or, une cuillère et deux fourchettes d'argent, une paire de boucles d'argent, deux épaulettes d'argent, deux écus de 3 livres, un bouton de manche d'argent et des boucles d'oreilles d'or.
(La Convention accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Citoyens, voici les noms des quatre commissaires nommés au scrutin en vertu du décret du 27 novembre dernier, pour être envoyés dans le département du Mont-Blanc.
Ces quatres commissaires : sont Philibert Si-mond, Grégoire, Hérault de Séchelles et Jagot. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande le rapport du décret relatif au mode d'inscription de la liste de la parole dans deux urnes.
(La Convention rapporte ce décret et rétablit l'ancien usage de cette liste.)
, secrétaire, donne lecture d'une Lettre du citoyen Westermann, chargé par le général Dumouriez de faire traduire à la barre de la Convention Malus et d'Espagnac, qui demande l'heure à laquelle ils pourront être entendus.
Je propose l'heure de midi, et je demande, en outre, que Westermann soit tenu de rendre compte de la situation de l'armée de
la Belgique, principalement quant à la partie des approvisionnements. (La Convention décrète cette proposition.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret des comités d'agriculture et ae commerce réunis, sur les subsistances.
Je donne la parole à Lequinio.
Citoyens, j'ai longtemps balancé à donner ici mon opinion (2) sur les subsistances ; elle s'éloigne tant de celles que j'ai entendu développer que je n'osais pas me résoudre à la prononcer à cette tribune. Cependant je me détermine à le faire ne fût-ce que pour voir détruire mes propres erreurs, si j'ai tort, et me ranger ensuite avec connaissance de cause à l'opinion qui les aura dissipées.
Je compare l'état d'un peuple qui se tourmente pour avoir des subsistances à celui d'un malade que la douleur empêche de dormir : il se remet dans tous les sens, il accroît sa fièvre et fixe son insomnie par l'agitation à laquelle il se livre pour chercher le repos.
Toutes les agitations publiques pour se procurer des grains, tous les cris d'accaparement, toutes les menaces contre les fermiers, contre les marchands, contre les prétendus accapareurs, toutes les mesures violentes pour faire circuler les grains par force, sont précisément ce qui les empêche de circuler, ce qui produit l'espèce de disette factice qui désole plusieurs coins de la République, et ce qui l'expose à tous les désordres auxquels peut se livrer une multitude qui, pour quelque cause que ce soit, se trouve exposée à mourir de faim.
Je vais parler avec franchise, citoyens, je vais dire ce que je crois des vérités et par conséquent je ne plairai pas, car de tous temps la vérité déplut aux hommes quand elle exprima leurs torts; mais l'adulation doit mourir avec le gouvernement despotique, le vrai républicain doit parler sans détours.
La France manque-t-elle de blé? Non. La France recueille actuellement au delà de ses besoins : cette année, la récolte a généralement été bonne et nous y touchons encore; ainsi, quand elle serait insuffisante pour les besoins de l'année entière, il est de toute évidence que nous sommes en ce moment dans une abondance réelle : c'est donc une disette factice, occasionnée par le défaut de circulation, qui règne en plusieurs lieux; mais quelles en sont tes causes? C'est ce qu'il s'agit d'examiner d'abord, afin de voir ensuite quels sont les remèdes.
Existe-il des accaparements ? Qu'appelle-t-on accaparement ? C'est ce
qu'il s'agit ae définir. Si l'on entend par accaparement les grandes
spéculations que les Choiseul et quelques autres agents infâmes du
despotisme entreprirent, il y a quelques années, pour s'emparer de la
majorité des grains du royaume et les revendre ensuite au prix qu'ils le
voulaient, je crois fermement et je dis qu'il n'y en a pas et qu'il ne
peut y en avoir en ce moment; je demande quel serait l'homme assez
audacieux pour courir aussi évidemment et aussi justement à sa perte ?
Je demanderais à l'homme le plus persuadé que ces accaparements
existent, s'il oserait s'y li-
Entend-on par accaparement la réserve des blés dans les greniers et dans les granges, la retenue que font de leurs grains les propriétaires et les fermiers? En ce"cas, je confesse que l'accaparement existe et je dis même qu'il est presque universel. Mais qui le produit? la frayeur. Et d'où vient cette frayeur ? de l'agitation générale, des menaces et des mauvais traitements exercés en plusieurs endroits contre des fermiers, des propriétaires ou des trafiqueurs de blé, connus sous le nom de bladiers. Quel est, parmi ceux qui se croient le plus justement fondes à crier contre cette retenue, celui qui oserait porter hardiment son grain aux marchés, s'il songeait que le moins qui puisse lui arriver, c'est ae s'entendre sans cesse crier aux oreilles qu'il est un accapareur, qu'il retient son blé pour opérer la misère publique et qu'il veut s'enrichir aux dépens des malheureux; s'il songeait qu'il s'expose à voir fendre ses sacs, taxer son blé, l'enlever de force, peut-être même sans payer, et peut-être enfin à se trouver lui-même victime de la fureur du peuple, agité par un de ses ennemis ou par un vil adulateur, un ambitieux accapareur de suffrages et séducteur de la multitude, qui ne sent que ses propres besoins et qui n aperçoit pas les causes dont ils résultent, ni les pièges que lui tendent, ou ces intrigants ambitieux,ou les ennemis de la chose publique?
Je demande quel est l'homme qui, dans une pareille agitation, ne fait pas tout pour cacher qu'il a du blé et pour se soutraire aux dangers u moment? Ce n'est pas seulement dans les pays de gros fermages, comme aux environs de Paris, que cela peut avoir lieu, mais je sais que cela existe même dans les pays de petite culture, où le paysan récolte a peine un léger excédent de ses besoins.
Je pousserai ce raisonnement plus loin, car il faut tout dire, il faut enfin cesser de flatter le aie, il faut l'éclairer. Quel est l'homme ac-Bment cultivateur, propriétaire ou fermier, qui, s'il aperçoit une spéculation avantageuse dans une autre branche de culture, comme l'éducation des bestiaux par exemple, ne soit pas tenté de s'y livrer de préférence, afin de n'être pas expose, dans la suite, aux difficultés qu'il éprouve aujourd'hui dans la défaite, également que dans la retenue de ses blés.
Citoyens, ce qui importe au peuple n'est pas tant d'avoir du blé à bon compte que d'en avoir aisément. Sous le règne du despotisme, le blé a été souvent plus cher qu'il n'est aujourd'hui ; le même désordre ne régnait cependant pas alors, parce que, quoique cher, le blé circulait, parce que la libre circulation était maintenue dans la force, et parce que l'alarme publique n'était pas excitée partout, comme il se trouve aujourd'hui.
Dans un gouvernement despotique, les lois sont exécutées de force et le peuple, heureux ou malheureux, est toujours tel qu'il est, malgré lui ; la loi n'est point son ouvrage, et elle s'exécute sans son aveu : dans un gouvernement républicain, au contraire, c'est la volonté du peuple, et les meilleures lois du^monde n'y ont aucune consistance, alors qu'il n'est pas assez sage lui-même pour savoir les exécuter.
Remarquez que les cris et la disette n'ont point ieu dans les départements qui manquent de, blé, et c'est toujours de même, mais dans ceux où il est abondant. Aujourd'hui le blé manque dans quelques départements du Midi, le pain s'y vend. 7 ou 8 sous la livre et le calme y règne ; à 30 lieues autour de Paris, le sol ne produit que du blé, pour ainsi dire, la récolte a été bonne, tous les greniers sont pleins: le pain à Paris ne vaut que 3 sous la livres, il n'est pas plus cher dans les 30 lieues d'alentour, et c est là qu'existe le mal.
D'où vient cela? De ce que dans les pays où le blé manque réellement, on ne crie point aux accaparements, parce que le peuple sait parfaitement qu'on ne peut pas accaparer, et parce qu'il est impossible là de le tromper sur ce point, et de ce que, au contraire, dans le pays d'abondance, il est aisé de lui en imposer sur ce fait parce qu'il sait bien que le grain ne manque pas, qu'il connaît la plupart de ceux qui en ont, et que fort aisément on lui. persuade que ceux qui le retiennent ne le gardent qu'à mauvaise intention.
Les ennemis de la chose publique, et partout il s'en trouve encore, il n'en faut pas douter et surtout à Paris, les ennemis de la chose publique, dis-je, heureux du malheur général, animés par la haine de la Révolution, jaloux du désordre et joyeux d'y concourir pour se venger du moins, s'ils ne peuvent plus avoir d'autre espérance, ceux-là, dis-je, ces montres odieux, sont les premiers à profiter de l'aveuglement du peuple et à tenter de l'égarer, à exciter son inquiétude sur les subsistances et à l'exalter, parce qu'ils savent très bien que l'agitation qu'il vont produire sera la source d'une multitude de désordres et amènera le mal même qu'ils font craindre.
Cependant, il est Une autre espèce d'hommes bien plus dangereux encore : ce sont les patriotes de mauvaise foi, ces hypocrites ambitieux qui, partisans de la Révolution mais bien plus encore amis de leur élévation personnelle, et n'ayant quelquefois pour l'obtenir d'autres talents que celui de crier, exaltent à plaisir la sollicitude publique ; ceux-ci trompent d'autant plus aisément le peuple, que sa confiance réside en eux, parce qu il les a vus toujours embrasser la cause populaire, qu'ils sont d ailleurs amis de la Révolution, que souvent ils n'existent que par elle ; qu'à leur ambition près, ils sont des patriotes et qu'ils ont toujours l'air de l'être.
La multitude n'a qu'un besoin urgent, du pain. Dans une assemblée nombreuse, le premier qui touche à cette corde, et qui la fait résonner avec adresse, est sûr d'étnouvoir legrand nombre ; s'il est connu d'ailleurs comme patriote, il a tous les suffrages ; et s'il est douteux, cet acte seul suffit pour lui ramener l'opinion, quelque absurdité qu'il débite, nul n'osera le combattre et le peuple trompé ne lè permettrait pas.
Citoyens, lorsque le blé manque en un lieu, si l'on n'y en porte pas, il y devient cher ; et parce qu'il est cher là; il monte bientôt dans les pays voisins, et cette cherté gagne de proche en proche, parce que chacun a la prétention de vendre au plus haut prix qu'il connaît; et bientôt le blé se trouve très cher même dans les pays qui en regorgent, précisément parce qu'il est cher dans les lieux où la récolte a manqué.
Si la circulation pouvait se faire avec sécurité, si le commerçant toujours instruit par ses correspondances, des lieux de disette et de ceux
d'abondance, pouvait avec sûreté se livrer à des spéculations, il transporterait du blé où il en faut, et la concurrence s'établirait ; le blé abonderait bientôt où il manque, le prix y diminuerait; il diminuerait de même de proche en proche, et l'équilibre serait bientôt rétabli partout et dans les fournitures et dans les prix.
Mais à force d'agitation, on est parvenu à étouffer le commerce des blés et |à le rendre odieux et Ge ne connais pas de meilleure expression), à stériliser par là tout le sol de la République.
Protégez le commerce des blés, vous verrez l'agriculture tout tenter pour en faire produire ; vous verrez dessécher les marais dont le sol est inépuisable, défricher des landes, et chacun se livrer à une branche de culture dont il sera certain de tirer une ressource solide. Mais tenez dans l'anéantissement le commerce des blés ; vous paralyserez l'agriculture et, par une suite de conséquences, vous aggraverez sans cesse le mal. Tant que le commerce des blés ne sera pas actif, le peuple se trouvera dans la misère, les ambitieux, les ignorants où les hommes perfides auront beau crier, je soutiens qu'il laut non seulement protéger, mais qu'il faut mettre en honneur le commerce des blés ; dût cette vérité paraître un paradoxe, je regarde un homme qui se livre au commerce des blés comme un des bienfaiteurs de la patrie. C'est en vain que le cultivateur parviendrait à faire prospérer ses récoltes, si 1 excédent de ses besoins ne pouvait être transporté dans les villes qui n'en produisent pas et dans tous les pays qui en manquent; or, comment ce transport pourrait-il avoir lieu, tant que le public lui-même aura la maladresse de l'empêcher, en proscrivant le commerce et en l'entravant partout.
Ëmpêcher la clandestinité, le monopole et l'accaparement, c'est ce qu'il faut : or, le moyen d'y réussir et le seul, c'est de favoriser le commerce des blés par tous les moyens possibles, d'y attacher de l'honneur et de le payer d'un sentiment de reconnaissance, alors il deviendra très public et très fréquent, et l'ambition établira la concurrence, et la concurrence établira partout l'abondance et même le bas prix du grain.
Je ne vois que ce remède-là de certain et, pour le bien dire, je n'en vois point d'autre.
Dans le moment de crise ou notre position nous jette il faut faire des emplettes chez l'étranger quoique nous ayons du grain assez chez nous s'il circulait, mais on sent combien cela est dangereux et désastreux.
Le peuple doit sentir que 15 ou 20 millions exportés sont autant de ressources de moins dans l'intérieur; ce grain de l'étranger sera fort chez lui-même à cause des changes, si l'on veut retirer toute la mise, il faudra revendre le grain à un haut prix; si l'on veut donner à bon compte, le trésor public fait une perte considérable, et ces pertes ne se réparent que par de nouveaux impôts.
Vous aurez, dans la suite, de grands moyens à prendre pour faciliter la libre circulation ; les principaux sont : 1° de favoriser la navigation intérieure par les canaux, afin d'éviter la dépense et surtout les inquiétudes attachées aux transports par l'extérieur ;
2° De favoriser la division des propriétés et la multiplication des propriétaires, afin d'empêcher les grandes spéculations de réserve ;
3° De favoriser la division des fermages;
4° Enfin d'empêcher qu'un homme puisse tenir plusieurs fermes à la fois; et ce dernier moyen me paraît si puissant dans les pays de grande culture, que je regarde comme important de le décréter sur-le-champ, cependant sans rompre les baux actuels.
Je ne parle pas des greniers d'abondance à établir partout : quelque séduisant que soit ce, projet, je lui connais de très grands inconvénients, je le crois, nuisible à Pagriculture, et, lorsqu'il en sera question, j'approfondirai cette matière, mais ont sen que ce ne peut être l'objet du moment; vous avez à remédier un mal actuel.
Je ne connais que deux moyens : l'emplette à l'étranger, voilà te topique, si je puis parler de même; et l'instruction, voilà le vrai remède sans lequel l'effet du topique ne serait que passager.
Achetez donc des grains chez l'étranger ; donnez du pain aux lieux où il en manque ; mais surtout donnez au peuple une instruction détaillée, philosophique en tous ses points et très familière; ce nest pas pour vous qu'il faut écrire, c'est pour la multitude; et la multitude qui n'est pas instruite, exige un style familier qui ne comporte pas la dignité de cette tribune. Je voudrais que l'Assemblée chargeât quelqu'un de rédiger une instruction populaire que les comités d agriculture et de commerce, ou des commissaires particuliers fussent autorisés à examiner et qui fût décrétée sur leur rapport, car je crois fermement que, pour qu'elle soit bonne, pour qu'elle produise tout l'effet qu'on en doit attendre, elle doit être en style si familier, qu'elle ne puisse pas soutenir la lecture/ à cette tribune, puisque l'on croit encore qu'il faut y apporter la dignité de style pour faire le bien.
Voilà mes deux mesures, mais au nom du bonheur public, il faut nous garder de toute loi vexatoire; et celle que nous avons proposée, l'est ; elle est inquisitoriale et toute mesure pareille ne fera que tuer de plus en plus le commerce et l'agriculture ; une législature philosophique doit la proscrire à jamais ; pour l'avenir, vous examinerez le projet des greniers d'abondance. 11 est du devoir de s'en occuper; mais, pour le moment : du grain de l'étranger, une instruction philosophique et familière, voilà ce que je réclame, ce qui suffit, et selon moi, la seule loi que vous ayez à faire.
Le tour de parole désigne Fayau ; je lui donne la parole.
Citoyens (1), d'après les diverses opinions manifestées à cette tribune, il semblerait qu'une bonne loi sur les subsistances fût chose impossible ; cependant, il faut statuer, les besoins du peuple sont impérieux, et si vous ne voulez que l'avantage du plus grand nombre, il ne vous sera pas impossible de bien faire.
Plusieurs opinants ont rejeté le projet de votre comité sans le
combattre; ils ont voulu y substituer quelques mesures, mais toutes
avantageuses aux particuliers et nuisibles au général ; c'est ce que je
vais démontrer, en appuyant le projet du comité dans quelques-unes de
ses parties. Je fixerai particulièrement votre attention, citoyens, sur
cette classe indigente et nombreuse qui ne fait pas de récoltes ; je
ménagerai l'intérêt des propriétaires, mais j'anéantirai ces gros
négociants en blés, ces vils agioteurs qui,
Dans une République, cette espèce de marchands doit disparaître et le bonheur des Français est attaché à son anéantissement. Détruisez' donc, législateurs, ces hommes avides qui vendraient aussi l'air que leurs semblables respi-' rent, s'ils pouvaient aussi l'accàparer. (Applaudissements.)
Je n'entrerai point, quant à présent, citoyens, dans le détail des avantages qu'offre ie sublime projet d'établissement des greniers publics. La' nécessité en est sentie par tous ceux qui travaillent de bonne foi à soulager la misère. Ce projet aura donc lieu; mais en attendant qu'il s'accomplisse, vous devez prendre des mesuresL pour que chaque individu trouve à son domicile, sinon tout ce qui lui est nécessaire, du moins ses premiers besoins.
Législateurs, les hommes créés par le peuple pour défendre ses droits, durent l'être particulièrement pour pourvoir à ses besoins comme pères de la grande famille. Ce ne sont donc pas les négociants en blés, mais bien les municipalités, mais les districts, mais les départements, mais vous-mêmes législateurs, qui devez être les pourvoyeurs des Français.
En, souuririez-vous plus longtemps qu'ils gémissent au milieu de l'abondance? Ils vous demandent du pain que des hommes avides ou traîtres tiennent sous la clef. Législateurs, brisez les serrures ou plutôt qu'une loi bienfaisante fasse ouvrir les portes. (Nouveaux applaudissements.)
On me reproche de porter atteinte au droit de propriété èt de détruire le commerce!... Eh quoi! le droit de propriété serait lésé!... Est-il un citoyen vertueux qui, dans ces circonstances, ait quelque chose à lui?...
La nature ou le sort ne fit point des hommes fortunés pour être le fléaux des autres hommes...
Les riches doivent être les économes, les pères des pauvres, et jamais leurs tyrans.
Quels sont donc ces propriétaires qui crient à la violation? Sans doute ces avares qui ne veulent pas se dessaisir de leurs denrées, parce que des hommes généreux font circuler les leurs, et que la rareté ne les pas encore rendues assez chères : sans doute ces êtres pusillanimes qui peu confiants dans les papiers nationaux, dont ils attendaient l'anéantissement avec le retour de l'ancien régime et qui, sachant que la faim est de tous les temps, ont échangé leurs assignats contre des grains, espérant dans des jours plus beaux le revendre en numéraire. Ils ne savent pas, ces crieurs, que la nécessité n'a point de bornes. Citoyens, c'est à vous de le leur apprendre.
Eh quoi! le commerce serait détruit!... Quels sont les commerçants qui osent se plaindre ? Est-ce ce négociant industrieux qui vous apporte de l'étranger ce que vous ne pouvez trouver chez vous et qui porte à l'étranger ce que vous avez de superflu? Non, sans doute, il ne crie pas ce négociant, il emploie des bras à son commerce, et plus le blé est cher,"plus cher il paie. Quels sont donc les crieurs? Sans doute les spéculateurs dont je vous ai parlé, ces assassins publics qui ne connaissent point de bornes à leur cupidité.
Que vous importe, législateurs, que ces cris
coupables frappent vos oreilles? Ils seront bientôt étouffés par l'allégresse du peuple, vous le rendez heureux.
On vous a proposé, pour amener l'abondance dans la République, d accorder des primes aux grains étrangers qu'on vous apporterait: cette mesure me paraît dangereuse, et ne donne point de résultat positif.
Sous l'ancien régime, le gouvernement accordait aussi des primes, et le seul avantage qui en résultait, tournait au profit du gouvernement ; aujourd'hui, ce ne serait plus le gouvernement qui vous en accorderait, mais il est dans vos ports des marchands spéculateurs qui savent bien comment autrefois on tirait parti des primes.
D'ailleurs vous ne donneriez qu'un faible espoir aux consommateurs, et l'indigence est fati-
Î;uée de belles promesses, il lui Faut de la réa-ité.
Dans les circonstances où vous vous trouvez, citoyens, lorsque la forme de votre gouvernement n'est pas encore bien déterminée, vous êtes seuls responsables des maux qui affligeraient la République, parce que vous seuls avez droit de la secourir.
Qu'on ne croie pas ici nous intimider en criant à la disette. Ce sont de faux bruits répandus par la cupidité et accrédités par la malveillance, ce sont ces erreurs qui empêchent le peuple de jouir de l'abondance, et qui le force a s'opposer à la libre circulation des grains. Hâ-tez-vous, législateurs, de faire connaître la vérité, le remède est à côté du mai, il n'y a, n'en doutez point, dans la République, plus ae grains qu'il n'en faut pour la consommation des citoyens.
Voulez-vous vous convaincre de cette assertion, votre comité vous en a proposé le seul moyen; ce sont les déclarations, quoi qu'en disent Roland et tant d'autres, qui vous apprendront quelle est réellement votre situation par rapport aux subsistances. Ce sont ces déclarations qui rassureront le peuple et déjoueront les intrigants, elles seules rétabliront la circulation. ÎPar quels motifs donc, Roland et quelques membres de cette Assemblée ne veulent-ils pas ces déclarations?
Serait-ce parce qu'ils craindraient qu'elles ne fussent pas sincères ? Ëh bien je vais prouver que, dans cas même, elles tourneraient aujprofit es consommateurs.
Citoyens, si, par de fausses déclarations ou autrement, il vous paraissait que les besoins dé la République excèdent ses ressources, vous n'hésiteriez pas sans doute à recourir à vos voisins ; aussi donc, vous voulez qu'il y ait en France une aussi grande quantité de blé, que la consommation de ses habitants l'exige : eh bien, supposons maintenant qu'un particulier ayant 200 tonneaux de grains, n'en déclare que 100, qu'ar-rivera-t-il? G est que, ou il y aura assez de blé non compris ces 100 tonneaux non déclarés, ou il n'y en aura pas assez ; dans le premier cas, les 100 tonneaux seront inutiles; dans le second cas, ils seront en pure perte au déclarant; et s'il les vend, il y aura alors abondance, puisque vous aurez approvisionné la République d'autant de grains qu'elle serait présumée en avoir besoin.
Les propriétaires ont donc un intérêt personnel à ne pas faire de fausses déclarations. Il n'y a pas d'inconvénient à les exiger.
On vous a proposé comme un sùr remède aux maux qui sont prêts à fondre sur vous, la liberté
pleine et entière dans le commerce des grains, c'est-à-dire carte blanche aux accapareurs; on voudrait aussi que le propriétaire fût libre de conserver ou de vendre ses blés.
Si vous adoptiez cette mesure, citoyens, vous conspireriez la perte de votre patrie. Bn en effet, si les riches, qui n'aiment pas trop la Révolution, pouvaient fermer leurs greniers pendant huit jours, les Français seraient dans les fers.
Quelle serait donc cette République où la vie du pauvre serait au pouvoir du riche? Quelle serait cette espèce de loi qui parlerait avant la loi suprême?
Je vous demande, législateurs, si vos armées campaient dans un pays où des hommes riches auraient des grains sous les verroux, si vos soldats, après la victoire, avaient encore faim, res-pecteriez-vous cette prétendue liberté des propriétés? Eh bien, législateurs, voyez ces malheureux, dont les bras, encore raidis de la fatigue qu'ils essuyèrent en cultivant le champ du riche, setendentvers vous ; voyez cette classe indigente, pleine de respect pour les lois, elle jeûne à côté d'un trésor... et elle ne vous intéresserait pas... ? Malheur à celui qui ne sent pas combien le peuple est misérable, et combien il est bon...! Je m'arrête, citoyens, déjà vous avez jugé, sans doute, les propositions qu'on avait osé vous faire.
En vain, vous a-t-on cité l'expérience de votre ancien gouvernement, l'exemple des Anglais, les avis des économistes, tout s'oppose à l'admission d'un projet qui, vous dit-on, amènera la famine... Quelle erreur ou quelle méchanceté! Quoi, la famine naîtra, parce que vous ferez sortir des greniers des riches, pour nourrir les pauvres, des grains qui devaient s'y corrompre ou servir de pâture aux rats!
Hélas, il paraît bien que l'ancien gouvernement, les Anglais et les économistes n'avaient point vu de Français républicain. Ont-ils jamais pu calculer l'étendue de vos ressources ?
Législateurs, c'était à vous seuls qu'il était réservé d'apprendre au monde que l'égalité n'est pas un vain mot et que, dans une République, les hommes riches ne sont rien que la consolation des hommes malheureux. ( Applaudissements.)
PROJET DE DÉCRET
« Art. 1er. Tout Français, sur l'honneur,
déclarera à la municipalité du lieu de son domicile, dans la huitaine
qui suivra la publication du présent décret, la quantité et l'espèce de
grains qu'il a dans ses greniers et, par aperçu, celle qui lui reste à
battre.
« Art. 2. Les municipalités feront parvenir de suite au directoire de leur district les tableaux qu'elles auront formés des déclarations mentionnées en l'article ci-dessus, ainsi que l'état des populations de leurs communes respectives.
« Art. 3. Chaque directoire de district, après s'être assuré que la quantité des grains existant dans son arrondissement est, ou non, suffisante à la consommation des citoyens, donnera avis de son opération au directoire de son département, et indiquera provisoirement à celles des communes ae son territoire qui auraient besoin de blés, celles des autres communes qui en auraient de surabondants.
« Art. 4. Chaque directoire de département, d'après les avis des districts, fera connaître au ministre de l'intérieur l'état de son département par rapport aux subsistanceset indiquera provisoirement à ceux de ses districts qui réclame-
raient des grains ceux de ses autres districts qui pourraient leur en fournir.
« Art. 5. D'après les états des départements, le ministre de l'intérieur mettra le plus tôt possible sous les yeux de la Convention les besoins et les ressources de la République et sera tenu, sur sa responsabilité, d'indiquer à ceux des départements qui demanderaient des subsistances ceux des autres départements qui pourraient leur en procurer.
« Art. 6. Les départements qui seraient dans le cas d'avoir recours à d'autres départements enverraient aux directoires de ceux-ci des commissaires dont les pouvoirs porteraient expressément la quantité de grains qu'ils devraient acheter.
« Art. 7. Ces commissaires seront accompagnés dans leur mission, par des commissaires nommés par les directoires des départements auxquels les premiers auront été adressés.
« Art. 8. Il en sera ainsi de districts à districts, et de municipalités à municipalités.
« Art. 9. Les municipalités pourront requérir tout citoyen, d'après sa déclaration, de porter dans les halles et marchés publics la quantité de grain jugée convenable, en laissant toutefois au propriétaire de ces grains ses semences et sa provision d'une année.
« Art. 10. Aucun citoyen ne pourra vendre son blé ailleurs que dans les halles ou marchés, et aucun citoyen ne pourra en acheter plus que pour sa consommation.
« Seront néanmoins exceptées des dispositions du présent article les particuliers chargés des commissions mentionnées dans les articles 6 et 8.
« Art. 11. Les directoires de département pourront établir des marchés partout où il sera jugé utile, d'après les demandes des conseils généraux des communes et l'avis des directoires ae district.
« Art. 12. La circulation sera libre dans l'intérieur de la République et quiconque osera la troubler sera puni comme perturbateur du repos public.
« Art. 13. L'exportation de toutes espèces de grains est défendue, et quiconque sera convaincu d'en avoir exporté sera puni comme conspirateur, et tous ses grains confisqués.
« Art. 14. Tout citoyen qui dénoncera des grains embarqués en contravention des lois les obtiendra pour récompense.
« Art. 15. Tout citoyén qui, en conformité de l'article précédent,n'aurait pas fait sa déclaration ou serait convaincu d'en avoir fait une fausse, sera condamné à dix ans de fers et la confiscation de ses blés sera ordonnée au profit des pauvres de son canton.
« Art. 16. Le ministre de l'intérieur rendra compte des approvisionnements qu'il a dù faire chez l'étranger.
« Art. 17. Les grains achetés chez l'étranger seront distribués aux seuls départements qui réclameront des secours et dont les besoins seront reconnus, d'après les états de situation qu'ils auront fournis, conformément à l'article 4.
« Art. 18. Les lois déjà existantes sur les subsistances continueront d'être exécutées, en tout ce qui n'est pas contraire au présent décret.
« Art. 19. L'exécution de ce décret est confiée à la loyauté des citoyens,, municipalités et corps administratifs de la République. »
(La Convention décrète l'impression des opi-
nions de Lequinio et de Fayau sur les subsistances.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des commissaires delà Convention nationale à Varmée du Nord, qui rendent compte ide leurs opérations sur la frontière ; cette lettre est ainsi conçue :
« Lille, le er de la République.
« Citoyens, vous êtes chargés du fardeau d'un gouvernement qui a été perfidement organisé au profit de ce pouvoir exécutif, dont on voulait bientôt faire un pouvoir absolu. Vous avez, au nom des Français, qui le voulaient, déclaré que la France est une République ; mais presque tout ce qui avait été arrangé dans un sens contraire subsiste encore. La convention nationale n'a pu remédier encore aux maux que produit un pareil ordre de choses. Nous disons cette vérité aux citoyens qui nous adressent leurs plaintes, et nous voyons avec plaisir qu'elle les console et les rassure.
La masse du peuple est généralement pure, républicaine et vraiment digne d'être libre ; mais il existe encore beaucoup de gens égarés par l'ignorance, et un certain nombre d'aristocrates malintentionnés, ou qui passent pour l'être ; et il paraît que dans plusieurs communes le choix des citoyens n'est pas toujours tombé sur des hommes dont les principes soient ceux que des fonctionnaires publics doivent professer : et peu s'en est fallu que le bailli du ci-devant archevêque de Cambrai, oncle de l'ex-ministre d'Aban court, n'ait été nommé maire de cette ville.
« Le décret sur l'émigration n'est pas vu partout du même œil par les officiers municipaux; quelques-uns se laissent quelquefois aller à une commisération condamnable, puisque la loi la rejette et doit la rejeter.
« Les papiers publics nous apprennent que le ministre de la guerre vous a remis l'état de l'habillement des troupes jusqu'au 1er novembre. Nous ne savons pas quel rapport il aura fait des armées du Nord : ce que nous pouvons assurer à la Convention, c'est que les soldats qui combattent sous les ordres de Dumouriez et de La-bourdonnaie sont à cet égard dans un dénuement difficile à imaginer; que c'est sans habit et sans souliers qu'ils marchent à la poursuite des barbares ; que les premières capotes qui ont été délivrées étaient de la plus mauvaise qualité; et qu'en ce moment encore il n'en a pas été fourni à chaque corps une assez grande quantité pour que les sentinelles au moins puissent en être couvertes. Ces dignes républicains ne font entendre cependant aucune plainte, aucun murmure; telle est leur confiance en vous, et la puissance de leur amour pour la patrie.
« A Com mines, à Quesnoy, nous avons trouvé des bataillons couchés sur la paille dans des lieux mal fermés : et ils ne demandent, pour récompense de leurs longues misères, que la permission de marcher à l'ennemi.
« C'est demain que nous partons d'ici pour nous rendre à la Convention. Nous serons dans deux ou trois jours au milieu de vous.
« Les commissaires de la Convention nationale à l'armée du Nord.
« Signé : p'aûust, Duhem, Delmas. »
, secrétaire, K cette lettre sont
jointes des réquisitions et* une lettre des commissaires aux généraux Dumouriez et Labour-donnaie, contenant des instructions aux fonctionnaires publics, et une proclamation pour prémunir le peuple de la Belgique contre les embûches que lui tendaient de prétendus commissaires de la Convention nationale et du pouvoir exécutif, qui se répandent dans les campagnes pour tromper le peuple et lui extorquer des sommes considérables sous différents prétextes.
(La Convention décrète que le ministre delà guerre rendra compte de l'état de la fabrication des capotes et des autres parties de l'équipement des troupes.)
Le même secrétaire fait lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui annonce la correspondance du général Dumouriez relative aux subsistances, et d une lettre du général Dumouriez; ces deux lettres sont ainsi conçues :
Lettre du ministre dé la guerre.
« Citoyen Président,
« J'adresse à la Convention nationale la copie d'une lettre que j'ai reçue hier du général Dumouriez, par laquélle il me somme de communiquer à la Convention sa lettre sur l'établissement du comité central pour l'achat des grains, qui vient d'être arrêté^ par le conseil, pour remédier aux inconvénients de la concurrence qui existait autrefois entre les agents des différents ministres, et sa réponse à cette lettre. Je joins ici copie de ces deux pièces, ainsi que celle de lalettre d'envoi qui précède ses observations. J'annonce de plus à la Convention que j'ai chargé un membre au comité des achats de se rendre dans la Belgique pour se concerter avec le général sur les besoins imprévus de l'armée, pour lesquels ils n'est pas possible d'attendre les ordres de l'Administration centrale.
« Le ministre de la guerre, « Signé : Pache. »
copie de la lettre de Dumouriez au ministre de la guerre, datée de Saint-Tron, du 27 novembre.
« Citoyén ministre,
« Votre lettre du 22 de ce mois à la Convention nationale, est une dénonciation indirecte contre moi. Elle a produit l'arrestation injuste de deux citoyens, dont l'intelligence et l'activité ont assuré les premiers succès ae ma campagne; elle est cause que je suis prêt à manquer de tout et à être arrêté dans ma marche; elle m'oblige à une justification. Je vous somme de présenter ma réponse à la Convention nationale. Je vous prie aussi de lui communiquer ma correspondance. Au reste, ie vous assure que je ne m'en prends pas à vous des désagréments que j'éprouve, et que je vous conserve toute mon estime.
« Signé : Dumouriez. »
(La Convéntion renvoie ces deux lettres au comité de la guerre et à la commission des Vingt-Quatre.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Kellermann, général de Varmée des Alpes, qui est ainsi conçue :
« Citoyens, ayant de partir pour le nouveau poste auquel la République m'appelle, j'aurais désiré présenter mes hommages aux représen-
tants de la nation ; mais leurs moments sont précieux, et un vieux soldat connaît le prix de l'économie du temps. Citoyens, je vais reporter, sous vos auspices, aux anciens Romains, la liberté, exclue depuis si longtemps de ce beau climat. Les troupes françaises, par leur exactitude à la discipline, la leur feront aimer, et seront fidèles à la devise sacrée pour des hommes libres : Guerre aux châteaux, paix aux cabanes, et protection aux monuments des arts. (Vifs applaudissements.) Citoyens, je ne vous demande qu'une faveur. Si la calomnie s'attachait à noircir Kellermann, ou méprisez-la, ou mettez-le à portée de confondre ses calomniateurs. (Mêmes applaudissements.)
« Signé : kellermann. »
(La Convention renvoie cette lettre au comité de la guerre.)
La Convention reprend la discussion (1) du projet de décret des comités d'agriculture et de commerce réunis, sur les subsistances.
Je donne la parole au citoyen Saint-Just.
Citoyens (2), je ?ne suis point de l'avis du comité, je n'aime point les lois violentes sur le commerce. On peut dire au peuple ce que disait un soldat carthaginois à Annibal : « Vous savez vaincre, mais vous ne savez pas profiter de la victoire. » Les hommes généreux qui ont détruit la tyrannie, ignorent-ils l'art de se gouverner et de se conserver?
Tant de maux tiennent à un désordre profondément compliqué 1 II en faut chercher la source dans le mauvais système de notre économie. On demande une loi sur les subsistances! Une loi positive là-dessus ne sera jamais sage. L'abondance est le fruit d'une bonne administration; or, la nôtre est mauvaise. Il faut qu'une bouche sincère mette aujourd'hui la vérité dans tout son jour. Je ne puis traiter utilement la matière des subsistances, sans entrer dans quelques détails sur notre économie vicieuse; j'ai besoin de développer des principes dont l'oubli nous a perdus. Le même vice a ébranlé le commerce et l'agriculture, et par la suite ébranlera toutes les lois. Si donc vous voulez que l'ordre et l'abondance renaissent, portez la lumière dans le dédale de notre économie française depuis la Révolution.
Les maux de ce grand peuple, dont la monarchie a été détruite par les vices de son régime économique, et que le goût de la philosophie et de la liberté tourmentait depuis longtemps, tiennent à la difficulté de rétablir l'économie au milieu de la vigueur et de l'indépendance de l'esprit public.
Mais ce qui perpétue le mal, c'est l'imprudence d'un gouvernement provisoire trop longtemps souffert, dans lequel tout est confondu; dans lequel les purs éléments de la liberté se font la guerre comme on peint le chaos avant la nature.
Examinons donc quelle est notre situation présente. Dans l'affreux état
d'anarchie où nous sommes, l'homme, redevenu comme sauvage, ne reconnaît
plus de frein légitime; l'indépendance armée contre l'indépendance n'a
plus de loi, plus de juges et toutes les idées de justice
Il est dans la nature des choses que nos affaires économiques se brouillent de plus en plus, jusqu'à ce que la République établie embrasse tous les rapports, tous les intérêts, tous les droits, tous les devoirs et donne une allure commune à toutes les parties de l'Etat.
Un peuple qui n'est pas heureux n'a point de patrie, il n'aime rien; et, si vous voulez fonder une République, vous devez vous occuper de tirer le peuple d'un état d'incertitude et de misère qui le corrompt. Si vous voulez une République, faites en sorte que le peuple ait le courage d'être vertueux; on n'a point de vertus politiques sans orgueil • on n'a point d'orgueil dans la détresse. En vain demandez-vous de l'ordre ; c'est à vous de le produire par le génie des bonnes lois.
On dit souvent, lorsque l'on parle de morale : cela est bien en théorie; c'est que l'on ne voit pas que la morale doit être la théorie des lois avant d'être celle de la vie civile. La morale qui gît en préceptes isole tout; mais fondue, pour ainsi dire, dans les lois, elle incline tout vers la sagesse, et n'établissant que des rapports de justice entre les citoyens.
On ne peut se dissimuler que notre économie est altérée en ce moment, comme le reste, faute de lois et de justes rapports. Féro vous a parlé d'après Smits et Montesquieu. Smits et Montesquieu n'eurent jamais l'expérience de ce qui se passe chez nous. Beffroi vous a fait le tableau de beaucoup d'abus; il a enseigné des remèdes, mais n'a point calculé leur application. Roland vous a répété les conseils des économistes ; mais cela ne suffit point, Il est bien vrai que la liberté du commerce est la mère de l'abondance ; mais d'où viennent les entraves mises à cette liberté? La disette peut provenir de mille causes ; et si la rareté des grains était venue en France d'une cause particulière et que nous y voulussions appliquer un remède bon en lui-même, mais sans rapports avec le mal, il arriverait que le remède serait au moins nul, sinon pernicieux.
Voilà ce qui nous arrive. En vain nous parle-t-on de la liberté du commerce des grains, si nos malheurs ne viennent point premièrement du défaut de la liberté, ou plutôt si ce défaut de liberté dérive d'une cause sur laquelle on ferme les yeux.
J'ose dire qu'il ne peut exister un bon traité d'économie pratique. Chaque gouvernement a ses abus ; et les maladies du corps social ne sont pas moins incalculables que celles du corps humain. Ce qui se passe en Angleterre, et partout ailleurs, n'a rien de commun avec ce qui se passe chez nous : c'est dans la nature même de nos affaires qu'il faut chercher nos maladies et nos remèdes.
Ce qui a renversé en France le système du commerce des grains depuis la Révolution, c'est l'émission déréglée du signe. Toutes nos richesses métalliques et territoriales sont représentées : le signe de toutes les valeurs est dans le commerce ; et toutes ces valeurs sont nulles dans le commerce, parce qu'elles n'entrent pour rien dans la consommation. Nous avons beaucoup de signes, et nous avons très peu de choses.
Le législateur doit calculer tous les produits dans l'Etat, et faire en sorte que le signe les représente ; mais si les fonds et les produits de ces fonds sont représentés, l'équilibre est perdu, et le prix des choses doit hausser de moitié : on ne doit pas représenter les fonds, on ne doit représenter que les produits.
voilà ce qui nous arrive. Le luxe est aboli ; tous les métaux achetés chèrement, ou tirés des retraites où le faste les retenait, ont été convertis en signes. Il ne reste plus de métaux ni de luxe pour l'industrie : voilà le signe doublé de moitié, et le commerce diminué de moitié. Si cela continue, le signe enfin sera sans valeur ; nôtre change sera bouleversé, notre'industrie tarie, nos ressources épuisées ; il ne nous restera plus que la terre à partager et à dévorer.
Lorsque je me promène au milieu de cette grande ville, je gémis sur les maux qui l'attendent, et qui attendent toutes les villes, si nous ne prévenons la ruine totale de nos finances : notre liberté aura passé comme un orage, et son triomphe comme un coup de tonnerre. Je ne parlerai pas de l'approvisionnement de Paris : c'est une affaire de police qui ne regarde pas l'économie.
Nos subsistances ont disparu à mesure que notre liberté s'est étendue, parce que nous ne sommes guère attachés qu'aux principes de la liberté, et que nous avons négligé ceux du gouvernement.
Il était dans la nature des choses que nous nous élevassions promptement au degré d'énergie où nous sommes parvenus. Nos besoins pressants ont dévoré tous nos préjugés; notre liberté est fille de la misère. Il n esl plus temps de se flatter ; il ne faut pas non plus tomber dans le découragement. Etablissons notre République, donnons-nous des lois, n'attendons plus : que nous importent les jugements du monde? ne cherchons point la sagesse si loin de nous. Que nous serviraient les préceptes du monde, après la perte de la liberté? Tandis que nous attendons le tribut des lumières des hommes, et que nous rêvons le spectacle delà liberté du globe; la faiblesse humaine, les abus en tous genres, le crime, l'ambition, l'erreur, la famine, qui n'ajournent pas leurs ravages, nous ramènent en triomphe à la servitude. On croirait que nous désirons l'esclavage, en nous voyant exposer la liberté à tant d'écueils. Nous courons risque de nous perdre, si nous n'examinons pas enfin où nous sommes, et quel est notre but. La cherté des subsistances et de toutes choses vient de la disproportion du signe; les papiers de confiance augmentent encore la disproportion : car les fonds d'amortissement sont en -circulation; l'abîme se creuse tous les jours par les nécessités de la guerre. Les manufactures ne font rien, on n'achète point, le commerce ne*roule guère que sur les soldats. Je ne vois plus dans le commerce que notre imprudence et notre sang : tout se change en monnaie : les produits de la terre sont accaparés ou cachés, enfin, je ne vois plus dans l'Etat que de la misère, de l'orgueil et du papier. Je ne sais pas de quoi vivent tant de marchands : on ne peut point s'en imposer là-dessus ; ils ne peuvent plus subsister longtemps, je crois voir dans l'intérieur des maisons les familles tristes, désolées; il n'est pas posSihle que l'on reste longtemps dans cette situation. 11 faut lever'le voile : personne ne se plaint, mais que de familles pleurent solitairement! Vous vous flattez en vain de faire une
République, si le peuple[affligé n'est point propre à la recevoir.
On dit que les journées de l'artisan augmentent en proportion du prix des denrées ; mais si l'artisan n'a point d'ouvrage, qui payera son oisiveté? Il y a dans Paris un vautour secret. Que font maintenant tant d'hommes qui vivaient des habitudes du riche? La misère a fait naître la Révolution : la misère pour la détruire. Il s'agit de savoir si une multitude qui vivait, il y a peu de temps, des superfluités, du luxe, des vices d'une autre classe, peut vivre de la simple corrélation de ses besoins particuliers. Cette situation est très dangereuse; car si l'on n'y gagne que pour ses besoins, la classe commerçante n'y peut point gagner pour ses engagements ; oui le commerce étant enfin réduit à la mesure de ses modiques besoins, doit bientôt périr par le change. Ce système ruineux s'établira dans tout l'Ëmpire. Que ferons-nous de nos vaisseaux? Le commerce d'économie a pris son assiette dans l'univers; nous ne l'enlèverons point aux Hollandais, aux Anglais, aux autres peuples. D'ailleurs, n'ayant plus ni denrées à exporter, ni signe respectable chez l'étranger, nous serions enfin réduits à renoncer à tout commerce.
Nous ne- nous sommes pas encore demandé quel est notre but, et quel système de commerce nous voulons nous frayer. Je ne crois pas que votre intention soit de vivre comme les Schytes et les Indiens. Nos climats et nos humeurs ne sont propres ni à la pareille ni à la vie pastorale ; et cependant nous marchons, sans nous en apercevoir, vers une vie pareille.
Ne croyez pas que les peuples commerçants de l'Europe s'intéressent en notre faveur à la cause des rebelles et des rois qui nous font la guerre : ces peuples nous observent; notre économie, nos financés sont l'objet de leurs méditations; et, dans la marche présente de nos affaires, ils se complaisent à entrevoir l'affaiblissement prochain de notre commerce et le partage de nos dépouilles. Ces peuples sont nos ennemis; et si nous étions sages, ils nous déclareraient la guerre. Ils nous l'ont faite avec leur or.
La disproportion du signe a détruit le commerce et l'économie sous ces premiers rapports; la nature du signe a amené la disette des grains.
Autrefois le signe était moins abondant; il y en avait toujours une bonne partie de thésauri-sée; ce qui baissait encore le prix des choses. Dans un nombre donné d'années, on voyait, au milieu de la même abondance, varier le prix des denrées : c'est que dans ce temps donné, par certaines vicissitudes, le signe thésaurisé sortait des retraites, et rentrait en circulation en plus ou moins grande quantité. Aujourd'hui, on ne thésaurise plus; nous n'avons point d'or; et il en faut dans un Etat : autrement, on amasse ou l'on retient les denrées, et le signe perd de plus en plus. La disette des grains ne vient point d'autre chose. Le laboureur, qui ne veut point mettre de papier dans son trésor, vend à regret ses grains. Dans tout autre commerce, il faut vendre pour vivre de ses profits. Le laboureur au contraire n'achète rien; ses besoins ne sont pas dans le commerce. Cette classe était accoutumée à thésauriser tous les ans, en espèces, une partie du produit de la terre ; aujourd'hui elle préfère conserver ses grains à amasser du papier. Il résulte de là que le signe de l'Etat ne peut point se mesurer avec la partie la plus considérable des produits de la terre qui sont cachés, parce
que le laboureur n'en a pas besoin et ne met guère dans le commerce que la portion des produits nécessaires pour acquitter ses fermages.
Quelqu'un ici s est plaint du luxe des laboureurs. Je ne décide pas si le luxe est bon en lui-même; mais si nous étions assez heureux pour que le laboureur aimât le luxe, il faudrait bien qu'il vendît son blé pour acheter les superfluités. Voilà de funestes conséquences; je les abandonne à vos méditations, vous qui faites nos lois. Il faudra du luxe dans votre Republique, ou des lois violentes contre le laboureur, qui perdont la République. Il y a bien des réflexions à faire sur notre situation; on n'en fait point assez. Tout le monde veut bien de la République ; personne ne veut de la pauvreté ni de la vertu. La liberté fait la guerre à la morale, pour ainsi dire, et veut régner en dépit d'elle.
Il faut donc que le législateur fasse en sorte que le laboureur dépense ou ne répugne point à amasser le papier; que tous les produits de la terre soient dans le commerce, et balancent le signe. Il faut enfin équipoller le signe, les produits, les besoins ; voilà le secret de l'administration économique.
Or, considérez, je vous prie, si les produits, les besoins et le signe sont en proportion dans la République. Les produits sont cachés, les besoins sont sortis avec la tyrannie; le signe a quadruplé positivement et relativement. On n'arrache qu'avec peine les produits des mains avares qui les resserrent. Voilà les vices du caractère public que nous aurons à vaincre pour arriver à l'Etat républicain, car personne n a d'entrailles, et la patrie est pleine de monstres et de scélérats.
Hâtez-vous de calmer ces maux et d'en prévenir de plus grands. Ceux qui nous proposent une liberté indéfinie de commerce nous disent une très grande vérité en thèse générale ; mais il s'agit des maux d'une Révolution, il s'agit de faire une République d'un peuple épars avec les débris et les crimes de sa monarchie, il s'agit d'établir la confiance, il s'agit d'instruire à la vertu les hommes durs, qui ne vivent que pour eux.
Ce qu'il y a d'étonnant dans cette Révolution, c'est qu'on a fait une République avec des vices : faités-en des vertus ; la chose n'est pas impossible.
Un peuple est conduit facilement aux idées saines. Je crois qu'on a plus tôt fait un sage peuple qu'un homme de bien. (Applaudissements.) Vous qui nous préparez des lois, les vices et les vertus du peuple seront votre ouvrage. Il est une sorte de mœurs dans l'Etat, qui ne peut s'acquérir que par le temps. Il est des mœurs politiques qu'un peuple prend le même jour qu'il a des lois. Vous déciderez si le peuple français doit être conquérant ou commerçant ; c'est ce que je n'examine point ici ; mais vous pouvez en un moment lui donner une patrie; et c'est alors que l'indigent oubliera la licence, et que le riche sentira son cœur. Je ne connais presque point de remèdes provisoires aux malheurs qui naissent de l'anarchie et de la mauvaise administration, il faut une Constitution excellente qui lie tous les intérêts. La liberté sans loi ne peut pas régir un Etat; il n'est point de mesures qui puissent remédier aux abus : lorsqu'un peuple n'a point un gouvernement prospère, c'est un corps délicat pour qui tous les aliments sont mauvais. Y pro-tège-t-on la liberté du commerce des grains ; on accapare en vertu de la liberté : contraignez-
vous les propriétaires, chassez-vous les facteurs; la terreur est l'excuse des marchands. Enfin, il vous manque cette harmonie sociale que vous n'obtiendrez que par des lois.
On ne peut point faire de lois particulières contre ces abus; l'abondance est le résultat de toutes les lois ensemble.
Mais si l'on voulait donner à ce grand peuple des lois républicaines et lier étroitement son bonheur à sa liberté, il faudrait le prendre tel qu'il est, adoucir ses maux, calmer l'incertitude du crédit public; car enfin, et je n'ose le dire, si l'Empire venait à se démembrer, l'homme qui attache quelque prix à l'aisance, se demande à lui-même ce que deviendraient entre ses mains des richesses fictives dont le cours serait circonscrit. Vous avez juré de maintenir l'unité ; mais la marche des événements est au-dessus de ces sortes de lois, si la Constitution ne les consacre pas.
Il faudrait interroger, deviner tous les cœurs et tous les maux, et ne point traiter comme un peuple sauvage, un peuple aimable, spirituel et sensible, dont le seul crime est de manquer de pain.
L'Empire est ébranlé jusques dans ses fondements; la guerre a détruit les troupeaux; le partage et le défrichement des communes achèvera leur ruine, et nous n'aurons bientôt ni cuirs, ni viandes, ni toisons. Il est à remarquer que la famine s'est fait surtout sentir depuis l'édit de 1763, soit qu'en diminuant les troupeaux, on ait diminué les engrais, soit que l'extrême abondance ait frayé le chemin aux exportations immodérées. Vous serez forcés un jour d'encourager le laboureur à aménager ses terres, et à partager son industrie entre les grains et les troupeaux. Il ne faut pas croire qu une portion de la terre étant mise en pâturages, l'autre portion ne suffira plus à nos besoins; on aura plus d'engrais, et la terre mieux soignée rapportera davantage. On tarira le commerce des grains ; le peuple aura des troupeaux pour se nourrir et se vêtir; nous commercerons de nos cuirs et de nos laines. Il a trente ans, la viande coûtait 4 sous la livre, é drap 10 livres, les souliers 50 sols, le pain 1 sou; les pâturages n'étaient point défrichés; ils l'ont été depuis; et pour ne point prendre l'instant de cette crise passagère pour exemple, en 1787 le drap valait 20 livres, la viande 8 sols, les souliers 5 et 6 livres, le pain 2 sous 1/2. Qu'avons-nous gagné à défricher les landes et les collines? Nous avons porté notre argent en Angleterre et en Hollande, d'où nous avons tiré nos cuirs; nous avons vendu nos grains pour nous vêtir; nous n'avons travaillé que pour l'Europe. On est devenu plus avare et plus fripon ; les travaux excessifs aes campagnes ont produit des épidémies; les économistes ont perfectionné le mal, le gouvernement a trafiqué. Les seigneurs avaient tiercé trois fois depuis quarante ans; et, pour consacrer leurs entreprises par un acte de possession, ils plantaient ces tiercements en mauvais bois qui multipliaient le gibier, occasionnaient le ravage des moissons et diminuaient les troupeaux ; en sorte que la nature et le loisir n'étaient plus faits que pour les nobles et pour les bêtes, et le pauvre ne défrichait encore que pour elles. La Révolution est venue ; et, comme je l'ai dit, les produits s'étant cachés, le signe a perdu sa valeur.
Voilà notre situation. Nous sommes pauvres comme les Espagnols, par l'abondance de l'or ou du signe, et la rareté des denrées en circulation;
nous n'avons plus ni troupeaux, ni laine, ni in ~ dustrie dans le commerce. Les gens industrieux sont dans les armées, et nous ne trafiquons qu'avec le Trésor public; en sorte que nous tournons sur nous-mêmes, et commerçons sans intérêt. Nous consommons tout, rien ne sort pour l'étranger, et le change s'altère d'autant plus contre nous.
Si je ne me trompe, ce qui vaut aujourd'hui un écu, en supposant que nous ne changions pas de système vaudra, 10 livres dans 18 mois. Il sera fabriqué environ pour 2Ô0 millions d'espèces; le signe représentatif de tous les biens des émigrés sera en émission; on remplacera l'arriéré des impôts par des émissions d'assignats, et le capital des impôts sera en circulation avec le signe représentatif de l'arriéré. Le peuple alors gémira sous le portique des législatures ; la misère séditieuse ébranlera vos lois ; les rentes fixes seront réduites à rien ; l'Etat même ne trouvera plus de ressource dans la création des monnaies ; elles seront nulles. Nous ne pourrons pas honorablement payer nos dettes avec ces monnaies sans valeur. Alors quelle sera notre espérance? La tyrannie sortira vengée et victorieuse du sein des émeutes populaires. Si les Droits de l'homme subsistent encore, les Droits de l'homme seront écrits avec le sang du peuple sur le tombeau de la liberté. On violera l'asile du laboureur, on détruira peut-être l'espérance des moissons prochaines ; et nous serons la fable de l'Europe.
Citoyens, pardonnez à ces réflexions ; tout concourt à les réaliser; mais les remèdes sont dans vos mains. Un législateur ne connaît point l'effroi; il calcule avec son jugement, et non point avec sa frayeur. Travaillons enfin pour le bonheur du peuple, et que les législateurs qui doivent éclairer le monde, prennent leur course d'un pied hardi, comme le soleil.
Le vice de notre économie étant l'excès du signe, nous devons nous attacher à ne pas l'augmenter, pour ne pas accroître la dépréciation. Il faut décréter le moins de monnaies qu'il nous sera possible; mais, pour y parvenir, il faut diminuer les charges du Trésor public, soit en donnant des terres à nos créanciers, soit en affectant les annuités à leur acquittement, sans créer de signe; car cette méthode corrompt l'économie, et, comme je l'ai démontré, bouleverse la circulation et la proportion des choses. Si vous vendez, par exemple, les biens des émigrés, le prix anticipé de ces fonds, inertes par eux-mêmes, sera en circulation, et se mesurera contre les produits qui représentent trente fois moins. Comme ils seront vendus très cher, les produits renchériront proportionnellement, comme il est arrivé des biens nationaux, et vous serez toujours en concurrence avec vous-mêmes.
Au contraire, les annuités étant de simples contrats qui n'entreront point comme signe dans le commerce, elles n'entreront point non plus en concurrence avec les produits; l'équilibre se rétablira peu à peu. Si vos armées conquièrent la liberté pour les peuples, il n'est point juste que vous vous épuisiez pour ces peuples; ils doivent soulager notre Trésor public; et dès lors nous avons moins de dépenses à faire pour entretenir nos armées. Enfin, je pose ce principe, que le seul moyen de rétablir la confiance et la circulation des denrées, c'est de diminuer la quantité du papier en émission, et d'être avare d'en créer d'autre. Les dettes de l'Etat seront acquittées sans péril par ce moyen ; vous attacherez tous
les créanciers à la fortune de la République; le payement de la dette n'altérera point la circulation naturelle : au lieu que si vous payez par anticipation, le commerce sera tout à coup noyé, et vous préparerez la famine et la perte de la liberté par l'imprudence de l'administration.
Voilà ce que j'avais à dire sur l'économie : vous voyez que le peuple n'est point coupable; mais la marche au gouvernement n'est point sage. Il résulte de là une infinité de mauvais effets que tout le monde s'impute: delà les divisions, qui corrompent la source des lois, en séduisant la sagesse de ceux qui les font; et cependant on meurt de faim, la liberté périt, et les tendres espérances de la nature s'évanouissent. Citoyens, j'ose vous le dire: tous les abus vivront tant que le roi vivra; nous ne serons jamais d'accord, nous nous ferons la guerre. La République ne se concilie point avec des faiblesses : faisons tout pour que la haine des rois passe dans le sang du peuple; tous les yeux se tourneront alors vers la patrie.
Tout se réduit, pour l'instant, à faire en sorte que la quantité du papier n'augmente point, que le laboureur vende ses grains, ou que le gouvernement ait des greniers pour les temps les plus malheureux, et que les cnarges du Trésor public diminuent.
Je vous propose les vues suivantes, dont je demande le renvoi aux comités des finances et d'agriculture, réunis:
^,1° Que les biens des émigrés soient vendus, que les annuités soient converties en contrats, qu i serviront à rembourser la dette;
2° Que l'impôt foncier soit payé en nature, et versé dans dans des greniers publics; qu'on prenne des moyens pour faire payer l'arriéré;
3° Qu'il soit fait une instruction sur la libre circulation des grains, qu'elle soit affichée dans toutés les communes de la République;
,4° Que la Convention nationale déclare que la circulation des grains est libre dans l'intérieur et porte la peine de mort contre l'exportation ;
5° Qu'il soit fait une loi qui nous manque, concernant la liberté de la navigation des rivières; et une loi -populaire, qui mette la liberté du commerce sous la sauvegarde du peuple même, selon le génie de la République.
Cette dernière loi je ia proposerai;
6° Que l'on consacre ce principe, que les fonds ne peuvent point être représentés dans le commerce.
Telles sont les vues que je crois propres à calmer l'agitation présente : mais si le gouvernement subsiste tel qu'il est; si l'on ne fait rien pour développer le génie de la République; si l'on abandonne la liberté au torrent de toutes les imprudences, de toutes' les immoralités que je vois; si la Convention nationale ne porte point un œil vigilant sur tous les abus ; si l'orgueil et la mort de la sotte gloire ont plus de part aux affaires que la candeur et le solide amour du bien ; si tous les jugements sont incertains et s'accusent; enfin, si les bases de la République ne sont pas incessamment posées, dans six mois la liberte n'est plus. (Vifs applaudissements.')
Citoyen Du friche-Valazé, vous avez la parole.
Représentant» du peuple (1),
Des moissons plus abondantes couvriront les champs féconds de la République, car le cultivateur redoublera d'efforts par la certitude de la vente, et l'indigent, qui arrose des ses sueurs les sillons plantureux, assuré d'obtenir une participation légitime aux fruits de la terre, n'ap-prénendera plus les spéculations de l'avaricé, Que j'aime à me le représenter, parcourant avec l'œil de la complaisance les richesses dont la terre est couverte (car elle est sa plus douce jouissance dans les jours de repos), se rendant le gardien de la fortune publique, en se disant avec une juste confiance, ce beau blé croît pour moi comme pour le propriétaire du champ qui le produit. Que j'aime à porter mon attention sur un avenir très prochain, dans lequel, par le moyen de votre loi salutaire, l'ordre et l'abondance vont régner dans les villes et dans les campagnes ! Sans doute le spectacle déchirant de la misère et du désordre actuel, me rend cet avenir plus intéressant et plus désirable, mais il n'a pas besoin, pour plaire, d'être mis à côté d'un objet aussi disparate.
Vous allez voir s'engager de violents combats. Des préjugés anciens absolument contraires et fortement prononcés, vont s'accroître, sans doute, à mesure que la discussion s'avancera, car je suis forcé de le dire, on écoute avec avidité ce qui vient à l'appui de son système, et l'on ne prête qu'une attention légère à ce qui contrarie nos idées favorites, mais votre courage augmentera en proportion des obstacles, et l'imposante majorité de l'Assemblée fera raison de ces préjugés.
Ils se sont déjà manifestés à cette tribune, d'une part, l'on voiïs crie de respecter la liberté, et l'on qualifie d'attentat à cette faculté toute espèce de gêne apportée à la disposition arbitraire des subsistances.
De l'autre part, on ne vous entretient que des besoins du peuple, des alarmes qu'ils doivent inspirer, de l'insuffisance des lois actuelles, de la nécessité d'y suppléer par des moyens extraordinaires qu'on qualifie du terme de précautions sages, et qui sont désignées bien différemment par ceux qui se rangent à une opinion contraire.
Au reste chacun des deux partis vous cite des autorités, des lois, des usages et des faits en sa faveur.
Les économistes vous disent d'après le maréchal de Vauban (1) que la surface du territoire français est de 30,000 lieues carrées; que chacune d'elles peut nourrir 850 personnes, et qu'ainsi le sol de la France peut fournir, année commune, la nourriture de 25,500,000 habitants. Or, comme le maréchal de Vauban ne comptait en France que 19,094,146 personnes, ils en concluent qu'il y a tous les ans un superflu de richesses territoriales dont l'intérêt de la République exige l'exportation et la vente.
Ces données ont été suivies par une foule d'écrivains qui en ont fait la base du système des économistes.
Leurs adversaires les ont contredit longtemps sans pouvoir présenter des
résultats plus authentiques sur la surface èt la population de la
Quant à la population, on est plus universellement d'accord, et, cependant l'opinion de Vauban a longtemps surnagé. Je vois même Herbert, dans son essai sur la police générale des grains, déclarer que l'évaluation de Vauban était trop forte et réduire à 18 millions le nombre des habitants de la République.
On convient aujourd'hui que la population de la France est de 24 à 25 millions d'individus.
D'où suit que, d'après le calcul de Vauban, de Herbert et de tant d'autres, la France ne produirait pas la quantité de grain nécessaire à sa consommation.
Mais combien le déficit va s'accroître, quand on saura que la population de la République a été évaluée, d'après les recherches les plus exactes, entreprises pour fixer le maximum de la contribution foncière de 1792 à 27,190,000 individus des deux sexes. Ce fait est consigné dans un discours im primé par ordre de l'Assem blée nationale législative et prononcé à cette tribune par le citoyen Jollivet, le 25 février dernier.
Il reste donc 4,281,500 individus qu'il faut alimenter avec le blé acheté chez l'étranger, et si ce nombre a besoin d'une comparaison pour être mieux senti, je dirai qu'il égale et surpasse même de quelque chose, la population réunie des deux royaumes de Portugal et de Bohême.
Ce déficit énorme serait incontestable, si l'on ne pouvait rien changer aux suppositions du maréchal de Vauban, mais par bonheur, il s'est mépris sur le produit des terres. Il a cru que chaque qualité de terre, l'une dans l'autre, ne rapportait que 3 1/2 pour un, les semences déduites ou remplacées ; et je pense qu'il faut ajouter environ un demi à cette quantité : ce qui donne la nourriture de 3,272,500 individus de plus. Quant à la consommation, il n'y a rien à y changer en notre faveur, car il ne la porte qu'a 3 setiers par tête, ce qui ne fait pas tout à fait deux livres de pain par jour; et si les citadins en consomment moins, qu'ils sachent que l'habitant des campagnes, qui est toujours en équilibre entre ses forces et ses fatigues, en consomme bien davantage. L'expérience m'a démontré que Je laboureur mangeait par jour depuis 3 livres jusqu'à 31. 1/4 de pain.
Voulez-vous que j'ajoute tout le possible à la supposition faite par les économistes. Eh bien, je consens que les terres, l'une dans l'autre, rapporte 4 1/6, pour un, lés semences prélevées ; il en résultera que nous sommes au pair de nos besoins, sauf le cas de stérilité générale ou partielle.
Ici, se dissipe un beau rêve, qui ne s'est que trop prolongé ici, tous les événements s'expliquent sans difficulté. Je ne suis plus surpris ae voir Ja France si souvent agitée par la crainte de manquer de subsistance; quand elle aurait quelque chose en sus de ses besoins, les moindres circonstances feraient naître cette crainte, au milieu d'une population aussi forte que la nôtre; mais elle est bien naturelle, quand on considère que nous n'avons que le simple nécessaire. Or, cette crainte suffit pour amener les plus grands désordres, par les moyens que chacun prend afin
de les prévenir. Car, aussitôt qu'elle commence à se repandre, le riche s'approvisionne au delà de ses besoins, le spéculateur, qui quelquefois, en est la source, ajoute évidemment a ses essais, et sans l'espoir d augmenter encore le prix des subsistances, il fait tous ses efforts pour que la vérité reste longtemps cachée, afin de vendre au même prix tout le blé dont il s'est approvisionné. Alors le cultivateur tremblant d'espérance et de crainte, cache à ses voisins les ressources qui sont à sa disposition; son cœur qui se ferme difficilement à la pitié, et son esprit habitué à la jactance, lui livrent un moment d'inutiles combats; il déserte les halles, et trouve bien plus simple que ceux qui ont besoin de s'approvisionner, viennent le faire dans ses greniers. Alors, le pauvre se montre seul dans les marchés: comme il ne voit plus de ressources, comme il n'a pas la possibilité d'attendre, comme ses plaintes ne sont point entendues, la faim, l'impérieuse faim le porte à des excès qui augmentent la calamité publique, et qui deviennent plus nécessaires le lendemain du jour qui les a vu éclore :
Je ne suis plus surpris qu'au milieu des plus grands désordres et qui semblaient indiquer les plus vastes besoins, un secours de médiocre importance ait suffi pour ramener le calme ; encore un coup, le trouble n'avait pour cause que la crainte et dès qu'elle a disparu, l'ordre s'est rétabli. Nous n'appréhendons pas d'être réduits à cette situation horrible qu'on dit être périodique à la Chine, où il faut que par des séditions populaires la nation se charge de l'excédent de sa population, et la mette ainsi en équilibre avec les productions territoriales. Nous avons des grains à peu près ce qu'il nous en faut, et, par l'échange d'une abondance d'autres denrées que la fécoudité de notre sol fait croître autour de nous,il nous est facile de nous mettre au pair de nos besoins.
Je vais plus loin, et ie prédis avec assurance, que bientôt la quantité de nos grains surpassera très sensiblement celle de nos consommations. Je tire cet augure de l'influence que doivent avoir et la suppression des dîmes et la juste répartition des contributions, et le retour prochain des propriétaires dans leurs fermes; car la situation et les espérances du riche ont bien changé depuis qu il n'y a plus de roi. J'espère bien aussi que l'agriculture se perfectionnera, surtout quand le riche se mêlera de cette profession honorable.
Mais c'est sur l'état actuel des choses qu'il faut que la Convention nationale fixe ses regards attentifs, et si je ne me suis point égaré dans ce que je viens de dire, ses efforts actuels doivent tendre :
1° A retenir sur le territoire de la République les grains qui s'y trouvent;
2° A prévenir la crainte du défaut des subsistances par des déclarations de leurs quantités réelles, s'il s'en trouve assez, ou par l'engagement formel d'en faire venir du dehors, si elle juge que cela soit nécessaire ;
3° A faciliter la libre circulation des grains dans l'intérieur d'une République, divisée en portions dont les unes fournissent abondamment des blés et dont les autres n'en fournissent que peu ou point.
Pour parvenir à ces tins et pour remédier aux maux présents, j'ai entendu Ceux qui suivent le parti des économistes vous proposer uniquement d'autoriser la libre circulation des grains.
Mais si vous vous borniez à cette seule mesure, qu'en pourriez-vous attendre?
Tant de lois récentes autorisent cette libre circulation et cependant elte n'a pas lieu, et cependant c'est au milieu de ces lois impuissantes que des plaintes vous sont adressées de toutes parts et que des avis multipliés vous annoncent e désordre comme très prochain.
Que pourriez-vous dire de plus important et de plus précis que ce qui se trouve dans ces lois? Quelles menaces nouvelles pourriez-vous faire? Quelle responsabilité plus redoutable pourriez-vous établir, que celle déjà prononcée par les décrets des deux Assemblées qui vous ont précédés? Le moyen qu'on vous conseille a donc été ou a dû être mis en pratique dans toute son énergie, et cependant le mal existe : ce moyen est donc insuffisant et vous courriez risque de compromettre la dignité nationale en vous y arrêtant.
Un orateur un peu plus déliant vous a proposé d'ajouter à cette mesure l'établissement d une prime pour les blés importés, et il a cru qu'à ce prix seul le retour de 1 ordre était infaillible.
Je l'appelle encore à l'expérience. Il n'y a qu'un moment nous accordions des primes pour ces sortes d'importations : elles ont été la cause d'une foule d'abus et n'ont servi qu'à encourager les spéculations audacieuses des mopopo-leurs. Ce moyen est encore insuflisant ; d'ailleurs, avant d accorder des primes, il faut savoir au juste si vous avez besoin des blés de l'étranger. Je le crois volontiers, car les départements dévastés par les armées ennemis sont tous à approvisionner, mais encore faut-il avoir plus que des soupçons, encore faut-il savoir jusqu'à quel terme s étendent vos besoins, afin ae connaître l'instant où vous cesseriez de faire des sacrifices.
Il faut, avant tout, user de vos propres ressources, et vous ignorez leur étendue, et l'on ne vous propose aucun moyen pour sortir de cette ignorance, dont la continuité ressemblerait entièrement à l'insouciance barbare de l'ancien gouvernement.
Mais on attend de vous autre chose qu'une loi de circonstance. Le peuple croit à votre sagesse et jamais il n'accordera une confiance plus entière que celle dont il vous a investis. C'est de vous qu'il veut recevoir les lois qui importent le plus à sa félicité; c'est à vous qu'il appartient, à ce titre, d'en faire une générale sur les subsistances, et, puisque j'ai l'honneur d'être son organe, je la sollicite en son nom.
Je viens vous exposer ma pensée tout entière sur cet objet important; elle finira, dans ses détails, par choquer beaucoup de préjugés, mais c'est aux principes qu'il faut m'arrêter, car, si on les admet une fois, il faudra bien aussi me passer les conséquences, et il ne sera plus temps de se récrier, quand, par l'admission des principes, ces résultats seront devenus nécessaires.
Je remarque quatre objets principaux :
1° L'approvisionnement des halles ;
2° La liberté de la circulation des blés et farines dans l'intérieur de la République;
3° La prohibition du monopole;
4° La défense ou la liberté de l'exportation.
L'établissement des halles date des premiers progrès de la société et de la fondation des villes.
Aussitôt que des citoyens se furent consacrés à la pratique des arts différents de l'agriculture, il fallut, pour ne les pas détourner de leurs travaux utiles et pour faciliter la population des villes, obliger le cultivateur à y porter les den-
rées de première nécessité. C'était du petit nombre qu'on exigeait un sacrifice en faveur de la multitude; d'ailleurs, était-ce bien un sacrifice? Non, sans doute, puisque l'habitant des campagnes avait aussi besoin ae s'approvisionner dans les villes. Cet institut fut donc un ordre naturel des communications humaines.
Il devint plus nécessaire, à mesure que les villes se peuplèrent davantage, et les citoyens ne s'y réunirent que sur la foi d'une police active, qui mettrait les subsistances à leur portée. Us ne continuèrent et ne peuvent continuer à les habiter qu'autant que cet ordre sera maintenu, car ils ne veulent ni ne peuvent pas dépendre, pour un objet aussi essentiel, du caprice des cultivateurs ou des spéculations commerciales qui pourraient un instant se trouver en défaut, et cet instant serait celui d'un désordre irréparable.
L'approvisionnement des halles étant une obligation, il faut pouvoir y soumettre le cultivateur ; de là résulte qu'on doit connaître la quantité des blés qui sont à sa disposition.
Vos comités réunis d'agriculture et de commerce vous ont proposé, à cet effet, de prescrire des déclarations aux cultivateurs; et, dans un article suivant, ils déterminèrent une peine contre ceux qui auraient fait de fausses déclarations.
Mais, en se bornant au projet de décret présenté par vos comités, vous n'auriez pris que des mesures insuffisantes, puisque si ces déclarations sont nécessaires, au point qu'on doit infliger des peines à ceux qui en auraient fait de mensongères, il faut du moins être à portée de constater le délit, et qu'aucun moyen ne vous a été indiqué pour parvenir à ce but. Cependant la déclaration du roi, du 9 avril 1723, l'ordonnance de Henri III, du 27 novembre 1577, et une foule d'autres lois et règlements de police, puisés dans le droit romain, indiquaient positivement ce qu'il y avait à faire en pareil cas. Que dis-je, l'article 4 de la loi du 16 septembre dernier le porte en termes formels.
Je croirais volontiers qu'on l'a vu, mais qu'on n'a pas osé le dire.
Pour moi qui pense que des républicains savent distinguer la liberté d'avec la licence et qu'ils sont convaincus que l'état social comporte nécessairement des gênes plus ou moins fortes, et le sacrifice d'une partie de la volonté individuelle, je dirai avec confiance tout ce qui peut être utile à mon pays.
11 faut ordonner aux cultivateurs et à tous autres de passer la déclaration de la quantité des subsistances, il faut les soumettre à une peine dans le cas de fraude, et pour la constater, il faut autoriser des vérifications.
Mais ces déclarations ont pour objet l'approvisionnement des halles, qui doit durer toute l'année ; il faut par conséquent qu'elles soient renouvelées de temps à autre et comme elles doivent varier en proportion des ventes effectuées, il faut qu'à cnaque fois le cultivateur soit dans le cas, par la représentation de ses états de vente, de justifier l'usage qu'il a fait de ce qui manque à son dépôt.
Pour que ces ventes puissent être constatées d'une manière légale, il faut encore, et surtout interdire aucune vente ailleurs que dans les halles.
Je sens que voilà des gênes, mais au moins ce ne sont pas des nouveautés ; et quand elles pourraient passer pour telles, l'objet de leur établis-
sement suffirait pour les justifier. Citoven, qui dois te soumettre à cette loi. songe que la vie de ton frère y est attachée, songe que la paix de la République en dépend 1
En effet, je vois une foule d'avantages découler nécessairement de ces déclarations ainsi vérifiées :
1° L'approvisionnement des marchés publics ;
2° L'établissement de la confiance publique et particulière ;
3° La connaissance des besoins d'un département et surtout la facilité de les prévenir ;
4° Celle du véritable état de la France entière par rapport aux subsistances, et par conséquent le moyen d'autoriser ou de défendre l'exportation, et celui de faire de justes approvisionnements chez l'étranger, si l'on juge qu'ils soient nécessaires.
Je ne connais rien qu'on puisse opposer à des motifs d'un aussi grand intérêt.
Le garnissement des halles doit opérer la fin des maux qui font gémir avec retenue les habitants des départements; car tous ceux qui ont eu le courage de venir vous adresser leurs plaintes vous ont dit que les marchés publics étaient totalement abandonnés par les vendeurs ; ce qui vous attestera que mes tableaux ne sont pas exagérés.
Que dit-on de contraire à ce garnissement des halles? Toutes les objections sont consignées dans le préambule de la loi des 13 septembre et 2 novembre 1774, et je déclare qu'il n'y en a pas une qui mérite l'honneur d'une discussion.
J'ai désigné pour second objet général de la loi sur les subsistances, la liberté ae la circulation des blés et farines.
Comme ie ne trouverai pas ici de contradicteur, je m'étendrai peu sur cet article.
La première loi qui l'autorise en France est un édit de François Ier du 8 mars 1539. Cette autorisation fut répétée dans un règlement général, fait par Charles IX, le 15 février 1567, dans l'édit de 1571, dans le règlement du 21 novembre 1577, et dans les lettres patentes du 30 septembre 1631. Cependant Louis XIV, dans sa déclaration de 1699, parut abandonner ce système auquel il revint dans l'année la plus calamiteuse de son règne. Louis XV, ce roi fainéant s'endormit sur cet objet, comme sur tant d'autres, et son réveil ne date que du 25 mai 1763. A cette époque, il rendit cette fameuse déclaration, qui ordonne la libre circulation des grains dans tout le royaume, déclaration qui fut si mal exécutée et qu'il réforma en partie par ses lettres patentes du 16 janvier 1771.
Depuis 1774, tout ce qui pouvait gêner cette circulation a été soigneusement écarté, sévèrement prohibé et cependant elle n'a point eu véritablement lieu.
Que conclure de la répétition de cette loi et de son inexécution actuelle? Ce qu'en dit ici un des préopinants, c'est que cette loi, bonne et très bonne en elle-même, ne doit qu'intermédiaire-ment, et quand elle est précédée et suivie d'autres lois qui l'empêchent de devenir funeste. Quand le peuple est parfaitement tranquille par le tableau connu de ses subsistances, ou par la certitude que le gouvernement vient à son aide dans la juste proportion de ses besoins, et quand enfin il est assuré que d'odieux accapareurs n'abuserons pas de cette loi et ne la feront pas servir à sa ruine.
J'en viens à ces hommes détestables, de l'exis-
tence desquels on ose faire un problème, tant l'esprit de parti est fortement enraciné.
Ils sentent bien, les économistes, que sans des lois gardiennes de l'intérêt du peuple, des capitalistes sans pitié peuvent, avec de grosses avances, enarrher les subsistances d'un canton, d'un district ou d'un département, y occasionner un renchérissement excessif dans le prix des grains, et se faire du malheur public une source abondante de richesses.
Eh bien, pour sortir de cet embarras, ils nient tout simplement l'existence de cette sorte d'hommes, et ils répondent à des faits incontestables ou par des phrases exagérées, ou par le mépris.
Je ne suis point à leur hauteur, et j'ai la faiblesse de compter pour quelque chose ce qui a frappé ma vue.
L'Angleterre n'a que faire ici et mille exemples encore ne m'empêcheront pas de croire ce dont j'ai été le témoin. J'ai connu plusieurs accapareurs depuis 1774 : je dirai, de plus, qu'ils ne cachaient pas trop leur odieux commerce, entièrement fondé sur l'attente du malheur du peuple, ainsi qu'ils le témoignaient dans leurs horribles entretiens. J'ai prouvé que Louis Capet avait figuré parmi eux, même dans le cours de cette année. Tout le monde sait que son aïeul fit des spéculations pareilles; les lois de mon pays, l'histoire, attestent partout leur existence très ancienne; ils paraissent à l'instant qu'on les attend le moins. En 1740, sous le ministère d'Orri, le gouvernement fit venir pour 13 millions de blé de chez l'étranger ; ce secours fut inutile ; à son arrivée, les magasins particuliers s'ouvrirent, le prix baissa et la vente de ces blés ayant été retardée, ils pourrirent et germèrent dans les vaisseaux. Autant en était arrivé dans les années 1662, 1693 et 1699. Les monopoleurs ont désolé la Judée ; les lois romaines en font mention dans une foule d'endroits : les Athéniens, les peuples de l'Asie mineure ont été leurs victimes ; encore un coup, je crois à leur possibilité, même à leur existence.
Je la crains pour tous les temps, mais plus aujourd'hui que jamais, car tous nos ennemis ne sont pas hors de nos murailles, et ils savent bien le mal qu'ils pourraient nous faire en occasionnant la disette.
Or, je demande ce que la libre circulation des grains et des primes accordées à ceux qui apporteront des blés étrangers dans la République, seront contre les spéculations assassines des monopoleurs.
Je vois qu'ils s'aideront de la liberté de la circulation pour approvisionner en sécurité-leurs magasins et que s'ils en ont d'établis près de la mer, ils renouvelleront sans obstacle la fraude qu'ils ont déjà commise, et puiseront ainsi à loisir dans la caisse nationale, et dans la bourse du pauvre.
Aussi, j'ai la simplicité de croire qu'il faut des lois uniquement faites pour eux.
Oui, j'en veux qui les empêchent de naître et qui les punissent de leur nuisible existence. Aussi je ne consentirai jamais à la liberté illimitée du commerce des grains.
Je sais cependant que le commerce des blés peut et doit être utile à la République ; qu'il faut le considérer quelquefois comme une ressource dans les temps calamiteux, et que, dans un pays bien ordonné, on doit se prémunir contre la disette. Aussi je consens à l'établissement de ce
commerce, avec des précautions pour empêcher qu'il ne parvienne à dépouiller le pauvre.
Les marchands de blé se feront connaître en cette qualité, ainsi qu'il était prescrit par l'ar-rêtdu conseil du 23 décembre 1770. Je ne les croirait point déshonorés par leur déclaration, car leur commerce, ramèné au vrai but d'utilité publique, leur assurera, au contraire, des droits à la reconnaissance de leurs concitoyens, et tout ce qu'on lit à cet égard dans lé préambule de l'arrêt du conseil du 13 septembre 1774, n'est qu'un abus du mot, honneur dont, au surplus, on ne savait qu'abuser à la Cour.
Il n'est pas plus raisonnable de dire que la connaissance ae leur profession compromettra leur existence. Sans doute, elle serait en péril s'ils étaient ce qu'ils ont été jusqu'à présent, mais quand on sera certain que leurs dépôts doivent s'ouvrir par la force de la loi, à l'époque du renchérissement des denrées et qu'alors ils ne pourront obtenir qu'un gain modéré, ils seront gardés par tous les bons citoyens et l'indigence même applaudira à leurs spéculations.
Jamais ils ne seront à portée de tromper ; et le peuple qui en sera instruit leur accordera sa confiance. Je dis qu'ils ne pourront point tromper, carjtoutes leurs opérations seront surveillées, car ils seront soumis, comme les cultivateurs et même plus souvent que ces derniers, à des perquisitions domiciliaires.
Je viens de prononcer ce terme afin de vous familiariser avec lui. Vous qui cherchiez depuis longtemps l'occasion de vous récrier, ne croyez pas qu'on m'en impose par de vains prestiges.
Sans doute, l'asile du citoyen doit être respecté, mais prend-on pour son asile la grange et le grenier où il a déposé son grain?
Est-ce dans ces lieux que se passent ces scènes domestiques, que nous devons ignorer, et pour lesquelles la liberté la plus indéfinie est justement réclamée?
Non, citoyens législateurs, les recherches que vous ordonnerez dans ces lieux ne porteront aucune atteinte à la liberté individuelle.
Mais quand bien mêmeelle éprouveraitquelque gêne, en résultance de ces recherches, ne devriez-vous pas les ordonner, quand l'intérêt public les exige? Les Lacédémoniens croyaient-ils cesser d'être libres, parce que les Ephores avaient le droit de pénétrer à tout instant dans leur demeure 1
Le respect dû à l'asile du citoyen empêche-t-il qu'on en viole le secret quand il faut lui notifier les jugements de tribunaux? et cependant, il ne s'agit souvent alors que d'intérêts privés, tandis que dans les visites que je conseille, il est question de l'intérêt public.
Je passe au dernier objet à considérer pour faire une bonne loi générale sur les subsistances.
Défendra-t-on l'exportation des grains, ou, au contraire, l'autorisera-t-on?
Ne semblerait-il pas, d'après cette question, que nous regorgeons de subsistances? Il n'en est rien ; au contraire, de toutes parts, on crie la faim et ce sont ces clameurs qui m'amènent à la tribune. N'importe comme les Anglais exportent des blés, et que ce régime leur est singulièrement favorable, nous pourrions bien gagner à les imiter.
Soit, mais attendons le temps où cette imitation sera possible, et quand nous l'entreprendrons que ce ne soit pas à demi.
C'est en 1660 qu'ils commencèrent à permettre l'exportation de leurs blés, mais dans le cas seu-
lement où la mesure ne vaudrait que 24 schel-lings. Peu à peu, ils parvinrent avec des ménagements graduels à autoriser des exportations plus fréquentes et ils en sont venus au point d'accorder même des primes d'exportation, mais la loi du pays porte toujours une exception pour les cas où le blé serait parvenu à un prixqu'elle détermine.
Concluons de ces exemples, puisque les Anglais sont un modèle infaillible, que la loi doit toujours surveiller le commerce des blés, et que ce n'est pas entendre la chance comme eux, que de dire qu'il faut l'abandonner à la liberté la plus illimitée.
D'après cet exposé, citoyens législateurs, je vous propose le projet de décret suivant, puisé dans les principes que je viens de déduire.
La Convention nationale décrète ce qui suit :
Décret de la Convention nationale relatif au commerce des blés et farines.
« Art. 1er. L'exportation des blés et farines
continuera d'être suspendue, à peine de confiscation et de six années de
fers, contre les contrevenants ; la dernière peine sera applicable à
ceux qui auraient facilité ladite exportation.
« Art. 2. La libre circulation des blés et farinés dans l'intérieur et leur transport d'un port à l'autre de la République ne cesseront d'être autorisés et protégés par la force publique.
« Art. 3. Ceux qui feront des magasins de blés ou farines seront tenus de le déclarer à leur municipalité et d'indiquer le lieu du dépôt, à peine ae confiscation et d'une année de gêne.
« Art. 4. Ceux qui méditeront des transports de blés ou farines d!un département à l'autre, ou des transports dans l'étendue d'un même département, mais par la voie de mer ou des canaux navigables, seront tenus d'en passer la déclaration à la municipalité de leur domicile, qui visera leurs lettres de voiture.
« Art. 5. Ceux qui effectueront des transports de blés ou farines seront tenus de représenter aux officiers municipaux des lieux de leur passage leurs lettres de voiture et de rapporter à la municipalité du lieu du départ le certificat du dépôt des dits blés ou farines dans le lieu qu'ils auront ci-devant indiqué. Ce certificat leur sera délivré par la municipalité du lieu du dépôt, qui, par la voie du directoire de district, en fera parvenir une expédition au directoire du département, lequel en certifiera le ministre de l'intérieur.
« Art. 6. Les dépôts de blés et farines seront sous la protection spéciale et la surveillance des corps administratifs et municipaux. Ils seront par eux visités au moins une fois par mois et les quantités y déposées seront declarées aux officiers municipaux des lieux, qui en informeront lés Corps administratifs au fur et à mesure de l'accroissement et de la diminution des dits blés; leurs quantités seront vérifiées en cas de besoin, la confiscation au profit de la commune sera la peine d'une fausse déclaration ; les frais de mesurage, si la déclaration est véridique, seront supportés par la commune.
« Art. 7. Les conseils généraux des communes sous l'autorisation des corps administratifs, pou-ront, dans les temps de cherté, ordonner aux marchands de blés et farines demander et mettre en vente leurs magasins en fixant le prix sur le pied des achats, vérifiés sur les registres de là police, et, en assurant aux marchands un béné-
fice calculé sur l'intérêt de l'argent à 6 0/0, sans autre indemnité pour les frais de magasin ou de garde.
« Art. 8. Les blatiers et marchands de blés ne pourront commencer leurs achats dans les halles qu'une heure après l'ouverture dicelles. , « Art. 9. Il ne pourra être vendu de blé que dans les halles, a peine de 500 livres d'amende contre les vendeurs.
« Art. 10. Pour l'exécution de l'article précédent, il sera fait dans toutes les municipalités de la République, quinzaine après la récolte, un recensement général des subsistances.
« Art. 11. Les conseils généraux des communes nommeront à cet effet des commissaires qui, accompagnés d'un détachement de la garde nationale, se transporteront chez tous les citoyens,, y recevront leurs déclarations relatives aux blés en gerbe ou en grain et aux farines, et vérifieront en tant que besoin. Les frais de vérification seront supportés par la commune, en cas qu'il n'en résulte rien de contraire à la déclaration, et s'il en était autrement, la confiscation sera ordonnée par lesdits commissaires, au profit de la commune.
« Art. 12. Ces déclarations seront enregistrées à la municipalité ; il en sera dressé un tableau huitaine après, lequel sera affiché au lieu ordinaire.
« Art. 13. Dans la huitaine suivante, les conseils généraux des communes arbitreront, en conséquence du nombre des individus de chaque famille et de la quantité des terres à ensemencer par icelles, la quantité de blé qu'elle conservera pour ses semences et pour sa nourriture pendant six mois, ainsi que celle qui devra être mise en vente.
« Art. 14. Le tableau des subsistances ainsi divisées sera affiché dans la même huitaine. Le procureur de la commune en enverra une expédition à l'administration du district, laquelle en informera le directoire de département, qui fera parvenir au ministre de l'intérieur, une récapitulation de tous les tableaux partiels ; et ce dernier présentera, dans la quinzaine suivante, au Corps législatif, un tableau général des subsistances de la République et de leur rapport avec la population.
« Art. 15. Les visites et perquisitions seront renouvelées tous les deux mois et les procès-verbaux d'icelles seront déposés à la municipalité.
« Art. 16. Lors de ces perquisitions, les commissaires compareront les ventes effectuées avec les quantités subsistantes. A cet effet, les citoyens seront tenus de leur représenter les certificats de chacune de leurs ventes. Ces certificats leur seront délivrés par les notables chargés de l'inspection des halles.
« Art. 17. A défaut de représentation des certificats de vente, la confiscation des subsistances au profit de la commune sera ordonnée par lesdits commissaires. 11 en sera usé de même dans le cas où, lors des visites secondaires, les déclarations ne s'accorderaient pas avec les quantités trouvées ; et si la totalité des blés ou farines avait été vendue sans représentation de certificats, les commissaires en feront leur rapport au conseil général de la commune, qui prononcera une amende proportionnée au délit.
« Art. 18. — Les directoires de département, d'après les demandes des conseils généraux des communes, et sur l'avis des directoires de district, pourront établir des marchés dans tous
les lieux où il sera nécessaire d'après les localités.
Art. 19. — Les conseils généraux des communes des lieux de l'établissement des halles sont autorisés à notifier, aux municipalités environnantes, la nécessité d'approvisionner les halles,
Les municipalités auxquelles cette notification aura été faite seront tenues, à peine de 500 livres d'amende, d'ordonner sous huitaine aux cultivateurs de porter auxdites halles des quantités de blé, qui seront déterminées en proportion de leurs facultés.
Lesdits cultivateurs se muniront de certificats qui attesteront lesdits transports effectués, leurs municipalités demeurant autorisées à demander à chacun d'eux la représentation desdits certificats.
- Et faute par lesdits cultivateurs de les représenter, ils seront condamnés à une amende de six livres par quintal de blé qu'ils auraient été obligés de porter auxdites halles.»
(La Convention décide l'impression des opinions de Saint-Just et de Dufriche-Valazé.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Clavière, ministre des contributions'publiques, qui propose à la-Convention d'instituer un établissement central pour la vérification des assignats, chargé de recevoir les dénonciations des faux assignats, d'en poursuivre les fabricateurs et de les livrer aux tribunaux.
(La Gonvenion renvoie la lettre au comité des finances pour en faire le rapport le plus tôt possible.)
Le même secrétaire donne lecture du bulletin de Pache, ministre de la guerre-, il contient l'extrait suivant d'une lettre du général Valence :
Au quartier général de Malogne, près Namur, le
« J'ai fait arriver l'artillerie de siège que j'ai pu rassembler. Des montagnes très difficiles et des chemins qu'il a fallu réparer pour les rendre un peu praticables, ont offert des obstacles à surmonter; et pendant ce temps, les troupes chassaient avec une ardeur admirable les ennemis des forts Canus et de la Cassotte', et sous la protection de leurs pièces de campagne, la tranchée s'ouvrait et se poussait vivement. Aujourd'hui, citoyen ministre, une batterie de six mortiers a été établie.
« J'ai l'honneur de vous envoyer copie d'une lettre que j'ai écrite au général Moitelle; il m'a offert, pour satisfaction, de faire pendre les canonniers. Je me suis contenté de ses excuses ; j'ai refusé la mort de ces hommes, et depuis ce temps on n'a pas tiré sur les avenues de la ville.
« J'ai avis que 5,000 capotes sont arrivées à Givet; je les fais venir promptement. Jamais nouvelle plus agréable ne me fut annoncée. La gelée et la neige les rendent plus que jamais indispensables. Il m'est aussi arrivé des souliers.»
Copie de la lettre écrite par le général Valence, au général Moitelle, commandant les châteaux de Namur.
A Namur, le
« Ce que je viens de voir, général ferait horreur aux nations les moins policées. Quoi 1 la garnison entre dans la ville conformément aux capitulations, et on tire sur la garnison! Des
troupes occupent les postes ; je viens, et l'on tire sur moi ! Des troupes ont passé par le pont de Jambes, qjui fait partie de la ville, ainsi qu'il était convenu avec M. le marquis de Chateîler, et l'on a tiré sur elles !
« Quelle guerre voulez-vous donc que nous fassions, et pourquoi ces protestations de loyauté? Je demande justice de cette atrocité. » ( Vifs applaudissements.)
Le lieutenant-général commandant en chef Varmée des Ardennes,
« Signé : VALENCE. »
Vous avez chargé votre commission extraordinaire des douze de vous déclarer, séance tenante, s'il y a des membres de la Convention compromis .dans les papiers trouvés en dernier lieu au château des Tuïllerie. Ses recherches n'étant pas terminées, elle pense qu'il résulterait de l'exécution actuelle de ce décret l'inconvénient de donner aux conspirateurs le moyen de s'échapper avant qu'il y ait des preuves assez certaines acquises contre eux pour les faire arrêter, et celui de compromettre des citoyens innocents qui peuvent être dans ces papiers, sans qu'il y ait cependant aucun fondement d'inculpation contre eux. Elle me charge, en conséquence, de vous demander un délai pour mûrir les recherches.
(La Convention accorde un sursis de trois jours.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du président de la Société des amis de laliberté et de Végalité, établis à Belfast' en Irlande; elle est ainsi conçue;
« Comme président de l'assemblée des citoyens de Belfast en Irlande, je vous envoie l'expression de ses Sentiments sur la Révolution de France et sur la nouvelle de son achèvement glorieux. Je vous les transmets avec le respect qu'un homme doit à un autre homme ; et, dans la sincérité de mon cœur, je supplie l'Etre suprême pour que, favorisant vos armes, elles dominent à jamais les tyrans. Pour la gloire de l'humanité, puisse votre déclaration dès droits être mise partout en pratique, et puisse bientôt la fraternité civique cimenter le bonheur de l'univers, et toutes les religions et les hommes se réunir dans un temple qui ait la terre pour aire et l'estrade du ciel pour dôme !
c Signé : SlERT. »
Déclaration faite par l'assemblée des volontaires et des habitants de la cité de Belfast en Irlande, tenue le § novembre 1792.
« Nous, habitants et volontaires de la cité de Belfast, avec des cœurs pleins de joie, nous nous assemblons de nouveau pour manifester la satisfaction que nous causent les glorieux succès remportes par les armées françaises contre les hordes innombrables de ses ennemis, qui sont aussi ceux de l'espèce humaine, et leur expulsion totale du territoire de la République ; événement qui a levé tous les obstacles à l'établissement de la liberté civile et religieuse chez les Français, et qui assure la liberté aux nations voisines.
« Nous avons la plus haute opinion de la puissance invincible des hommes libres ; mais l'événement a surpassé nos espérances.
« Lorsque 1 on considère la trahison du pouvoir exécutif, les perfidies de vos officiers, l'état de désorganisation où était l'armée, la coalition
de tant d'ennemis qurparaissaientsi formidables, la réunion des généraux du premier mérite à la tête des troupes les plus aguerries, et que l'on voit que de si grands moyens ont été entièrement impuissants, on a peine à le croire ; mais l'univers en a été témoin.....
« Nous ne pouvons nous empêcher d'attribuer le succès des armes françaises à la protection signalée de la Providence; elle«a donne un grand exemple de succès dont elle veut couronner les efforts que feront les peuples pour fonder la liberté civile et religieuse ; et nous implorons avec ardeur l'influence de l'esprit de la Divinité pour qu'il éclaire et dirige la Convention nationale dans l'ouvrage de la Constitution qui lui est confié, afin de donner à cet ouvrage une telle perfection qu'il puisse faire le bonheur des générations présentes et à naître. »
(Suit un nombre considérable de signatures.)
(La Convention ordonne l'impression de cette adresse, son envoi aux 83 départements et aux armées, et charge son Président de répondre à la Société de Belfast.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret tendant à ordonner la levée de la suspension des certificats de résidence, prononcée par son décret du 25 novembre, en ce qui concerne les négociants, les marchands et leurs facteurs. Il s'exprime ainsi;
Citoyens, le port de Lorient est ouvert, tous les négociants sont obligés de s'y rendre. L'intention de l'Assemblée n'est pas d'anéantir le commerce. Je demande que la suspension des certificats de résidence soit levée pour les négociants notoirement connus.
Voici le décret que vous propose votre comité de législation.
« La Convention nationale lève la suspension des certificats de résidence, prononcé par son décret du 25 novembre, en ce qui concerne les négociants, les marchands et leurs facteurs, notoirement connus pour être dans l'usage de voyager pour les affaires de commerce, décrète que les certificats de résidence et passeports ordonnés par les précédentes lois, seront délivrés aux marchands, négociants et leurs facteurs, dans les formes que lesdites lois ont prescrites. »
(La Convention adopte ce projet de décret.)
(La séance a été levée à trois heures trois quarts.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE GRÉGOIRE, président.
La séance est ouverte à six heures.
, au nom du comité de législation, présente un projet de décret ayant pour objet d'interpréter les articles 1 et 4 du décret rendu le 24 de ce mois pour la formation provisoire du conseil général de la commune et du corps municipal de Paris; ce projet de décret est ainsi conçu :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, interprétant les articles 1 et 4 du décret rendu le 24 de cé mois, pour la formation provisoire du conseil général de la commune et du corps municipal de Paris, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Attendu que les officiers municipaux de Paris actuellement en exercice, sont au nombre de 22, les sections de Paris nommeront, dans le délai fixé par le décret du 24 de ce mois, 122 citoyens au lieu de 132, ainsi qu'il était porté par l'article 1er du décret.
Art. 2.
c Le conseil général provisoire nommera, dans les trois jours de son installation, les 26 mem-brés qui doivent compléter le corps municipal.
Art. 3
« Immédiatement après cette élection, le conseil général de la commune nommera trois membres pour exercer les fonctions de procureur de la commune et de substituts.
Art. 4.
« Toutes les élections seront faites au scrutin et à la pluralité relative des suffrages. » (La Convention adopte ce projet de décret.)
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée, au nom de la commune d'Availles, district de Civray, département de la Vienne, un don patriotique de 300 livres.
(La Convention accepte l'offrande avéç les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait Bera remis aux donateurs.)
Je viens de recevoir une lettre en langue allemande signée des bourgmestres et Sénat de Worms. Ces magistrats se plaignent de la forte contribution militaire que Custine leur a imposée. J'ai déjà déclaré que je ne trouvais pas cette contribution trop forte. Mais quant au mode de répartition, je crois qu'il est physiquement impossible de le mettre à exécution. La plus forte partie de cette contribution a été imposée sur les magistrats de la ville impériale de Wornis, qui, comme on sait, ne sont que de modestes tailleurs et cordonniers. Or, citoyens, si ivous voulez vous faire payer des contributions de 200,000 florins, il faut les imposer aux prêtres et aux nobles de ce pays, qui sont nos ennemis nés. (Applaudissements.)
A Fribourg, une contribution de 200,000 florins a aussi été exigée. Ce n'est pas trop ; mais il faut en faire tomber la plus forte partie sur un certain château, qui est le repaire de plus de 200 barons allemands. (Rires et applaudissements.) Custine, qui apparemment ne connaît pas assez les localités, s'est trompé dans la répartition. Je demande que l'Assemblée prononce.
pense qu'il faut faire diriger Custine par le comité diplomatique ou envoyer des commissaires sur les lieux.
(La Convention renvoie ces propositions au comité diplomatique, pour en faire son rapport samedi.)
Une députation des volontaires du 11e bataillon du département de Paris est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Depuis trois mois nous sommes enrôlés et nous sommes encore ici : est-ce par les trahisons du pouvoir exécutif ? Avant le lu août, nous l'aurions cru; mais à présent que les ministres sont patriotes, nous ne le soupçonnons pas. Cependant pourquoi laisse-t-on languir dans l'oisiveté
une foule de jeunes gens livrés à la corruption de cette ville? Si nous ne devons pas servir notre patrie et partager la gloire de nos frères d'armes, qu'on le dise, et nous retournerons dans nos foyers. » (Applaudissements.)
Le motif qui vous amène à la barre vous honore. Quelle que soit l'a décision de la Convention nationale, vous pouvez toujours bien mériter de la patrie par une discipline sévère, par les bonnes mœurs et par les vertus républicaines.
Un des volontaires prend la parole : Citoyens, dit-il, l'étendard de la contre-révolution est arboré aux îles du Vent. Y aller faire triompher la liberté ou mourirkavec elle, voilà notre vœu.
(La Convention accorde à la députation les honneurs de la séance.)
Un membre : Il faut que le pouvoir exécutif rende compte des motifs qui le déterminent à garder ainsi ces bataillons à Paris.
Je propose que le ministre de la guerre soit tenu, dans les vingt-quatre heures, de faire part à la Convention nationale de sa déter-nation sur la demande de ce bataillon. ( Vifs applaudissements des volontaires.)
Je m'oppose au renvoi au pouvoir exécutif. En effet, en vain la Convention nationale le chargerait de donner de l'emploi à ces volontaires, puisque, par un décret précédent, elle lui a détendu de les employer. II faut renvoyer leur pétition au comité de la guerre, afin qu il nous mette demain en état de prononcer si ces volontaires peuvent être employés. (Applaudissements.) "
Je ne m'oppose pas au renvoi, mais je dois relever une erreur énoncée par Thuriot. La Convention nationale n'a point défendu au ministre de la guerre de disposer des volontaires formés en bataillons. Au contraire, elle les a mis sous sa réquisition. Or, si les volontaires qui se présentent sont formés en bataillons, je ne voispas pourquoi on renverrait leur pétition au comité. S'ils ne sont pas en bataillons, je prie la Convention de jeter ses regards sur la position où elle se trouve, et de ne passer à l'ordre du jour qu'après un mûr examen.
Je demande que, sur la pétition des volontaires, l'Assemblée passe a l'ordre du jour, motivé sur le décret qui met les bataillons à la disposition du ministre.
(La Convention passe à l'ordre du jour, motivé sur ce crue les bataillons de volontaires organisés sont à la disposition du ministre de la guerre.)
Je demande que ce décret soit envoyé au ministre de la guerre, car il est très vrai que, sur la motion de Rouyer, l'Assemblée a décrété que les bataillons organisés ne sont pas à la disposition du ministre. Plusieurs membres: C'est une erreur!
Le ministre n'a pas besoin d'explications, car tous les jours il fait partir des bataillons en vertu de ce décret.
(La Convention passe à l'ordre du jour.)
On procède à l'appel nominal pour Y élection du Président.
Citoyens, le résultat des suffrages ayant donné, sur 310 votants, 219 suffrages au citoyen Barère de Yïeuzae, je le proclame Président de la Convention nationale.
On passe à l'appel nominal pour l'élection de trois secrétaires.
Les citoyens Treilhard, Saint- Just et Jean-Bon-Saint-André, ayant obtenu la majorité relative des suffrages exprimés, je les proclame Secrétaires de la Convention nationale.
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. BARÈRE DE VlEUZAC, président.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
Unmembre : J'.observe que l'Assemblée n'est pas en nombre suffisant pour délibérer et je demande l'appel nominal.
Un autre membre .-Pourquoi l'appel nominal? il est préférable que les députés présents s'inscrivent et que la liste soit imprimée.
Si l'Assemblée y consent, je lui propose, lorsque tous ses membres seront réunis, de les avertir que demain l'appel nominal sera fait à dix heures.
(La Convention décrète cette proposition.) -
Le 17 avril des troubles se sont élevés aux environs de Carcassonne ; quelque temps après, une amnistie fut prononcée, mais depuis on a mis en état d'arrestation plusieurs prévenus. Ils prétendent que l'amnistie leur est applicable. Le ministre de la justice ne le croit pas ; c'est à la Convention qu'il appartient de lever cette difficulté. Je demande que le comité de législation lui fasse, dans trois jours, un rapport sur cette affaire.
(La Convention décrète cette proposition.)
, ex-Président, donne lecture à l'Assemblée de la réponse qu'il adresse, au nom de la Convention, aux Sociétés de Scheffield, en Angleterre, et de Belfast, en Irlande; cette réponse est ainsi conçue :
Réponse du Président de la Convention nationale aux sociétés de Scheffield (1) en Angleterre et dé Belfast en Irlande (2).
« Concitoyens du monde (3),
« Vos adresses aux représentants de la nation française les ont pénétrés d'une douce émotion. En n'imposant l'honorable devoir de vous le dire, ils me laissent le regret de n'exprimer qu'imparfaitement ce que tous sentent avec énergie:et certes quand on a l'honneur d'être Anglais ou Français, c'est un titre de plus à l'affection mutuelle qui doit régner entre les hommes.
Les savants de votre contrée se plaisent à parcourir le globe pour épier
la nature; désormais, ils pourront visiter le mont Blanc, sans quitter
leurs amis. Le jour où la Savoie libre sW unie à nous, et le jour où les
enfants de la fière Angleterre ont paru au milieu de nous
« La Convention nationale a cru témoigner sa satisfaction à des Anglais, en décrétant qu'on discuterait en leur présence le procès du dernier de nos tyrans. Il y a soixante siècles que les rois font la guerre à la liberté : les prétextes les plus misérables leur ont servi pour troubler la terre.
« Rappelons-nous avec horreur que, sous la reine Anne, une paire de gants tombés produisit d'étranges événements ; que, sous Louis XIV, une fenêtre de travers suffit pour faire ensanglanter l'Europe. Hélas 1 elle est si courte la durée dans laquelle l'Eternel a circonscrit notre fragile existence ! Faut-il donc que l'ambition féroce de quelques individus puisse impunément emprisonner ou abréger nos jours! Mais encore quelques moments, et les despotes et leurs canons seront muets : la Philosophie les dénonce à l'univers, et l'Histoire, souillée de leurs crimes, a donné leur signalement. Bientôt on écrira les annales des peuples; elles seront celles de la vertu ; et, dans les fastes de la France j une place est réservée aux témoignage de fraternité que nous donnent des Sociétés anglaises et irlandaises, et spécialement la Société constitutionnelle de Londres.
« Estimables républicains, les nouvelles publiques nous avaient raconté comment des fournisseurs infidèles avaient trompé notre loyauté et réduit nos braves guerriers à un état déplorable. Les 6,000 paires de souliers que vous envoyez pour nos armées, sont] un don patriotique qui n'avait pas de modèle ; il ne pouvait avoir pour auteurs que des hommes vertueux et libres : il vous assure des droits à notre gratitude. Ah ! si jamais on attente à votre liberté, parlez I et nos phalanges, victorieuses sur Tes rives du Rhin, de l'Escaut, du Var et de l'Isère, franchiront le Pas-de-Calais pour voler à votre défense.
« Sans doute l'année nouvelle qui s'approche verra renaître tous nos droits. La rentrée de votre parlement fixe nos regards. Nous espérons qu'alors la Philosophie tonnera par la bouche de r Eloquence, et que les Anglais remplaceront la grande Chartre au roi Jean, par la grande Char-tre de la nature.
« Les principes sur lesquels se fonde notre République ont été développés par des écrivains célèbres de votre nation. Nous nous sommes emparés de leurs découvertes dans l'art social, parce que les vérités révélées au monde sont la propriété du genre humain. Un peuple qui a mûri la raison ne voudra pas une demi-liberté ; il refusera, sans doute, de capituler avec le despotisme. Généreux Bretons , confédérons -nous pour le bonheur de l'humanité; poursuivons tous les préjugés ; faisons filtrer les connaissances dans toutes les branches de l'arbre social ; inspirons à nos semblables le sentiment de leur dignité ; apprenons-leur surtout que les vices sont les compagnons inséparables de l'esclavage ; et comptons qu'il secondera nos efforts, le Dieu de la liberté qui balance les destins des Empires et tient en main le sort des nations.
« Le Président de la Convention nationale de France,
« Signé: Grégoire. »
(La Convention en adopte la rédaction.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, et pétitions suivantes :
1° Lettre du citoyen Custine, qui dément les bruits répandus sur le général Custine, et annonce qu'une société de Jacobins est établie dans le palais électoral de Mayence.
2° Pétition du citoyen cVAirolan, contre les bureaux du ministre de la guerre.
Un membre: Je propose le renvoi au comité de la guerre, en le chargeant de prendre au plus tôt, au ministère, les éclaircissements nécessaires pour déposer son rapport dans le plus bref délai.
(La Convention nationale, sur une plainte rendue par le citoyen d'Airolan contre les bureaux du ministre de la guerre, décrète le renvoi au comité de la guerre, qui demeure chargé d'examiner la plainte, et ae prendre incessamment du ministre de la guerre les éclaircissements nécessaires, pour en être fait rapport dans le plus bref délai.)
3° Pétition des créanciers des sieur et dame Laumont, émigrés, qui demandent l'autorisation d'administrer les biens des sieur et dame Laumont, nonobstant la loi qui met les biens des émigrés sous la main de la nation.
(La Convention renvoie la pétition au comité d'aliénation.)
Un membre, au nom du comité de législation, présente la rédaction de l'acte d'accusation du citoyen Gerdret (1).
J'observe que cette accusation n'est fondée sur aucune pièce et qu'elle n'a point de motifs suffisants. Gerdret ne méritait pas un acte aussi sévère de la part des représentants du peuple, ayant toujours été connu pour son civisme. Je demande que cet acte soit renvoyé au comité qui sera chargé d'exprimer, dans l'acte, le délit et les motifs ae l'accusation.
Un membre : Je réclame le rapport du décret d'accusation rendu contre Gerdret, et j'appuie ma demande sur ce que les souliers avaient d'abord été acceptés et qu'ils ont pu se confondre avec d'autres dans le dépôt de Saint-Denis. 11 est évident que pour accuser Gerdret, il faut d'abord être convaincu qu'il a fait ou livré les souliers dont il s'agit.
Le rapporteur offre de livrer toutes les pièces et de rappeler tous les motifs sur lesquels l'accusation est fondée.
(La Convention ferme la discussion et renvoie l'acte d'accusation au comité des Vingt-Quatre.)
Un membre, au nom du comité des pétitions et de correspondance, fait un rapport et présente un projet de décret, tendant à autoriser l'archiviste de l'Assemblée à remettre au sieur Lambreci Sor-gues les pièces déposées aux Archivés nationales le 14 avril dernier et qui sont relatives à une soustraction d'assignats faite à ce citoyen.
(La Convention accorde l'autorisation demandée.)
Un membre, au nom du comité ^aliénation, présente un projet de décret sur
les frais d'estima-
(La Convention ordonne l'impression de ce projet de décret et en ajourne la discussion à trois jours.)
, secrétaire, donne leeture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit qu'il ne pourra rendre compte à la Convention des sommes mises à sa disposition pour les besoins de la. commune de Paris, qu'après celui que doit lui rendre la municipalité. Ce ministre demande que la Convention ordonne, par un décret, au trésorier de la municipalité de Paris, de lui rendre compte des sommes qu'il a touchées sur des ordonnances ministérielles à la trésorerie nationale.
Un membre : Je convertis en motion la demande du ministre.
Et moi je réclame l'ordre du jour. J'observe que la hiérarchie des pouvoirs doit être conservée. C'est au département et non au ministre que la commune de Paris doit rendre ses comptes.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur la lettre du ministre, motivé sur ce que les comptes de la municipalité de Paris doivent être rendus au département.)
Je demande que le ministre de l'intérieur rapporte à la Convention les mesures qu'il a prises pour faire rendre compte aux municipalités de Paris antérieures à la municipalité actuelle, et notamment à la municipalité de Bailly.
Je propose la rédaction suivante :
« La Convention nationale décrète que le ministre de l'intérieur fera connaître incessamment l'état des comptes de la municipalité de Paris, pendant la mairie de Bailly. »
(La Convention adopte cette rédaction.)
Je demande à la Convention de décréter que la municipalité de Paris rendra publics, par la voie de l'impression, l'état et l'emploi des sommes données pour le soulagement des veuves et des orphelins des citoyens qui ont péri à la journée du 10 août dernier.
(La Convention décrète la proposition de Duroy.)
La Société des amis de l'égalité, séante à Cosne, département de la Nièvre, m'a chargé de déposer sur le bureau de l'Assemblée, la somme de 72 livres en écus, qui lui a été remise par le citoyen Jean Batteau, manœuvre à Ville-chau, paroisse de Cosne, pour être employée aux trais de la guerre. Je demande la mention honorable de ce don patriotique.
(La Convention nationale accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
Un membre : Je demande que la liste des dons patriotiques soit imprimée ét distribuée.
(La Convention décrète cette proposition.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de
Vintérieur, qui rend compte de l'emploi de 22 millions qui ont été mis a
sa disposition pour faire acheter des grains
Je convertis en motion la demande du ministre.
(La Convention renvoie la lettre aux comités d'agriculture et de finances réunis. Elle décrète ensuite qu'il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur la sopime de 2,200,000 livres pour l'acquit des grains achetés par le bureau des subsistances de la ville de Marseille.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre dePache, ministre de la guerre, qui annonce à la Convention que Petitjean, mandé à la barre par un précédent décret, est arrivé d'hier au soir et demande le jour et l'heure où il pourra être conduit à la barre.
Malus et d'Espagnac sont pareillement arrivés, mais je demande qu'avant de les entendre, il soit fait une série de questions pour leur être adressées par le Président.
(La Convention décrète que Petitjean, Malus et d'Espagnac ne seront entendus qu'à deux heures, après le rapport de Cambon.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Roland, ministre de l'intérieur, qui écrit à la Convention pour lui demander si l'obligation de justilier de l'existence des créanciers émigrés est à la charge des receveurs pour la, nation des biens des émigrés ou à celle des' débiteurs de ses créanciers.
(La Convention renvoie l'examen de cette question à ses comités de législation et d'aliénation réunis.)
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de Vex-ministre Lacoste, qui écrit que depuis huit jours il est détenu au secret sans être interrogé. Il demande, au nom des lois et de l'humanité, qu'on l'interroge.
(La Convention renvoie cette lettre à son comité des décrets et décrète qu'à l'avenir tous les décrets d'accusation seront rédigés dans les vingt-quatre heures.)
, au nom de la commission des Vingt-Quatre, commence la lecture du rapport de l'examen des pièces relatives aux réclamations et demandes au général Dumouriez.
Il est interrompu.
Je profite de l'interruption pour consulter l'Assemblée. Désire-t-elle entendre le récit du malheureux événement qui a forcé au retour les commissaires qu'elle avait envoyés dans le département d'Eure-et-Loir ?
Un grand nombre de membres : A l'instant 1 à l'instant!
, l'un des commissaires, monte à la tribune.
Hier, vos commissaires envoyés dans le département d'Eure-et-Loir ont été à chaque minute entre la vie et la mort. Aujourd'hui, la ville de Chartres est peut-être incendiée; si elle ne l'est pas, 15,000 hommes doivent s'y porter demain, disposés à la punir de sa résistance lorsque le rassemblement s'y est porté pour la première-fois. C'est pour elle que nous venons demander des secours prompts.
(Mouvements et murmures à l'extrême gauche.)
Le retour précipité et inattendu de vos commissaires vous jette sans doute dans l'étonne-ment,,mais leur situation dans le cours des fonctions qu'ils ont été obligés de remplir en votre nom a été déplorable.
Je ne me permettrai aucune réflexion ; je vous raconterai simplement les faits ; ils suffiront pour intéresser votre sensibilité.
Partis de Paris aussitôt que nous eûmes en notre pouvoir les pièces nécessaires pour remplir notre mission, nous arrivâmes à Chartres le 28. Nous assemblâmes les corps administratifs ; notre dessein était de connaître les causes des rassemblements. Voici les questions que nous fîmes aux administrateurs : Savez-vous d'où sont partis les attroupements ? En connaissez-vous les causes? Ils nous répondirent que la cause prétendue était la cherté des denrées ; les attroupements ont commencé aux environs de la forêt de Vibraye et de la verrerie de Montmi-rail; il sont parvenus jusqu'à Brou; mais ce n'est qu'une branche de la révolte; l'autre a commencé à la Ferté-Bernard ; 200 volontaires d'un bataillon étaient à la tête. Nous leur demandâmes ensuite quel en était l'effet. Les administrateurs nous dirent qu'ils ne voulaient que taxer les denrées ; que cependant un procureur de commune a été victime de leur fureur pour les avoir voulu rappeler au respect de la loi; qu'à Montdoubleau ils ont pillé des greniers et des magasins.
Nous en étions là lorsqu'un gendarme vint annoncer que le tocsin se faisait entendre à Châteauneuf, et que l'attroupement devait se rendre le 29 à Courville.
Courville n'est qu'à quatre lieues et demie de Chartres. Nous résolûmes d'y aller le même jour.
Le commandant de la gendarmerie nous demanda nos ordres pour nous faire accompagner ; nous répondîmes : « Nous sommes envoyés pour exercer l'empire de la raison; nous distinguerons bien parmi les attroupés s'il y a des citoyens qu'on égare, et nous leur ferons rendre justice, si leurs motifs sont raisonnables. »
Nous croyions trouver à Courville des citoyens français et non des hommes prévenus contre la Convention nationale et disposés à verser le sang de ses membres. Nous prévînmes les administrateurs de Chartres, et nous partîmes.
Hier.matin, 29,àhuitheures, nous étions àCour-ville. Les particuliers attroupés y étaient déjà en assez grand nombre. Nous parlâmes à plusieurs en particulier, et nous conçûmes de leurs réponses un assez bon augure ; mais quelle était notre erreur! Nous nous rendîmes à la maison commune, et nous convînmes que lorsque les attroupés, que j'appellerai bientôt des brigands, seraient arrivés, on les réunirait pour les ramener à la raison et leur prouver qu'ils travaillaient contre leurs intérêts.
Un homme qui s'était attaché à nos pas depuis notre arrivée vint nous tendre un piège. Il ouvrit son opinion et nous conseilla d'user de rigueur contre le rassemblement, seul moyen, prétendait-il, d'en imposer à une foule turbulente, arrachée par la crainte à ses foyers et seulement égarée par ses conducteurs sur le sens véritable de la loi. Il dit ensuite qu'il avait fait plusieurs fournitures d'avoine, qu'on ne lui avait point payées, et qu'il nous invitait àle faire payer. Nous l'avions pris pour un municipal. Les municipaux le croyaient ae notre compagnie. Nous lui répondîmes que nous n'étions pas venus pour des affaires
particulières. Nous combattîmes ensuite sonopi- ! nion, si contraire à nos principes, aux vôtres, et surtout contraire aux principes de la justice vis-à-vis d'un peuple qui pensait, comme on vous l'a dit à cette tribune, exécuter la loi, Il disparut. On répandit alors que nous n'étions venus que pour exercer des mesures violentes, que bientôt on verrait paraître la légion germanique qui nous suivait, et qu'il fallait aller la reconnaître. Nous eûmes beau protester que nous n'avions d'autres armes que la mission de la Convention nationale et le respect et la confiance du peuple pour elle, on ne nous écouta point. Bientôt on vint nous annoncer que les attroupés étaient disposés à nous entendre. Ils étaient au nombre de 6,000, armés de fusils, de piques, de croissants, de fourches, de faux, de besaigues et d'autres outils de charpentier. On forma un bataillon carré, au milieu duquel on nous plaça.
Le citoyen Maure, notre collègue, parla le premier. Il leur représenta que la Convention nationale ne pouvait être heureuse que du bonheur du peuple. Je suivis cette idée ; je leur présentai le tableau des efforts de la Convention. Je les assurai qu'ils servaient par leur conduite les accapareurs qu'ils voulaient combattre. Jusque-là on m'avait prêté beaucoup d'attention et ae silence. Mais tout à coup des hommes, qui craignaient d'être démasqués,s'écrièrent: « Ce sont des charlatans, des endormeurs; ils s'entendent avec les propriétaires,ce sont des ennemis du peuple; ils ne demandent que le voir mourir de faim. Ce sont des aristocrates, ajoutent-ils, qui viennent nous engager à nous retirer chez nous, pour nous diviser et mieux nous réduire ensuite ; ils sont envoyés par la Chambre de Paris (c'est ainsi qu'ils appellent la Convention) pour protéger les accapareurs et les aider à écraser le peuple qui lui avait donné sa confiance. Il faut les pendre, point de grâcé. »
Le citoyen Birotteau, aussi notre collègue, voulut les ramener; il ne put dire que deux mots. On cria : A la hart !
On se pressait autour de moi ; nous fûmes divisés et séparés les uns des autres. Des groupes particuliers s'emparèrent de Birotteau et de Maure; je restai avec le troisième, le plus considérable.
Un citoyen de Châteauneuf me dit : Retirez-vous, citoyen, vous courez le plus grand danger. Je voulus rester, et répondre aux questions véritablement étranges qu'on me faisait. (Applaudissements.) Le même citoyen revint, et me dit : Si vous restez, vous êtes perdu. Je voulus faire un pas... à l'iostanUm me saisit; je crie que je suis un représentant du peuple; haches, besaigues, fourches, faux sont levés sur ma tête, sont dirigés sur ma poitrine. (Mouvements d'horreur.)
Plusieurs membres profèrent avec indignation le nom de Marat.
Je ne sais à quel événement je dois la vie et par quel hasard je respire encore. Déjà je croyais toucher à ma dernière heure. On m'entraîna subitement vers un groupe d'hommes où se faisait un grand mouvement. Rirotteau, mon collègue, en était l'objet. On déchirait ses habits, on voulait le précipiter dans la rivière. (Nouveaux mouvements d'horreur. Indignation. Murmures.)
Je me préparai à mourir. Déjà j'avais de la peine à respirer. On me pressait la gorge; on me pressait les flancs ; un homme, en habit de
garde-chasse, me menaçait de son fusil; lorsque le même citoyen, qui m'avait donné les deux premiers avis, crut me sauver en disant : Il faut le garder pour taxer le blé.
Alors on me rend l'usage de mes pieds. Je cherche des yeux mes collègues. On me dit que je n'échapperais pas plus qu'eux. On me hisse sur les sacs de blé. On crie plusieurs prix de taxe. Dans ce moment, on traîne vers moi mes deux collègues ; leur présence me rend un peu d'espoir. On exige de nous de ne pas démarrer (c'est leur terme) que nous n'ayons signé la taxe. Je réponds que nous n'avons aucun caractère pour le faire; que si les officiers municipaux le souffraient, ils étaient des prévaricateurs; que, puisqu'on ne voulait pas nous écouter comme envoyés de la Convention nationale, nous ne pouvions pas même exercer le droit de citoyens, parce que nous n'étions pas libres.
Des hurlements, des rugissements se font entendre. On allait nous ressaisir. Notre mort était assurée. Volontiers nous en aurions fait le sacrifice, si ce sacrifice eût été utile ; mais nous pensâmes qu'il ne serait qu'un crime de plus. La tête sous la hache menaçante, nous allions subir l'arrêt, nous accédâmes à la demande de ces furieux, pour empêcher le sang de couler, afin de pouvoir vous instruire vous-mêmes. Car si on nous eût massacrés, vous eussiez ignoré la cause et peut-être l'événement de notre mort.
Parmi les attroupés, il est beaucoup de citoyens qui sont forcés, le poignard sur la gorge, de suivre les autres. On dit que la cherté des denrées est la cause des troubles qui agitent le département d'Eure-et Loir; eh bien, dans ce département, le pain vaut 2 sous 3 deniers la livre. (Murmures dindignation.)Nousdevonspourtant à la vérité de dire que les hommes opulents abusent de la faculté de faire faire leurs ouvrages à un prix trop modique.
Parmi les reproches que nous avons entendus, on parlait beaucoup ae prêtres et de religion. (Nouveaux murmures.) Une motion faite au sein de la Convention n'était pas ignorée ; on voulait nous en punir. On a préludé avec autant d'audace que d'assurance, devant nous, une loi agraire. Un homme, couvert d'un uniforme na-, tional, a demandé que tous les baux fussent diminués par un décret ; on n'a pas craint de dire que ça irait jusqu'à Paris, et que cette Convention, qui ne voulait plus de prêtres, et qui volait les deniers du peuple, le payerait bien. Ensuite, on a formé le projet de marcher sur Chartres.
Le besoin de manger, la lassitude, nous délivrèrent de ces brigands vers 4 heures. Nous nous retirâmes à notre auberge. Le même citoyen, toujours le même, vint me trouver; le moment est favorable, me dit-il, ils vont revenir, ils seront pris de vin, partez. Nous suivîmes son conseil. Arrivés à Chartres, les officiers municipaux et les administrateurs vinrent au-devant nous. On leur avait annoncé à midi que nous n'étions plus ; ils nous témoignèrent leur intérêt et leur sensibilité. Nous connaissons la loi, nous ont-ils dit, nous avons déjà subi un assaut, nous en soutiendrons encore un second; si l'attroupement veut la loi, nous nous réunirons à lui; sinon; nous le combattrons. Mais ils nous firent observer qu'ils n'avaient que 150 hommes de cavalerie; il s'agissait moins d'effusion de sang que d'effrayer les séditieux par un grand appareil de force militaire. Ils nous prièrent de taire à Rambouillet un réquisitoire pour qu'on nous envoyât 100 dragons de
la République qui y sont. Nous nous sommes concertés avec la municipalité de Rambouillet, qui nous a fait part de ses craintes, et qui, ayant déjà éprouvé des troubles, pouvait en voir encore renaître dans son sein. Nous sommes con-* venus que pour ne pas l'affaiblir de toutes ses forces, elle enverrait soixante dragons à Chartres.
Citoyens, arrivé ce malin, à Paris, je n'ai pas eu le temps de donner à ma narration un ordre méthodique, mais elle porte le caractère de la plus scrupuleuse vérité, et je vous prie de vouloir bien entendre mes collègues sur les faits qui leur sont personnels, et qui ajouteront sans doute à la nécessité de prévenir, par des mesures promptes, les excès affreux auxquels des brigands armés pourraient se livrer, s'ils pouvaient compter sur l'impunité.
, autre commissaire. Citoyens, loin de charger le tableau, mon collègue ne vous a rendu que la vérité; c'est la vérité aussi que je vais vous présenter. Il s'agit du salut delà République. J'essayais de consoler les hommes attroupés; tout à coup le bruit augmente, et nous sommes séparés par des groupes de forcenés; on nous apostrophe dans des termes injurieux; on déchire nos vêtements. Un citoyen s'écrie : point de mal, mes amis, point de mal. A sa voix on me lâche, mais je me sens appliquer aussitôt un coup de bâton par derrière. On crie autour de moi : jetez-le à l'eau ; c'est un endormeur ; il faut le noyer; il s'entend avec la Chambre de Paris (c'est ainsi qu'on appelle la Convention nationale); je reçois encore un coup dans les reins, et je suis arraché aux furieux par le même citoyen qui deux fois m'a sauvé la vie. En passant sur un pont, on veut me jeter à l'eau; mais on cria qu'il fallait d'abord me mener à la halle ; en chemin on criait : à la lanterne; il faut lui couper le cou. Un citoyen cria que je consentais à taxer les denrées; ce cri me sauva la vie, et l'attroupement cria : Vive la nation! Je demandais où étaient mes collègues; on me répondit : marche toujours, lu vas avoir ton compte. On me porta sur des sacs, où je trouvai mes collègues; là, on m'a présenté la formule que voici :
« Arrêté aujourd'hui 29 novembre 1792, l'an premier de la République, par les commissaires de la Convention nationale, que les prix des denrées ci-après sont à jamais fixés ainsi qu'il suit, savoir :
« La tète de blé, le septier à 17 1. 6 s.
« Qualité moyenne, le septier à 16 livres.
« Dernière qualité, le septier à 14 livres.
« L'orge, le septier à 8 livres.
« La chandelle à 16 s. la livre.
« Bœuf, 5 s. la livre.
« L'aune de toile à 2 livres.
« Celle de serge blanche à 55 sols.
« Le fer 20 livres le cent.
« Les souliers à 4 1. 10 s. la paire.
« Ceux à forte semelle et à deux rangs de clous à 45 sols la paire. »
En vain, nous observâmes qu£ nous n'avions point le droit de taxer les denrées. Ce refus allait nous coûter la vie. Il me répétaient sans cesse que la Chambre de Paris était l'ennemie du peuple; qu'elle allait perdre la France; que bientôt ils se rendraient ici pour la mettre à la raison; que c'était une coquinerie que d'avoir supprimé le culte catholique et la contribution mobilière.
Vous voyez, citoyens, combien il est dangereux d'énoncer même de pareilles propositions. Les attroupés ajoutaient que nous étions tous riches; que nous avions pillé le Trésor national. Je les dissuadai, en leur détaillant le mode de la comptabilité. Des curés étaient au milieu de l'attroupement.
(L'Assemblée qui, sur tous ces faits, avait exprimé sa surprise et son indignation, les manifeste plus fortement encore sur ces derniers.)
Je demande qu'on écoute l'orateur en silence; car je soutiendrai la même opinion. On bouleversera la France par l'application trop précipitée de principes trop philosophiques que je chéris, mais pour lesquels le peuple, et surtout celui des campagnes, n'est pas mùr encore.
Des curés, des prêtres se trouvaient et parlaient au milieu des attroupements...
Les scélérats!
Ils étaient les plus acharnés contre nous et portaient la parole au nom du peuple. Tous les principes de la loi agraire ont été mis en avant : on disait que les bourgeois avaient assez joui; que c'était le tour des "pauvres travailleurs. Ils ajoutaient qu'ils voulaient leurs prêtres et leurs églises; qu'eux seuls feraient bientôt la loi. J'ai reconnu parmi les furieux un citoyen à moustaches, qui fut à Orléans chercher les prisonniers de la haute Cour nationale. Ces hommes dictaient leurs volontés à leurs officiers municipaux et à leur commandant de garde nationale, qui obéissaient pour sauver leurs jours.
, autre commissaire. Je demande à ajouter quelques mois aux paroles que mes collègues vous ont fait entendre.
Les attroupés savent bien que le pain n'est pas cher, mais ils observent que leur journée de travail n'est que de 20 sols et qu'ils ne peuvent obtenir davantage. J'allais rejoindre à leur tête mes collègues ; j'arrivais à l'entrée du bourg, lorsqu'un citoyen me cria que j'étais perdu et me conseilla de me sauver. Je restais calme, et je dis très haut: « Je ne crains rien au milieu de mes frères. » Ce mot parut leur faire plaisir; ils me disaient : « Vous paraissez être un bon citoyen ; mais si vous nous trompez, vous en serez puni. » Ils me conduisirent à la halle; en chemin, un homme, qui portait une faux très large et tranchante, s'approcha de moi en s'écriant : « 11 faut couper la tête à ce bougre-là. » Cependant on l'en empêcha. Arrivé à la halle, et placé avec mes collègues sur les sacs, on me força de signer la taxation.
Voilà tout ce que j'avais à ajouter au récit de nos collègues, dont j'atteste la vérité.
(L'Assemblée témoigne de nouveau son indignation.)
Je demande la parole.
La discussion est ouverte; la parole est au citoyen Pétion.
On nous conduit enfin à l'anarchie, et de l'anarchie on veut nous précipiter dans le despotisme. Nous n'avons plus que nous à craindre, et c'est nous qui nous déchirons de nos propres mains. Ne nous le dissimulons pas, les émeutes actuelles tiennent à de grandes causes. C'est dans le départemeut le plus paisible que le trouble éclate; c'est dans le département le plus abondant en grains qu'on
affecte de répandre des craintes sur les subsistances; c'est là qu'oïl veut tout taxer; c'est là qu'on veut établir la loi agraire. Eh bien, croyez-vous que ces émeutes ont pour objet le soulagement île la misère publique? C'est là le prétexte le plus dangereux. On met* le peuple dans des agitations affreuses, et ce sont ces agitations qui amènent la disette et la famine. Dans les départements voisins de Paris, toutes les denrées sont à bas prix; non pas pour le peuple, car tout est toujours trop cher pour lui, mais relativement au prix où elles sont dans les autres départements.
Pourquoi le Midi, où le prix du pain est excessif, n'est-il pas agité ? Pourquoi ces agitations nous environnent-elles?
0 vous 1 qui avilissez sans cessé la Convention nationale et les autorités constituées, que vous êtes coupablesI Dites-moi, que voulez-vous?
Plusieurs membres : C'est Marat 1 c'est l'infâme Marat ! (Applaudissements.)
Nous avons aboli toutes les tyrannies, nous avons aboli la royauté, que voulez-vous déplus? Vous voulez être libres; est-ce par les troubles et les massacres, ou par la sagesse et la vertu que vous voulez parvenir à la liberté ? On a jeté dans la Convention une question capable d'exciter beaucoup de fermentation. On a parlé d'hommes qui, depuis l'origine des sociétés, tiennent le bandeau d'erreur sur les yeux des peuples. Il a suffi d'en parler pour exciter du trouble. Mais sans admettre facilement de pareilles propositions, il ne faut pas non plus que la Convention nationale s'écarte des principes de la morale et de la justicé. Vous allez agiter la question des subsistances, eh bien 1 il ne faut pas que les événements actuels vous fassent dévierdes vrais principes qui doivent vous conduire. Si quelqu'un vous indiquait un moyen pour amener a bas prix les denrées de première nécessité, qui est-ce qui ne l'admettrait pas?' Car, enfin, nous voulons tous que le peuple soit heureux.
Un grand nombre de membres: Oui, oui; tous, tous !
Oui, que le peuple soit heureux, car il ne s'alimente que des départements environnants. Eh bien, que dans tous ces départements il s'élève une pareille fermentation, il est évident que Paris ne sera point approvisionné.
On parle sans cesse de taxe, ce sontles moyens sans doute les plus faciles; mais qu'en arrive-t-il ? Si vous taxez au-déssus du prix courant, vous payez la denrée plus cher; si vous taxez au-des-sous, on ne l'apporte point au marché. Une taxe n'amène jamais que la disette, c'est ce dont le peuple doit être bien convaincu. (Applaudissements.) Il faut bien le convaincre que la concurrence seule peut amener l'abondance et le bas prix de la denrée.
Que tous les événements funestes qui se passent n'alarment pas trop cependant la Convention; l'Assèmblée constituante s'est vue dans une position aussi cruelle, elle à vu non pas un seul département, non pas quelques départements, mais tous les départements en feu, relativement aux subsistances ; elle a toujours répondu par la liberté du commerce. Mais alors les autorités constituées étaient respectées. Il faut que la Convention se montre avec dignité, qu'elle reste ferme à son poste, et malgré les agitateurs, la liberté ne périra pas. (Applaudissements;)
Quant à la question qui vous occupe, il n'y a qu'un parti à prendre; il faut déployer le plus grand appareil, car c'est le moyen de n'en pas faire usage. Aperçoit-on des hommes égarés, on les ramène par la raison ; mais si on aperçoit des hommes qui égarent, il faut sévir contre eux. (Applaudissements.)
Je demande donc que le ministre de la guerre soit autorisé à faire passer dans le département d'Eure-et-Loir le plus de forces possibles, sous la direction des autorités constituées. (Vifs applaudissements.)
Je viens ajouter quelques idées à celles qu'a développées fe préopinant. Sans doute
I il est douloureux pour les représentants du peuple, de voir que leur caractère est plus indignement, plus insolemment ontragé parle peuple lui-même que par ce Lafayette, complice des attentats du despotisme. On ne peut se dissimuler que les partisans du royalisme (Applaudissements), les fanatiques et les scélérats qui, malheureusement poqr l'espèce humaine, se trouvent disséminés sur tous les points de la République, ne rendent la liberté déplorable. Il y a eu une violation infâme, il faut la réprimer ; il faut sévir contre ceux qui, prétextant la souveraineté nationale, attaquentcettesouveraineté, et se souillent de tous les crimes. ( Vifs applaudisse-ments:) 11 y a des individus bien coupables; car, qui peut excuser celui qui veut agiter la France? Ces excitateurs n'ont entraîné le peuple à leur cause, qu'en lui persuadant que vous voulez le faire mourir de faim et que vous ne vous occupez pas de son bonheur.....De son bonheur! Eh! qui peut encore douter que vous voulez le bonheur du peuple? N'avez-vous point aboli la royauté? N'avez-vous pas déclaré que la Constitution serait présentée à l'acceptation du peuple? Ne vous occupez-vous pas chaque jour avec sollicitude de ses intérêts les plus chers? Mais il faut se défier d'une idée jetée dans cette Assemblée.11 est trompéle peuple, vous devez l'éclairer ! II -s'est rappelé la-proposition de Cambon, que la perfidie, le fanatisme, la malveillance ignorante ont commenté avec soin. On a dit qu'il ne fallait pas que les prêtres fussent salariés par le Trésor public. On s est appuyé sur des idées philosophiques qui me sont chères; car je ne connais d'autre bieh que celui de l'univers, d'autre culte que le culte de la justice et de la liberté; mais Phomme maltraité de la fortune, cherche des jouissances éventuelles; quand il voit un homme riche se livrer à tousses goûts, caresser tous ses désirs, tandis que ses besoins à lui sont restreints au plus étroit nécessaire, alors il croit que dans une autre vie ses jouissances se multiplieront en proportion de ses privations dans celle-ci. Quand vous aurez eu pendant quelque temps des officiers de morale qui auront fait pénétrer la lumière auprès des chaumières, alors il sera bon de parler au peuple morale et philosophie. Mais jusque-là, il est barbare, c'estun crime de lèse-na-tiort de vouloir ôter au peuple des hommes dans lesquels il peut trouver encore quelques consolations. Je ne connais, moi, je 1 ai déjà dit, que le dieu de l'univers, la liberté et la justice. L'homme des champs y ajoute l'homme consolateur, qu'il regarde comme saint, parce que sa jeunesse, son adolescence et sa veillesse fui ont dû quelques instants de bonheur, parce que le malheureux a l'âme tendre et qu'il s'attache particulièrement à tout ce qui porte un caractère majestueux. Oui, laissez-lui son erreur, mais
éclairez-le: dites-lui positivement que l'intention de la Convention n'est pas de détruire, mais de perfectionner. Que le peuple ne craigne point de perdre ce qui seul l'attache à la terre, quand il n'y tient pas par la fortune. Je penserais donc qu'il serait utde que la Convention Ht une adresse pour persuader au peuple qu'elle ne veut rien détruire, mais tout perfectionner; que si elle poursuit le fanatisme, c'est parce qu'elle veut la liberté des opinions religieuses.
Il est encore un objet qui mérite l'attention et qui exige la prompte décision de l'Assemblée. Le jugement du ci-devant roi est attendu avec impatience : d'une part le républicain est indigné de cé que ce procès semble interminable; de l'aulre, le royaliste s'agite en tous sens, et comme il a encore des moyens de finances, et qu'il conserveson orgueil accoutumé, vous verrez peut-être, au grand scandale et au grand malheur de la France, ces deux partis s'entre-choquer encore. S'il faut des sacrifices d'argent, si les millions mis à la disposition du ministre ne suffisent pas, il faut lui en donner-de nouveaux; mais plus vous prendrez de précautions sages, plus aussi doit éclater votre justice contre les agitateurs. Ainsi, d'une part, assurance au peuple qu'il lui sera fourni des blés; accélération du jugement du ci-devant roi, et déploiement des forces nationales contre les scélérats qui voudraient amener la famine au milieu de l'abondance; telles sont les conclusions que je vous propose, et que je crois les seules utiles.. (Vifs applaudissements.)
Je demande la parole pour présenter des mesures générales.
J'observe que Chartres est à 22 lieues de Paris et qu'il est instant de statuer prompte-ment sur les mesures à prendre pour y rétablir l'ordre et la tranquillité.
Je demande qu'avant de s'occuper d'aucun autre objet, on termine celui-là.
Il ne s'agit pas d'une mesure particulière, telle que celle qui vous est proposée,parce que le mal menace d être général et s'étend déjà sur plusieurs points. Un administrateur du dé- partement de l'Eure, voisin de celui d'Eure-et-oir, arrivé en ce moment, m'a annoncé qu'un pareil rassemblement qui paraissait avoir la même cause que celui a'Eure-et-Loir, menaçait la liberté et la tranquillité de six départements. Il vient, comme les députés de Loir-et-Cher, vous demander les moyens de prévenir ce mal ; il faut donc prendre une mesure générale, une mesure grande et efficace. Je demanderais, pour le présent, qu'un petit nombre de fédérés qui sont à Paris et un détachement du corps de cavalerie caserné à l'Ecole militaire se portassent à Chartres, accompagnés de commissaires pris dans votre sein.
Plusieurs membres: Non, non 1
Je dis qu'il faut des commissaires, parce que vous avez un délit national à punir et que le jour où vos commissaires, qui vous représentent, qui, comme vous, doivent être environnés de toute la majesté; nationale; le jour, dis-je, où vos commissaires pourront être impunément outragés, la liberte et votre pouvoir seraient perdus. Sans doute, il faut être ménagers de pareilles mesures; mais le mal est fait, il faut qu'il soit puni.
Je me résume. Je demande que pour le moment vous ordonniez au ministre de la guerre
de faire partir sur-le-champ, pour sè rendre à Chartres, un bataillon des fédérés qui sont à Paris et un détachement des dragons ae la République, casernés à l'Ecole militaire, et qu'ensuite, emDrassant plus en grand les mesures propres à prévenir de pareils attentats, vous renvoyiez à votre commission de sûreté générale les pièces qui vous ont été lues, et les pétitions qui seront remises sur votre bureau, pour vous présenter très incessamment un projet de loi générale à ce sujet.
monte à la tribune. et demande la parole. 11 s'élève des murmures; il insiste. Je demande la parole, dit-il, parce que tout le monde dans la Convention a le droit de proposer ses vues de bien public. {Applaudissements à Vextrême-gauche. Murmures prolongés âu centre.)
veut consulter l'Assemblée.
Si l'Assemblée veut être respectée, qu'elle soit juste.
(La Convention décrète que Robespierre sera entendu.) .
La parole est au citoyen Robespierre.
Il faut prendre une mesure aussi prompte qu'infaillible pour arrêter les désordres effrayants qui vous sont dénoncés. C'est pourquoi je crois que la proposition que vous fait Ruzot, d'envoyer de nouveaux commissaires, mérite toute votre attention. L'autorité de la Convention nationale est le dernier appui de la tranquilité publique, et par conséquent de la liberté. Rien ne serait donc plus contraire à l'intérêt public que de compromettre vos, commissaires aux mouvements effervescents d'un peuple égaré; or, il est presque impossible d'éviter ces inconvénients dans les alarmes de la disette et dans les mouvements fomentés par les ennemis de la liberté, mais je vous propose d'autres mesures plus générales dont l'influence sera plus salutaire et plus efficace pour le retour de l'ordre ; mesures qui vous honoreront, et qui prouveront que vous n'êtes guidés que par l'amour du peuple et de la liberté.
Ces mesures confondront à jamais les ennemis de la Convention nationale, c est-à-dire les partisans du royalisme et de l'aristocratie.
Je demande que le dernier tyran des Français, le chef, le point de ralliement des conspirateurs, soit condamné à la peine de ses forfaits. (Applaudissements.) Tant que la Convention différera la décision de cet important procès, elle ranimera les factions et coutiendra les espérances des partisans de la royauté.
Je demande qu'ensuite vous vous occupiez des subsistances ; le jour suivant vous poserez les bases de toute Constitution libre.
Jè demande enfin que vous déposiez à jamais toutes les haines et les préventions particulières. Il faut qu'au sein de cette Assemblée revienne pour jamais l'impartialité et la concorde. (Applaudissements des tribunes.) Il faut trouver un moyen de confondre à jamais les libellistes.(ii/t/ ah! Quelques applaudissements.) Il faut qu'on sache que la majesté de la Convention nationale, comme celle de la nation française qu'elle représente, est au-dessus de tous leurs faibles coups, car elle tient dans ses mains un moyen toujours prêtxle leur imposer silence, elle peut répondre par un décret à l'imbécile fureur des pamphlets lancés contre elle.
Si vous faites cela, vous verrez bientôt tous les ennemis de la liberté tomber à vos pieds et la République triomphante dominer toutes les passions et toutes les discordes. '
Je demande que l'Assemblée se borne à ordonner aux ministres d'envoyer des forces suffisantes pour en imposer aux séditieux. Elles doivent être commandées par un officier général, sur la réquisition des corps administratifs, et il me paraît absolument inutile d'envoyer des commissaires.
Je propose, par amendement, que l'on conserve a Paris une force suffisante pour garantir la Convention nationale contre les provocateurs qui, tous les jours, l'environnent et prêchent l'insurrection contre elle. (.Murmures à l'extrême gauche. Applaudissements au centre.) On n'exécute après tout, dans le département d'Eure-et-Loir que les principes que l'on prêche à Paris. ( Violentes interruptions à gauche.)
Un membre : Dépêchons-nous, la ville de Chartres est peut-être en feu en ce moment.
consulte l'Assemblée.
(La Convention repousse l'amendement de Lauze-Deperret et adopte la proposition de Delacroix.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète que le conseil exécutif fera passer, sans aucun délai, une force armée suffisante dans la ville de Chartres, chef-lieu du département d'Eure-et-Loir, pour y rétablir l'ordre : cette force sera commandée par un officier général qui ne pourra en faire usage que sur la réquisition des corps administratifs ae ce département, à qui le ministre de la guerre fera parvenir, par un courrier extraordinaire, l'avis du secours qu'il lui envoie. »
Je demande la parole pour faire une motion. Je veux dire que puisque les séditions se propagent, il faut ies arrêter et prendre pour cela des mesures générales. Le conseil exécutif, responsable de la sûreté de l'Empire, doit vous déclarer s'il en répond, si les lois sont suffisantes, oiî s'il a besoin de nouvelles lois. Je demande que le conseil exécutif soit tenu de s'assembler à l'instant, qu'il délibère sur la tranquillité publique et qu'il rende compte des mesures qu'il doit prendre pour la maintenir.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
L'ordre du jour est, je pense, de veiller à la sûreté des citoyens, à la tranquil-111(Interruptions à gauche.)
Ce n'est point des phrases, mais du pain qu'il faut au peuple! (Applaudissements des tribunes.) •
veut continuer. Quelques membres l'interrompent encore et s'agitent.
Dans la crainte, dit-il, que ces troubles ne se propagent ailleurs, je me retire ; mais je déclare que je ne jouis point de ma liberté.
monte à la tribune. -
Plusieurs membres : A bas Marat !
Tant que vous aurez de pareils hommes parmi vous, ne soyez pas étonnés que le peuple vous manque de respect. (Murmures à l'extrême gauche. Applaudissements au centre).
Je déclare, en descendant de la tribune, que je ne jouis pas de ma liberté et si...
(Les clameurs de quelques membres Vinterrompent et couvrent sa voix.)
réclame le silence et ne peut l'obteriir. Le bruit continue pendant plus d'un quart d'heure.
Président, je réclame enfin la liberté des opinion», ou bien je demande que l'Assemblée déclare, par un décret, qu'elle consent à devenir l'esclave d'une poignée d'hommes.
Citoyens, votre Président ne souffrira pas que la police de l'Assemblée soit intervertie par des interruptions aussi indécentes. On a fait, à bon droit, la proposition de maintenir la liberté des opinions. Je demande que Buzot énonce la sienne.
Un grand nombre de membres : Oui ! oui !
, remontant à la tribune. J'avais l'honneur d'observer à la Convention que chaque jour on l'entretiendra de pareils désordres, si elle ne prend pas des mesures générales ; je lui disais qu'elle devait rendre au pouvoir exécutif toute la confiance qu'il doit avoir; je lui disais que les désordres ont des causes secrètes qu'il faut découvrir; je lui disais que la liberté n'existe plus que pour les assassins ; je lui demandais si elle voulait être responsable de pareils désordres.
N'ai-je pas entendu ici "des hommes inconsidérés nous dire que nous étions les pourvoyeurs du peuple; que nous devions briser les portes pour lui fournir des subsistances ? | .
Plusieurs membres : Qui a dit cela?
C'est Fayau, dans son opinion sur les subsistances.
Et comment le peuple ne serait-il pas égaré par de faux principes, puisqu'ils sont énoncés dans cette Assemblée même? Les insurgés! où veulent-ils nous conduire en nous chargeant d'une responsabilité qui doit nous être étrangère? Citoyens, ne vous chargez pas du fardeau d'autrui, vous avez assez du vôtre ; vous n'êtes pas le pouvoir exécutif. C'est à vous à faire les lois, c'est aux ministres à les exécuter.
Faites des lois sages ; donnez aux ministres le moyen de les exécuter: c'est le seul moyen de rappeler et de maintenir la tranquillité énérale; c'est le seul moyen d'assurer la li-erté et le bonheur des citoyens; je ne dis pas de cette tourbe d'bommes qui pullulent dans les révolutions comme des insectes malfaisants ; je ne dis pas de ces assassins de réputation, qui ne connaissent leurs semblables que dans ceux qui commettent les mêmes crimes; mais je dis de ces estimables artisans, de ces vrais citoyens qui pratiquent à la fois toutes les vertus domestiques et sociales ; qui font le bonheur de leurs familles et l'honneur de leur pays. (Fi/s applaudissements à gauche et au centre.) Vous parlez du jugement du roi: ah! j'en vois bientôt trois qui voudraient lui succéder. (Murmures à l'extrême gauche. Applaudissements au centre). Mais il ne s'agit dans ces émeutes ni du roi, ni de son jugement, ni de toutes ces choses.....
I (Nouveaux murmures à l'extrême gauche). Quand ' il faudra parler aussi dans cette cause, je saurai faire entendre aussi contre lui le langage de la vérité; je saurai dire ce qu'il a mérité ; mais il ne s'agit pas de jeter ici de nouveaux ferments de division... (Murmures prolongés.)
Les troubles ne naissent que d'une seule chose, de l'anarchie, qui naît de l'inexécution
des lois; et comment veut-on que les autorités constituées fassent exécuter les lois, quand la Convention nationale ne les revêt pas de cette considération qui leur est si nécessaire? Quand il ne s'agit, pour amener l'abondance, que de rendre la circulation libre, pourquoi les lois ne sont-elles pas encore faites? C'est que les prétendus amis du peuple de 1792 ne le veulent pas ; c'est qu'on est sans cesse arrêté par des hommes qui n'ont de zèle et de prévoyance que pour leur fortune.
Je demande que la Convention nationale ordonne au pouvoir exécutif de s'assembler à l'instant; qu'elle lui déclare que les troubles de la République exigent qu'il fasse exécuter les lois, et qu'elle lui donne les moyens d'exécution s'il avoue ne les point avoir. (Applaudissements).
La superstition religieuse est le royalisme qui se cache comme un Protée. Il ne suffit pas, pour ramener la tranquillité publique, de faire tomber la tête du roi liberticide; il existera malheureusement longtemps encore dans ce pays, des serpents qui déchireront le sein de la France, ou si vous préférez des ennemis des lois qui se joindront aux prêtre-*. Eh bien, établissez donc deux corps d'armée qui se porteront partout où il faudra rétablir l'ordre (Murmures à C extrême gauche), établissez deux camps, l'un au Midi, l'autre au Nord, toujours prêts à obéir aux autorités constituées. (Nouveaux murmures.)
Plusieurs membres (à Vextrême gauche): L'ordre du jour I
se présente à la tribune. (Violents murmures.)
Plusieurs membres: Ne perdez pas la séance!
D'autres membres : La clôture! la clôture!
Je demande à être entendu ; je suis ici au même droit que Buzot et les autres. Citoyens, on vous répète sans cesse que les autorités constituées ne sont point respectées, mais le respect s'inspire et ne se commande pas. Que les autorités soient dignes de respect, elles seront respectées. (Murmures).....Ce n'est pas en présentant des canons et des baïonnettes à des malheureux qui demandent du pain, que vous parviendrez à inspirer de la confiance et à faire renaître le calme, ce moyen est celui des tyrans.....Citoyens, le sang a coulé dans le département du Loiret: pourquoi? Parce que l'on a confié la disposition de la force publique aux accapareurs eux-mêmes qui sont dans ce département à la tête des corps administratifs. (Murmures.)
Que Marat prouve ses assertions, "on ne calomnie pas aussi impunément.
Marat a-t-iljamais rien prouvé ? Il calomnie ; il calomnie ; c'est son élément.
Sans doute, il faut déployer toute la sévérité de la loi contre les agitateurs (Applaudissements unanimes) ; sans doute, il faut anéantir enfin les dernières espérances des royalistes et de tous les suppôts du despotisme, quels qu'ils soient. (Applaudissements.) Mais je demande que la force armée, lorsque vous serez obligés de remployer, soit mise sous la conduite d'un chef dont le patriotisme soit connu.
Plusieurs membres : De Marat, par exemple.
Je demande que vous lui donniez
pour chef un homme comme Santerre, que personne ne peut récuser.
Un membre: Vous l'avezcalomnié vous-même!
Un autre membre: Vous avez dit que c'était un traître.
Marat descend de la tribune.
Je demande à proposer une mesure simple et générale en deux mots. Point de doute que l'égarement du peuple naît de son ignorance ; il faut donc l'instruire et cette mesure est urgente. Décrétez donc que le comité d'agriculture et de commerce vous présenteront demain une instruction au peuple,claire et précise sur tous les objets qui l'intéressent, et notamment sur l'objet des subsistances. Cette instruction vaudra mieux que les baïonnettes et fera plus d'effet. (Murmures.) \
11 vous faudra aller la leur lire.
Vous croyez que les baïonnettes valent mieux, nous ne sommes pas du même avis; et je ne m'attendais pas à être interrompu pour des mesures, pour avoir énoncé de pareils principes au sein de la Convention.(Applaudissements à gauche et murmures au centre.)
Je ne m'oppose pas plus que vous à l'emploi des moyens de rigueur, lorsqu'ils auront été provoqués par des actes de violence ou la désobéissance à la loi. Ne vous opposez pas aux moyens de raison, s'ils peuvent prévenir deux maux que vous devez redouter : la disette et les insurrections. (Applaudissements.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Mon intention est d'inviter tous les membres de la Convention à abjurer les haines particulières qui nuisent aux opérations générales et à ce développement des grands intérêts pour lesquels la Convention est réunie. Comment, en effet, voulez-vous rétablir l'ordre dans la République, si vous n'avtz pas la sagesse de le faire ici? Or, le peuple ne doute pas que les troubles qui ont lieu en ce moment ne soient causés par le désespoir des amis de Louis XVI, qui font les derniers efforts pour le sauver,et il demande que la discussion de cette affaire cesse dès cet instant.
Vous n'avez pas l'intention, en instruisant ce procès, d'éclairer, de dirigerl'opinion du peuple français sur le compte de Louis. Ce serait inutile. Votre but, et je vous en félicite, est simplement de justifier le jugement que vous porterez aux yeux des peuples qui vous contemplent et devant la postérité.
Je demande donc que tous ceux qui ont écrit sur le procès de Louis XVI signent leur manuscrit, le déposent sur le bureau ; que la Convention en ordonne l'impression, et que lundi elle prononce si Louis peut, oui ou non, être jugé.
J'appuie la motion de Legendre ; seulement,comme il faudrait un mois pour imprimer tous les discours, je demande qu'on ne s'en occupe pas et que l'on marche directement à la procédure.
Que parle-t-on de procès ? il n'y a point à en faire ; il n'y a même plus de jugement à porter ; le peuple l'a prononcé le 10 août (Applaudissements des tribunes.) 11 ne reste plus qu'à faire subir à Louis le traître la peine qu'il a méritée. (Nouveaux applaudissements.)
Citoyens, si Louis XVI est innocent, vous êtes tous des rebelles (Applaudissements) ; s'il est
coupable, ii doit périr. (Nouveaux applaudissements.) Toutes ces dissertations propres à égarer, toutes ces redondances scholastiques et puériles ne jettent pas une étincelle de lumière..... Il n'est point question de juger Louis XVI en rhéteurs, mais en républicains (Applaudissements), que la forme de son jugement, que la peine qu'il doit encourir, soient le seul, comme il est le vrai point delà question, et laissons là ces formes vaines, à l'aide desquelles ils vous récuseront tous. (Applaudissements.)
(La Convention ferme la discussion et rend les trois décrets suivants :-)
Premier décret.
« Sur la motion d'un membre, la Convention nationale décrète que tous les discours faits par différents membres de l'Assemblée relativement au jugement du ci-devant roi seront déposés sur le bureau et livrés à l'impression, et que la discussion sera reprise après la distribution. »
Deuxième décret.
« Sur la proposition d'un autre membre, la Convention nationale décrète qu'il sera fait une adresse à tous les citoyens de la République, pour leur faire sentir la nécessité et les avantages de la libre circulation des subsistances, et que dans ladite adresse il sera expliqué que la Convention n'a jamais eu l'intention ae les priver des ministres du culte que la Constitution civile du clergé leur a donnés. »
Troisième décret.
« Sur la proposition d'un autre membre, le décret suivant est rendu
« La Convention nationale charge spécialement le pouvoir exécutif de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire arrêter et punir les chefs d'attroupements indiqués par le rapport des commissaires de la Convention, et de rendre compte, sous huitaine, de l'exécution du présent décret. »
Je demande que la Convention improuve la conduite des commissaires qu'elle avait envoyés dans le département d'Eure-et-Loir. Comment voudriez-vous sans cela qu'on dise aux officiers municipaux qu'ils tiennentleurs serments, lorsque vos commissaires eux-mêmes le parjurent et signent lâchement sous la dictée des séditieux.
(de Thionville). Il faut aussi annuler la taxe que ces commissaires ont approuvée.
Cette annulation est inutile; elle est de droit. Vos commissaires n'avaient pas le droit de la signer, et leur signature ne peut donner à cette taxe honteuse aucun caractère d'authenticité. Au reste, je m'oppose à l'improbation sollicitée contre eux; il est bien facile à ceux qui ne se sont pas trouvés dans des circonstances aussi fâcheuses de désapprouver leur faiblesse, car ce n'est que cela. (Murmures.)
Par la même raison que l'on a décerné des honneurs publics à la mémoire de Simoneau, je demandeque lés commissaires soient désapprouvés.
11. fallait qu'ils'prissent une hache et qu'ils se coupassent là main droite plutôt que de signer. (Applaudissements.) Il fallait que vos commissaires fissent pour la liberté ce que des esclaves font tous les jours pour les rois leurs
maîtres ; et Baptiste, revenant de l'armée de Dumouriez, où, 4'epée à la main, il avait franchi les retranchements ennemis, eût été plus digne d'être fonctionnaire public que vos trois commissaires. Il n'avait pas comme eux l'honneur national à conserver, lorsqu'il trouvait la mort par pur civisme. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'avez-vous fait, vous ?
Comment, si je l'ai fait ! Mais le 2 septembre, je traversai les baïonnettes pour me rendre aux prisons.
Les mêmes membres : Il fallait mourir!
Au pied de la tribune de vérité, j'entends la calomnie; je n'insisterai sur ma justification qu'autant qu'un décret de la Convention me l'ordonnerait ! S'il ne fallait que ma tête pour le salut public, je la donnerais; quant à vos commissaires, dont je plains la faiblesse, je persiste à demander qu'ils soient improuvés.
C'est faire injure à la Convention que de discuter sur cet objet.
Plusieurs membres : Aux voix! Président,-aux voix'
Je demande à répondre quelques mots à Barbaroux. Je pense que vous devez improuver la conduite de vos commissaires; c'est une leçon terrible que vous devez donner au peuple, à l'ex-ministre,a tous les fonctionnaires publics. Que penserait le peuple, si vous gardiez le silence en cette occasion ? N'aurait-il pas droit de penser qu'environnés de baïonnettes et de canons, vous pourriez vous-mêmes transiger sur la liberté? (Applaudissements.)
Je pense aussi que vous devez annuler par un décret la taxe transcrite par vos commissaires, parce que leurs pouvoirs étaient illimités, qu'aucun corps constitué n'a le droit de l'examiner, que tous lui doivent obéissance comme à un acte émanéde vous, et que cette influence peut avoir les plus dangereuses conséquences, en ce qu'elle peut légitimer en quelque sorte, à l'avenir, l'insurrection du peuple. (Applaudissements.)
Je demandela parole.
L'Assemblée n'a point entendu les commissaires près de l'armée prussienne, elle n'a pas à entendre davantage les députés commissaires en Eure-et-Loir.
C'est pour appeler eux-mêmes sur leur tête toute la sévérité de l'Assemblée.
(La Convention prononce la clôture de la discussion.)
s'élance à la barre et réclame pour lui le droit de pétition. (Murmures prolongés.)
(La Convention lui refuse la parole et adopte la proposition de Delacroix.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« Sur la proposition d'un autre membre, le décret suivant est rendu :
« La Convention nationale, sur le compte qui lui a été rendu par ses trois commissaires envoyés dans le département d'Eure-et-Loir, improuve la conduite de ces commissaires, qui ont eu la faiblesse de souscrire, plutôt que de mourir, l'acte qui leur a été présenté, portant taxe des grains, denrées et autres objets, et déclare cet acte nul et de nul effet. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre du président du tribunal Ariminel, du 17 oo^, par laquelle il annonce qu'on est sur le point d'instruire une affaire que le terme
prochain de l'existence du tribunal ne permettrait pas de terminer; il demande que la Convention déclare si cette affaire sera entamée.
La Convention rend le décret suivant :
« La Convention nationale, sur la demande du tribunal criminel du 17 août, tendant à être autorisé à commencer débat d'une affaire pour laquelle les juges et les jurés sont actuellement réunis, passe à l'ordre du jour, attendu qu'aucun obstacle n'empêche le débat actuel et le jugement de celte affaire. »
Un membre fait la motion de renvoyer au comité de législation la proposition qu'il fait : qu'il soit présenté demain un tirage ae juré par le tribunal du département et d'autoriser ce tribunal à juger, dans la quinzaine, les procès commencés.
(La Convention passe à l'ordre du jour sur la première partie de cette proposition et décrété la seconde.)
Des juges de ce tribunal m'ont communiqué qu'ils avaient trois pièces, trouvées chez Noailles-Poix, concernant le ci-devant roi; où doit les déposer ce tribunal? En outre, il y a des bijoux du garde-meuble estimés 3 millions et déposés au greffe ; ou les remettra-t-il? Je demande, pour ma part, que ce soit au comité de surveillance.
(La Convention adopte la proposition de Camus.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète, sur la proposition d'un membre, que les papiers qui ont été déposés entre les mains des directeurs du juré d'accusation du tribunal du 17 août, ainsi que les papiers trouvés sous les scellés apposés chez Noailles-Poix, seront remis au comité de surveillance de la Convention nationale. »
J'ai trois propositions à faire à la Convention.
La première, c'est de passer à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi du 17 août y a pourvu, sur la proposition d'autoriser les greffiers du tribunal criminel à remettre au greffe du tribunal criminel du département de Paris toutes les pièces du procès et affaires qui étaient pendantes et attribuées au tribunal du 17 août»pro-cès-verbal desdites pièces préalablement dressé.
Je demande en second lieu de décréter que le tribunal criminel du département de Paris pourra faire procéder, postérieurement au 1er du mois de décembre, au tirage des pièces pour les affaires qui étaient pendantes au tribunal du 17 août et qui sont renvoyées au tribunal criminel du département.
Je propose enfin de décréter que la convocation des jurés dans lesdites affaires pourra être faite postérieurement au 5 dudit mois.
(La Convention adopte ces trois propositions.)
Suit le texte définitif des décrets rendus :
Premier décret.
« La Convention nationale, sur la proposition faite î. autoriser les greffiers du tribunal criminel établi par la loi du 17 août dernier, à remettre au greffe du tribunal criminel du département de Paris, toutes les pièces des procès et affaires qui étaient pendantes et attribuées au tribunal du 17 août, procès-verbal desdites jpièces préalablement dressé, passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi du 17 août y a pourvu.
Deuxième décret.
« Sur la proposition d'un membre, la Convention décrète ce qui suit :
« La Convention nationale décrète que le tribunal criminel du département de Paris pourra faire procéder, postérieurement au 1er du mois de décembre, au triage des pièces pour les affaires qui étaient pendantes au tribunal du 17août, et qui sont renvoyées au tribunal criminel du département. »
Troisième décret.
« La Convention décrète pareillement que la convocation des jurés dans lesdites affaires, pourra être faite postérieurement au 5 dudit mois. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Pache, ministre de la guerre, qui annonce qu'il a expédié l'ordre au maréchal de camp Lapoype, de partir de Versailles avec 600 gendarmes et quelques cavaliers de Rambouillet, pour voler au secours de la ville de Chartres; que les généraux Berruyer et Santerre ont fait mettre sur pied 2 bataillons de volontaires, et 2 compagnies de canonniers, qu'ils sont prêts à partir.
Le même secrétaire donne lecture de deux lettres : l'une du commandant de la cavalerie en quartier à l'Ecole militaire, qui demande à être admis à la barre ; l'autre de Pache, ministre de la guerre, pour demander qu'il soit mis provisoirement a sa disposition une somme de 200,000 livres, afin de pourvoir aux besoins de la cavalerie nationale, casernée à l'Ecole militaire.
La demande d'admission à la barre formulée par le commandant de la cavalerie en quartier à l'Ecole militaire, n'avait d'autre but que de permettre à ce dernier d'expliquer à la Convention la situation de ses troupes, et de solliciter la somme de 200,000 livres demandée par le ministre.
Je propose d'accéder à cette requête.
(La Convention adopte la motion de Le Tourneur.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention, sur la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion par un membre, décrète qu'il sera mis provisoirement à la.disposition du ministre de la guerre, une somme de 200,000 livres, destinée à pourvoir aux besoins de la cavalerie nationale, casernée à l'Ecole militaire. »
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de Westermann, qui répond aux renseignements qui lui ont été demandés sur l'état de l'armée de Belgique et déclare que cette armée est dénuée d'approvisionnements; cette lettre est ainsi conçue :
« Législateurs, vous avez ordonné que je vous rendrais compte de la situation de 1 armée de Belgique; je m'empresse de vous satisfaire, et je vous dirai la vérité.
« J'ai quitté l'armée à Tirlemont, à huit lieues de Liège, où le général Dumouriez doit être à présent. Une colonne d'ennemisde 15,000hommes marchait sur Namur, que le général Valence a assiégé avec 25,000 hommes : 22,000 hommes de nos troupes sont partis pour marcher à son secours. Le premier fort de Namur est pris; la citadelle et celle d'Anvers sont dans ce moment attaquées avec force, et dans peu, la prise de
ces deux places vous sera annoncée, à en juger par tous les succès de nos armées.
« Une parfaite union règne, dans ce moment, entre les généraux et les officiers de 1 armée. Le soldat, confiant dans ses chefs, ne consulte ni les dangers, ni le nombre des ennemis; il marche partout avec courage et supporte gaiement toutes les fatigues et les rigueurs de la saison : guidé par l'amour de la patrie, chacun est animé des mêmes sentiments : nous marchons tous au même but.
« Cette armée enfin, partout victorieuse, ne semble plus composer qu'une seule famille : elle a juré de chasser des terres de la liberté les satellites des despotes qui osent encore la souiller. Les combats à mort qu'elle leur livre chaque jour, vous sont de sûrs garants de la fidélité de ses serments.
« Mais, tandis que ces braves soldats combattent pour la liberté, tandis que leur général d'armée veille à la sûreté de tous, il est arrêté à chaque pas dans sa marche, par les lenteurs âu'il éprouve dans les fournitures de tout genre, ans le numéraire même pour la paye du soldat. Il semble qu'un génie secret jaloux de sa gloire, fait naître toutes ces lenteurs pour lui faire perdre, si l'on pouvait, la confiance de l'armée, et le fruit de ses victoires. Si Dumouriez n'avait pas manqné de numéraire et d'approvisionnements, j ose le dire avec assurance, l'armée autrichienne serait entièrement défaite. Notre armée s'est trouvée sans fonds àMons; le payeur était resté avec 15 livres en assignats dans la caisse. J'ai ramassé, par ordre du général dans plusieurs maisons et dans plusieurs bourses, pour les besoinspressants,unesommede400,000 livres, laquelle versée dans la caisse, n'a pas encore été remboursée. Je dépose sur le bureau la pièce qui justifie ce fait ; le 26 de ce mois, le payeur de l'armée est resté avec 10,000 livres en caisse et le 27 on devait faire le prêt aux soldats. Le général avait trouvé à Bruxelles un.emprunt de 300,000 livres, somme qui n'a plus été comptée à la nouvelle que la trésorerie nationale avait refusé d'acquitter les sommes tirées par le général sur elle, de sorte que je ne sais si l'on s'est tiré d'affaires.
« L'on dira que les emprunts sur les couvents de la Belgique doivent suffire pour l'entretien de l'armée. Sans doute ces sommes suffiraient pour nos besoins de tout l'hiver; mais soit aristocratie chez les uns, soit défaut de fonds chez les autres, nous n'avons pu, dans un si court délai, réaliser que de modiques sommes. Les anciens Etats de la Belgique ont encore de l'intluence sur le peuple, et se sont coalisés avec le clergé et les nobles ; ils n'épargnent ni or, ni argent pour l'égarer. Demain ou après, 15 nouveaux représentants du Brabant se présenteront dans votre sein; ils vous diront que le peuple du Brabant, égaré et influencé par les anciens Etats, est suscité au soulèvement; un accaparement de grains qu'une certaine société privilégiée entend faire passer hors du Brabant, au milieu des besoins d une armée nombreuse, sert de prétexte, et ne contribue pas peu au mécontentement des Belges; enfin, les nouveaux représentants du Brabant vous feront sentir combien il est urgent qu'il s'élève une armée belge. Ils sont, dans ce moment, sans moyens ; mais ils nous promettent un emprunt sur les couvents, abbayes et chapitres, de 30 à 40 millions de florins qui doivent de même servir à la conformation ae l'armée belge. Pour réaliser
ces sommes, encore une fois, il faut du temps. En attendant, notre armée ne peut rester dans le besoin. Vous êtes trop justes, législateurs, pour rester indifférents sur les besoins des braves soldats qui, chaque jour, versent leur sang pour la défense de la patrie, et qui, dans la nuit obscure, au coin d une forêt, exposés à toutes les intempéries de la saison, protègent le sommeil tranquille de leurs concitoyens. Venez promptement à leur secours; èt, chaque jour, vous verrez augmenter vos victoires.
« Signé : WESTERMANN. »
Je demande quë le rapport fait par Cambon, au nom du comité des finances, sur l'armée de Belgique, et qu'on a interrompu au commencement de la séance, soit repris.
Plusieurs membres : L'ajournement à demain dix heures.
Il y aurait urgence à ce que, dès ce soir, des commissaires.de la Convention se rendissent auprès de l'armée du Nord ; et, d'autre part, je ne méconnais pas l'importance qu'il y aurait à ce que ces commissaires ne partissent qu'après avoir entendu Malus et d'Espagnac, et s être procuré ici toutes les instructions nécessaires. Je propose l'envoi de quatre commissaires; deux pourraient partir ce soir avant neuf heures, les deux autres demain matin. En faisant ainsi, la Convention aurait toute facilité d'ajourner à demain l'audition du rapport de Cambon.
Il va de soi que ces commissaires auraient tous droits de prendre des renseignements et vérifier sur les lieux les faits dénoncés par le général Dumouriez, qui se trouvent en contradiction avec les réponses fournies par le ministre de la guerre et par les commissaires de la trésorerie.
(La Convention adopte la proposition de Gorsas.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« La Convention nationale décrète qu'il sera nommé quatre commissaires, pris dans son sein, dont deux partiront ce Soir, avant neuf heures, et deux partiront demain, pour se transporter à l'armée de Dumouriez, prendre des renseignements et vérifier sur les lieux les faits dénoncés par le général Dumouriez, qui se trouvent en contradiction avec les réponses fournies par le ministre de la guerre et par les commissaires de la trésorerie : autorise à cet effet lesdits commissaires tise faire représenter tous livres, états, registres, correspondances et à se faire ouvrir tous dépôts et magasins.
« Les commissaires nommés sont : Camus, Delacroix, Gossuin, Danton. »
Un membre, au nom des comités colonial et de législation réunis, fait lecture de Yacte d'accusation contre Philibert-François Rouxel-Blanche-lande, ci-devant lieutenant au gouvernement général des lies françaises Sous-le-Vent (1); il est ainsi conçu :
« La Convention nationale a, par son décret du 8 novembre,' déclaré qu'il y avait lieu à accusation contre Philibert-François Rouxel-Blan-chelande, ci-devant lieutenant au gouvernement générales des îles françaises Sous-le-Vent.
Ce fonctionnaire public, dénoncé aux commissaires nationaux civils,
délégués aux mêmes
1°. 11 paraît, d'après ce procès-verbal, que Blanchelande a ordonné et autorisé des arrestations illégales et des déportations arbitraires, et que par là il a attenté à la liberté individuelle, base essentielle de la Constitution française ; qu'il a violé cette même Constitution par un abus des pouvoirs qui lui étaient confiés en sa qualité de représentant du pouvoir exécutif. Or, cet attentat est un crime dont Blanchelande doit être prévenu en cette même qualité, aux termes des articles 19et 20 delà troisième section, titre Ier, du Code pénal.
2° II paraît, d'après la même pièce, que Blanchelande a déclaré par écrit qu'il ne se prêterait jamais à l'exécution du décret du 15 mai 1791, si ce décret lui était envoyé officiellement.
3° Enfin, il paraît qu'il a approuvé un arrêté de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, du 27 mai de cette année, dont le préambule tendait à allumer le feu dans la colonie, à l'occasion de la loi du 4 avril dernier, en-ce qu'il y était supposé que le Corps législatif n'avait pas eu le droit de la décréter.
Il résulte de ces faits que Blanchelande, en exprimant par écrit et par abus de ses fonctions, la volonté de se refuser à l'exécution d'une loi, et en approuvant un arrêté dont le préambule était attentatoire au respect dû aux décrets du Corps législatif et à son autorité légitime, a provoqué directement les citoyens à désobéir aux lois et aux autorités légitimes; et que comme fonctionnaire public ildoit être, par là, prévenu d'avoir, dans l'exercice du pouvoir qui lui était confié, commis un crime qualifié par l'article 5, section V, titre Ier, du même Code pénal.
11 en résulte encore que, tant par sa déclaration écrite que par l'approbation par lui donnée à l'arrêté de l'assemblée coloniale dont il s'agit, il a adhéré à un parti qui, par sa résistance combinée et continue à l'exécution des lois et par les complots qu'il a manifestés contre cette même exécution, a armé les citoyens les uns
contre les autres et soufflé le feu de la guerre civile. Il paraît que Blanchelande, en approuvant l'arrêté de l'assemblée coloniale du 27 mai dernier, qui n'est que le résultat de ses complots, s'est mis en prévention d'un crime contre la sûreté intérieure de la colonie de Saint-Domingue et de l'état dont elle fait partie.
Ces faits se trouvent consignés dans un procès-verbal authentique dont la date est certaine/ quoique l'époque précise à laquelle ils se sont passés n'y soit pas exprimée.
En conséquence, la Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités colonial et de législation réunis et pris connaissance du procès-verbal d'interrogatoire subi par Philibert-François Rouxel-Blanchelande, ci-devant lieutenant au gouvernement général des îles françaises Sous-le-Vent, devant les commissaires nationaux civils, délégués aux mêmes îles, le 29 septembre 1792, accuse par le présent acte ledit Blanchelande devant le tribunal criminel du département de Paris, comme prévenu :
1° D'avoir attenté à la liberté individuelle en ordonnant, en sa qualité de représentant du pouvoir exécutif, l'arrestation d'un citoyen hors des cas déterminés par la loi, en le remettant ensuite à un tribunal sans pouvoir et en autorisant la déportation de divers citoyens vivant sous l'empire des lois françaises (art. 19 et 20, troisième section, titre Ier du Code pénal) ;
2° D'avoir provoqué directement et par abus de ses fonctions les citoyens à désobéir à la loi et aux autorités légitimes, soit par ses déclarations écrites ci-dessus énoncées, soit par l'approbation par lui donnée à l'arrêté de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue du 27 mai 1792 (art. 5, section V, titre 1er du Code pénal);
3° D'avoir, par les mêmes déclarations et approbations, participer à des complots tendant a troubler la colonie de Saint-Domingue et l'Etat dont elle fait partie, par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, et contre l'exercice de l'autorité légitime (art. 11, section XI, titre 1er du Code pénal.)
(La Convention adopte cette rédaction.)
(La séance est levéë.à cinq heures et demie.)
FIN DU TOME LUI.
2* Tableau des adresses envoyées à la Convention (18 novembre 1792, t. LIII, p. 463 et suiv.), (25 novembre, p. 577 et suiv.)»'
Procureur général syndic. Consulte la Convention sur différents objets (29 octobre 1792, t. LIII,p. 34).
Volontaires nationaux. Dénonciation contre l'état-major du 3- bataillon (6 novembre 1792, t. LIII, p. 204).
Volontaires nationaux. — Conduite courageuse du l8r bataillon. — Mention honorable (11 novembre 1792, t. LUI, p. 356 et suiv.).
Conseil général. Envoie des pièces sur la nouvelle organisation des notaires (6 novembre 1792, t. LUI, p. 202).
Administrateurs. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 29).
— Annonce le brulement de 3 millions d'assignats et fait connaître le montant des assignats en circulation (l,r novembre, t. LUI, p. 100). — Ecrit au sujet de la sttuation du receveur du district de Guingamp (6 novembre, p. 203). — Adresse différentes pièces (12 novembre, p. 365). — Ecrit au sujet du payement de l'expert qui a procédé à l'inventaire des diamants déposés à la caisse de l'extraordinaire (14 novembre, p. 403). — Ecrit relativement à l'annulation des assignats provenant des échanges (15 novembre, p. 412). — Annonce le brûlement de 2 millions d'assignats (18 novembre, p. 465 et suiv.). — Ecrit au sujet de la suppression de la régie générale des économats (23 novembre, p. 556). — Annonce le brûlement de 5 millions d'assignats (25 novembre, p. 589).
Société des amis de la liberté et de Végulité. Adresse de félicitation et de dévouement (26 novembre 1792, t. LIII, p. 592).
papiers déposés à la ci-devant Chambre des comptes (P. 631).
Administrateurs. Demandent un dégrèvement (6 novembre 1792, t. LIII, p. 204).
Troubles. Adresse des citoyens au sujet des troubles de la ville (27 octobre 1792, t. LIII, p. 10).
Armées de terre en général :
Armées de terre en particulier:
présentera l'état des fournitures et des vivres qu'il avait préparés pour cette armée(22 novembre, p. 556). — Lettres des commissaires à l'armée du Nord (26 no vembre, p. 603), (29 novembre, p. 661).
2° Somme mise à la disposition du ministre de la guerre pour porter au complet de guerre les compagnies d'ouvriers du corps d'artillerie (5 novembre 1792, t. LIII, p. 152).
3° Mesures prises par le ministre de la guerre pour assurer le service de l'artillerie (11 novembre 1792, t. LIII, p. 351).
4° "Décret portant création de seconds lieutenants et de seconds capitaines dans le corps de l'artillerie (24 novembre 1792, t. LIII, p. 572).
4° régiment. Pétition des canonniers contre le colonel Roger Lacoustande (10 novembre 1792, t. LUI, p. 337).
7° régiment. Pétition des canonniers (13 novembre 1792, t. LIII, p. 377).
§ t". Coupures d'assignats.
§ S. Falsification des assignats.
§ 3. Annulation et brûlement.
§ 4. Circulation dés assignats.
§ S. Création.
§ 1er. Coupures d'assignats. Décret fixant le
type des assignats de 25 sols (27 octobre 1792, t. LIII, . 7).
§ 2. Falsification des assignats. Décret relatif à des poursuites à intenter relativement à des assignats soupçornés d'être faux (31 octobre 1792, t. LUI, p. 90), — Le ministre des contributions publiques
demande la création d'un établissement central pour la vérification des assignats et chargé de recevoir les dénonciations des faux assignats et d'en poursuivre les fabricateurs (29 novembre, p. 671).
§ 3. Annulation et brûlement. Brûlement de 3 millions d'assignats (l,r novembre 1792, t. LIII, p. 100), — de 2 millions d'assignats (12 novembre, p. 365), — de 2 millions d'assignats (18 novembre, p. 465 et suiv.), — de 5 millions d'assignats (25 novembre, p. 589). —Décret relatif à l'annulation des assignats provenant des échanges (15 novembre 1792, t. LIII, p. 412).
§ 4. Circulation des assignats. Montant des assignats en circulation (l,r novembre 1792, t. LUI, p. 100).
§ 5. Création. Rapport par Loysel sur la création de 600 millions d'assignats de 400 livres (21 novembre 1792, t. LIII, p. 513 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 514 et suiv.); — adoption (ibid. p. 515).
Société de l'Egalité. Fait un don patriotique (23 novembre 1792, t. LIII, p. 577).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Don patriotique (30 octobre 1792. t. LIII, p. 62).
bataillons de volontaires pour les engager à ne pas quitter leurs drapeaux neleur est pas parvenue (p. 464).
— Voir Londres.
Fait un don patriotique (14 novembre 1792, t. LUI, p. 468).
projet de décret (ibid) ; — discussion (ibid et p. suiv); — adoption (ibid. p. 632).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Adresse de félicitations (29 novembre 1792, t. LUI, p. 672) ; — la Convention charge son Président de répondre à la société (ibid.)] - réponse du Président (30 novembre, p. 674).
Conseil général. Adresse d'adhésion (l"r novembre 1792, t. LIII, p. 105 .
Provisoire de l'administration du district dans la ville e Barr (10 novembre 1792, t. LIII, p. 337).
compte de sa conduite (28 octobre 1792, t. LIII, p. 23).
Administrateurs. — Adresse d'adhésion (17 novembre 1792, t. LIII, p. 450).
compte de leur mission (19 novembre 1792, p. 471). — La Convention décrète qu'ils seront admis à la barre (ibid.). — Blanchelande demande à être entendu à la barre (20 novembre, p. 493), (25 novembre, p. 582). — Acte d'accusation contre lui (30 novembre, p. 685 et suiv.).
Administrateurs. Font une pétition en faveur du citoyen Montelar (6 novembre 1792, t. LUI, p. 201).
Gendarmerie nationale. Don patriotique 11 novembre 1792, t. LUI, p. 362). — Mesures prises pour accélérer le départ des gendarmes (13 novembre, p. 380).
Conseil général. Demande quelle conduite il doit tenir à l!égard des émigrés qui rentrent en France (2 novembre 1792, t. LIII, p. 113), (10 novembre, p. 350).
Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LIII, p. 30).
plet d'un régiment de hussards la troupe légère à cheval qu'il a levée (23 novembre 1792, t. LIII, p. 559).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Don patriotique (8 novembre] 1792, t. LIII, p. 307).
Conseil général. Adresse relative aux volontaires nationaux, à leurs femmes et à leurs enfants (19 novembre 1792, t. LUI, p. 474).
Volontaires nationaux. Le l*r bataillon demande des canons (20 novembre 1792, t. LUI, p. 488]. — Réclamation en faveur des femmes et des entants des volontaires (ibid.).
commissaires de la Convention en matière de finances (p. 418), — un rapport sur l'état du recouvrement des contributions de 1791 (p. 419),— un rapport sur les droits des corps administratifs en matière de finances (ibid.). — Parle sur l'affaire du citoyen Vincent (p. 467), — sur les fournitures militaires (p. 491), — sur l'examen des papiers trouvés aux Tuileries (p. 494). — Propose de ne plus faire imprimer les décrets d'accusation (p. 510). — Demande le remplacement de Dufresue-Saint-Léon (p. 544). — Parle sur une pétition de la commune de Marseille (p. 549), — sur les marchés pour les approvisionnements des troupes (p. 553), (p. 556).— Fait un rapport sur un versement à faire par le receveur du district d'Arles (p. 561). — Parle sur une pétition de la commune de Marseille (p. 563), — sur les mesures à prendre à l'égard des fournisseurs militaires (p. 566), — sur la réunion de la Savoie à la France (p. 616). — Fait un rapport sur les réclamations et demandes du général Dumouriez (p. 676).
Administrateurs. Adresse de dévouement (4 novembre 1792, t. LUI, p. 138).
Tribunal. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LIII, p. 30).
2® Mémoire du ministre dé la guerre sur le besoin de cavalerie dans les armées de la République (19 novembre 1791, t. LIII, p. 474) ; — renvoi au comité de la guerre (ibid. p. 475).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Adresse relative à César Martin et Gabriel Triblié (19 novembre 1792, t. LUI, p. 470).
Société des amis de la liberté et de Végalité. Don patriotique d'un membre (11 novembre 1792, t. LIII, p. 353).
Volontaires nationaux. Adresse des chasseurs volontaires (11 novembre 1792, t. LUI, p. 363).
Conseil général. Fait un don patriotique (10 novembre 1792, t. LIII, p. 343).
voi au comité de législation ((ibid.. — Adresse d'adhésion (10 novembre, p. 337).
Administrateurs. Ecrivent au sujet des troubles de Vierzon (2 novembre 1792, t. LUI, p. 110), 9 novembre, p. 319).
Procureur syndic. Propose des mesures à l'égard des créanciers des émigrés (3 novembre 1792, t. LUI, p. 125).
2° Documents relatifs à l'état militaire des colonies orientales (4 novembre 1792, t. LUI, p. 140) ; — renvoi aux comités colonial et de marine réunis (ibid.).
3° Lettre du ministre de la marine relative à la prestation de serment par les citoyens pensionnés domiciliés dans les colonies (11 novembre 1792, t. LIII, p. 351).
§ 1er. Comités en général.
§ 2. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
§ 1er. Comités en général. Il sera dressé une liste de candidats pour les comités incomplets et il sera procédé à la nomination des membres de supplément (29 octobre 1792, t. LUI, p. 31). — Il sera distribué à chaque comité un exemplaire de la table des lois imprimée par le citoyen Prault (ibid. p. 35). — Décret sur l'ordre des travaux des comités (2 novembre, p. 112). — Les comités sont autorisés à faire imprimer et distribuer les projets de décret (6 novembre, p. 210). — Les comités feront passer aux ministres les pétitions et mémoires qui intéressent leurs départements respectifs (23 novembre, p. 557). — Il sera rendu compte chaque quinzaine des membres qui n'assisteront pas aux séances des comités (25 novembre, p. 586).
§ 2. Comités spéciaux selon l'ordre alphabétique.
Travaux. —1792. — Rapports sur l'envoi de commis-
saires de la Convention dans les départements (30 octobre, t. LUI, p. 64), — sur la prohibition de la sortie des viandes salées (ibid. p. 74), — sur les subsistances (3 novembre, p. 130 et suiY.), — sur l'ap-
Krovisionnement de bois de chauffage de la ville de
ouen (17 novembre, p. 450), — sur une pétition de la commune de Marseille (23 novembre, p. 563).
Travaux. —1792. — Projet de décret concernant les biens des émigrés (31 octobre t. LUI, p. 92 et suiv.). — Projet de décret concernant la levée des scellés apposés sur les maisons ci-devant royales, maisons religieuses et maisons des émigrés situées dans le département de Paris (3 novembre, p. 135). — Projet de décret concernant la demande des entrepreneurs de la manufacture d'armes des Petites-Ecuries (6 novembre, p. 206). — Projet de décret concernant la levée des scellés apposés sur les malles des prisonniers de la Haute-Cour (12 novembre, p. 367). — Projet de décret concernant la vente du mobilier du ci-devant ordre de Malte (ibid.). — Rapports sur une pétition de l'administration de l'Hôtel-Dieu de Gisors (16 novembre, p. 431), — sur les demandes des municipalités tendant à obtenir des avances sur le bénéfice de la revente des domaines nationaux (17 novembre, p. 451 et suiv.), — sur les demandes des municipalités et des corps administratifs pour être autorisés à faire des acquisitions d'immeubles (ibid. p. 453), — sur le transfert du magasin des effets militaires établi à Saint-Denis (27 novembre p. 605), — sur l'administration des domaines de la ci-devant liste civile (ibid. et p. suiv.), sur les frais d'estimation, d'administration et ventes des biens nationaux (30 novembre, p. 675).
Organisation. — Composition. Liste des membres (l«r novembre 1792, t. LIII, p. 103).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les traites tirées
ar l'ordonnateur de Saint-Domingue (2 novembre, t.
III, p. 117 et suiv.); — sur les îles du Vent et sous le Vent (5 novembre, p. 167), — sur l'affaire du citoyen Thomines (10 novembre, p. 343), — sur la réclamation de Lazare Guys (19 novembre, p. 470). Acte d'accusation contre Blanchelande (30 novembre, p. 685 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur l'envoi de commissaires de la Convention dans les départements (30 octobre, t. LUI, p. 64), — sur la prohibition de la sortie des viandes salées (ibid. p. 74), — sur les traites tirées par l'ordonnateur de Saint-Domingue (2 novembre, p. 117 et suiv.), — sur les subsistances (3 novembre, p. 130 et suiv.), — sur les îles du Vent et sous le Vent (5 novembre, p. 167), — sur la sortie des poissons salés (16 novembre, p. 446), — sur l'extension à la ville de Çharleville du décret rendu le 20 juin 1792 (25 novembre, p. 581).
Travaux. — 1792. — Rapport sur la réunion de la Savoie à la France (27 novembre, t. LUI, p. 610 et suiv.).
Travaux. — 4792. — Rédaction de l'acte d'accusation contre le général Lanoue (27 octobre, t. LUI, p. 6). — Mesures pour accélérer la rédaction des écrets d'accusation (ibid.). — Compte-rendu de l'expédition du décret du 9 octobre sur les émigrés et de celui relatif aux habitants de Lille du 11 octobre (ibid.). — Projets de décret sur l'envoi des lois (5 novembre, p. 151). — Acte d'accusation contre la citoyenne Rohan-Rochefort (15 novembre, p. 417.— Acte d'accusation contre Diétrich (20 novembre, p. 487 et suiv.).
Travaux. — 4792. — Rapports sur l'affaire du marquis de Toulongeon (27 octobre, t. LIII, p. 8), — sur la prohibition de la sortie des viandes salées (ibid, p. 74), — sur l'affaire des officiers du régiment de Vigier détenus à Soleure (31 octobre, p. 97 et suiv.— sur les îles du Vent et sous le Vent (5 novembre, p. 167), — sur la conduite du général Montesquiou (9 novembre, p. 332 et suiv.) ; — sur l'affaire du citoyen Courmes (10 novembre p. 343), — sur les excès commis à Nice par les troupes françaises (18 novembre, p. 461 et suiv.), — sur les négociations avec Genève (21 novembre, p. 503 et suiv.), — sur la réunion de la Savoie à la France (27 novembre, p. 610 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Tableau du placement des assemblées électorales (30 octobre 1792, t. LUI, p. 62). — Rapport sur une pétition du corps électoral de Paris (17 novembre, p. 450).
Travaux. — 1792. — Rapport sur l'affaire du citoyen Saget (27 octobre, t. LUI, p. 7). — Projet de décret concernant la forêt de Montargis (6 novembre, p. 206). — Rapport sur l'approvisionnement de bois de chauffage ae la ville de Rouen (17 novembre, p. 450).
Travaux. — 1792. — Projet de décret sur la manière dont les ministres devront rendre leurs comptes (30 octobre, t. LUI, p. 64). — Projet de décret concernant les anciens ministres dont les comptes n'ont pas été approuvés (23 novembre, p. 559).
Travaux. — 4792. — Rapports sur le compte à rendre par le ministre de la guerre des mesures qu'il a prises contre les régisseurs des vivres (27 octobre, t. LUI, p. 6 et suiv.), — sur le type à adopter pour les assignats de 25 sols (ibid. p. 7), — sur le payement des troupes (31 octobre, p. 85 et suiv.), — sur une forme à remettre au directeur de la fabrication de assignats (2 novembre, p. 113),— sur les traites tirées par l'ordonnateur de Saint-Domingue (ibid. p. 117 et suiv.), —-, sur les moyens d'arrêter la circulation des billets de confiance (ibid. p. 121 et suiv.), —sur l'organisation des compagnies de mineurs et d'ouvriers du corps d'artillerie (5 novembre, p. 152), — sur une pétition de la commune de Château-Thébaut (6 novembre, p. 206), — sur les moyens de hâter le recouvrement des contributions de 1791 (8 novembre, p. 317), — sur une pétition du département de Paris (12 novembre, p. 366), — sur les secours à accorder à divers départements ibid.), — sur les communautés religieuses de Gênes (14 novembre, p. 409), — sur des dépenses faites à 1 hôtel des Invalides (15 novembre, p. 415 et suiv.), — sur les droits des commissaires de la — sur l'état du recouvrement des contributions de 1791 (ibid. p. 419), — sur les droits des corps administratifs en matière des finances (ibid.), — sur la sortie dés poissons salés (16 novembre, p. 446),— sur le payement des créanciers des corps et communautés supprimés (20 novembre, p. 489), — sur la création de 600 millions d'assignats (21 novembre, p. 513 et suiv.), — sur l'avance d'un million à faire au département de Paris (22 novembre, p. 543 et suiv.), — sur la pétition des citoyens Hugot et Chevalier (ibid. p. 550), — sur un versement à faire par le receveur du district d'Arles (23 novembre, p. 561), — sur une pétition de la commune de Marseille (ibid. p. 563), — sur l'exécution de la loi qui met 12 millions à la disposition du ministre de l'intérieur pour l'achat de grains (24 novembre, p. 567 et suiv.), — — sur la demande de la municipalité de Lyon pour être autorisée à faire un emprunt de 3 millions (ibid. p. 568), — sur le payement du loyer des bureaux de
l'ancienne administration du commerce (25 novembre, p. 580), — sur les dépenses de l'expédition ordonnée pour les Iles-du-Vent (ibid.), — sur la liquidation des affaires des ci-devant pays d'Etat (ibid. et p. suiv.),— sur l'indemnité à accorder aux habitants de Youcq (27 novembre, p. 609), — sur la rentrée au Trésor public d'une somme de 10,000 livres remise à la veuve du receveur des décimes du chapitre de Troyes (28 novembre, p. 630), — sur ia reconstruction du clocher de Villecey-sur-Trey (ibid. p. 631), — sur l'enregistrement et le visa des effets au porteur (ibid. p. 632 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapport sur la punition des désordres commis par des gendarmes nationaux dans les villes de la Charité-sur-Loire et de Boye (29 octobre, t. LIII, p. 35). — Projet de décret concernant les invalides (ibid. p. 35). — Projet de décrtt sur la formation d'une compagnie de canonniers volontaires à cheval (31 octobre, p. 87 et suiv.). — Projet de décret sur le transfert dans les manufactures d'armes des fusils et pistolets qui se trouvent en dépôt dans les places de guerre (ibid. p. 89). — Bapports sur l'affaire des officiers du régiment de Vigier détenus à Soleure (31 octobre, p. 97 et suiv.), —sur lasolde des hussards de la liberté (3 novembre, p. 129), — sur la délivrance d'une pièce de canon à la commune de Saint-Germain-en-Laye (ibid.), — sur la délivrance de deux pièces de canon à la commune d'Auxerre (ibid.), — sur l'organisation des compagnies de mineurs et d'ouvriers du corps d'artillerie (5 novembre, p. 152), — sur l'organisation des pompiers de Paris (ibid.), — sur le mode de pourvoir aux emplois vacants dans les troupes de ligne (8 novembre, p. 308), — sur l'envoi aux frontières des fédérés casernés à, Paris (10 novembre, p. 344 et suiv.), — sur l'affaire du citoyen d'Hillerin (13 novembre, p. 379),— sur les excès commis à Nice par les troupes françaises (18 novembre,p.461 et suiv.), —sur lapétitiondu citoyen Lelièvre (21 novembre, p. 499 et suiv.), — sur la pétition du citoyen Boyer (23 novembre, p. 559), — sur la pétition du citoyen Benoit-Lamothe (ibid.), — sur le mode d'envoi des bataillons nationaux aux Iles du Vent (23 novembre p. 562), — sur la solde des volontaires nationaux (ibid. p. 563), — sur la création de seconds lieutenants et de seconds capitaines dans le corps de l'artillerie (24 novembre, p. 572), — sur l'effacement des emblèmes de la royauté des drapeaux de l'armée (28 novembre, p. 630).
Travaux. —1792. — Rapport sur la translation de la Convention nationale au château des Tuileries (2 novembre, t. LIII, p. 112).
Organisation. — 1792. — Il sera dressé une liste de quinze candidats pour compléter le nombre des membres du comité (7 novembre 1792, t. LIII, p. 274).
Travaux. —1792. — Rapports sur les congrégations séculières (6 novembre, t. LIII, p. 207 et suiv.), — sur une réclamation de la commune de Luçon (13 novembre, p. 379), — sur la suppression de directeur de l'académie de France à Rome (25 novembre, p. 578 et suiv.), — sur la vente des papiers déposés à la ci-devant chambre des comptes (27 novembre, p. 606).
Travaux. — 1792. —Rapports sur les troubles de Lorient (2 novembre, t. LIII, p. 113 et suiv.), — sur le jugement du ci-devant roi (7 novembre, p. 275). — Projet de décret sur les pénalités encourues par les émigrés (12 novembre, p. 368).—Projet de décret pour établir la formule à employer lors de la promulgation des lois (22 novembre, p. 542 et suiv.). — Rapports sur la réclamation relative aux citoyennes Egalité, Sillery, Seymour et Sercey (22 novembre, p. 545), — sur le renvoi des pétitions aux ministres (23 novembre, p. 556 et suiv.) — sur la formation provisoire de la commune de Paris (24 novembre, p. 570 et suiv.), — sur l'indemnité due aux huissiers des tribunaux criminels (26 novembre, p. 596 et suiv.). — sur la suppression du tribunal criminel du 17 août (29 novembre, p. 624), — sur les certificats de résidence et les passeports à accorder aux négociants (ibid. p. 672), — sur la formation provisoire de la municipalité de Paris (ibid. et p. suiv.). — Acte d'accusation contre Blanchelande (30 novembre, p. 685 et suiv.).
Organisation. Il sera fait une liste de candidats p our le complément du comité (29 octobre 1792, t. LUI, p. 31). — Liste des membres et des suppléants (13 novembre, p. 379).
Travaux. — 1792. — Rapport sur la prorogation du délai pour présenter au bureau de liquidation les certificats et passeports délivrés par les communes (29 novembre, t. LIII, p. 655 et suiv.).
Travaux. 1792. — Rapports concernant les iles du Vent et sous le Vent (5 novembre, t. LUI, p. 167),— sur les forces à envoyer aux Iles du Vent (14 novembre, p. 409), — sur le cas du lieutenant Thomas Imbert (25 novembre, p. 580), — sur l'affaire du capitaine Colmin (ibid. p. 581), — sur la gratification à accorder au citoyen Babu (27 novembre, p. 606).
Travaux. — 1792. — Bapport sur le mode de réception des lettres, adresses et pétitions adressées à la Convention, sur l'enregistrement des dons patriotiques et sur l'admission des pétitionnaires à la barre (11 novembre t. LIII, p. 354). — Compte rendu d'adres?es d'adhésion au décret portant abolition de la royauté (ibid. et p. suiv.). — Rapports sur diverses lettres et adresses (25 novembre, p. 577 et suiv.), — sur des pièces à remettre au sieur Sorgues (30 novembre, p. 675).
Organisation. Composition (3 novembre 1792, t. LUI, p. 128 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports, sur la pétition du sieur Lefebvre (28 octobre, t. LUI, p. 30), — sur les secours à accorder aux pères, mères, femmes et enfants des volontaires qui sont dans le besoin (26 novembre, p. 593 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur l'affaire du citoyen Saget (27 octobre, t. LUI, p. 7), — sur l'affaire du marquis de Toulongeon (ibid. p. 8), — sur les papiers trouvés chez le sieur Bonnay (1er novembre, p. 107), —sur l'état de Paris (6 novembre, p. 219 et suiv.), — sur la conduite du général Montesquiou (9 novembre, p. 332 et suiv.), — sur les prisonniers détenus à Paris (p. 417).
Travaux. — 1792. — Bapport sur la récompense à accorder à la famille Girarain (15 novembre, t. LUI, p. 416).
1° Commissaires envoyés dans les départements pour assurer la circulation des subsistances (30 octo-re 1792, t. LUI, p. 65). — Décret relatif au retour des commissaires envoyés dans le département du Nord (l,r novembre, p. 107).
2° Correspondance des commissaires avec la Convention et rapports sur leurs missions : Lettres des commissaires à l'armée du centre (27 octobre 1792, t. LUI, p. 10 et suiv.). — Lettre des commissaires à l'armée du Nord (30 octobre, p. 82 et suiv.). — Rapport des commissaires à l'armée du Centre (1" novemlbre,
?i. 105 et suiv.). — Lettres des commissaires à l'armée du îord (3 novembre, p. 135 et suiv.). — Compte rendu des commissaires envoyés dans le département de l'Yonne (5 novembre, p. 152 et suiv.). — Lettre des commissaires à l'armée des Pyrénées (6 novembre, p. 205). — Lettre des commissaires aux frontières du Midi (7 novembre, p. 283). — Lettre des commissaires aux frontières de la Suisse (8 novembre, p. 301 et suiv.). — Lettre des commissaires aux frontières des Pyrénées (ibid. p. 303 et suiv.). — Lettres des commissaires à l'armee du Nord (10 novembre, p. 339), (p. 340), (14 novembre, p. 404 et suiv.). — Lettre des commissaires envoyés à Lyon (14 novembre, p. 405 et suiv.). — Lettre des commissaires à l'armée du Nord (15 novembre, p. 412). — Lettre des commissaires envoyés dans le département do la Seine-Inférieure (ibid.). — Lettre des commissaires à la frontière du Nord (15 novembre, p. 429). — Lettre des commissaires envoyés dans les départements de l'Ain et du Jura (16 novembre, p. 447). — Lettre des commissaires à l'armée des Pyrénées (ibid.). — Lettres des commissaires envoyés à Lyon ( 18 novembre, p. 464), (20 novembre, p. 489 et suiv.), (23 novembre, p. 565 et suiv.). — Lettre des commissaires à l'armée du Nord (26 novembre, p. 603). — Lettre des commissaires aux frontières des Pyrénées (27 novembre,p. 617 et suiv.), — Lettre des commissaires à Lyon (28 novembre, p. 628 et suiv.). — Lettre des commissaires à l'armée du Midi (28 novembre, p. 633). — Lettre des commissaires à l'armée du Nord (29 novembre, p. 661).
3°. Décret portant que les commissaires de la Convention ne pourront ordonner aucune dépense, ni délivrer aucun mandat sur les caisses nationales (15 novembre 1792, t. LIII, p. 418 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapport sur un marché de 6,000 fusils passé avec Beaumarchais (28 novembre, t. LIII, p. 631).
Travaux. — 1792. — Rapport sur les provocations au meurtre et à l'assassinat (27 octobre 1792, t. LUI, p. 12 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les crimes du ci-devant roi (6 novembre 1792, t. LIII, p. 210 et suiv.), — sur le cas de la ci-devant princesse de Rohan-Rochefort (9 novembre, p. 322).
pour faire viser et enregistrer les effets et actions de-l'ancienne compagnie (4 novembre 1792, t. LIII,. p. 139). — renvoi au comité des finances (ibid.).
Constitution de 1791. Il est fait hommage de l'ouvrage de Joël Barlow intitulé : Lettre à la Convention nationale sur les vices de la Constitution de 1791 (7 novembre 1792, t. LIII, p. 273) ; — la Convention décrète que cet ouvrage sera traduit en français (ibid.).
Contreseing des lettres. Le maire de Paris ne jouira plus de la faveur du contreseing (30 octobre 1792, t. LIII, p. 73).
2° Mémoire du ministre des contributions publiques sur les moyens de hâter le recouvrement des rôles des contributions de 1791 (8 novembre 1792, t. LIII, p. 317). — Décret ordonnant queles parties prenantes dans les caisses de la République et les fonctionnaires seront tenus de rapporter la quittance de la totalité de la contribution mobilière de 1791 (ibid.). — Etat du recouvrement des contributions de 1791 (15 novembre, p. 419).
§ 1er. — Admission aux honneurs de la séance.
§ 2. — Députations admises à la barre.
§ 3. — Lieu des séances de la Convention.
§ 4. — Attributions de la Convention.
§ 5. — Garde de la Convention.
§ 6. — Bureaux de la Convention.
§ 7. — Ordre des travaux.
§ 1er. — Admission aux honneurs de la séance.
Tout citoyen mandé à la barre ne pourra être admis aux honneurs de la séance
s'ilfn'a été acquitté par un décret (27 octobre 1792, t. LUI, p. 9).
§ 2. — Députations admises à la barre. Députations du tribunal du 17 août (28 octobre 1792, t. LIII, p. 22), — de la ville de Rennes (ibid.), — des sections de Paris (ibid.), — de la municipalité de Paris (ibid. p. 23), — de la section du Marais (ibid.), — des administrateurs de Seine-et-Marne (2 novembre, p. 112), — de la ville de Nice (4 novembre, p. 145), — des fédérés (ibid. p. 147), des sections de Paris (ibid. p. 148), — du département de Paris (7 novembre, p. 286), — du 103" régiment de ligne (11 novembre, p. 357), — de la section des Quinze-Vingts (ibid.), — des Savoisiens résidant à Paris (ibid.), des canonniers de] Lille (ibid. p. 358), — des canonniers des 48 sections de Paris (ibid. p. 359),— des cordonniers de Paris (ibid.), — des principaux et professeurs des maisons d'éducation de Paris (ibid.), — des hommes du 14 juillet et du 10 août (ibid.). — de la ville libre de Francfort (14 novembre, p. 407), —du corps électoral ds Seine-et-Oise (19 novembre, p. 475), du peuple savoisien (21 novembre, p. 506), — de la garde de Bicêtre (25 novembre, p. 583), — de l'Académie des sciences (ibid.), — des citoyens de la ci-devant province d'Alsace (ibid. p. 585), —des citoyens de Versailles (ibid. p. 586), — de la municipalité cie Fon-tenay-sous-Vincennes (ibid. p. 587, — de la municipalité d'Ivry-sur-Seine (ibid.), — des artistes (ibid.), — de députés extraordinaires de Loir-et-Cher (26 novembre, p. 697), — de députés extraordinaires d'Eure-et-Loir (ibid. p. 598), — des commissaires des sections et des membres du conseil de la commune de Paris (29 novembre, p. 654).
§ 3. — Lieu des séances de la Convention. 1° Projet de décret présenté par Barbaroux (30 octobre 1792 t. LIII, p. 81); —ajournement (ibid.). —Pétition des artistes concernant le lieu des séances de la Convention (23 novembre, p. 587 et suiv.).
2° Rapport par Gamon sur la translation d e la Convention nationale au château des Tuileries (2 novembre 1792, t. LIII, p. 112) ; — projet de décret (ibid.) ; adoption (ibid.).— Décret concernant les travaux d'installation (3 novembre, p. 135).
§ 4. — Attributions de la Convention. Projet de décret proposé par Barbaroux, tendant à la Constitution de la Convention en cour de justice pour le jugement des conspirateurs (30 octobre 1792 , t. LIII, p. 81); — ajournement (ibid.)
§ 5. — Garde de la Convention. Projet de décret proposé par Barbaroux, concernant les troupes char-
gées du service de la Convention (30 octobre 1792, t. LUI, p. 81) ; — ajournement (ibid.).
§ 6. — Bureaux de la Convention. Fixation du traitement du secrétaire commis chargé de recueillir les décrets (5 novembre 1792, t. LUI, p. 151).
§ 7. — Ordre des travaux. Décret sur l'ordre des travaux (10 novembre 1792, t. LIII, p. 344).
5. 151). — La faculté qui leur avait été accordée de isposer des fonds appartenant à la nation pour les dépenses relatives à la défense de la République est révoquée (15 novembre, p. 419). — Décret concernant les demandes des corps administratifs, pour être autorisés à faire des acquisitions d'immeubles (17 novembre, p. 454 et suiv.). — \oir — Assemblées électorales.
Administrateurs. Ecrivent au sujetde la suspension de la vente des maisons religieuses (2 novembre 1792, t. LUI, p. 111).
Administrateurs. Demandent des secours pour les femmes et les enfants des gardes nationales qui combattent sur les frontières (8 novembre 1792, t. LUI, p. 305).
Administrateurs. Soumettent différentes questions à la Convention (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123). — Ecrivent au sujet des subsistances (10 novembre, p. 337), — au sujet des agitateurs qui se trouvent à Paris (11 novembre, p. 351).
France (28 octobre 1792, t. LUI, p. âO). — Envoie l'état des prisonniers de guerre qu'il a faits (ibid.). — Annonce l'entrée des troupes de la République à Francfort-sur-le-Mein (ibid.). — Sa réponse aux observations des magistrats de Francfort (ibid. et p. suiv.). — Donne le plan de la future campagne (ibid. p. 21). — Demande l'autorisation de former une légion allemande (ibid. et p. suiv.). — Demande le litre de citoyen français pour le docleur Bohemer (31 octobre, p. 97), (4 novembre, p. 140). — Dénonce Kellermann (4 novembre, p. 143). — Donne des détails sur son entrée à Francfort (ibid. p. 144 et suiv.). — Rend compte de ses opérations (5 novembre, p. 168 et suiv.). — Ecrit au sujet du payement de la contribution exigée de la ville de Francfort (p. 218). — Pièces concernant son expédition en Allemagne (8 novembre, p. 299 et suiv.). — Rend compte des dispositions qu'il a prises pour aller à la rencontre de l'ennemi (11 novembre, p. 353). — Eclaircissements sur le différend survenu entre lui et le général Kellermann (16 novembre, p. 433). — Rend compte de ses opérations (ibid. p. 445 et suiv.). — Ses lettres au général Biron et au général Beurnonville (19 novembre, p. 484 et suiv.).— Ecrit au sujet des biens que possède en France le sieur Ermstadz (21 novembre, p. 497).'— Bend compte de ses opérations (21 novembre, p. 511 et suiv.), (23 novembre, p. 565), (27 novembre, p. 610). — Réclamations au sujet des contributions militaires qu'il frappe (29 novembre, p. 673) ; — renvoi au comité diplomatique (ibid.) . — Lettre démentant les bruits répandus sur son compte (30 novembre, p. 675).
Pagnie demandent à remplacer la gendarmerie nationale dans la capitale (27 octobre 1791, t. LIII, p. 1).
1° Etats des décrets envoyés aux départements (31 octobre 1792, t. LIII, p. 92) (24 novembre, p. 576).
2° Dispositions relatives aux décrets dont l'envoi aux départements est décidé (31 octobre 1792, t. LIII, p. 92).
3° Mesures concernant les décrets mentionnés avant le 10 août et qui ne seraient signés ni du ministre de la justice, ni du ci-devant roi (5 novembre 1792, t. LUI, p. 151).
4° Commissaires chargés de surveiller la traduction des décrets en langue étrangère (6 novembre 1792, t. LUI, p. 206).
Mesures proposées pour accélérer leur renvoi et leur rédaction (27 octobre 1792, t. LUI, p. 6); — or-
dre du jour (ibid.). — Ils seront tous envoyés au ministre de la justice, mais ils ne seront ni imprimés ni envoyés aux départements (21 novembre, p. 511). — Ils seront rédigés dans les 24 heures (30 novembre, p. 676).
1° Gensonné propose de décréter qu'aucun membre de la Convention ne pourra accepter ni remplir aucune fonction publique que dix ans après l'établissement de la nouvelle Constitution (27 octobre 1792, t. LIII, p. 14 et suiv.) ; — adoption de cette proposition (ibid. p. 15); — Garran de Coulon demande que ce décret soit rapporté (ibid. etp. suiv.) ; — discussion : Billaud-Varenne, Mathieu, Mailhe, Raffron du Trouillet, Barère, Garran de Coulon, Chabot, Rewbell (ibid. p. 16etsuiv.); — la Convention décrète qu'il n'y à pas lieu de rapporter le décret et le maintient en adoptant le terme de six années au lieu de dix années (ibid. p. 17).— Opinion, non prononcée, de Joseph Guiter (ibid. et p. suiv.) — Rewbell demande que le décret soit rapporté (28 octobre, p. 19) ; — ordre du jour (ibid.). — Rewbell demande à nouveau que le décret soit rapporté (29 octobre, p. 35 et suiv.) ; — discussion : Jean Debry, Camus, Camille Desmoulins (ibid. p. 36 et suiv.).
2° Proposition tendant à interdire aux membres de la Convention de dénoncer leurs collègues et d'articuler des personnalités (31 octobre 1792, t. LIII, p. 87) ; —- ordre du jour (ibid.).
des femmes dont les maris sont émigrés (4 novembre 1792, t. LUI, p. 139 et suiv.), — renvoi au comité de législation (ibid.). — Renvoi au comité de législation de différentes observations concernant le divorce (18 novembre, p. 463).
2°. Projet de décret présenté par Camus relatif aux demandes des municipalités tendant à obtenir des avances sur le seizième du bénétice de la revente des domaines nationaux (17 novembre 1792, t. LIII, p. 45 et suiv.); — adoption (ibid. p. 452).
3°. Projet de décret sur les frais d'estimation, d'administration et de vente des domaines nationaux (30 novembre 1792, t. LIII, p. 675).
2°. Décret sur le mode de leur enregistrement (11 novembre 1792, t. LIII, p. 354).
Administrateurs. Envoient des pièces concernant les contestations élevées entre les communes de Monti-gnac et deTerrasson (2 novembre 1792, t. LUI, p. 109).
Volontaires nationaux. Le secondbataillon se plaint de rester dans l'inaction (6 novembre 1792, t. LUI, p. 202) ; — renvoi au ministre de la guerre (ibid.).
Procureur général syndic. Adresse deux exemplaires dù procès-verbal concernant l'élection des députés à la Convention nationale (31 octobre 1792, t. LUI, p. 91). — Envoi des pièces concernant les mesures à prendre pour réprimer les délits des municipalités et des corps administratifs (3 novembre, p. 123). — Fait connaître les mesures prises pour s'assurer de la personne du sieur Chevandier (4 novembre, p. 137).
Volontaires nationaux. Don patriotique du 6e bataillon (5 novembre 1792, t. LIII, p. 151).
sans travail (25 novembre 1792, t. LIII, p. 586). '
2°. Etat des ecclésiastiques non sermentés qui ont obtenu des passeports pour l'étranger (4 novembre 1792, t. LIII,' p. 139), (p. 148).
vembre 1792, t. LIII, p. 139);— renvoi aux comitésde commerce et d'agriculture réunis (ibid.).
2° Tableau des revenus des biens des émigrés (29 oc* tobre 1792, t. LUI, p. 35).
3° Sur la motion de Merlin (de Thionville) la Convention décide que le rapport sur la loi concernant les prisonniers émigrés sera fait séance tenante (30 octobre 1792, t. LUI, p. 63).
4° Projet de décret concernant l'administration et la vente des biens des émigrés et la liquidation de leurs dettes (31 octobre 1792, t. LIII, p. 92) ; — adoption des six premiers articles {ibid. et p. suiv.) ; — adoption des articles 7 à 16 (l"r novembre, p. 105) ; — adoption de l'article 17 (3 novembre, p. 134) ; --— la Convention rapporte l'article 5 et renvoie le surplus à un nouvel examen du comité (ibid.). — Observations de Camus (10 novembre, p. 344). — Adoption des articles 18 à 22 (ibid. p. 350 et suiv.). — Le ministtede l'intérieur demande que l'on étende la loi aux biens que les émigrés possèdent en Belgique (13 novembre, p. 382) ; — renvoi aux comités de législation diplomatique et des finances réunis (ibid.). — Suite de la discussion du projet de décret : adoption des articles 23 à 29 (25 novembre, p. 581 et suiv.).
5° Décret pour la levée des scellés apposés, sur les maisons des émigrés qui se trouvent dans le département de Paris (3 novembre 1792, t. LIII, p. 135).
6° On demande l'interprétation de la loi du 8 avril 1792 (4 novembre 1792, t. LUI, p. 140).
7° Pétition de créanciers d'émigrés (10 novembre 1792, t. LIII, p. 338); — renvoi au comité de législation (ibid.).
8° Envoi de deux manuscrits trouvés sur un émigré "(10 novembre 1792, t. LUI, p. 350).
9° Décret portant que les émigrés rentrés en France sont tenus de sortir du territoire de la République (10 novembre 1792, t. LIII, p. 350).
10° La vente de l'immobilier des émigrés est suspendue jusqu'à ce que le mode de la vente ait été décrété (11 novembre 1792, t. LUI, p. 354).
11° On dénonce des fraudes commises dans la vente des biens des émigrés (15 novembre 1792, t. LIII, p. 415) ; — renvoi au pouvoir exécutif (ibid.).
12° Proposition de Delaunay (d'Angers), relative à la création d'un jury spécial pour examiner les réclamations des émigrés qui prétendront avoir des motifs d'absence légitimes (22 novembre 1792, t. LIII, p. 545 et suiv.) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
13° Demande du ministre de l'intérieur au sujet de la destination des châteaux des émigrés (24 novembre 1792, t. LUI, p. 575); — renvoi aux comités d'aliénation et d'instruction publique réunis (ibid.).
14° Le pouvoir exécutif est chargé de notifier aux puissances étrangères que la République ne reconnaîtra comme ministre public aucun émigré (27 novembre 1792, t. LIII, p. 620).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Don patriotique (22 novembre 1792, t. LUI, p. 577).
Administrateurs. Envoient un mémoire justificatif (4 novembre 1792, t. LUI, p. 138).
Volontaires nationaux. Le troisième bataillon demande deux canons (23 octobre 1792, t. LUI, p. 35).
Troubles. Renseignements sur les troubles survenus dans le département (26 novembre 1792, t. LUI, p. 598 et suiv.). — Il sera envoyé trois commissaires de la Convention dans ce département (ibid. p. 601). —Noms des commissaires (ibid. p. 603K — Rapport des commissaires (30 novembre, p. 67 et suiv.) — décrets (ibid. p. 681). — Décret improuvant la conduite des commissaires envoyés dans ce département (ibid. p. 683).
rende sa pension (6 novembre 1792, t. LIII, p. 205); — renvoi au comité de liquidation (ibid.).
2°. — Compte à rendre des mesures prises au sujet du casernement des fédérés (4 novembre 1792, t. LIII, p. 150).
2°. Opinion de Barailon sur les fêtes civiques à établir dans la République (9 novembre 1792, t. LIII, p. 335 et suiv.).
Conseil général. Adresse aux 48 sections de Paris 1« novembre 1792, t. LIII, p. 104).
2°. Le ministre des contributions publiques demande à la Convention de statuer sur un régime forestier (20 novembre 1792, t. LIII, p. 488); — renvoi au comité des domaines (ibid p. 489).
indemnités que la Bretagne ne lui a pas encore remboursées (6 novembre 1792, t. LIII, p. 202); — ren- voi aux comités de commerce et des finances réunis (ibid)
1° Lettre des commissaires de la Convention nationale aux frontières du midi (7 novembre 1792, t. LIII, p. 283 et suiv.).
2° Lettre des commissaires de la Convention nationale dans les départements frontières de la Suisse (8 novembre 1792, t. LUI, p. 301 et suiv.).
3° Lettres des commissaires de la Convention nationale aux frontières des Pyrénées (8 novembre 1792, t. LIII, p. 303 et suiv.), (27 novembre, p. 617 et suiv.).
. (ibid.)
l'état des bataillons de volontaires et de gendarmes nationaux (p. 362).
1° L'indemnité accordée aux canonniers par le décret du 27 août 1792 ne sera plus payée (4 novembre 1792, t. LUI, p. 143).
2° Compte à rendre de l'emploi des sommes payées au commandant général de la garde nationale parisienne (4 novembre 1792, t. LIII, p. 143).
Demande du ministre de la guerre en leur faveur (1er novembre 1792, t. LUI, p. 100). — Les gardes des ports déclarent qu'ils renoncent à leur pétition (ibid.). — Pétition en leur faveur (6 novembre, p. 203); — renvoi au comité de la guerre (ibid.). — Lettre du ministre de la guerre relative aux pensions et gratifications qui leur sont accordées (11 novembre, p. 358).
Administrateurs. Envoient un état des revenus du collège de l'Esquille de Toulouse (27 octobre 1792, t. LIII, p. 1). — Envoient différentes pièces à la Convention (2 novembre, p. 109).
Directoire. On demande une décision sur son élection (6 novembre 1792, t. LUI, p. 200).
1° Les gendarmes de la 33* division réclament 25 jours de leur paye (29 octobre 1792, t. LIII, p. 34) ; — renvoi au pouvoir exécutif (ibid.).
2° On demande la formation d'une commission militaire pour juger des gendarmes nationaux accusés de désertion (11 novembre 1792, t. LIII, p. 351); — renvoi aux comités de la guerre et de législation réunis (ibid.).
3° Compte à rendre de l'état des bataillons de gendarmerie nationale (11 novembre 1792, t. LIII, p. 356), (p..362). — Compte rendu (16 novembre, p. 433).
4° Lettre du ministre de l'intérieur relative à la gratification accordée à la gendarmerie par la loi du 16 février 1791 (13 novembre 1792, t. LUI, p. 376).
5° Demande relative au casernement de la gendarmerie nommée par les départements (13 novembre 1792, t. LUI, p. 380).
6° Remise aux grenadiers de la gendarmerie de service auprès de la Convention du drapeau qui leur a été accordé par le décret du 30 septembre (19 novembre 1792, t. LIII, p. 474).
1° Motion de Rouyer tendant à faire annuler toutes les nominations faites par les généraux (3 novembre 1792, t. LUI, p. 129; — renvoi au comité de la guerre (>'bid.).
2° Renvoi au comité de Constitution d'une motion concernant l'abdication des généraux (14 novembre
1792, t. Lin, p. 403).
pension (6 novembre 1792, t. LIII, p. 204) ; — renvoi au comité des pensions (ibid.)
1° Pétition de la commune de Touquin-en-Brie relative à la vente des grains (27 octobre 1792, t. LIII, p. 4).
2* Demande de fonds par le ministre de l'intérieur pour l'achat de grains (31 octobre 1792, t. LIII, p. 97); — renvoi aux comités d'agriculture et de commerce réunis (ibid.). — Delacroix demande qu'une somme de 12 millions soit mise à la disposition du ministre de l'intérieur pour l'achat de grains à l'étranger (3 novembre p. 132); — discussion : Chabot, Martin (Somme), Cambon (ibid. et p. suiv.); —adoption de la motion de Delacroix (ibid. p. 134).— Décret relatif à l'exécution de la loi qui met à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 12 millions pour être employée en achats de grains (24 novembre, p. 367 et suiv.). — Compte rendu par le ministre de 'intérieur de l'emploi des fonds mis à sa disposition (30 novembre, p. 675).
3° Le ministre de l'intérieur demande qu'il soit pris des mesures pour assurer la liberté du commerce des grains (28 novembre 1792, t. LIII, p. 641 et suiv.); — renvoi aux comités d'agriculturo et de sûreté générale (ibid. p. 643).
— Voir Subsistances.
1° Etats des dépenses ordonnées (27 octobre 1792, t. LIII, p. 4), (12 novembre, p. 365).
2° Demande relative à la manière dont doivent s'effectuer les paiements des dépenses pour la guerre (21 novembre 1792, t. LUI, p. 497) ; — envoi aux comités de la guerre et des finances réunis (ibid).
— Voir Marchés.
Le ministre de la guerre rendra compte des mesures qu'il a prises à l'égard du commis qui a intercepté une lettre adressée aux commissaires de la Convention nationale dans le département de l'Yonne (5 novembre 1792, t. LIII, p. 157) ; — compte rendu (6 novembre, p. 207).
Administrateurs. Adresse d'adhésion (11 novembre 1792, t. LUI, p. 352).
Procureur général syndic. Adresse un procès-ver-
bal concernant des volontaires du bataillon de Nantes (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123).
Assemblée électorale. Adresse relative à l'organisation des écoles et des lycées (26 novembre 1792, \. LUI, p. 592).
Administrateurs. Rendent compte des mesures qu'ils ont prises pour assurer l'ordre dans le département dù Cher (1er novembre 1792, t. LUI, p. 100). — Demandent la maison des Récollets pour y établir un moulin (2 novembre, p. 110).
Volontaires nationaux. Font un don patriotique (30 octobre 1792, t. LUI, p. 62).
Administrateurs. Demandent que l'assemblée électorale du département tienne ses séances à Tours (27 octobre 1792, t. LUI, p. 2). — Ecrivent relativement à des difficultés qui se sont élevées sur le mode de renouvellement des corps administratifs (3 novembre, p. 123). — Demandent qu'il soit statué sur le nombre et le placement des notaires du département (4 novembre 1792, t. LIII, p. 137).
10e régiment. Don patriotique des officiers, sous-officiers et soldats du deuxième bataillon (8 novembre 1792, t. LUI, p. 333).
31° régiment. Adresse relative à une infraction à la discipline du 1er bataillon (4 novembre 1792, t. LUI, p. 136 et suiv.) ; — renvoi au comité de la guerre (ibid. p. 137).
103e régiment. Les soldats demandent la faveur de pouvoir entrer dans la gendarmerie (11 novembre 1792, t. LUI, p. 357).
2° Le ministre de la guerre rendra compte dans les huit jours de l'exécution de la loi relative aux invalides retirés dans les départements (29 octobre 1792, t. LIII, p. 35).
3° Commissaires nommés pour aller recevoir les plaintes des invalides sur le défaut d'administration de l'hôtel (11 novembre 1792, t. LIII, p. 355).
Société des amis de la liberté et de Végalité. Fait un don patriotique (4 novembre 1792, t. LIII, p. 142).
— Voir Fête nationale,
1° Don patriotique en faveur des orphelins (31 octobre 1792, t. LIII, p: 86).
2° On demande des secours pour les veuves et les enfants des patriotes qui ont péri dans la journée du 10 août et pour les citoyens blessés et estropiés (11 novembre 1792, t. LIII, p. 362); — renvoi au comité des secours (ibid.).
3° La municipalité de Paris rendra public l'état et l'emploi des sommes données pour les veuves et les orphelins des citoyens qui ont péri dans la journée du 10 août (30 novembre 1792, t. LUI, p. 675).
relative aux 7 accusés du camp de Jalès qui sont dans les prisons d'Orléans (2 novembre 1792, t. LUI, p. 109) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
Administrateurs. Sollicitent un traitement pour quatre professeurs du collège de Poligny (10 novembre 1792, t. Ira, p. 337).
2° Lettres des directeurs du jury d'accusation au sujet des quatre particuliers tués à Rethel (2 novembre 1792, t. LUI, p. 111), (3 novembre, p. 125).
3" Le directeur du jury d'accusation demande la rentrée au tribunal des procès-verbaux faits pour constater la rentrée de différents objets au garde-meuble (4 novembre 1792, t. LIII, p. 139).
4° Observations du ministre de la justice relatives à la fixation d'une indemnité pour les jurés (13 novembre 1792, t. LUI, p. 380).
envoyé en mission à l'armée de Dumouriez (t. LIII, p. 685).
culiers détenus dans les prisons (6 novembre 1792, t. LUI, p. 203); — renvoi au comité de législation [ibid.).
mémoire du ministre de l'intérieur (t. LIII, p. 50), — sur la suspension du décret qui ordonne de raser les maisons de Longwy (p. 63), — sur l'inviolabilité du secret des lettres (p. 96), — sur la pétition du citoyen Goret (p. 97), — sur les nominations faites par les généraux (p. 129), — sur un rapport de Basire concernant l'état de Paris (p. 228 et suiv.), — sur l'institution d'une fêle nationale pour célébrer la bataille de Jemmapes (p. 330), (p. 331). — Est envoyé en mission à l'aruiée du Var (p. 463). — Parle sur la conduite à tenir à l'égard des peuples qui voudront se réunir aux Français (p. ! 473).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Adresse d'adhésion (30 octobre 1792, t. LIII, p. 03).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. Adresse de dévouement (17 novembre 1792, t. LIII, p. 450).
la conduite des certains fédérés (t. LIII, p. 150). — Parle sur les rapports politiques à entretenir avec les peuples voisins (p. 473), — sur le procès de Louis XVI (p. 682).
seurs Je l'Opéra. Demandent un secours (11 novembre 1792, t. LUI, p. 352).
mode de leur réception (11 novembre 1792, t. LIII, p. 354).
Administrateurs. Se plaignent du refus du département du Finistère de laisser partir des grains (6 novembre 1792, t. LUI, p. 203); —renvoi au comité de commerce (ibid.).
— Voir Longwy.
contributions publiques annonce la nomination du Citoyen Normandie (23 novembre, p. 366).
2" Don patriotique des employés de la direction générale (18 novembre 1792, t. LIII, p. 577).
2° Déclaration à faire par les fermiers dépositaires et débiteurs (10 novembre 1792, t. LUI, p. 344).
3° Projet de décret sur les traitements des personnes employées par le ci-devant roi dans les domaines de la ci-devant liste civile et sur l'administration desdits domaines (27 novembre 1792, t. LUI, p. 603 et suiv.); — adoption (ibid. p. 606): — adoption d'une modification a ce décret (29 novembre, p. 632).
— Voir Septeuil?
Administrateurs. Envoient un arrêt pour l'exécution de la loi concernant les subsistances (31 octobre 1792, t. LUI, p. 91),
Troubles. Renseignements sur les troubles qui se sont mauifestcs oans le département (£6 novembre 1792, t. LUI, p. 597). — Il sera envoyé trois commissaires de la Convention dans ce département (ibid. p. 601). — Noms des commissaires (ibid. p. 603).
Procureur général syndic. Envoie une pétition de la commune de Saint-Pierre-en-Retz (3 novembre 1792, t. LUI, p. 124), — une pétition des professeurs du collège de Nantes (10 novembre, p. 337).
Administrateurs. Font une demande relative à l'embarquement des grainS (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123).
Troubles. Communication de pièces relatives à des troubles suscités à l'occasion des subsistances (28 novembre 1792, t. LUI, p. 640 et suiv.).
2° Formalités à remplir par les corps administratifs et les tribunaux au sujet de l'envoi des lois (5 novembre 1792, t. LUI, p. 151).
3° Proposition du sieur Prault concernant le dépôt de lois duit.il est propriétaire (8 novembre 1792, t. LUI, p. l!07) ; — décret (ibid.).
4° Décret établissant la formule à employer lors de la promulgation des lois (22 novembre 1792, t. LUI, p. 642).
Société constitutionnelle. Les sieurs Infrost et Joël Barlow, députés de la société, demandent audience (27 novembre 1792, t. LUI, p. 609). - Jjur fixé (ibid.). — Admis, ils présentent une adresse de féli-cilation (28 novembre, p. 636). — Lë ministre de la guerre annonce que la société a souscrit une somme de 1,000 livres sterlings pour procurer des touliers aux soldats de la liberté (ibid. p. 637); — la Convention charge son Président d'écrire à la société pour la remercier (ibid.).
2° Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 30). — Don patriotique des acteurs (6 novembre, p. 198).
Port. Don patriotique des ouvriers (30 octobre 1792, t. LIII, p. 61 et suiv.).
Volontaires nationaux. Don patriotique et demande par le 3* bataillon de marcher aux frontières (11 novembre 1792, t. LUI, p. 356).
2" Rapport par Mailhe sur le jugementdu ci-devantroi et la forme d'y procéder (7 novembre, 179â,t. LIII p. 275 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 281 et suiv.) ; — la Convention décrète que le rapport sera traduit dans toutes les langues et envoyé aux départements, aux municipalités et aux armees (ibid. p. 282). — La Convenlion décide que la discussion s'ouvrira sur cette question : Le roi peut-il être jugé? et que tous les discours prononcés seront imprimés et répandus dans la République (13 novembre p. 385). — Discussion : Morisson, Saint-Just, Fauchet, François Robert (ibid. et p. suiv.). — Un membre demande le rapport du décret sur la question de savoir si Louis XVI peut être jugé (15 novembre, p. 420) ; — débat : Jean Debry, Buzot,|Pétion, Danlon (ibid. p. suiv.); — le décret est rapporté (ibid. p. 421). — Discussion sur le jugement de Louis XVI et la forme d'y procéder : Rouzjt (ibid. et p. suiv.); — Grégoire (ibid., p. 424 et suiv.). — Opinion de Thomais Paine (21 novembre, p. 498 et suiv.).—Sur la motion de Couthon, la Convention décrète de réserver le mercredi et le samedi de chaque semaine à la discussion de l'affaire du roi (24 novembre, p. 576). — Sur la motion de Rrival, la Conven-tion décrète qu'il y aura sur le bureau du Président deux urnes, sur l'une desquelles il s>era écrit pour et sur l'autre contre et dans lesquelles les membres qui voudront parler déposeront leur nom (28 novembre, p. 638). — Suite de la discussion sur la question de savoir si Louis XVI doit être jugé : Faure (Seine-Inférieure) (ibid. et p. suiv.). — Joseph Serre (ibid. p. 643 et suiv.). — Le décret relatif au mode d'inscription de la liste de la parole dans deux urnes est rapporté (29 novembre, p. 656). — Décret ordonnant l'impression de tous les discours relatifs au jugement du ci-devant roi (30 novembre, p. 683).
3° Le citoyen Menin indique certaines précautions à prendre pour la surveillance de Louis XVI au Temple (17 novembre 1792, t. LIII, p. 459); — renvoi au comité de sûreté générale (ibidt).
4° Proposition de Sébastien Huet de servir de défenseur officieux à Louis XVI (14 novembre 1792, t. LIII. p. 403). — Proposition analogue de Malouet (20 novembre, p. 486).
5° Sa lettre à Bouillé après les affaires de Nancy (23 novembre 1792, t. LUI, p. 562).
6° Sur la motion de Taillefer, la Convention décrète que le ministre des affaires étrangères rendra compte des mesures qu'il a prises pour mettre un terme à l'entretien des valets et des pages du ci-devant roi qui existent encore à Versailles (25 novembre 1792, t. LIII, p. 579 et suiv.).
Voir Gens à gage. — Musique. — Papiers découverts aux Tuileries.
Administrateurs. Annoncent leur rtour à Mende (31 octobre 1792, t. LIII, p. 91).
Municipalité. Décret ordonnant le renouvellement de la municipalité (28 octobre 1792, t. LIII, p. 25).
Société populaire. Adresse contre la formation d'une garde départementale pour la Convention (27 octobre 1792, t. LUI, p. 5).
Troubles. Renseignements sur l'état de la ville de Lyon (28 octobre 1792, t. LUI, p. 24 et suiv.). — Commissaires de la Convenlion envoyés à Lyon pour y rétablir l'ordre (ibid. p, 25), (29 octobre, p. 35). — Lettres des commissaires envoyés à Lyon (14 novembre, p. 405 et suiv.), (18 novembre, p. 464), (20 novembre, p. 489 et suiv.), (23 novembre, p. 565), (28 novembre, p. 628 et suiv.).
— Demande que les législateurs renoncent aux fonctions publiques pendant leur vie entière (p. 16). — Fait un rapport sur le jugement du ci-devant roi (p. 275 et suiv.), —un rapport sur l'affaire du citoyen Courmes (p. 843). — Parle sur les fournisseurs des armées (p. 367), — sur une pétition des habitants de la principauté de Nassau-Sarrebruck (p. 418). — Secrétaire (p. 429). — Parle sur les mesures à prendre contre les émigrés (p. 457), — sur le divorce (p. 463), — sur une instruction à adresser aux peuples voisins (p. 473), — sur la réunion de la Savoie à la France (p. 510), — sur le procès de Louis XVI (p. 682).
Assemblée électorale. L'ouverture de l'assemblée pourra être prorogée jusqu'au 21 novembre (30 octobre 1792, t. LIII, p. 63).
1° Décret pour le payement des ouvriers et gardiens (3 novembre 1792, t. LIII, p. 135).
2° Décret pour la levée des scellés apposés sur celles qui se trouvent dans le département ae Paris (3 novembre 1792, t. LIII, p. 135).
de décret sur la reconstruction du clocher de Villecey sur-Trey (p. 631).
Administrateurs. Envoient des pièces concernant le remplacement des curés (27 octobre 1792, t. LUI, p. 1).
2° Compte rendu de la situation de la fabrication dans les manufactures de Moulins et de Saint-Etienne (30 octobre 1792, t. LUI, p. 63).
' 3° Il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande des entrepreneurs de la manufacture d'armes des Petites-Ecuries relative au renouvellement de leur bail (6 novembre 1792, t. LUI, p. 206).
— Voir Fusils. — Pistolets.
1° Compte à rendre sur cet objet (lar novembre 1792, t. LIII, p. 107).— Compte rendu parle ministre de la guerre (6 novembre, p. 201), (13 novembre, p. 379)
2° Dénonciation par Cambon de trois marchés passés par Vincent, commissaire ordonnateur de l'armée du Midi (8 novembre 1792, t. LUI, p. 309); — discussion (ibid. p. 310 et suiv.); — ces marchés sont déclares frauduleux et nuls [ibid. p. 311). — Interrogatoire de Vincent (18 novembre, p. 466 et suiv.).
3° Création d'une commission de 24 membres chargée d'examiner les marchés (20 novembre 1792, t. LIII, p. 492). — Composition de la commission (21 novembre p. 512).
Administrateurs. Demandent une interprétation de la loi sur la vente des biens des émigrés (3 novembre, 1792, t. LUI, p. 123).
Conseil général. Écrit au sujet d'ordres donnés par le maréchal Luckner (6 novembre 1792, t. LIII, p. 200).
Volontaires nationaux. Mesures prises contre lo 5e bataillon (10 novembre 1792, t. LUI, p. 343).
Administrateurs. Font une pétition relative à de particuliers détenus à Langres (6 novembre 1792, t. LUI, p. 203).
Port. On demande la suspension des fonctions du chef d'administration et du sous-chef des classes du port (13 novembre 1792, t. LUI, p. 377).
Volontaires nationaux. Plaintes des volontaires qui se trouvent à Paris (27 octobre 1792, t. LUI, p. 6).
(p. 16), — sur une pétition des habitants de la principauté de Nassau-Sarrebruck (p. 418). — Remet la 63» livraison du Voyage pittoresque j de la France (p. 580). — Est, envoyé en mission dans la Sarthe (p. 603).
Charité-sur-Loire et de Roye (t. LUI, p. 35). — Membre du comité central (p. 103). — Présente un projet de décret sur l'organisation des pompiers de Paris (p. 152); — Parle sur les mesures à prendre contre les émigrés (p. 382), — sur la réunion de la Savoie à la France (p. 615).
Société populaire. Dénonce la mauvaise qualité des soulier* des troupes (20 novembre 1792, t. LUI, p. 493).
Assemblée électorale. Adresse d'adhésion (25 novembre 1792, t. LUI, p. 689).
Directoire. Envoie plusieurs liasses de mémoires et d'arrêtés (21 novembre 1792, t. LIII, p. 497).
Volontaires nationaux. Don patriotique du 2* bataillon (14 novembre 1792, t. LIII, p. 468).
Administrateurs. Envoient des pièces concernant la reddition de Verdun (3 novembre 1792, t. LIII, p. 128).
§ 1er. Ministres en général.
§ 8. Ministres en particulier.
§ 1er. Ministres en général. Décret sur la manière dont ils doivent rendre leurs comptes (30 octobre 1792, t. LIII, p. 64). — Décret concernant les anciens ministres aont les comptes n'ont pas encore été approuvés (23 novembre, p. 559).
§ 2. Ministres en particulier.
Demande qu'il soit statué sur un régime forestier (20 novembre, p. 489). — Adresse un mémoire sur les services de son département (21 novembré, p. 497).— Annonce la nomination du citoyen Normandifi pour remplir provisoirement les fonctions du directeur général de la liquidation (23 novembre, p. 566). — Envoie un mémoire sur l'intérêt qu'il y aurait à mettre en régie les messageries nationales (28 novembre, p. 628). — Demande la création d'un établissement central pour la vérification des assignats (29 novembre, p. 671).
Pache, ministre. Transmet une lettre du général Valence (30 octobrel792, t. LUI p. 83), — une lettre du conseil de guerre près des places de Givet et de Char-lemont (31 octobre, p. 91). — Rend compte de l'arrivée à Paris des volontaires du bataillon do la République prévenus d'avoir participé au meurtre des déserteurs étrangers (1" novembre, p. 89). — Transmet différente! pièces à la Convention (ibid. p. 102).- — Ecrit au sujet du remplacement des officiers d'artillerie (2 novembre, p. Iu9). — Envoie l'état de la formation d'une cavalerie nationale (2 novembre, p. 111). — Fait une demande concernant les ouvriers du camp de Paris (ibid. p. 112 et suiv.). — Rend compte de la fourniture des souliers aux armées (ibid. p. 115). — Transmet une dépèche du général Valence (ibid. p. 116). — Soumet différentes questions à la Convention (3 novembre, p. 124), (p. 125), (p. 127).— Ecrit au sujet de l'uniforme des troupes (4 novembre, p. 137). — Transmet une lettre du général Custine (5 novembre, p. 168), — une proposition du conseil ae guerre de Lille (6 novembre, p. 200), — différentes pièces (ibid- p. 201). — Annonce qu'il a révoqué le commis d'Hillerin (6 novembre, p. 207).— Transmet une lettre du général Dumouriez (ibid.). — Demande la nomination d'un général d'armée (7 novembre, p. 285). — Demande que les fusils défectueux qui se trouvent dans l'arsenal de Paris soient exceptés du décret du 31 octobre (8 novembre, p. 305). Donne des renseignements sur les volontaires nationaux stationnés à Crespy (ibid.). — Envoie le texte de sa proclamation aux peuples que les troupes françaises ont délivrés (ibid. p. 307). — Soumet différentes questions à la Convention (10 novembre, p. 338), (p. 350), (11 novembre, p. 351), (p. 358). — Envoie des états de dépenses ordonnées pour la guerre (12 novembre, p. 363).— Transmet des pièces à l'Assemblée (13 novembre, p. 376 et suiv.). — Rend compte des mesures qu'il a prises pour accélérer le départ des gendarmes des Bouches-du-Rhône (ibid. p. 380). — Donne des éclaircissements sur les fournitures de souliers pour les troupes (14 novembre, p. 402). — Transmet une lettre du général Labourdonnaie (ibid. p. 404). — Rend compte des mesures qu'il a prises au sujet des hôpitaux militaires (15 novembre, p. 413). — Transmet des pièces :i la Convenlion (16 novembre, p. 433), (p. 445), (p. 446 et suiv.), (17 novembre, p. 455), (18 novembre, p. 465). — Ecrit au sujet de l'envoi d'une adresse de la Convention nationale aux bataillons de volontaires nationaux (19 novembre, p. 474). — Adresse un mémoire sur le besoin de cavalerie dans les armées (ibid.). — Dénonce la mauvaise qualité des fournitures faites par Jacob Denjamin (20 novembre, p. 493). — Ecrit au sujet du mode de paiement des dépenses pour la guerre (21 novembre, p. 497). — Envoie des lettres de Dumouriez (22 novembre, p. 552 et suiv.). — Annonce que le général Lanoue a été déchargé d'accusation par le tribunal criminel (23 novembre, p. 567). — Transmet des pièces à l'Assemblée (26 novembre, p. 602 et suivi). — Ordres donnés par lui pour l'envoi de troupes à Chartres (30 novembre, p. 684).
en faveur des citoyens établis dans des bâtiments attenant à ceux du Temple (ibid,.). —Ecrit au sujet des objets dépendant de la ci-devant liste civile, mis sous sa surveillance [(ibid. p. 3). — Transmet une réclamation des administrateurs du département de la Moselle (ibid.), — une demande de la commune de Soissons (ibid., p. 4). — Demande des fonds pour les dépenses des enfants trouvés (ibid.).— Rend compte de la situation de Paris (29 octobre, (iv 38 et suiv.). — Annonce que l'on expédie dans es départements une adresse des sections sous le contreseing du maire de Paris (30 octobre, p. 73). — II est mandé à la barre pour rendre compte des motifs de la suspension de l'envoi de cette adresse (ibid. p. 74). — Il est entendu à ce sujet (ibid. p. 77). — Transmet différentes pièces (31 octobre, p. 90 et suiv.). — Ecrit au sujet de la suspension de l'envoi des paquets contresignés Pétion (ibid., p. 93). — Ecrit au sujet de dilapidations qui se commettent dans la section des Sans-culottes (ibid. p. 94). — Demande des fonds pour l'achat des grains (ibid. p. 97). — Envoie des paquets trouvés chez le sieur Bonnay (1er novembre, p. 101). — Transmet des pièces à la Convention (2 novembre, p. 108), (p. 109), (p. 110), (p. 111), (3 novembre, p. 123), (p. 125). — Est entendu au sujet des travaux qui se font au château des Tuileries (3 novembre, p. 135 et suiv.). — Transmet des pièces à la Convention (4 novembre, p. 138), (p. 139), (p. 140). — Envoie une adresse du conseil exécutif provisoire concernant les subsistances (6 novembre, p. 198). — Transmet des pièces à la Convention (ibid. p.200 et suiv.), (13 novembre, p. 376 et suiv.), (14 novembre, p. 40 et suiv.). — Envoie le compte des dépenses qu'il a ordonnées (18 novembre, p. 464). — Ecrit au sujet des subsistances (19 novembre, p. 476 et suiv.). — Apporte à la Convention des papiers découverts aux Tuileries (20 novembre, p. 493). — Transmet des pièces à la Convention (21 novembre, p. 497). — Rend compte de l'exécution du décret rendu contre Lacoste (ibid. p. 510). — Fournit des explications au sujet des papiers découverts aux Tuileries (ibid. p. 511). — Ecrit au sujet de la destination des châteaux des émigrés (24 novembre, p. 575). — Ecrit au sujet des subsistances do Paris (27 novembre, p. 607 et suiv.). — Demande qu'il soit pris des mesures pour assurer la liberbé du commerce des grains (28 novembre, p. 641 et suiv.). — Ecrit au sujet des comptes de la municipalité de Paris (30 novembre, p. 675).
colonies (4 novembre, p. 140. — Transmet différentes pièaes (6 novembre, p. 201). — Fournit des renseignements sur les établissements français au-delà du cap de Bonne-Espérance (ibid. p. 218). — Ecrit au sujet des dépenses secrètes (7 novembre, p. 285). — Envoie des pièces concernant la trahison commise à Oneille envers des soldats français (8 novembre, p. 297). — Fait une demande en faveur des officiers de la corvette « La Perdrix » (19novembre, p. 338). — Fait connaître la belle action de Jacques Genau-dau (11 novembre, p. 358). — Envoie des renseignements sur les colonies (ibid. p. 264). — Demande la franchise des lettres pour certains administrateurs de la marine (12 novembre, p. 365), — Transmet des pièces à la Convention (13 novembre, p. 377), — Demande une augmentation de forces pour les îles du Vent (14 novembre, p. 402). — Ecrit au sujet de la loi qui accorde un secours aux ouvriers des ports (21 novembre, p. 497. — Annonce qu'il à reçu des nouvelles du contre-amiral Truguet (24 novembre p. 576).
1° Mémoire, présenté par le ministre des contributions publiques, sur la refonte des monnaies et les nouvelles empreintes (30 octobre 1792, t. LIII, p. 65 et suiv.) ; — renvoi au comité des assignats et monnaies (ibid. p. 70).
2e Lettre du citoyen Dupré concernant les types et emblèmes convenables aux monnaies de la République (6 novembre 1792, t. LUI, p. 218).
3* Etats de fabrication (11 novembre 1792, t. LIII, p. 351), (14 novembre, p. 402).
— Voir Savoie.
— Voir Genève.
mune et celle de Terrasson (2 novembre 1792, t. LUI, p. 109).
Société des Amis de la République. Don patriotique (31 octobre 1792, t. LUI, p. 86).
Tribunal. Renvoi au comité de division d'une motion d'Elie Lacoste relative à son emplacement (31 octobre 1792, t. LUI, p. 86).
Conseil général. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 30).
Administrateurs. Demandent un décret concernant l'exereice des fonctions de notaire public (l,p novembre 1792, t. LIII, p. 101). — Ecrivent au sujet du procès des émigrés (11 novembre, p. 351).
Tribunal criminel. L'accusateur public demande l'établissement près chaque tribunal d'un défenseur salarié pour les accusés qui n'en ont pas (16 novembre 1792, t. LUI, p. 446).
la question de savoir si le roi peut ê're jugé (t. LIII, p. 385 et suiv.). — Fait un rapport sur l'indemnité due aux huissiers des tribunaux criminels (p. 596 et suiv.) — Parle sur le rappel des commissaires envoyés dans les départements par le conseil exécutif (p. 600).
Société des amis de la liberté et de l'égalité. La Société annonce qu'elle refuse de recevoir les numéros du journal Y Ami du peuple (9 novembre 1792, t. LIII, p. 319).
Administrateurs. Ils demandent une indemnité pour leurs frais de déplacement et de résidence à Metz, (27 octobre 1792, t. LUI, p. 3 et suiv.) ; — ajournement (ibid. p. 4).
Directoire. Le comité des domaines examinera sa conduite à l'occasion de la vente des biens de l'abbaye de Wadegasse (27 octobre 1792, t. LIII, p. 8).
— Voir Saget. — Wadegasse (Abbaye de).
Administrateurs. Envoient une adresse relative aux forêts nationales (27 octobre 1792, t. LUI, p. 1).
Conseil général. Adresse d'adhésion (1er novembre 1798, t. LIÏI, p. 105).
(3 novembre 1792, t. LIII, p. 125) ; —renvoi aux comités ae liquidation et des secours réunis (ibid.).
Volontaires nationaux. On annonce que 30 volontaires sont entrés à l'hôpital de Montpellier (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123).
Société des amis de légalité et de la liberté. Adresse d'adhésion (11 novembre 1792, l. LIII, p. 352).
Conseil général. Envoie des pièces à la Convenlion (3 novembre 1792, t. LIII, p. 124).
Société républicaine. Don patriotique (29 novembre 1792, t. LUI, p. 654).
Société populaire. Adresse relative à la suppression de la royauté (28 novembre 1792, t. LUI, p. 628). ™ Adresse relative aux subsistances (ibid).
Administrateurs. Demandait des secours pour la ville de Douai (31 octobre 1792, t. LIII, p. 90). — — Demandent une loi jgur Je mode de partage des terrains communaux (3 novembre, p. 123). — Ecrivent au.suj t do la promulgation de la loi portant abolition de la royauté (ibid.).
Conseil général. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 30. — Délibération relative au payement des électeurs (11 novembre, p. 351).
Kosés sur un gran l nombre de lettres appartenant
ufresn »-Saint-Léoa (23 novembre p. 583).
des habitants du Bas-Rhin et des soldats qui occupant cd territoire (16 novembre 1792# t. LIII, p. 447).
2° Liste des officiers qui ont mérité de l'avancement par leur conduite à Jemmapes (22 novembre 1792, t. LIII, p. 554 et suiv.).
Volontaires nationaux. — Don patriotique du 3e bataillon (4 novembre 1792, t. LIII, p. 142). — On annonce que les volontaires du 4e bataillon ont juré de ne quitter leur drapeau qu'après la guerre (19 novembre, p. 474).
Administrateurs. Demandent que la Convention s'occupe du traitement des juges (4 novembre 1792, t. LUI, p. 140)-, — renvoi aux comités des finances et de législation réunis (ibid.). — Ecrivent au sujet du traitement des ecclésiastiques âgés ou infirmes (10 novembre, p. 337).
s 1re, — Commune de Paris.
§ 2. — Département de Paris. §3. — Tribunaux.
§ 1er — Commune de Paris.
Ie Sections de Paris.
2° Employés à la recette des droits sur les draperies et soieries.
3° Municipalité de Paris.
4° Etat de tranquillité ou de trouble,
5° Maire de Paris.
6° Conseil général.
7° Pompiers de Paris.
8° Citoyens. — Adresses. — Pétitions.
9° Enceinte de Paris.
10° Subsistances.
1° Sections de Paris :
1° Sections en général.
2° Sections individuelles par ordre alphabétique.
1° Sections en général. Pétition des 48 sections en faveur des ouvriers du camp sous Paris (28 octobre 1792, t. LIII, p. 22). — Barbaroux demande que les sections cessent d'être en permanence (30 octobre, p. 81); — ajournement (ibid.). —Les sections demandent l'cloiguement de tous les soldats qui se trouvent à Paris (4 novembre, p. 148 et suiv.) ; — la Convention décrète l'impression et l'envoi de celte adresse aux départements (ibid. p. 150).
2° Sections individuelles par ordre alphabétique.
Section de Bondy. Trait de patriotisme des citoyens et citoyennes (9 novembre 1792, t. LUI, p. 331 et suiv.)_
Section des Champs-Elysées. Le président envoie le procès-verbal d'une visite faite dans les magasins de Saint-Denis (6 novembre 1792, t. LIII, p. 201).
Section de la Cité. Pétition en faveur de la femme du trésorier de la ci-devant confrérie de la Vierge (27 octobre 1792, t. LIII, p. 2). — Envoi d'un arrêté relatif aux élections (29 octobre, p. 34).
Section de l'Egalité. Adresse sur l'agiotage (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123).
Section de la Fraternité. Adresse sur la nomination des officiers municipaux (22 novembre 1792, t. LIII, p. 542).
Section du Louvre. Prestation du serment par la 3e compagnie de chasseurs (11 novembre 1792, t. LIII, p. 358).
Section du Luxembourg. Les domestiques, portiers et serviteurs à gages se plaignent de ce qu'on leur refuse des cartes pour voter (9 novembre 1792, t. LIII, p. 319).
Section du Marais. Pétition demandant qu'il soit procédé à un examen des prisons de Paris (28 octobre 1792, t. LUI, p. 23 et suiv.).
Section de Mauconseil. Envoi de piècs relatives à l'affaire de Rethel (24 novembre 1792, t. LUI, p. 575).
Section de Mirabeau. Arrêté tendant à obtenir une loi contre les fournisseurs de souliers à l'armée (11 novembre 1792, t. LIII, p. 352).
Section de Molière et Lafontaine. On annonce que la section n'a pas adhéré à l'adresse des 48 sections contre lo projet d'une garde départementale pour la Convention (27 octobre 1792, t. LIII, p. 5).
Section du Panthéon français. Demande concernant l'élection du maire (l,r novembre 1792, t. LUI, p. 102). — Arrêté relatif au scrutin par appel nominal (4 novembre, p. 137).
Section des Quinze-Vingts. Pétition pour l'organi
sation de la maison des aveugles (4 novembre 1792, t. LIII, p. 138). — Annonce de l'arrestation de fusils par les citoyens de la section (11 novembre, p. 357).
Section des Sans-Culottes. Lettre du ministre de l'intérieur au sujet des dilapidations que commet la section dans les églises de Saint-Victor et de Saint-Nicolas-du-Chardonnet (31 octobre 1792, t. LIII. p. 96).
Section des Tuileries. Ordre du jour sur une pétition des citoyens formant la cavalerie de réserve (29 octobre 1792, t. LUI, p. 34). — Lettre du président de la section sur les provocations au pillage et à l'assassinat (p. 99). — Arrêté relatif à l'élection des membres qui doivent composer le conseil général de la commune de Paris (6 novembre, p. 201).
2° Employés à la recette des droits sur les draperies et soieries. Réclament le secours de 50 livres par mois auquel ils ont droit (27 octobre 1792, t. LIII, p. 5) ; — renvoi aux comités des secours et de commerce (ibid.).
3° Municipalité de Paris. Plaintes de la municipalité au sujet d'une dénonciation faite contre elle par le conseil général (28 octobre 1792, t. LUI, p. 23). — Barbaroux demande que la municipalité soit cassée (30 octobre, p. 81) ; — ajournement de cette motion (ibid.). — Délibération de la municipalité au sujet d'un condamné enlevé à la gendarmerie en place de Grève (1er novembre, p. 100). — On signale la nécessité de renouveler le corps municipal (22 novembre, p. 550); — renvoi au comité de législation (ibid.). — Rapport par Piorry sur la formation provisoire de la commune de Paris (24 novembre, p. 570 et suiv.); —projet de décret (ibid. p. 571); — adoption (ibid.). — Décret interprétatif du décret du 24 novembre (29 novembre, p. 672 et suiv.). — Décret relatif à la reddition des comptes de la municipalité de Paris pendant la mairie de Bailly (30 novembre p. 675). — La municipalité rendra publics l'état et l'emploi des sommes données pour les victimes du 10 août (ibid.).
4° Etat de tranquillité ou de trouble. Compte rendu du minisire de l'intérieur (29 octobre 1792, t. LIII, p. 38 et suiv.) ; — discussion (ibid. p. 48 et suiv.); — renvoi à la commission des neuf (ibid. p. 52). — Le comité de sûreté générale fera un rapport sur l'état de Paris et sur les moyens d'y maintenir l'ordre (4 novembre, p. 150); — rapport par Basire (6 novembre, p. 219 et suiv.). — Compte rendu par Santerre de l'état de la ville (28 novembre, p. 642 et suiv.).
5° Maire de Paris. Le ministre de l'intérieur annonce que l'on expédie aux départements une adresse des sections de Paris sous le contreseing du maire (30 octobre 1792, t. LUI, p. 73). — Décret portant que le maire de Paris ne jouira plus de la faveur du contreseing (ibid.). — Le ministre de l'intérieur rendra compte des motifs pour lesquels il a suspendu le départ de l'adresse envoyée sous le contreseing du maire (ibid. p. 74). — Compte rendu du ministre de l'intérieur (ibid. p. 77). — Le conseil général est mandé à la barre pour répondre s'il a donné l'ordre de faire cet envoi (ibid. p. 82). — Lettre du ministre sur la suspension de l'envoi des paquets contresignés Pétion (31 octobre, p. 93). — Déclaration faite au nom du conseil général (ibid. p. 94 et suiv.) ; — décret sur cette affaire (ibid. p. 96). — On demande si un député peut être élu maire de Paris (lor novembre, p. 102); — renvoi aux comités de législation et de constitution réunis (ibid.).
6° Conseil général. Barbaroux demande que le conseil général soit cassé (30 octobre 1792, t. LUI, p. 81); — ajournement (ibid.). — Décret mandant à la barre dix membres du conseil général pour répondre s'il a donné ou non des ordres de faire parvenir aux départements, par la poste, et sous le contreseing de Pétion, une adresse des sections de Paris (ibid. p. 82) ; — déclarations faites au nom du conseil général (31 octobre, p. 94 et suiv.). — Lettre du président et du secrétaire-greffier (3 novembre, p. 125). — Le conseil rendra compte des mesures qu'il a dû prendre contr
les agitateurs et les prévaricateurs (4 novembre, p. ISO).
7° Pompiers de Paris. Décret portant que la dépense des pompiers sera supportée parla ville de Paris (S novembre 1792, t. LUI, p. 152).
8° Citoyens. — Adresses. — Pétitions. Les cordonniers de Paris demandent à être chargés de la fourniture des souliers pour les troupes (11 novembre 1792, t. LUI, p. 359).
9° Enceinte de Paris. Demande relative au payement de l'architecte qui a dirigé la construction des murailles de l'enceinte (12 novembre 1792, t LUI, p. 365); — renvoi au comité des finances (ibid.).
10° Subsistances. — Lettre du ministre de l'intérieur sur les subsistances de Paris (27 novembre 1792, t. LUI, p. 607 et suiv.); — observations de Lanjuinais, Lecointre, Briard, Osselin (ibid. p. 608 et suiv.); — renvoi aux comités de sûreté générale et d'agriculture réunis (ibid. p. 609). —Nouvelle lettre du ministre de l'intérieur relative aux subsistances (28 novembre, p. 642). — Une députation des commissaires des sections et des membres du conseil de la commune demande que l'on rende aux autorités -le droit de taxer les denrées de première nécessité (29 novembre, p. 654).
§ 2. — Département de Paris.
1. — Directoire.
2. — Volontaires et autres militaires.
3. — Objets concernant le département lui-même.
4. — Administrateurs.
5. — Districts ruraux.
1. — Directoire du département de Paris. Rendra ses comptes dans les trois jours (28 octobie 1792, t. LIII, p. 23). — Dénonciation contre deux membres accusés de s'être emparés d'objets appartenant aux émigrés (31 octobre, p. 91;.
2. Volontaires et autresmilitaires. Lettre du lieutenant-colonel du bataillon de Mauconseil (27 octobre 1792, t. LIII, p. 1). — On annonce que 9 volontaires du bataillon de la République, prévenus d'avoir participé au meurtre de 4 déserteurs étrangers, ont été écroués dans les prisons de l'Abbaye (1er novembre 1792, t. LIII, p- 98). — Envoi de pièces relatives à cette affaire (4 novembre, p. 140). — Pétition des canonniers des 48 sections de Paris (11 novembre, p. 359). — Une députation du onzième bataillon demande son admission à la barre (28 novembre, p. 628). — Jour fixé (ibid.). — Admis, les représentants des volontaires du 11e baaillon demandent à partir pour les Iles du Vent (29 novembre, p. 673).
3. — Objets concernant le département lui-même. Adoption sauf rédaction d'un décret relatif à une avance d'un million à faire au département de Paris pour lui permettre de retirer les billets au porteur au-dessous de 25 livres (7 novembre 1792, t. LIII, p. 286). — Texte définitif du décret (8 novembre, p. 313). — 11 n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition du département tendant à obtenir une avance de 1,400,000 livres pour acquitter les dépenses arrié-rièes (12 novembre, p. 366). — Demande du ministre de l'intérieur relative à l'exécution du décret qui l'autorise à faire l'avance d'un million pour retirer les billets de confiance (14 novembre, p. 401) ; — décret (15 novembre, p. 424). — Projet de décret pour
Parvenir à l'exécution du décret du 8 novembre sur avance d'un million à faire au département de Paris (22 novembre, p. 543 et suiv.) ; — discussion (24 no. vembre, p. 573 et suiv.); — adoption (ibid. p. 575)
4. Administrateurs. Demandent des secours pour les femmes et les enfants des gardes nationales qui
combattent sur la frontière (8 novembre 1792, t. L 111 p. 305).
5. Districts ruraux. Pétition contre la loi qui a fixé à Paris les tribunaux de ces districts (8 novembi e 1792, t. LIII, p. 306).
§ 3. Tribunaux.
1. Tribunal criminel.
2. Tribunal de police correctionnelle.
1. — Tribunal criminel. Fera procéder, à partir du 1er décembre, au triage des pièces pour les affaires qui étaient pendantes au tribunal du 17 août (30 novembre 1792, t. LIII, p. 684).
2. — Tribunal de police correctionnelle. Décret chargeant le ministre de la justice d'organiser un tribunal de police correctionnelle à Paris (15 novembre 1792, t. LIII, p. 428).
Conseil général. Adresse de félicitations au sujet de l'abolition de la royauté (27 octobre 1792, t. LIII, p. 9).
des décrets, de l'aliénation et des finances réunis (ibid. p. 101).
1° Décret autorisant exceptionnellement les secrétaires à dégager le bureau des pétitions qui le surchargent et à les renvoyer aux comités compétents (1er novembre 1792, t. LUI, p. 104).
2° Décret sur le mode de leur réception (11 novembre 1792, t. LUI, p. 354).
3° Décret autorisant les comités à renvoyer les pétitions et mémoires aux ministres respectifs (23 novembre 1792, t. LUI, p. 557).
discussion de cette proposition (ibid. et p. suiv.) — la Convention décrète cette proposition et décide que ce décret sera imprimé en différentes langues et proclamé dans toutes les contrées que parcourront les armées françaises (ibid. p. 474).
mande pour lui et ses camarades les mêmes avantages que la gendarmerie nationale (4 novembre 1792, t. LUI, p. 141); — renvoi au comité de la marine (ibid.).
Administrateurs. Font un don patriotique (30 octobre 1792, t. LIII, p. 63).
— Voir Table des lois.
de sa mission à l'armée du centre (t. LUI, p. 107).— Fait don de six paires de souliers (p. 115). — Parle sur la proposition de remettre aux Belges trois drapeaux pris à l'affaire de Virton (p. 117). — Parle sur la reddition de Verdun (p. 362), — sur les souliers pour la troupe (p. 367).
2° Lettre du ministre de la guerre sur le traitement subi par des officiers français faits prisonniers de guerre (11 novembre 1792, t. LIII, p. 356).
Administrateurs. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 29).
ainsi que sept autres curés (18 novembre 1792, t. LUI, p. 576).
séances de la Convention (27 octobre 1792, t. LIII, p. 7).
Administrateurs. Ecrivent au sujet de l'arrestation à Soleure de 3 officiers du régiment de Vigier (31 octobre 1792, t. Lni, p. 89). — Demandent des secours pour la réparation des routes (6 novembre, p. 203). — Ecrivent au sujet du transfert provisoire ae l'administration du district de Benfeld dans la ville de Barr(10 novembre, p. 337).
Conseil général. Lettre relative à la suspension provisoire du procureur syndic du district de Strasbourg (31 octobre 1792, t. LIII, p. 91).
Tribunal. La connaissance d'un meurtre commis dans le département de la Meurthe lui est attribuée (9 novembre 1792, t. LUI, p. 320).
Conseil-général. Fait connaître les mesures prises à l'égard du collège de Roanne (3 novembre 1792, t. LUI, p. 123).
Conseil général. Adresses concernant la taxe du pain et des bois (27 octobre 1791, t. LUI, p. 4 et suiv.), (3 novembre, p. 123).—Envoie des pièces relatives aux subsistances (4 novembre, p. 138).
Tribunal de commerce. Soumet à la Convention différentes questions d'ordre judiciaire et commercial (4 novembre 1792, t. LUI, p. 141), (11 novembre, p. 363).
dont le titre est : Les éléments du contrat social (12 novembre 1792, t. LUI, p. 365).
(4 novembre, p. 137), (p. 138), (p. 139), (p. 140), (p. 141), (6 novembre, p. 204), (9 novembre, p. 319). (p. 320), (10 novembre, p. 337), (11 novembre, p. 352), (p. 354 et suiv.), (28 novembre, p. 628).
Société de amis de la République. Adresse des féli-citationet dénonciation contre la municipalité (11 novembre 1792, t. LIII, p. 352) ; — renvoi au comité de sûreté générale (ibid.).
Tribunal. Pétition du ci-devant commissaire du pouvoir exécutif (2 novembre 1792, t. LIII, p. 105 et suiv.); — renvoi au pouvoir exécutif (ibid. p. 110).
les traites tirées par l'ordonnateur de Saint-Domingue sur le Trésor de la République (2 novembre 1792, t. LUI, p. 117 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 119) ; — discussion (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid.). p. 120). — Renseignements sur l'état de la colonie (6 novembre, p. 201), (11 novembre, p. 363).
Manufacture d'armes.Compte rendu de la fabrication (30 octobre 17&, t. LUI, p. 63).
Société libre et républicaine. Adresse d'adhésion (Il novembre 1792, t. LUI, p. 352).
Port. Procès-verbaux constatant que la construction d'un port national est impossible (2 novembre 1792, t. LUI, p. 110).
relative à l'adjudication des domaines dépendant d® la cure (21 novembre 1792, t. LUI, p. 497).
Société des amis de la liberté et de Végalité. Fait un don patriotique (15 novembre 1792, t. LUI, p. 468).
citoyennes Egalité, Sillery, Seymour et Sercey (p. 545).
Volontaires nationaux. On annonce un acte de générosité de la part des volontaires du 4* bataillon (29 octobre 1792, t. LUI, p. 29). — Adresse d'adhésion des velontaires (4 novembre, p. 139).
Volontaires nationaux. Don patriotique du 5* bataillon (31 octobre 1792, t. LIII, p. 89).
Troubles. II sera envoyé trois commissaires de la Convention dans le département pour rechercher les causes et les auteurs des troubles (26 novembre 1792, t. LUI, p. 601). — Noms des commissaires (ibid. p. 603).
Conseil général. Se plaint du retour de plusieurs volontaires (29 octobre 1792, t. LIII, p. 34).
2° Députation des Savoisiens résidant à Paris pour demander la réunion de la Savoie à la France (11 novembre 1792, t. LUI, p. 357 et suiv.). — Adresse de l'Assemblée nationale des Allobroges pour demander la réunion du peuple savoisien à, la République française (21 novembre, p. 506 et suiv.);—renvoi aux comités diplomatique et de Constitution (t'fc'tf. p. 510). — Rapport par Grégoire sur la réunion de la Savoie au territoire de la République française (27 novembre, p. 610 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 614). — Discussion :—Art. 1". Pénières (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 615). — Observations de Ruzot, Danton, Merlin (de Douai) (ibid.). — Adoption des articles2,3et4 (iôid.etp. suiv.). — Adoption de différents articles additionnels (ibid. p. 616). — Texte définitif du décret (ibid.). — Déclaration des députés de l'Assemblée nationale des Allobroges (ibid. p. 617); — réponse du Président (ibid.). —Projet de proclamation aux Savoisiens proposé par Dubois-Dubais (ibid. p. 621).— Opinion, non prononcée, de Robert sur la réunion de la Savoie à la France (ibid. et p. suiv.).— Liste des commissaires envoyés en Savoie (29 novembre, p. 656).
3° Le ministre des contributions publiques dé-mande comment la Savoie sera traitée relativement au régime des douanes françaises (13 novembre 1792, t. LUI. p. 381) ; — renvoi aux comités diplomatique, de commerce et des finances réunis (ibid.).
4° Présentation de deux exemplaires de la Constitution que s'est donnée le peuple savoisien (25 novembre 1792, t. LUI, p. 582),
—Voir Allobroges. —Mont-Blanc (Département du).
1° Lettre à eux adressées par Miser, officier du rassemblement de Condé (28 octobre 1792, t. LUI, p. 19), (p. 29).
2° Nouveaux secrétaires : Grégoire, Barère, Jean Debray (l*r novembre 1792, t. LUI, p. 108). — Mailhe-Carra, Lepeletier, Saint-Fargeau, Defermon (15 novembre, p. 429). — Treilhard, Saint-Just, Jean-Bon-Saint-André (29 novembre, p. 674).
Administrateurs. Font une pétition au sujet des billets de confiance (2 novembre 1792, t. LUI, p. 112).
Corps électoral. Présente une adresse relative aux subsistances (19 novembre 1792, t. LUI, p. 475 et suiv.)
Conseil général. Annonce que le dixième bataillon est parti pour Douai (4 novembre 1792, t. LUI, p. 139).
Tribunal. Dons patriotiques des juges et du commissaire du pouvoir exécutif (4 novembre 1792, t. LIII, p. 142), (6 novembre, p. 200).
Manufacture. Demande de fonds pour son service (4 novembre 1792, t. LUI, p. 140) ; — renvoi au comité des finances (ibid.).
la faire exempter des lois sur les émigrés (22 novembre 1792, t. LUI, p. 545) ; — projet de décret (ibid.) ; — ordre du jour motivé (ibid. p. 547).
Administrateurs. Dénoncent le journal la République française (6 novembre 1792, t. LIII, p. 205).
autorisé à lui remettre (30 novembre 1792, t. LUI, p. 675).
Société des amis de la liberté et de légalité. Annonce que les Mayençais demandent à être réunis à la France (3 novembre 1792, t. LUI, p. 127). — Demande que la nation ne forme d'alliance qu'avec les peuples libres (9 novembre, p. 319).
Procureur syndic. Suspension provisoire du procureur Popp qui est remplacé par le citoyen Tisse-rant (31 octobre 1792, t. LUI, p. 91).
1° Présentation d'un mémoire sur cet objet (28 octobre 1792, t. LUI, p. 28 et suiv.). — Adresse du corps électoral de Seine-et-Oise (19 novembre, p. 475 et suiv.).
2° Proclamation du conseil exécutif provisoire relatif aux subsistances (31 octobre 1792, t. LUI, p. 83 et suiv.). — Lettre du ministre de l'intérieur sur les subsistances (19 novembre, p. 476 et suiv.).
3° Rapport par Fabre (Hérault) sur les subsistances (3 novembre 1792, t. LIII, p. 130 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 131 et suiv.).— Discussion : lé-raud, Isoré, Beffroy, Duroy, Boyer-Fonfrède (16 novembre, p. 433 et suiv.); — Lequinio, Fayau (29novembre, p. 657 et suiv.); — Saint-Just, Dufriche-Valazé (ibid. p. 662 et suiv.).
4° Décret portant qu'il sera fait une adresse à tous les citoyens pour leur faire sentir la nécessité et les avantages de la libre circulation des subsistances (30 novembre 1792, t. LUI, p. 683).
— Voir Grains.
— Voir Vigier (Régiment de).
Conseil permanent. Envoie un arrêté concernant les prêtres insermentés (10 novembre 1792, t. LUI, p. 337).
Tribunal. Les juges demandent une nouvelle loi pénale et correctionnelle (27 octobre 1792,
do l'Esquille (1" octobre 1792, t, LIII, p. 1). — Adresse d'adhésion (29 octobre, p. 30).
§ 1er. — Versements à faire à la trésorerie.
§ 2. — Payements à la charge de la trésorerie.
§ 3. — Etats de recettes et de dépenses.]
§ ler. — Versements à faire à la trésorerie. — 4792.
— (30 octobre, t. LUI, p. 73), (13 novembre, p. 382 et suiv.).
§ 2. — Payements à la charge de la trésorerie. -— 4792. — (31 octobre, t. LIII, p. 87), (7 novembre, p. 286).
§ 3. — Etats de recettes et de dépenses. — 4792.
— (21 novembre, t. LUI, p. 47).
tition des juges concernant leur traitement (2 novembre 1792, t. LIII, p. 111) ; — renvoi aux comités des finances et de législation réunis (ibid.).
2° Proposition du ministre de la guerre relative aux ornements des uniformes des troupes (4 novembre 1792, t. LUI, p. 137) ; — renvoi au comité de la guerre (ibid.).
3° Décret sur le mode de pourvoir aux emplois vacants dans les troupes de ligne (8 novembre 1792, t. LUI, p. 308 et suiv.).
4° Etat des bataillons de troupes de ligne (16 novembre 1792, t. LUI, p. 433).
5° Etat de l'habillement des troupes au l,r novembre (16 novembre 1792, t. LUI, p. 446).
Conseil général. Pétition en faveur d'un ancien militaire (2 novembre 1792, t. LIII, p. 110).
Tribunal. Adresse relative à la réforme de divers abus (31 octobre 1792, t. LIII, p. 85).
Administrateurs. Envoient des pièces à la Convention (3 novembre 1792, t. LUI, p. 124).
Assemblée électorale. Adresse d'adhésion (26 no-vemble 1792, t. LUI, p. 592).
Société ambulante des amis de la liberté et de l'égalité. Envoie six pétitions sur des objets divers (10 novembre 1792, t. LUI, p. 338).
Administrateurs. Envoient un mémoire justificatif (4 novembre 1792, t. LIII, p. 139).
Tribunal. Envoie un mémoire justificatif de sa conduite (4 novembre 1792, t. LUI, p. 139).
Conseil général. Demande la maison du nommé Samson-Fontaine pour y établir la maison commune (6 novembre 1792, t. LIII, p. 204); — renvoi au comité des émigrés (ibid.).
Société des Amis de la République. Don patriotique (31 octobre 1792, t. LUI, p. 89).
Administrateurs. Annoncent qu'ils ont prêté serment (27 octobre 1792, t. LUI, p. 5).
Administrateurs. Adresse d'adhésion (29 octobre 1792, t. LUI, p. 29).
Administrateurs. Adressent une pétition relative à la mendicité (11 novembre 1792, t. LUI, p. 351).
Troubles. Renseignements y relatifs (4 novembr® 1792, t. LUI, p. 137).
Société des amis de la liber te et de V égalité. Adresse concernant la formation d'une garde départementale pour la Convention (9 novembre 1792, t. LIII, p. 319).
2° Les volontaires du 9e bataillon se plaignent d'avoir été injuriés par Philippe Rousseau, commissaire du pouvoir exécutif (29 octobre 1792, t. LIII, p. 34).
3° Décret ordonnant au ministre de la guerre de fournir des pièces de canon aux bataillons de volontaires dans lesquels se trouvent des compagnies de canonniers (29 octobre 1792, t. LUI, p. 35).
4° Motion de Thuriot concernant 33 volontaires détenus comme prisonniers prussiens dans les prisons de Paris (lor novembre 1792,t. LIII, p. 98 et suiv.) ; renvoi aux comités de sûreté générale et delà guerre réunis (ibid. p. 100). — Lettre du ministre de la guerre à leur sujet (3 novembre, p. 124).
5° Le ministre de la guerre annonce qu'il a donné dos ordres pour faire punir les volontaires détenus à Dammartiu pour avoir quitté l'armce sans congé (3 novembre 1792; t. LIII, p- 127)-
6° Adresse du 14* bataillon cantonné à Frelinghien relative à son organisation (6 novembre 1792, t. LUI, p. 203) ; — renvoi au comité de la guerre (ibid.).
7° Pétition en faveur des pères,des mères, des femmes et des enfants de ceux qui combattent aux frontières (8 novembre 1792, t. LIII, p. 305) ; — renvoi au comité des secours (ibid.) ; —rapport par Maignet sur les moyens de les secourir (26 novembre, p. 593
et suiv.).; — projet de décret (ibid. p. 595 et suiv.); — adoption (ibid. p. 596). — Opinion non prononcée de Daubermesnil (ibid. p. 603 et suiv.).
8°On annonce que le 15" bataillon n'estpas collectivement responsable des délits dont il a été accusé (8 novembre 1792, t. LIII, p. 305 et suiv.)
9° Lettre du ministre de la guerre relative au ca" sernement et au départ ou à la conservation à Paris de différentes troupes de gardes nationales des dédépartements (8 novembre 1792, t. LIII, p. 307), p. 316).
10°Des volontaires demandent des mesures contre les agitateurs qui poussent leurs camarades à -se retirer (10 novembre 1792, t. LIII, p. 343).
11° Rapport et projet de décret sur l'envoi aux frontières des gardes nationaux et fédérés des départements casernès à Paris (10 novembre 1792, t. LUI, p. 344 et suiv.);— discussion (ibid. p. 345 et suiv.); — ordre du jour motivé (ibid., p. 350). — On dénonce les mesures prises pour envoyer les volontaires aux frônlières (16 novembre, p. 431 et suiv.) ; — décret portant que les volontaires venus des départements resteront provisoirement à Paris (ibid. p. 432).
12° Compte à rendre de l'étal des bataillons de volontaires nationaux (11 novembre 1792, t. LUI, p. 362). — Compte rendu (16 novembre, p. 433).
13° Le ministre de la guerre ju'tifiera de l'envoi aux bataillons dè volontaires de l'adresse qui les invite à ne pas quitter leurs drapeaux (18 novembre 1792, t. LIII, p. 465). — Lettre du ministre de la guerre (19 novembre, p. 474).
14° Projet de décret ayant pour objet d'assurer aux bataillons de volontaires qui sont dans l'intérieur, le traitement de guerre jusqu'au 31 octobre dernier (23 novembre 1792, t. LIII, p. 563); — renvoi aux comités des finances et de la guerre réunis (ibid.).
15° Le ministre de la guerre demande 200,000 livres pour pourvoir aux besoins des volontaires nationaux à cheval casernés à l'école militaire (26 novembre 1792, t. LIII, p. 603); — renvoi au comité des finances (ibid.). — Décret mettant la somme de 200,000 livres à la disposition du ministre de la guerre pour pourvoir aux besoins de cette cavalerie (30 novembre, p. 684). — Voir Canonniers volontaires. — Ile du Vent.
Administrateurs. Envoient un arrêté concernant le séquestre des biens d'Anne-Léon Montmorency (26 octobre 1792, t. LIII, p. 33).
Corps électoral. Question sur le renouvellement des receveurs de district (16 novembre 1792, t. LIII, p. 433).
Troubles. Compte rendu des commissaires envoyés pour rétablir l'ordre (5 novembre 1792, t. LUI, p. 151 et suiv.).
fin de la table alphabétique et analytique du tome lui.
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 4,r Rue du Bouloi (Cl.) (233.8.1898).