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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Société d'Imprimerie et Librairie administratives PAUL DUPONT, 41, rue J.-J.-Rousseau (Cl.) 227. 3.87.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBÂTS LÉGISLATIFS amp; POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DBS DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPEDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XXVI DU
PARIS SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT
41, RUE J.-J.-ROUSSEAU (HÔTEL DES FERMES)
1887
Séance du
La séance est ouverte à neufheures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d'avant-hier soir et d'hier au matin, qui sont adoptés.
demande que l'Assemblée charge son comité militaire de vérifier s'il est dû à la garde de la prévôté de l'hôtel quelque habit d'uniforme* et de le leur faire délivrer sur-le-champ, en cas qu'il en soit dû.
(Cette motion est décrétée.)
fait part à l'Assemblée d'une lettre dé M. Navier, juge du tribunal de cassation, qui, à une somme de 2,846 1. 3s. 3 d. gu'il a fait passer le 27 mai dernier, au nom des gardes nationales de diverses communes du département de la Côte-d'Or, destinée .à secourir les veuves et orphelins des gardes nationales qui ont perdu la vie à l'affaire de Nancy, en joint une de 572 I. 4 s. 9d. que plusieurs autres communes du département déposent sur l'autel de là patrie, pour être employée au même usage.
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur la correspondance des grades du service de mer avec celui de terre.
, au nom du comité de la marine (2). Messieurs, l'Assemblée nationale a
décrété qu'il n'y aurait plus, dans le service de terre, Sue 6 maréchaux
de France. Ce grade devier*-. ra le prix des services militaires : il
fautif dorénavant l'avoir mérité pour l'obtenir, et tous les citoyens
ont un droit égal a cé grade émi-nent, auquel vous venez de rendre tout
son éclat,
Vous n'apprëndrez pas sans étonnement que jamais le titre de maréchal de France n'avait été accordé à aucun offlcier .de la marine, avant Jean d'.Estrées, qui fut élevé à ce grade sur la fin du règle de Louis XIV. Nos braves marins, éloignés des intrigues de la cour, ne savaient qûe combattre; et on les traitait a\ec indifférence,
Vous parler d'une injustice, c'est être certain qu'elle va être réparée. Votre comité- de ia ma-: rine a pensé que les enfants de la même patrie avaient un droit égal aux récompenses de la nation, et que les mêmes honneurs dev&içiat être accordés aux officiers de la marine* qui,jàr leurs services, en seraient susceptibles.
Le décret que nous avons l'honneur de vous présenter est relatif à la correspondance des rades du service de mer avec celui de terré. ous avons cru que c'était une mesure juste, de vous proposer de décréter que le titre de maréchal de France et celui d'amiral fussent égaux, et que les citoyens qui en seraient honorés prissent le rang entre eux, en date de leurs commissions.
A l'égard des autres grades, ils suivent un parallélisme si exact, qu'il est inutile >de vous développer les articles du décret que nous allons avoir l'honneur de vous proposer :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine relativement à la correspondance qui doit exister entre les grades ,du service de mér et de celui de terre, décrète
Art. 1er.
« Les officiers de la marine jouiront des mêmes honneurs et prérogatives que les officiers de l'armée de terre, dont les grades seront correspondants, ainsi qu'il sera expliqué dans les articles suivants.
Art. 2. ;
« Le grade d'amiral correspondra à celui de maréchal de France.
Art. 3.
« Le grade de vice-amiral correspondra à celui de lieutenant général.
Art. 4.
« Le grade de contre-amiral correspondra à celui de maréchal de camp.
Art. 5.
« Le grade de capitaine de vaisseau correspondra a celui de colonel.
Art. 6.
« Les 200 premiers lieutenants de vaisseau auront le grade de lieutenant-colonel, et correspondront avec ceux de terre.
Art. 7.
« Les autres lieutenants auront le grade de capitaine ; et néanmoins, ceux qui ont maintenant le grade ou le rang de major prendront rang immédiatement après les lieutenants-colonels, et avant tous les capitaines.
Art. 8.
« Les enseignes, entretenus et non entretenus, auront le grade et le rang de lieutenants. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur le traitement du corps de la marine.
, au nom du comité de la marine (1)1 Messieurs, vous avez décrété que nul officier ne pourra, dorénavant, recevoir des appointements et des traitements particuliers. Cette sage disposition empêchera les abus sans nombre qui existaient, et l'on né verra plus se cumuler sur la même tête des appointements, des pensions, des gouvernements et des gratifications annuelles,
En réformant ces abus, vous avez voulu que les officiers employés au service de la natio ) obtinssent des appointements proportionnés à leurs grades et à leurs services. Les officiers de la marine, pour la plupart, nés sans fortune, n'arrivent aux grades d'officiers généraux qu'après une longue et pénible carrière. Votre comité, dans les appointements qu'il va vous proposer de décréter, a calculé la suppression des traitements et des grâces dont la plupart jouissaient; et, quoiqu'il puisse vous paraître que quelques traitements sont augmentés, cependant* en les comparant avec ceux dont ils jouissent maintenant, il n'en existe point qui n'éprouve quelques réductions; mais elles nous ont paru nécessaires. L'Etat doit une subsistance et une aisance honnête aux citoyens qui ont consacré leur vie à sa défense; mais il ne doit maintenant accorder aucun superflu-.
Votre comité vous propose d'accorder aux officiers généraux leurs traitements, en totalité,'pen-daÊt toute l'année, et de les dédommager, lorsque le tien du service exigera qu'ils se déplacent pour servir dans les différents arsenaux.
A l'égard des autres officiers, votre comité a pensé que vous deviez faire une distinction entre les officiers en activité et ceux qui ne le seraient pas; et nous avons cru devoir vous;proposer de n'accorder que ia moitié de la paye à ceux qui ne seraient point en activité. Par une conséquence de.ce principe, ceux; qui ne seront pas employés pourront ne pas résider dans les ports.
Les capitaines et les lieutenants seront les seuls sujets à cette règle,
efrie petit nombre d'enseignes
entretenus que vous avez décrété, devant être presque toujours employé, ceux-ci ne pourront s'absenter des ports, dans aucun cas, sans avoir obtenu des congés qui ne seront jamais accordés que pour des raisons indispensables. Ils jouiront donc, toute l'année, des appointements que vous allez fixer.
D'après ces principes, votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine, relatif à la solde des officiers de mer, a décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le traitement des officiers
généraux sera, savoir :
« Pour les3 amiraux, à 30,000 livres chacun, ci........ —..... 90,000 liv.
« Pour les 9 vice-amiraux, à 15,000 livres............................135,000
« Pour les 18 contre-amiraux, à 9,000 livres.................... 162,000 „
« Art. 2. Ces traitements seront payés annuellement et en entier. Les officiers généraux recevront, en outre, l'indemnité de leurs courses et frais de voyage.
« Art. 3. Les traitements des capitaines et lieutenants leur seront payés en entier pour leur temps de service à la mer ou dans les arsenaux ; mais pour moitié seulement, lorsqu'ils ne seront pas de service : et alors ils ne seront pas tenus à résider dans les départements.
« A l'égard des enseignes entretenus, ils seront toujours en activité de service : en conséquence, ils jouiront, en tout temps, dès appointements qui vont leur être attribués. .
« Le traitement entier sera, savoir :
« Pour les 60 premiers capitaines 6,000 liv.
« Pour les 60 suivants . 4,800 '
« Pour les 60 autres.......,....3,600 .
« Pour les 200 premiers lieute- nants........................... 3,000
« ; Pour les 300 suivants *......, 2,400
« Pour lea 300 autres. . ....... 2,100,:
« Art.;4. Le traitement des ,200 enseignes entretenus leUr sera payé en,entier; il sera, pour chacun, de 1,200 livres.
« Art. 5. Les enseignes non entretenus, qui seront employés au service de l'État, jouiront, pendant lé temps de leurs services, des appoin- ; tements attachés aux grades d'enseignes.
« Art. 6. Les aspirants entretenus auront pour traitement, savoir :
« Ceux qui seront à leur troisième année d'entretien par mois.. &. ----- , 45 liv.
; « Ceux qui seront à ja seconde ., : , r , V? année d'entretien...... —....... 30. ,
« Ceux qui seront à la première. année d'entretien.............' 30
« Art. 7; Le traitement des maîtres entretenus leur sera payé, en entier/ et ils auront de plus un supplément par mois de service à la mer.
« Le traitement annuel sera, savoir :
« Pour les 15 premiers maîtres de manœuvre, de.................................. 900, liv.
« Pour les 25 suivants, de...... 780-,
« Pour les 15 autres, de........ 660 |
".,,«, Pour les 20 premiers maîtres canonniers..:...,;......... ... 900 1
« Pour :les 20 suivants..... A Ji : 780- ;
« Pour les 20autres...............660
'l « Pour les 18 premiers maîtres charpentiers................... 720
« Pour les 18 autres............ 660
« Pour les 18 premiers maîtres tâfatâmiWiïk................. « 720
« Pour les 18 autres........... 660 liv.
« Pour l'es 9 premiers maîtres voiliers.......................... 720
« Pour les 9 autres........... 660
« Art. 8. Tous les maîtres entretenus auront 30 livres par mois de service à la mer, pour supplément de solde.
« Ce supplément sera augmenté pour chacun d'eux, en raison du temps de leur navigation, en Cette qualité, sur Mes vaisseaux de l'Etat; savoir, après 1 an, de 6 livres; — après 2 ans, de 12 livres; — et ainsi 6 livres chaque année, jusqu'à ce que leur supplément s'élève en entier a 60 livres.
« Art. 9. Les traitements et soldes de tous les marins ne pourront être saisis par leurs créanciers que jusqu'à concurrence de moitié de ce qui sera dû.
« Art. 10. Les traitements de tabfe et subsistance ne pourront être saisis que par ceux qui y auront fourni. »
Plusieurs rhembres demandent l'impression de ce rapport et 'de ce projet de décret et l'ajournement de la discussion jusqu'après cette impression.
(Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les sommes nécessaires à la continuation des travaux du port de Cherbourg.
, au nom du comité de la marine. Messieurs, vers la fin du mois de janvier dernier, le ministre de la marine vous a présenté ' une demande de fonds de 800,000 livres pour Ja continuation des travaux de Cherbourg; vous renvoyâtes ce mémoire à votre comité de marine avec ordre de prendre conaaissani e de l'état de Ces travaux. Votre comité m'a ordonné de faire sur cet objet des recherches étendues; ce travail est long et difficile; il exige la réunion de plusieurs personnes, qui m'ont fourni des mémoires; il n'est pas encore terminé. Cependant il est important qu'on vienne au secours des ouvriers, dont les salaires, et, par conséquent, les travaux sont suspendus.
Votre comité vous propose le décret suivant : P « L'Assemblée nationale décrète qu'il sera mis, sans délai, à la disposition du ministre de la marine, une somme de 150,000 livres à compte des fonds demandés pour le servj.ce du port de Cherbourg pendant l'année 1791 *,
« Décrète que, sans s'arrêter aux réclamations faites par l'entrepreneur actuel de Cherbourg, les nouvelles adjudications pour le rechargement et l'entretien des digues seront faites au rabais, sauf audit entrepreneur à se pourvoir par-devant qui il appartiendra pour les indemnités qu'il réclame, s'il y a lieu. »
Ces travaux sont dénoncés depuis longtemps à toute l'Europe comme un moyen de déprédation. Il y a cinq mois qu'en accordant, sur la proposition de votre comité, un secours provisoire, vous lui ordonnâtes de vous rendre, sous un mois, le compte de l'état de ces travaux; et depuis cinq mois, il ne l'a pas fait! il sollicite cependant un nouveau secours 1 Je demande d'où vient cette étrange conduite? L'Assemblée ne peut que rejeter, par la question préalable, le projet qui lui est présenté.
J'appuie la question préalable.
Il est encore incertain si ces travaux doivent être continués. Ils vous sont dénoncés par des marins instruits, qui regardent cette entreprise comme d'une exécution impraticable.
Ces travaux,considérés sous le seul rapport d'un atelier de charité, sont' infiniment nécessaires dans ce moment pour faire subsister les pauvres de Normandie, et notamment ceux du district de Cherbourg.
, rapporteur. Depuis deux mois, je suis occupé à rassembler les pièces qui sont nécessaires pour faire ce rapport général sur Jes travaux du port de Cherbourg. Ce que je sais, c'est que la rade a déjà coûté 3lmillions, et que le ministre de la marine nedemandeque 800,000,11-vres. J'ajoute que plusieurs officiers de marine, qui ont fait l'inspection des travaux, la'croient infiniment sûre. Je pense qu'il sera nécessaire d'envoyer une commission pour constater les faits. Mais une mesure indispensable, c'es.t de continuer provisoirement les travaux, afin que ces ouvriers, qui, l'année dernière, se sont-livrés à une insurrection dangereuse, ne soient pas bitement privés de leurs salaires.
(L'Assemblée décrété qu'il y a lieu à délibérèi* sur le projet de décret du comité.)
Je demande par amendement que le roi soit prié d'envoyer à Cherbourg une commission composée d'ingénieurs des ponts et chaussées, de membres de l'Académie des sciences, et de marins, pour examiner lés travaux de ce port et rendre compte à l'Assemblée nationale de leur nécessité et de leur utilité.. :
, rapporteur. Attendez pour 'Cela que vous puissiez leur donner des instructions j instructions dont vous trouverez les bases dans * les pièces qui seront mises sous vos yeux, et dont vous ordonnerez sans doute l'impression. Je prends l'engagement de faire mon rapport aVanj; la fin du mois (1). Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet de décret.
(L'Assemblée renvoie l'amendement de M. Arthur Dillon au comité de la iùarine.)
Un membre demande que l'on remette àu ministre de la marine, et sous sa responsabilité, les 800,000 livres qu'il demande, vu que cette somme doit suffire pour l'achèvement desy travaux dont il est question.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas liiéu à délibérer sur cet amendement.)
met ensuite aux voix le projet de décret du comité. :
(Ce décret est adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lt cture d'une lettre de M. Raymond, l'un des cinq commissaires des citoyens de couleur.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Assistant hier à la séance de l'Assemblée nationale, où les droits des
hommes de couleur furent discutés, je m'aperçus avt'c peine qu|on
égarait perpétuèllemeut l'Assemblée sur les loca-
« J'ai l'honneur d'être, avec respect, etc...
;« Signé : Raymond.
« Pour les cinq commissaires dés Citoyens de couleur. »
M. le secrétaire fait ensuite lecture d'une adiesse de la société des amis de là Constitution, séant à Uzès, relative au même objet.
Les ouvriers de la nouvelle église de Sainte-Geneviève annoncent à l'Assemblée gu'ils feront célébrer, samedi prochain 14 mai, dans la nef d'entrée de cette basilique, un service en mémoire d'Honoré Riquetti-Mira-beau, et qu'ils ont fait placer sur le fronton l'inscription qu'elle a décrétée.
Messieurs, je demande que le comité d'imposition présente au plus tôt à l'Assemblée le projet de suppression de la caisse de Poissy; car il nous en a coûté hier 26,000 livres d'escompte.
, au nom du comité d'imposition. Après demain le projet pourra être présenté*
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités de Constitution^ de la marine, d'agriculture et de commerce, et des colonies, réunis; sur V initiative à accorder aux Assemblées coloniales dans la formation dès lois qui doivent régir les colonies et sur Vétat civil, des gens de couleur (1).
(2). Ce qui peut surtout par-raltre étonnant dans cette Assemblée, c'est qu'une auestion décidée d'avance par les principes, fon-ée sUr la justice, sur,l'autorité de vos décrets antérieurs et sur les intérêts d'une sage politique, éprouve autant de difficulté et que vous n'ayez pas déjà décrété que les gens de couleur seront admis à l'exercice de tous lés droits politiques,
Permettez-moi, Messieurs, comme on a cherché à vous en imposer par des
autorités, par' des frayeurs, permettez-moi de relever deux faits
remarquables, après quoi j'examinerai les autorités qui peuvent
déterminer cette décision. On vous a parlé au nom de quatre comités
réunis permi lesquels se trouve le comité de Constitution, à qui nous
devons la rédaction des plus sages décrets que nous ayons rendus. Ehl
bien, Messieurs, il faut que vous sachiez que le .comité de Constitution
n'a aucune part à ce travail, sinon qu'il a envoyé à cette Assemblée,
dite de quatre comités, un seul commissaire, M. Démeunier, et les
membres du comité de Constitution
Ce que vous dites n'est pas exact ; il y: avait au moins 40 membres; les 4 comités étaient réunis en grande partie, lorsque l'article constitutionnel a été rédigé, on l'adopta à l'unanimité, excepté un seul. C'est moi, Messieurs, qui avais été chargé de vous faire ce rapport ; un accident qui m'arriva m'empêcha de vous le faire ; et j'atteste à l'Assemblée que le lieu du comité des colonies était plein d'es autres membres du comité lorsque l'article Constitutionnel a été convenu et lorsque le mode pris pour convoquer le comité colonial à Saint-Martin a été arrêté. Ces faits sont exacts, et j'en atteste l'honneur.
Eh bien! sur l'honneur je démens le fait. Il résulte seulement de tout cela qu'il y a des nuages.,!. (Murmures.)
Il ne faut pas d'esprit de parti comme cela, laissez parler 1 opinant.
Gomment laisser parler l'opinant?
Tous les membres, au nombre de 30, sont gens d'honneur; ils attestent le fait et j'imprimerai leurs noms.
Il faut maintenant poser la question : malgré l'adresse qu'on a mise dans cette discussion, vous ne pouvez vous dissimuler que la question doit être abordée de fait, qu'il ne s'agit pas seulement d'un avant-faire droit, mais que ce qu'on veut vous faire, décider, comme une mesuré provisoire qui ne préjuge rien, tend à priver irrévocablement une pdrtion de population libre dans nos colonies, qui est tantôt de la moitié, et à enlever formellement à ces hommes les droits de citoyen actif. Ou bien le congrès qui va être établi décidera en faveur de la justice et de la liberté, ou il décidera contre la vérité des principes, y
Dans le premier cas, s'il propose de rendre justice aux citoyens de couleur, on dit que ce sera un moyen de plus de resserrer les liaisons entre les colons de couleur et lés colons blancs. S'il en est ainsi, j'observe qu'il n'y a dans cette hypothèse nul inconvénient à déclarer, dès à présent, ce que vous attendez de la justice et de la lumière des colons blancs.
Mais c'est sur l'autre partie de l'alternative qu'il faut s'arrêtçr. Si le congrès déclare qu'il ne peut admettre les citoyens dé couleur à l'exercice des droits politiques, et étant dônné qu'aujourd'hui on vous dit sans cessé dé né pas prononcer, vous allez donner le signal du carnage, tout est perdu. Eh bien 1. Messieurs, lorsque ce congrès aura parlé, lorsqu'il aura prononcé la séparation éternelle des citoyens de Couleur et des colons blancs, je demande ce que vous pourrez faire. Avec quelles aimes pourrçz-vous combattre? Si l'on parvient en cé moment à vous inspirer de vaines terreurs, que n?obtiendra-t-on pas lorsque les prétentions ' deâ colons seront âpjâuyêe's de
toute l'influence d'un tel congrès? Dépositaire des pouvoirs de toutes vos colonies, n'acquerra-t-il.pas assez de force peut-être pour résister a l'autorité nationale?
La pétition est un droit individuel; les colons de tous les parties vous ont fait parvenir leur vœu; ainsi, il ne s'agit plus que de prononcer. Pour vous déterminer sur le sort des nommes de couleur, vous avez 3 sources de décisions ; les principes et les lois anciennes, vos décrets, les règles de la prudence.
Les principes, personne n'a osé les contester; on convient qu'en principe tous les propriétaires contribuables doivent jouir des mêmes droits ; or les citoyens de couleur sont libres, ils sont propriétaires et contribuables : ils doivent donc jouir des droits de citoyens actifs. Je pourrais m'arrêter à ce raisonnement ; mais des_considé-rations bien plus fortes sont tirées des faits, des lois existantes. L'état des gens de couleur a été réglé par l'édit de 1685, qui porte que les citoyens de couleur ou mulâtres, et les nègres affranchis, jouiront de tous les avantages des citoyens français; voilà une disposition précise, et qui n'a pas été abrogée ; cette loi n'a cessé d'être reclamée, et souvent avec succès, par les citoyens de couleur. Les ordonnances des gouverneurs, des décisions ministérielles, souvent même des arrêts du Conseil y ont dérogé ; mais sont-ce là des autorités capables d'abroger une loi solennelle, portée par Louis XIV, fruit de l'expérience, et qui est actuellement encore en vigueur dans une grande partie des colonies? Dans les Indes Orientales la distinction entre les blancs et les hommes de couleur libres est ignorée. Aussi ne vous propose-t-on pas d'envoyer des députés de cette partie de vos colonies au congrès.
Uq autre principe que vous devez considérer, c'est qu'il s'agit ici d'une convention sociale ; il s'agit d'établir les bases de l'organisation des colonies. Or, je demande quelle doit être la première question que doivent se faire des législateurs provisoires; car les Américains des colonies veulent bien nous donner ce titre, des législateurs provisoires chargés de convoquer un peuple pour connaître son vœu et de proposer une constitution-des colonies. Ils doivent se demander ce que sont les colonies, ce que sont les colons, quels sont les citoyens qui peuvent concourir à 1 expression de ce vœu. Or, ici vous voyez des hommes de couleur; les uns et les autres sont propriétaires, sont contribuables; la différence n'est fondée que sur leur couleur, elle doit donc disparaître aux yeux du législateur provisoire, et il est indispensable d'appeler à la convention préparatoire tous les citoyens qui jouissent de ces droits politiques dont on pouvait jouir sous le despotisme; car ils avaient alors la liberté, la propriété, mais ils contribuaient; s'il fallait une distinction, vous devriez appeler plutôt la classe la plus utile, la plus industrieuse, je veux dire celle des hommes de couleur.
Je passe à la seconde source des moyens décisifs, ce sont vos décrets ; ici, Messieurs, je suis bien étonné de voir prononcer sérieusement une fin de non-recevoir. Vous avez, dit-on, rendu un décret qui ne permet pas d'admettre une portion de la population libre des colonies aux droits de citoyens actifs. S'il était possible de dire que vos deux précédents décrets se combattent, qu'ils sont directement contraires l'un à l'autre, s'il y avait de l'opposition entre les deux décrets dont il s'agit, il faudrait écarter l'un comme l'autre ; et alors vous vous trouveriez pleinement
libres de décider suivant le vœu de la justice, de la loi qui existait avant que la question qui se présente se fût élevée; mais on ne peut point douter que, le 28 mars, vous reconnûtes, à l'exception d'un seul membre, dont les opinions exagérées n'ont jamais fait fortune dans celte Assemblée; vous reconnûtes que les gens de couleur étaient suffisamment designés, et ce fut pour cela qu'on imposa silence à ceux qui demandaient qu'ils y fussent désignés plus expressément. Voilà un'fait attesté par tous ceux qui recueillent vos discours dans cette Assemblée. 11 est donc vrai que la justice, la raison, la loi et vos décrets sont en faveur des citoyens de couleur.
Comment pouvait-il exister, à Saint-Domingue ou dans telle autre partie des colonies, des raisons de politique que l'antiquité n'a pas reconnues, des raisons de politique que ne connaissent pas des colonies semblables? Il est assez difficile de répondre à cette question; car il est notoire, en fait, que la distinction, que l'odieux préjugé répandu sur les gens de couleur n'a pas 40 années. Il est certain que la raison politique ne peut pas être bien forte, bien déterminante puisque le préjugé est si nouveau, puisqu'il est encore inconnu dans plusieurs colonies.
Mais, dit-on, il faut une classe intermédiaire entre les citoyens libres et les esclaves, il faut bien prendre garde que l'esclave ne soit trop rapproché de son maître. II pourrait y avoir effectivement des raisons politiques à présenter ainsi la question en général ; mais est-il donc possible de rapprocher les esclaves de leurs maîtres, plus que ne l'ont fait la nature, la raison, la loi? Mais les colons blancs et les gens de couleur ne sont-ils donc pas enfants de la même mère? Ne sont-ils donc pas vo3 frères, vos neveux, vos cousins? (.Applaudissements.) Vous avez peur de les rapprocher de vous ; vous sollicitez des lois qui les éloignent de vous, et vous ne voudriez pas leur laisser partager vos droits parce qu'ils n'ont pas le teint aussi blanc que vous? Je pourrais dire à plusieurs de ceux qui élèvent ces prétentions ridicules : « Regardez-vous dans un miroir, et prononcez... »
L'édit de 1685 qui accorde aux gens de couleur la liberté civile, cet édit publié dans les colonies excita-t-il la moindre réclamation? Les gens de couleur ne sont-ils pas des citoyens comme les colons blancs? Personne n'en doute, Eh bien, il en sera de même de votre décision, elle sera reçue avec l'effusion de la reconnaissance des colons de couleur et avec l'admiration des colons blancs qui ont des lumières et de l'éducation. Ne perdez pas de vue cette idée ; c'est M. Barnave qui vous l'a donnée.
Mais quels sont ceux surtout qui voudraient priver les citoyens de couleur de leurs droits ? Qui sont ceux dont on craint l'esprit de révolte contre la loi que nous sollicitons en ce moment? Ce sont ceux qu'on appelait les petits blancs. Quoil Ce sont ces hommes qui ne sont pas citoyens actifs suivant votre Constitution, qui ne sont pas propriétaires, qui ne payent pas la contribution, ce sont ceux-là qui disputeront à des hommes de couleur de même race, d'une race plus généreuse que la leur, qui leur disputeront leurs droits politiques, leur droit de cité? Cette idée est trop éloignée de la sagesse, de la saine politique/ pour que vous puissiez jamais l'admettre. .
Considérons que les raisons politiques que l'on vient de vous donner sont véritablement nulles.
On convient qu'à la Martinique, qu'à la Guadeloupe, le vœu général serait que les gens de couleur fussent admis aux droits de citoyens actifs. L'enthousiasme avec lequel on reçoit vos sages décrets fera tout ce qui est nécessaire pour abolir le préjugé sans effusion de sang, sans troubles. Les Romains avaient des esclaves, et en plus grand nombre que ceux de Saint-Domingue, car ils les Comptaient par 10,000. Us avaient fait d'abord trois classes d'hommes libres ; mais bientôt il n'y eut plus aucune espèce de différence entre les affranchis elles ingénus. Dans les nouveaux Etats de l'Amérique, on ne connaît d'autre distinction d'hommes que celle d'engagé et de citoyen actif. Un engagé est ce qu'on appelle chez nous un esclave, terme que le saint amour de la liberté ne permet pas aux Américains de prononcer. On ne connaît pas de classe intermédiaire. Et pourtant quelle terre ressemble plus à celle de Saint-Domingue que les Etats de l'Amérique septentrionale. Voulez-vous vous rapprocher encore plus de Saint-Domingue? Consultez ce qui se passe dans les colonies espagnoles. Là, vous ne trouverez point cette distinction établie, mais vous y trouverez que non seulement les gens de couleur exercent tous les droits politiques, mais de plus que les nègres libres peuvent exercer des fonctions publiques. Il y a des chapitres noirs, car les chapitres ont passé d'Espagne dans les colonies, et vous verrez des nègres réciter l'office, l'aumusse au bras.
Mais je soutiens que la politique la plus pressante, la plus juste et la plus humaine, provoque une décision en faveur des hommes de couleur. Les citoyens composent le tiers, la moitié de la population de la plupart des colonies. Allez-vous par une injustice établir la guerre entre ces deux portions d'hommes? Lorsque vous élevez les colons blancs au rang suprême d'être membres de la souveraineté, rabaisserez-vous les autres au point' de n'être que les esclaves politiques des colons blancs? Lorsqu'on est obligé d'avouer que les colons de couleur ont reçu les mêmes avantages que les blancs par le croisement des races, par les effets heureux de la nature, qui nous enseigne assez par là à mépriser les préjugés; lorsque, par le croisement des races, ils participent, et de la force des Américains et de l'esprit et de l'intelligence qui distinguent les Européens ; lorsqu'ils ont la vigueur, l'agilité, l'industrie, et toutes les qualités requises pour être citoyens actifs, les priverez-vous de ces droits qui leur sont accordés par la nature, la loi et 1 usage des pays circonvoisins? Craignez une explosion terrible si vous prononcez contre eux une exclusion éternelle en rendant leurs tyrans leurs juges.
Je conclus à ce que la question préalable soit appliquée au projet de décret du comité et que l'article proposé par M. l'évêque de Blois soit adopté.
(1). Les géomètres sont souvent forcés de descendre de leurs sublimes
spéculations pour adapter leur théorie à l'exécution, et de modifier
leurs calculs suivant la nature des objets auxquels ils les appliquent.
Rousseau lui-même, ce sublime penseur, auquel vous avez décerné une
statue, après avoir posé les principes du contrat social, les modifia et
consulta la nature des choses pour en faire l'application au
gouvernement de la Pologne. Je vais
La population de Saint-Domingue consiste dans une immense population d'esclaves, et par conséquent d'hommes politiquement nuls, en une population blanche, et enfin en une population de gens de couleur et de nrgres affranchis. La cla>sft blanche se subdivise elle-même en deux classes, celle des blancs propriétaires ou officiers publics, et celle des petits blancs qui, n'étant ni propriétaires ni officiers publics, sont employés a servir les autres blancs. Les gens de couleur ont obtenu une. liberté aussi entière que les blancs, par l'édit'de 1685; entre les blancs, il n'y avait aucune distinction que la différence naturelle des moyens et des facultés ; le clergé et la noblesse n'y étaient pas connus, en sorte que tous les blancs, et notamment les propriétaires, étaient égaux en droits.
Les gens de couleur, dont quelques-uns ont de l'aisance, ont été réduits par les blancs dans un état d'oppression infiniment injuste et malheureux; on les excluait de tout emploi public, en sorte que les blancs qui occupaient en France le dernier rang, ee croyaient à Saint-Domingue beaucoup au-dessus (les propriétaires hommes de couleur, et un de ces derniers n'aurait pas été admis à la table d'un blanc, fils de son Cordonnier, en France. Voilà le motif des haines réciproques; car l'oppression produit nécessairement la haine envers l'oppresseur, haine d'autant plus forte que celui-ci exerce l'injustice avec plus d'insolence.
Une circonstance a fait sortir de cet état de choses, qui par sa nature même y prêtait beaucoup, un germe de discorde et de fureur qui a occasionné l'effusion de tant de sang dans ces malheureuses contrées, et particulièrement à Saint-Domingue. Je suis obligé de vous parler un peu ouvertement d'un mvstère d'iniquité. Il s'est trouvé à Paris des colons blancs, qui, quoique ayant des habitations de 12 ou 1,500,000 livres, étant sans mœurs, sans conduite, accablés de dettes, ne virent plus, comme Se.rvius et Gatilina, de ressources que dans les troubles. Geui-là ont inspiré des dépêches qui ont porté à Saint-Domingue le trouble, la désolation et le carnage. Ils ont alarmé les colons sur la conservation de leurs propriétés. Les gens de couleur ont pensé alors à se relever de "état d'avilissement où ils étaient tombés; si nous perdons la propriété de nos esclaves, ont-ils dit, il faut au moins que nous tâchions de recouvrer nos droits politiques. La fermentation fut d'autant plus vive que les blancs ont pensé que si on égalait à eux les gens de couleur, ce ne serait qu'un prélude pour en venir à la grande, à l'impraticable opération de l'affranchissement des nègres.
Tel est l'état des choses. Venons à l'état de la question, et tâchons de la préciser dé manière qu'on ne parvienne plus à vous faire illusion.
On vient de vous dire : Il s'agit de prononcer une éternelle séparation entre une classa d'hommes propriétaires et le surplus de la colonie. Ce n'est pas là la question. On vous la présente de bonne foi.; on ne veut pas, on ne cherche pas à vous tromper, mais on se trompe étrangement soi-même. Il ne s'agit uniquement que de savoir s'il convient que vous prononciez dès à présent si les gens de couleur auront l'exerciCe des droits de liberté politique, des droits de citoyens actifs, ou bien si vous ajournerez cette
question; car c'est indubitablement une manière de l'ajourner que de remettre à y statuer après que vous aurez entendu le vœu des colons blancs de cette colonie.
La question réduite à ces termes véritables devient infiniment facile à résoudre : d'abord j'observe qu'il faut écarter de cette discussion toute allégation de tant de milliers de citoyens qui sont intéressés là-dessus. Il s'agit, Messieurs, de savoir si 6 à 7,000 individus auront ou n'auront pas le droit de citoyens actifs ; et qu'il me soit permis, Messieurs, de vous observer que les habitants de ces colonies, sans doute, sont bien nos frères ; mais les habitants du continent ne le sont pas moins aussi. Eh bien I Messieurs, nous avons parmi ces frères du continent plusieurs millions ae citoyens qui n'ont point obtenu de vous le titre de citoyens actifs. (Murmures.)
(de Saint-Je an-d'Angêly). Ce n'est pas vrai, il n'y a que des mendiants.
Mais, Messieurs, daignez remarquer que je parle ici le pur langage de votre Constitution. N'avez-vous pas décrété que pour être citoyen actif il faut payer en contribution directe la valeur de trois journées de travail?
Les hommes libres de couleur les payent.
Je vous fais grâce des juifs dont vous n'avez pas encore déclaré les droits et qui sont en plus grand nombre que les gens de couleur dans vos colonies.
Mais je ne cesserai pas d'insister sur ce point sur lequel il est important que votre religion; et votre sagesse ne soient pas surprises. Voici le véritable état de la question : on ne vous propose pas de refuser aux gens de couleur les droits de citoyens actifs; on vous propose d'ajourner la question de savoir si ces droits doivent leur être accordés. Je ne contesterai pas qu'ils doivent leur être accordés, mais je pense aussi que les temps ne sont pas opportuns et je maintiens qu'il n'est pas digne de votre sagesse que vous compromettiez les intérêts et les destinées de l'Empire. (Applaudissements.)
Messieurs, pour vous présenter des réflexions dignes de votre sagesse, permettez-moi de mettre en parallèle les résultats de l'un et l'autre parti qu'on vous propose.
Si vous prenez le parti de déclarer dès à présent que les hommes de couleur propriétaires auront tous les droits de citoyens actifs, voici, Messieurs, les conséquences qui doivent infailliblement en résulter :
.Les blancs diront : nous avons été trompés; notre cause est perdue; les gens de couleur triomphent. Ils triompheront peut-être avec toute cette arrogance naturelle à des hommes qui ont subi une longue oppression et qui est l'explosion de la dignité de la nature humaine qui reste toujours dans le fond du cœur.
Ces artisans de troubles, qui voudraient la ruine de leur patrie, parce qu'ils sont ruinés de dettes, et pour se soustraire à l'opprobre qui les menace, trouveraient l'occasion de renouveler leurS criminels efforts. Doutez-vous qu'ils ne profitassent d'une circonstance aussi malheureusement favorable à leurs projets, qu'ils n'envoyassent leurs émissaires, qu'ils n'écrivissent d'ici à leurs concitoyens abusés : L'Assemblée, en vous accordant l'initiative, vous avait fait entendre
qu'elle ne toucherait pas à l'état des personnes; les partisans de cette Assemblée cherchaient à vous rassurer; voyez quels sont les résultats de ces belles promesses : voilà cette Assemblée qui fait triompher des hommes qui vous ont déclaré une haine si invétérée ; quels fonds devez-vous faire sur le respect qu'elle aura pour vos autres propriétés? N'avez-vous pas à craindre que le résultat d*un discours brillant fait à la tribune de cette Assemblée soit l'affranchissement des nègres, votre ruine? Tels seront les discours qui porteront inévitablement l'incendie dans vos colonies.
Quel est au contraire le résultat du décret qu'on vous propose? Il ne dit pas que les gens de couleur ne sont pas citoyens; il remet la question à une délibération solennelle, reprise avec maturité lorsque le Corps législatif connaîtra le vœu des colonies;....
Plusieurs membres : Le vœu des blancs.
En ne prononçant pas encore, il ne mécontente personne; il laisse aussi le temps de se calmer et de se réunir.
Qui empêche — et c'est là la solution du problème — qui empêche d'ajouter par amendement à ce décret que l'Assemblée législative statuera sur ce point important, non seulement d'après le résultat de l'assemblée coloniale, mais d'après le plus mûr examen de tous les mémoires et pétitions qui pourront lui être adressés à ce sujet. Alors qu'importe aux gens de couleur qu'ils aient concouru dans une assemblée publique et solennelle pour émettre sur ce point un vœu, ou bien qu'ils aient la satisfaction d'envoyer sur ce point si important leurs mémoires et pétitions au Corps législatif, qui aura pris solennellement l'engagement de les considérer, de le,s peser dans la balance de la justice ?
Pensez :bien, Messieurs, je vous en conjure, que dans ce moment vous exercez les fonctions augustes de la souveraineté; pensez bien que, lorsqu'il s'agit de prononcer entre des factions, vous ne devez pas vous particulariser par une décision précipitée et peu réfléchie, mais conserver avec dignité le caractère juste et auguste d'un juge suprême. Eh bien. Messieurs, c'est là ce que j'ai l'honneur de vous proposer.
Les colons blancs trouveront plus honorable et plus utile de modérer leurs prétentions dans la crainte de les voir condamnées, et ils chercheront à se concilier l'affection des gens de couleur plutôt que de les voir triompher de leur résistance.
(1). Avant tout, il est important de fixer le véritable état de la question : elle n'est pas de savoir si vous accorderez les droits politiques aux citoyens de couleur, mais si vous les leur conserverez ; car ils en jouissaient avant vos décrets. (Murmures et applaudissements.)
interrompt.
le rappelle à l'ordre.
Je dis, Messieurs, que les hommes de couleur jouissaient des droits que
les blancs réclament aujourd'hui exclusivement pour eux, des droits
civils, les seuls dont tous les
Vos décrets précédents les leur ont-ils ôtés? Non; car vous vous rappelez très bien que vous en avez rendu un qui donne la qualité de-citoyen actif à toute personne propriétaire dans les colonies et payant une contribution de 3 journées de travail ; et comme la Couleur n'y fait rien, tous les gens de couleur qui payent trois journées de travail sont compris dans ce décret et y sont reconnus citoyens actifs.'
Vous remarquerez encore que, depuis, aucun décret n'a dérogé à celui-là } que ce considérant du décret du 12 octobre dont on a voulu s'armer dans cette discussion, ne dit rien de ce qu'on prétend lui faire dire : loin d'être favorable aux prétentions qu'on élève, il les exclut. Il porte que vous avez l'intention de ne rien innover à l'état des personnes sans l'initiative des colonies, c'est-à-dire, sans doute, des citoyens des colonies; donc, les gens de couleur étant citoyens des colonies, et ayant par les lois anciennes non abrogées par vos décrets sur les qualités de citoyen actif, les mêmes droits que les colons blancs, doivent partager cette initiative.
Vos décrets postérieurs n'ont donc point dérogé aux premiers.
Voyons maintenant quelles sont les raisons qui peuvent vous forcer à violer à la fois et les lois et vos décrets, et les principes de la justice et de l'humanité. Vous perdrez vos colonies, vous dit-on, si vous ne dépouillez les citoyens libres de couleur de leurs droits.
Plusieurs 'membres Ce n'est pas cela !
Si ce ne sont pas les expressions, c'est au moins le sens. Et pourquoi per-drez-vous vos colonies? C'est parce qu'une partie des citoyens, ceux que l'on appelle les blancs, Veulent exclusivement jouir des droits de cité. Et ce sont eux-mêmes ^ui osent vous dire, par l'organe de leurs députés : Si vous ne nous attribuez exclusivement les droits politiques, nous serons mécontents; votre décret portera le mécontentement et le trouble dans les colonies; il peut avoir des suites funestes ; craignez les suites de ce mécontentement. Voici donc un parti factieux qui vous menace d'incendier vos colonies, de dissoudre, les liens qui les unissent à la métropole, si vous ne confirmez ses prétentions !
Je demande d'abord à l'Assemblée nationale s'il est bien de la dignité des législateurs de faire des transactions de cette espèce avec l'intérêt, l'avarice, l'orgueil d'une classe de citoyens. (On applaudit.) Je demande s'il est bien politique de se déterminer par les menaces d'un parti pour trafiquer des droits des hommes, de la justice et de l'humanité'!
Ensuite, Messieurs, il me semble que cette objection menaçante est bien faible, et ne pour-rait-onpas la rétorquer contre ceux-là mêmes qui la font? Si les blancs vous font cette objeouon d'un côté, les hommes de couleur de leur côté ne peuvent-ils pas vous en faire une semblable et vous dire : Si vous nous dépouillez de nos droits, nous serons mécontents, et nous ne mettrons pas moins de courage à. défendre les droits sacrés et
imprescriptibles que nous tenons de la' nature, que nos adversaires ne mettent d'obstination à vouloir nous en dépouiller. Or. je crois que la juste indignation des hommes libres, que le courage avec lequel ils défendront leur liberté, n'est ni moins puissant, ni moins redoutable que le ressentiment de l'orgueil de ceux qui n'ont point obtenu les injustes avantages auxquels ils aspiraient. {Applaudissements.)
Ainsi, sous ce premier rapport, de l'un et de l'autre côté, les dangers sont égaux, et j'ajouterai une observation que nous devons à M. Bar-nave; c'est que, suivant lui, les hommes les plus riches des colonies, les blancs les plus distingués, font des vœux pour la cause des gens de couleur, dk)ù il résultenécessairement qu'il y a moins de danger à prononcer en faveur de ces derniers.
Mais suivons dans leurs détails les objections de ce parti des blancs. Sur quoi se fondent-ils pour vouloir dépouiller leurs concitoyens de leurs droits ? Quel est le motif de cette extrême répugnance à partager avec leurs frères l'exercice de leurs droits politiques ? C'est que, disent-ils, si vous donnez la qualité de citoyens actifs aux hommes libres de couleur, vous diminuez le respect des esclaves pour leurs maîtres, ce qui est d'autant plus dangereux qu'ils ne peuvent les conduire que par la terreur. Objection absurde. Les droits qu'exerçaient auparavant les hommes de couleur ont-ils eu de l'influence sur l'obéissance des noirs ? Ont-ils diminué l'empire de la force qu'exercent les maîtres sur leurs esclaves?-Mais raisonnons dans vos propres principes.
Aux raisons-victorieuses qui ont été données contre cette objection, j'ajoute que là conservation des droits politiques que vous prononcez en faveur des gens de couleur propriétaires ne ferait que fortifier la puissance des maîtres sur les esclaves. Lorsque vous aurez donné à tous les citoyens de couleur propriétaires et maîtres le même intérêt, si vous n'en faites qu'un seul parti ayant le même intérêt à maintenir les noirs dans la subordination, il est évident que la subordination sera cimentée d'une manière encore plus ferme dans les colonies. Si, au contraire, vous privez les hommes de "couleur de leurs droits, vous faites une scission entre eux et les blancs, vous rapprochez naturellement tous les hommes de couleur, qui n'auront pas les mêmes droits, ni les mêmes intérêts à défendre que les blancs ; vous les rapprochez, dis-je, de la classe des nègres ; et alors s'il y avait quelque insurrection à craindre de la part des esclaves contre les maîtres, il est évident qu'elle serait bien plus redoutable, étant soutenue par les hommes libres de couleur qui n'auraient pas te même intérêt à la réprimer, parce que leur Cause serait presque commune.
Vous voyez donc, Messieurs, à quoi se réduisent toutes ces arguties prodiguées par une partie des colons blancs pour obtenir le droit de dominer dans les colonies. Vous voyez que ces prétentions sont évidemment contraires non seulement à l'intérêt général des colonies, mais encore à l'intérêt bien entendu de la classe des blancs. Vou3 voyez que c'est dans leur système sur lequel est établi le renversement de la paix publique et la destruction des colonies.
Examinons maintenant comment on cherche à éluder la question et à vous séduire par l'illusion de vaines promesses; et voyons s'il est vrai que l'article du comité ne tend pas à dépouiller les gens de couleur. Que vous ;a-t-on dit? On vous a
dit que ce ne serait qu'une espèce d'ajournement, que ce serait an mode différent, mais beaucoup plus certain, plus sage, que vous adopteriez pour assurer aux hommes libres de couleur la justice qui leur est due. Et quel est-il ce prétendu moyen si facile, si favorable, pour en venir paisiblement à ce que la nature et la raison réclament?.
Il consiste à nommer un congrès qui prononcera sur le sort des hommes de couleur et pans l'avis duquel vous ne pourrez rien décider. (Murmures et interruptions.)
Il semble qu'il y aitune conjuration pour empêcher les défenseurs de la cause de la justice et de l'humanité d'être entendus.
Nous demandons qu'on entende M. Robespierre.
Et de qui ce congrès serait-il composé? De colons blancs, et ce seront les blancs qui demanderont que les hommes de couleur ne jouissent point de ce3 droits. Alors, Messieurs, ce serait renvoyer les hommes de couleur à leurs adversaires pour obtenir les droits qu'ils réclament et qu'ils prétendént qu'on ne peut pas leur ôter. Certes, Messieurs, si, lorsque la question s'éleva pour la première fois en France de savoir si ce qu'on appelait le tiers état devait avoir une représentation égale à celle des deux autres ordres, ce n'aurait pas été une méthode maladroite d'assembler dans unedes villes de France un congrès composé, moitié d'ecclésiastiques et moitié de nobles, pour proposer au gouvernement leur avis sur Cette question. (Applaudissements.)
Que l'on me montre une véritable différence entre ce cas et le décret que vous propose le comité colonial et je consens à adopter ce décret. Mais si la comparaison est exacte, si le cas est parfaitement le même, je demande que l'on ne compromette pas les intérêts les plus chers de l'humanité, les droits les plus sacrés d'une portion intéressante de nos concitoyens, à une classe d'hommes qui ne parle devant vous que pour obtenir le droit de dominer sur eux et de les opprimer impunément.
Ce n'est pas qtie le comité colonial n'ait cherché à vous rassurer contre cette injustice trop révoltante, et M. Barnave vous a dit que les gens de couleur ne couraient aucun risque à ce que cette mesure fût adoptée. Mais, Messieurs, remarquez combien cette objection' est contradictoire avec les raisons alléguées par leurs adversaires; ils vous font presque envisager comme une chose certaine que la proposition des blancs sera favorable aux g^ns de couleur; et ce sont les mêmes hommes qui, pour vous épouvanter, vous ont dit que si vous prononciez en faveur des gens de couleur, vous mécontenteriez tellement les blancs que vous jetteriez un tel désordre dans nos colonies que c'en était fait de nos colonies et dé .notre commerce.(Applaudissements.)
Non, Messieurs, lorsqu'on est guidé, je ne dis pas seulement par la justice, mais par la saine politique, on ne déraisonne pas d'une manière aussi contradictoire ; lorsqu'on a quelque respect pour le Corps législatif, on ne croit pas le séduire par des menaces ou par des raisons aussi ridicules (Applaudissements.)
C'est après avoir prodigué toutes ces sophismes contradictoires, qu'on a jeté en avant un fait dont vous avez dû remarquer l'incohérence avec le
discours qui l'a précédé. Ne pouvant vous subjuguer par des raisons, on vous inspire de vaines terreurs. C'est M. Barnave qui a fait ce singulier épisode que vous avez entendu sur les armements de l'Angleterre. Eh bien, j'adopte les alarmes que vous avez conçues; je suppose au gouvernement anglais les intentions les plus hostiles; je n'examine pas si les tentatives qu'il pourrait faire ne dépendent pas entièrement de la paix ou de la guerre qui va être décidée entre l'Angleterre, la Prusse et la Russie. Si les Anglais cherchaient à profiter des troubles de nos colonies, de quel côté croyez-vous qu'ils trouveraient la plus ferme résistance ? De la part d'une partie des colons blancs indisposés de ce que vous auriez rejeté leurs prétentions, ou de la part des hommes de couleur, accoutumés à supporter le poids des travaux et de la fatigue, accoutumés à défendre vos colonies contre les 'invasions ?
Même, tous les inconvénients dont je parle étant égaux, il est impossible que vous ne soyez pas convaincus que le projet du comité, s'il était adopté, ôterait a l'Assemblée son caractère de justice et de popularité (Murmures à droite.) et lui ferait perdre son titre de protectrice des droits de l'humanité, qui est la première base de sa puissance.
Et je demande à présent si la saine politique, la seule qui convienne à l'Assemblée nationale, n'est point (raccord avec la justice et la raison pour assurer les droits que nous réclamons en faveur des hommes libres de couleur. (Applaudissements.)
(1). J'avoue que j'éprouverais les plus grandes terreurs sur le sort des colonies si je voyais l'Assemblée douter de l'initiative qu'elle leur a donnée sur l'état des personnes.
Plusieurs membres : Ce n'est pas la question 1
11 est évident que l'Assemblée n'a pas entendu comprendre les colonies dans la Constitution qu'elle a décrétée. J'en trouve la preuve dans le décret du 8 mars ; c'est dans cet esprit que vous avez ordonné l'établissement des assemblées coloniales.
De nouveaux troubles ont depuis sollicité d'autres mesures, et vous avez décrété, Messieurs, qu'il serait envoyé des instructions pour hâter la constitution coloniale, et c'est alors que, par les instructions du 28 mars, vous avez donné une nouvelle force à cette disposition.
Les députés de&xolonies ont été fort éloignés de s'opposer à
cettë nouvelle mesure, quoique l'on pût dire que cela tendait à
affaiblir l'inir tiative qui leur était donnée. Il a été question de
travailler à la rédaction de ces mêmes instructions ; et c'est alors que
lés doutes se sont élevés; c'est alors que les députés coloniaux ont
regardé comme un devoir sacré pour eux de réclamer le considérant du 12
octobre, et de denicinder qu'il fit partie de ce que vous avez à
décréter pour les colonies. Ce .décret atteste que l'intention de
l'Assemblée était qu'ii ne fût rien innové sur l'état des personnes sans
le vœu des colonies. Vous n'avez cessé depuis de rendre hommage à ce
principe, que l'initiative leur appartenait ; vous avez senti que, dans
l'impossibilité où vous étiez de connaître leurs véritables intérêts, il
fallait avoir leur avis. :
Un motif de politique se joint à vos promesses pour maintenir l'initiative : il n'y a point de gouvernement aux colonies au moment actuel. La raison en est simple : les mouvements de la Révolution y ont brisé les différents ressorts de l'ancien gouvernement : il n'y reste rien que la confiance que vous avez donnée aux assemblées coloniales, et les rapports que vous avez établis entre elles et le représentant de la personne du roi. Or, si par un décret vous veniez à détruire cette initiative, vous détruiriez par le fait même ses assemblées coloniales qui désormais n'auraient plus de caractère; je demande dans quelle anarchie affreuse vous plongeriez les colonies.
Mais, a-t-on dit, cette initiative ne peut leur être accordée sur l'admission des gens de couleur. A cela, je réponds qu'elle a été accordée par tous les décrets antérieurs, sans aucune restriction ; je dis, en second lieu, que si elle était envahie sur un seul point, il serait impossible de faire penser aux colons qu'elle ne le sera pas successivement sur tous les autres. Ils seraient tous effrayés, car il leur serait facile, et de penser, et de croire que vous iriez bien plus facilement du premier pas au second, puisque vous ne seriez plus arrêtés par la considération de vos précédents décrets. Il y aurait, en outre, un très grand danger à détruire cette initiative en ce moment où, dans la plus grande des colonies, les hommes de couleur, au moins quelques-uns d'entre eux, ont été dans un état d'insurrection ; car si l'on pouvait supposer que ces insurrections ont eu une influence quelconque sur la détermination que vous prendriez, on en conclurait nécessairement que les insurrections sont la mesure des droits.
On dit que laisser l'initiative aux assemblées coloniales, c'est donner le droit à la noblesse de délibérer"'sur ce qui regarde le tiers état. On se trompe évidemment ; il y avait aussi des privilégiés, des nobles et des prêtres dans la colonie ; et relativement à cela, vos principes y ont été adoptés.
J'entends beaucoup parler des droits naturels par ceux qui veulent la parfaite assimilation des hommes de couleur avec les blancs. Je demande dans quel chapitre du livre de la nature on a trouvé qu'il pût être question de citoyens actifs. (Murmures.)
Plusieurs membres : Partout, partout !
Je dis que la qualité de citoyen actif n'est visiblement que le résultat d'une convention purement sociale, et j'en trouve la preuve dans la Constitution même décrétée pour l'intérieur du royaume; car, comme l'a observé un des préopinants, il existe parmi nous des citoyens ipactifs.
Un membre : Ce sont les mendiants.
Vous avez donc reconnu qu'il existait des circonstances assez impérieuses pour arrêter quelques instants la jouissance des citoyens, et j'en trouve encore un exemple dans ce qui concerne les juifs d'Alsace.
Je soutiens que le titre de citoyen actif est résulté de la Constitution que vous avez faite pour le royaume : Or, vous avez toujours déclaré, et notamment par votre décret du 8 mars, que vous n'aviez pas entendu comprendre les colonies dans la Constitution décrétée pour l'intérieur
du royaume. Je demande comment il serait possible que vous voulussiez qu'il y ait pour un objet quelconque assujettissement des colonies à votre Constitution, lorsque vous avez dit qu'elle n'était pas faite pour elles, et que vous attendiez notre vœu pour savoir si elle nous était applicable, ou s'il fallait, sur notre vœu, nous en donner une particulière.
On objecte continuellement qu'il ne s'agit pas d'accorder aux hommes de couleur des droits politiques, mais de les maintenir dans l'exercice de ces droits. Il est temps, Messieurs, de mettre fin à une pareille erreur qui pouvait égarer l'Assemblée. Lors de l'établissement des colonies, il n'y existait que des blancs. Peu à peu, il y est venu des esclaves : peu après on a vu naître une troisième classe, c'était celle des affranchis ; et j'observerai à cet égard,que cette classe n'a ras été produite par le vœu national; elle est tout entière de la création des colons. Les hommes de couleur recevaient la manumission de leurs maîtres seuls. Les choses ont existé en cet état, jusqu'à l'époque de 1682 et de 1683, . que les colonies des îles du Veut se sont occupées de faire préparer la loi connue depuis sous le titre du Code noir.
11 a été envoyé des mémoires à cet effet, et la loi de 1685 est la première où le roi, alors législateur, ait parlé d'affranchissement. 'Ces mémoires ont été envoyés par les conseillers et administrateurs des colonies : oui, je soutiens que dans ces mémoires qui ont servi à la rédaction de l'édit de 1685, il n'a jamais été entendu que les affranchis jouiraient des droits politiques. Je tiens en original, Messieurs, les deux mémoires qui furent envoyés. L'un est de 1682, et ne dit pas un mot de ce qui peut concerner les affranchis. Celui de 1683 a servi de modèle à l'édit de 1685, on en a cependant rejeté le dernier article- qui vous montrera dans quel esprit ces mémoires étaient conçus,, et quels étaient alors l'opinion et le préjugé des colons : il est dit que les nègres affranchis qui seront surpris volant des volailles seront privés de leur liberté, et adjugés à l'hôpital du lieu où le vol aura été fait.
Voilà ce que pensaient, le 13 juillet 1683, ceux qui les premiers parlaient d'affranchis et parlaient de leur donner, non pas un état politique, mais un état civil. C'est d'après ce mémoire que l'édit de 1685 a été rédigé. Cet êdit de 1685 dit, dans un des articles, qué la liberté accordée aux affranchis devra produire en eux les mêmes effets que la liberté naturelle; et cependant, dans un article antérieur, l'édit porte que les affranchis seront tenus de conserver le respect pour leurs anciens maîtres. En 1705-, un autre édit porte que tout affranchi qui aura recélé un esclave, sera lui-même vendu comme esclave. Or, je ^demande si l'on peut assimiler, d'après cela, un affranchi à un blanc. (Murmures.)
Voici encore un fait plus concluant : Il existait àt Saint-Domingue depuis l'époque de 1613, jusqu'à celle de la Révolution, une assemblée politique. Elle avait pour objet de régler, tous les cinq ans, l'assiette de l'imposition. Eh bien, cette assemblée était toute composée de blancs ; et jamais on n'a entendu dire aux hommes de couleur qu'ils dussent y être appelés. Dans les îles sous le Vent, c'était la même chose. (Murmures.)
Mais, dira-t-on, vous érigez-vous en apologiste de ces diverses dispositions? Croyez-vous que la condition à laquelle on avait réduit les hommes
de couleur était celle dans laquelle il convenait qu'ils fussent? Je réponds avec beaucoup de vérité : non. Je n'ai eu d'autre intention que de relever un fait inexact, que d'établir qu'on veut leui? donner ce qu'ils n'avaient pas.
Je m'abuse étrangement, ou il ressort de tout ee que j'ai dit que jamais le sort des hommes de couleur n'a éié si avantageux qu'il l'est actuellement. Je dis qu'il ne l'a jamais été autant; car parmi les lois qui les gênaient, il en était plusieurs qui ont déjà été révoquées, et notamment dans la colonie que je représente :Jedis qu'en général les dispositions des colons leur sont très favorables; j'observe qu'à Saint-Domingue il est arrivé un fait qui ne laissera aucun doute. Vou3 savez tous ce qui est arrivé à l'époque du mois de juin de l'année dernière. Les hommes de couleur calomniés ont éprouvé des actes de cruauté révoltante; plusieurs d'entre eux ont perdu la vie: un plus grand nombre encore attendait la mort. Qu'est-il arrivé? Que le reste de la colonie s'est armé pour les aller délivrer, pour les arracher des prisons et de l'échafaud qui les attendait. Depuis, ceux à qui on avait enlevé ces malheureuses victimes ont cru qu'il était de leur intérêt de s'élever contre ceux qui en avaient été les libérateurs; ils ont corrompu des soldats, et vous avez vu comment la guerre civile a existé pendant 6 mois dans cette malheureuse partie ; mais remarquez, je vous prie, que les hommés de couleur ont pris le parti des planteurs, des véritables colons; ils ont senti que ceux-là étaient leurs ^protecteurs, que ceux-là avaient pour eux des dispositions tellement favorables qu'ils les avaient manifestées au point de compromettre leurs propriétés et leur vie pour les défendre. Je demande si l'on peut, sans injure pour ceux que je représente, les calomnier^et penser qu'ils n'ont pas des dispositions favorables pour les hommes de couleur. Au surplus, s'il restait encore quelque - doute à cet égard ; si, contre mon attente et contre mon désir, ce vœu n'était pas conforme à ce que la justice permettrait en la combinant avec une politique nécessaire, je dis que les choses seront encore entières, puisque l'Assemblée nationale aura à statuer définitivement.
Cette dernière observation répond aux inquiétudes relatives à la:composition du comité du congrès que l'on propose d'établir à Saint-Martin.
L'Angleterre possédait des colonies immenses, ces colonies voulaient avoir l'initiative. Le Parlement anglais la leur refusa, on leur proposa ensuite des représentants; cette mesure était tardive: elle ne les rassurait pas sur les localités, et vous avez vu quels maux en ont été la suite.
A quoi se réduisent donc les difficultés? A savoir si l'Assemblée peut manquer à l'engagement qu'elle a pris de laisser l'initiative aux colonies.
On vous dit: l'intérêt politique commande de favoriser les hommes de couleur, car leur nombre est supérieur à celui des blancs; je dis, Messieurs, que cela est faux. Dans la colonie de Saint-Domingue, il y a plus de 2,000 hommes de différence entre les hommes de couleur et les blancs.
Cela n'est pas exact. Je parle d'après les calculs de MM. Duchil-leau et de La Luzerne; je vous prie de me dire si ces calculs sont inexacts?
Je suis occupé depuis 16 ans à faire l'histoire des colonies, et j'en recueille avec beaucoup d'exactitude les ma-
tériaux. Le dêrnier recensetnent, offre 24,262 citoyens pour la population des hommes de couleur. Celle des blancs est infiniment supérieure, et j'observe à M. Pétion que dans les colonies il y a des blancs non recensés, tandis qu'il y a infiniment peu d'hommes de couleur qui ne le soient pas; car on a intérêt à connaître exactement leur nombre, puisqu'on les a chargés d'un service pénible, tandis qu'il y a beaucoup de blancs privilégiés, exempts de service, à cause des fonctions publiques.
Ce qu'on vous propose aujourd'hui est un décret d ajournement pendant lequel vous attendrez l'émission du vœu colonial. Or, je demande si vous n'avez pas plus à redouter lorsque vous prenez l'initiative que vous avez déléguée, que quand vous dites aux colonies : remplissez cette initiative, et je statuerai en définitive, parce que le définitif m'appartient souverainement.
Craignez un systèqe de beau idéal ; ne nous réduisez pas à la triste situation d'aller dire à ceux qui nous ont envoyés : il n'a pas été question dévoua; et si on en a parié, ce n'a été que pour calomnier vos intentions : vous n'avez plus de conseils à prendre que de votre désespoir.
On vous a dit hier que vous étiez des créateurs ; mais le créateur allie la sagesse à la toute-puis-sance. On vous a dit que vous aviez la force, et je crois que c'est le dernier moyen à employer ; et pourquoi employer la force lorsque vous pourriez n'avoir besoin que de la persuasion ? Par quelle étrange fatalité, par quel système inconcevable, à l'époque du dix-huitième siècle, une assemblée de législateurs, ayant à choisir entre l'une et l'autre, préférerait-elle l'exercice de la puissance à un langage conforme à son cœur et conforme à la raison?
Considérez, Messieurs, que les autres puissances qui possèdent des colonies, y ont aussi des hommes de couleur, et que, dans aucune, les hommes de couleur n'ont des droits politiques : considérez que si, par des mesures de force, vous vous croyez obligés de réduire les colonies, il n'y aurait rien de bien étrange qu'elles trouvassent un appui dans les autres qui craindraient la contagion de l'exemple. Rappelez-vous l'époque trop célèbre de 1770; protégez-nous, mais d'une manière qui convienne à des législateurs et à des hommes raisonnables.
Je finis par cette réflexion : Faites cesser nos alarmes, cela intéresse notre commerce et l'état général des affaires.
Je demande l'adoption du projet du comité. (Applaudissements.)
Plusieurs membres. Aux voix! aux voixi
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres. Non î non !
Je demande que la discussion soit fermée.
Un fait peut influer sur l'opinion; ainsi il faut entendre M. Lan-juinais.. :
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Lanjui-nais ne sera pas entendu.)
Plusieurs membres. Il faut fermer la discussion.
(de Saint-Jean-d'Angèly.) Puisqu'on insiste à vouloir fermer la discussion, ie demande à prou ver qu'il est impossible qu'elle le soit en ce moment.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl
(de Saint-Jean-d'Angèly.) "J'observe qu'on n'a pas encore établi un point très important, un point essentiel, c'est que le véritable intérêt politique bien envisagé est de rejeter le projet du comité. Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Entre autres différentes raisons qui vous ont été présentées, je ne vous en rappellerai qu'une : on a posé en fait, et les états de la marine le prouvent, qu'il y a 19,000 citoyens de couleur dans l'île ae Saint-Domingue et 24,000 blancs.
40,000 blancs, Monsieur 1
Sur les 40,000 blancs, il y en a 20,000 qui seraient noirs en France.
(de Saint-Jean-d1 Angêly.) On vous a bien dit que les individus blancs se révolteraient, qu'ils seraient réduits au désespoir si vous rejetiez le projet du comité ; mais on ne vous a pas dit, et on doit vous dire, et on doit vous faire sentir, que les 19,000 individus de couleur seraient aussi réduits au désespoir si on l'adopte. (Applaudissements.) Mais on ne vous a pas dit que l'oppression double la force des opprimés. (Applaudissements.) Mais on ne vous a pas dit que si vous êtes, par des circonstances fatales, réduits à cette nécessité de mécontenter l'un ou l'autre parti, il vous faut vous garder de donner à nos voisins, qui attendent peut-être, et je le sais, un moment favorable, un avantage quelconque. De là, je conclus que si vous êtes réduits à prendre un parti, il faut que celui qui amènera à des divisions soit fondé sur l'équité. (Vifs applaudissements.)'
Je demande que la discussion continue et qu'on donne la parole à un colon qui est à la tribune.
Je demande la parole pour soutenir ma motion de fermer la discussiôn.
On ne vous a pas dit de refuser aux gens de couleur les droits politiques, mais on vous a demandé d'attendre le vœu des colons.
Messieurs, je n'ai pas été frappé des raisons politiques du préopinant et l'exagération de ses observations n'a fait que confirmer de plus en plus chez moi l'idée qu'il est nécessaire de fermer la discussion.
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si elle entend fermer la discussion.
(Une première épreuve a lieu ; elle est déclarée douteuse.) .
Je consens que. la délibération soit fermée.
A l'ordre, Monsieur 1 Vous ne pouvez pas arrêter la délibération. Je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée décide que la discussion est fermée.)
La question préalable a été invoquée sur le premier article du comité; je crois qu'elle doit être mise la première aux voix.
Non ! non ! Ma proposition doit être jugée auparavant. J'ai demandé la question préalable, non pas seulement sur le premier article des comités, mais sur tout l'ensemble du projet, parce qu'il attaque les principes fondamentaux de la Constitution. G'est à quoi je conclus de nouveau en demandant en sus le renvoi aux comités, afin qu'ils nous présentent un nouveau projet.
Avant de mettre aux voix la question préalable, il me paraît nécessaire d'indiquer le changement important fait dans la rédaction du décret.
Le dissentiment d'opinions qui règne dans l'Assemblée n'est qu'apparent; car il ne peut pas y en avoir d'autre parmi les hommes qui ont les mêmes principes de justice et d'humanité et qui veulent arriver au même but. N'existe-t-il pas un moyen de rapprocher les esprits? Il me semble qu'il en est un très sage. Les uns veulent nous conduire au but à travers des précipices, et on ne peut se le dissimuler, à travers les dangers les plus imminents que puisse courir l'intérêt national ; les autres veulent arriver à ce même but en faisant route avec la sagesse et la circonspection qu'exige une pareille affaire. (Murmures et applaudissements.)
Pour être d'accord, ce me semble, il suffit de déclarer que personne, du moins je ne le présume pas, ne veut compromettre les droits des hommes de couleur; qu'il faut au contraire le3 assurer qu'il n'est pas question de leur contester les droits dont ils jouissent — et on a eu tort de vous dire qu'il ne s'agissait que de cela. Il s'agit de leur donner ce qu'ils n'ont pas. Pour cela que faut-il? Expliquer nettement la question, la dire plus nettement encore dans le projet de décret.
Si j'examine le projet de décret, j'y trouve deux dispositions fondamentales : la première, que le Corps législatif ne statuera sur l'état des personnes dans les colonies qu'après la demande formelle, précise, des assemblées coloniales; la seconde, que les assemblées coloniales seront tenues, par leurs commissaires, d'émettre leur vœu.
Sans doute, Messieurs, si, comme on l'a dit sans cesse dans la discussion, le Corps législatif était obligé de statuer conformément au vœu qui vous serait émis, soit par les assemblées coloniales, soit par le Comité de Saint-Martin, qui vous est proposé sans doute, vous compromettriez les droits des hommes de couleur; sans doute ni la justice, ni l'humanité, ni des raisons politiques ne pourraient vous déterminer à adopter un pareil, parti. Mais, Messieurs, il faut déclarer nettement dans le décret même que, quel que soit le vœu de^ l'assemblée coloniale ou du comité de. Saint Martin, le Corps législatif statuera définitivement sur l'état des hommes de couleur.
Un fait qu'on ignore peut-être, c'est que l'assemblée de Saint-Marc, qu'il a fallu dissoudre, dont il a fallu annuler les actes, et dont les hommes de couleur ne devaient pas attendre toute la justice qui leur était due, au moment même où elle a été dispersée, au moment où elle a pris la résolution de revenir en France,
s'occupait d'adoucir le sort, ou de fixer l'état des hommes de couleur. (Murmures).
Un membre : Ce n'est pas cela dont il s'agit.
D'accord. Aussi proposé-je qu'il soit consigné dans le décret que, .quelle que soit l'opinion des assemblées coloniales et u congrès de Saint-Martin, le Corps législatif statuera définitivement sur les hommes de couleur. C'est la matière d'un amendement sur lequel lès Comités sont d'accord. (Murmures et applaudissements) .
On nous fait sans cesse cet argument pour nous jeter dans l'erreur. Les colons vous disent qu'en organisant le régime intérieur des colonies, ils auront grande attention de veiller au sort des gens de couleur, de leur accorder leurs droits. Là-dessus, je leur propose ce dilemme: vous les leur accorderez, ou vous ne les leur accorderez pas. Si votre intention est; de ne les leur pas accorder, vous voulez donc perpétuer l'oppression ; si vous voulez les leur accorder, accordez-les-leur aujourd'hui. (Applaudissements).
On veut faire revenir l'Assemblée nationale sur les décrets rendus pour l'initiative.
M. Démeunier prétend qu'il y a deux routes pour arriver au même but, l une qui entraînerait des dangers, l'autre qui serait une voie douce et calme. On lui a répondu, et c'est M. Robespierre qui lui a fait voir que le danger était égal de part et d'autre. Dans cette alternative fâcheuse, suivons donc la règle éternelle. (Murmures et applaudissements.) J'insiste sur la question préalable.
paraissent à la tribune. (Aux voix ! aux voix ! )
C'est sur la question préalable Ue je démande la parole. (Murmures.) Je deman-e a être entendu. (Aux voix! aux voix !)
Si on entend M. Barnave, je demande que M. Monneron, qui a des intérêts dans les colonies, soit entendu.
M. Barnave demande la parole; les uns demandent à aller aux voix, les autres la question préalablé. Je vais mettre aux Voix si on entendra M. Barnave.
Oui, mais à condition qu'il.se renfermera dans la question.
Plusieurs membres: Et M. Monneron?
Et à condition qu'on répondra à M. Barnave ; cela ne sera pas difficile.
(de Saint-Jean-çTAngêly). Je m'élèvecontre la proposition d'entendre M. Barnave. (Aux voix ! aux vqix ! )
(L'Assemblée, Consultée, décide que MM. Barnave et Monneron seront entendus.)
La discussion èst fermée ; je n'ai point le droit de parler sur le fond. Mais, lorsqu'on discutera le projét de décret des
comités réunis, j'ai un amendemeut à proposer.
L'amendement que veut proposer M. Monneron est pleinement dans le sens des comités : l'Assemblée ne s'occupera actuellement que de la constitution des colonies de l'Amérique ; quant aux colonies au delà du cap de Bonne-Espérance, où il est parfaitement vrai qu'une multitude de choses sont différentes, il pourra être pris d'autres résolutions. Si, comme il me l'a dit, c'est l'amendement qu'il veut proposer, je déclare d'avance que, selon moi au moins, il est dans l'intention du comité. (Murmures.)
La chaleur que l'on a mise à la discussion (Murmures et interruptions.)..*
Plusieurs membres : Ce n'est pas-la question I
Monsieur le Président, je vous prie de donner du silence à l'Assemblée pour oUvoir lui communiquer ce que j'ai à lui aire. m'est impossible de parler si je n'obtiens pas un moment d'attention ; franchement la chose dont il s'agit, franchement le zèle qui m'anime est assez pur, doit être assez peu douteux pour tous les membres de cette Assemblée, pour qu'ils veulent bien un moment suspendre des préventions contraires et écouter enfin le langage de la vérité et des faits.
Si, sous prétexte de poser la question, M. Barnave entre dans la discussion du fond, je demande à répondre.
Plusieurs membres : Que l'on rouvre la discussion 1
Je demande que toutes les parties intéressées qui entourent la tribune la quittent.
Tout le monde sait bien que quand M. Barnave parle, il n'a pas besoin d'être soufflé. (Murmures prolongés.)
J'ai demandé la parole contre la question préalable invoquée contre le projet de décret des comités. M. l'évêque de Blois ^1) a parlé avant moi pour la question préalable ; je parle et je parlerai très brièvement contre la question préalable. (Murmures.) «..
Sur quoi la discussion est-elle fermée, oui ou non? (Bruit.)
Monsieur Pétion, je vous rappelle à l'ordre.
insiste à nouveau pour parler.
Plusieurs membres à droites A l'abbaye I à l'abbaye 1
Je disais, Messieurs, qu'à la chaleur avec laquelle on discute ici la
question, .on croirait que c'est au moins la cause des principes contre
celle de l'intérêt national. Eh bien 1 Messieurs, ce n'est pas même la
cause des principes ; car ceux qui se refusent à une mesure de prudence
que j'ose dire nécessaire, indispensable dans les. circonstances,
altèrent eux-mêmes les
(Quelques minutes se passent dans une vive agitation.) .
Nos adversaires reconnaissent que l'intérêt national et la raison d'Etat ne permettent pas que 600,000 hommes en état d'esclavage dans nos colonies reçoivent leur liberté;et cependant, ils disent...
Plusieurs membres au centre et à gauche,: Ce n'est pas la question l A l'ordre!
Je suis dans la question ; je le prouverai en peu de mots et je soutiens qu'il n'y a contre nous aucun intérêt réel et qu'il y a pour nous l'accomplissement-des promesses et des volontés nationales. (Murmures.) Si l'on ne veut pas m'entendre, je vais me retirer. (11. quitte la tribune.) (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Parlez ! parlez I
Je demande la parole.
remonte à la tribune. Je vous prie de mettre aux voix, Monsieur le Président, si l'Assemblée veut m'entendre; si elle veut m'entendre, je suis à se3 ordres.
MM. les secrétaires ont écrit le^décret; je demande que leurs registres soient lus. On nous entraîne à déchirer le premier feuillet de notre Constitution; le peuple déchirera l'autre. :
Je veux bien entendre, à condition qu'on poùrra répondre.
(Quelques minutes se passent dans une .vive agitation.)
Je répète...
Posez donc la question, Monsieur le Président!
Elle est posée.
Posez-la tout haut! .
Je vais interroger l'Assemblée...
Un moment! Je déclare que je suis dans la question dans ma manière de voir. (Murmures.)
(s*adressant à la gauche). Vos querelles vont mettre le peuple de notre côté; car il ne sait plus qui choisir parmi vous.
continue à. interrompre et à demander la parole.
42 heures d'arrêts seulement pour M- Pétion.
Je demande à exposer mon opinion. Ce n'est pas pour moi .que je la demande; c'est pour l'intérêt générai et la vérité. Si l'on ne. veut pas m'entendre, si l'on .veut m'inter-rompre, je suis prêt à quitter la tribune. (Murmures.)
Je réclame la parole pour M. Barnave.
Si M. Barnave demande que la discussion soit rouverte seulement pour lui, cela n'est pas juste; il faut qu'elle le soit pour tout le monde. (Oui! oui! — Non! non!)
On demande que la discussion soit rouverte de nouveau sur le fond.
Si M. Emmery demande que la discussion soit rouverte pour tout le monde, j'appuie sa motion, èt c'est:celle-là que l'on doit mettre aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décide que la discussion n'est pas ouverte de nouveau sur le fond de la question.)
Quand la discussion est fermée, il ne faut pas permettre que l'on parle sur le fond; sans cela, on rentrera nécessairement dans la question du fond.
(1). Je dis que toute manière de poser la question, autre que celle qui vous est présentée par le comité, c'est-à-dire que celle qui consiste à accomplir ce qui a été promis par F Assemblée nationale relativement à l'initiative des assemblées coloniales déjà existantes avant votre clécret du 8 mars et, par conséquent, à étendre les droits d'activité à ceux qui n'en jouissaient pas encore;, je dis que toute autre manière de poser la question est une inconséquence de ce qui a été déjà prononcé et un grand mal national, parce que c'est une marche destructive de toute confiance de la part des coldnies en nous, parce que c'est un moyen imprudent d'arriver à un résultat qui peut être juste et raisonnable, mais auquel on peut également atteindre par la marche prudente et sage qui vous est proposée et qui a au moins le mérite d'être essentiellement conforme à ce qui a déjà été annoncé et promis par vous.
Je dis que l'on ne connaît pas les faits lorsque l'on allègue que, par l'article 4 du décret du 28 mars, on a décidé cè que l'on met en doute en ce moment; qu'alors on a dit formellement qu'on envoyait un mode de convocation provisoire pour former des assemblées coloniales dans le cas où il n'y en aurait pas de formées, ou bien dans le cas où celles qui existaient, n'auraient pas le vœu des citoyens; que parle même décret du 28 mars, il fut dit que les assemblées coloniales, ' votant sur la Constitution, proposeraient tout ce qui est relatif aux citoyens actiis. Donc l'on n'avait jugé aucune question; on àvait moins jugé encore relativement aux hommes de couleur, puisqu'on n'avait fait que prendre le texte de la forme de convocation qui avait'été employé à la Martinique, où dp fait Jes hommes de couleur n'avaient pas le droit de citoyen'actif, et n'avaient aucun exercice des fonctions politiques.
y est donc vrai qu'à cet égard les choses sont
Je dis que la proposition contraire porte sur une ignorance profonde des faits; qu'il est faux par l'expérience et par» l'état des choses qu'une suspension relativement aux hommes de couleur puisse avoir aucune espèce de danger; qu'il est réel au contraire, profondément vrai, qu un prononcé actuel contre l'initiative promise aux colonies aura des dangers immenses, des dangers dont les résultats seraient des désastres; qu'il est absolument faux que ce soit par la balance de force entre les hommes de couleur et les blancs qu'il ait èxisté des troubles dans les colonies, puisqu'il est constant que les troubles qui ont existé n'ont eu lieu qu'entre les blancs ; que le seul mouvement dés hommes de couleur, la seule guerre entre les blancs et eux est le triste événement qui a amené la fin tragique du malheureux Auger; que vous n'avez point vu dans cet événement-là, dans cet événement funeste, mais dont les suites n'ont pu être continuées, puisque tous les mulâtres ont été désarmés depuis, que vous n'avez point vu dans ce malheureux événement la balance de force qu'on suppose; que .cette balance est absolument fausse; que mon argument ne détruit pas des raisons de justice, mais , qu'il anéantit les .réflexions politiques qu'on oppose, tandis qu'il est vrai que toutes les raisons politiques, que toutes les raisons de prudence sont de notre côté ; que c'est un misérable caprice, indigne de l'Assemblée nationale, que de s'exposer à perdre des possessions qui font la prospérité française. {Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres ; Aux voix 1 aux voix!,
Je demande qu'il soit une fois bien constant que quand deux décrets ont décidé que la discussion est fermée, sous prétexte de poser la question, on ne revienne pas la rouvrir; c'est ce qu'a fait M. Barnave.
Il y a deux manières de poser la question préalable; je demande qu'elle soit posée sur tout le projet, sauf le renvoi de celui-ci au comité. (Mouvement.)
Je demande la parole pour poser la question et je prie M, Barnave de.vouloir bien nous donner un éclaircissement sur un .point qui nous paraît le véritable point de la question. L'Assemblée a accordé l'initiative aux colonies sur la constitution à faire pour les colonies et même sur l'état des personnes; elle a donné cette initiative à des hommes quelconques. Il s'agit de savoir à qui noua prétendons que l'initiative a été accordée ; or, je crois que c'est à tous les hommes libres et non à une simple portion des hommes libres. (Applaudissements.)
Puisque l'Assemblée nationale accorde l'initia-
tive aux colonies, il faut savoir quelles personnes elle veut consulter; elle veut consulter, disons-nous, les hommes libres. Qui sont les hommes libres? L'Assemblée ne nous a pas laissé la peine de chercher cette explication^ elle-même l'a donnée dans l'article 4 de son décret du 28 mars : « Toutes personnes âgées de 25 ans accomplis, domiciliées, propriétaires et contribuables, seront admises aux assemblées paroissiales. » (Applaudissements.)
Je dis qu'on peut diviser en 3 classes Jes personnes qui habitent les colonies : les grands blancs, les petits blancs et les hommes de couleur libres; or, tous sont également compris dans ce décret et l'Assemblée nationale n'a exclu de la liberté et des droits politiques aucune de ces trois catégories. Si on m'objecte qu'il y a une différence entre eux, en ce que les uns exercent les droits de citoyens actifs et les autres ne l'exercent pas, je réponds à cela qu'il est faux qu'avant la Révolution personne exerçât les droits de citoyen actif. (.Applaudissements.) Aucune classe n'exerçait alors de droits politiques ; le droit politique est un droit dans lequel nous sommes tous rentrés.
Il s'agit donc de déterminer quelles sont les personnes que vous avez en vue; ainsi je demande qu'avant tout l'Assemblée nationale décide quelles sont les personnes à qui elle accorde l'initiative.
Je suis interpellé ; je vais répondre très nettement, et je déclare tout d'abord ici que les événements qui pourront avoir lieu justifieront mon opinion. (Murmures.) J'avais déjà prévu le fait sur lequel je suis interpellé et si ce que je dis,ne paraît pas clair, l'Assemblée pourra se faire lire ses propres décrets.
L'Assemblée nationale a décidé;, par son décret du 8 mars 1790, décret qui a sauvé les colonies, décret dont le retrait les anéantirait, l'Assemblée nationale a décrété le 8 mars que chaque colonie émettrait son vœu sur la Constitution et la législation qui lui était propre; que dans les colonies où il existait des assemblées coloniales élues par les citoyens, elles étaient admises et déclarées capables d'émettre ce vœu ; que dans les colonies où il n'existait pas d'assemblées coloniales formées, il en serait convoqué pour émettre le même vœu, suivant le mode de convocation qui serait adressé incessamment.
Le 28 mars, l'Assemblée nationale établit le mode de convocation provisoire, destiné à faire des assemblées coloniales dans les colonies où il n'en existerait pas pour énoncer lé vœu colonial.
Or, il existait des assemblées coloniales, formées, élues, avouées par les citoyens, dans toutes les colonies,: de sorte que la convocation provisoire du 28 mars a été entièrement sans effet.
Quand nous fîmes cette convocation provisoire, nous dîmes en même temps dans les instructions que les assemblées coloniales soit' existantes, avant notre décret, soit convoquées en vertu de notre décret, exprimeraient leur vœu sur la Constitution, suç les qualités de citoyens actifs et d'éligibilité. Air^si il est bien véritablement légal que les assemblées coloniales existant actuellement émettent leur vœu sur ce point; cela était déjà décrété; elles étaient autorisées légalement à émettre le vœu colonial sur toute la Constitution, et notamment sur les qualités de citoyens actifs. Et quand il serait vrai que dans le mode de convocation provisoire destiné à établir des assemblées coloniales là où il n'en'existait pas, les gens
libres de couleur eussent pu être admis aux assemblées, il n'en serait pas moins vrai que les assemblées coloniales existantes ayant été déclarées valables et légales par vous, ayant été autorisées par vous à émettre le vœu sur la Constitution, sur la qualité de Citoyen actif, en sont également capables aujourd'hui; que leur retirer ce droit, ce serait rétracter un décret rendu, ce serait revenir sur une disposition déjà formellement décrétée. (Murmures et applaudissements.)
J'ai déjà dit à l'Assemblée que sachant dès lors tous les inconvénients de préjuger la question sur les gens de couleur, et sachant que, de fait, elle ne se trouverait pas préjugée dans les instructions, vous prîtes le mode de convocation adopté pour la Martinique, mode duquel il né pouvait résulter aucun préjugé ; mais toujours est-il constant que les assemblées coloniales existantes ont été reconnues capables par vous d'émettre le vœu de la colonie sur la Constitution, et ces mêmes assemblées coloniales ont été depuis reconnues légales par vos décrets. (Murmures et applaudissements.)
Je demande si, lorsqu'il ne s'agit que de l'émission d'un vœu, vœu sur lequel le Corps législatif prononcera comme il lui paraîtra convenable, il peut y avoir à balancer entre le maintien de vos précédents décrets et une marche absolumentsub* versive, qui Consisterait à faire de nouvelles convocations, qui consisterait à préjuger la question que l'on veut renvoyer à juger, qui consisterait à faire détruire toute espèce de confiance, qui Consisterait à faire croire à vos colonies que vos décrets ne sont que des jeux, qui consisterait enfin à mettre bien véritablement les armes à la main au parti que vous exciteriez alors, au lieu de réunir tous les partis par la marche qui vous est proposée.
Il est impossible, Messieurs, il serait coupable de séparer l'intérêt national de la question qui s'agite.,
monte à la tribuné.
Je demande la parole pour un fait. (Aux voix'! aux voix !)
et plusieurs membres à droite réclament contre la demande de M. l'abbé Grégoire. (Bruit.)
M. l'abbé a parlé six fois (Aux "voix !) ; je suis député des colonies et je n'ai pas encore pu obtenir la parole. (Aux voix l aux voix !)
Je n'ai pas de moyenpour empêcher que l'on fasse du bruit.
Messieurs, voici le fait. (Murmures et interruptions.)...
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Mais, Monsieur lé Président, je vous ai demandé la parole.
Messieurs, C'est simplement un fait que jè veux rétablir. (Murmures à droite : Aux voix! aux vbîxj^...] un fait essentiel et indubitable (Nouveaux murmures à droite). .. Ce fait est important,, il est nécessaire de le rappeler à l'Assemblée. (Murmurés.: Aux voix ! aux voix!)*..
s'élèvent contre l'opinant.
Il n'est question que d'un fait relatif à ce qu'a dit M. Barnave. Le 28 mars, quand les instructions furent présentées, c'est moi, Messieurs, qui ai demandé que, dans l'article 4, les gens de couleur fussent expressément compris, nominativement exprimés. Et pourquoi le demandai-je? C'est que je savais toutes les vexations, toutes les injustices qu'ils allaient éprouver ; c'est que je savais très bien que, constamment opprimés dans ce pays-là, on cherchait encore à leur ravir les droits de citoyens actifs. On me répondit à cela que ma demande était inutile, puisque, les termes étant généraux, ils comprenaient les gens de couleur comme les autres. Ce fut M. Barnave lui-même ! qui me fit cette réponse. (Applaudissements.)
Le procès-verbal porte que l'on passa à l'ordre du jour; la discussion même ne fut pas ouverte : aussi le fait avancé par M. Grégoire est faux.
paraît à la tribune. (Aux vôix ! aux voix !)x
Les observations et les interpellations qui ont été faites n'ont point changé la manière de poser la question; on a demandé deux sortes de questions préalables, l'une sur le premier article, l'autre sur la totalité du projet de décret. Celle-ci doit être mise la première aux voix, puisqu'elle embrasse plus d'objets. Je mets aux voix. (Murmures), s.
Nous avons perdu deux jours, parce que l'Assemblée n'a pas voulu expliquer si elle entendait comprendre les gens de couleur. (Aux voix !) >
La seule question est de savoir si les gens de couleur sont compris dans l'initiative. Si vous voulez les comprendre, vous direz oui ; si vous ne voulez pas les comprendre, vous direz non. (Aux voix / aux voix !) ;\i
La loi est faite, si vous avez voulu les comprendre; sinon, il faut faire la loi.
Ainsi je demande que la question soit posée en ces termes : L'Assemblée nationale, par son décret du 12 octobre, a-t-elle entendu comprendre les gens de couleur, oui ou non ? Voilà la seule manière de la poser. (Applaudissements.)
Monsieur Dupont, vous avez déjà failli perdre le commerce par le traité de commerce avec l'Angleterre, par votre opposition aux assignats; vous voulez l'achever dans la question des colonies.
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question.
Je vais répondre très sommairement : 1° à l'objection faite par M. Grégoire ; 2° à la proposition que vient de faire M. Dupont.
A l'obiervation faite par M. Grégoire, je réponds que Je fait ne résout pas l'observation qu'on vient de faire. En effet, Messieurs, je l'avoueraiil y a deux jours que j'étais étonné que jamais on n'eût abordé le point de la difficulté. Je n'étais malheureusement pas inscrit sur la liste ; même tous mes voisins peuvent attester que je leur ai dit que le véritable point . de la question était, ainsi que M. Barnaye vient
dé lé Répéter, que, d'après vos décrets des 8 et 28 mars, 11 f avait deux choses à distinguer : les.assemblées qui étaient déjà formées et celles qur pourraient se former de nouveau.
'Pour les assemblées qui étaient déjà forniées, vous les avez expressément confirmées, et c'est à elles que vous avez déféré l'obligation on la commission de vous émettre leur vœu sur leur constitution.
Pour celles qui n'existaient pas, vous avez dit qu'elles seraient formées et convoquées suivant un mode déterminé, mode que vous avez fixé, dans vos instructions ; et c'est à elles seules que s'appliquent les instructions du 28 mars et par conséquent l'article 4 de ces instructions.
Il est évident que les assemblées qui existent ont un droit que vous leur avéz transmis irrévocablement.; si cela est vrai, la difficulté n'est pas résolue. Par la citation de M. l'évêque de Blois, il ne résulte pas du fait cité que vous puissiez aujourd'hui rendre un décret dont la conséquence serait qu'il faudrait anéantir les assemblées existantes, ce qui est iiripossible...;
Je demande la parole.
car si l'on demandait au-i'ourd'hui4 envertu de la déclaration que propose t. .-Grégoire, et qui est vraie pour les assemblées à former* si l'on demandait aujourd'hui ^à revenir et à réformer une assemblée ancienne, tous ceux qui sont dans cette asssemblée et les. électeurs vous dira ent : c'est une chose inconcevable, car vous avez confirmé ces assemblées-là et, aujourd'hui, vous voulez les anéantir.
Quant à la proposition de M. Dupont, j'y réponds en un mot II est impossible dé poser la question comme il le propose ; car, ri on la posait ainsi, il faudrait répondre tout à la fois oui et non : oui, pour les assemblées formées ; non, poi*r les assemblées à former. {Murmures et applaudissements.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
D'autres membres demandent que l'abbé Sieyès soit entendu.
Vous ne pouvez, Messieurs, fermer la discussion sur l'Assemblée nationale elle-même; ce n'est pas pouf moi, c'est pour elle que je demande la parole. (Aux vtiix !)
M. Barnave a promis de répondre à mes observations ; s'il n'a pas tënu Sa parole eh ce moment, ilrà tenue d'avance. Voici ce qu'il disait le 28 mars et sur qtioi PAs?emblée nationale à rendu son décret: «Pour connaître le vœu des colonies, il est indispensable que l'on forme des assemblées coloniales, soit dans celles où il n'en existe pas encore, soit dans Celles où les assemblées existantes ne seraient pas autorisées par la confiance des citoyens ».
J'argumente de là ët je dëmdndë si les assemblées déjà existantes étaient autorisées par la confiance des Citoyens lorsqu'une très grande quantité de citoyens n'ont pas été appelés à les former. (Murmures et applaudissements.)
J'ajoute' que, dans les assemblées existantes, il faut distinguer trois choses : il faut considérer les personnes qui y ont été appelées, et qiii s'y sOnt trouvées ; les blancs qui rie s'y sûùt pas trouvés ; et les hommes de couleUt-, également libres, ayant lés mêrnfes droits que lès blanés qui n'y ont pas été appélési.
Je démande si* en fermant, la porte à tons ceux qui,défait, nç s'y sont pas trouvés, vous excluez également et les blancs qui: n'y ont pas été, et les hommes de couleur qui avaient tous autant de droit d'y être. (Applaudissements.) Ceux qui ne. se, sont pas trouvé^ assemblée,^ ri'ont-ils do no plus le droit de concourir à l'émission du vœu des colonies ?
Ma proposition revient dans toute [ga force ; ,il faut que nous sachions que.les sont les personnes que nous consultons, à.qui rassemblée donné le droit d'émettre le vœù sur l'initiative des lois à faire et sur l'État dés personnes.
Je vous observe encore que la doctrine que j'avance dans ce moment est non seulement celle de l'Assemblée, mais aussi celle des comités. Le comité de vérification a décidé que les hommes de couleur libres avaient le droit d'être députés à l'A semblée nationale et vous n'avex point infirmé cette décision t (Murmures.)
Plusieurs membres : Elle rie nous a pas été présentée..
C'est au moins l'opinion du comité de vérification ; c'est celle de l'Assemblée nationale qui n'a pas infirmé bette uëcisioh. (Nouveaux murmures.)
Jè demande si, en principe génétfàl, lès homme S de couleur ne peuvent pas êtré députés à l'AsSeM-blée nationale. S'ils ont le droit d'être députés à l'Assemblée nationale, à plus forte ràison ont-ils celui d'être députés aux assemblées coloniales.
Au reste, je bë veiix pas compromettre mon ptethier raisonnement par le Recoud et je rentre dans le pribCipe.
Je' crois que l'Àséemblée n'a rien de mieux à fairë. flue de décréter étk cë moment la question préalàble sur tout le projet des comités. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix I
met aux voix la question préalable sur la totalité du projet de décret des comités, sauf le renvoi à ces mêmes comités pour qu'ils présentent un nouveau projet.
(Une première épreuve est douteuse.)
Je renouvelle l'épreuve.
(Une seconde épreuve a lieu.)
Sur sept personnes qui composent avec moi le bureau, quatre pensent qu'il y a du doute. Je vais faire l'appel nominal.
(Il est procédé à l'appel nominal.)
L'Assemblée décrète par 378 voix contre 276 qu'il y a lieu à délibérer sur le projet dé décret des comités.
àntiOHce l'ordre du jour de demain et lève la séâncë à cinq heures.
à la. sèance de l'assemblée nationàlè du
Nota. — Postérieurement au décret, rendu le 12 mai 1791, M. le JGurt présenta au nom du comité de la marine un rapport concernant les travaux du port de Cherbourg. Ce rapport'fut
imprimé et distribué^ mais comme il ne fut dans la suite l'objet d'aucune discussion; nous l'insérons ci-dessous.
RAPPORT fait au nom du comité de la marine par M. de Curt, député de la Guadeloupe, sur Vétablissement de marine ordonné par le roi à Cherbourg. — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs,
Un grand intérêt politique se présente aujourd'hui à votre décision, vous devez prononcer sur l'établissement militaire commencé à Cherbourg vers la fin de 1783, Les travaux de la rade touchent à leur terme, et l'opinion publique est encore incertaine sur les avantages que l'Etat doit eu attendre.
G'est pour fixer cette opinion que votre comité m'a chargé de faire toutes les recherches qui pourraient conduire à la conviction. Secondé dans ce travail par le ministre de la marine, les dépôts de son département m'ont été ouverts ; les officiers militaires et d'administration employés à Cherbourg ont exécuté ayéc beaucoup de zèle l'ordre de me fournir les fenseignements qu'ils pouvaient avoir; et c'est, pour ainsi dire; par. le choc des opinions et les leçons de l'expérience, que votre comité s'est confirmé dans les principes que jé vous propose de consacrer.
Vous n'attendez pas sans doute, Messieurs, que je rappelle ici toutes les questions qu'il m'a fallu approfondir pour détruire les doutes qui s'élevaient à mesure que je m'instruisais davantage. J'ai toujours pensé que les détails et les discussions qu'ils entraînent dans vos comités ne doivent vous parvenir qu'autant qu'ils peuvent influer sur vos décisions. C'est donc par les grands traits qu'il convient de vous convaincre; et ce qui doit inspirer une grande confiance aux hommes chargés de; rapports importants,, c'est le tact des vérités, c'est, le sentiment prompt des con venances qui dominent dans celte Assemblée, toutes les fois qu'elle n'est point agitée par des factions, et qui, par une espèce de commotion électrique, portent au même instant dans tous les esprits la même impression, et ne font qu'une volonté générale de toutes les volontés particulières.,
Encouragé par cette observation, j'ai dû-réduire à quelques points principaux mon rapport sur la raue de Cherbourg. "
Je chercherai d'abord dans l'histoire de la marine française les faits qui ont conduit, après une longue expérience, à la ferme résolution d'avoir dans la Manche un établissement de marine.
J'exposerai ensuite les raisons qui ont fait donner la préférence à la situation de-Cherbourg.
Fixant alors votre attention sur les différents projets présentés au ministère, je vous dirai comment'il se décida pour celui dés caisses coniques.
Enfin, après avoir suivi l'exécution de ce projet, et les événements qui ramenèrent au plan d'une digue en pierres perdues, je tâcherai de prouver la nécessité d'achever un établissement commandé par la politique, et qui, malgré quelques imperfections, honorera toujours les hommes de génie qui ont osé l'entreprendre, et sera une époque glorieuse du règne ae Louis XVI.
première partie.
Les malheurs de la fiougue, qi^e tous les t%-
lèntô de Tourvillé ne purent empêcher, apprirent à Louis XlYi qu'en perfectionnant là, défense de ses frontières de terre, il avait trop négligé ses frontières de mer. Ce prince qui savait s'instruire par l'expérience, rie tarda pas à reconnaître que l'Angleterre avait dû sa supériorité aux établissements militaires qu'elle possédait dans la Manche. Il voulut s'assurer les mêmes avantages, et le maréchal de Yauban fut chargé, par ses ordres, de visiter les côtes de Normandie, de mettre à l'abri d'entreprises hostiles tous les lieux favorables au débarquement, et de donner ses projets sur les travaux qu'il jugerait nécessaires.
Ce grand homme, dont le génie embrassait tous les intérêts politiques, ne vit pas seulement les avantages des postes de guerre. Après avoir ordonné des batteries à la Hougue, une tour qui subsiste encore, un hôpital d'une vaste étendue, en forme de lazaret, il parcourut les côtes de Cherbourg. Son inspection fit connaître au gouvernement que la rade de cette ville offrait des moyens d'attaque, de défende et de protection, capables d'influer sur les guerres maritimes, et sur nos rapports commerciaux avec les puissances du Nord. Ce qui est certain, et ce qui paraît confirmer cette opinion, c'est que le maréchal de Vauban désigna le.pré du roi pour y creuser des bassins, et qu'il nomma Cherbourg Yauberge de la Manche.
La France commençait alors à gémir sous le poids des impôts. Louis XIV, affaibli par 40 ans ae victoires, avait à soutenir la guerre ruineuse, mais légitime de la succession d'Espagne. 11 remit à des temps plus heureux le projet de Vauban ; projet dont l'exécution eût pu sauver à l'Etat les malheurs des guerres maritimes soutenues par Louis XV, et assurer aux forces navales, développées par son successeur, les moyens de réduire l'Angleterre au degré de puissance que comporte cette nation et qui convient à la balance politique de l'Europe.
Quoi qu'il en soit, le règne de Louis XIV s'acheva sans qu'il fût possible de commencer une .entreprise aussi utile. La conspiration dirigée par le cardinal Albéroni sousJa minorité de Louis XV, la guerre-qui en fut la suite et les effets désastreux du système de Law, éloignèrent encore toute idée d'avoir daos la Manche un établissement de marine;
Il appartenait sans douté au ministère économique du cardinal de Fleury d'exécuter ce que les malheurs des temps n'avaient pas permis d'entreprendre : mais ce ministre qui laissa tranquillement la France réparer ses pertes, et s'enrichir au milieu de la paix par un commerce immense, ne pensait pas qu'elle eût besoin de marine pour jouer un grand rôie dans le système politique des nations. Cette opinion, funeste dans un homme qui tenait les rênes du gouvernement, fut cause qu'il laissa dépérir nos vaisseaux dans les ports ; et lorsqu'en 1738 des hommes habiles voulurent en revenir au projet de Vauban, le cardinal, fidèle à son système, n'approuva que travaux du port marchand, pour assurer une relâche à des convois escortés par de moyennes frégates.
Près de 20 ans s'écoulèrent encore, et les Anglais, toujours maîtres de la Manche,'se permettaient de visiter.jusque sur nos côtes les bâtiments qui la traversaient. Le maréchal de Belle-Isle, deveriu ministre parce qu'il passait alors pour l'homme le plus capable de conduire un Etatj voulut détruire cette espèce de despotisme maritime. Il se rendit en Normandie, accompagné
de plusieurs officiers de la marine et du génie. ' Ce voyage, entrepris au milieu d'une guerre funeste, ne produisit d'autre effet que de reveiller l'attention de la Grande-Bretagne sur nos vues d'établissements * Cette naiion, gouvernée alors par un homme qui ne laissait échapper aucune occasion de nous humilier et de nous affaiblir, fitattaquer Cherbourg. L'armée anglaise débarqua sans obstacles, et, dans l'espace de 10 jours, détruisit les quais, les jetées, après ayoir incendié plus de 40 bâtiments de différentes grandeurs. C'est ainsi que le port, marchand de Cherbourg perdit en un instant, faute de précautions, les fruits de 20 ans de travaux et d'iudustrie. ,
On se rappelle assez l'état déplorable où se trouva la France à l'époque de la paix de 1763, pour ne pas s'étonner de l'inertie du gouvernement jusqu'à l'époque de la guerre pour l'indépendance de l'Amérique et pour la liberté des mers. Les plaies faites aux finances de l'Etat sous les deux derniers règnes commençaient à se cicatriser, lorsqu'il fallut soutenir à main armée notre alliance avec les Etats-Unis. Le roi qui, venait de créer une marine, sentit plus que jamais l'inconvénient de manquer d'un port de retraite qui permît en tout temps, de paraître dans la Manche, et servît d'asile aux convois expédiés des mers d'Allemagne et de la Baltique pour approvisionner nos flottes, et apporter dans nos arsenaux les échanges du Nord. Il était.trop tard pour s'occuper de ce grand projet. Aussi l'armée combinée de France et - d'Espagne, forte de 69 vaisseaux, qhi aurait pu finir la guerre en 1779, ne fit qu'une croisière inutile. Affaiblie par les .maladies, obligée de rentrer dans le port, elle n'emporta d'autre avantage que celui d'avoir retenu en Europe la plus grande partie des forces .de l'Angleterre, et facilitée par cette diversion, les .opérations de la partie de nos vaisseaux qui agissaient en Afrique, en Asie et en Amérique.
Cet événement produisit la ferme résolution de s'établir dans la Manche. Plusieurs ministres se disputèrent l'honneur d'y concourir. Celui de la guerre s'empressa de faire protéger par des forts l'entrée de la rade de Cherbourg, pendant que celui de la marine faisait reconnaître les côtes depuis Dunkerque jusqu'à Granville, et mûrissait en silence le dessein de mettre à jamais nus convois et nos escadres à l'abri des vents et des insultes xle l'ennemi.
Enfin l'Angleterre demanda la paix et l'obtint. 'Déjà les vues du gouvernement étaient fixées, et .Cherbourg avait la préférence sur la, Hougue. C'est ici que commence l'en^agemeut que j'ai pris de vous présenter les motifs de cette importante décision.
DEUXIÈME PARTIE.
Depuis le voyage de Vauban sur les côtes de la Normandie, jusqu!en 1778, tous les projets présentés au ministère tendaient à construire un grand établissement de marine. Les uns croyaient Cherbourg plus propre à cette destination : d'autres donnaient la préférence à la Hougue. Cette différence d'opinions était une preuve de l'insuffisance de nos lumières en intérêts maritimes. La France portait alors tous ses moyens vers ses forces de terre ; l'esprit public,ainsi dirigé par le système du gouvernement, perfectionnait ce genre d'attaque et de défense lorsqu'on se doutait à . peine des ressources qui pouvaient nous conduire à disputer à l'Angleterre la supériorité qu'elle affectait sur toutes les mers.
Le règne de Louis XVI ayant ramené aux vrais principes politiques, les idées se fixèrent de nouveau sûr les forces navales. Des hommes degénie en combinèrent l'ensemble et les rapports. L'activité nationale présida aux constructions, et bien tôt la France vit Sortir, de ses ports, des escadres qui obtinrent ou. disputèrent toujours la victoire à celles de l'Angleterre^ fortes de leur nombre et du souve* nir d'un siècle de succès;, et qui,, lors même qu'elles éprouvèrent un échec, parurent encore assez redoutables pour décider cette nation à demander la paix. Ainsi le développement de nos forces navales rendit à l'Europe la liberté des mers, assura à l'Amérique son indépendance, instruisit les hommes de l'art sur les combinaisons des campagnes, et démontra plus que jamais la néces^ site d'assurer des points de retraite à une escadre battue par les vents; ou par l'ennemi, même à une escadre victorieuse.
Dès qu'on se place au cçntre des intérêts politiques, il est difficile de ne pas découvrir tôt ou tard les opérations qui leur conviennent, Avant la guerre pour l'indépendanceTles opinions étaient partagées entre la Hougue et Cherbourg. A mesure que l'expérience étendit les observations, on sentit davantage qu'avant çle préférer un local il fallait déterminer l'espice d'établissement qu'il était nécessaire de former ; seule manière de ne pas sacrifier de grandes dépenses pour.de petits résultats. ,
On reconnut d'abord que la marine française n'avait pas besoin d'un nouveau port d'armement, encore moins d'un grand département dans la Manche. Brest, Rochefort, et Lorieot suffisent dans l'Océan aux armements projetés pendant la guerre et à la garde des vaisseaux pendant la paix. û'aUr leurs, s'il est inutile de multiplier les .grande dépôts des forces navales, il est plus dangereux encore d'eu placer un dans le voisinage des" nations ennemies. De quelque défense qu'on puisse ^'environner, sa situation provoque sans cesse des entreprises hostiles ; et l'on sait trop que les mesures de la prudence et les efforts du courage ne garantissent pas toujours des effets dù hasard ou des attentats de la trahison.
Ce qui manquait à nos es adres, une fois sorties des ports, c'était un lieu de station- dans le canal, un asile voisin du théâtre de leurs expéditions les plus importantes, où elles pussent se retirer malgré la présence d'une armée supérieure, et sans jamais y être retenues ou fatiguées par les vents ; c'était enfin un établissement qui contînt tout ce qui est nécessaire aux réparations d'une escadre désemparée..
D'après ces principes, il était difficile de ne pas se décider pour une rade sûre et fermée à l'impétuosité de la mer-et des vents du large, avant de s'occuper d'aucun ouvrage relatif à la construction d'un bassin : car un port de guerre, ne peut, exister, s'il n'est précédé d'une bonne rade. Par cette marche sage ,et politique, le gouvernement s'assurait à jamais un établissement, et se, réservait les moyens de l'agrandir et de le perfectionner selon les temps et les circonstances. Il n'était pas à craindre qu'une guerre malheureuse en forçât la démolition. On peut bien exiger dans un traité qu'un port, un bassin, des fortifications soient comblés ou détruits; mais lès ouvrages sous l'eau ne sont point soumis à la toi du plus fort : le temps même les consolide, lorsqu'ils ne contrarient pas'les lois immuables de la nature.
Le projet d'une rade étant ainsi adopté, il s'agissait de choisir, le* lo,cal le plus favorable. La
rivière de Pontrieux, par la profondeur de son lit sur un long espace, offrait dts avantages; mais sa situation trop rapprochée de l'extrémité occidentale de la Manche, près de laquelle on trouve le port de Brest, faisait désirer un autre local plus près du centre et mieux placé pour offrir un abri aux escadres venant de l'ouest, et à celles que les vents de l'est pourraient ramener.
D'autres positions, telles qu'Ambleteuse ou Boulogne, trop voisines du Pas-de-Calais, présentaient les mêmes inconvénients. C'était donc au centre de la Manche qu'il fallait chercher un poste qui pût commander tout le canal, inspecter les côtes de l'Angleterre, surveiller les mouvements de ses forces navales, et inquiéter tes convois qui sortent de ses ports ou veulent y rentier.
La Hougue et Cherbourg partagèrent alors les opinions. Le choix longtemps discuté fut longtemps incertain. Enfin, on compara leurs avantages respectifs, et les doutes dispai urent. C'est par un semblable rapprochement que je dois justifier la décision qui en fut la conséquence.
La rade de Cherbourg, située au milieu de la Manche, en commande également les différents points, et se trouve le poste le plus avancé vers les côtes de l'Angleterre. Le fonds y est généralement d'argile et de terre glaise couverte de sable lin. Les vaisseaux mouillés près de la côte ont plusieurs débarquements faciles. La moitié des vents de la boussole seconde leur arrivée et leur départ; et dès qu'on a doublé 1 île Pelée d'un côté, ou la pointe de Querqueville de 1 autre, la manœuvre des vaisseaux et des armées n'est gênée par aucun écueil. On peut dès lors passer a l'ordie de bataille, de marche, ou de convoi, en presence même d'uue escadre ennemie.
!Si la rade de la Hougue réunit quelques-uns de ces avantages, elle a aussi de grands inconvénients dont celle de Cherbourg est exempte. Traversée par les courants terribles du raz de Bailleur, et des vays d'isigny, les vaissiaux ne peuveut éviter debout au vent. Forcés de mouiller à plus d'une lieue et demie de terre, ils sont subordonnés à l'heure des marées pour le départ et le retour de leurs chaloupes. La mer du Nord leur occasionne des roulis et des tangages al-ireux. Souvent la force des courants ou celle des marées, qui ne varient jamais, s'opposent à toute communication avec la terre; et dans les autres circonstances, le débarquement est aussi long que pénible. Enfin le gisement des côtes du Cotentin ne laisse que le quart des vents de la boussole pour l'entrée, la sortie et le mouvement des flottes.
Il faut convenir que la rade de la Hougue a beaucoup plus d'étendue ; mais elle est resserrée par des écueils. Ou ne peut mouiller qu'à une certaine distance des pointes de Gavandal et du Banc-du-Bec; ce qui gêne l'ordre et l'ensemble si né essairis à une armée pour exécuter ses mouvements avec préci.-ion.
A Cherbourg, le fonds est plus régulier, le mouillage mieux protégé par le feu ues batteries, moins coupé par les bancs et les pointes de terres; plus propre surtout, parce qu'il y a moins de courants, à une armée qui sYmbosse par ordre de division pour défendre elle-même l'entrée de la ra le.
A des avantages d'une aussi grande importance, Cherbourg réunissait encore celui d'un moindre espace a fortifier; 3,600 toises seulement séparent l'île Pelée de la pointe dé Quer-
queville,' et cependant on trouve dans cette étendue une superficie de mouillage de 1,300,000 toises. Les proportions de la Hougue sont bien différentes. Avec un développement de 8,000 toises, la rade n'en contient que 1,500,000 de su-perlicie qui soient propres au mouillage. Enfin, une considération de la plus haute importance ajoute une force décisive aux raisons de détail qui militent en faveur de Cherbourg. Les vents de nord-est, qui mettent en mer tous les convois de l'Angleterre depuis les Dunes jusqu'à l'extrémité de Cornwal, s'opposent, pour peu qu'ils soient forcés, à la sortie des escadres qui seraient stationnées à la Hougue; au lieu qu'avec les mêmes vents, les vaisseaux mouillés à Cherbourg, sortant par la passe de l'Ouest, se trouvent en position de suivre et de joindre les armées anglaises dont la marche est nécessairement retardée par les convois qu'elles escortent.
Le résultat de cette comparaison, qu'il serait possible de pousser plus loin avec le même succès, assura la préférence à Cherbourg. M. le ma-récnal de Castries avait alors le département de la marine. Ce ministre, jaloux d'exécuter sous Louis XVI une entreprise dont Louis XIV avait conçu l'idée et reconnu le besoin, obtiut facilement l'approbation du roi. Différents projets furent discutés au conseil. Voyons, Messieurs comment le choix s'arrêta sur celui des caisses coniques.
TROISIÈME PARTIE.
Le gouvernement avait envoyé, en 1780, une commission pour examiner les côtes de Normandie. M. Lambert de Paimpol, qui en était membre, présenta à son retour un plan pour fermer la rade de Cherbourg aux vents du large et aux brû.ots qu'une escadre ennemie pourrait y lancer.
M. de la Bretonnière, officier de la marine, attaqua avec succès le plan de M. Lambert. Il fit voir que la rade ne serait point défendue, que la jetée qui devait partir du furt du Hommet, et se prolonger u'environ 1,000 toises dans la direction du nord-est, ne mettrait qu'une partie delà rade à l'abri des vents du nord-ouest ; qu'une plus grande partie resterait exposée aux vents du nord, et que la totalité serait battue par les vents du nord-est.
Examinant ensuite la direction de la jetée, M. de la Bretonnière démontrait que les vaisseaux seraient enfermés par la mer et les vents du nord-est. Il prouvait enfin que cette rade recevant la forme d'une ellipse, au fond de laquelle ces mAmes vents viendraient se briser, il en résulterait un mouvement de ressac ou de réaction vers le centre, qui rendrait la mer très houleuse, et fatiguerait extrêmement les vaisseaux au mouillage.
Pour éviter ces inconvénients, M. de la Bretonnière, revenant au projet qu'il avait présenté en 1778, insistait avec une nouvelle force sur la nécessité de jeter un rempart à pierres perdues sur un fonds de 40 ou 50 pieds. Il voulait fermer l'espace compris ëutre la pointe de Querqueville et l'île Pvlée, par le moyen de trois jetées sous l'eau, et ménager cependant quatre passages de 4 à 500 toises de largeur, pour assurer davantage les mouvements des escaures.
Les moyens qu'il présenta pour la construction ayant paru incertains, le ministre de la marine consulta le directeur des fortifications de Normandie. Sans rejeter entièrement l'idée des digues en pierres perdues, cet officier marqua des doutes
sur le succès de cette entreprise. Il craignait que des pierres sans liaison ne fussént facilement déplacées par les gros temps du large, et transportées sans cesse vers l'intérieur delà rade. Il proposa en conséquence d'établir un cordon de grandes caisses de charpente, remplies de maçonnerie, pour retenir les pierres qui formeraient le rempart.
En modifiant ainsi le projet de M. de la Breton-nière, le directeur des fortifications de Normandie ne présenta rien de positif sur l'évaluation des caisses de charpente, et sur les moyens de trouver un local propre à les construire à l'abri du gros temps et à portée d'être mises à flot, pour être conduites à leur destination. Ainsi ce projet, et l'examen officiel qui en fut la suite, ne produisirent d'autre effet, que de persuader généralement de l'insuffisance des pierres perdues et des moyens de solidité que l'on proposait d'y ajouter..
Au milieu de ces incertitudes, M. de Gessart,; inspecteur général des ponts et chaussées, imagina, vers la fin de 1781i un plan absolument, nouveau oour la confection des moles qu'on désirait à Cherbourg. Ce projet, qii consistait à couvrir à une lieue au large cette rade importante, sur une longueur d'environ 2,000 toiles, avec des caisses Goniques placées base à base, présentait en grand l'idée d'une clairevoie formée par des cônes, tronqués. Une chaîne de fer devait, en temps de guerre, fermer l'intervalle de 72 pieds qui se trouvait à la partie supérieure.. Cent vaisseaux de guerre auraient pu mouiller dans la rade dont les deux passes situées aux extrémités eussent été défendues par des forteresses redoutables.
Par cette disposition, la marée montante, ou la mer poussée du large par la tempête, auraient toujours été divisées par la partie supérieure des cônes élevés de 28 pieds au-dessus de son plus bas niveau. Ainsi la mer du large ne pouvant arriver dans l'intérieur de la rade qu'après que sa force aurait été décomposée par les cônes sur une étendue de 2,000 toises, ce système de digues devait nécessairement y procùrer du calme.
La profondeur de la rade étant de 56, 60 et 70 pieds au-dessous de la pleine mer des vives eaux, M. de Gessart donnait à ses cônes 72 pieds de hauteur, et les tenait dans le rapport de ces profondeurs par des dimensions proportionnelles aux sondes, prises à des distances invariables.
L'expérience ayant démontré que la poussée latérale des pierres élevées en forme conique sur un angle de 60 degrés à la base, ne produit qu'un effort de 6 livres de pression par pied carré contre la charpente de l'apothème, il avait déterminé en conséquence les dimensions des cônes suc 144 pieds de diamètre à la base, 65 ou 72 pieds de hauteur perpendiculaire, réduisant le diamètre supérieur à 60; de manière que la superficie de la base du cône se trouvait de 450 toises carrées, et celle de la plateforme supérieure de 78 toises.
La masse entière du cône, remplie préalablement de pierres perdues, devait produire 2,400 toises cubes, en y comprenant le tassement inévitable sur le fond de la mer. La.pesanteur du bois, du fer et du lest élevait conséquemment cet'e masse au poids de 96 millions de livres.
Ainsi; quand même la totalité du cône eût été couverte d'eau, le volume du fluide déplacé étant égal à celui de la masse du cône, mais n'ayant qu'un poids de 36 millions, il restait au cône une force excédante de 60 millions pour résister
aux efforts de la mer dans les plus grandes tempêtes. Sa configuration même augmentait cette force. Rien en effet n'est plus propre'à la décomposition de la lame, que la forme circulaire et inclinée de l'obstacle qui loi était opoosé.
Les procédés de l'exécution étaient parfaitement calcules. La charpente des cônes, bâtie sur la plage, devait ensuite être soulevée et mise à flot par la mer montante, an moyjn d?ùn cordon de grosses tonnes vides fixées tout autour de la base, et tout ce système de corps fiottants devait être remorqué jusqu'au lieu de sa destination. Alors on détachait- successivement les tonnei qui faisaient flotter la caisse, et l'immersion ainsi ménagée sur le fonds qu'elle devait occuper, n'éprouvait aucune secousse. Aussitôt des bâtiments chargés de pierres versaient dan3 le cône le volume nécessaire pour l'appuyer, car il ne fallait pas perdre uu moment pour lui assurer la stabilité calculée contre les gros temps. 90 niasses de cette espèce placées base à base, et rangées dans une direction déterminée, devaient former les môles de la rade de Cherbourg.
Quoique la dépense de l'enveloppe de chaque cône prêt à flotter dût s'élever à plus de 200,000 livres, la masse d"S digues était tellement diminuée par cette invention, qu'elle promettait une grande économie. Le ministère, séduit par tant d'avantages, ordonna les fonds nécessaires pour une épreuve en grand de la construction et de la navigation d'une caisse conique. On la fit au Havre, le 8 novembre 1782. La caisse fut facilement remorquée à 300 toises du rivasre, ramenée et échouée avec le même succès, au lieu où elle avait été construite.
Ainsi l'invention des cônes, les procédés de leur flottage et de leur immersion, la possibilité d'obtenir plus promptement une rade fermée dans la Manche, les combinaisons même de l'économie firent donner la préférence au projet de M. de Gessart. En vairi on voulut y opposer celui des bateaux-caisses; l'examen sérieux qui en fut fait ne laissa plus de doute sur le'choix des moyens; on ordonna en conséquence qu'il serait fait une seconde épreuve à Cherbourg, et toutes les oré-cautions furent prises pour monter une administration qui poussât vigoureusement les travaux. 11 est temps d'examiner ce qui en fut la suite, et quel est l'état actuel d'une rade sur la bonté de laquelle il existe encore tant d'opinions différentes,
QUATRiÈME PARTIE.
Le succès de l'épreuve faite au Havre avait inspiré une telle vénération pour les caisses coniques, que les hommes le3 plus enclins à en attaquer le projet furent forcés de garder le silence. Ils attendirent les événements. La première épreuve faite à Cherbourg leur fournit bientôt les moyens de se faire entendre.
La caisse construite et éprouvée au Havre en 1782 avait été démontée et transportée vers la fin de juin 1783 au lieu de sa destination. Dès le 15 septembre suivant, elle se trouva reconstruite et prête à naviguer. Une tempête qui dura trois jours,brisa les tonnes, rompit les amarres, pt mit hors de service tout le gréament. Ainsi rien de ce qui était nécessaire au flottage n'échappa à la violence des vents et à la fureur des flots. Cet accident funeste ayant décidé à laisser le cône sur son chantier pendant l'hiver, on remit sa navigation et son immersion au printemps de l'année 1784.
Dans cet intervalle, les partisans des autres méthodes de construction renouvelèrent leurs, propositions. M. de Gessart s'attacha à les combattre et à prouver la nécessité de ne pas abandonner lès Cônes. Ses raisons parureut victorieuses, et l'ordre du roi fut donné pour construire quatre nouvelles caisses et compléter le premier essai (Jui avait été ordonné.
Celle qui avait été terminée et sur le point d'être placée l'année précédente fut enfin heureusement conduite le 6 juin 1784, et coulée à environ 600 toises de l'île Pelée pour former l'extrémité des digues du côté de l'Est. Elle aurait dû, l'être à 300 toises plus au large. On attribue cette faute à la direction des feux du fort que le département de la guerre avait fait construire sur l'île Pelée, et dont il fallait ménager la protection pour l'entrée de la rade. Mais, quelque raison qu'on puisse alléguer, on regrettera toujours la perte du plus grand espace que l'on pouvait se procurer, et qui eût fait de Cherbourg un des plus beaux postes militaires des marines de l'Europe.
Quoi qu'il en soit, il fallut pour les immersions subséquentes suivre la npuvelle direction, à laquelle la position de la première caisse assujettissait la ligne des cônes. Une seconde caisse ayant été remorquée la nuit du 7 juillet, fut çoulée base à base dans l'ouest de la première, suivant le projet d'après lequel tous les cônes devaient se suivre et se toucher immédiatement.
Yous vous rappelez, Messieurs, que, pour assurer leur solidité, il'fallait les remplir de pierres. Un gros temps, qui survint le 18 août, surprit le Becond cône avant qu'on lui eût donné cette force de résistance- Sa charpente fut entièrement brisée par la mer jusqu'au niveau des basses marées ; c'est-à-dire, jusqu'à la partie qui se trouvait soutenue dans son intérieur. Cette expérience, fortifiée par celle du premier cône qui dut sa stabilité à sa perfection, inspira une grande confiance pour l'avenir, et lit presser les préparatifs de l'année suivante.
Mais, pendant qu'on cherchait à profiter de l'hiver pour multiplier les moyens d'accélérer lès travaux, un nouveau système préparait des Changements considérables au projet de M. de Cessart. On faisait entendre que la pierre répandue au pied du cône brisé par la tempête, empêcherait d'en couler un troisième, à toucher Ka base, et qu'il resterait entre celui-ci èt le premier une ouverture qui ne serait suscéptible d'aucune espèce de défense.
Un motif plus réel fut présenté. L'opération du flottage et de l'immersion ne pouvant être entreprise avec sûreté que pendant les grandes marées gui ont lieu deux fois par mois, en mai, juin et j uillet, on démontra que, si l'on persistait à former la digue des cônes base à base, la clôture de la rade de Cherbourg exigerait 18 ans de travail. Cette considération décida à espacer les caisses coniques, et à remplir les intervalles par des digues en pierres perdues élevées de quelques pieds seulement au-dessus des plus basses mers; et comme on ne doutait point alors que ces Caisses ne contribuassent à la solidité de l'ouvrage, en raison de leur nombre et* de leur rapprochement, on fixa leur distance à 30 toises.
Telle fut l'origine du système mixte qui détruisit sensiblement celui des cônes, par l'éloi-gnement progressif auquel ils furent graduellement ; portés. Les accidents multipliés qu'ils éprouvèrent à mesure qu'on les espaçait davantage, donnèrent une grande faveur aux partisans
des digues. Ceux du système des caisses auront cependant toujours à opposer qu'on ignoré si les cônes placés base à base, et se prêtant un mutuel appui, n'éussent pas formé un rempart capable de résister aux attaques de la mer, surtout, si, comme le proposait M. de Cessart, on eût pu établir, dans leur partie émergée, une maçonnerie solide de granit et de pozzolàne qui, en soutenant et défendant leur charpente, en eût prolongé la durée»
Quoi qu'il en soit, au lieu de 90 cônes qui devaient fermer la rade de Cherbourg, 18 seulement, espacés depuis 25 jusqu'à 286 toises, furent échoués à différentes époques. Ceux que la mer n'avait point brisés, furent recépés en 1789. Un seul, le plus à l'est de l'île Pelée et couronné en maçonnerie, sert encore à indiquer aux bâtiments l'extrémité des digues et le commencement de la passe. C'est celui qui fut coulé le 23 juin 1786 en présence du roi qui s'applaudissait de pouvoir forcer la nature, pour rendre à la navigation française la supériorité qu'elle devait avoir dans la Manche.
A mesure que le nouveau système triomphait de l'ancien, les travaux se suivaient avec une activité toujours croissante. Le versement des pierres fut tel, qu'à la fin de 1790, les digues conduites jusqu'à leur extrémité du côté de l'ouest, terminèrent la construction d'un môle près de 2,000 toises de longueur sur 30 à 32 pieds de hauteur» 360,000 toises cubes de pierres à 42 livres la. toise avaient été employées à cette entreprise, qui d'ailleurs a coûté jusqu'à ce moment une somme de 31,215,635 livres, et qui exige encore une somme de 879,684 livres pour niveler le sommet des digues à une même hauteur, c'est-à-dire Un peu au-dessus du' niveau des basses mers ordinaires;
Vous n'attendez pas, Messieurs, gue, détournant votre attention au grand objet qui vous occupe, j'examine scrupuleusement l'emploi de ces fonds année par année. Ce qu'il importe de vous dire, c'est qu'il ne paraît pas qu'il y ait eu aucune espèce de dilapidation. Ceux qui prêtent dent qu'on aurait dû dépenser beaucoup moins ne veulent pas voir que l'entreprise d'une rade fermée en pleine mer était absolument neuve, qu'il était impossible de calculer avec précision la valeur d'un travail sous l'eau, subordonné d'ailleurs à la fureur d'un élément dont la force destructive n'est jamais bien connue que par l'expérience. Vous devez remarquer aussi qu'il a fallu tout créer à Cherbourg, que la population de cette ville était bien au-dessous de ses besoins, qu'il n'y avait sur les bords de la mer aucun des établissements qu'exigeaient les constructions projetées, qu'il a. fallu former une espèce d'arsenal, construire des cales et des chantiers, élever des .magasins pour la marine et des casernes pour les troupes; qu'enfin, pour se défendre du mode toujours ruineux de conduire ces sortes de travaux par économie, pn a été forcé de chercher une compagnie puissante pour l'ouverture des carrières, la confection des chemins et le transport des pierres.
L'adjudication de cette fourniture avait été faite à 45 livres la Joise cube versée en rade. M. le maréchal de Castries la réduisit d'autorité à 42 livres. Ce prix paraît aujourd'hui excessif, et permet de penser que les entrepreneurs ont fait une grande fortune; mais quelque prévention qu'on veuille donner contre de tels avantages, il serait injuste de s'élever contré des bénéfices achetés par de grands risques et l'avance de
capitaux considérables. Il n'est aucun dé vous qui ne sente combien il a fallu de moyens et 'industrie pour ouvrir les carrières qui ont "fermé la rade dé Cherbourg. Si l'on objectait que la toise cube de pierre ne coûte que 25 livres depuis l'exécution du décret que vous avez rendu, le 12 mai dernier, sur ma proposition, vous vous rappelleriez que les entrepreneurs actuels n'ont d'autres frais à faire que l'extraction et le transport de la pierre.
Mais ce n'est pas de ces détails qu'il convient de vous occuper. Qu'importe en effet qu'on ait dépensé plus de 31 millions à Cherbourg, si le but politique de cette entreprise se trouve rempli, -si l'Etat est assuré d'avoir un poste dans la Manche?
Pour que la rade de Cherbourg procure les avantages qu'on a le droit d'en attendre, il faut pouvoir compter :
1° Sur la solidité des digues qui la ferment;
2° Sur sa capacité ;
3° Sur la tranquillité des bâtiments;
4° Sur la sûreté contre l'ennemi.
Si l'on veut apprécier la solidité des digues, il faut rechercher quel peut être sur cet amas de pierres l'effet de l'action continue des vagues pendant une longue suite d'années; si cet effet doit avoir un terme; dans quel état enfin se trouvent les digues, lorsque la mer n'a plus d'action sur la forme qu'elles ont prise.
L'agitation des eaux n'étant jamais assez forte sur le fond de la rade pour y rouler des pierres d'une certaine grosseur, il résulte que la mer ne peut effacer entièrement les digues ; que leurs matériaux, soumis dans la figure extérieure de leur masse à des changements successifs, ne peuvent cependant être divisés, et forment toujours un amas continu; que ces amas peuvent bien s'abaisser en élargissant leur base, mais que cette base ne se déplace jamais ; qu'enfin l'agitation de l'eau diminuant par degré de la surface au fohd, il y a nécessairement entre ces: deux termes un point au-dessus duquel les pierres peuvent bien être transportées, mais où la force des lames est incapable de produire ce mouvement, de manière que le sommet des digues une fois abaissé jusqu'à ce point, leur masse et leur figure deviennent invariables.
Ainsi, plus la forme primitive des digues diffère de celle que la mer doit leur donner, plus elle doit éprouver de changement avant de parvenir à l'état de stabilité qui lui est nécessaire.
Les grands effets de la nature viennent à l'appui de ces réflexions. Les côtes sont communément formées de matériaux mobiles, de pierres, de graviers, de sables, que la mer a transportés et auxquels elle a donné elle-même un arrangement stable. Les matériaux les plus pesants, tels que les pierres et les galets, se sont fixés sur les pentes les plus rapides. Les côtes qui en sont forr mées ont Une pente de 10 à 12 pieds de longueur par pied d'inclinaison. Les graviers ne peuvent se fixer qu'avec une pente plus douce. Enfin les plages de sable présentent partout des talus infiniment plus doux, et dont la pente est souvent moindre que la centième partie de la longueur. Ainsi, l'inclinaison des côtes est d'autant moins rapide, que leurs matériaux sont plus mobiles. Ainsi chaque espèce de matière affecte, dans son état d'équilibre avec la mer, un degré de pente qui lui est propre.
Les bancs sous l'eau étant soumis aux mêmes lois, il est facile d'en Taire l'application aux digues de Cherbourg. Au moment de la basse mer,
elles sont une côte factice opposêe'aux flots, placée en avant de la côte naturelle. Sont-elles couvertes par la mer, elles ont la même stabilité que les bancs formés par la nature. Mais, dans l'un et l'autre cas, il faut qu'elles aient acquis l'inclinaison convenable aux matériaux dont elles sont composées.
C'est ce qui est arrivé. Leur talus extérieur avait été arbitrairement réglé à un pied de pente sur trois do longueur. La mer, en réparant cette erreur, a fixé ce- proportions à un pied sur huit à dix, ce qui assure aux digues de Cherbourg la solidité des ouvrages de la nature.
Je dois maintenant lever les doutes répandus en 1789 sur la capacité de l'espace qu'elles renferment. Le gouvernement, alarmé sur la profondeur de la rade et la superficie propre au mouillage, nomma deux commissions pour vérifier séparément ces objets, de manière qu'elles pussent contrôler réciproquement le résultat de leurs travaux.
Cette double opération eut lieu vers la fin de la même année. Les résultats furent semblables quant à la profondeur de la rade. Les différentes parties où les vaisseaux peuvent mouiller ont depuis 25 jusqu'à 43 pieds d'eau au-dessous de la plus basse mer.
Les deux commissions ne furent pas également d'accord sur la qualité des fonds ; mais à quelques différences près, qu'il faudra cependant vérifier d'une manière incontestable, la capacité de la rade doit contenir au moins quarante vaisseaux de ligne, espacés entre eux comme le furent en 1779, dans la rade de Brest; les vaisseaux de l'armée combinée de France et d'Espagne.
Telle est l'opinion la plus généralement reçue sur la capacité de la rade de Cherbourg, opinion fondée sur des épreuves légalement ordonnées, et contradictoirement exécutées. Il est temps de fixer celle qu'on doit avoir de la tranquillité intérieure de cette rade.
Un mouillage est sûr et commode, quand les lames du large sont sensiblement brisées* quand la navigation par les chaloupes est presque toujours praticable. Or* les digues de Cherbourg produisent ces effets. Dans les gros temps» et lorsque la mer est haute, on aperçoit sur toute leur longueur le brisement des vagues; preuves certaines qu'elle dépense contre ces obstacles une partie de son action, qui réagit jusqu'à la surface, et dont l'inférieur de la rade se trouve conséquemment garanti. Cet effet augmente rapidement à mesure que la mer descend, et lorsqu'elle est tout à fait basse, le sommet des digues qui se trouve plus élevé de quelques pieds, opère dans la rade une tranquillité absolue. Ainsi l'agitation périodique qui succède à cette tranquillité n'est que momentanée, et n'a lieu que pendant la marée haute. Quand même, la tenue des bâtiments en aurait souffert, ce qui n'est point encore arrivé, il reste toujours un inter- val le de quelques heures pour rafraîchir les câbles, et regagner le terrain par la chasse d'une ancre. Ces observations reçoivent une nouvelle force de l'expérience faite sur les vaisseaux le Srillant et le Triton, mouillés à Cherbourg depuis 2 ans. Les plus forts coups-de vents d'hiver n'ont pu leur faire éprouver la moindre avarie; et vous savez que les travaux n'avaient point alors la solidité qu'ils ont acquise depuis ces époques. Mais si la rade n'a rien à craindre de Ja violence des vents, et des courants, il faut aussi qu'elle soit à l'abri d'entreprises-jiostiles, et je
dois vous dire quels sont les moyens qui établissent la sûreté militaire.
Dans les plus hautes mers, les digues de Cherbourg n'étant couvertes que dp 18 pieds d'eau, il est impossible qu'aucun vaisseau de guerre puisse les franchir; une armée ennemie ne peut donc pénétrer que par l'espace laissé aux extrémités, et alors elle se trouve squs le feu ou du fort Royal ou du for.t de Querqueville. Le premier est déjà dans un çtat respectable de défense que le second acquerra bientôt. '
Les brûlots pourraient à la vérité franchir les digues dans lés hautes marées ; mais ces bâtiments qu'il faut toujours abandonner à eux-mêmes, aussitôt qu'ils sopt enflammés, n'obéissent guère qu'aux courants. Ainsi ceux qui régnent dans la Manche, ay^nt une direction parallèle aux digues, emporteraient dans cette même direction les brûlots destinés à ineendier soji intérieur.
Mais rien n'assuré encore le "mouillage de Cherbourg contre lé feu des galiotes à bombes, pu d'une armée supérieure, qui, pour attaquer nos vaisseaux, se placeraient en dehors des digues, à égales distances des forts situés aux deiix extrémités.
Pour remédier à cet inconvénient, les uns proposent d'élever une partie des digues, d'autres veulent en élever la totalité au-dessus des plus hautes mers, et trouvent dans ce projet le double avantage de défendre la riade, et d'y procurer en tout temps un calme absolu. Tous s^accordent à placer de distancé en distance des feux croisés, et en attendant proposent d'y suppléer par des bombardes et des batteries flottantes. Enfin, Messieurs, il n'y a qu'une opinion pour s'occuper, à l'ouverture de la campagne prochaine, d'un établissement qui assure à des vaisseaux désemparés les moyens de recevoir les premières réparations nécessaires pour être en état de regagner Brest. C'est cet établissement que j'avais en vue lorsque j'eus l'honneur dé vous proposer, le 12 mars dernier, d'affecter l'abbaye de Notre-Dame-du-Veeu et ses dépendances au service du département de la marine.
J ai parcouru, Messieurs, avec quelque étendue les principaux faits qui ont rapport à l'établissement de Cherbourg. Si j'ai pu saisir la vérité que je m'étais proposée pour but, vous conviendrez sans peine que l'idée de cet établissement maritime était grande et politique, qu'il a fallu une constance rare pour persévérer dans l'exécution d'un projet qui a éprouvé toutes sortes d'oppositions et d'obstacles; qu'enfin le succès de cette étonnante entreprise, auquel vos ennemis même ne voulaient pas croire, assure une reconnaissance éternelle aux hommes d'Etat qui ont su forcer la nature et l'opinion publique.
Vous avez donc une ra ie à Cherbourg, déjà protégée à l'est par le fort Royal, à l'ouest par le fort de Querqueville, au sud par le fort d'Artois; 1,900 toises de digues, élevées au-dessus des basses mers, procurent la tranquillité du mouillage, et renferment un espace où quarante vaisseaux et un grand nombre de frégates ou bâtiments de transport sont assurés de trouver un asile.
Mais ces avantages, les plus difficiles à obtenir, ne suffisent pas. Il faut perfectionner tous tes ouvrages, et ajouter ceux qui manquent au complément d'un établissement maritime. Il convient donc de faire examiner sur les lieux tout ce qui reste à entreprendre, et de confier cette mission importante aux hommes les. plus sûrs et les plus expérimentés. . y
Alors vous assurez à jamais ai»x armées, aux convois, au commerce (^e^rapce, un a*ile contre les fureurs de la mer, et la supériorité possible de forces ennemis. Vous balancez, par la position seule de Cherbourg, tqvis les avantages que procure à l'Angleterre , une côte abordable en tous les temps et couverte de rades et de ports aussi vastes que commqdes; maîtres de survéil-1er ses plans de campagne, et de contrarier à votre gré ses opérations, vous l'obligez à ne par raître dans la Manche qu'avec des escadres nombreuses. Enfin vous* la menacez sans cesse, par le voisinage des forces françaises, du genre d'attaque qu'elle redoute le plus, celui de porter rapidement la guerre jusque dans ses foyers.
Des raisons, sur lesquelles il esf permis de s'ar-jrêftey avec plus dp complaisance, voi^s invitent encore à perfectionner les travaux de cet établissement. Jusqu'à présent votre, commerce avecJe Nord a élé presque nul. J'ai vu,'pendant la guerre dernière, le Sund et la Baltique couverts de bâtiments anglais, lorsque je cherchais en vain le pavillon de ma patrie. J'ai vu ces mêmes bâtiments, après avoir choisi dans les chantiers les objets qui devaient assortir leurs cargaisons, voguer tranquillement sarçs escorte, et regagner leurs ports, comme si les temps heureux de là paix eussent assuré leur retour. D'où venait uqe supériorité si décidée ? Les Anglais avaient des ports dans la Manche, et la France ne présentait dans les mêmes parages que des écueils et des dangers.
C'est pour mettre un terme à une inégalité aussi désastreuse que votre comité, approuvant les travaux entrepris à Cherbourg, vous propose le décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, ouï son comité de marine, décrète :
« 1° Qu'il sera fait un. fonds extraordinaire de 631,284 livres pour çomplé er la somme de 881,284 livres demandée pur le ministre de la marine, pour exécuter le rechargement général des digue de Cherbourg;
« 2° Qu'il serà fait un examen de la rçde .de Cherbourg pour constater les avantages qu'on peut en retirer dans son état actuel, et reconnaître ceux qu'on doit attendre du complément de cet établissement ;
« 3° En conséquence, il sera dressé des projets de toutes les constructions nouvelles qui seront jugées utiles pour la perfection des digues, les moyens de défense, et les établissements nécessaires aux réparations, radoubs et ravitaillements des escadres, et aux secours à donner aux malades et blessés;
« 4° Décrété que son Président se retirera par devers Je roi, pour supplier Sa Majesté de nommer des commissaires à cet effet, et d'y envoyer en même temps une frégate qui sera spécialement chargée'de vérifier les fonds de toutes les parties de la rade, en mouillant successivement dans tou3 les points. »
A LA séance de l'assemblee nationale du
liste des députés (1) qui ont i)0té pour VAngleterre contre la France, dans la question de savoir si VAssemblée nationale 'sacrifierait ses colonies : oui ou non, le 12 mai 1791,
Pour sacrifier les colonies :
MM. Abbé Grégoire.
Pétion de Villeneuve.
Destutt de Tracy.
Robespierre.
Gaultier-Biauzat.
De Lafayette.
Louis Monneron, député de l'Inde.
Lanjuinais.
Abbé Sieyès.
Liliaz de Croze.
Girod de Chévry.
Girod de Toiry.
populus.
Prez de Crassier.
Aubry-du-Bochet.
berthomier de la vlllette.
Goyard.
Laurent.
Le Brun,
. Boissy-d'Anglas.
Chouvet, curé.
De France.
De Saint-Martin.
Mangin.
Vadier.
Aubert, curé.
Baillot.
Martin d'Auch.
Ramel-Nogaret.
Perrin de Rozières.
Bouche.
Bouvier.
Castellanèt.
Durand-Maillane.
Peloux.
De Cussy.
Mollien.
De Wimpfen.
Hébrard.
joubert, curé.
Marchais.
pougeard du llmbert.
Ratier de Montgkion.
Ghastenet de Puységur.
Chavoix.
Delort de Puymalie .
Colonna de Rocca.
Peretti della Rocca .
Salicetti.
Benoist.
Merceret.
volfius.
Baudouin de Maison-Blanche.
Delaunay.
De Neuville.
Palasne de Ghampeaux.
MM. Paulhiac de la Sauvetat.
Burnequetz.
Guilloz curé.
La Poule.
Delacôor-D'Ambézieux.
Richard.
Buschey-Desnoes.
Buzot.
Lindet.
Bordeaux.
Glaye.
Périer.
Billette.
Abbé Expilly.
Le Gendre.
Le Goazre de Kervélégan.
Leguen de Kérangal.
Lelay-Grantugen.
Moyot,
Prudhomme de Kéraugon.
Tréhot de Clermont.
Dom verguet.
chambon de latour.
Rabaud-Saint-Etienne »
voulland.
De Lartigue.
Perez.
Roger.
de la terrade.
La Glaverie de la Chapelle.
Pélanque-Bérault.
Perez {Emmanuel).
De Lujœ-l'Étang.
de Sèze.
Dumas-Gonthier.
Lafargue.
Lavenue.
Jac.
Fermond de Chapeliêres.
Gérard (père).
Glezen.
Lancelot.
Lebreton.
Lemoine (Va\nê).
Varin.
Auclerc-des-Gottes.
Baucheton.
poya de l'herbay.
Guépin.
Nioche.
Pison du Galand fils.
Babey.
Grenot.
De Mailly de Ghateau-Renaud.
Basquiat de Mugriet.
Larreyre .
MaUriet de Flory.
Dinocheau.
Druillon.
Branche.
Richond.
Francheteau de la Glaustière.
latyl.
maupassant.
Bazin.
Delahaye-Delaunay.
De Rancourt de Villiers.
Salomon de la Saugerie.
Boutaric.
poncet d'elpech.
Boussion.
Brostaret.
François.
Renaud.
Termes. Bizard.
Brevet de Beaujour.
De la Reveillère de Lépeaux.
Leclerc.
Le Maignan.
Pilastre.
Rangeard.
Riche.
Ango.
Besnard-Duchesne.
Le Sacher de la Pallière.
Vieillard.
Brouillet.
De Brulart de Genlis de Sillery.
Labeste.
Moutier.
Prieur.
Pruche.
Vieillard (fils).
Gombert.
Guyardin.
Laloy.
Monnel» curéf.
Allard.
Prugnon (fils).
Regnier.
vlard.
Bazoche..
Marquis.
Ulry.
Boullé.
corentin le floc.
coroller du moustoir.
Lucas de Bourgerel.
Perret de Trégadoret.
Tuaut de la Bouverie.
Anthoine.
Dumaine.
Duquesnoy.
Emmery.
Genot, curé.
Rcederer.
Verdet.
Marandat d'Oliveau.
Picard de la Pointe.
Robert.
Besse, curé.
Bouchette.
Ghombart
Delattre de Batzaert.
Linselle.
Mortier.
Nicodème.
Perdry.
pllat.
d'ailly.
Dauchy.
Delacour.
Langlier.
De Meurinne d'Ewatine.
Millon de Montherlan.
oud aille.
Poulain de Beauchêne.
Bévière.
Camus.
Leclerc.
Poignot.
Vignon.
Brassart.
Latteux.
Payen.
Petit.
Riquier.
MM. Vaillant.
Andriett.
Dorn gerle.
Huguet.
Vimal-FLouvat.
Barrère de Vieuzac.
Dupont.
Graffan.
Roca.
MeYer.
Pfliéger.
couderc.
Durand.
Goudard.
Jamier.
Millanois.
Périsse-Duluc.
Richard.
Trouillet.
Gourdan.
Rousselet.
Fricaud.
La Coste, curé.
Merle.
Oudot, curé.
Sancy.
Abbé de Talleyrand.
Chenon de Beaumont.
Livré.
Ménard de la Groye.
Afforty.
Buffy.
Chevalier (Etienne). .
Guillaume.
Hauducoeur.
De Boislandry.
Lenoir de la Roche.
Mathieu de Montmorency.
Papin.
Bourdon.
Bordier.
Davost.
Duport.
De Noailles.
Rousselet.
Tellier.
Agier.
Briault.
Jallet, curé.
Féraud.
Gardiol, curé.
Lombard de Taradeau.
Mougins de Roquefort, curé.
MouGfNS de Roquefort.
Sieyès de la Beaume;
Ballard, curé.
Biroteau de Burendières.
Bouron.
Gallot.
Bion.
Creuzé de Latouche .
Dumoustier de la Fond.
Dutrou de Bornier.
Lesterp.
Chantaire.
Cherrier.
Petit-Mengin.
Gillet de la Jacqueminière.
Jeannet.
Marie de la Forge.
Heureusement que 378 patriotes ont empêché l'effet du complot, et fait prolonger la délibération au leudemain.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M.Chabert de la Ch arrière, député de la Guadeloupe à VAssemblée nationale, sur le projet de décret présenté, au nom des comités de Constitution, de la mariné, d'agriculture et de commercé et des colonies, à la séance du 7 mai 1791, sur les colonies (1).
Messieurs,
Les colonies regardent depuis longtemps comme décrété le premier article du projet qtii vous est présenté par vos 4 comités, puisque vous leur en avez donné la promesse dans le préambule de votre décret du 12 octobre dernier. Cette promesse, qu'elle soit la conséquence ou non du décret du 8 mars, est exprimée de la manière la plus formelle, et les colonies se reposent sur la foi nationale.
Vous êtes instruits des diverses causes qui ont fait, depuis la Révolutionne malheur de plusieurs colonies. Il est temps de vous faire connaître l'influence que vos décrets ont eue sur la tranquillité dont la Guadeloupe a paru jouir, et ce soin n'est point étranger à l'objet de la discussion.
Cette colonie, la plus considérable des îles du Vent, la seule qui soit susceptible d'une grande augmentation de culture, avait été menacée plusieurs fois de devenir un objet d'échange par des traités contraires aux droits des peuples. Elle fut la première, après la Révolution, qui donna à son assemblée coloniale une organisation propre à s'occuper de la proposition de sa constitution, et le premier article de ses pétitions exprima le désir qu'elle avait de ne jamais cesser de faire partie de l'Empire français.
Bientôt ce travail fut troublé par la nouvelle du système qui tendait à détruire les propriétés coloniales; bientôt la Guadeloupe en ressentit les effets précurseurs. Des propagateurs perfides de ce système furent arrêtés dans plusieurs quartiers; et l'on fut assez heureux pour découvrir une conspiration dont il n'y avait pas eu d'exemple parmi les esclaves depuis les premiers temps qui suivirent la fondation de la colonie, Elle devait opérer la destruction de tous les colons : une procédure le constate.
On ne pouvait prévoir quelle serait la suite de ces circonstances alarmantes, lorsque la nouvelle de votre décret du 8 mars arriva à la Guadeloupe. On s'empressa de le publier, sans eij attenare l'envoi officiel. Il éloignait les mesures du déses^ poir; et, en consacrant l'union des colonies à la métropole, il paraissait détruire pour toujours le projet des rivaux de la France, chef-d'œuvre de fa politique mo ierne, trop longtemps secondé par le délire d'une fausse philosophie.
Les instructions du 28 mars, qui accompagnaient le décret, n'occasionnèrent alors aucuns débats. L'Assemblée nationale avait déclaré, par le décret du 8, qu'elle n'avait pas entendu comprendre les colonies dans ia Constitution décrétée pour la France, et elle leur accordait l'initiative
sur celle qui pouvait leur convenir. Il né vint à l'idée de personne, ce qui aurait paru une contradiction, qu'elle eût entendu appliquer la disposition de l'article 4 des instructions aux hommes de couleur libres, qui ne jouissaient ni du droit de voter dans les assemblées de paroisses, ni de la plénitude des droits civils; c'est-à-dire que personne n'imagina que l'Assemblée nationale, en laissant aux colonies le droit de proposer leur constitution, eût commencé par eu détruire entièrement une des bases essentielles.
Heureusement les écrits qui ont jeté des doutes sur cet article, et par lesquels on a voulu faire considérer comme provisoire le décret du 8 mars; heureusemeut ces écrits, qui ont causé tant de maux ailleurs, ne sont parvenus que très tard à la Guadeloupe; mais, lorsqu'ils y arrivèrent, ils firent naître de nouvelles alarmes, d'autant plus dangeryeuses, qu'elles servirent à diviser les esprits sur les principes de vos décrets. Celui du 12 octobre fut reçu assez à temps pour arrêter les progrès du désordre; et, dans cette colonie comme dans toutes les autres, il a été le signal du ralliement et de la soumission aux principes qui établissent la souveraineté nationale.
Depuis ce temps, l'ordre et le calme ont régné à la Guadeloupe dans tous les ateliers, au moyen des cautions qui ont été prises à l'entrée de la colonie; et les dernières lettres s'accordent à dire qu'il ne reste plus aux nègres qu'un sentiment d'indignation contre ceux qui les provoquent et qui nuisent à leur bonheur, en troublant les rapports moraux que l'habitude, les soins et la reconnaissance entretiennent entre eux et leurs maîtres.
C'est lorsqu'on reçoit de la Guadeloupe ces nouvelles heureuses; c'est lorsqu'on apprend l'arrivée de l'escadre à la Martinique, et que la remise des forts permet d'espérer le retour de la paix dans cette colonie, longtemps dévastée par les horreurs de la guerre civile; c'est lorsqu'à Saint-Domingue une nouvelle assemblée coloniale se forme pour saisir les moyens qui doivent résulter, pour le rétablissement de l'ordre, de la soumission de tous au décret du 12 octobre, et de la confiance qu'il inspire; c'est,dans ces circonstances qu'on nous propose de revenir sur nos décrets et sur notre promesse !
Votre décret du 8 mars est nul, et les propriétés coloniales ne sont plus garanties, si vous ne décrétez l'article constitutionnel que vous avez promis le 12 octobre dernier. Cet article n'attendait que son lieu pour être placé ; et vos comités vous indiquent ce lieu et le moment que vous avez marqué vous-mêmes : celui de l'organisation des colonies, pour laquelle ils sont assem-* blés par vos ordres ; et cependant j'ai entendu proposer et appuyer la question préalable contre cet article.
Que ceux qui n'approuvent pas l'initiative que voi^s avez promise apprennent cette vérité, que' les colonies à sucre, destinées par leur nature à être dépendantes, ne peuvent appartenir qu'aux nations qui protégeront leurs moyens actuels de culture. Qu'ils cessent de lutter, pour le malheur de tous, qui est sans doute loin de leur pensée, contre la nécessité des choses, qui Condamne à n'exister que par cette condition, ces riches établissements dont toutes les puissances maritimes envient la possession. .
Je ne m'arrête pas à combattre l'injustice et le danger d'un système déjà réjeté par l'Assemblée nationale, et qu'elle proscrira sans doute aujourd'hui d'une manière encore plus formelle; je me.
hâte de discute? ce qui a rapport à l'article 2 du firojéj; de décret, qui concerne particulièrement es hommes de couleur libres.
On a prétendu que l'Assemblée nationale n'avait pas entendu comprendre les hommes de couleur libres dans ces expressions : L'état des personnes; mais pourquoi ces expressions générales, s'il ne s'agissait que de désigner les esclaves ? Ne se rappelle^t-on pas que les alarmes qu'elle a voulu calmer provenaient des doutes répandus et sur le décret du 8 mars et sur les instructions? Que l'on consulte l'adresse de la provincé du nord de Saint-Domingue, à laquelle se rapporte le préambule du décret du 12 octobre; ou plutôt j'en appelle aux écrits mêmes qui ont été publiés contre ce décret, et notamment à la lettre de M. l'abbé Grégoire aux Philanthropes (1).
On a dit aussi que l'exercice de tous les droits, qu'on réclame en faveur des hommes de couleur libres, leur appartenait déjà par ies lois, et l'on cite seulement une disposition de l'édit de 1685, contrarié par d'autres dispositions de la même loi, faite dans un temps où il existait à peine aux colonies une population d'hommes de couleur libres, qu'on pût compter. Ce sont toutes les lois postérieures qu'il faut considérer; et ces lois se rapportent à celles des colonies anglaises et espagnoles.
Il suffit, pour bièn connaître quel était, d'après les lois françaises, l'état des hommes de couleur libres, de consulter le mémoire du roi, enregistré dans les conseils supérieurs. 11 fait apercevoir les raisons politiques de ces lois, et quelles étaient les vues du gouvernement à cet égard. On y voit aussi qu'il entendait donner aux colonies, sur cet objet, une initiative que vous ne ferez que confirmer.
J'ai dit que les lois françaises, concernant les hommes dé couleur libres, se rapportent à celles des colonies anglaises et espagnoles; je dois ajouter que les lois anglaises sont plus défavorables, puisqu'elles mettent des bornes pour eux à la faculté d'acquérir, et qu'elles obligent ceux qui sont sans moyens à se choisir un maître qui réponde de leur conduite. Les lois espagnoles, que je n'ose citer, que parce qu'on s'est prévalu sans les connaître, ne contiennent pas seulement cette dernière disposition; elles la font encore servir à la sûreté du payement des taxes (2) qui sont imposées sur les hommes de couleur libres.
Il est temps d'éloigner votre attention de ces lois odieuses, et de la rendre favorable en la portant vers les États-Unis de l'Amérique, contrées où vous vous glorifiez d'avoir pris les éléments de la liberté. Vous serez moins étonnés des lois de nos colonies, en consultant la constitution de la Caroline méridionale et de la Géorgie, provinces cultivées par des esclaves.
L'article 13 de la constitution de la Caroline exclut tout autre que l'homme blanc, de la capacité de donner son suffrage et d'élire les représentants de sa paroisse.
L'article 9 de la constitution de la Géorgie n'admet que les habitants blancs à voter dans toutes les élections.
Je ne prétends tirer de ces exemples que cette conclusion : qu'il ne faut pas condamner sans examen, dans nos colonies, des choses qu'on voit établies dans des pays libres, dont la cons-
titution récente a supprimé la noblesse et les autres distinctions politiques. Le navigateur n'entreprend pas de traverser les mèrs sans boussole ;" et le législateur, qui croit pouvo r changer les lois d'uu autre hémisphère, doit étudier les raisons locales, dont l'éloignement permet difficilement de concevoir tous les rapports, et qui sont liées à des choses dont il faut nécessairement souffrir et protéger l'existence. C'est là qu'il doit avoir devant les yeux,ces paroles de l'abbé Raynal, qui y trouvent toute leur application, et qui ne seront pas suspectes : « Une grande inno-« vation est. souvent un grand danger, et les ; droits primitifs de l'espèce humaine ne peuvent « pas être toujours les fondements de l'adminis-* tration. » (Hist.philos, et polit., t. Ier, p. 8.)
Dans tous ies temps, la plupart des contrées offrent des constitutions libres, où les droits de la cité sont plus ou moins inégalement partagés. Ce n'est pas une orgueilleuse théorie, mais une politique nécessaire, éclairée par l'expérience, qui a fait distinguer, dans les colonies de toutes les nations en Amérique, la clause intermédiaire des hommes de couleur libres. Les seuls Africains y peuvent être soumis à l'esclavage. De là cette opinion dans laquelle vit le nègre indigène, que sa couleur est vouée à la servitude; opinion qui ne peut être entretenue que par une grande di-tance entre lui et l'homme blanc, et qui nécessite une distinction rigoureusement observée, même après la liberté. A Sparte, 10,000 citoyens, ou plutôt 10,000 soldats exercés dans ses murs comme dans un camp, pouvaient à peine contenir 100,000 esclaves sous les lois rigoureuses de l'élotie. Les habitants des colonies à sucre, dans une proportion encore plus faible de leur nombre à celui de leurs esclaves, vivent avec sécurité, épars dans les campagnes, au milieu des nègre?, contenus par la seule force du préjugé; et ce préjugé permet d'allier à la servitude Je régime Je plus doux et les actes de la bienfaisance. Le préjugé périt, et le prestige puissant qui soutient la cons-^ tiiutioh coloniale est détruit, si l'esclave voit son semblable appelé par la loi à exercer sur les blancs la supériorité politique.
On vous propose cependant de décréter dès à présent, en faveur des hommes de couleur libres, l'exercice des droits.politiques, et de soumettre à des principes absolus la correction d'un ordre de choses dont vos comités ont pensé que les hommes les plus éclairés des colonies avaient besoin de plusieurs .semaines pour concilier tous les rapports. Préférerez-vous des opinions présomptueuses qui condamnent tous les membres de cette assemblée qui ont vu les colonies au projet des comités qui tend à disposer les esprits à des amendements possibles, et à vous procurer à vous-mêmes des notions sur des points que la loi ne doit pas frapper sans les apercevoir ?
Dire que les colons rte proposeront rien de favorable aux hommes de couleur libres, c'est autoriser les premiers à se persuader aussi que l'Assemblée nationale statuera en faveur de ceux-ci au delà de ce qui est juste et raisonnable. Qui ne voit que les colonies, forcées par l'article 2 du projet du comité, d'user de l'initiative, en perdent le droit par le fait? Aussi les députés des colonies s'éiaient-ils bornés à demander à vos comités la disposition du premier article, qui n'est que le principe Constitutionnel annoncé par le décret du 12 octobre. S'ils cèdent aujourd'hui à d'autres vues, c'est par la seule confiance dans la sagesse de l'Assemblée nationale. ,
L'avantage conservé aux colons est de -pouvoir
s'attacher, par des propositions favorables, les hommes de couleur libres : ce qu'ils auront proposé commandera mieux à l'opinion, qu'une loi obtenue sans leur initiative, et dont l'exécution ne peut être calculée sur un système de force. Cette considération doit suffire aux amis de l'ordre et du repos des colonies, à ceux qui croient que le bien même doit s'opérer sans violence, quand rien n'oblige d'agir autrement,
Loin de vous, loin des législateurs français, cette politique affreuse qui a osé vous proposer comme un motif de décréter immédiatement l'exercice des droits politiques en faveur des hommes de couleur libres, celui de les attacher à la Fiance, en les opposant aux colons blancs; étrange et dénaturé système, qui prétend, par la division et le désordre intérieurs, rendre difficile la conquête des colonies 1 Les hommes de couleur lib. es applaudiront eux-mêmes dans les colonies à une mesure inattendue qui les conduit à obtenir sans danger ce qu'il est juste qu'ils espèrent. S'il en était autrement, ce danger s'offrirait contre eux de toute part, même de celle des esclaves, qui souffrent déjà ditficilement dans leurs mains l'exercice de la puissance hérile, et qui auraient à leur imputer la cessation des affranchissements.
Je puis vous faire connaître les dispositions particulières de la colonie que je représente. Elle désirait modifier elle-même les lois qui concernent les hommes de couleur libres, ou en faire de nouvelles. Ce sont les instructions qu'elle avait données à ses députés avant le décret du 8 mars. Elle se repose aujourd'hui sur le décret du 12 octobre. En attendant le succès de ses pétitions, son assemblée coloniale a supprimé la capitulation de 25 .livres établie par les ordonnances sur les hommes et femmes de couleur libres, et elle a réparti sur les facultés des colons la valeur de cette taxe.
Si je suis entré dans cette discussion, ce n'est pas que j'ai pu douter de l'exécution de votre promesse, en même temps que j'ai voulu vous prouver l'injustice des conseils contraires.
Ceux qui osent vous proposer d'oublier votre promesse, en rejetant l'article 1er du projet des comités, offensent la dignité et la loyauté de cette Assemblée. Ceux qui prétendent excepter les hommes de couleur libres, et rejeter eu même temps l'article 2 du projet, vous conseillent dans la forme un acte de puissance plutôt qu'un acte de justice.
Je dois parler avec cette vérité que commandent mon devoir envers mes commettants et l'intérêt de l'État. Les uns et les autres veulent substituer aux alarmes qui ont troublé les colonies les craintes d'une subversion prochaine et inévitable. Ils veulent altérer les liens naturels qui unissent les colons à la métropole; liensque les colons chérissent, qu'ils ont défendus au prix de leur sang et de leur fortune, et qui sont les seuls sur lesquels la justice vous permette de compter.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
donne lecture d'une lettre du ministre de l'intérieur ainsi conçue :
« Monsieur le président,
« Le roi m'a chargé de faire connaître à l'Assemblée nationale que, en exécution de l'article lw de la loi du 10 avril, portant établissement d'une commission chargée de surveiller la fabrication des monnaies, Sa Majesté a nommé commissaires MM. Boutin, Fargès, Dorigny, de Sacy, Tillet, Magimel, Rochon et Solignac.
« Je suis, etc.
« Signé : DELESSART »
Je dois donner connaissance à l'Assemblée d'une lettre qui vient de m'être écrite par le maire de Versailles. Les parents d'une honnête femme, qui a mis au monde 3 garçons à la iols, ont apporté ces enfants à l'Assemblée nationale.
« Voulez-vous (voici ce que m'écrit le maire) voulez-vous lui présenter ce phénomène? Il ne peut qu'être agréable aux pères de la Constitution qui va assurer le bonheur de ces enfants. »
Leur père s'appelle Pierre André Anquetil, porteur de chaise à Versailles ; et, comme il n'est pas fortuné, si l'Assemblée l'agrée, je renverrai la lettre avec l'extrait de baptême au comité de secours. (Assentiment.)
Il faut encourager la population.
(Le renvoi au copaité de secours est décrété.)
, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la chapelle de Font-Sanise dans le canton de la Ciotat (Bou-ches-du-Rhône).
Ge projet dé décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité ecclésiastique, et d après l'arrêté du directoire du département des Bouches-du-Rhône, qui a pris l'avis du directoire du district de Marseille, sur une délibération du conseil général de la commune de la Ciotat et du gré de tous les paroissiens, le tout fait de concert avecl'évê-que du département, décrète que l'église ou chapelle matérielle de Font-Sanise dans le territoire et canton de la Ciotat, sera conservée avec le logement presbytéral accessoire pour former désormais un oratoire où le curé de la Giutat euverrâ, les jours de fêtes et dimanches, un vicaire pour y dire la messe et faire au peuple les instructions nécessaires, ainsi qu'il est porté par l'article 18 du titre 1er de la constitution civile du clergé. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité ecclésiastique, propose un projet de décret relatif à
la cir-t
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique :
« 1° De l'arrêté pris le 4 de ce mois par le directoire du département du Puy-de-Dôme, sur la; délibération du directoire du district et du conseil général de la commune de Clermont, concernant la circonscription des paroisses de xette ville, et de l'avis de l'évêque de ce département;
« 2°'De l'arrêté pris le 9 avril dernier par lé directoire du département du Morbihan, sur les délibérations du directoire du district et de la municipalité de Josselin, concernant la circonscription des paroisses de Cette ville, et de l'avis donné le 9 mai par Gharlès Le Massé, évêquede ce département ;
« 3° De l'arrêté pris le 20 avril dernier par le directoire du département du Finistère, sur la délibération du directoire du district de Quirh-perlé, du 26 mars précédent, concernant la circonscription des paroisses de ce district, et de l'avis donné par l'évêque de ce département;
« 4° De l'arrêté du directoire du département de la Corrèze, du 27 avril
dernier, sur la délibération du directoire du district de Tulle, du 10
mars précédent, concernant la circonscription des paroisses de cette
ville, et de l'avis donné le Xavril par Jean-Joseph Brival, évêque de ce
département, décrète : Art. 1er.
Département du Puy-de-Dôme, ville de Clermont.
« Il y aura pour la ville de Clermont 5 paroisses, savoir : la paroisse cathédrale et celles du Port, de Saint-Genest, de Saiut-Allyre et de Saint-Robert. Elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire du département du Puy-de-Dôme. Les autres paroisses de la ville de Clermont sont supprimées.
Art. 2.
Département du Morbihan, ville de Josselin.
« Les 4 paroisses de la ville de Josselin sont réduites à une seule, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Notre-Dame-du-Ronxier, et comprendra tout l'ancien territoire de ces 4 paroisses.
Art. 3.
Département du Finistère, district de Quimperlé.
« Il y aura, pour la ville de Quimperlé et les campagnes circonvoisines, 2 paroisses, celle de Saint-Colomban et celle de Saint-Michel; elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté susdaté du directoire du département du Finistère.
Art. 4.
« Les églises de Redené et de Tremeven sont conservées comme succursales de la paroisse de Saint-Colomban; et celles de Bellac et de Baye le seront aussi comme succursales de la paroisse de Saint-Michel; lesdites succursales conserveront chacune son ancien territoires
Art. 5.
« Les autres paroisses du district de Quim-
perlé seront réduites aux douze suivantes, savoir: les paroisses de Clohar, de Moëlan, de Riec, deNizon, de Meiven, de Nevez, de Saint-Thurien, de Bannalec, de Kerncvel, de Scaer, de Guerrien et d'Arzanno; lesdites églises seront circonscrites, ainsi qu'il est expliqué en l'arrêté susdaté du directoire du département..
Art. 6.
« Les-églises de Pont-Aven et de Guiligomar seront conservées comme succursales r la première, de Nizon, la seconde, d'Arzanno; elles conserveront chacune son ancien territoire.
Art. 7.
Département de la Corrèze, ville de Tulle.
« La paroisse cathédrale, qui sera desservie dans l'église de Saint-Martin, sera la seule paroisse pour la ville de Tulle et pour sa banlieue.
Art. 8.
« L'église des Pénitents-Blancs, celle de la Visitation et la chapelle d'Alverge seront conservées comme oratoires de ladite paroisse ; l'évêque de Tulle enverra, les dimanches et fêtes, un de ses vicaires célébrer la messe dans chacun de ces oratoires, et y faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions cu-riales. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de Constitution, propose un projet de décret relatif à la nomination du quatrième juge du tribunal de district de Thouars.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée national^, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution,
« Déclare nulles et comme non avenues la décision du directoire du département des Deux-Sèvres, ensemble l'élection du sieur Monnier à la place du quatrième juge du tribunal de district établi -en la ville de Thouars.
« En conséquence, décrète qu'en exécution de la loi du 6 novembre 1790, les électeurs de ce district seront tenus, sur la convocation du procureur syndic, de se rassembler à l'effet de procéder au remplacement du sieur Monnier, et à la nomination du quatrième juge de ce tribunal, dans la forme déterminée par la loi de l'organisation judiciaire. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de Constitution, propose un projet de décret relatif à l'administration de là justice de paix d'Ernetal et portant établissement de juges de paix et tribunaux de commerce.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit : .
« L'administration de la justice de paix, dans la section et canton de la ville de Rouen, séant à d'Ernetal, aura lieu uniformément, et sans distinction, pour son arrondissement, comme pour les huit autres sections.
« Les villes de Perpignan et de Bassia auront chacune deux juges de paix.
« Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Pau, Bavonne, Limoux, Castel-naudary, Coutances et Belvez. »
(Ce décret est adopté.)
(de Nemours), au nom du comité des contributions publiques, Messieurs, parmi les abus qui existent dans l'établissement connu sous le nom de caisse de Sceaux et de Poissy, en voici qui méritent d'être remarqués.
Comme on avait représenté au Trésor natioual qu'il était du plus grand danger que les herbagers ne trouvassent pas d'argent à la caisse, le Trésor national en achète et le prête à la caisse de Poissy qui le do une aux herbagers, lesquels, en grande partie le revendent à la caisse de Poissy qui le revend au Trésor national, lequel le reprêle a la caisse de Poissy qui le redonne aux herbagers qui le revendent à la caisse qui le redonne au Trésor. (Rires.) ,
La ville de Paris a senti les inconvénients de cet ordre de choses; la commune s'est assemblée et a délibéré que l'Assemblée nationale serait suppliée de supprimer l'établissement, mais en même temps d'autoriser la soumission de quelques compagnies qui pourront faire le service à bien meilleur compte.
Nous avons pensé qu'on pouvait condescendre pour le moment aux inquiétudes de la commune et ne prononcer la suppression qu'à partir du 1er juin.
En conséquence, voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale décrète que l'établissement connu sous le nom de caisse de Sceaux et de Poissy sera supprimé à compter du 1er juin prochain. Le bail qui avait été passé aux administrateurs de cette caisse, au prolit du Trésor national, sera résilié à compter au même jour. »
Les marchands de bœufs, les herbagers, lorsqu'ils viennent à Sceaux ou à Poissy, disent qu'ils remmèneront leurs bœufs si on leur donne des assignats ; et, à cause de cela, on leur donne de l'argent. Il semble qu'il vaudrait mieux leur dire franchement : Il n'y à point d'argent, vendez vos bœufs ce, que vous voudrez ou vendez les moyennant des assignats; mais ne "rançonnez pas le Trésor public ;en obligeant d'acheter pour 2 millions d'argent que vous lui revendez ensuite.
L'établissement de la caisse de poissy n'est pas le seul pour lequel on ait cette, complaisance. Il y a des ateliers de charité où l'on donne de l'argent à nombre de personnes; ce dernier objet monte à 600,000 livres, de numéraire. Sans doute, il,ne faut pas rompre quant à présent les ateliers de charité; mais il faut obliger le département de Paris à s'occuper très sérieu-ment de cet objet pour,faire,cesser ces ateliers le plus tôt possible.
J'adopte le projet de décret présenté par le préopinant; je crois seulement qu'il serait nécessaire de mettre le 15 au lieu du 1er juin ; et je demande que l'Assemblée fasse les défenses expresses au directeur du Trésor public d'acheter de l'argent pour aucun établissement, si ce n'est pour les militaires seulement.
(de Nemours)1 rapporteur. J'adopte l'amendement du 15 juin.,
Le département de Paris a cru remédier aux inconvénients dû dernier objet de la proposition de M. Camus en mettant les ouvriers des ateliers de charité à la tâche ; et les dépenses sont si augmentées.qu'actuellement ce qui coûtait 600,000 livres en coûte 800,0QO livres. Arrêtez ces travaux dans ce moiniwt, vous occasionnerez des
mouvements. Le département connaît les intentions de l'Assemblée nationale et il s'y conforme.
il faudrait charger le comité des finances, de concert avec le département de Paris, de nous présenter l'époque fixe où les ateliers de charité de Paris cesseront d'être en activité,
Lss observations que j'ai présentées n'ont pas pour objet d'arrêter les payements des ateliers de charité, mais seulement de renvoyer au comité des finances pour qu'il nous donne l'état des payements pour lesquels on achète de l'argent. (Aux voix! aux voix !)
(La proposition de M. Camus est renvoyée au comité des finances.)
(de Nemours). Voici, avec l'amendement de M. Camus, la rédaction du décret que je vous propose :
« L'Assemblée nationale décrète que l'établissement connu sous le nom de caisse de Sceaux et de Poissy sera supprimé à compter du 15 juin prochain. Le bail qui avait été passé aux administrateurs de cette caisse, au profit du Trésor national, sera résilié à compter du même jour. » (Adopté.)
J'ai vu avec étonnement que les impositions ne rentraient pas et je crois qu'il serait temps que le comité des contributions publiques nous présentât son travail sur la répartition. "
Je demande de deux choses l'une : ou que le comité d'imposition nous dise franchement si, d'ici à huit ou dix jours,il peut mettre le décret en état d'être publié dans les départements, ou que, plutôt, il nous présente une mesure provisoire, un moyen de faire payer sur les anciens rôles, car les nouveaux ne seront peut-être pas faits avant le mois d'octobre. Si les choses restent en effet dans l'état où elles sont, nous consommerons tous nos a-signats et. nous n'en aurons plus pour nos remboursements.
Je voudrais donc qu'on autorisât les receveurs du département de Paris ét des provinces à, recevoir des personnes qui iraient porter des sommes pour leurs impositions, en leur donnant des quittances à valoir sur les inaposiiions qui seront établies.
En conséquence, je demande que lundi prochain le comité des impositions nous présente ses vues et soit chargé de trouver un ïfiôyen quelconque pour que nous ayons des impositions au premier jour.
Je ne crois pas qu'il faille faire payer des acomptes, sur les nouvelles impositions, avant que les rôles soient prêts; mais il faudrait faire payer les arrérages des anciennes, car il y a en ce moment pour plus de 100 millions de rôles non acquittés.
Il y a des communautés qui, depuis 3 et 4 ans, n'ont pas payé, et qui rie Veulent pas payer. Donnez-nous des moyens d'exécution de la loi que vous proposez, voilà où je vous attends.
Lorsque voùs aur'efc'décrété les bases de la répartition et le rôle matrice, il n'y aura plus àfaire, pour les rôles,particuliers, qu'un calcul infiniment court. Nous vous présenterons incessamment notre/rapport; je crois même pouvoir prendre l'engagement, au nom du comité des impositions, ae le présenter dans les,3 pre-
miérs joUts de là sèmàifieprOfchafnë : et l'opé^ ration définitive sera aussitôt terminéè que l'opération provisoire que l'on propose.
(L'Assemblée, consultée, renvoie l'observation de M. Camus ail épmitè d'imposition;)
annonce à l'Assemblée qu'il a présenté différents décrets à la sanction du roi.
, aïi nom du Comité central de liquidation, fait un rapport et propose an projet de décret relatif à la liquidation de différentes sommes faisant partie deV arriéré dèè départements de la, maison du roi, de la guerre et des financés.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, OUÏ le rapport de son comité central de liquidation, gui a renducompte des vèïiticatiôns faites parle directeur général de là liquidation,décrétequ'enconformité de sës précédents décrets sur le remboursement de la dette de l'Ëtat, il sera payé, pour les causes qui vont êtré déterminées, aux personnes qui seront pareillement dénommées, lea sommes suivantes, savoir :
1° Arriéré du département de la maison du roi.
Art, 1er.
Ai,... RebOurs de la Brie, pour remboursement des fournitures et présentation des palmes le di" manche des Rameaux dé l'année 1789^la somme de 600 livres, déduction faite du payement de sa contribution patriotique, formant le montant d'Urtë Ordonnance à lui délivrée le 9 avril 1789f ci......................... 6001. s. d.
Art. 2.
A Benoît de Carisyë, secrétaire des commandements et du cabinet de Madame Elisabeth et-deMesdames,!asomme dè2,500livres, déduction faite du payement du premier tiers de sa contribution patriotique pour Soti entretènement pendant l'année entière 1789, suivant les ordonnances à lui délivrées les 30 juin et 3 décembre 1789, ci...........2,500 » »
Art. 3.
A Jean-François-Antoine etRo-bert-François-Antoine de Bau-terne, frétés, portè-afquèbùses du roi, la somdie de 3,6$0 li» vres, toutes déductions faites, tant pour supplément de traitement pendant l'année 1789, que pour la garde du ma?â« sin des poudres et du cabinet des armes du roi. et aussiléu? récompense pendant la même année 1789, suivànt les ordonnancés en date des 3 et 31 décembre 1789 et 17 juin 1790, ci.,..................3,630 »
Art. .4.
A...;. Peïet, marchand chapelier à Versailles, pour le payement de la fourniture par jui faite aux pages de la chambre du rU pendant l'année
1789, la somme de 1,232 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 6 avril 1790, ci...................1,232
Art. 5.
A.... Bro raccommodeuse de dentelle, pour le payement de ses ouvrages relatifs au service de la chambre de Madame Elisabeth pendant l'année lt89j la somme de 1,126 livres, suivant l'ordonnance à elle délivrée le 18 août 1790j cU.i......... 1,126 i
Art. 6.
A... Mouchet, rédacteur du Glossaire de l'ancienne langue française, la somme de 2,000 livres, pour ses dépenses à cause de la continuation du Glossaire français pendant l'année 1789, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 31 décembre dlté année, ci........... 2,000 »
Art 7.
Aux comédiens italiens, pour indemnité de la dépense de; la garde militaire établie à leur spectacle, et de la dépense des pompes pendant les années 1788 et 1789, la somme de 8,250 livre", suivant les ordonnances à eux délivrées les 1er avril 1788 et 27 juillet 1790, ci.............. 8,250 »
Art. 8,
A... Despriez, secrétaire de là surintendance de la maison de là reine, pour ses nourriture, entretien et logement pendant l'année 1789, déduction faite du premier tiers de sa contribution patriotique, la somme de 3,590 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 1er janvier de ladite année 1789, Ci......... 3,590 »
Art. 9.
Aux administrateurs des missions étrangères, pour leur subsistance, celle des évêques missionnaires aux IndéS, et des filleS établies poUr l'instruction de la jéUhésse, pendant les années 1786, 1787. 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 57,310 livres, suivant les ordonnances à eux délivrées les 1er janvier 1786, 1er janviet 1787, 15 décembre 1788 etl« janvier 1789, ci............. 57,310 »
Art. 10.
A... Sevin de La Penaye, gouverneur des oiseaux de pêche, pour ses gages et apnoiii-tements pendant l'ahnée 1789,
la somme de 900 livres, suivant l'ordonnance à lui dëïi—vrée le 3 décembre de ladite année, ci......... .........900
Art. 11.
A... de Yargemont, commandant à Dieppe, pour ses appointements pendant l'année 1789, toutes déductions faites, la sommeîde 3,550 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 31 décembre 1787,ci......... .........3,550
Art. 12»
Aux sœurs de l'instruction de Casteljaloux, pour leur subsistance pendant l'année 1789, la somme de^500 livres, suivant l'ordonnance à elles délivrée le 31 décembre de la même année, ci.......500
Art. 13.
Aux sœurs de l'instrubtion chrétienne à Tonneins, pour leur subsistance pendant Tannée 1789, la somme de 410.livres, suivant l'ordonnance à elles délivrée le 31 décëhibre de la même année, ci.......410
Art. 14.
Aux sœurs de l'instruction de Gensac, pour les mêmes causes, la somme de 350 livre, suivant l'ordonnance à elles délivrée le même jour 31 décembre 1789, ci. .......350,
Art. 15.
Aux sœurs de l'instruction charitable de Bordeaux, pour les mêmes causes, la, somme de 900 livres, suivant l'ordonnance à elles délivrée le même jour 31 décembre 1789, ci...900
Art. 16.
Aux sœurs de l'instruction chrétienne de Glaisac, pour les mêmes causes, la somme de 435 livres, suivant l'ordonnance à elles délivréé le 31 décembre 1789,ci..........435
Art. 17.
Aux nouvelles catholiques deMontauban,pour lés mêmes causes, la somme de 1,000 livres, suivant l'ordonnance à _ elles délivrée le 5 janvier 1791, ci.......................1,000
Art. 18.
Aux maîtresses d'école dé Saint-Anthonin, pour les mêmes causes, la somme de 150 livres, suivant' l'ordonnance à elles délivrée le 5 janvier 1791, ci...........150
Art. 19.
A... Dutilloy, major de la prévôté de l'hôtel du roi, pour supplément de solde aux brigadiers et gardes de la compagnie préposée à la sûreté des spectacles à Versailles et suite-de la cour, depuis le 28 octobre jusques et compris le 10 décembre 1789, la somme de 602 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 10 décembre 1789, ci........602
Art. 20.
A... Goldohi, maître de langue italienne de Mesdames tantes du roi, pour ce qui lui reste dû de ses appointements pendant les derniers mois de 1789, la somme de 900 livres, suivant l'ordonnance du 3 décembre 1789, ci........900 »
Art. 21.
A... Goldoni, neveu, maître de langue italienne de Madame Elisabeth, pour son traitement pendant l'année 1789, la somme de 1,200 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 3 décembre de ladite année, ci..................1,200
Art. 22. -
A... de la Vallière, pour l'indemniser, pendant le quar-, tier d'octobre 1789, de la non-jouissance de sa maison, dite le petit hôtel de la Vallière, occupée par les personnes de la suite de la cour, la somme de 750 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 7 mars 1790, ci...........750
Art. 23.
A... Simon, maître de clavecin des enfants de France, pour ses gages et ses extraordinaires pendant Tannée 1789, déduction faite du dixième, la somme de 1,350 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 3 décembre 1789, ci........1,350
Art. 24.
A... Jean-Baptiste Bian-chy, médecin de la charité de Saint-Germain-en-Laye, pour ses dépenses et voyages relativement aux soins qu'il prend des malades, tant des hôpi- , taux, que de la capitainerie dudit lieu, et ce pour l'année 1789, la somme de 1,900 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 31 décembre dite année, ci............1,900
Art. 25.
A... Martigny de Murel, Ia-vandier du linge de corps, du
roi, pour l'indemniser de la modicité du produit de sa charge, et pour le payement de ses fournitures, la somme de 490 livres, montant de deux ordonnances à lui délivrées le 31 de ladite année 1789, ci....................490
Art. 26.
A Marie-Anne-Marguerite Bihéron, tant pour compléter les pièces d'anatomie artificielle qui composent son cabinet, que pour lui tenir lieu de traitement, sans retenue, à raison du travail et des soins qu'exigent, soit la garde et l'augmentation de ladite collection, soit les démonstrations qu'elle est chargée d'en faire à la famille royale, et ce pour les 6 derniers mois 1789». la somme de 1,500 livres, suivant l'ordonnance à elle délivrée le 3 décembre de ladite année, ci>..... .....1,500
Art. 27.
A... Cousin, autorisé par justice à poursuivre les recouvrements de la succession de M. Béarn et au nam. des héritiers de M. Béarn, premier écuyer de Mme Victoire, pour ce qui lui revient, à cause du supplément délivré et entretènements dont jouissait feu M. Béarn, et ce à compter du 1er janvier 1788, jour de son décès, la somme de 8,575 livres, suivant l'ordonnance expédiée le 26 décembre 1789, ci.......8,575
Art. 28.
A Anne-Catherine-Adélaïde Hardy de La Brousse, musicienne de la reine, la somme de 1,800 livres, pour ses appointements pendant l'année 1789, déduction faite du dixième, suivant l'ordonnance du 31 décembre 1789, ci....1,800
Art. 28.
A... Caraffe, pour être délivré à dix des violons de la chambre du roi, pour étrennes et bonnes féteâ, dont ils étaient ci-devant payés, sans retenue, sur le fonds de la petite écurie, pendant l'année 1789, la somme de 536 livres, portées en deux ordonnances expédiées les 1er janvier et 31 décembre 1789, ci.......................536
Art. 30.
A... d'Aumont de Pienne, premier gentilhomme de la chambre du roi en survivance,
pour lui tenir lieu de traitement pendant l'année 1789, la somme de 10,000 livres, suivant l'ordonnance. expédiée le 31 décembre de ladite année, ci...................10,000
Art. 31.
A la supérieure de lamaison de Sainte-Pélagie à Paris, pour la fourniture de la demoiselle Brière-de-Brionville, détenue, par ordre du roi, dans ladite maison .pendant, les années 1786,1787,1788, et 1789, la somme de 1,600 livres, suivant quatreordonnan-ces expédiées les 21 avril 1789 et 27 janvier 1791, ci........1,600
Art. 32.
Aux nouvelles catholiques de Paris, pour ce qui leur, reste dû pour leur subsistance et loyer d'une maison contiguë à leur couvent, pendant les années 1788 et 1789, la somme de 14,400 livres, suivant deux ordonnances expédiées les 15 décembre 1788 et 1er janvier 1789, ci..14,400 »
Art. 33........
A... Grenet, receveur de la capitainerie de Fontainebleau, pour remboursement des avances par lui faites pour le service du roi en ladite capitainerie pendant 1788 et 1789, la somme de 2,120 1. 12 s. 4 d., suivant une ordonnance expédiée le 15 novembre 1790, ci.............2,120 12 4
Art. 34.
A... Chapelier,commissaire de police à Saint-Germain-en-Laye, pour supplément d'appointements pendant l'année 1789, la somme de 360 livres, dixième déduit, suivant l'ordonnance expédiée le 31 décembre 1789, ci............360
Art. 35,
A... Delaporte du Theil, adjoint au sieur Bréquigny, pour son travail à l'édition et col-* -lection des chartes pendant les six derniers mois 1789, la somme de 750 livres, suivant l'ordonnance expédiée le 3 décembre 1789, Cf..........750
Art. 36.
A... Alliot de Mussey-, trésorier de la maison de Mesdames tantes, pour ses appointements pendant les années 1788 et 1789, la somme de 16,000 livres, suivant deux ordonnances expédiées le 31 décembre de chacune des années 1788 et 1789, ci........16,000 »
1. s. d.
Art. 37.
A... Thierry, l'un des commissaires du bureau général de la dépense de la maison du roi, pour ses honoraires en ladite qualité pendant les neuf derniers mois 1789, la somme de 18,750 livres, suivant l'ordonnance expédiée le 17janvier 1791,ci..........18,750
Ait, 38.
A.,. Desclaux, garçon de la chambre de là reine én survi- ' " vance pour son traitement, . sans retenue,, pendant les six derniers mois 1789, la somme de 1,500 livres, suivant l'or-r donnance expédiée le 3 décembre 1789, ci.............1,500
Art. 39.
A... Richard, jardinier à Trianon, pour ses gages pendant les six derniers mois 1789, la somme de 1,000 livres, suivant l'ordonnance du 3 décembre de ladite année,ci.........1,000
Art. 40,
A Firmin Coquet, tant en son nom que comme héritier de; son frère, la somme de 1,79$1. 19s., dixième déduit, pour son supplémentd'appointementsà cem mencer du lor j anvier 1788,. jusques et compris le 26 février 1789; et depuis le 27 février 1789, jusqu'à la fin de ladite année, suivant deux ordonnances des 5 et 31 décembre 1789, ci............1,799 19 »
Art. 41.
A... Vassal,apothicaire du roi, pour indemnités, récompenses et service extraordinaire pendantles années 1787, 1788 et 1789, la somme de 14,645 1. 8 s. 4 d., toutes déductions faites,. suivant douze ordonnances expédiées le 29 octobre 1789, ci.......14,645
Art. 42.
A... Vauvilliers, professeur en langue grecque et syndic du collège royal, pour être employée al'entretiendes machines et frais d'expériences des écoles de physique, d'anatomie et de chimie pendant l'année 1789, la somme de 2,000 livres, suivant l'ordonnance expédiée le 15 février 1790, ci................2,000
Art. 43.
A.......Arnoult, compositeur et conducteurdes màchinesde théâtres pour les spectacles de la cour, pour ses appointe-
ments pendant 1787, 1788 et 1789, la somme de 6,100 livres, toutes déductions faites, suivant l'ordonnance du 13 décembre de chacune desdites années, ci.............6,100
Art. 44. |
A... Ghiquelier, :facteur des clavecins de la reine, pour ses appointements et nourritures pendant les années 1787, 1788 et 1789, la somme de 4,050 livres, suivant les ordonnances des 31 décembre 1787 et 3 décembre 1788 et 1789, toutes déductions faites,'ci..4,050
Art. 45.
A... Pascal, facteur de clavecins de Madame Elisabeth et Mesdames tantes du roi, pour appointements et nourritures pendant l'année 1789, dixième déduit, la somme de 900 livres, suivant deux ordonnances des 3 et 31 décembre 1789, ci...................900
Art. 46.
A... Berrurier, marchand quincailler, pour fournitures" par lui faites, pour l'hôtel des gardes de la porte à Versai lies, de 1784 à 1786, la somme de 1,2811. 2 s., suivant l'ordonnance du 17 juin 1790, ci...1,281 2
Art. 47.
A... de la Chapelle, l'un des commissaires du bureau général des dépenses de la maison du roi, pour ses honoraires en ladite qualité pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 6,250 livres, suivant l'ordonnance du 9 janvier 1791, ci..........6,250
Art. 48.
A... Bastin, garde-perche du vol pour corneille, pour récompenses pendant 1788 et 1789, la somme de 900 livres, dixième déduit, suivant l'ordonnance du 3 avril 1790, et un état de récompense du 31 décembre 1789, ci.......900
Art. 49.....
A... Dauvers, dentiste de Mesdames tantes du roi, tant en considération de ses services, que pour l'indemniser de ses dépenses et voyages pendant 1788 et 1789, la somme de 7,500 livres, suivant deux ordonnances des 31 décembre 1788 et 1789,ci,.......7,500 » »
1. s. d.
Chapelains et clers de la chapelle du roi.
Art. 50.
Aux chapelains et clercs de la chapelle et oratoire du roi, pour récompenses de leurs services extraordinaires, et dans l'ordre ci-après établi
A l'abbé du Pugets et à l'abbé Faure, l'un la somme de 349 1. 5 s.,*et l'autre de 724 livres, montant, toutes déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789 et avril 1790, en total, 1,0731. 5 s., ci........1,073 5
Art. 51.
A l'abbé Courtalon, chapelain, et à l'abbé de La Haye, clerc de chapelle, l'un la somme de 216 livres, et l'autre celle de 724 livres, mon-» tant, toutes déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789 et 9 avril 1790, en total, 940 livres ci.....................940
Art. 52.
A l'abbé Gledat, chapelain, et l'abbé Baudot, clerc de la chapelle, l'un la somme de 432 livres et l'autre celle.de 724 livres, montant, toutes déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789 et 9 avril 1790, ensemble celle totale de 1,156 livres, ci.........1,156
Art. 53.
A l'abbé Lebrasseur, chapelain, et l'abbé Lehéricy, l'un la somme de 432 livres, l'autre celle de 724 livres, montant, toutes déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789 et 9 avril 1790, ensemble celle totale de 1,156 livres, ci......1,156
Art. 54.
A l'abbé de Beaudiment, chapelain, et le sieur abbé Gef-fard, clerc de chapelle, l'un la somme de 324 livres, l'autre celle de 543 livres, montant, toutes déductions faites, de trois ordonnances expédiées les 19 août 1789 et 9 avril 1790, ensemble celle totale de 867 livres, ci..............867
Art. 55.
Au sieur abbé Blanchemin, chapelain, et l'abbé Royer, clerc de chapelle, l'u n la somme de 432 livres, l'autre celle de 724 livres, montant, toutes déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789 et 9 avril 1790,
ensemblè celle totale de 1,156 livres, ci.............1,156 » 1
Art. 56.
A l'abbé Pouret, chapelain, et de Vazeilles, clerc de chapelle, l'un la somme de 432 livres, l'autre celle de 724 livres, montant, déductions faites, de quatre ordonnances expédiées les 19 août 1789, 9 avril et 9 août 1790, ensemble celle totale de 1,156 livres, ci....................1,156 »
Art. 57.
A l'abbé Grelet, chapelain, et l'abbé Bessière, clerc aechapelle, l'un la somme de 324 livres, l'autre celle dè 543 livres, montant, toutes déductions faites, de trois ordonnances expédiées les 19 août 1789et 9 avril 1790, ensemble celle totale de 867 livres, ci....867
Art. 58.
A l'abbé d'Avaux, instituteur des enfants de France, pour sa subsistance et en-tretènements pendant l'année 1789, déduction faite du payement de sa contribution patriotique, de la somme de 1,500 livres, suivant l'ordonnance expédiée le 31 décembre 1789, ci................1,500 » »
Art. 59.
A l'abbé Daran, aumônier de la vénerie du roi, pour ses nourritures pendant l'année 1789, la somme de 800 livres, suivan t l'ordonnance expédiée le 31 décembre 1789, ci.....800
Art. 60.
A . . . Brongnart, apothicaire du roi, pour récompense de son service extraordinaire et fournitures pendant les années 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 9,5021. 10 s., suivant dix ordonnances expédiées le 29 octobre 1789, ci..............9,502 10 »
Art. 61.
A Alexandre Parfond, au nom et comme fondé de procuration du sieur Robert, l'un des apothicaires du roi, pour récompense de son service extraordinaire près de Madame Elisabeth, et fournitures peudant les années 1788 et 1789, la somme de 9,502 1. 10 s., toutes déductions faites, suivant huit ordonnances expédiées le 29 octobre 1789, ci.....9,502 10 »
Art 62.
A .... d'Abzac, l'un des
écuyers du roi, commandant au manège de la grande écurie de Sa Majesté, ia somme de 10,000 livres, restant de celle de 30,000 livres, montant d'une ordonnance expédiée le 3 février 1787, à laquelle le roi a réglé la finance dont il s'est chargé pour l'office d'écuyer ordinaire en la grande écurie, dont ledit sieur d'Àbzac avait été pourvu,ci..10,000 « »
Ecurie.
Art. 63.
A différents palefreniers et autres personnes attachées à l'écurie du roi, et dans l'ordre qui va suivre, et d'après l'état général de l'arriéré de ladite écurie, certifié véritable le 3 mai 1790, par M. de La Source, commissaire général de la maison du roi, et visé par M. Guignard, alors ministre du département, et aussi suivant un autre état particulier, aussi certifié véritable par M. de La Source, et ce pour leurs traitements et subsistances des neuf derniers mois de l'année 1789, ainsi qu'il suit :
A ... Godefroy, élève, la somme de 481 1. 5 s., ci.....481 5
Art. 64.
A... Robinot, palefrenier, la somme de 343 1. 5 s.,ci...343 5
Art. 65.
A ... Puteau, postillon de chaise, la somme de 4261.5 s., ci.........................426 5
Art. 66.
A .... Richard, postillon d'attelage, la somme de 550 livres, ci....................550 »
Art. 67.
A.... Désirer, cocher, la somme de 750 livres, ci.....750
Art. 68.
A .... Chapelle, piqueur aux attelages, la somme de 962 1. 10 s., ci.............962 10
Art. 69.
A... Randoulet, piqueur aux attelages, la somme de 9621. 10 s., ci............962 10
Art. 70.
A... Gérard, garçon garde-meuble, la somme de 487 1. 10s.. ci...................487 10
Art. 71.
A... Lainé, garçon garde-meuble, la somme de 487 1. 10 s., ci...................487 10
Art. 72.
A... Lebœuf, garçon garde- . meuble, la somme de 900 livres, ci.................... 900 » »
Art. 73.
A... Pilleteau, garde-meuble, la somme de.4871.10 s., ci. 487 10 »
Art. 74,
,nrwv A... Fauvel cadet, garçon 10,U0tf « » de sellerie, la somme de 550 livres, ci.................... 550 » »
Art. 75.
A... Bourguignon, garçon de sellerie, la somme de 550 livres, ci......................550 » »
Art. 76.
A... Potin, postillon d'attelage, la somme de 550 li vres, ci;....... 550 »
Art. 77.
A... Aubin, palefrenier, la somme de 152 1. 10s., ci.... 152 10 »
Art. 78.
A... Deshayes, porteur sur-; , numéraire, la somme de 4121. 10 s., ci....:............... , , 412 10 »
Art. 79.
A... Beaufils, piqueur aux attelages, la somme de 962 1. 10 s.,ci............................962 10 »
Art. 80.
A... Desbeuf, délivreur, la somme de750 livres, ci....750.
, Art. 81.
A... Julien, cocher, la somme de 750 livres, ci.........750.
Art. 82.
A... Blanchard, cocher, la somme de 750 livres, ci.....750.
Art. 83.
A... Garnier, cocher, la somme de 750 livres, ch.... 750 »
Art. 84.
A... Toutiii, cocher, la somme de 750 livres, ci......... ... 750.
Art. 85.
A. .. Lorcet cadet, cocher, somme de 750 livres, ci........750
Art. 86.
A.... Metivet, cocher, la somme de 750 livres, ci..... . 750
Art. 87.
A... Badin, porteur surnu-r méraire,la sommede4121ivres 10 s., ci................... ; . 412 10
Art. 88.
A... Ghapuy, porteur or-dioaire, la somme de 675 livres, ci............................675 »
Art. 89.
A Rolland...............412 » »
Art. 90 » ,
Au sieur Seuget..........550 » »
Art. 91.
Au sieur Vaillant.........550 » »
Art. 92.
-Au sieur Legros. ;........550 » »
Art. 93.. .
Au sieur Leberne..,......550 » »
Art. 94.
Au sieur Barlouchy......:.550 » »
Art. 95.'
Au sieur Champagne......550 » »
Art. 96, ,
Au sieur Lemoine.........426 5 »
Art. 97.
Au sieur Cheval .........426 5 »
Art. 98.
Au sieur Gauthier.......426 5 »
Art. 99.-
Au sieur Dauguilcourt.....426 5 »
Art. 100.
Au sieur Regnaùd, dit Ri-, vière......................426 5 »
Art. 101.
Au sieur Maresco.t rainé...550 » »
Art. 102.
Au sieur Marescot cadet...550 » »
Art. 103.' '
Au sieur Lespérance......412 10
Art. 104.
Au sieur Rivière.......750 »
Art. 105.
A la veuve d'Archambault. 75 »
Art. 106.
Au sieur Favé...........343 15 »
Art. 107.
Au sieur Barbet...... 343 15 »
Art. 108.; ^
Au sieur Ancel...........343 15 »
Art. 109.
Au sieur Langloi?.; : ; v....343 15 »
Art. 110.
Au sieur Lenoux —.....343 15 »
Art. 111.
Au sieur Lanoix..........343 15 »
Art. 112.
Au sieur Billard..........343 15 »
Art.113.
Au sieur Legrand l'aîné..343 15 »
Art. 114.
Au sieur Gbedoux.......418 15 »
Art. 115.
Au sieur Largillières...'.-.426 5 »
Art. 116.
Au sieur Dumont........487 10 »
Art. 117.
Au sieur Goulbeau l'aîné........440 5 »
Art. 118.
Au sieur Goulbeau cadet........440 5 »
Art. 119.
Au sieur Coulbeau.......426 5 »
Art. 120.
Au sieur Goulbeau.......426 5 »
Art. 121.
Au sieur Eurieux... .......426 5 »
Art. 122.
Au sieur Larosée......426 5 »
Art. 123.
Au sieur Langevin.......481 5 »
Art. 124.
Au sieur Lampe:.......426 5 »
Art. 125.
Au sieur Foiret....... . .426 5 »
Art. 126.
Au sieur Buffet..........426 5 »
Art. 127.
Au sieur Lorrin.........426 5 »
Art. 128.
Au sieur Sorel...........750 » 5
Art. 129
Au sieur Lecointre.......412 10 »
Art. 130.
Au sieur Badin..........412 10 »
Art. 131.
Au sieur Sortelle...........412 10 »
Art. 132.
Au sieur Fauvel....... ,675 » »
Art. 133.
Au sieur Bloquet:::... :..440 »
Art. 134.
Au sieur Gervais l'aîné..,426 5 »
Art. 135.
Au sieur Gervais cadet...426 5 »
Art. 136.
Au; sieur Sansrefas.......426 ,2. »
Art, 137.
Au sieur Brice............426 5 »
Art. 138:
Au sieur Cordier..........426 5 »
Art. 139.
Au sieur Baucher.........426 5 »
Art. 140.
Au sieur Didelet.........426 5 »
Art. 141.
Au sieur Rondeau.........426 5 »
Art. 142.
Au sieur Riboue;,..... .. .768 15 »
Art. 143.
Au sieur Petit............750 » »
Art. 144.
Au sieur Thomassin.......750 » »
Art. 145.
Au sieur Rondeau, postillon, 426 5 »
Art. 146.
Au sieur AuberU.....550 » »
Art. 147.
Au sieur Serouge.........550 » »
Art. 148.
Au sieur Werbist............750 » »
Art. 149.
A la demoiselle Anne Le-blond..................150 » »
Art. 150.
A la demoiselle Suzanne, fille Leblond...............150 » »
Art. 151.
Au sieur Champion l'aîné.426 5 »
Art. 152.
Au sieur Champion cadet.426 5 »
Art. 153.
Au sieur Binou...........750 » »
Art. 154.
Au sieur Lambert.........750 » »
Art. 155.
Au sieur Dubois..........750 » »
Art. 156.
Au sieur Langlois.........750 » »
Art. 157.
Au sieur Golmart.........962 10 »
Art. 158.
Au sieur Legros..........962 10 »
Art. 159.
Au sieur Bassemont.......550 » »
Art. 160.
Au sieur Mutel........675 » »
Art. 161.
Au sieurVacquery........ 426 : 5 »
Art. 162.
Au sieur Lacauve......... 675 » »
Art. 163.
Au sieur Boutot.......... . 426 5 »
Art. 164.
Au sieur Petit-François.. .. 343 15 »
Art. 165.
Au sieur Peigné.......... 426 5 »
Art. 166.
A la dame veuve du sieur Watebled.................. 225 » »
Art. 167.
A la dame veuve S. Léger. 137 10 »
Art. 168.
Au sieur Toquard......... ' 426 5 »
Art. 169.
Au sieur Jourdain........ 426 5 »
Art. 170.
Au sieur Maignan......... 487 10 »
Art. 171.
Au sieur Pélossieux...... 750 » »
Art. 172.
Au sieur Didelet cadet...,. 426 5 »
Art. 173.
Au sieur Landrin............426 5 »
Art. 174.
Au sieur Macheray..........750 » »
Art. 175.
Au sieur Nadoux.....— 750 » »
Art. 176.
Au sieur Blois...............668 8 9
Art. 177.
Au sieur Desrues cadet.... 343 . 15 »
Art. 178.
Au sieur Louis père...... 343 .15 »
Art. 179.
Au sieur Brunot.......... 343 15 »
Art. 180.
Au sieur Louis l'aîné......' 343 15 »
Art. 181.
Au sieur Psénon......... 343 15 »
Art. 182,
Au sieur Dauplet......... 412 10 »
Art. 183.
Au sieur Grenet.......... 675 » »
Art. 184.
Au sieur Gaffin, portier... 184 10 »
Art. 185.
Au sieur Gaffio, palefrenier. r f 576 5 »
Art. 186.
Au sieur Vacquelin....... 426 5 »
Art. 187.
Au sieur Dourdan.......... ? 9621 10 »
Art. 188.
Au sieur Denier............. 426 5 »
Art. 189.
Au sieur Charnier........ 426 5 »
Total,...............104,704 3 9
2° Arriéré du département de la guerre.
Art. 190.
A... Paulinier, entrepreneur de l'hôpital militaire de Saint-Jean-d'Angély, la somme de51,6951. 6 s. 5 fl., savoir :
1° La somme de 50,4271. 19 s. 1 d., sur laquelle i1 sera déduit celle de 1,283 1. 16 s. 5 d., laquelle a été ajoutée à la créance pour couvrir l'entrepreneur de 4 deniers pour livre;
2° Les intérêts dé45,029 10 s. 6 d., à compter du 15 avril 1790, jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars 1791 ;
3° La somme de 1,205 1. 7 s. 4 d., montant de deux ordonnances des 8 et 15 décembre 1790, à la charge de la déduction de 4 deniers pour livre.
Toutes lesdites sommes faisant celle Susdite de 51,695 1. 6 s. 5d. ci...... 51.,695 6 5
A l'égard de la somme de' 5,7141. 5 s. 8 d., accordée au sieur Paulinier par arrêt du conseil du 10 avril 1791, l'Assemblée nationale déclaré que l'arrêt dont il s'agit doit être déclaré comme non-avenu, sauf au sieur Paulinier à se -faire liquider par le directeur général de liquidation sur les pièces et titres qui pourraient justifier son indemnité, indépendamment de l'arrêt du conseil.
Art. 191.
Au sieur Mérie, entrepreneur de la fourniture de bois et lumières aux troupes dé la ci-devant province de Rous-sillon, tant pour fournitures de bois et lumières, par lui faites pendant l'année 1789, que pour founitures et réparations d'effets et ustensiles des différents corps ;de garde de la citadelle de Perpignan, la somme de 26,522 livres 12 s. 2 d., suivant les ordon- : nances du ci-devant commissaire départi, justifiées par l'état général de l'arriéré, ci.. ; 26,522 12 2
Art. 192.
Au sieur Azémar, ancien
entrepreneur des hôpitaux militaires du Languedoc et du Roussillon, la somme de 48,978 1. 9. s. 7 d., savoir :,
1° Pour le montant de l'ordonnance expédiée à son profit le 24 août 1790, la somme de 46,562 L 19 s. 7 d., sur laquelle il sera fait déduction de celle de 723 1. 6 s. 2 d., pour les 4 deniers pour livre, laquelle somme a été ajoutée à la créance du sieur Azémar ;
2° Les intérêts du principal de 43,3981.10 s. 2 d., à compter du 15 avril 1790 jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars ;
3° La somme de 2,4151.10 s. montant de l'ordonnance délivrée au sieur Azémar le 1er juin 1790, à la charge de la rete.-' nue de 4 deniers pour livré sur ladite somme de 2,415 1. 10 s.
Revenant toutes Iesditès sommes à celle susdite de48,9781. 9. s. 7d., ci..........48,978 . 9 . 7
L'Assemblée nationale se réservant de se faire remettre l'état de l'emploi des objets cédés au roi par M. Azémar, et des fonds faits au département de la guerre pour lé rembourser.
3° Arriéré du département des finances.
Art. 193.
Aux sieurs Devouges, la somme de 558,334 livres, pour supplément d'indemnité, tant en principal qu'intérêts, jus-, qu'au 1er juillet 1790;'à eux accordée par arrêt contradic-- , toire, du conseil, du 15 juin 1790, tant pour les pertes particulières qu'ils ont éprouvées par les différentes résiliations de leurs baux des messageries ; de Paris, de Lyon, et des coches d'eau, que pour celles qu'ils ont faites sur l'hôtel de la Vieuville à Paris, et sur les différentes maisons achetées en province pour le ser-. vice desdites messageries, moyennant'lequel supplément d'indemnité, l'Assemblée nationale décrète que les sieurs Devouges ni aucun de ses co-.' intéressés ne pourront être reçus à prétendre aucune au-, tre indemnité ou supplément d'indemnité, soit en commun, soit individuellement, pour raison des baux, régie et exploitation desdites messageries, suite ou résiliation d'icel-les, ci..................... .558,334
Art. 194.
Au sieur Tronchet, pour traitement et gratification en qualité d'inspecteur surnuméraire du domaine de la couronne, la somme de 3,000 livres suivant la décision du ministre de l'intérieur, du 27 avril 1791, ci.......3,000
4° Charges et offices.
brevets de retenue.
Art. 195.
Au sieur Daru, la somme de 70,000 livres pour le montant d'un brevet de retenue accordé par le roi audit sieur Daru, sur la charge de commissaire des guerres dont il était .pourvu, de laquelle somme les intérêts à 5 0/0 Courront du 15 avril 1791* ci,......70,000
A la charge par tous les dénommés auxdits étals ci-dessus de se conformer aux lois de l'Etat pour l'obtention des reconnaissances de liquidation et mandats sur la Caisse de l'extraordinaire.
Total.....985,127 9 10
Rapport.....104,704 3 9
Total général..... 1,089,831 13 .7
(Ce décret est adopté).
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités de Constitutionde la marine, d'agricultureet de Gommer ce et des colonies réunis, sur Vinitiative à accorder aux assemblées coloniales dans la formation des lois qui doivent régir les colonies et sur l'état civil des gens de couleur (1);
Messieurs, par un décret rendu hier, vous avez décidé qu'il y avait lieu à délibérer sur le projet de vos quatre comités. Avant de donner mon opinion sur ce projet, je vais vous donner lecture dé deux lettres assez importantes.
On a lu à cette tribune, et on a répandu avec -profusion dans le publie,une prétendue délibération du çommercej qui a pu influer sur la décision de l'Assemblée; il est juste que l'Assemblée entende aussi la lecture de documents qui y répondent. Voici ces deux lettres (Murmures)..,
Ce n'est pas là la question.
Monsieur le Président, ce n'est pas là l'ordre de la délibération; la discussion est fermée sur le fond.
Je prie l'opinant do se renfermer dans la question.
M. Pétion n'est pas mêmé recevable à parler sur le fond ; le règlement l'exclut de la tribune, car il a déjà parlé deux ou trois fois.
Il n'est pas vrai que la délibération soit fermée sur les articles du comité et je m'inscris en faux contre cette assertion. On a décrété hier qu'il y avait lieu à délibérer, il faut donc délibérer.
J'observe que si la délibération s'ouvre d'une manière aussi tumultueuse, je ne sais pas comment elle finira i en tout cas, il m'est impossible au milieu du bruit de vous répondre.
C'est à moi à maintenir l'ordre de la délibération et, si je me trompe, on me réformera.
Ainsi je dois dire qu'il a été décrété qu'on délibérerait sur les articles du comité; c'est donc dans la discussion de ces-articles que les opinants doivent se renfermer. Si à présent on prétend que la dicussion est fermée sur le fond (Non! non.'), je consulterai l'Assemblée.
Il n'y a pas besoin de discussion ultérieure. Il s'agit de savoir si l'Assemblée a fermé la discussion sur le fond (Non 1 non !)... Il y a une manière bien simple de terminer tous ces cris et de trancher la question, c'est de consulter le procès-verbal : vous y verrez que la discussion est fermée.
Il s'agit d'un fait; ce fait une fois constaté, personne ne niera que la discussion a été fermée sur le fond. (Bruit.)
II est temps de savoir ce que vous voulez faire ; nous ne nous opposons à rien ; si vous, voulez que la discussion recommence sur le fond, cette discussion une fois recommencée, chacun parlera librement; si vous aimez mieux, comme cela me paraît plus naturel, que l'on discute le décret article par article, hé bien! chacun aura la liberté de développer ses observations sur chaque article et les défenseurs de l'un et l'autre système pourront être entendus. (Oui ! oui !)
C'est à dire qu'on nous remet au point où nous étions lundi.
(L'Assemblée décide que la discussion est fermée sur le fond et qu elle examinera le projet article par article.).
(1). Je vais me renfermer dans le premier article du projet de décret de vos comités. 11 porte « qu'aucune loi sur l'état des personnes ne pourra être faite par le Corps législatif, pour les colonies, que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales*
Vous avez entendu hier à la tribuné les inductions que l'on a voulu tirer de cet article, et vous verrez ce que l'on pourra conclure de ces inductions.
. On a annoncéque vous aviez accordé l'initiative à vos colonies sur leur
constitution; mais il estbien essentiel d'expliquer ce que l'on entend
par initiative. En effet, Messieurs, vous avez demandé à nos colonies
qu'elles vous fissent par-
Il y a des initiatives de différents genres. Ici vous avez demandé l'initiative, non pas pour prononcer conformément aux vœux qui vous seraient présentés, mais pour prendre en considération l'initiative qui vous est présentée. Mais entend-on que cette initiative soit nécessaire dans tous les cas qui concerneront le régime intérieur et que le Corps législatif ne puisse rien prononcer à l'avenir que sur cette initiative?
On voudrait, Messieurs, emporter cette question sur-le-champ sans aucun examen; elle est cependant si importante que cette initiative sur le régime intérieur peut mettre votre commerce dans la dépendance la plus absolue desf colonies.
Il est possible, san? doute, que vos colonies aient une initiative, mais il est possible en même temps que vous n'ayez pas besoin de celte initiative pour prononcer. Il est possible encore que vous puissez provoquer vos colonies à émettre un vœu; mais il est possible aussi que vous ne vouliez pas les justifier. Il est donc très essentiel de s'entendre sur ce mot initiative; il est de plus très nécessaire de s'entendre sur ce qu'on appelle le régime intérieur.
Un des préopinants disait hier à l'Assemblée : Expliquons d'une manière positive que le Corps législatif pourra statuer ce qu'il croira convenable et qu'il pourra statuer, quelle que soit l'initiative des colonies. Mais, Messieurs, cet opinant qui, selon lui, devait réunir toutes les opinions, pen-sait-il donc qu'il pût être dans l'intention de l'Assemblée que le Corps législatif ne pourrait pas prononcer ce qu'il jugerait juste, convenable sur l'initiative des colonies? Mais s'il en était ainsi, Messieurs, ce ne serait plus une initiative. Les colonies nous dicteraient alors une loi absolue de laquelle vous ne pourriez pas vous écarter ; mais je ne crois pas que personne, dans cette Assemblée, ait voulu gêner à ce point l'opération du Corps législatif.
Ainsi, Messieurs, il faut, avant tout, passer d'une manière générale sur l'initiative qui vous est présentée; il faut que vos comités s'expliquent clairement sur l'étendue qu'ils entendent donner à cette initiative.
Maintenant, Messieurs, l'article pour l'initiative marque l'état des personnes. Il s'agit de savoir si sous le mot d'état des personnes on comprend les hommes de couleur. L'article dit en général : « aucune loi sur l'état des personnes » ; mais l'article ne dit pas sur quelles personnes : et ce sera toujours là le point de la difficulté, tant que l'Assemblée ne se sera pas expliquée d'une manière précise. Il faut donc, à cet égard, vous reporter à ce que vous avez fait précédemment; et alors je maintiens que l'article ne peut pas frapper sur les hommes de couleur.
En effet, Messieurs, on a évité de répondre à un fait précis et consolant. Rappelez-vous, Messieurs, ce qui s'est passé lors de l'instruction du 28 mars. Vous avez parlé positivement de toutes les personnes propriétaires et contribuables, et sous le mot de personnes, vous avez compris nettement les hommes de couleur, parce que les hommes libres de couleur sont des personnes.
Mais vous les avez compris encore par la discussion qui a eu lieu à cet égard, et on a fait à ce sujet, à M. le rapporteur, l'interpellation à laquelle il n'a pas répondu et à laquelle je prierais qu'on répondît aujourd'hui non par des divagations,-mais d'une manière nette, précise et positive.
Je vais y répondre par le procès-verbal. (Interruptions.)
Plusieurs membres : Entendez-le.
Il est temps que vous vouliez bien l'entendre.
Pour établir les faits, je dis qu'il n'y a qu'à consulter le procès-verbal. M. l'abbé Grégoire a exposé hier à l'Assemblée que c'était lui qui, dans la séance du 28 mars 1790, avait demandé si les gens de couleur n'étaient pas compris dans le mot : des personnes^ de l'article 4 et que le rapporteur lui-même lui avait répondu qu'ils y étaient compris. Nous avons fait venir le procès-verbal (Murmures.) ;... il a été lu par MM. les secrétaires et par moi : il porte qu'un membre ayant demandé que les gens de couleur fussent compris dans l'article, un autre membre a observé que, cette question ne devait pasx être traitée et que sur ce, l'Assemblée a passé à l'ordre du jour.
Monsieur le Président, je demande la parole.
Je demande que l'on apporte le procès-verbal à l'Assemblée.
Le procès-verbal ne dit que cela?J'en demande le rapport; je demande aussi qu'on aille chercher le procès-verbal du jour où la relue des instruetfons, que vous aviez décrétées sauf rédaction, a été faite à l'Assemblée. D'après ce changement dont le rapporteur, M. Barnave, a été chargé, je serais charmé qu'on le rapporte, car je crois qu'il n'existe pas.
Qu'est-ce que cela veut dire?
Il existe, puisque je l'ai lu hier.
Je n'en suis pas absolument sûr; mais je parie cent contre un qu'il n'existe pas, et s'il existe, qu'on le rapporte. Cela peut fort bien ne pas exclure la demande de M. Malouet ; mais je demande que l'Assemblée satisfasse à la mienne.
Je n'entends pas comment, lorsque, sur une interpellation relative à un fait cité hier dans l'Assemblée, on propose un procès-verbal existant, on vient vous en demander un que l'on dit ne pas exister. Que signifie cette difficulté-là? (Applaudissements.)
On a envoyé chercher le procès-verbal.
Je vais répéter le fait dont il est actuellement question et j'invoque ici le témoignage de beaucoup de mes collègues qui s'en souviennent.
A la séance du 28 mars 1790, j'ai demandé que les hommes de couleur fussent désignés nominativement dans l'article 4 des instructions décrétées pour les colonies. Là-dessus une foule de membres, les députés des colonies eux-mêmes et
particulièrement M. Barnave qui est là, s'empressèrent de me dire qu'ils y étaient compris, que Je mot personnes était général.
Je me le rappelle.
Je l'ai toujours cru.
J'invoque ici la bonne foi. Je vous demande, Messieurs, qu'on présente le procès-verbal. Voici d'ailleurs une réflexion incontestable; que l'on prenne pour juge qui l'on voudra, qu'on lui demande ce que signifient ces mots : personnes libres et propriétaires ; je lui demande s'ils ne s'appliquent pas aux hommes de couleur libres et propriétaires. (Applaudissements.)
Messieurs, je ne veux point entrer dans le fond de la question ; j'ai déjà établi à plusieurs reprises qu'elle n'était nullement dans le point où on voulait la placer, puisque le mode des convocations provisoires que l'on avait envoyé n'a eu aucune exécution, attendu la validité accordée par l'Assemblée nationale aux assemblées coloniales existantes. (Murmures)..... On donne assez d'avantage à ceux qui m'attaquent pour qu'on veuille m'accorder assez de silence pour pouvoir me faire entendre.
Je disais donc que le point de la question n'était pas là, puisque l'Assemblée nationale avait déclaré valider au moyen de l'aveu des citoyens les assemblées coloniales existantes, lesquelles ont été confirmées parles assemblées paroissiales dans les colonies et enfin parce que le mode de convocations provisoires que Ton avait envoyé, et qui s'est prouvé sans exécution, n'empêchait pas que vos mêmes instructions autorisaient les assemblées coloniales à présenter leurs vœux sur le mode définitif, c'est-à-dire sur les qualités de citoyen actif et d'éligibilité.
Quant au fait que rappelle M. l'évêqrue de Blois, il n'ignore pas que dans le comité colonial où je crois qu'il est plusieurs fois venu dans ce temps-là, ou au moins sont venues des personnes de sa connaissance, et notamment celles qui défendaient ici les intérêts des hommes de couleur ; il n'ignore pas, dis-je, que nous avons constamment répondu a tous ceux qui nous consultaient, que les termes généraux de l'article 4 ne présentaient aucun préjugé contre les hommes de couleur, mais que nous ne croyions pas devoir lés désigner nominativement ; et en même temps nous nous sommes constamment refusés à ajouter à l'article ces mots : sans exception de couleur. Lorsque M. Pév êque de Blois m'a parlé, je lui ai répété le même fait et je lui ai dit : la rédaction de l'article ne renferme évidemment aucune exclusion ; mais, si vous voulez en demander davantage, vous porterez le trouble dans les colonies.
Un membre: Cela veut direrçue les hommes de couleur sont compris dans l'article. (Marques d'assentiment.)
Voilà ce que j'ai dit formellement à M. l'évêque de Blois. Quant au surplus, M. de Tracy vient de demander qu'on rapportât le procès-verbal de la relue des articles qui avaient été modifiés, et voici le fait : on n'a rien demandé à cet égard ; on n'a pas réclamé une nouvelle relue. Il n'y a eu, j'en atteste tous les membres de l'Assemblée, il n'y a eu aucune modification aux instructions, que dans les deux derniers ar- 1
ticles, qui n'ont aucune espèce de rapport aux gens de couleur. Nous ferons lire, si l'on veut, tous les journaux du temps, tous les procès-verbaux possibles ; j'affirme qu'il n'y a eu dans les deux instructions qu'un changement, non pas de sens, mais de rédaction.
11 était dit dans les deux derniers articles sur les bases du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif dans les colonies, que lesassemblées coloniales, en organisant lepouvoir législatif, seraient obligées de s'astreindre à telles bases, etensuitequ'enorgani-sant le pouvoir exécutif dans les colonies, elles seraient obligées de s'astreindre à telles autres bases énoncées dans l'article. M. l'abbé Maury, dans un discours sur les instructions, démontra et fit admettre dans l'Assemblée que ces mots : » En organisant le pouvoir législatif;... en organisant le pouvoir exécutif..... » semblaient donner un pouvoir aux colonies de faire leur constitution, tandis que nous n'entendions ne leur faire émettre qu'un vœu. Nous reconnûmes nous-mêmes que notre intention n'avait été autre que celle qu'on nous présentait, ét en conséquence les articles furent amendés ici même dans l'Assemblée sur-le-champ, et au lieu des mots : « en organisant le pouvoir législatif;... en organisant le pouvoir exécutif... », on mit : « en examinant les formes suivant lesquelles le pouvoir législatif doit être établi ;... en examinant les formes suivant lesquelles le pouvoir exécutif doit être établi...,. »
Voilà quelles ont été les modifications, non pas de sens, mais de simple rédaction qui ont été faites dans l'Assemblée. L'Assemblée n'a point ordonné à son comité de lui rapporter les instructions : les amendements ont été faits là. Si les instructions ont été lues après, c'est avec le procès-verbal de la séance, comme sont lus ici tous les décrets possibles. Du moment que les amendements ont passé, les deux amendements ont été adoptés. Si l'on veut faire relire tous les journaux du temps, on trouvera qu'ils ont été dans la lettre, dans l'esprit même de ces instructions et on ne trouvera nulle part que le comité ait été tenu de faire une nouvelle lecture, à moins qu'elle n'ait été faite avec le procès-verbal de l'Assemblée.
Tels sont les faits, et j'affirme aussi qu'il n'a été ni proposé à l'Assemblée, ni admis dans l'Assemblée aucune espèce d'amendement et de modification sur l'article 4, dans lequel on dit que les intérêts des gens de couleur se trouvent compris.
Je n'affirme rien, parce que je n'ai point la mémoire aussi certaine que M. Barnave ; mais il est très aisé de se faire rapporter les procès-verbaux de ce temps-là. On y verra différentes observations ou modifications consignées dans les procès-verbaux qui sont imprimés.
, secrétaire. Voici, Messieurs, le procès-verbal de la séance du 28 mars :
« Un membre a demandé que l'Assemblée décrétât, le plus promptement possible, le projet de l'instruction, pourêtre envoyée incessamment aux colonies.
« Un autre membre a fait sur l'article 4 une proposition relative aux gens de couleur.
« Plusieurs ont demandé que la discussion n'eût pas lieu sur cette proposition, mais qu'elle continuât sur l'instruction et les amendements proposés jusqu'alors. »
Messieurs, je ne dis qu'un mot sur Cette rédaction. D'abord,il résulte évidemment
que M. l'évêque. dè Blois n'a rien avancé que de très conforme au fait, parce qu'il n'est point dit que l'on a rejeté par l'ordre du jour la question proposée; mais simplement qu'on n'a pas délibéré, parce que ces paroles claires et évidentes ont paru n'avoir pas besoin d'être commentées.
On vous dit qu'on avait mis ces paroles-là pour qu'il n'y eût aucun préjugé. Je dis, Messieurs, que c'est là une étrange duplicité que de vous dire que ces mots : « les personnes libres, contribuables, âgées de 25 ans, domiciliées, propriétaires, » renferment évidemment les gens de couleur, et que c'est ne rien préjuger, tandis qu'il est évident que l'on a tout préjugé ; mais quand on ajoute aujourd'hui que l'on demande un congrès pour expliquer ces termes, c'est répandre le plus épouvantable des préjugés contre les gens de couleur.
On vous dit que vous ne voulez rien préjuger, et aujourd'hui l'on veut que vous préjugiez, de la manière la plus effrayante, le sort de ces malheureux; je dis effrayante, car je liens de M. Barnave que, quel que soit l'événement, le congrès ne sera pas d'avis d'accorder aux gens de couleur l'exercice des droits politiques, à moins que ce ne soit avec des modifications qui comprennent parmi les esclaves politiques les affranchis et les enfants d'affranchis; je dis que voilà ce que je -tiens de lui-même. Ainsi donc n'ayez nulle confiance dans le congrès. Rappelez-vous, Messieurs, ce que vous avez décidé, et tenez-vous y formellement,si vous ne voulez pas voir une séparation -générale entre ces deux classes de citoyens.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il est important de rappeler à l'Assemblée les faits dans toute leur exactitude. On dit que l'Assemblée a délibéré sur la motion de M. 1 abbé Grégoire en faveur des gens de couleur et que cette motion a été rejetée J'invoque la mémoire de ceux qui étaient présents, celle même de M. Barnave, pour attester qu'au contraire l'article du procès-verbal qu'on vient de lire est relatif à une motion de M. Go-cherel, contraire aux gens de couleur.
Il est de fait que M. Cocherel, dont l'Assemblée connaît oU peut se rappeler la tranquillité, s'éleva contre l'article 4. Il demanda qu'on prononçât sur-le-champ la rejection des gens de couleur ; et alors on ne voulut pas délibérer sur cette injuste proposition, qui contrariait les termes précis du décret. On demanda Tordre du jour, ou qu'il n'y eût pas lieu à délibérer, et c'est sur cette motion contraire aux gens de couleur, contraire à l'article 4 du décret, que l'Assemblée décréta qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
J'ajoute que M. Tronchet a posé hier la véritable question que vous avez à décider. M. Tronchet a dit que vous aviez ordonné, à l'époque du décret dont il est question, que les assemblées coloniales existantes vous donneraient leur vœu, si elles étaient confirmées parle vœu des paroisses ; il vous a dit que vous aviez fixé un mode de convocation des assemblées coloniales qui, ou ne seraient pas assemblées, ou ne seraient pas confirmées par les paroisses.
II s'agit donc de savoir si les formes prescrites par les. délibérations des paroisses, soit pour conserver les assemblées, soit pour former celles qui ne seraient ni confirmées ni convoquées à l'époque de l'arrivée du décret ; il s'agit, dis-je, de savoir si ces formes ont été suivies, si les individus auxquels vous avez accordé le droit de voter, ont voté en effet dans les nouvelles assemblées primaires, et si, dans le cas où ils n'auraient pas
voté, vous voulez, par ce défaut de forme, anéantir les assemblées dans Lesquelles ils n'ont pu émettre leur vœu; ou si, voulant éviter des difficultés, vous ne feriez pas mieux de dire, d'un côté, que pour éviter les troubles, vous confirmez les assemblées existantes, et que d'un autre côté, pour qu'il n'y ait pas de doute sur vos intentions, vous expliquiez d*une manière précise l'article 4 de vos instructions, et que vous déclariez que la confirmation de ces assemblées ne porte pas préjudice aux gens de couleur. (Applaudissements.)
Si vous vous écartez de ce mode de discussion, si vous rentrez dans celle qui a eu lieu, ces deux jours derniers, si vous vous ne réduisez pas à ce point,très certainement vous n'obtiendrez pas une décision précise et juste. En vous réduisantàcela, vous aurez le vœu de toute l'Assemblée ; et je puis dire qu'en conciliant ainsi le double intérêt des colonies par la confirmation de leurs droits aux gens de couleur,vous tranquilliserez tout le monde, et vous éviterez tous les inconvénients.
Vous avez décrété l'article 4, et par ce mot considérant, vous déclarez que les gens de couleur n'y sont pas compris.(Murmures.) vous avez dit dans le considérant, qui est la loi constitutionnelle dans l'organisation des colonies, qu'aucunes lois sur l'état des personnes ne seront faites que sur les demandes formelles et précises de l'assemblée coloniale. Il est prudent de valider ces dispositions sur la colonie de Saint-Domingue. D'après cet exposé, il est évident que vous n'avez pas entendu prononcer sur l'état des personnes.
, Vous voyez, Messieurs, que Tordre de la discussion s'est successivement écarté. M. Pétion a fait une interpellation sous prétexte de répondre : chacun a allégué des faits, des raisons dans son sens, dans son opinion. Je dois donc remettre la discussion dans sa marche naturelle. La discussiop est sur l'article premier du projet du comité. Là-dessus on demande la lecture de deux procès-verbaux. On en a déjà lu un, l'autre va vous être lu.
Je demande que l'Assemblée me donne les moyens pour faire continuer une discussion qui ne finirait jamais avec ces interpellations particulières.
Je vais lire le procès-verbal de la séance du 28 mars, sans nulle espèce de réflexion; car je crois que, pour le fait que j'ai avancé, il parle beaucoup mieux que je ne pourrais faire. Le voici :
« Un membre a demandé que l'Assemblée décrétât, le plus promptement possible, le projet de l'instruction, pour être envoyé incessamment aux colonies.
« Un autre membre a fait sur l'article 4 une proposition relative aux gens de couleur.
« Plusieurs ont demandé que la discussion n'eût pas lieu sur cette proposition, mais qu'elle continuât, sur l'instruction et les amendements proposés jusqu'alors.
« Cette motion mise aux voix a été décrétée.
« Un membre a fait la motion que l'instruction ne fût jointe au décret que comme conseil, et que le décret fût la loi dont l'Assemblée ;ordonnâf l'envoi dans les colonies.
« Un autre a demandé qu'il fût adressé au conseil du Cap, pour y être enregistré. »
Il y avait eu auparavant différentes objections.
v Un membre du comité colonial a répondu aux différentes objections qui avaient été propo-
sées, notamment à celles relatives au domicile dès colons, aux difficultés prétendues que présentaient plusieurs articles du projet d instruction sur la manière dont on devait entendre les mots Pouvoirs législatif et exécutif. Il a dit à cet égard que, si on considérait l'ensemble du projet, on ne pouvait pas être induit en erreur sur le sens dans lequel étaient employés les termes pouvoirs législatif et exécutif; que ce sensne tombait évidemment que sur l'examen à faire par les colons des formes sous lesquelles les pouvoirs législatif et exécutif devaient s'exercer dans les colonies. Cependant il a proposé que, pour éloigner toute idée contraire, il fût autorisé par l'Assemblée à proposer quelques légers changements qui rempliraient ce but, et dont il serait fait lecture à la séance du lendemain. L'Assemblée l'a approuvé. «
« Le projet d'instruction allant être mis aux voix, un membre a proposé que? le décret de l'Assemblée sur cet objet fût envoyé aux assemblées provinciales, qui en donneraient aux habitants une connaissance légale en le faisant proclamer et afficher, etc... »
A la fin, il est dLit :
« Le projet d'instruction a été ensuite mis aux voix ; et l'Assèmblée l'a décrété, sauf les correctifs que présenterait le membre rapporteur du comité colonial à l'entrée de la séance du lendemain. »
Et à l'entrée de la séance du lendemain, ni dans aucune autre séance, il n'en est question. (Applaudissements.)
Le procès-verbal qui vient d'être lu, renferme lui-même les faits que je viens d'énoncer. Je ne sais pas si le lendemain matin on a lu avec le procès-verbal le changement de rédaction qui avait été fait ici ; mais le fait est que ces changements de rédaction furent proposés sur-le-champ, et qu'ils existent dans les articles d'instruction, conformément à ce qui vient d'être énoncé dans le procès-verbal. Il existe, dans les articles de l'instruction que j'offre de rapporter, ces mots : « En examinant la-forme suivant laquelle le pouvoir législatif doit être exercé, en examinant la forme suivant laquelle le pouvoir exécutif doit être exercé. »
Il est donc vrai, il est donc réel que l'intention de l'Assemblée, formellement exprimée dans le procès-verbal que l'on vient de lire, a été également exécutée, et on n'a pas fait mention dans le procès-verbal du lendemain de la relue de ces modifications qui ne consistaient qu'en deux mots, et qui avaient été faites à la tribune. Il est bien étrange que, lorsque les articles poi-tent eux-mêmes les modifications, et que, quand la justification résulte du fait, du texte existant de la loi, conforme à l'intention de l'Assemblée, énoncée dans le proCès-verbal, on-vienne faire aujourd'hui un reproche qui tomberait plutôt sur le secrétaire de l'Assemblée que sur le rapporteur du comité, et qui présente dans le décret môme la preuve de son obéissance à la volonté de l'Assemblée. {Applaudissements) .
Je reprends la discussion où je l'avais laissée.....
On distribue à l'entrée de la salle une lettre écrite par M. Baux, négociant, député du commerce de Bordeaux. J'ai été frappé des idées contenues dans celte lettre, et j'ai consulté les députés du commerce pour savoir si ce
qu'il y avançait était vrai. Voici ce qu'ils m'ont répondu : Les députés extraordinaires du commerce ont, il est vrai, agité dans leur assemblée la question qui nous occupe actuellement; et, à l'exception de M. Baux, tous ont été d'avis d'admettre le projet du comité; leurs registres sont chargés de signatures (Murmures).....
Messieurs les députés des colonies, à l'ordre l
Ceux mêmes qui sont absents en ce moment avaient signé avant de partir. J'ai cru devoir vou3 faire part de ces observations, de peur que cette lettre de M. Baux ne fît sur vous la même impression qu'elle avait faite sur moi au premier aspect.
Je demande que la déclaration authentique faite par un négociant de Bordeaux soit inscrite dans le procès-verbal. "
Plusieurs membres demandent que la discussion soit reprise.
Je reprends la discussion au point où je l'avais laissée; nous en étions sur un point de fait, qui, d'après les explications qui ont été données, ne me paraît encore que beaucoup plus constant, c'est que l'Assemblée, lors de l'instruction du 28 mars, a entendu décider que, sous le mot de toutes personnes, elle y comprenait les hommes libres de couleur. (Murmures.)
On cherche inutilement à nous écarter du point précis de la question par des interruptions ; mais c'est à la tribune qu'il faut répondre à un fait aussi formel. Mais, Messieurs, dans le cas même où vous n'auriez pas décidé ce point de fait, il resterait toujours a résoudre une question, que le fameux considérant lui-même laisserait dans son intégrité. L'Assemblée a annoncé qu'elle ne statuerait rien sur l'état des personnes que d'après le vœu des colonies, il reste toujours à savoir sur l'état de quelles personnes les colonies doivent vous présenter leurs vœux.
En effet,;de quelles personnes avez-vous voulu parler dans votre considérant? Voilà ce qu'il faut décider, et je dis qu'il est impossible que l'Assemblée nationale ne prononce pas en faveur des hommes libres de couleur. Il faut s'en tenir aux décrets et l'on n'y trouvera que des expressions générales et favorables à tous ceux qui sont citoyens; et puisqu'ils ne contiennent pas d'exceptions manifestement exprimées, il ne faut donc pas en torturer le texte pour faire injure aux législateurs et pour ravir les droits des citoyens. Le titre de citoyen actif appartient aux propriétaires et aux contribuables : les hommes de couleur sont propriétaires et contribuables; ils supportent toutes les charges des citoyens actifs et à ce titre ils doivent en recueillir tous les bénéfices; leur droit est fondé sur leurs titres et leurs contributions.
Mais, nous dit-on, et c'està ce point que se réduisent tous les raisonnements, il y a dans les colonies un préjugé qu'il faut se garder de heurter trop promptement. Je dis à ceux qui tiennent ce langage que nous avions aussi des préjugés à vaincre chez nous et que, si nous avions craint de les attaquer de front, nous n'aurions pas encore aujourd'hui de Constitution. (Applaudissements.)^ quel est donc ce préjugé si respectable de nos colonies ? C'est assurément de tous le
plus insensé, c'est celui qui s'attache à la couleur des personnes.
On vous dit: il ne s'agit que d'un délai ; nous né contestons pas aux gens de couleur libres leur droit,nous en différons l'exercice; nous sommes d'âccord sur les principe s, il n'est question que de leur application; — Eh bien^ on parlait aussi de liberté autrefois, les despotes ne contestaient pas les principes, mais, quand il s'agissait de les appliquer, ils tenaient le langage qu'on vous tient aujourd'hui. (Applaudissements.) Rien n'est si facile que de reconnaître les principes quand on ne Veut pas les appliquer.
Ceux qui vous proposent l'ajournement jusqu'après l'émission du vœu d'un congrès de colons blancs ont la certitude que les droits des hommes libres de couleur seront sacrifiés. Oui; Messieurs, ils le seront puisque les juges seront lés oppresseurs des partis, puisque ce sont eux qui ont tous les préjugés que vous voulez détruire (Applaudissements.)
J'ai l'honneur de vous représenter que la discussion est fermée. (Non! non ! non !)
Ce Congrès de blancs se déterminera, oui ou non, en faveur de vos principes. Dans le premier cas, pourquoi l'Assemblée nationale ne voudrait-elle pas avoir la gloire d'être la première à consacrer ces principes ? Dans le second cas, vous mettez le feu dans les colonies dont vous combattez le vœu.
Vous êtes ici dans une position infiniment défavorable ; et remarquez que nos adversaires eux-mêmes déclarent que les colons propriétaires, c'est-à-dire ceux qui ont le plus d'influence dans les colonies, 'ne sont pas éloignés d'accorder aux hommes libres de couleur les droits qui leur appartiennent; eh bien, si ces colons blancs propriétaires ne sont pas éloignés, quels sont donc enfin ces troubles dont on nous menace ? Quels sont ces dangers qu'on nous fait craindre ? Ils seront Infiniment plus dangereux de l'autre côté, puisque vous avez la certitude d'indisposer, en adoptant le système contraire, une classe d'hommes au moins égale à celle des blancs.
On se plaît, en effet, à diminuer à vos yeux le nombre des gens de couleur. Les étais de population de M. Duchillau portent le nombre des gens de couleur libres à 27,000, c'est-à-dire 2,000 de pîus que les blancs. Placez-vous donc entre ces deux systèmes, et alors vôus verrez que le trouble qu'occasionnerait l'un ou l'autre de vos décrets n'est rien en raison de l'injustice qu'il y aurait à dépouiller de leurs droits les hommes libres de couleur, car dans cetie grande affaire comme dans presque toutes les autres, en suivant les principes de la justice, vous allez droit à votre but, vous occasionnez beaucoup moins de troubles, de divisions, qu'en vous montrant injustes et inhumains envers des citoyens libres comme vous, propriétaires comme vous, payant des droits comme vous.
On a apporté hier dans cette tribune un argument qui ne peut que soulever la plus profonde indignation ; on vous a dit pour vous prouver qu'il y aurait moins de danger à mécontenter les gens de couleur, et on noué a glissé ce fait d'une manière fort adroite, on vous a dit que les hommes de couleur sont désarmés, c'est-à-dire que, parce que ces hommes de couleur sont désarmés, vous pourriez impuuément les égorger 1 (;Applaudissements.) Non, Messieurs, quand bien
même les hommes libres de couleur seraient faibles, ce serait une raison de plus pour que vous leur servissiez d'appui. (Applaudissements.) Et ce n'est pas à vous à qui il appartient d'user de la force pour opprimer les droits, quand vous avez conquis les vôtres.
La question doit se réduire maintenant à celle qui vous a été proposée dans cette tribune, dans des termes très simples, par M. Tronchet. En effet, Messieurs, dans le moment actuel, je l'avouerai, Si les assemblées coloniales sont formées, vous ne pourriez pas sans danger détruire l'organisation de ces assémblées. ; C'est là que vous devez user de prudence ; vous devriez donc dans cette opinion, -si les assemblées sont formées, conserver leur composition telle qu'elle existc.
Mais, Messieurs,,cela nevousengage nullement à violer les droits des hommes iibres de couleur, cela ne vous engage nullement à décider que par la suite ils n'auront pas cesdroits : et encore une fois, que l'on ne vienne pas nous dire que ce n'est qu'un délai, car ce n'est pas un délai que de remettre une décision dans les mains de ses adversaires ; ainsi ne nous laissons pas aveugler par un prétendu ajournement. Conservons les assemblées coloniales telles qu'elles sont aujourd'hui ; mais alors posons ainsi la question : les hommes de couleur libres seront-ils citoyens actifs, oui ou non ? et mettre ainsi la question aux voix sans rien changer aux assemblées déjà formées.
(1 ). Il semble qu'une malheureuse fatalité est attachée aux questions coloniales ; il semble que nous n'osions les envisager de sangfroid ni les discutersans succès. Cependant, avec des principes de justice et de prudence, il est plu3 facile de s'entendre qu'on ne pense.
J'énonce d'abord hautement mon opinion que-les hommes de couleur nés libres, et qui sont propriétaires et contribuables, doivent être admis à exercer les droits politiques en vertu de l'article 4 de l'instruction du 28 mars. Ces droits sont dans leur titre d'hommes libres et de propriétaires. Ces droits sont dans le décret qui dit toutes personnes. Ces droits sont dans l'intention que vous avez franchement témoignée, lorsque plusieurs membres réclamèrent une énonciative claire pour les hommes de couleur ; énonciative que le rapporteur et l'Assemblée trouvèrent inutile.
On oppose l'initiative promise aux colonies; mais l'initiative ne peut avoir lieu que pour des droits à concéder, non pour des droits établis par la. loi. Gomment aller mettre en question ce que vous avez résolu ? Gomment livrer à des colons blancs le sort des hommes libres comme eux, eteontre lesquels leurs préjugés s'élèvent si fort ? Gomment aller demander au congrès de Saint-Martin, qu'on vous propose, d'expliquer le sens d'un de vos décrets? C'est à vous de prononcer.
Ici je reconnais plusieurs vices essentiels dans le plan du comité; il
met en question des droits reconnus ; il les soumet à l'initiative
d'hommes qui n'ont pas plus de droit que les hommes de couleur; il
renvoie à une législature le soin de décider sur unobjetqui ne peut
appartenir qu'au corps constituant, l'état des personnes. Enfin il
violeou expose à violer les droits des hommes, et ce danger ne peut pas
être couru par le législateur.
On vous menace de scission avec les colonies, mais il n'y a de trouble que quand il y a injustice ou oppression. Si donc vous êtes justes, si vous ne favorisez pas l'oppression des hommes de couleur, vous n'aurez pas des troubles intérieurs, et V03 colonies seront à vous, parce que leur intérêt est d'être françaises.
On vous demande un ajournement des droits des hommes de couleur jusqu'à ce que les colonies aient émis leur voeu ; mais en reconnaissant aujourd'hui leurs droits évidents, en confirmant en même temps les assemblées existantes, vous ajournez par le fait l'exercice des droits politiques des hommes de couleur. Vous les attachez a la paix et à l'ordre public par l'assurance de leurs droits et par l'espérance de leur exercice. Vous n'avilissez pas des hommes libres au point de faire dépendre, leur sort de quelques autres hommes qui les accablent de leurs préjugés.
Je vais proposer un projet de décret qui lend à concilier tous les vœux (Mouvement);... le voici :
« L'Assemblée nationale, confirmant toutes les assemblées coloniales actuellement existantes, et reconnaissant que les hommes de couleur et nègres libres, propriétaires et contribuables, doivent jouir des droits de citoyen actif;
« Décrète qu'ils en jouiront dans toutes les assemblée primaires et coloniales qui seront formées à l'avenir;
« Décrète aussi, comme article constitutionnel, que l'initiative appartiendra aux assemblées coloniales sur tous les autres objets ainsi qu'il a été déterminé par les décrets précédents, sans entendre en rien préjudicier à la souveraineté nationale. (Applauaissemen ts.)
Je prends, Messieurs, pour appuyer ce projet de décret, des principes dans les termes mêmes du rapport du comité des colonies du 8 mars :
«Lajustice et la confiance, disaitM. Barnave dans ce rapport nous ont paru, la seule politique qui peut convenir aux colonies et à vous ; la justice est désormais le garant de tous les traités, le fondement de toutes les puissances. Rien, Messieurs, n'a pu faire douter de l'attachement des colonies à la métropole, mais rien n'est plus propre à l'affermir que la marche que nousvous proposons. Si la franchise et la bonne foi conviennent dans toutes les transactions à la majesté d'un peuple libre ; si, dédaignant les ressources d'un art qui n'appartient qu'à la faiblesse, vous voulez suivre désormais la marche qu'indique votre loyauté et qui sied à votre puissance, vous ne balancerez point à l'adopter avec des frères, des concitoyens, des Français comme vous. »
La justice est de reconnaître aux hommes de couleur libres l'exercice de leur droit, la confiance est d'accorder l'initiative aux assemblées coloniales. Voilà vos promesses et voilà votre devoir. (Applaudissements.)
Messieurs, les circonstances qui ont accompagné la discussion du projet de décret relatif aux colonies et notamment dans la journée d'hier ont porté les députés coloniaux à s'assembler. Vivement affligés
de la nature des débats que ce projet de décret a excités, nous avons tous été convaincus que, dans l'immense éloigneraient où les colonies se trouvent de l'Assemblée nationale, il est impossible que les détails de cette discussion et surtout la part que nous y avons eue ne produisent pas la plus alarmante sensation. (Murmures.) Nous avons tous été persuadés qu'il n'existait pas un seul colon qui ne fît naturellement la comparaison des opinions actuelles et de celles qui ont produit tous les décrets rendus jusqu'à ce moment sur les colonies par l'Assemblée nationale et qui n'éprouvât aussitôt que la confiance salutaire qu'i Is avaient inspirée s'affaiblît.
Il n'est permis à aucun de nous de calculer les effets que ces idées peuvent produire, et si nous en avions cru les députés extraordinaires de la partie nord de Saint-Domingue, qui s'étaient réunis à nous, de cette partie qui a constamment maintenu l'exécution de vos décrets, il n'est rien de sinistre que nous n'eussions pu concevoir. Dans cette situation douloureuse, nous avons unanimement reconnu que l'amour de la patrie nous imposait un devoir pénible mais nécessaire ; et nous venons le remplir en ce moment.
C'ést de vous répéter, Messieurs, que l'intérêt national est essentiellement lié au repos et à la tranquillité des colonies, puisqu'elles sont une des sources principales de nos richesses publiques, et qu'elles sont le plus grand aliment de la marine et du commerce, sans lesquels la France ne pourrait subsister. (Murmurés prolongés.) G'est de faire remarquer l'impérieuse nécessité de protéger et de garantir ouvertement désormais l'existence des colons, parce que la crainte de perdre à chaque instant sa fortune et sa vie ne peut être la perspective continuelle d'hommes, dont l'attachement et l'industrie ont été si utiles à ce royaume, et auxquels l'avenir ne présenterait plus que des tableaux ensanglantés. (Murmures sourds). C'est de nous dire que le soin de notre propre conservation, de celle de nos femmes, de nos enfants, exige que vous prouvions à nos commettants, d'une manière authentique, que nous n'avons pas vu sans frémir les périls qui les menacent : c'est enfin de vous déclarer que, dans l'état où les choses se trouvent placées, il ne reste plus qu'un unique moyen que nous avons saisi avec d autant plus d'espoir de succès qu'il doit tout concilier, qu'il sera utile.....(Murmures.)
Je ne suis point de l'avis de MM. Ie3 colones, mais je demande qu'on les entendre.
Le moyen sans lequel nous ne pouvons plus rien vous promettre de la part de ceux que nous représentons, c'est de déclarer solennellement que ceux qui oseraient encore tenter d'inspirer aux colons la crainte de perdre leurs esclaves, qui espéreraient peut-être par là de tenter leur fidélité, seraient coupables, et calomnieraient l'Assemblée nationale ; c est d'ajouter à cet acte conservateur des colonies la mesure qui tend à faire délibérer en commun, pour émettre leur vœu sur l'état politique des hommes de couleur, attendu que toutes les colonies ont un égal intérêt à cette réunien, et qu'il serait peut-être dangereux qu'elles crussent que leur séparation, quand il s'agit du salut de tous, ne fût l'effet que d'un calcul qui marche vers des résultats ultérieurs. Pour remplir ce double but, nous venons vous demander l'adoption de la rédaction faite du
projet de décret de vos quatre comités, dans lequel nous sentons que désormais la moindre équivoque et la moindre ambiguïté seraient .funestes, et je vais le présenter en ces termes :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale décrète,
comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des esclaves
dans les colonies de l'Amérique ne pourra être faite par le Corps
législatif que sur la demande formelle et spontanée deleurs assemblées
coloniales* (Murmures et quelques applaudissements.)
Les articles suivants ne sont autres que ceux du comité :
« Art 3. Chacune des assemblées coloniales d'Amérique nommera des commissaires pris dans son sein, savoir : celle de Saint-Domingue, 12 ; celle de la Martinique, 5; celle de la Guadeloupe et dépendances, 6; celle de Sainte-Lu-cie, 2 ;. celle de Tabago, 2, et celle de CayeUne, 2.
« Art.4. Ces commissaires, choisis au scrutin et à la majorité absolue des voix, auront la mission unique de s'expliquer au nom des colonies sur ce qui est relatif aux hommes de couleur et migres libres, sans pouvoir étendre leur délibération à aucun autre objet, à peine de nullité, pour tout ce qui sera étranger à l'ojet spécial de leur mission.
« Art. 5. Les commissaires seront tenus de se rendre dans la partie française de l'île Saint-Martin, à l'effet d'y ouvrir leur séance à l'époque du premier du mois de décembre prochain, à moins qu'ils ne s'y trouvent tous réunis auparavant; auquel cas ils pourront procéder sans attendre ladite époque.
« Art. 6. Il sera loisible aux assemblées coloniales de fournir des mémoires à leurs commissaires respectifs, mais seulement à titre d'instructions et non pas de mandats impératifs.
« Art. 7. Le comité s'occupera, à la première séance, de son organisation particulière, et du choix de son président et de son secrétaire.
« Art. 8. Toute délibération sera prise à la majorité des voix; mais il ne pourra y avoir de délibération s'il ne se trouve au moins 19 membres présents.
> « Art. 9. Le comité sera, tenu de terminer son travail dans l'espace de 40 jours au plus tard, à compter de sa première séance.
« Art. 10. La minute du procès-verbal des séances du comité demeurera entre les mains de l'ofticier commandant la partie française de l'île Saint-Martin, pour servir en cas d'événement ; mais il en sera adressé directement par le co^ mité, des expéditions à l'Assemblée nationale., afin qu'il soit statué par elle sur ce qui aura été proposé par le comité, sans qu'aucun article puisse être exécuté provisoirement daus aucune colonie.
, « Art. 11. H en sera pareillement adressé des expéditions au roi, et il en sera délivré une à chaque commission.
« Art. 12. Les commissaires de chaque colonie déposeront aux archives de leur .assemblée coloniale respective, l'expédition qui leur aura été délivrée.
« Art. 13. Aussitôt après ce dépôt, les assemblées coloniales seront tenues d'adresser à,l'Assemblée nationale et au roi des expéditions de l'acte qui contiendra la preuve du dépôt. »...
J'ajoute enfin, comme dernier article, la disposition suivante :
. « Art. 14. L'état politique des hommes de couleur et nègres libres ayant été réglé définitivement parle Corps législatif sur la proposition du
congrès assemblé dans l'île de Saint-Martin, il ne pourra y être fait de nouveaux changements, si ce n'est sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » (Murmures prolonr-gés.)
(1). On a réclamé avec justice en faveur des gens de couleur ces fameux droits de l'homme dont la rédaction, après avoir servi à notre globe, deviendra tôt ou tard le code des nations. On vous a prouvé qu'il n'était pas possible de dépouiller par,une loi les citoyens de tous les droits que leur état leur donne. Le rapporteur a parfaitement établi, non la justice du premier article des 4 comités, mais l'adresse avec laquelle ces comités ont éludé la question de l'état actuel des gens de couleur libres, nègres et mulâtres libres.
Examinons les droits que votre Constitution donne à tous les citoyens de l'Empire :
Libres comme les blancs, les nègres et les mulâtres libres de nos colonies ont incontestablement en principe le droit de jouir de toute leur liberté.
Citoyens comme les blancs, les nègres et les mulâtres libres ont droit à la protection des lois. Le fer vengeur du crime doit frapper sur leurs têtes coupables ou protéger leur vie; innocente, de même qu'il doit en frapper le blanc oppresseur ou le défendre s'il est attaqué.
Enfin propriétaires comme les blancs, les nègres et les mulâtres libres sont comme tous les Français, rois de leurs propriétés ; non seulement on ne peut pas les en priver en totalité, mais la contribution ne peut leur en enlever la moindre partie si la volonté générale, de laquelle la voloiité individuelle fait partie, n'a consenti l'impôt et n'a fixé le mode de répartition.
Il paraît bien inconcevable que vos comités aient éludé toutes ces questions, lorsqu'ils sentaient que ne pas.les décider, c'était, dans le sens des colons blaucs, ôter aux nègres et aux mulâtres libres l'exercice des droits d'homme libre,, de citoyen et de propriétaire. Or, je demande quel serait l'homme vivant sous l'empire de la France, qui ne regarderait pas comme une insulte grave,, comme une ironie offensante, l'assurance qu'on lui donnerait qu'il est libre, en lui déclarant qu'on ne souffrira pas qu'il use de cette liberté l
Un honorable membre, M. Malouet, prétendait l'autre jour à cette tribune qu'on u'ôtait rien aux nègres et aux mulâtres libres, puisqu'on ne leur avait accordé, d'après les lois de Louis XIV et de Louis XV, que la liberté civile et nullement la liberté politique ; et s'il ne concluait pas, il nous en laissait au moins naturellement conclure que la liberté politique ne leur était pas due.
Je n'ai pas dit cela. J'ai dit, et je pense que les droits politiques, dans un pays, ne peuvent être déterminés que d'après les principes de la Gonstitutiou de ce pays. Or, comme vous avez reconnu que votre Constitution, n'était pas applicable dans tous ses détails aux colonies, que vous avez demandé aux colonies elles-mêmes de s'expliquer sur leur constitution, j'ai dit que c'était aux colonies elles-mêmes à s'expliquer sur leur constitution.
Qu'on nous dise donc aussi si
Mais les circonstances, nous a-t-on dit, ne nous permettent pas de nous expliquer franchement sur cette question ; l'Assemblée nationale a pris des engagements avec la colonie- Eh bien, ré-pondrai-je, examinons ces circonstances, pour savoir si elles sont telles qu'elles nous forcent à n'être pas justes envers lés citoyens de couleur; examinons les engagements que nous avons pris avec les colonies, pour qu'on ne puisse pas nous faire le reproche, ou d'en avoir pris de téméraires, ou de ne les avoir pas remplis.
Nous avons promis de maintenir la propriété des Américains, et dans le nombre de leurs propriétés se trouvent être leurs esclaves ; mais avons-nous promis aux colons blançs d'augmenter les propriétés des colons noirs ou mulâtres libres, et de faire dé ceux-ci, sinon dés esclaves, au moins des ilotes travaillant pour le gouvernement, qui les opprimerait, versant leur sang pour une patrie qui né serait pas la leur, payant des contributions qu'ils n'auraient pas consenties, et supportant, au profit des blancs, toutes les charges de la liberté sans jouir de ses avantages? N'ont-ils pas combattu avec les Français contre l'Angleterre? Le sang qu'ils ont mêlé à celui des blancs n'était-il pas du sang?
Les Anglais, dit-on, ont fait des pertes, ils cherchent peut-être.à les réparer, et il peut se faire qu'ils regarderont nos colonies comme, un dédommagement que leur offre notre mésintelligence... Ah! s'il arrivait que cette crainte, au fond très chimérique, pût faire refuser aux gens libres de couleur ce qui leur est dû à tant de titres, je dirais qu'il est possible de voir s'élever sur le même rivage deux colonnes : l'une attesterait que des nègres et mulâtres libres, sujets d'un de nos rois, ont servi tout à la fois et à la gloire de ce prince et à la conservation des colonies; sur l'autre seraient écrits ces mots : « Des nègres et mulâtres, appelés libres, se sont retirés, paree qu'ils n'avaient aucun intérêt à défendre une liberté qui ne leur appartenait pas. »
Qu'est-ce que l'état des, personnes dans les colonies? C'est sans doute l'état de liberté ou d'esclavage. En Amérique, comme en Turquie, on n'en connaît pas d'autres. Nous nous sommes donc interdits de prononcer sur l'état des personnes non libres, sans l'initiative des colonies; niais ce considérant, fruit de la sagesse de l'Assemblée; ce considérant a-t-il préjugé que les colons libres, exilés par la force, la violence ou le préjugé, ne seraient nullement entendus, nullement représentés ? Et au moment où la noblesse d'une puissance du Nord veut bien appeler une portion d'hommes, qu'elle regarde comme des affranchis, à délibérer avec elle sur leurs intérêts communs, serait-il possible, Messieurs, que
l'Assemblée adoptât le premier article du décret qui lui est présenté, article insignifiant, par lequel, sous prétexte de ne pas préjuger la question en faveur des gens de couleur, on la jugerait inévitablement contre eux ?
Je me réserve de demander que des commissaires choisis par les nègres libres et hommes de couleur s'assemblent aussi à Saint-Martin, séparément des blancs si on ne veut pas choquer leurs .préjugés, pour former un cahier de demandes communes.
(de Nemours) (1). Tous les raisonnements des orateurs portent sur l'initiative que vous avez accordée aux colonies en ce qui concerne l'état des personnes. Personne ne conteste, Messieurs, que vous avez, par un préambule et par un article, promis et donné aux colonies l'initiative sur les décrets que vous auriez à rendre quanta l'état des personnes. Mais cette initiative, il est sensible que vous avez voulu la donner pour les lois à faire et non pas pour les lois faites.
Or, Messieurs, quant à l'état des personnes, ce n'est pas une question très compliquée. Les personnes, surtout depuis votre Constitution, sont libres, ou ne le sont pas. Les hommes de couleur libres, contribuables et propriétaires, jouissent de tou3ies droits dont jouissaient les blancs contribuables et propriétaires ; avant votre Constitution, ils en jouissaient par l'édit de 1685. Les atteintes portées à cet édit par des ordonnances de gouverneur, par des règlements du conseil supérieur, ne sont pas des lois, et n'ont pas pu détruire des droits établis par les lois, dans les formes alors légales.
On vous a dit, pour montrer l'inégalité de ces hommes libres, qu'ils étaient soumis à des peines quand ils avaient commis des délits. Tout homme, dans tout pays, est soumis à des peines, quand il commet un délit. On vous a dit qu'ils étaient obligés par les lois de respecter les blancs. Cela est très naturel, car ils sont les enfants des blancs; et par nos lois, nos enfants sont obligés de nous respecter, quoiqu'ils aient avec nous un droit politique. (Applaudissements.)
Qu'oppose-t-on au droit que vous avez d'expliquer le sens de vos décrets sur l'état des per-sonnès ? On oppose les répugnances d'une puérile vanité, le désir de conserver dans les colonies un degré de noblesse de plus. Car jusqu'à présent les colons ont été si loin de vos principes, qu'ils ont encore 7 ordres de noblesse comme les 7 chœurs d'anges et d'archanges. Us ont les nobles blancs qui, chez eux, n'ont pas quitté leurs titres dont quelques-uns vous feraient rire en Europe; ils ont les grands blancs propriétaires, ils ont les petits blancs.
Or, vous savez que ce ne sont pas ceux qui ont 3 pieds- 4 pouces, mais que c'est un ramas de gens sans patrie, sans lois, sans mœurs, livrés aux plus hontéuses débauches et aux métiers les, plus vils. C'est cette petite classe de petits blancs qui, dans l'Amérique, est beaucoup plus fière de sa noblesse blanche que ne le sont les véritables colons, les plus riches, propriétaires ; de même qu'en France les fils de secrétaires du roi étaient de beaucoup plus rudes seigneurs que les Montmorency. (Rires et applaudissements.)
Au-dessous de ceux-là se trouvent les quarte-
On vous menace du ressentiment de ces nobles d'outre mer. (Rires.) On vous dit que leur courroux les rendra traîtres à la patrie, et les fera Tenoncer à faire partie de l'Empire français. Depuis que nous vivons ensemble, nous avons tous l'expérience qu'on ne doit opposer aux menaces que le mépris et l'intention énergiquement prononcée de repousser l'attaque et de punir les menaceurs. Alors ils sont bientôt intimidés. (Applaudissements.)
Mais, Messieurs, on calomnie dans^ cette tribune les habitants de vos colonies. Croyez que leurs liaisons avec la mère patrie tiennent à leurs intérêts, à leur honneur, à ieur culture, à leur commerce et à leurs serments, et non à une puérile vanité. Ceux-ci se consoleront comme se sont consolés tous les nobles français qui avaient quelque sens et quelque âme (Applaudissements.) ; ils ont vu qu'ils n'avaient au fond rien perdu de réel ; ils ont vu que leurs enfants avaient beaucoup gagné par la nécessité d'acquérir du mérite ; ils ont vu que l'humanité entière y gagnait.
C'est quand les arbres sont pressés dans une forêt, que ceux qui ont de la vigueur filent haut. Il n'y a que ceux qui ont un vice intérieur, qui périssent; mais quel lâche oserait avouer qu'il a un vice intérieur ! Ne craignons pas, Messieurs, la séparation de nos colonies. Si elle devait avoir lieu, si vous vous trouviez dans la nécessité pressante de sacrifier ou la justice ou l'humanité, je vous dirais que votre puissance unique tient à l'équité ; que, si vous abandonniez celte base, alors vous exposeriez le salut de tant de travaux fameux que vous avez faits pour l'humanité; et qu'ainsi votre intérêt, celui ae l'Europe, celui du monde exigerait que vous n'hésitassiez pas dans le sacrifice d'une colonie plutôt que d'un principe. (Murmures et applaudissements.)
Hé, Messieurs, quand on veut combattre un ennemi, il faut le regarder entre les deux yeux ; il faut savoir ce que c'est que cette menace de la séparation des colonies; il faut vous tirer d'un sophisme dans lequel les négociants et les colons blancs vous enveloppent aujourd'hui.
Rappelez-vous que, lorsque les députés des colonies sont arrivés, ils vous ont demandé, avec les mêmes menaces qu'on vous fait aujourd'hui, de laisser leurs ports ouverts aux vaisseaux de toutes les nations; et vous y avez consenti moitié par condescendance, moitié par philosophie. C'est dans cet état qu'ils subsistent de fait depuis que ces députés siègent dans cette Assemblée.
C'est absolument faux 1
(de Nemours). N'imaginez pas que vos colouies se donneront à l'Angleterre, car premièrement leur patriotisme repousserait cette idée; et si elle a pu être prononcée dans l'Assemblée nationale, j'en suis honteux pour ceux qui en ont ouvert l'avis. Elles ne se donneront point à l'Angleterre, parce que ce n'est point leur
intérêt, que l'Angleterre les réglementerait plus durement que vous; et que ce n'est pas pour être réglementées qu'elles veulent' avoir une existence commerciale et politique.
Je dis donc, Messieurs, que s'il était possible que ces colons voulussent se séparer de vous, ce ne serait pas pour se donner a l'Angleterre, ce serait pour former eux-mêmes un Etat indépendant. Je dis qu'ils y trouveraient peu d'avantages, attendu que la nécessité de se protéger eux-mêmes leur coûterait plus cher que la protection que vous leur donnez. Mais supposez qu'ils fissent cette folie et qu'ils voulussent doubler leurs impositions pour se protéger eux-mêmes, pour avoir les honneurs d'une République : qu'arrive-rait-il, Messieurs? Ils ne boiraient pas de vin d'Angleterre; ils ne mangeraient pas d'huiles d'Angleterre. Ils ne consommeraient point de sa-, vons d'Angleterre; ils n'emploieraient point d'étoffes de soie d'Angleterre, attendu que l'on fait en France des étoffes de soie bien meilleures; ils consommeraient peu de draps d'Angleterre, attendu que le drap n'est pas à leur usage-: ils consommeraient dans les premiers moments quelques toiles de Silésie en concurrence avec les vôtres; et pourquoi, Messieurs, les toiles de Silésie auraient-elles de l'avantage sur les vôtres? C'est parce que votre commerce était très gêné; c'est parce qu'on n'avait pas assez d'instruction et de liberté chez vous pour savoir que vous pouviez très bien soutenir la concurrence avec la Silésie.
Il sera ce qu'il pourra être des assemblées coloniales qui existent ; ce dont il s'agit est qu'à l'avenir il ne se forme aucune assemblée politique, aucune assemblée coloniale, aucune assemblée de paroisse, aucune assemblée primaire où ceux qui jouiraient en France des droits de citoyen actif ne jouissent pas de ces droits dans les colonies.
Et remarquez, Messieurs, combien il serait honteux que vous établissiez une borne sévère, dans vos colonies, à la jouissance des droits de citoyen actif, tandis que votre sagesse en Europe les a étendus jusqu'aux hommes qui peuvent gagner 10 écus par an dans les campagnes et 20 écus dans les grandes villes.
Vous avez excepté les juifs d'Alsace. (Murmures.)
(de Nemours). Les juifs d'Alsace seront citoyens actifs comme les autres (Applaudissements.) et vous ne consentirez pas que des contribuables propriétaires soient exclus des droits de citoyens actifs, parce cela choquerait la vanité de leurs frères, de leurs pères, de leurs cousins germains.
Je conclus, Messieurs, que, sans nous embarrasser de ce qui a pu être fait de mal, nous consultions nous-mêmes, dans notre propre conscience, qu'elle a été notre volonté; que nous nous expliquions nous-mêmes, et sans aller demander à un congrès de Saint-Martin, ce que veut dire l'article décrété par nous, que tout homme libre, propriétaire contribuable, et nous n'avons point parlé de gens de couleur, sera admis aux assemblées primaires.
Je demande, par conséquent, que vous vous expliquiez et donniez la priorité au projet de décret de M. Barrère, qui connaît le mal passé, y met une borne et annonce le bien futur. (Applaudisse-mentSk)
(1). Messieurs, j'ai souvent regretté, je l'avoue, durant le cours de cette discussion, gue l'Assemblée nationale, occupée d'une matière infiniment délicate et qui devient bien plus difficile encore par les circonstances, ne se fût pas conformée aujourd'hui à un exemple de haute sagesse, qu'elle aurait trouvé dans sa propre histoire. Nul de vous, Messieurs, ne peut avoir oublié que, l'année dernière, plusieurs de nos collègues, animés sans doute par des motifs très respectables, voulurent traduire à cette tribune la grande et terrible question de l'esclavage légal des nègres qui cultivent nos colonies. (Murmures.)
Un membre : On n'a pas parlé de cela.
Lescolons, par des écrits multipliés, nous manifestèrent aussitôt leur terreur. Toute la nation, attentive à un si grand intérêt, se disposait à entendre discuter un problème qui allait mettre aux prises la morale avec la politique, et les réclamations du patriotisme avec les droits de la liberté. Les orateurs étaient prêts à affronter tous les dangers dont cette question était environnée; ils avaient déjà obtenu qu'elle fût placée à l'ordre du jour. La lice était ouverte. Les combattants avaient oublié la nation et ne voyaient plus, dans la ruine de votre marine et de votre commerce, que la conquête de leur propre gloire. Mais, au moment où la discussion allait s'ouvrir, votre sagesse leur imposa silence, en décrétant tout à coup, avec l'acclamation la plus unanime, cette loi nécessaire que l'éloquence contestait vainement à la raison.
Cette mesure de prudence fut applaudie dans tout le royaume et, j'ose ajouter, dans l'Europe entière. Il aurait été digne de vous de l'adopter dans cette circonstance. Les débats actuels vous ramèneront, tôt ou tard, vers cette même question que vous aviez voulu sagement étouffer dès son origine. La discussion qui vous occupe dans ce momentn*est d'ailleurs ni moins embarrassante, ni moins difficile. Aux efforts que l'on fait pour l'obscurcir ou pour la rendre problématique, vous pouvez juger aisément que le talent des orateurs s'accommode infiniment mieux de la hardiesse que de la sagesse des opinions. Les grands effets e l'éloquence appartiennent/en effet, nécessairement aux hommes passionnés, qui s'emparent ici de la cause apparente de l'humanité et ne nous laissent que les humbles et froids principes de la sagesse et du bon sens. Toutes les fois que de si grands intérêts sont agités solennellement dans une assemblée nombreuse, où tous les auditeurs jugent avec leur coeur, bien plus qu'avec leur raison, ce n'est plus la vérité quel'on cherche, c'est la victoire. On ne défend avec avantage une opinion exacte, mais rigoureuse, que tête à tête avec son ami. (Applaudissements à gauche.) Dès que les interlocuteurs, et surtout dès que les témoins se multiplient, des sophistes adroits cherchent à entraîner les spectateurs par des mouvements oratoires ou à éblouir la multitude par des raisonnements métaphysiques qu'elle admire d'autant plus qu'elle ne les comprend pas. (Applaudissements et murmures.)
(Une partie des tribunes applaudit; une autre partie murmure.)
A gauche : A l'ordre 1 à l'ordre 1
Ce n'est pas de ce moment seulement que je m'aperçois que les tribunes s'écartent du respect qu'elles doivent à l'Assemblée; je leur demande donc.....
Un membre à gauche : Ce sont des colons placés dans la tribune en face de vous qui applaudissent I (Applaudissements dans une tribune.)
Ce sont des hommes libres qui applaudissent !
Je le répète; quelles que soient les opinions, quelles que soient les pér-sonnes, les tribunes doivent se renfermer dans le silence le plus absolu/ Plusieurs règlements leur défendent les marques d'approbation ou d'im-probation.....
Un membre à droite : Ainsi qu'à l'Assemblée 1
Depuis trois jours, j'ai reçu des réclamations respectives pour faire cesser les applaudissements suivant l'une ou l'autre opinion. Je dois conserver la plus parfaite impartialité; en conséquence, je défends aux tribunes, au nom de l'Assemblée, d'approuver ou d'im-prouver rien de ce qui sera dit dans cette enceinte.
Si les tribunes n'obéissent pas, il faut les faire sortir.
On se propose souvent, disais-je, d'éblouir des assemblées nombreuses par des raisonnements métaphysiques ou de les entraîner par des mouvemeuts oratoires. La foule des auditeurs ne sait bientôt plus quel parti prendre; elle adopte successivement l'universalité des principes contradictoires de tous les orateurs qu'elle entend; et l'expérience atteste tous lés jours que l'on compromet la meilleure cause, en la discutant, au lieu de la décider, avant de l'avoir pour ainsi dire confrontée avec tous les so-phismes de l'esprit de parti, d'une abstraite philosophie, et surtout d'une hypocrite sensibilité.
Pour moi, Messieurs, j'ai écouté avec beaucoup d'attention, et sans aucune espèce d'intérêt personnel, tous les orateurs qui ont parlé pour et contre le projet de décret ; et je me permettrai de leur faire d'abord un reproche, que les deux partis me semblent mériter également. Les uns se sont cachés pour attaquer, les autres se sont cachés pour se défendre. Vous avez dû remarquer, comme moi, que les préopinants s'étaient mis, de part et d'autre, dans un très grand embarras, parce qu'ils semblaient s'être tacitement promis de ne pas nous dire tout ce qu'ils pensaient. Il n'aurait fallu, pour réunir tous les bons esprits, que s'imposer la loi de s'expliquer avec franchise. On ne l'a point fait; et j'en sais bien la raison. On se gardait mutuellement le secret; on voulait se dissimuler le terme caché où l'on se proposait d'aboutir. Je vais donc lever le voile qui couvre tous ces petits mystères de l'esprit de parti ; je vais dire tout ce que l'on a voulu déguiser à l'Assemblée; enfin je vais traiter cette question, que l'on n'a discutée jusqu'à présent que pour la déplacer, en cherchant le point de décision où l'on savait très bien qu'il n'était pas; je vais, dis-je, la traiter avec toute la franchise de l'impartialité et avec tous les ménagements de la
plus inaltérable modération. (Murmures et rires à gauche.)
On nous parle ici de circonstances particulières qu'on ne développe point ; et on a grand soin de nous étaler de beaux systèmes, d'où l'on semble exclure toutes les conséquences relatives à la liberté des noirs. (Non ! non !) Les partisans des hommes de couleur veulent ainsi nous acheminer insensiblement vers cette grande patente nationale qu'ils tiennent suspendue sur tous les ateliers des nègres pour proclamer bierw tôt dans le nouveau monde le règne de la liberté qu'ils aspirent à propager sur toute l'étendue de l'Empire français. C'est l'affranchissement des esclaves qui leur inspire cet intérêt si véhément qu'ils prennent aux mulâtres. Les orateurs opposés a cette opinion ont imité, à leur tour, la marche tortueuse de leurs adversaires ; ils ont craint d'aborder de front la question de l'esclavage; ils ont voulu la faire préjuger implicitement en leur faveur, non par un décret formel, mais pardes préambules, par des inductions éloignées, par des conséquences indirectes, par des décisions préparatoires; et en repoussant les hommes de couleur de l'exercice des droits politiques, ils ont cru que cette exhérédation préalable serait un obstacle de plus, qui vous empêcherait d'atteindre les esclaves pour briser leurs fers. C'est ainsi qu'en tergiversant, en ne sollicitant qu'une loi provisoire, en dissimulant ses moyens et ses vues, de peur d'affronter le danger, on se met dans un poste périlleux, où l'on devient très facile à vaincre.
Laissons là les nègres et ne confondons pas deux causes absolument disparates. Je n'ignore pas que, pour rendre les colons odieux, on nous les représente sans cesse lés chaînes à la main, et environnés d'une multitude d'esclaves qu'ils gouvernent avec un sceptre de fer. Toutes ces déclamations doivent disparaître devant le principe lumineux de mon éloquent ami, M. d'Epré-mesnil : Cest la loi qui fait les esclaves, et ce sont les seuls colons français qui affranchissent les nègres dans nos colonies. Il ne faut donc plus voir ici, dans les hommes de couleur, que des affranchis qui doivent la liberté à ces mêmes colons qu'on nous dénonce comme leurs ennemis et comme leurs tyrans.
En simplifiant ainsi la question que nous traitons, il me semble que, sans mettre à l'écart les droits de l'humanité, qu'il faut toujours respecter, noiis pouvons placer avec confiance la justice, le patriotisme et la politique entre nous et les partisans des hommes de couleur.
Posons d'abord pour principe fondamental, dans cette délibération, que dans tous les gou-* vernements anciens ou modernes, sagement organisés,,la lui a distingué les esclaves, les affranchis", les hommes libres et les citoyens. Tous ces intervalles politiques sont fortement marqués dans la législation, et nous trouvons partout des classes intermédiaires entre l'esclavage et le droit de cité. Je soutiens donc que le droit de cité n'est pas une conséquence nécessaire de la liberté et que les hommes de couleur de nos colonies ne doivent l'obtenir qu'à des conditions dignes d'être mûrement et profondément discutées par l'Assemblée nationale.
Les hommes de couleur sont libres et propriétaires dans nos colonies, grâce à la générosité de nos concitoyens colons, auxquels ils doivent, depuis deux ou trois générations, leur liberté et leurs propriétés. Ils nous demandent
aujourd'hui une loi qui les admette à l'exercice des droits politiques, c'est-à-dire au rang de citoyen actif, en les appelant aux assemblées primaires, électorales ou coloniales, aux places municipales, aux fonctions judiciaires et enfin aux grades militaires dans le commandement des troupes de nos colonies.
Voilà le véritable état de la question ; voilà le point isolé de droit public que nous devons examiner dans cette tribune.
J'observerai d'abord que les nègres libres sont beaucoup plus intéressants, à mes yeux, que les mulâtres, ou hommes libres de couleur. Un nègre libre est un homme qui a mérité personnellement par sa bonne conduite, par son travail, par les services qu'il a rendus à son maître, d'obtenir de sa reconnaissance l'inappréciable bienfait de l'affranchissement. Lés hommes de couleur, au contraire, sont tous, ou presque tous, les fruits honteux du libertinage de leurs maîtres; et je demande que, en délibérant ici sur leurs prétentions, nous les réduisions du moins à la classe très peu nombreuse des mulâtres qui peu-Vent prouver légalement leur affranchissement et qui sont nés en légitime mariage d'un père et d'une mère libre. Il serait trop absurde, en effet, de donner aujourd'hui, pour rivaux et peut-être pour supérieurs à nos colons, des hommes de couleur qui ne jouissent que d'un affranchissement tacite, sans en avoir obtenu aucune reconnaissance légale, dans un $ays où, en vertu de vos propres lois, l'esclavage est le droit relativement aux homme noirs, et où la liberté doit être regardée comme l'exception. Il serait trop absurde que des nègres marrons qui ont déserté de l'une de vos colonies, pour se transplanter dans une autre et qui n'y jouissent de la liberté que parce qu'il ne se présente aucun maître pour les réclamer, fussent assimilés politiquement aux Français établis dans nos possessions américaines. Il serait trop absurde, enfin, que des législateurs, convaincus de la nécessité de respecter les mœurs publiques, accordassent la plus immorale protection au concubinage, déjà malheureusement si commun aux Antilles.
Après avoir posé tous ces principes préliminaires et fondamentaux, j'avance avec confiance, dans cette tribune, qu'il est indécent d'y remettre en question ce que vous avez déjà décrété le 8 mars et le 12 octobre derniers. Vous avez déclaré que votre Constitution était inapplicable à vos colonies; que vous leur accordiez l'initiative en matière de législation et que vous ne statueriez jamais rien sur l'état des personnes dans les colonies que sur le vœu préalable et formel des assemblées coloniales. Ces assemblées coloniales existent. Elles sont légalement constituées; elles sont reconnues par vous, comme de véritables corps représentatifs..... Or, Messieurs, j'adjure l'honneur de cette Assemblée. Quand on a fait une promesse, quand cette promesse est écrite, quand elle est consignée dans une loi; que ais-je? quand elle est devenue une loi, on ne la discute plus, on ne l'interprète plus, on ne l'élude plus, on l'exécute.
C'est cette exécution littérale de vos promesses que réclament aujourd'hui nos quatre comités réunis. Vous devez donc adopter, sans hésiter, le projet de décret qu'ils vous présentent ; vous devez le perfectionner par quelques articles additionnels, afin de ne pas rendre vaine et illusoire la volonté ferme, que vous avez manifestée, d'appeler successivement, mais avec prudence, tous
les Français aux droits que leur assure la Constitution. En interrogeant ici les droits de l'homme, qui ne sont pas des lois positives, mais de simples principes de législation, dont on ne devrait jamais parler en France que dans cette Assemblée, il faut placer l'intérêt national entre vous et les gens de couleur qu'on recommande à votre humanité. Les principes abstraits ne peuvent avoir ici une application, et encore moins une rigueur absolue. Nous ne sommes pas des jurisconsultes, nous ne soutenons pas une thèse; nous n'argumentons pas dans une école; enfin nous ne plaidons pas sur un point de droit. Nous discutons un grand intérêt national ! Notre premier soin doit donc être de poser le principe sacré, le principe conservateur de toute société, que, dans les goi*-vernements les plus libres de la terre, le droit de liberté est absolument séparé du droit de cité. Le droit de liberté est une émanation du droit naturel; Je droit de cité est au contraire une simple délégation du corps social.
Voilà, Messieurs, l'axiome incontestable qui doit vous dicter aujourd'hui votre décision. Au lieu de nous envelopper ici des nuages d'une obscure métaphysique, sortons à présent de cette enceinte. Allons parcourir les gouvernements les plus libres de l'univers; et voyons, à la clarté du fanal que je viens d'allumer devant vous, si le principe de droit, public que j'invoque avec tant d'assurance, a reçu son application chez les différents peuples qui nous ont donné de si utiles leçons, et de si grands exemples dans la carrière de fa liberté Où ils nous ont précédés avec autant de sagesse que de gloire.
Qu'a-t-on fait d'abord en Angleterre, où l'on a des colonies et où l'on respecte aussi, je crois, les droits des hommes? Les colonies anglaises, auVentou sous le Vent, Saint-Christophe, Antigue, la Jamaïque, n'ont pas même été citées dans cette délibération. Connaît-on, dans les îles du peuple le plus solidement libre de l'Europe, des hommes de couleur appelés à l'exercice des droits politiques, au privilège de citoyen actif? Je dis au privilège, car c'est un privilège et non pas un droit. Non, Messieurs, il n'y en existe aucun. Tout les hommes de couleur qui vivent sous la domination de la Grande-Bretagne sont pleinement exclus des prérogatives que l'on réclame ici en leur faveur. Ces hommes de couleur des colonies anglaises, satisfaits de leur liberté et bornés à leur industrie, assurés de la protection commune de la loi, assurés surtout qu'on ne les soumettra jamais à aucune loi qui n'ait été décrétée pour l'universalité des colons, n'aspirent à aucune autorité civile, vivent heureux dans leur sage obscurité et enrichissent paisiblement leur patrie en s'enrichissant eux-mêmes.
Quel est l'usage que l'on a suivi chez une autre nation plus neuve, qui, en sortant de son long assoupissement politique, semble avoir donné au genre humain l'éveil de la liberté? Dans l'Amérique Septentrionale, et surtout dans la Caroline et dans la Virginie, on compte un très grand nombre de cultivateurs propriétaires, qui sont aussi des hommes libres de couleur. Les droits de l'humanité viennent d'être examinés avec la plus scrupuleuse rigueur dans ces Etats de l'Amérique où les peuples se sont partagé toutes les dépouilles de la tyrannie.
Eh bien, dans ces heureuses contrées où tous les préjugés sont tombés à la fois, les hommes de couleUr ont-ils été admis au rang de citoyen actif, par ces mêmes Américains qui venaient de
conquérir si glorieusement leur indépendance? Non, Messieurs (A gauche : Si! si!).., non, je le répète encore, non aucun de ces hommes de couleur n'a été appelé à cette grande prérogative nationale. On ne connaît ni dans le congrès, ni dans les assemblées particulières des Etats-Unis, ni dans les assemblées électorales, ni dans les assemblées primaires, ni dans les corps représentatifs, ni dans les municipalités, ni à l'armée, ni dans les tribunaux, la nouvelle prétention qu'on élève parmi nous en faveur des hommes de couleur qui sont nés dans nos colonies; et c'est dans la République la plus récente et la mieux organisée de l'univers que les mulâtres se sont crus libres, se sont crus même citoyens, sans être encore admis au partage des droits politiques que la société a le droit de modifier, quand, ne cédant pas à un enthousiasme oratoire, elle voit les hommes tels qu'ils sont et non pas tels qu'ils devraient être, car il3 n'existent ainsi nulle part; enfin, quand, sans opprimer personne,elle ne veut pas livrer un Etat à une domination étrangère.
Si, après avoir observé l'Amérique, vous voulez revenir en Europe, informez-vous d abord de ce qui se passe en Angleterre. Tous les étrangers naturalisés Anglais, ou nés en Angleterre de parents étrangers, jouissent-ils, dans cette île fortunée, de l'exercice des droits politiques? Non, sans doute. Le fils d'un homme naturalisé n'en a pas même la plénitude; ce n'est que son petit-fils que la loi regarde comme entièrement incorporé à la nation et qu'elle investit sans réserve de toutes les prérogatives des citoyens anglais. Blackstone a parfaitement traité cette question de droit public, au commencement du second volume de son commentaire sur les lois anglaises. Un regni-cole naturalisé par des lettres patentes du roi d'Angleterre ne peut jamais être membre du conseil privé, ni d'aucune des 2 chambres du Parlement, ni remplir aucun office de confiance civil ou militaire, ni même recevoir aucun don de la Couronne. Lorsque la naturalisation se fait par un acte du Parlement, l'acte n'y est jamais admis sans que ces exclusions y soient littéralement inférées.
Le3 adversaires de mon opinion oseront-ils dénoncer ces restrictions et ces réserves de la législation anglaise comme des attentats contre les droits de l'homme? Ou reconnaîtront-il», enfin, que le droit de liberté est évidemment séparé du droit de cité? Si, pour achever de les convaincre de cette vérité qu'ils ont tant obscurcie, ou plutôt qu'ils ont tant méconnue depuis plusieurs jours, il faut les accabler encore par d'autres vérités de fait qui échappent à toutes leurs subtiles arguties, il sera facile de leur citer un exemple, encore plus frappant, des sages précautions que l'on doit prendre pour graduer cette adoption sociale qu'un peuple sage ne doit jamais prodiguer légèrement à des étrangers. On reçoit à Genève tous les émigrants qui veulent s'y établir; ils y sont tous sous la protection de la loi et on les appelle simplement des habitants; leurs enfants, nés à Genève, s'appellent des natifs et n'appartiennent pas encore à la classe des bourgeois. Ce ne sont que les enfants de ces natifs qui, devenus citoyens, à la troisième génération, ont le droit d'entrer dans le grand conseil commun de la République.
Voilà, Messieurs, de3 exemples respectables, j voilà des maximes de gouvernement qui ont -été | adoptées par des peuples que l'on n'accusera sans
doute ni d'être des esclaves, ni d'être des bar-bares. Voilà-par quels degrés ils ont élevé, au rang des citoyens actifs, les étrangers qui ont voulu s'associer à leur gouvernement. Le premier moment de l'agrégation d'on individu à un corps politique n'a jamais acquis à personne le droit de de cité dans aucun des pays que nous venons de parcourir.
Appliquons maintenant .ces principes à la question du moment. Si nous nous transportons par la pensée dans nos colonies des Antilles, avec la même impartialité, la même modération d'esprit, le même désir d'assurer le bonheur de nos semblables, nous y trouverons des Français blancs, des nègres libres, de nouveaux affranchis qu'on appelle mulâtres, ou hommes de couleur, et enfin des esclaves. Déjà, Messieurs, avant de chercher à concilier, dans notre décret, les intérêts des colons, les intérêts des hommes de couleur, les intérêts de la métropole, en leur rendant justice à tous, vous comprenez qu'il ne faut jamais perdre de vue deux puissantes considérations qui doivent préparer la décision de l'Assemblée nationale. D'abord c'e^t de nos colonies américaines que nous sommes occupés. Ne portons pas là nos principes constitutionnels; ils sont inapplicables à l'organisation, à la population et aux prohibitions inévitables d'un pays où la terre, condamnée, par l'intérêt national, à des productions particulières qui font en quelque sorte de nos colonies une vaste manufacture, semble frappée elle-même d'esclavage. Le régime colonial sera donc toujours essentiellement différent du gouvernement de la métropole.
Nos colons, assujettis à de légères impositions, qui suffisent à peine aux dépenses locales, ne payent aucun autre tribut direct à la France que le droit du domaine d'occident, c'est-à-dire une contribution de 5 0/0, sur le prix du sucre, du café, du coton, du cacao,etc.,qu'ils apportenten France. Nous nous ruinerions nous-mêmes, si nous les soumettions à des impôts plus considérables; leurs marchandises, que nous vendous à toute l'Europe, ne pourraient plus soutenir la concurrence avec les ventes des autres puissances commerçantes, lorsque nous en aurions augmenté imprudemment le prix par nos impositions fiscales. Le grand impôt national que nous percevons de nos colonies consiste dans le double privilège exclusif, que nous nous sommes réservé, de les approvisionner par notre commerce et d'attirer toutes leurs productions dans nos ports. Cette exportation de nos denrées et cette importation du produit de leurs cultures valent annuellement plus de 250 millions au royaume.
Si nous pouvions douter de l'impossibilité d'appliquer à ces régions lointaines notre nouvelle Constitution française, nous trouverions, dans la 6eule différence des climats, des raisons suffisantes pour nous prémunir contre cet enthousiasme d'humanité que i'ou veut nous présenter ici comme le conseil de la raison. Nous allons examiner, devons-nous nous dire à nous-mêmes, les prétentions et les droits politiques des habitants d'un pays cultivé par des esclaves! Comment, après avoir autorisé à regret cette violation de tous nos principes constitutionnels pour conserver à la France le rang politique dont elle jouit parmi les puissances de l'Europe ; comment, après avoir fermé les yeux, dans cette Assemblée, sur un si grand outrage fait à l'humanité, comment oserions-nous, avec quelque pudeur, nous montrer scrupuleux dans la dispensation de nos
nouveaux droits politiques, de ces droits de citoyen actif qui, en dernière analyse, ne peuvent flatter que l'orgueil ?
Quoi 1 ce serait dans cette même contrée, où nous avons toléré l'esclavage, que, par la plus prompte inconséquence, nous assimilerions indistinctement l'existence politique de nos an^ ciens concitoyens français et de ces nouveaux hommes de couleur? et quels sont donc ces hommes de couleur pour lesquels on nous demande cette émancipation ? Ce sont les descendants des maîtres et des esclaves, qui, par un mélange coupable, ont engendré cette race intermédiaire entre les blancs et les noirs, Ils doivent tous leur liberté à ces mêmes hommes blancs qui les ont généreusement affranchis, et auxquels on nous propose, avec toute la philosophie des figures de rhétorique, de les égaler dans l'administration de nos colonies. Il me semble que le décret national qui établirait aujourd'hui cette égalité politique entre les hommes de couleur et leurs anciens maîtres serait, du plus grand dan- -ger pour les blancs. Vous me demandez quel est ce danger ? Hélas 1 il est bien facile de le découvrir quand on le cherche sans prévention et avec le courage si rare de la bonne foi. Le danger d'établir sur le même niveau politique les hommes de couleur et les hommes blancs vient d'abord de ce que la plupart de ces affranchis ont encore leurs parents, leurs oncles, leurs neveux, leurs frères, et peut-être leurs pères, dans les ateliers de l'esclavage. Une famille entière n'est jamais affranchie à la fois. (Murmures)..... Vos murmures m'avertissent, Messieurs, que vous n'apercevez pas encore la conséquence de mon raisonnement. Eh I il s'agit bien ici de vanité I Certes, je sais, comme vous, qu'un homme n'a pas besoin de faire des preuves pour être citoyen, quand il paye des impôts. Mais ma philosophie, à moi, est la philosophie de la législation, et la vôtre, souffrez qu'on vous le dise, n'est que l'exaltation d'une théorie que des hommes d'Etat doivent reléguer dans les livres comme un merveilleux idéal qu'il est impossible d'appliquer aux gouvernements.
Je reprends donc, et je développe un raisonnement qu'on a mal deviné, un raisonnement que mes improbateurs ont cru réfuter victorieusement en répondant à leur propre pensée et non pas à la mienne.
J'observe d'abord à l'Assemblée qu'il est fort inutile de faire, dans cette tribune, de pathétiques déclamations en faveur de l'humanité. Toutes; les fois, en effet, qu'il n'existe manifestement, ni aucun projet, ni aucune plainte d'oppression, à quoi tendent une si perfide popularité ou plutôt de si misérables calomnies, si ce n'est à tromper les tribunes, en leur dénonçant les colons comme autant de tyrans, parce qu'ils ne veulent pas dépendre dés hommes de couleur? Non, personne ne veut ici opprimer les mulâtres. Si quelqu'un en a formé le dessein, je déclare, sans craindre d'être démenti, que je n'en suis pas le complice. J'examine loyalement, „ s'il ne serait pas infiniment dangereux d'appeler tous les mulâtres à l'exercice de ces droits politiques1, qui finiraient par mettre nos colonies entre leurs mains. On a beaucoup discuté, dans cette Assemblée, sur le nombre respectif des blancs et des hommes de couleur; et les partisans de mon opinion se sont livrés maladroitement à des calculs, pour contester le fait, au lieu de s'en prévaloir, pour mieux accabler leurs
adversaires. Je choisis donc, Messieurs, l'hypothèse la moins favorable, en apparence, a la cause que je défends. Je suppose que les hommes de couleur sont supérieurs en nombre aux hommes blancs dans nos colonies, et eu prenant acte de cet aveu indiscret, dont on a osé se faire un moyen, j'en conclus que si ces hommes de couleur attachent un grand prix au désir de dominer; que si la fantaisie du pouvoir militaire, municipal, judiciaire, administratif, est devenu le luxe de leur amour pour la liberté; j'en conclus, dis-je, invinciblement, que ces nommes de couleur, qui domineront par le nombre dans toutes les assemblées électives, dès que vous les aurez reconnus citoyens actifs, seront incessamment les maîtres de vos colonies, et qu'ils auront bientôt tous les blancs à leur merci. Je vais plus loin; car je ne voudrais laisser, dans cette cause, aucun nuage dans vos esprits, aucun argument sans réplique. Je suppose donc que les mulâtres ne soient pas d'abord les plus nombreux dans les assemblées coloniales. Il n'est aucun des individus de cette caste mélangée, qui, en sa qualité de propriétaire, n'ait la, faculté d'affranchir son parent esclave. Il se formera donc bientôt une coalition de domination entre les hommes de couleur; et à moins qu'ils ne soient indiffé-* rents à ce titre de citoyen actif, et qu'ils n'y attachent beaucoup moins d'importance que leurs propres défenseurs, il est facile de prévoir qu'avant l'expiration d'une année, ces hommes de couleur formeront la pluralité dans toutes les assemblées primaires, électorales et coloniales. Jusqu'à présent ils n'ont su qu'obéir: ils deviendront des tyrans ; et vous n'aurez que déplacé le despotisme, en cherchant à l'anéantir.
Les blancs ne peuvent jamais se recruter ainsi, en nombre suffisant, pour balancer l'inévitable multiplication des hommes de couleur. Ceux* çi deviendront les rois de nos colonies le jour qu'ils entreront, comme les blancs, dans les assemblées coloniales; et dès que vous en aurez fait des citoyens actifs, ils chasseront, quand ils le voudront, tous nos concitoyens français. Je pe crois pas que cette conséquence puisse être douteuse pour aucun esprit raisonnable. Je demande maintenant aux représentants de la na-tion, s'il est sage, s'il est patriotique d'exposer les Français et la France à de si grands malheurs, il est beau, sans doute, de se montrer humain et généreux; mais malheur, malheur au peuple qui se livre à l'enthousiasme en décrétant les lois; qui, dans l'assemblée de ses législateurs, dédaigne les conseils vénérables de la raison et ne sait applaudir qu'à des coups de théâtre!
Tous les hommes de couleur ont été des esclaves, qui sont devenus des affranchis, quand leurs maîtres leur ont légué la liberté. Mais un affranchi n'est pas encore assez amalgamé à la nouvelle nation dont il devient membre, pour avoir le droit d'influer sur le gouvernement et de participer à la puissance publique. Ce droit ne lui appartient pas surtout, lorsque sa tribu l'attache a une classe d'hommes infiniment nombreuse, à une classe rivale, à une classe qui n'a fait que changer de maîtres en passant dans nos colonies, à une classe enfin qu'il ne faut pas opprimer, sans doute, mais qui ne doit cependant pas être favorisée, au préjudicé de ces mêmes hommes blancs, dont elle était d'abord, par vos lois, la propriété. Ce serait manifestement une souveraine imprudence que d'aller, en ce genre, au delà des devoirs de protection ; et voilà, Messieurs, le véritable nœud de la diffi-
culté qu'on n'a pas encore osé aborder dans cette tribune.
On nous a menacés plusieurs fois, durant le cours de cette discussion, j'ignore si c'est avec fondement, de la scission prochaine de nos colonies.
On nous a dit que les colons, épouvantés de se voir bientôt sous la dépendance des hommes de couleur, iraient solliciter une domination étrangère, et que l'Angleterre, qui influe peut-être plus qu'on ne pense sur cette délibération, était prête à leur ouvrir les bras. J'aime à espérer que la France n'éprouvera jamais un si grand malheur, un malheur qui la ferait descendre au rang des puissances du second ordre. Oui, Messieurs les novateurs, si vous perdiez annuellement plus de 200 millions que vous tirez de vos colonies ; si vous étiez obligés de chercher d'autres ressources pour compenser vos traités désastreux de commerce, pour payer, chaque année, près de 80 millions de rentes viagères que vous devez aux étrangers, en vertu de vos emprunts ; si vos négociants du Havre, de Nantes, de Bordeaux, de Marseille, écrasés tout à coup par la perte de plus de 400 millions que vos colons doivent au commerce français, se voyaient ainsi condamnés eux-mêmes à une banqueroute universelle; si vous n'aviez plus le commerce exclusif de vos colonies pour alimenter vos manufactures, pour conserver votre marine, pour entretenir l'activité de votre agriculture, pour acquitter vos échanges, pour subvenir à vos Desoins de luxe, pour tenir à votre avantage la balance de votre commerce avec l'Europe et l'ASie, je le dis hautement, je le dis à vos économistes, déjà convaincus de tant d'autres hérésies politiques, le royaume serait perdu sans retour 1 (Murmures et applaudissements)L. Oui, Messieurs, le royaume serait inévitablement perdu; vous auriez opéré vous-mêmes la scission de vos colonies, non par la faute des blancs avides à se rallier à une autre nation moins scrupuleuse, et plus sagement protectrice de leurs droits; mais, j'ose le dire, par la seule faute de la loi indiscrète que l'on vous propose de décréter. Si vous appeliez en effet soudainement tous les hommes de couleur aux privilèges de citoyen actif ; si vous les précipitiez, brusquement et sans gradation, dans l'exercice d'un pouvoir si nouveau pour eux, vous forceriez tous les blancs à s'expatrier. Le séjour de vos colonies leur deviendrait intolérable dès qu'ils se verraient sous le joug de leurs anciens esclaves. Pour se garantir de cet empire combiné et toujours croissant, qui nelaisserait plus à l'imagination elle-même aucun intermédiaire entre les blancs et les esclaves, les blancs seraient obligés de vendre leurs plantations, si toutefois on daignait encore les acheter. Pour mieux les expulser, on les vexerait, on les humilierait sans cesse; et les hommes de couleur, victimes à leur tour de leur aveugle ambition, ne conserveraient pas longtemps leurs propriétés contre ces mêmes amis des noirs qui nous demandent aujourd'hui leur émancipation politique comme le prélude de l'affranchissement général des esclaves.
Je ne sais pourquoi, Messieurs, ori s'attache à susciter tant de défaveur dans celte Assemblée aux hommes blancs, que l'on veut réduire eux-mêmes en servitude, pour le plus grand honneur de l'humanité 1 Ces blancs que l'on cherche à vous rendre odieux, sont cependant les véritables, les seuls liens qui unissent nos colonies à la métropole. Le jour où vos îles ne seront plus habitées et administrées par des blancs, la France
n'aura plus de colonies ; elles ne seront plus peuplées que d'une classe de nègres et de mulâtres qui ne sont pas, quoi qu'on en dise, de véritables Français puisqu'ils n'ont pas même vu la France. Ces insulaires, dont l'Afrique est la véritable patrie, mourront peut-être de faim dans le^pays le plus fertile de l'univers, en se livrant à l'incurie, à l'imprévoyance, à l'impéritie et à l'incurable paresse de leur caractère; mais soit que les habitants de ces heureuses contrées périssent de misère, soit qu'une puissance voisine vienne s'en emparer, il est évident, pour tout homme qui sait calculer l'avenir, qu'if ne faut étudier le sort des colonies, ni dans les menaces, ni dans les prédictions sinistres de nos colons ; il faut le voir à l'avance dans notre délibération présente, parce que leur conservation ou leur perte éternelle sera la conséquence nécessaire du décret que vous allez rendre aujourd'hui.
Que les hommes de couleur deviennent donc citoyens, actifs dans nos colonies, après un certain temps, après un nombre déterminé dè générations; qu'ils obtiennent ce privilège national, à de sages conditions, avec des limitations et des réserves fondées sur leur légitimité originelle, sur l'état de leur père et de leur mère, sur les contributions auxquelles ils seront soumis, sur la proportion de ieur population, afin que leur influence ne puisse jamais dominer dans les assemblées coloniales, je le conçois, je l'approuve, je le désire, et personne ne sera tenté de s'y opposer.
- Mais, Messieurs, que cette émancipation politique soit le bienfait soudain d'une loi nouvelle et illimitée; que des hommes qui ont à peine brisé les fers de l'esclavage soient revêtus indistinctement, le même jour, de toute la puissance politique du droit de cité, sur leurs Concitoyens, sur leurs anciens maîtres, sur des hommes dont ils sont les rivaux, sur 50,000 Français qu'ils pourraient à chaque instant exterminer, en se mettant à la tête d'une armée de 600,000 nègres leurs véritables concitoyens, j'ose le dire : ce n'est point là une mesure que des législateurs français puissent 'jamais adopter. (.Applaudissements.)
Non, non, vous ne livrerez pas ainsi vos frères colons au joug de leurs esclaves. On vous trompait : je le vois dans ce moment, quand on abusait de votre humanité pour aveugler votre patriotisme. Il n'y a plus ici qu'une seule opinion. Aussi, malgré tous les orages que cette discussion a paru «xciter depuis plusieurs jours dans cette Assemblée, j'ai toujours cru à l'antique sentiment qui s'échappe dans cet instant du fond de tous les cœurs; et je m'applaudis, au milieu des transports de votre sensibilité, de n'avoir jamais désespéré du salut dé la France !
Imaginez, Messieurs, que la nation française met dans ce moment une balance entre vos mains. Dans l'un des bassins, je vois 50,000 blancs : et dans l'autre j'aperçois 700,000 noirs ou hommes de couleur. Si vous ne vous hâtez de mettre du côté des blancs les- prérogatives de la puissance politique, il n'y a plus d'équilibre. Nos concitoyens américains sont sacrifiés. Le mode d'oppression ne sera plus le même dans nos Colonies ; mais les oppresseurs n'y deviendront que plus terribles, lorsque la loi se sera déclarée complice du plus fort. Eh! quels reproches pourriez-vous craindre, lorsque, vous souvenant que la législation d'un grand Empire vous est confiée, vous direz aux colons, vous direz à l'univers : je n'appelle pas indistinctement tous les hommes ae couleur au rang des citoyens, parmi lesquels le
peuple élira ses juges; mais je leur assure à tous dans les tribunaux une égale justice : je leur assure à tous la seule égalité qui ne soit point une chimère, l'égalité devant la loi. Je ne les appelle pastous au commandement militaire; mais je leur assure à tous la protection de la force publique; la puissance armée veillera sans cesse à leurs côtés : elle sera toujours prête à les défendre, s'il existe des factieux assez hardis pour troubler le repos d'un mulâtre, uniquement parce que la nature aura mis quelques couches de couleur de plus sur son front. Je ne les admets pas tous dans les corps municipaux ; mais je n'ai institué des municipalités légales, qu'en leur imposant l'obligation sacrée de protéger tous les habitants de la cité; et les premiers magistrats du peuple, auxquels la loi vient d'attribuer cette autorité domestique et tutélairé, seraient bientôt déposés, s'ils pouvaient oublier que la nation abhorre toutes les tyrannies, et qu'elle doit d'autant plus de secours aux hommes de couleur, qu'elle leur a délégué moins de droits. Ce titre honorable de citoyen actif est nouveau dans la France elle-même, et n'appartient pas à tous les Français. Pourquoi ne serait-il pas restreint plus sévèrement encore dans les colonies que dans la métropole?
A ces conditions, n'en doutez pas, Messieurs, votre dette envers les hommes de couleur sera suffisamment acquittée. Permettez-moi, sans heurter ici aucune prévention particulière, sans éveiller des souvenirs qui troubleraient l'heureuse harmonie deprincipes et de sentiment que je crois voir régner dans ce moment autour de moi,permettez-moi, dis-je,de vous demander par quelle incroyable imprudence on a osé assimiler,dans cette tribune, les colonies au royaume, en vous rappelant que la France venait d'opérer une révolution dans son gouvernement, et qu'il fallait en étendre l'influence jusqu'aux Antilles ?- Une révolution 1 Hélas I est-ce donc aussi une révolution que Ton veut commencer dans vos colonies ? Une réyo-lutionl mais une révolution dans vos colonies en serait l'indépendance, c'est-à-dire l'anéantissement. Une révolution y serait un changement de domination; elle ferait rentrer tous les esclaves dans la jouissance de ieur liberté, tous les hommes de couleur dans Tex-ercice inouï, mais peu durable, de leurs droits politiques; et tous les blancs, proscrits par cette insurrection inévitable, dépouillés de leurs propriétés, esclaves de leurs esclaves, n'auraient plus à opter qu'entre l'émigration, la servitude et la mort.
Telles sont les conséquences inévitables de tous ces principes philosophiques que Ton étale ici avec une si fastueuse humanité. Il en résulte, Messieurs, que vos colonies n'avaient pas le droit de voter dans cette Assemblée, et que vous n'auriez jamais dû admettre leurs députés parmi les représentants du continent français. Les imprudents colons ne savaient pas que le despotisme ministériel était anéanti, pour eux Comme pour nous, et qu'ils compromettaient la nation-, autant qu'ils se compromettaient eux-mêmes, en venant siéger dans ce sanctuaire.
Quelle influence pouvaient-ils réclamer en effet sur notre Constitution, qui est inapplicable à leur régime ; sur la fixation de nos impôts, auxquels ils ne sont pas assujettis ; sur notre législation enfin, qui leur est étrangère, tandis qu'ils voulaient décréter, très justement, sans nous, leur Gode particulier, et le faire consacrer ensuite par la double sanction de l'Assemblée nationale et du roi ? J'exciterais d'inutiles regrets, si je
voulais développer en détail tant de contradictions et tant d'inconséquences ; mais je rappellerai aujourd'hui à cette Assemblée, que je ne fus point écouté à Versailles, lorsque je voulus m'opposer, de tout mon pouvoir, à l'admission des députés de nos colonies. La distinction des trois ordres était encore alors légalement reconnue. On ne me répondit rien de raisonnable. Mais on voulait récompenser le zèle de ces insulaires qui avaient acquis une si grande faveur, en accourant pour s'unir au mémorable serment du Jeu de paume ; et l'on reçut avec acclamation, dans le temple des trois ordres du royaume, les mandataires réels ou supposés de ces mêmes colonies, où le clergé était composé de quelques religieux sans propriété ; où la noblesse était formée de tous les riches planteurs qui vivaient en France ; et où la principale masse du tiers état consistait en 6 ou 700,000 esclaves.
Aucun de ces imprudents députés ne se proposait, sans doute, d'opérer une révolution dans nos colonies. On peut faire une révolution dans un grand Etat, quand on met la raison et la justice à la place des abus. Mais ici, Messieurs, si vous tentiez un pareil bouleversement, vous substitueriez à vos concitoyens qui connaissent vos lois, qui les ont étudiées, qui ne se sont jamais séparés de la métropole, qui ne vont dans vos colonies que pour les cultiver et s'enrichir, qui soupirent vers le moment où ils pourront revenir en France, qui font élever parmi nous leurs enfants, et qui ne croient point émigrer, en allant travailler à la prospérité dé votre commerce, à une si grande distance ; vous leur subtitueriez des indigènes étrangers à la nation, des hommes qui ne vous sont unis par aucun nœud, ni par rhabitude du climat, ni par les liens du sang, ni par les relations du patriotisme; des hommes enfin que l'éblouissement de ce nouveau privilège rendrait trop dangereux, pour que vous deviez leur accorder prématurément une loi, peut-être juste en elle-même, mais très impolitique dans les circonstances actuelles.
Préparons-nous donc, Messieurs, à appeler dans la suite, avec de sages précautions, les hommes de couleur à l'exercice des droits politiques, d'après le vœu des assemblées primaires qui sont provisoirement et légalement organisées dans nos colonies. Connaissons d'abord jusqu'où s'étendront à leur égard l'humanité, la générosité et la prudence de nos colons blancs; sachons dans quelle mesure et dans quelle proportion ils veulent établir leur égalité politique avec ltes mulâtres. J'ose vous répondre, Messieurs, qu'ils céderont tout ce qu'ils pourront accorder sans compromettre fa nation. Le temps est venu où toutes les classes des citoyens doivent faire des sacrifices. Eh bien, voscolons en feront aussi. Pourquoi désespéreriez-vous si légèrement de leur patriotisme? Pourquoi les mettriez-vous dans la dépendance d'une caste nombreuse qui forme l'avant-gardé d'une armée plus nombreuse encore et plus formidable, et qui pourrait les dominer, les asservir, les égorger à son gré? Les colons ne décideront rien, en usant de l'ini-tiative que vous leur avez promise ; ils prépareront la loi en éclairant les législateurs. Mais nous, Messieurs, qui délibérons dans un si grand éloignement, nous qui n'avons encore posé aucune des bases de l'activité politique des colons, n'allons pas faire les parts sans avoir entendu toutes les classes intéressées à les rendre au moins égales et souvenons-nous que la loi doit être ici la compensation de la force et du
nombre. Un décret précipité peut faire ruisseler le sang dans nos colonies et il est peut-être de L'intérêt des hommes de couleur eux-mêmes de ne point obtenir cette loi illimitée, cette assimilation absolue avec les blancs, qu'un fanatisme philosophique sollicite aujourd'hui en leur faveur.
D'ailleurs, est-ce dans un moment d'insurrection qu'il convient d'établir un nouvel ordre de choses ? Est-ce au milieu des débris d'un gouvernement désorganisé qu'il faut augmenter encore la discorde et l'anarchie, en déterminant l'exercice du droit de cité?
Ces hommes de couleur, à peine mûrs pour la liberté, sont-ils suffisamment préparés à se voir, tout à coup, investis de la puissance publique ? Est-ce bien au moment où vous venez de voir un général français, auquel l'Assemblée nationale avait voté des remerciements, pour avoir conservé les colonies à la France, lâchement massacré par ses propres soldats ? Est-ce dans un moment où vos décrets retiennent à Paris une assemblée coloniale tout entière? Est-ce dans un moment, où le commandant de vos forces maritimes vient de mourir de douleur en Amérique, au milieu de l'insurrection générale dont il était environné dans sa propre escadre? Est-ce au moment où le gouverneur général s'est vu obligé de prendre la fuite, pour épargner à ces malheureux insulaires un grand crime de plus? Est-ce dans un moment où un lieutenant-colonel du régiment de Normandie, dévoré de chagrins, a lui-même perdu la raison, au milieu de cet esprit de vertige universel, dont il ne pouvait arrêter les progrès? Est-ce au moment où un autre commandant militaire, désespérant de se faire obéir, s'est donné la mort? Est-ce dans un momenlj où les officiers du régiment colonial du Port-au-Prince ont tous été obligés d'abandonner leurs drapeaux, ne pouvant plus contenir cette soldatesque indomptée, qui ne parlait que de pillages, de massacres et d'incendies? Est-ce dans un pareil moment qu'il faut décréter une loi si importante, faire de nouveaux mécontents, se décider en faveur d'un parti, devenir nous-mêmes des hommes de parti, dans un autre hémisphère, mettre en mouvement, et peut-être en état de guerre, cette autre puissance incalculable de l'opinion, livrer nos concitoyens à toutes les espérances téméraires, à tous les effrayants excès d'une imagination trompée, appeler tous les affranchis au rang de citoyen actif, leur persuader peut-être, que cette révolution est pour eux un droit de représailles, le droit terrible de se venger de leurs anciens maîtres, aùx-quels ils conservent de si vieux et de si profonds ressentiments? Non, Messieurs, ce n'est point dans de pareilles circonstances, qu'une assené blée législative doit prendre sa uiernière détermination. Que faut-il donc faire? Adopter le projet dé vos quatre comités, suspendre votre décret définitif, réserver l'initiative de la loi aux assemblées coloniales, et attendre leur vœu pour stipuler tous les intérêts combinés de l'humanité, de Ja liberté, des colonies et de la France. Ce qu'il faut faire? Ah! il faut, au lieu de commencer par où nous devons finir, en décrétant une loi irrévocable, il faut assurer protection aux colons, mais protection à tous, à ceux qui sont vos frères et vos concitoyens, à ceux qui sont les moins nombreux, à ceux qui sont les plus faibles, à ceux dont vous allez interro-poger le patriotisme dans leurs assemblées coloniales, et qui répondront, n'en doutez pas, ils
sont Français! qui répondront, dis-je, à cet honorable témoignage de confiance, à ce grand acte de justice nationale, que je ne yeux pas appeler un bienfait, en vous indiquant, avec un désintéressement sage, de nouveaux moyens de prospérité pour les colonies et pour la nation. ( Vifs applaudissements dans toutes les parties de la salle).
Plusieurs membres de la partie droite s'élancent au-devant de M. l'abbé Maury, lorsqu'il descend de la tribune et l'embrassent.
Je demande l'impression du discours de M. l'abbé Maury.
(Cette impression est décrétée à la presque unanimité.)
L'article 1er du projet du comité consiste à décréter, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne pourra être faite, par le Corps législatif pour les colonies, que sur la demande précise et formelle des ai semblées coloniales. J'adopterais cet article! s'il ne présentait pas un sens vague. Mes commettant?, qui sont des colons, n'ont jamais été assez insensés pour se réserver comme juges et parties, de prononcer sur ce qui est décidé de lait par la nature, et que l'honneur de l'Assemblée nationale est intéressé à maintenir. Vous devez connaître mes commettants et leurs vœux. Je vous demande cette justice pour eux; ce sont des colons.: je serai très courtî Permettes-moi de vous retracer brièvement les sentiments des colons que je représente. Ils m'ont dit : proférez solennellement l'entière adhésion de cette colonie à la nouvelle Constitution ; dites qu'elle a juré de périr plutôt que d'abandonner les principes de la régénération de l'Empire. Renouvelez ce serment en notre nom. Exprimez notre gratitude, et comme Français et comme colons; dites à la mère patrie que l'espace immense qui nous sépare ne fait qu'ajouter à notre vive affection pour elle, que nous n'aurons jamais d'autres intérêts que ceux qui nous lient à une mère si tendre. Mes commettants sont des Français que l'espoir d'un meilleur sort a transportés à 4,000 lieues de leur patrie; ils sont placés a la même distance de l'équateur que l'île de Saint-Domingue; ils ont 50,000 (sclaves; leurs voisins, les habitants de l'île de Bourbon, qui ne sont pas encore représentés, en possèdent au delà de 70,000. L'île de France est peuplée d'affranchis, de mulâtres et surtout par un très grand nombre de gens de couleur dont les uns ne portèrent jamais de chaînes, et les autres comptent des ancêtres libres au delà d'un siècle. Ce peuple cultive de l'indigo, il fabrique du sucre, il récolle du coton et du café; en un mot cette colonie présente une similitude parfaite avec celles de l'Amérique française.
Il semble que mes commettants avaient prévu la discussion qui vous occupe dans ce moment, lorsqu'ils m'ont recommandé de soutenir les intérêts des hommes de couleur nés libres. Ils ont rendu justice à leur zèle et à leur bonne conduite en tout point depuis la Révolution. L'assemblée coloniale les a délivrés de la tyrannie qui pesait sur eux ; mais elle ne s'est pas crue suffisamment autorisée pour statuer Définitivement sur l'état civil de cette classe.decitoyens.il lui a paru que la solution de celte difficulté tenait à des considérations majeures dépendantes du parti qui serait pris pour nos autres colonies, et que l'Assem-
blée nationale pouvait seule décider. Cette classe d'hommes s'est soumise avec résignation à attendre le prononcé de la métropole, et s'est même abstenue du droit de voter pour l'élection des corps municipaux. Je suis chargé expressément de mettre sous vos yeux les preuves de leur modération, de faire valoir tous les motifs qui peuvent intéresser pour eux et de vous supplier de leur part de statuer sur leur sort de la manière la plus favorable.
Après une déclaration aussi solennelle, me serait-il permis de garder le silence sur le projet de décret qui vous est présenté par la réunion de 4 comités, et dont le résultat est une contradiction solennelle avec vos principes les plus bienfaisants et conséquemment un renversement de votre Constitution. En effet, le projet vous invite en quelque sorte à frapper de mort civile une classe nombreuse de citoyens ; il tend à créer un tribunal, si je puis m'exprimer ainsi, de 29 juges qui sont en même temps parties pour prononcer nécessairement que 100 mille citoyens très libres n'auront d'autre part dans la communauté que d'en acquitter les charges. (.Applaudissements.) Car s'il fallait prendre une résolution contraire, c'est-à-dire suivant les principes de l'éternelle justice; à quoi servirait ce tribunal, si ce n'est à vous dire que vous avez décrété tout ce qui convient à la dignité de l'homme. Dans le premier cas, ce tribunal est dangereux, il est inconstitutionnel. Dans le second, il est inutile.
Par quelle fatalité veut-on que la France libre fasse seule une exception sur les gens de couleur, tandis que les Anglais, les Espagnols et les Portugais, qui possèdent des colonies bien plus étendues et plus peuplées que les nôtres, n'ont jamais eu l'idée de priver celte classe d'hommes des droits de citoyens actifs. (Murmures.) En 1775, un mulâtre était maire au Sénégal, lorsqu'il appartenait aux Anglais. Chez les Portugais, des évê-ques et des prêtres nègres y célèbrent la messe avec les prêtres européens ; les blancs et les noirs y remplissent les fonctions d'officiers municipaux et autres, sans autre distinction que leurs vertus. (Applaudissements; murmures.) A-t-on jamais ouï dire qu'il en ait résulté des maux tels que les députés de nos colonies veulent nous les dépeindre? Nous n'aurons plus de colonies, crie-t-on sans cesse, si vous y promulguez les droits de l'homme. Eh! l'exemple de nos voisins ne suffit-il pas pour détruire cette vaine terreur ? Quoi ! les gens de couleur èont-ils sans connaissance des obligations que leur impose la société ?N'ont-ils pas tout à gagner à être bons citoyens et à soutenir vos droits, qui seront les leurs? S'ils vous ont montré un siècle et demi de patience et de soumission, voyez ce qu'ils deviendront, une fois parvenus à cette égalité que la nature commande impérieusement, et qu'elle leur accordera malgré toutes les clameurs des ennemis de la liberté.
Mais qu'il me soit permis d'offrir à l'Assemblée nationale un grand exemple de justice, digne du créateur, comme vous l'a dit M. de Tracy. Rap-pelez-vous ces conquérants du nouveau monde qui ont fait disparaître des millions d'individus, vrais propriétaires du terrain, dont on veut que vous mutiliez l'image dans la personne des gens de couleur qui habitent le même climat : n'en doutons point, il existe encore parmi eux de vrais descendants des premiers habitants des Antilles, et vos 5 comités viennent vous proposer de perpétuer les crimes qui ont fait disparaître toute une génération de ces îles !
11 n'en existe pas un seul à Saint-Domingue.
On me reproche que ce que je viens de dire n'est pas exact. J'ai dit que tout le sang de cette génération avait disparu de ces îles; mais j'ai ajouté que le sang de cette génération circulait encore dans les veines de ces gens de couleur libres. (.Murmures à droite.)
Non, ce projet insensé et barbare ne trouvera point de "place dans votre Code: au contraire, vous répandrez sur ces colonies les fruits précieux de la liberté que le peuple français vient de conquérir, vous imiterez ces rois d'Espagne qui, pour contenir le génie dévastateur des gouverneurs des Indes Occidentales, firent une loi qui assure aux indigènes de l'Amérique les droits de citoyens, et prononce que lèur 'liberté ne pourra jamais être attaquée ;. et pour leur assurer ces.droits incontestables, par toute autre passion que l'avarice et la cupidité, ces' rois ont établi la plus belle charge de l'humanité, celle de protecteurs des Indiens. L'orgueil aveugle les hommes jusqu'au point de méconnaître leur intérêt et leur propre sûreté.
En effet, il serait facile de fixer l'époque où les gens de couleur seront assez nombreux pour dire aux Européens, et c'est le cas le plus favorable: Retirez-vous dans votre patrie, si vous persistez à nous contester les droits de l'homme: vous êtes des passagers sur notre sol, de véritables pèlerins dont les générations présentent depuis nombre d'années le même résultat, tandis que nous multiplions dans ce climat suivant les commandements du créateur, dans un climat que la providence a créé pour nous, et dans une telle progression qu'il vous amènera nécessairement dans notre dépendance; si vous voulez soutenir un ,privilège qui contraste avec les règles les plus saines de la morale et dé l'éternelle justice. »
Il est encore temps de prévenir ces malheurs et l'Assemblée nationale ne voudra pas scandaliser l'univers par l'admission d'un projet qui, s'il était possible de l'exécuter, riverait à jamais les fers de 100 mil lé citoyens nés libres et devant jouir de tous les bienfaits de la société. Ainsi l'intérêt général, surtout celui des colons, méfait conclure à supplier l'Assemblée nationale de prononcer la question préalable sur le projet de décret présenté par les 5 comités réunis, à adopter, celui de M. Barrère, avec cet amendement : « sans rien préjuger sur l'état des affranchis. »
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Mouneron.)
(de Saint-Jean-d'Angêly) paraît à la tribune.
Je demande que la discussion soit fermée. (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la parole.
Monsieur, je ne vous l'accorde pas. .
Eh bienl je la prends.
Je vous rappelle à l'ordre.
parle dans le tumulte.
Je réclame l'autorité de l'Assemblée pour imposer silence à M. Madier de Montjau. {
Plusieurs membres demandent la priorité, les uns pour le projet du comité, les autres pour celui de M. Barrère.
Je demande la priorité pour la rédaction de M. Moreau de Saint-Méry. Dans la position où vous vous êtes mis, je déclare que... (Murmures prolongés.)
Nous sommes arrivés au terme de la délibération. Les murmures ne serviraient qu'à nous faire perdre un temps considérable. On va lire les projets de décret dans l'ordre où ils ont été présentés. C'est dans cet ordre que je mettrai la priorité aux voix. |
L'appel nominal a eu lieu hier:sur la question de savoir s'il y a lieu à délibérer sur le projet des comités : le résultat a été affirmatif. C'est donc sur le projet que la délibération doit s'établir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des différents projets de décret proposés.
J'en ai un à présenter: « Les hommes de couleur libres, né3 de père et mère libres, et réunissant les conditions nécessaires pour obtenir la qualité de citoyen actif, jouiront de tous les droits attachés à cette qualité. »
(de Saint-Jean-d'Anaély). Je demande aussi à lire une rédaction : « L'Assemblée nationale confirme les assemblées coloniales actuellement existantes; elle déclare que les hommes libres de couleur et nègres libres, propriétaires et contribuables, ont le droit de jouir des droits de citoyens actifs lorsqu'ils rempliront les conditions prescrites ou à prescrire pour en régler l'exercice (Murmures...) dans les différentes parties de l'Empire ».
Voix diverses : Le projet de M. Barrère I?,— Le projet de M. Rœderer 1 — Le projet du comité!
La priorité ne me paraît plus réclamée en ce moment que pour le projet du comité, et d'un autre côté pour celui de M. Barrère.
A gauche : Non I non ! pour M. Rœderer I
J'ai donné une rédaction et je réclame pour elle. (Murmures.) ;
Le projet des comités ne peut plus remplir le vœu des colonies, parce qu'il faut qu'on s'explique clairement sur les esclaves. Je demande la priorité pour mes articles ; ils ne sont que des amendements à ceux du comité.
Plusieurs membres : Vous présenterez votre projet en amendement.
En ce cas, j'appuie la priorité pour le projet du coopté. .
La délibération de la priorité doit d'abord porter sur le projet du comité.
(L'Assemblée, consultée, accordera priorité au projet des comités).
Plusieurs membres ; C'est la même majorité qu'hier 1
L'article 1er du projet des comités est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne pourra être faite par le Corps législatif pour les colonies que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales. »
Je demande qu'après ces mots : « sur l'état des personnes », on ajoute ceux-ci : « non libres ». (Laquestion préalable!)
Je demande qu'on dise : « sur l'état des esclaves ». (Murmures.)
Il faut dire : « sur l'état des personnes non libres, autres que celles qui sont nées de père et mère libres. »
Vous savez , Messieurs, quels effets ont produit, et dans cette Assemblée et dans les colonies, les doutes élevés sur la rédaction de l'article 4 des instructions du 28 mars; le moment est venu où il est indispensable de s'expliquer clairement, d'une manière qui ne permette plus de doutes. Il ne faut donc plus parler de personnes non libres ; que l'on disé tout simplement des esclaves : c'est le mot technique. (Murmures.)
En proposant ce changement de rédaction, je n'ai pas la faiblesse d'abdiquer ce qui est relatif aux hommes de couleur ; je demande également Tinitiàtive sur eux.
Voici donc mon amendement :
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des esclaves dans les colonies de l'Amérique ne pourra être faite par le Corps législatif que sur la demande formelle et spontanée ae leurs assemblées coloniales. »
(1). J'ai une simple observation à faire sur l'amendement. Le plus grand intérêt, Messieurs, dans cette discussion, est de rendre un décret qui n'attaque pas d'une manière trop révoltante et les principes et l'honneur de l'Assemblée. (Murmures et applaudissements.) Dès le moment où, dans un de vos décrets, vous aurez prononcé lç mot esclaves, vous aurez prononcé et votre propre déshonneur (Murmures ét applaudissements)... et le renversement de votre Constitution. (Oui!.oui!)
Je me plains, au nom de l'Assemblée elle-même, de ce que, non content
d'obtenir d'elle tout ce qu'on désire, on veut encore la forcer à
l'accorder d'une manière déshonorante pour elle et qui démente tous ses
principes. (Murmures et applaudissements.) Si je pouvais soupçonner que,
parmi les adversaires des hommes de couleur, il se trouvât quelque
ennemi secret de la liberté et de la Constitution, je crois qu'il n'a
voulu servir que sa haine, lorsqu'on a voulu vous forcer à lever
vous-mêmes le voile sacré et terrible que la pudeur
Je demande si les colons doivent délibérer; il est étonnant qu'on les laisse, interrompre un orateur qui exprime des sentiments qui doivent être dans le cœur de tous les citoyens.
C'est un grand intérêt que la conservation de vos colonies; mais cet intérêt même est relatif à votre Constitution; et l'intérêt suprême de la nation et des colonies elles-mêmes est que vous conserviez votre liberté et que vous ne renversiez pas de vos propres mains les bases de cette liberté.Eh! périssent vos Colonies, si vous les conservez à ce prix. (Murmurés et applaudis-sements)... Oui, s'il fallait ou perdre vos colonies, ou leur sacrifier votre bonheur, votre gloire, votre liberté, je le répète : périssent vos colonies ! (Applaudissements.) Si les colons veulent par les menaces nous forcer à décréter ce qui convient le plus à leurs intérêts (Murmures et applaudissements.),... je déclare, au nom de l'Assemblée, au nom de ceux des membres de cette Assemblée qui ne veulent pas renverser la Constitution; je déclare, au nom de la nation entière qui veut être libre, que nous ne sacrifierons pas aux députés des colonies qui n'ont pas défendu leurs commettants, comme M. Monneron ; je déclare, dis-je, que nous ne leur sacrifierons ni la nation, ni les colonies, ni l'humanité entière.
De tout ceci je conclus que le plus grand malheur que l'Assemblée puisse attirer non pas sur les citoyens de couleur, non pas sur les colonies, mais sur l'Empire français tout entier, c'est d'adopter ce funeste amendement proposé par M. Moreau de Saint-Méry. Tout autre projet, quel qu'il soit, vaut mieux que celui-là. Mais comme il est impossible de l'adopter sans adopter les inconvénients extrêmes que je viens de présenter, je demande que l'Assemblée déclare que les hommes libres de couleur ont le droit de jouir des droits de citoyens actifs. Je demande de plus la question préalable sur l'article du comité.
Cette demande de la question préalable détruit ou du moins suspend les amendements. Je vais consulter' l'Assemblée sur cette nouvelle proposition.
Plusieurs membres: L'Assemblée a décrété hier qu'il y avait lieu à délibérer.
On avait distingué hier deux sortes de questions préalables, celle sur la totalité du projet de décret, et celle sur le premier article du projet : c'est sur la première qu'on a statué ; la seconde reste encore entière.
La question préalable ne peut pas être mise aux voix, si on ne vide pas les amendements. En effet, il s'agit uniquement de l'initiative sur l'état des personnes; Si vous en-
tendez parler des nègres, des affranchis,, et des hommes.nés de pères et de mères libres, je serai contre la question préalable ; si au contraire vous exceptez les personnes nées de pères et de mères libres^ je serai pour la question préalable. En ne vous expliquant pas, je ne puis avoir un avis.
L'usage constant de l'Assemblée est de mettre aux voix la question préalable, avant de statuer sur les amendements : cet usage est fondé sur les règlea du sens commun. Il faut savoir si on adoptera l'article, avant de savoir si cet article subira des amendements.
Il ne s'agit pas de se battre sur les mots; persuadé que les choses sont bien entendues, qu'elles le sont comme je les entends moi-même, je relire l'amendement du mot esclaves.
(L'Assemblée consultée décide qu'il y a lieu à délibérer sur l'article premier du comité.)
L'article du comité renferme dans sa disposition deux sortes de personnes absolument différentes et sur lesquelles il est nécessaire de prendre une détermination différente. Au lieu de l'article du comité, je demande à substituer ces deux-ci :
» L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel :
» 1° Qu'aucune loi sur l'état des personnes non libres et sur l'état des affranchis ne pourra être faite, par le Corps législatif pour les colonies, que sur la demande précise et spontanée des assemblées coloniales ;
« 2° Qu'aucune loi sur l'état des personnes libres de couleur ne pourra être faite, par le Corps législatif pour les colonies, que sur l'avis des assemblées coloniales. »
Plusieurs membres : La question préalable 1
Mettez la question préalable sur les deux articles à la fois.
Plusieurs membres : La division I
Plusieurs membres : La question préalable sur la division! (Bruit.)
Je demande la parole sur la question préalable.
Je demande à parler, mais ce n'est pas sur le fond.
demandent la parole.
Je demande à l'Assemblée de m'entendre un moment sur cette question (Non! non!)... Eh bienl qu'on aille aux voïxl
C'est le projet du comité en d'autres termes.
Monsieur de Traey, je vous interpelle.
J'ai cru, Messieurs, qu'il n'était plus nécessaire de parler pour appuyer la question préalable sur la nouvelle rédaction qui vient de vous êtes présentée. Le comité fait fondre, tous ses autres articles dans cette rédaction (Oui! oui!)»'.
Mais le comité demande à attaquer cette même, rédaction.
Je n'accuse personne; je dis les faits. J'explique la nouvelle rédaction qu'on lui propose sur un article et qui coutient beaucoup plus que l'article du comité.
Un membre ; Ce n'est pas cela; c'est un piège»
Ce n'est pas la question préalable qui est un^piège; c'est cette nouvelle rédaction.
C'est sur l'article premier du comité qu'il faut délibérer (Â Vordre dujour!)... Une preuve que je respecte l'ordre de la délibération, c'est que je diffère de proposer mon amendement jusqu'à ce qu'on délibère sur cet article* que les. amendements aient été purgés, et qu'on soit débarrassé de cette rédaction de traverse.
Il n'est pas d'autre moyen de poser nettement la question, que d'exprimer franchement ce qu'on demande. Quelle que soit la résolution que l'Assemblée adopte, il est au moins dans l'esprit de chacun qu'il ne subsiste plus d'équivoque et que la manière de marcher dans la délibération ne puisse entraîner aucun de nous à voter contre sa volonté.
Or, voici quelle a été la proposition des comités et je déclare tout d'abord qu'aucun des membres dè ces comités n'a eu connaissance de la nouvelle rédaction qui vient d'être proposée.
C'est une calomnie de M. de Traey.
Monsieur le Président, rappelez monsieur à l'ordre (Murmures).... J'insiste pour que le membre qui a parlé ainsi soit rappelé à l'ordre.
J'appuie la motion.
Le comité distingue dans ce qui vous occupe deux choses séparées. L'une est relative à l'état des personnes non libres, et sur cet objet le comité a entendu proposer qu'aucune loi sur l'état des personnes non libres ne pût être faite pour les colonies, si ce n'est sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales.
.Le second objet est relatif à l'état des hommes de couleur et nègres libres. Les comités demandent qu'il n'y soit rien statué jusqu'à ce que le Corps législatif ait reçu l'opinion provoquée des colonies; opinion qui serait exprimée par les commissaires réunis à Saint-Martin. Le Corps législatif statuerait sur la proposition de ce comité, et ensuite il ne pourrait être fait aucun changement à l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, si ce n'est sur une nouvelle proposition des assemblées coloniales, laquelle nouvelle proposition ne pourrait être que spontanée.
C'est ainsi que les comités l'ont entendu : il ne s'agit pas en ce moment de poser cette dernière question. On courrait le danger de préjuger un objet par un autre-, et-d'entraîner quelqu'un à opiner contré sa volonté. La première disposition se trouve dans l'article premier, en le modifiant conformément à ce qui a été demandé. J'adopte l'addition des mots personnes non libres et le remplacement du mot précise par le mot spontanée.
La seconde disposition se trouvera dans l'article 14 du comité, amendé par M. Moreau de Saint-Méry. Au reste, si l'on veut que nous nous entendions, si l'on ne veut égarer aucune pensée, aucune volonté, il faut mettre simultanément les deux articles aux voix. (Aux voix! aux voix!)
Je demande au nom des comités, ou du moins au mien, que ces deux articles soient mis ensemble et simultanément aux voix.
De quoi s'agit-il entre nous?...
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
(L'Assemblée, consultée, décide que M* Buzot ne sera pas entendu.)
Je mets aux voix la rédaction de M. Poutràin.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette rédaction.)
La question préalable a été proposée sur l'amendement qui consiste à ajouter a l'article 4cr, après ces mots : « sur l'état des personnes », ceux-ci : « non libres ».
(L'Assemblée décrète, au milieu des applaudissements, qu'il y a lieu à délibérer sur cet amendement et adopte ensuite cet amendement.)
Voix diverses : Aux voix la motion de M. Bar-navel — L'ordre du jourl — La division 1
Je demande la parole pour combattre la proposition de l'ordre au jour et pour prouver que l'Assemblée doit dire clairement et nettement ce qu'elle veut.
On a discuté pendant trois jours la question de savoir si 'l'Assemblée accorderait, dès à présent, les droits de citoyens actifs aux hommes de couleur ou si elle attendrait sur cet objet la proposition provoquée des colonies. Le premier article est relatif à une autre question, à celle des hommes non libres. On veut faire adopter celui-ci et rejeter l'autre.
Ce n'est pas là. la question ; il faut que l'on dise clairement ce que l'on veut. Les quatre comités ont proposé, nous avons soutenu qu'il était impolitique et dangereux de prononcer, qu'il fallait que le comité de Saint-Martin eût l'initiative. Nous avons pensé qu'à la mesure de faire prononcer le Corps législatif, après la proposition du comité de Saint-Martin, était attaché l'intérêt national (Murmures à droite; applaudissements à gauche.).... Je ne retarderai pas la délibération, mais au moins faut-il qu'elle soit franche et claire. Si on veut que le comité de Saint-Martin n'ait pas l'initiative, qu'on le dise. Je ne combats point la division. Certainement, il faut que chacun puisse opiner sur une question simple et non complexe.
Je demande donc que, après avoir délibéré sur la première question, on délibère immédiatement sur la seconde qui se trouve dans l'article 14.
Voici, avec les amendements, la rédaction de l'article 1er du comité:
Art. ler.
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des personnes non libres ne pourra être faite par le Corps législatif, pour les colonies, que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. » (Adopté.)
Voici la manière dont je propose de rédiger l'article 14 du projet qui deviendrait alors le second; le sens que j'y vois, c'est que le Corps législatif prononcera sur la proposition d'un comité formé de commissaires de toutes les assemblées coloniales actuellement existantes :
« Quant à l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, il y sera statué par le Corps législatif sur la proposition d'un comité composé de membres de toutes les assemblées coloniales d'Amérique, actuellement formées ; et quand le Corps législatif aura prononcé, ainsi qu'il lui paraîtra convenable, aucun nouveau changement à l'état des hommes de couleur et nègres libres ne pourra être décrété par les législatures, si ce n'est sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. »> (Murmures et applaudissements.)
Voix diverses : Aux voix! aux voix! — La question préalable ! — L'ajournement !
Je demande à faire une observation. (A droite : Non ! non I aux voix !).j.. Je demande l'ajournement à demain. (Applaudissements. )
(Après deux épreuves, l'ajournement est repoussé.)
On a demandé la question préalable sur la rédaction de M. Barnave pour l'article 14.
Plusieurs membres demandent que la discussion ne soit pas ouverte sur cette rédaction.
Je consulte l'Assemblée.
{La première partie de l'épreuve a lieu.)
Je demande la parole sur la manière de poser la question.
Plusieurs membres : La question est mal posée !
La délibération est commencée ; vous ne pouvez avoir la parole.
Je demande à parler contre vous.
M. Barnave a fait une proposition sur laquelle on a demandé de ne pas ouvrir la discussion ; je n'ai pu mettre aux voix que ce qu'on m'a demandé. (Bruit prolongé.)
J'ai dit,....
A droite : A l'ordre ! A l'Abbaye 1
Il faut lever la séance.
L'Assemblée nationale (A l'ordre! à l'ordre!)... vient de rejeter l'ajournement, il en résulte qu'il faut délibérer. Mais il n'en est pas moins évident qu'en décidant l'article 14 l'Assemblée 6e voit forcée de préjuger des objets qui devraient être antérieurement décrétés. La proposition de M. Barnave consiste à faire décider que l'Assemblée ne statura sur l'état des personnes libres que sur la proposition du congrès de Saint-Martin. Mais y aura-t-ii un congrès? On pourrait être d'avis qu'il n'y en eût pas. (On applaudit.) On pourrait penser qu'il serait préférable de laisser chaque colonie mani-
fester individuellement son vœu. M. Barnave n'a sûrement pas l'intention de faire décréter sans connaissance de cause.
Je demande donc qu'on suive l'ordre des articles et qu'on lise l'article 2. CApplaudissements.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, levez la séance. (Bruit prolongé.)
Je lèverai la séance si le bruit continue.
Je dis, Monsieur le Président, que les observations.....
Un grand nombre de membres se lèvent et demandent que la séance soit levée. (Bruit prolongé.)
Je mets aux voix si la séance sera levée. - (L'épreuve a lieu.)
La grande majorité des membres du côté gauche quittent leurs places.
A droite : La séance n'est pas levée ! L'épreuve est douteuse l (Bruit.)
A gauche : La séance est levée 1 Prononcez le décret, Monsieur le Président !
A droite : Non 1 non ! elle n'est pas levée!
se couvre et quitte le fauteuil. (Il est six heures.)
C'est une abomination; vous vous jouez des intérêts que la nation vous a confiés. La séance n'est pas levée; restez, Messieurs, restez !
A droite : La séance n'est pas levée ! Le décret n'est pas prononcé; il faut que M. le Président revienne !
A gauche : M. le Président a prononcé le décret. C'est le bruit que vous avez fait qui vous a empêché d'entendre! (Bruit.)
A Vextrême droite : En place l en place 1 nommons un président et continuons la séance I
Les membres du côté gauche restent au milieu de la salle.
Allez, Messieurs, la séance est levée.
A ly extrême droite : En place l en place I un exprésident 1
Plusieurs membres du côté droit sortent de la salle et sont bientôt suivis du reste de l'Assemblée.
(Il est six heures dix minutes.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Plusieurs membres font des réclamations et observent que le mot « spontanée » n'a pas été in-séi é dans l'article décrété hier sur l'initiative des lois relativement à l'état des personnes non libres dans les colonies. (Bruit.)
(La discussion de cette question est renvoyée à deux heures.)
, secrétaire,fait lecture d'une adresse du commerce de Bordeaux, relative aux colonies.
(Cette adresse est renvoyée au comité colonial.
annonce le retour de M. Au-bry, évêque du département de la Meuse.
11 communique ensuite à l'Assemblée une lettre de M. Arnould, sous-directeur de la balance du commerce, qui offre à l'Assemblée divers ouvrages imprimés de sa composition.
(L'Assemblée en agrée l'hommage et en ordonne le dépôt dans ses archives.)
, au nom du comité des finances. Messieurs, il ne manque plus pour compléter l'organisation du ministère que de statuer définitivement sur le traitement des ministres. Vous avez chargé votre comité des finances d'instruire l'Assemblée si les brevets de retenue étaient pris en dedans ou en dehors du traitement des ministres ; j'observerai à ce sujet que le ministre de la justice et celui des finances n'étaient point soumis aux brevets de retenue, et que pour ceux des autres ministres, la quotité n était pas la même.
Vous n'avez pas entendu, Messieurs, mettre de de la disproportion dans le sort que vous voulez faire aux ministres du roi ; en conséquence* présumant votre intention, nous vous proposons de décréter définitivement que le traitement des ministres sera de 100,000 livres pour chacun d'eux, à l'exception de celui du ministre des affaires étrangères qui sera de 150,000 livres.
Voici, d'ailleur3, notre projet de décret :
« Sur le rapport du comité des finances, qui a fourni au nom de ce comité les éclaircissements désirés sur les intérêts des brevets de retenue des ministres, l'Assemblée décrète que leur traitement demeurera définitivement fixé aux sommes provisoirement déterminées.»
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité Remplacement, propose un projet de décret autorisant le directoire du district de Bourmont (Haute-Marne) à faire faire les réparations nécessaires (l la partie de l'hôtel commun de la ville, destinée à son ëtar blissement.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement,
autorise le directoire du
« Décrète à cet effet qu'il sera procédé à l'adjudication au rabais desditës réparations et arrangements intérieurs, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Gauthier, le 20 septembre dernier. »
(Ce décret est adopté.)
, rapporteur, propose un projet de décret autorisant les corps administratifs du département et du district de Nancy à continuer de tenir leur séance dans Vhôtel de la ci-devant intendance ; il s'exprime ainsi :
Le directoire du département de la Meurthe demande à être; autorisé à iixer son établissement ainsi que ceiui du district dans la ci-devant intendance de Nancy.
Cet édifice a été donné à la ville par le roi Stanislas, ainsi que le gouvernement, à la charge expresse de loger, dans ces deux bâtiments, le commandant et Vintendant, ou de les employer à tout autre usage public. C'était un don conditionnel, et non pur et simple; et la condition est inséparable du don. Le commandant de la province logeait d'abord dans le bâtiment actuel dit de l'Intendance, occupé par les nouvelles administrations ; mais trouvant celui de l'intendance plus vaste et plus somptueux, il le préféra et s'y établit. De son côté, l'intendance fut transférée où elle était au moment de la suppression.
C'est cet édifice et ses accessoires, affectés à un usage public, et par le fait, au logement de L'intendant, que la ville réclame, et elle prétend qu'il lui sera payé un loyer par les administrés.
Il parait clair, au premier aperçu, que si ce bâtiment lui appartient d'une manière incommu-table, il ne lui appartient pas au moins purement et simplement : elle ne peut jouir que conformément à son titre, c'est-à-dire avec la charge dont il l'a grevé, et il ne lui est pas permis de séparer la condition du don. Le roi Stanislas le lui a fait pour loger son administrateur ; aujourd'hui une administration civique est subrogée à une administration fiscale; niais cette subrogation n'affranchit pas la ville de la condition que lui a imposée le donateur; si elle est propriétaire, elle est propriétaire grevée, et son titre est indivisible.
Il n'existerait qu'un cas dans lequel elle pourrait être momentanément affranchie de cette servitude; ce serait celui de l'exercice de l'alternat décrété par l'Assemblée nationale, en faveur de la ville de Lunéville, si l'Assemblée ne se porte pas à supprimeras alternats; alors la ville pourrait, pendant les deux années, jouir de cet édifice, parce qu'il n'y aurait pas d'administrateurs présents. Ainsi, en raisonnant de la manière la moins sévère, le provisoire appartiendrait au département, sauf un examen ultérieur et plus approfondi de la question.
Mais il est une autre question et qui vous sera incessamment soumise par votre comité des domaines? il s'agit de savoir si les dons faits par les princes aux villes, ne doivent pas subir la même revision que ceux qui ont été faits aux particuliers, surtout lorsque ces donations sont récentes.Si, d'après le rapport qui vous sera fait, yous décidez que l'édifice dont il s'agit est national, les directoires de département et de district.en payeront le loyer à la nation, du jour
où ils auront commencé à l'habiter. Si, au contraire la donation faite à la ville est confirmée; alors on examinera définitivement si le département et le district lui doivent ou ne lui doivent pas un loyer ; il s'agit donc de rendre un décret qui ne compromette ni le droit national ni les prétentions de la ville.
Il serait difficile, au reste, de sepénétrer de plus de respect pour les finances des administrés, que ne le font les deux directoires, car ils ne demandent que 700 et quelques livres pour leur arrangement intérieur. Cet exemple sera malheureusement au rang de ceux qui obtiennent en général plus d'éloges que d'imitateurs. Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise les corps administratifs du département et du district de Nancy à continuer à tenir leurs séances dans l'hôtel de la ci-devant intendance et ses dépendances, grevés d'un usage public par le titre de donation de ces bâtiments en faveur de la ci-devant province de Lorraine, et affectés au logement de l'administration de la même ci-devant province à l'époque de. la suppression de son intendance; autorise également lesdits corps administratifs à faire faire, aux frais des administrés, toutes les réparations et arrangements intérieurs portés aux plans et devis qui sont joints à la minute du présent décret, à charge, par. lesdites administrations de département et de district, de l'entretien des bâtiments par elle occupés, chacune en ce qui la concerne. »
(Ce décret est adopté.)
, rapporteur, propose un projet de décret relatif à Vétablissement des bureaux de perception et magasins de la régie des droits de traites à Sarreguemines.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, décrète que ra portion de la maison et jardin des capucins de Sarreguemines, désignée au plan dressé,par le sieur Bouchon, architecte, lequel demeurera joint à la minute du présent décret, servira à l'établissement des bureaux de perception et magasins de la régie des droits de traites, à la charge, de la part du régisseur ou percepteur, de payer annuellement à la caisse du district la somme de 1,211 1. 8 s. 10.d. fixée par le procès-verbal d'estimation du même sieur Bouchon, expert, en date du 6 avril dernier.
« Autorise le directoire du district à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires à l'établissement de ladite douane, sur le devis estimatif porté au procès-verbal susdaté ; le montant de laquelle adjudication sera payé par le receveur du district après la réception desdits ouvrages.
« Décrète, en outre, que le surplus de ladite maison,jardin et dépendances, non compris dans ledit emplacement de la douane, sera loué ou vendu, et le prix du loyer ou de la vente versé dans la caisse du district. »
(Ce décret est adopté.) 3
Un membre, député du département du Nord, demande que le comité d'emplacement soit tenu de présenter incessamment ses vues à l'Assemblée pour le placement du corps administratif de ce département.
(Cette demande est renvoyée au comité d'emplacement.)
, au nom du comité de Constitution, pronose un projet de décret tendant à transporter à Bayonne Vassemblée électorale qui devait se tenir à Ûstaritz pour procéder au remplacement des ecclésiastiques fonctionnaires publics qui ont refusé de prêter le serment prescrit par la loi.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de Constitution sur l'arrê'é du directoire du district d'Ustaritz, décrète que l'assemblée des électeurs sera convoquée à Bayonne pour procéder au remplacement des curés et de tous ceux des fonctionnaires publics qui n'ont pas prêté le serment prescrit par le décret du 27 novembre dernier. »
Avant d'adopter de confiance, comme tant d'autres, le projet de décret qui vous est proposé par le rapporteur du comité ne Constitution, il est de la sagesse de l'Assemblée de peser les motifs qui paraissent nécessiter un changement aussi considérable et qui pourrait avoir les suites les plus funestes. S'il est indispensable de changer l'ordre prescrit par l'Assemblée nationale dans quelques districts, il faut que ces changements soient commandés par les circonstances les plus impérieuses.
Jusqu'à ce jour, j'ai toujours opiné en faveur de Bayonne pour les établissements qui pouvaient lui convenir; mais, au moins,il me semble qu'avant de contrarier l'ordre déjà établi et pour ne pas s'exposer à aigrir les esprits, il serait naturel et juste d'inviter les députés du département à se réunir avec M. le rapporteur pour examiner l'affaire.
Je demande donc le renvoi de la délibération à lundi ou tout au moins à demain.
, rapporteur. Je prie l'Assemblée de ne pas donner suite à la demande de renvoi qui lui est faite et j'observe que plusieurs députés du département, entre autres M. Garat, ont donné leur assentiment au projet.
Quelques suffrages pris individuellement ne peuvent pas suffire lorsqu'il s'agit d'aller contre des décrets qui fixent le lieu des assemblées.
(L'Assemblée, consultée, ajourne à demain le projet de décret.)
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre de M. Raymond, un des cinq commissaires des personnes de couleur. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Au nom de la justice, de l'humanité et de l'intérêt même de la France et des colonies, nous vous conjurons de vouloir bien nous entendre avant de porter uue décision sur le sort de nos malheureux frères.
« Vous n'avez jusqu'à présent d'idées sur les localités que d'après l'exposé des colons blancs; il ne nous sera pas difficile de prouver les inexactitudes qu'ils ont avancées. Serions-nous jugés sans être entendus ? Nous ne pouvons le croire.
« Nous sommes prêts à paraître devant l'Assemblée; nous sommes aux portes de cette salle et nous attendons que les députés de cette Assemblée veuillent bien nous les faire ouvrir. (.Applaudissements dans les tribunes.)
« Nous sommes, avec respect, etc.
« Signé : Raymond,
« Pour les cinq commissaires de couleur. »
Plusieurs membres : Faites-les entrer! (Murmures.)
Depuis plusieurs jours, les citoyens de couleur demandent à être admis à la barre pour répondre à des faits hasardés à cette tribune. Je demande qu'ils soient entendus avant que la discussion soit terminée, et je pense que les motifs de ma demande seront sans doute aperçus par toute l'Assemblée.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. La lettre qui vient de vous être lue n'est pas une pétition des gens de couleur domiciliés dans nos colonies ; c'est une lettre de quelques particuliers qui sont à Paris, et j'oserai dire que c'est une lettre qui leur a été dictée par une certaine société. (Murmures.)
proteste contre cette assertion.
Il est contre les principes de l'Assemblée d'entendre à la barre, dans une affaire publique, de simples particuliers...
Plusieurs membres : Vous avez bien entendu les commerçants !
Il y a d'ailleurs un décret qui a rejeté la demande qu'on vous fait en ce moment et, d'un autre côté, les hommes de couleur ont eu leurs défenseurs dans cette enceinte. Je demande donc l'ordre du jour.
J'invoque en faveur de la dépu-tation vos décrets sur les pétitions et les droits de l'homme.
La question du moment est d'une importance telle qu'elle ne vous permet pas de négiiger une seule occasion de vous instruire. Le discours que vous allez entendre à la barre n'influera pas sur l'opinion de l'Assemblée; elle est faite. Mais vous aurez rempli un grand devoir, celui d'entendre avant de jug';r. (Murmures et interruptions.) On me dit qu'il ne s'agit pas de juger. Mais, vous déciderez que vous ne jugerez pas; et c'e-t là un grand jugement. Une pétition vous est faite sur un grand sujet, sur le sort d'un grand nombre de citoyens. Que vous prononciez ou que vous ne prononciez pas, il faut que vous appreniez à la France, il faut que l'Europe sache que, dans cette affaire, vous n'avez rejeté aucun moyen d'instruction ; cette instruction est pour vous un devoir.
Je demande que les pétitionnaires soient entendus à midi.
Ma réponse au préopinant sera simple : il ne s'agit pas en ce moment de savoir ce que vous prononcerez sur la condition des gens de couleur, mais bien de savoir si vous prononcerez avant d'avoir entendu les propositions des colonies.
Des particuliers demandent à être entendus à la barre ; je maintiens que vous ne pouvez les entendre avant de connaître le vœu de3 colonies ; car c'est aux colonies seules qu'appartient l'initiative sur les lois relatives à l'état des personnes. Vous leur avez accordé déjà cette initiative comme l'unique sauvegarde qui puisse les rassurer sur toute innovation dangereuse au système colonial. Je demande, d'ailleurs, si vous devez entendre des hommes dont vous ne connaissez même pas les pouvoirs.
(de Saint-Jean-d'Angêly). Je ne sais comment il est possible que la raison d'aucun homme se refuse à sentir que rejeter la demande qui vous est faite, c'est décider le sort des hommes de couleur, C'est subordonner les motifs d'intérêt général qu'ils peuvent vous présenter à l'intérêt particulier et à l'amour-propre d'un parti. Je ne sais comment une Assemblée qui a accordé, il y a deux jours, le droit de pétition à tous les citoyens, en refuserait l'exercice à tous ceux qui viennent en ce moment réclamer les droits politiques les plus précieux;
Quand la question gérait telle que M. Malôuët le prétend, ce dont je ne conviens pas,kil ne s'ensuivrait pas que les pétitionnaires, au nom des gens de couleur, ne doivent pas être entendus. En effet, ils auraient à vous demander de les juger, de leur donner lés droits de citoyens actifs dans ce moment, sans attendre l'initiative de ceux que des intérêts mal entendus et un vain orgueil ont rendus injustes vis-àAvis d'eux.
Ils ont droit d'être entendus, car ils n'ont pas de représentants dans cette Assemblée, quoiqu'ils y aient des défenseurs (Applâudissements.) ; ils n'ont pu émettre un vœu dâns les assemblées primaires; personne n'est chargé de,leurs intérêts, et leurs adversaires oht dès députés qui siègent parmi vous.
Ils ont droit d'être en tenduS jcar^jeie répète,vous àVez décrété il y atroisjoursqùë vous recevriez dès pétitions et sur quel objet plus important pou-Véz-vous en admettre que celui auquel tient l'état social, l'existence politique d'une classe nombreuse de citoyens trop longtemps opprimés.
Vous devez surtout les entendre* car vous pouvez décider contre eux, et il ne faut pas qu'ils puissent vous reprocher de l'avoir fait faute de lumière et parce que vous les auriez repoussés ; il ne faut pas que vous refouliez dans leur âme les plaintes qu'ils veulent exhaler devant vous; il faut, s'ils n'obtiennent pas l'objet de leur, vœu, qu'ils emportent au moins la consolation d'avoir fait connaître eux-mêmes tous leurs moyens, et qu'ils puissent se dire, s'ils ne sont pas accueillis, que du moins ils n'ont pas été repoussés.
Je demande donc que vous admettiez à midi ou à présent (Tout de suite !)**> eh bien, tout de suite les pétitionnaires qui demandent à être admis.
Plusieurs membres : Fermez la discussion. (L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur la. proposition d'admettre les pétitionnaires ce quartier-là (il désigne la gauche) affectera un air de victoire, plus j'y mettrai d'obstination. (Murmures.)
(L'Assemblée, consultée, décidé qu'il y a lieu à délibérer et décrète que M. Raymond et ses collègues Seront admis à la barre.)
Plusieurs membres à droite réclament et demandent qu'on passe à l'ordre du jour* (Bruit prolongée)
En attendant que la dé-putatien vienne, je demande à faire part d'une adresse qui in'à été envoyée.
On ne lit d'àdreSSë â fASSëhibïée qu'elle n'ait été comtntttiiquéë au Président.
Cette adressé m'a été envoyée pour en faire pârfc moHflêttie à l'ASséiriblée.
Fort bien I remettez-lâ au bureau et on l'examinera.
Je vais dire à l'Assemblée cè dont il est question.
Plusieurs membrei : Non ! non 1
Mais j'en réponds! (BruiU) (Il descend de la tribune.)
Les commissaires dès homihes de couleur sont introduits à, la barrei
, orateur de la dêputation (1). Messieurs, nous réclamons l'indulgence de l'Assemblée; rtoUs la prions de nous entendre favorablement sùr dès faits qui ne nOus paraissent pas âSsëfc Connus pour décider du sort des citoyens de côuleur.
L'état de la population dés hommes libres à Saint-Domingue, lié principale des colonies françaises, n'est pas Connii. On a dit à la tribune que la population dés hommes de couleur, dans toutes les COldmeS, né s'élevait pas à 6,000 hommes, lOrSqtie là population noire de Saint-Domingue seule s'élève de 27 â. 28,000. Ce que j'ai l'honneur d'avancer ici dàns ^Assemblée est un fait qui se peut vérifier da h s rihstaht. Les bureaux lie la marine fourniront Un état de recensement des deux clauses tlës habitants de Saint-Domingue. 0r, dans ces recetlsements, on y retrouvera que la population des bommes de couleur s'élève au moins de 27 à 28,000, encore y a-t-il mêffie une observation à faire ici relativement à cela. C'est que dans l'état de population, fourni âu bureau de la marine, il n'est pas possible d'atteindre en général la population. Vous allez, Messieurs, l'entendre lorsque j'aurai èu l'honneut de vous l'expliquer.
On ne connaît la population d'une colonie que d'après tous les recensements particuliers que fournissent tous les propriétaires. Il n'ya pas encore bien longtemps que tous les propriétaires indistinctement fournissaient ces déclarations, sans être obligés de désigner la qualité de leur couleur. Depuis environ 8 ans, un ordre du gouvernement obligea tous les habitants de couleur à mettre sur leurs déclarations leur qualité de couleur. Qu'est-il arrivé? C'est que beaucoup de personpês de couleur, ayant de la fortune, étant bien venus des blancs répugnaient à avoir cette qualité* qui, dans ce pays, est l'insulte la plus grave qu on puisse faire.
Il en résulte donc que, beaucoup ayant cette qualité, le gouvernement n'a
pas pu les comprendre dans le nombre, et ne les a comptés que comme des
blancs. Ufleautre considération encore, Messieurs,- c'est que, dans les
colonies, beaucoup d'Européens ont épousé des femmes de couleur.
Lorsqu'ils donnent ce recensement, ils né disent point quelle est leur
couleur, parce qu'ils sont censés blancs. Cependant les habitants ont
des enfânts de coulëiir* puisque leur mère est de couleur. Ces ehfahts
h'éïànt point désignés par la Côuléur, tf'èst encore tine diminution â
fàire le Mrfeàti qtië l'on iàtis a présenté. Quant atrx propriétés dés
hdmmê'fc de couleur, on â cherché a vous mdiill'e? qtie cette classe rte
possédait fiéri ou presque rien ; elle De possède pas, Messieurs, les
grandes richesses des coloiis blanês. Hélas I cëla n'est pas étonnant ;
mais il est une
Présentement, Messieurs, je crois nécéssaire dé | vous, taire voir' futilité dé Cette classe daiis lés , colonies, dàfis l'intérieur et dans l'extérieur. Dans l'intérieur, c'est la classé la plus forte pour éviter la rébellion des esclaves Côntrë les blands. LoïS;-qUe les t'sclàVès'fuient, qui va les chercher'? Qui ; lés ramène? Qui s'expose à les cômbàttre? Les hommes de Cbuléur. Comment les blattes ttour-raiént-ils sëuls ramené r leurs esclaves? Urt blatic f eé.t sur Son hàbitatiod, il y est occupé dé ses travaux ; siJ4bélqùfe nèghe lui échàppë, il faut dottc qu'il quitté seâ travaux pour courir après les nègres qui lui ont échappé ; mais Si, eh cdurant ; après ceux qui lui échappent, ceux dui restent s'en vont, quel sera l'embarras de ce propriétaire blanc?
Vous jugez, Messieurs, que, d'après cëtteobsèf-Vation, vbilà sans doute un service bieîi grand rendu par ces hommes de couleur. LeS maréchaussées cjui font la sûreté de la colotiie né Sont absolumeht composées que d'hommes de couleur, ékcepté l'exempt qui est à la tété. Il y a presque dans toutes les paroisses des colonies un certain nombre de cès nommes qui font un service cdn-iiriUel. Ce service de maréchaussée consiste à courir sur les grands chemins et sur les montagnes, pour y découvrir les esclaves qlii sô sont échappés. Il y à encore une autre fofCe intérieure, et c'est la force des milices des hommes de couleur.
Cë qtte je vais avoir l'honheur de voUs dire, Messieurs, vous paraîtra incroyable, péut-être, d'après l'idée qu'on vous a donnée de lafaibleëSe dé cette classe. Il y a 60 paroisses oU environ dans la Coloùie de Saint-Domingue; il n'y a pas ùiie de ces paroisses qui n'ait Utie cofbpa^nie de Ces hommes de Couleur au moins dé 160, de 200, de 300 Hommes. Il est tel quartier; comme celui de Lëogane, du petit GoaVe, de Jacquemârt, où il y en a 3 du 400. Ces troupes sont d'une grande Utilité, ét cbnservent leé fcoloriies.
J'ose le diré, Messieurs, elleè çôhêëi'vent les colobies, parce qu'en temps de guetté, elles font le service ié plus pénible, tel que celui dé gardës-'côtes. Dàds les dernières guettés, brt â trbttvé cëttë Classe éi forte, si ëri état par elld-même, non seulement comme gardes-côtes, mâïs cbthttie soldats dans ttrtë guetté où nous sepablions devoir fréùiir de lVppâtéil qu'étâlàiéttlr les ennemis, on lés éi-ut si forts, qU'bh \ laissa unfe partie dans les toloùieë des liés dtt Vent.
Les coïKitilêtes ûuë M. dé Boùillé a faites dans les colonies ont été faiteà ëd partie, sous sës ordres, pàr des nommés dé Couleuh
LorSqùé lés deux escadres espagnole et fràn-çâiSe mouilièréht âu Gap poUr l'expéditioù dé SavâiiOàh, lés Commandants d'emandè^ënt Utt renfort de 600 hommes à Saint-Domingue; ces 600 hommes fUrénlofffeïtS, etdànsCëS 600 nbmtfiés, il y avait 560 mjthrhes de Couleur, tjui quittèrent le sol brûlant de la zone torride, pour faire un SerVicé a^sUtëmèïit pëniblë pôtir ëbx Sbus la fcoue glaciale-. Lfes hommes qui ônt commandé ces troupes, peuvent vous attester, Mesfeiëuïs, s'ils ont eu à s'en plaindre ou à s'en louer.
Voilà, Messieurs, deux points iu'r ieâ ttëis nous àvbnè crU que l'Assemblée nationale n'était pas sUffisaniùiéntéélairëe. Présentemeht il est ttécë^ sairë de l'éClairer sur lès craintes qu'on lùi donne.
oti du moifis sur ce qui s'est passé dans la colonie relativement à nous.. Il est nécessaire que je Vous fasse Un détail dë l'état où était la colonie, avant les premières ndUvellës de la Révolution : pour cela je me vois obligé de remonter un peU haut.
Je réclame enCdre, Messieurs, votrë indulgence.
En 1782, lorsque MM. de Bellecombë et Bongars vinrent pou? gouverner là colonie, il se répandit Uri bruit que ces deux administrateurs y venaient pdur rendre aux hommes dé couleur libres les droits qu'on lëur avait arrachés. Ceci est Un fait qui peut être attesté par M. de Castries.
Apprenant cette nouvelle à Saint-Domingue, je m'adressai à M. de Saint-Villemetz, commandant à Saint-LoUis ; je luijdëmândai si cette noUVélle, qui dëvail porter la* joie dab s nos cœurs, était vraie. M. de Saint-Villemetz me dit; « Je ne Vous dirai pas à qiiel degré on se propose de porter Une partie de Cette classe aù rang des blancs; iriàis je Vous certifie qu'il y a Un ordre du roi. » J'euS l'hbnueur de m'adresser à M. dë Bellecornbé, et alors je lui demandai la permission de lui présenter un mémoire relativement à l'état actuel dés personnes de couleur dans les colonies, Par une réponse que me fit M. de Bellecorhbe, il ffi'àti-torisâ ét m encotirageà même à lui adresser le mémoire, ët, pour répolise, me dit qu'il en rendrait compte au ministre.
A éet instant, Messieurs, je fus sollicité par mes frères d'Amérique de passer ën France pour solliciter éri leur faveur; je më détermine a y Venir, j'y rencontre M. de Belletfombe qui m'accueille; je lui demande si effectivement il avait été porteur de pàreils ordres du ministre. M. de Bellecombë me dit : Non, je n'ai point été portettr d'ordres du ministre; mais j'ai été charge par le mittistre (jë Vous prie, Messieurs, de vouloir bien votis ràppelér ceci) de cobsUlter le Vœu des Hàbi-tants à Ce Sujet; jë lui demandai qUel était le vœu des habitants. M. de Bellecombë me répondit, en présencé de M. de Castries, que le voeu de la plus Sainë partie (tels sont ses propres mots) dëS Coloris, était qu'on accordât aux personnes de couleur Tiées libres, à Cette époque-là, les droits de citoyen, à l'égal de Ceux des blancs.
Ce fait est d'autant plus Certain, Messieurs, que lorsque j'eus Thonnéur de me présenter au Comité descblbnies, j'bbservai aux membres de ce comité qu'il était bien étonnant que sous le despotisme, j'avais réclamé, au ribm de tous mes frères d'A-mériqUé, des droits qûe toute la colônie semblait né pas devoir nous refuse^, et qu'aujourd'hui où nous passions avec tôds lës Français â 1 état de régénératibn deè nëûVèâùx français, il était étonnant qu'on nous refusât dës droits qui parâis-éâient déjà nous être tlôntlës par l'opinion publique.
rai eu i'hpnpéur dë votis airé, Messieurs, que la pbpttrâtiofl deé hotames de cbuleur éâî dé 27 à 28,000 âmes ; la population des blàttcS s'élève également à bê nombre, et peut-etrë àu-dessus, je la mets à 36,000, Comme êlle ëêt âu btireàu dë la tfaarinë ; mais. Messieurs, il est nécessaire de distinguer dans cette classe libre celle qui est ktfachéë au s'ôl uâvéë céllè qbi ri^est âttachëë à riën, t|u'à nUifë àui ïfôîbnà blaiics, et s'il eh est iCi 'qui m'ëcoutëb t, ils diront que cë qtf oh appelle les petits blâbfiS, èont infiniment plus tauisibles âuk côlons plantêUl'8 qùe les personnes de côu-iéut.
Je sûlë ici ëfi face de plusieurs^ ét en face âé l'Atâëlnbléô ^ëSj)ôctàblé à laquëlle je ne me permettrai pas d'en imposer. Ces petits blàhCs sont
si dangereux, que lescoions, ici présents, peuvent dire qu'en temps de guerre, ils les craignent autant que les ennemis. Une partie de ces blancs, sans possession, habitent sur le rivage et s'occupent de la pêche, leur unique état; une mauvaise cabane, un canot, des filets, voilà toute leur propriété. En temps de guerre, qu'arrive-t-il? cest que lorsque les corsaires arrivent, non pas pour attaquer à force ouverte la colonie, mais pour faire des pillages sur les colonies, ces petits blancs, du plus loin qu'ils les aperçoivent, entrent dans leurs canots, et, sous prétexte d'aller pêcher, s'abouchent avec eux et leur disent : Venez ce soir à telle habitation, et à tel signal on vous fera faire un enlèvement.
Voyez d'après cela combien peu cette classe intéresse la colonie. Le préjugé lui facilite les moyens, non seulement de nous nuire dans nos personnes, mais d'envahir nos biens ; car celui qui a la possibilité d'offenser, d'attaquer impunément un homme est bientôt maître de ses biens. 11 n'a qu'à lui dire ceci: « je t'attaquerai partout où je te rencontrerai ; j'irai même jusqu'à te frapper. Eh bien, si tu oses montrer même un signe de mécontentement, je te ferai condamner en justice. »
Messieurs, ce que j'avance est écrit dans un auteur, non pas de ceux qui ont écrit pour le moment : c'est M. Hiiiard d'Auberteuil, peut-être connu de quelques-uns des membres de l'Assemblée. Et on verra que les mulâtres, les quarterons, les tiercerons aiment tous en général les blancs. Ils ne se permettent de haïr que ceux qui leur ont fait beaucoup de mal. Vous voyez dans cela, Messieurs, d'abord notre attachement bien reconnu pour les blancs. Les petits blancs étaient nos ennemis lorsque M. de Bellecombe est venu gouverner la colonie. Cet homme juste a été révolté des procédés qu'on avait pour une classe dont il avait reconnu lui-même l'utilité. Qu'a-t-il fait ? A force de plaintes qui ont été portées par les personnes de couleur, il a donné ordre à tous 1. s commandants pour le roi, à tous les commandants de milice, d'avoir à punir sévèrement delà prison les blancs qui se seraient permis d'insulter impunément un homme de couleur.
L'ordre du gouverneur, Messieurs, a suffi pour arrêter un instant, et pendant son gouvernement, toutes les vexatio is que les hommes de couleur éprouvaient. Mais combien ne nous a-t-on pas fait payer depuis le temps où l'on n'a pas pu se venger? M. du Ghilleau,M. de La Luzerne sont venus ensuite.Ilsot)t,enquelquefaçon, contenu les petits blancs, parce qu'ils avaient été maintenus par le règne de Kl. de Bellecombe, et précédemment par celui de M. deBongars. Voilà, Messieurs, quel était l'état des hommes de couleur vis-à-vis de ces petits blancs. Gela me mène, Messieurs, à vous faire connaître comn.enl et pourquoi cette classe d'hommes de couleur à é;é si cruellement maltraitée depuis la Révolution.
A l'époque de la Révolution en France, au 12 août, je n'avais pas eu encore l'honneur de me présenter à l'Assemb'ée nationale pour lui faire des réclamations; je n'étais pas mêmeà Versailles, j'étaisen province au 12 août. La crainiequ'eurent les colons, que la Révolution d'ici n'jnnuàt sur Saint-Domingue, fit qu'ils écrivirent une lettre dans ce pays. Ils disaient : « Prenez garde de réveiller le chat qui dort. » Ces messieurs écrivaient encore à Saint-Domingue qu'il y avait une société qui voulait faire soulever les esclaves, qu'il fallait se méfier des gens de couleur qui arriveraient de France.
Pourquoi s'en méfier, Messieurs? Ceux qui ont du bien ne sont-ils pas intéressés à le conserver? Et !>'il y eût eu un seul homme de couleur pervers qui eût conçu des idées aussi sinis res, les hommes de couleur qui sont a Saint-Domingue n'eussent-ils pas été les premiers à les empêcher? N'ont-ils pas leurs possessions à con.-.erver?
J'ai eu l'honneur de vous dire, Messieurs, qu'ils possèdent un quart des esclaves, un tiers des terres. Or, s'ils ont des possessions, ils sont intéressés à les conserver et à maintenir les esclaves qu'ils ont. Cette lettre arrive, donne des inquiétudes, mais ce n'est pas là le mot, elle donne de feintes inquiétudes aux petits blancs qui avaient intérêt ne poursuivre cette classe, et surtout dans un moment où ils n'avaient qu'à gagner et rien à perdre. Il résulte de ce qui est arrivé que déjà, à une époque des assemblées primaires, les hommes de couleur y avaient été appelés. Je puis vous certifier le fait et vous le prouver, parce qu'un de nos frères a été nommé électeur pour assister au comité ues Gayes.
A cette époque, les assemblées prima res se forment au Petit-Goave. 5 personnes de couleur descendent pour présenter une pétition au comité, et demander à être admises à délibérer. Le sénéchal du lieu, M. Ferraud de Bontière, touché du sort de ces personnes, veut bieu leur rédiger une adresse; cette adresse est portée par ces 5 personnes sans armes. Je vous prie, Messieurs, de remarquer ceci : On l'apprend dans le bourg; ies petits blancs, qui avaient eu connaissance de la lettre, crièrent tout de suite : les gens de couleur se révoltent! On tombe surces malheureux, on les saisit, on leur demande qui a rédigé l'adresse; ils répondent que c'était M. le sénéchal. Aussitôt le sénéchal est pris et a la tête tranchée.
Je vous demande, Messieurs, d'après des faits comme ceux-là, quel est celui de tous les blancs qui sont à Saint-Domingue, même de ceux qui sentent la nécessité que ces hommes de couleur soient protégés, quel est celui qui aurait pris la défense de ces infortunés contre les petits blancs? Dès ce moment, ies petits blancs se répandent dans tous les quartiers, vont à 15 lieues de distance du Petit-Goave, se jettent sur ceux qu'ils regardent comme leurs ennemis, et partout alors, le bruit grossissant que les personnes de couleur qu'on attendait de France sont arrivées, qu'elles s'assemblent dans les bois, tous les blancs prennent l'alarme, et on poursuit, comme des bêtes féroces, les hommes de couleur.
On vous a sans doute alors parlé de la funeste aventure du malheureux Labadie, homme respectable de 65 ans passés, habitant riche, possesseur de 150 esclaves. Les petits blancs, échau ffés de l'idée qu'il y avait une révolte, se mettent au nombre de 25 personnes, et vont courir les habitations des hommes de couleur, chez lesquels ils savaient le trouver : ils vont d'abord chez mon frère qu'ils ne trouvèrent pas alors. (Murmures.)
Il faut faire sortir ceux qui interrompent, ce sont des planteurs.
Ce que vous dit Monsieur vous prouve que les planteurs sont toujours venus à leur secours.
, orateur de la députation. L'Assemblée est étonnée, Messieurs, que, depuis que j'ai eu l'honneur de me présenter à elle, je n'ai pas pu lui montrer des pouvoirs que je
n'ai pu me procurer. Gomment les avoir en effet? Moi-même j'ai été privé du secours que l'on m'envoie de chez moi : contraint enfin, Messieurs, de vendre mon habitation à perte, parce que l'on me menaçait de la saisir.
Je viens de vous prouver l'intérêt, des petits blancs contre nous; présentement, Messieurs, je crois devoir vous prouver qu'il n'y avait aucun danger, d'après ce que j'ai eu l'honneur de vous dire, d'accorder aux hommes de couleur les droits qu'ils ont déjà par L'érfit de 1666.
Il n'y aura aucun danger de la part de* colons dits grands blancs, pan e que les blancs planteurs sont intéressés à avoir une classe forie,une classe qui est attachée au sol et qui ait un intérêt comme elle, celui de posséder des esclaves, atin de les contenir. Je dis donc que, de ce côté-là, on ne doit rien avoir à craindre.
Serait-ce la classe des petits blancs, Messieurs? Des hommes sans possession, qui ne tiennent au sol d'aucune manière, peuvent-ils avoir la préférence sur des hommes nés sur ce sol, sur de-; hommes libres, sur des hommes propriétaires, sur des hommes contribuables, enfin sur des hommes utiles? Je crois qu'il est impossible que l'Assemblée nat'onale prenne le change à cet égard.
On a paru vous faire craindre les esclaves; on a dit : « Si vous admettez les hommes de couleur aux droits de ciîoyens actifs, les esclaves voudront secouer le joug. » Pourquoi cette crainte? Si c'est esprit d'imitation, le premier esclave affranchi eût ouvert la porte à tous les autres. (Applaudissements.) Eh I Messieurs, quelle idée un esclave peut-il se former de la dignité de citoyen actif. J'ose vous assurer, Messieurs, que tous ceux qui connaissent cette classe malheureuse d'hommes diront que c'est pour elle l'idée la plus métaphysique.
Gomment les esclaves ne se sont-ils pas révoltés lorsqu'ils ont vu leurs compagnons d'infortunes, non seulement devenus affranchis, mais qu'ils les ont Vus eux-mêmes acheter des esclaves et posséder des terres? Gomment ne se sont-ils pas révoltés, lorsque, depuis longtemps, ils ont vu des citoyens de couleur ayant des esclaves, jouissant même d'une certaine considération étant officiers dans les milices? Pourquoi ne se sont-ils pas révoltés et n'ont-ils pas voulu être citoyens actifs? Getie conséquence qu'on a voulu vous faire tirer, Messieurs, des droits que vous pourriez accorder aux hommes de couleur, est sous ce rapport très peu fondée. Les nègres se révolteraient-ils par force? Ou bien supposera-t-on que les gens de couleur, lorsqu'ils auraient acquis les droits de citoyens actifs, se lieraient avec Ie3 nègres pour se sauver?
Quoi, Messieurs, nous demandons avec instance uu droit qui nous élève, et nous pourrions nous exposer à le perdre avec nos fortunes et nos vies? Croil-on que, si les personnes de couleur pouvaient concevoir l'idée affreuse de faire égorger les blancs, elle serait exécutée? Les nègres n'ont-ils pas autant à se plaindre d'eux que des blancs? Pense-t-on que nous resterions s'ils étaient égorgés? Non, Messieurs, sous le rapport des craintes qu'on veut vous donner de l'envahissement des colonies, vous accorderez aux personnes de couleur le droit de citoyen actif.
Je conçois facilement que, si la France perdait ses colonies, la perte en serait irréparable. Mais je conçois difficilement comment les Anglais profiteront de ce moment pour envahir les colonies. Je ne vois que deux manières : ou un parti mé-
content se donnera aux Anglais, ou les Anglais viendront à force ouverte. Mais si les Anglais avaient à venir à force ouverte, je vous laisse à penser, Messieurs, s'ils auraient négligé l'occasion qui vient de se présenter dans le désordre où sont les colonies. Sera-ce une classe mécontente? Peut-on supposer que les colons manquent de patriotisme au point d'en venir à un excès comme celui-là? Non Messieurs, je leur rends plus de justice, ils vous ont donné des preuves de leurs dispositions ; serait-ce dans ce moment où les deux classes seront fortifiées et qu'elles présenteront à l'ennemi un front plus redoutable, je demande, Messieurs, si ce serait le moment que les Anglais choisiraient pour altaquer les colonies?
Je crois, Messieurs, avoir eu l'honneur de vous prouver que la classe des gens de couleur est infiniment plus considérable qu'on ne vous l'a dit et qu'elle y est infiniment plus utile qu'on ne vous l'a avancé qu'il est de l'intérêt même des colons d'accorder le droit.de citoyen aux hommes de couleur pour cela seul qu'en leur donnant pins de droits, plus de douceurs, ils se les attacheront davantage; que, quand même les nègres voudraient se révolter, ils ne le pourront pas, parce que les personnes de couleur, intéressées à les maintenir dans l'esclavage, se réuniraient avec les blancs qui ne feraient alors qu'une même classe.
Je vous ai également prouvé combien il était absurde (lecraindre les Anglais. Quoi 1 nous craindrions les Anglais avec une coalition comme celle-là? La guerre dernière, où cette puissance avait couvert de ses vaisseaux la mer de l'Amérique, nos colonies n'ont pas été menacées. Nous avons attaqué leurs propriétés, comme .j'ai eu l'honneur de vous le dire, et c'est avec des troupes d'hommes de couleur, jointes aux troupes de ligne de France qu'on est parvenu à en conquérir une partie.
Je demanda d'après cela à l'Assemblée qu'elle veuille bien statuer sur le sort des hommes libres propriétaires, et persuadé qu'elle trouvera dans eux des enfants qui n'oublieront jamais ce service et l'état où elle les aura portés. (Applaudissements).
Je demande que l'on donne à ces Messieurs les honneurs de la séance.
Gela ne se peut pas ; on va délibérer.
(La députation se retire).
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des colonies, de Constitutionde marine et d'agriculture et de commerce sur Vinitiative à accorder aux assemblées coloniales dans la formation des lois qui doivent régir les colonies et sur Vétat civil des gens de couleur (1).
Hier, Messieurs, vous avi.z décrété que l'initiative serait accordée aux colons sur l'état des personnes libres ; aujourd'hui vous avez à prononcer sur l'état dés personnes libres et sur le congrès qu'on propose d'établir à Saint-Martin.
Quant à ce congrès, je le crois parfaitement inutile; et voicimes
raisons: Par un de vos décrets antérieurs, vous avez ordonné qu'il y
aurait dans
Ou ce congrès prononcera en faveur des gens de couleur, ou il prononcera en leur défaveur: S'il Jprori Once en leur faveur, pourquoi vous opposer avec tant d'acharnement à leur rendre fout de suite l'exercice deleUrs droits-?'S?il est douteux qu'il soit disposé à leur accorder justice, je demande s'il convient que l'Assemblée nationale appesantisse constamment lèjoug sur cette classe opprimée. Observez donc, Messieurs, que c'est ici' la lutte constante de la justice contre la vanité, dé la cupidité qui voudrait se jouer de la liberté des hommes. Les gens de couleur peuvent déjà augurer ce qu'ils ont à attendre par ce qui s'est passé antérieurement,
Toutes Tes fois qu'il a été question de se plaindre de l'oppression ministériellej on a vq les blancs pérorer avec chaleur et avec Vérité ; mais vous ont-ils jamais-'dit un mot sur la manière dont eux-mêmes traitaient les mulâtres dans les colonies? N'est-il pas évident que c'est la lutte constante de la justice contre Porgueil, contré-la cupidité qui veulent constamment se jouer de l'existence et de la propriété de ces hommes? N'est-il pas évident, Messieurs, que ce serait constamment les laisser entre les mains de leurs ennemis? Je ne crains pas de le dire : ce serait, en quelque façon, une tache à là Constitution, qu'après avoir rendu la liberté aux Français, les régénérateurs de la France fussent en quelque façon, les oppresseurs de leurs frères d'Amérique.
Un des préopinants, c'est je crois M. Moreau de Saint-Méry, a fait une objection t|réei de ce qu'en France nous avons des citoyens qui ne jouissent pas des droits dé (citoyens actifs. Il y a beaucoup de disparité : en France, l'état de citoyen actif a UUe inégalité pécuniaire que Chacun peut espérer de franchir, au lieu que dans les colonies cette inégalité résulte de la différence de couleur qui est insurmontable: en France, l'égalité prononcée n'est pas visible, elle n'èst pas gravée sur le front; elle ne crée pas l'insolence d'un côté et l'humiliation d'un autre, au lieu que dans les colonies cette inégalité est gravée sur le front de l'homme, même; et l'homme ne peut échapper a l'humiliation.
On a invoqué la politique. Je pourrais vous dire, Messieurs, que jamais on ne peut être vraiment politique que par la justice; que la. justice, pour les empires comme pour les individus, ést véritablement un point fixe ; et que la stabilité des Etats ne résultera jamais que du parfait accord des priu-çipes du gouvernement avec ceux de la justice. (Applaudissements.) Je consens en ce moment à faire abstraction de ces principes, et à ne faire parler ici que le langage d'une politique calquée sur les passions humaines.
Croyez-vous que vous êtes les seuls pour qui la liberté ait véritablement un prix? Pensez-vous que les gens de couleur, en Amérique, voyant Constamment arborer l'étendard de la liberté, le sentiment de leurs droits imprescriptibles ne s'éveiîléra pas dans leur âme?
Je regarde comme incontestable que, si l'orgueil voulait abjurer ses prétentions, la classe des citoyens devenue plus nombreuse rendrâit, par cela même,.celle des esclaves moins formidables;que les sang-mêlé, les gens de couleur et les blancs, étant rapprochés par les mêmes intérêts, par les
mêmes avantages, la masse de leurs forces combinées assurerait plus efficacement la tranquillité des colonies.
C'est un principe que l'on vous a développé tout à l'heure à la barre; et c'est une raison que jeregarde comme irrésoluble.Ne serait-il pas bien étrange que, parmi les gens de couleur, ceux qui ont les droits de citoyens actifs en France retour-* nassent ensuite en Amérique pour rentrer dans cette classé opprimée, avilie, tandis qu'au milieu de vous ils ont l'honneur d'être élevés au rang de citoyens français? Ne serait-il pas bien étrange qu'après avoir joui parmi vous des droits quelâ liberté leur assure, allant dans leur propre pays, ils en fussent dépouillés ? ~
Quel parti voulez-vous donc prendre à leur égard? Vous tiendrez la promesse que vous leur avez faite quand, la première fois, ils parurent à la barre. Il leur fut dit qu'aucune partie d'entre eux ne réclamerait en vain ses droits. Vous remplirez l'espoir que leur donne votre décret d'hier; car, en lesdétachant des personnes non libres, vous vous êtes réservé de statuer à part sur leur sort.
Hier, après des interpellations, M. Barnave vous a avoué qu'il n'avait jamais entendu exclure les gens de couleur, par l'article 4 des instructions; ils y sont donc compris évidemment. Il est de la dignité du Corps législatif de prononcer avec clarté et de faire exécuter avec fermeté, puisque de mauvaises interprétations leur en ont enlevé les avantages. Je demande la question préalable sur le proiet de votre comité, ainsi que sur les autres articles, et je propose d'y substituer celui-ci r
« L'Assemblée nationale déclare que les gens «de couleur et nègres libres, étant compris « dans l'article des instructions, du 28 mars 1790, « sur les colonies, sont citoyens actifs quand ils « réunissent d'ailleurs les qualités requises par « les lois. L'Assemblée nationale charge ses com-« missaires, envoyés dans Mes colonies, d'em-Vployer les moyens qui sont en leur pouvoir « pour leur assurer la jouissance de ces droits. » (Applaudissements. )
Je'distingue dans le projet d'article actuellement soumis à l'examen de l'Assemblée deux parties très distinctes : l'une de ces parties est l'initiative rèla-tivement à l'état politique des gens de couleur 5 l'autre partie est relative à la manière d'exercer cette initiative.
Je dis, sur la première, que cette initiative âp* partient aux colbnies, comme je l'ai établi l'autre jour d'après vos propres décrets.L'Assemblée a dit, le 8 mars, elle a répété plusieurs fois depuis que la Constitution qu'elle décrétait pour la France ne nous concernait pas, qu'elle attendrait lé vœu des assemblées coloniales. Or, il vous Serait impossible de conserver la confiance des colons si vous leur ôtez cette initiative sur un point quelconque de la constitution coloniale ; et il faut convenir qUé le point dont il- s'agit est des plus importants. L'état des hommes libres de couleur était nul quant aux droits politiques, quand vous nous avez accordé cette initiative sur l'état des personnes, initiative qu'il s'agit de dé- -créter aujourd'hui' cphstitutionnellement. Rien de nouveau ne peut donc être statué à leur égard sans notre vœu ; et il importe que l'on soit bien convaincu que les promesses de l'Assemblée nationale sont invariables.
Vous venez d'entendre à la barre, Messieurs, un des hommes de Couleur invoquer les recen-
sements de la population de Saint-Domingue qui sont aux bureaux de la marine. J'ai ici entre iés mains, en original, le dernier de ceux qui y sont parvenus; on a bien voulu me le confier, ce recensement èst pour l'année 1788 ; il n'en a pas été envoyé d'autre depuis. II porte pour la population blanche 27,717 personnes recensées, et pour la population des gens de couleur 21,808.
A gauche: Combien de petits blancs?
Si celui qui m'a fait cette question a une curiosité très intéressée à approfondir ce fait, je l'invite à l'aller répéter à Saint-Domingue.
Il est reconnu qu'il y a dans les colonies deux espèces de blancs; et je.ne crois pas très honnête de renvoyer à la colonie pour en savoir le nombre. (Applaudisset-ments.)
Je ne sais pas d'abord ce qu'on entend par petits blanes.(Murmures.)
J'observe que les blancs qui sont compris dans , le recensement de Saint-Domingue sont des blancs contribuables; s'il y en a d'autres>" il faut les ajouter à mou premier; résultat.
Voici, Messieurs, une autre pièce" c'est un état imprimé à Saint-Domingue en 1790 et qui contient le résultat du recensement de la colonie pour l'année 1789. J'y trouve : blarics> 30,826; gens de couleur, 24,845. Ajoutez à ce nombre de 30,000 tous ceux qui, quoique n'appartenant pas au sol, font une résidence habituelle dans la colonie, tels que les deux régiments c oloniaux de 1,400 hommes chacun, et vous voyez que, lorsque'j'ai avancé qu'il y avait disproportion dans les deux classes, j'ai dit une chose très constante.
Je demande maintenant, Messieurs, sur quels motifs plausibles l'on s'appuierait pour ôter aux colonies l'initiative en ce qui concerne les gens de couleur. Vous venez d'entendre faire à la barre cet aveu précieux que la saine partie des habitants de cette colonie avait pensé, à une époque bien différente dé celle actuelle, qu'il convenait d'apporter des changements à l'état et à la situation des hommes de couleur. Je dis, Messieurs, que ces dispositions n'ont pas changé et n'ont pu qu'augmenter et que, d'aprè3 cet aveu, ce serait faire une injure gratuite aux colons que de supposer qu'ils sont incapables de sentir eux-mêmes ce qu'il est raisonnable de faire en faveur des hommes libres de couleur. N'a-t-on pas vu, dans la colonie que je représente, des planteurs trouver révoltant que l'on eût accusé les hommes de couleur d'une conspiration et faire avec eux cause commune poUr sauver leurs propriétés ? Je demande si, d'après de pareils Exemples, il peut entrer dans la tête d'une personne raisonnable de nous déclarer incapables de tout sentiment de justice, de sagesse. (Murmures.)...
Les départements ne sont pas constituants ; pourquoi les colonies le seraient-elles? M. Moreau nous parle ici comme s'il parlait à ses esclaves.
Le parti d'attendre rinitiativeijue vous avetf donnée ne peut souffrir aucun^nconvénient} c'est, comme je l'ai
déjà dit, une suspension de quelques mois ; il est inutile que je m'y arrête.davantage.
Je passe à ce que j'appelle la seconde partie du décret.
Je demande la permission d'interrompre l'opinion pour rétablir un fait; M. Moreau a dit que, dans l'état qu'il tenait en main* on n'avait compris dans le nombre des blancs que les blancs contribuables. Je dis que cet état que je viens d'examiner comprend certainement tous les blancs; il est si détaillé qu'il comr prend jusqu'au nombre des animaux et qu'il disr tingue même les villages. Ainsi, Messieurs, cela, prouve bien que tous les blancs, petits et pFoprié-taires, y sont compris.
J'observe à M. Gaultier-Biauzat qu'il en est de même dans l'état des gens de cou'-leur.
Cet état comprend à la vérité 2,000- ou 2,500 domestiques, parce qu'ils possèdent eux-mêmes quelque enose.
Je viens maintenant! la seconde partie dé mon argumentation, et je réponds à quelques objec* tions qui ont été faites sur le comité colonial qu'on vous propose de faire établir à Saint-Martin. Sang doute, il serait possible de laisser cha»-cune des colonies maîtresse de donner son voèu particulier ; mais il y a là un inconvénient ; on a craint que, si on laissait chaque assemblée co«-loniale particulière exprimer son vœu, cette diversité dtopinions n'embarraasàt beaucoun le Corps législatif et ne lui rendît très difficile de distinguer le véritable vœu de la majorité; C'est ce qui a fait dégirer un vœu commun, à l'abri de l'influence de cette portion des blancs qu'on re«-garde comme notant pas favorable aux gens de couleur. Le seul moyen d'arriver à ce résultat, c'est de faire un comité de commissaires pris dans chaque assemblée et ces assemblées composées de la saine purtie des planteurs qui savent distinguer ce que la nécessite exige d'avec oéqùe dicte l'orgueil.'
Je n'ignore pas qu'on a cherché à inspirer des craintes imaginaires sur ce rassemblement comme devant stipuler contre lés intérêts de la France, contre l'attachement et la fidélité des colons. Que peut-on craindre d'un pareil comité composé de 29 personnes seulement choisies dans les as;fém«-blées coloniales existantes et qui n'auront d'autre mandat, d^autres pouvoirs que vos décrets? Sans m'arrêter à combattre ce bruit ridicule, je déclare que mes collègues et moi nous répondons ici formellement de la fidélité de nos commettants, des actes qu'ils stipuleront dans l'île de Saint-Martin, et je ne doute pas que les autres députés coloniaux ne soient prêts à souscrire le même engagement et à professer les mêmes sentiments.
Nous prenons le même engagement.
Ce que dit là M. de Reynaud ressemble parfaitement à ce que disait Franklin à la barre du parlement d'Angleterre; vous savez ce qui est arrivé depuis.
C'était bien une autre circonstance.
Depuis que nous appartenons à la France, nous n'avons cessé
de répandre notre sang pour elle. Quant à la disposition du comité de Saint-Martin, nous ne pouvons que l'appuyer de notre vœu, que faire voir qu'elle est favorable aux gens de couleur. C'est à l'Assemblée à décider si ce mode d'exercer l'initiative est le plus convenable.
(1). Les mouvements d'éloquence et de sensibilité de M. l'abbé Maury...
Je demande la permission d'interrompre l'opinant pour une opinion de fait. Messieurs les députés des îles de France et de Bourbon vous ont demandé de statuer dès ce moment sur l'état politique des hommes de couleur : pour vous le demander, ils se sont appuyés sur un vœu émis par la colonie. Je demande qu'on nous accorde la même grâce.
Les mouvements d'éloquence et de sensibilité de M. l'abbé Maury ont fait hier une profonde impression sur les cœurs de l'Assemblée en rejetant le projet de vos comités. 11 a représenté les colons blancs dans le plus grand dauger, perdant immédiatement leur in-uehce dans la législation et dans l'administration des colonies, parce que les hommes libres de couleur, ennemis naturels, selon lui, des colons blancs, donneront la liberté à tous leurs esclaves, achèteront celle de leurs parents et de leurs amis pour les rendre habiles à devenir citoyens actifs. Par cette mesure ils attireront à eux toute l'autorité; les Européens seront égorgés, les colonies seront livrées au pillage; les cultures cesseront et, avec elles, nos manufactures, notre commerce, notre navigation. Voilà bien des malheurs qui nous sont annoncés. Je les crois réels; mais c'est en refusant et non pas en accordant aux hommes libres de couleur ce qu'ils ont droit d'attendre de votre justice.
Il suffit de représenter nos colonies telles qu'elles sont pour renverser cet échafaudage de M. l'abbé Maury, et j'interpelle à cet égard les membres de cette assemblée qui représentent nos colonies ou qui y ont des propriétés. Penseni-ils avec lui que les hommes libres de couleur soient les ennemis naturels des colons blancs? Pensent-ils même que les esclaves sont dans cette disposition à leur égard? Et si cela est, quels sont les moyens qu'ils emploient pour prévenir les attentats? La crainte, me dira-t-on, et les satellites qui raccompagnent, les fers et le fouet; mais qui est-ce qui tient dans ses mains ces moyens de sûreté? Som-oe 1,2, 3 Européens sur ces habitations de 5 à 600 noirs, plus ou moins éloignés des lieux où sont établies les forces qui peuvent maintenir la police? Non, Messieurs, ce sont ces mêmes noirs libres ou esclaves.
Jetons les yeux sur Saint-Domingue. Nous voyons une île dans laquelle la
France a des possessions qui comprennent un circuit de 300 lieues. 5 ou
6 endroits principaux, tous situés au bord de la mer, tels que le cap,
le môle Saint-Nicolas, Saint-Marc, le Port-au-Prince, les Cayes, forment
les pointes de défense de cette île, où se trouvent réunis les troupes
et les Européens qui comprennent la grande masse de la population
blanche de cette colonie. Les habitations sont ensuite éparses sur cette
surface qui a 30 à 35 lieues de largeur; 32 paroisses, à une très grande
distance, puisque quelques-unes sont éloignées de20 lieues,
Ainsi si les hommes libres de couleur étaient susceptibles des sentiments de haine que M. l'abbé Maury leur impute, rien ne pourrait soustraire les c dons blancs à leur vengeance/et leur destruction totale serait aussitôt exécutée qoe prononcée; ainsi si ces dispositions n'existent point, il est impossible que vous les provoquiez par uu acte de justice, et si ces hommes, ainsi que les esclaves, sont guidés par simples notions d équité qui les portent à respecter la propriété d'autrui, que ne devez-vous point atiendre d'eux lorsque vos bienfaits viendront resserrer les liens qui les rattachent aux colons blancs?
Ce ne sont point ici, Messieurs, des hypothèses que je viens vous présenter, ce sont 'tes faits. J'ai vu des habitations sur lesquelles il y avait 800 noirs esclaves, dirigées par une seule famille, ayant sous ses ordres uu seul économe européen. J'ai vu des habitations de 50 à 60 noirs, dirigées par des esclaves, qui rendaient à leurs maîtres des comptes très fidèles.
Il résulte de cet exposé qu'il ne peut y avoir aucun inconvénient pour la sûreté de vos colonies d'accorder aux hommes libres de couleur, propriétaires et contribuables, nés de pères et mères libres, le droit de citoyen actif, sans laisser au congrès de Saint-Martin l'initiative qu'on vous propose; car vous ne pouvez pas abandonner ce droit, sinon en supposant que, s'il émettait un autre vœu, il s'élèverait dans l'Assemblée nationale de nouvelles discussions qui prolongeraient ou reproduiraient les troubles affreux qui déchirent nos colonies.
Si vous pensez, Messieurs, que vous ne devez avoir aucun égard à la réclamation des hommes libr s de couleur, tout porte à croire que vous allez faire naître un levain de jalousie qui fermentera quelques années, et dont l'explosion terrible entraînera inévitablement la perte des colonies et celle des colons blancs. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix I Fermez la discussion !
Messieurs, les mêmes observations m'amènent nécessairement aux mêmes réponses. Personne, Messieurs, ne conteste dans i'Assemblée cette vérité; c'est que l'Assemblée a dit aux colonies : « Proposez-nous un plan de Constitution qui vous soit propre. »
, Un membre : Ce n'est pas ça I
L'impatience d'arriver à un résumât uous en éloigne. Très certainement c'est celte impatience qui fait confondre deux questions très distinctes : l'initiative accordée aux colonies et la délibération de l'Assemblée nationale qui doit suivre cette initiative et, néanmoins, en est indépendante. C'est parce qu'on arrête toujours l'opinant dans l'exposé qui mène à une conséquence que ces deux questions sont sans cesse confondues.
Vous avez entendu à la barre un homme de couleur. Ce citoyen vous a dit que les noirs n'étaient opprimés que par les petits blancs. Son
discours suffit pour vous prouver que les gens de couleur ne sont pas les ennemis des blancs. Je soutiens que cette partie des préjugés nationaux doit être maintenue pour établir une différence entre les patrons et les affranchis. Il est dans les intérêts sociaux que les obligés soient, je ne dis pas dans une dépendance de servitude vis-à-vis de leurs supérieurs, mais dans un état de déférence réelle. Je dis que les colons ne peuvent pas vous paraître exagérés, lorsqu'ils cherchent à maintenir non pas un préjugé fondé sur la vanité, mais lorsqu'ils cherchent à maintenir une portion de préjugés qui tient au bon ordre et aux bonnes mœurs coloniales.(Riresironiques.)
Qui nous assure que tous les hommes de co i-leur ont eud s affranchissements dans les formes légales? Je n'attaque pas leur possession, elle est leur titre très légitime. Il faudrait faire un recensement de ceux qui ont des titres de liberté.
C'est la plus belle théorie de la servitude.
Non, Messieurs, ce n'est pas la servitude que je prêche, car si elle devait s'établir dans le moment, j'en serais le plus ardent ennemi; mais il faut examiner avec l'œil de la raison ce qui existe et quels sont les motifs de la résistance des colons blancs.
Ce que les gens de couleur ont le plus à redouter, c'est l'influence des hommes non propriétaires. Il est certain que ces hommes sans considération, sans influence, sans propriétés, mettent une grande différence entre les gens de couleur et eux. Mais cette partie des préjugés n'est point à respecter. Celle qui tient à des institutions politiques, celle qui tient aux principes de droit naturel, je n'imagine pas qu'on puisse l'attaquer.
Or, Messieurs, cette partie des mœurs coloniales doit nécessaire ment se concilier avec leurs institutions politiques. Mais il y a une raison bien plus décisive pour que vous attendiez les renseignements qui vous seront donnés par les assemblées coloniales sur des modifications nécessaires, sur l'exercice des droits politiques. Vous avez déjà décrété hier que vous ne prononceriez sur l'état deshommes non libres que d'après la proposition formelle e1. spontanée des assemblées coloniales; ainsi vous avez reconnu l'existence des hommes non libres dans les colonies. (Murmures prolongés.)
Votre impatience annonce de deux choses l'une , ou que l'Assemblée est suffisamment instruite (Oui! oui! Murmures!).....
Il y a trois jours que nous discutons c tte affaire; fermez la discussion. (Aux voix! aux voix!)
Je demande la parole pour uu fait. (Aux voix! aux voix !) C'est un fait de là plus haute importance qui intéresse essentiellement la conservation de vos colonies.
Si j'interromps l'ordre de la parole pour vous, à qui pourrai-je la refuser ensuite?
M. l'abbé Maury. Il s'agit d'un fait d'ordre très essentiel qu'il est de la sagesse et de la prudence de l'Assemblée nationale de vérifier sur-le-champ.
11 se répand, dans le commerce et dans la ban-
que de Paris, que les négociants de Londres, inquiets des grands armements qui se font en Angleterre, se sont adressés (Murmures à l'extrême gauche.)... à M. Pitt, premier ministre, pour savoir de lui s'ils pouvaient faire avec sûreté leurs expéditions ordinaires dans la mer du Nord, dans la Baltique et dans le golfe de Finlande. M. Pitt a répondu au lord-maire et aux syndics du commerce qu'ils pouvaient continuer leurs armements et leurs ex péditi ns dans les mers du Nord. L'armement qui se faii à Londres est d'autant plus digne d'être pris en considération dans cette Assemblée, qu'on a eu recours à un moyen extraordinaire; qu'on s'est emparé des dividendes non réclamés à la banque de Londres; et vous savez, Messieurs, qu'on n'y emploie un pareil moyen que dans les dernières extrémités.
M. Pitt ordonne dans ce moment la plus grande rapidité pour la présse des matelots; il fait pour la troisième fois, dans son ministère, un armement très dispendieux. La nation anglaise en est très inquiète, il perd journellement de sa majorité dans le Parlement. Or, Messieurs, que le est la conséquence naturelle de cet armement? C'est que si l'armement de l'Angleterre n'est point destiné pour la mer du Nord, il a une autre destination. (Rires et murmures.)
Il est notoire, Messieurs, que l'Angleterre n'est menacée dans ce moment d'aucun danger; que les hommes d'État, qui' sont si économes des fonds publics, ne les dépensent pas sans avoir des desseins hostiles. En conséquence, je demande que l'Assemblée e >voie, dans cet instant même, deux membres de son comité diplomatique au ministre des affaires étrangères pour savoir de lui si le fait que je viens d'avancer est vrai. (Murmures à l'extrême gauche.)
Cet pour répondre au fait qui vient de vous être énoncé que je demande la parole, ainsi que pour examiner les conséquences qu'on peut en tirer. J'ignore la vérité de ce fait. (Applaudissements ironiques à droite)...
Un membre : Que voulez-vous donc dire?
Monsieur le Président, je demande que vous mettiez à l'ordre ces insolents.
Avant de parler sur ce fait, le comité diplomatique demande à s'expliquer; M. de Menou, qui en est membre, va donner des éclaircissements à l'Assemblée.
, au nom du comité diplomatique. J'ai l'honneur de rendre compte à l'Assemblée que le ministre des affaires étrangères a envoyé il y a deux jours au comité diplomaiique la copie d'une lettre officielle qui lui a été écrite par M. de La Luzerne, ambassadeur de France en Angleterre; cette lettre poite, en effet, que les négociants anglais se sont adressés à M. Pitt pour savoir s'ils pouvaient continuer leurs négociations et leurs spéculations dans les mers du Nord. Le ministre a répondu officiellement qu'ils pouvaient en toute sûreié continuer la naviga-lion dans les mers du Nord et no'amment dans la Baltique.
M. de La Luzerne ajoute en même temps que la presse et les armements continuent avec la plus grande activité.
Si l'Assemblée désirait avoir la lettre.....(Non non! — Mouvement prolongé.)
M. l'abbé Maury a voulu sans doute influer sur votre délibération en annonçant le fait dont il est actuellement question. Je m'engage à prouver que ce fait, quelque important qu'il soit, ne doit avoir d'autre influence sur votre délibération que celle de vous faire accélérer la discussion et de la terminer le plus'protaptement possible à l'avan-tage de la justitie. (Applaudissements.) '*
.Voix nombreuses ; La discussion fermée !
On demande que la discussion soit fermée.
Permettez-moi de conclure, Monsieur le Président. Je conclus, comme M. de La Rochefoucauld, qu'il faut décider cette affaire à l'avanlage de la justice. Or, je place la justice dans le principe que les hommes de couleur, Comme tous les autres citoyens, doivent être préservés de toute oppression ; je place la justice à Convenir qu'ils ne doivent pas être privés indéfiniment dè& droits de citoyens actifs. Mais là justice West pas, lie fut jamais d'accorder l'exercice des droits politiques indéfiniment; indistinctement à tous les hommes'. (Murmures.)
Si la justice consistait dàhs l'égalité politique pour tous les hommes sans distinction, il n'y aurait plus de gouvernement dans cè moment ; et certes vous ne pouvez pas décréter ce nouveau principe. Vous diriez que votre Constitution est la plus juste et Cependant vous en avez décrété une autre pôur les Colonies.
Messieurs; si la maxime que j'ai entendu hier professer dahs Cette Assemblée était véritablement l'esprit de l'AsseÉdbJée; — mais certes je ne le crois pas — s'il était vrai qù'il fût égal, qu'il fût convenable même de sacrifier les colonies à uh prinéipé, je demanderais que la discussion fût fermée et j'écouterais, dans un si» Ience mêlé d'effroi, le décret que vous aile? rendre.1 (Murmures : ), /.
Tout ce que dit M. Malouet a éjé dit;, aussi je demande que la discussion soit' fermée/llést inconcevable qu'on discute pendant icinq jours pour savoir b! des hommes libres doivent devenir esclaves,
Je' demande que la délibération popte uniquement sur cette première proposition : l'Assemblée riationale prononcera-t-elle immédiatement sur le sort des gens de couleur ou prononcera-t-elle sur la proposition des assemblées coloniales?
(L'Assemblée, consultée, fermë' la discussion.)
Je demande la parolei(iVo^/ non') ... Je demande la parole au nom du comité colonial. (Non! rionfy';.
Rien ne nous prouve que M. Barnave parie au nom du comité, puisque c'est M. Delattre iqui est le rapporteur.
Si ou intenç[ M. Barnàyë,'.je demande à lui répondre, attendu qu'il est le seul du comité qui n'ait pas été de l'avis du projet de décret.
Un'mefniïré : M. Barnavë à déjà parlé 6 ou 7 fois sur Ja question, 1.
" (L'Assemblée dëàidé que M, Barnàvé ne, sera pas entendu et passe à Tordre du jour.) "
Voici l'article 14 du projet dé décret des comités sur lequel l'Assemblée a maintenant à délibérer :
« Quant à l'état politique des hommes de couleur et nègres libres, il y sera statué par le Corps législatif, sur la proposition d'un comité ^composé de membres de toutes les assemblées coloniales : d'Amérique actuellement formées - et quand le Corps législatif aura prononcé ainsi qu'il lui paraîtra convenable, aucUn nouveau changement à l'état des hommes de couleur et nègres libres ne pourra être décrété par les législatures, si ce n'est sur la demande formelle et spontanée d«s assemblées coloniales. »
Lés comités ont eux-mêmes retiré de la rédaction primitive ce qui avait rapport au comité de Saint-Martin.
Plusieurs membres : La question préalable!
La question est mal posée. Dans la nouvelle rédaction que nous avons proposée hier ( t dont M. le Président vient de donner lecture, nous avons supprimé les mots « Comité de Saint-Martin », et pâr conséquent la désignation du lieu oû le comité devait se réunir ; mais nous y avons conservé le principe de la réunion d'un comité des assemblées coloniales. (Interruption„)
Je demande à dire Un seul fait pour qu'en aucun cas, si les événements (Murmures et interruptions).:. J'observe que, soit que lés colonies émettent le vœu par leurs assemblées coloniales, soit qu'elles l'émettent par un comité, il est évident que l'initiative leurest conservée. Mais je mets en fait (Murmures.). '. , que si les colonies émettent leur vœu séparément par le moyen des assemblées coloniales, elles émettront un vœu très défavorable aux hommes de couleur, parce que chacune d'elles voudra plutôt rester en arrière qu'en avant des autres (Murmures.). .. au lieu qu'un comité qui délibérerait librement? qui né. serait influencé par rien de ce qui l'entourerait (Murmures prolongés.)...
C'est rentrer dans la discussion! je demande qu'on ne se joue pas à chaque instant deé décrets qui ferment la discussion.
quitte la tribune.
Voix, diverses,} La question préalable 1 La divi* sion ! Aux voix ! aux voix
Je demande la division de. l'article ; il est évident qu'il rëriferme trois dispositions absolument 'distinctes. Je propose 'donc qu'on délibère d'abprd sur ^la première partie et que la q u estio n sçi t ainsi posée ;
«' Quant à rétat des hoinmes de éciuleur libres et nègres libres, il y sera statué par lé Corps législatif, aprèSi avoir pris l'avis des colonies, ainsi qu'il sëra réglé ci-aprés. »
Il est impossible de né pas adopter la division ; car moi, par exemple, je suis d'avis 4e la partie de l'article qui accorde l'initiative aux colonies et je rejette, les autres. Si on n'adopte pas la division, je ne puis délibérer.,
(L'Assemblée décrète la division à la preSqUé unanimité).
Je donne une nouvelle lecture de la partie de l'article sur laquelle l'Assemblée est appelée à délibérer :
» Quant à l'état des hon^mes de couleur libres et nègres libres, il y sera statué par le Corps lé-
gislatif après avoir pris l'avis des colonies, ainsi qu'il sèra réglé ci-après ».
Je demande laqueetion préalable sur celte première.ipartie.
, Je mets aux voix la question préalable sur la première partie de l'article 14. " (Ôeiïx épreuves successives sont déclarées douteuses.)
Il va être procédé à l'appel ppminal. Ceux- qui pensent qu'il y a lieu à délibérer sur la partie de l'article attaquée par la qùestîén''piréalabiélirÔpondrbntwi.^Ux qui pensent, au contraire, qù'iï. n'y a pas %u à délibérer, diront i\on.
Je demande que l'appel nominal porte sur l'article entier, et non sur une partie,Il semblé qu'on veuille sans cesse allonger nos travaux ; c'est opprimer les opinions, Npus fte v uloiiè pas être opprimés ici entre deux aristocraties,
Je demande à parler sur cette motion. (Non ! non ! il y a un décret \y
Plusieurs membres qui comptent sur le vote de la première partie de l'article sont sortis.
Plusieurs membres demandent que l'appel no-minal porte sur le fond de la question, (Vives réclamations.)
(Ces diverses propositions n'ont pas de suite.).
Plusieurs membres'demandent que l'Assemblée se sépare dès que le résultat de l appel nominal sera connu.
(Cette motion, est décrétée.)
Il est procédé à l'appel nominal (1) qui donne le résultât. s\iivp,nt :
A Ja majorité de 48$ vioix coiitre 354, l'Assem-^ blée ptononcç qu'il y a lieu à délibérer sur la première partie de l'article ;14.
indique l'ordre de ce soir et lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de l'extrait des adresses suivantes
, Adresse des représentants..de, la commuté de Toulouse, par laquelle ils célèbrent le patriotisme de MM. Douziech et Del mas, commandants de la garde nationale' de .cette ville, et ils suppliéni l'Assemblée de les présenter au roi pour les eip
plols d'officiers supérieurs de la gendarmerie nationale.
Adresse de 164 citoyens-soldats vétérans de la garde nationale de\ Saint+Hippolyte, département du Gard, qui offrent à l'Assembléé nationale l'hommage de leur entier déyouement la,chose publique. ? - -
Adresse des préposés de la régie générale de la direction de Marseille^ qui expriment ùné soumission respectueuse au décret qiii prononce leur suppression, et supplient instamment l'Assemblée de s'intéresser à leur sort-
Adresse de M. Faiboiies dé la? Tiiellière, consul de France aiix iles de Madère 'et Porto-Saiito, qui envoie à l'Assemblée nationale son serment civique et celui de son vice-consul.
Adresse du directoire du département de la Vendèè,. qui annonce que, sur la démission dç M.:Servant, élu évêque dé Ce département, les électeurs on-t nommé en remplacétnènt M. Rodrigue, curé de Fougères.
Adresse de rassemblée électorale du département de Lot-et-Garonne, qui annonce qu'elle viènt d'élever à l'épiscopat M. Constant, premier vicaire métropolitain de Bordeaux.
Adréssé des administrateurs composant Védirèb* toiredu département du Calvados, qui font hommage & l'Assembléè del'adresse qu'ils-onténvoyée aiî' roi, pour lui êxpri mer; leur vive reconnaissance au sujet de l'instruction qu'il a fâit pëfvë -nir à tous ses ambassadeurs dans les cours étran-gères.
Adresse de la société des amis de la Constitution du district, séflnt aux jacobins de Dinan, département des Cdtes-du-Nord ; elle supplie l'Assemblée de décréter la rééligibilité de ses membres pour la prochaine législature. ;
Adresse des officiers et Volontaires de là (farde nationale'de Châteaù-Çhinon, qui expriment leur surpri-e et leur affliqtiOn au sujet de PaCciisajiml faite contre eux d'ans le sein dé l'Assemblée ; ils protestent que la paix a toujours régué dans leurs murs, et qu'eux seuls, au milieu des troubles qui régnaient dans les lieux circonvoisins, ont maintenu, parmi les habitants de Gh§.teaurGhinon, la plus parfaite tranquillité.
Adresse de M. Brun,citoyen dé Parisi qui fait ho minage à l'Assèmbléé de l'i h vehtion d'u né car-touche et d'un boulëtf 'creux dont l'usage donhé^ rait à notre marine umgrand avantage en temps de guerre. Il demande que les comités militaires et de marine soient chargés de mettre so n exposé sous Tes véux de l'Assemblée.
(Cette adresse est renvoyée aUx comités militaire et de marine réunis.)
Adtessé' dé quelques jèunes géns dïÂutuli sur la faculté dé testér. ;
Adresse de M. Haiiy, auteur des moyens d'édUca-tion des aveugles-nés, laquelle il demande des secours pour ses éfêves.
(Cette adresse est renvoyée au comité de mendicité.;) :
Adresse des sœùirs-dç-la Charité de Pàr'is, qui prient l'Assemblée dé donner aux administrations de département des instruction^ sur la manière dont elles doivent se conduire pour empêcher la dispersion des sûeurs.
Un membre, à Poccâsioti dé'Cette adressé, proposé le décret suivant :
« L'Assemblée nationale renvoie au pouyo r exécutif'la pétition desi tilles de la Charité dp Saint-Lazare* pour que, conforniémeut aux lois existantes, il donne des ordres pour que les nlrçl
de cet institut ne soient point troublées dans l'exercice de leurs fonctions, et qu'elles soient spécialement protégées dans les soins qu'elles rendent avec tant de zèle aux pauvres malades. »
(Ce décret est adopté.)
donne lecture d'une lettre des juges du tribunal séant à Saverne, par laquelle ils annoncent l'envoi y joint de la procédure par eux faite contre le curé de Bettenhoffen et demandent des ordres ultérieurs.
Un membre demande le renvoi de la procédure à l'examen des comités des rapports et des recherches pour en rendre compte à l'Assemblée.
(Ce renvoi est décrété.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Bonnegens, député de la Charente-Inférieure, un congé d'un mois.
(Ce congé est accordé.)
Un membre, député du département du Tarn, représente que depuis longtemps l'Assemblée a renvoyé aux comités de judicature et d'agriculture une motion tendant à obtenir une Toi qui ne contraignît plus lus habitants de la campagne et les artisans dans les villes, à recevoir des séquestrations : après avoir présenté à l'appui de sa motion des délibérations du directoire du département, de la commune de Lavaur et de celle de Castelsarrazin, il demande le renvoi aux mêmes comités.
Un membre observe que le comité des contributions est sur le point de soumettre à l'Assemblée un travail sur les hypothèques, >!ont un des principaux résultats sera la suppression des saisies réelles : en conséquence, il propose de renvoyer les pièces et la motion aux comités des contributions et de Constitution.
(Celte proposition est adoptée, ei il est enjoint aux comités de rendre compte incessamment de leur travail.)
au nom du comité militaire, propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète :
Art. 1er.
« Conformément aux dispositions du décret du 24 décembre 1790, la division de la gendarmerie nationale, qui portait ci-devant le uom de maréchaussée du Clermontois, sera payé", à compter du 1er janvier 1791, par le Trésor public, sur le même pied que les brigades de gendarmerie nationale du déparlement de la Meuse.
Art. 2.
« Le sieur Beaugeois, commandant la division de la gendarmerie nationale ci-devant connue sous le nom de maréchaussée du Clermontois, a droit d'être incon oré, avec le grade de lieutenant, lors de la nou\elle organisation de ce corps; et les appointements de lieutenant lui seront payés à compter du 1er janvier 1791. »
Un membre propose, par amendement au second article, de substituer aux mots adroit, ceux-ci : est susceptible.
(L'Assemblée rejette cet amendement par la question préalable et adopte le projet de décret au comité de vérification.)
Avant de passer au rapport sur les arts, je demande à l'Assemblée la permission de prêter mon organe à un sourd-muet, M. Deseine, qui est à la barre et qui fait hommage à l'Assemblée d'un buste en plâtre de Mirabeau. J'ai I houneur de demander qu'il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal.
(L'Assemblée décrète cette motion et accorde à M. Deseine les honneurs de la séance.)
, au nom du comité d'agriculture et de commerce, propose une nouvel e rédaction de l'article 10 du décret du 30 décembre 1790 (loi du 7 janvier 1791), relatif aux encouragements et aux privilèges à accorder aux inventeurs de machines et de découvertes industtielles (1).
Cette nouvelle rédaction est ainsi conçue :
Art. 10.
« L'inventeur sera tenu, pour obtenir lesdites patentes, de s'adresser au directoire de son département, qui en requerra l'expédition. La patente envoyée à ce directoire y sera enregistrée; et il en sera en même temps donné avis, par le ministre de l'intérieur, au directoire des autres départements. » (Adopté.)
, rapporteur, expose ensuite qu'il reste dans les articles 12 et 13 ae ce décret quelques termes relatifs aux saisies et confiscations préalables, proscrites par l'Assemblée ;il propose, en conséquence, de rayer :
De l'article 12, ces mots : « En donnant bonne et suffisante caution, requérir la saisie des objets contrefaits »;
Et de l'article 13, ces mots : c d'après Laquelle la saisie aurait eu lieu. »
(Ces modifications sont décrétées.)
En conséquence, les articles 12 et 13 sont rétablis comme suit :
Art. 12.
« Le propriétaire d'uue patente jouira priva-tivement de l'exercice et des fruits des découvertes, inventions ou perfections pour lesquelles ladite patente aura été obtenue; en conséquence, il pourra traduire les contrefacteurs devant les tribunaux. Lorsque les contrefacteurs seront convaincus, ils seront condamnés, en sus de la confiscation, à payer à l'inventeur des dommages-intérêts proportionnés à l'importance de la contrefaçon, et, en outre, à verser dans la caisse des pauvres du district une amende fixée au quart du montant desdits dommages intérêts, sans toutefois que ladite amende puisse excéder la somme de 3,000 livres, et au double, en cas de récidive.
Art. 13.
« Dans le cas où la dénonciation pour contrefaçon se trouverait dénuée de preuves, l'inventeur sera condamné, envers sa partie adverse, à des dommages et intérêts, proportionnés au trouble et au préjudice qu'elle aura pu en éprouver,et, eu outre, à verser dans lacaissedes pauvres dudistriet une amende fixée au quart du montant desdits dommages et intérêts, sans, toutefois, que la iile amende puisse excéder la somme de 3,000 livres, et au double, en cas de récidive. »
Une députation de membres de la municipalité de Paris est admise à la barre.
, maire de Paris, au nom de la dêpu-tatiçn, donne lecture de la pétition suivante sollicitant uoe loi qui ordonne qu'à l'avenir les déclarations de naissance, de mariage et de mort soient reçues par des officiers civils :
« Messieurs,
« Les corps qui ont administré à Paris depuis les électeurs de 1789 jusqu'à la municipalité actuelle ont toujours les premiers reconnu vos décrets et donné le premier exemple de la soumission à la loi. En nous présentant devant vous aujourd'hui pour vous offrir un vœu, nous n'oublions pas que vous avez interdit le droit de pétition aux corps administratifs. Aussi ce vœu que nous vous apportons est individuel, il est revêtu de nos signatures privées ; et quoique le décret de cette interdiction ne soit pas encore sanctionné, nous nous empressons de l'exécuter; nous révérons la pensée des législateurs, la volonté générale de la nation, sans attendre qu'elle soit revêtue des formes constitutionnelles. Nous avons découvert, comme officiers municipaux et comme magistrats, un abus que nous venons vous faire connaître ; nous vous demandons, comme simples citoyens, une loi pour en prévenir le danger.
« Messieurs,
« Le corps municipal vient d'être informé, par un rapport de police de la section de la Fontaine de Grenelle, quedes citoyens catholiques faisaient ondoyer ou baptiser secrètement leurs enfants dans des maisons particulières et sans les présenter à l'église paroissiale pour y faire reconnaître et consiater le fait de leur naissance dans les formes prescrites par la loi.
« Loin du corps municipal toute pensée, toute me ure d'intolérance. Nous savons que la liberté des opinions religieuses, consacrée par l'article 10 de la déclaration des droits, forme une partie essentielle de la liberté individuelle, et un des éléments de la Constitution du royaume. Nous savons que la manifestation de ces opinions, même par un culte publie,est autorisée par le même article de la déclaration des droits ; et jamais nous n'oublierons cette vérité fondamentale des sociétés d'hommes libres et éclairé?.
« Le corps municipal n'entend donc point porter des regards curieux et indiscrets sur les actes religieux qui peuvent ge faire dans l'intérieur des maisons, même des édifices affectés à des cultes quelconques. Que l'ordre public ne soit troublé ni par des actions, ni par des discours, et sa surveillance n'a plus d'objets, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, et l'exercice des droits naturels de l'homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » (Déclaration des droits, art. 4.)
« Mais, s'il importe, sous tous les rapports, à la nation de connaître le nombre des naissances; s'il importe auxindividus de n'être pasdépouillés, en naissant, de leurs droits de la famille et de cité; combien n'est-il pas nécessaire et pressant de réprimer l'abus que nous vous dénonçons!
« Nous devo is, Messieurs, vous présenter les bases et les résultats de la discussion qui a eu lieu dans le corps municipal sur cet important objet.
« Lorsque le despotisme portait le délire jusqu'à transformer en vérité légale la fiction la plus contraire aux faits, et qu'au milieu des luthériens et des calvinistes, il fallait reconnaître, sur la parole de Louis XIV, qu'il n'y avait en France que des catholiques, il était tout simple
qu'on ne trouvât nul inconvénient à réunir dans les ministres du culte catholique des fonctions civiles publiques aux fonctions religieuses; alors le* prêtres avaient presque seuls le pouvoir de l'enseignement ; alors ils avaient la plus forte influence sur la distribution des aumônes fondées ; alors ils avaient exclusivement le droit de constater pur des actes : la naissance, les mariages et la mort des citoyens.
« Mais cet ancien ordre de choses, particulièrement quant aux actes, ou plutôt ce désordre dont tous les bons esprits sollicitaient depuis longtemps la réformation, a été irrévocablement condamné par la loi qui permet la possession et la manifestation de toutes les opinions religieuses.
« Il nous a paru, Messieurs, que pour remplacer avec sagesse la plus vicieuse des institutions, il fallait soigneusement distinguer ce qui appartient à la religion catholique, ce qui doit appartenir à toutes les religions, d'avec ce qui appartient essentiellement aux lois civiles.
« Là loi civile est sans pouvoir sur les consciences et sur les opinions religieuses, qu'elle n'a pas même le droit d'interroger; elle ne considère les hommes que comme membres de l'Etat ; elle ne règle que leurs devoirs et leurs droits civils et politiques; elle n'a pu avoir eu vue que l'ordre social.
« La religion, au contraire, ne considère les hommes que sous leurs rapports avec la divinité : elle est la croyance, la pensée, le sentiment intime de chaque individu sur des objets purement métaphysiques et surnaturels.
« La religion et les lois civiles, ayant des objets si différents, ne peuvent donc jamais se rencontrer, se contrarier, ou se confondre; et un des bienfaits de la Constitution est d'avoir reconnu l'espace immense qui les sépare. Le temps achèvera ce que les circonstances n'ont pas permis de faire.
« Fondés sur ces immuables vérités, nous demandons qu'une loi distingue et divise deux fonctions réunies jusqu'à présent dans les prêtres catholiques, et désormais inconciliables.
« C'est le prêtre catholique qui fait, à la fois, et la cérémonie religieuse du baptême et l'acte qui constate la naissance, du citoyen. Deux pouvoirs, très différents dans leur nature et dans leurs effets, sont donc réunis en lui. Le premier, il le tient uniquement de la religion et du caractère qu'elle lui imprime; en vertu de ce pouvoir, il fait un chrétien. Le second, il le tieni de la loi civile seule qui l'a créé officier public civil pour constater la naissance et la légitimité de l'enfant, pour lui assurer les droits de famille et de cité; en vertu ne ce pouvoir, il atteste l'existence d'un nouveau citoyen.
« Mais, si la loi civile ne connaît plus que des citoyens, sans s'occuper de leur croyance religieuse; s'il est de tous les intérêts réunis qu'aucune naissance ne soit dissimulée; si l'on ne peut pas plus contraindre un prêtre catholique à constater la naissance d'un enfant que ses parents n'ont pas voulu présenter au baptême, qu'on ne peut forcer des juifs ou des musulmans à faire baptiser leurs enfants; s'il est démontré qu'un acte purement civil ne doit être fait que par des officiers civils; que la forme de ces actes doit être la même pour tous les citoyens, qu'elle doit être telle qu'aucun d'eux ne puisse avoir de répugnance à l'observer, alors on ne mettra plus en question, si un semblable mélange de fonctions hétérogènes, dans les prêtres catholiques,
peut ou ne peut pas survivre à la reconnaissance des vrais principes.
« Les mêmes réflexions s'appliquent aux actes de mariage et de sépulture. La cérémonie religieuse du mariage, celle des obsèques appartiennent aux prêtres du culte dans lequel vit ou a vécu celui qui se marie, ou qui est mort; mais le pouvoir d'attester, par un acte, que deux membres de la société ont uni leur sort, que leurs enfants seront légitimes*-et qu'ils doivent jouir di s droits de famille ; le pouvoir d'attester qu'un citoyen ( st mort, que ses biens sont à la disposition de ses héritiers, que ses emplois sont vacants, qu'il doit être rayé du tableau des charges publiques; ce pouvoir, qui émane de la loi civile seule, qui n'a rien de commun avec les religions, ne doit être remis qu'à un officier civil.
« Ainsi nous laissons à la religion catholique tout ce qui lui appartient ; nous accbrdons aux autres religions ce dont on pourrait les priver sans injustice, et nous remettons darts l'ordre civil ce que jamais on aurait dû en distraire ; nous concilions par la raison et la vérité tous les droiis et tous les intérêts.
« Dans ce nouvel ordre le père catholique, après avoir fait constater, par l'officier civil* la naissance de son enfant, le présentera au baptême, et tous ses devoirs seront remplis. Les non-catholiques seront soumis à la même règle et suivront ensuite l'impulsion de leur croyance religieuse.
« Les mariages n'offriront pas plus de difficultés : l'officier civil constatera le consentement mutuel, l'engagement respectif; et, après la signature du traité, le mariage sera fait aux yeux de la loi civile; alors les catholiques iront ïàire bénir et consacrer leur union selon lés formes de l'église romaine, et lés non-catholiques se conformeront au culte de là religion qu'ils professent; mais tout Ce qui pourra suivie l'actè civil sera étranger et demeurera inconnu à la loi civile; chacun se jugéra lui-même à cet égard selon sa conscience.
: « Enfin, quant aux obsèques, les derniers de-*-voirs seront rendus selon le rite de la religion dans laquelle aura vécu celui qui n'est plus,et l'acte civil se bornera à constater le fait de sa mort.
« Nous avons pensé, Messieurs, qu'il était de notre devoir, comme officiers municipaux, de vous faire connaître un abus grave qui vient, il est vrai, de se manifester, mais qui jx'Ut s'accroître, et dont les effets seraient funèstes à l'ordre social.
« Nous avons pensé qu'il nous était permis, comme citoyens, de vous présenter un aperçu des moyens qui nous ont parti les plus propres à réprimer l'abus que nous vous dénoncions comme magistrats du peuple, et de solliciter de votre sagesse une loi qui ordonné qu'à Vavenir les déclarations de naissance, de mariage et de mort soient reçues par des officiers civils dans une forme eonciliable avec toutes les opinions religieuses.» (Applaudisseménls répétés.)
répond : « Messieurs;
u 11 n'est peut-êlré pas d'abus plus ^avè que celui que vous vènez de dénoncer à l'Assemblée nationale.
« Un père qui néglige de constater lâ naissance de son fi Is^ dan s leè formés prescrites par la loi, lui ferme, pour ainsi dire, le livbe de la fcité ét le voue à une espèce de ftidH civile ; maià lë Corps législatif déit prendre sdus sa protection
les énfànts que la nature donne a la patrie, et leur assurer* au moment de leur naissance, des droits que nulle autorité ne peut leur ravir.
« Les cérémonies religieuses sont un acte de la conscience individuelle. Nulle autorité humaine n'a le droit de pénétrer dans la sainteté de cet asile. Tout homme peut consacrer ses eiafants à l'Etre suprême dans ia forme et par les mains qu'il juge lui être plus agréables. Sa religion est sa propriété;.,cette propriété est inaliénable; l'autorité civile n'a rien à prescrire à cet égard ; elle ne peut exiger-qu'une chose .-. c'est que l'ordre public ne soit point troublé. Tels sont les principes consacrés par l'Assemblée nationale; elle ne s'en écartera jamais.
« Mais l'acte qui constate que deux citoyens se sont unis par lès liens du mariage, qu'un citoyen vient de naître ou que la société vient de perdre un de ses membres, est un acte purement civil. C'est au Corps législatif qu'il appartient d'en régler les formes.
« Dépôt fidèle de toutes les pensées utiles au public, l'Assemblée nationale prendra en considération les objets sur iesquels vous venez de fixer ses regards; déjà ses comités lui ont soumis un projet de loi sur cette importante matière; votre demande en accélérera sans doute là discussion.
« L'Assemblée nationale voûs accorde l'honneur de la séance; >
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours et de la pétition de la municipalité de Parié, ainsi que de la réponse du Président.)
La loi qui vous est demandée, va désormais devenir très nécessaire, par suite de la suppression des justices seigneuriales non remplacées à cet égard. Il y a plus de six mois que lé comité ecclésiastique, de concert aveG le comité de Constitution, a préparé Gette loi; il en a même ordonné l'impression, sur la demande particulière de plusieurs membres de l'Assemblée qui lui ont fait leurs observations* ce qui l'a engagé à en ordonner une deuxième édition avec les corrections convenables, et il n'attend plus que vos ordres pour vous le soumettre;
Laioi, dont on vous présenté l'objet, peut être fort bonûé; mais j'oDsè'rve à l'As-sembléë que nous né sdmmes pàs assez mûrs ; et nos mœurs, à cet égard, nè sont pas formées. D'ailleurs nous avons des choses éhcofe plus intéressantes à faire; il faut laisser èëla à nos sUc-cfessëurs, et quand nous serons parvenus .à un plus haut degré dé maturité, oh pourra délibérër sUr un objet àusël délicat.
Je demande donc que cette pétition, ainsi (^ue le projet des comités, soient renvoyés à là prochaine législature.
Le préopinant peut bien n'être pas assez mûr.
je demande alors qu'aussitôt la convocation de la nouvelle légisialure ce projet de loi soit discuté.
ït n'y â riéh ie plus sage qtië ce qui vous est proposé, rien de plus instant que de remédier aux inconvénients journaliers dôiu lâ vigiiancé des officiers municipaux vient dé vous faire la dénonciation:
Je demande donc que, puisque le projet du comité est fait, qu'il est irriprimé, il soit incessamment mis à l'ordre au jour.
Et Moi je demande lé
renvoi de la pétition au comité et que lé rapport en soit fait très incessamment.
Il me semble que rien n'est "plus pressant que "cela ; l'Assemblée ne pëtit pas prononcer sur les mariages ,à contracter et les enfants à faire. Il faut donc que l'Assemblée nationale donne des-moyens pour légitimer et les mariages et les naissances.
Je demande qu'à la séànce de mardi soir on s'occupe de cette matière et que, si l'on ne veut pas prendre une mesure définitive, on prenne au moins un moyen provisoire.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le rapport des comités ecclésiastique ,et de Constitution sur le mariage et sur les actes et registres qui doivent constater l'état civil des personnes sera mis à l'ordre de mardi prochain, au soir),
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de règlement pour Vexécution de là loi sur la propriété des auteurs de nouvelles découvertes et inventions en tout genre d'industrie (1).
, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez le 7 avril dernier renvoyé à votre comité d'agriculture et de commerce, pour être modifiés par lui, les articles 10 et 11 du titre II du projet: de règlement pour l'exécution de la loi sur la propriété dés auteurs de nouvelles découvertes et inventions en tout genre d'industrie (2)Voici la nouvelle rédaction que nous vous proposons pour ces deux articles ;
Art. 10.
« Lorsque le propriétaire d'un brevet sera troublé dans l'exercice de son droit privatif, il se pourvoira, dans les formes prescrites pour les autres procédures civiles, devant le juge de paix,: pour faire condamner le contrefacteur aux peines prononcées par la loi. » (Adopté.)
Art. 11.
« Le jugé de paix entendra les parties et leurs témoins, ordonnera les vérifications qui pourront être nécessaires ; ét le jugement qu'il . prononcera sera exécuté, provisoirement horiobs-tant l'appel. » (Adopté )
, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre III de ce projet; nous vous proposons d'en remplacer la totalité par là disposition suivante :
« L'Assemblée nationale renvoie. aU ministre de l'intérieur les mesures à prendre pour l'exécution du règlement sur la loi des brevets d'invention, et le charge de présenter incessamment à l'Assemblée les dispositions qu'il jugera nécessaires pour assurer cette partie du service public. » {Adopté.)
, rapporteur. Voici maintenant trois modèles : l'un, ae procès-verbàl dë
dépôt pour un brevet d'invention ; l'autre, de brevet d'invention ; un
autre enfin, d'enregistrement d'un transport de brevet d'invention. Nous
lés soumettons à votre approbation :
N° I.
Modèle d'un verbal de dépôt pour un brevet d4invention.
N° Département de...
Aujourd'hui jour du mois de 179 , à héhres du matin (ou du soir) le sieur N. à (ou lés sieurs NN. ont) déposé entre nos mains le tiré sent paquét scellé de son(oM leur) cachet, qu il nous a (ou Ont) dit renfermer toutes5 les pièces descriptives-(ici l'énoncé fidèle de l'objet), pour leqUel bbjét il se propose (ou ils se proposent^ d'obtenir un brevet d'inVénïion de o ,(10 ou 15) années, ainsi qu'il est porté dans la requête atissi contenue dans ledit paquet. Nous a (ou ont) déclaré ledit sieur N (ou lesdits sièurs NN.) qu'il est (oit qu'ils sont) i n ven teur (ou in vëti leurs) perfectidnneur (ou perfectionneurs) importateur (du importateurs) dudit objet. Il nous a (ou ont) remis le montant- de la moitié et sa (OU leur) soumission pour payer dans mois l'autre moitié du droit de brevet d'invention,-' fixé dans fe règlement du sur la loi du 7 janvier 1791, en nous priant de faire parvenir, dans le plus court délai, Cé paquet au directoire dés brevets d'invention ; ce qtie nous avons promis; Desquels dépôt et réquisition ledit sieur N, nous a (ou lesdits sieurs NN.nous ont) demandé acte, que nous lui (ou leur) avons accordé; et après l'apposition du sceau de notre;département, l'avons (orô les avorts) invité de signer avec nous ; et a (ou ont) signé. Fait au secrétariat du directoire du département de le 179
(Signé) NNN. ,
N° II.
Modelé de brevet d'invention.
Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français :
A tous présents et avenir ; salut :
N. citoyen de (ou NN. citoyens de) nous ayant fait exposer qu'il désire (ou qu'ils désirent) jouir des droits de propriété assurés par la loi du 7 janvier 1791, aux auteurs des découvertes et inventions en tout genre d'industrie, et en conséquence obtenir un brevet d'invention qui durera l'espacé de (ici l'on énoncera en toutes lettrés si c!kst pour 5, pour 10 ou pour 15 années) pour fabriquer, vendre et débiter dans tout lé royaume (ici I on transcrira l'énoncé de l'objet tel qu'il a été fourni par le demandeur) AooX il a [ou ils ont déclaré être l'inventeur (les inventeurs) le perféctionneur (les perfectionnent^ l'importateur (les importateurs), ainsi qu'il résulte du procès-verbal dréssé lors du dépôt fait au secrétariat du directoire du département de én date du 179 . Vu la requête de N (ou NN), ensemble le mémoire explicatif (ou descriptif). (Les plans, coupes et dessins, s'il y en a) adressés par l'exposant (o« les exposants) au directoire des brevets d'invention, duquel mémoire (ou desquels mémoires et dessins) s'ensuivent la teneur et la copie. ,
(Ici seron t fidèlemen t transcri ts lesdi ts mémoires et copies, les plans et dessins, comme cela se pratique dans les patentes anglaises.) îî ,« Nous avons, conformément à la susdite1 loi
du 7 janvier 1791, conféré, et par ces présentes, signées de notré main, conférons au sieur N. (ou aux sieurs NN.) im brevet d'invention pour fabriquer, vendre et débiter dans tout le royaume, pendant le temps et espace de 5 (10 ou 15) années entières et consécutives, à compter de la date des présentes {ici Von doit répéter l'énoncé de l'objet breveté) exécuté par les moyens consignés dans la description ci-dessus, et sur lequel sera appliqué un timbre ou cartel, avec les mots brevet d'invention, et le nom de l'auteur (ou des auteurs), pour par lui (ou eux) et ses {ou et leurs) ayants cause, jouir dudit brevet dans toute l'étendue du royaume, pour le temps porté ci-dessus ; le tout en conformité des dispositions de la loi du 7 janvier 1791.
« Faisons très expresses inhibitions et défenses à toutes personnes d'imiter ou contrefaire les objets dont il s'agit, sous quelque prétexte que ce puisse être. Voulons, pour assurer à N. (ou NN.) la jouissance de son (ou de leur) brevet, qu'il soit fait sur icelui une proclamation en notre nom, à ce que nul n'en ignore.
« Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, de faire jouir et user pleinement et paisiblement des droits conférés par ces présentes, le sieur N. (ou les sieurs NN.) et f-es (ou et leurs) ayants c.use; cessant et faisant cesser tous trouoles et empêchements contraires : leur mandons aussi qu'à la première réquisition du hn-veié (ou des brevetés), les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter pendant leur durée, comme loi du royaume. En foi de quoi nous avons signé et fait contresigner cesdites présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. A le jour du mois de l'an de grâce mil sept cent
quatre-vingt , et drî notre règne le
(Signé : LOUIS, et plus bas de Lessart.)
N° 111.
Modèle d'enregistrement d'un transport de brevet d'invention.
N° Département de ...
« Aujourd'hui jour du mois de 179 , le sieur N. (ou les sieurs NN.) s'est présenté (ou se sont prés, ntés) en notre secrétariat, pour requérir l'enregistrement de la cession qu'ils ont (ou qui leur a été) faite au sieur N. (ou sieurs M.) par le sieur N. (ou les sieurs NN.) par acte du devant M6 N., notaire à de la totalité (ou punie) du brevet d'invention accordé Je pour l'espace de 5 (10 ou 15) ans à raison (énoncer ici l'objet du brevet); lequel enregistrement nous lui (ou leur)avons accordé; et il nous a été payé la somme de pour les droits fixés dans le tarif annexé au règlement du sur la loi du 7 janvier 1791, et a ledit sieur (ou ont lesciits sieurs) signé avec nous. Fait à le 179 . "
(Signé : NNN.)
(L'Assemblée approuve la teneur de ces modèle?.)
, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, à vous proposer le tarif des droits à payer
au directoire d'invention et au secrétariat du département; le voici :
Tarif des droits à payer au directoire d'invention.
Taxe d'un brevet pour 5 ans..............300 liv.
Taxe d'un brevet pour 10 ans..........800
Taxe d'un brevet pour 15 ans..........1,500
Droit d'expédition des brevets..........50
Certificat de perfectionnement, changement et addition..........................24
Droit de prolongation d'un brevet.. 600 Enregistrement du décret de prolongation............................................12
Enregistrement d'une cession de brevet, en "totalité ou en partie....................18
Pour la recherche et la communication d'une description..................12
Tarif des droits à payer au secrétariat du département.
Pou rie procès-verbal de remised'une description ou de quelque perfectionnement, changement et addition, et des pièces relatives, tous frais compris............................... 12 liv.
Pour l'enregistrement d'une cession de brevet en totalité ou en partie, tous frai? compris...................... 12
Pour la communication du catalogue des inventions et droits de recherche................................3
(Ces tarifs sont décrétés.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur le remboursement des officiers. des ci-devant justices seigneuriales.
, au nom du comité de judicature (1). Messieurs, votre comité de judicature, après avoir lixé votre attention sur le remboursement des juges royaux, supprimés par vos décrets des 4 août 1789 et jours suivants, vous propose aujourd hui de prendre en considération le sort des officiers seigneuriaux pourvus à titre onéreux. Il est temps d'arrêter vos regards sur cette classe de citoyens, d'autant plus intéressante, qu'il n'en est point que la Révolution ait frappée plus directement, et qu'en générai elle est peu favorisée de la for-lune.
Nous avons réduit au nombre de 3 les questions qui les concernent, et que nous avons l'honneur de vous soumettre.
Premièrement, les offices seigneuriaux seront-ils remboursés ?
Deuxièmement, dans le cas du remboursement, par qui doivent-ils l'être ?
Troisièmement enfin, quel doit être le mode de leur remboursement?
Votre comité avait pensé d'abord qu'il ne pouvait pas s'élever un doute sur la première question; mais l'application fausse que quelques personnes ont faite à l'espèce présente du texte de l'article 4 des décrets des 4 août 1789 et jours suivants, nous oblige d'entrer à cet égard dans quelques détails.
Cet article est conçu en ces termes : Toutes les justices seigneuriales
sont supprimées sans aucune indemnité.
Les uns ont prétendu que, par la suppression gratuite des justices seigneuriales, les officiers de ces justices étaient, ainsi que les ci-devant seigneurs, déchus du droit de répéter aucune indemnité, et que c'était le cas d'appliquer contre eux cette maxime connue : La chose périt à son maître.
Les autres, au contraire, ont soutenu que les dispositions de cet article ne concernaient que les ci-devant seigneurs, et que le remboursement des offices seigneuriaux ne pouvait être refusé aux titulaires qui en étaient pourvus à prix d'argent.
Votre comité a cru, Messieurs, qu'on ne pouvait pas confondre ici le droit de justice en lui-même avec le simple exercice de ce droit.
Il a pensé que la suppression des justices ayant privé les officiers seigneuriaux de l'exercice de leurs fonctions, il était juste que les sommes qu'ils avaient payées aux ci-devant seigneurs, pour exercer ces mêmes fonctions, leur fussent restituées.
En effet, l'Assemblée nationale, en supprimant un droit abusif, n'a pas entendu porter atteinte aux différents contrats que la longue tolérance de ce droit a légitimés; car si l'extinction des justices seigneuriales entraînait avec elle la nullité des contrats auxquels l'exercice de ce droit a pu donner lieu, il en résulterait que tous les actes, qui en ont été la suite nécessaire, seraient anéantis; qu'aucun des jugements émanés de ces tribunaux ne pourrait légalement recevoir son exécution, et qu'ainsi les intérêts de tous les citoyens seraient étrangement compromis.
Mais l'abolition du régime féodal n'a rien de commun avec les conventions des personnes privées; le régime est détruit, et ces conventions subsistent dans toute leur force; le droit de justice est supprimé, mais la suppression de ce droit est étrangère au prix intrinsèque des otlices seigneuriaux; et la stipulation respective désintérêts pécuniaires entre les ci-devant seigneurs et leurs officiers n'en doit pas être moins respectée.
Il est donc évident que l'article 4 du décret ci-dessus cité n'exclut pas les officiers seigneuriaux de l'indemnité qu'ils réclament, il n'est applicable qu'aux droits des ci-devant seigneurs.
Ce droit a été aboli sans indemnité, parce que les seigneurs ne l'avaient point acquis, parce qu'ils l'avaient créé, pour ainsi dire, de leurs propres mains; mais il n'en est pas ainsi de la finance fournie par les officiers seigneuriaux ; ils ont acheté des seigneurs l'exercice d'un droit quelconque; ils ont payé la jouissance d'une faculté qui n'existe plus, et ils doivent être indemnisés, du moment où il leur devient impossible d'exercer cette faculté.
C'est donc seulement la suppression du droit de justice seigneuriale sans indemnité, que la loi a prononcée, c'est-à-dire qu'elle a décidé que la suppression des justices ne pouvait donner lieu à aucune répétition légitime contre la nation, de la part des ci-devant seigneurs, et non pas que les officiers supprimés dussent perdre la valeur des finances qu'ils n'avaient déboursées que sous la condition de jouir.
D'un autre côté, Messieurs, ces officiers ont acquis leurs offices et en ont exercé les fonctions avec la confiance attachée à une longue possession. Entraînés par un ancien usage, ils
ont traité, sinon légalement, du moins sur l'assurance de la foi publique. Pourquoi cette espèce de propriété vous paraîtrait-elle aujourd'hui moiD s respectable que celle des officiers royaux dont vous avez, assuré le remboursement ? Dira-t-ou que nos rois aient eu le droit exclusif de rendre Commerciale cette portion si essentielle de leur ancienne autorité, l'administration de la justice? Dira-t-on qu'en déléguant ce beau privilège, ils aient pu, sans outrager les principes éternels de la morale, le soumettre à une vénalité honteuse; et si peu compatible avec la dignité de son objet ?
Si donc cet abus révoltant n'a pu soutenir vos premiers regards ; si le vil trafic des offices royaux a été réprouvé par vous; si cependant l'Assemblée nationale n'a pas cru, sans violer le s lois de l'équité, pouvoir porter atteinte à la propriété des officiers royaux; si elle l'a jugée légitime, quoique le principe en fût vicieux; j'ose dire, Messieurs, qu'elle a d avance prononcé sur la destinée des officiers seigneuriaux pourvus à titre onéreux.
Les mêmes raisons militent pour les uns ainsi que pour les autres; ils sout également acquéreurs de bonne foi. Les fonctions judiciaires ne devaient pas sans doute devenir un objet do commerce ; mais punirez-vous aujourd'hui, de la faiblesse ou des fautes du gouvernement, des citoyens confiants qui en ont été les premières victimes? Les ferez-vous gémir seuls des bienfaits de la Constitution ?
Vous avez dû sans doute, Messieurs, proscrire les institutions que vous avez jugées nuisibles ou dangereuses pour la liberté ; mais une grande nation ne peut se féliciter de l'entière destruction des abus, qu'au moment où elle a rassuré, par une juste indemnité, tous les individus dont la propriété se trouve compromise par la suppression indispensable d'un état qu'ils avaient acquis à prix d'argent.
Il n'est pas nécessaire de vous représenter que la plupart de ceux qui sollicitent en cet instant votre justice sont des pères de famille, peut-être débiteurs du prix entier de leurs offices ; qu'ils se trouvent dépourvus tout à coup de leurs moyens industriels et de toutes les ressources nécessaires à leur subsistance. Il me suffira de vous faire observer que l'instantestarrivédediriger leurs travaux vers l'intérêt public; et vous ne pouvez atteindre à ce but désirable, qu'en faisant rentrer dans leurs mains cette portion de leur médiocre patrimoine, qui, au mépris des ordonnances du royaume, a passé dans celles des ci-devant seigneurs.
En effet, toutes les ordonnances font les défenses les plus sévères et les plus solennelles aux seigneurs justiciers, tant ecclésiastiques que séculiers, de vendre directement ou indirectement les offices de leurs justices.
Celles de 1356, 1493, 1560, et notamment celle de 1579, sont précises à cet égard. Les articles 100 et 101 de cette dernière prononcent, il est vrai, contre les officiers acquéreurs, la perte du droit de présentations et nominations qu ils ont acquis auxdits offices, et contre les seigneurs, la perte du droit de provisions, s'ils ont reçu de l'argent ou chose équipolente, pour délivrer lesdites provisions et faire lesdites nominations.
Mais quoique cette loi établisse des peines, tant contre les acquéreurs que contre les vendeurs, il est aisé cependant de distinguer quelle est la nature de ces peines à l'égard des uns et des autres, et l'on ne peut pas en conclure contre
les officiers des seigneurs, que la perte du droit de présentations et de nominations entraîne celle des sommes qu'ils auraient délivrées pour obtenir des provisions. Cette disposition Jes rend seulement inhabiles à exercer les offices acquis et les déclare déchus de la faculté de s'y faire recevoir ; car, si elle s'étendait jusqu'à la perte de la finance qu'ils auraient délivrée, il s'ensuivrait que les seigneurs qui auraient reçu cette finance en profiteraient eux-mêmes : ce qui serait directement contraire à l'esprit de cette loi, puisqu'elle prononce contre les seigneurs la perte du droit de provisions, conséquemment la privation du droit de justice, dans le cas où ils auraient reçu de l'argent ou chose équipolente pour délivrer lesdites provisions. Il s'ensuit évidemment que,, d'un côté, l'Assemblée nationale a remis cette ordonnance en vigueur, relativement aux seigneurs qui avaient vendu ces offices, lorsqu'elle a supprimé entre leurs mains le droit de justice sans indemnité, et que, d'un autre côté, les acquéreurs de ces offices se trouvent aujourd'hui dans la même situation où ils eussent été alors, si l'on eût fait à leur égard l'application delà même ordonnance ; car, par la teneur de l'article 4 des décrets des 4 août 1789 et jours suivants, les premiers ont perdu le droit de leurs justices, et les seconds l'exercice de leurs fonctions. La conformité de cet article avec les anciennes lois du royaume leur ôte jusqu'au droit de s'en plaindre; mais le remboursement des offices seigneuriaux est un point d'équité naturelle dont il est d'autant moins possible de douter que ces anciennes lois elles-mêmes n'y sont pas opposées.
Il est donc certain, par tous ces motifs, que le droit de justice qui, dans les mains des personnes privées, n'est qu'une véritable usurpation, a dû être supprimé sans aucune indemnité relativement au ci-devant seigneurs qui s'en étaient rendus propriétaires; mais il est juste aussi que les olficier8 seigneuriaux, qui ont été trompés sur la légitimité de cette propriété, ne soient pas les victimes d'une erreur que l'ignorauce des temps a pu rendre excusable : ils ont acheté leurs offices comme une propriété qu'ils croyaient légitime et dont la jouissance était tolérée depuis plusieurs siècles : forcés d'abandonner des fonctions que vous avez jugées incompatibles avec les lois d'un gouvernement libre, le seul sacrifice qu'ilspuissent maintenant offrir à la nation est celui de leur industrie dont l'action est suspendue par vos décrets; mais ils ont droit d'espérer de votre justice que le remboursement des sommes que les ci-devant seigneurs ont exigées d'eux pour le prix de leurs offices ne leur sera pas refusé.
Deuxième question. La seconde question consiste à savoir par qui le remboursement des offices seigneuriaux doit être effectué.
Pour résoudre cette difficulté, il suffit d'établir des principes fort simples.
1° Lorsqu'il s'agit d'une restitution, quelles sont les premières personnes sur qui l'on doive d'abord arrêter ses regards? Ce sont incontestablement les détenteurs des choses réclamées, ce sout ceux entre les mains desquels est demeuré le gage de la restitution.
Cela posé, à qui peuvent s'adresser dans ce moment les répétitions des acquéreurs d'offices seigneuriaux, si ce n'est aux ci-devant seigueurs, âui les leur ont concédés à titre onéreux? Ces emiers ne sont-ils pas les seuls garants des ventes qu'ils leur en ont faites?
2° Toutes ces institutions tirent leur origine de la puissance féodale, n'est-ce pas à Ceux en qui
résidait cette puissance à réparer au moins une partie des torts qu'elle a causés?
Je sais qu'il nè s'agit point ici de dédommager le peuple français des malheurs dont il a souffert par l'organisation vicieuse des justices seigneuriales; mais les possesseurs de ces justices peuvent-ils avec raison se refuser à rendre des sommes qu'ils ont perçues pour raison de l'investiture d~un droit usurpé? Peuvent-ils légitimement se soustraire à la restitution qu'ils doivent à leurs acquéreurs, lorsque ceux-ci se trouvent privés de la propriété de la chose vendue?
Nous avons démontré plus haut que les ordonnances et même les anciens Etats généraux leur ont successivement et constamment interdit la faculté de vendre des offices ; pourquoi donc, au mépris de ces sages règlements, se sont-ils permis' un trafic aussi réprébensible, et j'ajouterai même aussi indigne de leur grandeur passée? Pourquoi votre comité n'invoquerait-il pas aujourd'hui, contre un tel abus de pouvoir, la rigueur des lois qu'ils n'ont pas craint de transgresser?
Nous devons le répéter ici; si les seigneurs n'étaient pas tenus de la restitution, il s ensuivrait qu'ils profiteraient des sommes qu'ils auraient illégalement perçues, et qu'ils seraient récompensés d'une contravention manifeste à la loi.
Eh ! qu'ils ne disent pas que leur malheur est assez grand d'avoir à supporter la perte du droit de leur justice sans indemnitél nous leur demanderions d'abord qui leur avait donné ce droit, qui les avait autorisés à le déléguer à prix d'argent? Nous leur demanderions encore s'ils se croyaient placés au-dessus des lois du royaume, ou s'ils pouvaient les ignorer lorsqu'ils participaient eux-mêmes alors à leur promulgation avec une influence si disproportionnée?
Diront-ils qu'ils ont pu vendre légitimement cette partie de l'autorité souveraine? Nous leur opposerons les ordonnances mêmes, sur lesquelles ils ont fondé leurs droits. Prétendront-ils que la longue jouissance d'un usage toléré a pu tromper leur bonne foi? Nous plaindrons leur erreur sans doute; mais nous leur observerons que cette jouissance elle-même n'était qu'un abus qu'ils avaient établi d'abord sur les ruines du gouvernement, maintenu depuis par la force, et substitué enfin aux lois générales du royaume; et nous ne pourrons nous dispenser de les rendre garants des effets de ce même abus, lorsque l'existence d'une classe intéressante de citoyens se trouve ainsi compromise par les calculs de leur intérêt et de leur ambition.
Ils ne nous paraissent pas plus fondés à objecter qu'une force majeure ayant détruit le contrat, ils ne peuvent plus garantir l'effet de leur convention vis-à-vis de leurs officiers, et que, par ce motif, ils ne sont redevables envers eux d'aucune indemnité; car il n'est pas question ici de dommages et intérêts, mais bien de la restitution du prix convenu dans un traité. Or, si cette force majeure, dont ils voudraient argumenter en leur faveur, n'avait point existé, ils seraient tenus, dans ce cas, non seulement de la restitution, mais encore des dommages et intérêts provenant de l'inexécution de la convention, parce qu'alors cette inexécution aurait procédé de leur fait ; mais, dans la circonstance présente, cet acte souverain, qui les met hors d'état de satisfaire aux conditions de leur traité, ne peut pas les dispenser de la restitution du prix principal qùils ont
reçu; ils les soustrait seulement à l'indemnité qui résulterait de la non-jouissance, si cette non-jouissance eût été causée par leur propre fait.
Il est donc de toute équité que les possesseurs des justices seigneuriales remboursent les sommes qu'ils ont reçues pour raison des offices vendus par eux à quelque titre que ce soit.
Mais il s'élève une question relativement à la qualité de ceux sur qui les propriétaires d'offices ont des répétitions à former. Voici en quoi elle consiste :
Les ci-devant seigneurs ne peuvent nier qu'ils sont personnellement tenus de rembourser les sommes qu'eux ou leurs auteurs ont directement perçues sur la vente des offices; mais ils croient être fondés à refuser ce même remboursement, dans le cas où cë seraient leurs prédécesseurs dans lesditès seigneuries qui auraient aliéné les offices, et qui auraient touché le prix de cette aliénation.
Votre comité pense à cet égard, Messieurs, que ce sont les possesseurs actuels des justices seigneuriales qui en doivent le remboursement; il a considéré que la seule condition, l'unique prix des avantages immenses que la féodalité procurait aux seigneurs, était l'obligation essentielle d'administrer la justice à leurs vassaux; que de cette première obligation il en résultait une autre qui en était la conséquence inévitable, celle de maintenir leurs justices en activité, c'est-à-dire d'entretenir des officiers à leurs risques, périls et fortunes ; que Ce devoir, auquel ils ont été soumis en tous les temps, dont ils n'ont jamais méconnu la nécessité, n'a pas cessé d'être le même à leur égard, soit qu'il leur ait été profitable, soit qu'iï leur ait été onéreux ; que cette charge légère, cette faible compensation de tant de richesses et d'honneurs, n'était pas attachée à la personne du seigneur, mais au fief même, au domaine seigneurial; que les mutations et les ventes successives des domaines seigneuriaux n'en ont pu affranchir les nouveaux acquéreurs; qu'au contraire, ces acquéreurs se sont nécessairement soumis, ou expressément ou tacitement, à acquitter les charges qui, par leur nature, étaient inséparables des seigneuries, telles que l'entretien et les frais des justices qui y étaient établies, et qui faisaient partie de leurs acquisitions.
Nous croyons donc que les possesseurs des justices seigneuriales, à l'époque de vos décrets des 4 août 1789 et jours suivants, ne peuvent exercer aucuns recours contre leurs prédécesseurs, pour raison des remboursements qu'ils sont tenus de faire aux officiers de leurs justices.
Il est inutile à votre comité de vous présenter à l'appui de son opinion des considérations accidentelles, telles que la jouissance annuelle des droits de casualité, de provisions et de mutations, u'ils percevaient sur leurs officiers, à l'exemple e leurs prédécesseurs ; et quoique la cumulation répétée de ces droits ait procuré d'avance à la majeure partie des seigneurs une indemnité au moins égale au montant de la liquidation des offices de leurs justices, nous nous renfermerons dans la question de droit, et nous pensons que vous avez déjà manifesté vos principes à cet égard, lorsqu'en supprimant sans indemnité la servitude personnelle entre les mains des seigneurs actuels, vous leur avez interdit toute action de recours contre leurs prédécesseurs; vous avez assimilé le droit de justice seigneuriale à celui de servitude personnelle, puisque vous avez également supprimé l'un et l'autre sans indemnité; vous avez toujours persisté dans la sévérité
de ces maximes, et vous avez surtout manifesté votre répugnance pour les demandes en garantie de cette espèce, lorsque la justice ne les commandait pas indispensablement; il ne faut, pour le démontrer, que rappeler votre décret par lequel vous n'accordez pointée recours à l'héritier dans le partage duquel il n'est tombé qué des droits féodaux réduits ou supprimés sans indemnité, tandis que son cohéritier conserve en entier les domaines qui lui étaient échus et qui n'ont éprouvé dans leur valeur intrinsèque aucune diminution par vos décrets; vous ne pourriez donc pas aujourd'hui, sans contredire vos propres maximes, accorder aux seigneurs actuels le droit de recourir contre leurs prédécesseurs, lorsque vous avez constamment interdit cette faculté dans des circonstances semblables. Vous avez jugé dans votre sagesse que le flambeau de la discorde, allumé de toutes parts par des prétentions litigieuses, était une calamité publique, et que quelques intérêts particuliers ne pouvaient être maintenus aux dépens de la tranquillité générale et de la sécurité des familles.
Maintenant que nous avons démontré que les officiers des seigneurs doivent être remboursés parles propriétaires actuels des justices seigneuriales, il ne reste plus à votre comité qu'à vous proposer ses vues sur les bases et le mode de leur remboursement.
Troisième question. La variété infinie des traités passés entre les seigneurs et leurs nfficiers ne nous a pas permis de vous préseuter un tableau complet ae toutes ces conventions particulières ; nous nous ferons un devoir, pour ne point abuser de vos moments, de ne fixer votre attention que sur les classes générales auxquelles les espèces particulières pourront se rapporter avec facilité.
Quelques seigneurs étaient dans l'usage de délivrer des provisions aux officiers de leurs justices, en vertu de commissions limitées, soit à la vie du titulaire, soit à la vie du seigneur* d'autres pour quelques années seulement.
Quelques-uns avaient aliéné à perpétuité et vendu à titre héréditaire les offices de leurs justices; d'autres enfin, ayant pris par engagement, ou reçu en pur don, des domaines de la Couronne, y avaient conservé les droits régaliens qui y étaient établis ; il en était de même dans les domaines échangés; partout mêmes abus, même mépris des lois, même prostitution de la justice ; lesuns recevaient une somme quelconque par forme de droit de mutation ou de centième denier, ou par forme d'avance pure et simple; les autres anticipant sur leur jouissance future, et non contents d'avoir reçu le prix d'un office des mains de l'acquéreur, qu'ils avaient institué * vendaient jusqu'à la survivance de ce même office, quoique le temps de l'exercice du titulaire ne fût pas encore expiré.
Quelles que soient la nature et l'espèce de ces différents traités, votre comité est d'avis que les possesseurs actuels des justices seigneuriales remboursent les sommes qu'ils ont reçues pour raison des offices, à quelque titre qu'ils les aient vendus.
Cependant il nous a semblé que les intérêts des ci-devant seigneurs seraient blessés si les titulaires des offices pourvus à vie, par bail «u par commissions limitées avaient presque entièrement consommé le temps convenu ou présumé de leur jouissance.
Il ne nous paraîtrait pas juste qu'un juge dont
la commission était bornée à l'espace de neuf années, fût restitué de la somme entière qu'il aurait déboursée, lorsqu'il aurait joui de l'office pendant sept ou huit années révolues.
Il en serait de même de l'officier pourvu pour le temps de sa vie ou pour le temps de la vie du seigneur, s'il a exercé ses fonctions pendant une longue suite d'années ; et comme il était impossible d'évaluer en ce cas la quotité du remboursement qui lui serait dû, votre comité a pensé que le calcul de l'article 4 du décret que vous avez rendu -le 2 mars dernier, concernant la suppression des maîtrises et jurandes pouvait s'appliquer au cas particulier qu'il a l'honneur de vous présenter ; puisque la, comme ici, il ne s'agit que d'arbitrer l'indemnité due pour une jouissance viagère ; en conséquence, il vous propose d'accorder aux titulaires pourvus à vie ou à temps limité un remboursement proportionné à la durée de cette jouissance passée ou présumée ae leurs fonctions, sous la déduction d'un trentième du prix principal par chaque année d'exercice, sans que cette déduction puisse cependant s'étendre au delà des deux tiers de la valeur de l'office, et avec faculté aux titulaires, qui ont 20 années de ministère et au-dessus, de répéter, sur les ci-devant seigneurs, le tiers des sommes qu'ils ont versées entre leurs mains.
Quan t aux justices seigneuriales dont les offices ont été aliénés à perpétuité par les ci-devant seigneurs, avec la faculté de leis concéder par ventes successives, elles sont, par leur importance, de nature à fixer plus particulièrement votre attention.
Gomme les offices royaux, les offices de ces justices étaient transmis à titre d'hérédité, ils entraient dans les partages des successions ; ils étaient liquidés ou vendus comme les autres immeubles; les nouveaux acquéreurs recevaient des provisions sur la présentation du propriétaire de la finance, et les ci-devant seigneurs, leurs auteurs, prédécesseur», ou ayants cause, da is le trésor desquels la première finance avait été originairement versée, s'étaient réser vé, à chaque nomination des titulaires, un droit de mutation fixé arbitrairement ou d'après la valeur de cette première finance; quelques-uns même, à l'exemple de nos rois, avaient exigé, dans l'étendue de leurs domaines, des simulacres de parties casuelles, pur le moyen desquelles ils percevaient un annuel, et protitaieut d'un d^unle ou triple droit, o,u même de la confiscation entière des offices à faute de payement de cette annuité.
Votre comité peuse, Messieurs, que les ci-devant seigneurs doivent restituer en entier la première finance des offices veudus à titre héréditaire.
11 lui a semblé qu'il serait injuste, impraticable et inutile tout à la fois u'accorder un recours aux propriétaires de ces offices contre leurs vendeurs; injuste, parce que ceux-ci ont vendu de bonue foi comme ils avaient acquis; impraticable, parce qu'il faudrait, en remontant tous ies degrés de mutation jusqu'au premier vendeur, porter le trouble et la désolation uans des familles disperoées, et peut-être incounues; et inutile, parce qu'en dernière analyse l'acquéreur ou ses ayants cause auraient toujours à répéter, sur le seigneur qui est le vendeur originaire, le prix de la première finance reçue.
D'un côté, il est évident que les officiers seigneuriaux qui ont été soumis à l'évaluation de leurs offices, soit en conformité des dispositions do i'édil du 1771, ou par la teneur de quelques
arrêts du conseil rendus sur la requête de plusieurs ci-devant seigneurs, soit par une convention particulière arrêtée de gré à gré entre les-cfits seigneurs et leurs officiers; il est évident, dis-je, qu'ils doivent être rangés dans la classe des officiers royaux, dont il est parlé dans les premiers articles du titre 1er du décret des 2 et 6 septembre dernier, et remboursés sur le pied de leur évaluation.
Les mêmes raisons qui vous ont décidés à prendre une base de liquidation pour les officiers royaux vous sollicitent à adopter la même mesure pour les officiers seigneuriaux, et nous nous référons à cet égard aux motifs qui ont déterminé le décret que nous avons l'honneur de vous rappeler.
D'un autre côté, il est delà plus étroite justice qu'à défaut de l'évaluation que nous établissons ici comme première base de liquidation, le seigneur ne rembourse que la finance primitive, c'est-à-dire la somme qui a été originairement versée dans son trésor, celle qu'il a touchée, lorsqu'il a vendu l'office.
Il ne nous paraît pas moins juste que l'acquéreur de l'office, qui n'aurait été soumis à aucune fixation ni évaluation, ne puisse exiger que le montant de cette première finance ; parce que le ci-devant seigneur ne peut être tenu de faire raison d'une augmentation successive dont il n'a point profité, et que cet accroissement de valeur est un prix d'affectation résultant de considérations qui lui sont étrangères.
D'ailleurs, le dernier acquéreur de l'office ne serait pas fondé à se plaindre de ce que le prix de son acquisitiou excéderait la première finance, puisque ce surtaux procède de son propre lait et dérive d'un acte purement volontaire auquel le ci-devant seigneur n'a point participé, l'acquéreur en doit donc supporter la perte comme il en recevrait le profit dans le cas où le montant de la première finance surpasserait celui de son acquisition.
Mais, comme dans l'espèce des officiers héréditaires il en est dont le titre, qui constate le prix de la première finance, est demeuré au pnuvoir des ci-devant seigneurs, soit que, pendant le laps de temps qui s'est écoulé depuis i'aliéuation, ies successeurs du premier acquéreur n'aient pas reçu le litre original, soit qu'en passant successivement dans des différentes familles, les expéditions en aient été perdues, le comité croit qu'il serait abusif de laisser aux ci-devant seigneurs la faculté d'en dérober la connaissance aux autres parties intéressées; c'est par cette raison qu'il vous proposera de fixer le remboursement des offices seigneuriaux héréditaires, d'abord sur le pied d'évaluatioû, si elle a été faite de gré à gré dans les parties casuelles du seigneur; à défaut d'évaluation, sur le pied de la première finance; et à défaut ae ces deux premières bases, sur le prix du dernier contrat authentique d'acquisilion si le titre de la premièie finance n'est pas représenté.
Cette disposition a d'autant moins d'inconvénients, que les chartriers des ci-devant seigneurs ont toujours été conservés avec soin et qu'ils sont devenus, en quelque sorte, des dépôts publics où repose une partie des titres de propriété de ceux qu'ils nommaient leurs vassaux.
Celte mesure, qui ne peut être considérée que comme communicatoire, est cependant indispensable pour la conservation des intérêts des propriétaires d'offices; car, si elle était négligée, il en pourrait résulter que la perte ou la suppression du titre originaire le mettrait hors d'état de
répéter le remboursement auquel ils ont droit de prétendre.
D'ailleurs, en supposant la même bonne foi de la part du seigneur et de l'officier, qui déclareraient être l'un et l'autre dans l'impossibilité de représenter le titre de la première finance ; comme votre intention- ne peut pas être que, dans ce cas, l'officier ne fût point remboursé; que celui-ci serait d'ailleurs en possession d'un titre qui lui donnerait un droit réel à un remboursement, puisqu'il serait porteur d'un contrat authentique d'acquisition, nous avons pensé qu'à défaut du véritable titre qui eût servi de base à la liquidation de cet officier, le seigneur doit faire le remboursement conformément au seul titre authentique et connu qui puisse constater la valeur de l'office, en affirmant néanmoins, par l'officier,:qu'il n'a pas le titre de sa première finance. Cette mesure nous paraît d'autant plus convenable, que le seigneur s'est volontairement exposé, par la vente illégale qu'il a faite des offices de sa justice, à la progression de valeur qu'ils ont acquise dans le commerce ; et c'e«t par ce motif que le comité vous propose de déféier le serment à l'officier, de préférence au ci-devant seigneur.
Et au moyen de ce que la plupart des ci-devant seigneurs ont exigé illégalement, des titulaires actuels, différents droits de réception, lors de leur installation, et que d'ailleurs, pour déguiser la vente qu'ils faisaient d s offices, la plupart étaient dans l'usage de rejeter une partie ou la totalité du prix sur le montant des frais de réception, votre comité est d'avis que les titulaires d'aujourd'hui supprimés soient remboursés de tous les droits de mutation qu'ils auraient précédemment payés aux seigneurs, à leurs pré-décesseursou ayants cause, sous quelque dénomination et de quelque manière que ces droits aient été perçus,pour raison de leur installation dans lesdits offices.
Votre comité a l'honneur de vous proposer d'étendre cette disposition à toutes les classes d'officiers seigneuriaux, desquels les seigneurs ont exigé des frais de mutation,-et d'en ordonner le remboursement dans la même forme que celui des capitaux des offices à vie ou à temps limité, dont il vient de vous entretenir.
A l'égard des justices seigneuriales dépendau* tes des biens du ci-devant clergé, devenus domaines nationaux, vous trouverez sans doute juste que la nation soit chargée du remboursement des offices qui y étaient attachés, parce que la nation, rentrant dans la propriété de ces domaines, doit en acquitter toutes les charges : vous jugerez sans doute aussi qu'il convient d'assimiler, quant à leur remboursement, les officiers de ces justices aux officiers royaux désignés dans, l'article II du décret des 2 et 6 septembre dernier, avec cette modification, que s'ils n'ont point fait d'évaluation, et que leur finance primitive ne soit pas connue, ils soient liquidés sur le pied du dernier contrat authentique de leur acquisition, mais dans le cas seulement où ils seraient héréditaires : car s'ils sont viagers, ou donnés en commissions limitées, nou3 pensons que la nation doit les rembourser suivant les règles que nous venons d'indiquer pour la liquidation de ces espèces d'offices seigneuriaux.
Il reste encore à votre comité à vous entretenir des officiers des justices qui se trouvent dans l'étendue des domaines engagés ou échangés.
Il est arrivé que quelques justices autrefois royalès sont entrées, par engagement, dans les mains des ci-devant seigneurs.
Il nous a paru convenable que, dans le cas où il serait justifié que la première finance des offices qui en dépendent aurait été originairement versée dans le Trésor royal, la nation Soit chargée de leur liquidation ; mais que si, durant le cours dudit engagement, lesdits seigneurs l'avaient reçue, la nation ne devait pas être tenue de ce remboursement, et qu'il devait, au contraire, tomber entièrement à la charge' des ci-devant seigneurs en gagistes.
En effet, cette proposition n'a besoin que d'être énoncée, puis tous les-principes , en fait de dp-maines commandent la restitution de là première finance et conséquemment l'obligation, r'e la part de ceux qui l'ont remplie, d'en faite le remboursement à l'instant de la spoliation.. 1
Mais dans l'espèce des échanges, nous distinguons deux cas ; le premier, est celui où l'échangé est consommé ; èt alors le seignëur doit être tenu du remboursement, parce qu'il en a été chargé par son contrat ; le second est celui de l'échange non consommé, et nous vousfiproposons à cet égard, les mêmes bases de liquidation que pour l'engagement; en conséquence, si le gouverné^ ment a reçu la première finance, c'est lui qui devra le remboursement ; si, au contraire, c^est le seigneur qui l'ait perçue, le seigneur la restij tuera dans les formes ci-dessus établies.
Il existe encore une autre espèce de justice dans les domaines étrangers, et même dans les domaines patrimoniaux d'uh assez grand nombre de seigneurs; ces justices sont mixtes; la juridiction des cas ordinaires appartenait aux ci-devant seigneurs, qui délivraient à leurs ofli» ciers des provisions pour en connaître; et celle des cas royaux était exercée dans le même ressort, ou par les mêmes officiers, ou par d'autres à qui le roi donnait des provisions sur la préseu; tation desdit3 seigneurs.
De'là, il résultait que les mêmes officiers pouvaient être pourvus par commission ou à vie, seulement par le seigneur, et par le roi à titre héréditaire et vice versâ; il s'ensuivait /encore que le seigneur touchait les droits provenant de l'institution de ses juges pour les cas ordinaires, et que le roi, de son côté, recevait aussi dés ;droits( relativement aux officiers qui connaissaient des cas royaux. En appliquant cette^distinction aux principes que nous avons posés, nous vous prosons, Messieurs, de décréter que les ci-devant seigneurs soient tenus de restituer le prix des offices institués pour les cas ordinaires, suivant fe3 bases que nous avons posées précédemment^ s'ils en ont perçu le montant, et que la nation soit chargée de la liquidation relative aux pro? visions données par le roi pour la connaissance, des cas royaux.
Votre comité, Messieurs, croirait que son ouvrage serait incomplet, s'il ne vous présentait pas ses vues relativement aux offices ministériels dépendant des justices seigneuriales.
Il ne voit aucune difficulté à ce que les ci-devant seigneurs remboursent, àceux qui ontété évalués, le montant de leur évaluation, ou à défaut d'évaluation, leur première finance connue, parce que, s'ils ont évalué, leur évaluation a dû"" fixer leur sort et représente la teneur du con s trat primitif ; si, au contraire} ils n'ont p e : évalué, la première finance est entre eux et ; seigneur un titre commun qui n'a rien perdu
sa force, et qui doit subsister dans toute son intégrité.
Mais, à défaut de ces deux bases, si l'on est obligé de recourir au contrat d'acquisition, le comité a pensé que les procureurs ne pourraient réclamer que le tiers au montant de leur contrat, et il se fonde à cet égard sur les mêmes raisons qui l'ont déterminé à vous proposer, pour les officiers ministériels royaux, les règles de proportion établies" dans le décret du 22 décembre 1790, à raison de la clientèle et du recouvrement.
Il a pensé que l'Assemblée, nationale n'étant que le juge immédiat, en cette partie des droits des seigneurs et de leurs officiers, elle ne pouvait pas statuer sur une indemnité qui résultait plutôt d'une juste libéralité, que d'un principe rigoureux; il n'a pas cru qu'il fût de la justice des représentants de la nation de forcer les seigneurs à faire raison aux procureurs de leurs justices, du prix de la clientèle et du recouvrement, parce que le prix n'a point été versé entre leurs mains, et qu'il n'est que le résultat de l'industrie particulière de quelques individus qui en ont seuls profilé.
Ainsi, nous vous proposerons de décréter que les ci-devant seigneurs seront tenus de rembourser les procureurs de leurs justices sur le pied de leur évaluation, si elle existe en leurs parties casuelles, sinon sur le prix de leur première finance connue ; et, dans le cas où ce dernier titre ne serait pas représenté, sur le tiers du prix du contrat authentique de leur acquisition, en affirmant par ces derniers qu'ils n'ont pas letitre de leur première finance. Nous vous proposerons également de statuer à l'égard de tous les autres bmciers ministériels de leurs justices; qu'à défaut d'évaluation et de titres de première finance, ils seront aussi remboursés par les ci-devant seigneurs, des 5 sixièmes du prix de leur contrat d'acquisition dans les formes ci-dessus établies : pourquoi votre comité a l'honneur de vous soumetre le projet de décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, ayant déjà pourvu au remboursement des offices royaux supprimés par les décrets des 4 août 1789 et jours suivants, convaincue qu'il est également de la justice de prendre en considération le. sort des officiers des juridictions seigneuriales aussi supprimées, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Tous les officiers des justices
seigneu-riles, pourvus à titre onéreux, et dont l'exercice aura cessé
par l'installation des nouveaux tribunaux, seront remboursés, par les
propiétaires actuels des ci-devant seigneuries, des sommes qu'ils
justifieront avoir versées entre les mains esdits seigneurs ou en celles
de leurs auteurs, prédécesseurs ou ayants cause, les formes qui seront
déterminées ci-après.
Art. 2. Les titulaires actuels des offices seigneuriaux vendus à titre d'hérédité et aliénés à perpétuité, ou ceux qui sont à leurs droits, seront remboursés sur le pied de l'évaluation qu'ils auront faite dans les parties casuelles des ci-devant seigneurs; et à défaut d'évaluation sur le pied de leur finance primitive ; et, dans le cas où la finance primitive ne serait pas connue, ils seront remboursés du montant du dernier contrat authentique de leur acquisition,;en affirmant par. eux qu'ils n'ont pas le titre de leur finance primitive.
« Art. 3. A l'égard de ceux pourvus à leur vie ou à la vie du seigneur, 11 leur sera fait déduction d'un trentième par année de jouissance; cette déduction héanmoins ne pourra s'étendre au delà des deux tiers du prix total, et ceux qui jouissent depuis vingt ans et plus, recevront le tiers des sommes qu'ils auront versées entre les mains des ci-devant seigneurs, pour acquérir lesdits offices.
La même proportion sera gardée par rapport aux officiers seigneuriaux pourvus par baux ou par commissions limitées à un nombre déterminé d'années.
«Les acquéreurs de survivances d'offices, qui n'étaient pas pourvus à l'époque des décrets des 4 août 1789 et jours suivants, seront restitués des sommes entières qu'ils justifieront avoir payées pour acquérir lesdites survivances.
«Art. 4. Les officiers dés justices seigneuriales, dépendant des biens du ci-devant clergé devenus domaines nationaux, seront remboursés par la nation des sommes qu'ils justifieront avoir payées aux ci-devant seigneurs ecclésiastiques, desquels ils tenaient leurs provisions, savoir : les pourvus à vie par bail ou par commissions limitées, conformément aux dispositions de l'article précédent; et les pourvus à titre d'hérédité perpétuelle ou leurs ayants cause, dans les formes prescrites par le second article du présent décret.
« Art. 5. A l'égard des justices dépendant des ci-devant domaines de la couronne tenus à titre d'engagement, les offices qui les composent seront remboursés par la nation, suivant leur nature, et conformément aux règles établies dans les articles précédents, si le prix en a été versé originairement au Trésor royal; et ils le seront par les ci-devant seigneurs, si, depuis l'époque de l'engagement, ils en ont reçu le montant, eux, leurs auteurs ou leurs prédécesseurs.
« Art. 6. Seront également tenus les ci-devant seigneurs; échangistes de rembourser les offices de justices dépendant des domaines échangés, dont ils se trouvent en possession, si l'échange est actuellement consommé; mais si l'échange n'est pas consommé, ce remboursement sera fait par la nation, à moins que lesdits seigneurs, leurs auteurs prédécesseurs ou ayants cause n'aient vendu lesdits offices et n'en aient reçu le prix, auquel cas ils les rembourseront suivant les règles prescrites ci-dessus.
« Art. 7. Les officiers institués à titre onéreux par provisions du roi, pour connaître des cas royaux, et par provisions des seigneurs pour connaître des cas ordinaires, seront remboursés, les premiers parla nation,d'après le mode déterminé par le décret des 2 et 6 septembre dernier; les seconds, par les ci-devant sejgneurs, suivant l'espèce de leurs offices, et d'après les bases indiquées dans les articles précédents.
« Art. 8. Les procureurs et huissiers seigneuriaux pourvus à titre onéreux seront remboursés par les ci-devant seigneurs, sur le pied de leur évaluation à l'égard de ceux qui y étaient assujettis.
« Et à l'égard de ceux qui n'y étaient/pas sujets, ils seront remboursés de la finance primitive si elle est connue, et à défaut d'icelle, sur le pied du tiers seulement de leur contrat d'acquisition pour les procureurs, et des cinq sixièmes pour tous les autres, en affirmant par eux qu'ils n'ont pas le titré de leur finance primitive.
« Art. 9. Tous les officiers mentionnés au présent décret seront remboursés des droits par eux
ps£yés aux ci-devant seigneurs en cas de mutation, sous quelque dénomination qu'ils soient, et ce, en raison du temps de leur jouissance, et suivant la proportion établie dans l'article 3 ci-dessùs.
« Art. 10. Les intérêts de leurs offices courront du jour de l'installation des nouveaux tribunaux dans l'arrondissement desquels les ci-devant justices seigneuriales étaient situées, et ils leur seront payés à raison de 5 0/0 du capital, par ceux qui seront tenus de rembourser le prix principal desdits offices aux termes du présent décret. >»
Il est impossible d'obliger les personnes qui ont acquis des ci-devant seigneuries depuis 3 ou 4 ans de rembourser des offices acquis depuis 60 ou 100 ans.
(Cette motion n'a pas de suite.)
L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet dé décret présentés par M. Jouye-des-Roches.
lève la séance à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin .
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
(Ces procès-verbaux, sont adoptés,)
Dans le procès-verbal d'avant-hier, qui concerne l'état des hommes non libres dans les colonies, il était dit qu'aucun changement ne serait fait que sur la demande formelle et spontané? des assemblées coloniales. Plusieurs membres ont prétendu que ces dernières expressions, et surtout le mot spontanée, ne se trouvaient pas dans le décret -, d'autres, au contrairé, et moi ]e suis de cet avis, ont pensé que la spontanéité" de cette initiative était la disposition fondamentale du décret. C'est l'article sur lequel les colons sont le plus chatouilleux.
L'Assemblée, hier, avait ajourné à deux heures lé rétablissement ou plutôt "la conservation dii mot spontanée; mais la chaleur de la délibération a empêché de reprendre cet ajournement. Cependant cette expression est très essentielle ; elle seule se rallie parfaitement aux intentions que vous avez annoncées dans votre décret du 8 mars.
D'après cela, je demande que cette réclamation," qui n'a pu être décidée hier,'soit'remise aujourd'hui à l'ordre de deux heures. (Marques d'assentiment.)
J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée, au nom du comité institué pour surveiller la fabrication, des assignats, que vendredi prochain il en sera brûlé pour la somme de 11 millions. (Applaudissements.)
, au nom du comité diplomatique. Messieurs, j'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée qu'on n'a pas fait mention dans le procès-verbal d'hier d'une lettre de l'ambassadeur d'Angleterre au ministre des affaires étrangères. Mais, comme les journaux que j'ai lus aujourd'hui rendent un compte très inexact de cette lettre et de ce qui s'est passé ljier, je pense qu'une autre fois il faudra prendre garde à ce qu'on dira sur les lettres des ministres. Il est bon qu'on sache que ce qui a été dit à cet égard n'est pas exact et, que la lettre de l'ambassadeur n'est pas au comité diplomatique.
Je ne disconviens pas que les armements d'Angleterre ne soient considérables ; qu'il n'y ait Une presse très animée ; qu'qn ne fasse même des préparatifs extraordinaires ; mais if ne faudrait pas qu'un pareil fait frappât les oreilles de l'Assemblée, sans que la totalité de la lettre de l'ambassadeur fût en même temps présentée dans l'Assemblée.
Je demande. Messieurs, que là lettre de M. de La Luzernë'soit communiquée et lue à l'Assemblée nationale. Voici ce qui me fait demander, cela : hier, j'eus: occasion de voir un négociant anglais ; il fut question du fait énoncé par M. Maury et confirmé par M. de Me-rrou. 11 me dit qu'il était à Londres lorsque M. Pitt fit la réponse dont on a rendu compte hier; que cette réponse était en effet telle qu'on l'avait présentée; mais qu'on avait oublié une chose essentielle : c'est que M. Pitt avait répondu aux négociants qu'ils pouvaient continuer leurs expé-ditions.dans le Nord comme à l'ordinaire, pourvu que les retours se fissent avant ,1e mois d'octobre. (Murmurés.)
Il m'ajouta d'ailleurs que personne, en Angleterre, ne pensait que ces armements fussent dirigés contre la France : je suis bien loin de le penser.
On va lire la lettre.
Je demande que l'on fasse mention dans le procès-verbal de la lettre signalée par M. Fréteau.
Puisque l'on a parlé dans l'Assemblée de cette dépêche, je demande à ajouter un mot qui est essentiel, pour qu'on ne puisse pas répandre de fausses imputations dans le public.
Il n'est pas dit dans la lettre de l'ambassadeur que M. Pitt ait prescrit une époque pour les rétours. Ayant été informé jeudi dernier de cette slettre de l'ambassadeur de France, je crus devoir aller moi-même chez M. de Montmorin et lui demander comment il était possible que des dépêches aussi essentielles, dont les papiers publics faisaient mention, n'eussent pas été par lui ou envoyées ou communiquées au comité diplomatique. M. de Montmorin me dit qu'en effet il avait reçu cette lettre ; il ajouta qu'elle ne pouvait inspirer aucune inquiétude quelconque et il m'en laissa prendre communication. Elle est datée du 6 mai.
Voici l'extrait que j'en ai fait ce matin au comité diplomatique et que je vous prie de me permettre de vous lire :
« Une démarche que le commerce de Londres a faite hier près de M, Pitt et la réponse de ce ministre semblent faire espérer un arrangement pour les affairés du Nord.- -Les négociants qui
font le commerce avec la Russie avaient consulté M. Pitt pour savoir si, dans l'état où étaient les affaires, ils pouvaient sans aucun risque envoyer leurs navires de'commerce dans la Baltique; il leur avait été répondu que l'état des choses était si précaire, que lé gouvernement ne pouvait leur donner aucune assurance. M. Pitt vient de leur écrire que jusqu'au mois de juin prochain, ils pouvaient avec sûreté envoyer dans la Baltique, et qu'à cette époque il pourrait probablement leur donner à cet égard une réponse positivé.
« Cependant on continue tonjours à presser, et ^es travaux dans les ports vont toujours leur traju. On vient aussi de prendre des mesures pour augmenter le nombre des recrues que l'on fait chaque année. Assurément il est difficile d'aecQrder tous céb arrangements intérieurs avec les apparences de conciliation. Je me pérsuade cependant que là mesure qu'on vient de prendre pour l'augmentation dès recrues tient aux affaires des Indes orientales ; et l'on croit que peut-être en définitive on sera obligé de faire passer un plus grand nombre de troupes dans cette partie du mon le. »
Cette réflexion, quiest.fort développée dans la lettré, et plusieurs autres, établissent que l'Opinion personnelle de l'ambassadeur n'est point que les Anglais aient des vues hostiles sur les colonies françaises.
| Voilà le résultat de la lettre : comme j'ai trouvé le fait altéré dans les journaux, j'ai cru nécesr saire de le développer exactement à l'Assemblée* afin qu'il ne se répande pas là-dessus d'erreurs dans le public.
Peu nous importe contre qui ces armements sont dirigés ; mais il est bon de faire remarquer qu'on ne vous en a donné hier qu'une idée jnexiacte et adroitement infidèle. Il est évident que l'annonce qu'en "fit M. l'abbé Maury eut pour objet d'intimider les personnes dont l'opinion n'était pas faite. (Murmures.)
Je n'ai qu'une observation essentielle à faire ; c'est qu'il ést aisé de sentir que si l'Angleterre envoyait une escadre, elle arriverait à peu près au temps de l'hivernage et que, calculs faits, tous les vaisseaux seraient dans le cas de périr.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour et qu'on ne rende pas de décret de circonstance.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
Un membre du comité, d'aliénation propose un projet de décret portant vente de domaines nationaux a diverses municipalités.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale,' sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suir vant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
Département de.l'Oise.
A la municipalité de Vaudelicourt, pour... 12,975 1. » s. » d.
A celle de Senlis... 162,163 10
Département des Hautes-Pyrénées.
À la municipalité de Marseillan............51,229 1. 14 s. 6d.
Département de la Haute-Marne.
A la municipalité de Saint-Dizier..,.100,859 I. 6 s. 8 d.
Département du Puy-de-Dôme.
A la municipalité de Saint-Maurice........ 6,380 1.
A celle deLempty... 18,029
A celle de Seychaïles, 19,842
AcelledePéchadoire, 32,700
A celle de Cour pierre. .25,621
A celle d'Artonne... 24,824
A la même.............2,366
A celle de Cellule... 63,972
A celle de Riom........6,189
A celle d'Alagnat... 16,070
Département de l'Aveyron.
A la municipalité de Bars.............3,819 1. 4 s.
Département du Lot,
A la municipalité de Mqissac.............. 116,403 1. 19 s.
Département de l'Aisne.
A la municipalité de Braisne.............. 133,562 1. 2 s.
A celle deCorbeny.. 71,720
Département de la Somme.
A la municipalité d'Ormiécourt-lés-Mont-Royalï.»............. 43,932 1. 10 s.
Département de la Seine-Inférieure.
A la municipalité de Dieppe.............. 62,875 1.
Département d'Ille-et- Vilaine.
A la municinalité de Fougères.....................611,079 1. 13 s. 4 d,
A celle de Vandel... 3,300 »
Département du Loiret.
A la municipalité de Bèaugency.;;......î, 52,547 1. 19 s. 8 d.
A la même......... 119,584 19 8
Département du Tarn.
Département de l'Hérault.
A la municipalité de Floreneac.....t-..... 84>334 h W s. 4 d.
Département de la Haute-Garonne.
A la municipalité de Ga.,telsarrasin........ 12,500 1. 1 s. » d.
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé daos les décrets de vente et états d'estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
(Ce décret est adopté.)
fait donner lecture par un de MM. les secrétaires d'une nouvelle lettre des commissaires des citoyens de couleur, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Après être restés, jusqu'à ce jour, sous l'oppression des colons blancs, nous osions espérer que nous ne réclamerions pas en vain auprès de l'Assemblée nationale des droits qu'elle a déclaré appartenir à tous les hommes.
« Si nos justes réclamations, si les malheurs, si les calomnies que nous avons éprouvés jusqu'à ce jour, sous la législation des colons blancs, si enfin les vérités que nous avons eu l'honneur de présenter hier à la barre de l'Assemblée ne peuvent l'emporter sur. les prétentions injustes des colons blancs, celles de vouloir être sans notre participation nos législateurs, nous supplions l'Assemblée de ne pas achever de nous dépouiller iu peu de liberté qui nous reste, celle de pouvoir abandonner un sol arrosé du sang de nos frères (Murmures au centre et à droite ; applaudissements à gauche.)... et de nous permettre de iuir le couteau tranchant des lois qu'ils vont préparer contre nous.
« Si l'Assemblée se décide à porter une loi qui fasse dépendre notre sort de vingt-neuf blancs, nos ennemis décidés, nous demandons d'ajouter par amendement au décret qui serait rendu dans cette hypothèse, que les hommes libres de couleur pourront émigrer avec leur fortune, sans qu'ils nuissent être inquiétés ni empêchés par les blancs (Murmures et applaudissements.).
« Voilà, Monsieur le Président, le dernier re-ranchement qui nous restera pour échapper à la vengeance des colons blancs dont nous sommes menacés, pour n'avoir cessé de réclamer auprès te l'Assemblée des droits qu'elle avait déclaré appartenir à tous les hommes. (Applaudissements a gauche et dans les tribunes.)
« Nous sommes, avec nspect, etc.,
« Signé : Raymond. »
Je vous prie, M. le Président, de rappeler sévèrement les tribunes à l'ordre.
Je demande l'impression de la lettre et le renvoi à demain de la suite de la discussion du projet sur les colonies, afin que les opinions aient le temps de s'éclairer.
Une semblable lettre n'est faite que pour porter le trouble dans l'Assemblée. (4 gauche : Non! non!)
Je demande la question préa'able suc l'impression.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
A gauche : L'impression 1 L'ajournement!
(L'Assemblée .rejette la demande d'impression de la lettre des commissaires des citoyens de
couleur et décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités des colonies, de Constitution, de marine et d1 agriculture et de commerce, sur l'initiative à accorder aux assemblées coloniales dans la formation des lois qui doivent régir les colonies et sur l'état civil des gens de couleur (1).
(2). L'amendement que je veux proposer tend à augmenter l'initiative libre, préalable et spontanée des colons blancs, à les rendre entièrement, maîtres de la délibération prochaine, à Iput assurer une prépondérance certaine dans toutes les délibérations futures, et cependant à empêcher toute délibération dans les î'es sur l'état des gens de couleur libres. Permettez-moi de développer cet amendement; je ne serai pas long.
Qu'avcz-vous fait, Messieurs, en décrétant le premier article du projet? Vous avez rassuré pour toujours |os colons blmcs sur leur propriété; voiis les avez dispensés de délibérer sur l'état des personnes non libres : car il est é"ident que, dès qu'ils ne pourront jamais être forcés d'émettre un vœu sur l'état de ces personnes, ils ne délibéreront jamais sur leur état. Il faut achever votre ouvrase, et dispenser aussi à jamais les colons blancs de délibérer sur l'état des gens de couleur libres, car s'il y a une fois une délibéra-lion dans les îles sur une matière aussi délicate, il vous deviendra impossible d'arrêter la fermentation qu'une délibération pareille y excitera nécessairement, et je croirai dès lors les îles perdues pour nous. (A droite : Allons donc!)
Rappelez-vous ce qui est arrivé en France. On a donné une espèce d'initiative aux nobles sur le droit politique du tiers état. Dès lors, le tiers état s'est réveillé; dès lors, il a triomphé des deux antres ordres : et il est évident que si le tiers état n'avait pas été égal en courage et en génie avec les deux autres ordres, s'il ne leur avait pas été supérieur en nombre, s'il ne les avait pas anéantis par la toute-puissance du poids de sa supériorité numérique, vous auriez eu en France la guerre civile la plus cruelle. Craignez donc de réveiller les gens de couleur libres dans les îles; craignez d'exagérer leurs espérances; redoutez de trop exciter les craintes et la haine des blancs; et, par conséquent, empêchez toute délibération dans les îles sur l'état des personnes.
Je le répète, Messieurs,achevez votre ouvrage. Vous le pouvez et vous le devez ; et c'est ici le moment de dire qu'on ne s'est pas encore entendu en parlant sans cesse de liberté politique. En France, vous avez assuré à tout le monde la liberté civile et politique. Je dis politique, car en décrétant des conditions pour être citoyen actif, vous n'avez exclus personne de l'habilité à devenir citoyen actif. Vous n'avez fait que suspendre l'exercice des droits politiques du citoyen non actif, jusqu'à ce qu'il ait les qualités requises par la loi pour cet exercice.
Vous avez fait plus pour les îles : vous y avez même suspendu l'exercice
de la liberté civile pour une classe d'hommes. Pourquoi ne pourriez-vous
donc pas y modifier ou plutôt y graduer l'exercice des droits politiques
pour une autre classe d'hommes ? Dès que vous en avez le pouvoir, vous
en avez le devoir ; je le répète, sous
Cette classe de colons de couleur, rassurée sur son sort par cette disposition, vous bénira; les autres colons de couleur, non admis encore, mais assurés que leurs enfants deviendront habiles à exercer les droits politiques, resteront tranquilles et joindront sans doute leurs bénédictions à celles de leurs frères; et si les colons blancs qui, au moyen de cet amendement et des dispositions que je propose, resteront les maîtres absolus de la délibération prochaine, et conserveront éternellement leur prépondérance eii talents, en génie, et en nombre dans les délibérations futures; si, dis-je,ils persistent à rejeter ce tempérament, méfiez-vous d'eux ; ils veulent entretenir la fermentation dans les lies; ils veulent exciter des troubles; ils veulent être injustes ; ils méditent leur indépendance; elle est peut-être déjà résolue; ils sont peut-être déjà pénétrés de l'esprit de ces 85 qu'ils ont eu l'air de persécuter dans l'origine.
Ainsi, au nom de la patrie, au nom de l'humanité, au nom du salut commun de la France et des lies, j'invite tous les bons citoyens de cette Assemblée qui abjurent tout parti et qui détestent tout esprit de faction, à se réunir à ma voix pour faire décréter dès à présent, en principe, que le Corps législatif ne délibérera pareillement jamais sur l'état des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et mère libres, sans le vœu préalable libre et> spontané des colonies ; que les assemblées coloniales actuelles subsisteront; mais que les gens de couleur, nés de père et mère libres, seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises (On applaudit.)
Et faites attention qu'en décrétant ce principe, toute discussion sur le projet de décret est terminée; tous les autres articles deviennent pour ainsi dire inutiles.
Voici mon amendement :
« L'Assemblée nationale décrète que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l'état politique des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et de mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies ; que les assemblées coloniales actuellement existantes subsisteront ; mais que les gens dë couleur nés de père et de mère libres seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont .d'ailleurs les qualités requises. » ( Applaudissements.)
Messieurs, j'avais demandé la parole pour faire le même amendement que le préopinant; cependant, j'observerai à l'Assemblée que cet amendement n'est pas du tout dans les principes décrétés pour la-nation française. Si toutefois il peut concilier tous les esprits, s'il peut ramener tous les bons citoyens, en prenant un parti mitoyen qui pourra procurer la paix et la concorde dans les colonies, j'appuie de tout mon pouvoir, comme bon citoyen et comme cultivateur, l'amendement proposé par M. Rew-bell ; et je crois que ce n'est pas nuire aux colonies que d'admettre lin projet qui,'sans rien ôter aux affranchis, donnerait des droits légitimes aux hommes de couleur qui sont véritables citoyens. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix I
Non 1 non l
(de Saint-Jean-d'Angêly). Messieurs, depuis plusieurs jours, l'Assemblée a donné à la discussion qui nous occupe toute la latitude nécessaire pour que tous les bons esprits aient pu fixer leur opinion. Il est temps que nous terminions enfin la discussion, que nous cessions des débats sur des intérêts extérieurs et que nous passions aux objets de la Constitution intérieure de la France. (Murmures et applaudissements.)
En s'adressant au centre , vous voulez enlever le décret; vous n'y parviendrez pas.
A cause que M. Lavie a une triste habitation, il fait grand bruit; cela fait bien voir que c'est l'intérêt qui le guide.
(de Saint-Jean-d'Angély). Assez longtemps, une lutte d'opinions s'est établie; assez longtemps, tous les intérêts, toutes les passions peut-être se sont agités, se sont heurtés dans l'Assemblée (A droite : C'est i'amour-pro-pre t)j*. Il est temps enfin que tous les amis de la liberté, tous les bons citoyens viennent à bout, s'il est possible , de trouver un terme moyen qui puisse rallier tous les amis de la France, ae la liberté et de la Constitution (A gauche: Et de l'humanité!)... et qui conserve au moins la portion dés droits des nommes de couleur libres que la justice et l'humanité peuvent, de l'aveu de tous, arracher sans danger aux vues politiques dont on vous a effrayés.
Je crois que, puisque vous êtes malheureusement forcés, par une. lutte que nous avons tous aperçue, de composer avec un principe qu'en mon particulier je désirerais qu'il fût possible de consacrer dans toute son étendue, puisqu'il faut composer absolument^ je crois, dis-je, que la situation actuelle de l'Assemblée doit l'engager d'adopter la proposition qui vient de-lui être faite. C'est dans cet esprit que j'appuie le projet de décret ou l'amendement de M. Rewbell ; et qu'il me soit permis de vous rappeler des faits qui doivent vous décider à l'adopter.
Toute l'Assemblée est témoin que lorsque le premier article du décret a été proposé, lorsque vous ayez donné aux colons l'initiative absolue sur l'état des hommes non libres, il n'avait pas encore été question de cet objet. Un sentiment bien facile à saisir vous animait quand vous avez
adopté cet article. Lorsque, le cœur serré de douleur peut-être, (C'est vrai!), vous vous êtes levés pour consacrer le droit que vous avez donné aux colons, vous avez voulu céder cette portion des droits de l'humanité pour en conserver au moins un autre ; vous avez voulu une composition avec les passions, avec l'intérêt ou l'amour-propre qui, autant que la politique, attaquaient le principe que vous vouliez défendre. Vous avez cru enlin que les colons tranquilles sur leur propriété, sur le sort des hommes non libres, céderaient, ainsi que leurs défenseurs, sur l'article qui intéressait les hommes libres.
Et cependant, Messieurs, qu'est-il arrivé ? C'est que le premier article que vous regardiez comme une portion cédée dans l'espérance qu'on en céderait une autre, qui était parfaitement juste, n'a fait que fortifier les espérances et anéantir ce que vous aviez espéré. Après avoir gagné le premier article qu'on n'avait pas demandé, on veut encore conquérir ce que vous avez voulu sauver. Eh bien 1 je le dis avec douleur, pour l'intérêt même que vous défendez, cédez, s'il le faut encore, une portion de ce qu'on voudrait enlever en entier pour avoir au moins une partie de ce que réclament l'humanité et la justice» (Vifs applaudissements.)
J'invoque ici le témoignage des colons eux-mêmes , j'invoque celui des plus ardents partisans de leur opinion ; et j'atteste que le parti que propose M. Rewbell ne peut avoir aucun de ces grands inconvénients qu'on vous a fait valoir avec tant d'emphase. Elle ne compromet pas les vues de cette politique dont les clameurs veulent étouffer le cri de l'humanité et de la justice.
J'atteste l'Assemblée que, si on rejette cette mesure , les passions, l'intérêt personnel, un misérable orgueil peuvent seuls diriger les opposants ; et de tels mobiles ne gouverneront pas l'Assemblée. (.Applaudissements.)
J'atteste enfin que tous ceux qui s'opposeront à la proposition qui vous a été faite et que je crois devoir appuyer de tout mon pouvoir, que ceux-là, dis-je, seront responsables des événements qui pourront suivre. (Applaudissements à gauche.) Ils ont assez provoqué la responsabilité sur nos têtes-, ils ont assez dit qu'ils nous annonçaient les maux qui pourraient suivre d'une détermination plus étendue. Eh bien ! j'atteste que cette responsabilité, dont on vous a fait tant de bruit, doit retomber sur la tête de ceux qui nous ont menacés; je leur~dis à mon tour, et avec plus de raison, qu'ils seront comptables de tous les crimes et de tous les malheurs qui pourront résulter de cette opposition, s'ils s'obstinent à repousser un parti qui coûtera sans doute à prendre à beaucoup de ceux qui m'entendent, mais qui semble leur être commandé par l'humanité même qui les aaime et par la justice qui les conduit.
Je demande donc qu'on ferme la discussion et qu'on aille aux voix sur la proposition de M. Rewbell. (Vifs applaudissements à gauche.)
Un grand nombre de membres à gauche se lèvent et demandent à aller aux voix.
Je demande la pàrole.
Vous devez exécuter les ordres de l'Assemblée, Monsieur le Président; on fait la
motion d'aller aux voix : mettez-la à la délibération.
insiste pour avoir la parole;
Un grand nombre de membres à gauche se lèvent et demandent à aller aux voix.
Je demande la parole. (Aux voix! aux voix! Bruit.)
Je ne mettrai pas aux voix que vous ne fassiez silence.
Monsieur le Président, je demande la parole. (Aux voix! aux voix!)
On veut escobarder le décret*
(Le silence se rétablit.)
Je demande la parole.
On fait la motion de fermer la discussion; d'un autre côté, plusieurs personnes demanden t à parler contre la proposition de fermer la discussion.
A gauche : Non l non 1 vous devez fermer la discussion ; consultez l'Assemblée J
paraît à la tribune. (Non! non ! Aux voix !)
Plusieurs personnes demandent à parler sur la motion de fermer la discussion ; je n'ai d'autre devoir que de donner la parole. (A gauche : Non pas, Monsieur le Président, aux voixlj.
Voix diverses à gauche : Si vous n'avez pas le courage de consulter l'Assemblée, quittez le fauteuil. — Consultez l'Assemblée, Monsieur le Président, elle seule doit faire la loi.
insistent pour avoir la pafole.
demandent que M. Bariiavesoit entendu.
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si la discussion est fermée sur l'amendement de M. Rewbell. (A gauche: Oui! oui I — A droite : Non ! non .1).,
Je ne peux rien mettre aux voix^ dans le tumulte que l'on fait... Messieurs, la question consiste à savoir si l'on accordera la parole à quelqu'un.
A gauche : Non, Monsieur, non ; il s'agit de fermer la discussion.
Que ceux qui sont d'avis d'accorder la parole à quelqu'un se lèvent.
(L'épreuve a lieu.)
À gauche : Vous êtes inj uste, Monsieur le Président ; on vous a demandé, à une très grande majorité* de fermer la discussion.
A droite: La contre-partie, Monsieur le Président!
: ^(La contre-partie a lieu.);!
Plusieurs membres : Il y à doute ; l'appel iiO* minai!
On demande que dans le doute un opinaut soit entendu contre la question préalable,; ensuite on mettra aux voix si l'on fermera la discussion.
Si on en entend un, il faudra en entendre deux. (Non ! non ! aucun!)
Monsieur le Président, l'appel nominal sur le fond.
Monsieur Barnave, parlez 1
Monsieur le Président, je demande que vous prononciez de deux choses l'une : ou le décret, ou que vous avez du doute.
Sur la motion de M. Rœderer, je prouonce hautement que j'ai du doute, de même que dans les deux précédents appels nominaux :. voilà une prononciation.
A gauche : Recommencez l'épreuve 1
Lorsqu'il y a du doute, l'Assemblée est dans l'usage de continuer la discussion.
Je vous supplie d'écouter M. Barnave. Certes, là cause que nous défendons serait bien peu favorable si elle ne triomphait pas des arguties de nos adversaires. Si ses raisons sont mauvaises, il faut les rejeter, mais si elles sont bonnes, il ne faut pas redouter d'entendre Tapôtré du despotisme des colons blancs (Montrant M. Barnave.) : le voilà 1 Donnez-lui la parole. (Applaudissements à gauche.)
Monsieur le Président, veuillez dire à l'Assemblée si elle veut m'eutendre en silence. (A gauche : Nou l non 1) ;
Je demande que iM. Barnave soit rappelé à l'ordre.
Pourquoi çà?
Pour la manière dont il parle; si j'en disais autant, on me mettrait dehors.
Monsieur Barnave, vous avez la parole.
Je ne parlerai que si l'on veut s'engager à ne pas m'interrompre. (A gauche: Pas de condition, Monsieur, pas de condition !)
M. Barnave, sur la réclamation de M. Rtwbell.avait obtenu la parole ; comme il s'est élevé du tumulte lorsqu'il allait parler, je vais mettre aux voix si on veut l'entendre. (A droite: Oui ! oui ! — A gauche : Non 1 non !) J
Un membre à gauche : Je propose, pour amendement, que. si M . Barnave est entendu, on rouvre la discussion pour en entendre d'autres.
(de Saint-Jèan-d'Angély). Vous ne pouvez pas rouvrir la discussion pour entendre un seul individu.
Il me parait que plusieurs . membres de l'Assemblée ne sout pas parfaitement au fait de l'état dans lequel est la question .
Us sont arrivés après que là discussion a été engagée. M. Rewbell a proposé un amendement. Après la proposition de M. Rewbell, on a proposé que la discussion fût fermée sur cet amendement; M. Barnave avait la parole contre la proposition de fermer la discussion. J'ai mis aux voix ; l'épreuve m'a paru douteuse. J'allais faire l'appel nominal, lorsqu'on m'a représenté que l'usage constant de l'Assemblée était dans le doute de donner la parole. J'avais donnélaparole à M. Barnave, on l'a interrompu. M. Rewbell a demandé lui-même qu'il fût entendu au moment où M. Barnave a commencé, il a été de nouveau interrompu. Je doisdonccon-sulter l'Assemblée pour savoir s'il parlera ou s'il ne parlera pas. (Applaudissements à droite.)
(L' Assemblée décide que M. Barnave sera entendu.)
(1). Si la question qui nous occupe, au lieu d'être une question d'intérêt public, était une question d'intérêt personnel, il y a longtemps que j'aurais cessé d'insister pour la parole. (A gauche : Allons 1 allonsi au fait! — A droite: A l'abbaye les interrupteurs!)
Si la question qui nous occupe, au lieu d'être une question importante d'intérêt national, devait être une question personnelle, je n'aurais pas insislé pour conserver la parole, ou plutôt je ne l'aurais jamais demandée, car je n'ignore pas les propos qui se répandent dans la salle soit par'passion personnelle, soit par l'ignorance profonde qu'on a du véritable état de la question. Je méprise trop ces injures pour daigner m'en occuper.(Murmures prolongés à Vextrême gauche.)
Unmembre à gauche: Il insulte les cultivateurs, nous n'avons pas besoin de leçons !
Oh ! le brave homme 1
On nous accuse de consommer inutilement le temps de l'Assemblée et de faire de cette question une querelle d'amour-propre. Il est cependant vrai que le comité n'a pas encore varié sur la proposition qu'il a faite à l'Assemblée; que lorsqu'il a fait sa proposition, ii a dû la croire éminemment nécessaire ; que, la croyant profondément nécessaire, il n'a pas dû l'abandonner, et que Ce n'est point de nous, c'est de nos adversaires que sont venues les tergiversations, les propositions mixtes, les variations perpétuelles, et l'iuconséqueuce poussée jusqu'à sacrifier, à la conservation des colonies, la liberté civile que chacun tient du seul droit de la nature, et à ne pas vouloir suspendre pour le même but, suspendre pendant quelques mois l'exercice des droits politiques dont l'intérêt social doit seul déterminer l'étendue. (Murmures à gauche ; applaudissements à droite.)
Aujourd'huimême, l'amendement de M. Rewbell qu'ou vous propose est
directement contraire au dernier décret que vous avec rendu hier. Vous
avez rendu un décret par appel nominal suivant lequel il y a lieu à
délibérer sur la motion de M. Merlin, tendant à donner aux colonies la
proposition de l'état politique des hommes de couleur et nègres iibres.
On propose aujourd'hui de prononcer sur l'état politique des hommes de
couleur et nègres libres. Donc on marche contre le décret rendu hier.
(Murmures prolongés à gauche.)
11 estenlin arrivé le moment où ceux qui, plus tard que nous, ont voulu admettre les raisons de nécessité qui militent dans les colonies non seulement pour le maintien du régime colonial, consacré par votre premier décret, mais pour l'établissement d'un moyeu d'exécution nécessaire à ce même régime, consistant dans un intermédiaire entre l'homme qui jouit de tous les droits de citoyen, et celui qui ne jouit pas même du droit de la liberté.
11 esi aujourd'hui reconnu dans cette Assemblée que, dès l'instant qu'on croit la conservation aes colonies assez importante pour avoir adopté le premier article arrêté, puisqu'on a voulu le but, oïl doit vouloir le moyen. Cet indispensable moyen est une zone intermédiaire plus, ou moins étendue, plus ou moins épaisse, si je puis m'exprimer ainsi, mais une ligne intermédiaire, une distance placée par l'opinion et paipable pour les sens entre le citoyen et l'homme non libre, puisque l'amendement qui vous a été proposé tend lui-même à adopter une mesure de cette sorte et qu'il a été appuyé par la partie de l'Assemblée, qui s'est le plus fortement opposée au projet du comité.
S'il est vrai qu'une discussion prolongée vous a prouvé à tous ce qui, avant cette discussion, était si loin de vos idées, vous pouviez bien croire que nous, qui avons acquis les notiuns les plus approfondies et qui avons déjà eu raison contre vous dans une des questions, nous pou-vous aussi avoir raison dans 1 autre, quand nous vous disons que ce n'est pas actuellement, que c'est sur la proposition des assemblées coloniales que ce terme doit être déterminé. Déjà vous nous avez cédé sur le fond : croyez donc que nous devons avoir raison sur la marche qui doit y conduire.
Voici ce que je pose en fait, et quand je n'aurais pas pour preuve tous les faits qui se sont passés dans les colonies, et dout ceux qui en ont étudié les affaires, qui en ont travaillé les intérêts, ont essentiellement connaissance, je pourrais même m'appuyer sur ce qui a été dit hier à la barre par les commissaires des hommes de couleur : j'affirme, dis-je, que si, malgré l'initiative que l'Assemblée nationale a promise sur cet objet, elle rend un décret qui btatueconformément à l'amendement qui lui est proposé, elle ue peut en attendre aucun effet salutaire ; que le décret tournera dans les colonies contre les hommes de couleur, même de la part des blancs, qui sont les plus disposés à proposer des mesures d'une même nature. (Murmures à gauche.)
Je pose en fait qu'on a tiré des conclusions très fausses d'une phrase que j'ai moi-même prononcée. J'ai dit, et j'ai dit avec raisou, que parmi les blancs des colonies, les blancs propriétaires et éclairés étaient favorables aux hommes de couleur : et qu'en général, la classe qu'on appelle improprement les petits blancs, leur était contraire. J'ai dit une chose vraie, si les hommes blancs propriétaires obtiennent l'initiative qui leur a été accordée. Mais c'est faire rentrer dans leur âme les sentiments favorables aux hommes de couleur, que de la leur retirer : c'est perdre,
par une marche inconséquente et hâtive, tous les fruits du système qui doit nous conduire, par l'union des classes d'hommes libres, à la tranquillité, à la conservation des colonies. (Applaudissements.)
Je dis que si l'Assemblée nationale, malgré ces considérations, rend aujourd'hui un décret conforme à l'amendement qui lui est proposé, il est extrêmement à craindre que le décret ne soit pis même exécuté; que dans six mois, même avant ce terme, les gouverneurs des colonies vous an-r noncent que dans la situation où elles sont, que dans la fermentation que vo're décret aura produite, ils n'auront pas même osé en ordonner la promulgation. (Murmures à gauche.)
Je vous rends compte des faits qui me sont entièrement connus, et que la plupart de vous ignorent absolument. Il est constant que les choses se passeront ainsi ; que la plus grande influeuce des gouverneurs dans les colonies ne pourra peut-être pas même s'étendre jusqu'à prévenir les maux, les désastres particuliers qu'occasionnera contre les hommes de couleur, de la part d'une partie de la classe des blancs, ce décret précipité, inconsidéré, inattendu, manquant au décret précédent, qui ne trouvant aucun esprit disposé, qui, trouvant toutes les classes de blancs réunies contre lui, à raison de la forme dans laquelle il aura été rendu, deviendra tr>p certainement un arrêt de défaveur contre la classe des hommes de couleur et peut-être plus malheureusement encore un arrêt de proscription contre quelques-uns d'entre eux. C'est ainsi que l'avenir le prouvera.
Un des opinants, qui le seul peut-être a traité la question dans son véritable sens, et non pas suivant les circonstances, mais suivant les principes politiques qui doivent la déterminer, un des opinants, qui a produit Je pins d'impression sur vous, a commis cette seule erreur : il a pensé que le décret que vous enverriez dans les colonies, en laveur des hommes de couleur, deviendrait par son exécution, la perte de la race des blancs.
Mais je change le fait en ceci, et je vous dis contre mon vœu qu'il ne sera pas exécuté. Je vous dis que dans la situation actuelle de3 choses, ces mêmes blancs,, dont il ferait amener successivement lasoumission,ont assez de moyens dans les mains, pour le repousser avec un avantage certain, et que l'insistance de vos gouverneurs ne feront qu'assurer la perte et la subversion des îles. (.4 gauche : ,e serait l'abomination de la désolation.)
Si le pouvoir exécutif avait actuellement dans la colonie l'énergie qu'il avait avant la Révolution, si toutes les puissances n'étaient pas actuellement par le mouvement spontané de cette révolutiou entre les mains d'hommes élus par les citoyens, c'est-à-dire par les blancs, il serait peut-être rigoureusement possible que votre décret fût exécuté contre les volontés, contre la confiance, contre tla prospérité future des colonies; si je parle de ces choses, je li s connais et presque personne, dans l'Assemblée, n'a les données nécessaires pour en juger sainement : Oui, je l'aftirme, votre décret quand la force suffirait pour le faire exécuter, votre décret minerait la confiance entre les colonies et vous : et la confiance est le seul lien durable qui puisse vous les conserver.
Votre décret révolterait, irriterait davantage encore les jalousies et les haines qui peuvent exister entre les deux classes que vous auriez
voulu assimiler. Vous anéantissez par cette mar-che-là le lien essentiel, la base fondamentale du régime colonial, qui est l'esprit de reconnaissance, de la part d'une classe envers l'autre. Ce lien vous l'établissez et vour le cimentez par la marche qui vous est proposée.
Lorsque les'hommes de couleur jouiront de leur état politique, sur la proposition des assemblées coloniales, les divisions cesseront, parce qu'il se sera fait entre eux un échange de bienfaits et d'affection. Lesdivisions cesseront, parce que les uns auront obtenu de vous l'exécution de vos promesses, et que les autres auront trouvé dans leur justice l'accomplissement de ce que leur prescrivait la saine politique.
Tel sera le résultat si vous suivez la marche que nous vous prescrivons. Mais celui du projet qu'on vous propose serait totalement opposé. Dans l'adoption de ce décret, méfiance entre les colonies et vous, irritation des haines entre les colons blancs et les hommes de couleur, résistance directe à la loi, atteinte à votre dignité, et peut-être, si les étrangers viennent y prendre part, des suites des événements plus graves..... ; (A gauche : En voilà assez!)
Si, conformément à ce qu'on attend de vous, parce que vous l'avez promis, vous laissez aux assemblées coloniales l'initiative sur cet objet, vous la ferez accomplir de deux manières, ou par les assemblées coloniales séparément, ou par une réunion de commissaires peu nombreuse de toutes ces assemblées coloniales. Si la proposition est faite par les assemblées coloniales séparément, il s'établira entre ellés un esprit de crainte et de méfiance. Elles craindront que vous n'ayez séparé leur vœu que dans l'intention de le pousser plus loin que l'intérêt politique, que la praticable justice.
11 s'ensuit qu'aucune d'elles ne voudra essuyer le reproche d'avoir fait une proposition qui paraît entraîner les autres au delà de leurs propres propositions. Aucune d'elles ne voudra avoir auprès de ces petits blancs, race actuellement redoutable par l'état d'anarchie qui y règne, ne voudra, dis-je. avoir, auprès de cette classe, la défaveur résultant d'avoir fait une proposition plus favorable, plus avantageuse pour les hommes de couleur, que les autres assemblées coloniales. Les assemblées coloniales, opinant séparément sur cette question, opineront dans les villes des colonies, au milieu de cette même classe ennemie des hommes de couleur, assaillie de toutes partis par les préjugés coloniaux et qui ne laisseront pas subsister le degré de faveur ou plutôt le degré de sage politique, l'esprit de justice qui doit déterminer leur vœu. Si, au contraire vous adoptez le comité que nous vous proposons, toutés ces raisons disparaissent ; ce comité très peu nombreux sera mû directement par les saines idées... (Ce n'est pas là la question!)
Monsieur Barnave, rentrez dans la question.
J'y reviens ; je m'en tiens donc à rejeter l'amendement ; et je me réserve, dans le cas où il sera rejeté, de proposer ensuite, sur la motion de M. Merlin, deux autres amendements tendant à la rapprocher, ou à la rendre absolument semblable à ta proposition du comité; la seule parmi toutes celles qui ont été faites, dont je garantisse le succès. (,Murmures à gauche.)
En conséquence, dans le moment actuel, je me
borne à vous dire que l'amendement de M. Rew-bell, quelque soit en lui-même le reproche ou l'approbation dont le fond de son opinion peut être susceptible, est destructif de l'initiative de la proposition accordée aux assemblées coloniales : or, cette initiative est la base du système qué; nous vous avons proposé, et le seul gage du succès de notre opération; que si vous prenez un autre parti, le moindre des inconvénients sera de voir votre décret sans exécution, et peut-être avec trop de vraisemblance, le commerce, les manufactures et la propriété nationale, victimes de votre marche inconséquente, aveugle et précipitée. (Murmures.) Je demande donc, la question préalable sur cet amendement, et qu'on aille aux voix sur la proposition de M. Merlin. (Murmures à gauche ; applaudissements à droite.)
Je ne crois pas avoir besoin de répondre à la première observation du préopinant, par laquelle il a voulu écarter la discussion, en prétendant que votre décret d'hier avait préjugé Ja question actuelle, puisqu'il est évident que déclarer qu'il y a lieu à délibérer sur une motion, ce n'est point adopter la motion elle-même, à plus forte raison réjetér les amendements qui pourraient y être proposés.
M. Barnave a voulu trouver un autre préjugé, et il a mêlé à ce préjugé l'idée d'un reproche. Il a prétendu qu'ayant déjà consenti à une modification de la liberté, ou plutôt ayant déjà consacré en quelque sorte l'esclavage dans un article que vous avez décrété, vous ne deviez pas être si difficiles sur le reste, et que vous deviez continuer de suivre la route qui voiis était tracée par les défenseurs des colons blancs.
Et moi je dis et je crois que personne n'a ici le droit de nous faire un tel reproche ; et certes si, dans l'un de vos décrets, vous avez prononcé le mot d'hommes non libres, vous ne l'avez pas fait librement, et il est aisé de connaître ceux qui nous ont réduits à cette cruelle extrémité. Nous n'avons que trop acquis le droit d'exiger le prix d'un si grand sacrifice, et j'atteste à l'Assemblée que quand nous nous y sommes résolus, ou plutôt quand vous vous y êtes résolus, car ce ne fut jamais mon opinion, vous avez compté sur ce prix, et que vous n'avez consenti à cet acte extrême de complaisance, pour ceux qui dominaient alors notre délibération, qu'à condition qu'il vous serait permis, au moins, de suivreles principes de la justice et de l'humanité envers des hommes que vous n'aviez pas trouvés dépouillés de la liberté, mais que vous avez trouvés libres et que vous devez conserver libres. (Applaudissements à gauche.) Aussi l'Objection du préopinant tourne en entier contre lui-même.
Le préopinant n'a pas été plus heureux, à mon avis, lorsqu'il a cherché un autre préjugé de la question actuelle dans vos décrets précédents; car, Messieurs, il est un de vos décrets qui accorde, de la manière la plus formelle et la plus précise, les droits de citoyens actifs aux hommes libres de couleur.,
Certes, s'il est un moment où l'on puisse in-voquer le principe si souvent réclamé, qu'on ne peut revenir sur vos propres décrets, c'est, sans contredit, celui où il est question d'un décret qui consacre ies droits les plus sacrés de l'humanité, qui conserve à des hommes des droits précieux et imprescriptibles qui leur appartenaient avant ce décret* Or, ce décret-là éxiste, il est le titre inattaquable des hommes libres de
couleur ; c'est celui par lequel vous assurez indistinctement les droits de citoyen actif à tomes les personnes indistinctement dans les colonies, avec la seule condition qu'elles seront propriétaires et contribuables. Or, si le mot toute personne est le terme le plus général que-l'on puisse employer; s'il renferme à plus forte raison tous les citoyens libres avant le décret, il est évident qu'il s'applique aux hommes de couleur comme aux hommes blancs; et par conséquent il est impossible, à la vue d'un pareil décret, d'élever encore aucune objection contre les hommes libres de couleur, à moins qu'on ne vous propose formellement et directement de révoquer- votre décret.
Mais, dit-on, votre décret ne sera point exécuté, et par conséquent vous perdrez vos colonies. Quoi 1 si vous prononcez en faveur des hommes libres de couleur, votre décret sera méprisé par les hommes blancs l Et cependant on vous assure que le vœu des blancs était d'accorder les droits de citoyen actif aux colons de couleur. M. Barnave lui-même vous a dit mille fois que les colons blancs étaient attachés à la mère patrie, qu'ils sont pleins d'un respect sincère pour les décrets de l'Assemblée nationale. 11 vous a lui-même présenté les hommages respectueux, les protestations de fidélité de cette assemblée coloniale, contre laquelle il avait provoqué vos décrets; il vous a dit que tous les colons étaient réunis dans les mêmes sentiments de fidélité à la mère patrie, aux représentants de la nation française ; et aujourd'hui M. Barnave suppose que la répugnance qu'éprouvent les blancs pour accorder les droits de citoyen actif aux hommes de couleur est si forte, si impérieuse, qu'elle les déterminerait à fouler aux pieds vos propres décrets.
Et comment après cela, Messieurs, pouvez-vous penser que le vœu qui vous sera adressé parles colons serait de réclamer eux-mêmes les droits de citoyen actif en faveur des citoyens libres de couleur ? Il est impossible de concilier ces contradictions, et de ne pas apercevoir que le projet qui vous est proposé tend à dépouiller définitivement les hommes de couleur de leurs droits, et à vous rassurer par de faux prétextes sur l'injustice atroce qu'on vous propose.
J'ajoute qu'il n'est pas permis aux membres de l'Assemblée nationale qui se chargent de cette pétition de dire : « Si vous ne nous accordez pas ce que nous vous demandons, nous nous révoltons. » Je dis que la plus, grande des faiblesses, la plus haute imprudence des représentants de la nation serait de céder à de pareilles menaces ; ce serait renverser de vos propres mains les bases de votre autorité. (Applaudissements à Vextrême gauche.)
Qu'il me soit permis, Messieurs, de rapprocher encore cette objection de celle qui vous a été faite par un aùtre orateur qui, au jugement de M. Barnave, est celui qui a fait la plus vive impression sur l'Assemblée : si, entre les deux orateurs qui ont défendu le plus vivement la cause des colons blancs, il y avait une contradiction manifeste sur le moyeu qui a servi de base à leur opinion, il en résulterait sans doute que leur opinion ne doit pas inspirer une grande confiance.
Or, tandis que d'un côté M. Barnave vous a dit que les colons les plus forts refuseraient d'exécuter votre décret, de l'autre vous savez très bien ue M. l'abbé Maury vous disait : « Si vous accor-ëz les droits de citoyen actif aux hommes libres
de couleur, les hommes libres de couleur, étant plus forts, s'empareront de là domination, feront révolter les nègres et égorgeront les blancs. {Applaudissements à gauche.)
H est donc impossible de sacrifier à de pareilles terreurs, à de pareils sophismes, les droits les plus sacrés de l'humanité, et lés principes les plus précieux de notre Constitution. Aussi suis-je loin d'appuyer sous ce rapport Pamendement de M. Rewbell. Au contraire, je sens que je ne puis point adopter cet amendement. Je sens que je suis ici pour défendre les droits des hommes libres de couleur en Amérique, dans toute leur étendue ; qu'il ne m'est pas permis, que je ne puis pas, sans m'exposer à un remords -cruel, sacrifier une partie de ces hommes-là à une autre portion de ces mêmes hommes.
Or, je reconnais les mêmes droits à tous les honamés libres, dé quelque père qu'ils soient nés, et je conclus qu'il faut admettre le principe dans son entier. Je crois que chaque membre ae cette Assemblée s'aperçoit qu'il en a déjà trop fait en consacrant constitutionnellement Tesclavage sur lés colonies.
Je demande la parole.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
, secrétaire, donne lecture de la rédaction proposée sous forme d'amendement par M. Rewbell et ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale décrète que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l'état politique des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies ; que les assemblées coloniales actuellement existantes subsisteront ; mais que les gens de couleur nés de père et mère libres seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises. »
A droite : La question préalable !
A gauche : Aux voix ! aux voix !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Rewbell.)
Je demande, par sous-amendement, qu on retranche de la rédaction de M. Rewbell la disposition qui porte que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l'état politique des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies.
Il faut que tous les hommes libres de couleur jouissent de tous les droits qui leur appartiennent. (Murmures.)
Voix diverses : La question préalable ! — L'ordre du jour l
Plusieurs membres : L'amendement n'est pas appuyé !
Au centre : Si I si !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur le sous-amendement de M. Robespierre.)
(1). Les précautions que doit
Je demande, Messieurs, deux conditions et je vais en établir les principes : La première condition, c'est que les gens de couleur soient nés de légitime mariage; la deuxième, c'est qu'ils soieut tenus de prouver l'état de liberté de leurs père et mère.
Ah ! mon Dieu I quelle horreur I
Est-ce qu'on n'est pas toujours né libre ?
La liberté est de droit commun ; c'est l'esclavage qui doit être prouvé. (Bruit.)
Je vais développer les motifs de mes deux propositions, et je vous prie de vouloir bien les écouler avec d'autant plus d'impartialité que, dans ce moment, vous venez de décréter ce qui était en question, c'est-à-dire que par le fait vous enlevez aux colonies l'initiative sur l'état des personnes. (Murmures à gauche.)
Par conséquent, Me&sieurs,ileslde votre sagesse (Murmures à gauche : Votre amendement .'),.. il est de votre justice de faire dans ce moment (Aux voix i amendement de M. Rewbell.')... de faire dans ce moment pour vos colons blancs ce que vos assemblées colonialeselk's-mêmes auraient fait, si elles avaient calculé i'interêi de l'humain;é combiné avec leur sûreté personnelle.
Or, Messieurs, ne soyez pasdupes de toutes les calomnies qu'on a prodiguées de part et d'autre dans cette discussion. Personne, et moi en particulier je déclare hautement mon opinion, personne n'a voulu priver indéfiniment les hommes de couleur de l'exercice des droits politiques; on voUs a demandé seulement de les leur accorder avec précaution, de les y amener avec tranquillité, de les leur accorder graduellement. Ou vous a proposé et je paile à des représentants de la nation ; je ne parle pas à des hommes de paru (Il désigne la gauche.) qu'on ne persuaderait jamais..... (Murmures : Votre amendement !) Oïl vous a proposé, dis-je, que les colons blancs vous indiquassent les précautions à prendre.
Puisque vous voulez rendre un décret, vous devez le rendre sage, car vous ne voulez pas immoler tous vos colons blancs. Mon premier sous-amendement est donc que l'exercice des droits politiques 11e pourra être accordé aux hommes île couleur que lorsqu'ils seront nés de légitime mariage, et voici mes motifs :
Il y a, Messieurs, dans vos colonies, des hommes affranchis de deux espèces; il y a des hommes nègres libres; il y a des hommes de couleur qui sont à la deuxième et peut-être à la troisième génération de leur affranchissement. Mais, Messieurs, ce que l'on ne vous a pas dit, et ce qui est pourtant vrai, c'est que les nègres libres sont infiniment plus intéressants que ce qu'on appelle ici les hommes de couleur ; car un nègre libre est un homme qui a mérité personnellement par sa conduite d'obtenir son affran-
chissement, tandis qu'au contraire (Votre amendement!)... l'homme de couleur n'a rien fait pour mériter la liberté et qu'il ne doit le plus souvent son existence qu'à la plus honteuse prostitution.
Des législateurs, qui sentiront la nécessité de protéger les mœurs publiques, n'assimileront jamais un bâtard à un enfant légitime ; et c'est cependant ce qui résulterait de votre décret.
J'ai donc raison de demander, par premier sous-ameudement, que, pour être admis à l'exercice des droits politiques, les hommes de couleur, auxquels vous voulez soumettre les colons blancs, leurs anciens maîtres, soient tenus de prouver qu'ils sont nés de légitime mariage.
Je demande, en second sous-amendement, que, pour être admis à l'exercice des droits politiques, quant aux colonies, tous les hommes de couleur soient tenus de prouver l'état de liberté de leurs père et mère.
Prenez garde, Messieurs, que nous sommes en France et que nos principes constitutionnels sont inapplicables aux colonies. Je dis que la plupart de ces enfants n'ont jamais été légalement affranchis; je ne demande pas qu'on leur donne des fers, mais je demande qu'on puisse leur dire, au moment où ils demanderont à prendre place parmi les administrateurs de leur pays, de ce pays qui n'est pas la France, qui n'est pas même une province du royaume de France, car les colonies ont un mode d'existence particulier (A gauche : Nous savons cela!),... je demande qu'on puisse leur dire : Vous êtes dans un pays où l'esclavage, pour les hommes de couleur, est le droit et où la liberté est l'exception. (Murmures.)
Voulez-vous participer (Murmures.)... Messieurs, je vous prie de ne pas me rendre responsable de vos lois ; ce n'est pas moi qui les ai faites... Je demande, si le titre de citoyen, le titre le pins beau que nous connaissions dans l'ordre social, est quelque chose à vos yeux, je demande, dis-je, qu'on ait le droit de dire à un homme qui porte encore sur son front l'empreinte de l'esclavage..... (Murmures. — C'est une horreur ! — La discussion est fermée !)... Vous voulez être citoyen ;eh bien! nous summes prêts à vous accorder ce droit; mais il faut que vous nous prouviez que la loi vous a recouuu libre. (Murmures et interruptions.)
Je ne fais pas cet amendement à la légère; je le fais parce que vos colonies sont remplies d'une foule de malheureux qui, nés d'un blanc et d'une négresse, ont reçu facilement la liberté ; mais qui, abandonnés ensuite.par leur père, sont devenus des aventuriers. (Aux voix! aux voix!)
Messieurs, en demandant la question préalable sur les deux1 sous-amendements qui vieunent de vous être proposés, je propose un autre sous-amendement qui consiste en ceci : « Les gens de couleur libres, nés de père et mère libres et non affranchis. » (Murmures.)
Je demande la question préalable sur tous les sous-amendements.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les sous-amendeuients.)
Vous répondrez des colonies, Messieurs.
A droite : C'est indigne !
Je proteste formellement contre
un- décret qui assassine nos frères des colonies et je le déclare en face du peuple. (A l'ordre ! à Vordre!) r
Voulez-yons donc faire égorger nos frères ?
Si on ne va pas à l'appel nominal, nous nous retirerons ; c'est une infamie.
(Le côté droit se lève et réclame à grands cris l'appel nominal.) (Bruit.)
Monsieur le Président, ces amendements sout ia question véritable; dans cette question, la responsabilité est immense-11 importe donc de connaître ceux auxquels la France pourra reprocher incessamment la perte de ses colonies. En conséquence, je réclame, au nom de celle que je représente, et j'ose dire au nom de toutes, l'appel nominal. (A droite: Oui 1. ouil)
Lorsque ces deux jours-ci j'ai eu du doute sur les épreuves, je n'ai pas prononcé ;... (A droite ; L'appel nominal!)
Voix diverses à droite, : Du doute, Monsieur le Président, à une majorité de 150 voix ! C'est affreux.— 11 ne suffit pas que vous n'ayez pas de doute, il faut que nous-mêmes nous n'en ayons aucun.
Voulez-vous bien me laisser parler ?... Lorsque j'ai eu du doute ces jours derniers, je n'ai même pas prononcé ; j'ai ordonné sur-le-champ l'appel nominal, mais aujourd'hui, le bureau et moi n'ayant pas eu de doute, j'ai dû prononcer et je l'ai fait.
Avez-vous eu hier égard à ma réclamation ?... La délibération était la même que celle-ci... Répondez!
Monsieur le Président, vous ne devez pas avoir une conduite d'hier et une conduite d'aujourd'hui.
Au centre : La conduite est égale et uniforme.
On oppose ma conduite d'hier à celle d'aujourd'hui. (A droite : Oui ! oui 1)...
On se trompe, très fort.
, Mettez aux voix l'appel nominal; je le réclame.
Hier, le bureau et moi étions unanimement certains qu'il y avait du doute; aujourd'hui il n'y a aucune incertitude pour ;nous, la majorité est bien acquise pour la question préalable. (Murmurer à aroite.)
Ces messieurs feront silence si Vous répondez à ma question.
Quoique MM. les secrétaires et moi Soyons tous d'accord aujourd'hui, en présence des réclamations qui s'élèvent, je vais mettre aux voix s'il y a du doute dans l'Assemblée. (A droite : Non 1 non I)
Il n'y a pas de doilte.
(L'Assemblée, consultée, déclare à une grande majorité qu'il n'y pas de doute.)
Je demande que tout ce débat soif inséré daos le procès-verbal, afin qu'il soit constaté que nous avons constamment fait nos efforts pour sauver, les colonies, que nous n'avons rien obtenu et que c'est vous, Monsieur le Président, qui les perdez aujourd'hui. (A droite : Oui l oui 1)
Les sous-amendements ayant été rejetés par la question préalable, je mets aux voix l'amendement principal de M. Rewbell; il'est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l'état politiqué des gens de couleur qui ne seraient pas nés de pèrfr et mère libres, sans le vœu préalable, libre et spontané des colonies*; que les assemblées coloniales actùellèment existantes subsisteront ; mais que les gens de couleur, nés de père ét de mère libres, seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises. »
(L'épreuve a lieu ; le côté droit crie : Point de voix! Le côté gauche et les tribunes applaudissent.)
prononce : L'Assemblée nationale a décrété l'article de M. Rewbell.
Non, Monsieur le Président, l'Assemblée nationale n'a pas décrété, et nous réclamons l'appel nominal. (1 droite : Oui I oui ! nous lé réclamons tous:)
On réclame l'appel nominal. (Murmures à gauche.) î
A gauche ; Il n'y a pas de doute !
A droite : Le doute existe tel qu'hier ! L'appel nominal I
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir s'il y a du doute et s'il faut procéder à l'appel nominal,
(L'Assemblée, consultée, décide à une grande majorité qu'il n'y a pas de doute et qu'il n'y a pas lieu de procéder a l'appel nominal.) (Applaudissements prolongés à gauche et dans les tribunes.)
annonce l'ordre du jour de demain et lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
annonce que M. Lamerij directeur de la régie générale dé Marseille, fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé: « Influence des eontrib utiona ».
Un de MM. leé secrétaires fait lecture des adresses suivantes
Pétition des premiers clercs des ci-devant avocats aux conseils. Ils demandent qué.le décret du' 20 mars dernier, concernant l'établissement des avoués, et qui admet à cette fonction les premiers clères des procureurs qui auront achevé, cinq- années. de cléricature, soit déclaré commun avec eux.
(Cette adresse est renvôyée au comité de Constitution).
Adresse du sieur BilHet, ancien^ employé aux entrées de Paris. Il forme une réclamation contre lés fermiers généraux.
(Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
Adressé dès juifs de Paris. Ils exposent qu'ils se sont toujours conduits comme de bons citoyen?, qu'ils ont* monté la garde, qu'ils ont fait des dons patriotiques selon leurs facultés ; ils demandent d'être déclarés citoyens actifs.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
, au nom du comité d'emplacement, propose deux projets de décret :
Le premier y relatif à l'emplacement du directoire du département de Seine-et-Oise, est ainsi conçu :
« L Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de Seine-et-Oise à se placer à l'hôtel du Grand-Veneur, sis à Versailles, dont la jouissance lui a été accordée par le roi, pour y tenir les séances du conseil général et du directoire et y établir ses bureaux.
« L'autorise pareillement à faire faire les réparations, et arrangements intérieurs nécessaires audit hôtel du Grand-Veneur et à faire procéder à l'adjudication au rabais desdits ouvrages, sur le devis estimatif qui en sera préalablement dressé, et dont le montant sera supporté par les- administrés. »
(Ce décret est adopté.)
Le second, relatif è Remplacement du directoire du département de la Meuse et du tnbunal du.distinct de Bar-le-Duc, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de la Meuse à acquérir, aux frais des administrés du département et du district, -dans la proportion déterminée entre les administrateurs et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, l'aile" de bâtiment de l'ancien château de Bar-le-Duc, ci-devant occupé par la chambra descomptes, par le bureau de répartition du vingtième, par le sieur de Vassart, ci-devant maître des comptes,, et par le greffier de ladite chambre, ainsi que toutes les dépendances et objets attenauts à cette partie de bâtiment, cotnme le tout est figuré aux plans levés le^B avril dernier et désigné dans l'avis du direc-rectoire du département,, lesquels plans, et devis seront joiuts à la minute du présent décret, pour y places le corps administratif du département .et l«i tribunal dut district.;
« L'autorise pareillement à faire faire les réparations, constructions et autres arrangements In-érieurs, à l'adjudication au rabais desquels il
sera procédé en la manière accoutumée, sur 16 devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Hardy, inspecteur des ponts et chaussées, le 24 mars dernier et jours suivants; le montant de laquelle adjudication sera supporté par lesdits administrés, en proportion de Ce que cnaque établissement occupera dans les lieux ci-dessus désignés et suivant ce qui sera réglé entre les administrateurs du département et du district.
* Autorisé également le directoire du district de Bar à louer, aux frais des administrés et à dire d'experts,-la maison des Augustins, située en ta ville basse de Bar, avec la petite cour, pour se placer dans ledit édifice,.pour être, le prix du loyer, versé dans la caisse du district;
« Excepte de la présente permission de louer, le grand jardin desdits Augustins, la cour et petite remise situées vis-à-vis, séparées du jardin par le canal, pour être, ces objets exceptés, vendus ou loués, et le prix de la vente ou du loyer versé dans la caisse du district. »
(Ce décret est adopté).
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Grangier, député du département du Cher, uneongé de huit jours.
(Ce congé est accordé).
, au nom du comité des contributions publiques, de concert avec ceux des domaines, des finances, d'agriculture et de commerce et ecclésiastique, fait un rapport sur l'organisation de la régie des droits d'enregistrement, timbre, hypothèque et autres réunis et s'exprime-ainsi :
Messieurs (11, vous avezcherché tous les moyens de simplifier la législation des droits d'enregistrement et leur perception ; et, par les mesures que vous avez prises, vous avez fixé en leur faveur l'opinion publique.
Nous devons vous l'attester, Messieurs, les commissaires choisis pour l'établissement de ces droits dans tout le royaume ont été parfaitement secondés par le patriotisme des corps administratifs ; tous les bons citoyens, trop éclairés pour ne pas chérir et défendre les branches du revenu public, comme la Constitution même, qui ne peut subsister sans elles, ont aidé à lever les obstacles qui pouvaient se présenter, et ont porté même l'attention jusqu'à nous dénoncer les abus qui auraient pu nuire à la chose ; tou s ont reconnu que de tous les impôts indirects, celui-là est le moins mauvais, qui comme l'enregistrement pèse peu sur le pauvre et a de plus un objet d'utilité publique, en assurant la date et l'existence des actes.
Aujourd'hui, Messieurs, l'exécution de vos décrets est assurée; mais il vous resté à régler définitivement l'organisation de l'administration de Cette partie des revenus publics; à déterminerles fonctions de ses agents, les modes d'admission et d'avancement, les traitements de chacun d'eux et la dépense générale, et enfin les règles de discipline auxquelles ils seront assujettis.
Votre comité des contributions s'est occupé de cés objet», de concert
avec le comité des domaines, d'agriculture et commerce, des finances,
d'aliénation et ecclésiastique. Il a entendu les observations des
commissaires administrateurs ; il en a reçu toutes, les instructions qui
pouvaient aider son: travail; il a cherché à concilier ce que prescrit
^économie et ce qu'exigent de bons ser-
Votre intention, Messieurs, est de ne conserver que.les places nécessaires ou utiles, et le moyeu de juger de la nécessité et de l'utilité de celle que nous vous proposons, et de voir, en même temps, quelles seront les fonctions attachées à chaque place.
Vous n'aviez d'abord confié.aux commissaires | de l'enregistrement que les droits incorporels; * vous vous êtes déterminés depuis à les Charger de la régie des cens, rentes, lods et ventes, et autres droits des domaines nationaux*
Vos comités réunis ont pensé que les mêmes motifs d'uniformité, d'économie et de régularité d'exercice, qui ont déterminé cette mesure, exigent qu'on réunisse à la même régie fous les domaines nationaux, jusqu'à ce que l'aliénation en soit consommée. Il ne doit y avoir d'administration particulière que pour les forêts nationales, objet sur lequel vous serez dans le cas de délibérer incessamment. La réunion que je vous propose n'exigera pas un plus grand nombre d employés et n'augmentera pas la proportion de dépenses; vos comités ecclésiastique et d'aliénation Bont convaincus qu'elle produira tes plus heureux effets, et il n'y aura pas à craindre d'abus de la part des commissaires administrateurs et de leurs préposés. Tout ce qui concernera les domaines corporels se fera sous l'inspection et la surveillance des corps administratifs.
Bous vous proposons, eu égard au travail que pourront exiger les différents objets confiés aux commissaires régisseurs, d'en porter le nombre à douze. Il n'a été que de neuf jusqu'ici quoique ce soit au moment u'un établissement nouveau que le travail est plus difficile et plus multiplié. La réunion des domaines nationaux augmentera un peu le travail, mais la machine est montée; et ce travail ne sera pas comparable à celui auquel les 9 commissaires ont suiti. Nous avons donc cru qu'on n'en devait pas avoir plus de 12.
LeS administrateurs doivent être sous les ordres et la surveillance du pouvoir exécutif, de même qu'ils doivent avoir tous les autres préposés sous leurs ordres et leur surveillance*
Les directeurs sunt les premiers préposés sous les ordres des administrateurs ; les inspecteurs, les vérificateurs, les rtceveurs de chaque bureau, ies gardes-magasins, les i teeveiM s du timbre extraordinaire, les limbreufs et leurs tourne-feuille, forment l'ensemble de tous les subordonnés. Le pouvoir exécutif esi le centre qui imprime le mouvement à toute la machine, et les extrémi* tés reviennent aboutir au même centre*
Sragii-i! de la perception? le receveur de bureau ia fait ; elle est veriliee par le vérificateur ; elle est arrêtée par l'inspecteur qui s'en charge et la remet à la caisse publique; et le compte de celui-ci est arrêté et vérifié par le directeur qui, à sou tour, est vérifié par les administrateurs qui rendent au pouvoir exécutif le compte définitif.
La même série d'opérations se renouvelle pour le timbre. Un receveur enregistre la quantité et les espèces de papiers présentés pour être timbrés ; il reçoit le droit et, avec son certificat^ le citoyen se présente au garde-magasin qui enregistre ie cei tificat et lait ensuite apposer l'empreinte par le tiuabreur et tourne-feuille.
Les registres et recettes du: receveur du timbre sont soumis à la vérification , , àl'in spection comme ceux des receveurs de bureaux; et pour ne négliger aucune des précautions propres à empêcher que le produit des droits soit détourné, le
receveur du timbre et lé garde-magasin travailleront sous les yeux et dans les bureaux de la direction : ainsi parviennent des extrémités, au centre commun, tautes les opérations de la perception.
S'agit-il au contraire d'une loi relative à l'administration? Le pouvoir exécutif la remet aùx administrateurs; ceux-ci l'adressent aux directeurs, qui à leur tour la transmettent aux autres préposés, et elle parvient du centre jusqu'aux extrémités.
Cette hiérarchie est nécessaire pour le maintien de l'ensemble; mais admettrez-vous autant de directions qu'il y a de départements?
Il n'y avait dans l'ancien état que 34 directions des contrôles, plusieurs provinces étaient exemptes de ces droits, et il y avait d'ailleurs 32 directeurs particuliers des domaines et bois. Les nouvelles directions réunissant tous les droits, et l'administration des domaines corporels exigeant aussi des relations fréquentes entre les directeurs et les administrateurs de département, nous avons pensé qu'il était plus convenable de former une direction par département que de réunir plusieurs départements sous un même directeur.
Une autre considération qui nous a déterminés à adopter ce parti, c'est qu'if n'y aurait pas eù une grande diminution de dépense à réduire le nombre des directeurs ; il aurait bien fallu augmenter leur traitement en raison de la plus grande importance dé leurs directions ; il est plus conforme à Vos principes de partager des rotictions importantes et des traitements considérables, que dé les réunir sur un petit nombre de têtes.
Enfin le service sera plris surveillé et mieux faié avec un directeur par département, et ce motif seul! serait déterminant.
Nous vous proposons? deux inspecteurs et déuX vérificateurs par direction, mais en laissait; aux administrateurs la liberté de faire passer partie de ces inspecteurs et vérificateurs dans les directions où il sera le plus utile de les employer. Cette mesure est nécessaire, sans quoi, tous lés départements n'étant pas delà même importance, il y en a où les inspecteurs auraient peu de chose à faire, lorsque dans d'autres ils seraient surchargés.
Les inspecteurs-remplacent les cernais Connus sous le nom de contrôleurs ambulants; leur nombre et celui des vérificateurs ne vous paraîtra pas trop considérable, quoiqu'il le soit plus que dans l'ancien état. Les diOifs sont' aujourd'hui bien plus intéressants qu'ils ne l'étaient, et l'activité de ces employés doit être plus grande d'après votre loi, qui* pour' ne pas laisser les citoyens exposés trop longtemps à des recherches, abrège les délais anciens des prescriptions sur les droits arriérés.
Les garues-magasins et receveurs du timbre doivent naturellement être plaeés auprès de chaque directeur avec les timbreurs et tourne-feuille. Plusieurs départements renferment, outre les villes de chef-lieu, des villes de: commerce, autant et quelquefois plus considérables, et les commissaires administrateurs nous avaient proposé de fixer les directeurs dans les villes les plus commerçantes ne chaque département. Nous avions d'abord adopté ces vues; mais envi'sâr-geant toutes les discussions qu'entraînerait l'examen de l'importance des villes Où la direction devrait être fixée, considérant qu'il convenait que chaque directeur fût à portée du corps administratif, nous avons cru devoir vous proposer de fixer les directions au chef-lieu de chaque
département, sauf à établir, dans les villes où le besoin du service l'exigera, d'autres timbreurs et tourne-feuille.
. Les administrateurs doivent avoir, pour les aider dans ïeurs travaux, des bureaux de correspondance; ces bureaux sont chargés de l'examen dè tout ce que les directeurs et les autres employés adressent à l'administration, ainsi que des : mémoires de plaintes ou réclamations des citoyens.
Ces travaux intéressants exigent des hommes expérimentés et laborieux, et cette considération nous a déterminés à vous proposer de former ces bureaux de la manière la plus propre à y appeler de bons employés.
Mais nous avons pensé en même temps que le nombre des bureaux devait être borne à.celui des administrateurs; excepté le bureau qui sera chargé de la suite des dépenses de la comptabilité, qui doit être Commun entre eux, chaque administrateur doit avoir une surveillance active et journalière sur les travaux c[ui lui seront confiés : c'est dès lors assez d'avoir un bureau à diriger.
. Nous aurions désiré, Messieurs, pouvoir vpus présenter le tableau de tous les jjureaux particuliers de recette des districts, et la fixation de leurs arrondissements; mais ce travail, prescrit -aux commissaires par vos précédents décrets, doit être fait sur l'avis des districts et départe-ménts, ce qui a entraîné des lenteurs et empêché de finir le tableau.
Il n'en résulte au surplus aucun inconvénient, les anciens arrondissements subsistent jusqu'au momeut où les nouveaux seront arrêtés; et tïommè tous les receveurs particuliers sont à remise sur leur Recette, la dépense n'est pas augmentée.
Je viens de vous présenter les vues des deux premiers titres du projet qui vous est soumis les divers employés, les fonctions de chaque emploi y sont déterminés, et ils le sont d'après la seule considération de l'utilité des fonctions et de la nécessité d'établir des préposés pour les remplir.
Le titre suivant présente, Messiéurs, le mode d'admission et d'avancement dans les divers emplois.
Pour y être admis, il faut avoir au moins 18 ans, et ce n'est encore qu'en qualité de surnuméraire qu'on est admis à cet âge. Il faut 21 ans accomplis pour être préposé à un bureau ife la dernièi e classe ; et pour parvenir successivement aux divers emplois, nous vous proposons de fixer des temps, d'épreuves qui soient assez fongs pour qu'on puisse s'assurer que la bonne conduite est réunie aux talents, et soient en paême temps assez courts pour qu'on ne doive pas craindré que les hommes à talent soient rebutés par la nécessité de passer dans chaque grade le temps prescrit.
Nous avons cherché les précautions propres à portér les employés à dédaigner les moyens d'intrigue et de faveur pour n'en connaître d'autres de parvenir que le travail et les talents, et nous avons cru qu'ils devaient tous avoir pour perspective et pour but de leur ambition les premières places.
Nous sommes en effet de plus en plus convaincus que les chefs d'une administration difficile et laborieuse; doivent réunir aux talents une grande expérience ; et en vous proposant d'en laisser le ihoix au roi, nous voue demandons de décréter
que ces choix ne pourront être faits que parmi les directeurs ayant 5 ans d'exercice.
Les autres choix sont également limités par les mesures propres à en assurer la bonté. Les directeurs peuvent être choisis par le roi, mais entre 3 sujets présentés par les administrateurs au ministre des contributions publiques; et qui réunissent le temps de service prescrit dans l'emploi inférieur.
Les autres préposés inférieurs sont au choix des administrateurs, mais également à la condition de ne pouvoir fixer leur choix qu'entre les sujets.qui ont le temps de service prescrit dans le grade inférieur.
Nous aurions désiré pouvoir déterminer par des règles précises les préférences à accorder à l'ancienneté et aux talents. Deux moyens se présentaient : donner une partie des places à l'ancienneté et laisser le surplus au choix, ou bien laisser tout au choix en fixant des temps d'épreuves, et prescrivant d'accorder la préléreoce aux anciens services, lorsqu'il y a égalité de talents. Nous avons adopté ce dernier parti, il -nous a paru le plus propre à exciter l'émulation; et dans une partie qui demande des hommes instruits, nous avons pensé qu'il y aurait trop d'inconvénients à accorder à l'ancienneté de services des places qui pourraient être au-dessus des forces du préposé qui ne réunirait pas de grands talents et de longs services.
Enfin, Messieurs, les règles que nous vous proposons ne nous ont pas paru applicables à la première formation de l'établissement général; il a fallu choisir pour préposés, dans quelques provinces, des hommes du pays, et qui en connaissent le langage et les mœurs. Vous avez aussi décrété une exception en faveur des commis des anciennes fermes et régies ; et nous vous propo-sonsde maintenir cette exception pendantcinq ans, en ordonnant l'exécution du surplus, à compter du 1er juillet prochain.
Les traitements des divers préposés, et tous les frais accessoires, ne doivent pas, d'après nos aperçus, s'élever au-dessus de 7 0/0; lorsque, dans l'ancien état, ils s'élevaient à plus de 15 0/0, quoique le nombre des préposés fût beaucoup moindre.
Deux considérations nous ont déterminés dans les modes de traitement que nous avons adoptés. 11 faut que des services utiles soient honnêtement payés ; mais il ne faut pas que les préposés de finance forment un contraste frappant avec tous les autres fonctionnaires publics, et que le peuple, en voyant des préposés enrichis, regrette le fruit de ses sueurs et l'impôt qu'il paye.
Nous espérons que vous trouverez sage la modération avec laquelle les traitements sont fixés ; et nous ne doutons pas aussi que tous les préposés, jaloux de l'estime de leurs concitoyens, continueront leurs fonctions avec le même zèle.
Nous avons, au surplus, en fixant la remise de chaque receveur sur sa recette particulière et celle des autres employés sur le produit général, présenté à chacun la juste récompense de son zèle et de ses services.
Nous avons borné la remise du receveur particulier à sa recette, parce que cet employé n'a point à porter ses vues et ses opérations au delà de son territoire : nous avons, au contraire, porté la remise des autres employés sur le total des produits, parce que ces employés doivent sans cesse envisager l'ensemble des intérêts de la régie, et suivre leurs travaux, sans se croire renfermés dans les limites d'un bureau ou d'une direction.
Nous ajoutons à ces considérations, que s'il était possible d'avoir des inquiétudes sur Ta régularité des comptes, et sur la promptitude avec laquelle ils devront être rendus par les commissaires administrateurs, un des meilleurs moyens d'en assurer l'exactitude est d'intéresser un grand nombre des employés au résultat de ces comptes.
Au surplus, Messieurs, il est indispensable de fixer, à tous ceux qui ne doivent .toucher leur remise que sur le total des produits, un traitement fixe annuel, en forme d'avance sur leur= remi-e; et comme cette nécessité ne s'applique pas aux receveurs particuliers qui pourront,; chaque fois qu'ils compteront retenir sur leur recette la portion qui leur est attribuée, nous ne vous proposons de traitement fixe que pour les premiers. : .
Nous n'avons pas cru qu'il dût y avoir de différence de traitement éntre les administrateurs appelés à partager les mêmes fonctions^ à habiter la même ville, et dans la nécessité de faire à peu près les mêmes dépenses.
Mais nous avons pensé que les employés placés dans les grandes villes seraient obligés à de plus grandes dépenses que ceux qui seraient fiiés. dans de petites viljes ; il nous a paru juste d'améliorer un peu le sort des premiers; tel est lè motif dé partage que présente le tableau annexé au décret. La répartition des traitements et remises des directeurs, et autres employés à remise sur le produit général, est faite de façon à régler, dans une juste proportion avec les besoins, les traitements des employés .des grandes villes.
Cette mesure, d'une justice rigoureuse, doit même produire un autre effet avantageux; elle encouragera les employés intelligents à demander les places les plus laborieuses. Le résultat de la répartitiôn présente pour minimum du traitement fixe des directeurs, 4,600 livres ; de celui des inspecteurs 2,400 livres; des vérificateurs 200 livres, etc.
Nous vous avons parlé de modération dans les traitements, et vous auriez peine à reconnaître cette vérité, en comparant notre proposition à l'ancien état où il n'y avait que 7 directeurs qui eussent un traitement fixe plus fort, où plusieurs n'avaient pas seulement 3,000 livres, et où la plupart n'avaient pas 4,000 livres, ancien état où tous les inspecteurs n'avaient que 1,900 livres, et les vérificateurs 1,000 livres ; encore les inspecteurs avaient-ils, en 1781, été portés de 1,600 à 1,900 livres, de sorte que, dans la vérité, les traitements fixes que nous vous proposons sont plus considérables que les anciens.
Mais il faut ajouter, Messieurs, que les remises, telles que nous les proposons, seront bien différentes de ce qu'elles étaient ; que ia plupart des directions, en y comprenant les remises ordinaires, donnaient aux directeurs de 12 à 20,000 livres, sans compter l'agiotage des fonds ; que les remises des inspecteurs et vérificateurs s'élevaient dans une proportion relative ; et que, dans la nouvelle répartition, les directions de la nouvelle classe ne s'élèveront pas même à 12,000 livres, sur le produit présumé de 60 millions.
Aussi est-il un autre point de, vue sous lequel on reconnaît aisément la modération avec laquelle nous vous proposons de fixer les traitements.
Les anciens administrateurs, dans un tableau du 6 juillet 1790, finissaient par observer qu'il serait très difficile de rendre les nouveaux états de frais de régie plus économiques que ceux qui subsistaient. Cependant le résultat dés 6 années de dépenses de 1783 à 1789 est par année com-
mune de 614,21Î 1. 9 s. 7 d. sur un prôcjùit commun de 40,973,000 1. 6 s. 10 d., et ndus vous proposons de fixer les mêmes dépensas à 4,200,000 livres sur un produit de 60,090,000 livres.
Nous devons au zèle des nouveaux administrateurs, de nous avoir aidés à trouver les moyens économiques qui paraissaient si difficiles à leurs1 prédécesseurs, et nous devons vous ajouter que cette économie ne portera point sur les employés1 des grades inférieurs, dont au Contraire -le sort sera amélioré. - IpMïtsr om,^ s'i^fk*.
Il est cependant incontestable quelle'nombre des employés et les liaisons-'de Correspondance dans tout le royaume augmenteront non seulement les anciens frais de traitements, mais encore les autres dépenses de régie, de sorte que la diminution que nous vous proposons est ^encore plus considérable qu'elle ne le paraît au premier coup d'oeil. .S £i XtîMi sel 0W fe y-"
Au sur plus , cette partie des revenus ; publics sera désormais, comme toutes les autres) soumise à l'éxamen des législatures qui, en voyant les comptes, sauront rectifier les erreurs que nous aurions pu commettre.
Le dèrhier : titre ne renferme que des dispositions de discipline, et les vues en sont si faciles' à saisir qu'il est inutile; d'en dounër lé développement ; mais qu'il me soit permis de finir,' Messieurs, par une observation sur la comparaison qu'on peut faire de la régie de, l'enregistrement avec celle des douanes, et même avec toutes les régies connueB d'impôts indirects. .8 .
La régie des douanes exigera, d'après ce que vous avez décrété, une dépensé de plus : de 8 millions sur 26 millions; de nroduitB ; présumés^ c'est-à-dire qu'elle coûtera plus dé 30 0/0. >
Il est vrài que la nature particulière des douanes semble forcer les dépenses de sa régie ; mais celle des aides, telle qu'elle existait autrefois^ entraînait une dépense de 18; à 20 0/0,1 la ferme générale coûtait de 12 à 15 0/0, les régies particulières des autres droits coûtaient aussi de 10 à 20 0/0 ; de sorte que les dépenses que nous vous proposons pour la régie de l'enregistrement sont au moins de moitié et plus au-dessous >de celles des anciennes régies,-
J'ajouterai encore, Messieurs, qu'en Angleterre les régies d'impôts indirects coûtent au moins 20 0/0* que dans les autres parties de l'Europe elles coûtent 15 à 18 0/0$-to régie de l'enregistrement présente donc l'exemple de la plus graïade économie dans les frais de régie, et cependant elle réunit tout ce qui peut assurer un bon Service et l'existence honnête des employés.
Ainsi tout semble se réunir, en faveur du plan que noys vous proposons, et si l'Assemblée doit croire que les droits confiés à la régie augmenteront, elle peut espérer que, loin d'augmenter la proportion de la dépense, ce sera un moyen de la diminuer. Voici le projet de décret :
TITRE Ier.
De Vorganisation de la régie des droits d'enre* gistrement et. autres réunis. :
« Art. 1er, La régie des droits
d'enregistrement, timbre, hypothèques et des domaines nationaux,
corporels et incorporels, sera confiée à uqe seule administration, aux
conditions suivantes ; ;
« Art. 2. Le nombre des administrateurs sera de douze ; ils seront tenus derésider à Paris, et
de leolr des assemblée? pour l'expédition des affaires de la régie. Ils tiendront registre de leurs délibérations qui seront signées des membres présents.
« Art.. 3. Les administrateurs seront, sous la surveillance et les ordres du pouvoir exécutif ; tous les employés, nécessaires à la perception et régie des droits, seront sous les ordres des administrateurs.
« Art. 4. Il sera établi une direction dans chaque département, suivant l'état annexé au présent.' Toutes les anciennes directions des droits de contrôle et des domaines corporels sont supprimées.
« Art. 5. Il y aura par chaque direction, et squs la surveillance et les ordres du directeur, un inspecteur et un vérificateur ; et en outre, pareil nombre d'inspecteurs et vérificateurs qui seront envoyés par les administrateurs dans les directions où ils le jugeront utiles
« Art. 6. Il sera établi, dans chaque direction, un garde-magasin du timbre, un iimbreur et un tourner-feuille, et de plus, dans les villes où le besoin du service l'exigera, d'autres receveurs du timbre extraordinaire, timbreurs et tourne-feuille.
« Art. 7. Les bureaux de correspondance seront en nombre égal. à celui des administrateurs, et il sera de plus formé un bureau poiir la suite des recettes, dépenses et de la comptabilité générale.
« Art. 8. Chaque bureau de correspondance, près la régie centrale, sera composé d'un directeur, un premier commis, un vérificateur des comptes, un commis principal et quatre commis expéditionnaires.
« Art. 9. Il y aura, dans tous lés départements et districts, et dans les cantons où le, besoin du service l'exigera, des receveurs particuliers.
« Art. 10. Chaque receveur particulier sera tenu de fournir un caùtibnnemeht en immeubles de là valeur du quart du montant présumé de sa recette, sans que les cautionnements de ces receveurs puissent excéder 40,000 livres.
« Les vérificateurs fourniront un cautionnement de 10,000 livres^
« Les inspecteurs, de 40,000 livres;
« Les directeurs, de 20,000 livres;
« Les administrateurs, de 60,000 livres;
« Les gardes-magasins, dé 6,000 livres.
Ceux qui ont précédemment fourni des cautionnements en espèces, en seront remboursés après au'ils auront fourni les cautionnements en immeubles fixés pour leurs emplois, sans pouvoir exiger d'intérêt de leurs fonds de cautionnement a compter dû Ier juillet prochain.
TITRÉ II.
Des fonctions des djvefs employés 4e Vadmir nistration.
« Art. 11. Les receveurs particuliers seront assidus à leurs bureaux quatre heures le matin et quatre heures l'après-midij et les heures des séances seront affichées à la porte du bureau; ils feront sur leurs registres qu'ils arrêteront, jour par jour, l'enregistrement de tous les actes sujets à la formalité, à mesure qu'ils leur seront présentés* la perception et recette dé tous les droits établis par les décrets de l'Assemblée nationale, soit pour enregistrement, hypothèque, timbre ou autres droits qui pourront y être réunis, ainsi
que la régie et perception des revenus dès domaines corporels et incorporels dans l'étendue de leur arrondissement; ils feront les vérifications autorisées par l'article 4 du décret du 5 décembre 1790, et rapporteront les procès-verbaux des contraventions ; ils seront tenus d'enregistrer sur-le-champ toutes les recettes par eux faite», et d'en compter aux époques ordinaires à la déduction de leurs remises.
«Art. 12. Lés vérificateurs feront toutes les vérifications et recherches qui tendront à la conservation des droits confiés à l'administration, ou qui pourront y être réunis ; à cet effet, ils se transporteront danslws bureaux ou dépôts publics, sur les ordres qui leUr seront donnés par lès directeurs ou par les administrateurs; relèveront les perceptions vicieuses; soit pour réclamer, dans les délais, le moins perçu, ou rendre ce qui aura été indûment exigé; se feront représenter les comptereaux arrêtés par les inspecteurs, et les conféreront avec les registres, .pour s'assurer de l'exactitude des uns et des autres; prendront des extraits des actes civils ou judiciaires, pour s'assurer, en les confrontant avec les enregistrements, de la fidélité des receveurs ; relèveront les successions directes et collatérales, auquel effet tous dépositaires ne pourront refusêi* de leur communiquer les registres, minutes et les extraits de sépultures, et ils pourront prendre communication au secrétariat du district des rôles, matrices des contributions directes, en conformité de l'article 20 du décret du 5 décembre dernier ; et ils suivront le recouvrement de tous les droits exigibles, soit qu'ils dépendent de l'enregistrement ou des domaines corporels et incorporels.
« Art. 13. Les inspecteurs feront des tournées, dont le nombre et la durée seront déterminés par les administrateurs, pour arrêter le montant des recettes sur chaque registre; formeront les comptereaux, dont un double restera au receveur, et l'autre sera remis au directeur avec les pièces de dépense ; ils tiendront dés journaux de recette et de dépense pour l'ordre de la comptabilité, cotés et paraphés par un juge du tribunal du district du chef-lieu du département; vérifieront la Conduite des receveurs, à l'égard de la comptabilité, et leur exactitude dans toutes leurs fonctions; feront les visites autorisées chez les notaires, greffiers et huissiers ; feront faire lés poursuites nécessaires pour le recouvrement des droits exigibles; défendront dans les tribunaux de district sur les instances engagées d'après les ordres du directeur; veilleront a l'instruction des receveurs; rendront compte au directeur de ceux qui seront en débet, les contraindront sur-le-champ, par les voies de droit, et provisoirement leur fermeront la main.
« Art. 14. Les directeurs, dans l'étendue de chaque département, donneront à tous les employés les ordres et .instructions que l'intérêt de la régie exigera ; veilleront et feront veiller à Ce que la perception soit faite en conformité des lois; à ce que les employés soient assidus à leurs fonctions et s'en acquittent, à ce que les nbtairès, greffiers, huissiers contrevenants aux lois, soient poursuivis et condamnés àux peines par eux encourues; ils fërcint faire par les inspecteurs, ou, en cas de maladie ou de vacance d'emplois, par les vérificateurs, les tournées de recouvrement et autres; clôront et arrêteront les comptes des inspecteurs ; n'alloueront que les dépenses autorisées et appuyées des pièces en bonne forme ; décerneront des contraintes etferont toutes poursuites contre les préposés en débet; instruiront
et défendront Sur les instances qui seront engagées âèvànt les tribunaux de district ; rendront compte aux commissaires administrateurs des transgressions aux ordres généraux et particuliers de régie ; se feront fournir par les receveurs les états du produit de Chaque mois, et empêcheront que les ronds restent dans leurè caisses au delà du temps prescrit; feront fournir et renouveler au besoin fes cautionnements et eh constateront ta solidité. Ils enverront à l'administration, avant le 1er mai dé chaque année, leur compte général des produits et celui des dépenses d'impressions et registres de l'année précédente, auquel ils joindront toutes les pièces de reèette et de dépense, â peine de perte, pour chaque mois dé retard, d'un sixième sur leurs, remises.
« Art. 15. Le garde^magasin recevra des fournisseurs les papiers blancs destinés pour le timbre.
« Il examinera Ces fournituréSj les comparera aux échantillons des marchés, mettra au rebut celles qui n'auront pàs les qualités prescrites, ce sera sur son .certificat que le fournisseur sera payé du prix de ses livraisons.
« II expédiera aux différents distributeurs les envois de ces papiers timbrés qui lui seroht demandés. Il tiëûdra registre de ces différentes recettes et dépenses én papiers blancs et timbrés.
Les timbres Seront débosès'chèfc le directe or ; lé garde4magâsin lès prendra pour le service du timbre,qui ne pourra être fait qu'en sa présence, et les ré mettra, après chaqUè vacationi au lieu de lettrdéjtôt.
« Il surveiller^ le tràvàil et l'exactitude des timbreurs'
« Tous les pàpiéfs à tinibrér à l'eittaordîn&ire seront présentés au receveur du timbré extr.aur-didairP, qiil liquidera, d'après lé tarif, le drdit de timbre et expédiera un permis de timbrer^'por-tant inëntidb du norh dë la parfië, de l'eSpècè des papiers à timbrer et de la quotité dëô droits re-£ùs.
« Ce bulletin sera porté au garde-magasin qui l'éfarégistrei'â de mêfhe et fera apposer le tiihbre.
« Art. 16. Les timbreuirs appôsérbût les tittibtés des différentes eépëCeS sur les papiers destinés à là débité.ordinaire et sur ceux qui sèrottt présentés par le publifc au tiinbrè extraordinaire.
« Le timbreur sera subordonné àu garde-magasin et soué Son inspection i'Émédiate.
« Chaque toùrne-feùille aidera assidûment le timbreur dans ses fonctions et serk égàlënlëht sous l'inspection du garde-magasin.
« Art. 17. LëS commissaire^ administrateur^ ëïerceftîut Une fedrveill|âncë âctiVe sur tôus les préposés de là régie; dirigeront leurs thottve-Inénts ; nomrheront k tous les emplois en se cou-' formant aux règles prescrites; ordonneront les changements d'employés d'un département à un autre; ou d'un bureau à un autre; feront descen-cendre à un grade inférieur ceux qui ne se trouveront pas aVbir lés talents nécessaires .pour exercer les emplois à eux confiés ; destitueront les employés qui Se sëront édartés de ieufs devoirs, où n'àuront pas rempli avec fidélité et exàctitiide leurs ôblrgations ; feront pôùrsuivtë. lés comptables reliquataires pâr les Voies de droit; tfrdon-nërcfht les payétneiltâ dès, achats 'faits pour le compté de la régie ; fourniront par chaque quartier un bordereau des recettes et dépenses ; vérifieront, clôrbnt et arrêiéroùt les comptes dé cîia-que directeur ét rëhdt'ônt çliaque année, dans le mois dé nbvétnbfe au pliïé tard, lëur compte géhétal des jproduits èt dépendes dé Panilée pré-
cédente^ auquel compte ils joindront toutes les pièces de recette et dépense, à peine de perte, par Ghaque mois de retard d'un sixième sfif leur remise. Ces comptes et lesdits bordereaux de quartier seront remis au pouvoir exécutif, et des doubles déposés aux archives nationales.
Î1TÎIE III.
De Vadmission aux emplois èt des règles d'-avànce-tnënti
« Art. 18. Nul ne pourra parvenir aUx emplois de la régie des droits d'enregistrement et autres réunis sans avoir été surnuméraire ; et pour obtenir une commission de surnuméraire, il faudra avoir, au moins 48 ans accomplis. Les surnuméraires seront placés dans les bureaux que leur? indiqueront les administrateurs. ;
« Art. 19. Les bureaux -de 600 livres et au-dessous, qui viendront à vaquer seront donnés aux surnuméraires, pourvu qu'ifs aient. 21 ans accomplis.
a Art. 20. Tous les bureaux au-dessus de 600 livres, jusque li500 livrés, ne pourront être donnés qu'aux receveurs des bureaux inférieurs.
« Art. 21. Nul ne pourra être nommé vérificateur qu'il n'ait exercé les fonctions de receveur dans -les bûreaux de l'enregistrement, au moins 4 années, dbnt unëdaris un bureau dë chef-lieu de district, i
« Art. 22. Les bureaux de 1^00 livres et au-desSufe ne pourront être donnés qu'à des receveurs de la classe immédiatement précédente, à des vérificateurs, à des inspecteurs ou aux premiers commis de la correspondance.
« Art. 23. Nul ne pbiirrà èfré nommé inspecteur qu'il n'ait été vérificateur au moins ^ ans.
« Art. 24."Lés airéôtîôfts, S, Uné paît seulement, ne pourront être données qu'aux inspecteurs ou aui sous-directelifi dé lacorre&pondance, ayant au moins 5 ahnéës d'exercice en ces qualités.
* Art. 25. Les autres direotioiiB ne poutront être données qu'aux directeurs de la classe précédente, ou aux directeurs dë lâ cdrrespondance, ayant aussi au moins 4 ani d'exërcice d&hs ces qualités.
« Art. 26. Les placés d'eipéditiônn&irèsi qui Viendront à vaqùër dans les bureaux dë Correspondance, seront données aux surnuméraires:
« AiH; 27. Celles d es comtois principaux sëront données aux expéditionnaires, ou à des reéevëurs des burëaui dé la classe- de 600 livrés et au-dessus. .
« Art. 28. Cëlles des vérificateurs des comptes seront données ou à des vérificateurs ou à des receveurs des bufeaux, au-dessus de 1,500 livres..................., | 1É||
« Art; 29. Géllefe des premiers commis sëront données à des vérificateurs ou inspecteurs..'
« Art. 30. Celles dô sdbs-directénrs,-à des premiers commis., ou à des inspecteurs, ayant au fadinfe 3 ans d'exërciCe ed cés qualités ; et Celles de directeurs, aux sous-directeurs, -ou à des directeurs-des dirëctions dë départemëflt.
« Art, 31. Les régisseurs seront choisis et nommés par le roi^enti^ touS lë^ diîéètëa^s de département ou de correspondance, ayantau moins o années d'exercice én ces qualités;
« Art. 32. Lés directeurs sé^brit chôii^ls et nom-més par lé ministre des CbiïtribUtionS; publiques, entre 3 sujéts qui1 lui sëtont présentés par les régisseurs ; et qui réunirai!* lés fcoftditioins près cntëS. ' " âpe-'qrac : siwb îë'&i®
« Tous les autres préposés seront nommés par la régie.
« Art. 33. Les places de receveur et garde-magasin du timbre ne pourront être données qu'à d'anciens receveurs de bureaux de 600 livres et au-dessus, ou à des vérificateurs.
« Pourront également y être nommés les premiers commis de direction, après 10 ans d'exercice dans cette qualité.
« Art; 34. Celles de timbreur, tourne-feuille et compteur seront données de préférence à d'anciens gardes des fermes ou régies, ou à des invalides de l'armée.
« Art. 35. Les directeurs rendront compte, chaque trimestre, de l'assiduité et des talents et des services de chacun des préposés de la régie, qui leur sera subordonné ; et les régisseurs rendront également compte au ministre de l'assiduité et des talents et services de chaque directeur : il en sera tenu registre, tant à 1 administration que dans le bureau du ministre.
« Art. 36. L'ancienneté des services sera un titre de préférencépour les places vacantes, mais seulement pour ceux dont il aura, toujours été rendu les comptes les plus avantageux.
« Art. 37. Les administrateurs seront tenus de se conformer aux dispositions précédentes ; il ne pourra, dans aucun cas, être disposé des places à titre de survivance, adjonction ou autrement.
« Art. 38. L'exécution des dispositions du présent décret n'aura lieu qu'à compter du 1er août prochain; et en seront exceptés, pour le mode d'admission, pendant 5 ans, les commis et employés des régies supprimées.
TITRE IV.
Traitements des employés.
« Art. 39. Les traitements de tous les employés de . la régie sont fixés comme il suit :
« A chacun des receveurs, particuliers une remise sur le montant de sa recette, savoir : dans les bureaux dont la recette annuelle s'élève à 400,000 livres et au-dessus de 1 et 1/2 0/0.
« 1 et 3/4 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 300 à 400,000 livres.
« 2 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 200 à 300,000 livres.
« 2 et 1/4 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 150 à 200,000livres.
« 2 et 1/2 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 150 à 200,000 livres.
« 2 et 1/2 0/0 où elle est de 100 à 150,000 livres.
. « 2 et 3/4 0/0 où elle est de 75 à 100,000 livres.
« 3 0/0 dans ceux où elle est de 50 à 75,000 livres. .
« 3 et 1/4 0/0 dans ceux où elle est de 30 à 50,000 livres.
« 3 et 1/2 0/0 dans ceux où elle est de 20 à 30,000 livres.
« 4 0/0 dans ceux où elle est de 10 à 20,000 livres.
« 5 0/0 dans ceux au-dessous de 10,000 livres.
« Art. ,40. Pour tous les autres employés, les traitements seront réglés à une quotité de remise sur la totalité du produit de tous les droits régis; mais il leur sera payé une somme fixe, èn 4 termes égaux, sans que cette somme puisse essuyer de diminution, et à la charge seulement de la faire entrer dans le compte de remise sur les produits.
« Art. 41. Là remise, pour les 12 administrateurs, sera de 2/5 0/0, et leur traitement fixe annuel de 12,000 livres, payables 'par quartier, lesquelles 12,000 livres feront partie de leur remise.
« Art. 42. La remise des 83 directeurs est fixée à 10/0 divisé, en 96 parts, entre les 83 directeurs.
« Art. 43. La remise des inspecteurs est fixée à 9/100/0; celle des vérificateurs à 1/2 0/0; celle des gardes-magasins à 1/5 .0/0; celle des receveurs du timbre extraordinaire à 1/6 0/0.
Art. 43. Le traitement fixe des directeurs, inspecteurs, gar les-magasins et receveurs du timbre extraordinaire, leur sera payé suivant le tableau annexé au présent, et leur remise dans la même proportion.
« Art. 45. Le traitement des timbreurs, tourne-feUille et compteurs sera payé suivant le même tableau annexé au présent; il sera alloué pour cette dépense un 6 0/0, et l'excédent du traitement fixe sera distribué en gratifications proportionnées à l'importance des directions et aux bons services des employés.
« Art. 46. La remise dés employés, dans les bureaux de correspondance à Paris, est fixée à 13/24 0/0; leur traitement fixe leur sera payé suivant le tableau annexé au présent, et leur remise dans la même proportion.
« Art. 47. Pour tous frais de registres, d'impression, de ports de lettres et de ballots de formule, de garçons de bureaux, fournitures de lumières, bois de chauffage et autres menues dépenses des administrateurs et de leurs bureaux à Paris, et l'entretien de l'hôtel, il sera alloué 11/24 0/0; l'excédent de dépense, s'il y en a, sera pris sur la remise totale des administrateurs et de leurs bureaux ; et le bénéfice de la diminution de dépense sera ajouté à leur remise.
« Art. 48. Les remises et traitements, mentionnés aux articles précédents, commenceront à, courir du 1er février dernier pour les employés existants.
« A l'égard des employés qui auront été ou seront mis en place postérieurement à ladite époque, leurs appointements ne commenceront à courir que du jour de leur installation dans leurs emplois et cesseront le jour qu'ils ne seront plus en place.
« Art. 49. Si des fournitures extraordinairès, ou d'autres événements imprévus, nécessitaient une augmentation dans la dépense ci-dessus fixée, le pouvoir exécutif pourra provisoirement l'autoriser, sur la demande des administrateurs, jusqu'à la concurrence de la somme de 100,000 livres ; et, sur cette autorisation, lesjcommissaires de la trésorerie pourvoiront à son acquittement.
TITRE V.
Dispositions de discipline générale.
« Art. 50. Les produits de la régie ne seront comptés pour la fixation des remises générales, qu'après déduction du prix marchand dés papiers de la formule, ainsi que des remises retenues par les receveurs particuliers, ports de lettres, dépenses d'impression et autres frais de régie»
« Art. 51. Il ne pourra être accordé, par les préposés à l'administration et autres agents du pouvoir exécutif, aucune remise de droits ni modération, à peine d'en compter personnellement.
« Art. 52. Ne pourront pareillement aucuns corps administratifs, ni tribunaux, accorder de remises ou modérations des droits ou perceptions indirectes, à peine de nullité des jugements.
« Art. 53. Les administrateurs, directeurs et autres employés qui participeront à une remise sur la totalité des produits, ne pourront retenir aucunes sommes entre leurs mains pour raison des remises qui pourront leur revenir,'7 sauf à. recevoir leur remise, d'après les comptes et recettes de Chaque année; et lorsque les états de répartition seront expédiés, ce qui se fera par la fixation générale, après l'arrêté des comptes de tous les directeurs, il pourra néanmoins être payé un acompte de la moitié des remises, en sus du traitement fixe, d'après les bordereaux certifiés des recettes et dépenses de tous les directeurs.
« Art. 54. En cas de vacance d'emplois ou d'absence d'employés, leurs remises accroîtront à la masse générale des remises des employés supérieurs qui auront rempli les fonctions de la place vacante, ou tourneront au profit du surnuméraire qui les aura faites.
« Art. 55. Aucun employé ne pourra s'absenter sans un congé par écrit des administrateurs ; et il n'en sera expédié que sous la condition expresse que les employés perdront leurs traitera ents et remises au prorata du temps qu'ils n'auront pas fait leur service.
« Art. 56.: Les remises générales seront payées aux employés qui y ont droit, d'après l'état général de répartition arrêté par le ministre du département.
« Art. 57. Les ambulants et vérificateurs qui auront constaté par des procès-verbaux : 1° des droits non tirés, hors ligne, par les receveurs particuliers; 2° des erreurs de calcul au préjudice de la régie ; 3° des droits laissés en souffrance ; 4° enfin des omissions de recette dans les comptereaux arrêtés entre les ambulants et les receveurs particuliers, jouiront de la remise à laquelle eussent eu droit lesdits receveurs, lesquels en seront privés,
«. Art. 58. Au moyen des remises accordées ci-dessus aux préposés de l'administration, il ne sera alloué aucune dépense pour loyers de maisons, bureaux, magasins, frais de commis, papier, lumière et-autres quelconques, ni -aucun frais de poursuite, signification de contraintes ni autres frais, pour la répétition desquels les préposés n'auront de recours que contre les redevables.
« Art. 59. Dans le cas de changement d'emplois, destitution ou mort des préposés, qui auront commencé les poursuites, il leur sera tenu compte, ou à leurs héritiers, du montant des frais de poursuites qui auront été avancés sur des droits bons à recouvrir ; et le remboursement en sera fait par le successeur à l'emploi, sur le pied de la liquidation qui aura lieu à l'amiable d'après l'inventaire double desdites poursuites ; et s'il survient quelques contestations à ce sujet, suivant la taxe qui en sera faite par le premier juge de district.
« Art. 60. L'administration sera obligée de timbrer ses paquets d'un timbre particulier, et les frais de transport des papiers, des ports de lettres et paquets ne seront alloués aux employés que sur l'état qu'ils en tiendront jour par jour, et autant qu'ils justifieront qu'il leur ont été adressés par l'administration ou par les corps administratifs, à faute de quoi toute demande sur cet objet sera rayée.
« Art. 61,' Les marchés pour les approvisionnements de papiers destinés à être timbrés seront passés au rabais, après affiches et publications, et en présence du directoire du départe-rnent. Il sera déposé au secrétariat du département des échantillons des papiers que l'adjudicataire se sera obligé à fournir de bonne qualité, et un double du traité pour y avoir recours au besoin. Le prix des papiers sera alloué suivant le3 quittances des fournisseurs en conformité des marchés et sur les reconnaissances de réception du garde-magasin, vérification faite des quantités et qualités énoncées dans les lettres de voiture.
« Art. 62. Les traités pour fournitures de papiers, registres, sommiers, tables alphabétiques, états, comptereaux et autres impressions nécessaires pour la régie, seront faits de la même manière, et le prix alloué- au fur et à mesure des livraisons faites par les fournisseurs en conformité des marchés.
« Et pour connaître en tout temps la consommation et les restaux en nature desdits registres, sommiers, etc., les directeurs tiendront un registre en recette de tous ceux gui leur seront fournis, et [en dépense, jour par jour, de là distribution qui en sera faite, pour en rendre compte à la fin de chaque année; au soutien duquel ils rapporteront les reconnaissances des fournitures et envois qu'ils auront faits. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et passe à la discussion article par article.)
, rapporteur, soumet à la délibération les divers articles du projet de décret, dont il donne lecture :
TITRE Ier.
De Vorganisation de la régie des droits d1 enregistrement et autres réunis. i
Art. 1er.
« La régie des droits d'enregistrement, timbre, hypothèques et des domaines nationaux, corporels ét incorporels, sera confiée à une seule administration, aux conditions suivantes. » (Adopté.)
Art. 2.
« Le nombre des administrateurs sera de douze ; ils seront ténus de résider à Paris, et de tenir des assemblées pour l'expédition des affaires jie la régie. Ils tiendront registre de leurs délibérations, qui seront signées des membres présents. » (Adopté.)
Art. 3.
« Les administrateurs seront sous la surveillance et les ordres du pouvoir exécutif; tous les employés nécessaires à la perceptioù et régie des droits seront sous les ordres des administrateurs. » (Adopté.)
Art. 4.
« H sera établi une direction dans chaque département, suivant l'état annexé au présent. Toutes les anciennes directions des droits de contrôle et des domaines corporels. sont supprimées. » (Adopté.).
Art. 5:
« Il y aura, par chaque direction et sous la
surveillance et les ordres du directeur, Un inspecteur et un vérificateur, et en outre, pareil nombré d'inspecteurs et vérificateurs qui seront envoyés par les administrateurs dans les directions où ils le jugeront utile. » (Adopté.)
L'article 6* après l'adoption de divers amendements, est soumis à la délibération dans les termes suivants :
Art. 6.
« 11 sera établi, dans chaque direction, un garde-magasin, contrôleur du timbre, un receveur du timbre extraordinaire, Un timbreur et un tourne-feuille, et de plus, dans les villes où le besoin du service l'exigera, d'autres receveurs du timbre extraordinaire, timbreurs et tourne -feuille» » (Adopté.)
Art. 7.
« Les bureaux de correspondance seront en nombre égal à celui des administrateurs ; et il sera de plus formé Un bureau pour la suite des recettes, dépenses, et dé la comptabilité générale. » (Adopté.)
L'article 8, après l'adoption d'un amendement, est soumis à la délibération dans ieé termes suivants :
Art. 8.
« Chaque bureau de correspondance, près la régie centrale, sera composé d1un directeur, d'un sous-directeur, d'un premier commis, d'un vérificateur des comptes, d'un commis priiicipal, et de quatre commis expéditionnaires. » (Adopté.)
Art. 9.
« Il y aura, dans tous les départements et districts, et dans les cantons où le besoin du service l'exigera, des receveurs particuliers. » (Adopté.)
L'article 10, après l'adoption d'un amendement, est soumis à. la délibération dans les termes suivants :
Art. 10.
« Chaque receveur particulier sera tenu de fournir uù cautionnement en immeublés de la valeur du quart du montant présumé de Sa rëCette, sans que les cautionnements de ces receveurs puissent-excéder 40,000 livres.
« Les vérificateurs.fourniront un cautionnement de 10,000 livres;
« Les inspecteurs, de 40,000 livres ;
« Les directeurs, de 20,000 livres ;,,
« Les administrateurs, de 60,000 livrés ;
« Les gardes-magasins et les receveurs du timbre extraordinaire, de 60,000 livres; sauf les directions des première et seconde classés, où ils seront du double.
« Ceux qui ont précédemment fourni des cautionnements en espèces en seront remboursés après qu'ils auront fourni les cautionnement en immeubles fixés pour leurs emplois, sans pouvoir exiger d'intérêt de letirs fonds de cautionnement, à compter du 1er juillet prochain. » (Adopté.)
TITRE II
Des fonctions det divers employés de Vadministra,-- tion.
Art. 11.
« Les receveurs particuliers seront assidus à leursbùreaux 4 hëuïes le matin ét4heûfësTaprès-
raidi, et lesheures de séances seront affichées à la porte du bureau; ils feront suri urs registres, qu'ils arrêteront jour par jour, l'enregistrement de tous les actes sujets à la formalité, à mesure qu'ils leur seront présentés, la perception et recette de tous les droits établis par les décrets de l'Assemblée nationale, soit pour l'enregistrement, hypothèque, timbre ou autres droits qui pourront y être réunis, ainsi que la régie et perception des, revenus de?: domaines corporels et incorporels dans l'étendue de bur arrondissement; ils feront les vérifications autorisées par l'artiéle 4 du décret du 5 décembre 1790, et rapporteront^ es procès-verbaux dés contraventions; ils seront tenus d'enregistrer sur-le-champ toutes les recettes par eux faites, etd'en compter aux époquesordinaires, à la déduction de leurs remises. » (Adopté.)
. Art. 12.
« Lès vérificateurs feront toutes les Vérifications et recherches qui tendront à la ôonservation des droits Confiés â'l'administrationj ou qui pourront y être réunis; à cet effet, ils se transporteront dans les bureaux où dépôts publics , sur les ordres qui leur seront donnés par le directeur ou par'les administrateurs; relèveront les perceptions vicieuses, soit pour réclamer, dans les délais, le moins perçu, ou rendre ce qui aura été indûment exigé; se feront représenter les comp+, tereaux arrêtés par les inspecteurs, et les conféreront avec les registres, pour s'assumer-del'exac-titudé des Uns ët dés àutres; ; prendront des extraits des actes civils ou judiciaires pour s'as-sûrer, en les confrontant avec les enregistrements, dé la fidélité des receveurs ; relèveront les successions directes et collatérales, auquel effet tous dépositaires fie pourront refuser de leur communiquer lés registres, minutes ët les- -extraits -de sépultures, et ils pourront prendre communication au secrétariat du distfictj des rôles; matrices des cdiltributiohs directes* en conformité de l'article 20 du dééret du 5 décembre dernier ; et ils suivront lë recouvrement de tous les droits exigibles, soit qu'ils dépendent dê l'enregistrement ou des domaines corporels ou incorporels. » (Adopté.)
L'article 13, après l'adoption d'un amendement, est soumis à la délibération dans les térmes suivants :
Art. 13.
« Les lûëpeôteurs féront des tournées, dont le. nombre et la durée seront déterminés par les administrateurs, pour arrêtei* le montant des recettes ëur chaque registre ; formeront les compte-* reaux, dont un doublé restera au receveur, et l'autre sera remis au dirêCteUf aVec les pièces de dépense ; ils tiendront des journaux de recette et de dépense pour Tôfdfê dé la Conîptabilité,Cûtés et paraphés par Uù jugé du tribunal du district du chef-Iieù du département; vérifieront la conduite dés Receveurs à l'égard dê la comptabilité, et leur exactitude dàtts toutes leurs fonctions; Verseront à la caisse du district, à la fin' de chaque( semaine, les produits des bureaux dont la recette âniïUelle excédera 100*000 livres, et au moins à là fin de chaque mois les produits dés bureaux de recettes inférieures; feront les visites autorisées.chez leâ notaires, greffiers et huissiers ; feront faire les poursuites nécessaires pour le recouvrement des droits exigibles; défehdront, dans les tribunaux de district, sur les instances éngagées d'après les ordres du directeur ; veilleront à l'instruction des refcéveursj. rendront
compte au directeur de ceux qui seront en débet, les contraindront sur-le-champ par les voies de droit, et provisoirement leur fermeront la main. » (Adopté.)
Art. 14.
« Les directeurs, dans l'étendue de chaque département,.donneront à tous les employés les ordres et instructions qUe l'intérêt de la régie exigera; veilleront et feront veiller à ce que la perception soit faite en conformité des lois; â ce que les employés soient assidus à leurs fonctions et s'en acquittent; à Ce que les notaires, greffiers, huissiers contrevenant aux lois, soient poursuivis et condamnés aux péines par eux encourues; ils feront faire, par.lés inspecteurs, ou, en cas de maladie ou dé vacance d'emplois, par les vérificateurs, les tournées de recouvrement et autres; cloront et arrêteront les comptes des inspecteurs ; n'alloueront que les dépenses autorisées et appuyées dé pièces en bonne forme ; décerneront des contraintes et feronttoùtes les poursuites contre les préposés en débet ; instruiront et défendront sur les instances qiii seront engagées devant les tribunaux dé district ; tendront corfipté aux commissaires-administrateurs des transgressions. aux ordres généraux et particuliers de régie; sé feront fournir par lesreceveurs les états de produit de chaque mois, et empêcheront que les fonçlsi restent dans leurs caisses au delà du temps prescrit; féront fournir et rénouveier au besoin les cautionnements, et en constateront la solidité. Ils enverront à l'administration, avant lé 1" mai de chaque, année, leur compte général des produits et celui des dépeûses d'impressions et registres de l'année précédente, auxquels ils joindront toutes les pièces de recette et de dépense. à peine dè perte, pour chaque mois de retard, d'un sixième sur leurs remises. » (Adopté.) L'article 15, après l'adoption d'un amendement, est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 15.
« Le garde-magasin recevra des fournisseurs les papiéri blancs destinés pour le timbre.
« Il examinera- ces fournitures, les comparera aux échantillons des marchés, mettra au rebut celles qui n'auront pas les qualités prescrites ; ce sera sur son certificat que le fournisseur sera payé du prix de ses livraisons.
« Il expédiera aux différents distributeurs les èhvois de ces papiers timbrés qui lui seront demandés. Il tiendra registre de ces différentes recettes et dépenses éh papiers blancs et timbrés.
« Les timbres seront déposés dans le magasin du timbre, dans un coffre à trois clefs, dont une ès mains du directeur, une ès mains du receveur du timbre, l'autre ès mains du garde-magasin chez le directeur ; le garde-magasin prendra les timbres pour lé service du timbre, qui né pourra être fait qu'en.sa présence, et les remettra, après chaqrue vacàtion, au lieu de leur dépôt.
« Il surveillera le travail et l'exactitude des timbreurs.,
« Tous les papiers à timbrer à l'extraordinaire seront présentés £tu receveur du timbre extraordinaire, qui liquidera, d'après le tarif, le droit de timbré, et expédiera up. permis de timbrer portant mention du nom de la partie, de l'espèce des papiers à timbrer, et de la quotité de$ droits reçus.
« Ce bulletin sera porté au garde-magasin, qui l'enregistrera de même, etfera apposer le timbre. » (Adopté.)
Art. 16.
« Les timbreurs apposeront les timbres des différentes espèces, sur les papiers: destinés à la débite ordinaire, et sur ceux qui seront présentés par le public au timbre extraordinaire.
« Le timbrent sera subordonné au garde-magasin et sous son inspection immédiate.
« Chaque tourne-feuille aidera assidûment le timbreur dans ses fonctions, et sera également sous l'inspection du garde-magasin. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article il.
Je propose, par amendement à cet article, de mettre après-ces mots : « nommeront à tous les emplois, en se conformant aux règles prescrites », ceux-ci : « et notamment au décret du 8 mars sur la nomination des employés ».
, rapporteur. Il y â un titré qui répond à votre observation et d'ailleurs le décret porte : t Les administrateurs nommeront... »
Vous leur laisseriez la faculté de favoriser dés protégés, et je maintiens qu'il ne faut jamais de protégés. (Applaudissements). Je demande qu'il soit dit que ceux qui nomment soient tenus de nommer aux termes du décret du 8 mail.
Il y avait des gens dàns les anr ciennes administrations qui n'avaient d'autres talents que celui de fouiller dans les malles des voyageurs, et qui ne" seraient pas en état de travailler dans les nouvelles administrations. Je propose pour amendement à la motion de M. Camus: * s'ils en sont jugés capables ».
(de Saint-Jean-d'Angély). Si M. Camus entend, par sa proposition; donner un effet rétroactif au décrét, je m'y Oppose autant qu'il est en moi; car je crois que ce serait occasionner dans tout l'Empire ùnê commotion dangereuse. Si telle n'est pas l'intention de M> Camus, alors je défends sa motion qui est absolument la mienne et que j'ai soutenue devant les administrateurs avec beaucoup de chaleur, avec énergie.
Je ne demande pas qu'il y ait d'effet rétroactif au delà de la loi ; je demande que tous ceux qui niaient pas en possession de leurs places avant le 8 mars soient nommés ou remplacés par les personnes des anciennes administrations. Mon amendement est donc que, conformément au décret du 8 mars, ceux qui, n'ayant été mis en possession de leur emploi que postérieurement à ce décret, n'auraient pas les conditions requises par ce décret seront remplacés par les anciens employés.
Ma motion, du 8 mars ne fut point rejetée, elle fut seulement renvoyée; alors je demandai que la loi eût ua effet rétroactif, et certainement ce que je; demandais était juste; qu'est-il arrivé depuis ce temps-dà? c'est que, dans la plus grande partie du royaume, on a placé des protégés des bas protégés; dans le département, on vpit tous intrus dans la partie du timbre et. de l'enregistrement parmi lèsquels se trouvent des jeunes gens sortis du collège, dés avocats qui sont
fâchés de ne plus trouver aujourd'hui l'occasion de faire des consultations. (Rires.) Messieurs, je dirai tout parce que je suis très naïf. (Nouveaux rires.) Dans ce département ontrouve 2 frères d'un honorable membre de cette Assemblée, et voilà à quoi les membres de cette Assemblée emploient le faible crédit qu'ils peuvent avoir à faire placer leurs parents. (Applaudissements:) Si vous ne tenez pas la main à l'exécution de votre décret du mois,de mars, vous allez vous trouver chargés de 20 ou 30,000 pensionnaires, vous serez obligés de donner des secours, de fournir du pain à ceux qui se présenteront avec des preuves de travail, avec des preuves d'expérience; eh bien I Messieurs, ces gens-là sont rep'oussés par des hommes qui se donnent des airs de protecteurs. Ce sont pourtant des pères de famille, ce sont des hommes dans l'esprit de la Révolution qui ne demandent qu'à travailler, et qui sont ici autour de nous à mourir de faim.
Je ne rappellerai pas la motion que je fis au mois de décembre, mais je demande qu'avec toute lasévérité possible, l'effet de la loi que vous allez prononcer porte jusqu'au 8 .du mois de mars, et queious ceux qui, ayant été étrangers à la chose à cette époque-là, auront été placés soient à l'instant destitués et remplacés par des gens capables. (Applaudissements.) (Aux voix! aux voix!)
, rapporteur. Gomme je ne veux pas plus que les préopinants que Kintrigue et la protection aient leur effet, j'adopte le surplus de l'amendement.
Voici en conséquence comment je rédige l'article:
Art. 17.
« Les commissaires administrateurs exerceront une surveillance active sur tous les préposés de la régie ; dirigeront leurs mouvements ; nommeront à tous les emplois, en se conformant aux règles prescrites, notamment en conformité du décret du 8 mars, les commis des fermes, régies et administrations supprimées; et dans le cas où quelques-uns des employés déjà nommés sans réunir les qualités ci-dessus, ne l'auraient pas été avant ledit jour 8 mars, ils seront remplacés de suite par des sujets ayant les conditions requises par le décret du 8 mars; ordonneront les changements d'employés d'un département à un autre", ou d'un bureau à un autre; feront descendre à un grade inférieur ceux qui ne se trouveraient. pas avoir les talents nécessaires pour exercer les emplois à eux confiés ; destitueront le& employés qui se seront écartés de leurs devoirs, du n'auront pas rempli avec fidélité et exactitude leurs obligations, feront poursuivre les comptables reliquataires par les voies de droit; ordonneront les payements des achats faits pour le compte de la regie; fourniront, par chaque quartier, un bordereau des recettes et dépenses; vérifieront, cloront et arrêteront leur compté général des produits et dépenses de l'année précédente, auquel compte ils joindront toutes les pièces de recettes et de dépenses, à peine de perte, par chaque mois de retard, d'un sixième sur leur remise. Ces comptes et susdits bordereaux de quartier seroht remis au pouvoir exécutif, et des doubles déposés aux arcnives nationales. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous passons maintenant au titre III.
(de Saint- Jean-d'Arigêly). Je demandé la permission de faire une observation à l'Assemblée sur les divers articles qui viennent d'être décrétés, ^
Vous aviez décrété jusqu'ici 9 administrateurs ; ces 9 administrateurs ont fait tout ce qu'il y avait à faire, c'est-à-dire l'établissement de ces deux parties d'impôts dans tout le royaume, c'est-à-dire dans des. pays où le travail était absolument nouveau j, c'est-à-dire que, depuis le moment de leur administration, ils ont eu 4 fois à faire ce qu'ils auront à faire à l'avenir ; et cependant le pouvoir exécutif n'en avait nommé que 9, ce qui prouvait que le nombre de 10 était au moins suffisant. Je vous avoue que ce n'est pas sans quelque étonnement que je vois ce rapport fait au commencement dé la séance, et que par ces rapport on nous demande à augmenter les administrateurs de 3.
J'interromps l'opinant, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(de Saint-d'Angèly). Je demande, pour l'intérêt du peuple, qu'on ne paye point des hommes inutiles. (Applaudissements.)
A l'ordre du jourl à l'ordre du. jour I.
(de Saint-Jean-d'Angély). Puisqu'on réclame l'ordre du jour, et qu'on ne veut pas entendre mes réclamations je demande à faire une observation sur le règlement. Je réclame l'exécution du règlement, qui porte qu'on ne délibérera pas à moins de 200. (Murmures.)
Je demande que tous ceux qui ne se trouveront pas au commencement de la séance soient privés de leurs appointements. (L'ordre du jour ! l'ordre du jour !)
(de Saint-fean-d'Angély). Je veux dire à l'Assemblée quelles sont les intrigues qui ont préparé cela, et, si un décret me ferme la bouché, je me tairai.
Messieurs, je répète que, si le projet de décret qu'on vous propose avait été à Tordre du jour, j'aurais été très exact à me trouver au commencement de la séance, parce que j'avais des réflexions à présentèr à l'Assembléè; je répète que l'établissement s'est fait avec 9 administrateurs; qu'on a cru que ces 9 places suffisaient, puisqu'on n'en a pas nommé d'autres; mais qu'est-il arrivé? Ce que vous disait M. Bouche, c'est que des gens qui n'ont pas de places, qui veulent en avoir, qui veulent être payés aux dépens du peuple, soit que le peuple ait besoin ou non de leurs services, sollicitent pour avoir des places ; c'est que tout le monde sait que des hommes, que j'indiquerai, s'il est besoin, se sont agités pour faire créer des places, afin de les avoir. Par exemple, les commis dès anciens bureaux de M. Desforgés, squs prétexte de la réunion des domaines incorporels, sous prétexte de talents vrais- ou faux, je ,ne l'examine point, se sont remués pour être placés... Quel danger y a-t-il? Le voici.C'est que ces gens viendront dans Une administration bien établie, zélée, bien d'accord, semer le trouble, là division peut-être, et empêcher la perception de l'impôt; c'est que toutes les économies sont un devoir sacré pour vous. C'est ce sentiment-là qui m'a fait prendre le parti de réclamer si fortement 1 la parole ; et je répète que, comme le décret n'é-
, tait pas à l'ordre du jour, comme lès membres qui avaient énvie de parler n'étaient pas présents|; comme j'aurais pu réclamer demain sur le procès-verbal si j'avais eu des doutes, j'ai mieux aimé réclamer aujourd'hui. Je vous fais juge de . cet objet ; ma conscience est acquittée, vous ferez ensuite ce que vous voudrez. (.Applaudissements.)
Si vous étiez venu assez tôt, vous auriez su les motifs qui nous ont déterminé.
La réunion des différents objets à cette régie a nécessité un nombre d'administrateurs au-dessus de celui d'abord fixé.
Je ne sais si les prétendants aux 'trois nouvelles places, dont vous avez décrété ce matin la création, se sont agités autour de plusieurs membres de cette Assemblée pour les engager en faveur d'une augmentation de places ; mais ce que je sais, c'est que les 9 administrateurs actuels se sont prodigieusement agités pour s'opposer à cette augmentation. Et cela parce qu'il est de leur très grand intérêt que cette augmentation n'ait pas lieu, parce qu'alors les remises se partageront.
(de Saint-d'Angély). Eh bien, il faut diminuer les remises.
Sans contredit. Messieurs, nous devons être économes de3 deniers publics ; mais gardons-nous surtout d'une économie qui nous coûterait 2 ou 3 millions, peut-être; car il est évident que 9 administrateurs ne pourront pas embrasser l'immensité d'opérations que leur offrent et les droits d'enregistrement, et les droits de timbre, et les droits d'hypothèques, et les domaines nationaux dont le tout forme une machine si compliquée, que véritablement elle effraye l'imagination. La régie des domaines nationaux, cette régie qui ne rapportera pas 2 milr lions, vous y avez consacré 8 places d'administrateurs, et vous en refuseriez 12 à une régie, dont l'objet est plus que décuple de celle-là 1 Je demande donc, Messieurs, qu'en maintenant votre décret de ce matin vous passiez sur-le-champ à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
L'ordre du jour- est la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur Vorganisation du Corps législatify ses fonctions et ses rapports avec le- roi. ù
, au nom du comité de Constitution (1). Dans le rapport que je vais vous faire, je ne me livrerai point aux développements auxquels pourraient donner lieu les articles que vous présente votre comité de Constitution (2).
J'avais commencé la composition de ce rapport, lorsque, frappé de
l'étendue qu'il acquérait, j'ai remarqué qu'il deviendrait impossible
d'éviter le double inconvénient, de traiter, sans fruit peut-être,
plusieurs questions qui pourraient bien ne pas être soulevées, ou qui se
termineraient par un simple éclaircissement, et d'en négliger quel-
J'ai reconnu aussi que les objets contenus dans les articles tiennent a des notions devenues familières à cette Assemblée, et dérivent des principes fondamentaux dont elle est depuis longtemps pénétrée, de manière qu'il m'a paru aussi inutile que peu séant de lui rappeler ici positivement tout ce qu'elle fait pour ne manquer d'aucun des éléments nécessaires à la discussion. Je me réserve seulement, en suivant les progrès de la délibération, de développer quelques-unes des questions qui paraîtront le mériter spécialement.
Mon objet est de vous donner, sur l'ensemble de notre travail et sur les parties dont il est composé des aperçus généraux que je crois propres à fixer l'ordre et à accélérer, par là, la marche de la discussion. Nous avons éprouvé souvent combien il est entravant, et en général peu utile, d'ouvrir sur un projet composé de nombreux articles, une discussion plutôt vague que générale, pour laquelle on réunit d'abord, dans un même décret, toutes les objections, toutes les modifications qui s'appliquent à des parties très différentes du projet. Il résulte de là plus d'embarras ou de facilités, plus d'incertitudes ou de lumières ; et comme il est impossible de décréter en cet état, il faut en revenir à démêler et à classer toutes ces objections, dont aucune cependant n'eût manqué d%re amenée à son tour dans l'ordre du projet; car le travail du comité est composé de 99 articles, dont 25, à la vérité, sont formés par des décrets déjà rendus; mais il y en a encore 74 à décréter.
Ces 74 articles renferment des objets très différents, dont on peut former des divisions distinctes. Chaque division peut établir une discussion particulière, parce qu'elle se rapporte à des vœux et à des considérations qui lui sont propres. Ce sont ces divisions que je veux vous indiquer.
Par les décrets constitutionnels, rendus en septembre 1789, vous avez décrété que le pouvoir législatif résiderait dans l'Assemblée nationale permanente, et qu'elle ne serait composée que d'une Chambre renouvelable tous les 2 ans. Par votre décret du 22 décembre de la même année, vous avez établi les principes de la représentation, le mode des élections, les conditions d'éligir bilité, et le nombre de députés dont chaque législature sera composée. Pour compléter ces premières bases, il reste à résoudre deux questions. La première est celle de savoir si les membres de cette Assemblée seront, éligibles à la prochaine législature.
Un grand nombre de membres de toutes les parties de la salle : Non! non 1 nonl (Applaudissements et mouvement prolongés.)
Il serait bien honorable pour l'Assemblée de décréter cet article par acclamation.
(du pays de Caux). Tout ce que l'on décrète par acclamation n'est jamais honorable.
, rapporteur. J'observe à l'Assemblée qu'il est impossible d'ouvrir la discussion sur les 99 articles du projet de décret que je vous propose, sans lui exposer les éléments des matière? qui sont à agiter. Il est impossible qu'elle
n'entende pas avec quelque calme le développement des objets qu'elle a à décréter. Enfin il est impossible qu'on les croie comme préjugés ou prédécrétés sur la simple indication, li.-faut les prendre eo considération; je réprends donc mon rapport.
La seconde question est desavoir s'il y a quelques fonctions publiques dont L'exercice puisse exclure de l'éligibilité à la législature, car ces deux questions, qui ne sont pas décrétées, feront l'objet de,nos articles 6 et 7, qui sont les 2 premiers nouveaux articles qui se trouvent dans le projet de décret. Dans les 6 articles suivants, de 8 à 12, nous nous sommes occupés d'assurer le renouvellement biennal des législatures, et de les rendre entièrement indépendantes du pouvoir exécutif. Il faut pour cela que là première réunion de chaque nouveau Corps législatif ait lieu de plein droit, à une èpuque fixe, et que les assemblées primaires soient de même convoquées à une époque fixe, qu'elles le soient par des procureurs syndics des directoires et, à leur défaut, par les procureurs généraux syndics des départements, ou bien encore par tes directoires de département, et que dans les départements où ee service aurait manqué le,Corps législatif y pourvoie directement, en nommant des. commissaires.
Il est bien entendu que ce sont les députés, réunis pour formée la nouvelle législature, qui rendront le décret nécessaire à ce dernier cas; car nous n'avons ni pu, ni du supposer celui où il n'y aurait en aucune assemblée primaire tenue dans tout le royaume, et où il n'y aurait eu aucun député nommé, car il est trop clair que le jour où cela arriverait, vous n'auriez, plus de Constitution.
Les 8 articles subséquents, de 14 à 22, sont consacrés à faciliter le lassemblement des représentants, leur formation en corps délibérant, leur état d'activité sans aucune intervention du pouvoir exécutif, l'indication d'un lieu certain de réunion: où les députés, arrivant de tout le royaume, puissent se présenter; la désignation d'un jour ei d'une heure fixes pour leur rassemblement, et la liste de leurs noms formée aux archives, sur l'envoi qui y sera fait des procès-verbaux d'éltction. Cette liste servira a faire l'appel, à reconnaître les membres1 présents, et à tenir note des absents.,
Nous avons pensé que, si au premier appel, il n'y avait pas- 200! membres sur 745, uont la législature sera composée, il était difficile de refuter un premier délai de huitaine pour attendre une réunion plus nombreuse. Mais nous ne faisons pas de doute que si, après le premier délai expiré, il n'y avait pas encore 373 membrts présents, c'est-à-dire la moitié, plus un, du nombre total, l'Assemblée doit cependant être autorisée à se constituer provisoirement, à l'effet de vérifier les pouvoirs des membres présents et de rendre un décret coercitit contre les abstmis.
Ce droit de coercition est essentiel. Il doit avoir en lui-même le principe de vie et de mouvement qui lui est nécessaire pour l'organiser. Ce'a se conforme d'ailleurs à la maxime sur laquelle repose la stabilité de la Constitution, savoir : que l'acceptation d'une fonction publique empoite l'obligation de la remplir, et par conséquent la nécessité de se rendre et de résider au lieu de son exercice.
C'est au nombre de 373 membres que nous pensons que la Constitution définitive de l'Assem-œlée doit avoir lieu, mais avec cette exception
nécessaire que, si après un délai suffisant, 373 membres n'étaient pas encore arrivés, la Constitution provisoire faite au-dessous de Ce nombre, doit devenir définitive. Cette seconde disposition est indispensable pour mettre l'activité des législatures à l'abri de tous les événements. Elle est conforme aussi à cet autre principe : que les absents, suffisamment attendus et cdntumacés, sont légalement représentés par les membres présents.
Dans les 8 articles suivants, de 22 à 30, nous avons renfermé tout ce qui doit compléter l'organisation intérieure du Corps législatif, pour établir leur activité. C'est là que se trouve la vérification des pouvoirs, objet qui nous a paru mériter quelque attention. Cette vérification doit toujours précéder la Constitution définitive. L'unique moyen de ne pas employer à cette formalité un temps trop long, réclamé pour des soins importants, est d'y procéder par le mode simple et expéditif dont nous avons usé, et c'est celui que nous vous proposons pour toutes les législatures.
Pour le serment que tout député doit prêter, ce sera celui de la nation elle-meme qui, n'ayant pas d'autre organe pour s'exprimer collectivement que celui de ses représentants, renouvellera solennellement par leur bouche, son vœu : Vivre libre ou mourir. Ainsi se perpétuera d'âge en âge le souvenir de cette époque à jamais memorâble, l'expression du même vœu qui* prononcé au milieu des dangers qui entouraient la liberté, fit pâlir les conseillers uu despotisme et déconcerta leurs projets.
L'autre serment contiendra l'engagement indt-viduel de chaque représentant envers la nation. En ce qui touche le nombre el la nomination des officiers, nous avons adopté le projet de réduire les secrétaires à 4 membres de l'Assemblée, et leur ajoutant 2 greffiers pris hors l'Assemblée, nommés pour la duree entière de chaque législature, et pouvant être continués pour les législatures suivantes. L'institution de ces greffiers, soumis à la surveillance et à l'inspection dès secrétaires attachés continuellement au détail du secrétariat, charges de ^arrangement et de la conservation dt>s papiers, intéressés, sous la garantie u'un état honorable, à bien remplir ces fonctions, a paru née*suaire à tous ceux d'entre nous qui, ayant été forcés de reconnaître >'im-pertection de notre régime actuel, n'ont pu s'empêcher d'eu désirer la réforme.
Le Corps législatif ainsi organisé; nous avons proclamé dans les 18 articles, de 30 à 48, la maxime capitale de son indissolubilité par le roi, le uroit qui lui appai tient de choisir le lieu de ses séant es, de les. Continuer ou de s'ajourner; les, cas où il est obligé de s'ajourner et ceux où son rassemblement peut et don même quelquefois être provoqué par le roi, nous y avons joint l'explication déiiiiiiée des droits dont le Corps législatif doit jouir pour le maintien de sa police intérieure, de sa sûreté et du respect qui lui est dû. Nous proposons d'établir constituiionnellemtjnt la publicité permanente de ses séances sous une seule modification que nous avons cru sans danger, et dont le- Corps législatif n'userait qui'après en avoir reconnu la nécessité, et qui ne s'applfc-querait qu'à-quelques circonstances rares et liés extraordinaires qui lui paraîtraient exiger qu'il se formât, comme Je parlement d'Angleterre, en comité. Nous avons enfin posé les règles de l'inviolabilité de chacun des représentants, telles
qu'elles out. été déjà proposées et même consacrées par les décrets de l'Assemblée nationale.
Les 18 articles subséquents de 48 à 66 proposent l'e mode suivant lequel ïe Corps législatif Béra ténu de délibérer ou de former ses décrets. S il s'élève sur cette partie de notre travail quelques dissensions graves, nous les livrerons à tous les débats qu'un objet aussi important peut exiger; je dirai aujourd'hui que nous devons tous nous rallier enfin pour assùrèr la sagesse et la maturité des âetés législatifs. Il y a une distance immense entre la position où s'est trouvé le corps constituant que nous formons, et la manière dont il a opéré pour le salut de la France, et la position où se trouveront les législateurs qui nous succéderont. La constitution d'une Chambre unique est un des grands traits contre la critique, qui la poursuivra longtemps, et contre le danger de la voir se discréditer dans l'opinion publique. Il faut pour cela prémunir la nation contre les législatures, et les législatures elles-mêmes contre les dangers de leur propre précipitation. A ce grand intérêt politique se joint celui d'assurer non seulement à la France une bonne législation mais encore aux bonnes-lois la confiance publique par la sage lenteur de leurs délibérations.
Nous serons tous .d'accord sur les vérités primitives, et comment alors ne le serions-nous pas bientôt suit les moyens lest plus propres à nous conduire à çe but? Les 18 articles de 66 à 84 réunissent toutes les dispositions ultérieures aux décrets, qui sont nécessaires pour lui donner le caractère de loi et l'etfet exécutoire, tel que la sanction, la promulgation, l'envoi dans ies départements, la transcription et la publication. Cette section de notre travail est presque entièrement composée de décrets déjà rendus; nous y avons ajouté quelques articles qui nous ont paru indispensables.
Les 9 articles qui suivent/ de 84 à 93, établissent les pouvoirs du Corps législatif en matière d'administration et de finances. Ils contiennent, relativement à la liste civile, des dispositions qui n'ont pas encore été décrétées. Enfin, Messieurs, les 7 derniers articles concernent les rapports du Corps législatif avec le roi, revêtu d'un des grands pouvoirs de la nation. Le roi doit, pour l'intérêt public,, avoir des rapports constants de concert et d'harmonie- avec le Corps législatif. La Constitution doit les établir et les signaler à l'opinion publique.
C'est dans cet esprit qu'il ést désirable qu'à l'ouverture ou à la, fin dé chaque session du Corps législatif la nation puisse voir ses représentants électifs, son représentant héréditaire, réunis solennellement dans l'enceinte consacrée aux méditations et aux actes qui préparent sa prospérité.
L'intérêt public exige aussi, malgré la liberté dont la législature dpijt jouir pour régler la durée de ses séances, que le roi puisse en demander la continuation et que la législature soit tenue de délibérer sur cette proposition dont le roi lui exposera le motif.
Voilà, Messieurs, dans l'ensemble de notre projet, 9 divisions bien marquées par la différence des objets qu'elle traite. Jé les rappellerai exactement dans la suite de la délibération. Ainsi, en resserrant sur-chacune les objections, les amendements ou les additions que chacun de vous peut désirer, toutes viendront, mais avec ordre, sans leur faire rien perdre de leur efficacité, sans nous faire perdre beaucoup de temps.
je vais, Messieurs, avoir l'honneur de proposer
à votre délibération lès 2 articles 6 et 7 réunis et qui sont ainsi conçus:
« Art. 6. Aucun état, profession ou fonction publique, n'exclut de l'éligibilité à la législature, les citoyens qui réunissent lés conditions prescrites par la Constitution. »
« Art. 7. Les membres de la précédente législature pourront être réélus. »
Je vais maintenant, sur ces articles, vous exposer les motifs du comité.
Je demande Ta parolè pour une motion d'ordre.
, rapporteur. Si quelqu'un s'élève contre la proposition que j'ai faite, c'est véritablement là le moment de l'entendre.
Il m'a paru que la question qui devait être agitée la première dans l'Assemblée était déterminée par la nature même de la délibération. Il me semble convenable et utile sous tous les rapports qu'avant de fixer définitivement les fonctions, les pouvoirs de la législature, le mode d'élection qui devait y conduire, il m'a paru, dis-je, très convenable et très utile que le législateur lui-même se désintéressât dans cetjte grande question. Il m'a paru qu'il était beaucoup plus intéressant que nous délibérassions sur le Corps législatif comme des citoyens qui devraient bientôt rentrer dans la classe commune, plutôt que de délibérer comme des législateurs qui pourraient continuer d'être membres du corps qu'ils allaient organiser.
En conséquence; je fais la motion dans ces termes précis : qu'avant de discuter aucune des questions proposées, l'Assemblée décrète que les membres de l'Assemblée actuelle ne pourront être membres de la prochaine législature. (Fi/s applaudissements.)
(Un très grand nombre de membres des diverses parties de l'Assembléese lèvent et demandent à grands cris à aller aux voix.)
Monsieur le Président, je demande la parole.
l'aîné. Jé ne puis qu'applaudir à la proposition honorable que vient de vous faire M. Robespierre, mais cette proposition n'est pas posée dans les termes où elle doit l'être..
On vous présente la question de notre rééligibilité possible, comme une question encore indécise, et vous l'avez déjà consiitutionneïiement décrétée. (Non! non!) Lorsque dans nos séances à Versailles, après avoir décrété, le 9 septembre 1789, que l'Assemblée nationale serait permanente, le 1!0 qu'elle ne serait composée que d'une Chambre, le 12 que chaque- législature ne serait que dé deux ans, nous eûmes encore à délibérer, le 13 et le 14 du même mois, de quelle manière sê recomposerait chaque législature. Sur cette dernière question, comme sur les trois aulrés, les avis furent à peu près honorablement unanimes.
Une première proposition fut faite par l'un des honorables membres de cette Assemblée, ce fut celle de ne renouveler- chaque législature qu'à concurrence de deux tiers de ses membres, et d'y faire, rester, par la voie dusort ou autrement, le tiers des membres de la législature précé-r dente-. Cette- motion, quoique appuyée de toutes les raisons qui pouvaient motiver l'opinion dé M. l'abbé Sieyès, fui rejetée.
A cette proposition en succéda une autre : ce fut celle de laisser aux assemblées électorales la liberté de porter aux législatures suivantes quelques membres de la précédente, si elles le jugeaient à propos. Nous étions alors tous au-dessus de toute vue ambitieuse... (Murmures.)
(La très grande majorité de l'Assemblée se lève à deux reprises différentes et demande à grands iris à aller aux voix sur la proposition de M. Robespierre.) '
Un membre : Je demande l'appel nominal ; on connaîtra ainsi ceux qui veulent être réélus.
, rapporteur. Je supplie l'Assemblée de vouloir bien écouter cette observation : qu'elle commence la discussion d'une très importante partie de notre travail et qu'il est nécessaire de bien établir l'état et les moyens de la question, afin que l'Assemblée sacbe positivement ce qu'elle veut adopter.
Il iie s'agit pas .de savoir si les membres d'une législature pourront être réélus à la suivante. Cette question est décidée ; mais il s'agit de savoir si les membres de l'Assemblée actuelle, si les membres du corps constituant (A droite : Pas de distinction.;..., .pourront être nommés à la prochaine législature. Il ne s'agit maintenant que d'une question d'ordre; mais il faut que l'Assemblée délibère sur un point fixe et constant ; et comme dans cette Assemblééje sais qu'il y a beaucoup de membres qui pensent que les membres qui composent l'Assemblée nationale actuelle, ne pourront être réélus; mais que, d'un autre côté, beaucoup d'autres pensent que les membres d'une législature pourront être nommés à une autre législature ; il ne faut pas confondre ces deux questions. (Murmures ; applaudissements à gauche et dans les tri-_hunes.)
Voici la motion dans les termes les plus simples, et qui mettra l'Assemblée à portée de juger en connaissance de cause: « Les membres de l'Assemblée actuelle ne pourront être réélus à la législature prochaine. » (Aux voix ! aux voix %
Monsieur le président, on ne se joue pas ainsi de la liberté d'une grande nation, tenez bon.
, rapporteur (1). Monsieur le Président, je demande la parole. (Murmures prolongés.) Il est infiniment essentiel que l'Assemblée ne décrète dans cette matière qu'avec cette maturité qui lui a tant de fois fait honneur. C'est ici un objet constitutionnel sous deux faces, et voici la série des idées qu'elle ne peut pas perdre de vue. Nous lui présentons l'organisation des Corps législatifs futurs, garantie permanente de la liberté de la nation. Nous lui avons proposé cette question qui concerne les Corps législatifs futurs : « Les membres d'une législature pourront-ils être réélus ? » Nous avons cependant bien présumé que cette question ne pouvait pas être accompagnée de celle-ci ; « Les membres du corps constituant actuel pourront-ils être nommés à la première législature ? » Mais nous avons pensé que celte question ne se discuterait pas seulement pour les législatures futures.
On élève la question de la rééligibililé des membres de l'Assemblée
actuelle pour la prochaine
Nous n'avons pas divisé la question que nous nous sommes proposé de vous présenter ; mais si l'Assemblée veut décréter, sur ces points, d'une manière véritablement digne d'elle, d'une manière qui assure la coufiance au décret qu'elle va rendre, je la supplie d'entendre la discussion. S'il ne s'agissait que de nos idées personnelles, particulières et individuelles, je n'aurais pas la présomption de les opposer au mouvement qu'elle vient de manifester. Cependant l'Assemblée ne tardera pas à sentir que ce n'est pas ainsi qu'elle doit porter un décret sur une question qui divise les opinions, qui divise de très bons esprits. (Non ! non !).
Est-ce que vous voulez nous donner une cour plénière?
, s'adressant à la droite. Ne gâtez pas cette cause-là.
, rapporteur. Je prie l'Assemblée de faire attention que je ne m'oppose pas du tout à la motion de M. Robespierre, en tant qu'elle tend à faire décréter préalablement, et dès aujourd'hui, la question qu'il propose; au contraire, je lui donne adhésion sur ce point, et cela ne dérange en aucune manière l'ordre du travail que je m'étais proposé ; car je savais parfaitement bien qu'il fallait que cette question fût entendue et qu'elle fût décrétée. Je ne me doutais toutefois pas de la motion incidente que l'on vient de faire; je ne m'oppose point à ce qu'on la décrête ; mais je m'oppose, autant qu'il est en mon faible pouvoir, à ce que l'Assemblée décrète sans «avoir entendu le comité de Constitution. Je m'oppose à ce que l'Assemblée rende le décret, sans que plusieurs faits soient éclaircis, sans que l'erreur impardonnable de M. Carat soit anéantie, et par quoi? par la lecture du procès-verbal tout simplement. (Rires.) Je m'oppose à ce que les raisons qui n'ont pas été suffisamment écïaircies jusqu'à présent ne le soient pas avant que le décret soit rendu. Je demande de mettre à la discussion lès deux premiers articles, dont l'un concerne la rééligibilité des membres d'une législature à l'autre; et le second la question de savoir si les membres de l'Assemblée actuelle pourront être réélus à la prochaine Assemblée législative; et j'insiste pour que l'Assemblée veuille entendre son comité.
Moi, je crois très positivement que l'on ne doit point faire la distinction des membres açtuels d'avec les membres des législatures suivantes.
, rapporteur. Ce que vient de dire le préopinant montre de plus en plus la nécessité n'éclairer et d'assurer toutes les idées sur l'ensemble de la matière que' nous allons agiter. L'Assemblée ne peut pas refuser, je pense, de vouloir bien entendre le travail sur le plan qui nous a paru le meilleur. (Oui! oui! Parlez ! parlez!)
Je traiterai d'abord ce qui concerne les législatures futures et ensuite, par exception, ce qui concerne l'Assemblée actuelle. (Mouvement $ah tention.)
Messieurs, les membres d'une législature p.our-rontrils être réélus membres de la législature suivante? Cette question intéresse essentiellement les principes constitutionnels ; et la décision qu'elle va recevoir aujourd'hui, aura, par la perpétuité dé ses effets, une influence à jamais favorable ou nuisible au succès du gouvernement. Sous, ces deux rapports, elle mérite d'être soigneusement discutée, et décidée avec la plus rigoureuse impartialité.
Le devoir dû législateur est de rester attaché à l'exactitude des principes, et de tendre inflexiblement à tout ce qui doit faire, d'une manière durable, le plus grand bien public. L'erreur la plus funeste au législateur est celle qui tend à corrompre la rectitude de son jugement, en substituant de faux aperçus de bien public, tirés des circonstances momentanées dans lesquelles il peut se. trouver placé, aux considérations plus réelles qui appartiennent à 1-état naturel et ordinaire des choses et des hommes. L'impartialité du législateur consiste donc à se prémunir fortement contre ces raisons factices et du moment, qui, sont autant ennemies de la raison éternelle, que les convenances accidentelles le sont en général du bien fondamental, constant, et permanent. Je fais cette observation, parce que dans la position où l'Assemblée nationale se trouve» au milieu des inquiétudes de l'opinion, du choc des intérêts et des systèmes, des préventions et des affections qui en sont le produit, la vérité n'a pas .ici d'autre adversaire que l'éFreur que je viens d'indiquer; et si quelques taches se remarquent dans l'ensemble immortel de ses décrets, c'est à cette seule; cause qu'il faudra les imputer.. J'ajouterai que plus on se livrerait à des impressions étrangères aux véritables éléments de la question que nous allons agiter, plus elle se trouverait susceptible de changer facilement d'aSpect. Cette versatilité qui n'est pas, et qui ne peut pas être dans les principes, annonce .la nécessité de s'y rallier ici; puisque, pour peu.qu'on s'en écarte, l'erreur est tellement près de la vérité, que la bonne foi, marchant sans gujde, court le plus grand risque de s'y méprendre..
Je dois examiner d'abord contre M. Garât si la question est encore entière ; car si elle était déjà décidée par un de. vos décrets antérieurs, tout serait consommé.
Le décret constitutionnel du 14 septembre 1789 porte : « que le renouvellement des membres de chaque législature sera fait en totalité. » Quelques personnes ont cru voir dans ce décret la preuve que l'Assemblée a positivement décidé qu'aucun membre d'une législature ne pouvait être réélu dans la. législature suivante ; mais cette induction cesse d'être, dangereuse lorsqu'elle est déférée a la même Assemblée qui a rendu le décret du 14 septembre 1789,: et qui ne peut ni se tromper ni être trompée sur ce. qu'elle, a véritablement décrété.
Le procès-verbal constate que la question décidée par ce décret du 14 septembre fut proposée le 12; et elle le fut en ces termes : Le renouvellement des élections dès députés Aera-t-U fait par partie ou en totalité à chaque législature? Chacun de nous doit se rappeler que l'objet de cette question ne fut point de faire décider si les membres pourraient être réélus, ou non, mais si tous les deux ans la législature serait réélue en entier, ou seulement .en partie. Il y avait, une opinion pour qu'elle le fût par moitié* comme la Constitution l'a établi depuis pour les municipalités et pour les assemblées administratives et
c'est pour cela que la question fut posée sur le renouvellement des élections, et non sur celui des individus.
A la séance du 14 septembre, où la discussion fut continuée, la question, dont* l'état n'avait pas changé, se trouve rappelée au procès-verbal, en ces termes :' Le renouvellement des membres de chaque législature se fera-t-il en tout ou en partie? Cette légère inexactitude dans la rédaction est la source de celle qui se trouve dans le décret rendu à la même séance; elle procède de la variation inévitable du style des procès-verbaux, lorsque le rédacteur éfet changé tous les jours.
Ce qu'il est important d'établir ici, c'est que le changement fait le 14 septembre dans les termes de là question proposée lel2,Yn'en a produit aucun dans l'objet de la discussion, ni dans celui du décret qui n'a réellement établi que le renouvellement des élections, sans interdire la faculté de réélire les membres: et c'est ce qui est parfaitement démontré par le procès-verbal du lendemain 25 septembre. On y lit ce qui suit :
« Un de MM. les secrétaires a fait lecture des procès-verbaux des deux séances du lundi 14. — Il y en avait eu une le soir. — Il a été fait quelques observations sur la rédaction, l'une portait sur une erreur relative à l'ordré du jour, et l'autre — je supplie Monsieur Garat de l'entendre — et l'autre sur le renouvellement des législatures,, énoncé, prétendait-on, de manière à faire préjuger la question de savoir si les mêmes membres pourraient être réélus. La première -erreur a été corrigée, et il a été reconnu par l'Assemblée que rien n'était préjugé relativement à la seconde. » (Mouvement.) .
Puisque la question est encore à résoudre, cherchons les bases de la décision qu'elle doit recevoir.
La première se présente dans le principe impérieux de la liberté des élections ; et ce principe est si imposant, qu'il exclut toute autre considération, si le danger évident de la chose publique (Murmures.) n'oblige pas d'en limiter ici l'appli-r caiion. Le fondement du gouvernement représenri tatif est le droit d'élire. Ce droit est essentiellement le droit du peuple. Il doit être d'autant plus respecté, qu'il est le seul que le peuple exerce par lui-même, que son exercice est l'exercice de la souveraineté immédiate, et que c'est de lui que toutes les autorités déléguées tirent leur existence légitime.
Qu'y a-t-il de précieux pour le peuple dans le droit d'élection, si ce n'est la liberté du choix qui lui permet de suivre les inspirations de sa conr fiance, et la satisfaction qu'il éprouve en se voyant maître de déléguer ses pouvoirs à tous ceux qu'il juge les plus capables de faire son bonheur? C'est en cela, d'ailleurs, que consiste, le principal nerf et la plus solide garantie de l'autorité dans les gouvernements représentatifs. Le peuple y devient d'autant plus tranquille»; qu'il a plus de motifs d'être confiant; et il devient d'autant plus confiant, qu'il a été plus libre de choisir pour ses représentants les hommes dont, il a reconnu et surtout éprouvé là capacité et le civisme. Les lois alors obtiennent un grand respect, les pouvoirs publics une facile obéissance ; et cette heureuse disposition du peuple fait une grande partie de son bonheur, enmême temps, qu'elle seconde et accrédite'L'activité du gouvernement.
Ainsi respectons le droit du peuple dans la liberté des élections, parce que çé principe,isur lequel la Constitution tout entière repose, est
celui dont il ne peut jamais être pérmis de s'écarter : mais, quand ce principe ne serait pas aussi souverainement impérieux que nous l'avons toujours, reconnu, si nous voulons concilier à la Constitution la confiance et l'attachement sans lesquels elle ne peut pas prospérer, respectons encore le droit du peuple dans la liberté des élections.
Ici se présente cette objection qui a déjà été faite plusieurs fois dans d'autres occasions, et qui plusieurs fois aussi a été avantageusement repoussée: « Sans doute, dira-t-on,'aucun pouvoir constitué né pourrait limiter l'exercice du droit d'élection; mais cette autorité appartient au corps constituant, qui a pu et qui peut encore déterminer des conditions d'éligibilité. '> Je réponds que ce n'est pas l'autorité du corps constituant qui peut être problématique en cette matière, mais que, comme il n'en est investi que par délégation, pour eu user au nom et à l'avantage du peuple, il ne peut l'exercer qu?avec une extrême circonspection toutes les fois qu'il s'agit de restreindre les droits essentiels du peuple. Cette même objection fut faite lorsqu'on éleva l'opinion de déléguer au Corps législatif l'élection du régent. Le pouvoir constituant, répondis-je, a bien l'autorité nécessaire ; mais, lorsqu'il dispose momentanément de cette autorité que le peuple lui a confiée, doit-il raisonnablement, et pourrait-il équitablement l'exercer contre le droit du peuple? On présentait des inconvénients dans le parti de laisser l'élection au peuple : je montrai qu'ils n'étaient pas assez graves pour autoriser fa violation du principe, et qu il y aurait aussi des inconvénients à s'en écarter : l'Assemblée resta fidèle au principe.
Cette position est précisément la même qui se renouvelle aujourd'hui. La Constitution pourrait, de fait, accumuler les restrictions contre la liberté d'élire : elle le peut par la contrainte du droit positif qu'elle établirait, et auquel il faudrait se soumettre tant qu'il subsisterait. Mais il ne faut pas se dissimuler que tout ce que la Constitution aura fait, et qu'elle n'aurait pas dû faire, ne subsistera pas longtemps. Or, elle ne doit ni ne peut légitimement mettre des restrictions à la liberté d'élire, qu'autant qu'elles sont nécessitées par un intérêt du peuple, supérieur à celui de la pleine jouissance de son droit d'élection libre : c'est à ce dernier point d'examen que la question va se trouver réduite.
J'observe cependant que déjà la liberté de l'élection est infiniment restreinte, non pas seulement par les conditions d'éligibilité prescrites, mais par ce décret qui oblige chaque département de n'élire qu'entre les citoyens éligibles du département.
J'observe ensuite que plus il y a derestrictioos déjà établies, plus il devient difficile d'en ajouter de nouvelles ; car, àfoice de multiplier les dérogations au principe, et les atteintes à la souveraineté nationale, le principe se trouvera plus souvent violé que suivi ; et le droit le plus inaltérable du peuple finira par être grièvement altéré.
J'observe enfin, en rentrant dans l'état précis de la question actuelle, qu'elle se présente dans L s termes les plus défavorables au système de l'exclusion : car qui propose-t-on d'exclure? Des citoyens conslitutionuellement éligibles, qui ont déjà bien mérité de la chose publique en acceptant la mission qui leur a été confiée, qui ont pleinement justifié cette confiance qui les avait appelés, et dout le peuple, exerçant sou pouvoir
souverain, désire et réclame encore le service, parce qu'il a fait une heureuse épreuve de leur? talents et de leur loyauté. En principe, qu'elle autorité pourrait ici enchaîner la puissance suprême de la nation agissant par elle-même et pour son bien? En raison, quel pourrait être le motif de cette interdiction, lorsque la nation fait évidemment ce qu'elle peut faire de mieux; lorsque son choix utile et éclairé est déterminé par le motif de conviction le plus infaillible, l'expérience; lorsqu'enfin elle obéit au sentiment du patriotisme, et au zèle de la prospérité publique que toutes nos lois doivent tendre à développer?Quoi I Messieurs, le plus grand danger des élections est l'erreur sur les qualités des sujets qu'on élit; la perfection du régime électif serait que tous les choix pussent porter sur des hommes sûrs et éprouvés : et lorsque la nation, trouvant ce motif de sécurité, aura la.volonté d'en profiter, la Constitution pourrait;lui dire : « Ce que vous voulez et pourriez faire pour votre bien n'est pas permis ; ces bons citoyens éligibles il y a deux ans, que vous avez si heureusement élus, et qui pourraient l'être plus utilement encore, ne sont pas éligibles ,en ce moment, par la seule raison qu'ils vous ont déjà bien servi. Vous n'êtes pas libres de donner votre confiance de nouveau à ceux-là mêmes à qui vous aviez eu tant de raison de vous fier d'abord. »
Messieurs, si ce point de vue de la question ne peut pas être changé, vos suffrages doivent être bientôt réunis : eh bien 1 il ne changera pas ; car, qu'y pourrait-on opposer? Est-ce cet' inconvénient, que la faculté de réélire les bons représentants, serait aussi la faculté de réélire ceux qui n auront pas su se concilier une opinion aussi avantageuse? Gette objection, qui n'a pas d'autre fondement que la supposition que le peuple est incapable de bien élire, ne devrait plus paraître dans nos discussions : car, si elle avait quelque valeur, elle attaquerait la Constitution tout entière, en établissant que le gouvernement représentatif, fondé sur les élections populaires, est essentiellement vicieux. Il est impossible que la nation veuille faire sou mal; et si quelquefois elle fait des mauvaises élections, soyons sûrs qu'elle se sera trompée. C'est donc contre la réélection que ce sophisme devient encore plus fu-j tile, puisqu'alors, chacun ayant fait ses preuves, la nation aura toutes les lumières dont elle a besoin pour faire les bons choix et se garantir des mauvais.
Le régime électif étant adopté, il n'y a plus de raisonnements concluants, que ceux qui ont pour base la confiance dans la bonté de ses effets; et il n'y a plus de propositions admissibles que celles qui tendent à concilier au plus haut degré la liberté des choix avec leur sûreté. Or, c'est ce que remplit éminemment la doctrine de la réélection. Le système de gêner les suffrages, en supposant l'incapacité des électeurs, tendrait au contraire à énerver et à défigurer la Constitution.
Les inquiétudes que quelques personnes m'ont manifestées sur le danger de la réélection sont toutes hors du principe, et ne m'ont paru venir que des impressions diverses que chacuué d'elles a reçues de la position de cette Assemblée, et ues opinions qui y sout professées. Mon devoir est de m'expliquer sur cela avec la plus grande franchise, parce qu'il serait afireux que des préventions conçues sur uue situation accidentelle et temporaire, d'après le préjugé de l'homme, et non d'après la sagesse impassible du législa-
teur, conservassent quelque influence dans cette importante délibération.
L'Assemblée est notoirement divisée en deux sections principales très marquées : la majorité et la minorité; dans la majorité même, il y a bien quelques sujets de dissentiment plus apparents que réels, non sur le fond de la Constitution que cette majorité a faite jusqu'ici, et qu'elle finira de concert, mais sur quelques conséquences des bases posées. Tous les partis sont d'accord qu'un mauvais député, très dangereux à réélire, serait le malhonnête homme qui aurait commis des prévarications et des bas-esse daus l'éxercice de"ses fonctions : mais ce n'est pas de celui-là qu'il peut être question. La crainte qu'un tel homme, s'il existait, flétri dans l'Assemblée, hors de l'Assemblée, et couvert de l'opprobre public, ne fût réélu, ne peut pas faire le plus petit argument contre le principe de la réélection.
Je crois bien qu'un grand nombre des membres de la minorité pense qu'il ne serait pas bon que ceux qui ont concouru le plus efficacement aux succès de la majorité fussent réélus : il peut en être de même dans la majorité à l'égard de ceux des membres de la minorité qui ont montré le plus d'obstination ou de talents dans leur résistance. Il serait possible, enfin, quoique j'aime à penser le contraire, que l'effet de quelques dissentiments dans la majorité eût été jusqu'à établir, entre quelques-uns des membres, la crainte réciproque de la réélection. Je dis que si ce n'est plus qu'à raison de cette diversité dés opinions politiques, que tel membre qui pense d'une manière, paraît redoutable à celui qui professe l'opinion contraire, cette crainte, que chacun peut avoir de trouver ainsi dans la prochaine législature ceux dont il désapprouve les principes, devient contre la doctrine de la réélection une objection misérable.
Elle ne peut pas soutenir l'épreuve des principes ; car qu'importent à la nation" ces jugements individuels que chacun porte ici sur ses collègues, s'ir leurs opinions,, sur leur conduite? Le droit da peuple est par-dessus tout cela; c'est à lui qu'il appartient de juger souverainement ses représentants, de leur distribuer son estime ou son improbation, et de marquer entre tous ceux qui ont exposé au grand jour leurs principes et leurs procédés, quels sont ceux dont il juge les services passés dignes de la continuation de sa confiance.
Si c'est pour empêcher l'affermissement des opinions soutenues par tel ou tel député, qu'on combat la réélection, c'est sous ce point de vue surtout que la combinaison est fausse et impuissante- La démonstration que je vais en donner doit faire renoncer entièrement à cette spéculation, incapable d'atteindre son but. Nul ne pourra être élu que par le département où il est citoyen actif. Ou ce département improuvera les principes soutenus par son député dans la précédente législature, ou il les adoptera. S'il les improuve, certainement il ne réélira pas ce député; s'il les adopte au contraire, qu'aura-t-on gagné en interdisant la réélection? Le département n'enverra que des députés voués aux mêmes principes; il choisira ceux qui auront montré plus d'âpreté à les défendre, et plus de talents propres à les faire réussir. Il faut reconnaître ces deux vérités ; l'une, qu'aucun système politique ne peut s'accréditer sans l'adhésion nationale, et lorsqu'il n'est que l'opinion particulière d'un député ou d'un petit nombre de députés; l'autre, qu'aucun
principe ne pourra plus périr en France, lorsqu'il sera adopté par la nation, Il faut donc débarrasser la question de la réélection de ces accessoires étrangers an principe, vicieux par les impressions qu'ils produisent, caducs et infructueux en résultat; puisque, soit que la réélection soit permise ou non, toutes les députations seront faites par l'influence de l'opinion dominante en chaque département.
On a voulu me faire craindre l'effet de ces fausses vues et de ces petits moyens que je viens de combattre : je déclare que:je n'en ai pris aucune inquiétude. lis ne peu vent égarer longtemps qu'un très petit nombre d'individus : ils pourraient tout au p us produire une première hésitation dans une assemblée novice. Mais cellè-ci, si glorieusement exercée à démêler, à saisir la vérité, au milieu de tous les prestiges dont les intérêts et les passions l'environnent, a trop prouvé la justesse de son tact, et l'inaltérable pureté de ses intentions, pour que ma confiance ait pu être ébranlée.
La question, ainsi rendue à ses vrais éléments, retrouve sa simplicité, naturelle. Le principe que nous devons le plus respecter commande la liberté de la réélection ; il faut donc que'ses adversaires prouvent que cette application du principe produirait l'imminent péril de la chose publique.
Les raisonnements faits jusqu'à présent pour établir le danger de la réélection doivent être divisés en deux classes ; caries uns s'appliquent à tous les renouvellements des législatures ordinaires, et les autres n'ont pour objet que le passage de l'Assemblée actuelle à la prochaine législature.
A l'égard des législatures ordinaires, toutes les objections se rapportent à une seule, qu'il suffit d'examiner : toutes ies autres en dérivent. On dit avecraison que, si la législature était perpétuelle, la liberté publique serait dans le plus grand danger, parce qu'un corps permanent de représentants inamovibles finirait bientôt par l'opprimer. A l'abri de cette première proposition évidente, on s'avance jusqu'à dire que, si les députés peuvent être réélua, ils seront perpétuels, par l'effet inévitable de la possession et de l'habitude. On s'autorise par là a appliquer à la faculté de réélire toute la force des arguments qui repousseraient la perpétuité des législatures.
Ainsi, 1$ simple réélection facultative tous les 2 ans est présentée comme l'équivalent réel d'une perpétuité constitutionnelle ! Quoi I tous les deux ans une législature finira I tous les deux ans la masse entière des citoyens actifs s?ra miso en activité par assemblées primaires! tous les 2 ans des électeurs renouvelés procéderont à une nouvelle nomination, de représentants I et vous croyez possible qne tous les mêmes députés soient réélus si constamment, si uniformément dans les 83 départements, que non seulement une nouvelle législature se trouvera composée des mêmes individus que la précédente, mais que plusieurs le seront ainsi successivement, de manière que la permanence de fait sera substituée au renouvellement prescrit par la Constitution I L'exagération de cette hypothèse, dont Ja réalisation est moralement impossible, ne permet pas de la faire entrer dans les motifs d'une délibération raisonnable; elle fournirait une excuse trop futile pour justifier la violation du principe fondamental du régime électif,
Il n'y a ici qu'une seule chose vraie : c'est que quelques membres de la législature précédente
pourront être quelquefois réélus dans la suivante.
Lorsque cela arrivera, l'Etat sera-t-il perdu? Le peuple aura joui de son droit, usé de sa souveraineté constitutionnelle ; il sera satisfait d'avoir pu placer sa confiance à son gré, et remplir le vœu de sa reconnaissance.
L'utilité publique est aussi dans cette liberté du peuple ; car, en général, la réélection n'honorera que les bons députés. Bientôt il ne restera plus de traces dès secousses que la Révolution 9 nécessitées : les électeurs sont pris et se?-ront toujours pris dans la classe,des citoyens qui ont besoin de l'ordre et de la paix ; les tdéputés qui désireraient d'être réélus se recommanderaient mal, s'ils flattaient les-excès populaires; enfin, le mérite ne pourra se signaler dans les législatures que par la probité, le talent et lés connaissances, acquises en législation et en finances. Tout autre aliment ne manqoera-t-il pas désormais à l'ambition ? Les grands mouvements qui accompagnent le travail d'une Constitution à faire cessent naturellement lorsqu'elle est établie.
Voyons ensuite guel peut être dans la pratique le résultat de la réélection. Tant qu'il y aura une grande émulation civique, tant que les départements abonderont en sujets qui, après s'être livrés aux méditations politiques, brûleront de s'asseoir au rang des législateurs, il n'y aura point, ou il y, aura très peu de réélections. D'une part, beaucoup des meilleurs députés, satisfaits d'avoir rempli leur tâche, se verront avec plaisir rendus au soin de leurs propres affaires, s'ils doivent être remplacés par des successeurs aussi dignes, ou plus dignes qu'eux de traiter les affaires publiques. D'autre part, ceux qui dési-~ reraient d'être, continués dans les législatures ne seront-ils pas croisés par le désir, non moins actif de tous les candidats qui ambitionneront d'y être portés à leur tour ? Chacun aura ses partisans dans son département; à mérite égal, celui qui aura été déjà député, aura par cela, même un désavantage dans la balance des considérations î on trouvera juste que tous ceux qui méritent d'être distingués et employés le soient à leur tour; et n'est-il pas dans le caractère du peuple d'aimer à renouveler ses choix, et à distribuer autant qu'il le peut les marques de sa faveur?
Mais, dans le cas contraire, si dans ces temps éloignés sans doute, et par des circonstances malheureuses, ce feu sacré du patriotisme venait à s'amortir ; si les citoyens, peu dignes alors de ce beau titre, montraient pour l'exercice de leurs droits politiques cette même insouciance qui a si longtemps dégradé la France ; si dans quelques départements, du moins, trop peu d'hommes avaient le mérite ou la volonté de venir remplir les fonctions de député, la réélection ne serait-elle pas alors l'unique moyen du salut public? Faudrait-il que des députations restassent incomplètes ou infructueuses, parce qu'il serait interdit de les compléter ou de les vivifier par la réélection de quelques-uns des membres de la précédente législature ? Les corps politiques ont, cqmme les individus, leur temps d'affaiblissement et de maladie qu'il faut prévoir en les organisant. Ne privons pas le Corps législatif d'un principe vital nécessaire pour le soutenir dans ses moments de défaillance, jusqu'à ce qu'il pût atteindre,l'époque d'une crise heureuse qui lui rendît sa vigueur.
On craint les intrigues, la corruption auxquelles
la faculté dè la réélection donnerait ouverture on cite Y exemple de l'Angleterre; on assure que, si le peuple avait le droit de réélire, il faudrait donner au roi par compensation celui de dissoudre la législature.
L'objection banale des intrigues et de la corruption, cette déclamation vulgaire qui frappe également sur toutes les parties du régime électif, n'a pas plus de force contre la réélection que contre les élections premières. L'intérêt et les moyens sont les mêmes dans les deux cas. Il n'y a aucune bpnne raison pour proclamer incapable de réélire avantageusement le même peuple à qui on a confié le droit d'élection devenu la base de son gouvernement ; et ceux qui n'ont pas craint; la corruption, dans, l'un de ces cas, deviennent n injustes, ou inconséquents, s'ils allèguent cette crainte dans l'autre.
Que fait ici l'exemple de l'Angleterre? Ce peuple a laissé gangrener sa Constitution par des causes locales, qui ne l'ont pas empêché d'être assez grand pour consacrer la plénitude du principe. Le vice dont il a toléré les progrès n'est pas d'ailleurs l'effet nécessaire du principe; il nous est plus facile mille fois de l'empêcher de s'introduire, qu'il ne l'est maintenant aux Anglais, de l'extirper. Il suffit chez eux, pour obtenir un député, de gagner une seule ville, un simple bourg; il faudrait parmi nous avoir acquis la,masse entière d'un département; et combien de départements ne faudrait-il pas acquérir pour s'assurer un nombre de voix capable d'influer sensiblement dans une législature de 745 membres réunis en une seule Chambre?
Enfin, si les abus de la réélection étaient réels, il n'est pas exact de dire que le droit de dissoudre la législature èn deviendrait, comme en Angleterre, la compensation nécessaire. II n'jf a rien de commun au contraire entre la réélection admise par les Anglais et le droit qu'ils ont accordé au roi de dissoute le parlement. L'un est si peu le remède et la compensation de l'autre, que la nation anglaise a, par sa Constitution, et qu'elle a plusieurs fois exercé le droit de réélire les membres d'un parlement dissous.
Mais, au lieu de ces sujets d'alarmes chimériques-, n'y en a-t-il pas de plus réels dans |a défense de réélire? Ne serait-ce pas un inconvénient grave que celui de priver chaque législature du grand avantage, qu'il y aura toujours pour l'unité des vues, pour la concordance des plans législatifs, pour la même direction de l'esprit public, pour l'accélération des mesures administratives, à ce qu'un nouveau Corps législatif ait dans son sein quelques-uns des membres qui se seront distingués dans le précédent? Si l'on dit que la nation fournira toujours un grand nombre de successeurs égaux en lumières et en patriotisme à ceux qui les auront précédés, est-ce là une raison pour ne pas prévoir ces époques de relâchement et de langueur dont j'ai déjà parlé, et que tous les peuples connus ont éprouvés? Disons plus : à mériter égal, est-ce quel'ex-périencen'ajoute pas toujours une grande vàleur aux facultés naturelles pour faciliter le travail, lever les doutes, assurer les jdées et coordonner les détails successifs qui, se renouvelant sans cesse, et se diversifiant à l'infini, doivent cependant aboutir toujours à un but commun ?
Un autre inconvénient plus grave est encore attaché à l'interdiction de réélire. Comme elle ne peut pas être motivée en principe sur l'inquiétude que la nation ne veuille continuer un mau-
vais député, il lui reste pour unique fondement la crainte qu'un député vertueux pendant la prer mière législature ne devînt, s'il était continué, un malhonuête homme dans la seconde. Mais n'y a-t-il pas de l'immoralité à frapper ainsi la vertu d'un soupçon injuste, à décourager et à flétrir le patriotisme par un exclusion imméritée ? N'y aurait-il pas dans cette exclusion-là même une haute impolitique? Que nous réste-t-il à faire pour la Constitution, si ce n'est de la mettre sous la sauvegarde de l'esprit public? Allumons donc vivement ce feu sacré; que sa chaleur anime toute la nation; et pénétrons-en surtout ces hommes privilégiés par la nature, dont les/talents s'élèvent au-dessus de la hauteur commune; ils féront le succès et la gloire de nos,législatures; mais, pour devenir tout ce qu'ils peuvent être, ils ont presque toujours besoin d'un grand objet d'émulation. Nous avons heureusement détruit tous ceux qui ne tenaient qu'aux moyens de fortune, aux illusions de la vanité, aux spéculations de l'ambition. La députafion aux législatures est le prix d'honneur offert aux bons citoyens; mais, il faut encore qu'une récompense extraordinaire excite au milieu des grands talents l'émulation de la supériorité, et provoque, au sein du patriotisme, le noble enthousiasme de l'héroïsme civique; cette récompense prééminente ne peut plijs se trouver que dans la gloire d'être réélu. C'est là le véritable titre d'anoblissement patriotique, que désormais les citoyens les plus précieux ambitionneront* dont les familles s'honoreront, et que les pères montreront à leurs enfants pour enflammer leurs jeunes cœurs de l'amour de la patrie, et du désir de se distinguer aussi en la servant.
Qu'on ne dise pas que la réélection, possible après l'expiration d'une législature intermédiaire, produirait les mêmes effets. Cette alternative d'emploi et de retraite, d'action et d'oisiveté, ne sèrait qu'un état fâcheux et pénible; il se concilierait difficilement avec les convenances domestiques du plus grand nombre des citoyens; en éJoignant 1 époque de la réélection, il en rendrait la chance plus incertaine et plus difficile; de là le découragement, et la réélection perdrait une de ses principales utilités pour la chose publique, en perdant tout son mérite comme moyen d'émulation.
Il reste à examiner si les membres de l'Assemblée actuelle pourront être réélus pour la prochaine législature.
On allègue par rapport à eux cette raison de différence qu'il ont exercé le pouvoir constituant. Cette considération rapprochée du principe s'annule complètement, car il en est du pouvoir constituant comme de tous les autres : quand son exercice est fini, ceux à qui il avait été confié rentrent dans la classe des citoyens ordinaires; et rien ne peut empêcher la nation, procédant à des élections nouvelles, de leur conférer par un titre nouveau les fonctions dont elle les juge dignes.
On ajoute que ceux qui font les lois ne doivent pas les faire pour eux-mêmes, et qu'ainsi les membres du corps constituant qui vont organiser la législature ne doivent pas y être admis. Si ce raisonnement était bon, sa conséquence dirècte serait d'exclure aussi les membres de l'Assemblée actuelle de toute participation aux autres pouvoirs qu'elle a constitués. Aucun de nous n'aurait donc pu être élu, soit aux municipalités, soit aux corps administratifs, soit aux tribunaux de district, soit au tribunal de cassation. Cependant
là confiance nationale a appelé un grand nombre d'entre nous à ces différentes fonctions; et jusqu'ici il n'était venu en pensée à personne de nous taxer d'avoir organisé cës pouvoirs pour nous-mêmes. (Murmures.) C'est qu'en effet ceux qui constituent un régime électif ne font rien pour eux, quoiqu'ils puissent être élus, parce qu'ils ne peuvent pas disposer de l'élection ; mais ils font tout pour la nation, à qui le droit d'élire appartient, et à qui il doit toujours être conservé libre. Il n'y a aucune différence, à cet égàrd, entre là législature et tous les autres pouvoirs constitués,
Le système de la nécessité d'une acceptation exprésse de la Constitution fournit cette autre objection, que, la Constitution ne pouvant être ratifiée que par une 'Assemblée nouvelle, désintéressée et impartiale, il serait absurde que ceux qui l'ont faite pussent encore l'accepter au tiom du peuple:
Je réponds que si l'examen du système de l'acceptation-expresse ne peut pas recevoir ici tous ses développements, au moins est-il heureusement devenu sans application à la position du royaume: distinguons ces deux cas très différents. Quand lé peuple n'établit une convention que pour lui proposer une Constitution ; quand cette Constitution, restée dans les termes d'un simple écrit, n'a que la valeur d'un projet ; quand, par l'état de l'opinion nationale, Inexécution de cette Constitution ne pourrait être tentée, ou s'effectuer qu'à l'appui d'une ratification antécé- ' dente, c'est alors qu'il est nécessaire que la na-tion assemblée donne son acceptation expresse. Ici, les actes du pouvoir constituant que nous exerçons n'ont été . soumis à la nécessité d'aucune forme d'acceptation expresse solennelle : ils n'en étaient pas moins subordonnés sans doute, par.la force des choses, à l'adhésion nationale; mais cette adhésion a été fortement prononcée. C'est parce que vous n'avez pas pu en douter, que vous avez présenté la Constitution, non comme plan à discuter et à accepter, mais comme loi à exécuter : et elle a été exécutée; et elle l'a été parle peuplé, parce qu'elle estadmise et consentie par lui. C'est par le peuple que lé royaume a été nouvellement divisé, les assemblées primaires réalisées, les corp3 électoraux formés, les assemblées administratives'et les tribunaux mis en activité ; c'est enfin par l'action propre et immédiate du peuple, qui s'est rendu notre collabora-rateur, que tous les rouages de l'ancien gouvernement ont été brisés pour faire place à toutes les institutions du nouveau régime constitutionnel. Nous avons donc bien plus que de simples écrits de ratification. Nous avons une Coostitu- . tion exécutée, pratiquée, consommée. Il est vrai de dire que le pouvoir constituant est exercé ici par la nation tout entière; car, si nous en avons proposé les actes en décrétant, la nation a plus fait encore, elle les a réalisés et confirmés en opérant. (C'est vrai ! — (Vifs applaudissements.)
J'ajoute que, dans l'hypothèse mêmé de la nécessité d'une acceptation expresse, on n'en pourrait pas conclure que lesmembres de l'Assemblée actuelle doivent être exclus dé la prochaine législature. Comment soutiendrait-on que les actes du pouvoir constituant pourraient être valablement ratifiés par une simple législature constituée ? S'il fallait une acceptation expresse, elle ne pourrait être donnée que par la nation elle-même. Cet acte excéderait évidemment les pouvoir d'un Corps législatif qui, créé par la Constitution, formé et organisé dans la forme établie par
elle, n'aura lui-même d'existence valable que par l'autorité reconnue de cette Constitution. La législature ne sera qu'un produit du nouveau mode de gouvernement; elle ne sera pas l'élément national dont l'acceptation de ce mode, si elle était nécessaire, devrait émaner. (Applaudissements.)
Il n'y a donc rien en principe qui puisse autoriser d'exclure les membres de l'Assemblée actuelle de la prochaine législature ; mais en sagesse, en prévoyance, en juste sollicitude pour la chose publique, est-ce que les'plus graves motifs ne rendent pas la liberté de la réélection désirable, et sa prohibition souverainement impolitique? Il ne suffit pas d'avoir écrit ^Constitution, il faut lui donner maintenant Ta vie et le mouvement conformes à son esprit; et nous aurons besoin longtemps, mais surtout pendant les deux premières années, de lois d'exécution et de perfectionnement.
Je sais que les vérités primitives, fondement de la Constitution, sont bien senties et généralement conçues dans toute la France : mais,quand il s'agit d y raccorder les détails et d'en rapprocher les conséquences éloignées, combien ici même, dans le sein de cette Assemblée, n'éprouvons-nous pas encore quelquefois d'incertitude et d'hésitation? C'est un fait que, loin de nous dans les départements, les connaissances sont moins sûres, les idées moins affermies et lès doutes plus graves sur le sens, la latitude et les effets des décrets les plus importants. Il n'y a pas, ou il y a très^peu de corps constitué* qui, de bonne roi et avec les meilleures intentions, ne puissent s'égarer dans l'application, par l'imperfection de la science trop neuve de notre gouvernement actuel. La même incertitude sur les effets des principes se remarque dans les départements ministériels, même lorsqu'il est impossible de soupçonner la pureté de leurs vues : ainsi, tous les instruments de l'exécution ont besoin d'une direction ferme et sûre.
L'espérance de la nation et son salut sont entièrement dans la prochaine législature; mais ses membres seront envoyés de toutes ces parties du royaume où la doctrine constitutionnelle n'a pa3 encore pu acquérir le degré de précision, de profondeur et de développement où elle est parvenue dans cette Assemblée : et nous ne voudrions pas qu'il pût y avoir dans ce corps nouveau, je ne dis pas &0 membres, je. ne dis pas 20, mais seulement 10, et même un seul qui pût veiller avec plus de sûreté et d'efficacité que les autres sur les erreurs possibles du ministère et des corps constitués, et prémunir la législature contre les méprises de ses comités, ou contre sa propre inattention! Et nous ne le voudrions pas, même quand la nation, plus soigneuse que nous de ses intérêts, reconnaîtrait la sagesse de cette mesure et voudrait la mettre en pratique 1 Et nous pourrions penser ici, à enchaîner sur ce point capital la liberté nationale par un décret prohibitif 1 Ce ne serait pas là de la sécurité, Messieurs, ce serait un bien déplorable aveuglement. Cette Révolution qui a tant coûté à la France et qu'il lui est si essentiel d'affermir vaut bien la peine de lui être garantie par quelques précautions conservatrices.
Je suis tellement convaincu de l'importance de la réélection pour la législature prochaine, qu'avant de m'ètre pleinement assuré que les principes l'autorisent, mon parti était déjà personnellement pris de vous la proposer par exception pour cette fois, fondé sur le principe prédominant
du salut public. Je dirai seulement à ceux qui , n'y verraient pas la même utilité que moi : Ne présumons point assez de nos forces pour abonder ici dans nos opinions individuelles et laissons à la nation la décision qui lui appartient. Le comité ne propose de décréter que la faculté de réélire; la nation restera maîtresse d'en user à son gré : mais la lui interdire, c'est sinon violer sa souveraineté, au moins exposer ses plus chers intérêts et se charger d'une bien effrayante responsabilité.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Thouret.)
L'Assemblée vient de décréter l'impression d'un discours qui peut nous éclairer sur la question actuellement soumise à la discussion; je propose qu'il soit sursis à la délibération. (Non! non!)
Messieurs, les membres du comité diplomatique viennent d'être invités à se rendre au lieu de leurs séances pour un objet extrêmement important. La guerre est déclarée dans le Comtat Venaissin; le feu gagne les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône; les gardes nationales de ces départements prennent parti dans la lutte. Il est infiniment instant que l'Assemblée nationale prenne une délibération et que, par conséquent, les comités lui fassent un rapport sur cette affaire. Je leur en fais, pour ma part, comme député des départements méridionaux, une sommation précise.
.Nous reprenons la discussion du projet de décret sur l'organisation du Corps législatif. La parole est à M. Prugnon.
Les membres du corps constituant seront-ils rééligibles pour la législature qui doit les remplacer?
Ceux d'une législature pourraient-ils être réélus et sans intervalle?
Deux problèmes assez difficiles pour ne pas céder aux premiers efforts d'une attention ordinaire. -
On se demande d'abord : Pourquoi la nation, satisfaite et reconnaissante des soins.de ses représentants, ne pourrait-elle pas leur continuer sa confiance, et choisir dans le cercle où elle a cru apercevoir le plus de lumières et de vertus?
Pourquoi lui refuser la douceur de leur accorder un prix d'honneur, de leur décerner la véritable noblesse?
Mais celte première idée est bientôt détruite par des considérations d'un genre plus élevé.
Les mémbres d'une Convention nationale peu-vent-ils être appelés à la juger, ou au moins à revoir ses travaux? L'acceptation déûuitive du peuple doit-elle être laite par d'autres représentants que ceux qui ont rendu les décrets constitutionnels?
Dans la règle étroite, la non-réclamation des assemblées primaires vaudra ratification définitive. Si le peuple trouve la Constitution bonne, il sera naturellement porté à réélire ceux qui en ont été Us principaux architectes: mais ici naît l'embarras ; pouvons-nous lui faire perdre le droit de réélire? et sacrifierons-nous un* principe sage et nécessaire peut-être au danger des circonstances ? ou braverons-nous ce danger, en faveur du principe ?
1° Il n'importe pas peu de voir marcher la
Constitution dégagée de ses auteurs, de voir régner la loi et non les hommes; il est temps de savoir jusqu'à quel point nous méritons des approbateurs ou des réformateurs. Le mécanicien doit exposer la machine, et non la juger. Quand une Constitution est faite, le premier devoir des ouvriers est de descendre ae la hauteur, de venir reprendre leur place de simples citoyens, et d'observer, de là, le jeu de tous les rouages.
2° La réélection des membres les plus populaires d'une Assemblée constituante formerait la plus effrayante de toutes les dictatures; ce serait un pouvoir qui rassemblerait en lui seul tous les pouvoirs; il serait tel, que ceux-là mêmes qui en seraient revêtus, devraient en être épouvantés. Lorsque Rome, voulant arrêter le despotisme de tous par le despotisme d'un seul, créait un dictateur, ce n'était que pour quelques instants, et pour une fois. En dernier terme, la volonté de tous se réduirait à celle de quelques-uns :après avoir eu un gouvernement populaire, Athènes finit par obéir à 30 tvrans; c'est assez que le pouvoir législatif réside dans une Chambre unique, sans y ajouter l'incontestable danger de la réélection.
Le jour où la France aura des représentants perpétuels et pas de roi effectif, sera le dernier jour de la liberté.
3° Ils achèteraient pour être achetés. Quelle surface n'offririez-vous pas à la corruption? Bientôt ceux qui portent leur tête au-dessus des rangs seraient entourés d'or, et les législateurs obéiraient, sans le savoir, à des impulsions ministérielles. Oui, décrétez la rééligibilité, et demain les ministres vont régner dans l'Assemblée. tf'ou-bliez jamais le mot profond d'un ministre d'Angleterre, qui, pressé par les objections qu'on lui faisait sur quelques inconvénients de la Constitution anglaise, répondit : Oui, mais fai le tarif des probités du parlement. Pensez-vous que les ministres de France ne sauraient pas user de l'ancienne recette de ceux d'Angleterre ? Pensez-vous que les représentants du peuple français seraient plus inaccessibles à la corruption que ceux du peuple anglais?
La corruption est la matière subtile du gouvernement représentatif. Chaque fois que les ministres auront un grand intérêt à acheter des consciences, ils y mettront un haut prix, et (sans exclure les exceptions), il suffit en général d'y mettre ce prix-la pour en trouver à acheter : il y a un contrat éternel entre ces deux intérêts. La théorie de la corruption se perfectionnera nécessairement dans un ordre de choses qui présente l'étonnante alliance de la démocratie et de la monarchie, sans milieu, ni corps intermédiaire.
4° Tout pouvoir finit presque toujours par corrompre les hommes : l'usage de l'autorité engendre l'ambition de l'autorité ; rien ne tient à côté de ce raisonnement ; les passions peuvent seules le combattre, mais l'expérience dit qu'elles ne le détruiront pas.
5° L'histoire de toutes les révolutions nous présente des êtres dominants, envahissants, et qui finissent par exercer le plus terrible de tous ies despotismes, celui qui porte le costume de la liberté : alors il arrive que le peuple n'a fait qu'échanger le despotisme d'un seul contre la tyrannie de trente ; et tout est perdu le jour où il commence à s'en apercevoir. On m'objectera que je réalise le chapitre des possibles et que je touche aux idées extrêmes. Il y a loin, je le sais, d'une faculté à une nécessité; ne pas gêner la confiance
du peuple, ou la commander, sont deux choses absolument distinctes. D'ailleurs, si presque toujours l'absence est un tort, c'est surtout à la veille des élections, à ce jour où toutes les ambitions particulières s'éveillent, s'agitent et se froissent autour de l'urne qui va rècéler le secret des suffrages.
Hàtons-nous d'ajouter que l'élection est l'objet du désir secret de la plupart des administrateurs: presque tous veulent arriver là. Ainsi, il est très facile de penser que les membres du corps constituant trouveraient en eux de redoutables concurrents.
Mais, en s'arrêtant d'abord à cette dernière idée, quel choc d'ambitions ne verrait-on pas s'élever, si la réélection était prononcée ? Quel ressort cela ne donnerait-il pas à l'intrigue ? N'y aurait-il pas des membres (et je proteste d'avance contre toute allusion personnelle), n'y aurait-il pas des membres qui, se croyant placés entre leurs intérêts et leurs principes, chercheraient à se populariser démesurément et feraient jouer à la fois tous les leviers dé l'opinion ?
Or, dans un gouvernement représentatif, de toutes les hypocrisies, celle de popularité est la plus à redouter et à prévenir.
L'homme strictement honnête dédaigne d'être adroit; mais tel est le caractère de l'ambition qu'elle se prostitue pour régner : toujours elle a Faccent du moment, et la couleur de son intérêt. Le zèle n'a pas une nuance qu'elle ne saisisse : enfin elle a presque toutes le sortes d'esprit.
6° Les réputations sont un genre d'agiotage, dont les anciens avaient la bonhomie de ne pas se douter et qui est très heureusement cultivé par les modernes. (Vifs applaudissements.)... Souvent dans les grandes assemblées, le monopole de la gloire est fait par des gens qui ne paraissaient pas appelés à être ses amants. Les réputations ont leurs mystères, de là vient qu'il y en a tant à fonds perdu. On sait aujourd'hui travailler ses succès; et si Solon revenait au monde, je lui conseillerais de commencer par avoir des prô-neurs. Or, il ne faut pas qu'il soit jamais possible de dire, avec quelque justice, que le corps constituant a tout fait pour lui, et dans son intérêt, ou au moins dans celui de ses membres les plu3 connus.
7° Avons-nous moissonné toute la raison qui est en France? et ies vérités intéressantes à la chose publique ne circulent-elles pas comme et mieux que la monnaie? N'y a t—il pas beaucoup de talents, pour qui tout bien possible est une étude, et tout excès à réformer un tourment? L'heureuse impulsion donnée à l'esprit public a-t-elie été sans fruit? Investissons-nous d'impartialité et de philosophie, et nous conviendrons que dans chaque département la nature tient comme en réserve des hommes aujourd'hui plus capables que nous-mêmes peut-être de nos fonctions, parce qu'ils ont la lassitude de moins.
8° N'est-il pas très utile que ceux qui ont du patriotisme, plus encore que ceux qui en montrent, retourneut dans les départements et s'y répandent: non pas seulement pour y respirer l'air de l'égalité (dont nous avons tous quelque besoin), mais encore pour y propager l'esprit publie et y interpréter sagement fa Constitution? Mission moins brillante que la première, mais à laquelle ils doivent se consacrer avidement, parce qu'elle n'est pas sans une grande utilité. C'est dans la continuité des petits devoirs, que je montre la patriotisme, et je suis tenté de me défier de ce-
lui à gai II faut Unjthéàtre et des applaudissements.
Il est donc nécessaire qu'ils deviennent, non pas les missionnaires d'une Révolution qui n'en a plus biesoin; mais les interprêtes d'une Constitution qui exige le retour à la mesure et qu'ils y répètent chaque jour que l'exaltation des principes n'est pas lé sublime. (Applaudissements.)... C'est à eux d'achever de faire descendre la lumière dés hauteurs, et la lumière fera aperce-voirie très pressant besoin de la paix.
On ne niera pas deux choses : l'une, c'est que le plus bel édifice, fût-il de granit et de por-phire, peut présenter des côtés faibles et incomplets; l'autre, c'est que tout ce qui n'est pas précisément constitutionnel peut être revu et remanié par nos successeurs ; et, quoi que nous fassions, la ligne se déplacera toujours un peu : ce qui est bon sera seul éternel. Or, si les principaux faiseurs étaient réélus, quelle lutte n'éta-blierez-vous pas entre eux et leurs nouveaux collègues ? Vous finiriez par rendre la réforme de nos erreurs, sinon impossible, au moins infiniment difficile et lente. Ceux qui ont combattu sur les remparts de la liberté ne saven t pas toujours combattre sur ses bornes. (Mouvement.)
Une circonstance pourrait faire fléchir, peut-être, ces considérations en affaiblissant le danger : ce serait la formation ^le nouveaux corps électoraux, sans intervalle eutre elle et l'élection. Cela dérangerait toutes les combinaisons et déconcerterait toutes les intrigues ; d'ailleurs, ces corps-là sont un peu usés (Rires)... la lassitude les gagne, et la plupart des métnbres ne paraissent plus aux assemblées. Ce serait donc une autre question préliminaire à établir, que celle de savoif s'il n'y aura pas dé nouveaux électeurs, et sa solution influerait sur le sort de la question principale ; mais jusque là, et dans les termes où elle est posée, je crois que c'est bien ici qu'il ne faut pas séparer le principe des circonstances parce que souvent elles les dominent. C'est en ce moment surtout que l'Europe nous regarde et nous crie qu'il est temps de déposer le plus immense des pouvoirs que des hommes aient exercé, un pouvoir auquel je ne puis songer, dans les héures solitaires de la nuit, sans un frémissement religieux; et les déposer sans appeler l'intrigue pour nous en revêtir de nouveau, en repoussant même avec respect la confiance qui viendrait nùus l'offrir.
A tant de motifs il n'y a pas à opposer que la possibilité du danger que. voici : Si l'Assemblée qui nous succédera veut se populariser, si elle parvient à séduire l'opinion, et que, forte de son appui et de l'adhésion d'une partie des départements, elle passe la ligne sur laquelle nous sommes, où s'arrêtera le mouvement? Que l'Assemblée nationale examine jusqu'à quel degré ce danger-là peut se réaliser? Je ne vois, moi, dans l'objection qu'une idée extrême, et dans aucune des hypothèses vràisemblables, la balance des inconvénients ne me paraît égale. Enfin, si quelqu'un de nous croit avoir besoin de son inviolabilité, qu'il se souvienne que le vrai moment du citoyen est celui où ses devoirs sont en opposition avec ses intérêts...
Maintenant les membres d'une législature seront-ils réëligibles à la législature immédiatement Suivante ? Seconde question à agiter.
Défendre la réélection, ce serait, va-t-on s'écrier, restreindre la confiance, annuler la liberté des choix; ce serait prendre très gratuite-ment une mesure contre vous, injustement contre
tous; enfin, cé serait attenter à la souveraineté de la nation.
Je réponds : limiter la liberté, ce n'e3t pas la détruire, c'est la consacrer. Pourquoi avez-vous décrété que les administrateurs pourraient être réélus sans intervalle? Pourquoi y a-t-il des citoyens inactifs? Pourquoi faut-il payer un marc d'argént pour être éligible à l'Assemblée nationale? Quel rapport existe-t-il entre un peu d'argent et des talents et des vertus? Pourquoi des combinaisons qui semblent s'entre-détruire?
Ensuite, où réside la souveraineté ? Dans le corps de la nation et non dans chaque section électorale. Un tribunal de district juge de la validité d'une élection, il aurait donc le pouvoir de réformer l'œuvre du souverain. Chaque assemblée élisante ést soumise aux lois que fait le oorps social par ses représentants.
Ce serait attenter à la souveraineté de la nation ô pouvoir de l'équivoquè I
L'Angleterre, je Pavoue, a des représentants qui, de fait; sont presque éternels. Cette espèce d'éternité Semble être une aliénation de la souveraineté nationale, et peser sur l'autorité du roi. Mais, à côté de cette rééligibilité, se trouve la faculté de dissoudre l'Assemblée, que la Constitution a déposée dans la main du prince. Sans cette précaution, il s'engagerait un combat entre l'un et l'autre pouvoir, combat qui ne finirait que par la destruction de l'un ou de l'autre.
Mais ce droit appartiendra-t-il au roi des Français? (Non! nôn!)... Ce serait là un premier point à fixer; dès qu'il y a dans l'État un corps qui dit : je veux, il faut qu'il s'en trouvé un autre qui puisse dire : je ne vèuX pas, sinon il y aurait réunion de pouvoirs dans ce corps, et partout où il y a réunion de pouvoirs, il y a despotisme. Lors donc que le conflit s'élèvera, faudra-t-ilqué la nation demeure privée, pendant 6 ans, d'une loi bonne et utile, d'une loi nécessaire à la prospérité publique? Ou le roi pourra-t-il s'en remettre a l'instant même au peuple, en dissolvant le Corps législatif? Le peuple a deux manières de prononcer son vœu : l'une est la réélection ou le nouveau choix, l'autre est inutile à exprimer; s'il s'explique par une réélection, le vêto, qui ne peut jamais devenir une arme offensive', expire dans :la main du prince, et la loi passe; si, au contraire, il choisit de nouveaux représentants, par là il improuve, et veut que l'on délibère de nouveau. Ainsi, donnerez-vous au roi le pouvoir de dissoudre le Corps législatif ? Alors la faculté de la réélection devient indispensable. Il est de la plus absolue nécessité que ceux qui ont présenté la loi puissent être réélus. Le lui refuserez-vous, ce pouvoir? Alors le problème devient très délicat (je parle de la réélection sans intervalle d'une ou deux législatures) en permettant la réélection immédiate; vous mettez en jeu l'amour-propre, les petites passions, et surtout ce sentiment de paternité que les hommes ont pour leur ouvrage. Je conçois que si la réélection était presque totale, cela vaudrait ratification de la loi ; mais, lorsqu'elle ne sera que très partielle, ce ne sera plus 1 expression de la volonté nationale ; et cependant qu'arrivera-t-il ?
1° Les députés réélus auront, pendant les premiers instants, au moins un ascendant quelconque sur les nouveaux élus, ils seront autant de points de ralliement et de petits centres. Tout ce qui les environnera ne tardera pas à s'affecter de leurs idées ; rien n'est contagieux, dans une nombreuse assemblée, comme les impressions reçues par une partie de ses membres. Voilà le roi sans
veto, ou à peu près; concevez-vous nettement l'idée d'une telle monarchie? Si donc, en principe constitutionnel, la réégibilité est indispensable d'une législature à une autre, il né l'est pas moins - qu'avec un roi privé du droit der dissoudre l'Assemblée nationale, le défaut d'intervalle compromet la Constitution.
2° Dans une grande assemblée, il se rencontre nécessairement des hommes qui, manquant de caractère, en empruntent un, et du moment, et des individus qui les entourent : des hommes qui arrivent sans savoir ce qu'ils doivent vouloir, et dont la tête boit, si je puis lè dire, l'opinion de ceux qu'ils admirent.
Tous ne tiennent pas imperturbablement aux principes établis et à leurs devoirs; tous ne marchent pas avec intrépidité dans les routes de la droiture. Il en est encore qui, croient, se mettre au niveau des grands talents en se mettant à leur suite, et qui ne s'aperçoivent pas que ceux-ci (en les supposant purs) ne sont souvent dominés que par l'orgueilleux désir d'être quelque chose dé plus pour la renommée. Enfin, la nature ne place pas toujours un Phocion à côté d'un Dé-mosthène.
3° Le talent est donc une puissance, et la perpétuité d'une puissance quelconque finit nécessairement par menacer la liberté.
De toutes les puissances, elle est même celle qui touche de plus près à la tyrannie, quoiqu'elle semble avoir contre elle la majorité des amours-prôprës. L'étincelle électrique n'est pas plus prompte que l'enthousiasme qui saisit une assemblée, après avoir entendu l'orateur pour qui elle a par intervalle une sorte d'idolâtrie; alors malheur aux froids calculs de la ,sage§se: on enlève, par un mouvement, la loi qui devait être fille du temps et de la maturité.
Je demande donc qu'il soit décrété que les membres1 d'une Convention nationale ne pourront être réélus pour la législation suivante, et que les membres d'une législature quelconque ne séront rééligibles qu'après l'intervalle de deux années. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Prugnon.)
Messieurs...
Je demande, Monsieur le Président, que vous ayez la bonté de nousdonner connaissance des.lettres qui, vient-on de nous assurer, vous ont été adressées par les députés des colonies, et dont il est important pour l'Assemblée nationale et pour le royaume de France, que nous ayons promptement connaissance. (Non ! non ! — . Après Vopinion de M. Merlin !)
Sont-ce les membres de cette Assemblée qui écrivent?... (Oui! oui!) En ce cas, ils n'ont qu'à parler. (L'ordre du jour,') j
J'ai hésité longtemps avant de me déterminer à vous communiquer mes idées.. J'ai craint la perversité de quelques-uns de ces hommes qui ne peuvent supposer une droiture, une pureté qu'ils n'ont jamais eues. Je redoutais qu'ils ne m'imputassent des intentions secrètes et coupables. Mais ce n'est pas de l'opipipu qu'on prendra de ses actions qu'un représentant du peuple doit s'occuper : son devoir est de tout ramener à l'intérêt général, et de sacrifier son amour-propre et même son honneur au salut
' public. (Au fait t) La nation exige deux choses ae ses réprésentants : qu'ils respectent ses droits, et qu'ils les fassent respecter par le pouvoir exécutif. Respecterions-nau3 ses droits en mettant de nouvelles bornes à sa confiance? Je dis de nouvelles bornes; car voUs avez déjà imposé des conditions à l'éligibilité. Il s'ést élevé des réclamations à cet égard ; exiger toute autre condition, ce serait porter atteinte à la souveraineté nationale.
Je demande ensuite si nous ferions respecter les droits de la nation en excluant du Corps législatif tous ceux qui auraient été membres de Fa législature précédente. Le pouvoir exécutif cherche toujours à étendre ses prérogatives. Si l'on veut conserver la liberté, il faut qu'on lé surveille : or, supposez qu'il arrive une législature entièrement neuVe. Quels seront ses moyens de surveillance? Où sera la force, où seront ses ressources pour contenir le pouvoir exécutif? Je ne puis m'empêcher de sentir que, dans cette hypothèse, la nation aurait à courir la chance funeste d'une grande Versatilité dans les lois. Ce sera par une surveillance éclairée par l'expérience, que la nation conservera le trésor où seront renfermées les contributions publiques, les sueurs du pauvre.
Un membre dont l'opinion ne sera pas suspecte à cette Assemblée, M. l'abbé Maury, disait que les ministres échapperont toujours facilement à des hommes peu expérimentés. Voyez si ces hommes peu expérimentés, dont M. l'abbé Maury parlait en 1789, ne ressemblent pas à une législature absolument nouvelle. Quelque- lumières, quelque patriotisme qu'on lui suppose, cette législature ne pourra avoir, dans lé moment de leur session, qu'une marche faible ou une marche incertaine, ce qui serait pis encore. Vous imaginerez que ce serait bien ,là le moment où la cour, c'est-à-dire lés ennemis pèrpiétuels du peuple, se réunirait pour entreprendre le bouleversement universel et, s'il faut le dire, chercherait à amener une contre-révolution dont je suis très assuré qu'à l'insu même du roi et contre ses intentions bien manifestées, elle s'occupe encore sans relâche. D'un autre côté, si la cour ne se Lcroyait pas assez forte pour employer ouvertement la violence, quels moyens n'aurait-elle pas à sa disposition? Avec une immense liste civile, que lui manquerait-il pour acheter des complices dans la législature ? (Murmures.)
Vous avez encore à craindre les mauvais choix, et il y en aura. Ils amèneront nécessairement dans le Corps législatif de ces hommes qui se font une gloire de leur attachement à un ordre de choses proscrit par la justice et la liberté. Nè craignez-vous pas que quelques hommes qui n'auront pas l'espérance d'être réélus ne respectent moins un caractère que la confiance de la nation ne pourrait leur conserver? Pourquoi vous priver ae la puissance morale de la réélection ?... Ce serait à tort sans doute que j'appuierais mon opinion de la crainte de voir une législature nouvelle chercher à Changer la Constitution : mais qué m'importe qu'elle ne la change pas, si elle la laisse périr I... Avoir le droit de faire des lois réglementaires, c'est avoir le droit d'entraver, de tuer la Constitution. . .
Quant à l'effet que produirait sur nos finances l'arrivée d'une législature absolument neuve, jugeons-en par nous-mêmes : pouvons-nous oublier combien notre longue expérience en matière de finances et d'impôts a coûté à la nation? (Mouvement.) Pouvons-nous oublier ces sommes
énormes qui, sous nos yeux mêmes, ont été dilapidées par les ministres, sans que nous nous en doutassions? Certes, Messieurs, ces malheurs ne seraient pas arrivés si nous eussions eu parmi nous des hommes qui seraient sortis d'une législature précédente avec l'estime universelle de la nation ; ils nous auraient éclairés sur les entraves et sur les abus qu'on ne rougissait pas de faire naître à vos côtés. Croyez-vous, par exemple, que vos finances n'eussent pas été mieux arimi-nistrées, plus sagement, plus économiquement, dès l'ouverture des Etats généraux, si dès lors nous avions eu sur cette matière l'expérience que nous avons acquise ? Que pourra faire à cet égard la prochaine législature, si, comme nous, elle est obligée d'attendre six ou sept mois pour qu'il se forme dans son sein un nouveau Camus? ( Applaudissements. )\\ faut un temps considérable pour s'instruire d une foule de détails que les membres des législatures devront savoir. En finance surtout, les détails sont indispensables : or, le nombre des hommes instruits en finance est bien petit dans les départements...
On craindra sans doute l'influence d'un homme ui joindrait à une grande éloquence l'avantage 'avoir déjà concouru aux opérations d'une législature. Mais cet homme pourrait être sûr, j'en appelle aux mânes de Mirabeau, que s'il voulait tromper, abuser l'Assemblée, il s'attirerait un reproche d'immortalité, dont la supériorité de ses talents ne suffirait pas à la longue pour effacer l'impression...
J'appuie donc l'opinion du comité. {Aux voix! aux voix!)
J'ai reçu de M. de Lessart, ministre par intérim de la marine (1), la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur d'adresser à l'Assemblée les dépêches arrivées hier de
la Martinique, et qui
« Signé : de Lessart. »
La date de la lottre?...
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces qui y sont jointes au comité colonial.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des trois lettres suivantes adressées au Président:
1° Lettre des députés de Saint-Domingue.
« Monsieur le Président,M
« Nous allons adresser à nos commettants le décret que l'Assemblée nationale a rendu hier matin, concernant les gens de couleur et nègres libres. Dans l'état actuel des choses, nous croyons devoir nous s bstenir des séances de l'Assemblée et nous vous prions de lui en faire part. {Applaudissements.)
« Nous sommes, etc.
Signé : de Gouy-d'Arsy, de Reynaud, de Périgny, de Yilleblanche, Gérard. »
2° Lettre des députés de la Guadeloupe.
« Monsieur le Président,
« Le décret que l'Assemblée nationale a rendu hier, concernant les hommes de couleur libres, nous met dans la nécessité de nous abstenir de ses séances.
« Invariablement attachés à l'intérêt de nos commettants et à celui de la
nation, nous en servirons mieux l'un et l'autre. Nous ne cesserons pas,
dans les circonstances imprévues et
critiques où cette colonie va se trouver, de remplir à cet égard nos devoirs de Français, de citoyens.
« Nous vous prions, Monsieur le Président, de vouloir bien faire part de nos dispositions à l'Assemblée. (.Applaudissements.)
« Nous sommes, etc.,
« Signé : NADAL, DE GUALBERT, DE CuRT. »
3° Lettre des députés de la Martinique.
« Monsieur le Président,.
« Le décret rendu hier sur les hommes de couleur et nègres libres nous met dans l'impossibilité "d'assister dorénavant aux séances de l'Assemblée nationale.
« Daignez, Monsieur le Président, lui annoncer que nous nous en abstiendrons, mais avec toute la douleur de cœurs parfaitement français. (Applaudissements.) v « Nous sommes, etc...
« Signé : Moreau de Saint-Méry, Arthur Dillon. »
Je demande que M. le Président rappelle à l'ordre tous ceux qui se permettent d'applaudir dans cette Assemblée. Je trouve ces applaudissements aussi déplacés qu'indécents. (Rires.)
La correspondance des députés des colonies avec leurs commettants est connue. M. de Gurt, l'un d'eux, l'a dénoncée lui-même à l'Assemblée (Murmures.)...
Plusieurs membi'es: Oui! ouil une lettre de M. de Gouy.
Pourquoi ces mêmes députés qui ont eu une correspondance suspecte, j'ose le dire, avec leurs commettants (Murmures.)...
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
Il est évident que l'intention de ces députés, en écrivant les lettres dont vous venez d'entendre la lecture, ne peut pas avoir été de donner des marques de patriotisme (Non! non!)... et si on voulait être sévère avec eux, on devrait les rendre responsables par décret des maux que leur conduite peut amener.(Fi/s applaudissements à gauche.)
Je demandera parole.
Mais, Messieurs, je les crois si peu redoutables, je suis si sûr que les colons blancs eux-mêmes béniront le décret que vous avez rendu, que je ne crois pas devoir insister sur cette mesure. Je méprise tellement la conduite de ces députés que je me contente de demander que vous passiez a l'ordre du jour. (Murmures à droite.)
Je crois que c'est plutôt par irréflexion que par injustice que le préopinanl vient d'attaquer et d'inculper les intentions des députés des colonies. (Murmures à gauche.) J'ai opiué contre votre décret ; il est rendu : je m'y soumets. Mais les députés des colonies sont ar-
rivés au milieu de nous avec des instructions bien différentes des nôtrès et ils n'ont agi ainsi que parce qu'ils sont liés par les ordres répétés de leurs commettants. (Murmures à gauche.) Ils sont incapables, comme Français etcomme représentants de la nation, de ne pas concourir de toutes leurs forces aux mesures de prudence qui peuvent assurer à la nation sa souveraineté sur les colonies; mais votre décret va répandre parr mi les colons tant de consternation et d'eflroi que leurs députés ne pouvaient plus, sans manquer à leur devoir, demeurer dans l'Assemblée et assister à ses séances; ils ne pouvaient pas laisser croire qu'ils concouraient avec vous à l'abandon de l'initiative que vous aviez vous-mêmes accordée...
Ce n'est pas vrai 1 je me charge de le prouver... (Murmures.)
C'est le langage de la halle.
A droite: Ouil ouil A la halle 1
Je demande que M. Prieur soit envoyé à une maison d'éducation.
Je demande que les députés des colonies soient tenus de remplir leur devoir et rendus responsables. Ce ne sont pas des protestations qu'on peut opposer à la volonté nationale, exprimée par vous. Je demande donc que l'amendement de M. Rewbell soit mis aux voix.
(de Nemours). Les députés de la ci-devant noblesse et du ci-devant clergé ont bien essuyé, par les décrets de l'Assemblée nationale, quelques désagréments, et n'ont pas quitté les séances. Ceux des colonies, auxquels ou n'a fait aucun tort, montrent moins de patriotisme.
Je oe doute pas que tous les membres qui ont concouru au décret ont été persuadés qu'ils ne dépouillaient pas les colonies de l'initiative. Les colonies vous, .présenteront de très humbles représentations; elles peuvent vous engager... (Non! non! — L'ordredu jour!) Les colonies vous adresseront des représentations... (Murmures.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, mettez aux voix l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ordre du jour.)
La discussion sur Vorganisation du Corps législatif est reprise.
(1). J'ai senti, Messieurs, toute l'importance de la motion que j'ai faite à l'Assemblée et ce n'est qu'après un mûr examen des raisons pour et contre que je me suis permis de la lui présenter. Je dois dire aussi qu'avant d'être convaincu par des raisons impérieuses de l'utilité de cette motion, de grands exemples m'avaient frappé dans l'histoire.
Les plus grands législateurs de l'antiquité, après avoir donné une
Constitution à leur pays, se firent un devoir de rentrer dans la foule
des
Pour moi, je l'avoue, je n'ai pas besoin de chercher dans des raisonnements bien subtils la solution de la question qui vous occupe ; je la trouve dans les premiers principes de la droiture et dans ma conscience^, Nous allons délibérer sur la partie de la Constitution qui est la première base de la liberté et du bonheur public, l'organisation du Corps législatif; sur les règles constitutionnelles des élections, sur le renouvellement des .corps électoraux. Avant de prononcer sur ces questions; faisons qu'elles nous soient parfaitement étrangères: pour meiy du moins, je crois devoir m'appliquer ce principe. En eflet, je suppose que je ne fusse pas inaccessible à l'ambition d'être membre du Corps législatif, et certes je déclare avec franchise que c'est peut-être le seul objet qui puisse exciter l'ambition d'un homme libre; je suppose que les chances qui pourraient me porter à cet emploi fussent liées à la manière dont les grandes questions nationales dont j'ai parlé seraient résolues ; serais-je dans cet état d'impartialité et de désintéressement absolu qu'exige une tâche aussi importante? Et si un juge se récuse lorsqu'il tient par quelque affection, par quelque intérêt, même indirect, a une cause particulière, serais-je moins sévère envers moi-même, lorsqu'il s'agit de la cause des peuples ? Non. Etjmisqu'il n'existe pour tous les hommes qu'une "même morale, qu'une même conscience, ie conclus que cette opinion est celle de l'Assemblée nationale tout entière. {Applaudissements) ... C'est la nature même des choses qui a élevé une barrière entre les auteurs de la Constitution et les assemblées qui doivent venir après eux. En fait de politique, .rien n'est utile que ce qui est juste et honnête; et riën ne prouve mieux cette maxime que les avantages attachés au parti que je propose.
Concevez-vous qu'elle autorité imposante donnerait à votre Constitution le sacrifice prononcé par vous-mêmes des plus grands honneurs auxquels vos concitoyens puissent vous appeler? Combien les efforts de la calomnie seront faibles, lorsqu'elle ne pourra pas reprocher à un seul de ceux qui l'ont élevée, d'avoir voulu mettre à profit le crédit que leur mission même leur donne sur leurs commettants, pour prolonger sou pouvoir; lorsqu'elle ne pourra pas même dire que ceux qui passent pour avoir exercé une très grande influence sur vos délibérations, ont eu la prétention de se faire de leur réputation et de leur popularité un moyen d'étendre léqr empire sur une Assemblée nouvelle; lorsqn'enfin on ne pourra pas les soupçonner d'avoir plié au désir très louable en soi de servir la patrie sur un grand théâtre, les principes des importautes délibérations qui nous restent à prendre !
Cependant, si, incapables de tout retour per-
sonnel sur eux-mêmes, ils étaient attachés au système contraire, par dés scrupules purement relatifs à l'intérêt public, il me semble qu'il serait facile de lés dissiper.
Plusieurs semblent croire à la nécessité de conserver dans la législature prochaine une partie des membres de l'Assemblée actuelle; d'abord, parce que, pleins d'une juste confiance en vous, ils désespèrent que nous puissions être remplacés par des successeurs également dignes de la confiance publique. {Murmure».)
Ah! c'est modeste.
En partageant le sentiment honorable pour l'Assemblée actuelle, qui est la base de cette opinion, je crois exprimer le vôtre, en disant que nous n'avons, ni le..-droit, ni la présomption de penser qu'une nation de 25 millions d'hommes, libre et éclairée, est réduite à l'impuissance de trouver facilement 720 défenseurs qui nous vaillent. Et si, dans un temps où l'esprit publie n'était point encpre né, où la nation ignorait ses droits, et ne prévoyait point encore sa destinée, elle a pu faire des choix dignes de cette Révolution, pourquoi n'en ferait-elle pas de meilleurs encore, lorsque l'opinion publique est éclairée êt fortifiée par une expérience de deux années si fécondes en grands événements et en grandes leçons ? {Applaudissements.)
Les partisans de la réélection disent encore qu'un certain nombre de membres, et même que certains membres de cette Assemblée sont nécessaires pour éclairer, polir guider la législature suivante par les lumières de leur expérience, et par la connaissance plus parfaite de3 lois qui sont leur ouvrage..
Pour moi, sans m'arrêter à cette idée qui a peut-être quelque chose de spécieux, je pense d'abord que ceux qui hors de cette Assemblée, ont lu, ont suivi nos opérations, qui ont adopté nos décrets, qui les ont défendus, qui ont été chargés par la confiance publique de les faire exécuter, que cette foule de citoyens dont les lumièrés et le civisme fixent les regards dé leurs compatriotes, connaissent aussi les lois et Ja Constitution {Applaudissements.) ; je crois qu'il n'est pas plus difficile de les connaître, qu'il ne l'a été de les faire. {Applaudissements.) Je pourrais même ajouter que ce n'est pas au milieu de ce tourbillon immense d'affaires où nous nous sommes trouvés, qu'on a été le plus à portée de reconnaître l'ensemble et les détails de toutes nos opérations; je pensé d'ailleurs que les principes de cette Constitution sont gravés dans lé cœur de tous les hommes, et dans l'esprit de la majorité des Français; que ce n'est point de la tête de tels ou tels orateurs qu'elle est sortie, mais du sein même de l'opinion publique qui nous avait précédés et qui nous a soutenus. C'est à elle, c'est à la volonté de la nation, qu'il faut confier sa durée et sa perfection, et non à l'influence de quelques-uns de ceux qui la représentent en ce moment. Si elle est votre .ouvrage, n'est-elle pas le patrimoine des citoyens qui Ont juré de la défendre contre tous ses ennemis? N'est-elle pas l'ouvrage de la nation qui l'a adoptée? Pourquoi les assemblées de représentants choisis par elle n'auront-elles pas droit à la même confiance? et quelle est celle qui oserait renverser la Constitution contre sa volonté? Quant aux prétendus guides qu'une. Assemblée pourrait transmettre à celles qui la suivent, je ne crois point du tout à leur utilité.
Ce n'est point dans l'ascendant des orateurs qu'il, faut placer l'espoir du bien public, mais dans les lumières et dans le civisme de la masse des assemblées représentatives : l'influence de l'opinion publique et de l'intérêt général diminue en proportion de celle que prennent les orateurs ; et quand ceux-ci parviennent à maîtriser les délibérations, il n'y a plus d'Assemblée, il n'y a plus qu'un fantôme de représentation. Alors se réalise le mot de Thémistocle, lorsque, montrant son fils enfant, il disait : « Voilà celui qui gouverne la Grèce; ce marmot gouverne sa mère, sa mère me gouverné, je gouverne les Athéniens, et les Athéniens gouvernent la Grèce.» Ainsi une nation de 25 millions d'hommes serait gouvernée par l'Assemblée représentative, celle-ci par un petit nombre d'orateurs adroits, et par qui; ces orateurs seraient-ils gouvernés quelquefois?... je n'ose je dire, mais vous pourrez facilement le deviner. Je n'aime point cette science nouvelle qu'on appelle la tactique des grandes assemblées : elle ressemble trop à l'intrigue : la vérité et la raison doivent seules régner dans les Assemblées législatives. (Applaudissements.) Je n'ajrne pas que des hommes habiles puissent, en dominant une assemblée par ces moyens, préparer, assurer leur domination sur une autre, et pérpétuer ainsi un système de coalition qui est le fléau de la liberté. J'ai de la confiance en des représentants qui, ne pouvant étendre au delà de deux ans les vues de .leur ambition, seront forcés de la borner à la gloire de servir leur pays et l'humanité, de mériter l'estime et l'amour des citoyens dans le sein desquels ils sont sûrs de retourner à la fin .dé leur mission. Deux années de travaux aussi brillants qu'utiles sur un tel théâtre suffisent à leur gloire, Si la gloire, si lé bonheur de placer leurs noms parmi ceux des bienfaiteurs de la patrie ne leur suffit pas, ils sont corrompus, ils sont au moins dangereux; il faut bien fee garder de leur laisser les moyens d'assouvir un autre genre d'ambition. .Je me défierais dé ceux qui, pendant A ans,""resteraient en butte aux caresses, aux séductions royales, à-la séduction de leur propre pouvoir, enfin à toutes les tentations de l'orgueil ou de là cupidité. Ceux qui me représentent, ceux dont la volonté est cenèée la mienne, ne sauraient être trop rapprochés de moi, trop identifiés avec moi; sinon la loi, loin d'être la volonté générale, ne sera plus que l'expressipn des caprices ou des intérêts particuliers de quelques ambitieux ; lés représentants, ligués contre le peuple, avec le ministère et la cour, deviendront des. souverains, et bientôt des oppresseurs. (Applaudissements-)' Ne nous dites donc plus que, s'opposçr à la réélection, c'est Violer la liberté du peuple. Quoi! est-ce violer la liberté que d'établir, les. formes, que de fixer les règles nécessaires pour que les élections soient utiles à la liberté? Tous les peuples n'ont-ils pas adopté cet usage? N'ont-ils pas surtout proscrit la réélection dans les magistratures importantes, pour empêcher que, sous ce prétexte, les ambitieux nè se perpétuassent par l'intrigué et par' la facilité des peuples? N'avez-vous pas vous-mêmes déterminé des conditions d'éligibilité? Les partisans de la réélection ont-il§ alors réclamé contre ces décrets ? Or, faut-il que l'on puisse nous accuser de n'avoir cru à la liberté indéfinie en ce genre, que lorsqu'il s'agissait de nous-mêmes; et de n'avoir montré ce scrupule excessif, que lorsque l'intérêt public exigeait la plus salutaire de toutes les règles qui peuvent en diriger l'exercice? Oui,
sans doule, toute restriction injuste, ; contraire aux droits des hommes, et qui ne tourne point au profit de l'égalité, est une atteinte portéçà la liberté du peuple : mais toute précaution sage et nécessaire, que la nature même des choses indique, pour protéger la liberté contre la brigue et contre les abus, au pouvoir des représentants, n'est-elle pas commandée par l'amour même de la liberté?
Et d'ailleurs, n'est-ce pas au nom du peuple que vous faites ces lois? G est mal raisonner, que de présenter vos décrets comme des lois dictées par des souverains à des sujets ; c'est la nation qui les portes elle-même, par l'organe de ses représentants. Dés qu'ils sont justes et conformes aux droits de tous, ils sont toujours légitimes. Or, qui peut douter que la.nation ne puisse convenir des règles qu'elle suivra dans ses élections, pour se défendre elle-même contre l'erreur et la surprise ?
Au resle, pour ne parler quç de ce qui concerne l'Assemblée actuelle, j'ai fait plus que de prouver qu'il était utile de ne point permettre la réélection; j'ai fait voir une véritable incompatibilité, fondée sur la nature même de ses devoirs. S'il était convenable de paraître avoir besoin d'insister sur une question de cette nature, j'ajouterais encore d'autres raisons.
Je dirais qu'il importe de ne point donner lieu de dire, que ce; n'était point la, peine de tant presser la fin de notre mission, pour la continuer, en quelque sorte, sous une forme nouvelle.-Je dirais surtout une raison qui est aussi simple que décisive. S'il est une Assemhlée dans le monde à qui il convienne de donner le grand exemple que je propose, c'est, sans contredit, celle qui, durant deux années entières, a supporté des travaux dont l'immensité et la continuité semblaient être au-dessus des forces, humaines.
Il est un moment où la lassitude affaiblit nécessairement les efforts de l'âme et de la pensée; et lorsque, ce moment est arrivé, il y aurait au moins de l'imprudence, pour tout le monde, à se charger encore, pour deux ans, du fardeau des destinées, d'une nation. (Vifs applaudisse* ments.) Quand la nature même et la raison nous ordonnent le repos, pour 1,'intérêt public, autant que pour le .nôtre, l'ambition ni même le zèle n'ont point le droit de les contredire. Athlètes victorieux, mais fatigués, laissons la carrière à des successeurs frais et vigoureux, qui s'empresseront dé marcher sur nos traces, sous les yeux de la nation attentive,; et que nos regards seuls empêcheront de trahir leur gloire et la patrie. Pour nous, hors de l'Assemblée législative, nous servirons mieux notre pays qu'eu restant dans son sein. Répandus sur toutes les parties de cetEmpire, nous éclairerons ceux de nos concitoyens qui ont besoin de lumières ; nous propagerons partout l'esprit public, l'amour de la paix, de l'ordre, des lois et de la liberté, (Vifs applaudissements.) Oui, voilà, dans ce moment, la manière la plus digne de nous et la plus utile à nos concitoyens* de signaler notre zèle pour leurs intérêts. Rien n'élève les âmes des peuples, rien ne forme les mœurs publiques,comme les vertus des législateurs. Donnez a vos concitoyens ce grand exemple d'amour pour l'égalité,, d'attachement exclusif au bonheur de la patrie ; donnez-le à vos successeurs, :à tous, ceux qui sont destinés à influer sur le sort, des nations. Que les Français comparent le commencement de votre carrière avec la- manière dont vous l'aurez ter»
rainée, et qu'ils doutent qu'elle est celle de ces deux époques où vous vous serez montrés plus purs, plus grands, plus dignes de leur confiance.
Je souhaite que ce parti soit agréable à ceux mômes qui croiraient avoir les prétentions les plus fondées aux honneurs de la législature. S'i1 s ont toujours marché d'un pas ferme vers le bien public et vers la liberté, il ne leur reste rien de plus à désirer : si quelqu'un aspirait à d'autres avantages, ce serait une raison pour lui de fuir une carrière où peut-être l'ambition pourrait ù la fin rencontrer des écueils. Au reste, je pense que toutes les ressources de l'éloquence et de la dialectique seraient ici inutiles, pour obscurcir des vérités que le sentiment, autant que le bon sens, découvre à tous les hommes honnêtes; et s'il est facile en général de tenir l'opinion suspendue par des raisonnements plus ou moins spéciaux, il est au moins dangereux, dans certaines occasions, qu'un œil attentif ne voie l'intérêt personnel percer à travers les plus beaux lieux communs sur les droits et sur la liberté du peuple. Je suis loin de prévoir ici de pareils obstacles pour une proposition qui, par sa nature, semble appeler un assentiment aussi prompt que général : mais si elle en éprouvait, je la crois tellement nécessaire à l'intérêt de la nation et liée à la gloire de ses représentants, que je n'hésiterais pas à leur demander uue permission qu'ils n'ont jamais refusée à personne; celle de dire quelques mots pour répondre aux objections que ma motion pourrait essuyer.
Je finis par une déclaration franche : ce qui a achevé de me convaincre de la vérité de 1 opinion que je soutiens, ce qui m'y a invariablement attaché, c'est à la fois et la vivacité des efforts et la faiblesse des raisons par lesquels on s'est efforcé de préparer de longue main les esprits au système contraire. Cette curiosité inquiète avec laquelle on interrogeait les opinions particulières ; ces insinuations adroites, ces propos répétés à l'oreille pour décréditer d'avance ceux a qui l'on croyait Une opinion contraire, en assurant qu'il n'y avait que des ennemis de i l'ordre ou de la liberté qui pussent la soutenir; cet art de remplir les esprits de terreur par les mots d'anarchie, d'aristocratie; ces inquiétudes, ces mouvements, ces coalitions : enfin j'ai vu que ce système se réduisait tout en entier à cette idée pusillanime, fausse et injurieuse à la nation, de regarder le sort de la Révolution comme attaché à un certain nombre d'individus; et j'ai dit : la raison et la vérité ne combattent point avec de pareilles armes et ne déploient point ce genre d'activité. J'ai cru sentir qu'il importait infiniment de détruire la cause de toutes ces agitations; il m'a paru que, dans un temps où nouss devons tous réunir toutes nos forces pour terminer nos travaux d'une manière également prompte et réfléchie, ce sernit un grand malheur que des hommes éclairés fussent en quelque sorte partagés entre les soins qu'ils exigent et l'attention qu'ils pourraient donner à ce qui se passerait au dehors, dans le temps des assemblées et des élections dont le moment approche. Quel scandale si ceux qui doivent faire des lois contre la brigue pouvaient en être eux-mêmes accusés! et combien n'importe-t-il pas de faire cesser certains bruits, mal fondés sans doute, qui se sont déjà répandus et mêmes accrédités! Enfin, et ce seul mot suffisait peut-être : puisque nous allons fixer définitivement les rapports, le pouvoir des législatures, la manière même d'y être élu, procédons à ce grand travail, non comme des hommes
destinés à en être membres, mais comme des hommes qui doivent redevenir bientôt de simples citoyens. Pour nous garantir à nùus-mêmes, pour garantir à la nation entière que nous serons tous animés d'un tel esprit, le moyen le plus sûr est de nous placer en effet nous-mêmes dans cette condition. Il faut donc, avant tout, décider la question qui concerne les membres de l'Assem» blée âctuGÎlô»
Je demande que l'on décrète que les membres de l'Assemblée actuelle ne pourront être réélus à la suivante. (Vifs applaudissements.)
Je demande l'impression de ce discours sublime.
(L'Assemblée décrète à la presque unanimité l'impression du discours de M. Robespierre.)
paraît à la tribune. (Mouvement prolongé.)
Un grand nombre de membres Aux voix ! aux voix!
Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Aux voix! aux voix!)
Un membre : Mettez aux voix le décret, Monsieur le Président.
insiste pour avoir la parole.
Un membre : Aux voix, Monsieur le Président ; vous ne pouvez pas vous refuser au désir qu'a toute l'Assemblée de décréter cette motion.
Un membre: 11 y a des amendements à faire.
Un membre : Point d'amendements; mettez aux voix le décret.
On demande à fermer la discussion. (Aux voix! aux voix!)
Je m'oppose à la motion de fermer la discussion, et quoique je, voie dans le plus grand nombre des membres ae l'Assemblée le désir d'aller aux voix, je demande à présenter de fortes raisons contre cette décision. (Murmures.)
Il y a longtemps que je. suis averti que le projet est formé d'enlever cette délibération par un mouvement (Murmures prolongés.)... C'est parce que je vois qu'on en appelle aux vertus de l'As-i-emblée, que je demande à sa raison de m'écou-ter. Si l'Assemblée doit céder à quelque séduction, c'est à la séduction de sa propre vertu; mais je demande qu'elle soit en garde contre cette séduction... (Aux voix! aux voixf) Si l'Assemblée appuie sur de fortes considérations l'opinion qu'elle a en ce moment, les raisons qui la déterminent subsisteront aussi bien demain qu'aujourd'hui ; mais elle n'aura pas enlevé par un mouvement irréfléchi... (Murmures. — Aux voix ! aux voix !)
Il y a différents projets sur cette matière ; il y a des amendements à proposer (Non! non!)... Je demande qu'on ajourne la discussion à demain. (Non! non!)
Il est aisé de voir que les opposants veulent être réélus. (Applaudissements.)
Je demande que l'on nous
cite l'exemple de la séduction dont on nous menace; c'est la bonne action que nous sentons tous, que nous allons faire, qui nous entraine. (Aux voix! aux voix !)
Ceux qui veulent aller si précipitamment aux voix exposent la Constitution. (Murmures.)
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion à la presque unanimité.)
Je demande, par amendement, qu'on ajoute à la motion de M. Robespierre que les membres des législatures prochaines ne pourront être réélus à la législature suivante. (Murmures. — Non! non!)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Rewbell.)
Je mets aux voix la motion de M. Robespierre. Elle est ainsi conçue :
« Les membres de l'Assemblée nationale actuelle ne pourront être réélus à la prochaine législature. »
(Cette motion est décrétée à la presque unanimité.) (Vifs applaudissements.)
lève la séance à trois heures et demie.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
ARTICLES sur l'organisation du corps législatif, ses fonctions et ses rapports avec le roi, proposés à VAssemblée nationale, au nom du comité de Constitution, par M. Thouret.
Avertissement. L'Assemblée nationale a déjà rendu, sur les matières qui font l'objet des articles que nous lui présentons, plusieurs décrets dont les uns sont élémentaires et les autres ne règlent que quelques détails. Nous les avons recueillis et classes dans notre travail, suivant l'ordre des objets auxquels chacun d'eux se rapporte. Ace moyen, l'Assemblée nationale embrassera d'un coup d'œil l'ensemble de l'importante matière qui va l'occuper. En voyant tout à la fois ce qu'elle a déjà fait et ce qui reste à faire pour constituer complètement le Corps législatif, elle trouvera plus de facilité dans la discussion des articles et moins d'embarras pour la décision. (Note du rapporteur.}
« Art. 1er. Le pouvoir législatif réside dans
l'Assemblée nationale qui l'exercera, ainsi qu'il sera dit ci-après.
(Décret de septembre 1789.)
« Art. 2. L'Assemblée nationale sera permanente. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 3. Elle ne sera composée que d'une Chambre. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 4. Chaque législature sera de deux ans. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 5. Le renouvellement des membres de la législature sera fait en totalité. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 6. Aucun état, profession ou fonction publique n'exclut de l'éligibilité à la législature
les citoyens qui réunissent les conditions prescrites par la Constitution.
« Art. 7. Les membres de la précédente législature pourront être réélus.
« Art. 8. Le renouvellement du Corps législatif, qui aura lieu tous les deux ans, se fera de plein droit et sans lettre de convocation du roi.
« Art. 9. Chaque nouveau Corps législatif se réunira le premier lundi du mois de mai, au lieu où le précédent aura tenu ses séances.
« Art. 10. Les assemblées primaires seront convoquées à cet effet, par les procureurs-syndics des districts, pour le premier dimanche de mars, et les électeurs nommés se réuniront sans délai au chef-lieu de chaque département, afin que tous les représentants soient élus avant le 15 avril.
« Art. 11. Les procureurs-syndics seront avertis, avant le 15 février par le procureur général syu-dic du département, de l'onligation de convoquer les assemblées primaires pour le premier dimanche de mars, sans que le défaut de cet avertissement puisse excuser les procureurs-syndics qui n'auraient pas fait la convocation.
« Art. 12. En cas de refus ou de négligence des procureurs-syndics des districts, le procureur général syndic, et à son défaut le directoire de département, seront tenus, après le premier dimanche de mars, de convoquer les assemblées primaires dans le plus court délai : et les procureurs-syndics coupables du refus ou de la négligence seront destitués par arrêté du directoire ae département.
« Art. 13. Au cas de l'article précédent, si le procureur général syndic ou le directoire de département avaient pareillement refusé ou négligé ae faire la convocation, le premier serait destitué et le second dissous par acte du Corps législatif, qui n'aurait pas besoin d'être sanctionné, et les assemblées primaires seraient convoquées par les commissaires que le Corps législatif déléguerait.
« Art. 14. Aussitôt que l'élection des députés au Corps législatif sera terminée en chaque département, le président de l'assemblée électorale sera tenu d'adresser une copie duprocès-verbal d'élection, signée de lui et du secrétaire, aux archives de l'Assemblée nationale.
« Art. 15. L'archiviste fera faire, à mesure que les procèsrverbaux lui parviendront, là liste des noms des députés élus pour composer la nouvelle législature.
« Art. 16. Les députés se rendront le premier lundi de mai, à neuf heures du malin, au lieu des séances du Corps législatif. L'archiviste placé au bureau des secrétaires fera l'appel des noms inscrits sur sa liste et notera ceux des députés absents.
« Art. 17. S'il y a moins de 200 membres préseats, la comparution sera réitérée le lundi suivant, à la même heure, et l'appel fait de nouveau dans la même forme.
« Art. 18. Cette seconde fois, si le nombre des députés présents est moindre de 373, l'Assemblée ne pourra se constituer que provisoirement sous la présidence du doyen d'âge, et les deux membres les moins âgés feront les fonctions de secrétaires.
Art. 19. L'Assemblée ainsi provisoirement constituée s'occupera de vérifier les pouvoirs des députés présents et ne pourra cependant faire aucun acte législatif; mais elle pourra rendre un décret pour enjoindre aux membres absents de se rendre dans le délai de quinzaine au lieu
de la séance, à peine de 3,000 livres d'amende, et d'être privés pour toujours de tous les droits de citoyen actif. Ce décret n'aura pas besoin d'être sanctionné.
« Art, 20. Aussitôt que l'Assemblée sera composée de 373 membres vérifiés, elle se constituera définitivement, sous le titre A Assemblée nationale législative, et commencera l'exercice de toutes ses fonctions. Cette constitution définitive pourra avoir lieu dès les premiers jours de mai, s'il s'est trouvé 373 membres présents à l'appel fait le premier lundi de ce mois.
« Art. 21, Si, le dernier jour de mai étant arrivé,", l'Assemblée ne se trouve pas encore composée de 373 membres, la Constitution provisoire qu'elle aurait faite, aux termes de l'article 18 ci-dessus, deviendra définitive, et les présents délibéreront pour les absents.
« Art. 22. La vérification des pouvoirs sera faite en }a forme suivante :
« Art. 23. L'Assemblée se divisera en bureaux : ces buréaux seront formés, et les procès-verbaux d'élection seront répartis entre eux, de manière , qu'aucun membre d'une,députation ne se trouvé membre du bureau auquel là vérification des pouvoirs .de cette députation sera attribuée,
« Art. 24. Un rapporteur de chaque bureau fera à l'Assemblée générale le rapport de l'examen fait par son bureau des pouvoirs qui lui auront été distribues, et l'Assemblée prononcera sur les difficultés que quelques-uns de ces pouvoirs pourraient éprouver.
« Art, 25. Aussitôt que la vérification des pouvoirs sera terminée et l'Assemblée constituée définitivement, tous les représentants debout, et tenant leurs mains élevées vers le ciel, prononceront, au nom du peuple français et par acclamation le .serment.de vivre libres ou mourir. .
« Art. 26. Chaque député prêtera ensuite individuellement à la nation, en présence de l'Assemblée, le serment de maintenir de tout son pouvoir la Constitution du royaume décrétée par VAssemblée, nationale constituante aux années 1789,1790 et 1791, et acceptée par le roi Louis XVI; de ne rien proposer ni approuver dans le cours ae la législature qui puisse y porter atteinte, et d'être en tout fidèle à la nation, à la loi et au roi. La formule de ce sèrment sera prononcéé par Te Président, et chaque représentant paraissant à la tribune dira : Je le jure.
« Art. 27. L'Assemblée constituée définitivement nommera, au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, un président et. un vice-président qui seront en fonctions pendant un mois et ne .pourront- être réélus qu'après l'expiration d'une présidence intermédiaire.
« Art. 28. Elle nommera aussi tous ies mois, au scrutin de liste et à la pluralité relative des suffrages, 4 secrétaires. :
« Art. 29. Elle nommera enfin, au scrutin individuel, et; à la, majorité absolue des suffrages, deUx greffiers pris hors de son Sein, qui seront en fonctions pendant toute la durée de la législature, et pourront être continués par les législatures, suivantes. Ils seront chargés, sous l'inspection, des secrétaires, de rédiger les minutes des proçès-verbaux, de les rassembler, de les tenir en ordre ét d'en délivrer les expéditions. Ils auront un, traitement; égal à celui des. représentants.
« Art. 30. Le roi, ne pourra pas dissoudre le Corps législatif. ;
« Art. $L Lq Corps législatif aura le droit ,dfi déterminer le iiéii de ses séances, de les conti-
nuer autant qu'il le jugera nécessaire, et de s'ajourner.
«. Art, 32. Au commencement de chaque règne, le Corps législatif, S'il n'était pas réuni, sera tenu de se rassembler sans délai. (Décret sur la régence.)
« Art. 33. Le roi; pourra, convoquer le Corps législatif dans l'intervalle de ses^séances, toutes les fois que le besoin de l'Etat lui paraîtra exiger son rassemblement.
« Art. 34. Le roi sera tenu de faire cette convocation dans les cas d'hostilités imminentes, ou commencées, d'un allié à soutenir, d'un droit à conserver par la force des armes (Décret sur le droit de la paix et de la guerre) et lorsque des troubles séditieux, éclatant à la fois dans plus d'un département, menaceront la sûreté de l'Etat.
« Art.'35. Si, dans les cas mentionnés en l'article précédent, le roi négligeait de convoquer le Corps législatif, la convocation sera faite par le président.dé ce corps, qui était en fonctions lorsqu'il s'est.séparé. Le Président adressera sa lettre de convocation aux directoires des départements qui seront tenus de la faire publier.
« Art.. 36. Le Corps législatif aura la police du lieu de ses séances et de l'enceinte extérieure qu'il aura déterminéé.
« Art-37. Il aura aussi la disposition des forces nécessaires au maintien de sa sûreté, et, du respect qui lui est dû.
« Art. 38. Le pouvoir exécutif ne pourra faire passer ou séjourner aucun corps de troupes de ligne, en deçà de 20,000 toi.-es de distance du lieu des séances du Corps législatif, si ce n'est sur sa réquisition, ou avec son autorisation expresse.
« Art. 39. Le Corps législatif fera tous les règlements qu'il jugera nécessaire pour l'ordre de son travail, et pour la discipline de ses séances ; et il pourra prononcer, contre ses membres qui s'écarteront de leurs devoirs, la censure, les arrêts à temps, ou même l'exclusion suivant la gravité de leqrs fautes ou délits.
« Art. 40. Lé public sera admis aux séances, en se conformant aux règles qui seront établies pour le maintien du bon ordre ; le Corps législatif pourra faire arrêter et punir correctionnelle-ment ceux qui troubleraient ses fonctions, ou lui manqueraient de respect.
« Art. 41. Le Corps législatif pourra se former en comité général pour l'examen de quelques affaires, lorsqu'il aura,jugé cette disposition. nécessaire : alors tous les assistants seront tenus de se retirer; mais, après l'examen fait en comité, la discussion aura lieu, et le décret ne pourra être rendu que dans la séance publique.
« Art. 42. Les procès-verbaux dè chaque séance seront rendus publics par la voie de l'impression.
« Art. 43. Les représentants nommés à l'Assemblée nationale parles départements ne pourront pas être regardés : comme les représentants 'd'un département particulier, mais comme les représentants de la totalité des départements, c'est-à-dire de la nation entière. (Décret du 22 décembre 1789.)
« Art. 44. Les représentants de la nation sont inviolables depuis le moment de ieur élection proclamée, jusqu'à l'expiration de la législature dont ils ont été membres, et en outre pendant le temps nécessaire pour leur retour. :
« Art,. 45. Aucun représentant de la nation, ne pourra être poursuivi devant les tribunaux, ni recherché aucune manière, pour raison de :ses opinions, ni pour tout ce qu'il aura,dit, écrit
ou fait dans l'exercice de ses fonctions de représentant. Il n'en est comptable qu'au Corps législatif.
« Art. 46. Le3 représentants pourront, pour fait de crimes commis hors de leurs fonctions, être saisis, soit en flagrant délit, soit en vertu d'un mandat d'arrêt; mais la poursuite ne pourra être continuée qu'après que le Corps législatif aura déclaré qu'il y a lieu à accusation.
« Art. 47. En matière civile, toute contrainte légale pourra être exécutée contre la personne d'un représentant ou sur ses biens, comme contre les autres citoyens.
u Art. 48. Aucun rapport d'un comité et aucune motion proposée par un des membres de la législature ne pourront être délibérés et décrétés que daus la forme suivante.
Art. 49. Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la motion, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra décider si le projet de décret proposé doit être rejeté, ou s'il doit être soumis à la discussion.
« Art. 50. S'il est décidé sur la première lecture que le projet de décret doive être rejeté, le président prononcera par cette formule : L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
« Art. 51. Le projet de décret qui n'aura été rejeté que de cette manière pourra être représenté une seconde fois dans le cours de la même session.
« Art. 52. S'il est décidé .que le projet de décret doive être soumis à, la discussion; le président prononcera par cette formule : L'Assemblée nationale décrète qu'il y a lieu à délibérer.
« Art. 53. Après ce ' décret, la discussion sera ouverte, et pourra être commencée à la même séance si quelqu'un des membres demande la parole.
a Art. 54. Il sera fait deux autres lectures du projet de décret à deux séances différentes, et à des intervalles qui ne pourront pas être moindres de cinq jours.
« Art. 55. La discussion sera ouverte après chaque lecture, et la parole accordée aux membres qui la demanderont, en admettant alternativement ceux qui voudront parler pour le projet de décret proposé et ceux qui voudront parler contre.
« Art. 56. Après la troisième lecture du projet de décret et la discussion terminée, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra décider s'il se trouve en état de rendre un décret définitif ; ou s'il veut renvoyer la décision à un autre temps, pour recueillir de: plus amples éclaircissements.
« Art. 57. Si l'opinion de différer la décision prévaut, le président prononcera par cette formule : « L'Assemblée nationale ajourne le projet de décret proposé par tel comité, ou par la motion de tel de ses membres; » et si l'ajournement est à terme fixe, il énoncera ce terme.
« Art. 58. Si au, contraire, l'avis passe à décréter définitivement, les voix seront prises sur le fond de la proposition, après l'avoir réduite au point de précision qui n'admet point d'opinion tierce entre l'affirmative et la négative.
« Art. 59. Les amendements seront toujours mis aux voix et décidés avant la proposition principale, et les sous-amendements avant les amendements.
« Art. 60. Tout projet de loi qui, soumis à la discussion, aura été rejeté après la troisième lec-
ture ne pourra pas être représenté dans la même session.
« Art. 61. Le Corps législatif ne pourra pas délibérer si la séance n'est pas co mposée de 200 membres au moins ; ; et aucun décret ne sera formé que par, la majorité absolue des suffrages des membres présents.
« Art. 62. Tout décret définitif énoncera dans son préambule : 1° la date de la séance à laquelle le projet aura été lu là première fois; 2° le décret par lequel il aura été décidé qu'il y avait lieu à délibérer; 3° les dates des séances Auxquelles la seconde et la troisième lecture du projet auront été faites; 4° enfin le décret par lequel il aura été arrêté, après la troisième lecture, de décider définitivement;
« Art. 63. Le roi est chargé par la Constitution de refuser sa sanction aux décrets qui n'auront pas été délibérés et rédigés çonformémetot aux articles ci-dessus, par la seule raison que la forme constitutionnelle n'y aura pas été observée ; et si quelqu'un de ces décrets était sanctionné, les ministres ne pourront le sceller ni le promulguer, à peine de responsabilité, qui pourra être poursuivie pendant 6 ans par les corps et les particuliers auxquels le décret serait préjudiciable.
« Art. 64. Sont exceptés dés dispositions Ci-dessus les décrets urgents qui auront été reconnus et déclarés tels par une délibération préalable du Corps législatif. Ils pourront être discutés et arrêtés sur la première lecture, sanctionnés et promulgués sur le vu de renonciation ' faite dans leur préambule, de l'urgence reconnue par le Corps législatif; mais ils n'auront que l'effet de lois provisoires, et pourront être modifiés ou révoqués dans le Cours de la même session ou des suivantes.
« Art. 65. De même, lorsqu'un projet de décret contiendra des articles nombreux,-^es dispositions précédentes n'auront.pas lieu pour chacun des articles : les bases générales et'fondamentales du décret seront réduites en questibrts, sur lesquelles seulement la formalité des 3 lectures, à 5 jours au moins d'intervalle, sera' observée, et les articles seront ensuit© décrétés successivement.
« Art. 66. La proposition des lois appartient exclusivement aux représentants de la natiori : le roi peut seulement inviter l'Assemblée nationale à prendre un objet en considération. (.Décret de septembre 17890
« Art. 67. Le Corps législatif cessera d'être corps délibérant lorsque le roi y sera présent, ou lorsqu'il se trouvera hors du lieu ordinaire de ses séances, si ce n'est lorsqu'il aura été forcé, par des circonstances imprévues, de se réunir ailleurs pour délibérer.
« Art. 68. Aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi s'il 'n'est fait par les représentants de la nation librement et légalement élus, et s'il n'est sanctionné par le roi. (Décret de septembre 1789.) ' ;
« Art. 69. Le Corps législatif présentera ses décrets au roi, ou séparément à mesure qu'ils seront rendus, ou ensemble à la fin de chaque session. (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 70. Le Corps législatif nommera à cet effet, tous les mois, quatre commissaires chargés de porter les décrets au roi; ils marcheront précédés d'un huissier, et aussitôt qu'ils se présenteront, le roi sera averti de leur arrivée.
* Art. 71. Le roi peut refusér son consentement aux actes du Corps législatif. (D^cré^ de septembre 1789.)
« Art. 72. Dans le cas où le roi refusera son consentement, le refus ne^sera que suspensif. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 73. Le refus suspensif du roi cessera à la seconde des législatures qui suivront celle qui aura proposé la loi. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 74. Le consentement du roi sera exprimé sur chaque décret par cette formule, signée du roi : le roi consent et fera exécuter ; le refus suspensif sera exprimé par celle-ci; le roi examinera. {Décret d*octobre 1789.)
« Art. 75. Le Corps législatif fera présenter au roi deux minutes en papier de chaque décret, signées du président et du secrétaire, sur chacune desquelles le consentement ou le refus suspensif du roi seront exprimés par les formules établies par l'article ci-dessus. Une de ces minutes, avec la réponse du roi, signée par lui et contresignée par le ministre de la justice, sera remise aux archives du Corps législatif. (Décret du 2 novem~ bre 1790.)
« Art. 76. Les décrets sanctionnés par le roi porteront le nom et l'intitulé de lois : elles seront scellées et expédiées aussitôt après que le consentement du roi aura été apposé au décret. (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 77. Le ministre de la justice fera faire de chaque décret sanctionné deux expéditions en parchemin dans la forme qui va être prescrite dans l'article suivant pour la promulgation des lois. Ces deux expéditions signées du roi, contresignées par le ministre de la justice et scellées du sceau de l'Etat, seront les originaux authentiques de chaque loi, dont un restera déposé aux archives du ministère de:la justice et l'autre sera remis à celles du Corps législatif. (Décret du 2 novembre 1790.)
« Art. 78. La promulgation des lois sera ainsi conçue :
«Louis, par la grâce de Dieu et: la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français, à tous présents et à venir, salut. L'Assemblée nationale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit : (La copie littérale du décret sera insérée sans addition ni observation.)
« Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, . corps administratifs tt municipalités, que les ' présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier et afficher dans leurs ressorts et, départements respectifs et exécuter comme loi du royaume; en foi de quoi nous avons signé et fait contresigner lesdites présentés, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 79. Les lois seront envoyées, au nom du roi, à tous les corps administratifs, tribunaux et municipalités. » (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 80. La transcription sur les registres, la lecture, la publication et affiche seront faites, sans délai, aussitôt que les lois seront parvenues aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, et elles seront mises à exécution dans chaque district, à compter du jour ou ces formalités y auront été remplies. (Décret d'octobre 789.)'
« Art. 81. Le pouvoir exécutif se fera certifier l'envoi des lois, et il en justifiera au Corps législatif. (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 82. Tout décret sur lequel le roi aura exprimé son refus suspensif ne pourra ni être remis en discussion, ni présenté de nouveau au roi dans le cours de la même législature.
« Art. 83. Les actes du Corps législatif relatifs à sa police intérieure, à la vérification des pou-
voirs,de ses membres, à la tenue des assemblées primaires qui auraient été retardées au cas de l'article 12 ci-dessus, à la destitution des. procureurs généraux syndics et à la dissolution des corps administratifs ou de leur directoire ; ceux concernant les questions d'éligibilité, ou la validité des opérations des corps électoraux ; ceux par lesquels le Corps législatif aura décidé qu'il y a lieu à accusation; et tousjceux qui, par une disposition expresse de la Constitution, sont déclarés exempts de sanction n'auront pas besoin d'être consentis par le roi.
« Art. 84. La création et la suppression des offices ne pourront avoir lieu qu'en exécution d'un décret du Corps législatif, sanctionné'par le roi. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 85. Aucun impôt ou contribution en nature ou en argent ne peut être levé ; aucun em-piunt direct ou indirect ne peut être fait autrement que par un décret exprès du Corps législatif. (Décret de septembre 1789.)
« Art. 86. Le Corps législatif fixera les dépenses de l'administration, déterminera le taux des contributions nécessaires, leur nature et leur perception, eu fera la répartition entre les départements du royaume, en surveillera l'emploi, s'en fera rendre compte, et poursuivra la punition des délits, tant des ministres et des autres agents principaux du pouvoir exécutif, dans l'ordre de leurs fonctions, que de tous ceux qui attenterout à la Constitution de l'Etat.
« Art. 87. Le Corps législatif ne pourra accorder aucun impôt que pour le temps qui s'écoulera jusqu'au dernier jour de la session suivante : toute contribution cessera de droit à cette époque, si elle n'est pas renouvelée ; mais chaque législature votera de la manière qui lui paraîtra la plus convenable les sommes destinées, soit à l'acquittement de la dette publique, soit au pavement de la liste civile. (Décret d'octobre 1789.)
« Art. 88. Le Corps législatif ne pourra insérer, dans les décrets portant établissement ou renouvellement des contributions, aucune disposition qui leur soit étrangère, ni présenter en même temps à la sanction du roi d'autres décrets comme inséparables.
« Art. 89. Les comptes des dépenses et des deniers publics dans l'année qui a précédé, ainsi que les états des besoins pécuniaires de chaque département ministériel pour l'année suivante, seront soumis au Corps législatif dans chacune de ses sessions annuelles, et rendus publics par la voie de l'impression.
« Art. 90. La fixation de la liste civile cessera de plein droit à chaque changement de règne ; et le Corps législatif déterminera de nouveau les sommes nécessaires.
« Art. 91. Dans le cas de régence, la liste civile sera fixée à raison de 4 millions pour le traitement du régent, de 1 million pour le traitement de celui qui sera chargé de la garde du roi, et des sommes nécessaires pour les besoins persou-nels du rpi mineur. Elle pouna être augmentée à mesure que le roi avancera en âge, et ne sera fixée définitivement pour la durée du règne qu'à la majorité du roi.
« Art. 92. Les fonds de la liste civile ne pourront être accordés qu'après que le roi aura prêté, en présence du Corps législatif, le serment que tout roi des Français est obligé par la Constitution de faire à la nation lors de son avènement au trône.
« Art. 93. Après que le Corps législatif sera définitivement constitué et aura nommé ses of-
ficiers, il enverra au roi une députation pour lui en faire part. Le roi viendra faire l'ouverture -solennelle de la session, et pourra inviter l'Assemblée à s'occuper des objets qu'il jugera devoir être pris en considération dans le cours de cette session, sans que cette solennité puisse être regardée comme indispensable pour l'activité du Corps législatif.
« Art. 94. Huitaine au moins avant la lin de chaque session, le Corps législatif enverra pareillement au roi une députation pour lui annoncer le jour où il se proposera de terminer ses séances. Le roi pourra de même venir faire la clôture so- : lenelle de la session.
« Art. 95. Lorsque, dans le cours d'une session, le Corps législatif voudra s'ajourner au delà de 15 jours, il sera tenu d'én prévenir le roi par une députation.
f Art. 96. Si le roi juge que les besoins de; l'Etat exigent qu'une session soit continuée au delà du terme que le'Corps législatif aura annoncé pour sa clôture, ou que l'ajournement n'ait pas lieu, ou qu'il n'ait lieu que pour un temps moins long, il pourra demander, soit une continuation de séance, soit l'abréviation de l'ajournement, par uu message motivé sur. lequel le Corps législatif sera tenu de,délibérer.
« Art. 97. Lorsque le Corps législatif ira en cérémonie, il recevra les honneurs dus aux représentants du souverain ; les armes lui seront présentées, et les tambours battront aux champs.
« Art. 98. Les mêmes honneurs seront rendus au roi, comme représentant héréditaire du souverain.
« Art. 99. Lorsque le roi et le Corps législatif marcheront ensemble, le président du Corps législatif sera placé à la droite du roi, sansinter-médiaire entre le roi et lui ; et il n'y aura pareillement aucun intermédiaire entre le roi, le président et les autres membres du Corps législatif. »
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. d'AUarde sur la rééligibilité des membres de VAssemblée nationale (i).
Messieurs, cette question vous presse entre deux intérêts, le vôtre, celui du peuple : j'en conclus que ce dernier sera seul écouté; après tant sacrifices faits à l'intérêt général, le dernier, le plus grand sans doute, qu il vous reste à faire,, est celui de vous-mêmes.
Il suffira donc de vous démontrer que la question de la rééligibilité, telle que le comité l'a proposée, serait une atteinte à l'intérêt général.
Je vais appuyer cette démonstration sUr les principes de la politique, de la morale, de l'expérience.
J'ai cru que la défiance était la plus sûre garde du berceau de la liberté.
Je combattrai d'abord le système de la réélection par les considérations politiques.
On argumente en faveur du principe, que rien ue peut limiter le droit d'élection, qu'il est fondé sur la liberté : mais il est une considération plus
haute, plus souveraine, celle de la sûreté.du Corps politique, cette base sur laquelle repose la liberté même : la liberté fléchit devant l'intérêt social ; c'est à ce principe sauveur des Empires, que les lois doivent leur origine ; elles ne circonscrivent l'action que dans ce qu'elle peut avoir de nuisiblp. L'exercice de la liberté s'abaisse alors devant la hauteur du salut public;
Je lèverai bientôt le voile qui couvre la plaie immense dont le frapperait le système de la réélection : mais je suis la marche de ma démonstration, je continue de développer devant vous la chaîne des principes politiques.
La représentation nationale est fondée sur ce principe que l'agrégation sociale étant trop nombreuse pour qu'on puisse concevoir une délibération universelle, on ne pourrait obtenir le résultat de la volonté générale, que par des volontés partielles revêtues de son assentiment,
Ce mode, imparfait sans doute, est le seul que comporte la nature des choses.
Ce principe conduit à celui-ci : Plus on comptera de ces volontés partielles, et plus on se rapprochera de la volonté générale; car plus on additionne de fractions, moins on est éloigné de l'entier. Or, en renouvelant totalement les membres du corps représentatif, vous ajoutez d'une manière plus immédiate à cette masse de volontés dont se compose la volonté générale, parce qu'alors vous en doublez le résultat qui reste au contraire si les mêmes sont réélus.
En mettant de nouvelles volontés dans la balance de celles qui ont déterminé l'œuvre de la Constitution, vous lui donnez un poids plus inébranlable; vous l'armez de plus d'appuis, vous l'entourez de plus de respect; d'ailleurs, de cette nouvelle représentation se composerait une espèce de ratification solennelle de la Constitution: par de nouveaux représentants le peuple concourt davantage à ce grand œuvre : il l'a sanctionné sans doute; mais ce nouveau concert de volontés est en quelque sorte le ciment indestructible qui peut en lier les fondements.
Le système de l'entier renouvellement du Corps législatif se rapproche davantage du système d'égalité que vous avez su rétablir. Chacun sortant de la carrière après l'avoir parcourue, il reste .à un plus grand nombre la faculté d'y descendre : ainsi la condition 4e tous devient plus égale : par là le pouvoir alterne pour ainsi dire : il parcourt plus d'anneaux de la chaîne sociale : presque tous exercent l'Empire, et nul ne le retient ; la loi domine, et non le législateur. Et ne dites pas... c'est éteindre le feu du génie, c'est abreuver ies talents de découragement, que de fermer à ceux employés dans cette Convention les portes dii temple de la législature suivante! Oubliez-vous que î'austère désintéressement, que l'abnégation de soi-même sont les premières vertus républicaines, qu'elles seules peuvent et doivent régénérer nos temps corrompus, qu'il faut établir en maxime et surtout en exemple que la plus grande récompense de ceux qui servent la patrie, doit être l'honneur inestimable de' l'avoir servie? Vous ne voulez qu'être utiles? Eh bienl vous le serez hors de la législature. Vous pourrez encore rendre la patrie confidente de; vos pensées : vous les verserez dans des,, écrits civiques ; l'arme de la liberté, l'imprimerie vous conservera une existence politique : par là vous assisterez en quelque sorte au milieu de la chose publique, par là vous pourrez en arrêter encore les oscillations, et préparer, suivre, diriger ses mouvements vers le bien général.
Vous ne prétendez pas sans doute que ceux qui vous suivront, tiendront les rênes de l'administration d'une main plus inexpérimentée : ce serait déprécier son siècle, injurier la France, calomnier une nation : qu'est-ce qu'un rayon devant un foyer de lumière?
Je pense d'ailleurs que les esprits qui ont fait une Révolution ne sont pas propres à la consolider. Le régime du calme est un autre que celui de la tourmente ; il est temps que la France, travaillée de principes convulsifs, se repose dans des principes d'ordre et de paix; c'est à la prudence à garder ce que la force a conquis. 11 a fallu l'arracher "aux vices de l'ancienne Constitution par des secousses; mais aujourd'hui cette marche anéantirait les bienfaits de la nouvelle ; elle nous porterait sur les routes de l'anarchie, pente glissante et rapide au bas de laquelle est le gouffre du despotisme.
L'esprit constitutionnel ne doit donc plus être l'esprit révolutionnaire : l'état des choses est changé et tel a- peu près qu'il doit être. La manœuvre ne devant plus être la même, il n'est plus besoin du même pilote; le plus grand des malheurs serait de porter à un ordre de choses établi l'habitude d'esprit contractée dans un ordre de choses qu'il fallait détruire.
Je sens que j'arrive aux considérations morales, elles se pressent eu foule au-devant de mon esprit.
Par" la réélection vous ouvrez la porte à la perpétuité des emplois; il faut armer le peuple contre cet enthousiasme, qui, le portant à tout déférer à ceux qui le défendent, le précipite au devant de la servitude.
Alors se forme du côté de ceux élevés par le peuple une habitude de commander, et du côté au peuple une habitude d'être gouverné qu'ils savent entretenir en le conduisant plutôt par la passion qui entraîne, que par la réflexion qui n'émeut jamais.
Cet homme qui avait profondément creusé l'immortalité, Machiavel, dit aux tyrans : « Flattez le peuple, vous l'enchaînerez ». Je vous dénonce cette exécrable théorie. Songez combien il serait facile, à l'aide d'un civisme hypocrite, de faire proroger son pouvoir; songez ensuite qu'en tout temps, en tout lieu, la prorogation du pouvoir a fini par enfanter l'esclavage. Dans une grande Assemblée un homme peut élever un édifice immense de pouvoir sur les prestiges de î l'éloquence; et s'il joignait à cet ascendant les sourdes manœuvres d'une intrigue tortueuse, le colosse finirait par écraser.
Il faut éteindre d'ailleurs la torche des haines personnelles; dans les violents assauts livrés à cette Assemblée, les esprits se sont exaspérés; ils se sont saturés d'animosités, de vengeance; prenons garde que ces dispositions ne soient portées à la prochaine législature. Elle doit exercer l'empire de la paix; nous avons assez exercé celui de la guerre. 11 est même d'humanité de laisser se cicatriser les blessures profondes des vaincus ; les législateurs qui vont vous suivre pourront être ennemis des abus sans l'être des personnes. Vous ne le pouvez pas.
11 me reste à ouvrir devant vous le livre de l'histoire, à vous ramener à l'école de l'expérience.
Je vais parler d'Athènes et de Rome.
Athènes sentit tous les dangers d'un pouvoir excessif et prolongé : alors naquit l'ostracisme ; je ne prétends poiat justifier cette ingratitude politique; mais le principe fut pur, l'application
souvent injuste, le principe était que tout homme puissant est à craindre; l'ostracisme leur parut le seul moyen de paralyser tout pouvoir qui alarmerait la chose publique. Elle n'avait point ainsi arrêté les Pisistrates, les Périclès : ils montèrent au faîte de la tyrannie. La faveur populaire, l'éloquence, la corruption en furent les degrés, Athènes alors fut enchaînée.
La non-réélection, sans présenter les vices de l'ostracisme, en renferme du moins les avantages.
L'histoire de Rome présente trois époques ou la liberté fut anéantie : à ces trois époques le pouvoir fut impolitiquement prorogé.
Les décemvirs sont élus pour réformer les lois ; ils les réforment : le peuple est appelé, consulté : le peuple est cher à leurs yeux, ils lui attribuent les jugements et la sanction des lois : un seul faisceau sans hache est porté devant- eux ; le jour des comices arrive, ils mendient l'honneur d'être réélus, ils le sont. Le masque tombe, l'appareil de la tyrannie est déployé, douze faisceaux les annoncent, la hache est arborée, un père saintement homicide ne peut arracher à leurs fureurs le chaste sein de sa fille, qu'en y plongeant le poignard.
Marius, contre toutes les lois de Rome, est nommé consul sept fois de suite ; Marius fut l'auteur des proscriptions, il marche au milieu du sang, des tombeaux, des ruines. Ce tigre s'était appelé l'ami du peuple; il avait fait plus, il l'avait d'abord servi. Telle est l'obliquité astucieuse des oppresseurs : ils paraissent sacrifier au génie du bien public, mais c'est au pied de son autel qu'ils attendent les victimes.
Tel fut César : il calcula l'idolâtrie du peuple.
Quand les racines du despotisme s'étendent dans les volontés, c'est alors qu'il est trop tard pour l'abattre, la tyrannie survit au tyran.
Prévenez ces malheurs, Messieurs, tuez la tyrannie dans son germe ; mais, veut-on vous dire, la simple réélection facultative tous les deux ans, ne présente pas les dangers d'une perpétuité constitutionnelle? Eh quoi, Messieurs, la domination de l'intrigue, l'irrésistibilité de l'enthousiasme ne sont-ils pas connus? Les éléments impurs, mais actifs, dont se composent, les réputations populaires, ne subsistent-ils pas? Ces moyens mènent rapidement à l'équivalent d'une perpétuité constitutionnelle. Il est d'ailleurs une vérité Effrayante : les peuples ou les collections d'individus ont, comme un simple individu, la maladie des passions; elles sont même chez eux plus actives, parce qu'elles se propagent contagieuse-ment ; c'est sur ces passions que l'espoir de la domination et ses moyens sont combinés.
Lorsque les Romains voulurent réélire Lucius Quintus, ce grand homme ne voyant que la patrie les conjura, au nom de leur intérêt le plus cher de l'oublier et de nommer de nouveaux consuls.
Je vous vois, Messieurs, rivaliser cet héroïsme et dissuader votre intérêt; vous allez donner un grand exemple en redevenant simples sujets de la loi. J'entendais vos ennemis s'écrier : ils vont rétablir l'aristocratie dans une espèce de sénat; mais vous démentirez ces honteuses impostures, vous prouverez votre désintéressement, en rentrant dans la classe Citoyenne, et ne croyez point perdre vos titres auprès du peuple, vous en conquérez de nouveaux, vous ne quittez un empire que pour en exercer un autre, celui de la vertu.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Gardon de Sandran, député du département de l'Ain, un congé d'un mois pour le rétablissement de sa santé;
Et à M. Lucas, député du département des Côtes-du-Nord, une prorogation de congé pour cause de maladie.
(Ces congés sont accordés.)
Joachim-Nicolas), député suppléant du ci-devant bailliage de Provins, département de Seine-et-Marne, est admis à remplacer M. de Parov, démissionnaire, après qu'il aura prêté le serment civique.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté. -
Messieurs, à propos des articles que vous avez décrétés hier sur l'organisation de la régie des droits d'enregistrement et autres réunis, je demande que les surnuméraires com-missionnés, ayant trois ans d'exercice, puissent concourir pour obtenir de3 places d'employés.
(ci-devant Delley d'1-gier). Je demande que l'amendement du préopinant soit réduit à celui-ci : « Les surnuméraires inscrits pourront concourir. »
Plusieurs membres: Depuis deux ans!
Il faut dire avec quelle classe ils pourront concourir, car il n'est pas dans l'intention de l'Assemblée qu'ils soient placés de préférence sur d'anciens employés.
, rapporteur. On peut mettre l'amendement à la f\n de l'article 17 et dire :
« Pourront cependant tous surnuméraires, com-missionnés, ayant plus de deux ans de service, concourir aux places auxquelles leur donnait droit leur surnumérariat. »
(Cet amendement, mis aux voix, est adopté.)
réclame contre une erreur qui s'est glissée dansl'état nominatif des directions, à l'article 4 du titre 1er du décret sur l'organisation de la régie des droits d'enregistrement et de timbre, puisque cet état place cette direction à Romans, pour le département de la Drôme, tandis qu'il paraît, par l'esprit qui a dicté le décret, que cette direction doit être placée à Valence, chef-lieu, siège du directoire du département; et il appuie fortement les motifs de sa réclamation.
répond et développe, à son tour, les motifs puissants qui ont déterminé
les comités et l'administration à préférer Romans, où s'est tenue
l'assemblée de département, et qui, sous ce point de vue.et plusieurs
autres, doit conserver cet établissement.
Après une réplique du premier orateur à laquelle il est encore répondu par le second opinant, l'Assemblée maintient les dispositions de l'état annexé à l'article 4, en décrétant qu'il est passé à l'ordre du jour.
(de Saint-Jean-d? Angély). Messieurs, :vous avez rendu, avantrhier, un décret sur les hommes libres de couleur et nègres libres, dans vos colonies. Ce décret est déjà en route pour arriver dans vos places de commerce, et peut-être chez les nations étrangères qui spéculent sur les troubles que les ennemis du bien public, de concert avec elles, s'empresseront peut-être d'exciter dans les colonies. Vous avez peut être vu avec étonnement que les comités ne vous aient pas proposé hier de suivre le projet de décret, qui était à l'ordre du jour. Il me semble que, dansl'état actuel des choses, la prudence vous prescrit deux mesures que je vais avoir l'honneur de vous proposer.
D'après la manière dont on interprète déjà, et dont on interprétera dans les colonies le décret par lequel vous avez assuré aux hommes de couleur, nés de pères et mères libres, l'exercice de leurs droits politiques, il me parait nécessaire que l'Assemblée lasse connaître ses véritables intentions et les motifs de sagesse qui ont dicté son décret. On empoisonnera, peut-être, les vues que vous avez eues; et il est important, selon moi, que les colonies apprennent quelles ont été vos intentions; qu'elles l'apprennent par les instructions que le comité de Constitution s'empressera de faire, et qui détruiront les fâcheuses impressions que beaucoup trop d'individus s'empressent peut-être de donner^
Vous devez craindre que les nations voisines n'expédient avant votre instruction, et avant votre décret, quelque avis capable de produire un mauvais effet. Les instructions dont je vous propose la rédaction, envoyées promptement, préviendraient tous les inconvénients que vous pourriez craindre. Je fais la motion expresse qu'il soit rédigé une instruction pour être jointe au décret. La deuxième mesure, c'est derenvoyerau comité de Constitution la suite du projet de décret sur nos colonies, afin qu'il nous propose une détermination positive sur les points que renferme le projet de décret. (Applaudissements.)
La première partie me paraît excellente; mais la seconde me semble dangereuse, et je substitue, à cette seconde partie, que l'Assemblée décrète que le comité colonial lui propose demain la suite du décret.
Le comité colonial ne pouvait pas vous proposer la suite du décret par lequel vous supprimez le congrès qu'il vous proposait. Il lui faut le temps de préparer une nouvelle rédaction. Et comme une instruction me paraîtrait prématurée, je me borne à demander que l'Assemblée enjoigne aux comités réunis de lui présenter la suite ae leur travail sur les colonies. Ce travail est prêt ; vous pouvez vous en occuper demain. Ce travail sera plus propre à rétablir le calme dans les colonies que toutes les-instructions. Il ne faut pas craindre le ressentiment d'un jour, et vous devez croire que les députés des colonies seront les premiers à employer tous les moyens gui sont en leur pouvoir pour y amener la paix.
L'instruction me paraît d'autant plus nécessaire qu'il aété soutenu, dans l'Assemblée, que vous n'avez pas rempli l'engagement que vous avez pris envers les colonies. Si des lettres parties de France apportaient aux colons ces nouvelles, elles y jetteraient ùn grand trouble et un grand désordre. Or, Messieurs, cette opinion est extrêmement fausse; mais puisqu'elle s'est manifestée, il faut écrire aux colonies que vous n'avez pas manqué à vos engagements ; qu'au contraire, par condescendance, vous avez accordé aux colons blancs plus qu'ils ne demandaient; car l'article 4 du décret du 28 mars concernait tous les hommes libres, propriétaires et contribuables, et cependant vous avez établi deux classes intermédiaires : les affranchis et les hommes libres nés de mères non libres.
Vous avez donc donné aux colons blancs plus que, d'après vos décrets antérieurs, ils pouvaient espérer. Il est donc bon que cette vérité, manifestée par l'Assemblée nationale, montre à ses provinces qu'ils se sont trompés, ceux qui croient que l'Assemblée nationale a manqué à. son engagement. Je ne suis pas indépendant du soupçon ae l'erreur, si ce n'est du crime. Et comme il est certain que plusieurs membres des colonies ont écrit l'année dernière des lettres qui y ont porté le trouble, lettres dont le rapport doit vous être fait par votre comité des recherches, j'appuie la proposition de M. Regnaud.
En conséquence, je propose que M. le Président se retire par devers le roi pour le prier de suspendre de quatre jours le départ des vaisseaux pour les colonies, afin que les mêmes vaisseaux qui porteront les erreurs, y apportent aussi la vérité. (Applaudissements.)
(de Saint-Jean-d'Angély). Si je n'étais pas convaincu de la nécessité ae ma première mesure, je n'hésiterais pas, mais je suis si fortement persuadé qu'il peut résulter, de la dénaluration de votre décret, des maux incroyables, que je crois qu'il faut qu'il arrive en même temps un préservatif. Qu'il me soit permis de vous rappeler que les premiers troubles arrivés dans les colonies sont nés de la plus mauvaise interprétation de vos meilleurs décrets, des décrets que les meilleurs colons approuvaient et trouvaient très bons. Il y a eu des hommes assez malveillants pour mal interpréter ceux mêmes de vos décrets qu'ils n'avaient pas osé accuser ni combattre dans cette Assemblée; comment peut-on croire qu'il ne soit pas nécessaire, surtout dans cette occasion, d'envoyer dans les colonies une instruction qui, étant la manifestation vraie de vos intentions, aura infiniment plus de poids que les lettres particulières, qu'on ne manquera pas d'y faire circuler pour y exciter des troubles? Elle calmera l'effervescence, elle assurera la tranquillité. Je vous conjure de ne pas rejeter cette mesure, que je crois extrêmement importante.
(L'Assemblée charge ses comités réunis de préparer et rédiger cette instruction.)
Je propose que ce soit M. Regnaud qui fasse l'instruction.
Je propose, moi, que ce soit M. Dupont.
Plusieurs membres: Nous demandons que ce soit M. Martineau.
M. Dubois,, employé à la
monnaie de Strasbourg, m'a fait passer quelques pièces de monnaie faites avec la matière des cloches.
(Ces pièces sont renvoyées au comité des monnaies.)
, au nom du comité central de liquidation, fait un rapport et propose un projet de décret relatif au remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée des départements de la maison du roi, de la guerre et de la marine.
s'élèvent contre la partie du projet de décret relative au payement des différentes sommes échues jusqu'à ce jour pour partie du prix des forges et dépendances vendues au roi par M. de La Ghaussade, et demandent que les commissaires du roi, près les tribunaux de là Situation des biens, pourvoiront à cet égard aux formalités usitées pour tous les particuliers.
Le projet de décret est mis aux voix avec cette modification dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des-vérifications et rapports faits par le directeur général delà liquidation,décrète qu'en conformité de ses précédents décrets sur la liquidation des dettes de l'Etat, et sur les fonds destinés à l'acquit de ladite dette, il sera payé aux ci-après nommés, pour les causes qui vont être expliquées, les sommes qui seront pareillement déterminées^ savoir ::
la ARRIÉRÉ DU DÉPARTEMENT DE LA MAISON DU ROI,, DE L'ANNÉE 1789.
remboursement de charges et offices.
Palefreniers, garçons d'attelages et autres employés dans la maison du roi.
L s. a.
Marin.......................... 343 15 0
Blanchard l'aîné............... 343 15 0
L'Epine...................... 343 15 0
Gautruche..................... 426 5 0
Dufour......................... 152 10 0
Martin........................ 184 10 0
Lardé............. ........... 343 15 0
Boulanger l'aîné............... 418 15 0
Boulanger le cadet.............. 343 15; 0
Huet............................ 343 15 0
L'Iblond........................ 343 15 0
Lyonnois..................... 343 15 0
Facquet....................... 343 15 0
Lahaye........................ 343 15 0
Bontems......... ........... . 343 15 0
Rouard....................... 593 15 0
Gaillet.........................481 5 0
Badin, porteur................. 675 0 0
Badin, postillon............... 550 0 0
Maintien...................... 650 0 0
Aumoitié........................ 675 0 0
Vaudin.......................... 675 0 '0
Richard....................... 426 5 0
Dominique.................... 343 15 0
Motté père..................... 440 0 0
Fortin........................ 426 5 0
Christille...................... 426 5 0
Motté fils..... ........ ........ 426 5 0
Bardon........................ 343 15 0
Lavigne....................... 343 15 0
Hyacinthe...,.............,.. .- 343 15 0
Saint-Marc...................343 15 . 0
1. s. d.
Nicolas........ ............... 343 15 0
De Villeneuve................. 343 15 0
Carré................................343 15 0
Lefèvre......................343 15 0
Languedoc................... 343 15 0
Caillot........................ 343 15 0
Després..................................343 15 0
Reuty........................... 343 15 0
Fallon.....................................343 15 0
Aubert...............:........ 343 15 0
Noël....................................343 15 0
Poncet........................343 15 0
Fauvel............. .......... 343- 15 0
D'Herlinguc................... 343 15 0
Rose Rouard.......,..,...... 343 15 0
D'Herlingue cadet.............. 343 15 0
Lorret........................ 343 15 0
Parizy.......................... 343 15 0
Chevalier l'aîné................. 343 15 0
Grangé..............................343 15 0
Lajeunesse.........;.......... -343 15 0
Alexandre............... .... 343- -15 0
Maurice....................... 456 5 0
La Ravine..................... 593 15 0
Fournier...................... 418 15 0
Marchand..................... 412 10 0
Margotte...................... 343 15 0
Lévèque....................... 550 0 0
Darras........................ 426 5 0
Sénéchal...................... 426 5 0
La Rivière..................... 750 0 0
Beauvilliers................... 343 15 0
Fretin......................... 343- 15 0
Louis Fortin................... 343- 15 0
Lamarche..................... 456 5 0
Teronnet...................... 343 15 0
Leclerc........................ 343 15 0
Robert père................... 343 25 0
Robert fils.................... 343 15 0
Vattier........................ 343 15 0
Dalniel........................ 343 15 0
La veuve Vannier.............. 60 0 0
Saint-Clair.................... 343 15 0
Favry......................... 343 15 0
La Brière..................... 343 15 0
Castel......................... 343 15 0
Berthelin...................... 343 15 0
Marin......................... 343 15 0
Claude........................ 343 15 0
La veuve Vannier.............. 344 15 0
Cambier....................... 343 15 0
Gervais..............................343 15 0
Merle......................... 343 15 0
Barthélémy.................... 343 15 0
Lançon....................... 343 15 0
Languille..................... 343 15 0
Banceron...................... 481 5 0
Billard l'aîné................. 426 5 0
Beigard....................... 440 0 0
Puteau......................... 426 5 0
Flamand...................... 426 5 0
Chapuy.,..................... 42fr 5 0
Raton......................... 426 5 0
Pernot........................ 426 5 0
Rondeau...................... 426 5 0
Louvet....................... 426 5 0
Cousin....................... 426 5 0
Lerat.......................... 42Gr 5 0
Laruelle...................... 440 0 0
La veuve de Seillier........... 137 10 0
Barthélémy................... 345 15 0
Antoine.......................: 343 15 0
Monnier...................... 343 15 0
1. s. d.
Laurent...................... 343 0
Gallement..................... 343 0
Legras............... ......... 343 0
Gobert............. — ....... 75 0
Bloume..................... 343 0
Hermier...................... 343 0
Félix......................... 343 0
Pernot........................ 343 0
Pierre........................ 418 0
Jean Louis..................418 0
Grugé......................... 343 0
Jean.......................... 343 0
Lefèvre....................... 343 0
Chalons....................... 418 0
Jardin........................ 843 0
Jardin fils.................... 481 0
Verré......................... 418 0
Courtois...................... 418 0
Lafleur....................... 343 0
Hamel........................ 675 0
Lamperière, dit Colin.......... 412 0
Rombeau..................... 426 0
Lannois....................... 440 0
Tarlet..................... .. 426 0
Fecourt...............................426 0
Duclos........................ 426 0
Signol—.................... 440 0
France...................... 426 0
Daoust....................... 426 0
Signol cadet— ............. 550 0
Rondeau.................... 426 0
Baptiste...................... 343 0
Le Blanc..................... 426 0
Gardon....................... 426 0
Anguillecourt cadet........... 426 0
Boilair........................ 426 0
Vattier........................ 440 0
Jouan........................ 426 0
Langlois..,................... 426 0
Champagne................... 343 0
Lapierre, courrier............. 343 0
Davignon.................................440 0
Bastien......................; 426 0
Frémont...................., 440 0
Chaumont..................... 440 0
Jeulin........................ 426 0
Leflanc....................... 440 0
Reuault....................... 440 0
Boutillé....................... 440 0
Finet........................ 440 0
Gautruche cadet............... 426 0
Jumel........................ 440 0
Gervais........................ 426 0
Sergent....................... 426 0
La Ravine cadet............... 593 0
La Butte...................... 343 0
Robert....................... 675 0
Aumoitié l'aîné................ 675 0
La Jeunesse................... 343 0
Pacquet....................... 343 0
Gobert........................ 343 0
Total de cette partie pour cent soixante-sept parties prenantes................ 66,571
Fournisseurs, entrepreneurs, êcuyers et commissaires de la grande écurie du roi.
Mouton ............291 0 0
1. s. d.
Chevalier et Hugot ta-. pissiers...58,600 0 0
Gotheret, tambour...281 0 0
Cottu, bourrelier....75,360 0 0
Genson,marchand de fer......913 0 0
L e c o u r t, fourbis-seur....., 3 0 4 0 0
B ou cq billard, pour fourrages.41,734 6 6
Laudigéois, pour Le -roux, 1o yers de bâtiments.2,500 0 0
D'Ozier, généalogiste La veuve floffman, bottiére.3,750 0 0
La veuve Poitevin , ru b an -nière....11,322 0 0
Millet, Cordonnier. . Grenioult de Villanot-te, éèuyer du manège.......6,284 0 0
Béaudet , contrôleur des voitures.1,035 3 0
Leroi, maître palefrenier.1,035 3 0
Duverger, i n s p e c -teur des 'fourra-' :ges.....3 , 7 5 0 0 0
Gazo tte ,tambour.281 0 0
G a z o 11 e , . garde -, meuble de , l'écurie..2,580 0 0
Morillon ,t doreur en voiture...18,449 0 0
Poulet, ser-rurier....2,580 0 0
Larbouste , .écuyer commandant dés attelages.19,000 0 0
Pioultdit Pinçon, garde-malade des pages du roi......12,377 12 0
Le mfime.. 644 10 0
G a r a f f e, trompette. 2,404 10 0
1. s. d. 1. s. d.
B o n g a r s, Scuyer ca- valcadour O. U. 6,000 0 0
Lab igne, ecuyer... 5,033 6 8
Corbet, mar-brier.... 2,139 0 0
Grimoult,ecuyet.. 3,000 0 0
Le meme.. 1,500 0 0
L'Hermi nier, epe ronnier..9,758 0 0
P r 6 v 6 t ,ra a i t r e d'armes.. 2.701 0 0
C h e y ] u s chaudron nier.....151 0 0
Be-e,6cuver 5,500
LemSme... 300 0 0
Lacroix---- 1,300 0 0
Commegrin, maitre palefre- nier..... 223 18 10
Mercier de la Source, coraoais- saire n6ral de la maison du roi... 3,000 0 0
LemSme... 5,000
Mac6,charge de3 affai- res de la succes- sion du sieurGely, mar6chal-ferrant....2,905 0 0
Lemftme... 5,442 0 0
Ron din et Heurel, m a r 6 -ch a u x -fer rants.. 40,894 4 0
Vaillant illumina-tion des ^curies..75,452 5 10
C h a n io t, macon... 63,434 0 0
P1 u c ii e t,charron.. 19,161 0 0
Bauterne,porte-ar-quebuse..5,400 0 0
Gautier, fournis-seur..... 3,858 0 0
Totalde cette partie, pour q u a- rante-sept parlies pre- nuntes..... 576,978 4 0 576,978 4 0
Petite écurie du roi. Fournisseurs, cochers, piqueurs et autres employés, pour montant de mémoires et gages, pendant Vannée 1787.
l. s. d.
Heuzé,serru-rier en bâ-timents. .. 1,587 1 0
Gonet, pour loyers d'é- curie ..... 3,000 0 0
Poulet, serru- rier en res-sorts..... 3,000 0 0
Morillon,do-reur sur métaux.. 33,407 0 0
L ' H e r m i-nier, épe-ronnier.. 3,653 0 0
Delavoy epierre,papetier.. 2,522 0 0
Laudigeois,pour loyer d'écurie.. 3,000 0 0
Dufaygret, maçon... 6,816 3 7
Ronden et Huret,ma-réchaux d e 1 a p e- tite écu- rie....... 11,575 0 0
Legras, mar-chand de draps.... 5,128 0 0
Bailli, pein-tre en bâ-timents .. 1,819 0 0
Bourguin,maître chande-lier...... 4,198 0 0
Leblond, couvreur, 1,519 12 9
Jàcquin, ser-rurier en ressorts.. 2,008 0 0
Veuve Poite-vin. ..... 7,619 0 0
Manière frè-res, réparations ...560 0 0
Second,sous-pi- queur....... 100 0 0
Torcapelle,dit Cha-pelle, pi-queur.... 200 0 0
Maignan,portier... 100 0 0
V. Bublet,jardinier. 500 0 0
Delorme.... 200 0 0
Dubois, dit Ancelin,cocher... 200 0 0
Mangin, garçon maré-
cbal..... 200
Lauron,apo-thicaire.. 6,208 0 0
Brunei, pi-queur.... 200 0 0
Voelker,gar Qon sellier............100 0 0
Veuve de Brotonne. 200 0 0
Richard sous - pi queur.200 0 0
Blanchard,sou s-pi-queur....200 0 0
Regnard,de-livreur... 300 0 0
Muller,va-le t de pied.....200 0 0
La succes-sion Jean-Ma r t i a I,Charles de la Villon-tretz de la Judie ....
Lambert, cocher du roi.«200 0 0
Ramdoulet, piqueur.. 200 0 0
Total de p.ette par tie,pour trente-quatre par-ties prenan-tes......... 102,170 14 6 102,170 14 0
Dames du palais et dames de compagnie des dames tantes et sœur du roi.
I. s. d.
De Maillet.. 7,785 0 0
De Talley-rand-Péri-gord..... 14,850 0 0
D'Adhémar. 8,466 13 4
De Berghes. 13,183 6 8
De la Roche- Aymon... 14,850 0 0
De Beauvi-liers..... 9,900 0 0
DeNarbonne 9,900 0 0
D'Estourmel. 4,900 0 0
Castellane.. 9,900 0 0
Delastic.... 9,460 0 0
Dalbon..... 9,900 0 0
Total de cette partie,pour onze personnes.. 113,095 0 0 113,095 0 0
Total général de l'arriéré du département de la maison du roi.......................... 858,815 8 6
2° Arriéré du département de la guerre.
Entrepreneurs et fournisseurs pour le service des hôpitaux, bois et lumières, et autres objets en 1785 et années suivantes.
Veulersse, hôpitaux militaires..6 , 7 8 0 0 0 etàlacharge de la retenue des4d.p.liv.
L'As s emblée se réserva a t d'ailleurs de se faire rendre compte, tant des objets qui ont dû être remis par ledit Veulersse, que des fonds qui avaient été destinés à son payement.
Boulabert, entrepreneur .......
à la charge des 4. d. p. liv.
Doré, bois et lumières, à la charge des 4 d. p. liv.
Servain Desfossés, bois etlu-mières.— à la charge des 4 d. p. liv.
Beaujean, entrepreneur.......
à la charge des 4 d. p. liv.
Vulmont, commissaire extraordinaire ......
à la charge des 4 d. p. liv.
Marie, ins-
Eecteur des
àtiménts.. à la charge des 4 d. p. liv.
Lacloy, Guerlain*,
l. s. d.
6,780 0 0
1,270 18 11
13,027 8 0
1,531 5 10
10,045 9 9
540 0 0
300 0 0
veuve Le-guay et Ha-
merel......
Louis, chirurgien. ... à la charge des 4d. p. liv.
D'Aban-court, lieutenant de
roi........
à la charge des 4 d. p. l Serres, bois et lumières.... . à la charge des 4 d. p. 1.
Ferrus, bois et lumières .....
à la charge des 4d. p.l.
Laforcade, hôpitaux militaires. . à la charge des 4d. p.l.
Laminiè-re, secrétaire général des dragons.......
Vanoise, maréchal des logis... à la charge des 4 d. p. 1.
Total général de l'arriéré du département delà guerre, pour quinze parties prenantes. ....
[17 mai 1791.]
1. s. d.
2,819 17 9 3,540 0' 0
d.
1,200 0 0
2,335 0 0
29,113 14 3
12,283 4 1)
2,530 0 0 540 0 0
1,555 19 4 88,555 19 4;
3° arriéré du département de la marine.
Fournitures et dépenses verses.
di-
Gau, fournisseur de toile à voiles.........
à la charge des 4d.p. I.
Môntge-lax,consulà Cadix, dépenses faites pendant la
guerre.....
à la charge des 4d. p. 1.
Votier, gages pourson
153,362 14 7
30,234 4 7
1. si à.
d.
service auprès des am-bassadeurs de Typpo,
sultan..... 100
à la charge des 4 d. p. J.
Total général de l'arriéré du dé-partement de la marine, pour trois parties prenantes..... 183,776
19 2 183,776 19
4° Brevets de retenue sur gouvernements et offices.
Benjamin-Éléo nore-Louis Fros-tier de la Goste, in-d e m n i t é d'un brevet de retenue sur la charge d'en seigne des chevau-léger, cent mille livres, ci..........100,000 0 0 avec les intérêts, à compter du 10 janvier dernier; et au moyen du payement de l'indemnité dndit brevet de retenue, ledit sieur de la Gostï ne pourra rien prétendre à cause dudit brevet qui lui a été accordé sur la charge de guidon.
Jean-Baptiste Kempf-fey, ci-de-vaut commissaire des guerres, la somme de soixante-dix mille livres, ci...70,000 0 0 avec les intérêts à compter du 5 avril dernier.
Georges-Erasme de Gontades, la
somme de 227,000 livres faisant les trois quarts de celle de 300,000 livres, montant d'un brevet de retenue sur le gouvernement de la Lorraine et Barrois.
A l'égard du surplus dudit brevet, l'Assemblée déclare qu'il n'y a lieu à en faire le payement, le brevet étant en cette partie contraire à l'article 14 de l'ordonnance de 1776 sur les gouvernements, ci...227,000 0 0 avecles intérêts, à compter du 27 jan-vier dernier.
Héritiers et ayants cause de Pierre - Mi-che1 de Pompry, la somme de 50,000 livres pour un brevet de retenue sur la charge de guidon des gendarmes de la garde, avec les in-térêts, à compter du 17 janvier dernier, sauf à lui à se pourvoir par la suite pour la portion de la finance de ladite charge de guidon qui excédait le montant du brevet de retenue, lorsqu'il aura été statué par l'Assemblée sur
lesdites finances, ci.. 50,000 0 0
Antoine-Léon-Pierre de Saint-Simon de Gour tomer, la somme de 100,000 livres, avec les intérêts à compter du 9 janvier dernier, pour indem-nité d1 un brevet de retenue à lui accordé sur la charge de sous-lieutenant des gendarmes de la garde, sauf à lui à se pourvoir, pour le surplus de la finance lors et ainsi qu'il a été dit en l'article précédent, ci......... 100,000 0 0
Ciré an -ciers de Louis-Fran-çois Ma-gnier,la somme de 77, 383 liv. 3 d. aveclesinté-rêts à compter du 27 janvier dernier, pour indemnité de partie du montant d'un brevet de retenue à lui accordé sur la charge de prévôt général de la connétablie, et ce, aux termes des lettres patentes , d'a-près lesquelles les-its créanciers ont contracté, et àlacharge -par eux ae ne toucher qu'en rapportant le consentement dudit Magnier, ou
après s'y être fait autoriser par justice, ci...77,383 0 3
Total général des brevets de retenue, six parties prenantes.....624,343 0 3 624,343 0 3
Héritiers de Jean-Ré-my Bonard, la somme de 127,700 livres avec les intérêts, à compter du 16 avril dernier , pour restant de la finance du l'office d u payeur des rentes et à la charge par lui de rapporter un certificat du payeur d e rejet des intérêts antérieurs à ladite époque,ci......... 127,700 0 0
Héritiers de Noël-Joseph lssaly, la somme de 255,000 livres, avec 163 intérêts du 16 mars dernier, et aux conclusions portées en l'article précédent, ci.... 255,000 0 0
Héritiers de Guillaume Huet deTorrigny, la somme de 270,866 1. 13 s. 4 d. avec les intérêts de ladite somme, dus depuis la dernière échéance ,Sour restant u prix de l'office du receveur gé-
néral ancien et mi-triennal desfinan-ces de la généralité de Limoges, ci....270,866 13 4
Valentin -Augustin Gormet, la somme de 33,221 1. 12 s. 4 d. pour le montant de la finance , droit de mutation , de marc d'or , de l'office de receveur ancien des fourrages du ci - devant évêché de Nantes, avec intérêtsdela somme de 30,000 livres, montant de la finance dudit office, et à la charge par lui de rapporter la grosse du contrat de son acquisition, ci.....33,321 12 4
Héritiers deJeanCinq-fonds, la somme de 43,4871.19s. 3 d. avec les intérêts, à compter au premier jau-vierdernier, pour les finances des greffes delà ci-devant chambre des comptes de Dijon, à la charge par lui de rapporter, en forme authentique, les quittances de finances dûment enregistrées et déchargées des registres du contrôle général, ci...43,487 19 3
Total de Cette partie.. 736,676 4 11 736,676 4 11
Total général de la liquidation portée au présent décret, 2,492,207 1.12 s. 2 d. 2,492,207 12 2
« A la charge en outre, par tous les dénommés ci-dessus, de se conformer aux lois de l'Etat pour l'obtention de leur reconnaissance définitive et mandats sur la caisse de l'extraordinaire.
« A l'égard du payement des différentes sommes échues jusqu'à ce jour pour partie du prix des forges et dépendances:vendues au roi par Pierre Bahau de la Ghaussade, suivant le contrat du 8 mars 1781, l'Assemblée nationale déclare qu'il n'y a lieu d'y procéder quant à présent; décrète qu'à la diligence des commissaires du roi, près les tribunaux de district, dans le ressort desquels sont situées les forges vendues par le sieur de la Ghaussade, et leurs dépendances, il sera obtenu des lettres de ratification sur le contrat du 8 mars 1781 ; et, après que lesdites lettres auront été obtenues, le total des sommes qui restent dues au sieur de la Ghaussade sur le prix des forges par lui vendues, sera payé à lui ou à ses ayants cause ; décrète en outre, eu égard à la suspension du payement des termes déjà échus, résultant du présent décret, que le sieur de la Ghaussade ou ses enfants donataires de lui d'une partie de ses créances sur le roi, lesquels, sur la foi des payer ments stipulés par le contrat du 8 mars 1781, se sont rendus adjudicataires de biens nationaux, ne pourront être contraints au payement du prix des adjudications qui leur ont été faites jusqu'à l'époque du payement à faire par la nation au sieur de la Ghaussade, desquels biens ils pourront néanmoins se mettre en possession, à la charge par eux de payer l'intérêt à 5 0/0 des sommes dont ils se trouveront débiteurs, et pour la sûreté du capital desdites sommes, les receveurs de districts, dans l'étendue desquels les biens adjugés se trouvent situés, formeront opposition, entre les mains du conservateur des hypothèques, sur les sommes à payer audit sieur de la Ghaussade ou à ses représentants. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom des commissaires de l'extraordinaire, présente des observations sur le résultat tant du compte de la caisse de l'extraordinaire au 30 avril dernier que des procès-verbaux de versement d'assignats qui ont été faits depuis, et s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez reçu, il y a quelques jours, le compte de la caisse de l'extraordinaire jusqu'au 30.avril ; il est indispensable de mettre sous vos yeux quelques observations sur l'emploi des 1,200 millions d'assignats dont vous avez décrété l'émission.
Vous avez vu qu'il a été employé 940,387,000 livres, et comment elles ont été employées. La caisse de l'extraordinaire a fourni au Trésor public 360 millions; 600,000 livres ont été employées à des remboursements. Il restait en caisse, à la même époque. 14 millions de fabriqués. Depuis, il a été fait ae nouveaux versements dans le Trésor public, pour lui rembourser les anticipations qu'il avait payées. Le total des versements est de 1,010,872,000 livres. 11 reste, sur les 1,200 millions, soit dans la caisse à trois clés, soit en assignats à fabriquer, 189,127,000 livres, sur lesquelles il y a de lOOà 120 millions à payer pour des liquidations déjà faites ; sur cette somme aussi il faudra pourvoir aux besoins du Trésor
public. Gepèndant vous ne devez pas être embarrassés, parce que vous avez de grandes ressources.
Le comité d'aliénation vous mettra incessamment sous les yeux les états des domaines na-tionaux, qu'il a demandés aux directoires de districts. Il n'en a encore reçu qu'à peu près le tiers; mais il vient d'écrire une nouvelle lettre pour presser les administrateurs. En attendant, voilà ce qu'on peut annoncer.
Je suis chargé, pour ma part, dans le comité, de recueillir les états des quatre départements d'une richesse moyenne : ceux de la Nièvre, de la Gôte-d'Or, du Gard et de Saône-et-Loire. Ges départements contiennent 31 districts ; dont il n'y a que dix qui aient fait réponse; Le résultat de leurs états monte à 44 millions, ce qui, pour les ,31 districts, ferait 132 millions, et pour les 83 départements, 2,739 millions de livres. Même d'après les travaux de mes collègues, et d'après tous les renseignements que nous avons pris, il parait qu'on peut compter 3 milliards.
Un peu plus du tiers de ces biens est actuellement vendu. Mais ce n'est pas sur de simples aperçus que vous devez agir, et vous ne pourrez ordonner une nouvelle émission d'assignats, que lorsque vous aurez sous les yeux une base précise, lorsque vous pourrez offrir un gage assuré. Vous ordonnerez probablement cette émission dans le courant du mois prochain ; nous disposons tout en ce moment pour que vous puissiez avoir en même temps sous les yeux les états de tous les biens nationaux vendus et à vendre.
Un autre objet sur lequel je dois appeler vos regards, c'est l'augmentation progressive du prix de l'argent. Il paraît singulier que depuis le décret que vous avez porté, il y a 10 jours, pour la fabrication d'assignats de 5 livres et d'une certaine quantité de monnaie de cuivre, on ne vous ait pas encore présenté les moyens d'exécution de ces mesures. Je crois qu'il faut presser l'une et l'autre fabrication, et qu'il est très indifférent que nous ayons des gros sous plus ou moins bien faits, pourvu qu'ils aient une marque quelconque qui les rende propres à la circulation.
Un deuxième objet sur lequel je reviens encore, c'est qu'il n'est pas possible que les domaines nationaux fournissent à tous les besoins; c'est que, comme je l'ai déjà annoncé, la recette étant extrêmement modique, il est absolument indispensable que le comité des impositions donne des indices à l'égard des ressources à y affecter. Mon objet est donc, et je suis en cela l'interprète de vos commissaires, de fixer votre attention sur la nécessité de vous occuper incessamment du travail de la répartition de l'imposition.
(1). Messieurs, j'appuie la motion de M. Camus pour l'accélération des
travaux du comité d'imposition, dont le retard prolongé rendrait
illusoires tous les calculs que nous vous avons présentés ; et met, dès
à présent, les fonds de la caisse de l'extraordinaire à la place de tous
les revenus de l'Etat. J'insiste également pour que l'Assemblée fasse
faire les préparatifs nécessaires, et nommément la fabrication du
papier, afin qu'au moment où vous croirez devoir ordonner une nouvelle
émission d'assignats, et que vous, croirez le pouvoir sans contrevenir
aux principes de sagesse que vous avez pris pour base, rien ne retarde
l'effet de vos dispositions.
Je demande la parole pour un fait. (Après ! après !)
D'ailleurs 100 millions, qui nécessitent une fabrication immense, ne sont rien pour la circulation du royaumes
Je prévois qu'on me répondra que la même volonté qui a créé 100 millions de petits assignais, peut en créer le double et le trijue; mais je répète : 1° qu'il faut toujoursbeaucoup.de temps, et que nous n'en avons pas; 2° que si vous embrassez dans votre opération les besoins de tout le royaume, si vous vous chargez d'établir et de diriger à la fois et partout cette immense manutention d'échanges de gros assignats^ contre les petits, et des petits assignats contre la monnaie, vous faites une entreprise au-dessus des forces humaines et de toute surveillance. a
Enfin je soutiens que nous ne faisons rien, si nous ne trouvons pas la solution entière d'un problème sur lequel on n'a pas assez fixé votre attention. Ceux qui sont forcés d'échanger leurs assignats contre des écus reçoivent,] à cetéchan-ge, une somme moindre que la valeur de l'assignat. Aucun commerce, aucune manufacture n'est en état de supporter une perte de tous les jours; il faut donc absolument trouver moyen de faire cesser ces échanges désavantageux. Il faut prendre des mesures telles, que dans tout le royaume, un assignat quelconque puisse être converti, sans perte ni de temps ni de valeur, en fractions d'assignats, et que .partout les fractions d'assignats puissent être échangées au-pair contre une
monnaie quelconque de métal qui descende aux , plus petits besoins. Il faut plus, il faut que l'opération, qui doit produire cet effet salutaire, soit rapide; vous n'avez pas un moment à perdre, les moyens les plus prompts sont évidemment ceux que vous devez préférer.
Vous avez adopté et décrété une fabrication considérable de petits assignats. J'avais proposé de préférer à ce parti celui des établissements particuliers dont la ville de Lyon nous offre lé modèle, et je vous en ai détaillé les motifs. Aujourd'hui je viens solliciter l'alliance de ces deux mesures. J'espère vous prouver qu'elles ne sont pas incompatibles ; et si je vous démontre que leur réunion nous sauve d'un des plus grands dangers que nous ayons à courir, vous n'nésite-rez pas à l'accepter.
A quelque somme que vous portiez les petits assignats dont vous avez ordonné la fabrication, elle ne remplira qu'imparfaitement d'ici à longtemps le premier objet, celui de remplacer les écus dans tout le royaume. Songez à quel point il faudrait multiplier la quotité des nouveaux billets, à quel nombre il faudrait en porter les dépôts, pour que, dans toute la France, on pût se procurer à volonté et sans frais l'échange des assignats contre des fractions de 5 livres. Ce n'est qu'au moment où vous serez parvenus à rendre universelle cette facilité d'échanges, que Vous aurez ôté aux assignats actuels tous leurs inconvénients, et que la rareté des espèces pourra vous être indifférente. Cette considération est d'une grande importance : les fractions d'assignats vont être l'intermédiaire indispensable entre les anciens assignats et la monnaie de cuivre. Ils seront donc aussi nécessaires que les écus l'ont été jusqu'ici; il faut donc qu'il soit possible de s'en procurer partout lorsqu'on en aurabesoin : sans cela on serait réduit à les acheter, et cette nécessité vous ferait retomber dans l'inconvénient auquel vous voulez échapper. Le seul moyen sûr, prompt et facile pour atteindre le double but que vous vous proposez, c'est d'associer à la grande émission de petite monnaie la multiplication des établissements particuliers semblables à ceux que le patriotisme a déjà créés dans plusieurs endroits.
On serait plus frappé qu'on ne l'est du parti que l'on peut tirer de ces établissements de confiance, si l'on généralisait moins ses idées. On parle toujours de la circulation du royaume, comme si elle n'existait qué du centre à la circonférence. Il en existe en effet une grande, qui franchit tous les intervalles : celle-là s'opère par lettres de change ou par transports d'espèces ; elle varie autant que les relations du commerce ; mais il faut se faire une toute autre idée de la circulation intérieure et vivifiante qui doit nous occuper dans ce moment-ci, parce que partout elle est languissante et embarrassée. Elle est composée d'un nombre infini de petites circulations plus ou moins étendues, qui ont chacune un centre particulier.
Ce centre est une ville où sont établis différents ateliers, qui est approvisionnée de denrées par les campagnes environnantes, et qui, à son tour, approvisionne ces campagnes des objets de commerce dont elles ont besoin. Les mêmes écus fournissent sans cesse à la recette et à la dépense des différents ateliers du même lieu. Les mêmes écus enlevés par les gens de la campagne, pour prix des denrées qu'ils vendent à la ville, y sont rapportés par eux pour les achats qu'ils viennent y faire. Des fractions d'assignats, revêtues de
signatures connues dans l'arrondissement dont je parle, y remplaceront, sans la moindre difficulté, les écus, lorsqu'à chaque instant elles pourront y être échangées, sans aucune perte, ou contre des assignats, ou contre des sols. Les petits assignats-monnaie de l'Etat, et monnaie forcée, y seraient moins aisés à vérifier, et y inspireraient peut-être moins de sécurité.
Le petit assignat-monnaie de l'Etat ne peut être aussi facilement approprié à toutes les localités, par cela seul qu'ayant la qualité de monnaie* et l'ayant partoùt, il peut se trouver dépaysé par certaines circonstances, peut-être même accaparé par des spéculateurs avides qui voudraient abuser du besoin qu'ils auraient lait naître. Les fractions d'assignats, au contraire, ne sortiront jamais de leur canton; elles ne pourront s'y multiplier que suivant le besoin, et jamais elles n'y manqueront à l'échange libre de la même valeur en assignats déposés.
L'assignat de 5 livres, monnaie de l'Etat, destiné à passer dans les mains d'hommes simples et inexpérimentés, peut tenter des contrefacteurs, et la contrefaction peut se cacher longtemps au milieu de l'immense circulation de tout le royaume.
Les fractions d'assignats, monnaie libre appartenant uniquement à tel canton, déconcerteraient toutes les entreprises de ce genre; car on ne pourrait les placer utilement que là où le vrai modèle serait familier à tout le monde, là où la vérification des signatures pourrait se faire à toute heure.
Considérera-t-on les intérêts de l'homme qui se transporte d'un lieu à un autre? Maître de reprendre au dépôt public ses assignats au moment ae son départ, sûr de trouver d'autres -fractions dans le lieu où il va, quel inconvénient pourrait-il résulter pour lui d'une sujétion qui ne lui causerait qu'une médiocre gêne, et qui lui assurerait tous les avantages d'une circulation illimitée?
Pour opérer cette utile création, il ne faut point de décrets; un seul mot approbatif de l'Assemblée nationale suffit, et d'après ce mot, le concours certain de tous les corps administratifs, l'industrie, la nécessité, la liberté feront jouir, dans un espace de temps infiniment court, l'universalité du royaume de ce grand bienfait. Alors, dispensés de tout achat de numéraire, vous épargnerez une dépense énorme pour le Trésor public, et par conséquent pour la nation. Je n'exagère rien en la portant à 20 millions, elle le3 surpasserait bientôt. Vous mettrez fin à un agiotage honteux, qu'aujourd'hui vous serez forcés ae protéger, pour qu'il ne devienne pas plus obscur et plus funeste. Vous ne serez plus condamnés à ces marchés ruineux avec les étrangers; marchés qui, comme je vous l'ai fait sentir, élèvent saus cesse le prix du change, et qui par là sont désastreux pour la nation.
Le moyen que je vous propose n'est, comme vous le voyez, qu'une addition à votre décret du 6 mai. Vos cent millions de petits assignats n'en seront pas moins d'une extrême utilité. Déposés à la caisse de l'extraordinaire, ils commenceront par remplacer les écus qui manquent à la circulation de Paris. La caisse de l'extraordinaire sera leur bureau d'échange et contre dè plus gros assignats, et contre de la monnaie de cuivre. Il s'en échappera peu dans les provinces, et gardons-nous de nous en plaindre ; car vous serez dispensés d'y entretenir des bureaux d'échange, d'y risquer l'infidélité des dépositaires et de vous
consumer en frais inutiles. La solde de3 troupes, payée en assignats, sera partout convertie ça monnaie d'usage au lieu de leur séjour. Vous n'aurez besoin de rien ajouter aux moyens de votre administration actuelle; et si je rie m'abuse pas dans mon propre système, vous ne pourriez par aucune autre méthode arriver ni aussitôt ni aussi bien à la solution complète du problème.
On m'objectera peut-être que l'Assemblée nationale n'a pas besoin de s'occuper des établissements que je propose ; qu'elle les a fondés tous, en fondant la liberté, Je pense, en effet, qu'une maison de commerce accréditée peut toujours faire circuler des billets souscrits par elle, et qu'il est libre à ceux qui les croient bons de les recevoir en payement. Mais ici l'intérêt public vous commande de grandes précautions. Le besoin de fractions d'assignats est extrême; ^extrême besoin peut. entraîner beaucoup de citoyens à une confiance téméraire, et la loi-,,qui veille pour tous, doit les garantir des surprises. De tels établissements nécessaires partout ne doivent être dangereux nulle part. Ils doivent donc être immédiatement et soigneusement surveillés par les corps administratifs. Le gage de la sûreté publique ne peut être confié qu'à un dépôt inviolable. L'acquisition de la monnaie de cuivre pour l'échange continuel de ce papier doit être une condition essentielle de chaque établissement. Enfin l'Assemblée ayant décrété des assignats de 5 livres, il est nécessaire que l'on sache qu'elle n'en approuve pas moins lçs établissements que formeraient, ou des citoyens réunis, ou même des municipalités, à telle et telle condition; et c'est cette approbation que je sollicite.
Mais, comme vous le voyez, toute l'opération repose sur l'émission simultanée d'une immense quantité de monnaie de cuivre. Sa nécessité est reconnue depuis longtemps : depuis longtemps votre comité des monnaies est chargé d'en préparer le travail; mais permettez-moi de vous le aire, Messieurs, le pouvoir exécutif ne réside pas et ne doit pas résider dans vos comités. Lorsqu'il y repose, vous voyez qu'il y dort. {Applaudissements à gauche.) Depuis plus de6 mois, tous ceux qui, dans cette Assemblée, ont parlé de finances et d'assignats, ont demandé une profusion de sols. L'Assemblée les veut, et il n'en a pas encore été fabriqué un seul. Que ne dirait-on pas d'un ministre qui, ayant reçu une semblable mission, y aurait apporté une pareille lenteur ? Je ne réclame ici que des principes qui sont les vôtres, et dont on ne s'écartera jamais impunément. Votre comité des monnaies doit, comme tous les autres comités,; préparer les, lois générales et yous les soumettre. Là finit leur ministère. Là commence l'action du pouvoir exécutif. Je demande donc expressément que l'Assemblée décrète la somme qu'elle jugera nécessaire de monnaie de cuivre, et qu'elle prie le roi de donner les ordres les plus prompts pour la fabrication.
Je me résume, et vu l'urgence des besoins qui deviennent tous les jours plus alarmants, je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le roi sera prié de douner les ordres les plus prompts pour faire fabriquer de la monnaie de cuivre en sols, jusqu'à là concurrence d'une somme de 40 millions, et d'y employer toutes les monnaies du royaume. Les anciennes empreintes seront employées jusqu'à ce que les nouveaux coins soient terminés et
que l'Assemblée nationale en ait ordonné l'usage.
« Art. 2. Le ministre chargé d'exécuter les ordres du roi sera tenu de rendre compte à l'Assemblée, tous les quinze jours, des progrès de la fabrication.
« Art. 3. L'Assemblée nationale approuve tous les établissements particuliers qui, sous la surveillance des corps administratifs, se chargeraient de mettre en émission des fractions d'assignats de 5 livres et de les donner en échange contre des assignats nationaux, à la charge par eux de fournir des cautionnements suffisants pour la sûreté de leur gestion, et à la condition expresse d'acheter aux Monnaies la quantité de sols nécessaire pour entretenir l'échange à bureau ouvért desdites fractions d'assignats contre des sols ; le tout conformément à une instruction qui sera adressée à tous les corps administratifs.
« Art. 4. Il sera nommé au scrutin quatre commissaires pour rédiger cette instruction, dans le plus court délai, et pour la présenter à l'Assemblée nationale, »
Si personne ne combat la proposition de M. de Montesquieu, je me bornerai à ajouter deux observations : la première, c'est que je crois que pour la fabrication des assignats de 5 livres il faut se servir des mêmes précautions, prendre les mêmes moyens que pour les anciens ; la seconde, c'est que le prix de l'argent est très effrayant ; mais je vous prie d'observer que si le patriotisme régnait dans beaucoup de cœurs comme il est dans beaucoup de têtes, il serait facile de se tirer de cet embarras ; car il est évident qu'il y a plus de mille particuliers à Paris qui pourraient vendre à 5 0/0 plus de 1,000 livres par joiir, et qui, avec un sacrifice de 25 louis, parviendraient à modérer le taux de l'argent. |
Je ne fais cette observation que pour appuyer la proposition du préopinant ; car il est évident que si vous favorisez ces établissements particuliers, vous produirez les mêmes effets que ceux que vous ne pouvez obtenir du patriotisme. ,
Les mesures à prendre dans cette circonstance demandent à être discutées avec attention, quelque instantes qu'elles puissent êtré. Je ne sais pas par exemple si dans,la proposition de M. de Montesquiou il y a assez de sûreté pour que le Trésor public ne soit plus exposé à perdre dans le change des assignats pour de la monnaié. 11 s'agit d'une mesure d'où dépend la fortune publique; il faut qu'elle obtienne par la réflexion la confiance de l'Assemblée et celle de tout le royaume- On ne peut la regarder comme tellement urgente qu'on ne puisse se livrer à un examen approfondi.,
Je demande donc que l'Assemblée ordonne l'impression de l'opinion de M. de Montesquiou et que le comité des finances soit chargé de nous présenter, dans deux jours, ses vues sur le projet dont il vient de donner lecture.
La motion de M. de Montesquiou contient deux parties. Je crois que, sur ce qui concerne la fabrication d'une monnaie de cuivre, tout le monde en sent l'urgente nécessité et a les idées faites là-dessus. Quant à la seconde, il y a longtemps que nous nous plaignons de la rareté du numéraire, et je ne sais comment il se fait qu'aucune des personnes instruites dans le système monétaire ne nous ait encore présenté un
remède à ce mal. La rareté du numéraire vient, de l'aveu de tout le monde, de ce que la fonte des écus est extrêmement avantageuse, et que l'on gagne 4 0/0 à les mettre en lingots.
Je conclus a ce que l'article premier, proposé par M. de Montesquiou, soit adopté sur-le-champ et à ce que le reste du projet soit renvoyé âu comité des finances pour en rendre compte aussitôt que possible.
Je demande en outre que le comité des monnaies soit tenu de nous présenter incessamment un moyen quelconque pour remédier au mal que j'ai signalé, c'est-à-dire à la perte que fait l'État à la refonte des écus en lingots, ce moyen serait-il la réforme de notre système monétaire s'il le faut.
On s'abuse étrangement si l'on croît que des mesures partielles en matière de finance peuvent conduire au but qu'on se propose. Le numéraire ne manque pas comme on vous l'a dit. (Murmures dans l'Assemblée et dans les tribunes)... Il est bien extraordinaire que l'ou hue ainsi une phrase dont on n'a 'entendu que le commencement. [Je ne sais d'où sont venus ces murmures. Je vais répéter ce que je disais...
Je rappelle aux tribunes que si elles ne se tiennent pas dans le plus grand silence, je serai forcé d user envers elles de toute la rigueur du règlement.
Le numéraire ne manque pas, comme on vous l'a dit, parce qu'il y a du bénéfice sur la fonte; car, les proportions des monnaies n'ayant pas changé depuis plusieurs années, le même bénéfice eût existé il y a 5 ans, et cependant il y avait en circulation une quantité suffisante de numéraire pour les échanges. Il faut - donc chercher ailleurs la cause de là rareté du numéraire; il faut que vos recherches se portent sur d'autres objets.
Je suis loin de vouloir discréditer les assignats; il n'était pas possible de leur donner une hypothèque plus valide et plus sûre que celle sur laquelle ils reposent. Mais toutes les fois qu'il y a une émission considérable d'assignats-mounaie, si l'ordre général n'est pas tel qu'il puisse inspirer là plus grande confiance, il en résulte nécessairement la fuite du numéraire. Chacun réalise le papier en argent; il le cache ensuite, ou il l'emporte. Cet inconvénient devient plus grand aujourd'hui, parce que le remède qu'on y apporte l'aggrave au lieu ae le détruire.
On poursuit les marchands d'argent, et il est certain que rien ne tend à en diminuer le nombre comme les émeutes populaires dont ils sont l'objet. Il n'y a d'autre moyen de détruire la défiance . que de demander poliment de l'argent pour du papier. Gomme le marchand n'a pas besoin de papier, et que l'on a besoin d'argent, il est évident qu'il faut qu'il trouve un bénéfice à cet échange. Eh bien I ce bénéfice s'établit naturellement en raison du danger que court Je marchand. Le laisse-t-on en paix faire son commerce, il n'exigera point un fort intérêt; mais cet intérêt n'aura plus de bornes lorsque le marchand sera menacé d'être assommé ou pendu. ( Vifs applaudissements.)
La situation actuelle, je l'avouerai, est effrayante, mais elle ne sera point améliorée par des mesures partielles. Je n'ai point entendu les motifs dont M. de Montesquiou s'est servi pour appuyer sa motion. Je ne blâme, ni ne rejette
son projet et ses motifs ; niais je dis que ce sont des mesures insuffisantes.
Quel est le mal en effet, quelle est la cause de cette défiance universelle qui vous frappe de toutes parts ? Qui est-ce qui fait resserrer le numéraire? Qui est-ce qui répand l'effroi dans toutes les transactions sociales? J'ai dit souvent, je le répète encore, et je le répéterai sans cesse, c'est le défaut d'ordre, c'est le désordre, c'est la nullité du gouvernement.
Si vous voulez que vos assignais aient de la valeur... Et remarquez, Messieurs, que je ne la conteste pas.; vous en avez peut-être répandu une trop grande quantité à la fois. Cet inconvénient disparaîtra devant les sûretés que vous pourrez offrir. Si vous vouiez que vos assignats aient de la valeur, daignez remettre dans les corps administratifs la portion du pouvoir légitime qui leur appartient* Calmez les mouvements populaires par la fixation de l'étendue ét des bornes de toute la force publique. C'est la licence, c'est l'impunité des désordres qui causent le mal dont vous ressentez maintenant de si cruels effets.
Si l'on ne paye pas d'impôts, et cela arrivera, car si on peut impunément assommer un marchand d'argent, si l'on peut, sans être repris, calomnier une mesure du gouvernement et des corps administratifs, comment voulez-vous que la confiance renaisse? Daignez donc revenir sur les grands objets dont je vous ai parlé. Oui, Messieurs, je ne crains pas de vous le dire, lorsque vous vous apercevez d'un inconvénient particulier quitvous afflige, vous oubliez que cet inconvénient tient à un désordre général qu'il faut réprimer.
Je reconnais d'abord avec vous la nécessité de pourvoir à une augmentation de menue mon-I naie ; mais cette. augmentation ne fera point revenir l'argent; il ne reviendra que par la confiance. Je demande donc que le comité de revision, que vous avez nommé depuis longtemps, vous fasse incessamment un rapport sur deux de nos décrets dont l'exécution peut contribuer le plus efficacement à l'exercice de l'autorité légitime et à son rétablissement dans toutes les parties du royaume, afin que sur ce rapport, et d'après l'expérience que vous avez déjà laite de ce qui suffit ou de ce qui est insuffisant, l'Assemblée nationale décrète définitivement des mesures efficaces pour assurer la marche du gouvernement et rétablir l'ordre dans le royaume. Voilà ce que je demande. (Applaudissements.)
Un des puissants moyens de faire reparaître le numéraire est sans doute de rétablir l'ordre et la tranquillité dans l'Empire; mais cependant il ne faut pas se dissimuler qu'on peut prendre des mesures dans le système- même des finances, susceptibles a'apporter des remèdes aux maux qui nous affligent.
Il est malheureusement trop vrai que le numéraire devient plus rare tous les jours; il est malheureusement trop vrai que la France perd 19 à 20 0/0 dans tous ses changes avec l'étranger. (Murmures)...
Un membre : 22 0/0.
Quand je dis 20 0/0, la différence n'est pas énorme.
Plusieurs membres : Nonl non! au-dessous de 20.
Messieurs, on me dit que je
me trompe : eh bien ! on m'assure, dans ce moment-ci que c'est 22 avec l'Angleterre.
11 est malheureusement vrai que le royaume de France est parvenu à une crise de finance qu'il i;ë peut supporter longtemps et qu'il est de votre devoir et de votre sagesse de combiner des mesures, de préparer des moyens qui puissent la faire cesser dans le terme le plus rapproché.
Ce ne sont pas des mesures partielles, des moyens de détail qui pourront arriver à ce but désirable; mais ce n'est que l'ensemble d'un plan général. Je n'ose pas prononcer ma pensée a cet égard ; elle m'attirerait peut-être trop de défaveur dans l'Assemblée. Cependant je n'en connais pas d'autre à mou gré qui puisse réussir; et pour tâcher de lui donner le poids qui pourrait la taire recevoir dans l'Assemblée nationale, je demande qu'elle veuille bien nommer un comité de 10 membres chargé d'examiner la situation actuelle deslinances et de lui présenter en quatre jours les mesures qu'il croira convenable pour la changer.
Car, je vous le répète, vous ne pouvez pas durer comme vous êtes. Il est physiquement impossible qu'il existe dans le royaume un papier monnaie periant 10 et 11 0/0 ; il est physiquement impossible que le gouvernement soit obligé de faire des achats d'argent à l'étranger sur le pied de 19 et 20 0/0 ; il est physiquement impossible que votre commerce subsiste avec ce prodigieux désavantage qu'il a dans le change avec toutes les mitions.
11 faut que cette situation change, à quelque prix que ce soit ; car la nécessité, la nature même des choses pourrait causer des malheurs dont la suite serait d'autant plus funeste qu'on ne peut en imaginer le cours: voilà, Messieurs, ce que vous devez craindre. Si touie votre surveillance n'est point en activité dans ce moment, si vous vous endoimez dans uue funeste sécurité, il est possible que les désordres soient portés à un terme où l'on ne pourra les arrêter.
"Je conclus et je demande donc que l'Assemblée nomme un comité de 10 membres chargé d'examiner la situation actuelle des finances et de lui présenter en quatre jours les -mesures qu'il croira convenable pour la changer.
Sans doute, le plan général des mesures prises contre les ennemis du bien public, soit dans l'intérieur du royaume, soit à l'extérieur, pourront arrêter les désordres qui nous affligent; mais, Messieurs, le mal est local, et non pas général. C'est à^Paris, c'est dans ce séjour de corruption, je le dis aux Parisiens avec franchise, c'est à Paris que le mouvement dont on se plaint se fait sentir avec le plus de force. Je le répète : ce mal ira en augmentant, il sera sans remède, tant que le peuple de Paris sera sans police, tant qu'il sera d'une impudence assez grande pour violer les lois, car c'est violer les lois que u'attaquer les marchands d'argent ou un citoyen quelconque. (Applaudissements.)
Sans doute, c'est un grand mu.heur que de voir vendie l'argent; mais je soutiens qu'il n'y a que les enmmis du bien public qui le fassent enchérir, en mettant des obstacles à cette vente. Je soutiens qu'il n'y a que les ennemis du bien public qui puisseut ainsi égarer le peuple, ou plutôt qui soldent des brigands pour attaquer ceux qui font le commerce d'argent. Et c'est là la seule cause du mal; car l'argent n'est pas si cher dans I les provinces qu'à Pans. (Murmures.) Ce que je I dis est si vrai, que les marchands d'argent achè- I
tent actuellement l'argent en Alsace, et le font venir ici. C'est donc un mal plutôt local que général.
Quel est donc le remède? C'est d'abord de faire de la monnaie de cuivre; et si, de bonne foi, on en eût voulu faire, elle serait déjà faite, et Je prix de l'argent diminuerait, bon gré, malgré les marchands d'argent.
J'insiste sur la motion de M. Prieur et je demande que le comité des finances soit tenu de présenter, dans le délai de huitaine, un moyen fixe d'échanger les assignats pour de l'argent.
Lorsqu'il fut question de vous proposer une nouvelle fabrication, nous avions combiné de manière à ôter aux fondeurs les bénéfices qu'ils se procurent en fondant nos écus. Si l'Assemblée eût voulu accepter le terme qui lui était proposé de faire fabriquer la monnaie aux dépens du Trésor public, elle aurait évité à l'administration le danger d'acheter elle-même des métaux.
Les personnes qui veulent bien réfléchir verront que c'est l'obligation où est le gouvernement d'acheter des matières d'argent pour faire fabriquer, matières qui se trouve enlevées aussitôt qu'elles ont été mises en circulation, qui est une des principales causes de la rareté du numéraire. Il aurait donc fallu que vous eussiez a lopté ce principe, qui était de donner au public de la monnaie en échange des matières qu'il aurait apportées; que ceux qui auraient manqué d'espèces, retrouvant dans la fabrication de la monnaie la même quantité d'argent apporté, auraient alimenté eux-mêmes les Monnaies.
Quant à l'émission ÀH la monnaie de cuivre, nous convenons qu'elle pourrait apporter un remède à nos maux ; mais je crois qu'il faut la faire avec sagesse, avec précaution, afin de ne pas permettre, à qui le voudra, d'en faire pour son compte. Nous avons un rapport tout prêt; sous peu de jours on doit vous en rendre compte (Murmures.).. Dès ce soir si vous voulez. (Oui! oui ! Ce soir!)
Mes collègues du comité des monnaies m'ont chargé de faire ce rapport. Je déclare que si l'Assemblée le veut, ce soir à huit heures le rapport sera fait. (Oui ! oui ! A ce soir !)
(Ce rapport est mis à l'ordre de la séance de ce soir.)
L'Assemblée, consultée, ordonne l'impression du discours de M. deMontesquiou, pa«se a l'ordre du jour sur la motion de M. de Cazalès, renvoie au comité des finances la demande de M. de Montesquiou tendant à l'approbation des établissements particuliers, sous la surveillance des corps administratifs, pour l'émission des fractions d'assignats de cinq livres, en ajourne le rapport à jeudi prochain et rend le décret suivant : « Il sera procédé à la fabrication actuelle du papier destiné à l'impression des assignats, dans la quantité qui sera déterminée par le comité des finances, sans néanmoins que ledit papier puisse être remis à l'imprimeur et réduit en assignats sans un décret formel de l'Assemblée. »
Parmi les moyens qui tendent à faire dominer le prix de l'argent, il en est un qui vous a été présenté, il y a plusieurs mois, et sur lequel je crois que l'Assemblée n'a pas assez
fixé son attention ; il consiste à protéger le commerce de l'argent comme celui de toutes les autres denrées. Plusieurs membres n'ont aucun doute sur ce moyen, mais il a répugné à beaucoup d'autres. Je ne demande pas qu'on l'adopte; mais, comme je crois ce moyen très bon dans les circonstances:présentes, je demande qu'une discussion s'ouvre dans l'Assemblée sur la question desavoir si la vente de l'argent doit être permise, autorisée et même protégée par la loi (.Applaudissements.)
Je demande donc que le comité des finances veuille bien nous faire un rapport sur cet objet et qu'il nous soit fait dans trois jours au plus tard.
Il me semble que la proposition que j'ai faite relativement à la fabrication des gros sols est absolument indépendante du système monétaire. (Non pas ! — Si ait!)
Dès l'instant que vous avpz supprimé les Monnaies, toute espèce de surveillance y est aussi supprimée, et, dans ce moment, le pouvoir executif confère avec nous pour vous présenter dans l'instant une nouvelle organisation. Il faut dire que vous établissez dans toutes les Monnaies des commissaires qui les surveillent. (Murmures.)
Vous n'avez pas le temps d'attendre que toutes vos Monnaies soient organisées.
Je demande la parole à M. de Montesquiou qui craint apparemment la surveillance du comité.
J'ai été témoin du travail du comité monétaire ; je sais que la commission nommée par le pouvoir exécutif s'est assemblée pour s'occuper de cet objet; mais je ne crois pas que cela puisse nuire. C'est la proposition de M. de Montesquiou que j'appuie; car, quel que soit ce plan, il nous faut des sols.
Plusieurs membres : L'ajournement à ce soir. (Oui ! oui!)
L'Assemblée nationale doit ; prendre toutes les mesures qui sont en elle, pour protéger efficacement le commerce de l'argent. Il en est de ce commerce comme de tous les autres commerces. La liberté est sa vie et son âme. Si un homme sait qu'il court un danger en vendant de l'argent, il le vendra plus cher. (Murmures.) D'après cela, je m'oppose à l'ajournement fixe qu'a propose M. Goupilleau, et je demande que'l'Assemblée nationale décrète que ce commerce est parfaitement libre, et que les tribunaux, les administrations emploieront tous les moyens qui sont en leur pouvoir pour le protéger.
Je demande que, si la vente de l'argent est autorisée, les assignats ne soient plus forcés.
(de Saint-Jean-d'Angêly). Les lois protègent et doivent continuer de protéger toutes les espèces de négoce et de commerce possible, et le commerce de l'argent n'est qu'un négoce
comme les autres. Il ne faut donc pas un décret qui autorise ce négoce, comme s'il ne l'avait pas été. Il faut que l'Assemblée Dationale se borne à renvoyer au pouvoir exécutif, pour qu'il donne les ordres les plus précis à tous ses agents, à toutes les administrations, pour qu'ils protègent, suivant les lois, toutes les espèces de commerce, notamment Celui des espèces d'or et d'argent.
[La motion de M. Regnaud (de Saint-Jean-d'An-gély) est adoptée.]
En conséquence le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis et les plus prompts pour que tous ses agents, les corps administratifs et municipaux, protègent, d'une manière efficace et par toqs les moyens que la loi a mis en leur pouvoir, toutes les espèces de commerces, échanges et circulation, ét notamment la vente ou échange d* s as-ignats contre le numéraire d'or ou d'argent, dont la libre circulation est essentielle à la prospérité de l'Empire. »
Il y a une autre proposition, el le est de M. Malouet, c'est que le comité de revision se rassemble pour faire un rapport des différents décrets rendus pour le rétablissement de l'ordre, en présentant les moyens les plus efficaces qui pourraient ajouter à ceux déjà décrétés.
insistent pour que le comité de révision soit chargé de faire ce rapport.
Cet objet ne regarde pas le comité de revision. Il ue s'agit que de faire exécuter les lois existantes en renvoyant celte demande au pouvoir exécutif.
Quoique le sentiment qui a inspiré à M. Malouet la demande des lois de police qu'il vient de vous faire soit très louable, il est inutile de prendre des mesures sur ce point, car le comité de Constitution doit vous faire au premier jour un rapport sur la force publique, qui remplira toutes ses vues. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Malouet et je demande en même temps que le comité de revision s'assemble fréquemment pour accélérer le travail dont il est chargé.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Malouet.)
J'ai reçu de M. Duportail, ministre de la guerre, la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
L'Assemblée nationale a supprimé la retenue des quatre deniers pour livre sur les dépenses du département,de la guerre, dont trois étaient affectés à la subsistance de l'Hôtel des invalides; elle a de plus décrété la conservation de cet établissement utile et honorable; mais, dans les circonstances, elle n'a point appliqué les fonds nécessaires à la subsistance et à l'entretien de l'Hôtel : il est sur le point d'en manquer, if est donc très pressant que l'Assemblée natiobàle, en attendant qu'elle ait statué définitivement sur la nouve'le organisation de cet établissement, sur la dispensation des fonds à accorder à l'Hôtel des invalides, veuille décréter qu'il sera remis, par
le Trésor public à 'la caisse de l'Hôtel, jusqu'à concurrence de 150,000 livres par mois.
« Signé : Duportàil, »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire pour en rendre compte incessamment).
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps législatif (1).
La délibération en est restée à:lu question de savoir si les membres d'une législature pourront être réélus à la législature suivante.
, rapporteur. Par le décret que vous avez réndu nier, vous vous êtes mis en état de décider avec d'autant plus de désintéressement l'importante question qui est à l'ordre du jour, celle de l'élection des législatures futures, que vous vous êtes mis à couvert du reproche de l'intérêt personnel. Les raisons que j'ai données hier à ce sujet ne sont paâ détruites, je pense même qu'elles ne le seront.pas. Rien ne peut plus balancer la force du principe. Toutes les considérations particulières qui pouvaient faire impression sur vous doivent céder à l'évidence des raisons qui appuient la réélection.
Le premier devoir du législateur doit être de Veiller à entretenir constamment la force et Pé-nergie dans le ^Gorps, ^législatif. Il doit prévoir Cette époque où l'esprit public, se refroidissant ^chaque jour dans uii calme dangereux, a besoin d'être ranimé par les plus vifs ressorts de l'émulation. N'oublions pas que le Corps législatif, notre uniqué égide !contré lès entreprises du pouvoir exécutif, doit être maintenu sans Cesse -en état de le surveiller efficacement et de le contenir fortement dans cette lutte perpétuelle et naturelle.
N'introduisons donc pas une inégalité d'avantages qui serait lout entière à notre détriment; car le pouvoir executif attirant "sans cesse à son Service, par la perpétuité dè ses places nombreuses et par la stabilité qu'il est de sa politique de "dou-ner maintenant à ces places, tous ceux qui - n'auraieUt pas été tentés par la seule considération des avam âges de Ces places, s'y livreraient par la considération des désavantages et de l'instabilité des places de la législature.
Prenons donc dès précautions pour retenir dans la carrière nationale un certain -nombre d'hommes méritants, en leur présentant un grand sujet d'émulation. 'Nous avons beau chercher, nous n'en trouvons point d'autre que la réélection.. '
Sans: doute, il est nécessaire que la probité et le vrai civisme soient
les qualités prédominantes , dans une Assemblée législative; mais il
faut entrer dans ce qui est convenable à l'état ordinaire ;étcommun des
hommes; et pour jouir de ce que !Ia nature humaine a de bon, il faut
aussi savoir transiger avec ses imperfections. Or, l'abnégation
co'mplète, le renoncement absolu, le sàcri-"fjce "de, toute espèce
d'intérêt et de jouissances n'est point dans la nature de l'homme. On
voit bien quelques effets de'ce genre dans les mouvements des grandes
révolutions, parce qu'alors les j esprits 'sont exaltés, les fibres sont
tendues sur Un ton au delà du commun; mais cet état-là n'est $'as un
état de longue durée, et le moyen le plus
J'ajoute une autre observation : c'est que dans les circonstances où la législature se trouvera en opposition avec le pouvoir exécutif, par l'effet d'un veto., il est absolument utile que la nation ait un moyen d'exprimer son vœu, soit d'impro-bation ou d'approbation pour la loi présentée. Il faut donc que la seconde législature, qui aura à soutenir le projet de loi èontre le veto, ou à l'abandonner a l'opinion nationale, ait un signal certain pour reconnaître cette opinion; or, chez nous, comme en Angleterre, le signal ne peut être donné que par la réélection ; car si la loi est bonne* la nation se fera un devoir pour assurer son succès comme pour marquer son vœu, de réélire les auteurs de la loi : dans le cas contraire, il n'y aurait pas de réélection, et dans tous les cas l'opinion nationale sera manifestée. Je pense que l'opinion de l'Assemblée ne peut longtemps rester en suspens-, et qu'elle adoptera le système de réélection.
La question que vous allez agiter est une des plus importantes qui puisse vous être soumise. C'est celle sur laquelle ceux qui ont le plus réfléchi peuvent facilement être divisés, car dans les deux systèmes il y a des avantages et des inconvénients. Le principe est opposé en apparence au système de la non-réélection.
On vous a dit et on vous a répété que vous n'avez pas le droit de gêner la liberté du peuple; que tout ce qui est de confiance ne peut être restreint sous aucun aspect,' et que vous olfensez le principe, si vou3 ne laissez pas à la nation le droit dé choisir les défenseurs dans lesquels elle aura le plus de confiance, en qui elle reconnaîtra le plus de talents et de vertus.
Je vous prie d'observer, Messieurs, que nulle part ce principe n'est resté intact: vous-mêmes y avez déjà porté atteinte. En Angleterre, il faut jouir d'un certain revenu en fonds de terre pour être éligtble ; dans plusieurs États d'Amérique, il, faut absolument que les fonctions publiques aient été interrompues, pour pouvoir de. nouveau être réélu. C'est là le moyen que je regarde comme le meilleur; et remarquez, Messieurs, qu'ici il ne s'agit pas d'empêcher celui qui a déjà mérité là confiance publique d'y être encore appelé: il s'agit seulement de mettre une interruption entre l'exercice de ces fonctions et un appel à ces nouvelles fonctions. Il est* indispensable pour le salùt publia de ne pas les laisser se perpétuer.
Si On voulait suivre le principe daus toute sa rigueur et tel qu'on vous le présente, non seulement Celui qui aura été élu à une deslégislatures pourra être élu à celle qui suivra, mais à toutes celles qui suivront, de sorte que cette chaîne sera sans interruption. Par là l'autorité se perpétuerait sUr les mêmes individus. Dans lè Parlement d'Angleterre, nous voyons plusieurs membres qui sont perpétués depuis 20 années dans la noble carrière qu'ils remplissent; et ne croyez pas que ce soient 'toujours les meilleurs défenseurs du peuple.
Messieurs, il est un ferme à tous les travaux'; et n'est-ce pas une assez noble carrière à parcourir, n'est-ce pas une carrière assez longue que d'avoir deux années entières ? Quand vous aurez bien réfléchi sur cette matière, vous verrez qu'en
dernière analyse tout se réduira à un point fort simple, à savoir si les réélections sans interruption n'amèneraient pas insensiblement la Corruption dans le Corps législatif, e*t voilà sur tout contre quoi il faut se prémunir. D'abord il est impossible de faire longtemps usage du pouvoir sans en abuser. Je dis de plus qu'il ne faut pas que les membres soient sans cesse exposés aux tentatives du pouvoir exécutif; et plus ils marqueront de talent, plus ils annonceront de lumières, plus ils; seront exposés à être corrompus. Je demande donc qu'on ne puisse pas, sans une interruption de deux années, être continué à la législature.1
J'ai reçu du. roi une lettre ainsi conçue :
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale que, sur la démission de M. de Fleurieu, j'ai nommé, pour le remplacer au département de la marine et dès Colonies, M.! Tbévenard, commandant la marine à Lorient.
« Signé : Louis. »
J'ai également reçu de M. Duportaii, ministre de la guerre, une lettre par laquelle il envoie à l'Assemblée un projet de répartition des auxiliaires par départements; et à laquelle est joint un projet de règlement pour les auxiliaires!Se l'avais envoyée directement au comité militaire et je vais la lui renvoyer de nouveau ; mais on a voulu que j'en donnasse d'abord connaissance à l'Assemblée.
La suite de la discussion sur Vorganisation du Corps législatif est reprise,
Messieurs(l), je suis rappelé à cette tribune par le besoin de défendre mon pays du plus grand danger qui l'ait encore menacé; et, s'il n'est plus possible d'empêcher qu'un violent désordre ne le troujjle longtemps, j'essayerai au moins de le préserver d'une anarchie constitutionnelle et irrémédiable.
Comme c'est dans la disposition des esprits que se trouvent en général les éléments d'une délibération, il me paraît nécessaire de faire quelques réflexions longtemps retenues et que je me reprocherais de taire) davantage. Je vais, sans m écarter de la question présente, vous montrer en peu de mots votre position et celle où l'on cherche à vous précipiter. Ces véritables dangers bien réels, bien pressants, vous les connaîtrez ; ils cesseront de peser sur ma conscience, je les remets 'sur la vôtre, sur celle de Ceux qui, sans | les discuter et les examiner, voudraient néanmoins en nier l'existence et l'a réalité.
De degrés en degrés, Messieurs, on vous amène f à une véritable et complète désorganisation sociale; je ne sais, depuis quelque temps, quelle manie de principes simples on a cherché à vous inspirer, et dont l'effet bien calculé par ceux qui sont'les premiers moteurs de ces idées, est ' de détendre tous les ressorts dU gouvernement, et d'en détruire, non les abus, vous l'avez glorieusement exécuté, mais l'action salutaire et conservatrice: disons mieux, dé conduire à changer totalement la forme du gouvernement, car il faut bien ignorer les choses de ce monde pour douter des grands projets qui existent à cet égard, malgré les protestations contraires. (Mouvement.)
Ces dangers vous environnent, ils augmentent tous les jours, et la
sécurité dont on voudrait
11 y a. des hommes qui ne sont sensibles qu'à un genre de danger, c'est-à-dire aux mouvements populaires. Quoique souvent excusables par leurs causes, leurs, effets sont sans doute vraiment dangereux. Ils affaiblissent le respect dû aux nouvelles lois, àu moment même où elleâ ont besoin de toute la force de l'opinion pour s'établir; ils détournent les administrateurs de leur devoir journalier, et, de plus, en faisant prédominer dans les esprits l'idée de la forcé sur celle dé là raison et de la loi, ils indisposent tous ceux qui ont fondé sur celles-ci l'espoir de leur existence et deleur tranquillité.1
Mais ce mal, c'est dàns sa racine qu'il faut l'attaquer, et l'expérience devrait avoir démontré que toute répression partielle à cet égard est plus fâcheuse qu'utile, ét qu'en comprimant le ressort, elle en augmente la force, fl faut allér hardiment à la source du mal, et toutes ces incommodités locales disparaîtront. Une Constitution sage et'libre, un gouvernement loyal, juste et ferme ; voilà le grand, le seul remède qu'il faille désirer, que vous demande la nation, dont vous stipulez les intérêts, et celui dont la négligence, en lui prénarant de longs malheurs, vous donnerait de véritables et d'inutiles remords.
Le danger réel, Messieurs, encore caché sous le nuage de l'opinion, mais déjà profond et étenr du, c'est l'exagération des idées publiques, leur divagation et le défaut d'un centre commun,d'un intérêt national qui les attire et les unisse.
Encore un pas, et le gouvernement ne peut pltis exister, ou se concentre totalement dans lé pouvoir exécutif seul; Car je vois dans l'éloignement le despotisme sourire à nos petits moyens, à nos petites vues, à nos petites passions, et y placer sourdement le fondement de ses espérances. (Applaudissements. )
Ce que l'on appelle la Révolution est fait; les hommes ne veulent plus obéir aux anciens despotes ; mais, si l'on n'y prend garde, ils sont prêts à s'en forger de nouveaux, et dont la puissance plus récente et plus populaire serait mille fois plus dangereuse... (Mouvement.) Tant que l'esprit public n'est pas formé, le peuple ne. fait que changer de maître; mais ce changement, en vérité, ne valait pas la peine de faire une Révolution. (Applaudissements^) Les idées d'égalité et de liberté se sont répandues dans tout l'Empire. Elles ont pénétré dans toutes les classes de. la société, Lés partisans des anciens abus ont seuls été insensibles à ces noms, si touchants et aux doux sentiments qu'elles réveilleut dans les âmes. La raison s'est retrouvée sous les décombres des vieilles institutions qui la tenaient captive. Tout lé monde s'est employé à Consacrer un temple à la liberté; elle est devenue le culte de la nation entière; mais les dogmes de cette religion politique he ^ont pas encore connus, et il j est fort à craindre que, dès son berceau, un grand nombre de sectes différentes n'en obscurcissent la pureté,
Je le répète donc ? la Révolution est faite, mais c'est une conséquence bien fausse que de dire, comme on l'entend communément, que pour cela la liberté n'est plus en danger; car, Messieurs, c'est pbùrelle seule çnie je crains. Sa cause est la seule qui puisse me forcer à rompre Je silence^' Le progrès immodéré et sans bornes de cetfe Révolution a pour bu*de nous replacer au pôiïit
où nous étions, ou dans une position plus fâcheuse encore, c'est-à-dire qu'après avoir détruit successivement tous les ressorts du gouvernement, il doit amener à une dissolution générale et à une guerre intestine. Tout mouvement dans le monde moral, comme dans le physique, est circulaire. Lorsqu'il se continue, il reproduit les mêmes combinaisons, et il nous reporterait à celles que nous voulons éviter, si nous ne parvenons à l'arrêter lui-même par un système solide de gouvernement. Il n'y a que trois états pour l'homme : l'indépendance, l'esclavage et la liberté; ces trois états se suivent toujours dans le même ordre. Nous sommes sortis de l'esclavage et nous y retournerons, si, outrepassant la liberté, nous arrivions une fois à l'indépendance. L'esclavage a même cette funeste propriété, qu'il est pour tous l'image du repos, et qu'il s'allie naturellement avec les sentiments des peuples dégénérés; car il favorise l'amour de la domination, l'ambition des uns, la paresse et la mollesse des autres. La liberté, au contraire, est ce milieu qui est peu facile à tenir, et qui exige une continuité d'efforts et de vigueur bien autrement difficiles qu'une rapide et courte explosion de ses forces.
En rappelant ces vérités, que l'on né croie pas que je veuille marquer de la moindre improbation cet enthousiasme généreux qui a été partagé par toute la France, et qui, maintenant, en agite ies'paities; on connaît sur cela mes principes; il fallait que tout lût purifié par la Révolution, il fallait que le gouvernement se régénérât, que le peuple se pénétrât de l'amour de la liberté, afin de devenir propre à connaître, à aimer, à respecter les luis qui l'établissent.
Tout s'est donc fait, à cet égard, jusqu'aux derniers momen s, comme il devait se passer, et je ne, voudrais ietra. cher de la Révolution que les cruautés inutil, s qui la défigurent. Mais ce serait une grande et funeste erreur que de se livrer, pour ce.a, à des espérances pans bornes, et d'attendre un secours illimité des événements, qui, jusqu'à présent, nous ont si heureusement servis. La posiiion est bien changée: il fallait abattre, il faut construire; il fallait poser les fondements, il faut terminer l'édifice, et il n'est personne parmi nous, qui, dans la conscience, n'ait pensé que la pente des esprits, si favorable à l'éiablissement de la liberté, ne devait être favorisée que jusqu'au moment où elle cesserait de favoriser, elle-même, les véritables idées de la liberté et d'un gouvernement sage. Ce moment est-il venu? Je le pense : tout, jusqu'à notre propre lassitude, nous apprend qu'il faut terminer Ta Constitution, etlais.-er après nous un ordre de choses qui ne puisse plus changer que lorsque la volonté nationale l'aura expressément déterminé.
Cela posé, daignez me suivre dans ce court développement; voulez-vous attendre que l'on ait accrédité cette opinion, commune à nos ennemis, et à de prétendus patriotes, que votre Constitution, telle que vous l'avez décrétée, ne peut pas subsister? Ne voyez-vous pas cette troupe de gens sans lumière, répétant déjà ce qu'on lui a inspiié, que la première législature sera Constituante, et qu'elle fera une Constitution i lus conforme à la déclaration des droits? Lorsque ces idées auront gagné davâutage les esprits, il ne sera plus temps de prévenir le danger : il sera venu; alors l'opinion populaire, qui a secondé vos travaux, se tournera contre eux; notre Constitution se trouvera attaquée, et par ceux qui n'ont
pu y atteindre, et par ceux qui l'ont dépassée : quelle sera alors la position ? Les partisans de votre ouvrage, combattant à la fois nos éternels ennemis, et les nouveaux patriotes, tristement serrés contre l'autorité royale et les autres pouvoirs qu'il sera de mode d'attaquer, dans l'altitude que vous avez vue aux impartiaux, aux amis de la paix et autres, n'auront d'appui que la raison, de force que cette détestable et péril1 euse ressource de la loi martiale. Eh! Messieurs, la vraie loi martiale, c'est la justice et la prévoyance. L'une prévoit les maux, l'autre les prévient; et lorsque la force est employée contre le peuple, soyez comme certains que ceux qui gouvernent méritent des reproches, et qu'ils cherchent à le punir de leurs propres fautes.
Rendons ces idées plus sensibles, suivons pour cela l'opinion publique ; comment mesure-t-elle votre Constitution ? Comment d'abord en conçoit-elle les deux bases : la liberté et l'égalité ? S'est-elle élevée à la notion juste de la liberté publique, de cette liberté qui est la limite des droits de chacun, limite posée par la justice, exprimée parla loi, et défendue par la force publique? Sans doute, plusieurs l'entendent ainsi ; mais aux yeux d'un grand nombre d'autres, quelquefois même dans cette tribune, elle n'a paru que l'expression d'un droit personnel et absolu, sans aucune relation avec nos voisins et nos concitoyens ; idée qui s'allie merveilleusement avec toutes les passions viles de l'égoïsme, de l'envie, de la bassesse, et qui, par conséquent, détruit toutes les vertus contraires.
Quant à l'égalité, il est clair que les fripons et les imbéciles, dont la ligue est si commune et si naturelle, seront terttés toujours de persuader, les uns, qu'elle est l'égalité des fortunes et de propriétés ; les autres, qu'elle est celle de la capacité et des talems. ils ont un égal penchant à tout désorganiser, parce qu'ils sentent que le propre d'un pays constitué est de mettre à leurs places les hommes et le.s choses, d'affermir tous les empires légitimes, de consacrer la propriété, et de donner de la force à la raison.
D'autres hommes, calculant le mouvement des esprits, et n'osant pas Uatter directement ces idé-s, font répandre au moins que les deux principes delà liberté et de l'égalité seraient plus religieusement ob.-ervés, et plus solidement unis dans une forme différente de gouvernement.
Ce n'est point ici une chimère ni un fantôme ; et si vous ne vous apercevez pas que vous êtes sur la route qui conduit à la destruction de votre Constitution, ce ne sera pas ma faute. En vain dira-t-on que ce projet de changement est ridicule; ce n'est pas parce que des choses sont déraisonnables, qu'elles sont impossibles. On dira encore que ceux qui les propagent ne sont remarquables que par leur profonde incapacité. Tout cela n'est rien contre la pente de l'opinion. Voici quels en seraient les premiers résultats. Les premiers efforts vers ce système seraient d'incalculables malheurs. Avant tout, il faudrait noyer dans le sang les derniers partisans du trône. Les intrigues qui maintenant agitent et divisent les sociétés... s'élèveraient à la hauteur des véritables factions qui déchireraient l'Empire. On se battrait pour un homme ou pour un autre; et tel qui se dévoue au noble métier de payer des libelles, etcle réduire en système la calomnie, serait tout à coup l'effroi et le tyran de ses concitoyens. Enfin, après de longs et inutiles essais, le despotisme viendrait se piésenter comme un asile favorable à toutes les âmes épuisées, fati-
guées, et ne voyant de bonheur que dans le repos.
Personne ne révoque en doute la possibilité de ces dangers, mais on les croit encore dans un avenir éloigné, qui laissera toujours le temps de les prévenir, ainsi que les moyens. Non, croyez-en des hommes qui ont quelquefois médité utilement pour la chose publique, et qui n'ont jamais varié dans la route du patriotisme et de la probité. Je l'affirme, parce que, je le pense, le péril est très instant et nous poursuit.
Ne croyez pas d'abord que les idées de liberté et d'égalité rétrogradent jamais; bien au contraire, elles se propagent de plus en plus. On peut, comme je l'ai dit, et voilà le grand secret, voilà ce qu'il faut faire, on peut les enchaîner dans des combinaisons heureuses et fortes quiles retiennent et les conservent ; il faut les rattacher à un gouvernement juste et ferme : sans cela, elles continuent à s'écouler, elles vont toujours nivelant, toujours dissolvant, jusqu'au partage des terres. Après avoir aplani les montagnes, les plus petites élévations paraissent sensibles et gênantes., et blessent ce niveau universel qui n'est que l'absurdité réduite en système. Ainsi, on arriverait à l'individualité, ce dernier terme delà progression d'où l'on pourrait recommencer la société, si nos ennemis ou notre propre courage nous permettait de poursuivre cette effrayante carrière.
Je ne veux, pour vous donner une preuve de la force de l'opinion et de sa tendance déterminée, que vous faire observer, d'une part, des hommes qui repoussaient les principes lorsqu'il fallait les établir, les exagérer maintenant qu'il faut les restreindre; des nommes qui ont passé, sans intermédiaire, de la pusillanimité à l'enthousiasme, parce que l'opinion est à ce degré du thermomètre; d'autres hommes dont les idées avaient été reléguées parmi les rêves de l'abbé de Saint Pierre, etcela, sans aucun esprit de parti, mais d'un commun accord, sont devenus importants au moment où ils sont dangereux, après avoir été négligés lorsqu'ils étaient utiles. De tout cela, il résulte évidemment que l'Assemblée nationale, prise en masse, et l'opinion qui s'établit, sont dans une marche inverse. L'Assemblée, je le suppose, cherche à rapprocher les esprits vers un même point, qui est la Constitution; et cette opinion, par un mouvement contraire, tend à les en écarter. Dan s ces circonstances, quel parti faut-il prendre? Fixer l'opinion ou suivre son entraînement, et courir avec elle à la perte de ce beau pays. (Applaudissements.)
Je rentre ici dans les termes précis de la question qui nous occupe, de la nécessité de former promptement un gouvernement solide et durable, et non pas incertain et changeant, comme on vous le propose : c'est bien assez d'avoir à redouter l'exagération que la première Assemblée mettra, vraisemblablement, dans ses décisions, et cet amour insensé de la popularité qui l'animera, et dont l'avantage insigne est, comme le baptême, d'effacer tous les crimes.
Un journaliste a même été jusqu'à dire un motà propos : Lève tous les doutes sur le patriotisme d'un individu. Mettons un terme à cette incroyable mobilité.
Depuis qu'on nous rassasie de principes, et que le mot même, comme tant d'autres également beaux, d'impartiaux, d'ordre public, tend à s'avilir dans l'opinion, pourquoi ne s'est-on pas avisé de penser que la stabilité est aussi un principe de gouvernement ? Croit-on que l'état ordinaire d'un pays est l'état de révolution ? et veut-
on exposer la France, dont les habitants ont déjà un caractère si mobile et si ardent, à en voir arriver une tous les deux ans, dans les opinions, dans les principes de l'administration, dans les principes de commerce, de linance, d'impositions, dans les traités d'alliance etde commerce?En vérité, je ne pense pas qu'il soit'possible d'obliger un homme à répondre en détail à de pareilles pauvretés. Je ne crois plus être avec des hommes raisonnables et pensants, mais au milieu des ennemis les plus acharnés de mon pays.
Lorsqu'on possède la liberté, un gouvernement stable est le plus grand de tous les biens; il fait le bonheur de tous; il assure à tous la jouissance de leurs droits,- pour laquelle ils sont en société; il assure la fortune publique et les fortunes particulières; il favorise les diverses transactions du commerce et toutes les jouissances sociales; c'est lui qui procure au peuple une aisance assurée, la tranquillité et l'amélioration de son sort. Cela est bien vrai, Messieurs, qu'en général, le peuple n'est pas intéressé aux systèmes qui occupent les têtes métaphysiques; il a eu le bon esprit de s'associer en France à la Révolution, et de sentir qu'il valait mieux pour lui perdre un instant de repos, et s'assurer nour toujours une base solide et constitutionnelle de son proore bonheur; mais s'il était trompé dans son esné-rance; si, pour satisfaire à nos petites passions, ou pour plaire à je ne sais quelles têtes creuses, qui regardent la liberté comme une chose toute spirituelle et fantastique, tandis que la liberté est un bien solide et substantiel, qu'il faut toujours considérer par ses vrais résultats, qui ne sont autre chose que le bonheur et l'aisance de tous; si, dis-je, vous allez enfermer un principe, un germe de révolu'ion dans votre Constitution même; si vous venez à former un gouvernement bizarre, incertain, sans liaisons et sans suite,alors, j'ose vous le dire, prêts à rentrer au milieu de vos concitoyens, au lieu d'y trouver la reconnaissance due à vos travaux, vous pourrez bien y trouver une haine toujours croissante avec les maux individuels dont ils seront la proie; et ils vous reprocheront tous les malheurs qu'ils souffriront, et auxquels vous aurez empêché vous-mêmes d'apporter remède. Je n'achève point ce tableau. S'il est d^s hommee inaccessible* à cette sorte de crainte, on ne niera pas que .de tels hommes méritent le plus profond mépris.
Que les adversaires du comité veuillent bien me dire ce que devient avec eux l'intérêt national. Qu'est-ce qui défend ce centre important où il faut transporter tant de force pour attirer et réunir toutes les parties ; ce centre où réside la liberté publique, gage et soutien de toutes les autres libertés? Qu'est-ce que je vois dans ce centre? Le pouvoir exécutif.
Mais, à son égard, de deux choses l'une : ou les ministres étant accrédités par l'opinion, ils resteront en place; et voyant, durant le long cours de leur ministère, se renouveler beaucoup de législatures, ils seront comme Nestor chez les Grecs; ils auront vu beaucoup de générations d'hommes, et prendront sur chacune l'empire de l'expérience. Ils pourraient faire réussir aisément un système longtemps médité d'accroissement funeste du pouvoir royal ; ou bien le meilleur ministre, comme cela est plus vraisemblable, sera culbuté par cette révolution périodique qui aura lieu tous les deux ans.
Je ne vois dans tout cet arrangement ni liberté ni bonheur public. Au centre d'un vaste pays hérissé d'institutions locales, divisé en parties or-
ganisées de manière à pouvoir facilement s'isoler, le maintien de la liberté exige que l'on place une grande force qui unisse et continue toutes les parties, qui fasse prédominer sur tous la volonté générale, et qui protège les citoyens contre l'abus des pouvoirs qui pèsent immédiatement sur eux; cette force centrale se divise en deux : le Corps législatif et le roi. Si le Corps législatif est faible, l'autorité passera nécessairement au monarque, sans quoi la dissolution arriverait. Or, je vous le demande, Messieurs, existât-il un moyen plus sûr d'affaiblir, de dégrader le Corps législatif, que d'en exiler la capacité, les talents, les vertus publiques, même l'ambition et l'amour de la gloire: c'est là, au contraire, qu'il faudrait les réunir tous, si l'on veut que la France soit heureuse et libre. C'est une vue bien fausse que de craindre leur perpétuité lorsque tous les deux ans ils doivent rentrer en lice avec la haine, la jalousie et l'intérêt; toutes ces passions de petits esprits que secondent la mobilité et l'inconstance nationales.
L'on ignore sûrement, ou l'on affecte d'ignorer la véritable nature de notre gouvernement; ce ne sont pas des états généraux périodiques que nous avons institués, mais une Assemblée nationale permanente. Ce n'est pas pour venir de temps en temps voir ce qui se passe dans l'administration que la nation envoie des députés; c'est pour prendre en plusieurs points une part active à l'administration même; c'est pour suivre un plan de perception d'impôt, de finance, d'acquittement et d'amortissement de la dette publique, et il faudra que nous décidions quelquefois de la paix et de la guerre, et des traités de commerce; mais cela ne peut se faire évidemment que par des connaissances antérieurement acquises, et pa" une sorte de liaison dans un système que l'on n'aura pas pu puiser dans les affaires de son propre canton, mais lorsqu'on aura exercé celles de la nation entière; sans cela, nous ferons la guerre comme une horde de sauvages, par une impression de colère soudaine, par un sentiment que le pouvoir exécutif fera naître quand il voudra. Daignez, Messieurs, ouvrir les yeux sur le système assez adroit de certains hommes qui n'ont pris sur eux aucune responsabilité personnelle; car ce n'en est pas une que d'avoir "combattu tout ce qui est raisonnable, et d'avoir tenu sans interruption une chaire de droit naturel, c'est ce système que l'on veut continuer encore. Si, par une mesure funeste, effet de l'ignorance et de la corruption d'une législature, la France est entraînée à sa perte par une guerre ou par un traité, où aller chercher dans le fond de son département l'auteur exécrable d'un tel malheur, pour lui imprimer sur le front les marques ineffaçables du mépris et de l'exécration publique?
On a dit quelquefois, pour se divertir sans doute, que le roi était inutile à notre Constitution. Eh bien! moi je vous dis que si l'avis de vos comités ne passe pas, c'est le Corps législatif qui est inutile : un roi et des départements, tout est là : le premier, pour l'intérêt général, et les autres pour les intérêts locaux ; car puisque, comme je vais le dire, ils ne viendront jamais défendre que les intérêts locaux, on peut bien leur éparguer les frais du voyage. Quelle joie maligne vos ennemis éprouvent en vous voyant détruire ainsi votre propre ouvrage 1 C'est un genre d'occupation qu'ils respectent, soyez-en sûrs. Ne redoutez d'eux aucune colère, aucun mouvement. Pourraient-ils faire mieux, ou même aussi bien?
Mais, si l'intérêt national est entièrement oublié
dans ces sortes de législatures, où tout se renouvellera périodiquement tous les deux ans.én revanche l'intérêt particulier de chaque département contre le bien public y est extrêmement bien soigné; chaque député arrivant ici pour deux ans, chacun d'abord y viendra à son tour; c'est d'ailleurs un principe d'égalité. Ne pouvant jamais être réélu, ne pouvant jouir de cette douce et populaire récompense de la confiance du peuple, il n'aura ici que deux choses à faire : la première de dire du mal des ministres, et la seconde de faire le bien de son département. Par l'une il aura de la popularité, et par l'autre des places chez lui. Ce n'est que là qu'il peut trouver le prix de ses peines, c'est le but sur lequel sont fixés ses regards, le seul qui lui soit présenté pour satisfaire son ambition.
Ce n'est point tout, Messieurs, que cette négligence, qui résulterait de la nature des choses, ae l'intérêt national, intérêt qui rassemble cependant autour de lui des objets bien importants, puisque non seulement la guerre, non seulement les traités de commerce, non seulement les principes généraux de l'administration, non seulement les colonies, mais la véritable liberté, celle qui protège chacun avec la force de tous, et celle qui ne régit chacun que par la volonté de tous, tout cela disparaît, du moment qu'il n'existe pas une autorité centr ale mise sous la garde d'hommes qui puissent y rester attachés essentiellement, si le peuple le trouve nécessaire à son intérêt : et qu'on ne dise point que ce débat respectif des intérêts locaux conduit à l'intérêt général; non, il est, comme je viens de le i dire, des choses qui appartiennent à toutela nation: la guerre, la paix, les colonies, les alliances, le commerce, la dette publique, etc. Qui voudra devenir votre allié, Messieurs? Qui vou Ira conclure avec vous des traités de commerce et d'alliance, lorsque les résolutions nationales seront aussi douteuses, aussi variables?
Vous avez dû remarquer plusieurs fois dans cette Assemblée, combien ce mot principe est devenu commun; il se prête à toutes les passions, à toutes les situations. Les mêmes hommes qui ont soutenu, lors du marc d'argent, que je n'ai point soutenu, que l'on blessait la souveraineté du peuple, qu'ils font sonner si haut tous les jours, le dépouillent de cette même souveraineté, lorsqu'ils en ont besoin pour leur système. A la vérité, ils soutiennent que c'est pour son plus grand bien; mais ils n'ont pas même le mérite de cette invention. Le despotisme n'a jamais dit autre chose; voyez les auciennes lois, on avait des lettres de cachet pour le bien des familles ; la presse était gênée pour le bien et le repos des citoyens ; les manufactures étaient gênées pour le bien du commerce. L'on pourrait pousser plus loin cette énumération.
Cessez d'insulter le peuple en le dépouillant; car il cessera de croire à votre prétendu dévouement à ses intérêts. Laissez aux citoyens le libre exercice d'une faculté dont il est à la fois et le juge et l'objet, ne le privez pas du droit d'influer sur ses députés, et de pouvoir leur retirer ou continuer sa confiance à son gré. On n'est libre dans un choix, que lorsqu'on a la faculté de dire oui ou non, d'ôter ou d'accorder ; si le peuple ne peut que refuser, sans accorder, il n a pas de vraie liberté. Rousseau a dit que, dans un gouvernement représentatif, le peuple n'était libre qu'un jour; avec la Constitution qu'on vous propose, il ne le sera pas un moment. Que désire le peuple, lorsqu'il exerce le droit d'élire? Connaître à fond
ceux qu'il doit choisir : c'est toujours de n'avoir pas bien su ce qu'étaient ceux qu'il a nommés dont il se plaint ; et l'on ose vous proposer de lui enlever le droit de nommer les seuls qu'il .puisse vraiment connaître, ceux dont il a pu juger les actions et la conduite.
Il me semble inutile de répondre à ceux qui ont prétendu que la dissolution de l'Assemblée par le roi devait être liée à la rééligibilité ; cela n'y a aucune espèce de rapport : je ne crois pas que la dissolution de l'Assemblée par le roi, moyen excellent en Angleterre, puisse s'appliquer ici, où il serait superflu, à cause du renouvellement tous les deux ans, où il serait impraticable, à cause des distances; où enfin la vacillation de l'opinion le rendrait longtemps dangereux : le moment où cette question de la dissolution s'appliquait est passé; c'était lorsque vous avez décrété que'le Corps législatif pourrait déclarer au roi que les ministres n'ont pas la confiance de la nation. Tout le monde sait qu'en Angleterre, en pareille circonstance, le roi en appelle souvent au peuple, et qu'il connaît par là si la législature lui a exprimé le véritable vœu de la nation, et si la nation n'a pas sur les ministres une opinion plus favorable que celle de la législature; voilà l'époque où l'on devait appliquer cette idée.
Pour la question actuelle, elle n'y a aucun rapport.
Quant à la relation qu'on a voulu établir entre cette question et le vetox cela me paraît absurde. Le veto a pour objet de consulter la nation sur un décret rendu par ses députés; mais le peuple exprime évidemment de même, et il exprime beaucoup mieux son adhésion ou son refus, en nommant ou en ne nommant pas les mêmes députés; il est impossible de supposer que, parce que Je peuple sera forcé de nommer d'autres députés, il exprime mieux son opinion sur un décret, que lorsqu'il a le choix de les nommer ou de ne les pas renommer, d'après l'opinion qu'il a de la loi frappée du veto, dès lors l'appel au peuple, l'appel si-précieux que la nation a donné au roi par le veto;cet appel devient significatif et utile à la liberté publique, et dans l'autre système, il ne me paraît servir à rien du tout.
Une grande partie de ces idées, Messieurs, appartiennent au travail que nous devons méditer tous sur la revision, mais, avant de m'y livrer, il m'a paru nécessaire de savoir si nous aurions, ou non, un gouvernement; car on ne doit tenter même pour son pays que ce qui est possible, et c'est dans cette question que réside celle de savoir si vous aurez, ou si vous n'aurez pas un gouvernement.
Je Crois que l'opinion qui a prévalu hier, et que je me fais gloire de n'avoir pas partagée sur la rééligibilité des membres de l'Assemblée actuelle, a du moins cet avantage, qu'en épurant la question actuelle, et la dégageant de toute personnalité, on ne risquera point de méconnaître l'intérêt public, ou on saura qu'on le sacrifie à des passions particulières.
Je conclus à ce que l'on ne dépouille pas le peuple de son droit inaliénable de choisir ses députés comme il lui plaît. (Vifs applaudisse? ments.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Duport.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée,;
(L'Assemblée, consultée, ne ferme pas la disçus-' sion.)
Il s'agit de savoir si vous applique- rez aux législatures suivantes les principes que vous avez décrétés hier pour la législature actuelle: je suis de cette opinion. Je vais exposer mes motifs, sans répondre aux longues observations du préopinant, parce que je suis très satisfait du décret honorable que vous avez rendu hier, parce que je suis également satisfait de celui que vous avez rendu relativement à l'organisation du ministère et qui exclut les membres de cette Assemblée du ministère et des places qu'il accorde, parce que ni l'un ni l'autre de ces décrets ne me paraissent destructifs de l'ordre social et qu'enfin je ne connais rien du tout à la théorie des mouvements populaires. (Applaudissements.)
En général, la continuation des pouvoirs et des fonctions quelconques est un principe de corruption. Cette vérité, qui tient a la nature même du cœur humain et qui nous est attestée par l'histoire de tous les âges et de tous les gouvernements, vous ne l'avez jamais méconnue. Pour-* riez-vous donc oublier vos principes et votre sage prévoyance dans une question qui peut compromettre la pureté du Corps législatif et altérer un jour le respect et la confiance du peuple envers ses représentants? Et puisqu'il est vrai que la tendance du pouvoir exécutif est vers le despotisme, c'est une arme de plus que vous mettez dans les mains du pouvoir exécutif pour s'agrandir insensiblement aux dépens dé la liberté publique. Du moins si le3 représentants ne peuvent pas être réélus immédiatement à la législature suivante, il faudra tous les deux ans que le pouvoir exécutif recommence les mêmes manœuvres; elles deviendront plus pénibles et "plus coûteuses, et vous donnerez une chance de plus à la liberté nationale.
C'est ici que je dois ajouter une vérité d'expérience qui donne, une force nouvelle à mon raisonnement : Ne croyez pas que, pour conquérir la majorité d'une grande Assemblée, il soit toujours nécessaire de la corrompre tout entière. Un très petit nombre d'individus ambitieux oè intrigants, l'éloquence d'un orateur, les intrigues d'un autre, des terreurs adroitement, ménagées, et ce que j'ai entendu appeler quelquefois la connaissance de la tactique d'une grande Assemblée, suffisent quelquefois pour la maîtriser, malgré elle, pour tromper sa probité, lui faire aban^ donner ses propres principes et la contraindre à faire des injustices ou des actes de faiblesse qui lui laissent de longs repentirs. Et malheureusement c'est à ces hommes infiniment dangereux et pervers que le ministère s'attache. Si la réélection a lieu, croyez que fquand le pouvoir exécutif les aura marqués dans la foule, et qu'ils" se seront dévoués à lui dans la précédente législature, il emploiera tous les moyens de corruption qui sont en son pouvoir pour les faire réélire dans la législature suivante. En vain pourrait-on m'objecter qu'à la législature suivante il faudra ime élection nouvelle, et qu'alors le peuple ne fera tomber son choix que sur ceux qu'il en aura jugé3 dignes à la première épreuve. Les électeurs offrent les mêmes dangers de corruption ou de séduction. Vous l'avez bien senti, lorsque vous avez décrété que le premier acte des électeurs serait de nommer les députés aux Assemblées nationales,. Peu sont corrompus par peu; et l'on imagine aisément comment avec beaucoup d'intrigues et quelques prôneurs ; comment .avec ce genre de talents qui, à la honte de l'humanité, sont, rarement unis à une inflexible probité, à,
un patriotisme inaltérable ; comment en France, où le peuple encore nouveau pour la liberté n'a point appris encore l'art des hommes libres, celui de n'admirer rien, de n'idolâtrer personne, et de ne jug^r les choses et les hommes que d'après les sages leçons d'une longue expérience, il sera facile de séduire ou de corrompre, pendant plusieurs années encore, les suffrages des électeurs d'un des 83 départements, et de trouver ainsi le funeste moyen de se perpétuer dans les législatures.
Eh I croyez-moi, Messieurs, les choix tomberont rarement sur ces hommes silencieux et modestes qui sont toute la force des grandes assemblées, parce qu'ils en sont toute la probité, mais sur les intrigants, mais sur les ambitieux qui voudront se faire de la législature un métier, et pour qui toute mes'ure est bonne, pourvu qu'ils réussissent à se faire réélire. (Applaudissements.)
Et que deviendra alors la fortune publique, lorsque ses surveillants eux-mêmes seront aussi les complices des dilapidations du gouvernement? Comment oseront-ils ouvrir aux yeux de la nation les livres rouges où seront écrites leurs turpitudes ? Voyez ce qui se passe en Angleterre même à l'époque des élections : la souveraineté de la nation y est devenue Je patrimoine de quelques individus. Que ce grand exemple vous serve à vous garantir à jamais de pareils malheurs. D'ailleurs, je vous prie d'observer que les inconvénients attachés aux corps délibérants trop nombreux obligent nécessairement de resserrer le Corps représentatif dans des limites fort étroites, d'où il résulte que la réprésentation est disproportionnée avec la population; or, cette disproportion s'affaiblit et devient moins choquante avec la loi de la non-rééligibilité : elle force à faire entrer successivement dans la législature un beaucoup plus grand nombre de citoyens; elle les attache par cela même davantage à la Constitution ; elle rapproché là représentation de cette justice absolue que nous ne pouvons pas atteindre, mais qu'il ne serait pas moins heureux de pouvoir observer, en procurant à chaque citoyen éclairé tous les moyens qui sont en notre pouvoir, de parvenir à la législature. Enfin la loi de non-rééligibilité multiplie 'rapidement les hommes exercés dans les grands rapports sociaux, et par conséquent les citoyens propres à entretenir l'harmonie, l'ordre et la confiance.
Les défenseurs du système contraire se retranchent dans une autre objection qui ne m'a pas paru plus solide que la première. Ils prétendent établir la nécessité d'une réélection immédiate sur le veto suspensif que la Constitution donne au roi. Mais si le décret auquel le roi aurait refusé sa sanction devait produire une loi salutaire et désirée par le peuple, pourquoi les nouveaux venus, plus près de sa volonté, plus à portée de connaître son vœu , ne se feraient-ils pas un devoir de l'exprimer et de mériter sa confiance, en reproduisant ce décret qui reprendrait de leur suffrage même, dégagé de toute prévention, une force nouvelle, et bien plus puissante que s'il n'était représenté que par ses premiers auteurs? Alors il n'y a point de luttes dangereuses à craindre entre le pouvoir exécutif et la puissance législative.
Enfin, on a prétendu, pour appuyer le système de la rééligibilité, qu'il fallait ues hommes familiarisés avec le travail de la législature pour diriger les autres. J'avoue que ce motif ne m'a pas fait, plus d'impression que les autres, et il me semble qu'on a déjà répondu d'une manière vic-
torieuse à cette objection. Pour moi, je me contenterai d'observer qu'on n'a pas besoin de directeur dans des questions qui ne roulent que sur des principes et des connaissances qui doivent être aequises auparavant. Si les nouveaux venus sont d'abord un peu neufs, ils sont purs du moins (Applaudissements) ;... et je les aime beaucoup mieux moins familiarisés avec la corruption que familiarisés avec les affaires. (Applaudissements.)
Je ne propose pas d'éloigner trop la réélection; je la recule jusqu'au moment où elle cesse d'avoir des inconvénients. En général, les grandes assemblées sont toujours dans le commencement pures et courageuses, et deviennent à la longue faibles ou corrompues. Accoutumées, pendant deux années entières passées dans l'exercice du pouvoir suprême, à commander, il est bien temps que chacun des individus qui les composent éprouve à son tour la gêne d'obéir* (On applaudit.) S'ils ne sentent pas tout le poids des lois qu'ils auront faites, comment en connaîtront-ils 1 effet sur les mœurs et le bonheur du peuple? Toujours éloignés de leurs commettants, et supérieurs, à beaucoup d'égards, à la crainte des pouvoirs qui les gouvernent, comment se prêteront-ils à des vœux qu'ils ne partageront pas? Commênt'répareront-ils des maux qu'ils n'auront pas éprouvés eux-mêmes ? C'est l'habitude du pouvoir qui rend dur, et quand on est forcé de redevenir peuple à son tour, on est un peu plus sobre des mesures fortes et vigoureuses, parce qu'on aperçoit le besoin des lois douces et raisonnables pour soi-même, des lois telles qu'il convient d'en donner à un peuple libre. (On applaudit.)
Je conclus à l'adoption du projet de décret de M. Pétion, que je regarde comme seul capable d'affermir la Constitution sur des bases solides. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Buzot).
Votre décret d'hier a rendu une grande liberté aux opinions. On aurait inutilement protesté qu'on ne désirait pas être réélu, et pris l'engagement solennel de ne pas accepter : quelques honorables membres n'en auraient pas moins observé qu'il faudrait faire une liste de ceux qui désirent être réélus, et on n'aurait pas manqué de répondre que la liste de ceux qui sont contre larééligibilité^ parce qu'ils sont sûrs de n'être pas réélus, serait beaucoup plus curieuse. Mais aujourd'hui que nous nous sommes rendus étrangers à tout autre intérêt que celui de la nation, la discussion deviendra, j'espère, plus calme et plus approfondie.
Que les fondateurs de notre Constitution aient cru devoir imiter le fondateur de la Constitution de Sparte, et disparaître au moment où leur ouvrage sera parachevé, cela ne peut les dispenser d'examiner l'opinion actuelle du comité, relativement aux législatures futures. On vous a présenté pour ou contre la rééligibilité des législatures aux législatures beaucoup de considérations tirées des circonstances. Mais si le nombre et la force de ces considérations sont dans une balance parfaite pour la négative et pour l'affirmative, si l'on trouve qu'il y a au moins autant d'inconvénients contre que pour la rééligibilité, le devoir de se rallier aux principes devient impérieux; rien alors ne vous empêche d'assurer à la nation la liberté la plus entière dansees choix.
La plus sérieuse objection que j'aie entendu faire contre la rééligibilité des membres d'une lé-
gislature & la legislature imm&Jiatement sui- vantp, est la crainte de la tendance a 1'esprit de corps, a l'aristocratie des families. Vous avez prouve, Messieurs, en ordonnant que les depar- tements ne pourraient elire que dans leur sein, que vous £tiez au-dessus de cette crainte d'aris- tooratie de famille, parce qu'au moyen d'une reelection gen^rale, il y aura, sinon la totalite, du raoins un tres grand nombre de deputes da changes, et quedesqu'il n'y aura pas d'h^reditG, d6s que le corps ne se rtigentrera pas Iui-m6me, et d^squ'il y auraau contraire reelection neces- saire, tous les deux ans, par un nouveau corps electoral dont les rapports personnels, dont les relations, les affections privees changeront sans cesse, l'aristocratie de famille est une chimere.
Est-on plus 6claire, je vous le demande, quand on vient nous effrayer de la lendance a Vesprit de corps? Qu'entend-on d'abord par cette expres- sion : serait-ce l'esprit public ardent a defendre Ja liberte et les droits de la nation contre les at- tentats qui ne ces-eront d'y porter les minislres et les agents du pouvoir executif? Loin dVtouff r cet esprit public, Ton ne peut, au contraire, f;iire trop dYfforts pour l'encourager. L'autorite royale tendra toujours k s'accroitre des debris de la souverainete nationale. Ses efforts ne seront pas sans succ£s, si l'esprit public, par une surveil- lance tnujours active, ne defend sans ce^se les droits dont la nation a si longtemps £te privee, etqu'elle n'a pu reconquerirquepardeuxannees de travaux, de sacrifices et de courage. Le minis- tdre de son c3t£ a toujours eu et aura toujours le mSme esprit d'invasion sur tous les pouvoirs; il faut done lui oppose un esprit egal de resis- tance ; ei comment esperer ce'te opposition, si au un membre d'une legislature ne peut aspirer a 6tre r^e'u?
Quel est u'ailleurs le corps dont on vous parle, si ce n'est la nation representee? Qu''l est cet esprit qu'on veut etouffvr d6s sa naissance, si ce n'est I'e-prit national? II s'etendra s'il ne se propane: il ne peuf se propa^er que par les in- dividus, et vous eloigneriez du sein de la lesis- la'ure suivante, celui que cet esprit aura cons- lamment anirae! Si celui qui se sera applique avec ardeur et succes a veiiier a 1'inierSt de la patrie reste confondu avec celui qui n'aura pas manifeste le m6me z6le, ou qui aura peut-etre manifeste une adhesion constante aux vues mi- nisterielles, si vous forcpz la nation a les con- fondre dans un oubli commun, quel interet — car ou ne m'empechera pas de parler d'interet quand c'est a des hommes que je parle de ce qu'on peut attendredes hommes — quel inte et, dis-je, don- nerez-vousasedevouerau bien public, el a fermer les yeux sur le bien particuiior sur lequel tant de puissances interessees chercheront a appeier les regards da representant de la nation ? II arri- vera que, pendant les deux ann6es de legislature, chacun s'occupera, le moins qu'il pourra, du bien public, et s'empressera de tirer le plus grand parti possible des circonslances pour sou inte- ret priv6; et que deviendra alors 1'inleret de la nation? Eh! Messieurs, 1'cxemple d'une nation voisine doit-il etre perdu pour nous?
Mais, quand on vou irait faire abstraction de toutes ce3 considerations, je finirai, Messieurs, par vous faire une question. Pouvez-vous, devez- vous dans le cercle etroit d'eligibilite dans 1- que! vous avez resserre vos concitoye s, g6ner encore leur confiance au point de priver les defenseurs dont les lumi£res auront ete fortifiees par l'ex- perience et dont la vertu aura subi une £preuve
publique? Convient-il de priver un Francis de la qualite d'6liyible, cVst-a-dire de la quality de citoyen, dans son droit le plus eminent, pendant deux ans, parce qu'il a ete membre d'une legis- lature, c'est-a-dire precisement parce qu'il aura bien mgrite de la palrie? Je pense que nous ne le devons ni ne le pouvons; je pense que ce serait favoriser le despotisme minist6riel.
Tout ce qui pourra r6sulter des influences qui se croiseront et se balanceront, c'est que l'elec- teur, ballotie et travaille en divers sens, n'aura d'autre parti a prendre que de suivre sa cons- cience et de donner son suffrage au plus digne.
On m'a fait une objection plus serieuse. On m'a cite l'exemplede i'Angleterre. Aussitdt, m'a- t-on dit, que la cour connaitra un depute mar- quant dont les talents paraitront pouvoir Stre utiles a ses vues dangereuses, a ses intentions coupables, elle ach6tera pour lui les voix de son departement. Mais elle connaitrait tout aussi bien, et peut-etre mieux les non-dcputes et les per- sonnasfes marquants dans le departement dont elle croirait pouvoir disposer, et alors elle achfe- terait les voix poureux comme pour les depute?. P.iur moije crois que delongtemps la cour n'aura pas de quoi corrompreles electeurs. Son systeme d'6conomie n'est pas encore assez bien etabli; et tout ce qu'elle renferme est encore si cupide, que le roi sera fort heureux si la liste civile lui suflit pour apaiser la faim devorante de tout ce qui I'entoure.
Rien n'est plus commun en Angleterre, j'en conviens; mais ce mal tient a des vices qui se trouvent dans ses institutions et qui ne sont pas dans les vdtres. En Angleterre, la representation est on ne peut plus in£galemeat repartie. Des petits comt^s, des simples b >urgs, des hameaux, des maisons, quelques families m6me, v choisis- sent autantde deputes que les plus grandes cites; les electeurs y sont connus d'avance ; ce sont les fromes-tenanciers du bourg ou du canton, les possesseurs, les locataires meme de quelques maisons qu'on a eu tout le loisir de pratiquer pendant uue longue session de parlement : tout prete au calcul des intrigues et de la seduction. Aussi a-t-on remarque que c'est toujours du c6t6 de ces bourgs, de ces cantons et de ces hameaux que le ministre anglais toume ses vues. En France, la representation s jra beaucoup plus egalement r6partie, les concurrents seront nom- breux, les electeurs ne seront ou ne doiventetre egalement repartie, les concurrents seront nom- breux, les electeurs ne seront ou ne doiventetre reconnus qu'au moment d'entrer en fonctions; et il sera impossible de les pratiijuer d'avanee.
Je sais qu'il y a, entre la fausse popularity et la vraie, une distance aussi immense qtfil y a de l'hypocrisie a la vertu ; mais, heureusement, ces grands comediens sont rares, et ce n'est jyas pour des phenomenes qu'il faut faire djs lois. D'ailleurs, d6s qu'on pourra dire a la nation : un lei, populaire en anpatvnce, a ete de telle opi- nion dans une mature ou il y ayait de l'argent ou de la faveur a gagner, la popularity du per- sonna^e De tardera pus a s'evanouir. Ainsi ne redoutons plus la corruption. La cour d'ailleurs ne peut avoir encore perdu I'habitude de d6vo- rer des millions; vouspouvez vous reposer sur elle dusoindemettrePautoriieroyalehorsd'etat des&- duire par de 1'or. Elle n'a plus heureusement ni moyendevanite,nigrices, niemploisadon eraux deputes; vous avez brise les hoehets avec les- quels, pendant tant de siecles, on a conduit des 6ires orgueilleux qui se croyaient des homraes. Elle n'aura pas de sitdt le tarif des probit^s, et
surtout elle n'aura pas le pouvoir de disssoudre l'Assemblée lorsque ce tarif lui échappera.
Ne vous y trompez pas, Messieurs, ceux qui crient à l'aristocratie des familles, si les députés peuvent être réélus, n'ont d'autre but que d'établir l'aristocratie ministérielle, et de faire reparaître le veto absolu. Ils ont déjà distribué leurs pamphlets. Vous les entendrez faire la motion que les députés ne doivent pas être réélus, je ne dis pas seulement à la législature immédiatement suivante, mais même pour la seconde suivante; et je me fie à l'excès de déraison d'une telle demande pour vous faire pénétrer le motif secret qui la déterminera : par ce moyen tout veto suspensif deviendra absolu, et les législatures les mieux intentionnées pour l'intérêt de la nation seront précisément celles qui seront frappées de nullité totale,
Ce ne sera plus l'ancien système ministériel qui sera mis en œuvre ; désormais.il s'établira un système de lutte perpétuelle du pouvoir exécutif contre le pouvoir législatif ; et comme le premier est héréditaire, pensez-vous que le Corps législatif, sans cesse renouvelé, sortirait avec avantage de cette lutte contre lui? Il sera nécessairement écrasé.
Ceux qui ont un intérêt quelconque à rétablir les anciens abus, ceux, qui espèrent que plus il y aura de versatilité dans les principes des législatures futures, plus il y aura de lois réglementaires qui mineront sourdement notre Constitution, qui en détruiront indirectement et insensiblement les principes fondamentaux, et qui en entraveront les ressorts, ceux-là désireront sans doute qu'aucune législature ne puisse acquérir delà solidité et un véritable esprit national qui seul peut donner de la suite dans les vues de la constance dans la marche, Ce système est trop certain : ne fût-il que possible, devriez-vous en favoriser les chances? Mais que les bons esprits se tiennent en garde ; qu'ils se rendent à la voix de la nation qui leur dit : vous nous avez déjà gênés dans le choix de nos administrateurs; vous nous avez gênés dans le choix de nos juges.; vous nous avez ôté Je choix des gens qui perçoivent le fruit de nos travaux et dè nos sueurs, l'impôt ; vous avez cru pouvoir faire un sacrifice personnel et nous refuser la continuation de nos travaux sans nous consulter: sans doute l'Assemblée nationale s'est honorée par une telle décision ; mais la nation trouvera qu'elle a déjà trop fait peut-être ; elle mériterait de plus grands reprochés, si elle exigeait de ses successeurs ce qu'elle a fait pour elle, et si vous osez nous gêner dans les élections des législateurs futurs, craignez que la malédiction éternelle né vous poursuive jusque dans vos foyers.
Pour moi, quand toutes les aristocraties réunies, quand l'intérêt personnel, quand les petites jalousie?, quand l'envie de se distinguer, quand toutes les misérables passions anticiviques se coaliseraient pour rendre un décret aussi absurde, aussi inconstitutionnel, moi seul, à la face de la nation, moi seul, dût-on m'entourer de l'appareil des supplices, je prolesterai jusqu'à mon dernier soupir contre une mesure qui ne pourrait que .déshonorer les législateurs qui oseraient la prendre et qui ne pourrait qu'asservir, si elle la respectait, une nation qui veut être libre, et qui a daigné se servir de leurs mains pour élever l'édifice de la liberté.
Je conclus donc pour la rééligibilité des législatures futures. (Applaudissementsi)
annonce l'ordre de la séance de ce soir.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte-à six heures du soir.
Vn de MM. les secrétaires fait lecture de l'extrait des adresses suivantes :
Adresse des juges du tribunal de commerce à Béziers, contenant le procès-verbal-de leur installation ; ils présentent à l'Assemblée nationale le tribut de leur reconnaissance et de leur dévouement.
Adresse des officiers municipaux de Lorient, qui annoncent que 280 hommes du régiment de la Martinique, nouvellement débarqués en ce port, se sont empressés de prêter le serment civique.
Adresse de la municipalité de Romilly, qui envoie à l'Assemblée le procès-verbal du dépôt fait, conformément au décret du 8 courant, dans l'église paroissiale de Romilly, du corps de Voltaire.
Adresse de VAssemblée électorale du département de la Meurthe;el\e envoie le procès-verbal d'élection de M. de La Lande, ci-devant oratorien, et vicaire général à Paris à l'évêché de ce département.
Adresses de la société des amis de la Constitution, établie dans la rue Neuve-des-J acobins à Toulouse ; de la garde nationale de Château-VEvê-que, de la municipalité de Mareil, département de la Dordogne, et de celle xEEnnoux, département de l'Aveyron, qui instruisent l'Assemblée des honneurs qu'elles ont rendus à la mémoire de M. de Mirabeau.
Adresse des commissaires des hommes de couleur, qiii expriment à l'Assemblée leur vive et profonde reconnaissance, au sujet du décret rendu dans la séance du 15 de ce mois.
Adresse des électeurs du district de Grasse, assemblés pour le remplacement des fonctionnaires ecclésiastiques, contenant des félicitations sur la réforme du clergé.
Adresse des amis de la Constitution de Cette; ils demandent l'établissement d'un régime uniforme dans les différents ports du royaume.
Pétition de Vèvêque métropolitain de Vllle-et-Vilaine.
(Cette pétition est renvoyée au comité des rapports pour en rendre compte incessamment.)
J'ai reçu de M. Duport, ministre de la justice, la note suivante :
« Le roi à donné sa sanction le 10 avril dernier et le 13 du présent mois :
» Au décret du 3 avril dernier, portant liquidation dè l'arriéré des ponts et Chaussées, de la marine et de là guerre;
Au décret du 4 mars dernier, qui prohibe l'importation des navires et
autres bâtiments de construction étrangère, dont la destination serait
« Au décret des 28 et 30 avril dernier, portant conservation de la caisse des invalides de la marine et des revenus qui y sont affectés; qui règle les formes à des pensions ou demi-soldes sur cette caisse; qui nxe la destination de ses fonds, et porte diverses dispositions relatives aux pensions j soldes et demi-soldes existant sur ces mômes fonds ; qui établit la comptabilité de ladite caisse, fixe les frais de son administration, et un règlement sur les peDsions, soldes et demi-soldes qui y seront affectées à l'avenir.;
« Au décret du 3 de ce mois, portant liquidation de l'arriéré de la maison du roi ;
» Au décret du 4 de ce mois, pour le payement des appointements des employés dans les bureaux de la direction générale delà liquidation, pendant le mois de mars dernier, et du traitement du Commissaire du roi, directeur général delà liquidation, pendant les mois de janvier, février et mars 1791, qui fixe à 41,666 U 13 s. 4 d. par ! mois la dépense de ces bureaux, à compter d'avril dernier, et à 17,000 livres le maximun des loyers de leur emplacement pour l'année 1791.
» Au décret du 5 audit, relatif au remboursement des augmentations de gages attribuées aux offices de la chambre des comptes de Paris, et aux secrétaires du roi créés par les édits de juillet 1786 et 1622 ; de celles attribuées aux of-; liciers des élections et greniers à sel, par édit de février 1745, et de toutes autres augmentations de gages, rentes et charges annuélles dont le produit est au-dessous du dénier vingt;
» Au décret du même jour, qui révoque l'affectation faite au profit du sieur Raulin de Flize, par arrêts du conseil du 26 juillet 1785 et 28 mars 1786, de'différentes parties de bois situés dans l'étendue de la maîtrise des eaux et forêts de Sedan.
» A celui du 6 dudit, relatif à la fabrication de 100 millions d'assignats dé«5 livres chacun ;
» A celui du 7, sur l'arrêté du directoire du département de Paris, du-11 avril dernier, relatif à la liberté religieuse.
» Le roi a également sanctionné, le 2 mars dernier, 19 décrets portant venté des biens nationaux aux municipaliés de Druillat, Essoyes, Lize, Marboz, Meillonnaz, Priay, Ramasse, Roissial, Romanèche-, Saint-Martin-du-Mont, Saint-Maurice-d'Echazeau, Varambon, la Flèche, Dreux, Ghâ-teàudun, Rouen, Salins, Versailles, La Tranelière;
» Le 4 mars dernier, 121 décrets, portant.vente des biens nationaux aux municipalités d'Haute-Court, Valbenoite, Chaigny*? Guizery, Ghalon-sur 'Saône, Gergy, Marnay, Loutoux, Saint-Martin-des-Ghamps, Tournus, BagneUx, Beaune, Belhon, Brou, Gouci-le-Ghâteau, Grépy-en-Laonnois, Gas-vilie, Gercy, Joué, Mene-Rastel, Montfey, Mor-tagne, Nantes, Notre-Dame de Cholet, Saint-Lubin-de-Gravant, Ramicourt, Saint-Pierre-de-Gholet, Sancerre, Yosnon, Warhem, Montpellier, Mont-Êensier, Riom, Semur-en-Auxois, Vigi, Provins, erchères, Ghâteauneuf, Dampierre - sur - Avre, Ecluselles, Saint-Remi-sur-Avre, Auberive, Cler-mont-Ferrand, lè Pont-du-Château, Briyes, Chartres, Rodëz, Saint-Flour, Saint-Lazare-Delèves, Tarbes, Bourbon-Lanci, les Tourettes, Nontjoux, Bezé, Dieulefit, Saint-Paul-Trois-Ghàteaux, l'HÔ- ; pital-du-Temple, Poilly, Saint-Amand, idem, Saint-Etienne, Saint-Germain-Laval, Sully, Ta-rentaise, Polincourt, Bernay, Versailles, Sens, Brias, Tourtour, Barcelonnette, Boissy-le-Sec,
Castellane, Castèllet, Annot, Barbie, Bolbec, la Cadière, Leluc, Amfreville-la-Mivoie, Sisteron, Fiefs, Forcalquier, le Petitquevilly, les Arcs, Saint-Quintin-le-Petit, Tremblai-le-Vicomte, Bois-commun, Angers, Ghàtillon-sur-Seine, l'Aberge-ment-Foigney, Moutiard, Saint-Amant, Saint-Benoît-sur-Loire, Adam-le-Vercel, Belmont, Bon-nevaux, Garcassonne, Etrai, Gevresin, Hauteville, Lod, Marpain, Montbarrey, Monthier, d'Orcbamps en Venne, Parecey, Reugney, Tervai, Vercel, Vil-lafaus, Auxerre, le Mans, Beaugency, Andrezy, Argenteuil, Garrières-sous-Poissy, Gergy, Livry, Mezyes-Mureaux, Provins^ Vaux près Meulan, Laon, Blois, Laon.
« Le 27 mars, à 125 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités d'Agnès-les-Duisans, Arnicourt, Amaigue, Beaugency, Beau-mès-les-Gambray, Beaumont, Beuvry, Boissy-aux-CaiIles,Bonnemaison,Bouvignies-Boie£Blet,Gessey, Gharey, Gorni-la-Ville,.Corpeau, Goudun, Dampierre, Dinan, Divinon, Eragui, Feron, Fleury-Saint-Aine, Fontaine-Françoise, Fouquières, Fre-fave, le Grand-Fresnoy, Gommeville, Haillecourt, Hédé, Houchin, Justine, Labussière, Lamballe, Lilliers, Longchamp, Luzarches, Magnicourt-sur-Gauche, Montagny, Montigny, Montpellier, Mar-chies, Mouchy-le-Preuxj Neuvelise, Noisy-le-Grand, Noyelle, Oigny, Paris, Palluel, Pontaillier, Puiseux, Quimper, Renneville, Roches, Saint-Brieuc, Saint-Broin, Saint-Firmin, Sauchy-Lestrée, Sery, Verquigneul, Villiers-les-Pots, Villerval, Ab-beville, Ambrouai, Amey-Sien^, Auvet, Arbecey, Armin, Belley, Bernis, Bourg, Bourg, Champagne, Ghavornay, Ghevroux, Cormaranche, Douvres, Etrée, Feuillans, Germagnal, Grignon-les-Granges, Lorchieux, Lompuès, Nuits, Pujaux, Romans, le Péage-de-Pizançon, Pizançon-Delphinaux, Beau-regard, Saillans et Mégusans, Cymen,' Hostin, Peyrins, Ossuy et Meribel, Saint-Jean-d'Octaveon, Mercuràl, Ghantemerle, Lens-Létang, Moras, La-yeron, Anneron, Albon, Ruliens, Savignieux, Servance, Tallitieux, Theysilieu, Virieu-le-Petit, Vonnans, Auberive, Barjouville, Brivé, le Pont du-Château, Tarbes, Auchènoncourt, Gharmes-Saint-Valbert, Dôle, Francourt, Gourgeon, Lure, Nantua, Preigney, Bellesme, Golmier-le-Bas, La-motte, Meaux, Peyrins, Triors, Saint-Paul, Cha-tillon-Saint-Jean, Gomps, Dechy, Erchin, Floyon, Lamote, Reillane, Rougiers, Ruminghem, Saint-Maxime, Chalon-sur-Saône, Nantilly, Pont-Mort, Saint-Aubin-le-Guichard, Yvory, Auxerre, Beaugency, le Mans.
« Le 30 mars, à 134 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités de Saint-Aubin, Ghabeuil, Gharpey, Dupie, Beaumont, Saint-Jean-en-Royans, la Mùtte-Saujas, Roche-Ghinart, Doriot-en-Royans, d'Etoile, Marches, Saint-Martin-le-Golonel, Gombovin, Détain, la Roche-du-Glan, Serve et Erome, Saint-Laurent-d'Aigousse, Saint-Martin-des-Champs, Saint-Hean, Taisniers, Cha-teàudun, Rugles., Orléans, Roujan, Saint-Germain-de-Bourgueil, Chalon-sur-Saône, Dijon, Draci-le-Fort, Lathennes, Saint-Ambreuil, Saint-Dezert, Saint-Loup-de-Varennes, Varennes, Bièvre-le-Gha-tel, Blain, Gatiiion,. Chambly, Chablis, Dijon, Fay, Gavre, Gomont, Grancey-sur-Onze, la Chapelle-Miion, Limours, Marzan, Maxilly, Meudon, Mont-bard, Nivillat, Nantes, Orçay, Palaiseau, Plome-lin, Quimper, Reuil, Rochefort, Saint-Jean-de Lône, Saint-Dolai, Saint-Remi-les-Chevreuse, Se-longey, Sorbon, Vay, Villiers-le-Bel, Villepreux, Chalon-sur-Saône, Epervans, Aisi, Avaray, Ali-xan, Avrolles, Bambeque, Saint-Martin-lès-Langres, Bouquélon, Champigny, Ghâteau-Neuf-d'Isère,
Cormeille, Givervillè, là Nœville, Louvencout, Quatripre, Sainte-Opportune, S >ex, Tréchenus, Trouville, Tillen, Valence, Tral'ontaine-la-Ville, Velle, Colmart, Mane, Sin-le-Noble, Tilloy, Tours, Aruay-le-Duc, Euville, ûarcey, Poméon, Villeroy, Amance, Argilières, Autrai, Angerans, Béthizi-Saint-Pierre, Buissemont, Bourguignon, Breuzei, Broye-les-Loups, Cernans, Corne ville, Creton, d'Arbevon, Equevilly, Faverney, Defa, Fleurey, Gigriy, Grandchamp, Heuilly, Huines, la Rochelle, la Neuville, Louviers, Lons-le-Saunier, le Mans, Montbillon, Montigni-les-Arsures, Montabot, Monesties, Nommecourt, Perrouze, Plessis-Bouil-lancy, Pont-Audemer, Quentrey, Rahon, Rigny, Saint-Germain, Saint-Pierre-de-Bonnafle3, Sainte-Mârie-des-Champs, Villexon, Vozay, Beriéux, Preuilly, Thiancourt.
« Le Ie? avril, à 86 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités de Sauzet, Saint-Marcel-lès-Sauzet, Condillac et Grignan, Triel, Saint-Aignan-Villages, Ennery, la Haye-de-Routot, Carnères-Saiut-Denis, Flins, Valman-dois, la Ferté-sur-Amance, Lille, Poncin, d'Ornans, Lavans, de Reauville, Vendôme, de Oommartin-le-Saint-Père, Flammercourt, Doulaincourt, Das-que, Dauboncourt-les-Vaucelles, Ruesues, Bou-sies, Beuvry, Loisi, Wassigni, Sauce-aux-Bois, Fontangi, Bertoncourt, Bony-sur-Orvin, Riceys, Prinsgy, Aix-en-Othe, Sault-le-Rethel, Saint-Girons, Diéval, Coucy, Saint-Leu-sur-Oise, Neuville, Passavant, Silly, Puy, Tours, Montfèrmeil, Mont-lignon, Eragny, Provins, Boasle, Vendôme, Se-vran,Neuilly-Saint-Front, Bourbourg, Tennemare, Saint-Arnould, Fontenay-le-Gomte, Saint-Lomer-de-Luisant, Walff, Trouhaut, Jouys, Issengèaux, Janeyrias, dé Valence, Bourg-lès-Valence, d'Il-liers-l'Evêque, Plessis-Mahiel, Champ van s, Beau-jeux, Chales, Evreux, Pussy, Mur-de-Barrès, le Mans, Sainte-Maiie-Apy, Troyes, Clermout, Verdun, Courbetaut, Saint-Mards-en-Othe, Nones, Mouton, Bourg de Vitry-en-Perthois, Charbon-nière-lès-Visle, Blaye, Chapdes, Volvie, Combron-de, Puy-Guillaume, Béthune;
« Le 3 avril, à 96 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités de Metz, Dou-das, Moisy-sur-Oise, Menucourt, Sinard, Mon-tigny, dois, id., Villeneuve, ci-devant les Chanoines ; Vaivre,Montolieu, Moltey,la Neuville,la Croix Saint-Leuffroi, Favernay, Henneville, Echenot-la-Meline, Epenoux, Avranches, Chazelot-lè3-Mailley, Souvigné, Saint-Mibiel, Saint-Pierre-du-Bois, Mezin, Loussignan en Barbastre, le Mans, Clermont, Chalons, Roy, Vervias, Vendôme, Saint-Martin-su r-l'Oise, Saint-Mars-8ur-la-Futaye, Rouen, Janville, Croisei lie, Boissy-le-Sec, Chevrigny, Chau-nay, Sains et Richaumont, Vollognat, Villes, Ve-signeux et Amathay, Vieux-d'Izenave, Saint-Mar-tin-du-Fresne, Saint-Tbiébauil, Saint-Hippolyte, Port, Morney, Mathay, Marnos, Lille, Giron, Geo-vraissial, l'Abergement-lès-Thezi, Petit-Aberge-ment, Grand-Abergement, Jujoux, Ambérieux, Arbois, Arèches, Chevillard, Charix, Condamine-la-Doye, Castelsarrazin, Bélignat, Ballenans, Mon-trichard, Riom, Montpellier, Issoire, Amilly, Am-bert, Chaumont-sur-Loir, Angers, Châtillon-sur-Loir, Thiers, Riom, idem, idem, idem, idem, Laps, Allet, Aigue-Perse, Bourg, Riom, Saint-Germain-la-Campagne, Saint-Chri6topbe-du-Jambert, Saint-Julien-du-Sault, Looze, Germigny, Bussy en Othe, Vandeurs, Songé.
« Le 10 avril, à 23 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités de Chalon-sur-Saône, id., Blanot, Izieu, Sens, Cirey, Moran-court, Gondreville, Villiers-sur-Marne, Romo-i
rantin, Blois, Angers, Sens, Marseille, Clermont, Saintes, Masui, le Mans, ToUrs, Saint-Calais, Va-lenciennes, Tonnerre et Riom.
« Les 13, 17 et 27 avril, à 16 décrets portant vente de biens nationaux aux municipalités de Chalon-sur-Saône, Ëpervant et la Bourgère, Be-zouèse, Villiers-auxrChênes, Ruau, Saumur, Né-rac, Léers, Mérignies, Puiseaux, Toufflers, Dom-pierre, Levai, Corbigny, Saint-Omer et Saumur.
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Signé : M. L. F. Duport.
« Paris, le 16 mai 1791. »
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de domaines nationaux à diverses municipalités.
Ce projet «le décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport d'un membre du comité de l'aliénation, des soumissions faites, dans les formes prescrites, par les municipalités ci-après, déclare leur vendre les biens nationaux compris dans les procès-verbaux respectifs d'évaluations ou estimations., aux charges, clauses et conditions portées dans le décret du 14 mai 1790,et payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
A la municipalité de Caen, département du Calvados, pour la somme de.... ........... 4,537,364 I. 16 s. 11 d.
A celle de Chalonne, département .de Maine- et-Loire, pour........ ' 55,715 » »
A cele de Saint-Thomas, département de l'Aisne................ 40,400 » »
A celle de Roucy, même département... 96,350 9 4
A celle d'Herbegnac, département de la Loire-rlnférieure...... 24,674 » »
A celle de Commer-cy, département de la Meuse................. 603,498 » »
A celle de Reims, département de la Marne, 3,122,044 14 7
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé aux décrets de vente et états d'estimation respectifs annexés au présent procès-verbal. » (Ce décret est adopté).
(Joacbim-Nicolas), député suppléant, admis, ce matin, en remplacement de M. de Paroy, député du département-de Seine-et-Marne, prête le serment civique ordonné par la Constitution.
Le sieur Tranche est admis à la barre et s'exprime ainsi :
Animé par la noble émulation d'être utile à mes concitoyens, je viens vous faire hommage d'une découverte que je crois de la plus grande utilité pour l'humanité entière, et surtout pour la classe intéressante des marins. Le procédé que j'annonce a une qualité précieuse sous deux rapports différents. Sous le premier rapport, il a la qualité de conserver les eaux embarquées sur mer, quelle que soit la longueur du voyage, et de rétablir celles qui spnt gâtées et remplies de Vers; et le moyen aussi infaillible que peu dispendieux, eu garantissant là salubrité des
eaux, leur donne aus3i une qualité médicamenteuse, qui, loin de cuire par son usage, est un préservatif contre toutes les maladies auxquelles sont exposés les gens de mer.
Sous le second rapport, une foule d'épreuves constamment heureuses, et un grand nombre de cures danp tous les genres de maladies, m'ont confirmé dans la certitude que le régénérateur universel, pris à une dose combinée, devient un excellent curatif, et que les fléaux épidémiques, les épizooties, toutes les maladies en général, celles même qui portent le plus leur influence funeste dans la société, cédaient à son efficacité ; qu'un de ses grands avantages est que son usage le plus habituel ne peut, dans aucun cas, exposer à aucun des inconvénients de l'erreur ou de l'ignorance.
Les succès que j'ai obtenus m'enhardissent à vous prier d'ordonner des expériences publiques, nommer des commissaires .pour les constater; je leur remettrai un mémoire détaillé de tout ce qui concerne l'usage de ce remède, dont j'offre la quantité nécessaire pour mes expériences, ma plus douce récompense sera l'honneur d'avoir mérité vos suffrages et la satisfaction d'avoir fait le bien de nos concitoyens et celui de l'humanité.
répond :
L'Assemblée nationale accueillera toujours avec empressement tout ce qui peut hâter les progrès des sciences et conserver la sanié des nommes; elle reçoit avec satisfaction l'hommage que vous lui faites de votre découverte ; elle vous offre les honneurs de sa séance.
Je demande le renvoi de la découverte de M. Tranche aux comités de marine et.de salubrité.
(Ce renvoi est décrété).
Le sieur Reynard, mécanicien, membre de la société des sciences et arts de Clermont-Ferrand, est admis à la barre et présente par l'organe de M. Lourmand, homme de loi, le plan d'une ma-chibe hydraulique. M. Lourmand s'exprime ainsi:
Messieurs, depuis que vous avez créé une patrie aux Français, tous sont désireux de contribuer à sa gloire et à son bonheur. Le génie, délivré des entraves du despotisme, vient, chaque jour, vous étonner de ses sublimes productions; les chefs-d'œuvre se multiplient dans tous les genres. M. Reynard vient aussi, Messieurs, vous faire hommage d'une invention qu'il ne croit pas indigne de votre attention; c'est une machine hydraulique, faite sur un système extrêmement nouveau.
Cette machine infiniment simple, d'une construction facile et peu dispendieuse, susceptible d'une grande utilité, et d'être entretenue à peu de frais, indépendante de la variation et des hauteurs, peut, en tous temps, fournir autant d'eau qu'on le désirera : cette machine, en un mot, réunit à de nouveaux avantages, tous ceux des anciennes, sans en avoir les inconvénients.
M. Reynard a eu principalement eu vue le remplacement de la machine de Marly, machine don t.la complication fatigue l'attention de l'observateur, sans le satisfaire, qui embarrasse la voie publique, dont l'entretien est absolument onéreux, et qui, d'ailleurs, est absolument usée.
Cette nouvelle machine pourrait aussi être utilement substituée à celle de la Samaritaine et du pont Notre-Dame, qui ont l'inconvénient
d'intercepter les plus beaux points de vue de la capitale, et sont pour la navigation un obstacle funeste. Cette nouvelle machine enfin est susceptible d'être placée partout où le besoin l'exigera, et pourrait même être mise en mouvement par toute autre force i[ue celle des rivières.
M. Reynard vous demande la permission de déposer sur votre bureau le plan de cette machine, avec un mémoire qui contient les détails de la mécanique et les moyens d'exécution appliqués au remplacement de la- machine de Marly.
répond :
Tout ce qui tient au bonheur de l'humanité, tout ce qui peut répandre des lumières, mérite la sollicitude de l'Assemblée nationale. Elle voit avec plaisir que toutes les connaissances s'avancent vers la perfection, tandis que le germe de la liberté perfectionne parmi nous l'ordre social. L'Assemblée nationale voit avec plaisir votre travail; elle y applaudit, et vous accorde les hon-neurs de sa séance.
Je demande le renvoi du plan de M. Reynard au comité d'agriculture et de commerce.
(Ce renvoi est décrété.)
L'ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et de Constitution sur les dispenses et les empêchements de mariage (1). .
, au nom des comités ecclésiastique et de Constitution. Vous avez ordonné de vous présenter un projet dè loi qui remédiera à l'abus des dispenses de mariage, aux grands inconvénients qu'elles entraînent, et à ceux qui peuvent se rencontrer dans la manière de constater ces mariages. Vos comités ecclésiastique et de Constitution eurent bientôt reconnu que tout le désordre venait de ce que l'on a confondu, dans le mariage, le contrat qui en fait la substance, et le sacremeut qui en est l'accessoire. De là le projet de décret qu'ils vous ont présenté et qui se réduit à ces points principaux : Supprimer toutes dispenses de mariage; restreindre ou supprimer différents empêchements de mariage: abolir surtout celui de la diversité du culte. Enfin, établir, indépendamment des cérémonies religieuses, une forme de constater les mariages, les naissances et les décès, qui soit purement civile et commune à tous les habitants de l'Empire.
L'habitude et les préjugés se sont élevés contre la nouvelle forme de constater le mariage. On a prétendu qu'elle serait inconciliable avec la religion catholique. Pour ôter tout prétexte à ces clameurs, on a fait, à la rédaction, de légers changements qui ont paru satisfaire beaucoup de personnes, et qui ont donné lieu à une deuxième édition du projet.
Cependant la discussion a été éloignée, et il paraissait presque oublié,
lorsque le dissentiment qui s'est établi entre les catholiques, au sujet
de la constitution civile du clergé, et les désordres qui s'en sont
suivis, par le refus de se présenter au curé assermenté, ont rendu de
plus en plus nécessaire et urgente l'exécution du projet présenté par
votre comité sur le mode civil de constater les mariages, les naissances
et les décès."
Pour la validité d'un mariage proscrit par la loi de l'Etat, l'autorisation du pouvoir civil est nécessaire et suffit seule, et si ce mariage a été -déclaré illicite..-».
Je vous demanderai un mot d'ordre sur le rapport qui se fait actuellement...
Un membre : A l'ordre, M. Martineau !
Cela va mettre le feu dans nés provinces.
-Nous avons des affaires trop pressantes pour le bien de la nation pour nous engager encore dans des discussions interminables. Dernièrement des citoyens dë Paris nous ont présenté" une pétition ; c'est cette pétition renvoyée à votre comité qui a été mise à l'ordre^ du jour et c'est uniquement sur cette pétition que l'on doit entendre votre comité. (Applaudissements.) Je demande donc que M. le rapporteur se renferme littéralement dans les bornes de cette pétition qui est d'ailleUrs assez intéressante par elle-même puisqu'elle présente deux grandes questions. La première est de savoir si pour faciliter à 2 ou 3 millions d'hommes tout au plus les moyens de Constater les mariages, vous changerez la forme ancienne que suivent habituellement 23 ou 25 millions d'habitants, ou si, au; contraire, Vous vous contenterez comme :on l'avait demandé dans le principe> de réformer la dernière loi de 1787, et de la rendre applicable aux circonstances -actuelles : et je remarque qu'avec cette réforme on satisferait tout le monde.
La seconde question a pour objet de statuer sur les moyens dé constater les naissances et les décès des citoyens d'un autre culte que celui de la religion catholique.
Voilà l'ordre du jour que je réclame; c'est suf cela que je demande que M. le rapporteur soit entendu. (Applaudissements.)
Je demande que vous fassiez rapporter le procès-verbal qui constate le renvoi de la pétition, afin de fixer l'ordre du jour.
Je demande qu'on continue le rapport, sauf à ajourner ce qui devra l'être. {Murmures. — Non ! non '!)
Je crois avoir averti l'Assemblée que je ne parlerai des dispenses et empêchè-ments que par occasion, et seulement.,. (Murmures.)
Renfermez-vous dans les 'termes de la pétition.
Je vais prouver en peu de paroles que ces deux objets, la cérémonie religieuse du mariage et le mariage, sont essentiellement séparés, et doivent l'être pour le maintien de notre libertés (Murmures.) -
Plusieurs membres : Nous le savons.
On vous a appris que les catho liques non Conformistes, passez-moi cette expression, ne présentaient pas leurs enfants dans ,les églises paroissiales, et le3 faisaient baptiser provisoirement dans des chapelles particulières. Vous avez permis la liberté des opinions religieuses; vous avez permis la liberté du culte; du moment Où vous l'avez permis, vous avez permis aussi, par une conséquence nécessaire, que chacun pût constater son état civil; et voilà ce qui a été renvoyé à la discussion : voilà ce que vous avez à discuter aujourd'hui.
Je demande donc que vous adoptiez dans l'instant le décret suivant que j -ai l'honneur de vous proposer :
« L'Assemblée nationale décrète que l'état civil des citoyens sera prouvé et constaté, à compter du jour de la publication du présent décret, par des actes reçus par des officiers civils. » (Applaudissements. — Aux voix! aux voix !)
L'Assemblée peut commettre une très grande faute en précipitant sa délibération. Je demande que la discussion soit renvoyée à Un autre jour.
Je m'oppose à ce que l'on adopte sans discussion la motion de M. Treilliard. Quand vous aurez décrété -le principe du projet de décret qu'il-vous propose, il f iudra nécessairement en déduire les conséquences, et c'est alors que vous sèmerez le trouble dans les provinces. (.Allons donc!) J'invoque ici les propres paroles d'un grand homme, sur la tombe duquel on versera longtemps des larmes : je veux parler de M. de Mirabeau. Lorsqu'un jour on voulait mettre cette question à l'ordre du jour, il vous dit : n'allez pas plus loin ; ne vous arrêtez pas sur cette matière-là, laissez mûrir le temps et les idées. Eh bien! Messieurs, dans ce moment-ci, je voudrais ranimer., pour ainsi d ire, ses cendres pour donner à ma pensée la forme de ses expressions.
i Un membre : Il n'a pas dit cela.
Comment peut-on redouter l'effet de la loi la plus sage, la plus nécessaire, d'après notre nouvelle Constitution? On pouvait bien dire sur la fin de 1789 : le peuplé n'est pas encore mûr pour nos institutions ; mais, quand deux siècles se sont écoulés depuis 1789, quand des torrents de lumière ont coulé, il est étonnant qu'on vienne nous dire encore que l'on pourra tromper le peuple sur le véritable sens de nos lois. Le projet de loi que vous présente M. Treilhardest dicté parla sagesse ; cette loi est exigée par la Constitution ; sans elle il n'y a pas d'égalité entre les hommes, if n'y a pas de moyens de constater leur état. (Aux voix! aux voix!) Je demande donc.;.
Je demande que la discussion soit fermée.
Je demande, en me résumant, que la discussion soit ouverte sur l'ayis de
M. Treilhard; et j'assure qu'elle ne durera pas, parce qu'elle n'offrira aucune contradiction.
Je demande l'ajournement à jeudi soir.
(L'Assemblée décrète l'ajournement à la séance de jeudi soir.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des monnaies sur les moyens de remédier à la rareté du numéraire.
, au nom du comité des monnaies (1). Messieurs, aucun des membres du co-milé ues monnaies ne s'est dissimulé la détresse dans laquelle se trouve le peuple par le défaut apparent de numéraire pour l'échange des assignats. Il aurait désiré, depuis longtemps, pouvoir adopter des-mesures qui puissent y subvenir. S'il s'est permis quelquefois, Messieurs, de vous demander de vouloir bien l'entendre, il s'en faut de beaucoup qu'il eût l'intention de retarder une fabrication si éminemment nécessaire; mais, Messieurs, c'était dans l'intention de vous mettre à portée de prendre toutes les mesures nécessaires pour que cette fabrication ne fût pas trompeuse pour le peuple et qu'en même temps elle rentrât dans les vues d'économie que vous n'avez cessé de vous proposer et qui sont de votre devoir.
Dans ce moment, Messieurs, le défaut de numéraire se fait sentir partout dans l'échange des gros assignats. Il n'y aurait qu'un seul moyen de subvenir efficacement à ce mal; mais je doute qu'il soit en votre pouvoir en ce moment : ce serait celui d'une fabrication d'une monnaie d'argent assez considérable pour que jamais le peuple ne pût s'apercevoir du défaut, des petites sommes dont il peut avoir journellement besoin. N'osant nous flatter de pouvoir employer un tel moyen, nos vues se sont portées vers la fabrication d'une monnaie de cuivre.
Obligés de franchir une époque difficile, vous avez jugé que les assignats de 5 livres suppléeraient à ce qui manque et en même temps vous avez jugé avej sagesse qu'une monnaie de cuivre était nécessaire pour les échanges. A cet égard, depuis longtemps l'opinion des bons esprits avait fixé votre jugement sur la matière qu'il convient d'employer pour cette fabrication et, dès le 11 janvier, vous avez jugé que cette monnaie devait être de cuivre pur, plutôt que faite avec le métal des cloches.
Cette question du métal des cloches a été présentée sous toutes les faces et souvent l'esprit de charlatanerie s'en est emparé. Nous avons examiné avec attention les nombreux procédés qui nous ont été soumis pour rendre le métal des cloches malléable et nous devons vous dire que, de tous ces procédés, il n'en est encore aucun jusqu'à présent qui puisse remplir notre attente.
L un de ces projets fut de proposer comme un secret merveilleux de
blanchir du cuivre, de le rendre si apparent qu'un mélange d'argent et
de cuivre dans lequel il n'entrerait environ qu'un tiers d'argent fin,
serait a^ssi beau et aussi blanc qu'un mélange dans lequel il entrerait
10 parties d'argent fin sur 12. Ce secret funeste, Messieurs, qui n'est
autre chose que l'art de fabriquer de la fausse monnaie, est un secret
que la métallurgie avait déjà trouvé, mais qui est proscrit par les lois
de l'orfèvrerie; les bons esprits l'ont toujours repoussé et votre
sagesse ne l'adoptera sûrement
D'aulres ont proposé d'autres idées, comme par exemple un alchimiste est venu nous proposer un jour le beau projet de raffiner le métal des cloches, à un tel point qu'il deviendrait plus beau que le plus beau cuivre possible, aux frais modiques d'environ 15 livres pour une livre de cuivre qui vaut 20 sols et 40 sols monnayés. (Rires.)
Je vous épargnerai, Messieurs, le détail des autres procédés qui n'étaient pas infiniment plus raisonnables et qui ne sont pas dignes de vous être présentés. Il suffit de dire qu'il n'est pas un de ces procédés qui n'ait rencontré des protecteurs et qui n'ait valu à vos commissaires quelques inculpations de n'avoir pas voulu lui donner, disait-on, assez d'attention. D'aprè3 l'échantillon que je viens de vous soumettre, je vous prie, Messieurs, de juger si votre comité est en demi ure, pour ne vous avoir pas fait perdre votre temps par la discussion de semblables objets.
Dernièrement, cependant, il a reparu sur la scène de nouveaux artistes qui se sont offerts, par un procédé très simple, à mettre le métal des cloches en état de soutenir les opérations du monnayage. Vous avez cru devoir ordonner à votre comité des finances, à votre comité des monnaies et à 4 commissaires de l'Académie des sciences de suivre les expériences qui pouvaient constater ce nouveau secret. Ces expériences ont été faites et, si vous désirez, je vats vous lire le procès-verbal qui a été fait. (Oui / oui! —Non! non! le résultat seulement.)...
Le résultat de ce travail est qu'en ajoutant 1 once de cuivre pur à 8 onces de métal des cloches et en usant d'une certaine poudre qui a été jetée dans le creuset, on a obtenu un métal qui n'a subi que très imparfaitement le laminage; qui, lorsqu'on fait couper les flancs, à montré des bords très acérés, très aigus, très cassants; qui s'est gercé dans toutes les circonférences, lorsqu'on l'a soumis aux coups de balancier; et qui, au troisième coup de balancier, a été reconnu par le monnayeur d'une telle dureté, que le coin en était visiblement altéré. Il est donc évident, d'après les expériences suivies parles commissaires que vous avez désignés, que ce métal, malgré l'addition, est à la fois trop aigre, trop dur et trop cassant pour pouvoir être utilement employé aux opérations du monnayage, puisqu'il n'a pu subir suffisamment ni l'épreuve du laminage, ni même celle du coupoir. Voilà le résultat de cette dernière expérience ; s'il se présentait de nouveaux procédés qui offrissent des résultats salutaires, votre comité s'empresserait, Messieurs, de vous les communiquer.
Dans ce moment, vous ne devez plus vous oc-cupr que de fabriquer de la monnaie de cuivre pur; et, a ce propos, nous devons observer que le désir de l'Assemblée et l'opinion qu'on a des besoins actuels, nécessitent une fabrication considérable. Cette, fabrication très considérable ne peut se faire sans moyens accessoires, et nous conviendrons avec vous que vous avez dans les cloches des églises supprimées une ressource étendue, soit que vous les vendiez à la charge i par les acquéreurs de payer une partie du prix | en cuivre, soit que, par quelque autre moyen | chimique, on parvienne à obtenir un métal qu'on j puisse vendre, et avec lé produit duquel on
puisse acheter la matière nécessaire pour faire la nouvelle monnaie.
Et, Messieurs, à cet égard, je vous rappellerai l'article 13 de voire décret du 11 janvier dernier sur la petite monnaie; il est ainsi conçu :
« Pour accélérer l'exécution du présent décret, les cloches des églises supprimées Seront incessamment vendues à l'enchère, et les comités des finances et d'aliénation proposeront à l'Assemblée nationale les charges et les clauses qu'ils jugeront convenable d'employer dans l'adjudication. »
Pour faciliter cette adjudication, votre comité n'a pas négligé de B'occuper des différents procédés que les artistes ont communiqués et communiquent encore journellement pour l'opération i. Il y a à cet égard un cours d'expériences et, dans la semaine* elles seront totalement terminées, de manière que celles qui auront eu du succès et l'instruction qu'elles présenteront pourront être jointes au programme que vos comités vous présenteront pour la vente des cloches et serviront d'autant à éclairer les artistes sur la manière de tirer le meilleur parti possible de leur métal et à leur faciliter les moyens d'en augmenter le plus la valeur.
Votre comité qu'on inculpe toujours, qui tant de fois a demandé la parole sans l'obtenir, s'est occupé de tous les moyens propres â accélérer ces ventes. Il est dès à présent certain que, du moment où vous aurez pris un parti définitif sur les cloches, 8 ou 10 jours après, la vente des Cloches s'effectuera ; et, d'après les renseignements que votre comité a pris, il en résultera que, 8 ou 10 jours après, on sera en état de vous livrer du cuivré qui en proviendrait. Ainsi, en commençant une fabrication de gros sols dès demain avec le cuivre qui se vend actuellement dans le commerce, vous avez la certitude que ces mesures seront constamment soutenues dans l'eBpace de 15 jours, c'est-à-dire que les fabrications, quelque considérables qu'elles soient, tfue vous pourrez ordonner, ne seront point interrompues.
Nos vues se sont également tournées vers cette fabrication et, à l'égard des moyens d'exécution, nous devons vous soumettre quelques observations» Pour fabriquer le cuivre, vous avez un grand nombre d'hôtels des Monnaies ; cependant nous devons vous prévenir d'un grand inconvénient ; c'est que le décret qui a prononcé la suppression de la vénalité des offices a arrêté la marche de l'administration des monnaies. Tout ce qui y était attaché s'est dispersé, s'est découragé, comme il arrive toujours lorsqu'on sait sa perte Certaine. Il n'y a donc plus en ce moment, à vrai dire, d'hôtels des Monnaies.
Il existe deUx genres de mesures à prendre : une mesure générale et une ïûésure provisoire. Cette dernière, ne devant avoir qu'une exécution de quelques jours, ne peut avoir d'inconvénients.
Voulez-vous aller vite? (Oui! ouï!)... voulez-vous aller .sûrement ? (Oui ! oui!).. . Il faut prendre le chemin le plus court, le plus solide (Oui! oui!)... Ce qui nous a paru présenter la marche la plus rapide et la plùs certaine, c'est de prier le roi de prendre provisoirement les mesures les plus Convenables, d'une part pour presser l'exécution du décret que nous allons Vous proposer pour la fabrication de monnaie de cuivre, et de l'autre pour prévenir les abus qui pourraient s'y introduire et résulter du défaut d'organisation des Monnaies. Par ce moyen,
l'administration des Monnaies, qui connaît fort bien ces inconvénients-là, qu'elle-même n'a cessé de dénoncer, prendra toutes les mesures Urgentes qui peuvent être nécessaires, jusqu'à ce que vous ayez pris, par des décrets subséquents, des moyens permanents et plus efficaces, ce qui peut se faire très promptement "si vous voulez nous accorder une séance dans la semaine, pour délibérer sur son plan d'organisation qui vous a été soumis il y a six mois.
Si vous voulez adopter le premier article que je vais vous soumettre, alors rien ne peut Te-tarder le succès de vos opérations. Le gouvernement aura un point fixe dont il pourra partir ; il agira avec célérité, mais avec force, parce qu'il aura la loi derrière lui. Dès demain, on pourra commencer à travailler à la fabrication ; les nouvelles empreintes ne pourront servir que dans un mois ; en attendant, on se servira des anciens coins.
C'est dans ces vues, Messieurs, que le comité des monnaies, joint à des commissaires du comité des finances, ont rédigé le projet que vous allez entendre î
« L'Assemblée nationale décrété i
« Art. 1er. Le roi sera prié de donner les
ordres les plus prompts pour faire fabriquer, dans les différents hôtels
des Monnaies, la quantité de monnaie de cuivre suffisante pour
satisfaire aux besoins du royaume et faciliter l'échange des petits
assignats. »
On avait proposé, dans le comité * de faire fabriquer dès à présent une somme déterminée de gros sols ; votre comité a été partagé d'avis sur cette question. Peut-être la somme de 40 millions, qui vous a été proposée, excéderait-elle vos besoins; vous seriez forcés de revenir sur cette disposition et vos décrets auraient un air d'instabilité qui ne convient pas à la dignité du Corps législatif. D'un autre Côté, si vous en décrétiez une quantité moindre, vous ne tranquilliseriez peut-être pas assez les esprits. Nous pensons donc qu'il convient mieux de ne pas décréter dans ce moment la quotité de la somme, alors que l'étendue des besoins n'est pas parfaitement connue ; et nous croyons que vous aurez tout fait, quand vous aurez pris les mesures nécessaires pour une prompte fabrication de pièces de cuivre, poursuivie indéfiniment, sauf à en ordonner la cessation, lorsqu'on s'apercevra soit par les avis qui vous seront donnés, soit par les réclamations des départements, q.ue la mesure de vos besoins est remplie. (Mouvement.)
« Art. 2. Cette fabrication se fera à la taille décrétée le 11 janvier de cette année, avec les empreintes qui sont en usage, jusqu'à ce que celles qui ont été décrétées le 9 avril dernier soient en état de servir.
« Art. 3. Le roi sera également prié de prendre provisoirement les mesures Convenables pbur hâter l'exécution du présent décret et prévenir les abus qui pourraient résulter du défaut actuel d'organisation des Monnaies. »
Enfin, Messieurs, — et ceci n'est pas dans le projet de décret — c'est de nous accorder le plus promptement possible une séance.
Plusieurs membres : Demain au soir!
Je demande qu'on détermine la quotité de la fabrication.
, rapporteur. Il nous resté Une
dernière observation à présenter. Si vous décrétez indéfiniment la monnaie de cuivre, ou même si vous en décrétez une très grande somme, il est à craindre que les accapareurs s'en emparent et par conséquent la fassent renchérir. (Murmures.) Cependant, si on entreprenait de faire hausser la monnaie de cuivre, vous avez, dans les cloches, une mine très effective que personne ne peut vous ôter et avec laquelle vous feriez tomber les spéculations.
A cet égard, il y a des calculs très exagérés sur la quantité de matière de cloches à votre disposition. 11 y en a qui la portent jusqu'à 100,150 et 200 millions de livres pesant; pour ma part, je suis loin de croire que cela aille si loin. (Murmures.)... En supposant qu'il y ait 30 millions pesant de ce métal, il en résulterait une quantité de'20 à 25 millions de cuivre pesant dans cette quotité de cloches. Or, avec 25 millions de cuivre pesant, vous feriez pour 50 millions de monnaie a la taille de 40 sols à la livre.
Ainsi, Messieurs, dans le cas où vous seriez obligés d'acheter du cuivre chez les marchands, il en résulterait que vous trouveriez dans vos cloches une ressource plus que suffisante pour faire tomber toutes les spéculations.
(1). Je pense, Messieurs, que le rapport qui vient de vous être fait n'a pas répandu assez de lumières pour que la discussion puisse s'ouvrir dès ce moment; je vous propose donc de la renvoyer (Non! non !)...En ce cas, je vais parler, car je suis prêt.
Le projet de décret qui vous est soumis peut se diviser en deux parties:dans la première on vous invite à ordonner la fabrication d'une quantité indéfinie de monnaie; l'autre partie concerne l'exécution de la première. C'est donc sur cette première partie, qui constitue l'article 1er du projet de décret, que doit se porter toute votre attention.
Je pense que ce n'est pas sérieusement que votre comité des monnaies propose à une assemblée délibérante d'ordonner la fabrication indéterminée d'une quantité de monnaie quelconque ; c'est peut-être ainsi que les grands seigneurs donnaient des ordres à leurs intendants, mais les grands seigneurs se ruinaient. (Rires.)
M. le rapporteur nous a dit qu'il y avait eu deux avis dans le comité sur
la question de savoir si l'on fixerait ou si l'on ne fixerait pas la
quotité de la "fabrication. C'est sans doute de cette indétermination du
comité qu'est venue celle de son projet de décret ; c'est sansjdoute
pour cela aussi qu'il semble avoir mis à l'écart plusieurs questions
d'ordre public. En effet, il aurait dû nous dire d'abord d'où nous
tirerons le cuivre dont nous avons besoin pour fabriquer de la monnaie.
Cette question est d'autant plus importante que, si vous vouliez le
tirer du Nord, de la Suède par exemple, il faudrait donner de l'or ou de
l'argent en échange, et ce n'est peut-être pas là votre inten ion.
(Rires.) Dans ce moment, nous n'avons véritablement aucun moyen de nous
procurer du cuivre; on peut en imaginer d'excellents, mais je n'en ai
point entendu proposer dans le rapport qui nous a été fait. Il me semble
donc que, quelque détermination que prenne l'Assemblée nationale, elle
doit porter sur des bases certaines et incontestables ; et que, jusqu'à
ce que nous sachions quelle est la quantité de cuivre que nous devons
acheter, quels sont les fonds que nous devons destiner à cet
Ensuite, Messieurs, un autre objet digne de votre attention,c'est qu'il me semble que des législateurs qui s'occupent d'objets aussi importants que la mise en circulation d'une grande quantité de monnaiede cuivre, aient négligé de voir quels sont les effets d'une trop grande quantité de cette monnaie. Cette monnaie a déjà ruiné plusieurs nations de l'HIurope qui ont trop voulu l'exagérer : car c'est la monnaie de cuivre qui a fait disparaître le numéraire en Suède; c'est la monnaie de cuivre qui a rendu si rares en Suisse, pendant si longtemps, l'or et l'argent, et qui a fait que l'on n'a commencé à en voir sur les hautes montagnes que depuis que nos émigrants y ont transporté notre numéraire avec leurs fortunes.
Ce n'est pas sans raison que je vous présente cette observation ; elle n'est pas de moi; elle est d'ungrandhommedignede toute votreconfianceet dont vous n'attaquerez peut-être pas les calculs. Newton,l'immortelNewton, chargé de la direction des monnaies en Angleterre, a établi et démontré comme un principe fondamental de cette matière qu'un moyen sûr pour une nation de se ruiner, c'est d'exagérer son numéraire de cuivre, parce que le cuivre reste toujours dans le pays qui l'a fabriqué et facilite l'écoulement de l'or et de l'argent chez les nations étrangères. Voilà, Messieurs, le principe de Newton ; voilà, Messieurs, le grand principe de droit public sur cette matière, principe confirmé par l'expérience constante de la circulation de l'argent dans tous les pays où l'argent est commun, où le commerce est florissant, où le crédit établi, les opérations du commerce sont indépendantes de la monnaie de cuivre ou de billon ; et nous avons vu, il y a 12 ans, dans ce royaume, qu'au moment où l'on voulut favoriser le rétablissement du crédit, où l'on voulait surtout persuader qu'il existait dans ce royaume une grande quantité de numéraire, on commença par interdire la circulation forcée des sols qui étaient admis dans les payements, parce que ce payement en sols indiquait l'absence de numéraire plu3 précieux.
Cela ne venait pas de là.
Je suis loin de blâmer cette opération du gouvernement; je l'indique seulement comme pouvant répandre quelques lumières sur une question qui ne paraît pas au moins bien éclaircie dans cette Assemblée. Une grande administration ne peut se permettre une expérience de hasard dans un objet aussi intéressant et l'Assemblée, devant réunir aujourd'hui toutes les lumières de la nation, doit savoir quelles sont les véritables bases d'après lesquelles on peut adopter le projet proposé par le comité. N'allons pas appauvrir le peuple en nous proposant de l'enrichir; n'allons pas surcharger les comptoirs du commerce d'une monnaie apparente qui, en paraissant favoriser la circulation, la rendrait impossible jusque dans nos fabriques. Je désire donc que l'on dise nettement quelle quantité de cuivre est nécessaire pour l'échange de petits assignats et qu'on présente des bases quelconques : une expérience encore naissante peut les livrer à la confiance de la nation.
Je trouve donc le rapport du comité vague, insignifiant, et il m'est impossible de donner mon
assentiment à un projet dans lequel je n'aperçois que des dangers et où il n'est pas possible que l'Assemblée nationale puisse justifier aux yeux de la nation la délibération qu'elle aurait prise, puisqu'on ne vous y présente ni la quotité des besoins, ni les moyens de l'extraction du métal, ni les sommes nécessaires pour l'acheter. Je ne combats pas les moyens; je me plains, au contraire, de ce qu'on ne nous a pas instruits. (Aux voix ! aux voix !)
(1). Le préopinant, avec l'envie assez marquée de faire la critique de votre comité des monnaies, n'a pas laissé de faire son apologie. Il est aisé, en répondant à ses principales objections, de vous prouver que votre comité s'était occupé des principes qu'il a jetés en avant. D'abord, Messieurs, on vous a dit avec raison, je l'avoue, que l'Assemblée nationale ne doit point se comporter comme ces grands seigneurs, qui, se liant sur la bonne foi de leurs intendants, finissent par se ruiner. Nous ne devons pas faire la même chose ; aussi je comptais présenter un amendement qui doit à cet égard vous tranquilliser.
Je vais vous demander d'ordonner que le ministre des contributions soit tenu de vous rendre compte, tous les quinze jours, de l'état de la fabrication. D'après cela, on vous a dit que le grand Newton avait pensé qu'une manière certaine de faire disparaître la monnaie d'or et d'argent était de multiplier à l'infini la monnaie de cuivre.
Vous sentez, Messieurs, sans examiner si ce grand homme s'est trompé, vous sentez que la difficulté va disparaître par l'amendement que je présente, parce qu'une fois que le Corps législatif sera instruit, tous les quinze jours, de la fabrication, il aura donné avec précision ce que les besoins du commerce indiqueront.
On reproche au comité des monnaies de n'avoir pas calculé avec exactitude quels pouvaient être les besoinsduroyaume ; à cela, je réponds que le préopinant ni moi ne le savons, et j'ajoute qu'il n'est pas dans la puissance humaine de le calculer.
On vous a dit que votre comité devait se servir de l'exemple du passé; que le passé devait servir de base aux calculs qu'il y avait à faire là-dessus; mais on ne pensait pas alors que le temps où vous vous trouvez ne ressemble pas du tout à celui qui s'est passé, parce que le temps de liberté ne se calcule pas sur les temps d'esclavage.
Dans cette position, que devez-vous faire ? Les besoins du commerce doivent vous servir de thermomètre. Vous devez avec une scrupuleuse attention voir les mouvements et les passions.
Le préopinant aurait mieux aimé, ce me semble, que l'on eût décrété 40 millions.
Non pas, Monsieur, j'en serais bien fâché.
En ce cas, je vais dire que j'en serais aussi fâché que lui, et puisque
40 millions vous effrayent, puisque 10 vous paraîtraient peu suffisants,
il faut bien nécessairement que vous attendiez les événements qui
fixeront le jour où vous devez vous arrêter ; d'ailleurs, c'est le moyen
de déjouer les monopo-
Le préopinant a demandé où vous prendriez le cuivre ; il y a deux moyens de détruire ses sollicitudes à cet égard : le premier c'est que l'on peut vendre les cloches à la charge par l'acquéreur de fournir du cuivre en échange; le second, c'est que l'on s'occupe avec franchise des moyens chimiques d'en -extraire directement le cuivre. Vous voyez que, dans l'une et l'autre de ces hypothèses, vous n'avez qu'à puiser abondamment dans cette mine précieuse que le Ciel vous a envoyée dans sa bonté. (Rires et applaudissements.)
Je dois tranquilliser par un seul mot les inquiétudes patriotiques de M. l'abbé Maury. C'est qu'avant qu'on ait pu me prouver combien les cloches des églises supprimées devaient produire de milliers de cuivre, on est parvenu, par approximation du moins, à savoir que le résultat sera au moins de 160 millions pesant. Si vous trouvez dans vos cloches du cuivre de la manière dont on vous le propose, quand vous feriez des pertes dans ce moment-ci sur cette mine qui est venue d'en haut, il est certain que, puisque vous ne pouvez trouver d'autres moyens de donner de la confiance à vos assignats, ce n'est véritablement pas la peine de discuter sur quelques millions de cuivre.
On vous a peint les comptoirs de vos marchands, couverts de cuivre stagnant et ne pouvant plus servir. Messieurs, ce que l'on vous présente comme une chose si à craindre est peut-être une chose très salutaire. A l'instant où le cuivre aura de la peine à circuler, vos assignats circuleront bien ; parce qu'au moment où le cuivre sera décrété, vos assignats reprendront toute leur valeur, et la rivalité de leur circulation vous ramènera l'abondance.
Quel est l'état actuel des manufactures de France ? C'est d'être pressées et gênées par le défaut de monnaie; alors elles sont dans un état de stagnation qui diminue infiniment vos rapports commerciaux avec l'étranger, ce qui rend constamment la balance de votre commerce défavorable. Lorsqu'au contraire, par l'émission étendue d'une petite monnaie, elles seront en é'at d'augmenter le nombre de leurs ouvriers : plus on fera d'ouvrage, plus l'onjrendra à l'étranger.
Je vous propose, par amendement, de décréter que le ministre des contributions rendra compte, tous les 15 jours à l'Assemblée, de l'état de la fabrication.
Il me semble que M. l'abbé Maury a raisonné sur le projet de décret qui est soumis à l'Assemblée, comme si dans la plus grande abondance, dans la circulation la plus favorable de matière d'or et d'argent, on vous proposait tout à coup, sans autre motif, d'émettre pour 40 millions de monnaie de cuivre; alors je cruis que véritablement ses raisonnements seraient bons, et que l'on vous proposerait une chose absurde. Mais c'est au contraire au moment où les monnaies d'or et d'argent sont devenues d'une rareté qui rend la circulation absolument impossible, qu'on vous propose d'y suppléer; c'est au moment où vous reconnaissez que la mesure des petits assignats est d'une nécessité indispensable, où vous reconnaissez que cette mesure ne sera utile que lorsque les porteurs d'assignats pourront en obtenir partout l'échange, sans aucun péril, et lorsque ces petits assignats eux-mêmes trouveront partout des dépôts dans
lesquels Péchange juste et légal pourra se faire à volonté.
Il est impossible d'arriver à cette mesure autrement que par une monnaie de cuivre; son incommodité même fait la sûreté de cette opération ; car il suffit que l'on ait toujours (a certitude de trouver dans un dépôt un échange libre, pour que les échanges se fassent librement dans le commerce et sans aucune perte.
M. l'abbé Maury vous a cité Newton. Eh bien, je citerai aussi Newton, et je. citerai le passage qu'il a cité. Newton, vous a-t-il dit, assure que 1 émission des monnaies de cuivre fait disparaître la monnaie d'or et d'argent, parce que la monnaie de cuivre reste dans le pays où elle est. Or, Messieurs, que cherchons-nous, une monnaie qui reste. (Applaudissements.)
M. l'abné Maury demande sur quelle base on peut établir la quotité de l'émission proposée; c'est moi qui ai eu l'honneur de vous proposer 40 millions, et j'insisterai encore sur cette somme. Ce n'est pas sans base, je ne dis pas certaine, car personne n'en a, mais au moins vraisemblable, que j'ai proposé cette somme. 40 millions de monnaie de cuivre donnent à peu près 400,000 livres par département. Je crois que la circulation de chaque département n'emploiera pas 400,000 livres de monnaie de cuivre, mais comptez que pour entrer dans le système que vous avez paru approuver, il faut que dans tous les chefs-lieux de district, et peut-être dans d'autres endroits, il y ait un dépôt public d'une somme assez considérable de monnaie de cuivre pour qu'à chaque instant l'échange puisse se faire.
Or, pour qu'il se trouve cette quantité suffisante, il faut qu'il y en ait une quantité excé-dente ; car ce qui sera dans le dépôt doit y rester, quoiqu'il y en ait une grande quantité dans la circulation ; et ce n'est que la surabondance qui vous répondra d'un échange libre, facile et au pair de vos besoins. Or, c'est ce que nous demandons. (Applaudissements.) Je sais bien qu'un jour arrivera où une somme de monnaie de cuivre répandue dans tout le royaume serait surabondante, incommode et inutile, mais le moyen de retirer cette surabondance dans les temps de prospérité ne doit pas être alarmant, car enfin ce métal lui-même aura toujours une valeur intrinsèque.
Quant à l'amendement du préopinant, il fait l'objet d'un article que j:avais proposé ce matin et que je vous proposerai d'adopter additionnel-lement au projet de décret de vos comités. Je crois effectivemént qu'il est très nécessaire que le ministre, chargé d'exécuter les ordres du roi, rende compte tous les quinze jours à l'Assemblée du progrès de la fabrication. En conséquence, je demande que le décret soit mis aux voix et qu'on y ajoute cet article additionnel.
On a souvent cité le patriotisme des Français et leur empressement à faire des dons patriotiques. En voici une nouvelle occasion. Gomme l'Assemblée a beaucoup renversé de marmites, elle peut demander en dons patriotiques les casseroles. (Rires ironiques.)
(La discussion est fermée.)
, rapporteur, donne lecture des articles 1 et 2 du projet de décret, ainsi conçus :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. ler.
« Le roi sera prié de donner les ordres les plus
prompts pour faire fabriquer, dans les différents hôtels des Monnaies, la quantité de monnaie de cuivre suffisante pour satisfaire aux besoins du royaume, et faciliter l'échange des petits assignats. » (Adopté.)
Art. 2.
« Cette fabrication se fera à la taille décrétée le 11 janvier de cette année, avec les empreintes qui sont en usage, jusqu'à ce que celles qui on été décrétées le 9 avril dernier soient en état de servir. » (Adopté.j
, rapporteur. L'amendement de M. Belzais-Courménil pourrait devenir l'article 3; il serait ainsi conçu :
Art. 3.
« Le ministre, chargé de l'exécution des ordres du roi, rendra compte tous les 15 jours à l'Assemblée nationale des progrès et de l'état de la fabrication. >(Adopté.)
, rapporteur. Enfin l'article 3 de notre projet deviendrait l'article 4, ainsi conçu :
Art. 4.
« Le roi sera également prié de prendre provisoirement les mesures convenables pour hâter l'exécution du présent décret, et prévenir les abus qui pourraient résulter du défaut actuel d'orga sation des Monnaies. » (Adopté.) ni'
, rapporteur. Je demande, Messieurs, que le décret que vous venez de rendre soit présenté dans les 24 heures à la sanction du roi. *
(Cette motion est décrétée.)
Nous venons de décréter la fabrication des gros sols; je demande actuellement à MM. les commissaires qui sont chargés de la fabrication des assignats de 5 livres, en quel état est cette fabrication.
Le comité des finances a nommé MM. de Gernon et de Beaumetz qui s'occupent avec beaucoup d'activité de cette fabrication; je remarquerai d'ailleurs que l'Assemblée a chargé ce comité de lui proposer in-ce-samment le mode d'exécution.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le rapport du:comité des finances lui sera présenté à la séance de jeudi soir.)
Je demande que l'Assemblée fixe à.jeudi soir le rapport de son comité des monnaies sur l'organisation des Monnaies.
(Cette motion est décrétée.)
La chose la plus importante que vous puissiez faire, c'est de charger le comité de l'imposition de vous présenter au plus tôt son travail sur. ['impôt foncier. On cherche à répandre des alarmes sur ce que l'impôt ne s'établit pas; mais j'observe que presque toutes les municipalités ont fait tous les travaux préparatoires et on espère que cet impôt s'établira très promptement.
Je vous invite en ben citoyen de vouloir bien vous pénétrer d'avance que cet objet ne doit pas être susceptible de grandes contestations : ce n'est pas là un objet constitutionnel ; chaque an
née permettra le changement de la cote: tâchons donc de voter très promptement.
Plusieurs membres : Oui! Oui ! et de confiance! (Applaudissements.)
lève la séance à dix heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
RAPPORT sur le projet de décret des comités ecclésiastique et de Constitution, concernant les empêchements, les dispenses \et la forme des mariages, par M. Duraiid-llaillane, commissaire du comité ecclésiastique (i). — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, l'Assemblée nationale a renvoyé à ses deux comités ecclésiastique et de Constitution réunis, pour lui faire rapport, premièrement, des difficultés élevées, d'après ses décrets, sur les empêchements et dispenses demariage. En second lieu, sur le refus que Je curé de Saint-Sulpice a fait de publier les bans de mariage du sieur Talma, comédien français, et enfin sur la saisie des traitements réglés'pour le clergé futur (2).
La première et la seconde de ces deux questions sont très importantes : liées entre elles par des principes commun'', elles tiennent l'une et l'autre à des règles ecclésiastiques qu'on doit respecter, lors même que l'on croit avoir et que l'on a véritablement de bonnes raisons pour s'en écarter.
C'est aussi ce qui a fait notre plus grande sollicitude dans l'examen et la discussion des difficultés qui nous ont été renvoyées; il nous a fallu, non pas faire des lois nouvelles, mais rectifier simplement les anciennes, sans les abroger ; étendre et placer les lois civiles à côté des lois ecclésiastiques, sans affaibiirl'autorité ni des unes ni des autres. Enfin, instruits par les décrets de l'Assemblée nationale, nous avons dû suivre son esprit, en entrant dans la sagesse de ses vues,, et voici, en conséquence, quel le a été notre manière de traiter les objets sur lesquels nous avons été chargés de lui fournir des éclaircissements :
D'abord, la partie la plus intéressante et la plus générale, celle des empêchements et de leurs dispenses^ fixé notre première attention. Nous l'avons examinée sous tous les rapports, et bientôt il nous a paru que cette matière, dont les règles n'ont jamais eu ni rien de bien clair ni rien de bien fixe, n'était point aujourd'hui ce qu'elle était dans les plus beaux siècles de la religion. Nous avons reconnu qu'autant la puissance civile avnit à cet égard négligé ses droits, autant et plus la puissance ecclésiastique en avait pris jusqu'à faire perdre, comme de vue, une grande vérité que nou3 avons voulu, pour cette raison même, rétablir et mettre dans le plus grand jour : savoir, que le mariage n'est et ne peut être jamais qu'un contrat formé par le consentement libre et mutuel des deux parties.
De là sont sorties, comme d'elles-mêmes, des conséquences dont nous avons fait autant de dispositions réglementaires, et toutes relatives au même principe et au nouvel ordre établi par les décrets de l'Assemblée nationale.
Dans ces mêmes conséquences, nous avons trouvé la solution de la difficulté du sieur Talma, comédien français, sur quoi il sera fait un rapport particulier, ainsi que sur la saisie des traitements du clergé futur; il ne s'agit ici que du rapport général concernant les formes du mariage que nous avons adaptées aux vrais principes sur lesquels on aurait toujours dû les régler et dont nous allons fournir en abrégé les preuves et le développement.
Le mariage est de sa nature un contrat civil, et ne peut cesser d'être tel, parce qu'il ne peut cesser de former une convention entre les deux personnes qui se marient; leur consentement a fait leur mariage, comme le consentement en général fait seul tous les contrats de société parmi les hommes.
Cela est si vrai à l'égard du contrat civil de mariage, que les Romains, dont les lois ont fait les nôtres, craignant que la passion ne couvrît la volonté des parties, ou ne l'exclût dans la libre convention qui doit précéder les effets du mariage, crurent devoir s'en expliquer par une règle de droit, qui dit, en termes latins : consensus, non concubitus, facit nuptias.
Je ne m'autoriserai point ici de l'opinion des docteurs ecclésiastiques qui enseignent la même doctrine : de ce nombre est S. Thomas. Eh ! qu'on n'en soit pas surpris : c'était, comme c'est encore, la doctrine de l'Eglise elle-même. Personne n'ignore que jusqu'au concile de Trente, elle a regardé les promesses de mariage, par paroles de présent, comme de vrais mariages. Si elle a exigé dans ce concile la présence du propre curé des parties et de deux témoins, ce n'a été que pour parer aux inconvénients de la clandestinité; car elle n'a cessé de croire que le consentement libre des parties fait le mariage, puisque ce même concile n'a pas voulu admettre, contre le mariage des fils de famille, l'empêchement de la puissance paternelle. Que si l'on voulait remonter plus haut, l'on trouverait dans les premiers usages de l'Eglise, dans le témoignage même des SS. PP. (1), de plus fortes preuves encore; mais quand on a pour soi la raison, le droit naturel, 011 doit renoncer aux autorités : c'est l'esprit et la marche de l'Assemblée qui, dans sa sagesse, après avoir rendu l'hommage qu'elle devait aux dogmes communs de la religion catholique, a écarté de ses séances ou de ses discussions tout ce qui ne la mettrait pas à portée de voir et de juger par elle-même les diverses matières de ses décrets. Ainsi, nous bornant, dans la matière présente, aux raisonnements les plus
simples, nous parviendrons peut-être mieux à l'éclaircir et à convaincre.
J'ai comparé le mariage à une société formée par le seul consentement des associés. Or, en général, on peut se délier comme on s'est lié; mais aussi, parce que le même consentement qui nous lie peut s'étendre jusqu'à nous empêcher de nous délier, il a fallu nécessairement mettre cette différence entre la société conjugale et les autres sociétés, que si les dernières ne peuvent être indissolubles et forcées, nulla so-cietas coacta, il est de l'essence même du mariage, à cause de sa fin et de ses effets, qu'il forme une société perpétuelle entre les deux époux : de là vient cette définition si connue et si ancienne de la loi romaine : Consuetudo est viri et mulieris conjunctio, individuœ vitœ consuetu-dinem continens.
Les jurisconsultes n'ont pas manqué d'observer sur cette définition, directement opposée au divorce en usage parmi les Romains, que l'indissolubilité du mariage n'a été convenue entre les parties, que dans leur premier dessein que les causes légitimes et reçues autorisent à changer : mais parce que le mariage, considéré toujours comme contrat civil parmi nous, ainsi qu'il est considéré parmi tous les peuples, a été élevé à la dignité de sacrement, il est arrivé, d'une part, que la puissance spirituelle y a mis des empêchements dans certains cas, et que, de l'autre, le divorce a cessé d'être en usage, à la vérité sans autre loi, sans autre défense que celle que l'on a cru voir dans ces paroles de l'évangile : Quod Deus conjunxit, homo non separet.
Ce passage est-il si absolu, si général dans son application, que dans tous les cas, pour aucune raison, le divorce ne puisse avoir lieu ? C'est de quoi il ne s'agit pas dans ce moment : il a seulement fallu le rappeler, pour faire entendre, relativement à nos dispenses, que le mariage peut subsister, et doit même subsister comme contrat civil et pour tous les effets civils, indépendamment de la bénédiction ecclésiastique qui en fait un sacrement; c'est-à-dire que, sans dénaturer le mariage formé déjà par le consentement des parties, cette bénédiction le sanctifie, lui confère les grâces de la loi nouvelle, en sorte que la même cérémonie, qui est dans l'Eglise un sacrement, s'exerce sur le mariage déjà contracté. Le contrat des parties est, à cet égard, comme la matière qui se prête à une seconde iorme, sans perdre la première : Est materia eircà quam, non materia ex quâ conflatur... Verba quibus consensus matri-monialis exprimitur, sunt forma sacramenti, non sacramentum. Div. Thom.
Ainsi Je contrat de mariage et le rit ecclésiastique, qui en fait un sacrement, sont deux choses qu'on n'aurait jamais dû confondre, pour conserver aux deux puissances les droits qui sont propres à chacune d'elles. Dans cet état, le mariage, eomme sacrement, peut être soumis à toutes les règles que l'Eglise a établies, sans que les mariés, qui s'en tiendraient à leur simple engagement civil, fussent tenus de les suivre; et c'est là ce qu'il est essentiel de bien distinguer aujourd'hui que, par notre Constitution, tous les citoyens ont, comme citoyens, des droits que la différence dans leurs opinions religieuses ne saurait leur faire perdre.
N'ayant à traiter ici que des empêchements de mariage ou de leurs dispenses, j'ai reconnu que, par le moyen de la distinction que je viens d'établir entre le mariage comme contrat civil, et le mariage comme sacrement, on pourrait facilement
concilier les divers intérêts entre les divers citoyens français qui ne professent pas la même religion, ou qui,professant la même religion, ne seraient pas également disposés à la bénédiction sacrée de leur mariage.
1° Ceux donc qui ne professent pas la religion catholique, se borneraient au contrat civil de leur mariage, auquel les lois donneraient tous les effets nécessaires au citoyen pour son existence légale et civile.
Les catholiques continueraient de recevoir la bénédiction nuptiale de leur curé, en la manière accoutumée, mais ce ne serait qu'après avoir fait, comme les autres, leur déclaration devant les officiers municipaux qui en retiendraient l'acte et la minute dans leurs registres.
Et voilà pour la forme des mariages.
Quant aux empêchements ou dispenses, soit à cause de parenté ou d'affinité, soit à raison des fiançailles ou autres engagements, il y a des moyens simples pour y pourvoir et d'une manière tranchante qui ne choquera ou ne paraîtra extraordinaire qu'à ceux qui ne sont pas instruits; car en faisant cesser à cet égard toutes les dispenses au civil, on ne fera que rétablir les choses comme elles étaient dans l'ancienne discipline de l'Eglise.
On n'a d'abord, à l'égard des dispenses de mariage, pour cause de parenté ou affinité, qu'à fixer le.3 degrés prohibés tels qu'ils l'étaient chez les Romains, et avant et après que la religion chrétienne y fût en exercice public.
Chacun sait ou peut aisément savoir que pendant plusieurs siècles l'Eglise n'a pas suivi, pour les empêchements de mariage, d'autres règles que celles qu'elle a trouvées établies par les lois romaines, lois reconnues pour être le moins contraires aux bonnes mœurs et les plus réfléchies pour la police et le bien de la société. Y revenir donc, dans ces derniers temps, dans ce temps surtout d'une régénération salutaire, ce n'est, dans cette partie comme dans les autres, que mériter de la nation, en se rapprochant des anciens usages dont nous avons déjà fait la grande règle de nos réformes ecclésiastiques (1).
2° L'usage particulier des fiançailles était également réglé par les lois romaines, comme il
était également inconnu dans les premiers siècles, tel qu'on l'a introduit après dans l'Eglise. Il est même bon de dire et d'apprendre, à ce sujet, que ce qu'on appelle fiançailles ecclésiastiques, dans plusieurs diocèses, n'est ni connu ni pratiqué dans un grand nombre d'autres. 11 est même des provinces où de simples articles en écriture privée, et signés ou convenus par les futurs mariés, majeurs d'âge ou dûment autorisés, leur tiennent lieu d'engagements au civil, ou, comme l'on dit improprement, de contrat de mariage.
Cet usage a son fondement et sa cause dans la nature même de l'engagement. Les fiançailles, telle qu'en soit la forme, ne sont que des conventions qui, avant comme après le mariage, ne doivent produire que des effets purement civils entre les parties'. On a tant donné au consentement dans le contrat de mariage, que ses effets ont dû nécessairement être les mêmes, de quelque manière qu'il fût exprimé, au futur comme au présent, selon l'intention des parties; et de là l'empêchement de l'honnêteté publique, qui ne vient pas de l'Eglise, mais des anciens Romains, qui ne la connaissaient pas. Nam constat sponsam filii nurum esse, nec patris sponsam no-ver cam esse; rectiùs tamen ex jure facturos eos qui ab hujusmodi nuptiis abstinuerint. Apud Justin. De nuptiis, § 9.
Si on laisse subsister cet empêchement, parce que les Romains, l'ayant introduit, il semble que nous ne devrions pas être moins réservés qu'eux sur ce qui blesse l'honnêteté publique, il n'y aurait qu'à défendre simplement toute dispense.
Que si, dans la diversité des usages (1) qui se sont introduits en France dans la forme des fiançailles, on trouvait bon, non délies supprimer, mais d'en borner les effets au civil,cet empêchement n'aurait pas plus lieu que ladispense; alors la loi ne regarderait ce qu'on a appelé jusqu'ici fiançailles, quelle que soit leur forme, que comme des conventions qui, avant comme après le mariage, ne doivent produire que des effets privés et purement civils entre les parties elles seules.
Dans cette alternative, le dernier parti me paraît le plus conforme aux principes et aux nouvelles et meilleures conséquences que nous voulons en tirer pour tout concilier, et c'est à quoi les deux comités se sont fixés dans leur projet de décret.
3° Il y a encore empêchement d'honnêteté publique pour tout mariage contracté et non exécuté, ce qui a été également établi par les Romains, et par un motif de bienséance que l'Eglise ne pouvait manquer d'adopter.
Mais, comme il a été nécessaire de restreindre les degrés de parenté, en les fixant, pour écarter toutes dispenses à l'avenir, il a fallu, dans la même fin, limiter et fixer au premier degré cet empêchement de l'honnêteté publique.
4° Il ne peut plus être question de l'empêchement des vœux de religion, pas plus que de leurs dispenses, après le décret du 13 février dernier, qui abolit les ordres religieux où il se fait des vœux solennels. Tout l'objet de ce décret a été d'empêcher que le citoyen ne perdît ses droits en perdant sa liberté. On a considéré très sagement que cette précieuse liberté doit être inaliénable, autant par les lois mêmes de la nature que par l'esprit et le caractère de la nouvelle Constitution. Ainsi, quoique le vœu simple lie le votaut devant Dieu, autant que le vœu solennel, la disposition du décret de l'Assemblée s'applique également aux uns et aux autres, relativement aux effets extérieurs et publics que tous pouvaient ci-devant produire contre la liberté et les droits de3 citoyens. Nous disons extérieurs et publics, parce que les effets intérieurs des vœux ne sont et ne peuvent être que du ressort de la puissance spirituelle.
5° Sous le même point de vue, les comités ont pensé que la loi civile n'avait à voir désormais dans les mariages des citoyens aucun empêcher ment de divers cultes, pui.-quo, par ta loi-même, tous les citoyens actifs sont égaux en droits pour tous les actes civils et publics dans la société.
On a dû penser de même, et avec plus de fondement encore, sur l'empêchement produit par l'affinité spirituelle, dans l'administration des sacrements de la confirmation et du baptême, où les parrains et les marraines n'ont plus comme autrefois de catéchismes à faire.
6° Par une suite naturelle des mêmes principes qui, d'une part, intéressent la liberté des citoyens, et de l'autre nous autorisent, dans notre législation, à n'envisager le mariage que comme un contrat civil, nous avons cru devoir apporter quelque changement à l'âge où les enfants de famille pourraient se marier sans le consentement de leurs pères et mères. L'âge de 30 ans nous a paru trop reculé pour les garçons", et celui de 25 ans trop reculé pour les filles; on ne saurait trop tôt en général mettre celles-ci dans l'état honorable du mariage, et elles doivent en avoir la liberté à l'âge de 21 ans, qui passe de 3 ans l'âge que les dernières lois avaient fixé pour leur profession religieuse, comme étant l'âge où les pères et mères doivent penser à l'établissement de leurs filles. C'est ainsi qne le législateur s'en était expliqué lui-même (1). Que
si l'on se faisait à cet égard quelque peine, à cause des dangers de la séduction contre les droits et la sagesse prévoyante des pères et mères, on répond à cela par une simple réflexion : qu'il n'est pas de séduction dangereuse ni autrement funeste à la société, quand elle n'a que le mariage pour terme et pour objet; c'est alors un bien, et pour le public, et pour la personne même que l'on aurait séduite à si bonnes lins.
Il en est presque autant des garçons qu'un trop long célibat engage quelquefois dans des écarts dont le mariage les aurait sauvés; enfin il entre dans l'esprit et dans le caractère de notre Constitution qu'un homme soit pleinement libre et maître de disposer de sa personne à l'âge que les lois les plus anciennes ont fixé pour disposer librement de tous ses biens et de tous ses droits, et voilà ce qui nous a fait accorder aux enfants de famille, âgés de 25 ans accomplis, la faculté de se marier à leur gré, sans le consentement de leurs pères et mères, ou contre leurs oppositions.
Mais en mettant ainsi des bornes à la puissance paternelle pour la liberté du mariage des enfants qui y sont soumis, nous avons dû la faire respecter à ceux-ci, lors même qu'elle ne peut les contraindre. Dans ce dessein, nous avons conservé l'usage des actes respectueux, en les réduisant à un seul acte qui sera notifié 15 jours au moins avant le mariage de la part des fils ou filles âgés de 25 ou 21 ans, émancipés, ou non. Et au lieu de l'exhérédation qui faisait tomber la peine sur les enfants, reconnus d'ailleurs aussi légitimes qu'innocents, on a trouvé plus sage d'y substituer la nullité même du mariage, parce que si cette dernière peine est plus rigoureuse, le moyen de la prévenir est d'autant plus facile, et alors tout est concilié. Le respect envers les parents est, disent les jurisconsultes, un devoir qui intéresse l'ordre public; et comme c'est la loi qui doit le surveiller, c'est elle aussi qui prononce ici la peine contre ceux qui manquent à ce devoir, dans l'âge de la vie où il imnorte le plus à la société qu'il soit rémpli. Nam hoc fieri debere, et civilis et naturalis ratio suadet. Justin. in princ. de nuptiis.
D'autre part, les parlements avaient apporté bien des modifications à la peine d'exhérédation qui, en effet, sous divers rapports, n'est pas, de sa nature, une peine domestique et privée qu'on doive laisser à la disposition arbitraire des pères et mères. Les romains l'ont introduite et pour plusieurs cas, mais par les droits d'une puissance qui originairement s'étendait sur la vie même des enfants. Aussi jaloux que ce peuple de la liberté, les Français seront peut-être plus heureux dans son exercice. Déjà les patriciens ne les dominent ni ne les humilient, et bientôt l'égalité, que nous avons établie parmi les citoyens, bannira des familles les caprices et testamentaires et coutumiers, pour y faire régner la même égalité dans le partage des patrimoines entre les enfants, sans distinction de sexe, sans distinction d'aîné ni de puîné, encore moins de lieu ni de coutume, sans enfin aucune entrave d'orgueilleuses substitutions.
Il fallait pour cela que le régime féodal fût aboli, et il n'est plus; il fallait que la nation fût législatrice, et elle est souveraine : rien ne lui manque donc pour faire les meilleures lois, après en avoir indiqué les principes dans la meilleure des Constitutions.
7° Les comités se sont déterminés à ce que la déclaration ou le contrat de mariage se fit devant les officiers municipaux, plutôt que devant les juges de paix,par plusieurs raisons que voici :
Premièrement, parce que les parties ne se déplacent alors dans aucune paroisse.
En second lieu, parce que les municipalités, dans la forme nouvelle, sont plus compétentes pour tout ce qui intéresse l'état des citoyens, et les preuves légitimes que chacun d'eux a besoin d'en produire; cela même nous a fait concevoir l'idée de faire passer tous les mariages par cette déclaration préalable devant les officiers municipaux. Par ce moyen, l'état légitime de tous les citoyens est certifié par leur propre municipalité ; il est consigné dans le centre et le foyer commun de leurs habitations où, dans l'esprit régénérateur et politique de la Constitution, ils doivent vivre comme des frères ou des enfants d'une même famille.
Peut-être que les esprits ne paraîtront pas encore assez instruits pour se prêter avec le discernement convenable à cette nouvelle forme; mais, nous l'avons déjà observé, et nous le répétons, partout où nous conserverons à l'Eglise ses dogmes, nous ne devons pas plus, dans le bien que nous faisons, nous arrêter à l'ignorance des uns (1) qu'à la malice des autres. La nation a le plus grand intérêt, en recouvrant sa liberté, d'en écarter tout ce qui pourrait la lui faire perdre; et il n'est pas peut-être de moyen plus sûr pour la captiver, que les faux préjugés en matière de religion, laquelle cependant n'exige qu'une soumission raisonnable ou raisonnée, rationabile obsequium.
Ainsi, comme tout mariage doit être désormais valide civilement, par le seul consentement et la seule déclaration qu'en feront librement les parties, il doit y avoir à cet égard un mode commun pour tous les citoyens qui seront tous obligés de faire cette déclaration, et ensuite un autre mode (le rit ecclésiastique) pour les catholiques, qui sans rien ajouter à la validité de leur mariage, lui donne le caractère de sacrement dans la religion qu'ils professent,
11 n'est au reste si mince municipalité qui n'ait son greffier. Les officiers municipaux n'auront pas, si l'on veut, dans les campagnes, l'usage des lettres, mais il ne s'agit ici que d'une fonction comme matérielle, qui ne demande ni science, ni capacité; elle n'exige que la connaissance des personnes qui se marient : eh 1 qui peut les mieux connaître que les officiers municipaux du lieu où elles habitent ?
La déclaration de mariage se fera d'ailleurs, pour la validité d'un acte de cette importance, devant 4 témoins; et certainement une déclara-
tion de mariage, dans celte forme, sera moins suspecte dans le lieu même du domicile des parties que devant le juge de paix, quand les parties, résidant dans l'étendue de son canton, sont hors de sa propre paroisse.
Par les mêmes considérations, nous avons cru devoir fixer le dépôt des registres dans les municipalités, plutôt que dans les presbytères, non seulement pour les mariages, mais encore pour les naissances et pour les décès de tous les citoyens ; ce qui laisse toute liberté aux curés de conserver l'usage de tenir eux-mêmes un registre, comme en forme libre, des mêmes actes de mariages qu'ils bénissent, ainsi que des baptêmes et des sépultures ecclésiastiques. Nous avons aussi conservé l'usage du même dépôt dans les sièges de justice, en obligeant les municipalités d'y transférer, chaque année, un double de chacun de leurs registres de mariages, naissances et décès de tous les citoyens.
Après avoir ainsi réglé d'une manière fixe et solennelle, tant les cas d'empêchement que lu forme des mariages, les comités sont convenus qu'il ne doit y avoir dorénavant aucune sorte de dispense pour personne; il ne doit pas non plus y avoir de temps prohibé pour faire les déclarations de mariage devant les municipalités, et qui seules sultisent au mariage, tandis, que les défenses ecclésiastiques pour la bénédiction nuptiale subsisteront jusqu'à ce l'Eglise elle-même trouve bon de les faire cesser pour le temps de l'Avent, parce que, dans ce temps,le jeûne n'a plus lieu, comme dans le carême, qui est d'une pratique très ancienne et incompatible de sa nature avec les fêtes et la joie-des noces.
9° On suivra à peu près les mêmes règles ou la même distinction pour les publications de ma-riage. Il se fera une publication commune dans la forme pour les mariages, comme il y aura une loi commune pour leur déclaration devant la municipalité; ce qui n'empêchera pas que les curés ne fassent leur publication en la manière accoutumée, pour annoncer aux fidèles la bénédiction nuptiale des époux catholiques.
Mais, comme la multiciplité de ces publications n'a été introduite jusqu'ici dans l'Eglise que pour des causes qui ne sont plus les mêmes dans la forme et les effets des censures ecclésiastiques, une seule suffira dans l'église, après celle qui doit avoir lieu huit jours avant la déclaration de mariage, par affiches devant l'Hôtel-de-ville.
Cette dernière publication sera la seule légale et commune pour tous les citoyens; elle sera même nécessaire pour la validité civile de tous les mariages, tant de ceux qui sont simplement déclarés devant les officiers municipaux, que de ceux qui, après cette déclaration, seront suivis de la Bénédiction nuptiale du curé, lequel sera tenu de répéter la même publication par une seconde huitaine; et il ne sera accordé, pour la première de ces publications, aucune dispense pour quelque personne que ce soit.
10° D'après toutes ces explications, je pense que, sans faire concourir la puissance ecclésiastique, la puissance civile peut et doit elle seule régler tout ce qui concerne les empêchements et les dispenses dont nous venons de parler: les comités proposeront de le faire par des lois dont les mœurs n'auront pas plus à rougir que l'Eglise à se plaindre; personne désormais ne pourra s'y soustraire. Eh 1 qu'on ne dise pas, comme on se permet de dire, que l'Assemblée nationale est incompétente dans ses réformes ecclésiastiques; comme si une grande nation pouvait jamais être
incompétente en aucune matière pour opérer le bien; comme si aucune forme pouvait être supérieure à son vœu, quand il est général, sage et utile ; comme si enfin elle ne pouvait se rendre libre et heureuse (1) par une Constitution qui n'est, dans tous ses principes, que l'expression même de la raison.
Aussi après avoir respecté, comme nous avons fait, les dogmes de l'Eglise, dogmes qui, comprenant tout ce que la foi catholique nous ohlige de croire et d'admettre, sont, aussi vrais, aussi bien établis qu'elle-même (2), je ne doute point que ceux de ses ministres qui ont ses intérêts le plus à cœur, revenus de leurs premières craintes pour la foi que nous professons hautement, n'applaudissent eux-mêmes à nos décrets, en regrettant peut-être d'y avoir mis ou voulu mettre obstacle. 11 est certain du moins que nos pères se seraient épargnés bien des maux, s'ils avaient été ou plus éclairés, ou plus justes, tant envers eux qu'envers les ecclésiastiques; car sans parler de la douceur et de l'humilité qui font le caractère distinctif de la profession du clergé et de son gouvernement, principes seculi..... vos autem non sic; sans parler, dis-je, de cette vérité qui est et sera toujours la même, quelles preuves, quels exemples ne nous fournit pas l'histoire des abus de sa domination, sous le prétexte de son indépendance dans l'exercice de l'autorité religieuse? Je peux le dire, je dois lo dire, sans méconnaître cette indépendance même : le clergé n'a jamais procédé de lui-même et sur lui-même à de bien solides ou deiiien sévères réformes (3) ; et de là le mécontentement des peuples, les soupirs des gens de bien, et enfin l'excès des abus qui étaient à leur comble, quand, par une suite d'événements ménagés par la divine Providence, la nation s'est trouvée réunie pour les extirper. Coquille, dit le Judicieux, a intitulé un
de ses ouvrages : Les maux de la France pendant la Ligue sont venus principalement ae la non-réformation de Vétat ecclésiastique.
11° Reste à proposer une disposition particulière pour un cas digne de tous les égards de l'Assemblée : c'est celui où se trouvent en ce moment les parties, qui empêchées de se marier pour raison de parenté ou d'affinité, n'ont pu obtenir des dispenses ni du pape, ni des évêques, depuis le décret de l'Assemblée nationale du 4 août 1789, et le nombre en est grand depuis plus d'un an.
Il est bien certain que celles d'entre ces personnes qui se trouvent dans un des degrés ou des cas dont l'Assemblée nationale ne fera pas un obstacle au mariage, en abrogeant l'usage des dispenses; il est certain, dis-je, que celles-là pourront, après un pareil décret de l'Assemblée, se marier valablement aux yeux de la loi, sans recourir à aucune dispense, quoiqu'elles eussent été ci-devant obligées d'en obtenir pour passer outre à leur mariage.
Mais en sera-t-il de même des personnes qui, se trouvant dans l'un des degrés ou des cas prohibés par le décret de l'Assemblée nationale, auraient pu néanmoins se marier avec une dispense qui ne se refusait point ci-devant à Rome, moyennant la compenende en forme d'aumône quiVy payait?
Je ne balance pas, sur cette question, à répondre que le mariage doit être permis cette l'ois, sans conséquence, à ces personnes comme aux autres dans la forme civile dont il a été parlé, sauf à elles d'obtenir gratuitement, de leur évêquo diocésain, la dispense qui, à leur égard, est devenue une concession de la plus étroite justice.
Premièrement, parce que les décrets de l'Assemblée nationale, dont la prohibition doit tomber sur le cas où-se trouvent ces parties, n'ont aucun effet rétroactif.
En second lieu, parce que si l'usage était tel ci-devant, que la dispense eût lieu ordinairement, ou même extraordinairement à Rome pour le cas dans lequel se trouvaient ces parties, ayant fait de leur chef ce qui était en elles pour "l'obtenir, et ne l'ayant pu à cause seulement des décrets de l'Assemblée nationale, ou du refus que les évêques de France ont fait de les exécuter pour ces dispenses, nul doute que les parties ne doivent être autorisées par l'Assemblée même à se marier valablement, sans néanmoins que leur exemple puisse tirer à conséquence pour l'exécution de ses décrets sur cette matière, à l'avenir.
Enfin, la troisième et dernière raison qui justifie les deux autres, c'est que nos bons auteurs ont toujours tenu en France, et c'est l'esprit des libertés de l'Eglise gallicane, que les dispenses ne sont point des grâces, mais des actes de justice. Ainsi comme tels, dans les cas de mariage, comme dans tous les autres cas, le refus d'une dispense ordinaire n'est qu'une injustice; elle a été ici involontaire de la part du pape, qui n'a pas accordé la dispense à cause de nos décrets; et de la part des évêques qui ne se sont pas crus en droit de la concéder, mais qui commettraient une injustice si, ayant par leur caractère épis-copal, le même pouvoir que le pape à cet égard, ils la refusaient à ceux à qui le pape l'aurait accordée.
Dans ces circonstances, les parties ne doivent souffrir de rien, et l'Assemblée ne fera qu'une bonne œuvre, en leur permettant le mariage,
dans les cas mêmes où elle le défendra pour l'avenir; et j'ajoute qu'indépendamment des considérations que je viens de mettre en avant et qui sont presque sans réplique, c'est qu'en ce moment, l'honneur de quantité de personnes et de familles est intéressé au décret ou à l'exception dont je parle, à tel point que l'Assemblée nationale se doit à elle-même de venir au secours des gens que ses propres décrets ont comme déshonorés, en leur otant le moyen sur lequel ils avaient droit de compter, d'après l'usage reçu, pour couvrir ou réparer leurs faiblesses.
Enfin, il s'agit ici de l'état de plusieurs infortunés; et, dans les termes du droit, la difficulté doit s'aplanir, ou l'on doit décider le doute en faveur de ces innocents.
En conséquence, voici le décret que je propose et qui sera comme additionnel à ceux du projet de décret des deux comités :
« Et comme, depuis les décrets rendus par l'Assemblée nationale le 4 août 1789, il est arrivé que beaucoup de personnes ont demandé vainement à Rome des dispenses de mariage qu'elles n'ont pu obtenir non plus que de leurs évêques, l'Assemblée nationale décrète que tous eeux et celles qui dans ce moment sont dans ce cas, quoiqu'ils se trouvent dans quelqu'un des degrés prohibés par l'article 1er, mais du nombre de ceux sur lesquels on pouvait obtenir des dispenses, pourront valablement se marier en la forme prescrite par le présent décret, ce qui aura lieu, sans tirer à conséquence pour l'avenir. »
12° Enfin, dans la réformation générale des principaux abus qui blessent la liberté des citoyens, dans l'acte le plus intéressant pour la nation, nous ne devons pas oublier celui qui s'est introduit ou conservé dans certaines provinces du royaume où, par un intérêt privé et tout pécuniaire, il se commet une sorte d'attentat et à la dignité et à la liberté des mariages.
Dans le ressort du parlement de Toulouse, qui est, ou était ci-devant très étendu, les créanciers d'un débiteur dont le mariage est annoncé par les publications et quelquefois avant que les publications se fassent, sont dans l'usage de dénoncer à la future leurs créances, pour en conserver l'hypothèque contre celle de sa dot, suivant la loi assiduis. Cod., qui potiores inpignore habean-tur. On exige même que cette dénonce, pour produire son effet, soit faite ou signifiée à la personne même de la femme qui doit épouser le débiteur et non à son domicile; sans quoi, le créancier perd le privilège de sa créance quoique antérieure, sur la dot de la femme, par la stipulation de son hypothèque, dans le contrat de mariage où elle est constituée.
Cet usage fondé, dit-on, sur l'attachement particulier que le parlement de Toulouse a toujours témoigné pour le droit romain, est absolument contraire à la jurisprudence de tous les autres parlements, où, suivant, le droit commun les dots des femmes n'ont que l'hypothèque de leur dot vis-à-vis les créanciers hypothécaires de leurs maris, sans que ces créanciers soient obligés de faire ni dénonce ni signification pour conserver la juste préférence de leur antériorité; en sorte que., dans le dessein même de l'Assemblée nationale, qui tend à rendre aussi simple qu'uniforme la législation française, elle ne peut que se prêter à la réforme d'un usage singulier qui, en blessant la police générale du royaume, touchant les privilèges qui sont accordés aux dots des femmes (lesquels ne doivent avoir pour objet que les biens propres à leurs maris), gêne en
même temps et offense cette belle et honorable union des deux sexes, où la société a besoin de trouver continuellement sa vie, ses mœurs et ses forces.
En conséquence, voici le projet de décret que l'on joindra comme additionnel au projet des comités :
« 11 est défendu à tous créanciers de faire au-« cune dénonce en aucune forme de leurs « créances à la femme que doit épouser leur dé-« biteur, et elle décrète que les créanciers hypo-« thécaires de celui-ci seront maintenus dans « la préférence due à l'antériorité de leurs v- créances sur toutes autres, même sur la dot « contractée postérieurement. »
13° Toujours dans le même esprit qui tend à faciliter les mariages, les comités ne se sont pas bornés à en écarter les empêchements qui ne seraient pas fondés sur les termes mêmes de la loi, mais ils ont voulu encore prévenir les retar-dements inutiles qu'on pourrait y apporter; et, pour cela, ils n'ont eu besoin que de réduire les oppositions dont on a tant abusé jusqu'ici, à celles que la plus sévère justice autorise.
Lanouvelle forme des mariages, et dontlesprin-cipes répondent à ceux-là mêmes qui ont fait abolir les officialités, s'est prêtée comme d'elle-même à cette sage mesure; ainsi au lieu de voir les mariages arrêtés ou suspendus, comme ci-devant, au gré du premier venu, car on sait que l'usage était tel que le curé était obligé de quitter son étole et de se retirer quand on lui signifiait une opposition bien ou mal fondée au mariage qu'il était sur le point de bénir; au lieu, dis-je, de cette pratique étrange dans ces effets, quoique d'ailleurs Jouable alors dans ses motifs, on verra désormais très-peu de ces opposiiions, parce que celles-là seulement seront admises, qui seront /aites par les personnes qui en auront le droit, aux termes de ce décret, lequel a aussi pourvu, dans son projet, à la main-levée et au jugement de ces oppositions.
14° Dans le même projet de décret, il a fallu nécessairement prescrire une nouvelle forme de registres pour les preuves des naissances et des décès, comme des mariages, ce qui a exigé un détail de dispositions nécessaires à l'authenticité de ces preuves.
Il ne nous reste donc, après les peines que nous avons prises et les soins que nous nous sommes donnés pour réunir, pour accorder, pour simplifier les divers objets qui entrent dans cette vaste et difficile matière, qu'à obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale pour le projet de loi que nous avons l'honneur de lui présenter et qui est ainsi conçu :
PROJET DE LOI, proposé par le comité ecclésiastique (1), sur le mariage et sur les actes et regis-res qui doivent constater l'état civil des personnes (2). — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, considérant :
Que le mariage est essentiellement un contrat dont la validité ne peut dépendre que de l'observation des lois de la nature et de celles de l'Etat ; Que le sacrement institué pour sanctifier le
mariage, pour communiquer aux époux des grâces surnaturelles, pour bien exiger des conditions, que la puissance civile n'a pas à déterminer; mais qu'il est entièrement séparable du contrat et qu'ainsi les règles ecclésiastiques ne peuvent ni ôter, ni donner les titres et les droits d'époux et d'enfants légitimes;
Qu'il importe à l'Etat et aux particuliers de faciliter les mariages;
Que tous les hommes ont un égal droit à l'état civil, indépendamment de la liberté des opinions religieuses assurée par la Constitution ;
Qu'enfin il n'y a rien de plus propre à maintenir l'union et le bon ordre parmi les citoyens, que de régler la manière de constater leur naissance, leurs mariages, ainsi que leurs décès par une loi générale et uniforme pour tous les individus et pour tout le royaume;
Décrète ce qui suit, sans aucun effet rétroactif quant aux mariages contractés avant la publication de la présente loi :
TITRE Ier.
Règles à observer pour la validité des mariages.
Art. 1er. La loi ne reconnaîtra pour mariés
valablement que l'homme et la femme qui, étant libres d'engagement
contraire et capable de mariage, l'auront volontairement déclaré et
constaté suivant les règles et les formes qui vont être établies.
Art. 2. Le mariage est défendu entre toutes personnes unies par les liens, soit de parenté, soit d'affinité dans les degrés suivants, et seulement dans ces mêmes degrés, savoir: en ligne directe ascendante on descendant^, sans distinction et à l'infini; en ligne collatérale, entre le frère et la sœur, le beau-frère et la belle-sœur, l'oncle et la nièce ou l'enfant de celle-ci, la tante et le neveu ou l'enfant du neveu.
Art. 3. Le mariage est aussi défendu dans les degrés ci-dessus exprimés entre les personnes unies par le lien de parenté ou d'affinité purement naturelle.
Art. 4. La loi ne reconnaîtra plus à l'avenir l'empêchement de mariage qui provenait de la corn-paterniié ou affinité spirituelle ; ni celui de la diversité de culte, ni les enii êchements que produisaient les fiançailles, ni ceux qui résultaient du défaut de consentement de certaines personnes, sauf ce qui est statué par les 4 articles suivants.
Art.5.La peine d'exhérédation contre les enfants qui se marieront sans le consentement de leurs père et mère est abrogée ; mais il est défendu à tous ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge de 25 ans accomplis pour les garçons ou veufs et de 21 ans aussi accomplis pour les filles ou veuves, de se marier sans le consentement de leurs père et mère, pourvu que ceux-ci soient habitants dans l'étendue de la domination française et jouissant de leurs droits.
Art. 6. Si la mère est seule décédée, ou si elle est absente hors des pays de la dominatien française, ou non usant de ses droits, ou si elle a a disparu, depuis au moins une année, sans qu'on ait eu de ses nouvelles, dans tous ces cas, le consentement du père sera seul nécessaire pour la validité du mariage desdits mineurs.
Art. 7. Si le père est seul décédé, ou s'il est absent hors des pays de la domination française ou non usant de ses droits, ou s'il a disparu, depuis au moins une année, sans qu'on ait reçu
de ses nouvelles, le consentement de la mère et du plus proche parent paternel de l'enfant, lequel parent soit âgé au moins de 25 années, sera nécessaire auxdits mineurs pour la validité de leur mariage. S'ils ne se trouvent point avoir de parent paternel dans le département où le père a eu son dernier domicile, ni dans aucun des départements contigus, il pourra y être suppléé par le frlus proche parent du côté maternel; et la qualité de plus proche parent sera entendue comme il est expliqué en l'article 9 du présent titre.
Art. 8. Si les père et mère sont décédés ou absents hors du royaume, ou nou jouissant de leurs droits, ou s'ils ne s'accordent pas, ou si la mère survivante, ou seule présente, ou seule jouissant de ses droits, ne peut s'accorder avec le plus proche parent de son enfant, le mariage desdits mineurs ne pourra être contracté que du consentement donné, par acte authentique, à la pluralité dés voix du conseil de famille, assemblé au nombre de 7 parents; savoir, les 4 plus proches du côté patérneletles 3 plus proches du côté maternel, tous âgés de 25 ans.
Art. 9. Seront réputés les plus proches parents et appelés à ce conseil en cette qualité, d'abord les ascendants en ligue directe, ensuite ies frères, puis les oncles desdits mineurs; après eux viendront les autres parents collatéraux les plus proches desdits mineurs, préférant toujours tous ceux de la branche aînée à tous ceux de la branche cadette, et l'aîné dans chaque branche à ses puînés. A défaut de parents du côté paternel, domiciliés dans le département où le père a eu son dernier domicile, ou dans les départements contigus, il pourra y être suppléé par ceux du côté maternel, et réciproquement ; et à défaut de parents paternels et maternels domiciliés dans fesdits départements, il pourra y être suppléé par des amis ou des voisins.
Art. 10. Les garçons et veufs après ledit âge de 25 ans, et les filles, et veuves après celui de 21 ans, ne pourront contracter mariage sans avoir requis le conseil et consentement de leurs dits père et mère par un acte respectueux, rapporté par le secrétaire-greffier de la municipalité du domicile desdits père et mère, et dont il sera notifié copie en bonne forme auxdits père et mère par le secrétaire-greffier de la municipalité, au moins 15 jours avant le mariage.
TITRE II.
Des formes à observer pour la validité des mariages, et des oppositions à ce qu'ils soient contractés.
Art. 1er. Les personnes qui voudront déclarer
et constater légalemeutleur mariage seront tenues de faire publier une
seule fois leur promesse réciproque dans le lieu du domicile actuel de
chacune des parties, ainsi que dans le lieu du domicile que lesdites
parties, ou l'une d'elles, auront quitté depuis moins de six mois, si
elles ont resté dans le même département, ou depuis moins d'un an, si
elles ont passé d'un département dans un autre.
Art. 2. Les personnes qui n'ont point de domicile fixe, ou qui venant, soit des colonies françaises, soit des pays étrangers, n'ont point en France de domicile tel qu'il est désigné en l'article précédent, ne pourront faire publier leurs promesses de mariage, qu'après s'être adressées au directoire du département dans lequel elles
se trouveront, lequel, après les informations cou-venables, commettra, s'il y a lieu, et sans frais, une municipalité, où ies promesses d'épouser seront publiées, et où la déclaration de mariage pourra être reçue, en représentant la commission accordée par le directoire.
Art. 3. Les promesses seront publiées huit jours au moins avant de constater le mariage, un jour de dimanche, à l'heure de midi, devant la porte extérieure et principale du bâtiment où la municipalité tient ses séances, par le secrétaire-greftier de ladite municipalité, en présence du maire ou d'un autre officier municipal requis à l'ordre de la liste.
Il en sera dressé acte qui contiendra les noms patronymiques et de famille des futurs époux et même de leurs pères et mères, quand on les pourra savoir, ainsi que leur profession et le titre des fonctions publiques des pères et époux, enfin le jour et l'heure de la publication.
Ledit acte sera écrit sur le double registre des mariages dont il est parlé ci-après, signé dudit greffier et de l'officier municipal présent.
Le greffier en affichera ou fera afficher une copie bien lisible à ladite porte, et prendra les précautions nécessaires pour que l'affiche demeure exposée et entière pendant 8 jours.
Art. 4. Il ne pourra être formé d'opposition à aucun mariage si ce n'est pour cause qui le rendrait nul et par exploit qui exprime l'espèce de cet empêchement et qui porte élection de domicile dans le district où demeure l'époux futur, pour toute la durée del'instance qui pourra s'introduire en main-levée del'opposition. La partie opposante sera teuue de signer son opposition sur la minute et sur la copie, ou de la faire signer de même par son porteur de procuration spéciale, lequel, en ce cas, devra notifier ses pouvoirs en tète de ladite copie; et, dans tous les cas, cette copiesera signifiée au greffe de l'une des municipalités où la promesse réciproque des futurs époux aura été publiée, au choix de l'opposant.
Art. 5. Toutes oppositions à mariage faites sans observer les formes prescrites en l'article précédent seront réputées comme non avenues; et il est défendu à tous officiers municipaux d'y avoir égard, sans qu'il soit besoin de les faire annuler par jugement.
Art. 6. Et à l'égard des oppositions formées, suivant les dispositions de l'article 4, la main-levée en sera demandée et poursuivie devant les juges de district du domicile actuel du futur époux.
Ces juges statuèrent sauf l'appel, lequel sera toujours suspensif en cette matière.
Ils connaîtront seuls, en première instance, de la solidité des mariages et de toutes contestations sur l'état des personnes.
Art. 7. Lorsque les parties voudront déclarer et constater légalement leur mariage, elles le pourront à quelque jour de l'année que ce soit, se présentant en la salie d'assemblée d'une municipalité où la publication de leurs promesses aura été reçue, et y déclarant en plein jour et portes ouvertes, en présence du maire, ou, à son défaut, d'un autre officier municipal requis à l'ordre de la liste, en présence aussi dudit greffier et de quatre témoins mâles, âgés de 25 ans, domiciliés dans le district d'où dépend ladite municipalité, parents ou alliés des parties ou leur étant étrangers, et sachant signer, s'il peut s'en trouver aisément dans le lieu, qu'elles entendent déclarer et constater légalement leur mariage.
Art. 8. Elles ne pourront être admises à faire ladite déclaration qu'en rapportant les actes de
leur naissance, autant qu'il sera possible, de la publication de leurs promesses de mariage dans la forme ci-devant prescrite, et de la main-levée des oppositions, si aucunes il y a eu, ensemble, s'il sagit d'enfants de famille ou de mineurs de 25 ans pour les garçons ou veufs, et de 21 ans pour les filles ou veuves, le consentement par acte authentique soit de leurs pères et mères, soit delà mère et au plus proche parent, soit du conseil de famille, ou enfin l'acte de réquisition respectueuse, conformément aux articles 5 et suivants du titre ior du présent décret.
Art. 9. L'acte du consentement des père et mère, ou du plus proche parent, ne sera point nécessaire, lorsqu'ils assisteront à l'acte de la déclaration du mariage..
Art. 10. La bénédiction nuptiale continuera d'être administrée à ceux qui la demanderont et qui en seront susceptibles, suivant les règles et usages de l'Eglise catholique ; il sera libre aux parties de ne faire constater leur mariage à la municipalité qu'après avoir reçu cette bénédiction ; mais elle ne sera pas nécessaire pour la validité des mariages.
Art. 11. Toutes les dispositions de ce titre et du précédent, concernant les conditions et les formes requises pour contracter mariage, seront exécutées, à peine de nullité absolue, et il ne pourra en être accordé aucunes dispenses.
TITRE III.
Des actes qui doivent désormais constater les naissances, les mariages et les décès, et des registres de ces mêmes actes.
Art. 1er (1). L'acte de mariage contiendra
les déclarations des parties et de l'officier municipal ci-dessus
prescrites; il sera porté par le greffier municipal sur un double
registre à ce destiné. Ledit acte contiendra les noms et âges, les
demeures des nouveaux époux, et même de leurs pères et mères, quand on
les pourra savoir, ainsi que leurs professions, et le titre des
fonctions publiques des pères et époux. Ledit acte exprimera également
si les nouveaux époux sont enfants de famille, en tutelle ou curatelle,
si les témoins sont parents ou alliés, de quel côté et à quel degré; et
sera signé premièrement des parties, et des 4 témoins, si les uns et les
autres savent signer, sinon il en sera fait mention : en second lieu,
des autres assistants, parents ou amis, s'il y en a, qui sachent ou qui
veuillent signer, et enfin de l'officier municipal et du greffier,
lequel sera obligé, dans la rédaction dudit acte de référer et dater
toutes les pièces dont la représentation est nécessaire suivant les
articles 2, 8 et 9 du titre précédent.
Art. 2. Il y aura dans chaque municipalité, outre uu double registre pour inscrire les publications et les déclarations de mariage, deux autres registres aussi doubles pour constater, l'un les naissances et l'autre les décès des personnes, tous lesquels registres ainsi que leurs expéditions, en bonne forme, feront foi en justice. Art. 3. La naissance de tous les enfants sera
constatée, le plus tôt possible, par la déclaration que feront devant le maire du lieu de l'accouchement, on à son défaut, devant un autre officier municipal requis à l'ordre de la liste, le père de l'enfant et deux témoins de l'un ou de l'autre sexe, parents ou alliés de l'enfant, ou lui étant étrangers, âgés de 25 ans, et, en cas d'absence du père, 4 témoins domiciliés, lesquels diront s'ils sont parents ou alliés, et à quel degré, ce qu'ils sauront du jour et du lieu de sa naissance, ainsi que le nom patronymique qui lui a été donné, les noms patronymiques et de famille, et la profession de ses père et mère, ainsi que le titre des fonctions publiques du père, et il sera rapporté acte de cette déclaration sur le double registre des naissances, lequel acte sera signé du père s'il est présent et du greffier. Et si le père ne savait écrire ou signer, il en sera fait mention ; la même forme sera observée à l'égard des témoins.
Art. 4. Quant aux enfants trouvés, ou nés hors d'un légitime mariage, l'officier municipal sera tenu d'insérer les déclarations qui lui seront faites sur leur naissance par les personnes qui les présenteront, sans faire à ces personnes aucune réquisition, ni interpellation.
Art. 5. La déclaration du décès sera faite dans les 24 heures et avant les obsèques, devant le maire du lieu du décès, ou à son défaut, devant un autre officier municipal requis à l'ordre de la liste, par 4 des plus proches parents de l'un ou de l'autre sexe, et âgés de 25 ans, ou, à leur défaut, par 4 voisins ou amis de la personne décédée, aussi âgés de 25 ans, et au défaut de ceux-ci, par le procureur de la commune du lieu, assisté de 2 témoins du même âge.
Art. 6, L'officier municipal sera tenu de recevoir ladite déclaration, de la faire inscrire sur le double registre à ce destiné, d'y faire exprimer l'âge, les noms, la profession ou le titre des fonctions publiques de la personne décédée, même les noms de ses père et mère, quand on les pourra savoir, le jour du décès, le nom de la paroisse où il est arrivé, la cause de mort, telle qu'elle sera déclarée, les noms des déclarants et leurs degrés de parenté ou d'alliance avec la personne décédée. Cette déclaration sera signée par les parents ou autres témoins, par l'officier municipal présent, par le greffier et par le procureur de la commune du lieu, le cas échéant, faisant mention des parents ou témoins qui ne sauront signer.
Art. 7. Les registres destinés auxdites déclarations seront tenus, l'un en papier timbré et l'autre en papier libre ; ils seront fournis par chaque municipalité et exempts d'enregistrement; tous les feuillets en seront cotés et paraphés par premier et dernier, sans frais, par le président du tribunal de district, ou, à son défaut, par le juge "subséquent à l'ordre de la liste.
Art. 8. Il sera déposé dans le courant du mois de janvier de chaque année, à commencer en 1792, au greffe du même tribunal par le greffier de la municipalité un double de chacun desdits registres. Le greffier du tribunal de district mentionnera sur le registre qui lui sera remis le jour de l'apport, et en donnera son reçu en papier libre, le tout sans frais et exempt de contrôle.
Art. 9. Le greffier de la municipalité, comme celui dudit tribunal, délivreront aux requérants des expéditions des registres dont ils seront saisis; elles seront exemptes du droit d'enregistrement, et il ne sera dû que 10 sous pour chacune, sans que l'officier municipal ou le greffier puis-
sent rien prétendre pour leur présence, pour la dresse desdits actes, transcription sur les deux registres, ni pour la copie affichée de la publication des promesses de mariage. La première expédition sera gratuite pour tous les citoyens non imposés aux rôles des contributions directes.
Art. 10, Les déclarations de mariage, naissance ét décès, mentionnées au présent décret, seront inscrites et signées sur lesdits registres en même temps qu'elles seront faites, sans retard ni interruption, et sans aucun blanc. Ces registres seront clos et arrêtés après la fin de chaque année, à commencer pour la première fois au 1er janvier 1791, par le président du tribunal du district où autre juge à l'ordre de la liste, et les feuillets qui se trouveraient en blanc seront par lui barrés.
Art. 11. Il est défendu d'écrire et de signer en aucun cas lesdites déclarations sur des feuilles volantes, à peine d'être procédé extraordmaire-ment contre l'officier municipal et le greffier, lesquels seront condamnés en telle amende ou autre plus grande peine qu'il appartiendra, suivant 1 exigence des cas; et à peine contre les contractants, de la déchéance des avantages et profits stipulés entre eux par le contrat de mariage ou autres actes.
Art. 12. Il est défendu, à peine de 50 livres d'amende contre chacun des contrevenants, et de radiation à leurs frais, laquelle pourra être demandée par tout citoyen , d'insérer ou de souffrir qu'on insère dans lesdits actes et dans aucun acte public ou privé, soit à l'égard des parties^ soit a l'égard de leurs pères et mères ou aïeux, aucune des qualités supprimées et proscrites par le décret constitutionnel du 19 juin dernier, quand même on y joindrait les mots ci-devant ou autres semblables.
Art. 13. Les autres contraventions commises, soit par l'officier municipal, soit par le greffier, aux dispositions du présent titre et des U premiers articles,du précédent, seront punies de 20 livres d'amende, sans préjudice des dépens, dommages et intérêts des parties/ainsi qu'il appartiendra; et de plus grande peine, suivant l'exigence des cas, notamment s'il y a récidive.
Art. 14. Les curés et tous autres ecclésiastiques, ci-devant chargés de constater les nais-sauces, mariages et sépultures, en demeurent dispensés par la loi de l'Etat, et les officiers et greffiers municipaux en sont chargés, comme il est dit ci-dessus, à compter du jour de la publication du présent décret..
Art. 15. Les registres de baptêmes, mariages et sépultures des paroisses actuellement existants, seront transférés aux archives de la municipalité., et ceux qui sont déposés aux greffes des anciens sièges royaux le seront aux greffes des tribunaux de districts ; le greffier de la municipalité et celui du district en délivreront des expéditions, comme il est dit pour les nouveaux registres, en l'article précédent.
Art. 16. La connaissance de tout procès, concernant l'exécution de la présente loi, est exclusivement réservée aux juges de district.
Art. 17. Toutes lois contraires aux dispositions de ce titre et des deux précédents demeurent abrogées et sera le présent décret incessamment porté à la sanction royale;
Signé : Durand-MaiLLane, Lanjuinaïs, Commissaires du comité ecclésiastique.
Décret additionnel proposé par M. Durand-Maillane.
L'Assemblée nationale, considérant t i;
Que, depuis le décret rendu par l'Assemblée nationale le 4 août 1789,, il est arrivé que beau- . coup de personnes qui se trouvent dans les degrés de parenté ou d'affinité prohibés par le présent décret et dont on pourrait obtenir dis-1 pense, ont demandé vainement à Rome, soit la concession des dispenses de mariage dont ils avaient besoin, soit l'expédition de la concession déjà obtenue avant ledit décret du 4 août, ou sa publication ;
Que d'autres, après avoir obtenu lesdites expéditions, n'ont pu les faire publier où fulminer suivant l'usage pratiqué avant ladite époque ;
Ehlin que d'autres, fidèles à l'exécution dudit décret du 4 août 1789, se: sont abstenues de s'adresser au pape, pour n'avoir recours qu'à leur évêque diocésain, qui leur a refusé toutes dispenses en aucune forme, ou en a exigé un payement excessif;
Déclare que le mariage de toutes les personnes ainsi empêchées involontairement, par le fait même de la loi, sera valable, quand il sera déclaré et constaté en la forme prescrite ci-dessus devant la municipalité, par les mêmes personnes, lesquelles seront tenues de justifier, soit des dispenses qu'elles ont obtenues et qu'elles n'ont pu faire publier ou fulminer, soit du refus qui leur en a été fait jusqu'à ce jour par le pape ou leur évêque diocésain ; le tout, sans conséquence pour l'avenir, et làiSsânt aux parties la faculté dé recourir, dans leurs diocèse?, aux nouveaux évêques élus et consacrés, ou aux évêques actuellement siégeants et continuant leur exercise, pour en obtenir toutes les dispenses qu'elles jugeront convenables ou nécessaires à l'acquit de leur conscience.
Suite et défense du rapport sur les empêchements, les dispenses et la forme des mariages, par M. Durand-Malllane (1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.,)
Quand nous avons fait imprimer et distribuer à tous MM. les députés le projet de loi sur les empêchements, les dispenses et la forme des mariages, précédé et suivi de deux rapports, nous savions très bien que la discussion ne s'en ouvrirait pas sitôt dans l'Assemblée nationale; que nous recevrions sur cette publicité des avis et des critiques, qui serviraient à éclaircir et à mûrir la loi proposée sur une matière de cette importance.
Ce que nous avions prévu est arrivé : les uns, animés du meilleur esprit, nous ont communiqué poliment leurs observations, sans y mettre d'autre intérêt que le plus grandbien; les autres ont accueilli avec reconnaissance les principes adoptés par les deux comités, ét sur lesquels nous avons fondé ledit projet de loi. Plusieurs, et des plus éclairés d'entre ceux-ci, ont promis de les soutenir et de les défendre; mais'deux autres, ou plus savants, ou moins bien intentionnés, ont cru devoir employer la voie de l'impression et de la distribution pour réfuter publiquement, tant
ce projet de loi, que les rapports qui l'accompagnent (1).
L'un de ce3 derniers (député et curé de Car-cassonne) a exprimé sa censure ou plutôt ses complaintes avec amertume, mais de bonne foi, dans son zèle, contre ce qu'il appelle notre philosophisme impie et destructeur.
Le second a pris, dans la forme d'une lettre anonyme, le ton avantageux d'un maître qui, tout en se jouant, redresse ses écoliers et sur les mots et sur le sens assez sérieux de leur thème ; il s'est principalement attaché à la première partie du premier rapport, sans épargner néanmoins le projet de loi qu'il s'est borné à amender, et de manière à nous réconcilier peut-être avic lui-, car, après bien des faux et de vrais arguments, mêlés d'imputations et d'ironies, il finit charitablement par faire grâce à nos principes, en exigeant seulement un léger circuit dans la route qu'ils nous ont tracée, pour arriver à notre but, lequel est de mettre les deux puissances en cette matière, dans une si juste mesure, pour les droits qui sont propres à chacune d'elles, qu'à l'avenir il n'y ait au civil, pour le mariage, ni empêchement incertain ou équivoque, ni dispense nécessaire ou praticable.
D'autre part, le même, un peu trop prévenu contre nous, a très mal interprété nos vues; je pardonne cette calomnie à son zèle religieux, qui, s'il eût été plus modeste ou plus équitable, aurait moins choqué ou pu mieux convaincre. Mais tout cela n'est que dans l'ordre utile des discussions, dans la liberté de la pensée, ei dans la nécessité de son développement, où chacun porte sa manière d'écrire, comme la teinte de son âme, selon les sentiments qui la meuvent. Parla aussi se forme un concours de lumières qui produit un plus grand éclaircissement de la vérité, le seul objet de nos recherches, comme la seule règle de cette Assemblée, dans toutes ses délibérations.
Ainsi ne prenant de toutes ces diverses observations, quelle que soit leur forme pour ou contre notre projet de loi, que ce qui peut le conduire à sa perfection, ou à l'état Je moins imparfait, je vais répondre, pour mon compte, à ce qui a été opposé particulièrement à mon rapport; bien persuadé que, si je parviens à le bien défendre, le projet de loi, qui n'en est que le résultat, en partagera nécessairement le succès.
Tout le premier numéro de mon rapport, contre lequel on paraît avoir réuni, borné même les attaques, porte sur un seul principe, auquel je liens toujours, quoiqu'on se soit montré contraire aux conséquences que j'en tire. Ce principe est, que le mariage est un contrat, comme tous les contrats passés entre les hommes, sans qu'il puisse cesser d'être tel,parce que la religion catholique en a fait un sacrement.
Tout en convenant de cette vérité, les uns soutiennent que ce contrat ne peut être séparé du sacrement, et que le mariage entre catholiques, attache, lie nécessairement l'un à l'autre, de telle sorte que le mariage ne peut être un seul moment qu'un contrat, sans être en même temps un sacrement; comme il ne peut être un sacrement sans former en même temps un contrat, puisque le consentement des parties, qui fait seul le ma-
riage, n'est autre chose entre elles qu'un contrat que la religion qu'ils professent, convertit nécessairement en sacrement.
Voilà l'opinion de plusieurs qui ne vont peut-être pas jusqu'à dire que c'est un dogme, si c'est la doctrine la plus commune des théologiens.
D'autre?, au contraire, disent que, dans le mariage, même des catholiques, le contrat est autre chose que le sacrement, dont il peut, dont il doit même être séparé, quant aux effets civils; et c'est l'opinion, qui, m'ayantparu la plus propre à tout concilier dans les" diflicultés que nous avions à résoudre, a eu la préférence dans mon rapport; mais c>î n'a pas été sans quelque peine, à cause des raisons sur lesquelles la précédente opinion est fondée; raisons assez triviales pour ne m'être point inconnues, avant que l'auteur de la lettre anonyme me les eût débitées du haut de son trépied, mais en même temps assez imposantes pour me causer cette sollicitude, dont le même critique a fait Je sujet d'une très indécente raillerie.
Ceux qui la soutiennent cette opinion que je respectais, et que je respecte encore, sans la suivre, disent donc que l'Eglise a toujours enseigné, d'après la doctrine de saint Paul, et comme par tradition apostolique, que le mariage est un sacrement dans la loi nouvelle, comme il a été, dans tous les temps et chez tous les peuples, une union sainte, parce qu'elle est, dans son origine, d'institution divine, puisque c'est Dieu qui en est le premier auteur, dans la création de l'homme et de la femme; ils ajoutent que l'on a, pour preuve de cette vérité, les paroles mêmes de l'Evangile et l'exemple de l'Eglise, qui, pendant longtemps^ regardé, comme uu sacrement, le mariage contiacté hors de l'Eglise, par le seul consentement des parties : ce qui a cessé par le décret du concile de Trente, qui a exigé la présence du curé et de deux témoins.
Les autres opposent à cette opinion les décrets de ce concile même qui, disent-ils, n'a fait que rétablir les anciens règlements ecclésiastiques qui déclaraient nuls les mariages non célébrés, non bénis dans l'Eglise, quoique d'ailleurs valables, selon les lois civiles; ils ajoutent que le contrat de mariage, en le faisant remonter à sa première institution divine, serait alors dans le même caractère, chez tous les peuples; et que s'il est nécessairement un sacrement pour les catholiques, bon gré, malgré eux, il répugne à l'idée simple et religieuse que l'on a des sacrements de l'Eglise, qu'on soit ainsi forcé de les recevoir, quoiqu'on ait tout lieu de s'en croire indigne, quoiqu'on soit très éloigné de vouloir en abuser.
L'une et l'autre de ces opinions sont appuyées d'un tas d'autorités et de faits contradictoires que je connaissais très bien, quand j'ai écrit mon rapport; et c'est parce que je les connaissais, que je n'ai pas voulu, ni ne veux pas plus ici en hérisser mes principes, pour ne les présenter à l'Assemblée que sous l'aspect naturel et plus lumineux de la raison, qui seule doit parler quand Dieu ne parle point; car il ne s'agit pas sans doute ici d'un dogme, ou de quelques-unes de ces vérités traditionnelles et sûres, qui, comme parlent les saints pères, ont été enseignées constamment et uniformément partout et par tous: quœ ab omnibus, semper et ubique; c'est donc parce que je connaissais ce combat d'opinions et de lois, que j'ai dit, avec beaucoup trop de raison, que rien n'était moins clair ni rien de moins fixe, que les règles sur cette matière.
C'est enfin par cette incertitude même que, voyant toutes les opinions se réunir sur ce point capital, le consentement mutuel des parties, qui forme nécessairement un contrat, fait le mariage. Voyant, dis-je, cet accord, j'en ai fait, je l'avoue, le fondement de mon opinion particulière, comme la règle des droits que j'ai attribués à la puissance séculière sur les effets civils du mariage; et ce qui doit me faire persister dans cette opinion, avec encore plus de confiance, c'est l'aveu de mes censeurs eux-mêmes, quoique le dernier ne l'ait fait dans sa lettre qu'avec le persiflage qui y règne d un bout à l'autre, contre la gravité du sujet, contre celle peut-être de son caractère; c'est aussi par des ergoties, qu'il n'a vu dans mes raisonnements que contradictions et inconséquences. Moins juste encore pour mes intentious, il n'y a vu qu'un essai d'avis, ou une ouverture piéméditée sur la motion du divorce et celle du mariage des prêtres; mais, si mes censeurs n'avaient pas été si prévenus, ou mal intentionnés eux-mêmes, ils auraient reconnu mes vrais sentiments dans les principes que j'ai établis sur l'affaire du sieur Talma; ils auraient pu se convaincre aussi, dans le projet même ue loi qui le précède et dans une de mes notes sur mon premier rapport, qu'en conservant à l'Eglise tous ses droits spirituels, toute la liberté nécessaire à leur exercice dans l'administration des sacrements, mon dessein n'était, ni ne pouvait être de lui ôter le droit de mettre des empêchements au sacrement de mariage comme sacrement; ils auraient vu et jugé que je n'avais encouru aucun des anathèmes prononcés par le concile de Trente; si je n'ai plutôt mérité de ses défenseurs par cette conclusion: quiconque donc d'entre les catholiques veut recevoir le sacrement de mariage doit en être digne aux yeux de l'Eglise qui le confère.
S'il ne l'est pas, digne, ce ne sera qu'une indignité religieuse,spirituelle, intérieure; et, comme telle, elle est, ou est censée invisible aux y ux de la lqi civile, qui n'est faite ni pour les saints, ni pour les élus, mais pour les citoyens..
Et voilà sous quelle distinction j'ai raisonné, sur laquelle on m'a accusé d'erreur, et même d'irréligion ; mais j'en appelle aux bons esprits, au temps et à ma conscience. Ce ne sera pas, puisqu'on s'est permis de me faire de mes ouvrages un sujet de reproche, et comme d'insulte ; ce ne sera pas, après avoir tant écrit sur les matières ecclésiastiques, que je confondrai en aveugle le dogme avec la discipline et avee la discipline extérieure, et politique et temporelle de l'Eglise, surtout quand elle touche à l'intérêt .générai de la société et à l'état particulier de chaque citoyen, d'aussi près que dans la forme .et les effets du mariage. En franc catholique, je rendrai compte à chacun de ma foi, et plus encore à ceux qui en doutent, lors même que je la défends dans toute sa pureté; car c'est aux .hommes instruits de l'abus qu'en font, ou des .torts que lui causent ceux qui la prêchent, à la .dépouiller des nuages dont ils la couvrent : oui, je l'ai dit, et je le répète à mon dernier censeur; nous avons reconnu qu'autant la puissance civile avait à cet égard négligé ses droits, autant et plus .la puissance ecclésiastique en avait pris.
Qui ne sait en effet les droits de la puissance civile en matière d'empêchement de mariage? Ces droits sont tels que, parmi les docteurs mêmes qui soutiennent que le contrat ne peut être séparé du sacrement dans le mariage, on en trouve qui n'accordent qu'au seul prince temporel le
pouvoir de mettre des empêchements dirimants au mariage. Je tiens, dans mes mains, deux manuscrits qui m'ont été confiés par des membres honorables de l'Assemblée, et très bons catholiques, où ce principe m'a paru établi par d'excellents raisonnements et de très bonnes preuves.
Ils ont accordé à l'Eglise les empêchements spirituels et relatifs au sacrement, ou à son administration; et à la puissance temporelle, les empêchements au contrat et à ses effets civils, u'où j'ai conclu et dû conclure que la séparation du contrat d'avec le sacrement, est, non pas seulement possible dans l'ordre et les vues sages d'un législateur, mais convenable, mais nécessaire. Le concile de Trente, ni aucun autre, n'a prononcé sur cette division, ni ne l'a défendue ; encore moins le double rapport des droits respectifs des deux puissances, à l'égard de ceux qui se marient et qui sont citoyens, en même temps que chrétiens et fidèles, Saint Thomas lui-même semble indiquer, autoriser cette distinction dans le mariage ; il enseigne qu'on doit le considérer sous ces trois points de vue : 1° du droit purement naturel; 2° du droit civil; 3°du droit divin.
Ou je me trompe bien, ou je ne vois là qu'une doctiine qui comporte la séparation du contrat d'avec le sacrement. Je vais plus loin : et, d'après ce passage même, quand j'admettrais que le mariage réunit nécessairement le contrat et le sacrement, de manière qu'il ne fût pas permis de les séparer; ce que j'admets sans raisonnement, si c'est la loi de l'Eglise; quand, dis-je, j'admettrais cette proposition comme une vérité dogma-matique, je ne laisserais pas que de trouver le projet du comité très compatible avec toute l'au-lorité et les droits de l'Eglise, auxquels je suis autant éloigné de vouloir porter atteinte, que je désire de réintégrer la puissance civile dans les siens; quand donc encore une fois j'admettrais cela, j'aurais dans cela même toujours raison de dire que la puissance séculière ne peut être empêchée, dans son indépendance, de tégler l'état civil et conjugal de ses sujets, comme bon lui semble; de ne plus en exiger la preuv-, comme par le passé, dans la forme d'un extrait des registres du curé, mais plutôt dans la forme des registres de la municipalité, sans entrer plus avant dans aucune autre explication, ni même dans aucune réserve des droits de l'Eglise, parce que leur exercice, en tout point, est d'un ordre surnaturel, qui ne regarde et ne peut regarder que le for intérieur et Je salut des âmes.
Ainsi, dans cette nouvelle pratique que le comité propose, je ne vois rien que de conforme à la nature même des choses et du meilleur ordre, par la distinction la plus sage entre les droits des peuples chrétiens et ceux de la religion qu'ils professent. Nous y sommes en ce moment invités, et conduits par notre Constitution même; car, après avoir établi la liberté des opinions religieuses, après avoir admis à la qualité et aux droits de citoyens actifs tous les Français indistinctement, il est devenu plus nécessaire que jamais d'établir les règles les plus certaines dans ce qui doit servir à constater l'état civil de chacun d'eux. Or, dans cet esprit, rien qui m'est paru plus propre à remplir ce grand objet, que la distinction déjà tracée dans le mariage par la double espèce d'empêchement que l'Eglise elle-même reconnaît de l'aveu de nos censeurs; ce qui est très concluant de leur part, quoique peut-être inexact dans la pratique : car, ni les mariages in extremis, ni ceux des enfants de famille con-
damnés par nos lois civiles, ne le sont jusqu'à la nullité du mariage par les lois ecclésiastiques, d'où vient cette manière commune de parler, qui signifie quelque chose dans notre question : les mariages sont bons quant au sacrement, et nuls quant au contrat ou aux effets civils.
Eh l que sont toutes nos questions d'état ? si ce n'est autant de discussions d'un mariage sous ces rapports avec la législation civile, ou plutôt avec le contrat «ivil qui seul détermine la condition légitime des enfants, parce que lui seul rend, légitime, aux yeux de la loi, le mariage qui les à procréés.
Faudrait-il donc une autre preuve des entreprises de la puissance ecclésiastique en cette matière? Eh! où est donc la réciprocité dont parle l'auteur de la lettre anonyme, page 27, et doit-on l'en croire ou le suivre dans sa profession conçue en ces termes?
« 1° Le mariage, comme étant un contrat et « un acte civil, est soumis aux lois civiles, et le « souverain peut établir des empêchemeots di-« rimants.
« 2° Les: empêchements dirimants, établis par « le souverain, empêchent le sacrement, parce « qu'ils rendent le contrat nul, et qu'un mariage « nul ne peut être un sacrement.
« 3° Dieu, comme l'instituteur et le premier « législateur du mariage, a pu le soumettre aux « lois de l'Eglise* à cause de ses rapports avec * la religion, comme il l'a soumis aux lois de « l'Etat, à cause de ses rapports avec la vie ci-« vile.
« Jésus-Christ, en élevant le mariage à la di-« gnité de sacrement, l'a soumis, de quelque ma-« nière, aux lois de l'Eglise. » i A cela, l'auteur a ajouté :
« Et cette doctrine, Monsieur, est la vôtre, « puisque, loin de contester à l'Eglise le droit « d'établir des empêchements, vous voulez au « contraire qu'on la laisse libre dans sa législa-« tion. »
Oui, sans doute, je veux laisser l'Eglise libre dans sa législation, mais seulement dans les objets de sa législation spirituelle, et non dans les objets de la législation civile, qui doit être tout aussi libre, et tout aussi indépendante dans sa partie, que l'Eglise dans la sienne, sans que l'une puisse être empêchée par l'autre, comme le suppose l'adversaire ; et c'est ainsi qu'on l'a entendu dans les deux comités, et dans la rédaction du projet de loi qui y a été arrêté. .Nous avons entendu que les lois de l'Eglise, restant ies mêmes pour le saerement de mariage, le même usage des dispenses aura lieu, ou pourra avoir lieu dans l'ordre spirituel de son administration. Les parties qui eu auront besoin s'adresseront aux évêques pour les obtenir, jusqu'à ce que l'Eglise trouve bon de les rendre* ou superflues, ou moins nécessaires, en accommodant ses règlements à ceux que les comités proposent pour une plua grai de facilité dans les mariages, et le plus gra d bien dans la société : mais jusqu'alors chacun sera libre, de manière que, voulant se borner, non point à la bénédiction municipale, comme s'est énoncé peu décemment l'anonyme, mais à sa propre Uéclaràtion de volonté -devant la municipalité, les effets civils seront toujours assurés et acquis au mariage, ainsi déclaré par les parties.
A cela le même auteur a opposé, et c'est ici son amendement : il a dit que si l'on exigeait cette déclaration avant la bénédiction ecclésiastique, on gênerait la liberté même des cathoîi-
ques qui, accoutumés à une pratique religieuse sur laquelle nous proposons un changement capable de scandaliser les faibles, d'ébranler même les forts,.ne doivent pas être contraints depasser par la municipalité, avant depasser par l'Eglise, pourvu qu'ils satisfassent également après, à cette nouvelle formalité de la loi qui, seule, doit valider civilement leur mariage.
Une autre considération m'avait frappé dès avant que cette lettre parût : j'avais réfléchi que renvoyer la bénédiction ecclésiastique à 8 jours après la déclaration devant la municipalité, c'était dans ce délai exposer les catholiques à la tentation de ne plus aller à l'église. J'en avais fait part à M. Lanjuinais, avec qui nous avons également conféré sur l'amendement proposé de faire la déclaration de mariage à la municipalité, avant ou après avoir reçu la bénédiction dans l'église ; et sur l'un comme sur l'autre parti, nous n'avons rien vu que de plus conforme à la Constitution, ou à son esprit, qui est d'étendre plutôt que de restreindre la liberté de chacun, des catholiques, comme des non-catholiques, à qui il sera également permis de faire cette déclaration avant comme après leurs cérémonies respectives et religieuses. Nous supposons aussi, et nous devons même supposer, d'après nos principes, que ce n'est pas l'esprit de l'Eglise de contraindre les citoyens à la participation d'aucun de ses sacrements, soit qu ils ne s'en estiment pas assez dignes, ou pour d'autres causes. « La li-« berté, disent les théologiens eux-mêmes, est « une perfection de l'humanité, parce qu'elle « seule donne l'empire sur les actions (1), » sans parler de la profanation du sacrement que les moins religieux doivent craindre. Si nos lois civiles, auxquelles le clergé de France a toujours eu le plus de part quand elles ont eu pour objet les matières qui l'intéressaient, n'ont pas été assez réservées à cet égard, pour le sacrement de mariage, l'Assemblée nationale doit s'en faire un mérite, surtout depuis l'édit de novembre 1787, concernant le mariage des non-catholiques, qui a déjà frayé le chemin dont la nouvelle Constitution exige l'agrandissement.
Ainsi, sans déroger à nos principes qui restent toujours les mêmes pour l'indépendance et les attributs propres à chacune des deux puissances en ces matières, et dans un ordre plus distinct, plus fixe et plus connu, ce qui nous a fait dire, avec une vérité qui répond à la mauvaise critique de l'anonyme, que nous avions, dans notre projet de loi, rectifié les lois anciennes sans les abroger, placé les lois civiles à côté des lois ecclésiastiques sans affaiblir Vautorité ni des unes ni des autres : sans, dis-je, altérer cette mutuelle indépendance, ni rien changer dans l'entière liberté des citoyens, nous avons cru pouvoir admettre que la déclaration de mariage devant la municipalité pourra se faire avant, comme après la bénédiction du mariage des catholiques dans Peglise, én observant d'ailleurs les formalités qu'on prescrira dans une nouvelle rédaction,- et d'après lesquelles seules la loi reconnaîtra la validité civile des mariages.
Cet accommodement servira aussi très à propos à éluder, sans vaine discussion, une difficulté théologique sur ce que l'anonyme a appelé matière douteuse pour le sacrement, quand, après la déclaration des parties devant la municipalité, elles iraient à l'église pour le recevoir.
Je ne suis point en état de raisonner sur cette
question, nouvelle pour moi, et digne des anciennes écoles, qui, dans leur manière de traiter, de subtiliser les matières, en faisaient naître le douie et l'obscurité. Eh 1 pourquoi ne pas fixer les règles dans celle-ci, la plus importante pour la société; pourquoi dans ce qui regarde le mariage qui, ae l'aveu de tous, est à la-fois, parmi les catholiques, un contrat et un sacrement, pourquoi ne pas convenir, à cet égard, d'une distinction précise, qui, en empêchant la confusion des deux pouvoirs, en réglât constamment et clairement leur double objet, comme leur double exercice? Pourquoi enfin cela ne s'est-il point iait? C'est que, je l'ai dit, et j'ai eu toute raison de le dire, l'un de ces pouvoirs a trop entrepris sur l'autre; et la puissance civile, pour avoir négligé ses droits, les a presque tous perdus : et, qu'on le remarque, la même extension, de la part du clergé, a eu lieu dans toutes les matières ecclésiastiques.
Chacun sait à quel point les juges d'Eglise avaient autrefois poussé l'abus de leur juridiction ; et singulièrement dans les matières concernant le mariage, où ils avaient compris les questions de la dot et des conventions matrimoniales : ils avaient été encore plus loin dans les matières testamentaires. Quand Pierre de Cug-miers voulut s'en plaindre, on le traita d'impie. On lui a fait, dans l'histoire, honneur de l'appel comme d'abus : mais il ne fit, dans les conférences de Vincenoes, en 1329, que montrer faiblement Le chemin pour y arriver: car l'on n'a pu ou su employer efficacement ce remède, que, lorsque plus ae deux siècles après, en 1530, sous François ior, on en vint à la distinction précise des objets spirituels et temporels, pour régler la compétence respective des deux juges ecclésiastique et séculier : encore a-t-on vu depuis, jusqu'à nos jours, un combat continuel, entre l'un et l'autre, par un reste de cette ancienne possession du clergé, dont les parlements s'efforçaient de réprimer les abus ou l'excès, mais au prolit de la leur, et nullement pour le bien du peuple, toujours dupe et victime de ces luttes scandaleuses. Nos monarques les toléraient; ils proté-geaint même quelquefois l'un ou l'autre de ces deux corps puissants, dans leur rivalité, pour maintenir l'équilibre d'une faible autorité, qui aurait fini par succomber sous l'empire de l'un des deux, ou de tous les deux ensemble, comme elle en était menacée après les édité du 8 mai 1788 : mais pdur le bonheur du roi lui-même, qui va toujours avec celui de son peuple^ l'Assemblée nationale est venue consolider à jamais sa puissance par sa Constitution.
Oui, Messieurs, cette heureuse Constitution, en abolissant tous les corps, en organisant tous les pouvoirs et en réduisant à l'égalité tous les citoyens, a fortifié le sceptre du roi, par le glaive de la loi, que la nation a mis dans ses mains contre ses infracteurs. 0 le beau règne que celui de la. loi ! (qu'on me pardonne ici l'éclat de mes sentiments contre nos calomniateurs), qu'il est grand i qu'il est fort le roi qui ne règne que par elle 1 c'est le règne même de la divinité 1 injus- titiâ et in veritate. Nous devons nous-mêmes la vérité au roi, comme le roi nous doit la justice, c'est-à-dire la vérité dans la loi, et la justice dans son exécution, dans la forme aussi digne d'un peuple libre que la raison éclaire et que l'honneur conduit ; non point cet honneur factice et barbare qui égare par ses excès ; mais cet honneur de sentiment qui élève l'âme du citoyen au-dessus de l'intérêt personnel, pour ne jamais
lui sacrifier le bien général, qui, par la plus noble ambition, le dispose à tout pour le service et l'avantage de sa patrie qui le fait se rendre lui-même esclave de la loi, pour en faire le garant de ses propres droits et de sa liberté, qui lui fait enàu regarder comme déshonnête tout ce qui n'est pas juste, et comme impossible, tout ce que la loi défend! qu'il est beau, je le répète, un tel empire! quel bonheur pour celui qui l'exerce 1 le cœur de Louis XVI, il faut l'avouer, m était bien digne ! Exempt d'erreur et de séduction, de remords et de reproche dans les fonctions redoutables de la législation, fier de la volonté même de son peuple, il n'aura désormais pour s'en faire obéir; que dis-je! pour s'en faire aimer et craindre, qu'à lui montrer son propre ouvrage : les lois qu'il a choisies et qu'il a juré de suivre. Encore quelques jours, et ce bel ordre va s'offrir aux regards de tous les peuple?; encore quelques jours, et la Constitution est finie. Malheur à ceux qui la combattent ou la traversent, qui la décrient surtout aux yeux du roi, dont elle assure tout à la fois, et le trône et la gloire!
Le clergé, qui témoigne tant d'éloignement pour elle, doit aussi beaucoup se défier de son zèle pour ce qu'il appelle la religion, et que nous aimons et respectons tous; qu'il prenne garde de ne point se rendre responsable devant Dieu et devant les hommes de l'inexécution de nos décrets, des peines, des pertes, des malheurs mêmes que cette inexécution peut causer ; qu'il cesse de calomnier l'Assemblée nationale et ses membres, ses comités mêmes; qu'il cesse de leur imputer, avec les sentiments de l'irréligion et de l'hérésie, un esprit de persécution plus odieux encore, et dont les infracteurs de nos décrets sont les seuls coupables envers nous. Ils couvrent leur infracr-tion, leur résistance, leurs criminelles sugges*-tions du vieux et toujours neuf manteau de la religion auprès du peuple erédule ; mais celui-ci ne s'y laissera pas tromper cette fois : il sait trop bien en qui il a placé sa confiance, et que tous les gens qui font aujourd'hui des déclarations, des protestations à l'honneur de la religion, n'ont pas été jusqu'ici les plus ardents pour elle; qu'ils n'ont jamais été tant dévorés du zèle de la maison de Dieu, ni du salut des âmes, et qu'enfin la piété, dont ils se font un beau prétexte, pourrait bien n'être au fond que le désir de leur rétablissement dans leurs possessions, peut-être même dans cette domination si contraire à la liberté des peuples, si funeste à la religion môme, quand elle dépasse le cercle spirituel qu'elle a tracé, le terme de désintéressement et d'humilité que lui a fixé l'Evangile. L'histoire, je l'ai déjà dit, n'en offre que trop d'exemples; mais les peuples n'ont jamais été aussi instruits qu'ils le sont devenus à leurs dépens. Les rois eux-mêmes ne pouvaient à cet égard tout ce qu'ils auraient voulu pour le bien de leurs sujets, pour leur propre indépendance; ou ifs oat laissé agir et parler lé clergé lui seul dans les matières qu'on appelait mixtes, et alors il s'en est fait trop; ou nos rojs y ont concouru, et alors il ne s'en est pas assez fait; ou l'on a fait mal.
De là tant de variations et d'incertitudes, tant d'obscurités et d'abus dans les matières ecclésiastiques. Il faut les avoir toutes parcourues comme j'ai fait dans un temps d'esclavage, pour se complaire, plus qu'un autre, daqs ce temps de liberté, à leur réforme générale et encore (l). Il
était réservé à l'Assemblée nationale de l'entreprendre, cette salutaire réforme, et de la finir avec succès, sans user de ces ménagements et de ces égards de mauvaise politique qui y ont toujours mis obstacle : il était temps que chaque pouvoir fût rendu dans notre gouvernement à son principe, à son caractère propre, aux seuls termes enfin de son institution, avec toute l'indépendance nécessaire dans son exercice; la nation u'a eu besoin pour cela que de transformer, en une pratique exacte et sincère, les démarcations tracées déjà tant de fois en belle et vaine théorie par nos meilleurs écrivains, par les ordonnances mêmes de nos rois ; car je ne voudrais pas employer d'autres pièces pour justifier tous nos décrets ; le règlement surtout du 24 mai 1766, que j'ai cité dans mon premier rapport; car certainement le ministère ecclésiastique une fois renfermé dans son objet tout spirituel et divin, pour lequel toute liberté comme toute protection lui sont dues, tout le reste appartient à la puissance séculière, sans en excepter la police exterieure de l'Egide, qui est donnée par les canons mêmes à Vévêque du dehors et au vengeur des règles anciennes.
Loin donc de prétendre, comme l'anonyme, que les deux puissances doivent concourir dans les formes du mariage; que l'une des ileux doit suivre les règlements de l'autre sur les empêchements et les dispenses, ce qui n'est bon qu'à produire de l'embarras et des difficultés, ce qui même n'est pas observé par l'Eglise, comme je l'ai prouvé par l'exemple des mariages des tifs de famille et de ceux in extremis, que l'Eglise reconnaît bons quand la loi civile les déclare nuls; loin, dis-je, de me rendre à cet avis, je ne trouve rien de plus sage que le règlement proposé par les comités, et qui tend à rendre les deux puissances plus libres encore, et plus indépendantes en cette matière de mariage qu'en toute autre ; et cela avec autant de fondement que de raison, parce que quelle que soit la doctrine, ou plutôt la pratique de l'Eglise à l'égard du mariage, il ne peut se faire qu'il ne soit toujours un contrat, un engagement passé entre des citoyens, sur l'état desquels la puissance civile a des droits très distincts de ceux que la puissance ecclésiastique a, ou peut avoir sur les fidèles, dans l'ordre surnaturel et divin de leur salut.
G'est là, ce me semble, une conclusion évidemment juste, ou bien l'indépendance dont on est convenu, et dont on parle tant, n'est qu'une chimère; j'en dis autant de la distinction ou de la différence dans la nature des deux puissances et de leurs objets ; si l'on confond te spirituel avec le temporel, l'ecclésiastique avec le civil, on ne sait plus quel usage faire de ces paroles : Redde Cœsari, quod est Cœsaris, etc. Nous naissons citoyens avant d'être chrétiens, et le baptême, qui nous régénère spirituellement, nous laisse encore citoyens.
Le mariage est d'autre part un symbole, un mystère, mysterium, comme il est dit dans la Vulgate, qui signifie l'union de Jésus-Christ avec sou Eglise; mais ce mystère, qui est en même temps un signe de la grâce sacramentelle, n'a de rapport qu'à l'état surnaturel des fidèles. L'Eglise est dans l'Etat, et non l'Etat dans l'Eglise; elle n'y a même été reçue que parce qu'elle a toujours annoncé que son royaume n'étant pas de ce monde, elle n'entendait préjudicier en rien à l'autorité, aux droits, aux lois et à la liberté des souverains et des peuples, en corps et en particulier, qui voulaient bien la recevoir ; la nation française l'a reçue comme tant d'autres peuples, pour leur plus grand bonheur sans doute; mais ils seraient bien trompés si ses ministres, admis et traités comme des anges de paix, comme les apôtres delà charité, se changeaient, comme les louveteaux.de la fable, en ennemis, dans leurs maisons hospitalières.
Gela est si vrai, que dans tous les temps les canons mêmes de l'Eglise, les règlements qui ne s'entendent pas ici des articles de foi sur lesquels il n'y a jamais eu que des déclarations à faite et point d'innovations ; les règlements, dis-je, de discipline, n'ont jamais reçu d'exécution en France que de l'agrément de nos rois, à qui tout pouvoir a toujours été accordé pour les admettre comme pour les rejeter, même après les avoir admis, quod semel potui, semperpossum; pour faire aussi de leur propre chef, et sans le concours, ni du pape, ni des evêques, des lois et des îèglements sur les mêmes objets de police ecclésiastique ; nos livres en sont pleins, et l'on y en trouve de t ls dont peut-être l'Assemblée nationale, aussi éloignée de l'irrévérence que de la superstition, n'aurait pas voulu se mêler. Mais c'était le roi qui parlait ; le roi, bienfaiteur
des prélats dont la voix seule pouvait se faire entendre dans l'Eglise gallicane; et on l'entendait souvent contre des arrêts des parlements; elle éclate en ce moment contre les décrets de l'Assemblée nationale ; celle même des curés, qui n'avaient jamais rien dit dans leur ancien état d'avilissement d'où nous les avons tirés, se joint en quelques lieux à celle des évêques. Mais, je le répète, c'était ci-devant le roi qui parlait, et jamais aucun prélat, aucun curé, en aucun temps et en aucun cas, ne lui a reproché son incompétence en ces matières; ils lui portaient, au contraire, toutes leurs questions à résoudre. La déclaration de 1741, qui fixe à vingt-cinq ans l'âge des curés; l'édit de 1768, qui recule l'âge de la profession religieuse; l'édit de 1749, qui règle les acquisitions du clergé; l'édit de 1764, qui supprime la société des jésuites, et tant d'autres qui contrarient ou changent les décrets du concile de Trente, n'ont trouvé de leur part que la plus parfaite soumission.
Le roi pouvait donc ce que la nation ne pourrait pas ; mais le roi donnait les prélatures qu'accompagnaient les richesses et les honneurs profanes dans toutes les provinces, dans toutes les villes du royaume, et la nation les a ôtées ou réduites 1 La nation a fait les réformes que le clergé lui-même aurait dû lui proposer, que le peuple attendait, et dont nos commettants nous avaient fait un devoir. Ces réformes, tant désirées et si nécessaires, ne sont évidemment qu'un bien ; elles ne touchent point à la foi, qu'elles ont respectée avec le plus grand soin ; et cela seul doit rassurer tous les esprits et toutes les consciences dans l'Eglise catholique. Mais ces réformes ont été faites sur les évêques et contre leurs intérêts, ou plutôt contre les abus dont ils profitaient (ne fût-ce que celui des commendes) et dont la foi même des fidèles était très pernicieusement scandalisée. Eh 1 voilà notre crime, voilà les torts de l'Assemblée nationale, le schisme, l'hérésie et l'impiété même dont on ne craint pas d'accuser publiquement ses décrets. Mais'que le clergé ne se flatte pas; ce même peuple, que nous représentons et que nous suivons dans son propre voeu, ne les en croira pas sur des calomnies qui deviennent absurdes à force d'être atroces.
Au surplus, tout cela n'est dit ici qu'accessoirement à l'objet de notre rapport, et pour l'à-propos des circonstances; car en admettant que la déclaration de mariage puisse se faire après comme avant la bénédiction ecclésiastique, ainsi que l'ont proposé nos censeurs eux-mêmes, toutes leurs censures s'évanouissent relativement à notre principale fin ; nous n'avons donc plus rien à en dire : mais, pour ne laisser sans réponse aucune de leurs imputations injurieuses aux comités mêmes, dans la personne du rapporteur, je crois pouvoir assurer, d'après mes précédentes explications, que nos censeurs ont eu le plus grand tort de nous accuser d'avoir proposé, dans notre projet de loi, un moyen pour peupler la société de concubinaires.
D'abord notre idée n'a jamais été de rien changer dans l'ancienne forme ecclésiastique; et cela seul nous méritait au moins quelques ménagements. Nous avions pensé, et nous pensons encore que très peu de catholiques se borneront à la déclaration de mariage devant la municipalité, d'autant que très peu d'entre eux ont trouvé jusqu'ici des difficultés pour être ou pour paraître dignes de la bénédiction nuptiale; ce qui n'est pas peut-être le moyen le plus heureux pour at-
tirer sur les époux les bénédictions et les grâces du sacrement.
Si d'autre part l'Assemblée nationale a jugé à propos, par les motifs les plus sages, de ne point déclarer formellement que la religion catholique est la religion de l'Etat, elle y domine dans le fait, son culte y est assuré, payé constitution-nellement par la nation, et certainement les moins religieux parmi ceux qui se marient ne voudraient pas plus à l'avenir s'afficher pour ne pas y croire ou la professer, par l'état même de leur mariage!
Quant à la difficulté imprévue de la matière douteuse, il me paraît qu'elle n'avait pas même besoin d'être levée par l'amendement reçu ; car la puissance civile statuant sur l'état civil* de ses sujets, et ordonnant que désormais cet état civil sera reconnu à une forme plutôt qu'à une autre, cela ne conclut absolument rien relativement au for intérieur des parties, pour les droits de l'Eglise sur leurs dispositions religieuses, d'après même, comme nous l'avons dit, ses propres empêchements; d'autre part, les parties ne sont pas plus gênées elles-mêmes, puisqu'on les laisse dans une pleine liberté de conscience à cet égard, comme à l'égard de tous autres actes religieux dont la puissance civile déclare en même temps ne vouloir point se mêler, ni même y déroger en aucune sorte.
Qu'il y ait dans ce système, ou dans cette pratique nécessitée par la nature même des choses, une contradiction entre les lois civiles et les lois ecclésiastiques dans leur double objet spirituel et temporel, le cas ou l'exemple n'en est pas nouveau, la prescription trentenaire met à couvert un usurpateur à qui l'Eglise ne fait pas pour cela grâce de la restitution. Alice leges papinianœ, alice leges ecclesice.
Faut-il, ne faut-il pas la bénédiclion ecclésiastique pour la validité sacramentelle du mariage? Je ne dois plus entrer dans cette question (où les théologiens voudraient toujours avoir raison, même contre le bon sens), après avoir établi que, dans l'un comme dans l'autre cas, la puissance civile pourra toujours se borner à considérer comme mariés légalement ceux qui auront déclaré leur mariage en la forme prescrite devant la municipalité, après comme avant la bénédiction de l'Eglise. Il est à croire encore que les catholiques les moins scrupuleux iront se marier à l'église, et dans les termes, et avec les qualités qu'elle prescrit, avant d'aller remplir la formalité que la loi civile exigera d'eux pour les mettre au rang de ceux qu'elle reconnaît pour époux et leurs enfants pour légitimes; d'autres pourraient, comme ils en ont le droit, aller à la municipalité avant d'aller à l'église; mais la loi ne faisant plus aucune défense aux curés de les marier saus qu'on leur rapporte la preuve de la déclaration devant les officiers municipaux, ils auront la prudence de ne pas même s'en enquérir et de bénir le mariage de tous ceux en qui ils ne reconnaîtront aucun empêchement ecclésiastique.
Cette légère correction à notre projet de loi paraît tout concilier; mais je dois l'avouer, et l'on peut m'en croire, je ne voyais pas autre chose dans la forme même du premier projet ; il ne m'est pas seulement venu dans 1 esprit, qu'en séparant le contrat du sacrement dans la double législation ecclésias ique et civile sur le mariage, je pusse êtie dans l'erreur, encore moins, sans doute, dans l'hérésie, comme on a osé me le reprocher, si peu, que, je dis à mon collègue, M. Lanjuinais, après avoir arrêté notre
dernière rédaction, et conclu la question préalable sur l'affaire du sieur Talma, que nous assurions à l'Eglise ses droits spirituels de manière à lui en rendre l'exercice plus libre et plus indépendant que ci-devant, espérant aussi que l'Eglise ou ses ministres, dans le nouvel ordre de leurs fonctions, en useraient de leur côté sans aucun esprit de contrainte et de domination, mais qu'au contraire, se prêtant, et prudemment et charitablement, au vœu général ae la nation, pour qui sont faits tous les établissements et civils et religieux, ils accommoderaient à l'avenir leurs rits et leurs usages, tant pour les empêchements et leurs dispenses, que pour le reste, aux formes civiles et politiques que sa nouvelle Constitution l'a mise dans le cas de prescrire sur le mariage en faveur de tous les citoyens de l'Empire français; ce qui doit se faire respectivement d'une manière si clairement déterminée, qu'il n'y ait plus désormais ni doute ni enjambement de droits et de pouvoirs en cette matière.
Par là même, on répond à la futile objection que le curé, député de Carcassonne, a faite contre le nouveau dépôt proposé pour les registres des mariages, des naissances et des décès. Il en sera encore, à cet égard, comme des formes et ecclésiastiques et civiles pour le mariage même ; les curés tiendront toujours les mêmes registres pour les bénédictions des mariages, les baptêmes et les sépultures ecclésiastiques. Les fidèles iront toujours à l'église, comme on y a été jusqu'ici pour tous les actes de religion, sans que le peuple s'aperçoive seulement de la différence que la loi veut mettre désormais dans la forme des preuves pour les naissances et les décès; à l'égard des mariages, il y aura quelque chose de plus sensible à cause de la publication et de la déclaration de mariage devant les officiers municipaux ; mais qu'importe cela aux curés, à leurs fonctions, à la tenue même des registres où ils en déposent la mémoire et les preuves? Ils continueront, jele répète, de tenir les mêmes registres, ils le doivent pour le bon ordre et leur propre devoir dans le gouvernement spirituel de leurs paroisses; mais ce ne sera plus sur ces registres ni sur leurs extraits, que les citoyens auront à établir les preuves de leur état civil, et de tous leurs autres droits temporels et politiques dans la société ; la preuve du baptême n'est pas souvent celle de la naissance ou de son époque précise, non plus que la sépulture ecclésiastique, celle du décès, surtout dans un état où par la nouvelle Constitution, tous les non-Catholiques français sont citoyens actifs. D'autre part, on a eu lieu de reconnaître plus d'une fois dans l'ancienne pratique que l'état politique des citoyens ne devait pas être dans une dépendance si absolue des formes de l'Eglise, ou des fonctions de ses ministres. Je ne citerai ici aucun abus en preuve, quoique j'en connaisse plusieurs et de divers genres; mais je me bornerai à dire qu'il est plus régulier et plus convenable que l'état civil des sujets d'un Empire, et ses preuves, ne soient pas à la disposition et dans la dépendance des ecclésiastiques. Or, si jamais il a été permis et juste de secouer ce joug pour un meilleur ordre dans la société, c'est en celte occasion où notre Constitution a fait des municipalités source mère de la souveraineté nationale, le foyer de tous les droits et de toutes les qualités civiles et politiques.
Que dans l'état actuel il y ait des municipalités de campagne où cette nouvelle forme de registre ne puisse être établie et exercée avec l'exactitude
que demande l'importance de son objet, cela changera avec le nouvel ordre que l'on se propose d'y établir par les réunions que l'intérêt même de ces petites municipalités exige pour leur propre administration, et en attendant on pourrait y pourvoir pour les registres dont il s'agit; mais que les curés ne s'inquiètent de rien, si la perte de leur domination paroissiale, dans cette partie de leurs fonctions, ne cause pas elle seule toute leur peine; on pourvoira à tout, à cet égard, ne fût-ce qu'en continuant de leur faire un devoir de tenir leurs propres registres en bonne forme, pour assurer toujours d'autant plus l'état des citoyens, parle contrôle, et sa plus grande preuve par doubles registres.
Répondrai-je à la critique maligne qu'on s'est permise contre mes expressions mêmes? Quand l'esprit est mal disposé, son jugement ne peut être bien juste. J'ai dit dans mon premier rapport « qu'il n'est pas de séduction dangereuse ni au-« trement fune;te à la société quand elle n'a que « le mariage pour terme et pour objet, c'est alors « un bien, et pour le public et pour la personne « même que l'on aurait séduite à si bonne fin ».
Cette phrase est précédée d'une autre qui aurait dû prévenir l'abus étrange qu'on en a fait; je parle dans la première, de la séduction qui combat les droits des père et mère, lorsqu'ils s'en servent pour retarder le mariage de leur lille. 11 ne s'agit pas là d'une séduction criminelle, et certainement je n'avais pas alors dans mon esprit le succès du vice contre l'innocence, mais la victoire de l'innocence même sur l'injustice des pères et mères, à qui toutes les lois font un devoir étroit de pourvoir à l'établissement de leurs filles. Le mot de séduction présente, à la vérité, uo mauvais sens dans sa lettre, par la signification la plus commune qu'on lui donne dans l'usage, surtout en cette matière, quoiqu'on l'emploie également à l'égard des filles que leurs propres parents séduisent pour les faire religieuses ou pour les engager autrement au célibat; ce mot présentait aussi par là-même un bon sens relativement à mon objet, il voulait dire autant que persuasion : mais si absolument le mot de séduction ne peut signifier dans tous les lieux, dans tous les cas, que le très mauvais sens que mes censeurs ont affecté de lui donner, je le désavoue.
Enfin, dans la conviction intime où j'étais et où je suis encore, que l'Assemblée nationale n'a fait et ne fera, ni par ses décrets, déjà rendus sur les matières ecclésiastiques, ni par ceux qu'on lui propose de rendre, aucune altération à la foi catholique, j'ai été on ne peut plus étonné de voir mon rapport affaibli par des ecclésiastiques, qui, les uns par ignorance et de bonne foi, les autres par malice ou par ressentiment, n'ont pas gardé, je ne dis point les règles de la charité, mais les bienséances les plus communes que l'on se doit et que l'on est en droit d'attendre plus particulièrement des ministres des autels. Le sieur Gour-dan, ancien curé d'Auvergne, a été jusqu'à m'ac-cuser, dans sa brochure, d'avoir reçu de l'argent des protestants. Les qualifications les plus odieuses m'ont été prodiguées par lui et par les autres.
Cependant, revenu un peu de ma première surprise, et pénétrant dans les causes de cette explosion, j'ai dit : C'est le clergé qui se plaint, qui s'exhale; les évêques, les prêtres sont des hommes comme nous, plus sensibles que nous, parce que dans leur célibat ils n'ont point à par-
tager comme nous leurs affections dans des familles.
Or, le clergé était ci-devant corps, ci-devant ordre,et premier ordre, ci-devant très puissant aux Augustins, ci-devant opulent, tenancier, seigneur, Monseigneur, grandeur, juge avec officia-litéj bras sécu lier, etc., te. Et tout cela n'est plus, tout cela a été renvoyé par l'Assemblé nationale au pied de là montagne de dessus laquelle l'état, les devoirs et les fonctions des prêtres ont été tracés en caractères divins, imprescriptibles et ineffaçables. (Fos estis sal terrœ. Matth. c. 5.) Il y à loin de ce pays au nôtre, et on les a pressés, pris comme au dépourvu pour faire ce long et pénible voyage. Ils étaient des prélats, et l'on veut qu'ils soient des apôtres. Le passage est certainement heureux, et les bons évêques en seront ravis; mais ce n'est pas en ce moment le plus grand nombre, et il faut pardonner à ceux-ci leur mauvaise humeur et leurs injures; elles ne seront probablement que passagères, etle bien que nous faisons restera. Quoiqu'ils en aient dit, un peuple est toujours . compétent pour faire ce bien, et pour le faire lui seul dans l'ordre même de la religion; car la véritable Eglise est dans le corps des fidèles, pour qui ses ministres sont faits, et de qui notre sainte religion ne veut que le salut spirituel, sans rien prétendre, ni sur les biens, ni sur les droits des peuples, encore moins sur leur souveraineté, la même que celle de César ou du peuple Romain, à qui Jésus-Christ lui-même ordonna de la laisser tout entière.
Eh l qu'il me soit permis de le dire ! Le clergé lui-même aurait dû le prévenir, ce bien ; il devrait au moins y concourir, au lieu de le traverser et de le combattre. Ce n'est pas ici le lieu de faire l'apologie des sages décrets qui l'ont produit : mais, relativement à notre sujet, je finirai par dire que ceux qui les improuvent ou leur insultent, manquent, ou de jugement solide, ou de zèle véritable.
D'abord, à l'égard de nos réformes bénéficiâtes, elles se défendent par elles-mêmes. On crie après nos suppressions; mais c'est sans examiner ni, les causes ni les effets, car elles n'opèrent que le bien en faisant cesser les plus grands maux. On a parlé du mariage des prêtres. (Je ne dirai rien du divorce sur lequel je ne puis avoir encore une opinion bien décidée avant les effets de nos principes sur le mariage.) Ici, on s'est bouché les oreilles. Cependant, Saiut^Paphnuce, qui avait passé 70 ans dans le célibat et dans le désert, opina pour ce mariage dans le concile de Nicée. Eh depuis 1 que nous apprend l'histoire, que nous ont appris nos yeux sur le parti contraire? J'avais proposé, dans un premier plan de rapport imprimé, que l'on mît à une plus longue épreuve la continence des clercs, qui est un pur don de Dieu (1), en ne les élevant à la prêtrise qu'à 30 ans, et supprimant le célibat forcé des diacres et des sous-diacres, dont plusieurs ne se feraient plus promouvoir au sacerdoce, s'il leur était libre, après ce premier engagement, d'y renoncer.
Peut-être que cela vaudrait mieux que le mariage, ou la continuation du célibat dans un âge et de3 fonctions qui font redouter aux pères et mères la confession pour leurs filles, aux maris pour leurs femmes, qui doivent la rendre plus redoutable encore aux jeunes confesseurs eux-mêmes. Car enfin il faut s'en expliquer ici contre ceux qui nous accusent d'impiété, lors même
que nous parlons et que nous agissons pour 1 honneur même de la religion, pour les intérêts de l'innocence et de la vraie piété. Qui d'entre nous n'est pas, à cet égard, beaucoup trop instruit? Je dis donc que le premier de ces moyens, la plus longue épreuve que j'ai proposée, et que le clergé lui-même pe-era dans ses prochains synodes, vaudrait peut-être mieux maintenant que les ecclésiastiques sont réduits à leur juste nécessaire, et pour leur traitement, et pour leur travail !
C'est une triste vérité qu'il y a d'autant moins de bons prêtres, que leur nombre est plus grand. Lés SS. Pères eux-mêmes nous l'ont appris : Multi sacerdotes, pauci saeerdotes, S. Jérôme. Le mauvais exemple est entre eux plus puissant que le bon, et cela est bien plus vrai des prêtres eux-mêmes vis--à-vis du peuple. Le scandale d'un seul fait plus de mal dans le monde, que la bonne conduite de plusieurs n'y fait de bien. Nous voilà donc par là même lavés de tous les reproches qu'on s'est permis contre nous au sujet de nos décrets concernant les religieux. -
On ne voyait pas les plus saints de ceux-ci dans les sociétés, et la mort civile des autres qui s'y rencontraient quoique, d'ailleurs estimables, les rendaient comme difformes à notre imagination. D'autre part, la contrainte des vœux en faisait quelquefois des désespérés, et c'était la loi même qui s'opposait à leur liberté, qui en autorisait le sacrifice et la perte à jamais. Or, c'était chez les Romains une maxime, qu'il valait mieux sauver un citoyen que tuer mille ennemis. N'y eût-il donc qu'un seul religieux dans les regrets sans retour et sans remède, après ses vœux solennels, c'était un citoyen égorgé par le glaive même de la loi et de la loi civile, uniquement faite pour défendre et sauver ses droits et sa liberté. Gela s'est fait vivement sentir dans l'Assemblée nationale, où parmi tous les droits des citoyens celui de la liberté qui est inappréciable, libertas res inœstimabilis, de regul, jur., a fait le principe et la fin de sa Constitution.
Ce n'est pas à dire pour cela que cette'Assem-b-lée, toute autant religieuse qu'elle doit l'être, méconnaisse le prix de la grâce, qu'elle improuve ou condamne la perfection des conseils évangéliques, l'exercice enfin de la pénitence et de la piété; mais voulant que tout tourne au profit commun de la société et de la patrie, dans tous les établissements religieux, qui sont tous de leur nature des établissements publics, elle a voulu aussi en bannir la contrainte pour n'y voir que des "gens de bonne et franche volonté, toujours maîtres d'en sortir avec une liberté qui, en les rendant plus dignes de notre confiance et même de notre estime, peut seule s'allier avec l'esprit et le caractère de notre nouvelle Constitution.
C'est ainsi que je réponds à ceux qui auraient désiré une exception pour les monastères de filles, auxquels on n'a pas à reprocher le même relâchement ou les mêmes désordres qu'à certains monastères d'hommes. Il y en avait aussi parmi les derniers de bien dignes de notre vénération. Sans faire injure à aucun, et en en regrettant même un très grand nombre, je citerai de nouveau la Trappe, et l'établissement isolé de Saint-Rruno, dans les montagnes du Dauphiné.' L'Assemblée nationale les conservera pour la même destination; je l'espère, ou je le désire, pour le bien de la religion et l'honneur même du monarchisme français autrefois, si célèbre, et cela, dans l'idée rassurante de Ja. liberté qu'au-
ront désormais tous ceux qui s'y rendront de leur plein gré, pour en sortir de même.
Il en serait autant pour quelques monastères de filles que Dieu appelle sensiblement à la retraite ou mêu e aux austérités de la pénitence, mais avec la même liberté et tous leurs droits civils que la loi ne permet plus à personne de perdre par la profession religieuse. Eh! à ce sujet, après la distinction que j'avais faite dans mon rapport entre les effets intérieurs et spirituels des vœux émis et à émettre devant Dieu, et les effets extérieurs et civils, mes censeurs auraient bien dû m'épargner sur cet articlel Ce n'est pas le premier exemple de monastères et même d'ordres religieux supprimés dans le royaume; et l'on n'osera pas peut-être, à cet égard, contester à la nation un droit que nos rois ont exercé de leur chef, et qu'ils avaient déclaré eux-mêmes avoir essentiellement dans leur puissance (1).
Il en sera donc aujourd'hui des religieux, en général, comme il en a été des religieux de ces monastères et ordres particuliers ci-devant supprimés. Le pape s'est toujours prêté à tous ces changements, à toutes les suppressions désirées ou ordonnées par les rois de France, en donnant toutes les bulles et tous les brefs de dispenses et sécularisations nécessaires aux religieux de ces monastères et ordres religieux supprimés. Eh! pourquoi ne s'y prêterait-il pas sur le vœu, sur la loi même de la nation entière, qui n'a pu procéder autrement que comme elle l'a fait, en se confiant, pour tout ce qui peut intéresser la tranquillité et la liberté de conscience, dans la charité paternelle et la prudence du souverain pontife?
La nation en a fait autant en faveur de nos évêques; elle s'est également confiée en leur bienveillance pastorale pour l'exécution de tous les décrets concernant les matières ecclésiastiques ; elle a cru et dû croire qu'animés du véritable esprit de leur état, ne voyant, dans lous les décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, rien contre la foi, et qued s réformes très sages, ils se feraient un mérite d'obéir à ces lois nouvelles pour en donner l'exemple aux peuples ; elle a pensé que les premiers pasteurs s'oublieraient eux-mêmes, leurs dommages particuliers, pour s'accommoder au vœu général de la nation, ou plutôt à la dévotion louable du corps entier des fidèles, qui forme proprement lui seul, en France, ce qu'on y appelle l'Eglise gallicane; car c'est pour lui, et pour lui seul, que sont faits les miuistres (2) ; ils n'ont été envoyés du ciel que
pour nous, que pour notre salut. Ainsi donc, qu'à l'exemple de Saint-Paul, ils se fassent tout
à nous pour nous tous sauver; et qu'au lieu de chicane contre nos décrets par le faux et injuste moyen de l'incompétence, ce qui, dans ce siècle instruit, n'est bon qu'à faire soupçonner un esprit de domination devenu plus odieux aujourd'hui que jamais, que dis-je, au lieu de nous opposer, dans l'imprimé qui vient de paraître, untableau des règles ou des anciens usages,en place du tableau des abus multipliés, qu'on en a faits, ils fassent généreusement le sacrifice de leurs vaines prétentions, à la tranquillité générale et à la paix particulière des consciences.
Ce n'est point ici un complot prémédité, c'est une révolution qui, comme un torrent, a soudain tout inondé pour tout laver ; c'est l'éveil terrible du tiers état, qui, sorti d'une longue et dure servitude, craint d'y retomber et s'en défend par tous les moyens, sans néanmoins qu'aucun ne blesse ni la justice, ni la religion; ce qui n'est qu'admirable! Et en effet, dans la première As-emblée nationale, le peuple français a formé comme un peuple nouveau, et il a voulu se constituer. L'a-t-il pu solidement, heureusement, si ce n'est en se régénérant tout entier, c'est-à-dire en déracinant tous les abus et particulièrement ceux dont l'Eglise elle-même gémissait? Or, l'Assemblée nationale en a agi, à l'égard de ces derniers, avec la plus grande réserve pour tout ce qui était l'objet de notre culte et de notre croyance; elle n'a pas proposé de nouvelle profession de foi, VEcthese d'HeracIius, la condamnation des trois Chapitres, etc.; mais un plan de réforme économique et sage que lui a prescrit sa Constitution ; comme elle a exigé les formes électives et civiles et ecclésiastiques où la nation n'institue ni ne confirme; ce qu'il faut bien remarquer, car tout le reste n'est proprement qu'une présentation de patronage qui remplace la nomination du roi pour les évêf hés, et donne encore moins de pouvoir pour les curés, que n'en avaient ci-devant de simples collateurs-laïcs ; de plus, ceux-ci faisaient leur choix pour les autres ; tandis que le peuple n'élit des pasteurs que pour son compte, pour le grand intérêt qu'il a a leur gouvernement et à leur mérite. En vérité, je respecterai toujours le zèle de ceux qui craindront pour notre sainte religion, la seule bonne, la seule véritable; maisjene saurais ne pointen condamner ici l'excès et l'aveuglement. Il n'est pas certainement, selon la science (1), car il est tel que nos adversaires ne veulent point absolument que nous ayons raison sur rien, pas même sur d'autres objets qui rie touchent point à leur profession ; et cela parce que, refusant d'y concourir, nous nous sommes passés d'eux. Il n'y a là ni justice, ni
discrétion ; et puisque c'est visiblement un parti pris de leur part, il nous reste à en prendre un, celui de laisser mal parler et mal écrire tous ceux qui ne nous empêcheront pas de bien agir et de bien finir, comme nous avons bien avancé notre immortelle Constitution.
Au surplus, je ne saurais finir cette cause, sans dire un mot en explication du concile de Trente, qu'on nous oppose sans cesse. Ce concile, assurément très respectable, a fixé notre croyance sur les objets de notre foi, qu'il a décrétés ou a déclarés dogmatiquement; mais ses décrets sur les objetsde discipline sont restés soumis à toutes les dispositions de nos propres lois; et par ce mot de discipline, je n'entends pas les rits, ni les cérémonies de l'Eglise, ni même les règlements nouveaux et intérieurs des ecclésiastiques, relativement à leur ministère, à leurs devoirs et à leurs fonctions; ce qui, quoique très mobile et très susceptible de modifications, selon les temps et les lieux, n'appartient qu'au gouvernement intérieur et spirituel de l'Eglise; et c'est à quoi aussi l'Acsemblée nationale n'a point touché; elle a sagement renvoyé ces objets aux soins et à la sagesse des synodes (1), qui doivent avoir lieu d'après sa constitution, et où l'on espère que les évêques et les curés, en conservant dans la li-thurgie les points essentiels et communs avec l'église de Rome, centre de l'unité catholique, ils la ramèneront, autant que faire se pourra, à un mode uniforme, dans tous les diocèses français; et voilà la sorte de discipline, dont l'Assemblée nationale a cru ne devoir pas se mêler..
Mais, cette discipline extérieure de l'Église, qui se trouve nécessairement liée à l'ordre civil, temporel et politique, c'est celle que l'Assemblée nationale a cru et dû croire de sa compétence, du ressort même de la Constitution, dont elle fait une partie capitale et très conséquente. Nos rois, comme je l'ai dit, en ont disposé eux seuls par leurs ordonnances. Eh I quelle raison pour en accorder moins à la nation qui se constitue? Si certains points, réglés par le concile de Trente, ont été adoptés par les ordonnances d'Orléans et de Blois, la nation n'est pas plus engagée pour cela à les maintenir; elle peut changer ou révoquer ce qui a été ainsi disposé parcesordonnances, comme par toutes les autres; et elle le peut à la manière et sous le rapport de sa Constitution, de sa législation, sans le concours ni du pape, ni des évêques, à qui est toujours réservé l'enseignement doctrinal et le droit de statuer sur les objets purement spirituels et intérieurs de la discipline ecclésiastique.
C'est là, Messieurs, une distinction ou une explication devenue nécessaire contre l'objection qu'on nous fait et qu'on nous répète vaguement de notre incompétence, en disant même que la simple discipline ecclésiastique est de la compétence exclusive de l'Église ou de ses ministres," ce qui n'a point de raison et n'aurait aucun terme. L'Assemblée nationale est trop éclairée, et en même temps trop instruite pour ne pas faire cesser ou pour ne pas prévenir, par des bornes fixes et justes, cette honteuse et funeste guerre d'autorités, qui a tant fait gémir nos pères et qui n'aurait jamais dû s'élever entre deux puis-
sances établies de Dieu, chacune selon sa fia, pour le bonheur des hommes.
Ou regrette et on nous oppose l'antiquité de cette Église et de cette autre; mais est-ce de murs ou de mœurs, de la lettre ou de l'esprit, qu'il s'agit dans la loi de grâce ?Ces murs mêmes déposent contre le relâchement qui les a fait abattre ; ils dénoncent eux-mêmes les abus d'une nouveauté, qui seule devait exciter le zèle de nos prélats, et non l'heureuse nouveauté de la Constitution, qui, en réduisant les diocèses et le clergé,ne fait que rétablir l'ancien ordre; car les anciens canons défendaient de multiplier les évêchés, d'ordonner des prêtres au delà dubesoin. Ce dernier usage s'est même conservé jusqu'au douzième siècle, où commencèrent les ordinations vagues et sans titre, dont M. Fleury a fait l'une des principales causes de la décadence dans les mœurs et dans la discipline de l'Église. Les laïques, dit ce judicieux historien, s'empressaient de se faire clercs, pour jouir des privilèges sans nombre attachés à la cléricature, et les évêques les ordonnaient pour étendre leur juridiction; if en fut bientôt autant et plus desordres religieux par rapport au pape et à son autorité ; tandis que, sous nos anciens rois, il fallait leur permission pour se faire ecclésiastique; ce qui est ici très remarquable, ainsi que l'origine et l'ancienneté de serment de fidélité que prêtaient ci-devant les évêques à nos monarques ; ces deux choses très constantes servent à prouver que l'Assemblée nationale n'a rien fait qu'elle n'ait pu et dû faife pour s'assurer que désormais le gouvernement ne trouvera, dans les ecclésiastiques, que de bons citoyens, et les peuples que de bons pasteurs: talispastor^talispopulus^).
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Rapport (2) sur Vaffaire du sieur Talma, comédien français, par M. Durand-Maillane (3),
— (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, après ce que nous venons d'exposer dans le précédent rapport, sur les empêchements et les dispenses de mariage, les comédiens, que l'Assemblée nationale a déclaré citoyens actifs, pourraient se borner à la forme civile de leur mariage; mais s'ils veulent le revêtir de la bénédiction ecclésiastique qui en fait un sacrement, c'est alors une question qui serait bientôt décidée, si on ne la jugeait que par la règle^générale éta-
blie et reçue en France; savoir que nulle censure spirituelle ne peut extérieurement frapper un citoyen, quand elle n'est pas prononcée contre lui par un jugement dans les formes requises, et c'est ce qui ne saurait être opposé au sieur Talma, dont la réclamation a été portée à l'Assemblée nationale, et renvoyée par elle à ses deux comités réunis de Constitution et ecclésiastique, pour lui en faire le rapport.
Le curé de Saint-Sulpice, qui a refusé de publier les bans du mariage du sieur Talma, se fonde, sans doute, sur les défenses portées par les lois de l'Eglise, d'admettre à la participation des sacrements ceux qui professent en général l'état de comédiens : il se fonde sur ce que le jugement particulier de chacun d'eux se trouve déjà prononcé par une loi commune à tous ceux qui se trouvent dans l'état qu'elle a désigné et prévu, c'est-à-dire qui exercent une profession dénommée dans la loi, où sont exclus de la participation aux sacrements, tous ceux qui l'exercent, ce qui, ajoutera-t-il, s'est toujours pratiqué et observé dans l'Eglise.
Il faut convenir que, par une suite de la même distinction entre le contrat civil de mariage et la bénédiction ecclésiastique oui en fait un sacrement, la puissance spirituelle qu'on a admise dans l'Etat, et qu'on n'a pu admettre qu'avec l'indépendance de son exercice dans l'objet principal et divin de son institution, cette puissance doit être aussi libre dans la dispensation des sacrements pour le bien particulier et spirituel des fidèles, que la puissance temporelle dans les effets civils du contrat de mariage, pour le bien général et particulier des citoyens : sous ce double rapport, le curé de Saint-Sulpice n'aurait fait qu'user de son droit, n'aurait même fait que son devoir en refusant de bénir le mariage du sieur Talma, comme comédien.
Si celui-ci est citoyen actif, si son état est autorisé parla loi civile? par la protection et les faveurs mêmes du souverain, tout cela n'est que civil, et ne saurait lui donner l'aptitude qu'il n'a pas pour les sacrements de l'Eglise, dont ses ministres sont les gardiens, et doivent être les dispeasateurs fidèles.
Sur ces principes les plus simples, et les seuls que l'on puisse mettre en avant pour ne pas s'engager dans une discussion théologique, la question du sieur Talma se réduit à ce seul point : s'il faut que la censure par laquelle le curé de Saint-Sulpice veut l'exclure de la participation aux sacrements, ait été prononcée contre lui par un jugement particulier ; ou bien s'il suffit que, par sa profession, il se trouve évidemment dans le cas général de prohibition prévu et exprimé par la loi.
Cette question de forme a besoin de quelques réflexions sur le fond.
C'est bien une vérité de fait, et assez convenue, que les comédiens sur qui l'Eglise a fait tomber en général ses censures, et qu'elle n'a plus révoquées, ne sont pas ceux de notre Théâtre-Français ; ces derniers ne sont pas ces histrions, ces farceurs que les conciles d'Arles et d'Elvire, et d'autres après eux, ont excommuniés : car ceux-là ne donnaient sur leur théâtre que des scènes très funestes aux bonnes mœurs, et peut-être à la religion; tandis que sur notre Théâtre-Français, ce n'est, depuis longtemps, que, ou le triomphé de la vertu, ou le malheur des passions, ou enfin la honte ou la peine du ridicule; ce qui fait comme l'école du monde, où l'on va s'instruire agréablement, et rire quelquefois de soi sous l'image d'un autre.
On trouve encore assez extraordinaire, et peu conséquent, que l'on écarte des sacrements de l'Eglise le comédien qui joue la pièce, et que l'on y admette celui qui l'a composée. Il n'est pas, dit-on, à ce sujet, jusqu'à l'orchestre, jusqu'à l'auteur du ballet et à tous ceux qui s'emploient au service, à l'habillement des acteurs, il n'est pas même jusqu'au parterre et aux loges qui, complices du même délit, si délit peut y avoir, ne soient coupables ou dignes de la même peine; et cependant, tous ceux-là n'éprouveraient pas, comme le sieur Talma, le même refus dans leurs paroisses.
Si c'est, ajoute-t-on à l'égard des comédiens, parce que, dans leur état, ils mènent une vie trop libre avec les comédiennes; raison de plus pour les tirer tous du libertinage par les liens et les secours du sacrement de mariage, surtout, depuis que leur profession a été comme légitimée par le gouvernement : caries censures de l'Eglise ont dû nécessairement perdre de leur force dans l'opinion, par les lettres patentes du roi très chrétien, et bien plus, par les nouveaux décrets de l'Assemblée nationale, qui assimilent les comédiens à tous les citoyens actifs, sans distinction, pour tous les emplois dans la société. Or, établir vainement des peines, c'est avilir et le législateur et la loi.
Il paraît, en effet, bien difficile à concevoir que, d'après nos décrets, les comédiens participant à tous les droits de citoyens actifs dans la société, et professant la même foi dans la religion, soient exclus de la participation aux sacrements de l'Eglise, uniquement parce qu'ils sont comédiens. Si c'est parce que nos spectacles, tout dégagés qu'ils sont de farces licencieuses, se trouvent encore fort dangereux à l'innocence, comme l'a très bien prouvé l'auteur même que l'on révère tant dans cette Révolution, il serait, à défaut, peu de sociétés d'hommes et de femmes dans le monde où il n'y eut autant et peut-être plus de dangers pour les mœurs. Les mauvais livres font plus de ravages encore; et cependant l'Eglise, tout en les condamnant, ne frappe pas das mêmes censures ni ceux qui les font, ni ceux qui les impriment, encore moins ceux qui les lisent.
On finit par dire, en faveur des comédiens, que les sacrements sont un bien spirituel dont aucun lidèle ne doit être privé par la disposition,d'une loi générale qui, ne distinguant ni les cas ni les espèces, confond l'innocent avec le coupable.
II est difficile que toutes ces raisons ne prennent pas de grands avantages sur notre jugement, dans la question dont il s'agit; cependant, Messieurs, il faut, sur toutes choses, être d'accord avec nous-mêmes, avec nos principes : nous les contrarions évidemment, si eu admettant la religion catholique, en la professant hautement, nous méconnaissons son indépendance, si nous ne nous soumettons à ses lois dans tous les objets spirituels et sacrés de sa divine institution. L'Eglise elle-même est liée par les lois de l'évangile; et ses ministres, qui en sont comptables et à Dieu et aux hommes, seraient indignes de leur dépôt, s'ils en changeaient la destination, s'ils le profanaient.
Chacun connaît ces grandes règles, et il est digne de l'Assemblée nationale d'en fixer sagement et invariablement les termes pour en prévenir l'abus.
Dans les principes mêmes de notre Constitution, la loi civile ne doit rien voir dans le mariage au-delà du contrat ou du consentement public des parties qui le valide. La nation a prescrit une
forme nouvelle dans le choix des ministres de l'Eglise; elle a fait, dans le clergé, dans ses possessions, toutes les réformes qu'elle a jugées convenables et nécessaires; elle a voulu, enfin, rétablir le clergé tel qu'il était dans les beaux jours de l'Eglise; elle n'a fait en cela que le bien,elle a dû le faire, elle l'a pu : mais son pouvoir, si étendu qu'il soit, a ses bornes dans les matières religieuses. Nous pourrions citer une décision célèbre, qui, dans ces derniers temps, les a posées très justement (l'arrêt du conseil d'Etat du roi, du 24 mai 1766); mais nous en poserons nous-mêmes, et de plus sûres, peut-être, sur l'objet particu-lierde notre question,en séparant,dans le mariage, le contrat qui suffit aux yeux de la nation, d'avec le sacrement où la nation n'a rien à voir. Qui donc, d'entre les catholiques, veut le recevoir, ce sacrement, doit en être digne aux yeux de l'Eglise qui le confère. Quand la nation a réduit ses ministres aux s.aintes fonctions de leur ministère, elle n'a pas entendu leur en prescrire les devoirs ni l'exercice ; quand elle les a mis comme étaient les apôtres, la nation n'a pas entendu leur laisser moins de liberté dans la dispensation des sacrements, qui sont les canaux de la grâce et les grands moyens de notre salut; enfin, après une aussi heureuse réforme dans l'état du clergé, les fidèles ne sauraient eux-mêmes se soustraire aux plus pures lois de la religion qu'ils professent. D'accord avec nous, après avoir condamné les possessions agricoles et temporelles du clergé, nous lui assurerons tous ses droits spirituels, et leur libre usage dans l'indépendance de l'autorité sainte qui lui est confiée. Sans doute que l'Assemblée nationale pourvoira, dans sa sagesse, aux abus des théâtres populaires; qu'elle fera même des lois pour mettre les autres dans un tel état, qui les sauve des censures dont l'E'4ise les frappe tous indistinctement; mais jusqu'alors, l'Assemblée nationale doit laisser la cause du sieur Talma aux termes des lois ecclésiastiques. Celles-ci ne confondent point, dans cette espèce, l'innocent avec le coupable; et le curé de Saint-Sulpice est en règle, dès que le sieur Talma ne se présente à lui, pour recevoir le sacrement de mariage, que dans l'aveu de la profession censurée par l'Eglise : alors cet aveu tient lieu de preuves, et vaut, à l'égard de la partie, un jugement particulier dont elle n'a pas à se plaindre, parce qu'elle s'en prend à la loi même qui subsiste, et que son exécuteur ne peut ni interpréter ni changer. Mon avis particulier est donc, sur la question présente :
Que, abstraction de l'état du sieur Talma, ainsi que de toute autre profession dans la société, tout mariage soit valable aux yeux de la loi, par la seule déclaration qu'en feront les parties dans la forme que la loi même leur prescrira; qu'en conséquence, les empêchements de mariage relatifs aux causes purement civiles et politiques soient réglés par la loi elle-même, de manière que ni l'Eglise, ni la puissance civile n'en accordent de dispense à personne dans aucun cas; laissant au surplus, pour tout ce qui ne regarde que l'administration religieuse du sacrement, les ministres de l'Eglise dans le droit et la liberté de la régler, comme ils trouvent meilleur pour le salut des âmes et la plus grande gloire de Dieu : Cœsaris Cœsari, Dei Deo.
Partant, il n'y a lieu de délibérer sur l'affaire du sieur Talma.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Rapport sur la saisie des traitements accordés au clergé futur, par M. Wurand-Mail-lane (1). — (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, avons-nous, sur cette question, autre chose à dire, si ce n'est qu'il en doit être de ces traitements, comme il en est des portions congrues des curés, suivant la dernière jurisprudence de tous les tribunaux dans le royaume?
Sans doute que tout ce qui est pension alimentaire, n'étant accor lé qu'au besoin et réglé sur la subsistance, ne doit pas être exposé à une saisie qui donne la mort au pensionnaire, en le privant des aliments nécessaires à la vie; mais les traitements en général que l'Assemblée nationale a faits aux ministres des autels sont tels qu'on peut en détacher une partie pour leurs créanciers, sans les faire mourir de faim; on le doit à la justice qui semble crier plus haut contre les prêtres, en qui des créanciers ont pu mettre plus de confiance, exposés d'ailleurs à l'accident toujours possible de leur mort, s'ils n'ont que leur traitement pour toute fortune.
D'autre part, les prêtres ont pu aussi contracter comme tous les citoyens; mais engagés à des fonctions publiques dont ils sont comptables au public, ou dont l'exercice les tient comme liés dans leur état à là société, ils ne doivent jamais se mettre dans le cas de ne pouvoir s'acquitter envers elle; de sorte que, quelle que soit la nature des créances qu'ils ont prises à leur charge, les créanciers n'auront jamais que le tiers de leurs traitements à réclamer pour leurs payements; et comme la loi qui doit fixer cette partie du traitement des prêtres, pour l'assurance de leurs créanciers, n'aura en vue que de réserver la portion convenable et absolument nécessaire à leur subsistance, les créanciers auront une action pour les arrérages du même traitement, s'il est possible qu'il s'en rencontre à l'avenir, puisque l'on ne vit plus dans le passé : Non vivitur in prceteritum.
Projet de décret.
« Le traitement que l'Assemblée nationale a réglé pour le clergé futur ne- pourra être saisi par des créanciers, que jusqu'à la concurrence du tiers, à moins qu'il ne se rencontrât des arrérages, lesquels pourront être saisis dans leur totalité. »
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Des moyens de remédier a la rareté du numéraire, par M. Dnval d'Eprémesnil, en réponse à la motion de M. le marquis de Montesquiou,-du 17 mai 1791, sur le même sujet.
« Nous manquons de numéraire : la fortune publique est en danger : ce n'est plus l'argent qui
gagne, ce sont les assignats qui perdent : cette perte devient insupportable pour le commerce : les manufactures n'y résisteront pas : chaque semaine, le prix du change baisse à notre préjudice. Il n'est pas question de disserter, mais d'agir. Cent millions d'assignats ne suffisent point : une forte émission de monnaie de cuivre ne suffit point : tout est perdu, si l'opération la plus rapide n'assure pas les moyens de convertir, dans tout le royaume, un assignat quelconque en fractions d'assignats, et les fractions d'assignats en petite monnaie sans perdre de temps ni de valeur. »
Telles sont les confidences que nous adresse enfin M. le marquis de Montesquiou; telles sont les mesures qu'il nous propose. Nous verrons ses moyens. Quant au principe, il serait exact s'il était complet. Mais la possibilité de convertir au pair les petits assignats serait insuffisante. Il faudrait élever cette puissance à tous les assignats, sans exception. C'était là que tendaient mes propositions du 29 septembre dernier. On ne peut se défendre d'un sourirede pitié au souvenir de toutes les bêtises que ces propositions ont essuyées. Le temps de les juger approche. M. de Montesquiou revient à mon principe, du moins pour les assignats de cinq livres : Passons à son moyen d'exécution.
Ce moyen, selon lui, sûr, prompt, facile, unique, « c'est d'associer à une grande émission de petite monnaie de cuivre, la multiplication d'ér iablissementsparticuliers, tels qu'àLyon, lesquels sous l'approbation de l'Assemblée, et sous la surveillance des corps administratifs, se chargeraient de mettre en émission des fractions d'assignats de cinq livres, et de les donner en échange contre des assignats nationaux, à la charge par eux de fournir des cautionnements suffisants pour la sûreté de leur gestion, et à la condition expresse d'acheter aux Monnaies la quantité de sous nécessaire pour entretenir l'échange à bureau ouvert desdites fractions d'assignats contre des sous. » C'est ainsi que M. de Montesquiou s'est exprimé dans son discours : certain que le troisième article de son projet est rédigé.
Je ne sais, en vérité, s'il a compté sur une réfutation sérieuse.L'habile administration! L'heureuse nation ! Avec deux millions de numéraire, le crédit public était anéanti : avec douze cents millions d'assignats depuis deux mille francs jusqu'à cinquante, représentés, nous disait-on, par des immeubles nationaux, le commerce périt, l'agiotage nous dévore, la nation se ruine, les besoins deviennent tous les jours plus alarmants ; expressions fi lèlement tirées du discours de M. de Montesquiou I Mais avec des assignats de cinq livres pour cent millions, et des sous pour quarante, quelques maisons particulières, honorées d'un seul mot approbatifde l'Assemblée nationale suppléeront par leur crédit à celui que n'avait plus la nation elle-même, au milieu de ses richesses et dans toute sa gloire. J'en demande pardon aux inventeurs, aux protecteurs de cette motion ; de quelle maison d'aveugles, privés de guides l'a-t-on jetée dans un monde où les yeux sont ouverts?
Je le dis depuis longtemps, je le pense plus que jamais. Il est toujours pour ma triste patrie des. moyens de salut. Mais le premier de tous, mais celui sous lequel nul autre, à mon avis, n'est praticable, c'est que l'Assemblee, faisant sur elle-même un noble effort, et prévenant sa chute inévitable, veuille bien se recueillir, se repentir, se séparer. Tant qu'elle subsistera, la guérison des esprits échauffés par ses maximes, autorisés par
ses exemples, est impossible : les meilleures lois seront mal entendues et mal exécutées. Le laboureur le moins intelligent r«e confie point ses semences à des terres chargées de ronces. Prétendre composer avec la majorité est une erreur digue de larmes. Des gens de bien y donnent, dans cette erreur, je le sais. Mais, si le raisonnement ne les ramène pas, la plus triste expérience les instruira. Les vrais sages ne sont point ceux qui transigent sur les principes, mais ceux qui ne sacrifient les principes à personne, sujets persévérants et citoyens généreux, sans ambition comme sans crainte;
On ne doit pas qualifier de parti, des hommes fidèles à leur mandat, des hommes dont la vertu croît avec le péril ; qui veulent une monarchie de la façon des Brienne, qui veulent une monarchie, mais non pas une monarchie de la façon des Jacobins, qui veulent une monarchie, et non pas quatre-vingt-trois lambeaux de République ; république immorale, république impuissante, qui fait horreur aux hommes justes, qui fait pitié aux hommes libres. On n'a que trop fléchi sur cette vérité fondamentale que l'Assemblée est sans pouvoir. 11 faut y revenir. Tous ses décrets, tous nos malheurs étaient renfermés dans l'arrêté fatal, pris inconséquemment le 17 juin 1789, par un seul ordre. Qu'on abjure cet arrêté : qu'on revienne franchement à ces maximes si pures et si bien éprouvées, contre lesquelles ont toujours échoué, dans nos crises publiques, les deux esprits qui déchirent aujourd'hui le-royaume, l'esprit de sédition et l'esprit d'impiété. Que chaque parti,-que chaque société, que chaque citoyen, pour ainsi dire, ne vienne plus nous apporter sa Constitution ; que les uns ne disent pas : nous voulons deux Chambres, les autres deux sections de la même Assemblée, d'autres encore une Assemblée unique. Le roi et les trois ordres, le rpi et ses cours souveraines, le roi et son conseil, le roi et son armée, telle est la Constitution française. Que ceux qui la niaient, aux premiers jours des Etats généraux, montraient d'ignorance ou de mauvaise foi ! Que ceux qui sont venus pour la détruire, armés du contrat social, ou de leurs idées anglaises, ou de leur obscure et folié métaphysique,, connaissaient mal et l'auteur qu'ils citaient, et le modèle qu'ils proposaient, et les principes qu'il employaient, et surtout la nation qu'ils prétendaient régénérer 1 A quels regrets I à quels remords ne sont-ils pas réduits? Le roi renonçait aux lettres de cachet, les deux premiers ordres à leurs privilèges pécuniaires, les cours souveraines à. toute l'autorité qu'elles .pouvaient abandonner, sans compromettre la puissance royale, la police du royaume, et. l'administration de la jusiice., Que voulaient-ils de plus les auteurs de l'arrêté du 17 juin ? Que voulaient-ils de plus les ennemis de la déclaration du 23 ? Que voulaient-ils de plus, les moteurs du serment du Jeu de paume? Ce qu'ils voulaient, vous le voyez, vous i'éprouvez. A-t-on publié assez de rêveries? A-t-on commis assez de fautes ? Méprisons les unes, réparons les autres, ne restons pas dans ces abîmes où de faibles tyrans, qui se moquaient secrètement de nous, prétendent nous retenir; revenons au roi, aux trois ordres, à là magistrature, à nos cahiers; demandons ce qu'ils ont de conformes : ajournons à des moments plus calmes ce qu'ils ont de contraires ; et le rétablissement religieux de toutes les propriétés deviendra pour nos finances, maintenant désespérées, la base d'un nouveau plan, qui ne consistera plus dans le bizarre assortissement
d'assignats'dé cent sous, de pièces de cuivre, et de maisons de banque. Pénetrons-noUs de cette vérité : sans la paix, sans la justice, sansla vraie liberté, nous ne verrons jamais rentreren France, le numéraire. Or, la paix, la justice et la vraie liberté sont à jamais incompatibles avec notre modeste Constitution. L'Assemblée qui nous goii-verne, et tous ses comités et tous ses orateurs, ne nous rendront jamais, ne peuvent pas nous rendre, ces biens que nous avons perdus.
Paris, le 22 mai 1791.
Signé: duval d'éprémesnil.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté.
Messieurs, je reçois une lettre du nouveau ministre de.la marine; je vais en donner lecture à l'Assemblée :
« Monsieur le Président,
« Au moment d'entrer dans une carrière nouvelle pour moi, et de prendre les rênes d'une administration importante, mon premier devoir est d'offrir à l'Assemblée nationale l'hommage de mon dévouement et de mon attachement à la Constitution. Je n'oublierai jamais que tous mes instants sont consacrés à la chose publique, et que tous mes efforts doivent tendre à faire exécuter et respecter les lois;
Je ne me dissimule pas, Monsieur le Président, combien la tâche qui m'est imposée est devenue pénible; mais en envisageant les obligations et les devoirs d'un ministre dans des circonstances aussi difficiles, j'ai pensé, en même temps, que je devais faire abnégation de tout sentiment qui me fût personnel, pour me dévouer exclusivement au service de l'Etatê et je n'ai écouté que mon zèle et mon patriotisme; Si mes efforts peuvent obtenir quelque succès, si l'Assemblée nationale daigne rendre justice à la pureté de mes intentions et m'accorder sa bieuveillanCe, j'oublierai les peines attachées à l'état que je vais émbrasser ; et les témoignages de sa satisfaction deviendront la plus douce récompense de mes travaux. (.Applaudissements.)
Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur, Signé : thévenard.
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre au procès-verbal).
M. Buissart, de l'Académie d'Arras, fait hommage à l'Assemblée d'un mémoire sur l'invariabilité des bornes champêtres.
(L'Assemblée agrée l'hommage de ce travail et en renvoie l'examen à son
comité de commerce et d'agriculture.)
Adresse de MM. Broussart et Fitre, négociants-commissionnaires de la ville de Pons, qui proposent leurs doutes et leurs vues sur un article du tarif des douanes, relatif au transit des eaux-de-yie étrangères.
(Cette adresse est renvoyée au comité d'agriculture et de commerce.) '
Lettre de M. Vauvinau, qui soumet à l'Assemblée le plan d'un établissement qu'il a formé pour établir dans Paris l'équilibre entre les assignats et l'argent.
(Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
Lettre des membres du directoire du département de Paris, qui sollicitent un décret qui les autorise à rassembler les électeurs pour procéder à la nomination des places de juges, ^vacantes par mort et démission, dans le tribunal du premier arrondissement de cette ville.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
Pétition de M. Moreau, cirdevant évêque de Mâ-'con, qui demande à conserver, pendant sa vie, un logement dans les bâtiments de l'évêcbé.
demande le renvoi de cette pétition au comité ecclésiastique.
(Ce renvoi est décrété.)
Un membre propose d'étendre aux juges supprimés la faculté d'être éligibles, en concurrence avec les employés de la ferme, pour les places de la régie.
; (L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur cette motion.)
Monsieur le Président, je prie l'Assemblée de s'expliquer et de dire si ce sont les commissaires qui ont surveillé la fabrication des premiers assignats qui seront chargés de prendre les mesures convenables pour faire fabriquer le Impier destiné, d'après le décret d'hier matin, à a confection de nouveaux assignats. (Oui! oui!)
(UAssemblée, consultée, décrète l'affirmative.)
, au nom du comité d'emplacement, présente :
1° un projet de décret autorisant le directoire du département de la Moselle à louer une partie des bâtiments de Vancien gouvernement de Metz pour son emplacement.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
«; L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de la Moselle à louer, aux frais des administrés et à dire d'experts, le rez-de-chaussée, les caves dessous et rentresol de l'aile gauche des bâtiments de l'ancien gouvernement ae Metz, pour s'y placer, à la charge de verser le prix du loyer dans la caisse du district ;
L'autorise pareillement à fairé faite les réparations et arrangements intérieurs, et à faire pro-céderà l'adjudication au rabaisdesdits ouvrages, sur ledevis estimatif qui sera préalablement dressé pour être, le montant de ladite adjudication, supporté par lesdits administrés. »
(Ce décret est adopté.)
2° Un projet de décret autorisant le directoire du département de l'Allier à faire une acquisition pour le logement de l'évêque.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son
comité d'emplacement, autorise le directoire du département de l'Allier à acquérir la maison appartenant aux héritiers du sieur de Chermont, pour y loger l'évêque, ainsi que l'emplacement attenant à ladite maison, lequel appartient à la municipalité, au prix qui sera convenu entre elle et le directoire du département, qui sera, avec celui de ladite maison, payé par le receveur du district, des deniers nationaux. » i (Ce décret est adopté).
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l'organisation de la régie des droits d"enregistrement et autres réunis (l)i
, rapporteur. Vous avez adopté, Messieurs, les deux premiers titres du décret que nous vous, avons présenté au nom du comité aes contributions publiques; nous passons en conséquence au titre III du projet.
Ces articles sont mis aux voix, avec quelques légères modifications,.dans les termes suivants :
TITRE III.
De l'admission aux emplois et des règles d'avancement,
Art. 18.
« Nul ne pourra parvenir aux emplois de la régie des droite d'enregistrement et autres réunis, sans avoir été surnuméraire; et pour obtenir une commission de surnuméraire, il faudraavoir au moins 18 ans accomplis. Les surnuméraires seront placés dans les bureaux que leur indiqueront les administrateurs. » (Adopté.)
Art. 19.
« Les bureaux de 600 livres et au-dessous, qui viendront à vaquer, seront donnés aux surnuméraires, pourvu qu'ils aient 21 ans accomplis. » (Adopté.)
Art. 20.
« Tous les bureaux au-dessus de 600 livres, jusqu'à 1,500 livres, ne pourront être donnés qu'aux receveurs des bureaux inférieurs. » (Adopté.)
Art. 21.
« Nul ne pourra être nommé vérificateur qu'il n'ait exercé les fonctions de receveur dans les bureaux de l'enregistrement, au moins 4 ànnées, dont une dans un bureau de chef-lieu de district. * (Adopté.)
Art. 22.
« Les bureaux de 1,500 livres et au-dessus ne pourront être donnés qu'à des receveurs de la classe immédiatement précédente, à des vérificateurs, à des inspecteurs ou aux premiers commis de la correspondance. » (Adopté.)
Art. 23.
« Nul ne pourra être nommé inspecteur qu'il n'ait été vérificateur au moins 3 ans. » (Adopté.)
Art. 24.
« Les directions à une part seulement ne pourront être données qu'aux
inspecteurs ou aux sous-directeurs de la correspondance, ayant au
Art. 25.
« Les autres directions ne pourront être données qu'auk directeurs de la classe précédente et aux directeurs de la correspondance, ayant aussi au moins 4 ans d'exercice dans ces qualités. » (Adopté.)
Art. 26.
Les places d'expéditionnaires, qui viendront à vaquer dans les bureaux de correspondance, seront données aux surnuméraires. » (Adopté.)
Art. 27.
« Celles des commis principaux seront données aux expéditionnaires, ou à des receveurs des bureaux de la classe de 600 livres et au-dessus. (Adopté.)
Art. 28.
« Celles de vérificateurs des comptes seront données ou à des vérificateurs ou à des receveurs des bureaux, au-dessus de 1,500 livres. » (Adopté.)
Art. 29.
« Celles de premiers commis seront données à des vérificateurs ou inspecteurs. » (Adopté.)
Art. 30.
« Celles de sous-directeurs, à des premiers commis ou à des inspecteurs ayant au moins 3 ans d'exercice en ces qualités; et celles de directeurs, aux sous-directeurs, ou à des directeurs des directions de département. » (Adopté.)
Art. 31.
« Les régisseurs seront choisis et nommés par le roi, entre tous les directeurs actuels de département ou de correspondance, ayant au moins 5 années d'exercice en ces qualités. » (Adopté.)
Art. 32.
« Les directeurs seront choisis et nommés par le roi, sur la proposition du ministre des contributions publiques, entre trois sujets qui lui seront présentés par les régisseurs, et qui réuniront les conditions prescrites.
« Tous les autres préposés seront nommés par la régie. » (Adopté.)
Art. 33.
« Les places de receveurs et garde-magasin du timbre ne pourront être données qu'à d'anciens receveurs de bureaux de 600 livres et au-dessus, ou à des vérificateurs.
« Pourront également y être nommés les premiers commis de direction, après 10 ans d'exercice dans cette qualité. » (Adopté.)
Art. 34.
« Celles de timbreùrs, tourne-feuilles et compteurs seront données de préférence à d'anciens ardes des fermes ou régies, ou à des invalides e l'armée. » (Adopté.)
Art. 35.
« Les directeurs rendront compte, chaque trimestre, de l'assiduité, des talents et services de chacun des préposés de la régie, qui leur sera subordonné ; et les régisseurs rendront
également compte, au ministre, de l'assiduité et des talents et services de chaque directeur \ il en sera tenu registre, tant à l'administration que dans Je bureau du ministre. » (Adopté.)
Art. 36.
« L'ancienneté des services sera lin titre de préférence pour les places vacantes, mais seulement pour ceux dont il aura toujours été rendu les comptes les plus avantageux. » Adopté.)
Art. 37.
« Les administrateurs seront tenus de se conformer aux dispositions précédentes ; il ne pourra, dans aucun cas, être disposé de* places à titre de survivance, adjonction ou autrement. (Adopté.)
TITRE- IV.
Traitement des employés.
Art. 38.
Les traitements de tous les employés de la régie seront fixés comme il suit ;
A cbacun des receveurs particuliers une remise sur le montant de sa recette, savoir : dans les bureaux dont la recette annuelle s'élève à 400,000 livres et au-dessus, de 1/2 0/0.
1 et 3/4 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 300 à 400,000 livres.
2 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 200 à 300,000 livres.
2 et 1/4 0/0 dans les bureaux dont la recette est de 150 à 200,000 livres:
2 1/2 0/0 où elle est de 100 à 150,000 livres.
2 et 3/4 0/0 où elle est de 75 à 100,000 livres.
3 0/0 dans ceux ou elle est de 50 à 75,000 livres.
3 et 1/4 0/0 dans ceux où elle est de 30 à 50,000 livres.
3 et 1/2 0/0 dans ceux où elle est de 20 à 30,000 livres.
4 0/0 dans ceux où elle est de 10 à 20,000 livres.
5 0/0 dans ceux au-dessous de 10,000 livres (Adopté.)
Art. 39.
Pour tous les autres employés, les traitements seront réglés à une quotité de remise sur la totalité du produit de tous les droits régis; mais il leur sera payé une somme fixe sans que cette somme puisse essuyer de diminution, et à la charge seulement ae la faire entrer dans le compte de remise sur les produits. (Adopté.)
Art. 40.
La remise, pour les 12 administrateurs, sera de 2/5 de 10/0, et leur traitement fixe annuel de 12,000 livres payables par quartier, lesquelles 12,000 livres feront partie de leur remise. (Adopté.)
Art. 41.
La remise des 83 directeurs est fixée à 1 0/0, divisé eir 96 parts, entre les 83 directeurs (Adopté.)
Art. 42.
La remise des inspecteurs est fixée à 9/10 de 1 0/0; celle des vérificateurs à 1/2 0/0; celle des gardes-magasins, à 1/5 de 1 0/0 ; celle des receveurs du timbre extraordinaire, à 1/6 de 1 0/0. (Adopté.)
Arti 43.
, « Le traitement fixe des directeurs, inspecteurs, gardes-magasins et receveurs du timbre extraordinaire, leur sera payé suivant le tableau annexé au présent, et leur remise dans la même proportion. » (Adopté.)
Art. 44.
« Le traitement des timbreurs, tourne-feuilles et compteurs sera payé suivant le même tableau annexé au présent; il sera alloué pour cette dépense 1/6 0/0, et l'excédent du traitement fixe Sera distribué en gratifications proportionnées à l'importance des directions et aux bons services dés employés. » (Adopté.)
Art. 45.
« La remise des employés dans les bureaux de correspondance à Paris est fixée à 13/24 0/0; leur traitement fixe leur sera payé suivant le tableau annexé au présent, et leur remise dans la même proportion. » .(Adppté.)
Art. 46.
« Pour tous frais de registres, d'impression, de ports çle lettres et de ballots de formule, de garçons tle bureaux, fournitures de lumière, bois de chauffage et autres menues dépenses des administrateurs et de leurs bureaux à Paris, et l'entretien de l'hôtel, il sera alloué 11/24 de 1 0/0; l'excédent de dépense, s'il y en a, sera pris sur la remise totale des administrateurs et de leurs bureaux; et le bénéfice de lu diminution de dépense sera ajouté à leur remise. » (Adopté.)
Art. 47.
« Les remises et traitements mentionnés aux articles précédents commenceront à courir du 1er février dernier pour les employés existants.
« A l'égard des employés qui auront été ou seront mis en place postérieurement à ladite époque, leurs appointements ne commenceront à courir que du jour de leur installation dans leurs emplois, et cesseront le jour qu'ils ne seront plus en place. Le traitement des administrateurs commencera à courir du jour de leur nomination. » (Adopté.)
Art. 48.
« Si des fournitures extraordinaires ou d'autres événements imprévus nécessitaient une augmentation dans la dépense ci-dessus fixée, le pouvoir exécutif pourra provisoirement l'autoriser, sur la demande des administrateurs, jusqu'à la concurrence de la somme de 100,000 livres; et sur cette autorisation, les commissaires de la trésorerie pourvoiront à son acquittement. » (Adopté.)
TITRE V.
Dispositions de discipline générale.
Art. 49.
* « Les produits de la régie ne seront comptés pour la fixation des remises générales, qu'après déduction du prix marchand des papiers de la formule, ainsi que des reprises retenues par les receveurs particuliers, ports de lettres, dépenses d'impression et autres frais de régie. » (Adopté.)
Art. 50.
« Il ne pourra être accordé par les préposés
à l'administration et autres agents du pouvoir exécutif, aucune remise et modération de droits et amendes, à peine d'en compter personnellement. » (Adopté.)
Art. 51.
« Ne pourront pareillement aucuns corps administratifs, ni tribunaux, accorder de remises ou modérations de droits ou perceptions indirectes et amendes, à peine de nullité des jugements; et sera tenu, le commissaire du roi, dans le cas de contravention, d'en instruire le ministre de la justice, et celui des contributions publiques. » (Adopté.)
Art. 52.
« Les administrateurs, directeurs et autres employés qui participeront à une remise sur la totalité des produits, ne pourront retenir aucunes sommes entre leurs mains pour raison des re-'mises qui pourront leur revenir, sauf à recevoir leur remise d'après les comptes et recettes de chaque année; et lorsque les états de répartition seront expédiés, ce qui se fera par la fixation générale a près l'arrêté des comptes de tous les directeurs, il pourra néanmoins être payé un acompte de la moitié des remises, en' sus du traitement fixe, d'après les bordereaux certifiés des recettes et dépenses de tous les directeurs. » (Adopté.)
Art. 53.
« En cas de. vacance d'emplois ou d'absence d'employés, leurs remises accroîtront la masse générale des remises des employés supérieurs qui auront rempli les fonctions de la place vacante, ou tourneront au profit du surnuméraire qui les aura faites. » (Adopté.)
Art.. 54.
« Aucun employé ne pourra s'absenter sans un congé par écrit des administrateurs ; et il u'en sera expédié que sous la condition expresse que les employés perdront leurs traitements et remises après 15 jours d'absence, au prorata du temps qu'ils n'auront pas fait leur service. » (Adopté.)
Art. 55.
« Les remises générales seront payées aux employés qui y ont droit, d'après l'état général de répartition arrêté par le ministre des contributions publiques, » (Adopté.)
Art. 56.
« Les ambulants et vérificateurs qui auront constaté par des procès-verbaux : 1° des droits non tirés hors ligne par les receveurs particuliers; 2° des erreurs de calcul au préjudice de la régie; 3°.des droits lais.-és en souffrance;4°enfin des omissions de recette dans les comptereaux arrêtés entre les ambulants et les receveurs particuliers, jouiront de la remise à laquelle eussent eu droit Jesdits receveurs, lesquels en seront privés. » (Adopté.)
Art. 57.
« Au moyen des remises accordées ci-dessus aux préposés de l'administration, il ne sera alloué aucune dépense pour loyer de maisons, bureaux, miagasins, frais de commis, papier, lumière et autres quelconques, ni aucuns frais de poursuite, signification île contraintes, ni autres Irais, pour la répétition desquels les préposés n'auront de recours que contre les redevables. » (Adopté.)
Art. 58.
« Dans le cas de changement d'emploi, destitution ou mort des préposés, qui auront commencé les poursuites, il leur sera tenu compte, ou à leurs héritiers, du montant des frais de poursuites qui auront été avancés sur des articles de droits bons à recouvrer ; et le remboursement en sera fait par le successeur à l'emploi, sur le pied de la liquidation qui aura lieu à l'amiable d'après l'inventaire double desdites poursuites, et, s'il survient quelques contestations à ce sujet, suivant la taxe qui en sera faite par le premier juge du district. » (Adopté.)
Art. 59.
« L'administration sera obligée de timbrer ses paquets d'un timbre particulier: et les frais de transport des papiers, des ports ae lettres et paquets ne seront alloués aux employés que sur l'état qu'ils en tiendront jour par jour, et autant qu'ils justifieront qu'ils leur ont été adressés par l'administration ou par les corps administratifs; à faute de quoi, toute demande sur cet objet sera rayée. » (Adopté.);
Art. 60.
Les marchés pour les approvisionnements de papiers destinés a être timbrés seront passés au
rabais, après affiches et publications, et en présence du directoire du département. Il sera déposé au secrétariat du département des échantillons des papiers que l'adjudicataire se sera obligé à fournir de bonne qualité, et un double du traité, pour y avoir recours au besoin. Le prix des papiers sera alloué suivant les quittances de fournisseurs, en conformité dps marchés, et sur les reconnaissances de réception du garde-magasin, vérification faite des quantités et qualités énoncées dans les lettres de voiture. » (Adopté.)
Art. 61
« Les traités pour fournitures de papiers, registres, sommiers, tables alphabétiques, états,comp-tereaux et autres impressions nécessaires pour la régie .seront faits de la même manière, et le prix alloué au fur et; mesure des livraisons faites par les fouruisseurs en conformité des marchés.
« Et pour connaître en tout temps la consommation et les restants en nature desdits registres, sommiers, etc., les directeurs tiendront un registre en recette de tous ceux qui leur seront fournis, et en dépense, jour par jour, de la distribution qui en sera faite, pour entendre compte à la fin de chaque année; au soutien duquel ils rapporteront les reconnaissances des fournitures et envois qu'ils auront faits. » (Adopté.)
Tableaux, 13
n° 1." i TABLEAU des divers préposés de la régie du droit d'enregistrement et autres réunis ; dej[leur traitement, suwantfiles divers emplois; de leur remise, sur un produit présumé de 60 millions; et de tous frais de régie.
CD
>
co u* o
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P5 ri
K
M «
I p
P3
5 E m
H
M
6
Ëd ç*3
00
5 p
cd
NOMBRE des
agents
Environ^, 700
83 83
88 88 7
166
166
83
13 13 13
13 52 12
Environ 3,592
QUALITE des
agents.
Receveurs
Gardes-magasins du Timbre.........
Receveurs du Timbre extraordinaire.
QUOTITE de
B EMISE
attribuée pour leur traitement général.
Pour %
2 2/3
Timbreurs Tourne-feuilles. Compteurs.....
Vérificateurs
Inspecteurs-ambulants Directeurs....... —
Directeurs de correspondance...........
Sous-Directeurs........................
Premiers commis........................
Véiificateurs des comptes...............
Commis principaux.......^..............
Expéditionnaires........................
Administrateurs.....................
Frais de registres, de ports de lettres, et autres dépenses suivant l'article.......
» 1/5 » 1/6
» 1/6
» 1/2
» 9/10 1 »
» 13/24
» 2/5
» 11/24
Totaux,
7 0/0, ou 1 s. 4 d. et 4/£> de denier pour livre.
MONTANT de
cette remise
sur
un produit résumé de 60 millions.
livres.
1,600,000
300,000 540,000 600,000
325,000
240,000 275,000
4,200,000
TRAITEMENT de .
chaque employé l'un dans l'autre d'après ce produit présumé.
d.
592 11 10 2/9
120,000 1,445 15
100,000 1,204 16
: 6oo »
100,000 300 »
600 y>
7 79/83 4 52/83
1,807 4 6 78/83 3,253 » 2 73/83 7,228 18 3 63/83
7,400 4,492 3,000 2,500 1,800 1,500 20,000
MINIMUM FIXE au-rdessous duquel ne poura être le traitement.
livres.
300
,000 900
500 250 500
1,200
2,400
4,600
5,000 3,600 2,400 2,000 1,500 1,200 12.000
l {
OBSERVATIONS
Le placement des bureaux, à fixer avec les directoires, n'est pas encore arrêté en totalité ; mais leur nombre n'excédera pas en général celui de cinq par district. La remise particulière aux receveurs est réglée depuis 1 1/2 jusqu'à 5 0/0, suivant la force des bureaux, en sorte que les moindres vaillent 300 livres. Et comme les forts bureaux forment la principale masse des produits, on a pris dans ce tableau, pour terme moyen, la remise de 2 1/3 0/0.
Les remises passées aux contrôleurs des actes, en 1787, ont monté à 1,639,000 livres, compris celles d'environ 400 bureaux qui vont être supprimés.
Le traitement du nombre de timbreurs, tourne-feuilles et compteurs, portes ici, ne monterait qu'à 83,400 livres ; niais comme il sera nécessaire d'en augmenter le nombre, on alloue pour cet objet 100,000 livres.
Les vérificateurs seront répartis dans les diffé rents départements, selon leur population et leurs produits.
De même les inspecteurs.
Compris les loyers de magasin de papier et d'atelier de timbre, et tous frais de commis et bureau.
Ces frais ont toujours excédé la somme ci-contre, et ceux du timbre seront nécessairement plus forts que sous l'ancien régime.
Nota. Sous la précédente administration des domaines, les frais de régie s'élevaient annuellement à 15 0/0 ou 3 sols pour livre du produit, compris les remises et bénéfices des 28 administrateurs.
RÉPARTITION
Entre tous les directeurs, inspecteurs, vérificateurs, gardes-magasins et receveurs du.. timbre ' extraordinairey et fixation 4e leur traitement et de la quotité de tmv remise, suivant la nature de leurs emplois, sur un produit présumé de 60 taillions.
N° 2.Entre tous les directeurs, inspecteurs, vérificateurs,
RÉPAF
gardes-magasins et receveurs du timbre extraordinaire
produit présum
NOMS des
DÉPARTEMENTS.
Ain.....,.........
Aisne.............
Allier............
Ardèche..........
Ardennes.........
Ariège............
Aube.............
Aude;............
Aveyron..........
Bas-Rhin..........
Basses-Alpes.....
Basses-Pyrénées.. Bouches-du-Rhône
Calvados..........
Cantal............
Charente.........
Charente-Inférieure
Cher.............
Corrèze........
Corse.............
Côte-d'Or.........
Côtes-du-Nord....
Creuse...........
Dordogne.........
Doubs............
Drôme........
Eure.............
Eure-et-Loir......
Finistère .........
Gard.............
Gers..............
Gironde..........
Haut-Rhin.........
Haute-Garonne....
Haute-Loire......
Haute-Marne......
Haute-Saône......
Haùte-Vienne.....
Hautes-Alpes.....
Hautes-Pyrénées..
Hérault...........
Ille-et-Vilaine.....
Indre.............
Indre-et-Loire.....
Isère.............
Jura...............
Manche...........
Landes...........
Loir-et-Cher......
Loire-Inférieure...
Loiret.............
Lot..............
Lot-et-Garonne
Lozère............
Marne.............
Mayenne...........
Mayenne-»t-Loire... Meurthe...........
LIEUX de la résidence des DIRECTEURS. CLASSES des DIRECTIONS. PARTS à chacune des DIRECTIONS. TRAITEMEN
de chaque DIRECTEUR, suivant la classe de sa direction, prélevé snr sa remise présumée. des INSPECTEURS des VÉRIFICATEURS.
Classe. liv. s. d. liv. s. d. liv. s. d
4e. 1 1/6 c. 5,000 » » 2,600 33 » 1,500 33 3
4e. 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 » 1,500 » 3
Moulins............ 4e. 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 33 1,500 3
5e. 1 » 4,600 » » 2,400 33 » 1,200 33 3
Mézières............ 5e. 1 » 4,600 » » 2,400 33 » 1,200 » 3
5e. 1 » 4,600 » » 2,400 33 33 1,200 » 3
Troyes.............. 4e. 1 1/6 5,000 33 39 2,600 33 33 1,500 33 3
4e. 1 1/6 5,000 » » 2,600 a 33 1,500 » X
Rodez.............. 4e. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 33 1,500 »
3®. 1 2/6 6,000 a » 3,000 33 33 1,800 33
5*. 1 » 4,600 » » 2,400 33 33 1,200 a X
4». 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 » 1,500 33
4®. 1 1/6 5,000 33 » 2,600 33 33 1,500 » >
4e. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 33 1,500 » X
Saint-Flour,......... 5». 1 » 4.600 » » 2,400 33 » 1,200 33 X
4®. 1 1/6 5,000 » 2,600 > 33 1,500 a 3
4«. 1 1/6 5,000 » 3) 2,600 » » 1,500 33 3
4®. 1 1/6 5,000 » 3) 2,600 33 33 1,500 33 3
5*. 1 » 4,600 » » 2,400 33 » 1,200 33 X
Piève Dorezza....... 5e. 1 » 4,600 » 33 2,400 33 1,200 » 3
4®. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 33 1,500 33 3
4®. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 33 1,500 33 X
Guéret.............. 5e. 1 » 4,600 » 3) 2,400 » 33 1,200 a X
4®. 1 1/6 5,000 39 3» 2,600 » 33 1,500 a >
4». 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 » 1,500 a »
4». 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 33 1,500 33 3
4e. 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 » 1,500 a X
4». 1 1/6 5,000 s 33 2,600 a 31 1,500 33 y
4®. 1 1/6 5,000 33 » 2,600 » » 1,500 » 39
4®. 1 1/6 5,000 33 » 2,600 » 3» 1,500 » X
4®. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 » 33 1,500 » 3
{rs 1 4/6 8,000 » 33 4,000 » » 2,200 » 3
5®. 1 » 4,600 33 33 2,400 » 33 1,200 » 3
3e. 1 2/6 6,000 x> » 3,000 33 33 1,800 » 31
Le Puy en Vélay.... 4®. 1 1/6 5,000 33 33 2,600 33 33 1,500 » 3
5e. 1 » 4,600 » 33 2,400 » 33 1,200 a 31
Vesoul............. 5®. 1 » 4,600 » 33 2,400 » 9 1,200 33 1
Limoges............ 4e. 1 1/6 1 » 5,000 » 3) 2,600 33 » 1,500 a
5«. 4,600 » 33 2,400 33 33 1,200 » >
5®. 1 » 4,600 » 33 2,400 33 3» 1,200 » 31
4e. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 » 1,500 » X
3®. 1 2/6 6,000 » » 3,000 » 39 1,800 33 X
5®. 1 » 4,600 » 3» 2,400 » » 1,200 33 3!
3®. 1 2/6 6,000 » 39 3,000 33 33 1,800 33 X
Grenoble............ 4®. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 » 33 1,500 33 X
Lons-le-Saulnier.... 5®. 1 » 4,600 » 33 2,400 33 X> 1,200 a
Coutances........... 4®. 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 33 1,500 33
5®. 1 » 4,600 3> » 2,400 X> » 1,200 33
4e. 1 1/6 5,000 > 33 2,600 » 3» 1,500 a
4®. 1 3/6 7,000 » » 3,500 » 39 2,000 >3
4®. 1 1/6 5,000 » » 2,600 33 33 1,500 »
4®. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 33 » 1,500 33
4e. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 » 39 1,500 a
Mende.............. 5e. 1 » 4,600 » 33 2,400 33 33 1,200 »
Châlons-sur-Marne... 4e. 1 1/6 5,000 33 33 2,600 » 33 1,500 33
4®. 1 1/6 5,000 33 33 2,600 » 39 1,500 »
4*. 1 1/6 5,000 » 33 2,600 » » 1,500 »
4*. 1 1/6 5,000 * » 2,600 a » 1,500 » »
PITION
fixation de leur traitement et de la quotité de leur remise, suivant la nature de leurs emplois, sur un s 60 millions.
SARDES-MAGASINS.
S. »
» » » » » » » » » » » » »
3) »
» »
» » » » »
» »
n »
» »
J) »
3> »
» » » » » »
d. »
» » » » » » »
des
RECEVEURS
du timbre extraordinaire.
liv. 1,000 1,000 1,000 900 900 900 1,000 1,000 1,000 1,100 900 1,000 1,000 1,000 900 1,000 1,000 1,000 900 900 1,000 1,000 900 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,500 900 1,100 1,000 900 900 1,000 900 900 1,000 1,100 900 1,100 1,000 900 1,000 900 1,000 1,200 1,000 1,000 1,000 900 1,000 1,000 1,000 1,000
» » » » »
1) »
» » » » » » » » » »
a
3>
D »
» »
TOTAL
de la remise de chaque
DIRECTEUR,
y compris son traitement fixe,
en supposant un
produit net de 60 millions.
liv. 7,291 7,291 7,291 6,250 6,250 6,250 7,291 7,291 7,291 8,333 6,250 7,291 7,291 7,291 6,250 7,291 7,291 7,291 6,250 6,250 7,291 7,291 6,250 7,291 7,291 7,291 7,291 7,291 7,291 7,291 7,291 10,416 6,250 8,333 7,291 6,250 6,250 7,291 6,250 6,250 7,291 8,333 6,250 8,333 7,291 6,250 7,291 6,250 7,291 9,375 7,291 7,291 7,291 6,250 7,291 7,291 7,291 7,291
s. 13 13
13 »
» »
13 13 13
6 »
13 13
13 »
13 13 13
» »
13 4
13 4
» »
13 4
13 4
13 4
13 4
13 4
13 4
13 4
13 4
13 4
6
13 »
»
13 »
»
13
6 »
6
13 »
13
4 »
»
4 »
»
4
8 »
8
4 »
4
» » 13 4
13 13
13 »
13 13 13 13
des
INSPECTEURS.
liv. 3,281 3,281 3,281 2,812 2,812 2,812 3,281 3,281 3,281 3,750 2,812 3,281 3,281 3,281 2,812 3,281 3,281 3,281 2,812 2,812 3,281 3,281 2,812 3,281 3,281 3,281 3,281 3,281 3,281 3,281 3,281 4,687 2,812 3,750 3,281 2,812 2,812 3,281 2,812 2,812 3,281 3,750 2,812 3,750 3,281 2,812 3,381 2,812 3,281 4,218 3,281 3,281 3,281 2,812 3,281 3,281 3,281 3,281
s. 5 5 5 10 10 10 5 5
5 »
10 5 5 5 10 5 5 5 10 10 5 5 10 5 5 5 5 5 5 5 5 10
10 »
5 10 10 5 10 10
5 »
10 »
5 10 5 10 5 15 5 5 5 10 5 5 5 5
des
VERIFICATEURS.
liv. 1,822 1,822 1,822 1,562 1,562 1,562 1,822 1,822 1,822 2,083 1,562 1,822 1,822 1,822 1,562 1,822 1,822 1,822 1,562 1,562 1,822 1,822 1,562 1,822 1,822 1,822 1,822 1,822 1,822 1,822 1,8-22 2,604 1,562 2,083 1,822 1,562 1,562 1,822 1,562 1,562 1,822 2,083 1,562 2,083 1,822 1,562 1,822 1,562 1,822 2,343 1,822 1,822 1,822 1,562 1,822 1,822 1,822 1,822
s. 18 18 18 10 10 10 18 18 18 6 10 18 18 18 10 18 18 18 10 10 18 18 10 18 18 18 18 18 18 18 18 3 10 6 18 10 10 18 10 10 18 6 10 6 18 10 18 10 18 15 18 18 18 10 18 18 18 18
des
GARDES-MAGASINS.
liv. 458 458 458 250 250 250 458 458 458 666 250 458 458 458 250 458 458 458 250 250 458 458 250 458 458 458 458 458 458 458 458 083 250 666 458 250 250 458 250 250 458 666 250 666 458 250 458 250 458 875 458 458 458 250 458 458 458 458
s. 6 6
6 »
» »
6 8 6 8 6 8
13 4 » »
6 8
6 »
6 6
6 »
»
6
6 »
6
6 8 6 8 6 6 6 6 6
8 8 8 8
6 8
»
13 6
» » 6 8
6
13 »
13 »
»
6 »
6 a 6 6
6 »
6 6 6 6
des RECEVEURS
du timbre extraordinaire.
liv. s. 1,215 5 1,215 5 1,215 5 1,041 13 1,041 13 1,041 13 1,215 5 1,215 5 1,215 5 1,388 17 1,041 13 1,215 5 1,215 5 1,215 5 1,041 13 1,215 5 1,215 5 1,215 5 1,041 13 1,041 13 1,215 5 1,215 5 1,041 13 1,215 5 1,215 1,215 1,215 1,215 1,215 1,215 1,215 1,736 1,041 13 1,388 17 1,215 5 1,041 13 1,041 13 1,215 5 1,041 13 1,041 13 1,215 5 1,388 17 1,041 13 1,388 17 1,215 5 1,041 13 1,215 5 1,041 13 1,215 5 1,562 10 1,215 5 1,215 5 1,215 5 1,041 13 1,215 5 1,215 5 1,215 S 1,215 5
NOMS des
DÉPARTEMENTS.
Meuse............j.
Morbihan...........
Moselle......i.......
Nord..............
Nièvre............i.
Oise..............i.
Orne.............i.
Paris...............
Pas-de-Calais.....I.
Puy-de-Dôme.....»
Pyrénées-Orientales Rhône-et-Loire..
Saône-et-Loire......
Sarthe............,'.
Seine-et-Oise..w...i., Seine-et-Marne.....,.
Seine-Infcrieure.....
Sèvres (Deux-).....
Somme........
Tarn..............
Var...............
Vendée............
Vienne............
Vosges............
Yonne.............
PARTS
LIEUX
CLASSES à
de la résidence
dés chacune
des
DIRECTIONS. des
DIRECTEURS.
DIRECTIONS.
Classe.
Bar-le-Duc.......... 5e. 1 » c.
Vannes............. 3e. 1 2/6
4e. 1 1/6
4«. 1 1/6
4e. 1 1/6
4e. 1 1/6
4®. 1 1/6
ire 1 4/6
4e. 1 1/6
Clermont............ 4e. 1 1/6
Perpignan........... 5«. 1 »
-[re 1 4/6
Maçon.............. 4e. 1 1/6
Le Mans.,.......... 4e. 1 1/6
3". 1 2/6
5e. 1 »
Koiien.............. 2e. 1 3/6
5«. 1 »
Amiens............. 4e. 1 1/6
5». 1 »
Toulon....... ...... 4e. 1 1/6
Fontenay-le-Comte.. 5e. 1 »
4e. 1 1/6
Epinal.............. 5«. 1 »
Auxerre............ 4e. 1 1/6
98
Le nombre des inspecteurs et des vérificateurs étant double de celui des autres employés, compris dans ce tableau, il faut doubler l'addition de leurs colonnes pour avoir le montant total de leur traitement, ci..............
Totaux.
TRAITEMENT
de chaque
DIRECTEUR,
suivant la classe de
sa direction,
prélevé sur sa remise présumée.
liv. 4,600 6,000 5,000 5,000 5,000 5,000 5,000 8,000 5,000 5,000 4,600 8,000 5,000 5,000 6,000 4,600 7,000 4,600 5,000 4,600 5,000 4,600 5.000 4,600 5,000
424,400
des
INSPECTEURS.
liv. ! 2,400 3,000 2,600 2,600 2,600 2,600 2,600 4,000 2,600 2,600 2,400 4,000 2,600 2,600 3,000 2,400 3,500 2,400 2,600 2,400 2,600 2,400 2,600 2,400 2,600
219,400
219,400 » »
438,800 » »
des
VERIFICATEURS.
S. d. liv. S. d.
» » 1,200 » 33
33 33 1,800 » »
» 33 1,500 33 33
33 33 1,500 33 »
33 a 1,500 » »
» 33 1,500 » 1,500 » n
* 13 B
33 » 2,200 » 33
» 33 1,500 33 33
3» » 1,500 33 33
33 >3 1,200 » »
33 33 2,200 » 33
33 33 1,500 33 33
» 33 1,500 33 33
33 33 1,800 » 33
33 » 1,200 » 23
33 33 2,000 » »
33 33 1,200 33 »
» » 1,500 » »
B 33 1,200 33 33
» » 1,500 » 33
» >3 1,200 33 33
33 3) 1,500 » 33
33 33 1,200 » 33
» 33 1,500 >3 »
112,200
122,200 » »
244,400 » »
2-994
des
GARDES-MAGASINS.
des
RECEVEURS
du timbre extraordinaire.
s. d liv.
» » 900
» » 1,100
» » 1,000
» y> 1,000
» » 1,000
» » 1,000
» » 1,000
» » 1,500
» X) 1,000
» » 1,000
» » 900
» » 1,500
» » 1,000
» » 1,000
)) » 1,001
» » 900
» » 1,200
» » 900
» » 1,000
» » 900
» » 1,000
» » 900
X) » 1,000
» » 900
» » 1,000
s.
83,100
TOTAL
de la remise de chaque
DIRECTEUR,
y compris son traitement fixe,
en supposant an
produit net de 60 millions.
liv. 6,250 8,333 7,291 7,291 7,291 7,291 7,291 10,416 7,291 7,291 6,230 10,416 7,291 7,291 8,333 6,230 9,375 6,230 7,291 6,250 7,291 6,250 7,291 6,250 7,291
s. »
6 13 13 13 13 13 13 13 13 £
13 13 13
6 »
» »
13 »
13 »
13 »
13
600,000 i> »
des
INSPECTEURS.
liv. 2,812 3,750 3,281 3,281 3,281 3,281 3,281 4,687 3,281 3,281 2,812 4,687 3,281 3,281 3,750 2,812 4,218 2,812 3,281 2,812 3,281 2,812 3,281 2,812 3,231
s.
10 »
5 B 5 5 5 10 5 5 10 10 5
5 »
10 15 10 5 10 5 10 5 10 5
270,000
540,000
270,000 »
des
VÉRIFICATEURS.
liv. 1,562 2,083 1,822 1,822 1,822 1,822 1,822 2,604 1.822 1,822 1,562 2,604 1,822 1,822 2.083 1,562 2,343 1,562 1,822 1,562 1,822 1,562 1,822 1,562 1,822
10 6 18 18 18 18 18 3 18 18 10 3 18 18 6 10 15 10 18 10 18 10 18 10 18
150,000
150,000
300,000 »
des
GARDES-MAGASINS.
liv. S. d.
1,250 » »
1,666 13 4
1,458 6 8
1,458 6 8
1,458 6 8
1,458 6 8
1,458 6 8
2,083 6 8
1,458 6 8
1,458 6 8
1,250 » »
2,083 6 8
1,458 6 8
1,458 6 8
1,666 13 4
1,250 » »
1,875 » »
1,250 5) »
1,458 6 8
1,250 1,458 » »
6 8
1,250 V »
1,458 6 8
1,250 5) 3)
1,458 6 8
120,000 » »
des
RECEVEURS
du timbre extraordinaire.
liv. 1,041 1,388 1,215 1,215 1,215 1,215 1,215 1,736 1,215 1,215 1,041 1,736 1,215 1,215 1,388 1,041 1,562 1,041 1,215 1,041 1,215 1,041 1,215 1.041 1,215
s. d. 13 4 17 9 5 6 S
a 5 5 5 2 5 5 6 13 4 2 2
»
1/3 2/3 6 2/3 6 2/3
6 2/31
6 2/3
2 2/3
6 2/3
2/3 »
2/3 2/3
9 1/3
5
5 6 2/3
4'7 " I 13
10 »
13 4
-5 6
2/3
13 4
5 6
13 4
5 6
13 4
5 6 2/3
2/3 »
2/3
100,000 » »
(Ces tableaux sont approuvés.)
, au nom du comité de Constitution, donne lecture de six articles destinés à faire suite à ceux déjà décrétés dans la séance du 10 de ce mois sur le droit de pétition amp;amp;amp;t d'affiche (1).
Ces six articles, adoptés sauf rédaction dans cette même séance du 10 mai, sont soumis à la délibération dans les termes suivants:
Art. 10.
« Les municipalités prononceront sur la régularité et la légitimité des demandes en convocation de commune ou de sections : les réclamations, s'il y en a, seront portées au directoire de département, qui y statuera, sauf le recours au Corps législatif. » (Adopté.)
Art. 11.
« Dans les villes et dans chaque municipalité,
11 sera, par les officiers municipaux, désigné des lieux exclusivement destinés à recevoir les affiches des lois, et des actes de l'autorité publique. Aucun citoyen ne pourra faire des affiches particulières dans lesdits lieux, sous peine d'une amende de 100 livres ; dont la condamnation sera prononcée par voie de police. » (Adopté.)
Art. 12.
« Les lois, que les municipalités recevront, par la voie des administrations de département et de district, seront, dans les villes, lues à haute voix par le greffier municipal, à la porte de la maison commune, et dahs les bourgs ou villages, à la porte de l'église. » (Adopté.)
Art. 13.
« Aucun citoyen, et aucune réunion de citoyens, ne pourra rien afficher sous le titre d'arrêté, de délibération, ni sous toute autre forme obligatoire et impérative. » (Adopté.) ,
Art. 14.
« Aucune affiche ne pourra être faite sous un nom collectif; tous les citoyens qui auront coopéré à une affiche feront tenus delà signer. » (Adopté.)
Art. 15.
« La con travention aux deux articles précédents sera punie d'une amende de 100 livres, laquelle ne pourra être modérée, et dont la condamnation sera prononcée par voie de police. » (Adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps législatif (2).
(3). Vous avez passé avan t-hier un décret qui rend inéligibles à la
prochaine législature les membres de cette Assemblée. Ce décret, réuni
avec celui qui exclut chacun de nous pendant quatre ans de toutes les
places à la disposition immédiate du pouvoir exécutif, doit démontrer à
l'univers la fausseté des imputations atroces des ennemis de la
Révolution, et prouver invinciblement que c'est le bonheur de son pays
que la majorité de cette Assemblée a continuellement cherché dans ses
délibérations, et non l'intérêt privé. Il s'agit
Et qu'on ne croie pas que le danger de la perpétuation soit chimérique; voyez chez nos voisins. Les mêmes causes ne produiront-elles pas ici les mêmes effets?Ce danger est donc incontestable. Croyez-vous qu'un gouvernement qui a la disposition d'un grand nombre de places, soit dans l'armée, soit dans la finance, suit dans le corps diplomatique, et en outre celle d'une énorme liste civile, sera fort en peine de disposer des principaux suffrages, et de conserver par là dans le Corps législatif, parmi les hommes les plus marquants, ceuxqui seraient le plus favorables à ses intérêts? J'observe de plus que les hommes sont naturellement paresseux, et que ce n'est pas sans peine qu'ils se portent à faire choix même d'un meilleur sujet, lorsqu'ils en ont un en place qui ne les a pas trop heurtés.
Serait-ce bien sérieusement qu'on viendrait encore nous répéter que c'est attaquer la liberté du peuple que de circonscrire ainsi son choix? N'ayez-vous pas vous-mêmes déjà reconnu que le peuple assure sa liberté, loin de la détruire, lorsque, par l'organe de ses représentants, il s'impose à lui-même des règles qui le préservent de sa propre inadvertance? Le principe n'était-il pas attaqué lorsque vous avez déclaré, avec beaucoup de sagesse à mon avis, l'hérédité du trône? N'avez-vous pas senti alors que si le peuple n'abandonnait cette petite portion de sa liberté, il la compromettrait évidemment tout entière? Et certes, il faut en convenir, l'exception qu'on vous propose est loin d'attaquer le principe au même degré.
Il sera impossible, dit-on, qu'il y ait de la suite dans les opérations du Corps législatif s'il ne se trouve pas un certain nombre de membres déjà triturés aux affaires dans la session immédiatement précédente, et chaque législature sera longtemps dupe des ruses ministérielles. Je réponds que ce n'est pas pour quelques années que vous faites une Constitution, car ce n'est pas sans une impérieuse nécessité qu'un peuple se détermine à changer la forme de son gouvernement, puisque ce changement ne peut s'opérer qu'aveo les plus horribles convulsions. Eh bien ! voudriez-vous, pour prévenir un léger inconvénient de quelques années, sacrifier l'intérêt d'un
long avenir; car il est manifeste que bientôt vos administrations et vos assemblées législatives auront formé aux affaires un nombre incalculable de citoyens. Si une Assemblée composée d'hommes qui avaient été jusqu'ici étrangers aux affaires du gouvernement a pu néanmoins opérer d'aussi neureux changements, quelle confiance ne doit-on pas avoir dans une Assemblée formée après que la Révolution et la discussion des plus grandes questions d'Etat ont éclairé tant d'hommes, et en ont fait connaître tant d'autres qui jusqu'ici avaient médité la science des gouvernements et de l'économie politique dans le silence du cabinet. Soyez sûrs que, depuis que vous avez créé une patrie aux Français, et que l'intérêt public est véritablement l'intérêt de tous, vous verrez, comme on voit aujourd'hui dans les B royaumes de la Grande-Bretagne, tous les hommes doués par la nature de quelque aptitude et dans le cas d'avoir une éducation soignée, s'instruire des plus grands intérêts politiques, et se mettre parfaitement au fait du maniement des affaires.
M'objecte-t-on encore que vous anéantirez l'émulation parmi les membres du Corps législatif en leur ôtant l'espoir d'une réélection prochaine, puisque ceux qui se seront le plus distingués rentreront dans la foule de ceux que leur nullité ou leur insouciance auraient écartés de la législature suivante? Je réponds d'abord à cela que toute supériorité, même celle des talents, est redoutable à la liberté, et qu'il est bon que les hommes doués des dons éminents de l'intelligence soient ramenés de temps en temps à la, condition privée. J'observe en second lieu que la reconnaissance publique saura bien les retrouver à la deuxième législature, et que d'ailleurs une Assemblée toujours nouvelle se piquera de tenir une conduite qui ne puisse la mettre au-dessous, ni de celle qui l'aura précédée, ni de celle qui la suivra.
Dans un discours rempli de grandes vues, d'idées sages et profondes, un des préopinants vous a montré le danger de l'exagération dans les principes; il vous a dit que le plus funeste écart que Fon pût faire dans une révolution, c'était de passer les bornes de la-liberté pour se mettre dans l'état d'indépendance, et il a ajouté que nous devions» pour éviter ce terrible mal, donner au gouvernement toute laforce dontil est susceptible. J'avoue tout cela; je sais qu'avec des principes purement théoriques on fait un gouvernement sans gouvernement; je sais que, quoique les éléments soient les . mêmes pour tout pays, parce que la raison est une, néanmoins leur combinaison ne doit pas toujours être la même, et que dans un pays tel que la France, par exemple, d'une vaste étendue, d'une prodigieuse population, possédant de grandes richesses, et où, par conséquent, les passions des hommes se froissent à chaque instant, les liens du gouvernement doivent être plus serrés qu'à Gl-aris ou à Appenzel, sans quoi l'Etat, dans une dissolutioncontinuelle, serait abandonné aux horreurs de l'anarchie, pour passer ensuite sous la domination despotique de quelques intrigants; et je ne craindrai pas d'assurer, moi qui n'ai pas un penchant bien décidé pour les cours, que le jour où la France cessera d'avoir un roi, elle perdra sa liberté... (Applaudissements) sa liberté et son repos pour être livrée au despotisme effrayant de factions éternelles,
Mais d'accord avec le préopinant sur ses principes, je ne puis l'être sur l'application qu'il en
a faite à la question présente, et je crois que vous avez déterminé d'une manière trop claire et trop précise les limites des pouvoirs ; que vous avez assuré au pouvoir exécutif une trop grande énergie par l'intluence que vous lui avez donnée sur les corps administratifs, pour qu'il faille craindre dans aucune hypothèse, de la part d'un Corps législatif, un envahissement de pouvoirs ; et si le pouvoir exécutif ne jouit pas dans ce moment de toute la force nécessaire a la paix publique, ce n'est que parce que des prêtres rebelles et des nobles factieux agitent le peuple dans tous les sens, et que ceux-là même qui devraient donner l'exemple d'une profonde soumission aux lois de leur pays, sont les premiers à les braver ; mais, lorsqu'enfin ces insensés auront renoncé à leurs extravagants projets, et qu'ils laisseront le peuple à son état naturel, celui du repos, vous verrez que le pouvoir exécutif ne manquera pas de la force dont il a besoin.
Je conclus de là que, les avantages de la rééligibilité étant anéantis par les inconvénients les plus graves et les plus nombreux, on doit rejeter l'article du comité et décréter que les membres du Corps législatif ne peuvent être réélus. (Applaudissements).
(1). Le décret honorable que vous avez rendu lundi dernier éloigne de cette discussion jusqu'au soupçon de l'intérêt pérsonnel. Je vois sans aucune incertitude le salut de l'Etat, la stabilité de la Constitution, l'accord et l'ensemble de toutes les parties du gouvernement, et la constante exécution de vos lois protectrices de la liberté et de la propriété, dans la faculté de la rééligibilité laissée aux membres des législatures précédentes. Je me proposé de résumer les principaux arguments aéj à présentés pour et contre cette question et d'essayer de soutenir les uns et de combattre les autres par quelques considérations nouvelles.
M. Thouret, en défendant la cause de la réélection, nous a dit que la
proscrire, c'était attaquer les droits du peuple, dans le seul point où
la nation exerçât la souveraineté. Il vous a dit que votre Constitution
ayant proclamé une vérité dont l'évidence était antérieure à toutes les
lois, la souveraineté de la nation avait reconnu que cette souverainté
devait s'exercer activement par elle dans tous les cas où il importait à
ses intérêts, où il n'était pas nécessaire au maintien de cette même
souveraineté de déléguer tous les pouvoirs qui résident éminemment et
exclusivement en elle. La nation ayant délégué tous les pouvoirs, ou
plutôt les exerçants par des réprésentants particuliers spéciaux et
limités, ne s'est réservée que la fonction active du choix de ceux
auxquels elle confie l'exercice de ses pouvoirs. Le droit de la nation,
dans ce rapport, ne peut pas plus être attaqué* que sa souveraineté ne
peut elle-même être usurpée : car, puisqu'elle n'exerce sa souveraineté,
puisqu'elle ne porte les lois qui doivent la réagir, que par des
représentants, il en résulte qu'elle est véritablement souveraine,
qu'elle est libre, selon le degré de limitation ou de liberté de son
choix dans la représentation. Ainsi l'Assemblée nationale, ne pouvant
pas dépouiller la nation de sa liberté et de sa souveraineté qu'elle
n'exerce que pour elle, par elle et en son nom, n'a pas également le
droit de lui tracer nominativement les limites de son choix, de sa
volonté dans sa représentation.
Sans doute la nation peut et a dû s'imposer des règles conservatrices de sa liberté et de sa souveraineté dans le fait de sa représentation; mais ces règles ont dû être générales, elles ne font acception d'aucunes personnes en particulier, elles imposen t des règles de forme. Lps élections ne peuvent pas s'en passer, elles règlent le mode de l'exercice, elles proscrivent les abus, mais « lies ne limitent pas cet exercice quant aux individus. Ainsi les mineurs, les étrangers, le°gens sans propr étés sont et peuvent être exclus. Ce sont des lois que la prudence et Ips circonstance* des peuples peuvent dicter et faire varier : mais tirer du choix du peuple certaines personnes nominativement, qui ne sont pas comprises dans les lois générales, c'est sans doute prononcer une indication, une limitation qui porte atteinte à la liberté du choix, et par conséquent la souveraineté du peuple. Cette restriction individuelle, de même que les exceptions générales déjà prononcées par la Constitution, ne peut être tolérée que par la nécpssité la plus absolue, que par le danger imminent qup courrait sans elle la liberté du peuple. Il faut donc essentiellement approfondir cette prétendue nécpssité.
On lui donne deux motifs. Le prpmier, que d?s représentants qui se perpétueraient pourraient trahir les intérê's de la nation pn séparant leur intérêt personnel du véritable intérêt de l'Etat. Le second, que les Assemblées qui en remnlaeent d'autres, doivent apnorter à leur travail les changements nécessaires, qu'elles doivent être dépouillées de l'esprit qui a dicté les disp sitions qu'elles doivent examiner. Ces deux objections se combattent par la même réponse.
La Constitution n'aurait que de bien faibles fondements, si elle n'était appuyée que sur la surveillance de ses représentants. C'est dans la nation elle-même que réside cette surveillance, et la Constitution serait bien défectueuse si elle n'avait pas donné constitutionnellemment le remède aux craintes que l'on affecte. Elle a dû rendre active cette surveillance nationale, elle a dû lui fournir des formes faciles pour se manifester. Si elle y a pourvu dans cette intention, elle a conservé à la nation sa souveraineté dans les seuls termes qui soient constitutionnels, dans ceux qui font connaître son vœu, en l'éloignant de toute participation positive à l'administration, puisque le gouvernement est représentatif; or, la Constitution donne à la nation deux moyens constitutionnels de faire entendre sa voix : celui des pétitions et celui de nommer ses représentants, d'après les opinions et les intentions qu'elle leur connaît. Ces deux moyens directs ne sont pas les seuls; ils sont puissamment secourus par la liberté de la presse, qui désormais sonnera le tocsin contre les envahissements, les usurpations de toute nature, ou même les erreurs qui compromettraient les droits du peuple. La sanction royale oppose la dernière barrière à toutes les ambitions. C'est comme représentant le peuple, que le roi arrête ce qui doit être loi; c'est ainsi
qu'il peut suspendre, retarder les décrets des représentants, jusqu'à ce que l'esprit delà nation ait été consulté. La Constitution a donné à la nation tous les moyens d'exercer la surveillance, en lui assurant ceux dé manifester son opinion, de faire entendre ses réclamations et de diriger ainsi ses représentants. Rendre les membres des législatures inéligibles, c'est ou supposer que la correction des loisdoitnécessairement trouver son origine dans l'Assemblée des représentants, ce qui est faux en principe, et dangereux dans l'exécution, ou c'est limiter les droits du peuple au rôle passif d'attendre en silence ce que ses représentants feront pour lui, sans consulter le vœu national.
Le système des mandats, justement proscrit, ne peut être suppléé que par la liberté laissée au peuple, de changer ou de continuer ses représentants; donc ce choix doit être illimité. On a dit que, les élections des représentants de la nation ne se faisant pas immédiatement par elle, mais par des électeurs qu'elle chargeait de ce choix, les électeurs seraient seuls limités dans leurs droits, et non le peuple, qui s'en est déjà privé, en le leur abandonnant. Mais ce raisonnement spécieux peut-il faire effet sur quelques bons esprits. Le gouvernement représentatif serait sans doute plus parfait, si les choix des représentant du peuple émanaient directement des assemblées primaires. La représentation d'une grande nation ne peut malheureusement pas s'opérer par des moyens aussi simples. Il faut des intermédiaires entre les assemblées primaires et les délégués? m fis les intermédiaires choisis par la nation entière selon son vœu et selon ses intentions, les op'nions qu'elle leur connaît ne peuvent être gênées dans la plénitude de l'exercice de leur choix, sans que la nation le soit positivement elle-même.
Prétendre que des représentants peuvent se perpétuer et mettre en danger la liberté politique, c'est, ce me semble, dire une chose vide de sens. En effet, comment peuvent-ils se perpétuer? Ce n'est pas par leur fait, mais par celui du peuple. S'ils sont continués, c'est que le peuple trouve apparemment qu'ils émettent son vœu. Comment donc mettraient-ils la liberté en danger, lorsque le peuple se trouverait libre dans l'étendue qu'il désire? Plus on approfondit cette objection, moins elle a de fondement.
La loi proposée attaquerait encore la Constitution dans un point essentiel. En effet, le motif du pouvoir donné au roi de suspendre les décisions du Corps des représentants est que le roi, supposé plus à portée de connaître les besoins et le vœu de l'universalité de la nation, devait être armé du pouvoir de consulter ce vœu réfléchi. On a donc consacré dans la Constitution le principe inviolable que le vœu national constituait essentiellement la loi. Or, quelle est la manière évidente dont le peuple peut manifester son vœu, si ce n'est par le choix de ses représentants. Et vous avez tellement reconnu cette vérité que vous avez borné la durée des sessions à 2 ans pour ramener plus fréquemment les représentants dans le sein du peuple. Le vœu du royaume ne sera pas toujours uniforme; et néanmoins toutes ses parties seraient obligées de changer uniformément les membres de la législature. A quels caractères connaîtra-t-on alors le vœu du peuple? 11 n'y aura pas de moyen certain de l'apprécier. J'ai dit que la nation avait encore, pour manifester son vœu, le moyen des pétitions : mais ce moyen est individuel. Eh bienl que les pétitions
soient multipliées, comment le vœu de la majorité du peuple pourrait-il ainsi être évidemment connu? Ce droit n'est d'ailleurs que celui de faire entendre des remontrances; il n'est donc pas essentiellement opérant et actif; il n'oblige pas ; rependant la nation doit être entendue; et, autant que cela est compatible avec le système d'une représentation efficace, son vœu doit pouvoir être consulté et suivi. Donc la nation ne peut assurer son droit capital, essentiel, inhérent à sa souveraineté que par les élections; donc elle ne peut être limitée dans la faculté de choisir dans le nombre des citoyens qui remplissent les conditions constitutionnelles; donc la non-élection des mêmes membres est le renversement des principes de la Constitution.
Passons à d'autres considérations. Un renouvellement entier, tous les deux ans, pourrait faire courir à la nation le hasard presque certain d'introduire lont à coup dan* le Corns des représentants, un esprit nouveau, de nouvelles vues et de nouvelles passions et d'exposer par conséquent.cet'e nation à des convulsions périodiques, peii salutaires au moins pour son repos et sa prospérité. Chaque gouvernement doit avoir son esprit particulier, ce que quelques publicis-tes ont nommé la moralité; ils tendent tous à un but, et, en conséquence, ils doivent maintenir les mêmes principes et examiner, quand il s'agit dé réformer une loi, plutôt ce que cette réforme pourra avoir d'effet dans le système général, que l'abus particulier à réformer. Cependant l'inéli-gibilité des membres de la législature finissante tend clairement à couper toute liaison de vues, à introduire un nouvel esnrit, à donner naissance à de nouvelles passions, et elles entrent pour quelque chose dans les jugements; et, sans pousser trop loin les conséquences, on peu' vnir dans ce procédé au moins l'inquiétude de tout ce qui existe en vertu et par la protection de la Constitution, de l'incertitude des nations voisines sur les traités qui les lient et les lieront.
On a dit que la réélection offrait à la liberté du peuple le danger que le pouvoir exécutif empêcherait, par la corruption, la réélection des membres qui, dans la législature précéiente, se seraient montrés contraires à sesintentions anticonstitutionnelles, et favoriserait la nomination de ceux qui se seraient fait voir favorables à ses desseins, danger qui n'existerait pas par le renouvellement entier de tous les membres de la législature.
Certes, la théorie de la corruption est une horrible science, que tout homme loyal doit méconnaître activement et passivement; mais si, comme le prétendent les défenseurs de la non-réélection, le député qui ne peut être réélu présente moins de prise à cette corruption, parce que remplacé promptement par un autre, il offre à la séduction du pouvoir exécutif un trop court espoir pour un trop grand sacrifice, ne serait-il pas possible de dire que les députés qui influeraient dans les Assemblées nationales françaises mettraient, s'ils devaient être réélus, leurs prix plus haut, à raison de la durée des services qu'ils promettraient? Et les sacrifices n'en seraient pas moins considérables pour le pouvoir exécutif, si on l'appelle corrupteur.
Je ne m'arrête pas sur d'autres considérations importantes, il est vrai, mais qui frappent trop fortement pour que l'on doive les énoncer ; celle de jeter une masse d'autorité dans la puissance royale, dangereuse pour la liberté, jl le peuple, fatigué jde sentir habituellement le besoin d'un
ordre régulier, était sans ceffse tourmenté par des secousses et par le désordre; celle de supposer qne la nature crée habituellement des orateurs, des hommes d'E'at : celle de penser que tous les citoyens aptes à être élus vont faire leur étude habituelle de la science immense dont un représentant doit être pourvu, que les occupations nécessaires cesseront pour faire place à celle-ci.
Vous avez, par vos décrets précédents, rendu les membres des législatures inhabiles à remplir pendant 4 années aucune des fonctions déléguées par le pouvoir exécntif; si vous les rendez encore inéligibles, vous rendrez leur vie publique bornée nécessairement à 2 ans, ou tellement coupée qu'elle peut,être jugée finie pour un grand nombre d'entre eux, et cette considération arrêtera peut-être beaucoup de citoyen?! capables et instruits d'entrer dans la carrière de la législation. Ce n'est pas ici qu'il est permis de douter de tout cn que l'esprit puMic et le patriotisme peuvent faire faire de sacrifices; m/iis C" que l'é'an d'un dévouement fans borne, l'empire des circonstances, l'enthousiasme de li liberté peuvent opérer, ne se fait pas toujours aussi entièrement, aussi généralement, quan I les froids calculs de la réflexion démontrent une trop grande lésion d'intérêts. La modestie vient au secours du calcul et l'on suit une carrière plus avantageuse ou plus commode et cependant la nation se trouve ainsi privée de représentants qui eussent défendu avec lumières, avec énergie, se3 intérêts; et la Constitution qui provoque cet ordre de choses blesse ainsi pssentiellement l'intérêt du peuple par qui et pour qui elle est faite. Je crois avoir rappelé les objections les plus fortes au système de la rééligihilité, et y avoir répondu : on pourrait le faire avec plus de détails encore, mais il semble que la démonstration n'en serait pas pins évidente. Ainsi l'examen du principe en lui-même, l'examen de ses conséquences dont l'oubli ne tendrait pas moins nu'à une variation continuelle dan" les principes, dans lès lois, qui conduirait bientôt à une entière désorganisation; les considérations publiques et particulières me paraissent prouver incontestablement que la faculté de la réélection doit être laissée pour les membres de toutes les législatures.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
Je supplie l'Assemblée de ne pas encore fermer la discussion ; les membres du comité de Constitution et beaucoup d'autres attachent une grande importance à cette question qu'ils regardent comme tenant au salut de la Constitution.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion n'est pas fermée.)
(1). Messieurs, tout prouve l'importance de la question que vous agitez,
tout, jusqu'à la manière dont on a défendu le système de la réélection.
Quelles qu'aient été les circonstances qui ont précédé et accompagné
cette discussion, je ne veux voir, je ne veux examiner que les principes
de l'intérêt général qui doit être la règle de votre décision. Mais,
pour mettre cette question dans tout son jour, permettez-moi de vous
rappeler les véritables termes de la disposition sur laquelle vous
délibérez.
Je crois que l'une et l'autre exigent que les membres des législatures ne puissent être réélus qu'après deux ans d'intervalle ; c'est ce que je vais prouver par des observations simples et par les moyens mêmes que les partisans du système contraire ont employés pour l'établir.
Quel est le principe, quel est le but des lois â faire sur les élections? L'intérêt du peuple. Partout où le peuple n'exerce pas son autorité, et ne manifeste pas sa volonté par lui-même, mais par des représentants, si le corps représentatif n'est pas pur et presque identifié avec le peuple, la liberté est anéantie. Le grand principe du gouvernement représentatif, l'objet essentiel des lois, doit être d'assurer la pureté des élections et l'incorruptibilité des représentants. Si la rééligibilité va à ce but, elle.est bonne; si elle s'en éloigne, elle est mauvaise.. Je ne sais si c'est sérieusement que les partisans de la réélection ont prétendu que le système contraire blessait la liberté du peuple. Toute entrave mise à la liberté des choix, dès qu'elle est inutile, est injuste; à plus forte raison, si elle est nuisible ou dangereuse : mais toute règle qui tend à défendre le peuple contre la brigue, contre les mal-heurs des mauvais choix, contre la corruption de ses représentants, est juste et nécessaire. Voilà, ce me semble, ,les vrais, principes de cette question.
Vous avez cru me mettre en contradiction avec moi-même en observant que j'avais manifesté une opinion contraire à la condition prescrite par le décret du marc d'argent, . et cet exemple même est la preuve la plus sensible de la vérité de la doctrine que j'expose ici." Si plusieurs ont adopté une opinion contraire audécret du marc d'argent, c'est parce qu'ils le regardaient comme une de ces règles qui offensent la liberté, au lieu de là maintenir ; c'ést pàrce qu'ils pensaient que là richesse nê pouvait pas être la mesure ni du mérite, ni des droits des hommes ; c'est,qu'il s ne trouvaient aucun danger à laissér tomber le choix des électeurs sur des hommes qui, né pouvant subjuguer les suffrages par les ressources de l'opulence, ne les auraient obtenus qu'à force de vertus ; c'est parce que, loin de favoriser la brigue, la concurrence des citoyens qui rie payent point-cette contribution ne favorisait que le mérite; mais, de ce que je croirais que le décret du marc d'argent n'est plus utile, s'énsuit-il que je blâmerais ceux qui repoussent les hommes flétris, ceux qui défendent la réélection des membres des corps administratifs ?
Mais si, lorsque réellement les principes de la liberté étaient attaqués, vous aviez montré beaucoup moins de dis position à vous alarmer, si ce même décret du marc d'argent avait obtenu votre suffrage, n'est-ce pas moi qui pourrais dire que vous êtes en contradiction avec vous-mêmes, "et
qui aurais le droit de m'étonner que les excès de votre zèle datent précisément du moment où il était question d'assurer à des représentants, et même sans aucune exception, la perspective d'une réélection éternelle. (Applaudissements.)
Laissez donc celte extrême délicatesée de principes, et examinons sans partialité le véritable point de la question, qui consiste à savoir si la rééligibilité est propre ou non à assurer au peuple de bons représentants/C'est d'après les vices des hommes qu'il faut en calculer les effets ; car ce n'est que contre ces vices que les lois sont faites.Or, l'expérience a toujours prouvé qu'autant les peuples sont indolents ou faciles à tromper, autant ceux qui les gouvernent sont habiles et actifs pour étendre leur pouvoir et opprimer la liberté publique : c'est cette double cause qui a fait que les magistratures électives sont devenues perpétuelles, et ensuite héréditaires. Cest l'histoire de tous les siècles, qui a prouvé qu'une loi prohibitive de la réélection est le plus sûr moyen de conserver la liberté. Parlez-vous d'un corps de représentants destinés à faire des lois, à être les intérprètes de la volonté générale? La nature même de leurs fonctions les rappelle impérieusement dans la classe des simples citoyens. Ne" faut-il pas en effet qu'ils se trouvent dans la situation qui confond le plus leur intérêt et leur vœu personnel avec celui du peuple? Or, pour cela, il faijt que souvent ils redeviennent peuple eux-mêmes. Mettez-vous à la place des simples citoyens, et dites de qui vous aimeriez mieux recevoir des lois, ou de celui qui est sûr de n'être bientôt plus qu'un citoyen, ou de celui qui tient encore a son pouvoir, par l'espérance de le perpétuer. (Applaudissements.)
Vous dites que le Corps législatif sera trop faible pour résister à la force du pouvoir exécutif, si tous ses membres sont renouvelés tous les 2 ans : mais à quoi tient donc la véritable force du Gorps législatif? Est-ce à la puissance, au crédit, à l'importance de tels ou de tels individus ? Non : c'est à la Constitution sur laquelle il est fondé; c'est à la puissance, à la volonté de la nation qu'il représente et qui le regarde lui-même comme le boulevard nécessaire de la liberté publique. Croyez-vous que la nation consentira encore à reprendre ses premières chaînes, et à voir le despotisme ministériel se relever seul sur les débris des anciennes corporations, ou ces corporations elles-mêmes renaître de leurs propres Cendres? Si telle est sa volonté, vos efforts sont superflus ; mais, s'jl est évident aux yeux de tout homme raisonnable que sa volonté est différente, n'est-il pas ridicule de croire que le pouvoir de ses représentants disparaîtra devant le pouvoir exécutif si tel individu cède sa place à un autre représentant, qu'elle aura choisi? Le pouvoir du Corps législatif est immense par sa nature même ; il est assuré par sa permanence, par la faculté de. s'assembler sans convocation, par la loi qui. refusera au roi le pouvoir de le dissoudre. Le respect, l'amour qu'inspireront les collections d'hommes qui le. composeront successivement dépendront des vertus, de la justice de ces hommes. Or, croyez-vous qu'ils seront plus incorruptibles sous la loi de rééligibilité que sous celle qui la proscrira ?
Je crois qu'il est facile de prouver le contraire. C'est dans votre système que le Corps législatif sera trop faible pour résister non pas à la force du pouvoir exécutif, mais à ses caresses, à ses séductions. Car, dès le moment où il sera, assis sur les bases de la Constitution, ce n'est pas à le
détruire que le pouvoir exécutif s'appliquera, mais àje corrompre ; et ce qui sera à craindre, ce n'est pas qu'il soit trop faible contre la puissance exécutive ; c'est qu'il soit trop fort contre la liberté des citoyens.
Or, comparez les moyens de corruption dans le cas de la rééligibilité, avec ceux qu'il peut épuiser dans le système contraire. N'est-il pas clair que le gouvernement aurait bien moins d'intérêt à corrompre des hommes dont la retraite romprait la traîne qu'il aurait ourdie de concert avec eux, contre la liberté de la nation; qu'il faudrait la renouer périodiquement avec de nouveaux obstacles et de nouveaux frais, sans être jamais sûr de recueillir dans une Assemblée nouvelle ce qu'il aurait semé dans la précédente : au contraire, _ voyez-le aux prises, pour ainsi dire, avec des représentants rééligibles, il s'attachera à ceux qui par leur éloquence et par leur adresse exerceront plus d'influence sur l'Assemblée législative; ils feront servir au succès de ses prétentions la réputation même de popularité qu'ils auront eu soin d'acquérir; et quand il les aura àidésdeson pouvoir, pour les faire réélire à la législature suivante, ils achèveront alors de lui rendre les plus signalés services. Mais vous ne comprenez pas, dites-vous, comment le pouvoir exécutif pourrait concevoir l'idée de séduire des membres du Corps législatif depuis qu'il ne; peut plus les appeler au ministère. Je rougirais de vous rappeler gu'il existe d'autres moyens de corruption ; mais je pourrais au moins demander si ces places, que l'on ne peut obtenir pour soi, on peut ne pas les détourner sur ses amis, sur ses proches, sur son père, sur son fils; si le crédit d un ministre est entièrement inutile ; s'il est impossible que des membres du Corps législatif régnent en effet, sous son nom, et qu'ils fassent avec lui une espèce d'échange de leur crédit et de leur pouvoir. Je pourrais dire même que ce serait déjà un grand avantage, que Celui d'être porté à la législature par le parti et par l'influence que le pouvoir exécutif peut avoir dans les assemblées électorales. Il est vrai que vous supposez toujours que ceux qui seront réélus seront toujours les plus zélés et les plus sincères défenseurs de la.patrie. Vous oubliez donc que vous avez dit vo'us-mê-mes qu'un mot dit a propos lève tous les doutes sur le patriotisme d'ùn nomme? Vous croyez à l'impuissance de l'intrigue et du charlatanisme 1 Vous croyez au discernement parfait, à l'impartialité absolue de ceux qui choisiront pour le peuple! Vous ignorez qu'il existe un art de s'abandonner toujours au cours de l'opinion du moment, en évitant soigneusement de la heurter pour servir le peuple; et que dans cette arène l'intrigant souple et ambitieux lutte souvent avec avantage contre le citoyen modeste et incorruptible! Mais c'est ici que le parallèle du représentant rééligible et de celui qui ne l'est pas tourne entièrement contre votre système. Suivez-les l'un et l'autre dans le cours de leur carrière. Le premier, séduit par l'espérance de_ prolonger la durée de son pouvoir, partage sa sollicitude entre ce soin et celui de la chose publique. A mesure surtout qu'il approche de la fin de sa carrière, il songera plus à son cauton qu'à sa patrie, à lui-même qu'à ses commettants : parmi ceux-ci, il caressera, il défendra avec plus de zèle ceux qui pourront seconder avec plus de succès son projet favori; il se gardera bien de protéger un citoyen obscur et malheureux contre un homme puissant et accrédité dans sa contrée, surtout si cet acte de justice n'était pas de nature à produire
un éclat favorable à son ambition. Représentez-vous une Assemblée tout entière dans cette situation : les représentants du peuple détournés du grand objet de leur mission; changés en autant de rivaux ; divisés par la jalousie, par l'intrigue; occupés presque uniquement à se supplanter, à se décrier les uns les autres dans l'opinion de leurs concitoyens : reconnaissez-vous là des législateurs, des dépositaires du bonheur du peuple? Quelle sera l'influence de ces brigues honteuses? Elles dépraveront les mœurs publiques en même temps qu'elles dégraderont la majesté des lois.
Quel respect le peuple aurait-il pour des législateurs qui lui donneraient l'exemple des vices mêmes qu'ils doivent réprimer ! Supposez, au contraire, que les législateurs soient mis à l'abri de ces tentations par la loi qui met obstacle à la rééligibilité, ils ne doivent avoir naturellement d'autre pensée que celle du bien public. Le pouvoir exécutif a moins d'intérêt ae les séduire, parce qu'ils ne peuvent pas lui vendre un système de perfidies gradué et prolongé dans: une autre législature; leur prévarication serait d'autant plus odieuse, qu'elle serait plus brusque et plus précipitée. Le véritable objet de leur ambition, déterminé par la durée même de leur mission, est de la mettre à profit pour leur gloire, pour mériter l'estime et la reconnaissance de la nation dans le sein de laquelle ils sont sûrs de retourner. Je m'étonne donc de l'extrême prévention que l'un des préopinants surtout, M. Duport, a marquée pour une législature dont les membres ne pourraient être réélus, quand il a prononcé qu'ils n'emploieraient leur temps qu'à deux choses : à médire des ministres, et à plaider la cause de leurs départements contre l'intérêt général de la nation. Quant aux intérêts du département, j'ai déjà prouvé que cet inconvénient, et même un inconvénient plus grave, n'existait que dans le système opposé : quant aux ministres, s'ils en médisaient, cela prouverait au moins qu'ils ne leur seraient point asservis; et c'est beaucoup. D'ailleurs, quoique nous soyons nous-mêmes entachés de ce vice capital, par le décret de lundi, je suis persuadé que nous emploierons notre temps à quelque chose de mieux qu'à médire des ministres sans nécessité, et à parler uniquement des affaires de nos dépar-teménts ; et je suis convaincu, au surplus, que ce décret quoi qu'on puisse dire, n'a pas affaibli l'estime de la nation pour ses représentants actuels.
On a fait une autre objection qui ne me paraît pas plus raisonnable, lorsqu'on a dit que, sans l'espoir de la rééligibilité, on ne trouvera pas, dans les 25 millions d'hommes qui peuplent la France, des hommes dignes de la législature. Ce qui me parait évident, c'est que, s'opposer à la réélection, est le véritable moyen de bien composer la législature. Quel est le motif qui doit appeler, qui peut appeler un citoyen vertueux à désirer ou à accepter cet honneur, le plus, grand de ceux que la nation française puisse accorder à ses citoyens ? Sont-ce les richesses, le désir de dominer et l'amour du pouvoir ? Non. Je n'en connais que deux : le désir de servir la patrie; le second qui est naturellement uni à celui-là, c'est l'amour de la véritable gloire, celle qui consiste, non dans l'éclat des dignités, ni dans ie faste d'une grande fortune, mais dans le bonheur de mériter l'amour de ses semblables par des talents et des vertus.
Or, je dis que deux années de travaux aussi brillants qu'utiles, sur le plus grand théâtre où
les talents et les vertus puissent se développer, suffisent pour satisfaire ce genre d'ambition.
Quand on les a bien su mettre à profit, on peut retourner, avec quelque plaisir, dans le sein de sa famille, et souffrir avec patience cet intervalle de deux ans, qui peut paraître une situation violente à un ambitieux, mais qui est nécessaire à l'homme le plus éclairé; pour méditer sur les -principes de la législation, avec plus de profondeur qu'on ne peut le faire au milieu du tourbillon des affaires, et surtout pour reprendre ce goût de l'égalité, que l'on perd aisément dans les grandes places. Ne me parlez pas de pur civisme et de perfection idéale, et ne calomniez pas la nature humaine, pour avoir un prétexte de repousser ces principes. Je vous assure que ces sentiments sont plus naturels que vous ne croyez : -je connais plus d'un homme qui pense ainsi; j'en ai sous mes yeux ; et l'œil du public en découvrirait davantage, si l'état ancien de notre gouvernement avait permis qu'un plus grand nombre d'hommes acquît ou l'habitude, ou l'audace de la parole : mais laissez se répandre les principes du droit public, et s'établir la nouvelle Constitution, et vous verrez naître une foule d'hommes qui développeront un caractère et des talents. Croyez, croyez dès à pré?ent, qu'il existe dans chaque contrée de l'Empire des pères de famille qui viendront volontiers remplir le ministère de législateurs, pour assurer à leurs enfants des mœurs, une patrie, le bonheur et la liberté ; des citoyens qui se dévoueront volontiers, pendant deux ans, au bonheur de servir leurs concitoyens, et de secourir Tes opprimés. Et si vous avez tant de peine à croire à îa vertu, croyez du moins à Kamour-prdpiéï croyez que chez une nation qui n'est pas tout à fait stupide et abrutie un grand nombre d'hommes, un trop grand nombre peut-être, seront naturellement jaloux d'obtenir te prix le plus glorieux de la confiance publique. Voulez-vous me parler de ces hommes qu'une ambition vile et insensée dévore, qui n'estiment rien que la richesse et l'orgueil du pouvoir ; de ces hommes que le génie de l'intrigue pousse dans une carrière que le seul génie de l'humanité;devrait ouvrir? voulez-vous me dire qii'ils fuiront la législature, si l'appât de la réélection ne les y attire? Tant mieux! Ils ne troubleront pas le bonheur public par leurs intrigues; et la vertu modeste recevra le prix qu'ils lui auraient enlevé. (Applaudissements à droite.)
Voulez-vous faire des fonctions du législateur un état lucratif, un vil métier? Non. Dispensez-vous donc du détail de toutes ces petites convenances^ personnelles, de tous ces méprisables calculs qui contrastent avec la grandeur d'Une si sainte mission.
Faut-il dissiper encore une autre crainte. Vous craignez que, si Ton ne conserve pas des membres de chaque législature, les autres n'aient pas les lumières nécessaires pour remplir leurs fonctions.
Je pourrais observer que cet argument banal, comme ceux que j'ai déjà réfutés, s'appliquait à la disposition qui écarte les membres de l'Assemblée nationale actuelle, de la législature prochaine, et que 1? Assemblée l'a rejeté, quoi qu'on ait dit, avec une profonde sagesse. Son nioindre défaut est de présenter les fonctions du législateur comme on présentait ta finance, lorsqu'elle était couverte d'un voile mystériéux. Qîioi I lorsque, étrangers pour la plupart à ces occupations, vous avez suffi à des travaux si immenses,, si Compliqués-; quand vous avea pensé que la lé-
gislature qui, après vous, devait être la plus surchargée d'affaires, pouvait se passer dé votre secours, et être entièrement composée de nouveaux individus, vous croiriez que les législatures suivantes ont besoin de transmettre, à celles qui viendront après elles, des guides, des Nestors politiques, dans le temps où toutes les parties du gouvernement seront plus simplifiées et plus solidement affermies. Non ; la législation tient bien plus à des principes qu'à la routine. Toutes les lois importantes sont toujours devancées par l'opinion publique, provoquées par un besoin présent, ou par lar nécessité de réformer des abus dont on a longtemps gémi. On a voulu fixer votre attention sur de certains détails de finance, d'administration, comme si les législatures, par le cours naturel des choses,; ne devaient pas voir dans leur sein, des nommes instruits dans l'administration, dans la finance, et présenter une diversité infinie de connaissances, de talents en tout genre. Je conclurai plutôt de tout ce qu'on a dit à cet égard, qu'il n'est pas bon qu'il reste des membres de 1 ancienne ; car s'ils étaient présumés d'avance nécessaires à certaines parties qui tiennent à l'administration, ils se perpétueraient dans les mêmes emplois ; les autres membres se dispenséraient de s'en instruire ; et l'esprit particulier, l'intérêt individuel seraient substitues aux! lumières, au vœu'général de l'Assemblée représentative, Ce qui'm'étonne surtout, c'ëst que ceux qui veulent nous inspirer ces terreurs aient oublié de faire une observation bien simple, qui les en eût eux-mêmes préservés. Comment croire en effet à cette effroyable pénurie d'hornmes éclairés, puis-quaprès chaque législature; on pourra choisir les membres de celles qui l'auront précédée ? Les partisans les plus zélés de la réélection peuvent se rassurer ; s'ils ge croyaient absolument nécessaires au salut public, dans dfux ans ils pourront être les ornements et les oracles de la législature qui suivra immédiatement la prochaine. (Applaudissements.) :
Comment concevoir après cela ces cris éternels gue nous entendons retentir depuis plusieurs jours : c'en est fait de la Constitution I la liberté est perdue! Il est vrai que ces déclamations portaient principalement sur le décret qui concerne l'Assemblée actuelle; il est vrai que tous, ces discours étaient faits et préparés avant ce décret et qu'ils étaient destinés' à prouver aussi que nous devions être réélus ; et jje ne sais si j*on trouve un secret plaisir à le censurer en disçuta;ut une question liée aux principes qui l'ont dicté ; mais ce que je sais bien, c'est qu'il est permis de s'étonner de ce que ces personnes n'ont commencé à nous effrayer sur les dangers de la patrie, que le jour où l'Assemblée nationale a donné. ce grand exemple de sagesse et de magnanimité. Pour moi, indépendamment de toutes les raisons que j'ai déduites ét que je pourrais ajouter, un fait particulier me rassuré : C'est que les mêmes personnes qui nous ont dit ; tout est perdu, si on ne réélit pas, disaient aussi, lé jour du décret qui nous interdit l'entrée du ministère : tout est perdu; la liberté du peuple est violée, la Constitution est détruite. Je me rassure, dis-je, parce que j e crois que la France peut subsister, quoique quelques-uns d'entre nous he soient ni législateurs ni ministres. (Rires et applaudissements.) Je ne crois pas. que l'ordre social soit désorganisé, comme on l'a dit, précisément parce, que l'incorruptibilité deg représentants dtt' peuplé sera garantie par des lois sages. Ce n'est pas que je ne
puisîe concevoir aussi de certaines alarmes d'un autre genre ; j'oserais même dire que tel discours véhément, dont l'impression fut ordonnée hier, est lui-même un danger, ou, du moins, en présage un quelconque. A Dieu ne plaise que ce qui n'est point relatif à l'intérêt public soit ici l'objet d'une de mes pensées! Aussi suis-jebien loin de juger sévèrement cette longue mercuriale prononcée contre l'Assemblée nationale le lendemain du jour où elle a rendu uu décret qui l'honore, et tous ces anathêmes lancés du haut de la tribune contre toute doctrine qui n'est pas celle du professeur ; mais si, en même temps qu'on prévoit, qu'on annonce des troubles prochains, en même temps que l'on en voit les causes dans cette lutte continuelle des factions diverses et dans d'autres circonstances que l'on connaît très bien, on s'étudiait à les attribuer d'avance à l'Assemblée nationale, au décret qu'elle vient de rendre, on cherchait d'avance à se mettre à part, ne me serait-il pas permis de m'affliger d'une telle conduite et d'être trop convaincu de ce que l'on aurait voulu prouver : que la liberté serait en effet menacée! Mais, je ne veux pas moi-même suivre l'exemple que je désapprouve, en fixant l'attention de l'Assemblée sur un épisode plus long que l'objet de la discussion et j'en ai dit assez pour prouver que si les dangers de la patrie étaient mis une fois à l'ordre jour, j'aurais aussi beaucoup de choses à dire. Au reste, le remède contre ces dangers, de quelque part qu'ils viennent, c'est votre prévoyance, votre sagesse, votre fermeté. Dans tous les cas, nous saurous consommer, s'il le faut, le sacrifice que nous avons plus d'une fois offert à la patrie. Nous passerons; les cabales des ennemis de la patrie passeront : les bonnes lois, le peuple, la liberté resteront. Maintenant, il s'agit de porter une loi qui doit influer sur le bonheur des temps qui nous suivront ; j'ai prouvé qu'elle était nécessaire à la liberté : j'aurais pu me contenter d'observer que les mêmes principes qui ont nécessité votre décret relatif â l'Assemblée actuelle s'appliquent à toutes les Assemblées législatives. Ce n'est qu'une raison de convenance très impérieuse, très morale, qui,m'a déterminé à provoquer préliminairement le premier décret. Du moins je ne l'eusse jamais proposé, si j'avais pensé qu'il fût contraire aux principes généraux de l'intérêt public : il importe que ceux qui s'opposaient à ce même décret ne vous mettent pas en contradiction avec vous-mêmes, et ne prennent pas le droit de présenter, comme un acte de désintéressement ou de générosité, ce qui est un acte de raison, de sagesse et de zèle pour le bien publiG. Au reste, je dois ajouter une dernière observation ; c'est que ce même décret et les principes que j'ai développés militent contre toute réélection immédiate, d'une législature à l'autre. Ce qui me porte à faire cette observation, c'est que je sais que l'on proposera de réélire au moins pour une législature, parce que, pour peu que les opinions soient partagées, on se laisse facilement entraîner à ces termes moyens, qui participent presque toujours des inconvénients des deux termes opposés.
Je demande que les membres des Assemblées législatives ne puissent être réélus qu'après I;'in-tervaUe d'une législature. (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Robespierre.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion.)
(1). Le premier devoir de tout ami du bien public est d'avertir l'Assemblée qu'il n'y a pas une question relative à l'organisation du Corps législatif qui ne soit du dernier degré d'intérêt pour la chose publique. La première, concernant la rééligibilité possible des membres du Corps législatif, est peut-être liée à plus de rapports ; Iê^ stabilité des iois et du gouvernement, nos rapports extérieurs, les alliances, les traités de commerce, la répression nécessaire du pouvoir exécutif tiennent à cette question.
Le Corps législatif est tout le gouvernement, tout le corps social. Vous ne déciderez pas un point important qui ne lui soit relatif, qui ne présente en d'autres termes cette questiou : La Constitution sera-t-elle conservée ? La paix publique sera-t-elle assurée? Les Français seront-ils libres et heureux* oui ou non ? (Murmures.) Gardons-nous donc dans le cours de cette discussion relative à l'organisation du Corps législatif, de ces mouvements, de ces préjugés funestes qui détruisent la dignité de vos travaux: voire délibération aurait encore pour fâcheux effet de les entacher, aux yeux de l'Europe, du vice de la précipitation et de l'imprévoyance. Craignez ceux qui cherchent à vous empêcher de construire l'édifice social, dans l'espoir également coupable que toute la nation fatiguee de tant de mouvements convulsifs fera des pas rétrogrades vers le despotisme, ou portera ses idées vers une République beaucoup moins avantageuse à la liberté qne l'état social dont nous avons posé la base. Réunissons-nous pour déjouer ces divers projets : et que la formation sage du Corps législatif assure pour jamais notre Constitution.
Trois systè nés se présentent dans, la question actuelle : réélection toujours possible ; jamais de reélection ; vacance nécessaire après deux élections consécutives.
Messieurs, dans le second système a-t-on réfléchi à l'effet que produirait un décret qui interdirait la réélection au Corps Législatif, qui ordonnerait tous les deux ans une législature nouvelle et dans laquelle on ne pourrait apercevoir aucun des membres de l'ancienne ? Il n'y a point d'Empire qui tînt à une pareille organisation. Toute succession d'idées dans le Corps législatif serait interrompue : vous ne verriez aucun système d'administration publique ; une langueur mortelle se répandrait sur les premiers moments d'une législature nouvelle; une agitation violente tourmenterait son existence; une versatilité dans les diverses opinions ébranlerait le corps politique.
Vous ne pensez pas sans doute qu'il ne faille pas la même suite d'idées,
la même cohérence de principes dans les opérations du Corps législatif,
que dans les détails de l'exécution des lois. Il est de l'intérêt public
que les lois, lorsqu'elles sont l'expression de la volonté générale, ne
changent pas souvent, mais qu'elles soient stables.-Si vous constituez
le Corps législatif, de manière que les lois soient changées souvent,
cette versatilité sera le plus grand des malheurs. La surveillance sur
toutes les parties de l'Empire, la délibération de la paix et de la
guerre, les alliances, les traités, sont sous la direction du Corps
législatif. Sous ces rapports encore, il est nécessaire qu'il marche
toujours sur la même ligne, et que par une stabilité de principes il
inspire la coufiance.
D'ailleurs quelle étrange Constitution que celle qui prescrirait à la nation de ne plus choisir ceux qui auraient justifié son premier choix, de renoncer aux lumières qui l'auraient heureusement guidée pendant deux ans, et gui, mettant ainsi des entraves à sa confiance, lui prescrirait de ne la plus donner, ce qui serait aussi tyran-nique que de prescrire de la donner à tel ou tel individu. Je dis plus, je prétends que nous n'avons pas le droit de faire cet acte anticonstitutionnel; et, si nous le faisions, chaque département aurait le droit de n'y pas obéir. Je le prouve : (Murmures prolongés)...
On ne peut influencer de cette manière une délibération. Je demande qu'on rappelle l'opinant à l'ordre.
.. La puissance du législateur n'a pas de bornés illimitées; elle a pour terme les droits de l'homme, la justice et la raison. Hors de là, l'acte législatif n'est plus qu'un acte de tyrannie.
Un des droits les plus précieux de l'homme est de délibérer sur ses intérêts, de les régler. Quand la société dont il est membre est trop nombreuse, il est obligé de se dépouiller de son droit individuel, pour le transporter à des procurateurs communs. Si, en faisant un si grand sacrifice commandé par la nécessité, lîhomme reçoit encore des entraves dans la faculté de choisir ceux qui stipuleront en son nom, qui lui imposeront des obligations, qui disposeront d'une partie de ses propriétés pour subvenir aux dépenses publiques, il secoué impatiemment ses chaînes, il redemande sa liberté, ou ce qui est encore pis, il devient indifférent sur les choix, embarrassé qu'il est par des prohibitions diverses, tandis qu'il né devrait être dirigé par d'autres règles que par sa conscience ; il néglige de concourir à ces choix ; et, dès ce moment, il cesse de respecter et de reconnaître les lois.
Hél que dira-t-on à deux, à trois départements, qui, satisfaits de la conduite de leurs représentants, n'en connaissant pas d'autres qui puissent mieux qu'eux remplir leurs fonctions, les auraient renommés? Réduirait-on ces départements à n'avoir pas de représentants? Savez-vous, Messieurs, où on en veut venir? On veut vous conduire à un tel point que la nation croie avoir reçu des chaînes marquées du mot de liberté, et que la Constitution soit anéantie. Que craint-on pour ne pas laisser aux citoyens la plus grande latitude dans le choix de leurs représentants ? La corruption. C'est avec dès mots effrayants pour la vertu qu'on a cherché à combattre l'opinion de votre comité, par l'objection de la corruption. Mais cette corruption, comment s'éxercera-t-elle pour les réélections? Les électeurs ne seront nommés que quelques jours avant de procéder aux élections, les corpà électoraux seront composés de six cents personnes, presque toutes d'une aisance au-dessus de la corruption ; ils ne délibéreront pas ; l'influence de la parole y sera nulle. La corruption ne pourra donc agir que sur les députés élus; elle sera plus facile s'ils n'ont pas à redouter la censure de l'opinion publique; l'homme à talents, privé de l'espoir d'obtenir l'honneur de la réélection, ne cherchera plus que la fortune.
Vous auriez fait un système détestable de représentation, s'il n'offrait pas tous les moyens
possibles de déjouer l'intrigue et d'empêcher la corruption dans les élections ; mais cette accusa-tion ne peut pas vous être adressée; elle ne peut porter sur les électeurs : ce n'est donc que sur ceux qui seront membres de la législature ; et s'il y a un secret pour la rendre très farile, cette corruption, c'est que les représentants ne puissent recevoir du peuple aucune récompense. Alors on cherche à mettre à profit le temps de son administration et l'on ne craint point la censure.
Le calcul le plus simple prouve que la corruption'sera moins dispendieuse, et par conséquent plus facile avec la non-réélection que lorsque la réélection sera permise ; car si les représentants ne peuvent pas être réélus, il n'y aura pas de dépenses à faire pour les corrompre; s'ils peuvent être réélus, il faudra, pour conserver un homme dont on s'est assuré, acheter les suffrages de ceux qui l'éliront. Vous rendrez donc à la corruption le service de multiplier les ressources en diminuant les sacrifices. Mais je rougis de répondre aussi longtemps à des accusations dont la nation s'offense; nous lui faisons en.vérité trop injure de n'apercevoir daus son sein que des fripons et des corrupteurs.
Il est une censure qu'exerce l'opinion publique et à laquelle nul homme public ne peut échapper. Si la nation a un moyen de louer ou de blâmer ses représentants, oêst dans la possibilité de réélire qu'elle trouve ce moyen. Lorsque le citoyen, honoré des suffrages du peuple, sera soumis à l'alternative de conserver ou de perdre la confiance publique, lorsque nul ne pourra échapper à cette épreuve redoutable, alors un louable intérêt animera tous les esprits. On travaille peu pour la postérité; on fait plus pour mériter les suffrages actuels de ses concitoyens. Il faut, si vous voulez entretenir l'émulation de la vertu, que la censure de l'opinion publique soit bien marquée, que la nation ait un moyen d'exprimer sa confiance. Prétendez-vous ôter au peuple le droit de récompenser ceux qui l'ont bien servi, ou de couvrir de son blâme ceux qui ont trahi sa cause. Beaucoup d'hommes ne s'exposent à des sacrifices que pour l'amour de la gloire.
Si vous confondez par une même interdiction le citoyen laborieux, éclairé, qui aura bien mérité de la patrie, et l'homme turbulent dont l'âme n'éprouve que peu de remords, ne vous attendez pas que vos représentants futurs déploient beaucoup de talents et développent beaucoup de vertus, qu'ils se livrent à des travaux bien assidus, quand ils ne pourront recueillir qu'une estime momentanée, que des applaudissements d'un jour, bien peu flatteurs pour un vrai patriote qui ne mendie pas la popularité, qui la conquiert par des actions suivies, et qui n'est digne de la tixer, que parce qu'il sait la compromettre lorsque la chose publique le demande.
Si vous voulez kdonner une force énorme au pouvoir exécutif, la non-réélection est un moyen sûr, car toujours présent, toujours placé sur la même ligne, seul instruit des affaires publiques, il aura tous les moyens d'écarter les hommes nouveaux. Il faut sans doute qu'il y ait dans l'Assemblée législative une opposition constante aux projets ambitieux du ministère. Mais ne devez-vous pas craindre qu'une Assemblée toujours nouvelle ne. manifeste souvent une opposition terrible qui trouble la .tranquillité publique, et qu'elle ne veuille faire en un instant ce qu'il faudrait faire dans un long espace de temps?
Messieurs, nous avons déjà fait quelques fautes dans les décrets que nous avons rendus sur l'élection. J'espère que nous examinerons de nouveau ces décrets, je veux parler du marc d'argent, (Murmures.) et que nous le ferons de sang-froid. 11 faut que Ja liberté la plus absolue préside aux élections, et que, depuis sa' racine jusqu'à sa dernière branche, la Constitution repose sur le sol de la liberté.
Par l'analyse de ces principes, j'ai déjà beaucoup avancé les idées sur la seconde manière de poser la question : il y aura une réélection; mais la vacance sera nécessaire à la troisième législature.
S'il est vrai que les droits des citoyens, la marche du gouvernement, la conservation de l'esprit public exigent que les élections soient parfaitement libres, plus l'épreuve du talent et du zèle aura été longue, plus il sera bizarre que l'on ne puisse choisir des hommes que 4 ans de travaux auront montré à là nation avec de grands talents. Ces hommes auront pendant/la première législature toute la ferveur de prétendants à une réélection nouvelle; mais à la-seconde législature, ils auront tout" la tiédeur qui accompagne la fin d'une carrière que i'frn ne peut plus recommencer.
Rendons-nous donc sans crainte au principe que le » iloy n forcé de se taire représenter, doit êire libre de donner sa confiance à celui qui déjà en a dignement f.it usa^e; ne souillons pas la Constitution de ces entraves multipliées qui, attaquant la liberté dans sa base, laisseraient peu a'espoir de la défendre et -de la conserver; ne détruisons pas le gouvernement qu'il est si nécessaire de bien établir: ne prolongeons pas une révolution, qui ne saurait trop tôt finir; ne faisons pas que nous soyons exposés à une révolution tous les 2 aus; que chaque législature, dans l'embarras de savoir par où commencer ses.travaux, soit paralysée pendant les premiers mois de s.n rassemblement.
Tous les hommes, toutes les assemblées sont ambitieux de popularité. Les Uns comme les autres veulent être applaudis, célébrés. La sagesse, l'administration paisible n'obtiennent qu'à la longue ce succès. Une Assemblée, tout entière composée d'hommes nouveaux, succédant à une assemblée qui se sera attirée des applaudissements, est menacée de cette vanité inquiète qui porte à tenter de grandes choses, à chercher quelle est celle qu'elle pourrait faire; et si, malheureusement travaillée de cette passion, il n'existait personne dans son sein pour rappeler les principes de la Constitution, nous aurions, tous les 2 ans, un corps constituant nouveau et, avec cette forme de gouvernement, toutes les alarmes et tous les maux dont nous sommes prêts à sortir.
Enfin on dira que, par une étrange alliance de vanité et d'ambition, nous avons affecié de renoncer à la première législature qui était la plus difficile, mais que, voulant bientôt reparaître sur la scène, nous avons exclu nos successeurs de la législature suivante. Moi, je veux que nos successeurs puissent être continués; qu'ils soient par cet espoir intéressés àja garde ae la Constitution et du gouvernement. C'est pour cela que je demande qiie la réélection soit toujours libre et que la nation soit seule juge de sa confiance.
Plusieurs membres demandent l'impression du {discours de M. Le Chapelier.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion.)
paraît à la tribune.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
Je demande la priorité pour le projet du comité.
Il faut rejeter ce projet qui ne tend qu'à ériger en France une terrible aristocratie. .
Le décret contraire établit une démocratie outrée. ,
J'ai demandé la pârole pour proposer à l'Assemblée un amendement ou une rédaction qui concilie, ce me semble, tous les intérêts : celui de la fixité du gouvernement et celui d'empêcher tous les inconvénients d'une réélection trop longue. Je connais tout ce qu'on peut dire.». (Au fait J au fait !).
Voici la ré i action :
« Les membres d'une législature pourront être réélus à celle qui suivra; mais ils ne pourront être continués ensuite qu'après l'intervalle d'une législature. »
Plusieurs membres : La question préalable 1
Je demande la parole contre la questio i préalable. On veut vous faire considérer la proposition de M. Barrère comme amendement; or, je soutiens q 'elle n'est pas un amendement, il y a 3 motions de faites : l'une, par le comité, pour que les membres des législatures puissent être réélus; l'autre, par M. Pétion, pour qu'ils ne puissent pas lêtre; la troisième, enfin, par M. Barrère, pour qu'ils ne puissent pas être élus pour 3 législatures.
Ce sont donc là 3 dispositions distinctes et séparées; je demande donc qu'on prenne la marche ordinaire qui consiste à demander la priorité pour une des 3 propositions faites. (Oui! oui!)
(La priorité est demandée par divers membres pour la proposition du comité, par d'autres pour celle de M. Pétion, par d'autres enfin pour celle de M. Barrère.)
Je réclame la priorité pour la motion de M. Pétion.
L'opinion de M. Pétion peut avoir l'inconvénient de mettre deux législatures, si je puis m'exprimer ainsi, eu bascule, de les mettre en contradiction, en opposition l'une avec l'autre ; elle a aussi l'inconvénient de couper le fil de certaines affaires administratives qui sont confiées nécessairement aux législateurs. Mais aussi, Messieurs, l'opinion d'une réélection indéfinie a, selon moi, de plus grands inconvénients; elle peut avoir l'effet de concentrer dans une seule personne qui aurait eu le talent de se faire réélire... (Murmures au centre. — Aux voix ! aux voix!)
, rapporteur. Je demande la pa-
rôle (Nbuvètiux murmures. Atii Wisb! aux voix!)... L'ordre naturel des idées et par conséquent de la délibératiqn est de mettre aux voix la priorité pour l'avis du comité; qui est conforme au principe général du droit d élire qu'a le peuple.
Je vais, d'abord, mettre aux voix la priorité pour l'avis du comité.
(L'épreuve a lieu.)
La priorité n'est pas accordée à l'avis du eomité. (Mouvement,)
et plusieurs membres. L'appel nominal 1
, rapporteur. Je ne puis m'empê-cher... (Bruit à droite.)
Je demande l'appel nominal; if faut qu'il soit bien constaté que ceux qui Ont voté contre l'avis: du comité ne veulent pas avoir de gouvernement. (BruAU}
À droite : Eh bien I l'appel nominal 1
, rapporteur, insiste pour avoir la parole.
Je demande du moins à répondre à M» Thouret.
, rapporteur. L'intérêt véritablement capital du déerét que l'Assemblée va rendre, le vif sentiment de cet intérêt manifesté par je mouvement même qui s'est fait dans dans l'Assemblée au moment où elle se prépare à décréter, prouve qu'elle' doit se recueillir (Murmures violents à droite.)... L'opposition même qui se manifesté dans cette partie de la salle (il désigne la droite) doit être assez lumineuse sur la position où se trouve l'Assemblée. Votre décision aura de très longues et très profondes influences sur l'état de la chose publique; ne décidez donc qu'avec toute la maturité qu'exige la délibération qui vous occupe.
Je regrette fort que M. le Président n'ait pas voulu m'accorder la parole sur la question de priorité... (Murmures à droite. — A gauche : Parlez ! parlez 1)
Toiis, les citoyens doivent se réunir pour ne pas laisser troubler la délibération par des factieux.
, rapporteur. Si, dis-je, l'Assemblée m'avait entendu, je crois qu'elle aurait donné la priorité au comité. Je ne viens pas réclamer ici une forme stérile; je ne viens pas me plaindre, àu nom du comité, de ce que, contre la marche constante des délibérations, on n'ait pas accordé la priorité à sa proposition ; mais je crois qu'il était dans la marche naturelle des idées de la lui donner, car le comité vient proposer à l'Assemblée de décréter que les membres d'une précédente législature pourront être réélus à, la suivante. Cette proposition est dans la plénitude du principe et il -n'y a aucune autre proposition qui f'énerve. Il faut donc savoir avant tout si l'As-semblée veut adopter cette plénitude du prin-
cipe, en déduisant des conséquences justes des principes qu'elle a déjà posés, et faire ainsi avec toute l'efficacité possible le bien public, ou si elle ne veut le fàire qu'aVéc des modifications qui, dans mon opinion, la détruisent complète-tement.
On a décidé qué les deùx autres propositions différentes de la nôtre, qui vous ont été faites, ne soient pas des amendements ; Ce sont donc des propositions contradictoires. Si elles sont des propositions contradictoires, la priorité appar-tient indubitablement, non pas parce qu'elle est celle du coniité, mais par la màrôhè naturelle des idées, à celle qui présente le principe dans sa plus grande pureté. Ce n'est qu'après s'être expliqué sur cette proposition, après l'avoir re-jetéè, fc'il était possible que la majorité s'y réunît, qu'il deviendrait conséquent d'examiner ensuite quelle doit être la modification qu'il faut apporter pour se déterminer entre les deux autres propositions. Ainsi le décret qui paraît être rendu, ne le paraîtrait peut-être pas, si l'on avait fait ces réflexions.
Je demande donc l'appel nominal et je fonde ma demande sur un décret que vous avez rendu à Versailles qui dit que sur tous les objets constitutionnels on procédera par appel nominal (Non! non! — Si! si !)... J'observe que ce décret n'a pas toujours été exécuté; mais il n'est pas pour cela annulé, et comme il s'agit en ce moment d'un des points constitutionnels les plus importants, ce décret appartient à l'Assemblée, à la chose publique ; je le réclame à l'appui de la motion qui a été faite d'aller à l'appel nominal. (Mouvement prolongé.)
Je demande aussi l'appel nominal, pourvu que ce soit spr le fond. (4 droite : Oui! oui!)
Avant la proposition de l'appel nominal, M. Thouret a dit quelque chose qui mérite une réponse.
Puisque M. Robespierre prend si bien la parole, je la demande après lui.
Tout le monde est égale-ment persuadé de l'importance de M question. Je pense que votre délibération ne doit pas être dirigée par des déclamations vagues, par des insinuations insidieuses ; et si je pensais que ce motif pût influer sur une délibération si importante, j'ajouterais aussi un trait de lumière qui vous découvrirait la cause pour laquelle on met tant de chaleur de part et d'autre à soutenir son opinion. (Parlez ! parlez !)
Il est un fait constant, dont il sera facile d'être convaincu. La résistance que l'on apporte en ce moment à la délibération provient de ce que ceux qui soutiennent aujourd'hui le système de la réélection sont tellement convaincus que votre décret d'avant-hier est mauvais, qu'ils ont formé le dessein de le rendre inutile... (Murmures.)
Le décret d'avant-hier est bon et n'a en rien préjugé l'importante question d'aujourd'hui. Qu'on m'accorde la parole et je m'engage à le prouver.
Je tire la preuve du fait que j'annonce à l'Assemblée du principe très hardi
avancé pour la première fois dans cette tribune par M. Le Chapelier, lorsqu'il a dit que les départements seraient autorisés à désobéir à votre décret... (Murmures.)
C'est une imposture; c'est une calomnie;... oui, Monsieur, une calomnie!
11 n'est question que de savoir si on fera l'appel nominal, oui ou non.
Que l'on me donne la parole et je répondrai à M. Robespierre, non pas par des conjectures, mais par des faits. (Applaudissements.)
Il est d'autant plus convenable de m'accorder la liberté de finir mou opinion que si le fait que je dis n'est pas exact, il est important qu'il soit démenti. Or, je conclus de Ténonciation faite dans cette tribune par M. Le Chapelier, que l'intention manifeste de ceux qui s'opposent au coprs de la délibération, est de vous faire revenir sur le décret d'avanl-hier. (Murmures à gauche. — A Vordre! à Vordre!)
Je demande la parole. (Murmures à droite.)
Vous ne devez accorder la parole à personne, Monsieur le Président; il s'agit uniquement de savoir s'il y aura appel nominal, oui ou non. (Mouvement prolongé.)
La parole est à M. de Cazalès. (Murmures et interruptions à droite.)
A droite : L'appel nominal I
Monsieur le Président, faifes-moi jouir de la parole que vous m'avez accordée.
A droite : Non ! non !
Je. vais mettre aux voix si M., de Cazalès sera entendu.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. de Cazalès sçra entendu.) t
Je demande la parole pour répondre à M. de Cazalès.
Et moi après, Monsieur lé Président. (Rires.)
(1). J'ai promis -d'établir, Messieurs, que le décret d'avant-hîer est
très conforme au principe de la souveraineté du peuple si souvent
invoqué dans cette Assemblée (Murmures à droite); je démontrerai
également que ce décret par lequel vous avez décidé que les membres ae
l'Assemblée nationale actuelle ne seront pas éligiblés à la législature
prochaine, décret qui est très merveilleusement approprié aux
circonstances qui vous environnent, n'a en
Voilà, Messieurs, l'engagement que je vais remplir, si l'Assemblée daigne me prêter un moment de silence. (Murmures au centre et à droite ; applaudissements à gauche.)
A gauche : Parlez! parlez!
Si l'on accorde la parole à M. de Cazalès, je demande qu'on me l'accorde après.
Vous avez décrété, Messieurs, que les membre? de l'Assemblée nationale ne seraient pas éligibles pour la législature prochaine et je vous disais que ce décret, conforme aux principes dé la souveraineté du peuple, tant "de fois invoqué dans cette Assemblée, ce décret merveilleusement approprié aux circonstances qui vous environnent, n'a pas préjugé l'importante question qui vous est soumise.
L'Assemblée nationale diffère trop essentiellement des législatures qui la suivront, et par la nature de ses fonctions, et par le titre de son existence, et par les circonstances dans lesquelles elle s'est trouvée, pour que l'organisation de ces législatures puisse être réglée d'après les mêmes principes.
Vous venez de donner une nouvelle Constitution à l'Empire français, et c'eût été étrangement méconnaître la souveraineté du peuple, que de ne pas lui demander la ratification des lois constitutionnelles auxquelles il doit obéir.
Des hommes de bonne foi, des amis delà vérité ne pouvaient pas reconnaître, dans des adhésions partielles et isolées, dans defe adhésions que le parti dominant est toujours sûr d'obtenir, l'expression légale de la volonté de la nation. Une grande nation n'a qu'un moyen d'exprimer son vœu d'une manière légale et complète. Ce moyen est d'élire de nouveaux représentants qu'elle charge de rectifier les lois qu'on lui propose. Il était donc nécessaire que la seconde législature fût entièrement renouvelée; il était nécessaire qu'auctin membre de l'Assemblée nationale ne pût être réélu, car il eût été trop absurde de charger de ratifier et d'examiner la Constitution ceux-là mêmes qui l'avaient faite. (Murmures.) Et vous sentez combien il serait absurde qu'il confiât cette ratification aux mêmes hommes qui auraient concouru à faire la loi, et qu'il les chargeât de porter sa volonté formelle ou présumée, je dis présumée, car quand le peuple se tait, son silence est aussi un consentement.
Les législatures suivantes n'auront pas une tâche si importante à remplir. Il faut espérer qu'elles seront convaincues d'avance que la mobilité dans les lois de l'Etat est le plus grand malheur auquel un peuple puisse être condamné. Il faut espérer qu'elles ne sortiront pas des bornes de leur mission, et qu'après avoir examiné et ratifié la Constitution que vous avez faite, elles ne s'oceuperoni que des mesures nécessaires pour la maintenir. 11 faut espérer que, convaincues de la folie et du danger qu'il y a dans ce luxe de législation auquel vous vous êtes si imprudemment livrés, elles ne feront de lois qu'à de longs intervalles et lorsque les changements qu'amène une longue suite d'au nées les auront rendus absolument nécessaires.
Restreintes, pour ainsi dire, à de simples actes
de gouvernement, elles n'auront pas besoin de recourir à la souveraineté du peuple; elles n'auront pas la nécessité de cette ratification qu'il est de votre devoir de demander à la nation française, et qui seule peut imprimer à la Constitution que vous avez faite ce grand caractère qui, enchaînant jusqu'à l'opinion individuelle, la mettra à l'abri de toute atteinte et placera au rang des délits nationaux toutes les tentatives que-- l'on oserait faire pour la renverser.
Alors se courberont devant la volonté nationale légalement exprimée les têtes des chefs les plus obstinés de l'opposition; alors il ne pourra plus y avoir dans l'Assemblée nationale de dissentiment légitime que sur les meilleurs moyens de faire exécuter une Constitution devenue le véritable vœu du peuple français. Le pouvoir de l'Assemblée nationale est le résultat des circonstances et de la nécessité. Le temps, ce grand appréciateur des ouvrages des hommes, le temps qui légitime tout ce qu'il ne détruit pas, décidera seul si l'acte en vertu duquel vous vous êtes attribués l'autorité que vous avez exercée était un acte légitime.
Mais quel que soit le jugement que la postérité portera de vous et de vos travaux, il était nécessaire qu'une autoriié qui s'eiait creée elle-uiéme put -ur-le-chump faire légumier par le peuple, source de tant de pouvoirs, l'usage qu il eu avait fait. 11 était impossible, il fût été du plus extrême danger pour laliberte qu'une poriiou de ce pouvoir fût restée eutre les mains d'une partie des individus qui l'avaient créé.
Les Assemblées qui nous suivront auront un titre uioius contesté. Elles pourront doue, sans aucun inconvénient, transmettre aux mêmes individus d'une législature à 1 autre cette autorité qu'elles exerceront en vertu de la loi constitutionnelle de l'Etat, en vertu d'une loi avouée et reconnue par l'universalite de la nation française.
Quand l'Assemblée nationale a fait une Constitution, elle s'est écartée des routes communes tracées jusqu'alors; elle a dédaigné l'exemple de ses contemporains; elle a tout oublié puur ne se souvenir que des principes de justice et de liberté.
Comment se pourran-il qu'au milieu d'une révolution qui a détruit la fortune de tant de citoyens, qu'au milieu d'une révolution où tant d'intérêts particuliers ont été froissés, qu'au milieu d'une révolution qui nous a entourés d'une foule si nombreuse de mécontents, il y eût un seul de nous qui osât garder une partie de cette autorité que nous avons exercée ; il fallait bieu que l'Assemblée nationale gardât jusqu'au bout, ce caractère de désintéressement qui l'a distinguée, il fallait bien qu'à travers le reproche qui s'élevait contre elle u'e toutes paris, qu'à travers les accusations bien ou mal fondées qu'on portera contre elle-, la malveillance, la calomnie même, fussent contraintes de s'arrêter et de respecter son désintéressement. (Applaudissements à gauehe et dans les tribunes.) Il lallait enfin que les auteurs de la Constitution lui rendissent le service le plus important qu'elle pouvait en attendre, celui de la rendre respectable par le désintéressement de ceux qui l'ont faite.
Quand Sylla eut violemment ramené les Romains à la liberté, il abdiqua la dictature au moment où il n'y avait pas un citoyen dans tout l'Empire qui ne crût que la dictature était son uuique asile : « Romains, dit-il, je suis prêt à vous rendre compte de tout le sang que j'ai versé; fort de la pureté de mes intentions, fort de l'es-
time du peuple et de l'amour du Sénat, je ne veux pour ma défense que la justice de ma cause et l'impartialité de la loi.
Nos successeurs auront des devoirs moins pénibles à remplir ; ils verseront du baume sur les blessures nécessaires qu'a faites la Révolution. (Les membres de la droite se regardent.) Ils n'auront qu'à consoler l'amour-propre que la raison commencera à éclairer. C'est en dédommageant l'intérêt particulier, c'est en réparant les malheurs individuels que vous avez faits, qu'ils tâcheront de réunir tous les Français dans la même opinion, qu'ils lâcheront de consommer, par la modération et la sagesse, l'ouvrage commencé par l'enthousiasme et le courage, lis n'auront qu'à entretenir la régularité dans l'action du gouvernement, qu'à surveiller l'emploi de la force publique, et à s'occuper de quelques actes de législation. Comme ils n'ont pas fait les mêmes maux, la loi serait injuste si elle exigeait de nos successeurs les mêmes sacrifices ; elle serait injuste si elle exigeait d'eux le même désintéressement.
Consentir l'impôt, eu surveiller l'emploi, décider de la paix et de la guerre, discuter des traités de commerce, telles sont les plus importantes fonctions, dout, aux termes de vos uécrets, les Assemblées nationales serout chargées. Ces différents actes de gouvernement, ces actes d'administration demandent, de la part de ceux qui les lont, l'expérience la plus consommée; demandent des counaissances que l'habitude d'administrer peut seule donner. Certes nous serions trop à plaindre si les membres des Assemblées nationales, chargés d'exercer de pareilles fonctions, n'étaient paséligibles d'une législature à l'autre.
Nous serions trop à plaindre si la France était condamnée à voir l'Assemblée nationale, la seule puissance reelle qui existe dans 1 Etat, changer tous les deux ans de principes et de vues. Cette mobilité, cette variation dans les membres du Corps législatif seraient bien autrement funestes que les fréquents changements de ministres, si reprochés à l'ancien regime et dont tant d'erreurs et tant d'impérities oot été la suite.
Ne pensez pas que des mesures prises à l'avance, que des règlements par lesquels vous prétendrez gêner la liberté des représentants de la nation, puissent donner à votre gouvernement cette fixité qui doit en être le caractère, puissent donner à votre administration cette suite d'idées, cette identité de principes, qui seule peut en assurer le succès. Que pourront ces vaines précautions? Que pourront des règlements dont aucun pouvoir ne garantit ni l'exécution, ni la durée, contre cette éternelle maladie de l'esprit humain ; celte maladie plus particulière à la natiou française qui la porte a changer sans cesse, sans autre raison, sans autre objet que de défaire ce que ses prédécesseurs ont fait 1
Ce n'est qu'en permettant, ce n'est qu'en favorisant la réélection d'une législature à l'autre que vous pourrez espérer de remédier à cette funeste mobilité. Les mêmes réélus engageront leurs nouveaux collègues à marcher sur la même ligne; seuls ils pourront défendre les principes déjà établis, ils les défendront de toute l'influence que leur donnera, dans une Assemblée nouvellement convoquee, l'habitude des Assemblées nationales, et l'avantage qu'ils auront d'avoir été membres de celle qui aura précédé.
C'est en vain qu'en décrétant des Assemblées nationales permanentes, vous auriez évité les secousses qu auraient données à l'Empire des Asr semblées natiouales périodiques, si la mobilité
des membres du Corps législatif entraîne les mêmes dangers. Ce n'est pas la permanence physique des Assemblées nationales, mais la permanence des principes et des idées dans les différents Corps législatifs qui se succéderont, qu'il importe à la cnose publique d'établir.
Vous ne pouvez parvenir à ce but qu'en permettant la réélection. Si les mêmes individus ne peuvent pas conserver la tradition des principes d'une législature à l'autre, il n'y aura, dans votre gouvernement, qu'incertitude et variation.
Aucun de ces projets vraiment utiles, qui ne s'exécutent qu'avec le temps, ne sera entrepris. Les mesures les plus sages seront abandonnées aussitôt que suivies. Le3 citoyens toujours inquiets, toujours incertains des principes et des vues d'un gouvernement toujours nouveau, n'oseront se livrer avec sécurité à aucune entreprise : les étrangers, ne pouvant prendre confiance dans un gouvernement aussi mobile, refuseront de traiter avec vous ; sans tranquillité au dedans, sans considération au dehors, vous serez le royaume le plus mal administré de l'Europe.
11 serait à craindre que la nation, fatiguée d'un gouvernement aussi funeste, ne finît par préférer une tranquille et lucrative servitude à une liberté aussi orageuse, à une liberté qui lui ferait per Ire cette considération vis-à-vis des étrangers dont elle est si jalouse, et qui, par sa mauvaise et changeante administration, tarirait la source des richesses et de la prospérité nationale.
Enfin, Messieurs, il gérait aussi trop absurde, tro,s désavantageux à la nation, trop inju te pour ceux qui l'auraient servie, qu'elle ne fût pas leur donner une marque d'estime et de confiance.
Il serait trop cruel qu'elle ne pût pas leur donner la s ule récompense digne de l'ho me de bien, cette r-écompenie qui, pour p ix d'avoir servi la patrie, vous donne le droit de la servir encore.
On a dit, dans cette tr bu e, que la réélection des mêmes membres, d'une législature à l'autre, naturaliserait l'intrigue et la vénalité dans le Corps législatif, et vos orateurs se sont élevés avec force contre toute idée d'intrigue et de corruption.
Mais, est-ce bien sérieusement que l'Assemblée nationale a pensé [qu'avec les mœurs de notre siècle, qu'avec les hommes de nos jours, elle établirait un gouvernement représentatif, et.que les membres du gouvernement ne seraient pas corrompus? Est-ce de bonne foi qu'elle a pu croire que toutes les places de l'administration seraient éligibles et que les suffrages du peuple ne seraient pas. achetés? Certes, une pareille pensée prouverait, de votre part, une profonde ignorance et des hommes et des choses : une pareille opinion serait bien propre à effrayer sur les suites d'une pareille institution faite par des législateurs qui auraient si mal connu les hommes auxquels ils donnaient des lois. Et moi aussi, je déteste la corruption : et moi aussi je m'indigne de ce que cet infâme moyen de gouvernement est nécessaire ; et c'est ce qui fait que je n'aime pas votre gouvernement représen'atif.
Mais puisque vous avez adopté cette forme de gouvernement, soumettez-vous aux inconvénients qui en sont inséparables ; ne cherchez à tromper ni vous, ni les autres; ne mentez pas à ce peuple qui vous entend; et tout en lui vantant les avantages du gouvernement représentatif, tout en lui vantant les avantages des élections, ne manquez pas de l'avertir que ses représentants seront corrompus et que ses suffrages seront achetés.
Vainement vous multiplierez les précautions, vainement vous entasserez les barrières autour du Trésor public, il est impossible d'ôter au roi le pouvoirîde l'argent, il est impossible d'empêcher les ministres de s'en servir pour corrompre le Corps législatif. Multiplier la surveillance, ce n'est que rendre la corruption plus chère; toutes les responsabilités, à cet égard, sont illusoires; crest avec l'argent volé dans le Trésor public, qu'un ministre corrupteur obtient la majorité d'une Assemblée nationale; et c'est avec cette majorité qu'il obtient la quittance de ses comptés; et c'est avec cette majorité qu'il repousse les accusations qu'on porte contre lui.
Il n'est qu'un moyen possible de diminuer, sinon d'éviter la corruption, et ce moyen est dé la rendre moins nécessaire.
L'Assemblée nationale a commis, à cet égard, une grande faute, en ôtant au roi la nomination de tous les emplois ecclésiastiques et civils, en ne lui laissant d'autre influence sur les membres du Corps législatif que celle de l'argent.
Car il est possible que ces hommes que notre facile probité consent d'appeler honnêtes, et qui s'attacheraient au parti de la cour, par l'espoir des places et des dignités dont elle aurait la disposition, conservassent cependant assez de pudeur, assez de patriotisme pour abandonner ce p^rti, s'ils lui voyaient prendre des mesures évidemment contraires à la liberté, à la prospérité publique ; mais celui qui est assez, vil pour vendre sa voix, c. lui qui est descendu à ce degré de bassesse de donner son suffrage pour de l'argent, n'a plus de volonté qui lui soit propre, et il ri'est pas de trahison, li n'est pas d'infamie qu'on ne soit en droit d'attendre, qu'on ne soit en droit d'exiger d'un être aussi dégradé.'
La corruption est dans la nature du gouvernement représentatif, rien ne saurait l'éviter- Cardons-nous donc, en courant aprè> un> cnimè e qu'il est impossible d réaliser, dç perdre l'avantage le plus nréci ux d' cette forme de gouverne lient, avantage que lui a-su e surtoni la réélection, l'avantage de voir constamment à la tête des affaires les hommes les plus éclairés de la nation.
Enfin,; Messieurs, il est une raison puissante, une raison qui aura une grande influ nce sur les nombreux partisans qu'a dans cette Assemblée la souveraineté du peuple, cette souveraineté très réelle quand l'agrégation des citoyens est peu nombreuse, mais qui devient un droit à peu près métaphysique, un droit dont l'exercice est impossible quand le peuple se multiplie et se disperse sur la surface d'un vaste territoire; alors le seul acte de souveraineté que le peuple puisse exercer, c'est la réélection : c'est par la réélection qu'il conserve une influence directe et immédiate sur la formation de la loi; c'est par la réélection qu'il demeure le juge et le souverain de ses représentants; c'est par elle qu'il leur distribue le blâme ou la louange qu'ils ont mérité; c'est par la réélection qu'il vide l'appel porté devant lui, lorsque le pouvoir exécutif s'oppose aux actes du Corps législatif. Eh 1 comment le peuple pourrait-il juger cet appel I Comment pourrait-il prononcer entre l'Assemblée nationale et le roi? Est-il en état de délibérer sur la question qui les divise! Il n'a qu'un moyen de décider : il nomme, ou il ne nomme pas les membres qui ont proposé la loi ; et ce choix qu'il fait de ses députés prononce son jugement sur la question agitée. (.Applaudissements.) :
Ainsi, lorsqu'on vous propose de décréter que
la réélection ne pourra pas avoir lieu, on vous propose d'ôter au peuple le précieux reste de sa souveraineté; ou vous propose de rendre le gouvernement impossible dans l'Empire; on vous propose d'ôter au roi la règle de sa conduite ; car il n'est pas de doute qu'il ne soit du devoir, de l'intérêt du roi de céder à la volonté du peuple, quand elle est clairement manifestée; mais il n'y a pas de doute aussi que ce ne soit une trahison, que ce ne soit une coupable faiblesse de la part du roi que de céder à la volonté des représentants de la nation elle-même. (Allons donc ! allons donc! — Oui! oui! — Quelques applaudissements.)
Je le répète, Me-sieurs, parce que c'est une incontestable vérité politique; il est du devoir, il est de l'intérêt du chef de la nation française de céder au vœu de son peuple, quand le vœu de son peuple lui est clairement manifesté; mais ee serait une trahison, une faiblesse; ce serait l'oubli du pouvoir qui lui a été confié par la nation, en qualité de son représentant héréditaire, que de céder à la volonté des représentants de la nation, s'il croit que cette volonté est contraire aux intérêts et au vœu de la nation elle-même.
C'est pour résister à cette volonté qu'il a été institué; c'est le seul but, le seul objet, la seule cau^ pour laquelle vous avez un monarque héréditaire; c'est pour défendre la nation entière du despotisme de ses représentants; et ce despotisme des représentants serait complet, s'ils voulaient substituer leur Volonté individuelle à la volonté générale, la volonté des représentants de la nation à la volonté de la nation elle-même.
11 faut donc, si vous voulez que la nation soit libre, il faut qu'il y ait une manière possible pour que le roi distingue ces deux volontés ; je défie qu'on en trouve une autre ; il ne peut pas en exister une seconde que la voie de la réélection ; car sans doute vous ne preudrez pas pour la volonté de la nation, ces rumeurs populaires qui vous ont si souvent entouré. La nation française consiste dans la totalité du royaume. U faut que la totalité du royaume soit consultée, elle ne peut l'être que par la réélection.
En défendant la réélection, vous établiriez dans le gouvernement une mobilité de principes qui serait bien funeste à la prospérité de l'Empire; vous ôteriez au peuple le reste de sa souveraineté ; vous ôteriez au roi la seule règle de sa' conduite, le seul moyen qui lui reste de connaître si les représentants de la nation ne se trompent pas ou ne le trompent pas sur son véritable vœu ; et comme je ne pense pas qu'il y ait dans cette Assemblée des nommes qui, sous l'ombre de servir le peuple, travaillent à l'asservir, des hommes qui veuillent assujettir la nation et le roi au despotisme des Assemblées nationales, je ne doute pas que vous ne reveniez aux vrais principes de tout gouvernement libre, aux vrais principes de tout gouvernement représentatif, et que vous ne décrétiez la réélection, seul moyen qu'ait le roi de distinguer la volonté du peuple de celle de ses représentants. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres :Aux voix ! aux voix l
M. de Cazalès vient sans doute de défendre avec beaucoup d'éloquence et d'une façon très intéressante la cause des grands talents ; (Murmures.) mais je dois le dire dans cette Assemblée, avec la franchise qui me carac-
térise, (Rires.) la cause des grands talents n'est pas toujours celle de la liberté.
je dois dire également, Messieurs, à beaucoup d'autres qui ont une opinion différente, qu'il est inutile d'avoir renversé le despotisme, si on se montre si âpre à en recueillir la succession.
Messieurs, j'espère que vous voudrez bien m'entendre sur le fond. (Non! non!) Vous avez bien entendu M. de Cazalès ! (Aux voix ! aux voix !)
(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle n'entendra pas M. de Montlosier.)
rappelle l'état de la délibération et demande à l'Assemblée si elle entend renouveler l'épreuve sur la question de priorité.
(L'Assemblée décide que l'épreuve sera renouvelée).
Je mets aux voix la priorité pour le projet du comité.
(Deux épreuves successives ont lieu et sont déclarées douteuses-)
Il va être procédé à l'appel nominal.
Je demande à faire une simple observation; il me paraît tout simple de ne considérer la motion de M. Barrère que comme un amendement à l'avis du comité. De cette façon, la délibération est toute simplifiée; il n'y a plus d'obstacle à: accorder la priorité au comité, sous la réserve de tous .les amendements dont on le croira susceptible et notamment de celui qui porte que les membres d'une législature pourront être réélus à la législature suivante, mais qu'ils ne pourront l'être de nouveau qu'après un intervalle de deux ans. (Oui! oui! — Non! non!)
Un membre : Si la priorité est accordée au projet du comité, la motion de M. Barrère est rejetée par le fait même. (Bruit.)
La motion de M. Barrère est un véritable amendement et il a toujours été considéré comme tel par son auteur.
A droite : L'appel nominal!
L'appel nominal devient inutile; si l'on réserve l'amendement de M. Barrère, personne ne dispute la priorité au comité.
Il me semble qu'il n'y a pas de doute; la proposition de M. Barrère est un amendement.
(L'Assemblée, consultée, décide que la motion de M. Barrère est un amendement et accorde la priorité à l'avis du comité.)
indique l'ordre du jour de demain et lève la séance à quatre heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. Stanislas «le Clermont-Tonnerre (1), sur la réélection.
Messieurs,
La question qui vous occupe ne me paraît offrir de véritables difficultés .que parce qu'on s'obstine à la séparer d'une autre qui, dans mon opinion, ne devrait pas en être détachée; mais en discutant la question telle qu'elle est posée, si vous me demandez simplement : les membres du Corps législatif doivent-ils pouvoir être réélus ? je suis d'abord frappé par un principe incontestable, celui de la souveraineté du peuple. Je me dis qu'il ne faut restreindre son choix que pour des motifs de là plus haute importance, et lorsqu'il est évidemment démontré qu'une pjus grande latitude serait pour le peuple une source de maux inévitables, et placerait dans sa Constitution le germe même de l'esclavage.
Cette idée me conduit à l'examen des suites probables du système de la réélection. Si l'éducation politique d'un peuple était faite depuis plusieurs siècles, s'il s'était formé en lui un véritable esprit public, si séparant toujours, dans sa pensée, le respect dû à la place de celui qu'exige ou attire l'homme qui l'occupe, il ne connaissait de titre que la vertu et d'influence que la Raison, je ne verrais dans la privation du droit de réélire qu'une violation gratuite du principe, une atteinte inutile portée à la souveraineté nationale, et je volerais, sans hésiter, pour que la réélection fût admise. Mais le3 circonstances que je retrace ne seront, d'ici à bien longtemps, les circonstances d'aucun peuple, et d'ici à bien longtemps, la possibilité de la réélection placera la liberté publique près jd'un écueil bien redoutable.
Ce système menace l'Empire de la plus cruelle aristocratie, d'une aristocratie fortifiée par tous les moyens, environnée de toutes les ressources, disposant de la fortune nationale, pouvant couvrir ses usurpations des noms sacrés de patriotisme et de la liberté, et nous enchaînant par le double lien de l'enthousiasme et de l'habitude.
Ce système tend à concentrer dans le Corps législatif l'ambition d'administrer, et l'habitude d'empiéter successivement sur l'action du pouvoir exécutif; habitude de laquelle naîtra bientôt la confusion des deux pouvoirs et l'esclavage du peuple. En effet, croyez-vous qu'un peuple soit libre, et qu'il existe une barrière à l'autorité des législatures, lorsque, fidèles à un système suivi et soutenu par les mêmes hommes, elles marcheront sans cesse en avant, sans autre con-tre-poids que celui d'un ministère sans force, d'un ministère auquel elles articuleront à leur gré qu'il n'a plus la confiance nationale; d'un ministère qu'elles enchaîneront à leurs comités, d'un ministère dans la main duquel elles briseront d'avance l'arme constitutionnelle du veto suspensif, par la certitude d'une persévérance facile, d'un ministère enfin, qui conduit aux plus lâches calculs par l'inconsidération et la nullité, deviendra l'instrument docile de toutes
les passions des membres prépondérants de l'Assemblée. Dans cet état de choses, la puissance unique sera dans le Gorps législatif, la nomination à tous les emplois sera de fait dans le Corps législatif; enfin, tous les moyens de l'éterniser par une constante réélection seront dans le Corps législatif.
Ces inconvénients majeurs me paraissent lutter avec force contre le système de la réélection, si on vous le présente isolément; ces inconvénients m'effraient pour la liberté, pour la Constitution ; ce? inconvénients combattent à mes yeux le principe, et cependant la violation du principe m'en présente d'autress contre lesquels je ne suis pas plus rassuré.
Je ne répéterai pas ce que l'on vous disait dans une des séances précédantes ; je ne présenterai pas comme un inconvénient de la non-rééjkectioBL, l'impossibilité de trouver, hors du Corps législatif et dans l'étendue du royaume, des hommes capables d'entendre et de maintenir une Constitution libre; cette objection est pitoyable, quoique de rapporteur l'ait adoptée : je ne m'effraierai pas davantage de cette alterna* tive de repos d'activité que M- Thouret présen-r tait comme un mal; je pense, au contraire, que cette alternative est un bien, qu'elle est l'état naturel d'un homme véritablement libre : un tel homme sert sa patrie avec toute sa force, avec son âme, avec toute sa conscience ; un tel boqime, après deux ans de ce travail, sent et avoué le besoin d'aller dans la retraite et le silence puiser une force nouvelle, se recréer une nouvelle âme, et j'allais presque dire une conscience plus recueillie.
Mais d'autres dangers m'arrêtent ; je vois dans l'impossibilité de réélire, une prépondérance excessive donnée à la présence exécutrice ; je vois que, dans cette hypothèse, le ministère peut opposer une marche constante aux hésitations pèriodiquesd'uncorps nécessairement renouvelé. Je vois des législateurs séparés presque totalement de l'opinion publique qui ne pourra plus rien pour eux, et d'autant plus facilement entraînés vers des espérances peu généreuses, que la loi leur interdit l'espoir d'obtenir une confiance nouvelle, le prix le plus doux d'une confiance justifiée. Je vois le peuple privé de son droit, enchaîné dans l'acte le plus important que la Constitution lui confie ; je le vois forcé d'abandonner un citoyen au moment où il le connaît, et de marcher sans cesse d'expérience en expérience.
Dans le choc de ces raisons contraires, mon hésitation se prolonge, et avant de-prendre un parti définitif je ne puis me refuser au désir d'examiner s'il n'est pas un moyen qui lève tous mes doutes et concilie l'exercice entier du droit du peuple avec la liberté publique.
Je n'ignore pas quelle défaveur environne l'idée à laquelle je vais m'arrêter quelques instants ; mais, Messieurs, le but d'un honnête homme est plus l'estime que la fayeur ; et s'il y a de l'estime attachée au courage de ceux qui ont résisté au despotisme des autorités, u ,est peut-être non moins juste d'en accorder au courage non moins pénible de résister au despotisme des opinions dominantes.
Le moyen qui conserverait le droit du peuple, qui ôterait à la réélection tout ce qu'elle présente de danger, et lui conserverait ses véritables avantages ; ce: moyen me paraîtrait être l'adoption d'une loi anglaise,.de celle- qui accorde au monarque le .droit de dissoudre une législature en
en convoquant une seconde. Ce droit séparé de j la réélection serait la plus absurde des tyrannies ; ce droit joint à la réélection, et soumis lui* même à une modification que j'indiquerai, me parait être le contre-poids de la réélection, et de la réunion de ces deux moyens me paraîtrait résulter l'équilibre des pouvoirs, si nécessaire pour consolider la liberté.
La véritable liberté, Messieurs, ne peut exister chez un pèuple, que lorsque sa volonté y est constamment la loi; mais la volonté du peuple ne peut être immédfatement manifestée que dans un corps social peu nombreux. Du moment où 25 millions d'hommes veulent exister en corps de peuple, ce n'est plus que par des approximations, ou à l'aide d'une machine politique que l'on obtient une volonté que l'on convient de regarder comme la volonté générale, et plus la machine politique est parfaite, et c'est le plus ou le moins de précautions prises à cet égard, gui caractérisent une boune ou une mauvaise onstitution.
Vous avez pensé, Messieurs, que vous obtiendriez en France une volonté conforme à la volonté générale, en la faisant dépendre de l'accord des deux pouvoirs constitués. Vous avez pensé que le peuple serait censé vouloir ce qu'auraient voulu des représentants électifs, et ce qu'aurait consenti son représentant héréditaire. Pour éviter en même temps la prépondérance que pourrait acquérir le Corps législatif ou le roi, vous avez voulu que le peuple jugeât de leur dissentiment, et que dans le cas de l'emploi du veto suspensif par le pouvoir exécutif, la répétition du même vœu par une seconde et par une troisième législature, triomphât de toute opposition, et fit présumer le vœu du peuple.
Cette institution soustrait la confection des lois à la trop grande influence du ministère; mais cette institution, si elle est suivie de la possibilité de réélire, donne au Corps législatif un avantage auquel je ne vois plus de contre-poids. Il peut naître dans le sein de ce corps même une coalition perfide qui pousse des ramifications dans tout le royaume; une coalition qui, armée de tout le pouvoir du Corps législatif, transporte véritablement aux personnes la force et le crédit qui n'appartiennent qu'à leurs fonctions : par ce moyen, la réélection serait préparée et assurée d'avance; des députés pouvant disposer de tout, seraient b en sûrs de tout obtenir; ils ne consulteraient plus le vœu du peuple, ils lui substitueraient le leur; ils feraient l'opinion publique au lieu de la suivre; ils renverseraient la Constitution; car c'est la renverser que de faire reconnaître comme loi la volonté d'un pouvoir constitué, tandis qu'elle a voulu que deux pouvoirs y concourussent également.
La faculté de dissoudre donne au monarque le moyen le moins dangereux de combattre cette prépondérance d'un Corps législatif ambitieux. Du moment où ce corps manifesterait un système d'usurpation, le monarque pourrait le traduire au tribunal du peuple; celui-ci prononcerait sou jugement, soit en réélisant des députés dont il approuverait le courage, soit eu ne réélisant pas des députés dont il condamnerait l'ambition. Quelle que fut la sentence du penple, elle serait définitive, elle serait un acte de souveraineté, et l'acte le plus imposant de la souveraineté nationale. Je ne vois à la concession du droit de dissoudre, aucune véritable objection : je désire que son exercice soit limité. Je veux que la dissolution d'une législature ne puisse pas être suivie
de la dissolution de la suivante; et voici ce qui naîtra, selon moi, de cette disposition.
Le Corps législatif aura dans mon système deux armes puissantes contre le pouvoir exécutif, le droit de réélection, et celui de forcer la sanction à la troisième législature. Le roi, de son côté, pourrait opposer à la législature son droit suspensif de la faculté de la dissoudre. Le premier de ces moyens ne présentant ni danger ni secousses, serait le plus souvent employé ; le second ne le serait sans doute que dans les plus grandes occasions; il ne le serait que pour sauver la monarchie.
Jugez en effet avec quel surcroît de force arri-; verait uné législature dissoute et réélue.
Quel ministère osèrait lui opposer un veto quelconque? Environnée de la confiance nationale, faite d'un premier jugement national, elle punirait cruellement l'administration imprudente qui aurait provoqué sa dissolution, sans pouvoir prouver au peuple que cette dissolution fut juste.
On ne me parlera pas sans doute de la possibilité d'un intervalle entre la dissolution d'une Assemblée et la convocation d'une autre. Un pareil mal serait impossible dans le fait; le peuple ne le souffrirait pas, et d'ailleurs il faut que, dans le texte même de la loi, le droit de dissoudre soit irrévocablement uni à l'obligation immédiate de convoquer par le même acte.
Je prie donc l'Assemblée nationale de ne pas séparer dans la discussion, la question de la réélection, de celle du droit de dissoudre. Balancées l'une par l'autre,ces deux institutions salutaires ne présentent plus aucun danger; l'admission de l'une d'entre elles dénature le vœu du peuple, en assurant une.trop grande prépondérance à l'une des parties intégrantes dont la Constitution regarde la volonté combiuée comme la volonté générale.
Avec le droit de dissoudre sans celui deréélec-tion, le gouvernement tend au despotisme; avec le droit de réélection sans la faculté de dissoudre, le gouvernement tend à l'aristocratie. La réunion de ces deux lois le maiutient dans son véritable état, celui d'un gouverne i ent représentatif dans lequel le peuple souverain intervient nécessairement comme juge entre les pouvoirs constitués, lorsqu'il s'est élevé du doute sur la volonté qui représente la volonté générale.
En résumant ces idées toutes puisées dans les principes de votre Constitution, je conclurais à ce que vous portassiez en même temps la discussion sur deux points qui pie paraissent inséparables. Mais si l'Assemblée nationale n'adopte pas cette manière de voir, si elle veut traiter isolément la question delà réélection, elle place alors les opinants entre un principe évident et des circonstances impérieuses. Effrayé par les circonstances, on voudrait sacrifier le principe; entraîné par le principe, on voudrait triompher des conséquences funestes qui paraissent devoir en être la suite.
Dans un tel état de choses, se décider est au moins très difficile : quant à moi, eu appliquant à la question ainsi posée toute ma réflexion, je ne puis me défendre du poids de touies les raisons qui rendent la réélection dangereuse, je la regarde comme un moyen de livrer le peuple, non au Corps législatif, mais aux individus qui composeront le uorps législatif; je vois ces individus pouvant tout; parce qu'ils répandront à leur gré les espérances et les craintes; je vois ces individus établir une aristocratie véritable à coté d'un stathoudérat; je vois la Constitution
renversée parla consécration d'un principe vrai, mais dont les conséquences gOnt incalculables; parla consécration d'un droit certain, mais funeste, lorsque le cercle qui doit en régler l'exercice n'a pas été tracé d'avance ; et je conclus à regret contre la réélection telle qu'elle vous est présentée par l'article que nous discutons aujourd'hui.
Signé : Stanislas de Clermont-Tonnerre.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
donne connaissance à l'Assemblée d'un procès-verbal du directoire du département de la Corrèze contenant le détail de troubles arrivés dans la ville de Tulle.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ce procès-verbal au comité des recherches.) .
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
, au nom du comité d'emplacement. Messieurs, l'Assemblée a adopté dans sa séance d'hier, sur la proposition du comité d'emplacement, un décret qui autorise les administrateurs du département de l'Allier à acquérir une maison pour Tévêque de ce département (2). Votre comité vous propose aujourd'hui une modification à ce décret ; elle consisterait à ajouter à la fin du texte déjà adopté ces mots : « à la condition que le prix d'acquisition totale ne sera que de 25 a 30,000 livres environ. (Marques d'assentiment.)
Le décret serait donc conçu dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de l'Allier à acquérir la maison appartenant aux héritiers du sieur Chermont, pour y loger l'évêque, ainsi que l'emplacement attenant à ladite maison, lequel appartient à la municipalité, au prix qui sera cou venu entre elle et le directoire du département, lequel sera, avec celui de ladite maison, payé par le receveur du district, des deniers nationaux, à la condition que le prix de l'acquisition totale ne sera que de 25 à 30,000 livres environ. »
(Ce décret, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.)
, au nom du comité, des contributions publiques. Messieurs, votre comité
des contributions, sur la proposition duquel vous avez rendu le décret
relatif à l'organisation de la régie des droits d'enregistrement,
timbre, hypothèques et des domaines nationaux corporels et incorporels,
vous propose une modification à l'article 51 de ce décret, article que
vous avez adopté dans la séance d'hier (3).
l'article serait donc ainsi conçu :
Art. 51. « Ne pourront pareillement aucuns corps administratifs, ni tribunaux, accorder de remises ou modérations de droits ou perceptions indirectes et amendes, à peine de nullité des jugements; et seront, l'accusateur public et les commissaires du roi, près les tribunaux, chargés de veiller à son exécution et de dénoncer, au ministre de la justice et à celui des contributions publiques, toutes les contraventions qui pourraient être commises contre ces dispositions. »
(Cet article, ainsi modifié, est mis aux voix et adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de mardi au soir, qui est adopté.
fait donner lecture à l'Assemblée d'une lettre du ministre de la justice, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« La loi du 24 août dernier détermine les conditions nécessaires pour remplir les fonctions du ministère public; celle du 5 novembre suivant chargé les tribunaux de district de juger si celui à qui le roi a confié ces fonctions réunit les conditions exigées ; mais nulle loi ne présente le moyen de poursuivre l'infirmation d'un jugement qui aurait illégalement admis ou rejeté la personne nommée par Sa Majesté.,
« Cependant il existe dans ce moment plusieurs jugements de cette espèce. Dans tel tribunal, soit indulgence ou erreur, les irrégularités évidentes que présentaient les titres d'un commissaire du roi Ont échappé aux yeux des juges; et, contre le vœu de la loi, il a été admis. Un autre tribunal S'est obstiné à refuser l'admission d'un juge, dont les titres deux fois examinés par le comité de Constitution, je ne parlerai pas de l'examen scrupuleux que j'en aurai fait moi-même, ont deux rois été déclarés valables.
« C'est ainsi, Monsieur le Président, que les lois ont été violées.
« Le commissaire du roi, qu'un jugement dépouille d'une place que lui assurait la régularité ae ses titres, se pourvoira-t-il eu cassation? Mais ce jugement n'est rendu qu'en première instance ; aura-t-il recours à l'appel? Qui fera-t-il intimer sur cet appel ? Intimera-t-il le tribunal entier qui a rendu le jugement dont il se plaint?
« Le second cas est plus embarrassant encore : quelle personne sera chargée de poursuivre l'infirmation du jugement qui aura illégalement admis un commissaire du roi, que la défectuosité de ses titres rendait inadmissible?
Il est enfin une troisième espèce dont la solution ne présente pas moins de difficultés, c'est celle dans laquelle se trouve le commissaire du roi près le tribunal du district de Lille, et dans laquelle peuvent se trouver tous les commissaires du roi, près les tribunaux composés de 6 juges : 3 ont jugé ses titres insuffisants et 3 le3 ont jugés valables.
« J'ai pensé, Monsieur le Président, qu'il était
de mon devoir d'attirer l'attention du Corps législatif sur des points importants que la législation n'a pas encore réglés. Il croira nécessaire sans doute d'ajouter à notre constitution judiciaire quelques dispositions nouvelles propres à maintenir rexécution la plus entière.
« Il est aussi un autre objet qui appelle l'attention de l'Assemblée nationale : c'est la nécessité de là résidence dés commissair s du roi près les tribunaux. lien est beaucoup qui, dans ce moment actuel où l'intérêt public exige leur présence, ne craignent pas. de quitter, sans congé, le tribunal pour aller dans leur patrie vaquer à leurs affaires personnelles, ou venir dans cette capitale pour raison et sous prétexte d'affaires et peut-être même pour y poursuivre quelques places plus à leur convenance. 11 en est même quelques-uns qui, nommés depuis six mois, ne se sont pas encore rendes à leurs fonctions.
« Je ne dirai pas combien cet oubli de leurs devoirs, cette insouciance sont nuisibles à l'administration de la justice, dont l'extrême activité suffit à peine à la multiplicité d s affaires qui se présentent. Quel zèle péut apporter à ces importantes fonctions un gradué, commis momentanément à leurs exercices? Mais, que faire? Lâloïn'a remis, à cet égard, nul moyen coercitif entre les mains de Sa Majesté, et les remontrances n'ont pas été toujours suivies avec succès. Mais il me suffit, Monsieur le Président, d'avoir dénoncé le mal à l'Assemblée nationale ; dans sa sagesse, elle en trouvera facilement le remède.
« Une autre question se présente sur laquelle je crois devoir consulter l'Assemblée nationale.
« Après avoir comparé les titres de plusieurs concurrents à une place de commissaire du roi vacante sur la démission du premier pourvu qui ne s'est pas même fait recevoir, j'ai proposé au roi le sujet qui m'a paru le plus digne, et Sa Majesté l'a choisi, j'ignorais alors qu'il fut membre d'un directoire; instruit depuis cette circonstance, et avant l'envoi de la commission, j'ai pensé que cette nomination était contraire à l'article 7 de la loi du 11 septembre 1790, et sur cette observation, Sa Majesté m'a donné l'ordre d'expédier une commission en faveur du sujet qui lui a paru réunir le plus de titres après celui qui avait d'abord fixé son attention.
« Cependant en examinant de nouveau le texte de la loi, j'ai vu qu'il présentait une difficulté assez sérieuse, et qui demandait une interprétation. Cet article porte : « Les administrateurs qui « acceptent d'être membres du directoire, les pro-« cureurs généraux syndics et les proçureurs-« syndics, ne pourront point à la prochaine élec-« tion être nommés aux places de juges, même «en donnant leur démission (et c'est le cas où se « trouve le premier nommé) : ils ne pourront de « même être nommés dans la première nomina-« tion des commissaires du roi. »
« J'ai cru et suis encore porté à croire que la première nomination dont il s'agit dans l'article, s'entend de celle qui a eu son effet par l'acceptation des commissaires du roi employés dans cette première nomination; et qu'ainsi, dans l'espèce où le premier nommé n'a pas accepté la nomination, dans l'esprit de la loi la nomination à faire doit être considérée comme la première. Mais comme cette opinion est une véritable interprétation de la loi, et qu'elle porterait un préjudice réel à celui que le roi avait regardé comme le plus digne, j'ai pensé qu'il était démon devoir de prévenir l'Assemblée de fixer positivement le sens de l'article 7 de la loi du 11 septembre et de sus-
pendre en attendant l'envoi de l'une ou de l'autre commission.
« Signé : JDuPORT. »
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre et de l'explication demandée au comité de Constitution pour en faire le rapport lundi matin, elle charge en même temps ce comité de faire porter ce rapport sur la difficulté qui regarde les suppléants.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Queru-Lacoste, curé de Rennes, dont la paroisse a été supprimée, un congé de 3. semaines pour se faire installer dans sa nouvelle paroisse.
(Ce congé est accordé.)
donne connaissance à l'Assemblée d'une lettre des ci-devant procureurs au parlement de Provence, contenant une réclamation sur la fixation de la valeur de leurs offices supprimés.
(Cette lettre est renvoyée au comité de judicature.)
, au nom du comité des contributions publïquès. Messieurs, vous avez chargé votre comité des contributions publiques de vous présenter ses vues sur les moyens d'accélérer la rentrée des impôts de 1790 et même des années antérieures "qui sont extrêmement en retard.
Voici le projet de décret qu'il a l'honneur de vous présenter sur cet objet et relativement à des mesurés d'ordre et de coercition nécessaires pour l'exécution de vos décrets :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les commissaires du roi à la
trésorerie nationale se feront adresser, dès à présent et mois par mois,
par chacun des receveurs particuliers des impositions de toutes les
ci-devant provinces sans aucune exception, un état signé et certifié
d'eux, delà situation de leur recouvrement, au premier de chaque mois,
sur chacun des exercices courants. Sur ces états particuliers, les
commissaires du roi à la trésorerie nationale feront former
pareillement, mois par mois, jtô état général de situation des
recouvrements pour toutes les recettes générales des finances ou
trésoreries générales des pays d'Etats.
« Art. 2. Aussitôt l'établissement des contributions directes de 1791, les commissaires de la trésorerie nationale suivront les mêmes dispositions vis-à-vis des.receveurs de districts, et formeront pareillement, mois par mois, l'état général de la situation des recouvrements dans chacun des 83 départements.
« Art. 3. La loi du 22 juillet 1790 sera exécutée, tant par les receveurs particuliers des impositions, pour l'exercice 1790 et exercices antérieurs, que par les receveurs de districts pour l'exercice 1791 et exercices suivants ; et en .conséquence, ces receveurs seront.tenus de remettre mois par mois, aux directoires de districts, le double certifié par eux des états de situation qu'ils auront adressés aux commissaires de la trésorerie nationale. Enfin, sur la copie de ces états particuliers, à lui adressée, par chaque directoire de département, on formera un état général qu'il adressera aussi mois par mois, avec ses observations, au ministre des contributions publiques.
« Art. 4. Les directoires des districts viseront les contraintes qui leur seront présentées par les receveurs particuliers; et .ce, dans le délai de
8 jours, à compter de celui où elles leur auront été remises; sinon ils seront tenus de donner par écrit, au pied desdites contraintes, les motifs de leur refus, dont ils informeront, dans le même délai, le directoire du département, pour les motifs de ee refus, être par lui approuvés ou reje-tés s'il y a lieu. De leur côté, les receveurs particuliers informeront, avec exactitude, les commissaires du roi à la trésorerie nationale de toutes les causes et circonstances qui pourraient arrêter ou suspendre leurs recouvrements.
« Art. 5. Les municipalités donneront et procureront aide, assistance et protection aux porteurs de contraintes, après qu'ils auront justifié que celles qu'ils sont chargés d'exécuter, ont été bien et dûment visées par lé directoire du district : dans le cas où une municipalité aurait refusé appui et assistance aux porteurs de contraintes, le directoire du district prononcera, contre Ces officiers municipaux, la responsabilité solidaire de toutes les impositions arriérées de la communauté ; et signification de l'arrêté du directoire sera faite sans délai aUx officiers municipaux, à la requête du receveur particulier des impositions.
« Art. 6. Aucun fonctionnaire public, payé par les receveurs de districts, ne pourra toucher au delà du 1er juillet 1791, la portion de son traitement échue, ou payable d'avance à ladite époque, qu'après avoir justifié, par duplicata de quittances visé* s par la municipalité, et qui resterait annexées à la quittance du traitement entre les mains du receveur du district, avoir acquitté la totalité de ses impositions de 1789 et 1790, aux rôles de la communauté de son domicile, ainsi qu'il a été présent pour la contribution mobilière, par l'article 22 de la loi du 18 février 1791.
« Art. 7. Les frais des sommations qui ont été faites à la requête des procureurs du roi, des élections, et depuis à celle des procureurs-syndics de districts, aux officiers municipaux qui étaient en retard, de former leurs rôles de 1790, seront acquittés sur la somme revenant à la communauté dans le produit des rôles des 6 derniers mois de 1780.
A l'avenir, les frais de ces sommations seront supportés personnellement par les officiers municipaux auxquels elles auront été signifiées.
« Art. 8. Les sommes auxquelles les ecclésiastiques ont été taxés dans les rôles de 1790, pour la cote de propriété des biens déclarés nationaux, seront acquittées, conformément à la loi du 10 juillet 1790, par les fermiers ou régisseurs desdits biens lesquels donneront les quittances des collecteurs pour comptant au receveur du district, lors du payement du prix de leur fermage ou produit de régie pour 1790.
« Les fermiers ou régisseurs deces biens nationaux seront contraints, comme pour leur propre cotisation, au payement de ces impositions, à moins qu'ils ne justifient avoir déjà acquitté pour l'année 1790, la totalité de leurs fermages où soldé leur compte de régie, auquel cas les collecteurs s'adresseront pour être payés desdites cotes, sur le produit des biens nationaux, au receveur dé leur district qui emploiera les quittances à luidon-nées par ces collecteurs dans sa comptabilité, avec la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 9. Les décharges et réductions sur les impositions ordinaires de 1790, qui ^auront été prononcées par les directoires de districts pour surtaxes ou erreurs faites par les municipalités, lors de la confection de leur rôle, seront à la charge des communautés dans le rôle desquelles ces surtaxes ou erreurs auront eu lieu. En con-
séquence, Ies.municipaJités seront tenues de remplir les receveurs particuliers des finances du montant desdites décharges ou réductions sur la portion qui leur reviendra dans le produit des rôb'S des six derniers mois de 1789." Dans le cas où il serait impossible de faire usage de ce moyen, elles délibéreront lë rejet du montant de ces décharges ou réductions au marc la livre des contributions foncière et mobilière dë 1791.
« Art. 10. A l'égard des remises ou modérations accordées sur ies impositions ordinaires de 1790, à des contribuables incendiés ou ayant éprouvé d'autres pertes extraordinaires, ces remises ou modérations ne pourront être prononcées que par les directoires de département, sur ravis de ceux de districts, et le remplacement en sera fait aux receveurs particuliers, dans ceux des départements qui se sont partagé les anciens pays d'élection ou pays conquis, à l'aide du fonds dont il sera parlé en l'article 11 ci-après, et, dans les autres départements, sur les fonds à ce destinés.
« Art. 11. Pour accélérer l'apurement de la comptabilité des derniers exercices, et pour mettre les directoires de dénartement à portée de faire droit sur les demandes en soulagement d'impositions dont ils ont déjà reconnu la justice et la nécessité, il sera prélevé une somme de quinze cent mille livres sur le produit des impositions ordinaires dë 1790, pour être employée : 1° en remises d'impositions sur les exercices 1788 et 1789, en faveur de ceux des contribuables des communautés grêlées en 1787, ou des particuliers incendiés qui ont été dans l'impossibilité d'acquitter le restant de leurs impositions sur ces deux années.
« 2° A faire à chacun des départements qui, faute d'autres moyens, seront dans le cas d'y prétendre, un fonds suffisant pour réparer les erreurs, inégalités et doubles emplois qui ont eu lieu lors du rèpartement des impositions de 1790, et pour procurer du soulagement, sur les impositions de la même année, aux contribuables qui ont éprouvé quelques fléaux ou dommages dans leur récolte de 1789, ou qui se trouveraient, par tout autre cause, dans l'impossibilité d'acquitter la totalité de leur imposition de 1790.
« Art. 12. Les états de distribution des secours mentionnés en l'article précédent seront présentés, avant le premier juillet prochain, par le ministre des contributions publiques, pour être, par l'Assemblée nationale, statué définitivement sur cette distribution. »
(La discussion est ouverte sur ce projet de décret.)
Un membre propose, par amendement à l'article premier, de mettre à la place des mots : « et mois par mois », ceux-ci : « dans les dix premiers jours de chaque mois ».
observe que, dans toutes les dispositions de ce projet de décret, il n'y en a aucune qui en assure rigoureusement l'exécution; il demande, en conséquence, qu'il soit statué une peine contre les agents subalternes du pouvoir exécutif qui seraient en retard de l'exécuter.
Un membre demande que, dans ce cas, les ré-fractaires soient privés ae la remise qui leur est accordée par chaque mois sur le montant des rentrées des impositions.
Un membre demande qu'ils soient sur-le-champ destitués.
Un membre propose, pour assurer l'exécution des dispositions coerCitives contenues dans le projet de décret, d'en remettre l'exercice au pouvoir exécutif.
s'élève contre cette motion.
propose, par amendement, de substituer dans l'article premier aux mots « commissaires du roi à la Trésorerie nationale », ceux-ci ; « le ministre des contributions publiques ».
demandent l'ajournement de la discussion de la totalité du décret à la séance dç demain.
(Cet ajournement, mis aux voix, est décrété.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des finances sur la motion de M. de Montesquiou relative aux moyens de remédier à la rareté du numéraire (1).
, au nom du comité des finances,. Messieurs, vous avez chargé voire comité des finances d'examiner le plan qui vous a été proposé, il y a deux jours, par-M. de Montesquiou. Votre comité a procédé à cet examen avec la plus sérieuse attention : il a reconnu que ce plan était le complément du décret rendu le 6 de ce mois, portant création d'assignats de 5 livres. Les seules objections crue l'on pouvait faire à ce décret portaient sur la longueur inévitable d'une si grande fabrication et sur les difficultés de détail que multiplierait leur dispersion dans tout le royaume ; les établissements particuliers écartent absolument ces deux difficultés. L'action simultanée de tous les citoyens qui aiment leur pays, l'émulation avec laquelle ils viendront au secours de la chose publique, l'heureuse combinaison de la monnaie de cuivre et des assignats, qui fait disparaître tous les inconvénients du papier-monnaie'en le transformant à l'instant en papier remboursable, la surveillance universelle de l'intérêt particulier et de l'intérêt public sur .les assignats eux-mêmes qui trouveront des vérificateurs dans toutes les caisses d'échange : voilà, suivant votre comité des finances, ce que vous devez attendre de la proposition dont vous lui avez confié l'examen. La rareté du numéraire métallique exige les remèdes les plus prompts. Toutes les transactions du coniiherce sont grevées d'un impôt que le commerce ne pourrait supporter longtemps. Les relations étrangères lui imposent un autre tribut qui ira toujours en croissant, si le Trésor public était toujours obligé de chercher ses ressources hors du royaume. Le prix du change, objet de votre sollicitude, parce qu'il intéresse la foftune publique tout entière, ce prix qui doit être réglé par la balance du commerce, se détériore aujourd'hui par des causes qui lui sont absolument étrangères, et qui cesseront en partie dès que vous cesserez de yous rendre, par des achats d'argent, tributaires des royaumes voisins.
Ainsi, deux' seules opérations grandement conçues et parfaitement
appropriées à la circonstance où nous sommes attaquent le mal dans sa
racine, le détruisent sans retour, et raniment l'industrie nationale
qui, toute seule ensuite, vous ramènera les métaux précieux par
l'avantage reconquis de la balance du commerce, et déjà, je dois le
dire,
Plusieurs membres : Gela est vrai !
, rapporteur. Achevons, par de nouvelles mesures, ae désarmer les ennemis de la Révolution. Quant à moi, je ne puis trop répéter que les inconvénients très graves qui nous occupent ne sont pas généraux.
La solidité des assignats n'est plus révoquée en doute; leur utilité ne l'est pas davantage. Quelque résistance qu'ait éprouvée leur admission, quelque perte que leur mauvaise coupure ait occasionnée, on ne nous a indiqué jusqu'ici aucune autre mesure qui vous eût donné les moyens de changer le système entier des plus désastreux impôts, d'anéantir cette vénalité qui déshonorait la justice et dégradait le patriotisme, en n'ouvrant qu'au poids de l'or tous les postes éminents dans les tribunaux, dans les armées et dans l'administration; enfin de rembourser à la fois et la détte exigible qui surchargeait le peuple de son poi ls, en rappelant à l'Europe la honte d'une fou'e d'engagements violés et cette autre dette plus particulière, connue sous le nom d'arriéré, composée de salaires suspendus, d'arrérages non acquittés, qui attestait à la fois un désordre scandaleux et des injustices criantes. M. Necker lui-mêne, dans un dernier ouvrage où il ne flatte pas l'Assemblée nationale sur ses opérations, est obligé d'avouer « que la mesure des assignats —- je cite ses propres paroles — est la plus grande, la plus vaste, la plus active opération de finances dont on puisse avoir l'idée. »
Les assignats n'avaient qu'un seul inconvénient grave; celui de n'être pas assez divisés, et par conséquent de ne pouvoir faire véritablement office de monnaie usuelle. La combinaison qui crée aux assignats tous les intermédiaires par lesquels ils peuvent déscendre aux plus médiocres valeurs, les met à cet égard au niveau des monnaies métalliques. Les petits assignats de 5 livres auront pour ainsi dire chacun leur motte de terre correspondante à leur valeur intrinsèque. En attendant leur salutaire profusion, les fractions intermédiaires qui vous sont proposées, répandues avec le plus de rapidité dans tout le royaume, offertes librement à l'échange de gros assignats, et transformées aussi librement en une monnaie ae cuivre propre à solder tous les comptes, nous donnent la réponse à toutes les objections. Les assignats étaient des lettres de change payables en terres ; elles vont être payables en monnaie : c'était le grand problème que vous aviez à résoudre. Il nous a semblé que le plan proposé en terminait la solution, en accélérait l'effet, et dès à présent tendait à rétablir la sécurité générale.
Votre comité a donc pensé que les petits âssi-
goats décrétés par l'Assemblée nationale, jusqu'à la concurrence de 100 millions ne suffiraient pas pour rétablir le royaume entier dans celte circulation si désirable, et que la mesure auxiliaire des compagnies patriotiques dounant en échange des billets de coufiance, tels que plusieurs villes nous en offrent des modèles, était parfaitement conci-liable avec l'exisieuce des nouveaux assignais. Il a p. usé surtout qu'il était utile que ces petits billets de conliance précédassent la grande émission des assignats de 5 livres afin d'empêcher les accaparements si difficiles à prévenir, lorsque des assignats de fortes tommes seront reçus par le gouvernement en échange des nouveaux peiits assignats. Les principes de liberté consacrés par tous vos décrets autorisent sans doute les établissements particuliers qu'on serait tenté de former. Mais ce n'est pas en silcnCe que vous devez espérer des institutions si utiles; le patriotisme attend un signal, et c'est à vous qu'il appartient de le donner. 11 est d'ailleurs des encouragements dont vous seuls pouvez être les dispensateurs.' Les associations qui se formerout auront des actes ae société à dresser, elles auront à émettre des billets au porteur très ressemblants à des lettres de change, ei les droits da timoré et d'enregistrement, si vous ne les en exemptiez pas, leur imposeraient une charg décourageante.
Le mot ae surveillance des corps administratifs se trouvait dans le projet de décret de M. de Montesquiou ; le comité y a substitué celui d& protection spéciale, dans la crainte que, par l'abUa du mot, il* ne s'établit dans quelques endroits une sorte d'inquisition destructive de la liberté qui seule peut entreprendre et diriger des opérations de con-fiauce. Cependant nous avons cru devoir insister sur quelques précautions faites pour garautir les citoyens dé toute surprise. En conséqueuce, nous vous proposons de prescrire aux compagnies qui requerraient la protection publique, ou la remise d'un cautionnement, ou le dépôt de l'acte de société qui, communiqué à tous les citoyens, leur ferait connaître les nommes qu'ils auraient pour garants de leur contiance. Nous avons cru aussi que l'échange à bureau ouvert ét au pair, des fractions d'assignats contre leur valeur en monnaie de cuivre, devait êire la loi fondamentale de tous les établissements de ce genre, et en conséquence l'approvisionnement et l'entretien d'une quantité suffisante de sous pour cet échange est une condition expresse dont nous n'avons pas cru devoir nous départir.
En même temps que votre comité s'occupait de ces détails, il ne négligeait pas ceux que vous lui avez confiés par votre décret du 6 mai. Les commissaires ont travaillé avec ceux de nos collègues qui ont dirigé la dernière fabrication, et sous très peu de jours ils seront en état de prendre les ordres définitifs de l'Asseiublee pour les nouveaux assignats. Ils espèrent qu'il sera possible d'en imprimer 20 sur une seule feuille, et d'un seul coup ; de sorte qu'un million de feuilles de papier sulfira pour les 100 millions que vous avez décrétés en assignats de 5 livres. Ce procédé réunira la célérité a l'économie, et les calculs exagérés que l'on a déjà faits sur la durée de cette fabrication, ainsi que sur sa dépense, se trouveront en défaut.
La valeur bientôt démontrée des domaines nationaux prouvera que dans aucun genre l'Assemblée n'a entrepris pius qu'elle ne pouvait. Bientôt une libération complète (le nos nombreux engagements sera aussi facile à exécuter qu'elle a été hardie à concevoir. Cette étonnante opération qui
paraît aujourd'hui si simple à ceux mêmes qui la croyaient gigantesque, prouve que, dans un siècle éclairé, rien n'est impossible à des hommes libres qui, stipulant les droits et les devoirs de la nation, savent s'oublier eux-mêmes pour ne s'occuper que du salut de la patrie.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer :
« L Assemblée nationale, oUï le rapport du comité des finances, décrète ce. qui suit :
« Art. 1er. L'Assemblée natiouale met sous la
protection spéciale des corps administratifs et des municipalités tous
les établissements particuliers qui se chargeraient de mettre en
émission des billets de coufiance, représentant des fractions
d'assignats, et de les donner eu échange, à volonté et au pair, contre
des assignats nationaux, à la condition expresse que lesdits
établissements se pourvoiront aux différentes Monnaies du royaume de la
quantité de sous nécessaire pour entretenir au pair l'échange, à bureau
ouvert, desdits billets de confiance contre des sous, et des sous contre
ces mêmes billets.
« Art. 2. Lesdits établissements seront tenus de déposer au greffe de la municipalité, ou un cautionnement suffisant pour la sûreté de leur gestion, ou l'acte de leur société, lequel sera communiqué à tous ceux qui voudront en prendre connaissance.
« Art. 3. Lesdits actes de société et les billets de confiance mis en émission ne seront pint assujettis aux droits de timbre et d'enregistrement. »
Je demande l'ajournement à après-demain et la prompte impression du rapport. 11 faut bien preudre garde à quoi vous engagerait ce décret. L'Assemblée, en plaçaut sous ta protection immédiate des corps administratifs tous les banquiers qui voudront changer les gros assignats contre des petits billets garantis du sceau de leur crédit personnel, devient en quelque sorte caution de leur administration.
Il est évident que des particuliers pourront fournir un cautionnement de 2 millions et faire une émission de 10 millions de billets. C'est ainsi que des bauquiers, à la faveur de l'urgence des circonstances, usurperont un crédit qui ne sera pas un crédit libre, puisqu'il sera forcé par la nécessité des circonstances. Après avoir décrété des assignats de & livres au uom de la nation, sous la responsabilité des domaines nationaux, il laut prendre garde de ne pas mutiler cette grande opération, de ne pas la tronquer en quelque sorte par l'extrémité inférieure qui doit traduire dans le peuple la grande utilité ûu sommet de l'opération.
Le rapport qui Vient de vous être fait contient les vues les plus utiles. Mais comment peut-ou espérer de déterminer l'Assemblée à quelque chose qui peut avoir des conséquences aussi considérables que celles que vient de développer M. Rœderer? Je désirerais donc qu'un député soit de Bordeaux, soit de Lyon, veuille bien prendre la parole et vous rendre compte des précautions qui ont été prises dans ces villes pour l'émission des petits billets, afin que nous puissions délibérer en connaissance de cause.
Je demande la question préalable sur le projet du comité des finances, parce que, comme l'a observé M. Rœderer, vous
lié devez descendre dans aucune mesure particulière; et jè pense que la seule chose que vous puissiez décréter est ceci :
L'Assemblée nationale déclare que l'échangé dés assignats-contre des billets de confiance remboursables en sous,"est une opération de banque louable, et à laquelle là loi accorde la protection la plus spéciale.,» (Applaudissements.)
Depuis longtemps lecomité des financés aurait pu vous présenter les moyens de faire promptement fabriquer des assignais de 5 livres que vous avez décrétés ; il n'aurait pas fallu plus de temps pour cetté mesure définitive, que pour la mesure provisoire qu'il vOus propose.
Voici le plan qui s'exécute maintenant à Bordeaux, avec le plus grand succès. La disette d'argent a fait trouver le moyen de former une caisse, que l'on appelle une caisse d'échange. On a créé des actions de 100 pistoles : chaque particulier a été admis à apporter à la caisse 1,000 livres d'assignats, on lui a délivré, en échange de ces 1,000 livres d'assignats,' 900 livres de mandats de 25 livres; et chaque actionnaire a laissé conséquemment lÔ û/0 pour faire un fonds capable de suppléer aux dépenses de la caisse. La caisse successivement s'est élevée à 7 et 800,000 livres, et on a fait des mandats de 25 livres que l'on a délivrés au portéùr ou aux actionnaires ; ils ont été à cette même caisse faire un échange de ces mandats dé 25 livres contre des bons de caisse de 10 lianes et de 15 fraiics. Cette même caisse, lorsque l'on paye ces mandats, les paye à bureau ouvert en sols. Cette opération a tellement réussi que, quoiqu'elle eût été faite pour la ville, tout le département, et tout ce qui environne la ville de Bordeaux voht chercher des mandats de 25 livrés et des bons de 15 et de 10 livres, parce que, par ce moyén-ià, on se procure de l'argent. Le projet que le comité présente aujourd'hui détruira vraisemblablement cet établissement, parce qu'il exige un cautionnement et bien des formalités qui mettraient dans le cas de porter hors de la circulation ces billets, de façon qu'il faut se borner à décréter les 100 millions d'assignats, et laisser à chaque département à faire les dispositions particulières, en adoptant l'amendement de M. de Folleville.
, rapporteur. Vous devez apercevoir qu'il n'existe pas une grande diversité d'opinions, et que nous ne différons que sur la rédaction. Nous ne voulons pas prescrire la forme des billets de confiance, mais nous voulons les mettre sous la protection des corps administratifs. NoUs croyons qu'une condition essentielle est que ces billets puissent être échangés à bureau ouvert, contre de la monnaie de cuivre ; enfin, il faut que les corps administratifs fassent déposer au greffe de la municipalité l'acte de la société, ce que nous proposons en alternative avec le cautionnement'. Par cette nécessité d'échanger à bureau ouvert contie de l'argent, Jes sous se trouveront ramassés à mesure de la fabrication, et il n'y aura pas d'accaparements.
Je demandé la question préalable sur le projet de décret du comité, elle me paraît absolumeut nécessaire. Je ne conçois pas même comment on ne voit pas qu'il n'y, a que deux sortes d'établissements possibles, des établissements publics où dès établissements.particuliers
Il y a des établissements publics, dans lesquels la nation pourvoit aux besoins des particuliers, en faisant des assignats ou en établissant des caisses d'échange. Elle est garantie de la suite et du succès de cet établissement, et elfe institue des surveinants, afin que cette garantie soit réelle, ou bien il y a des établissements particuliers licites, qui ne reposent que sur la confiance, et dans lesquels la nation ne doit entrer pour rien.
Il y a même quelque chose d'extraordinaire à cè qu'à cë mot de confiance, l'on joig ie des précautions; car si c'est une caisse de confiance, aussitôt qu'elle ne payera pas à bureau ouvert, elle n'aura plus de confiance. Si, att contraire, l'Assemblée nationale y joint une protection particulière, elle fait d'abord un grand mal général, parce que vous n'avez pas lé droit de rien protéger en particulier. Vous devez une protection générale à tout cë qui est permis, à tout ce qui est honnête.
Je vais plus loin : en protégeant cet établisser ment particulier, il est évident, par les soins que vous prenez afin que cétte protection ne soit pas inutile, que vous vous constituerez dans une correspondance semblable à cell- que vous avez eu malheureusement pendant six mois avec la caisse d'escompté. (Applaudissements.) La caisse d'escompte aVâît commencé par être un établissement libre et particulier, et ensuite elle a pris avec le gouvernement je ne sais quelle relation, qui la rendait en même temps une institution bâtarde, et cependant dans un établissement utile. Vous avez voulu faire cesser, le plus tôt possible, cette manière extrêmement mauvaise de présenter les ,institutions, et vous 1 avez livrée au sort de toutes lès banques particulières; on vous prôpdse ici la mêrhë relation ; cela me paraît absolument impossible, et nous devons les laisser à elles-mêmes.
Il me semble que les observations du préopinant sont très justes et que le projet du comité repose sur des bases extrêmement peu solides. En donnant inconsidérémefit l'autorisation de la nation aux établissements dont il est question, en leur accordant une prdtectiôn spéciale, vous les assimilez à l'opération des assignats; et il est alors à craindre que, si elles viennent à croûler, leur discrédit ne rejaillisse sur nos papiers nationaux eux-mêmes.
Ma pensée est donc quê te gouvernement ne doit pas s'entremettre de e s entreprises. Si l'on craint gué les corps aiministratifs ne les protègent pas, il faut déclarer,, non p^s qu'ils sont louables, comme l'a pronosé M. de Folleville, mais qu'ils sont licites, alors toute l'autorité publique leur devra protection.
, rapporteur. J'adopte la rédaction de M. de Folleville avec l'amendement de M. Chabroud; mais je propose quelque changement. M. de Folleville ne dit pas en termes assez clairs ce que je crois nécessaire. Il faut que l'Assemblée dise si elle veut, oui ou non, et c'est à cela que je réduis mdu observation, que ces billets de confiance Soient remboursés à bureau ouvert en monnaie de cuivre.
Je continue de demander la question préalable sur le tout. II est impossible dé faire des établissements de confiance et d'en prescrire les formes. Pouvez-vous assujettir des personnes qui feraient des échangés utiles à les
faire sous an certain rapport d'une manière forcée? Ensuite il ne saffit pas de faire échanger les gros assignats contre des petits. Il fant que ceux-ci n'éprouvent pas un échec entre lés mains du pauvre, par l'insolvabilité du banquier qui* soiis la protection de l'autorité publique, les aurait mis en circulation. 11 ne faut pas que, par un décret, vous invitiez les gens les moins solvables à usurper la confiance pnblique.
Ce qui doit faire la sûreté de ces établissements», c'est la solidité connue des fortunes et la probité dés entrepreneurs; Qtt'est-ee qui provoquera la confiance publique? Le programme des banquiers. Ce n'est que par ces prospectus que la confiance publique doit être invitée, et non par un décret au Corps législatif.
Il me semble que nous sortons infiniment de la question. La liberté existe pour tout le monde de souscrire des billets de confiance, et pour tout le monde de les tfedéVoir. Mais il en faut rendre :i° l'usage utile ; 2° le rendre sûr. Or, pour qu'il soit utile, il faut qu'il Soit accompagné des circonstances sans lesquelles leur êircufation ne saurait être avantageuse, de circonstances parfaitement conformes aux mesures que vous avez vous-mêmes adoptées. Ces mesures sont quils puissent être échangés à bureau ouvert contre une quantité égale de monnaie ; et vous venez de jeter les fondements de cette opération utile, en ordonnant une fabrication de monnaie de cuivre ; 301 ce n'est que sous la condition d'un cautionnemeotque nôus proposons de mettre ces établissements sUUs la protection des corps administratifs ; et c'est là le seul moyen de prévenir les inconvénients qu'on vient de nous objecter, et d'ëmpêcher que des hommes insolvables profitent de l'urgence des circonstances pour tromper la confiance du peuple.
Une société ira trouver les corps administratifs, leur dira : voilà notre projet, voilà les titres par lesquels noUs crôyons mériter la confiance publique, Nous nous soumettrons à la loi générale d'échanger à Volonté nos billets contre du numéraire. Les corps administratifs prendront alors connaissance de la fortune de ces particuliers, de leur solidité ; ils se feront donner toutes les garanties que pëut fournir un eitoyen dans la ville où il habite; ils se feront donner en dépôt les actes de l'association. Alors la confiance du peuplé reposera sur des bases certaines ; chaeun pourra avoir à volonté de petits billets ou de la monnaie métallique. Mais, en vérité, ee n'est pas avec des questions préalables que vous remédierez aux maux qui nous affligent.
Je ne crois pas que ce soit la question préalable qu'il faut proposer contre l'avis du comité et je demanderais que l'Assemblée déclarât, et insérât dans le procès-verbal, qu'attendu que tous les établissements utiles sout âous la protection de la loi, elle passe à l'ordre du jour, ne croyant pas nécessaire de les mettre sous la protection d'uue loi particulière, et qu'elle décrétât au surplus l'exemption du timbre demandée pour les billets de banque.
Messieurs, nous ne nous opposons pas absolument à ce qu'on accorde une faveur a Ces établissements par quelque exception ; mais nous vous demandons ae ne rién décider aujourd'hui sur cet objet, parce que
la chose est assez intéressante pour n'être point décrétée subitement. Le comité des contributions publiques vou^ en reparlera demain.
appuie le projet du comité.
(L'Assemblé®, consultée, décrète,conformément à la motion de M. Prieur, qu'elle passe à l'ordre du jour sur les articles 1 et 2 du projet de déeret, attendu que tous les établissements utiles sont sous la protection de la loi; elle renvoie en outre au comité des contributions publiques l'examen de l'article 3, relatif à l'exemption da droit du timbre .demandée pour les billets de banque, pour en faire son rapport incessamment; elle décide enfin que la décision motivée de l'ordre du jour sera insérée au procès-verbal.)
, président, quitte le fauteuil.
, ex-président, le remplace.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur Vorganisation du Corps législatif.
(1). Messieurs, je crois qu'il est du devoir d'un représentant de la nation ae faire sentir à l'Assemblée nationale tous les dangers que présente l'avis du comité; ces dangers sont le changement, la corruption même de la nature et du principe du gouvernement nouveau de la France.
La nature de ce gouvernement est une monarchie héréditaire et une représentation nationale. Vous avez établi un roi perpétuel, posé sur un système représentatif dont les éléments se renouvellent tous les deux ans; vous avez rejeté toute idée de Sénat et tout mélange d'aristocratie. De là ce grand principe de la Constitution, dont vous avez répandu l'esprit dans toutes les parties:que les hommes revêtus de pouvoirs publies devaient changer sans cesse, se renouveler pour ne pas se corrompre,' et s'éloigner quelque temps des mêmes fonctions publiques pour redevenir citoyens.
Vous saviez bien que le gouvernement représentatif est aristocratique par sa nature ; mais c'est ce vice naturel que vous avez voulu corriger, par votre Constitution qui a détruit toutes les aristocraties. C'est ainsi que vous avez soumis les membres du pouvoir législatif à de fréquentes. élections, c'est-à-dire à une véritable censure politique, qui s'exerce par les corps électoraux dans le silence et sans jugement particulier.
C'est donc une représentation nationale que vous avez voulu établir, et non pas nné aristocratie législative, une aristocratie d'orateurs, de toutes la plus brillante et la plus dangereuse, la plus populaire en apparence, et la plus funeste, dans la réalité, pour 1a liberté des nations.
Il est donc vrai que la réélection illimitée est un changement sensible de la nature de notre gouvernement, et une corruption dangereuse de son principe représentatif. ':
N'était-ce donc pas assez de livrer votre Constitution à la main
destructive du temps, aux passions des hommeâ puissants, à l'art dés
ministres habiles, et à l'action corrosive du pouvoir exécutif ?
Fallait-il encore que les mêmes mains qui ont posé lés principes de la
Constitution vinssent elles-mêmes U s ébranler, et Changer la face de
La question actuelle exige donc toute votre attention, tant elle a de l'influence sur la nature de notre Constitution. Gardons-nous surtout de ces pas rétrogrades qui ont fait si souvent périr la liberté dans son berceau.
Autant vous avez été sages et magnanimes en suivant le mouvement noble et généreux qui vous a tous placés hors de l'éligibilité pour la prochaine législature, autant vous seriez imprudents si vous adoptiez la réélection illimitée, ou la réélection toujours bornée à deux ans.
On vous abuse sans cesse en vous opposant pour principe incontestable la liberté d'élire qu'a le peuple; car on ne vous dit pas que pour toutes les fonctions publiques, ce droit d'élire, ce droit «du peuple a été limité, modifié par la Constitution, soit pour l'âge, soit pour les qualités, soit pour les conditions, soit enfiu pour la durée. L'autorité de tous vos fonctionnaires publics a un terme très rapproché, et un intervalle établi dans le gouvernement municipal et administratif. Le plus dangereux de tous 1 s pouvoirs, parce quil est le plus grand, seiait-il donc le seul qui échappât à la sage limitation que le pouvoir constituant a prononcée ?
On ne peut méconnaître, dit-on, le principe fondamental ne la souveraineté de la nation; ou ne peut transiger en matière coustnuti nnell ; mais je demande aux auteurs de cette objection pourquoi le veto uu roi a été inventé, puisque le droit de faire les lois est un acte appartenant exclu.-.ivemeut à la souveraineté nationale. C'est pour le salut du peuple que ia Constitution y a apposé ceite restriction, cette mudificatiou appelée veto; parce que le peuple ne peut faire ses lois que par ses représentants chez une nation nombreuse, et oue ses représentants peuvent se tromper. C'est aussi pour le salut du peuple que la Constitution doit poser une limite à la réélection, parce que le peuple ne peut nommer lui-même ses députés à la législature. Il en charge un corps électoral : or, les électeurs sont aux nominations des députés, ce que les députés sont à la formation des lois. C'est donc un sophisme d'invoquer, contre ma proposition, le principe absolu de la souveraineté nationale.
On m'oppose encore que nous ne pouvons imposer cette condition au choix national. Je réponds que si la nation politique ou les citoyens actifs du royaume eussent été assemblés, ils auraient pu oéléguer à un corps électoral le droit de nommer leurs représentants. Or, ce que la nation assemblée eût pu faire, le corps constituant, qui en est l'image, peut le faire aussi. La nation reste toujours la maîtresse d'abroger ce qui lui unit ou blesse ses droits. Ce n'est donc pas violer la souveraineté nationale de limiter les réélections.
Ne nous abusons pas. Messieurs, la raison et la justice sont rarement dans les extrêmes : l'abus de la liberté est licence ; l'abus des droits politiques est anarchie; et l'abus des réélections est une véritable, une funeste aristocratie.
Il faut le dire, le système tendant à réélire de nouveaux législateurs tous les deux ans rompt tous les fils ae l'administration publique, affaiblit, par des secousses périodiques et très rapprochées, tous les liens, tous les ressorts du gouvernement : il fait plus; il nous mène au despotisme par une pente très sensible.
Le système de réélection illimitée nous mène
plus promptement, ou plutôt nous précipite dans ie gouvernement aristocratique.
Marchant ainsi entre deux écueils, entre un despote ou un Sénat, entre des ministres adroits et des orateurs dangereux, j'ai pensé qu'il y avait encore uu chemin pour la sagesse, et une chance heureuse pour la liberté.
Cette chance, c'est la réélection possible, mais limitée, et graduée de manière à ne pas rompre la tradition des principes, la suite des affaires, et à écarter aussi les dangers de la corruption et de l'habitude du pouvoir souverain.
Conserver tous les avantages de la réélection sans eu avoir les dangers, voilà mon but ; vous effrayer par la préteuuue violation des droits du peuple, quand vous cherchez à le préserver de ses erreurs, voilà l'objet des discours du comité : vous épouvanter par la crainte d'une désorganisation sociale, qu'on dit commencée par votie précédent décret, a été l'objet d'un autre discours qui a fait sur vous quelque impression.
Mais combien ces terreurs sont vaines devant la froide raison I
Mettre les auteurs de la Constitution hors des rangs des législateurs ordiuan es, quand le mouvement révolutionnaire n'était pas achevé, quand toutes les commotions successives n'étaient pas apaisées, quand l'esprit de faCtiôu n'était pas éteint, aurait été unW imprud nce, si vous n'aviez l'opinion pub;i>|ue, qui era une gardienne plus fidèle et pius incorruptible des lois constitutionnel es, que vous-mêmes.
Mais ce uVst pas la violer le? droits du peuple, c'est les preserver de l'influence des passions et des partis qui se forment toujours au sdn des révolu ions ; c'est suivre e gra. d pruicip que le pouvoir constituant est hors de l'état politique ordinaire. Ce pouvoir créateur n'est pas da. s la sphère des pouvoirs créé?, et ceux qui ont donné une Constitution à ieur pays, sont, pour ainsi dire, hors de l'état social qu'ils ont formé : les législateurs de lautiquité vous en ont donné l'exemple. Ce que nous avons fait en circonstances et en devoir n'est donc, rieu pour ce que nous devons faire en principe.
La réélection doit-elle être permise indéfiniment, ou doit-elle être bornée ? et comment doit-elle être bornée pour ne pas détruire cet esprit de suite, de tradition et u'ensemble si nécessaire aux travaux d'administration et de gouvernement, sans nuire aussi à la vertu des représentants, si nécessaire à la sûreté du peuple et à la conservation des principes constitutionnels.
Voilà le véritable état de la question.
Je l'avoue, si l'Assemblée nationale ne traçait pas foriemeut la ligne de démarcation entre le pouvoir constituant et la législature ; si, d'après les travaux du comité de revision, l'Assemblée nationale ne distinguait pas le très petit nombre d'articles constitutionnels qui sont comme ie patrimoine inaliénable de la liberté et de la raison publique; si enfin l'Assemblée nationale ne donnait pas, dans le grand recueil des articles réglementaires, une vaste carrière à l'ambition ues législatures, et au mouvement innovateur que la Révolution a donné aux esprits, alors je partagerais volontiers les dangers imminents présentés par M. Duport, et je dirais avec lui que nous avons peut-être pris une route qui conduit au changement périodique et fréquent de la Constitution. Alors nous aurions vraiment trois sortes d'ennemis à redouter pour l'ouvrage immense que nous avons élevé : ces ennemis seraient: 1° les hommes qui, n'aimant que les abus, l'inégalité et le
despotisme, ont fondé leurs coupables espérances sur les erreurs, l'ambition, l'exagération des principes ou la composition de la première législature; 2° ces ennemis seraient ces hommes d'un talent vain et dédaigneux, qui ne peuvent aimer une Constitution qui n'est pas faite d'après leurs principes ou leur système ; 3° ils seraient enfin dans de nouveaux législateurs avides de pouvoir, et qui voudraient aussi faire une Révolution, et créer quand il ne s'agit que de conserver.
Mais combien ces dangers sont chimériques, si vous démarquez, avec une sage et inflexible sévérité, les articles constitutionnels; si, livrant ce dépôt précieux à la nation, maîtresse d'en changer, d'en perfectionner les parties, quand la majorité de ses sections aura exprimé, par des formes établies, son vœu particulier, vous ne voyez devant vous que des législateurs temporaires, et non des représentants perpétuels, qui, gouvernant le peuple au gré de leurs talents et d'un patriotisme oratoire, changeraient chaque législature en Assemblée constituante.
C'est en évitant ces réélections indéfinies et ces dictatures perpétuelles de quelques hommes fa i-lement accrédités chez un peuple confiant et sensible, que vous éviterez ces fortes commotions, ces changements inopinés des lois fondamentales, et que vous verrez notre sainte constitution retenue, au sein des tempêtes, par deux ancres solides, l'opinion publique et le respect des lois. (Applaudissements.)
Ne croyons pas si facilement, Messieurs, que le peuple, qui seul a supporté toutes les peines, toutes les fatigues de cette longue convulsion politique (car le riche ne souffre pas des révolutions); ne croyons pas si facilemeut, comme M. Duport a voulu nous le faire entendre, que le peuple, qui ne vit que de ses travaux et de ses salaires, c'est-à-dire des fruits de la paix et de l'ordre public, veuille être sans cesse dans cet état" violent et pénible qu'il ne supporte courageusement depuis deux années, que parce qu'il en voit le terme dans la fin prochaine de vos travaux. C'est alors qu'il verra disparaître ces petites théories d'émeute et ces mouvements factices qui le déchirent sans l'éclairer et le servir. Non, Messieurs, les hommes ne se plaisent pas plus à habiter auprès des volcans politiques qu'auprès de ceux que la nature produit. Ce n'est que lorsque la terre est reposée, et lorsque les mouvements volcaniques ont cessé, que la terre est cultivée et heureuse: voilà l'image des Empires constitués.
N'exagérons donc pas notre situation; ne créons pas des dangers imaginaires pour provoquer des décrets qui pourraient altérer les principes de la Constitution.
Eloignons donc toute crainte de désorganisation sociale : ce n'est pas parce que nous ne pourrons pas être réélus que la société périra; ce n'est pas parce que les mêmes législateurs ne seront pas permanents, que la Constitution sera altérée et que le despotisme voudra raviver ses espérances et renouer ses complots. Aussitôt que nous aurons disparu, la France doit voir sortir de nos travaux une Constitution sage et libre, et un gouvernement ferme et prononcé. Le pouvoir exécutif, semblable à ces ressorts que l'artiste a comprimés pour les remettre dans leur véritable place, acquerra la force et l'élasticité nécessaires à ses fonctions. Cessons d'apitoyer pour le pouvoir exécutif, il reprendra son ressort aussitôt que le pouvoir constituant aura cessé ses
travaux, et tout l'art des législateurs sera désormais de le contenir dans ses justes bornes.
Alors tuus les pouvoirs rattachés à un gouvernement ferme, et surveillés, ainsi que le gouvernement lui-même, par une législature plus sage, plus vertueuse, plus habile que nous ne savons le penser, agiront dans le sens prescrit par la Constitution, et mettront un terme à l'instabilité des opinions, à la fluctuation des idées et à la versatilité du gouvernement.
Mais comment faut-il composer ces législatures intéressantes, ces gardiennes de la Constitution, ces artistes nationaux chargés de la perfection des lois? comment faut-il les mettre à l'abri de la corruption politique et de l'instabilité des opérations? voilà, en dernière analyse, le fonds et l'objet de la question qui s'agite devant vous.
On oppose, non sans quelque raison, que si vous faites à chaque période de deux années une législature entièrement renouvelée, vous détruisez l'esprit de suite nécessaire à tous les travaux législatifs; vous perdez l'ensemble nécessaire aux fonctions de tout pouvoir politique; vous condamnez la nation à faire des expériences perpétuelles et presque toujours inutiles à son bonheur et à sa prospérité; vous anéantissez ces ambitions nobles de servir la patrie, et de consacrer ses veilles au perfectionnement de ses lois; vous détruisez tous les prix de vertu civique; et tandis que vous désorganisez sans cesse, à des époques très rapprochées, le pouvoir législatif, vous conservez à ses côtés un pouvoir dévorant, toujours le même, agissant en silence, et épiant le législateur, pour le rendre nul, corrompu ou asservi.
Messieurs, voilà des dangers ; ils ont été exagérés, sans doute, mais du moins ils ne sont pas chimériques; et c'est ici qu'il faut tempérer ces considérations tirées des dangers de la corruption et de l'intrigue, pour se rapprocher du principe de la liberté qu'a Je peuple de choisir à son gré ses représentants.
Ce n'est pas que je veuille écarter toute idée, toute possibilité de corruption de la législature : c'est là la cour des peuples, elle est sujette à se corrompre comme la cour des rois : mais là fréquence des changements est un remède ; mais l'opinion publique s'y fait mieux entendre, et les réputations politiques ont aussi leur pudeur.
Nous devons donc chercher un moyen sage de concilier les vues nécessaires à la législation, avec les craintes inséparables de la durée des pouvoirs. Nous devons ne pas laisser aux réélections une carrière trop vaste ; et ne pas renfermer le législateur, choisi par le peuple, dans une enceinte trop étroite. Un renouvellement total peut changer totalement l'esprit législatif; des travaux bornés à 2 années peuvent faire perdre les vues qu'il est nécessaire de faire concourir à la formation d'un code civil, d'un code criminel, ouvrages qui tiennent à tant de rapports divers, à tant de principes combinés. Un renouvellement total peut anéantir, pour la nation, les conceptions et les projets de quelques publicistes, qui auraient, dans les premières législatures, commencé le travail des lois civiles. Alors plus de cette émulation créatrice qui enflamme les coopérateurs des lois ; un attiédissement de l'amour de la patrie succède aux premiers élans d'un patriotisme qui peut à peine se montrer ; l'activité de l'intérêt privé change bientôt en place honorilique, une tâche importante; et les plus belles fonctions sont atténuées par le défaut d'espérance et d'encouragement;et alors, comme le dit l'auteur
du Contrat social, sitôt que quelqu'un dit des affaires de l'Etat, que m'importe? on doit compter que l'Etat est perdu...
Mais aussi l'Etat serait perdu avec des réélections indéfinies.
Songez que vous n'avez pas comme en Angleterre une Chambre héréditaire et un roi co-légis-lateur ; vous n'avez pas comme en Angleterre des corporations et des institutions politiques, qui arrêtent le despotisme. Notre salut, notre sûreté est dans la Constitution fidèlement conservée ; si elle s'altère, la liberté est perdue, et la Constitution s'altère si la réélection est indéfinie.
Quel effrayant tableau de ses inconvénients et de ses dangers se présente à nos regards.
Vous avez voulu des législatures permanentes, ét non des législateurs permanents.
Ce sont des institutions et non des hommes sur qui vous avez compté. Eh bien, la réélection indéfinie met les hommes à la place des institutions.
La réélection indéfinie amène nécessairement des dictatures législatives, et vous n'avez pas voulu qu'aucun homme pût s'élever au-dessus des pouvoirs publics.
La réélection indéfinie fait perdre l'esprit du citoyen, et votre Constitution tend sans cesse à rejeter parmi les citoyens, ceux qui ont exercé quelque temps des fonctions publiques.
La réélection indéfinie crée les flatteurs du peuple qui deviennent bientôt ses maîtres ou ses tyrans.
La réélection indéfinie tend à établir l'inégalité entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés. La même inégalité ne tarde pas à s'introduire entre les différents membres du Corps législatif. L'orateur connu et continué est un obstacle à la réputation, au taient du nouveau représentant, et l'homme vertueux et modeste est forcé à demeurer dans une obscurité funeste ou à se voir subjuguer par l'orateur réélu indéfiniment.
La réélection indéfinie appelle la corruption ministérielle et devient tour à tour son principal travail et son principal appui.
La réélection indéfinie corrbmpt à la fois le gouvernement et la législation, elle corrompt le législateur qui se vend et le ministre qui l'achète. Le ministre ne tient plus les rênes du gouvernement, il tient le tableau-des places qu'il peut donner aux parents du législateur et la bourse de l'or qui gouverne. Le législateur ne combiné plus le bonheur du peuple avec les lois, il calcule lés profits avecles ennemis du peuple.;
Enfin, la réélection indéfinie forme de la souveraineté nationale le patrimoine de quelques orateurs, de quelques'charlatans politiques ; que connaissez-vous dans le parlement d'Angleterre? les Fox, les Pitt, les Burke, les Shéridan, voilà les hommes perpétuels des deux partis; ces hommes conduisent sans cesse l'Angleterre. Vous voulez appeler au contraire tous les citoyens à la défense publique et à la formation des lois. Que sera-ce, Messieurs, lorsque les traités de commerce avec lés nations étrangères appelleront vos délibérations; c'est alors quil faut de la probité plus que de l'éloquence.
C'est ici surtout que le danger de la réélection indéfinie se présente; le droit de paix et de guerre est dans le patrimoine du Gorps législatif. En Angleterre, il est dans |a prérogative royale., et l'élection indéfinie des orateurs ne peut pas influer sur le sort de la nation, autant qu'elle pourra influer en France sur la paix et la guerre ;
voulez-vous donc livrer à quelques orateurs habitués, à quelques dominateurs habiles de l'opinion, l'agiotage du droit politique de l'Europe? Voulez-vous livrer le^roit terrible de la paix et de la guerre à des représentants perpétuels qui seront placés dans une grande capitale; c'est-à-dire à côté de la corruption de la cour, au sein des intrigues des ministres, et au milieu des ambassadeurs de toutes les puissances.
Depuis que les savants et les orateurs ont commencé à paraître parjmi nous, les gens de bien se sont éclipsés. (Applaudissements.) Voulez-vous vérifier ce mot des philosophes anciens?
Du moins en Angleterre, une Chambre haute peut arrêter le vœu de la guerre par le vote des impôts; il y a un contrepoids à la volonté des orateurs des communes. Et s'il m'était permis de pénétrer dans l'avenir, je verrais de plus grands dangers dans la réélection indéfinie.
Que serait-ce en effet, Messieurs, si après avoir obtenu le décret en adoptant l'avis du comité, sous prétexte qu'on donne autrement trop de force au pouvoir exécutif, on venait vous dire dans Quelques jours que la réélection indéfinie donne aussi trop de force au Corps législatif qui paralysera ou opprimera sans cesse le gouvernement? Que diriez-vous alors si en se servant du décret qu'on sollicite aujourd'hui de vous, on venait vous demander deux Chambres ou peut-être encore deux sections du Corps législatif pour tempérer, pour arrêter la trop grande force prétendue du Gorps législatif? Alors, peut-être, mais trop tard, vous sentiriez le coup funeste que le décret proposé par Je comité aurait porté à la liberté publique.
La réélection indéfinie amène de plus grands dangers. Supposez un département formidable par sa population immense, par le nombre plus grand de députés et par ses moyens de tout genre ; donnez-lui les vues de gouverner le royaume par des représentants qu'elle réélira sans cesse et qui joignant à une grande, réputation de popularité, des moyens d'intrigue, de talent et d'éloquence, alors votre décret établît nécessairement une véritable aristocratie, ou plutôt une sorte de Sénat réélu par le même département. Que serait-ce encore si ce département environnait le Corps législatif d'une opinion imposante ? Est-ce là ce que vous voulez établir ? Sont-ce là les principes de votre Constitution?
Disons donc que la réélection indéfinie est trop dangereuse pour être adoptée.
Conservons, par une disposition sage, la stabilité des principes, la fixité nécessaire au gouvernement; écartons les dangers de l'intrigue et de la corruption dont M, Gazalès n'a pu se dispenser de convenir, quoiqu'il soutînt l'avis du comité qui compte les corruptions pour rien; attachons les représentants du peuple aux travaux pénibles et constants de la législation sans oublier les moyens de la ramener par' intervalles. au milieu de ses concitoyens.
Par la réélection limitée, le peuple apprendra que son salut ne dépend pas de tel ou de tel homme, mais que ses représentants dépendent entièrement de lui.
Tel est l'objet de mon amendement.
Pour saisir toutes ces vues de bien public, il me semble qu'un homme, qui, pendant 10 ans, pourrait être 8 années dans le Corps législatif, et passer les 2 années intermédiaires au milieu de ses concitoyens, pourrait servir son pays, lui consacrer ses veilles et donner au milieu de sa course de nouveaux gages de sa vértu civique et
de l'amour de l'égalité; il pourrait être représentant plusieurs années et redevenir citoyen pendant deux autres. C'est avec de pareils hommes que l'esprit de suite et d'ensemble pourra se perpétuer dans les travaux de la législature; c'est avec cet amendement que l'émulation s'entretient et que la corruption s'évite.
Je voudrais donc borner à deux législatures consécutives la possibilité d'être réélu, et je voudrais qu'après un intervalle d'une législature le même citoyen pût être élu encore pendant deux législatures consécutives.
Je termine mon opinion en disant à- ceux qui ne voient dans ma proposition que la violation des droits du peuple et l'instabilité ou l'inertie du gouvernement : considérez d'un côté quel est et quel sera toujours l'esprit ministériel ; voyez de l'autre,l'aristocratie des représentants; voyez l'esprit de perpétuité et d'hérédité qui viendra bientôt empoisonner cette source de pouvoirs nationaux, et dites-nous si ces deux fléaux de la liberté publique doivent être conservés où favorisés par la Constitution française ; enfin après avoir tué le despotisme, craignez que des orateurs perpétuels ne cherchent à en recueillir la succession.
Je conclus à ce que l'Assemblée nationale décrête ce qui suit :
« Les membres d'une législature pourront être réélus à la législature suivante ; et ils ne pourront l'être de nouveau qu'après un intervalle de deux années» » (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Barrère de Vieuzac,)
, rapporteur. Je demande la question préalable sur l'amendement du préopinant, parce qu'en même temps qu'il est la reconnaissance du principe de la souveraineté de la nation, pour lequel le comité ne peut s'empêcher de combattre sans cesse, il en est la violation, et parce que, quoiqu'il paraisse satisfaire au grand intérêt national qui commande la réélection, il n'en remplit pas le but. Cet amendement est un hommage aux considérations exposées par votre comité ; car il contient en soi la rejectton du système qui rejetait toute espèce de réélection. Mais, en dernière analyse,' il ne présente qu'une transaction entre ce système et le projet du comité ; et c'est là le principe de la faveur qu'il a obtenue, parce qu'en général dans une question d'une grande conséquence, dans une question grave, lorsque la discussion est difficile et compliquée, une modification concilie facilement les esprits fatigués ; dans une question peu importante, ces amendements sont souvent un moyen aussi honorable que juste pour se tirer d'embarras.
Mais ici il s'agit d'une matière constitutionnelle, et l'on ne peut transiger avec le principe fondamental de la souveraineté du peuple. Lorsqu'il s'agit des droits du peuple, il faudrait plutôt en augmenter qu'en restreindre l'exercice : ce sont des transactions de cette espèce qui parviendraient à défigurer xptre Constitution. L'Assemblée nationale est toujours restée élevée à Ja hauteur des principes sans se laisser effrayer par leurs conséquences. L'application peut présenter quelques inconvénients; mais serait-ce un bon raisonnement que celui qui en conclurait la fausseté ou la malfaisauce du principe ? Tout principe bon est utile ; car le mal ne petft passer en maxime. Quand il a quelques inconvénients, ne le dites pas mauvais ; car
à coup sûr il doit produire plus de bien que de mal.
Par exemple, le principe du gouvernement représentatif est que le peuple élise seul ses représentants. Si no3 adversaires disaient : il ne faut pas que le peuple élise, parce qu'il peut élire de mauvais représentants, cette objection contre le principe serait tirée d'un inconvénient peut-être réel; mais ce ne serait pas moins un détestable raisonnement, parce que le système représentatif produit plus de bien que de mal, parce qu'il y aurait plus d'inconvénients dans le système contraire. C'est ainsi que malgré qu'il y ait quelques inconvénients possibles dans la pratique de la réélection illimitée, la rééligibilité est bonne sous d'autres rapports, et qu'il est toujours vrai en principe que le peuple a la faculté de réélire, car c'est son droit. Mais, tout en rendant hommage aux droits du peuple, le préopinant propose que la réélection ne puisse avoir lieu qu'une fois seulement, et qu'ainsi il soit interdit à la nation d'élire le même représentant aussi longtemps qu'il lui sera utile de le charger de ses intérêts. Vous devez être bien sûrs que cette proposition doit sa naissance uniquement à l'envie de terminer les débats ; car on ne sait à quel principe elle tient,' ou plutôt elle attaque celui même qu'elle paraît avouer. On viole le principe de la rééligibilité, parce qu'on craint qu'un représentant ne soit élu à perpétuité. On redoute l'effet des intrigues, et i'oa ne voit pas que cette objection porte contre la première élection comme contre la seconde, et q u'elle attaquerait avec un succès égal le système représentatif.
Je sais que l'on dit que quoique la liberté de réélire soit vraie en principe généra^ elle peut être restreinte par la Constitution, ,et je sais que l'on cite les autres conditions d'éligibilité. Mais reconnaissons que la Constitution ne peut admettre de restrictions que la nation elle-même n'eût admises. Or, supposons que la nation entière se fût assemblée, elle aurait établi des conditions d'activité, des conditions d'éligibilitéj parce que celui qui n'est pas indépendant, qui ne tient pas à la chose publique, qui n'en supporte pas les charges, ne doit pas en partager ies avantages ; elle aurait restreint les administrations, parce que dans un petit territoire elles exercent le pouvoir exécutif ; mais croit-on que la nation eût voulu s'interdire et limiter contre elle la faculté de réélire ceux qui auront justifié sa confiance,? Si quelqu'un eût proposé au peuple assemblé de limiter lui-même son droit d'élire, parce qu'il pourrait être corrompu ou séduit, ne croit-on pas que ce harangueur, quelques belles phrases qu'il eût faites, eût été très mal reçu ? Il est donc évident qu'on vous propose de faire pour la nation ce qu'elle n'aurait pas fait pour elle. (Murmures,) l\ est donc clair que l'amendement est aussi contraire aux vrais principes, aussi subversif des droits de la nation que la proposition antécédente d'interdire même la première réélection.
Si nous considérons ensuite le grand principe de l'intérêt national, nous aurons les mêmes résultats. Il est évident que la perpétuité des représentants pourrait être dangereuse; mais ceite perpétuité à quoi se réduit-elle? Si en An-gleterre ou voit les mêmes hommes passer une partie de leur vie dans, le parlement, c'est que pour y resler 14 ans, il ne faut qu'une réélection; pour y rester 21 ans il n'en faut que deux. Chez nous il faudrait 7 élections consécutives
dans le premier cas et 11 dans le second. Si un bomme recevait jamais des marques aussi constantes de la confiance publique, à coup sûr il en serait digne : car une popularité fausse ne peut soutenir une aussi longue épreuve... Mais si une nation est assez heureuse pour avoir un grand nombre d'hommes encouragés sans cesse par l'espérance de mériter des marques constantes de la reconnaissance de leurs concitoyens, pouvons-nous la priver de cet inappréciable avantage ? Observons que la maintenue d'un représentant, quand elle se l'ait par réélection, n'attaque point les principes de la souveraineté, puisque c'est une délégation nouvelle, faite librement par le peuple, puisqu'elle se fait toujours en vertu d'un nouvel acte de souveraineté? N'est-il pas plus sûr que le peuple conserve un représentant qu'il connaît, que de le forcer d'en élire un qu'il ne connaît pas ?...
Mais je m'occupe trop de la justice; car ici les principes sont incontestés. On a craint que par la corruption et l'intrigue un représentant se rendît perpétuel; quant à moi, je ne saurais partager cette crainte. Vous avez fait un gouvernement représentatif tel que la corruption ne peut s'y introduire. (Murmures.)
On fait une exception en notre faveur.
, rapporteur. Prenez garde que je n'applique ceci qu à la corruption qui parviendrait à perpétuer un représentant r il ne s'agit pas là d'une corruption individuelle; il faudrait qu'elle frappât sur le département entier qui fait le choix, et voilà où réside la difficulté de cette corruption. Les élections anglaises sont toujours pour nous un grand exemple. En Angleterre le système électif n'a point d'intermédiaire; le droit d'élire est direct et individuel; il est attaché aux plus minces bourgades ; en sorte que les électeurs sont toujours là, toujours connus; on a un intervalle de 7 ans pour capter les suffrages de ce petit nombre d'hommes, et il ne faut pour cela qu'un petit nombre de dîners. Mais dans les principes de notre Constitution cette facilité n'existe pas. On ne peut corrompre dans l'intervalle d'une législature à l'autre, car les électeurs ne sont pas connus; une fois nommés, leur premier acte est de nommer les membres de la législature. Je demande, d'après cela, si on peut appliquer à notre position la corruption du gouvernement voisin.
Mais enfin, puisqu'il faut dire le mot, le grand, le véritable intérêt de la faculté de la réélection est moins attaché à la réalisation effective de la chose qu'à sa possibilité. C'est cet attrait, cette émulation, cette espérance attachée à tout prix d'honneur qui anime les contendants dans la carrière, qui excite leur ardeur, qui provoque tous les. sacrifices ; voilà ce qui éloigne les membres de la législature de la corruption du pouvoir exécutif, pour en faire les clients de l'opinion publique; voilà ce qui les porte à l'étude et les excite à déployer les connaissances législatives et politiques qui feront respecter votre législature aux yeux des puissances étrangères, et sur lesquelles doivent reposer vos intérêts commerciaux, vos rapports extérieurs, vos rapports d'alliances, vos ressources dans les finances : voilà ce que détruit l'amendement du préopinant comme la proposition primitive de M. Pétion, car il ne fait que retarder de deux années tous les inconvénients que l'application pure du principe
tend à éviter. Si, dans la quatrième année, une loi extrêmement importante est repoussée par le veto royal, je demande comment l'opinion publique se manifestera en sa faveur, si ses véritables défenseurs se trouvent au bout de leur course de 4 ans? (Murmures.) Cet avantage a été mis en avant lorsqu'on nous fit décréter le veto. La manifestation du vœu du peuple est le droit de la souveraineté du peuple ; or, cette manifestation de son vœu ne consiste pas à réélire des députés quelconques; elle consiste dans la réélection des principaux auteurs du projet de loi. (les murmures redoublent.)
Malgré le dissentiment que j'aperçois, je ne puis m'empêcher d'insister encore. Supposez que le peuple ait à manifester son vœu sur une loi, que son vœu soit favorable à la loi, je demande si son vœu sera marqué lorsqu'il ne pourra réélire qu'un petit nombre de membres qui n'auront nullement concouru à cette loi? Ajoutons qu'il est impossible qu'un gouvernement durable s'établisse sur les principes d'une abstraction morale, et qu'on puisse, sans une émulation continuellement active, compter sur les mêmes sacrifices du patriotisme que ceux qu'excite l'enthousiasme d'un moment de révolution. Le législateur ne fait rien si ne spéculant que sur une perfection idéale, il laisse à l'écart les affections naturelles et les intérêts licites qui gouvernent les hommes. Lorsqu'aucune fonction ne se renouvelle que par l'intermédiaire du peuple, la réélection n'est pas une aristocratie; au contraire, le gouvernement dégénère si le peuple ne peut à la fin de chaque législature exercer la plénitude de son droit de souveraineté. Je propose donc la question préalable sur l'amendement de M. Barrère. (Une partie de VAssemblée et des tribunes applaudissent.)
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion et décrète qu'il y a lieu â délibérer sur l'amendement de M. Barrère de Vieuzac.)
Je propose, comme sous-amen-dement, que les membres du Corps législatif puissent être réélus pendant trois législatures et qu'ils ne puissent plus l'être ensuite qu'après un intervalle de 2 années. (La question préalable!)
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement proposé par M. Legrand).
, rapporteur, soumet à la délibération l'article 7 du projet du comité, amendé par M. Barrère de Vieuzac, dans les termes suivants :
« Les membres d'une législature pourront être réélus à la législature suivante; ils ne pourront être élus de nouveau qu'après un intervalle de 2 années. »
(Cet article est adopté.)
, rapporteur. J'offre maintenant, Messieurs, à votre délibération l'article 6 du projet du comité; il est ainsi conçu :
« Aucun état, profession, ou fonction publique n'exclut de l'éligibilité à la législature les citoyens qui réunissent les conditions prescrites par la Constitution. » (Aux voix! aux voix!)
Cet article est susceptible d'une explication. Le corps politique ne peut se mouvoir dans son ensemble qu'à l'aide des différents pouvoirs dont il est composé, et vous avez constitué les diverses fonctions qui sont nécessaires pour l'exercice de ces pouvoirs.
La question qui s'élève ici est celle de savoir si les citoyens qui ont été choisis par le peuple
pour l'exercice de quelqu'un des pouvoirs constitués, sont privés par là et lorsqu'ils sont encore dans l'exercice de leurs fonctions, de pouvoirêtre élus pour les législatures.
Le comité ne l'a pas pensé; il a considéré que dans un gouvernement représentatif, c'est un droit individuel du citoyen que de pouvoir parvenir à la représentation nationale, quand il est porté par la conliance de ses concitoyens; que d'une autre part, c'est le droit de la nation de choisir parmi tous les citoyens éligibles ceux qu'elle veut charger de la confiance distinguée de les envoyer à fa législature. D'ailleurs, en fait d'admiuistration, il ne faut pas plus faire de déperdition d'hommes que de finances. Or, si l'on établissait une incompatibilité, on affaiblirait réciproquement, et le Corps législatif et les corps administratifs dont les fonctions priveraient les citoyens de l'avantage d'être éligibles. Maisdepuis la rédaction de notre article, ori m'a observé qu'il jugeait la question de l'éligibilité des ministres.
Votre comité a fait d'ultérieures réflexions. Cette question lui a paru tenir à un autre ordre de travail, savoir à l'organisation du pouvoir exécutif. Le gouvernement est composé de deux pièces, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; quand les fonctions de l'un et de l'autre sontbien déterminées et bien circonscrites, ces deux pouvoirs n« peuvent marcher s'ils ne sont d'acccord et en harmonie. Vous examinerez sous ce rapport s'il convient de déclarer les personnes attachées au ministère inéligibles à la législature; mais cette question est attachée à des vues d'un genre différent de celles que présente l'organisation du Corps législatif; ainsi nous croyons qu'il ne doit être rien préjugé sur ce point.
Je demande la parole.
J'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée que je suis de l'avis de M. Thouret, quand il croit que les ministres doivent être élus; mais je ne suis pas de sou avis quand il croit qu'il ne faut pas traiter actuellement laquestion. En effet,si l'engagement solennel que l'Assemblée nationale semble avoir pris de convoquer incessamment une prochaine législature, n'est pas un engagement vain, il faut bien décider celte question dès maintenant, il faut que les électeurs sachent s'ils pourront ou non élire les ministres.
Je demande donc que l'Assemblée traite préalablement la question que voici :
« Y aura-t-il incompatibiliié entre les fonctions de ministre du roi et de représentant du peuple? »
Il est bien moins question de savoir si les ministres pourront être éligibles à la législature que de savoir s'ils pourront venir à l'Assemblée, ainsi qu'on l'avait proposé.
J'observe Messieurs, que ceux-là qui veulent la convocation des assemblées primaires pour nous nommer des successeurs doivent marcher à la discussion de tout ce qui concerne le Corps législatif et je soutiens qu'adopter la méthode de M. de Cazalès serait un moyen, au contraire, de nous faire perdre beaucoup de temps.
Je conclus donc à l'ajournement de la question relative à l'incompatibilité entre les fonctions de ministre et de représentant du peuple.
Pourquoi exclure de la discussion ce qui regarde les ministres? Il est évident qu'on cherche à nous faire préjuger la ques-
tion par le vote de l'article. Je demande qu'on mette aux voix la proposition de M. de Cazalès et qu'on discute sur la question ainsi posée :
« Les ministres seront-ils éligibles, ou ne seront-ils pas éligibles à la législature ? »
Il s'en faut de beaucoup que la question que l'on vous propose relativement aux ministres soit simple ; elle est complexe. Car moi, qui suis d'avis qu'ils soient éligibles à la législature, je pense qu'ils doivent y être admis comme ministres.
Celte question ne peut donc se résoudre par oui et par non et j'insiste, en conséquence, pour l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement de la question relative à l'incompatibilité des fonctions ae ministre et de représentant du peuple.)
Je demande l'ajournement de la totalité de l'article, parce qu'on pourrait mener à des conséquences forcées par des principes vagues.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d'ajournement proposée par M. de Montlosier.)
Il est essentiel de bien distinguer l'objet des incompatibilités de celui de la réégibilité: aucune profession, aucune fonction ne doit être une raison d'inéligibilité.
L'incompatibitité sur laquelle je vous propose de délibérer est : 1° celle des membres dés corps administratifs dans toute l'étendue du royaume ; 2° celle des membres des corps administratifs résidant dans le lieu où le Corps législatif tient ses séances; 3° celle des agents du pouvoir exécutif, lorsqu'ils sont amovibles ad nutum, et dans cette classe viennent se ranger tous les commis et chefs de bureau des ministres, les régisseurs de vos régies générales nommés par le roi et par le ministre, etc..., tous gens qui, étant essentiellement dans les mains du pouvoir exécutif, peuvent être très préjudiciables aux vrais intérêts du peuple.
Je propose donc, par amendement, d'ajouter à l'article 61a disposition suivante:
« Mais nul ne pourra être eD même temps membre d'un directoire de district ou de département, ou agent amovible du pouvoir exécutif, et membre de la législature. »
Je demande l'ajournement de cette question.
Les membres des corps administratifs étant élus pour 4 ans et toujours après que les membres des législatures seront élus, il s'ensuivra nécessairement que les administrateurs n'auront plus que 2 années d'exercice au moment où on pourrait les élire à la législature, de sorte qu'Us sortiraient de leurs fonctions en même temps que les législateurs.
La théorie des incompatibilités n'a rien de commun avec l'objet de l'éligibilité, le seul qui soit à votre délibération. Et, en effet, quand il serait déterminé, Messieurs, que l'existence d'un citoyen dans un corps administratif le constitue en incompatibilité, soit d'exercice, soit de place, avec une fonction législative, il ne s'ensuivrait pas que le particufier ne puisse être éligible au Corps législatif ; il en résulte seulement qu'il a l'option.
De là, je conclus à l'ajournement de la question de l'incompatibilité entre les différentes fonctions publiques, jusqu'à ce que le comité nous ait présenté le décret sur la compatibilité et je demande que l'on passe de suite à la délibération sur l'article 6.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement de la question d'incompatibilité entre les différentes fonctions publiques.)
Je demande qu'il Soit dit dans le décret que les, causes d'incompatibilité entre l'exercice des diverses fonctions seront définies ; mais que, dans tous les cas, l'option aura lieu. (Aux voix! aux voix !)
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. de Folleville.)
, rapporteur, donne une nouvelle lecture de l'article b, ainsi conçu :
Art. 6.
« Aucun état, profession ou fonction publique, n'exclut de l'éligibilité à la législature les citoyens qui réunissent les conditions prescrites par la Constitution ».
(L'article 6, mis aux voix, est adopté.)
fait donner lecture par un de MM. les secrétaires d'une lettre du ministre de la marine, ainsi conçue ;
« Monsieur lé Président,
« En entrant dans le ministère que le roi m'a confié, j'ai pensé quemon premier devoir était de fixer un moment l'attention paternelle de l'Assemblée sur un très grand nombre de familles de marins, dont le sort est inconnu depuis plusieurs années. Les mouvements inséparables de la dernière guerre maritime n'ayant pas toujours permis de suivre ceux de chaque matelot, il en est résulté une incertitude cruelle pour leurs femmes et leurs enfants. Dans le nombre des premières, il en est qui désirent se remarier; les autres ne peuvent pas recevoir le montant du salaire ou la part des prises faites par leur pere, en dépôt dans la caisse des Invalides de la marine.
« Cependant d'après un usage adopté dans le département de la marine, les héritiers des ma-; rins sont habiles à succéder, lorsque le décès de ceux qu'ils, représentent est présumé depuis 10 ans. Le sieûr Micou, chef du bureau d'administration générale des Invalides de la marine, a été autorisé par l'instruction duroidu4 août 1786, et par différentes décisions de nos prédécesseurs, à les leur faire payer. Mais Comme il reste toujours quelques incertitudes à cet égard, et que le sort des femmes des gens de mer qui ont été tués, ou ont fait naufrage sans qu'il soitpossible de le constater, exige une loi ; particulière; le roi s'était déterminé le 14 mars 1788 à nommer une commission du conseil pour statuer sur cette question importante, sur le rapport de M. Chardon.
«Je dois observer que la promulgation d'une loi particulière est seulement applicable aux citoyens de profession maritime, et me paraît d'autant plus nécessaire qu'aucune classe de la société n'est exposée comme celle des marins à cette cruelle anxiété. Il suffit de rappeler que plusieurs membres de ces familles sont ceux qui ont partagé le sort déplorable de M. de La Pey-rouse. Je vous supplie donc, Monsieur le Président, de prendre les ordres de l'Assemblée na-
tionale pour Je renvoi de cette lettre aux comités de judicature et de marine. » « Je suis, etc.
« Signé : ThÉvenARÛ. >
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de judicature et de marine.)
La suite de la discussion sur l'organisation du Corps législatif est reprise.
, rapporteur. Les articles 8 et 14 forment l'ensemble d'une division que j'ai indiquée dans mon rapport. Ils contiennent trois idées principales : la première, que la convocation de la législature a lieu de plein droit; la deuxième, qu'il existe des jours fixes pour déterminer la réunion de chaque nouvelle législature ; la troisième consiste à assurer le service nécessaire pour le rassemblement des assemblées primaires et des corps électoraux par la surveillance et l'activité des corps administratifs qui en répondent les uns aux autres hiérarchiquement jusqu'au Corps législatif.
Tel est, Messieurs, le fond de ces dispositions : il ne nous a pas été possible de réunir plus de précautions pour qu'il y eût une activité propre à la puissance nationale.
L'article 8 sur lequel vous êtes tout d'abord appelés à délibérer est ainsi conçu :
« Le renouvellement du Corps législatif qui aura lieu tous les deux ans se fera de plein droit, et sans lettre de convocation du foi. »
Je demande la parole sur cet article.
C'est en vertu d'une loi constitutionnelle, c'est en vertu d'une disposition légale que le Corps législatif sera assemblé. S'il est vrai que l'Assemblée nationale ait départi au roi la puissance exécutrice dans toute sa plénitude, il s'en suit nécessairement que c'est à lui à provoquer la convocation et le renouvellement du Corps législatif. (Murmures violents à gauche.)
J'entends déjà les objections qu'on me fera; on me demandera quels sont les remèdes dans le cas où le roi n'ordonnerait pas l'exécution de la loi qui convoque le Corps législatif. A cela je réponds que, parce que l'occasion peut arriver, il ne faut pas manquer à un p'inoipe. Il n'est nul» lement convenable que l'Assemblée nationale procède à cet égard comme si elle était sûre que ie roi sera assez mal conseillé pour ne pas assembler la législature. Il faut établir tout d'abord le principe constant que c'e.-t au roi à maintenir l'exécution de toutes les lois du royaume, et, en conséquence, que c'est à lui à convoquer le Corps législatif; ensuite on.s'occupera du cas où le roi s'y refuserait.
Je propose donc, par amendement, de dire que la convocation pour le renouvellement du Corps législatif sera faite par le roi et que la procédure indiquée dans le projet du comité, c'est-à-dire 1e renouvellement de plein droit, ne sera suivie que dans le cas où le roi ne ferait pas cette convocation.
Plusieurs membres s La question préalable 1
C'est demander la question préalable sur la Constitution même.* (Aux voiçç ! aux voix !)
( (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Cazalès.)
, rapporteur,donfie Une nouvelle lecture de l'article 8, ainsi conçu :
Art. 8.
Le renouvellement du Corps législatif, qui aura lieu tous les 2 ans, se fera de plein droit et sans lettre de convocation du roi. »
(L'article 8, mis aux voix, est adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 ainsi conçu :
« Chaque nouveau Corps législatif se réunira le premier lundi du mois de mai, au lieu où le précédent aura tenu ses séances. »
Il faudrait insérer dans l'article Une disposition portant exception pour là pro* chaîne législature ; caf l'Assemblée doit terminer incessamment ses travaux.
, rapporteur. On demande une exception pour la prochaine législature, de peur que l'article, ne signifie que nous resterons jusqu'au mois de mai prochain.
Je n'ai à ce sujet qu'une simple observation à.faire : nous vous proposons actuellement toutes les lois constitutionnelles, générales, des Corps législatifs subséquents dans leur révolution ordinaire. Mais en ce qui concerne la prochaine iégislatUrô, l'article n'est pas applicable ; toutefois, il n'y a pas lieu d'y insérer une disposition spéciale à cet égard, Gela fera l'objet, ainsi que plusieurs autres points également, de dispositions particulières que nous pourrons décréter à part.
Aux voix l'article!
observe qu'il Berait plus convenable que la réunion du nouveau Corps législatif au lieu de se faire le premier lundi du mois de mai, eût lieu au mois de mars ou d'avril.
Entré plusieurs raisons qui doivent bous empêcher d'assembler la législature au mois de mai, il me semble qu'il y en a Une qui paraît avoir échappé à votre Comité: c'èst que manifestement, en temps de guerre, il serait trop tard, attendu que lâ campagne serait ouverte; et voUs avez préalablement les fonds à faire. Je demande donc, Messieurs, que les législatures s'assemblent le 2ô du mois de novembre et que les assemblées primaires se passent dans le mois d'octobre. (Murmures.)
, rapporteur. Le Corps législatif s'asselnblant en octobre n'aurait pas le teiûps de travailler à l'impôt.
La question préalable sur tous les amendements.
(L'Assemblée, consultée, rejette les amendements par la question préalable.)
L'article contient dèux dispositions. Vous venez de vous expliquer sur la première ; voici la seconde : il est dit que les législatures s'assembleront au lieu ûtt le précédent Corps législatif aùra tenu sès séànces. Je demande, Messieurs, si la ville de Paris sera éternellement le théâtre des séances dti Corps législatif.
, rapporteur. Pour mettre à exé-
cution les articles qui font le rassemblement des députés, par la seule puissance du mouvement national, sans l'intervention du pouvoir exécutif, il est nécessaire qu'il existe un lieu fixe et déterminé pour le rassemblementde chaque nouveau Corps législatif. Or, il est impossible de le déterminer d'une autre manière qu'en lui donnant pour lieu de première réunion celui où le Corps législatif précédent aura tenu ses séances.
Au sûrplus, je réponds à M. l'abbé Maury que l'article ne préjuge en rien la question du séjour du Corps législatif à Paris/ puisqu'un article postérieur, le 31e, porte que lé Corps législatif aura le droit de déterminer le lieu de ses séances.
Vous dites qu'il pourra cesser d'être à Paris; moi je réponds qu'il y restera.
Il est trois heures ; comme la question qUe nous traitons en ce moment est très importante, je demande l'ajournement à la séance de demain.
(L'Assemblée, consultée> décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournemeût.)
Je demande à déposer sur le bureau 21 lettres de 21 départements qui s'opposent à èe que le Corps législatif soit à Paris. ^(Murmures à gauche. — Voyons - les ! voyons-les!)
C'est doue 21 départements aristocrates l
M. l'abbé Maury est donc l'archiviste des départements l
Je prends la liberté d'observer que plusieursi députés qui m'improuvent en ce moment, et qui paraissent douter de ce que j'avance, seront fort étonnés quand je leur mettrai sous les yeux des lettres ae leur propre dé* partement (Rires.)... des lettres .où l'on me prie de faire, dans l'Assemblée nationale/ la mo-^ tion expresse de la translation du lieu des séances des législature^ dans une autre ville du royaume, et où l'on ajoute que lorsque j'aurai fait cette motion et que je l'aurai motivée, ou l'Assemblée nationale accueillera favorablement la proposition, et alors il n'y aura plus de réclamation; ou elle la rejettera, et alors les départe* ments se chargeront d'y pourvoir (Violents mur-mures àgauçhe.).*. Vous ne vous êtes, pas élevés contre M. Le Chapelier, quand il vous a dit que les départements se révolteraient (Nouveaux murmures à gauche)...
Je demande l'exhibition de ces lettres,
Je demande que l'opinant dise le nom de ces 21 départements.
J'insiste pour que M. l'abbé Maury dépose les lettres sur le bureau, et qu'il n'ait pas la pàpoie avant ce dépôt. (A gauche i Oui! oui!)
Je demande à être entendu et lorsque j'aurai parlé... (Murmures à gauche.)
Il faut que M. Maury
nous montre ces lettres; sans cela, c'est une calomnie I (A gauche : Oui! ouil)
Messieurs, ne vous inquiétez pas du dépôt; vous ne l'aurez que trop tôt. Ët si l'on voit naître la guerre civile dans le royaume, prenez-vous en à vous, et non pas à moi. (Violents murmures à gauche.)
, j'insiste pour que M. l'abbé Maury dépose sur le bureau les 21 lettres dont il nous a parlé, parce que si c'était effectivement le vœu de 21 départements, le Corps législatif aurait quelques précautions à prendre. Si, au contraire, M. l'abb^ Maurv s'est trompé, il est important de savoir le degré de confiance que l'on peut avoir dans ses paroles et le prix qu'on doit y attacher. (Applaudissements. — Aux voix1 aux voix!)
Insiste-^t-on pour que-je mette aux voix la motion de M. Démeunier? (Oui! oui!)
Tout cela n'aboutit à rien; ]aissez-moi parler.
Il est impossible de mettre aux voix une motion qui regarde un membre, sans que ce membre se soit expliqué sur cette motion ; véritablement ce serait une chose étrange.
Je citerai, si l'on veut, le département de la Moselle dont j'ai connaissance; et, si M. Démeunier n'a aucune connaissance du vœu des départements, il n'a donc aucune connaissance de ce qui s'adresse à l'Assemblée nationale, première connaissance qu'il devrait pourtant acquérir. Car je cite nommément le département que je sais avoir formé la pétition à l'Assemblée nationale, de porter le lieu de la résidence du Corps législatif ailleurs qu'à Paris.
Il ne m'est pas encore arrivé de reculer devant aucun défi, et j'en ai reçu plusieurs dans cette tribune. Je ne reculerai pas encore aujourd'hui. Je suppose, Messieurs, qu'ayant parlé avec bonne foi, j'ai été entendu devmême (Murmures et rires à gauche.)... Je n'ai pas prétendu vous dire que des départements en corps (Rires ironiques à gauche. — Aux voix 1 aux voix!)...
Je dis, Messieurs, ce que personne n'a voulu comprendre, que j'ai reçu des lettres de membres très considérables de 21. départements. (Rires ironiques à gauche.)
A gauche : Oui, des ci-devant évêques et des ci-devant nobles 1
Je vous interpelle de dire si vous en avez reçu du département de l'Allier.
Il faut donc que l'Assemblée nationale perde sa séance toutes les fois que M. Maury prend la parole!
Vous conviendrez qu'il est malaisé de discuter des faits ou la malveillance profite avec avidité d'un mot équivoque. (Rires ironiques à gauche. — Aux voix! aux voix!)
Je demande que la discussion soit fermée.
Je demande d'abord que tous les députés de la ville de Paris, qui sont parties dans cette discussion, aient la pudeur au moins d'entendre les raisons de leurs adversaires.
On fait le procès des députés de Paris. Je demande à répondre.
En ramenant la question à son véritable point de vue, je crois pouvoir soutenir avec avantage qu'il résulte de la disposition du décret qui vous est présenté : 1° que les législatures s'assembleront toujours à Paris; 2° qu'un décret qui fixerait à perpétuité les législatures à Paris, serait des plus dangereux pour la France (Aux voix ! aux voix!). .. On dit qu'elles pourront se transférer ailleurs : comme il faudra que les députés s'assemblent au lieu où la législature aura été convoquée, il" est bien manifeste que, pour cette fois, au moins, il faudra venir à Paris; or, je maintiens, et nulle considération humaine ne m'empêchera de professer cette vérité au milieu même de Paris, je maintiens que si les députés viennent à Paris, on ne les en laissera jamais sortir. (Murmures.)
Il y a 3 ans, cette conjecture aurait paru une calomnie; mais il n'y a pas un hommè raisonnable dans le monde pour lequel elle ne soit une vérité évidente depuis un mois. C'est ici surtout, Messieurs, qu'il s'offre le plus de moyens de coaliser les intérêts particuliers au préjudice de l'intérêt général. Or, je dis que l'intérêt de la ville de Paris lui fera toujours désirer d'avoir les législatures dans son sein.
Il y a plus, je ne me méfie pas seulement de la ville de Paris, je me méfie des députés eux-mêmes qui seront bien aises d'y rester. (Rires et applaudissements.) Je ne crois pas, Messieurs, qu'il soit prudent de les exposer à cette tentation délicate. Je ne veux pas voir que la députation à l'Assemblée nationale soit un brevet de pensionnaire pour venir résider pendant 2 ans dans la capitale aux dépens de l'Etat. Il faut écarter tout motif de cupidité, tout motif d'ambitiou personnelle : if n'y en a déjà que trop, et ceux qui ont tant redouté la corruption pour la réélection doivent redouter davamage l'influence pestilentielle de l'air que l'on respire à Paris. (Applaudissements à droite; rires à gauche.)
C'est ici que toutes les séductions sont rassemblées, c'est ici que toutes les occasions de perdre son temps, de perdre ses mœurs (Rires prolongés à gauche.). . Ainsiquand bien même vous ne redouteriez pas la violence que je redoute de la part des habitants de Paris pour retenir une législature qui voudrait aller tenir ailleurs ses séances,les députés qui vous succéderont abuseront de la faculté que vous leur avez laissée : s'ils viennent à Paris pour délibérer, ils y resteront, ils n'en sortiront pas.
Je passe à la seconde proposition que j'avais promis d'examiner. Nous ne sommes pas les représentants de Paris ; nous sommes .les représentants de la totalité du royaume : Or, il est Je l'intérêt majeur de toutes les provinces que les législatures ne s'assemblent pas consécutivement dans la capitale, n'y soient pas exclusivement concentrées. Vous savez, Messieurs, qu'à l'époque de l'origine de i otre monarchie, le plus grand de nos rois (Aux voix!aux voix!Ladiscussion fermée !)... ou,— pour
concilier tous les esprits, — le plus grand homme dont l'histoire moderne fasse mention, Charle-magne ne voulait point que les assemblées se tinssent dans les villes, c'était dans les champs# qu'il voulait qu'elles se réunissent. (A gauche : fermez la discussion I Aux voix I aux voix I)... Vous ne pouvez pas dissimuler la sagesse de cette précaution.
L'histoire, Messieurs, nous a prouvé une autre vérité très célèbre : C'est que depuis qu'il y a des Etats généraux en France, depuis le règne de Philippe le Bel... (.A gauche : Aux voix I aux voix I)
Je ne puis pas interrompre un opinant ; quan il aura fini, je mettrai aux voix. (Murmures.)
Un membre à gauche : Il ne finit pas, vous devez obéir aux ordres de l'Assemblée.
Depuis le règne de Philippe le Bel jusqu'en 1789 exclusivement, toutes les Assemblees nationales qui se sont tenues à Paris ont été nulles ou criminelles. (Murmures à gauche.)
Nous ne sommes pas ici pour faire le procès à la ville de Paris.
Ce n'est qu'à Bourges, à Orléans et à Blois où l'on a vu la raison dominer l'Assemblée. Pourquoi donc, Messieurs, ne pourrait-on pas convoquer les Assemblées nationales à Orléans, à Blois, loin de Paris enfin?
A gauche : A Colmar, à Constantinople par exemple.
Je demande donc, Messieurs, que toutes les villes du royaume participent successif ment aux avantages d'avoir l'Assemblée nationale dans leur sein. Cette question exige de vous une justice d'autant plus sévère, que cette loi aurait été faite depuis longtemps dans la monarchie, s'il y avait eu des Assemblées nationales permanentes.il est impossible que les provinces, qui ont déjà fait tant de sacrifices à la capitale, ne soient pas jalouses de posséder les représentants de la nation : chacune y a intérêt, chacune a ses besoins particuliers à vous faire connaître, chacune doit êire portée qu'on les voit de près, et il paraîtra, Messieurs, bien extraordinaire à toute la France, que dans une Assemblée où tous nos compatriotes croyaient avoir des représentants et des défenseurs^ la cause de la ville de Paris seule ait été si favorablement défendue. (Applaudissements prolongés à droite.)
Voilà, Messieurs, une nouvelle preuve de la nécessité de transporter l'Assemblée nationale hors de la capiiale, puisque, malgré tout ce qui s'est passé sous vos yeux, tout le monde n'est pas encore épris du séjour de la capitale. Que faut-il pour nous entendre? Qu'avons-nous vu? (Murmures prolongés.) Je ne le rappellerai pas à cette Assamblée : elle le sait aussi bien que moi. N'importe, rien ne peut être plus honorable pour moi que d'avoir fait une pareille motion et de n'avoir pas réussi. (Aux voix! aux voix!)
Il faut que cette discussion soit traitée à fond avant que... (Aux voix! aux voix !)
, rapporteur. Je demande la parole.
M. Thouret parle à tout propos : Je demande qu'il ne fasse pas à tout venant beau jeu, et qu'il ne fasse pas comme M. Target, qu'il ne renferme pas en lui toute la Constitution.
, rapporteur. Je serai infiniment court. J'oublie la diatribe qui vient d'être faite contre la ville de Paris; je veux seulement mettre l'Assemblée en état de décréter. (Murmures à droite.)
Il serait si dangereux que l'Assemblée parût même hésiter et par conséquent ajourner l'article dont il s'agit, qu'il n'est pas possible qu'on donne la moindre suite à la matière de cet ajournement. On se bat contre des fantômes (Murmures à droite.) et notre projet de décret ne contient absolument rien qui ait donné lieu à ladiscussion qu'on vient d'entendre; elle n'a pour cause que l'envie qu'on avait de la faire naître et le parti qu'on en voulait tirer. Nous professons dans notre projet que le siège du Corps législatif n'appartient exclusivement à aucune ville du royaume, qu'aucune n'a le droit de le réclamer et nous consacrons ce principe dans l'article 31 que personne n'ignore et que voici :
« Le Corps législatif aura le droit de déterminer le lieu de ses séances, de les continuer autant qu'il le jugera nécessaire et de s'ajourner. »
On prétend qu'il est inutile de proclamer la liberté des législatures parce qu'elles ne pourront jamais quitter Paris si elles y sont convoquées, et que les députés une fois arrivés à Paris ne seront pas maîtres d'en sortir (A droite : Oui l oui ! pas plus que le pouvoir exécutif!)... Cependant comment pourra se faire le premier rassemblement du Corps législatif pour y déterminer le lieu de sa prochaine séance, si ce n'est dans le lieu même où la législature précédente aura été réunie.
Mais arrivons au véritable point de la question. Le raisonnement de M. l'abbé Maury a pour supposition antécédente celle-ci qu'on voudrait établir : c'est que nous-mêmes, nous ne sommes pas ici en état de liberté (A droite : C'est vrai! c'est vrai!)... C'est une supposition calomnieuse : Rien ne prouve mieux, je ne dis pas seulement la liberté de l'Assemblée nationale elle-même, mais la liberté individuelle de chacun de ses membres que les discours et les déclamations qu'on entend à cette tribune. (Applaudissements à gauche ; murmures à droite.)
interrompent au milieu du bruit.
Expliquez-vous, vous parlez ici comme au Parlement.
, rapporteur. Vous savez bien qu'il n'y a pas ici de Parlement et que nous n'en sommes pas moins libres dans Paris. (Applaudissements à gauche.)
On cherche à fournir par ces propos des textes à la correspondance qu on nous annonçait tout à l'heure, et il n'est pas difficile d'apercevoir quel avantage immense les écrits du parti en retireraient.
A droite : Quel est ce parti?
A gauche : C'est vous !
, rapporteur. Je termine, Messieurs,
et jé dis qu'il suffit, comme nous vous le proposons dans notre projet de décret, que chaque législature ait le droit dé décider le lieu de ses séances, mais qu'il ne peut être permis dans ce moment de s'occuper pour la législature d'un autre lieu que de celui du dernier rassemblement du Corps législatif.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre propose l'amendement suivant à l'article 9 :
« Chaque nouveau Corps législatif se réunira le premier lundi du mois de mai au lieu indiqué par la précédente législaturé. »
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.)
Je demande d'excepter de la disposition de l'article en ce qui conceine la résidence les membres qui composeront la législature prochaine.
, ironiquement. Je demande qu'elle soit transférée à Rome.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Cazalès.)
Il faut du moins ajouter à l'article « Sans rien préjuger sur la fin de la session actuelle. » Ce ne sont pas là des fantômes, ni des moulins à vent. Que M. Thouret se rappelle l'époque où il a refusé la présidence à Versailles.
, rapporteur. On peut faire expliquer dans le procès-verbal que la disposition du présent article ne préjuge rien sur l'époque de la convocation de la prochaine législature. Je ne m'y oppose nullement; mais on ne peut mettre une telle disposition dans un article constitutionnel.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera fait mention au procès-verbal de l'explication propos sée par M. Foucault-Lafdimalie.)
Je vais mettre aux voix l'article 9.
Plusieurs membres demandent que l'on mette conjointement aux voix les articles 9 et 31.
(Cette motion est adoptée.)
donne lecture de ces deux articles qui sont ainsi conçus ;
Art. 9.
« Chaque nouveau Corps législatif se réunira le premier lundi du mois de mai au lieu où le précédent aura tenu ses séances. »
Art 31.
« Le Corps législatif aura le droit de déterminer le lieu de ses séances, de les continuer autant qu'il le jugera nécessaire, et de s'ajourner. »
(Les articles 9 et 31 sont adoptés.)
(La suite de Ha discussion est renvoyée à demain.)
L'ordre du jour de ce soir est un rapport du comité ecclésiastique sur .les actes et registres qui doivent constater l'état civil
des personnes et un rapport du comité des monnaies sur l'organisation des Monnaies.
(La séance est levée à quatre heures.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Avis de M. P. F. Aubry-du-Roehet, membre du comité de Constitution, pour ta division du royaume sur tes alternats.:-i- (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
nota. — 1° Les commissaires adjoints au comité de Constitution pour la division du royaume, et ceux formant le comité d'emplacement, assemblés le 19 mai 1791, pour, en exécution du décret de l'Assemblée, nationale, délibé-*-rer sur les alternats, ont pensé que l'avis de M. Aubry-du-Bochet, contenant de vues utiles dont la proposition ne peut être faite dans ce moment, demeurerait déposé au comité et serait imprimé. (Notes des Commissaires.)
nota. —2° Le but du nouvel ordre de combinaison que je propose étant de déterminer, d'une manière positive, les relations du peuple avec ses principaux délégués, l'Assemblée nationale et le roi, ce double objet sera, rempli, si je fais une juste application du principe.
Les relations du peuple avec le Corps législatif tiennent essentiellement à la Constitution, et ne peuvent tenir qu'à elle ; tous ses rapports nê doivent se diriger que vers ce centre d'unité qui, tenant en main la balance des pouvoirs en a, par cela même, marqué les véritables lignes de démarcation.
Mais il n'en est pas de même des relations du peuple avec le roi, où tout doit être circonscrit) et considéré, par conséquent, comme purement réglementaire. Or, un des précieux avantages de cet ordre de combinaison des districts et départements, relativement aux alternats que je propose, c'est ne point déranger ces limites, que j'appellerai matérielles, des départements, dans- les relations administratives avec tes agents du pouvoir exécutif suprême, car ces limites, dans mon système, continuent de circonscrire les évechés, l'étendue des recettes des contributions, les difféT rents armées, la surveillance hiérarchique de la gendarmerie nationale; en un mot, tous les établissements dans lesquels la responsabilité nç ra-poserait sur rien, et deviendrait tout à fait illusoire. (Note de M. Aubry-du^Bôchet.)
Messieurs, l'Assemblée nationale a renvoyé à ses comités de Constitution pour la division du royaume, et d'emplacement, l'examen de la question des alternats; mais elle avait précédemment décrété qu'il lui serait présenté un mode indicatif pour les administrer, de lui faire connaître comment ils émettraient leurs vœux sur les grands inconvénients résultant d'une division de territoire que des préjugés et des intérêts particuliers ont arrêtée.
Ces deux questions étant inséparables l'une de l'autre, je pense que les comités doivent les présenter à l'Assemblée, afin de la mettre en état de prononcer définitivement sur l'une et l'autre. Ces questions seraient un problème impossible
à résoudre si, se bornant aux limites matérielles, (passez-moi le terme) que l'Assemblée a données à ses départements, districts et municipalités, elle s'était contenté de réformer telles ou telles parties sur lesquelles il y aurait de vives et même de justes réclamations ; ce n'est là, Messieurs, ni le point de la question, ni le moyen d'en sortir. Le véritable point de la question est de savoir si cetie limite, que l'Assemblée a tracée pour borner les départements et districts, est de loi constitutionnelle, ou seulement réglementaire; si ces limites, même quand il s'agira d'assembler les citoyens pour des élections d'un intérêt général, doivent circonscrire le vœu de ces citoyens, c'est-à-dire ne les point faire communiquer avec leurs voisines, comme cela doit être,quand il ne s'agit que d'intérêt particulier^ tel district, département et municipalité.
Sous ce double point de vue, Messieurs, la question n'a jamais été présentée; et c'est aux conséquences qui en résultent que se rapporte la solution importante de la question des alternats.
Tout ce qui lient à l'intérêt général est véritablement constitutionnel; ce qui tient à l'intérêt particulier ne peut être que réglementaire.
Il est de l'intérêt général que tous les citoyens soient traités avec égalité : les alternats n'ont été établis que pour la conserver; on ne pourrait donc les supprimer sans détruire cette égalité ; dès lors, leur suppression serait inconstitutionnelle. Cependant, ils présentent tant d'inconvénients que, si la division arrêtée n'était susceptible d'aucun changement, les habitants des villes et des campagnes qui les environnent seraient forcés de renoncer à toute réclamation à cet égard, puisqu'il est de principe éternel que ce qui est utile au plus grand nombre et constitue la loi, fasse taire la minorité; mais nous n'en sommes pas réduits à cette malheureuse position. Il est possible de satisfaire tous les administrés, en cessant de confondre, comme on l'a fait jusqu'à présent, ce qui n'est vraiment que réglementaire, avec ce qui est essentiellement constitutionnel.
L'Assemblée nationale a décrété qu'il y aurait desdépartements,desdistricts et des municipalités en France, et que le territoire serait divisé de manière que les citoyens puissent se réunir pour l'exercice de tous leurs droits.
Ces droits sont de deux espèces : les uns sont communs à chaque individu, à une association de paroisse, de canton, de district et de département ou évêché; les autres sont communs à toute la société, et se rapportent directement à son centre d'unité, à l'Assemblée nationale.
Le premier de ces droits est naturellement circonscrit, et ne peut s'exercer au delà des limites marquées; mais le second ne doit connaître aucune limite; tout doit se confondre ou se communiquer sans cesse, toujours de proche en proche, et de façon qu'une opinion, qu'une volonté, qui est dans le cas d'intéresser véritablement la société puisse être prise en même temps d'un bout à l'autre de l'Empire, en considération; et à cette espèce de droit tiennent et doivent tenir les assemblées primaires, à l'effet, par le peuple, de se nommer ses représentants, ses administrateurs et ses juges, même ses officiers de garde nationale, parce que la garde nationale n'est qu'une, comme la société, comme la monarchie. Tout ce qui peut être contraire à l'exécution de cette espèce de droits, doit être réformé; et l'alternat, tel qu'il est décrété, est de cette nature.
L'effet de l'alternat est d'accorder à une portion des habitants d'un même département, la
faveur d'avoir près d'eux le chef-lieu de leur administration; et comme par l'effet de cet alternat, il y a toujours une partie des administrés qui en est éloignée, et qui souffre, il en résulte -que pour la société en général l'alternat ne produit aucun bien; il ne fait que doubler la dépense : or, sous ce rapport, toute la société souffre, et l'alternat doit être aboli.
Mais, ce n'est pas ce qu'il faut abolir; c'est cette confusion qui règne entre l'exercice des droits du peuple quand il s'agit de l'intérêt gé*-néral, et l'exercice de ses droits lorsqu'il ne s'agit que de l'intérêt particulier. L'alternat tient à l'intérêt général : il ne peut donc être circonscrit dans telles ou telles villes, il doit être général et commun à tous les chefs-lieux de district indistinctement, et c'est ce que, jusqu'à présent, personne n'a proposé et n'a osé proposer, parce qu'on a cru la chose impossible; mais il n'est pas vrai que chaque district ne puisse pas être en même temps chef-lieu de département, comme il n'est pas vrai qu'il y ait le moindre danger à proposer un nouveau mode d'organisation du territoire à cet égard, dès qu'il convient à tous, qu'il est de plus en plus économique, et qu'il est rigoureusement constitutionnel.
Les comités réunis doivent se dispenser de présenter aucun développement à cet égard, mais se contenter d'indiquer une nouvelle organisation des départements et municipalités, d'autant plus convenable dans la circonstance présente, qu'ils ne doivent pas proposer de la décréter,mais seulement la présenter comme le mode modificatif pour les administrés de faire connaître à l'Assemblée comment ils émettront leurs vœux sur les grands inconvénients résultant de la division qu'elle a décrétée et contre laquelle il y a une foule de réclamations qu'il n'est possible de faire cesser qu'en proposant, à tous les citoyens réunis en corps de commune ou municipalité, un moyen de manifester leur opinion à cet égard.
Ce moyen est simple, puisqu'il se réduit à demander à chaque commune son vœu sur son chef-lieu de canton, de disirict et de département, et dans le cas où ce vœu ne pourrait être accueilli, quel est le lieu qu'elle choisit de préférence.
Ce vœu une fois manifesté d'une manière positive, il ne restera plus, Messieurs, qu'à déterminer d'abord quels sont véritablement ces chefs-lieux; et le choix sera facile à faire, parce qu'on n'aura à consulter pour cela que le vœu du plus grand nombre, et ensuite, quel sera ce mode d organisation entre les membres de cette association particulière.
A cet égard, je pense que ce crue l'Assemblée a établi relativement à i'orure judiciaire, elle doit l'établir pour l'ordre administratif; c'est-à-dire que chaque district doit être alternativement et perpétuellement le département de 6 à 7 districts voisins, comme ces 6 à 7 districts sont et doivent être eux-mêmes chefs-lieux de son département; d'où il résulte nécessairement que l'on gagne ies frais de l'établissement de 83 directoires de département, comme on gagnera également les frais ^de plus de 300 directoires de districts, attendu qu'en municipalisant chaque chef-lieu de canton, soit de la manière que M. Démeunier, au nom du comité de Constitution, vient de le proposer, soit de tout autre ; et en accordant à ses municipalités la partie d'administration purement locale et de détail qui leur convient, et à ses juges de paix le droit de porter uu premier jugement, sauf l'appel en dernier ressort, comme il est décrété, à celui de3 7 tribunaux de district de son ressort, et qui sont
toujours les plus voisins, l'Assemblée fera, par cette opéiation simple, taire toutes ces réclamations, toutes ces demandes de districts et d'alternats, et il ne lui restera plus qu'à l'aire l'application de ses décrets dans l'étendue de ces nouveaux districts et déparlements.
L'Assemblée a déjà tellement senti, Messieurs, l'inconv n o"t d'avoir dans une même ville deux dircctoiies u'administration, qu'elle a réuni dans le directoire du département de Paris le directoire de son district. Pourquoi ne ferait-elle pas la même chose? Et dans ce cas, que lui resterait-il à faire? A déclarer que tout citoyen qui aurait été jugé par son directoire de district, s'il était mécontent, appellerait à un des 5 ou 6 districts voisins, faisant alors fonction de département.
Il n'est pas, je crois, Messieurs, nécessaire de proposer en ce moment quelle sera l'organisation des directoires de districts et leurs fonctions; on conçoit que le directoire de chaque district devra être composé de membres des districts voisins, comme il devra lui-même avoir des représentants dans les districts voisins; et alors, il est évident qu'on ne peut rencontrer aucun inconvénient à accorder à chacun de ces districts le droit de s'assembler, tantôt en directoire de district, et tantôt en directoire de département, selon la nature de la question sur laquelle ils auront à se prononcer.
On ne pourra contester qu'une telle organisation est absolument dans l'esprit de la Constitution, puisqu'il existe la plus parfaite égalité entre tous les districts.
Si l'Assemblée accueille cet avis de ses comités de Constitution territoriale et d'emplacement, ils doivent demander que l'auire section du comité de Constitution dont il est adjoint, vis-à-vis duquel il a pu, peut-être sans sujet, et contre le vœu de l'Assemblée, former un autre comité et dont il eût mieux valu sans doufr; qu'il ne se séparât point, par les rapports qui doivent exister entre l'organisation du territoire et celle des citoyens qui l'habitent; le comité, dis-je de Constitution territoriale, et celui d'emplacement, doivent demander que l'autre section du comité de Constitution s'adjoigne à eux, à l'effet de concilier cette nouvelle propositio n avec les décrets antérieurs, et qu'il soit, en conséquence, présenté à l'Assemblée nationale un projet de décret conforme à ces dispositions.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Des inconnus, sans aucun titre de créance,forment di s oppositions au remboursement des anciens titulaires d'offices, ce qui est aussi contraire aux règles de la justice qu'aux intérêts de l'Etat. Je demande que les opposants aux remboursements soient tenus de faire connaître leurs qualités et leurs titres.
(Cette motion est renvoyée au comité de judi-cature.)
, absent par congé depuis le 12 avril dernier, déclare revenir prendre séance à l'Assemblée.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse des membres du directoire du département de VAisne; ils demandent que les électeurs actuellement existants etn'ayant été nommés que depuis une année, soient chargés de la nomination des députés futurs à l'Assemblée nationale.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
Le sieur Reynard, mécanicien, est admis à la barre.
M. Reynard, mécanicien, présent à la barre, fait hommage à l'Assemblée d'un travail sur les monnaies; l'objet de ce travail est un moyen.de convertir en monnaie le métal des cloches. L'Assemblée trouve-t-elle bon que sou projet soit renvoyé au comité des monnaies et qu'on lui accorde les honneurs de la séance? (Marques d'assentiment.)
(L'Assemblée accorde à M. Reynard leshonneurs de la séance et décrète le renvoi de son projet au comité des Monnaies.)
Le sieur Dellecourt, grenadier de la garde nationale, est admis à la barre.
M. Dellecourt, grenadier volontaire de la garde nationale, fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage de sa composition intitulé : Les adieux d.un citoyen grenadier ou les dangers d'un zèle outré.
(L'Assemblée agrée cet hommage et accorde au sieur Dellecourt les honneurs de la séance.)
Je ne sais pas si je dois faire part à l'Assemblée d'une lettre que je reçois; l'auteur prétend avoir trouvé la quadrature du cercle. (Rires. — Non ! non!)
, au nom du comité militaire, présente uu projet de décret sur les 62 capitaines attachés aux directions de i artillerie.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète :
Art. 1er.
« Les 62 capitaines qui étaient attachés aux directions de l'artillerie seront conservés; mais il n'y sera fait de remplacement qu'après que leur nombre sera réduit au-dessous de 42.
Art. 2.
« Les susdits 62 capitaines actuels ne seront susceptibles d'avancement que dans le cas où ils seraient employés à la guerre ; mais les seuls capitaines qui entreront dans cette classe après sa réduction au-dessous de 42 conserveront leur rang pour parvenir au commandement des compagnies, suivant leur tour d'ancienneté. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret sur la réunion des paroisses de Vendôme et de Montoire.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Que les 4 paroisses de la ville de Vendôme, actuellement subsistantes, sont et demeureront supprimées, et qu'il en sera établi une dans l'église de l'ancienne abbaye, sous l'invocation de la Sainte-Trinité; qu'il sera, en outre, établi une succursale dans l'église de la Madeleine, et deux oratoires; l'un dans la chapelle du grand cimetière, l'autre dans l'ancienne collégiale de Saint-Georges.
Art. 2.
« Que les 2 paroisses de Montoire sont et demeureront supprimées, et qu'il en sera établi une seule sous l'invocation de Saint-Laurent, dans celle des églises de Monloire qui sera jugée la plus convenable. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité ecclésiastique sur les actes et registres qui doivent constater l'état civil des personnes (1).
, au nom du comité ecclésiastique. La pétition qui vous a été présentée par les individus composant la municipalité de Paris a pour objet de demander une loi qui assure par des formes civiles la notoriété des mariages, des baptêmes et des sépultures des catholiques ou non-catholiques, sans aucune distinction de religion ni de sexe. Tous les citoyens sont égaux devant la loi : elle ne connaît point la différence de leur culte, et comme elle les prend tous également sous sa protection, et qu'elle leur garantit à tous la possession paisible de leur état civil, elle doit exiger pour tous les mêmes formalités.
Je pense donc que les actes de baptême, de mariage et de sépulture doivent être reçus par des officiers civils, et qu'on doit leur donner le plus grand caractère d'authenticité. Tous les citoyens seront d'ailleurs libres d'ajouter à l'acte civil quelque cérémonie religieuse que ce soit.
Je prie l'Assemblée nationale d'être bien persuadée, que depuis que je sais penser, jamais une idée fanatique n'est entrée ni dans mon esprit ni dans mon cœur. Mais je crois devoir l'engager à réfléchir à la position où se trouve la France. D'où vous vient la pétition qui vous occupe? Quels sont ces pétitionnaires? Sont-ce des juifs? Sont-ce des chrétiens? (Murmures : Ce sont des citoyens, ce sont des hommes)... Je ne le sais pas. Seraient-ce des non-conformistes? Je ne sais trop quel nom leur donner.
Les administrateurs du départe-du Haut-Rhin m'ont chargé de vous faire une demande dont l'objet est absolument conforme à celui de la pétition qui vous occupe.
Je vous somme de montrer cette pétition. J'en ai un double ; elle n'est
relative qu'aux droits de citoyen actif, et non au mode de constatation
de l'état civil. Je suis donc fondé à croire que les individus pour
lesquels on vous a fait une pétition, sont des non-conformistes qui ne
veulent pas reconnaître les fonctionnaires publics. Or, jene pense pas
qu'un non-conformiste
Ce n'est pas que je veuille contester les principes posés par M. Treilhard et je vais faire à ce sujet une profession de foi qui paraîtra sans doute bien étrange: je vous dirai que ces principes sont sages, mais je les soutiens prématurés. (Applaudissements.) Pourquoi donner de la consistance à la secte qui veut s'élever? Attendez, Messieurs, que l'état de vos fonctionnaires publics soit consolidé avant que de leur ravir des fonctions qui, aux yeux du public, leur avaient toujours été jusqu'à présent attribuées. Attendez que cette secte, qui veut naître, s'éteigne d'elle-même sous le poids du ridicule (Rires à droite; applaudissements à gauche.) parce qu'ils font tant de folies qu'ils ne peuvent pas finir autrement que par s'attirer le mépris public. Mais si,"au contraire, vous vous laissez entraîner parque ques pétitionnaires qui veulent, je ne sais pas pourquoi, vendre quelques églises à des non-conformistes, vous leur donnez une existence qu'ils n'auraient jamais sans un ridicule décret.
Quand ces prêtres réfractaires....
Mo isieur l'opinant, je vous prie de vous renfermer dans la question. (Non! non ! il est dans la question ! )
Je prie les bons citoyens de cette Assemblée de vouloir bien avoir quelque indulgence pour moi, parce que je ne parle que pour eux. Quand une fois ces gens égarés se seront ravisés, et ils s'en ravisent tous les jours,.... (i droite: Au contraire) alors, Messieurs, il n'y aura rien de plus facile que de faire une loi générale, parce qu'alors vous n'aurez plus à craindre qu'on vous reproche de vouloir établir différents partis de la même religion.
L'ancien évêque de Langres a fait imprimer un livre qui a été dénoncé, dans lequel il espère, pour toute ressource, qu'on prendra le parti qu'on vous propose aujourd'hui. Je pense que M. Treilhard n'a certainement pas concerté ce parti avec lui ; mais moi, qui, malgré ce qu'aient pu dire certaines gens, ai toujours aimé par-dessus tout l'ordre et la tranquillité publique, qui ai toujours détesté les opinions même justes qui pourraient tendre à s'altérer et qui pourraient servir les factieux, je déclare que je regarde comme la perte de la France une discussion pareille à celle qu'on veut établir et je suis persuadé qu'en ce moment une semblable discussion causerait de très grands malheurs.
Je demande donc l'ajournement. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : —Aux voix, l'ajournement !
Eo ajournant le projet de décret qu'on vous propose, vous écartez les questions
les plus importantes. C'en est une très nécessaire, très urgente, que de fixer d'une manière stable, d'une manière certaine, la manière de constater l'état civil des citoyens. (Murmures: Elle existe cette loi'.).,.. 11 n est pas possible d'ajourner une loi qui doit fixer, non le sort d'une portion de Français, non le sort des catholiques, mais celui de tous les Français,
Je demande la question préalable sur l'ajournement, La raison veut que l'état civil soit constaté fias les officiers civils; cela n'empêche par chacun de remplir ses devoirs religieux et même cela lui en laisse toute la faculté suivant les mouvements Vrais de sa conscience, chose que l'oppression n'a jamais donnée» Il faut ou renoncer aux principes de la Constitution ou en admettre cette conséquence essentielle.
Je dis plus ; il est pressant de l'admettre, parce qu'en attendant, il meurt, il naît des personnes, et que tous les jours l'état des personnes souffre, il y a periculum in morâ. On souffre tous les jours du retardement et il n'y a pas contre le projet que l'on vous propose une seyle objection valable. Le principe est la copie fidèle de votre déclaration et la conséquence suivie de votre décret du 7 de ce mois.
Je conclus donc à la question préalable sur l'ajournement, (Applaudissements.)
Lorsque vous n'avez pas laissé les biens de votre ancien clergé à votre nouveau clergé, vous ne pouvez pas davantage lui donner les usurpations de votre ancien clergé. Votre ancien clergé avait usurpé des fonctions civiles-, cela est évident... (Bruit.)
On ne doit pas traiter une question si importante aussi cavalièrement. Comme homme de la campagne, j'aperçois dans le décret des abus considérables; ie demande que la question soit ajournée après la Constitution; et alors nous verrons comme les choses iront, et alors nous pourrons discuter cette affaire en connaissance aexcause, parce que, si vous entassez abus sur abus, vous ferez une contre-révolution : c'est moi qui vous le prédis.
appuie la demande de question préalable sur l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Je demande la parole sur l'ajournement, (Non! non! — Bruit prolongé.)
(L'Assemblée, consultée, prononce l'ajournement.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des monnaies sur l'organisation des Monnaies.
, au nom du comité des monnaies (1). Messieurs, depuis longtemps votre comité des monnaies vous a pressés d'adopter des mesures solides pour le rétablissement de l'ordre dans votre système monétaire, et vous a soumis de vastes travaux longtemps et profondément discutés avec tous les hommes les plus éclairés et les plus environnés par l'estime publique qu'il y ait en France.
Une des branches ies plus importantes de ce
La cour des Monnaies connaissait privative-ment à toutes autres cours ou à tous autres juges de l'enregistrement des lois et règlements sur le fait des monnaies, et de leur exécution, circonstances et dépendances ; de la fabrication, du poids et du titre de toutes les espèces qui se fabriquaient aux coins et armes du roi ; des délits de tout genre, relatifs à la fabrication des monnaies, ou au crime de faux-monnayage; des vols commis dans l'intérieur des hôtels, des abus et malversations commis, tant par les officiers des Monnaies que par les artistes et ouvriers qui emploient les matières d'or et d'argent, et d'autres objets relatifs aux statuts des communautés de ces artistes; enfin des appellations, des jugements rendus, tant en matière civile que criminelle par les commissaires de la cour, les commissaires du roi en l'hôtel des Monnaies, le prévôt général, les juges-gardes, etc.,.
Des juges établis sous les noms de général provincial, de juges-gardes et contrôleurs-contre-gardes avec un substitut du procureur général, un grefffier et des huissiers, avaient la juridiction des monnaies et connaissaient en première instance de tous les délits concernant la fabrication, l'altération et la distribution des monnaies fausses ou décriées, l'achat, la vente et l'emploi des matières d'or et d'argent. Ces mêmes juges et corttrôleurs-contre-gardes, avec d'autres officiers appelés essayeurs et graveurs, étaient chargés des détails relatifs à la police de la fabrication. Les juges-gardes etcontrôleurs-contre-gardes devaient veiller sur toutes les opérations relatives à la fabrication des espèces, et la comptabilité des directeurs des monnaies.
Les juges-gardes répondaient du poids des espèces, parce qu'elles ne pouvaient être délivrées au public, que lorsqu'ils les auraient vérifiées, et ils étaient garantis ae leurs défectuosités.
Les contrôleurs-contre-gardes étaient particulièrement chargés de tout ce qui concernait la forme, la tenue et l'inspection des registres prescrits par les règlements, tant pour la recette que pouç l'emploi ues matières et des espèces, et ils suppléaient les juges-gardes, lorsqu'ils se trouvaient dans l'impossibilité de remplir leurs fonctions.
Ces divers offices étant vénaux, on a vu souvent ies directeurs des Monnaies les acheter sous main et en revêtir leurs affidés, ce qui anéantissait la surveillance en les mettant dans leur dépendance, et facilitant les moyens de les associer aux plus scandaleux bénéfices des plus coupables opérations. Faiblesse de poids dans les espèces, fabrications dérobées à la connaissance de 1 administration, et dès lors vol fait à la nation des bénéfices du seigneurjage ; tous ces inconvénients tenaient a cet ordre vicieux de choses; et plus d'une fortune immense autant que scandaleuse, y a trouvé son principe et son aliment.
A ces officiers qui réunissaient ainsi des fonctions administratives aux fonctions judiciaires, et qui, parla vénalité de leurs charges, devenus indépendants de l'administration, qui ne pouvait exercer sur eux une police assez ferme, n étaient que trop souvent les instrument® des directeurs
qu'ils devaient surveiller; à ces officiers, dis-je, nous vous proposerons de substituer les commissaires du roi très parfaitement indépendants des directeurs et revêtus à la fois d'un grand caractère public, et de toute la force de l'administration, sous l'autorité de laquelle ils seront placés avec des règles sûres et précises pour les diriger et les réprimer s'il en était besoin.
Les essayeurs sont chargés de constater, par des essais, le titre des espèces, ouvrages et matières que l'on apporte au change, et de vérifier si les matières préparées par les directeurs sont au titre fixé par la loi.
La vénalité de leurs offices donne lieu aux mêmes inconvénients dont nous avons fait le tableau en parlant des juges-gardes; mais il en e-t un de plus qui leur est particulier dans la nature de leurs fonctions.Non seulement ils fontles essais qui constatent si les pièces fabriquées sont au titre, mais ils font des essais pendant que les matières sont en fusion dans le fourneau, et jugent si elles sont au titre pour être immédiatement coulées et fabriquées; il résulte de ce premier jugement d'abord, qu'ils dirigent le directeur de la Monnaie dans son travail, et affaiblissent ainsi sa responsabilité; et en second lieu, qu'après ce premier jugement, leur amour-propre est engagé à retrouver au second essai fait à loisir, et qu'ils ont la faculté de réitérer s'ils craignent ae s'être trompés, le même titre que dans le premier essai fait, toujours avec une certaine précipitation, et qu'ils ne peuvent renouveler; ce qui conduit avec certitude à ce qui existe, je veux dire à l'empirance du titre des espèces mises en circulation.
Les graveurs des monnaies sont chargés de graver les cares, poinçons et matrices que l'on emploie pour la marque des monnaies, et par une bizarrerie qu'a enfantée l'esprit de fiscalité, le droit d'exercer ces fonctions, qui, par leur nature, exigent des talents personnels dans les arts, était devenu le prix d'une finance. Qu'en arrivait-il? On achetait un office de graveur sans savoir tenir un burin, et l'on faisait ensuite exercer par un simple ouvrier orfèvre ou serrurier ces fonctions qui exigent à la fois, par leur délicatesse, et le caractère d'un homme public qui réponde à la nation de sa fidélité, et les talents de l'artiste. L'incorrection grossière des empreintes de la plupart de nos monna;es rend sensible, aux yeux les moins exercés dans les arts, l'inconvénient de cette absurde disposition.
Et qui pourrait nier que le faux monnayage a du être favorisé plus d'une fois par des coins que ces ouvriers sans titre et sans caractère reconnu ont été si souvent à portée de fabriquer en contravention ?
Nous vous proposerons pour parer à ces dangers de donner ces places au concours, afin que la publicité des épreuves garantisse les talents de ceux qu'on emploiera, et que la gloire des succès devienne un motif de plus de fidélité pour des individus qui, par cela même, seront placés dans une plus grande évidence.
Ces divers offices étant tous, dans l'état actuel, payés uniquement en raison du travail, l'état de tous ceux qui doivent surveiller les directeurs est trop précaire, ils sont exposés à mourir de faim dans les monnaies peu actives; il en résulte que ces places ne sont point "assez distinguées, qu'elles ne peuvent devenir un état suffisant dam-la société, et que les sujets qui les occupent ne sont pas retenus autant qu'il serait nécessaire par ces liens invisibles, mais si puissants, de l'es-
time de sa propre dignité et de la considération publique ; et que les vrais talents ne peuvent s'attacher à des fonctions qui ne leur assurent par une honnête subsistance. 11 en résulte encore que le sort de ces personnes dépendant, je ne dis pas seulement pour leur aisance, mais même pour le plus strict nécessaire, de la quantité des fabrications, bonnes ou mauvaises, authentiques ou clandestines, toutes les intéressent également; car ce qui leur importe est bien moins leur perfection que leur multitude, et comme on l'a vu quelquefois arriver, un directeur, pour les assouplir, s'il les trouve trop fidèlement sévères, peut les ruiner en suspendant exprès ses fabrications.
Pour prévenir ces inconvénients, nous vous proposerons de fixer, par des traitements raisonnables, le sort des officiers des Monnaies, en sorte qu'ils soient entièrement indépendants du directeur qu'ils doivent surveiller, et que tout homme bien né puisse s'attacher avec une suffisante considération à des places qui lui donnent une existence convenable.
Cependant il faut observer que le graveur ne peut être sujet à la même responsabilité que les essayeurs et les commissaires du roi, pour lesquels leur exactitude vigilante est le seul moyen de n'être pas compromis, et qu'il est cependant indispensable de stimuler son activité pour qu'aucun retard de sa part ne puisse faire languir les travaux; nous vous proposons donc indépendamment du traitement fixe qui doit lui donner de quoi subsister dans tous les cas, de lui accorder un payement eu raison de son travail; c'est l'unique moyen de s'assurer de son activité et de la perfection de ses œuvres.
Outre ces officiers, il existe dans chaque Monnaie un directeur qui est chargé delà recette des espèces et matières que le public y apporte, et de leur conversion en espèces; ces hommes sont ainsi à la fois artistes et officiers publics. Tous ces offices étaient vénaux.
Enfin le gouvernement employait encore des officiers ou commissaires pour l'inspection et la surveillance générale du travail, sous les noms de commissaires du conseil, d'inspecteur général des essais et affinage, essayeur général, graveur général; je ne parle pas de la place d'inspecteur des monnaies, place sans fonctions, qui ne donnait que des appointements et un beau logement sans nulle occupation.
Il résulte de ce tableau de l'ancien ordre de choses anéanti par vos décrets, et qu'il s'agit aujourd'hui de remplacer, que tout, excepté les dernières places administratives dont nous venons de parler, était confié à des hommes en titre d'offices achetés à prix d'argent, qui forts de l'inamovibilité qui leur était ainsi assurée, commettaient très souvent des malversations impunies et presque impossibles à prévenir; qu'il existait une confusion de fonctions administratives et judiciaires qui nuisaient éminemment à l'exécution des lois et à la possibilité de prévenir les abus, seule manière efficace de les réprimer. Vous avez déjà séparé la juridiction des fonctions administratives. Par vos décrets sur la constitution judiciaire, vous l'avez attribuée aux tribunaux ordinaires, et vous avez chargé une commission royale de la partie de la surveillance et de l'administration. Par votre décret du 5 avril, sanctionné le 10 du même mois, vous avez réglé la marche de cette commission et déterminé l'objet et la forme de ses travaux.
Mais votre ouvrage n'est point complet, les bases générales sont posées, l'administration su-
périeure est déterminée; mais rien n'est fixé sur les détails qu'elle doit diriger et surveiller. L'ad ministration manque ainsi de moyens et de règles, et les tribunaux appelés à juger les contraventions manquent des directions et des lois nécessaires ; c'est ce travail que nous venons vous offrir.
Nous avons cherché, d'une part, à réunir en un corps tout ce que les anciens règlements présentaient de sage et d'utile, mais qui épars dans des volumes de lois, d'édits, de déclarations, d'arrêts du conseil quelquefois contradictoires, était trop difficile à démêler; et nous rendons ainsi, et au public et aux intéressés et aux juges, le service de simplifier et d'éclaircir parfaitement les fonctions, les devoirs et les principes qui doivent les diriger.
D'une autre part nous avons cherché à donner plus d'unité à tout cet ensemble; nous avons tâché de bien distinguer toutes les fonctions diverses qui, pour le succès de la surveillance, doivent se contrôler réciproquement, et de rendre ces diverses sentinelles de la bonne foi publique, tellement indépendantes les unes des autres, que leur intérêt même se trouvât autant dans leur exactitude, qu'on l'a vu ci-devant se marier à leur négligence.
Enfin, en appelant, dans tous les cas où les circonstances le permettent, les administrateurs choisis par le peuple, nous avons voulu qu'un des objets qui le touche le plus, et que l'intérêt particulier a toujours/ tenu jusqu'ici éloigné de ses yeux et enveloppé des plus embrouillées, des plus ténébreuses rubriques, ne pût échapper de nouveau à sa vigilance; nous avons ainsi rappelé les principes que vous avez tant de fois professés, nous avons fortifié cette alliance si naturelle du peuple avec le trône, ce concours si indispensable vers le bien de leur commune volonté : aliance heureuse, nécessaire, sacrée, que trop souvent l'avarice et la perversité se sont efforcées de rompre.
Le projet de loi que nous vous proposons, détermine d'abord le parti à prendre pour les officiers supprimés par vos précédents décrets; ces articles sont simples et portent ieur explication avec eux-mêmes.
Le titre II détermine le nombre et le choix des divers fonctionnaires qui seront chargés tant de la fabrication des monnaies, que de la surveillance et de la vérification du travail; et nous avons cherché à supprimer les emplois parasites et inutiles, autant qu'à établir ceux qui sont nécessaires à la perfection et à la sûreté du travail.
Le titre Ii 1 expose clairement les fonctions attribuées à chacun, et c'est ici où nous avons eu le plus besoin d'attention ; car c'est ici qu'on a vu régner la plus dangereuse confusion dans l'ancien système; c'était autant à cette confusion qu'aux funestes effets de la vénalité qu'on a dû les infidélités par lesquelles le titre de nos louis a baissé progressivement, en soixante ans, de trois trente-deuxièmes au moins; ce qui, en nuisant sourdement à nos plus chers intérêts de commerce, a coûté plus dè trois millions à l'Etat, lors de la refonte de 1785, pour ramener les espèces à leur titre véritable.
Le titre IV prescrit les précautions à prendre pour constater la bonté des espèces, la justesse de leur poids, la perfection de leur fabrication avant de les délivrer au public, et les formes pour assurer la foi publique dans celte délivrance qui se fera sous les yeux des délégués immédiats au peuple.
Le titre V est la clef de la voûte : il renferm e les dernières précautions que la sagesse peut commander pour conserver l'activité des premiers surveillants, pour constater en définitive la perfection ou les vices du travail et les délits de; agents de toutes les classes, que l'intérêt public ne peut laisser un seulinstant impunis, sans q ie l'aisance des riches et la subsistance du peuple ne soient compromis au plus haut degré; ce titre renferme encore ce qui est plus nécessaire dans un gouvernement libre que dans tout autre, la détermination précise des délits à punir et des peines justes et proportionnées qui doivent les réprimer.
Ici nous avons rencontré dans l'ancien système quelques bases défectueuses. Les vices d'une organisation compliquée, confuse, ténébreuse, souillée de tous les plus dangereux inconvénients de la vénalité, devaient nécessairement embarrasser la surveillance du gouvernement. La sévérité des peines étant presque la seule ressource qu'il y avait trouvée, on en avait établi que leur raideur même rendait inexécutables. Par exemple lorsque dans le jugement des monnaies d'un directeur une seule pièce se trouvait au-dessous du titre, toute la fabrication était jugée mauvaise, quelque fort que puissent être au-dessus du titre toutes les autres pièces essayées, et cependant ce directeur ne fabriquait que guidé par l'essayeur qui, pendant que le métal était en fusion, en faisait l'essai et décidait de son titre. Ainsi il pouvait être puni, pour la faute d'un officier, son juge naturel; et sa punition était exagérée, puisque la fabrication faible d'un seul jour lui attirait la punition qu'eût méritée la faute de toute l'année. Il en résultait que la commisération ou l'intrigue sauvaient sans cesse les coupables, et que ces lois sauvages n'ont pu empêcher l'affaiblissement continuel de nos espèces. Nous avons donc cherché à proportionner la peine au délit, avec autant de soin que nous en avions mis à rendre chacun tellement responsable de ses propres œuvres, que rien ne pût l'excuser ni le soustraire à la punition qu'il aura encourue.
Enlin nous avons jugé que la surveillance ne pouvait être assez active si l'on ne procédait, deux fois par an au moins, au jugement définitif des espèces, et peut être dans des fabrications très actives devrait-on le faire plus souvent. En cela nous avons dérogé à l'ancien usage selon lequel ce jugement n'avait lieu qu'une fois pur an, excepté la monnaie de Paris, qui le subissait à chaque semestre.
Je me dispense d'entrer dans de plus longs détails en cet instant; il sera plus utile et plus clair de les réserver pour former une espèce de commentaire sur les articles qui pourraient en avoir besoin, à mesure qu'ils seront soumis à la discussion.
Je n'ai plus qu'une remarque générale à faire.
C'est que l'Assemblée ne doit point retarder d'un instant des lois si nécessaires, et sollicitées, avec la plus vive instance, par une administration qui ne peut marcher sans ces règles que le nouvel ordre de Choses exige. Il est malheureux, sans doute, que depuis plusieurs mois que votre comité vous a soumis la plupart de ces objets dans plusieurs rapports imprimés et distribués, en vous pressant de vous en occuper, vous ne les ayez pas encore déterminés; mais la plus impérieuse nécessité vous commande aujourd'hui de ne pas laisser davantage durer le désordre dans une partie si importante, et qui offre un
champ si vaste, et une si utile obscurité à la même cupidité.
Cette même cupidité à déjà multiplié, avec un succès que vous ne permettrez sans doute pas davantage, ses efforts, pour rendre vain le zèle de vos commissaires : mais fidèles à leur devoir et à l'esprit rigoureux et sévère d'ordre, qui vous a fait attaquer de front tout ce que vous avez jugé nuisible au peuple, ils n'ont ménagé aucun intérêt particulier, et ils osent vous exhorter à vous défier de ces êtres étrangers à l'Assemblée, qui ont cherché si souvent à suspendre cette partie de vos travaux; ils ont senti, dès le premier jour, quelles vues de vos commissaires avaient été au but sans flotter, et leurs manœuvres n'ont été que la preuve de la justesse avec laquelle nous avons touché le vif de leur intérêt. Vous retrouverez, sans doute, encore ici votre antique vigueur, et après avoir abattu des géants, vous ne livrerez pas à des pygmées, les sources de la richesse publique.
, rapporteur, donne ensuite lecture du projet de decret qui est immédiatement mis en discussion.
Les articles suivants sont soumis à la délibération et adoptés en ces termes :
TITRE Ier.
Suppression des offices.
Art. 1er.
« Les offices de trésorier général, d'essayeur général, de juges gardes et contrôleurs contre-gardes, de directeurs et trésoriers particuliers, d'essayeurs et graveurs des monnaies; l'office d'inspecteur du monnayage et celui de contrôleur au change de la Monnaie de Paris ; leâ offices de changeurs, la commission de graveur général des monnaies, et toutes commissions en vertu desquelles quelques personnes exercent, eu égard à la vacance d'aucuns offices des Monnaies, les fonctions y attachées, sont et demeureront supprimés.
Art. 2.
« Les titulaires des offices et les pourvus des commissions supprimées par l'article précédent, continueront d'en exercer les fonctions jusqu'au moment où il aura été pourvu à leur remplacement, ainsi et de la manière qui sera ci-après exprimée.
Art. 3,
« Les titulaires dés offices supprimés par l'article premier feront remettre au comité de liquidation, les titres ou expéditions collationnées des titres nécessaires à leur liquidation et remboursement,auquel remboursement il ne pourra néanmoins être pourvu, à l'égard des officiers comptables, qu'après le jugement et l'apurement de leurs comptes ; et à l'égard des officiers susceptibles de condamnation d'amendes, qu'après le jugement des espèces à la délivrance desquelles ils out concouru.
Art. 4.
« Les officiers supprimés par les articles précédents, qui occupent des logements dans les hôtels des Monnaies, seront tenus de se retirer, et de laisser lesdits logements libres pour le 15 juillet prochain.
Art. 5.
« Toutes les personnes qui occupent, soit dans les hôtels des Monnaies, soit dans les bâtiments en dépendant, et faisant partie des domaines nationaux, des logements, sans être attachées au service des monnaies par les fonctions portées aux décrets de l'Assemblée nationale, seront pareillement tenues de se retirer, et de laisser libres lesdits logements et bâtiments, à compter du même jour 15 juillet.
TITRE II.
Du nombre et du choix des fonctionnaires publics qui seront chargés, tant de la fabrication des monnaies, que de la surveillance et de la vérification de ce travail.
Art. 1er.
« Il y aura 3 fonctionnaires généraux attachés au service des Monnaies, savoir : un inspecteur des essais, un essayeur et un graveur.
Art. 2.
« Il sera établi, dans chaque Monnaie, un commissaire du roi, un adjoint dudit commissaire, un directeur, un essayeur et un graveur.
Art. 3.
Les compagnies de monnayeurs Rétablies dans chaque Monnaie, continueront provisoirement d'exercer les fonctions qui leur sont confiées. Les compagnies des ajusteurs et tailleresses sont et demeurent supprimées.
Art. 4.
« L'inspecteur général de3 essais, les commissaires du roi, leurs adjoints et les directeurs, seront nommés par le roi ; l'essayeur général sera pareillemeut nommé par le roi ; mais il sera pris dans le nombre des essayeurs qui auront exercé, pendant 12 ans au moins, leurs fonctions, soit à Paris, soit dans les autres hôtels des monnaies ; les places de graveur général, d'essayeurs et de graveurs particuliers seront toutes données au concours.
Art. 5.
« Lorsqu'une place de commissaire du roi deviendra vacante, son successeur sera choisi dans le nombre des adjoints.
Art. 6.
« Les parents et alliés d'un directeur de Monnaie, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ne pourront être pourvus d'aucune place dans la Monnaie à laquelle il sera attaché.
Art. 7.
« Les directeurs seront tenus de fournir une caution ën immeuble, dont la quotité sera déterminée par un décret particulier de l'Assemblée nationale.
Art. 8.
« L'inspecteur, le graveur et l'essayeur général seront, ainsi que tous les autres fonctionnaires attachés au service des monnaies, sujets à révocation dans les cas déterminés par la loi.
Art 9.
« Les commissaires du roi et les directeurs seront responsables; ainsi que les essayeurs, chacun en ce qui concernera L'exercice de leurs fonctions. L'adjoint du commissaire du roi sera pareillement responsable dans toutes les circonstances où il le suppléera;
Art. 10.
« Tous les fonctionnaires npmmés en l'article précédent seront, ainsi que le graveur, logés dans les hôtels des monnaies, et chargés, tant des réparations locatives,.:que de l'entretien des appartements qu'ils dccu'perônt.
Art. 11.
il ne pourra être établi, à l'avenir, auaun bureau de change, que dans les villes où ces établissements seront jugés utiles et sur la demande des directoires des départements. Les directoires des départements, sur l'avis des directoires de districts, et la nomination des municipalités dès lieùx dahs- lesquels devront être établis les bureaux.' de change, proposeront à la commission lés sujets qui Seront jugés propres à remplir les fonctions de changeur' Ces fonctions ne pourront être exercées qu'en vertu d'un brevet expédié par la commission générale des monnaies et enregistré tant au greffe de la municipalité, qu'à cejLui du tribunal de commerce, ou, à défaut de tribunal de commerce, à celui du tribunal de district dans le ressort duquel sera établi le bureau; du change.
TITRE III.
Fonctions et travaux dont Seront chaïtjéè les fonctionnaires attachés au service des monnaies.
Chapitre Ier.
De l'inspecteur général des essais.
Art. 1er.
«-L'inspecteur général,des essais sera chargé de surveiller les travaux des essayeurs, de s'assurer s'ils se conforment exactement aux .règlements; s'ils emploient, pour leurs opérations, des agents et substances provenant du dépôt établi par la commission, et si les poids de semelle, dont ils font usage, sont tels' que la loi l'exige.
Art.2.
« Il surveillera les travaux des artistes admis à concourir pour les places d'essayeurs.qui viendront Jt1 vaquer; i]P mettra ;sotis les yeux dèf la commission le rapport des juges du concours, et il y joindra les ôbSérvations dont il lui paraîtra susceptible.
Art. 3.
« Il sera admis, et il aura voix dé.libérative dans les séances de la commission, toutes les fois qu'il y sera question d'objets concernant les essais.
Art. 4.
« Il proposera ses vues à la commission, sur le perfectionnement des opérations relative^ aux essais. J
Chapitre II.
De Vessayeur général.
Art. 1er.
« L'essayeur générai pourra être employé par la commission, Concurremment avec les autres essayeurs qu'éllé commettra, pour procéder aux vérifications du titre des espèces nationales, présentes par le décret du 3 avril dernier.
Art. 2.
« Dans lé cas où un essayeur particulier viendrait a décéder, ou sê trouverait, par maladie, ou autre empêchement quelconque, dans l'impossibilité de continuer l'exercice de ses fône-tibns, ou de se faire remplacer, Fèssàyéur général, d'après les ordres qui lui seront donnes par la commission, sera tenu de se rendre sur les lieux pour le suppléer, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu ; les frais de son voyage lui seront remboursés, et il sera responsable du titre des espèces, à la délivrance desquelles il aura concouru.
Art. 3.
« Il jouira d'un-traitement fixe qui sera déterminé par l'Assemblée nationale ; il ne pourra percevoir aucuns droitsjur la fabrication.
Chapitre III.
Du graveur général.
Art. ler.
« Le graveur général sera chargé, de la fourniture de tous les poinçons jet matrices nécessaires au monnayage des espèces; les prix en seront déterminés!pâr l'Assemblée nationale, et il en sera payé en représentant les récépissés qui lui en auront été. délivrés, lorsqu'ils seront revêtus des formalités prescrites par l'article suivant.
Art. 2.
« Il ne pourra .faire aucunejJivraison de poinçons et matrices, sans y avoir .été autorisé par la commission; il remettra,au dépôt de ladite commission ceux qui lui aiiront été demandés ; le garde des dépôts lui en délivrera un récépissé qui sera visé par la commissaire chargé de surveiller la livraison desdits poinçons et matrices.
CHAPITRE IV.
Du commissaire du roi et de son agent.
Art. 1er.
« ;Le commissaire du roi exercera la police dans l'hôtel de la monnaie; il y maintiendra l'ordre et là tranquillité ; il pourra connaître des objets qui exigeront une décision provisoire, et sur lesquels les règlements n'auraient rien statué; mais il sèra tenu d'en rendre compté aussitôt à la commission générale des monnaies.
Art. 2.
« Il veillera principalement à ce que les règlements qui concernent la fabrication des espèces soient exactement observés par tontes les personnes chargées jde quelques fonctions relatives à cette manipulation.
Art. 3.
« Il ne prendra aucune part aux opérations
qui auront pour objet la foute des espèces et matières, leur alliage et tous les travaux nécessaires pour les convertir en flaons.
Art. 4.
« Il cotera et paraphera tous les registres qui seront tenus par les différents fonctionnaires attachés au service de la monnaie.; lès registres qui concerneront l'exercice des fonctions qrçi lui seront confiées, lui seroht envoyés par la commission générale des monnaies, après avoir été Cotés et paraphés par celui de ses membres qu'elle aura commis à cet effet.
Art. 5.
« Il sera dépositaire des clefs de la salle de délivrance et de monnayage ; et lorsque les réparations à faire, soit aux oalapciers, soit à la salle dans laquelle ils gont placés, exigeront que l'on y introduise des ouvriers étrangers, il prendra les mesures nécessaires poùr qu'il ne s'y commette aucun abus.
Art. 6.
« Il sera pareillement dépositaire de l'étalon qui sera envoyé par la commission dans chaque hôtel des monnaies, pour ?ervir à la vérification des poids dont on y fera usage. Cet étalon sera renfermé dans une armoire placée dans le bureau des délivrances et fermant à 2 clefs; l'une de ces clefs restera entre les mains du commissaire du roi et l'autre sera déposée au greffe du tribunal du commerce.
Art. 7.
« Il procédera tous les trois mois, et plus souvent, s'il le juge convenable, à la vérification des poids et balances dont il sera fait usage, tant par le directeur de la monnaie, que par tous les fonctionnaires préposés à la recette des matières, au monnayage, aux essais et à la délivrance dès espèces. La vérification des poids se fera sur l'étalon déposé au bureau de délivrance, en présence d'un des administrateurs du directoire du département ou du district, d'un juge du tribunal du commercé et d'un député du commerce de l'orfèvrerie.
Art. 8.
« Il sera chargé de recevoir tous les poinçons et matrices qui seront envoyées par la commission, pour le sèrvicé de la monnaie. Il en fera la remise au graveur qui lui délivrera ses carrés, lorsqu'ils seront achevés, pour les transmëttre aux inonnayeurs, à mesure qu'ils en auront besoin : il tiendra registre de recette et d'emploi desdits poinçons, matrices et carrés.
Art. 9.
« Il arrêtera à la fin de chaqUe mois les registres tenus par le directeur pour la recette des matières apportées au chângé, tant pâr le public, que par les changeurs, et il s'en fera délivrer un extrait Gtni enverra à là commission, après l'avoir vérifié et certifié.
Art. 10.
« H veillera à ce que les réparations à la charge des officiers soient exactement faites chaque année. Quant à celles qui seront à la charge du Trésor publie, il y pourvoira lorsqu'elles seront tellement urgentes, qu'on ne pourrait les différer sans danger ; dans toute autre circonstance, il en informera la commission, qui prendra, de con-
cert avec les administrateurs du directoire du département, les mesures nécessaires pour y pourvoir.
Art. 11.
m fcu se commet quelque, délit dansf l'hôtel de la Monnaie, il en' dressera procès-verbal/ dont il remettra, dans les 2.4 heures, une expédition à celûi dès Officiers du tribunal du district, qui remplira les fonctions d'accusateur public, leqûel sera tenu de lui en délivrer un reçu pour sa décharge; et si les circonstances y donnent lieu, il fera procéder contre les coupablés comme en cas de flagrant délit, 1
Art. 12.
« Il remplira avec le plus grand soin les fonctions qui lui seront confiées relativement à la fabrication des espèces et à la vérification de leur titre et poids, ! et il entretiendra une correspondance exacte avec la commission générale des monnaies," à laquelle il rendra compte, tant de la conduite des fonctionnaires attachés au service de la monnaie dans l'exercice de leurs fonctions, que de tous les détails qui pourront intéresser le bien ctu service. .
Art. 13.
« L'adjoint du commissaire du roi sera tenu de le seconder dans l'exercice de toutes ses fonctions ; il le suppléera lorsque, par quelque cause ou empêchement légitime, il se trouvera dans l'impossibilité de les remplir.
Art. 14.
« Le commissaire du roi et son adjoint jouiront chacun d'un traitement fixe ; ils ne percevront, soUs quelque prétexte que ce soit, aucuns droits sur les espèces.
CHAPITRE V.
Du directeur.
Art. ler.
« Le directeur de la monnaie sera tenu de recevoir sur le pied du tarif public, et conformément a,ux décrets de l'Assemblée nationale, les espèces^ nationales et étrangères qui Ini seront apportées, et les lingots paraphés dans les monnaies de France.
Art. 2.
« Il ne sera tenu de recevoir les espèces qui ne seroht pas énoncées dans le tarif, que lorsqu'elles auront été essayées par l'essayeur de la monnaie, et d'après le titre auquel elles auront été rapportées; les frais de éet'essai seront à la charge du propriétaire des' espèces, et fixés par lé tariif. Si l'on 'présente à la fois plusieurs espèces de cette nature, le directeur en fera parvenir une à là commission, et y joindra lé bulletin du rapport, afin qu'elle puisse le faire Vérifier, et en faire mention dans le premier tarif qu'elle publiera; dans tous les cas, il sera tenu d'inscrire provisoirement cette nouvelle espèce, et lé titre auquel elle aura été rapportée, sur un tableau placé dans un endroit apparent du bureau" du change, et certifié véritable, tant par l'essayeur, que par le Commissaire dù roi et son adjoint,'pour servir de renseignement et éviter d'avoir recours à de nouveaux essais, lorsqu'il se présentera d'autres espèces de même nature.
Art. 3.
« Si, parle résultat de ses fontes, irs'aperce-vait de quelque variation importante dans le titre des espèces étrangères énoncées au tarif, il en informerai commission, et lui enverra plusieurs de ces espèces pour en faire vérifier lé titre, et pourvoir, s'il y à lieu, à la réformation du tarif à leur égard.
Art. 4.
« Il sera-autorisé à retenir, pu à se faire payer sur lè produit des espèces et matières d'or et d'argent qu'il recevra, dont le titré serait inférieur à celui des espèces nationales, les frais d'affinage nécessaires pour les éieyer à , ce titre, conformément à ce qui sera réglé. Les changeurs ne seront pas exempts de cette retenue.
Art. 5.
« Les tarifs dont il est fait mention dans les articles précédents seront affichés dans plusieurs endroits du change, de manière qu'ils soient à portée du public, afin que les propriétaires des matières puissent s'assurer de l'exactitude des opérations qui les intéresseront; ils pourront exiger qu'on leur en fournisse des bordereaux.
Art. 6.
. « Les espèces et matières apportées au change y seront pesées avec la plus grande exactitude; on pesera ensemble tous les objets de même nature; on ne pourra taire usagé dés grandes balances que pour ceux dont le poids excédera cinq marcs, à moins qu'ils ne se trouvassent d'un trop gros volume pour pouvoir être pesés avec les petites balances ; on fera enfin usage de grains pour peser l'argent, comme pour l'or, de manière que le trébuchant se réduise à la plus petite portion de poids nécessaire pour empêcher que la balance ne penche du côté des poids.
Art. 7.
« Les matières et espèces reçues au change seront portées jour par jour, et article par article, sur un registre à ce destiné, coté et paraphé par le commissaire du roi ; ce registre sera arrêté par cet officier à la fin de chaque mois, et il lui en sera délivré Un extrait, conformément aux dispositions de l'article 8 du chapitre IV. :
Art. 8.
« Le directeur sera maître de ses fontes et alliages ; il fabriquera les flaons aux poids et ti-tre^déterminés par la loi, et il les fera porter au bureau de délivrance aussitôt après qu'ils auront été blanchis et marqués sur tranche;, il pourra employer, pour toutes les opérations relatives à la conversion de ces matières en flaons, y compris l'ajustage, tels ouvriers qu'il lui plaira choisir; il sera, par conséquent, seul responsable de la perfection de cette manipulation, sous tous ses rapports.
Art. 9.
« Les frais de toutes les opérations énoncées dans l'article précédent, ainsi que les déchets, auxquels elles donneront lieu, lui seront payés à tant le marc, ainsi qu'il sera déterminé par les décrets de l'Assemblée nationale; il jouira, de plus, d'un traitement fixe,' proportionné à l'intérêt des avances qu'il pourra être dans le cas de faire pour le payement des matières apportées au change; au moyen de quoi les proprié-
taires de ces matières et les changeurs avec lesquels il pourrait prendre des termes pour leur en remettre le produit, n'auront en aucun cas de recours à exercer contre le Trésor public.
Art. 10.
« Le directeur pourvoira, à ses frais, à la dépense de toutes les réparations locatives et d'entretien, tant du logement qu'il occupera, que des laboratoires, fourneaux et machines servant à la fabrication ; les grosses réparations et l'entretien des couvertures seront seules à la charge du Trésor public. Le directeur sera responsable des accidents du feu.
Art. 11.
« Il sera tenu dé prendre pour son compte tous les ustensiles qui appartenaient ci-devant au roi, servant à la fabrication, à l'ajustage des flaons, et à la marque sur tranche, et d'en payer la valeur dans le cours des 3 mois qui suivront son installation ; et ce, d'après l'estimation qui en sera faite par deux experts, en présence d'un des administrateurs du directoire du département, qui sera commis à cet effet ; l'un de ces experts sera nommé par ce commissaire; l'autre sera choisi par le directeur; ces experts en appelleront de concert un troisième, s'ils ne se trouvent pas d'accord.
Art. 12.
« Il sera pareillement tenu de prendre pour son compte les ustensiles et machines servant à la fabrication, qui auraient appartenu à son prédécesseur ; et ce, d'après l'estimation qui en sera faite par deux experts ; il en nommera un ; l'autre sera choisi par le propriétaire de ces objets, ou ses représentants, et ils en appelleront de concert un troisième, s'ils ne se trouvent pas d'accord.
Art. 13.
« Il ne pourra, sous peine de révocation, faire exposer en vente, ni vendre aucune machine servant exclusivement à la fabrication des flaons et à la marque sur tranche, sans y avoir été autorisé par le commissaire du roi, qui sera tenu de faire préalablement rompre et difformer ces machines et d'en dresser procès-verbal, de manière qu'elles ne puissent être employées à l'usage auquel elles étaient consacrées. »
(La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.)
lève la séance à neuf heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d?hier au malin, qui est adopté.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une pétition relative aux ensablements des Bouches-du-Rhône.
(Cette pétition est renvoyée au comité d'agriculture et du commerce.)
fait donner lecture d'une note du ministre de la justice ainsi conçue :
« Le roi a donné sa sanction, le 15 du présent mois de mai, aux décrets de l'Assemblée nationale dont voici l'état :
« Au décret du 12 avril 1791, relatif au traitement des curés supprimés.
« Au décret du 29 dudit, pour l'organisation de la marine française.
« Au décret du même jour, qui autorise des acquisitions ou locations d'immeubles, pour emr placement de tribunaux, ou corps administratifs dans les départements de la Haute-Vienne, de la Manche, du Puy-de-Dôme; et les districts de Limoges, Poitiers, Pont-Saint-Esprit, Janville, Tarascon et Rieux.
« Au décret des 22 avril et 1er mai, additionnel, relatif au corps de la marine.
« Au décret du 4 de ce mois, portant nouvelle circonscription des paroisses de Saint-Omer, Ar-ras, Cambrai, Lille et Goutance.
«. Au décret du, même jour, relatif aux receveurs des finances et impositions.
« Au décret du même jour, portant nouvelle circonscription des paroisses de Dijon.
« Au décret du 5 dudit, qui assigne des récompenses en faveur des dénonciateurs d'une fabrication de faux assignats.
« Au décret du même jour, portant diverses dispositions provisoires, relatives à plusieurs fondations faites en faveur de personnes pauvres, par le sieur Cochet de Saint-Valier.
« Au décret du même jour, portant nouvelle circonscription des paroisses du département du
« Au décret du même jour, contenant un premier état de répartition de secours de 150,000 livres, accordé par la loi du 25 février 1791 aux personnes précédemment comprises dans les états de secours affectés sur la loterie royale, sur le Port-Louis et sur les fermes générales.
« Au décret du 6 du même mois, concernant les édifices, emplacements et immeubles dépendant des églises paroissiales ou succursales qui sont ou seront supprimées, en exécution de la loi du 24 août 1790.
Au décret du 7 mai, additionnel à la loi du 29 octobre 17^90, qui a suspendu la construction du palais de justice commencée à Aix.
« Au décret du même jour, qui détermine le mode de liquidation et remboursement des offices d'avocats aux conseils.
« Au décret du Ô, pour la translation du corps de Marie-François Arrouet de Voltaire.
« Au décret portant liquidation d'offices de différentes coyrs et juridictions supprimées.
« Au décret des 8 et 9 de mai, portant que les taxes d'enregistrement de timbre et celle des traites seront perçues par deux régies.
« Au décret du 9 du même mois, qui autorise les directoires des districts de Nogent-sur-Seine, dé Lavaur, Commercy et Nantua, à acquérir, aux frais des administrés, différents emplacements.
« Au décret du même jour, qui déclare le logement des évêques à la charge de la nation* :
« Au décret du même jour, qui déclare susceptibles d'obtenir des places dans la gendarmerie nationale, les gardes-nationaux qui ont
été sous-officiers ou soldats dans les troupes de ligne.
« Au décret du même jour, portant que le Trésor public fera remettre, aux ordres des directoires des 83 départements, l'avance de 5,504,890 livres à l'effet de subvenir à la dépense des tribunaux et d'administration pour le trimestre de janvier 1791.
« Au décret du 10, relatif au chauffage des troupes en garnison à Monaco, et à l'exportation des charbons de bois de la vallée de Gnerecy et de Lellex, département de l'Ain.
« Au décret du même jour, portant un prêt de 500,000 livres à l'hôpital général et à l'hôtel-Dieu de Rouen, sur la caisse de l'extraordinaire.
Au décret du même jour, Concernant la haute cour nationale.
« Au décret du même jour, portant suppression de la compagnie de la prévôté de l'Hôtel, et sa recréation sous le titre de gendarmerie nationale.
«> Au décret du 11 du même mois, qui ordonne la division du canton de Saumur en 3 arrondissements, à l'effet de placer en chacun ùn juge de paix.
« Au décret du même jour, qui ordonne le versement de 50,000 livres, de la caisse du pilotage de Dunkerque; dans celle de la municipalité de Ja même ville. : j
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est la sanction du roi. »
Signé ; M.-L.-F. Duport.
Paris, le 18 mai 1791.
Un membre du comité d'aliénation propose un ;projet de décret portant vente de biens nationaux à diverses municipalités.
Ce projet est ainsi conçu :
« L'Assémblée nationale, sut le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes, prescrites, déclare vendre les biens nationaux aont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour ies sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
Département de l'Aube.
A la municipalité d'Ier-rey-Saint-Pierre....... 16,108 1. 17 s, 2 d.
Département des Côles-du-Nord.
A la municipalité de Guin-' -garni................. 842,792 1.18 3
Département des Basses-Alpes.
Ala municipalité deSaint-Tulle,.,........8,5801. » »
A la municipalité de Tur-riers ................1,6467 4 10
A celle d'UrtisH ...............302, 13 8
A celle de Saumane.........9,448 5 »
Département de l'Ain.
A la municipalité de Bei- not..........18,690 1. 1 »
A cellè dé Vïllette de Loyes................ 8,0611. 7 s. » d.
Départérhent d'Eure-et-Loir.
A la municipalité de Jean-vifRV.r.f'.V......1 CE, 666 9 10
Département de ïà Manche.
À là municipalité du Dé-; sert................... 78,511 19
A célle'de Saint-Lô...... 49,232 16
Département du Cantal.
A la municipalité d'Au-rillac,..,......676,963 3 4
« Le tout payable de la manière déterminée par le même décret, et suivant les décrets particuliers qui sont annexés à la minute du présent procès-verbal.» . (Ge décret est adopté.)
Un membrel du comité daliénation propose à rAssenibjée, dp nommer deux membres nouveaux de,ce comité eu remplàcement de MM. Viguer et Lavîe.
L'Assemblée désigne MM. Kàihel-Nogarét et Albert.
, au nom du comité dés contributions publiques. Messieurs, vous avez renvoyé hier à i'exâmemle vdtrè comité d'imposition une disposition du décret qui vous fut présenté par M. Anson (1). Cette disposition était relative à l'exemption du drpit de; timbre, pour les billets mis en émission par des compagnies particulières en échange dés assignats.
Voici, à cet égard,le projét cje décret que votre comité a l'honneur de vous proposer :
« Les billets de 10 livres et au-dessous, souscrits par des particuliers, échangeables à vue et au pair contre les assignats pu de la monnaie de cuivre, à la yôlonté du porteur, seront exempts du droit de timbre. »
Si vous adoptez le projét du comité vous allez anéantir rétablissement qui existe à Bordeaux, parce qu'il n'a mis en circulation que des billets aû-dessûs de 10 livres.
Je demande que l'exemption du droit de timbre soit appliquéô 'même aux billets de 25 livres.
Il faut, comme à Bordeaux, intéresser ces établissements, en leur accordant 1 0/0 sur les assignats au-dessus de 100 livres.
(L'amendement de M. Nàiràc est adopté.)
En conséquence lé projet de décret amendé est mis aux voix dans les termes suivants :
« Les billets de 25 livres et au-dessous, souscrits par des particuliers, échangeables à vue et au pair contre des assignats ou de la monnaie de cuivre, à la volonté du porteur ^ seront exempts du droit de timbre. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des finances, propose un projet de décret relatif aux
rentes
Ce projet dé dééKef est mis aux voix dans les termes suivants :
L'Assemblée nationale décrite ce qui suit :
Art. 1er.
« Les rentes appartenant aux pauvres des pa-roissès de Paris, qui étaient payées sur les quittances des curés, des paroisses, seront acquittées tfour t'ont Ce qui en est échu jusqu'au 1er janvier 1791,, et pour tout cë qui appartenait aux pauvres des paroisées conservées, sur les quittances des curés desdites paroisses ; les parties àppârtenà'ut aux pauvres des paroisses supprimées, ainsi que les arrérages de toutes lesdites rentes appartenant aux pauvres, qui sont échus bu qui écherront à compter du 1er janvier 1791, seront perçus ainsi qu'il va être dit. » (Adopté.)
Art. 2.
« La municipalité de Paris nommera sans délai une ou plusieurs personnes pour recevoir la totalité dës revenus appartenant aux pauvres dans la ville de Paris, de quelque nature que soient lesdits revenus ; et à mesure qiïe lesdits revenus rentreront, la municipalité ën ferai semaine par semaine, la répartition entre les 33 paroisses actuellement existantes dans la ville, pour y être distribués par les personnes que la municipalité commettra provisoirement à cet èffet : le tout sous la surveillance de la municipalité. (Adopté.)
Art. 2.
La municipalité présentera, dans le délai d'un mois, un plan définitif pour régler l'admir nistrafion générale, la perception, la répartition entre les paroièses, et lâ distribution dans chaque paroisse, des revenus et aumônes fondés en faveur des pauvres des 33 paroisses de Paris. » (Adopté.)
Art. 4.
LeS administrations, bureaux de charité et autres établissements qui ont eu précédemment la gestion desdits revenus, en rendront compte au directoire du département.
« L'Assemblée déclare ne pas comprendre dans le présent article les curés, pour ce qui regarde les revenus et aumônes qu'ils ont perçus et distribués personnellement. »
Il me semble que l'autorité que le comité donne par cet article au département doit appartenir à la municipalité.
, rapporteur. On peut ajouter à l'article : «... de concert avec la municipalité de Paris ».
Je demande qu'on mette dans l'article que les administrations, bureaux dê charité et autres établissemènts rendront compte de lêur gestion à la municipalité.
(L'amendement de M. Moreau est adopté.)
En conséquence, l'article 4 est mis aux voix avec l'amendement dans lès termes suivants :
Art. 4.
« Les administrations, bureaux de charité et autres établissements qui ont eu préëédemi&ent la gestion desdits revenus, en rendront compte à la municipalité.
« L'Assemblée déclare ne pas comprendre dans
le présent article lés curég, pour ce qui regarde les revenus et aumônes qu'ils ont perçus et distribués personnellement. » (Adopté.)
Messieurs, votre comité de mendicité s'est occupé, de coiicert avec la municipalité, de Paris, des moyens les plus prompts dé faire fermer lés ateliers de la ville de Paris.
Sur l'es 15 millions de secours^ accordés aux départements, il reste une sommé de 8,300,000 livres ; nous vous demandons là permission de Vbus présenter très incessamment un travail que nous avons fait avec le ministre de l'intérieur, ét au moyen duquel, âvec cette somme, nous vous mettrons à portée de décharger le Trésor public des frais des ateliers de la ville de Paris.
L'Assemblée doit se presser de faire fermer les ateliers de Paris ; car, tant qu'elle les entretiendra, elle entretiendra nécessairement les abus.
Je demande que le comité des finances et celui de mendicité réunis vous fassent; dans lahuitaine, un rapport sur cet objet, en vous présentant leurs vues sur les moyens de faire cesser les abus qui existent dans les ateliers de charité;
(Cette motion est décrétée.)
, au nom du comité des finances, fait un rapport sur les dettes contractées par Va communauté des juifs de la ville de Metz et présente le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète provisoirement que toutes les contestations qui pourraient résulter du rôle fait par les juifs de Metz, en recouvrement de la somme de 439,727 l;. 12's. 6 d. sur tous ceux qu'ils prétendent être contribuables dans ledit rôle, ainsi que celles qui pourraient naître des autres rôles à faire pour lés charges qui leur sont propres, seront portées par devant le directoire du district, de Metz, département de la Moselle, pour y être statué sur l'avis de la municipalité, sauf à faire prononcer en dernier ressort par le département, s'il y a lieu ; les nouveaux rôles seront visés par lé seul directoire du district de Metz: »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité dés contributions publiques relatif au recouvrement des impositions de 1790 et années antérieures (1).
, rapporteur. Messieurs, nous sommes convenus, ayec le comité des financés, de ne pas soumettre à votre délibération les 3 premiers articles du projet de décret que nous vous avons présenté hier matin.
En conséquence, nous allons vous proposer un article 1er nouveau et nouS prendrons notre projet de décret à l'article 4; voici nos articles :
Art. 1er.
« Les directoires du département et du district veilleront soigneusement
à l'exécution de la loi du 3 février 1791, qui a ordonné que les
impositions de l790 et années antérieures seraientacquit-tées dans les 6
premiers mois de 1791. (Adopté.)
Les directoires des districts viseront les contraintes qui leur seront présentées par les receveurs particuliers : et ce, dans le délai de 8 jours, à compter de celui où elles leur auront été remises ; sinon ils seront tenus de donner par écrit, au pied desdites contraintes, les motifs de leur refus, dont ils informeront, dans le même délai, le directoire du département, pour les motifs de ce refus, être par lui approuvés ou rejetés, s'il y a lieu. De leur côté, les receveurs particuliers informeront avec exactitude les commissaires du roi à la trésorerie nationale, de toutes les causes'et circonstances qui pôurraient arrêter ou suspendre leurs recouvrements. »
Je demande que le délai s oit de 3 jours au lieu dé 8.
(L'amendement de M. d'Ailly est adopté.)'
En conséquence, l'article 2 est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 2.
« Les directoires des districts viseront les contraintes qui leur seront présentées par les receveurs particuliers ; et ce, dans le délai de 3 jours à comp ter de celui où elles leur auront été remises ; sinon ils seront tenus de donner par écrit, au pied desdites contraintes, les motifs de leur refus, dont ils informeront, dans le même délai, le directoire du département, pour les motifs de ce refus être par lui approuvés ou rejetés, s'il y a lieu. De leur côté, les receveurs particuliers informeront avec exactitude les commissaires du roi à la trésorerie nationale, de toutes les causes et circonstances qui pourraient arrêter ou suspendre leurs recouvrements. (Adopté.)
Art. 3.
« Les municipalités donneront et procureront aide, assistance et protection aux porteurs de contraintes, après qu'ils auront justifié que celles qu'ils sont chargés d'exécuter, ont été bien et dûment visées par le directoire du district. Dans le cas où une municipalité aurait refusé appui ét assistance aux porteurs de contraintes, le directoire du district prononcera contre ces officiers municipaux la responsabilité solidaire de toutes les impositions arriérées de la communauté; et signification de l'arrêté du directoire sera faite sans délai aux officiers municipaux, à la requête du receveur particulier des impositions. » (Adopté.)
Art. 4,
« Aucun fonctionnaire public payé par les receveurs du diotrict ne pourra toucher, au delà du 1er juillét '1791 la portion de son traitement échuè, ou payable, d'avance à ladite époque, qu'aprèsavoir justifié,par duplicata, de quittances visées par là municipalité, et qui resteront annexées à la- quittance du traitement entre les mains du receveur du district, avoir acquitté les deux termes échus de sa contribution patriotique et là totalité de ses impositions de 1789 et 1790, aux rôles de la communauté de son domicile, ainsi qu'il a été prescrit pour la contribution mobilière, par l'article 2 de la loi du 18 février 1791. » (Adopté.)
Art. 5,
« Les frais des sommations qui ont été faites à la requête des procureurs du roi des élection?,
et depuis à celle des procureurs-syndics de district, aux officiers municipaux qui étaient en retard de former leurs rôles de 1790, seront acquittés sur la somme revenant à chaque communauté dans le produit des rôles des pri-' Yilégiés des six derniers mois de 1789,
« A l'avenir, les frais de ces sommations seront supportés personnellement par les officiers municipaux en retard, auxquels elles auront été signifiées, » (Adopté.)
Art. 6.
« Les sommes auxquelles les ecclésiastiques ont été taxés dans les rôles de 1790, pour la cote de propriété des biens déclarés nationaux, seront acquittées conformément à la loi du 10 juillet 1790, par les fermiers ou régisseurs desdits biens, lesquels donneront les quittances des collecteurs pour comptant au receveur du district, lors du payement du prix de leur fermage, ou produit de régie pour 1790.
« Les fermiers ou régisseurs de ces biens nationaux seront contraints, comme pour leur propre cotisation,au payementde ces impositions, à moins qu'ils ne justifient avoir déjà acquitté pour l'année 1790 la totalité de leurs fermages ou soldé leur compte de régie; auquel cas, les collecteurs s'adresseront, pour être payés desdites cotes sur ie produit des biens nationaux, au receveur de leur district, qui emploiera les quittances à lui données par ces collecteurs, dans sa comptabilité avec la caisse de l'extraordinaire. » (Adopté.)
Art. 7.
« Les décharges et réductions sur les impositions ordinaires de 1790, qui auront été prononcées par les directoires de département, pour surtaxes ou erreurs faites par les municipalités lorsde la confection de leur rôle, seront àla charge des communautés dont le rôle desquelles ces surtaxes ou erreurs auront eu lieu. En conséquence, les municipalités seront tenues de remplir les receveurs particuliers des finances, du montant desdites décharges ou réductions, sur la portion qui leur reviendra dans le produit des rôles des privilégiés des six derniers mois 1789. Dans le cas où il serait impossible de faire usage de ce moyen, elles délibéreront le rejet du montant de ces décharges ou réductions au marc la livre des contributions foncière et mobilière de 1791. » (Adopté.)
Art. 8.
« A l'égard des remises ou modérations accordées sur les impositions ordinaires de 1790, à des contribuables incendiés ou ayant éprouvé d'autres pertes extraordinaires, ces remises ou modérations ne pourront être prononcées que par les directoires de département, sur l'avis de ceux de i district ; et le remplacement en sera fait aux receveurs particuliers, dans ceux des départements qui se sont partagé les anciens pays, d'élection ou pays conquis, à l'aide du fonds dont il sera parlé en l'article 9 ci-après, et, dans les autres J départements, sur les fonds à ce destinés. » (Adopté.)
Art. 9.
« Pour accélérer l'apuremeut de la comptabilité des derniers exercices, et pour mettre les directoires de département à portée de faire droit sur les demandes en soulagement d'impositions, dont ils ont déjà reconnu la justice et la nécessité, il
sera' réservé une somme de 1.500,000 livres sur le produit des impositions ordinaires, pour être employée): 1° en remise d'impositions sur les exercices de 1788 et 1789, en faveur de ceux des contribuables, des communautés grêlées en 1788, ou des particuliers incendiés, qui ont été dans l'impossibilité d'acquitter le restant de leurs impositions sur ces deux années; 2° à faire à chacun des départements qui, faute d'autres moyens, seront dans le cas d'y prétendre, un fond suffisant pour réparer les erreurs, inégalités et doubles emplois qui ont eu lieu lors du répartement des impositions de 1790, et pour procurer du soulagement sur les impositions de la même année, aux contribuables qui -, ont éprouvé quelques fléaux ou dommages dans leur récolte de 1789, ou qui se trouveraient^ par toute autre cause, dans l'impossibilité d'acquitter la totalité de leur imposition de 1790.» (Adopté.)
Art. 10.
« Les états de distribution des secours mentionnés en l'article précédent seront présentés, avant le 1er juillet prochain, par le ministre des contributions publiques, pour être par l'Assemblée nationale statué définitivement sur cette distribution. » (Adopté.)
Vous avez décrété, Messieurs, que vos comités vous présenteraient une instruction pour être envoyée dans les colonies, afin de lés éclairer sur les véritables intentions de votre décrét. J'ai l'honneur de vous observer que cet objet est aussi pressant que nécessaire et je demande que vos comités en accélèrent l'exécution.
(L'Assemblée charge ses comités de lui présenter incessamment cette instruction.)
demande gu'il y ait ce soir une séance extraordinaire afin de prendre les moyens nécessaires pour accélérer la fabrication des petits assignats,
(Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps législatif (1).
, rapporteur. Voici, Messieurs, la suite des articles du projet de décret de votre comité de Constitution sur le complément du Corps législatif; nous nous sommes arrêtés à l'article 10 ainsi conçu :
« Les assemblées primaires seront convoquées à cet effet par les procureurs-syndics des districts, pour le premier dimanche de mars ; et les électeurs nommés se réuniront sans délai au chef-lieu de chaque département, afin que tous les représentants soient élus avant le 15 avril. »
L'article qu'on vous propose, Messieurs, est absolument contraire à un décret déjà rendu par l'Assemblée nationale. Nous avons en effet décidé pendant cette session que les électeurs chargés de nommer aux législatures se rassembleraient alternativement dans chaque chef-lieu de district; cela, Messieurs, si je ne me trompe, est déterminé dans l'article 4 ou 5 du décret sur les corps administratifs. '
Je crois donc, Messieurs, que l'Assemblée ne peut adopter l'article tel
qu'il lui est proposé et
Je demande, én conséquence que les mots : « au chef-lieu de chaque département » soient retranchés de l'article.
(Cet amendement est adoplé.)
L'article 10, ainsi modifié, est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 10.
« Les assemblées primaires seront convoquées à cet effet, par les procureurs-syndics des districts, pour le premier dimanche de mars ; et les électeurs nommés se réuniront sans délai, afin que tous les représentants soient élus avant le 15 avril. » (Adopté.)
Art. 11.
« Les procureurs-syndics seront avertis avant le 15 février, par le procureur général-syndic du département, de l'obligation de convoquer les assemblées primaires pour le premier dimanche de mars, sans que le défaut de cet avertissement puisse excuser les procureurs-syndics qui n'auraient, pas fait la convocation. » (Adopté.) '
Art. 12.
« En cas de refus ou de négligence dés procu-reurs-syndics des districts, le procureur général-syndic, et, à son défaut, le directoire de département, seront tenus, après le premier dimanche de mars, de convoquer les assemblées primaires dans le plus court délai ; et les procureurs-syndics coupables du refus ou de la négligence seront destitués par arrêté du directoire au département. » (Adopté.)
Art. 13,
« Au cas de l'article précédent, si le procureur général-syndic ou le directoire du département avaient pareillement refusé ou négligé de faire la convocation, le premier serait destitué, et le second dissous par acte du Corps législatif, qui n'aurait pas besoin d'être sanctionné ; et les assemblées primaires seraient convoquées par les commissaires que le Corps législatif déléguerait. » (Adopté.)
Art. 14.
« Aussitôt que l'élection des députés au Corps législatif sera terminée en chaque département, le président de l'assemblée électorale sera tenu d'adresser une copie du procès-verbal d'élection, signée de lui et du secrétaire, aux archives de l'Assemblée nationale. » (Adopté.)
Art. 15.
« L'archiviste fera faire, à mesure que les procès-verbaux lui parviendront, la liste des noms des députés élus pour composer la nouvelle législature. » (Adopté.)
Art. 16.
« Les députés se rendront le premier lundi de mai, à 9 heures du matin, au lieu des séances du Corps législatif. L'archiviste, placé au bureau des secrétaires, fera l'appel des noms inscrits sur la liste, et noteraceux des députés absents, » (Adopté.)
Art. 17.
« S'il y a moins de deux cents membres présents, la comparution sera réitérée le lundi suivant â la même heure, et l'appel fait de nouveau dans la même forme. » (Adopté.)
Art. 18.
« Cette seconde fois, si le nombre des députés présents est moindre de 373, l'Assemblée ne pourra se constituer que provisoirement sous la présidence du doyen d'âge ; et les deux membres les moins âgés feront les fonctions de secrétaires. » (Adopté.)
Art. 19.
« L'Assemblée,ainsi provisoirement constituée, s'occupera de vérifier les pouvoirs des députés présents, et ne pourra cependant faire aucun acte législatif; mais elle pourra rendre un décret pour enjoindre aux membres absents de se rendre, dans le délai de quinzaine, au lieu de la séance, à peine de 3,000 livres d'amende, et d'être privés, pour toujours, de tous les droits de citoyen actif. Ce décret n'aura pas besoin d'être sanctionné. »
Je demande, par amendement à cet article, qu'il soit ajouté que l'Assemblée provisoirement constituée pourra faire convoquer les assemblées primaires retardées dans le cas de l'article 13 précédent,
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, l'article 19 modifié est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 19.
« L'Assemblée, ainsi provisoirement constituée, s'occupera de vérifier les pouvoirs des députés présents, et ne pourra cependant faire aucun acte législatif ; mais elle pourra rendre un. décret pour enjoindre aux membres absents de se rendre, dans le délai de quinzaine, au lieu de la séance, à peine de 3,000 livres d'amende, et d'être privés, pour toujours, de tous les droits de citoyen actif. Ce décret n'aura pas besoin d'être sanctionné. L'Assemblée, provisoirement constituée, pourra faire convoquer les assemblées primaires retardées dans le cas de l'article 13 pré cèdent. » (Adopté.)
Art. 20.
« Aussitôt que l'Assemblée sera composée de 373 membres vérifiés, elle se constituera défini-vement, sous le titre d'Assemblée nationale législative, et commencera l'exercice de toutes ses fonctions. Cette constitution définitive pourra avoir lieu dès les premiers jours de mai, s'il s'est trouvé 373 membres présents à l'appel fait ie premier lundi de ce mois. » (Adopté.)
Art. 21.
« Si, le dernier jour de mai étant arrivé, l'Assemblée ne se trouve pas encore composée de 373 membres, la constitution provisoire qu'elle aurait faite aux termes de l'article 18 ci-dessus, deviendra définitive, et les présents délibéreront pour les absents. » (Adopté.)
Art, 22.
« La vérification des pouvoirs sera faite en la forme suivante. » (Adopté)
Art. 23.
« L'Assemblée se divisera en bureaux: ces bureaux seront formés, et les procès-verbaux d'élection seront répartis entre eux de manière qu'aucun membre d'une députation ne se trouve membre du bureau auquel la vérification des pouvoirs de cette députation sera attribuée, » , (Adopté )
Art. 24,
« Un rapporteur de chaque bureau fera à l'Assemblée générale le rapport de l'examen fait par son bureau, des pouvoirs qui lui auront été distribués; et l'Assemblée prononcera sur les difficultés que quelques-uns de ces pouvoirs pourraient éprouver. » (Adopté).
« Art. 25. Aussitôt que la vérification des pouvoirs sera terminée, et l'Assemblée constituée définitivement, tous les représentants debout, et tenant leurs mains levées vers le ciel, prononceront, au nom du peuple français et par acclamation,- le serment: de vivre libres ou mourir. »
Je demande, par amendement, qu'on supprime de l'article ces mots : « debout et tenant les mains levées vers le ciel. »
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence l'article 25 modifié est mis aux voix en ces fermes :
Art. 25.
« Aussitôt que la vérification des pouvoirs sera terminée, et l'Assemblée constituée définitivement, tous les représentants prononceront, au npm du peuple français et par acclamation, le serment de vivre libres ou mourir. (Adopté.) p :
Art. 26.
« Chaque député prêtera ensuite individuellement à la nation, en présence dè l'Assemblée, le serment de maintenir de tout son pouvoir .la Constitution du royaume décrétée par VAssemblée nationale constituante aux années 17&9, 1790 et 1791, et acceptée par lé roi Louis XVI; de ne rien proposer ni approuver, dans le cours de la législature, qui puisse y porter atteinte ; et d'être en tout fidèle a la nation, à la loi et au roi. La formule de ce. serment sera prononcée par le président; et Chaque représentant paraissant à la tribune, dira : Je le, jure. » (Adopté au milieu des applaudissemen ts.)
Art. 27.
« L'Assemblée constituée définitivement nommera au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, un président et un vice-président qui seront en fondions pendant un mois et ne pourront être réélus qu'après l'expiration d'une présidence intermédiaire. »
Je demande qu'on supprime la fin de l'article 27, à partir de ces mots : « qui seront en fonctions, etc. »
D'autre part, l'article 28 est ainsi conçu : « Elle nommera aussi tous les mois au scrutin de liste, et à la pluralité relative des suffrages, quatre secrétaires. » Je demande qu'on supprime cet article et qu'on ajoute à l'article 27 ces mots : « et des secrétaires «, sans en indiquer le nombre.
(Ces amendements sont décrétés.)
, rapporteur, met en conséquence aux voix les articles 27 et 28 réunis en seul et amendés dans les termes suivants :
Art. 27 et 28. (Réunis.)
« L'Assemblée constituée définitivement nommera un président, un viée-p résident ét des secrétaires. » (Adopté.) '
» Art. 29. Elle nommera enfin au scrutin individuel, et à la majorité absolue des suffrages, deux greffiers pris hors de son sein, qui seront en fonctions pendant toute la durée de la législature, et pourront être continués par les législa-
tures suivantes. Ils seront chargés, sous J'inspeé-tion des secrétaires, de rédiger lés minutes des procès-verbaux, de les rassembler, de les tenir en ordre et d'en délivrer les expéditions. Ils auront un traitement égal à celui des représentants.
Messieurs, riéri ri'ésf si dangereux que de mettre aupfrès d'un corps, dont tous les fonctionnaires sont amovibles, des officiers qui pourront être regardés comme inamovibles. J'en atteste ceux qui ont connu le? tribunaux de justice; il n'est que trop certain que le changement qu'il y avait dans les juges, introduisait la paresSe et rendait lés greffiers maîtres de l'opinion par la rédaction (Applaudissements). Je'demande, Messieurs, ce'qui resterait à vos secrétaires s'il était possible d'introduire des greffiers tels que ceux qui vous sont proposés, et quels dangers il n'y aurait pas s'il était possible' qu'ils se perpétuassent.
Je demande l'ordre du jour.
présentent diverses observations.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur l'article 29.)
Art. 30. « Le ro! ne pourra pas dissoudre lé Corps législatif. »
Je demande un léger changement. Au lieu de dire : « Le roi ne pourra pas dissoudre la législature », c'est de dire : « Le roi pourra dissoudre la législature (Rires)... et il sera tenu d'en convoquer une seconde. »
A gauche : Aux voix la question préalable sur le léger Changement I
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Fou-cault-Lardimalie et adopte l'article 30.)
, rapporteur, fait lecture des articles 31 et 32 précédemment décrétés; ils sont ainsi conçus :
Art. 31.
« Le Gorps législatif aura le droit de déterminer le lieu de ses séances, de les continuer autant qu'il le jugera nécessaire et de s'ajourner.
Art. 32.
« Au commencement de chaque règne, le Gorps législatif, s'il n'était pas- réuni, sera tenu de se rassembler sans délai. » -
« Art. 33. Le roi pourra convoquer le Gorps législatif dans l'intervalle de ses séances, toutes les fois que le besoin de l'Etat lui paraîtra exiger son rassemblement. »
Je proposé d'ajouter à l'article ces mots :
« Le Corps légistatif pourra, en s'ajournant, déterminer et indiquer au roi lés circonstances où le roi devra l'avertir de se réunir. »
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, l'article '33, amendé est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 33.
« Le roi pourra convoquer le Corps législatif, dans l'intervalle de ses séances, toutes les fois que le besoin de l'Etat lui paraîtra exiger son rassemblement. Le Corps législatif pourra, en s'ajour-
nant, dëtëirrimëî et indiquer au roi les circons-tâncës où lé roi defaa l'avertir de se réunir. » (Adôpté.)
, rapporteur. L'article 34 ayant été précédemment décrété, nous passons à l'article 35 ainsi conçu :.
« Art. 35. Si, dans les cas mentionnés en l'article précédent, le roi négligeait de convoquer le Corps législatif, la convocation sera faite par le président de ce Corps, qui étàit en fonctions lorsqu'il s'est séparé. Le président adressera sa lettre de convocation aux directoires des départements, qui seront tenus de lâ faire publier. »
Je demande que le président ne puisse pas quitter le lieu dé la séance pendant les vacances.
Certainement On pourrait accuser de beaucoup d'imprévoyance la mesure que vous propose le comité; car le dernier préside rit petit ne pas faire cëtte convocation pour bien deb motifs | il peut être mort ou,malade. Oii pourrait accusër la Cour ou même lè mi-histéré de l'avdir pratiqué, pour qu'il ne fît pas cette convocation.
Je propose à l'Assemblée nationale que la . législature, avant de se mettre en vacance, nomme dâns son sein quatre commissaires qu'elle chargera de ce soin.
Je demande le renvoi ^le cet article au bômité homme présentant des mesures insuffisantes. Je në sais pourquoi on fait dormir à cet égàrd la responsabilité dés ministres ; car c'est le ministre de l'intérieur qui devrait être chargé de cette convocation.
(L'article 35 est renvoyé au comité.)
Art. 36.
« Le Corps législatif aura la policé du lieu de ses séances, et de i'enceiûte extérieure qu'il aura détérminée. » (Adopté.)
« Art. 37. Il aura aussi la disposition des forces nécessaires au maintien de sa sûreté et du respect qui lui est dû. »
Je demande la question préalable sûr cet article. Un Corps législatif ne doit point avoir de force à ses ordres. C'est le roi qui doit protéger tout le royaume. (Murmures.)
On met, contre tous vos principes, l'armée entre les mains du Corps législatif;
Parbleu, c'est bien clair.
Je hé partage pas les opi-ûions du préopinant; mais je dis qu'il faut mettre une expression plus précise pour que le Corps législatif n'ait à sa disposition que le corps qui sert à sa garde; car toute sa sûreté consiste dans la bonté ïe ses opérations ; et nous ne devons pas faire un article qui place à sa volonté toutes les forces de l'Etat. Je demande que l'article soit rédigé ainsi : le Corps législatif aura à sâ disposition la garde nécessaire au maintien de sa sûreté.
, rapporteur. J'adopte cette rédaction.
Je demande le renvoi au comité. Bu Angleterre, lorsque lord Gordon voulut
arrêter le mouvement du Parlèment et s'èmparer de plusieurs de ses membres, il avait su exciter dans Londres même une telle sédition, que si le Parlement n'avait pas eu* dans cë cas-là, le droit d'appeler à sa sûreté les forces nécessaires, la Constitution d'Angleterre était ruinée, te Parlement était dissous.
Le préopinant se trompe absolument dans le fait et dans le droit. Lors de la sédition de lord Gordon, 20,000 personnes à peu près environnaient les salles de Westminster; mais la Chambre des communes né donna ordre à aucun soldat. Le roi lit marcher un deini-ba-taillon dès gardes qui sont à Londres.
Il est de principe en Angleterre que la Chambre des coihmiines a le droit de faire garder son enceinte. Jë demande qu'on mette aux voix l'article sauf rédaction.
(L'article 37 est adopté, sauf rédaction.)
Art. 38.
« Le pouvoir exécutif ne pourra faire passer ou séjourner aucun corps de, troupes de ligne en dèçà de 30,000 toises de distance du lieu des séances du Corps législatif si ce n'est sur sa réquisition, ou avec son consentement exprès. » (Adopté.)
« Art. 39. Le Corps législatif, fera tous les règlements qu'il jugera nécessaires pour l'ordre de son travail et il pourra prononcer, contre ses membrés, qui s'écarteront de leurs devoirs, la censure, les arrêts à tempk, ou même l'exclusion, suivant la gravité de leurs fautes ou délits. »
Il me semble qu'une simplë réflexion sur l'exclusion de ses membres parle Corps législatif, démontrera combien cette attribution est contraire aux principes, ét serait absurde dans ses conséquences. Les délibérations de l'Assemblée passant à la majorité, il est évident que la majorité aurait le droit d'exclure de son sein la minorité; et cependant un règlement n'est fait que pour protéger les droits individuels contre la volonté de tous. Lorsque des hommes peuvent non seulement être renvoyés, mais lorsqu'ils peuvent en concevoir la crainte, alors Vous ôtez tout moyen d'expliquer la vérité ; et si vous chassez la justice et la Vérité de l'Assemblée nationale, je ne Sais pas où elles se trouveront. (;Applaudissements.)
Je né me dissimule pas qu'au premier coup d?ceil, et surtout avec la rédaction de l'articlé sans aucune modification, il rie puisse paraître susceptible de plus graves inconvénients, et tout à fait contraire au droit de la représentation nationale; cependant je vous prie de considérer qu'il peut arriver qu'il y ait tel membre qui oppose par ses clameurs une malveillance si persévérante aux délibérations des Assemblées (Murmures à gauche), qu'il soit nécessaire de prendre une mesure contre lui.
Que Vous propose-t-on de substituer à l'exclusion absolue? Une exclusion momentanée. Hé bien I cëlâ est plus défavorable au département représenté que l'exclusion absolue; car, comme vous adopterez sans doute la mesure des suppléants, si un membre est exclus tout à fait, son Suppléant le remplacera; s'il ne l'est qu'à temps, le département sera privë d'un représentant.
Il reste maintenant l'objection la plus grave; c'est que la majorité dominante peut exclure de son sein la minorité brave ; car il n'y a de vraie
bravoure que dans la minorité. Pour éviter ce danger, je propose que l'exclusion né pou rra être prononcée qu'aux dix douzièmes des voix; alors il n'y a aucune espèce d'inconvénienl.
Ce n'est point du tout des intérêts des départements qu'il s'agit dans cette circonstance, mais des intérêts de la nation, de la vérité, de la fermeté et du courage. Or, en mettant à la place du membre exclu, on ne fait rien pour ces intérêts; car il arrivera très fréquemment que le suppléant sera directement du parti opposé au membre qu'on aura exclu.
Le mode des suppléants n'est pas connu en Angleterre ; mais je suppose qu'il existe et que le suppléant de M. Fox lut voué au ministère. Je demande ce qu'il en reviendrait à la nation si la majorité des communes usant de son ascendant excluait M. Fox, et mettait son suppléant à sa place.
Je dis que le mode qu'on a proposé pour conserver l'intérêt national ne va point du tout à ce but; car les dix douzièmes de la totalité de l'Assemblée ne seront jamais d'accord sur ce point ; et vous manquerez un, principe, pour un résultat impossible.
messieurs, ce ne sera point sur de3 membres ordinaires que porteront ces espèces de proscriptions. On prononcera, contre un député brouillon qui troublera momentanément l'Assemblée, la peine des arrêts, peine très suffisante puisqu'elle l'exclut des séances jusqu'au moment où il sera corrigé; mais vous verrez que le terrible mot de l'exclusion ne sera jamais prononcé que contre ceux dont le couragevet les talents seront véritablement redoutables.
J'ai souvent entendu vanter ici le principe de l'ostracisme, et c'est véritablement un ostracisme qu'op reproduirait par le décret qui vous est proposé; mais l'ostracisme fut exercé souvent contre la vertu, toujours contre la fermeté, par ceux dont la fermeté et la vertu auraient été sacrifiés à d'autres intérêts. L'ostracisme d'ailleurs est un motje conservateur dans la République, parce qu'il empêche qu'un grand citoyen n'attire sur lui cette affection et ce crédit avec lequel on monte à la première place, avec lequel on crée un trône, là où la Constitution n'en avait pas créé; mais I'osiracisme injuste est la perte des pays libres sous une monarchie. C'est par l'ostracisme contre l'homme vertueux qu'on fait dominer le pouvoir seul; c'est en portant la persécution contre celui qui n'a de défense que ses talents et sa fermeté, que l'on finit par mettre tout dans les mains du dépositaire du pouvoir. Je demande formellement la question préalable sur cette partie de l'article. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'exclusion.)
Messieurs Duport et Barnave ont fort bien établi que la souveraineté nationale ne permettait pas qu'un député fût exclu de ses fonctions, Il en résulte naturellement qu'on ne peut l'exclure d'une séance quelconque. Je demande donc que l'article s'exprime de façon qu'on puisse envoyer un député aux arrêts, en prison même, si on le juge convenable; mais qu'il puisse toujours, par des moyens qu'on prendra, assister aux séances, y discuter les intérêts de la nation et enfin ceux de ses commettants,
La proposition de M. de Noailles
est absolument distinctive du projet du comité; car il n'y a pas d'autre moyen de rendre le calme à une délibération troublée par les clameurs indécentes et opiniâtres d'un membre quelconque, comme nous l'avons vu au milieu de nous, que de l'empêcher de revenir pendant qu'on traitera la même question. Je demande donc la question préalable sur la proposition de M. de Noailles.
(de Saint-Jean-d'Angély). A l'appui de l'amendement de M. de Noailles, je vais vous présenter un exemple possible : je suppose qu'il soit question de délibérer sur la paix ; un de1 ceux qui aura cette opinion contraire au système de la cour et des ministres, parlera avec beaucoup de force et d'énergie ; il lui échappera peut-être, dans le cours de la discussion, quelqu'un de ces élans véhéments qui échappent au génie et à la meilleure intention; il sera répréhensible. Il méritera la peine des arrêts pendant plusieurs jours, pour avoir défendu dans une forme répréhensible la meilleure cause, et sur laquelle lui seul peut-être aura des notions. Qu'arrivera-t-il? La majorité liv.rée au parti ministériel profitera de cette occasion, ordonnera les arrêts à ce membre pour tout le temps de la discussion ; et'alors, faute d'entendre un homme qui aura de l'influence par ses talents ou ses connaissances, on décrétera la guerre au lieu de décréter la paix. Je crois qu'il n'est nulle objection à faire à cette observation, qui au reste peut s'étendre et se multiplier à l'infini.
Quant à l'observation de M. Couppé, élle ne tendrait qu'à exclure de la séance seulement le membre qui se serait oublié. J'appuie l'amendement de M. de Noailles,
, rapporteur. C'est en montrant les conséquences des principes qu'on dépasse le but ; et il est très aisé, quand on fait des hypothèses pour y appliquer des principes, de donner de la consistance à ce qui n'en a réellement pas. Nous devons respecter la représentation nationale ; mais il ne faut pas que ce respect nous fasse manquer à ços devoirs. La délibération du Corps législatif doit donner des lois à la nation. Les représentants sont envoyés pour remplir le vœu commun; si une section de l'Empire se trompe sur la moralité de son choix, si son député fait tort à la chose publique par sa conduite, il faut nécessairement qu'on puisse réprimer un excès contraire au bien public.
Je demande s'il est vrai qu'on applique mal le respect dû à la souveraineté nationale, en disant que le Corps législatif a le droit de réprimer les écarts commis par une partie de ses membres qui se sont écartés de leurs devoirs,et qui se montrent constamment récalcitrants, après des avertissements répétés. Si un réprésentant exerce des violences dans l'Assemblée ou s'il menace un orateur qui défend les intérêts du peuple, il faut qu'il puisse être réprimé, et il ne suffit pas de le faire sortir de l'Assemblée. A parler franchement c'est une mesure indécente, car ceia équivaut à le mettre à la porte. Il faudrait des correcteurs dans le sein de l'Assemblée nationale pour exécuter ce genre de régime. (Rires.)
Quant à l'amendement de M. de Noailles, je réponds qu'il est de tels écarts dont un député peut se rendre coupable au milieu de l'Assemblée nationale, qu'il faut des châtiments grands. Les Anglais connaissent celui de l'envoi à la Tour ; ils connaissent cependant les principes de la sou-
veraineté nationale. II serait inconvenant et illusoire que celui qui a violé la décence et le repos de l'Assemblée, pût rentrer dans le sein de cette même assemblée. Il vaut mieux faire éprouver une abstention à celui qui a manqué à la souveraineté nationale. Une partie de la nation, qui a choisi un mauvais sujet, ne peut pas porter préjudice à la nation entière qui n'a voulu former une Assemblée de représentants que pour s'assurer de ses intérêts. Pour la limitation du temps des arrêts et à la prison à temps, comme le maximum des peines de l'intérieur de l'Assemblée du Corps législatif, je l'adopte.
voici, en conséquence, la rédaction que je propose :
Art. 39.
« Le Corps législatif fera tous les règlements qu'il jugera nécessaires pour l'ordre de son travail et pour la discipline de ses séances; mais il ne pourra prononcer contreceux dé ses membres qui s'écartéront de leur devoir, d'autre peine que la censure, les arrêts, qui ne pourront être étendus à plus de 8 jours, et là prison, qui ne pourra l'être à plus de 3. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 40, ainsi conçu :
« Le public sera admis aux séances, en se conformant aux. règles qui seront établies pour le maintien du bon Ordre; lé Corps législatif pourra faire arrêter et punir correctionnellement ceux qui troubleraient ses fonctions ou lui manqueraient de respect. »
Je demande que le principe de la publicité des séances soit exprimé d'une façon plus formelle dans l'article et qu'on dise : c Les délibérations du Corps législatif seront nécessairement publiques."
(Cette motion est adoptée.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 40.
« Les délibérations du Corps législatif seront nécessairement publiques, mais le Corps législatif pourra faire sortir les assistants, s'ils troublaient la délibération, même faire arrêter et punir correctiohnellèment ceux qui apporteraient quelque trouble aux fonctions du Corps législatif, ou lui manqueraient de respect.» (Adopté.)
(La suite de la discussion est renvoyée a la prochaine séance.)
lève la séance à 3 heures.
Séance du
La séance est ouverte à 6 heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture : 1° du procès-verbal de la séance d'hier au soir, qui est adopté;
2° d'une adresse de la Société des amis de la Constitution, séant à Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, par laquelle elle demande le licenciement momentané des officiers des troupes de ligne et se plaint de l'incivisme de plusieurs d'entre eux.
(Cette adresse est renvoyée au comité militaire.)
3° d'une Adresse des Juifs domiciliés à Paris, ainsi conçue :
« Les Juifs résidant à Paris, prenant la liberté d'exposer à l'auguste Assemblée nationale que la plupart d'entre eux ont de père en fils, plus de cent ans d'habitations dans cette capitale; qu'ils s'y sont toujours comportés comme des fidèles sujets et de braves citoyens, qu'ils ont fourni des preuves de leur patriotisme dès le commencement de la Révolution, et qu'ils se sont montrés, des premiers, les zélés partisans de la Constitution; qu'ils se sont fait inscrire dans la garde nationale aussitôt sa formation ; qu'ils ont fait des dons patriotiques, suivant leurs facultés, et ont payé avec empressement leur contribution patriotique, et qu'ils sont toujours prêts à répandre leur sang pour la gloire de la nation et le soutien de la liberté; qu'ils élèvent leurs enfants danp ces principes et qu'ils les instruisent des lois et des décrets de l'Assemblée nationale, qu'ils regardent comme un catéchisme qtje tout bon français doit faire apprendre à ses enfants pour leur faire aimer leur patrie, défendre leur liberté, et se soumettre et obéir à. la Constitution et aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi.
« Les exposants ne dissimuleront pas qu'ils voient avec la plus grande joie que leurs frères, les Juifs espagnols et portugais, ont obtenu le titre de citoyen actif avec tous les droits qui en dépendent, mais qu'ils voient en même temps avec la plus grande peine, qu'ils sont privés ae cette faveur, quoique plusieurs d'entre eux aient des lettres de maîtrise, et quoiqu'ils soient de la même famille, tous descendants de Jacob,' fils d'Isaac, dont la généalogie est d'autant plus certaine que la tradition parmi eux vaut titre.
« L'Assemblée nationale a décrété que les étrangers résidant en France, jouirait, après 5 ans de résidence, des droits de citoyens français. Par quelle fatalité les exposants seraient-ils réputés moins que des étrangers et seuls exclus des droits que la nature donne et que les décrets de l'Assemblée nationale rendent à tous les hommes. Considérés comme juifs, ils font partie des citoyens français, puisqu'ils en remplissent les fonctions et ies devoirs ; considérés comme étrangers, quoique la plupartsoient nés en France, ils ont, au terme de la loi, acquis le titre de citoyens français, qu'une longue habitation dans la capitale leur donne, donc ils doivent jouir de tous les droits qui en dépendent.
« La municipalité est à la veille de faire une liste des citoyens actifs et éligibles,. conformément au décret du 29 décembre 1790. Un décret récent en ordonne la prompte exécution ; (c'est un nouveau motif pour les exposants, également propre à justifier leur instance et leur vive sollicitude, et à déterminer l'Assemblée nationale de régler leur destinée.
« Le vœu des sections de la capitale en faveur des exposants lui est connu ; une députation des représentants de la commune de Paris a porté dans son sein l'expression de ce vœu authentique contenu dans leur arrêté du 24 février 1790» et la réponse de M. le Président, l'évêque d'Au-
tun, bien flatteuse pour les exposants, soutint leurs espérances.
« Mais ils ne peuvent plus rester dans cette cruelle perplexité; ils supplient l'auguste Assemblée de prendre en considération la présente supplique, de prononcer enfin sur leur .sort, de les placer dans la classe de la société politique, les admettre au rang de citoyens' actifs et leur accorder les mêmes droits dont jouissent leurs frères les juifs espagnols et portugais. Cè bienfait sera publié avec empressement dans les différentes contrées $é J'univers, ét la nation juive espagnole ét portugaise avec les exposants-partagera une éternelle reconnaissance. »
Signé : Mardoché-Elie, député.
L?ordre du jour est un rapport du comité des finances sur m fabrication aes assignats iïè 5 livrés et dé la monnaie de cïdbre.. '
, au nom du comité des finances. Messieurs, je viens, au nom de votre comité dés finances, vous rendre compte des mésures d'exécution de votre décret du Cf'dè cé plois, relativement à la fabrication des assignats dé 5 livres et à l'émission de là monnaie de cuivre. Il devaït d'abord s'occupér dé ce dernier objet ; car ces assignats viendront encore embarrasser la cirJ culation, si la monnaie de cuivre ne leur assure ; pas au même instant un échange assuré^ si le pauvre ne voit un métal qui' est; j*6sé le dire* | son patrimoine.
L'examen du métal des cloches, qui doit servir- : à cette publication, a d'abord fixé notre attention. Lé comité des monnaies nous a présenté le résultat de nos vues combinééè,'et ce n'est pas ici le moment de vous faire part des mesures ultérieures du comité des finances sur les moyens de subvenir à la suite de Cëtte fabrication, sur l'emploi à faire du métal des cloches. Les essais qui doivent fixer notrè opinion 'ne sont peut-être pas encore assez certains. ''
L'assignat de 5 livres, destiné, dans la circulation, à êtré souvent dans ' là poèhe, dans la main de la classe là plus" laborieuse, de ceux qui, par état, sont sujets à la malpropreté, dont les travàiix grossiers sont l'occupation la plus habituelle, Cet assignat, dis-je, doit être fait d'une manière plus solide que cëux que leur valeur semble destiner au portefeuille; "leur forme doit être aussi de telle matière que la numération en soit très facilë. Un assignat d'un papier mince ne peut obtenir ces' avantages ; s'il ést grand,-il fautiè plier;'de là des froissements, des déchirurès V s*il entre dans la poche, il finit par se couper et s'y divise ; s'il esl petit, quelle consistance a un petit papier mince tjUe le vent, que le souffle emporte; «t dont l'usage commande là plus'grande précaution? s'il est faible, pourra-t-il recevoir l'emprunte d'un tim1-bre? Cette emprëintè, vous la regardez, à juste s titre, comme la sauvegarde laJ plus assurée ! contre la contrefaçon. Il a donc fallu chercher : un papier d'Une Consistance -assez forte pour ; qu'il puissè' se soutenir sans être plië. Irfaut i que le papier ait assez de transparence pour què la lecture éù soit très visible; il faut que l'enà- ; preinte, le frottement et la salissure ne l'endommagent pas; 'tel est le papier que vous ; pouvez fâire exécuter par la papeterie qui a | rourni celui des derniers assignats. 8
Un procédé adopté par Votre comité simplifie i et accélère le travail ; il consiste à faire 20 as-
signats sur la même feuille, à les imprimer tous ensemble. 11 en résulte que la manipulation des assignats de 5 livres est supérieure à celle dé l'assignat de 10Q livres, avec cet avantage encore que les feiïi]les étant plus épaisëes, il est plus difficile' dç les rompre.
Quant âux caractères de rimpressiqn, nous avons perisé qué si IeS presses de M. Dîdotn'ont pas démérité près de vous, il n'est pas de motif pour chercher 'ailleurs un travail auquel' tout est dispàséchézlui.
Il nous reste à assurer la perfection de J'assignât par* un timbré sec;'Ge! timbre doit être regardé comme l'écueil de la contrefaçon. 4-iqsi, rien ne doit être négligé. Il résulte de foutes les combinaisons de votre comité la possibilité, là certitude même de vpir les assignats en émission dans le mois prochain. Les assignataires, les numérateurs pourront être assez multipliés pour assurer cette émission dans ce court délai.
Voici le projet de décret que votre cômité vous propose :
« Art. 1er. Le papier des assignats de 5
livres sera conforme au modèle remis au comité des financés, tant pour
le format 'que pour la qualité de papier. ™
« Art. 2. Les assignats seront imprimés de vingt à la feuille, et contiendront ces mots.....
« Art. 3. Ils seront révêtus d'un timbre sçc, portant l'effigie du roi.
« Art. 4. Les assignats seront signés, numérotés et enregistrés. »
, le jeûne. Voici Un projet proposé par M. Chauvet, bordelais, dont lés commissaires de la trésorerie ont eu la plus favorable idée. Cela m'engage à vous le lire. Vous remarquerez que le projet du comité exige trois semaines ou Un mois et que celui dé M. Chauvet peut avoir liéu dès demain. Applaudissements.) Le voici :
« Je viens présenter un moyen provisoire, m$is prompt à tel degré que, par son exécution facile, demain à pareille heure, Paris peut jouir de l'abondance du numéjçfiire.
« Divisez en huit parties égales des assignats de 50 livres, suivant lès procédés què je vais indiquer, de manière que chaque citoyen pourra détacher dë l'assignat qu'il possède une soinme de 6 I. 5 s. Pour produire cette division sans inconvénient, il faut que l'assignat reçoive au dos et sûr la partie blanche une empreinte noire qui produise Une division ën huit parties égales', de telle sorte que chaque division sort bordée d'un cadre noir bien entier. Dans chaque càdré seront inscrits les numéros de chaque coupon depuis un jusqu'à huit. La somme de 6 1. 5 s. ^erà exprimée en chiffre, et la démarcation portera toujours sur une partie déterminée dans chaque assignat, en sorte qu'il ne sera pas possible de douter que chaque coupon ne contienne un huitième complet de l'assignat.
« C'est- à céda que se bornent toutes les précautions nécessaires. Les instruments sont tout trouvés. Une simple planche d'imprimerie suffit, et sa composition est l'ouvrage d'une demi-heure. 48 presses, dont une dans çhaqiie district, peuvent fournir dans Un joâHO millions toùrnôis; ce qui est plus que suffisant pour satisfaire à tous les besoiba, et caïmër tôutës lès alarmes. »
Voici quelques objections qu'on a faites à l'auteur du projet, et ce qu'il y répond :
« Ces coupons pourront être contrefaits. Oui, mais chaque partie ne sera pas plus aisée à
contrefaire que l,e tout et le sera même moins, car avec le même travail le profit séra moindre. D'ailleurs ces coupons n'étant que provisoires et devant être échangés à l'émission prochaine des petits assignats, on ne Voudrait pas courir des risques de faire un travail inutile.
Mais chaque coupon ne portera point Une signature. D'accord, mais tout le monde sait que ce n'est point à ce signe qu'on s'attache dans la vérification des assignats ;'c'est'Teur transparent qu'on examiné, parce que c'est ie plus difficile a contrefaire.' J'ajoute que lès anciens coupons que l'on regrette tous les jours, et qui circulaient de confiance, ne portaient aucune signature.
« Mais dira-t-on, chaqùe' coupon sera infiniment petit. 11 est vrai, mais la nécessité çlè resserrer dans un portefeuille un assignat de' 501i-vres le réduit de fait par la pliure en 8 "parties, et plusieurs sont déjà'divisés de même par le frottement. Or, les coupons n'auront point cet inconvénient; et leur prpportiôn sera même préfé-rablè pour la èrandeur à cèlle des ancîèns coupons. »
Messjéurs, le projet que je viens de vous présenter/ je l'ai porté hiér au comité des financés, on m'y a fait quelques objections auxquelles je crois avoir répondu ; mais, Messieurs, rions sommes dans une position où il ne s'agit pas de chercher une mesuré' sans inconvénients, mais où il s'agit de préférer celle qùi en a le moins. Le moyen que je voùs propose est prompt.
On demande où é'adresséront lès porteurs de ces coupons, lorqu'ils voudront les .échanger. M. l'abbé Rochon, membre de l'Académie des sciences, présenta l'autre jour, et j'aî vu sur le bureaù du président' des sois qu'il avait fondu avec du métal ^rovénanfdeë cloches.' Si bnïriùl-tipliai^'cette fusion, si au; lieu de marquer la monnaie, ou la répandait telle qu'elle'sort de la fonte, peut-être cette mesure, eh attendant la fabrication des sols des monnaies/ pourrait en partie réparer l'inconvénient de ne pouvoir pas échanger sur lé.champ les assignats de 6 î. 5's.
On m'objecte en ce moment que les billets de 50 livres, déjà rares, le seraient bientôt davantage si mon projet était adopté, et deviendraient une nouvelle source d'agiotage. L'auteur du projet répond à cela que si les assignats de 50 livres deviennent rares, on coupera en deux les billets de l'ÔO livres et tout se compensera. (ApplàudùsemèU ts.) u
Je conclus à ce que l'Assemblée décrète qu'elle autorise la division des assignats en huit portions de 6 1. 5 s.
, rapporteur. Messieurs, j'ai entendu atec tbùt ï'i'pférêt que doit inspirer une idée utile et patriotique, le détail du projet de M. ChauVet j mais je viens au nom du comité des finances, vous déclarer, qu'après le plus sérieux examen, il n'a pas cru devoir accueillir cette proposition. Voici ces motifs : le comité a vu d'abord dans les suites de Ce projet la destruction de la classe d'assignats la plus précieuse à là circulation, en ce qu'ils sont les plus petits, et les plus commodes au commerce.
D'ailleurs, l'assignat n'ayant d'autre valeur que celle qu'il reçoit; du domaine national sur lequel il est assigné, et la quantité des assignats étant fixée par le numéro adapté à chacun d'eux, lorsque vous aurez^çoupé un assignat, une seule de ses parties sera revêtue d'un numéro; une seule, en càs de contestation, pourra être confrontée au registre qui constate l'existence de
cet assignat. Dernièrement, un pareil assignat coupé én deux ayant été présenté à la caisse de l'extraordinaire^ le caissier embarrassé consulta le comité des financé?, qui décida què Cette partié, quoiqùe portant la signature, ne" pouvait être payée, parce que l'autre moitié était la seule qui fût enregistrée et qui pût être représentée. Ainsi lorsque vous àu'riez subdivisé les assignats, comment voulez-vous qu'on les présente au remboursement ?,Gela est impossible, câr on né pourrait rappeler à quel numéro chacune de cets portions viendrait s'adapter; par conséquent il1 serait impossible1 de constater la destruction de l'assignat.
Enfin, cette division en8 parties pourrait inquiéter et donner matière à une foule de difficultés dans la classe du peuple, qui en général n'est pas trop éclairé, qui ne sait pas bien lire : et alors rie pourrait-il pas s'imaginer qu'une partie de ces assignats est mauvaise, parce qu'elle ne serait pas revêtue de toutes lés formes ? ;
Lé comité a cru encore ne point devoir adopter cette mesure, sous le point dè vue qu'elle était contraire à vos décrets; car vous avez décrété, il y a six semaines, que tout assignat-monnaie serait en 'concurrence avêc du billon.
Dans la profonde conviction des besoins actuels de la capitale, besoins qui sont trop'Bien démontrés par l'état des choses, et dans l'apparence extrêmement favorable que présente lé projet qùi vous a été proposé par M. dç Grillon, j'avoue que c'est avec un sentiment de crainte que j'ai vu approcher le comité des finances pour proposer dès objections contre ce projet ; j'avoue aussi que iorsque j'ai entendu le comité, le sentiment que j'avais éprouvé d'abord a absolument changé et que lés objectionsmêmes qu'il a faites ne sbnt, à mes yeux, qu'une puissante confirmation dè la bonté du moyen qui vous avait été présenté, il me paraît, à moi, qu'aucun des obstacles ne présente une force réelle ; je ne sais pas pourquoi, après avoir insisté fortément pour nous faire accueillir un plaiijle banque particulière protégée par l'Etat, dont les inconvénients étaient extrêmement multipliés, dont l'avantage n'était pàs aussi prochain que celui qui vous est offert, on co;mbat aujourd'hui, comme impraticablé, un plan qui, à mes yeux, èst déjà apprécié par une expérience antérieure ët infiniment conforme aux principes d'émission qui ont précédemment déterminé vos décrets sur les assignats.
Quant à la contrefaçon, crainte alléguée par le comité, il n'est aucun plan qui présente autant de difficultés, puisque le papier est identiquement le même que Celui des assignats. Quant aux moules ét aux figures dorit le papier est chargé, ils présentent urie "très grande partie des mêmes avantages, puisqu'étant partiellement et identiquement les mêmes,1 chaque assignat entier ôffre une pièce de'comparaisôn ; et les moyens d'imitation, presque aussi difficiles que pour l'imitation de l'assignat entier, présenteraient infiniment moins d'avantagés, infiniment moins de profit à ceux qui pourraient y parvenir, puisqu'ils n'y gàgnèïaient que le huitième. Quant à Findlvidualité du Côupdii, Vous l'atteignez parfaitement par le plan proposé, puisqu'on vous propose d'apposer un cadré à Ces fragments, qui én marquera l'individualité, et auquel joignant le numéro, vous marqûeréïpàr là l'individualité du coupon avec l'assignat.
J'ajoute ensuite que la difficulté qui a iété élevée, à raison de 1 hypothèque de ces coupons
d'assignats, s'évanouit absolument parles précautions antérieures qui établissent l'individualité du coupon et de l'assignat de 50 livres auquel il appartient. Au surplus, quant au dépérissement de ces mêmes assignats, cette difficulté s'évanouit absolument par la brièveté de leur durée, puisque ce n'est qu'un moyen provisoire devant servir jusqu'au moment où les petits assignats seront créés ; mais cette raison du dépérissement est déjà repoussée par une expérience antérieure. Les coupons d'assignats, qui ont, pendant un temps, remplacé dans Paris le défaut du numéraire, étaient par leur forme infiniment plus périssables que ceux que l'on vous propose : la contrefaçon en était plus facile ; cependant l'expérience a démontré qu'ils pouvaient servir; et le moment où onena été priyé, a été une espèce de désastre dans la capitale.
Or, Messieurs, quand même les différents moyens proposés par le comité pourraient être bons pour une mesure durable, jpoùrraient être bons dans un temps ordinaire où il serait possible d'attendre, il n'en est pas moins vrai que dans le moment actuel, que pour une mesure purement provisoire, lorsqu'il s'agit non seulement d'assurer la tranquillité publique, mais de donner des moyens de subsistance, des moyens de continuation de travail, des moyens de circulation dans les marchés de détail qui fait exister, chaque jour, la classe des citoyens lés moins fortunés, on ne peut pas s'attacher à des moyens semblables et repousser la raison dé la nécessité.
Comparez le moyen qui vous est offert aujourd'hui, qui conservé le crédit public à sa véritable source, à la source qui part de l'autorité nationale, de la propriété nationale : comparez, dis-je, ce moyen à celui qui vous a été présenté avant-hier, à la création d'une banque dont le résultat pouvait bien être d'enrichir quelques individus, mais dont le résultat était évidemment de compromettre l'autorité et là fortune publique, en les hasardant sur la probité et la propriété des particuliers auxquels on aurait confiance ; comparez, dis-je, l'avantage de cette mesure, et vous ne balancerez pas. (Applaudissements.)
Je demande que le fond du pian présenté par M. de Grillon soit adopté; et que, si quelques détails sont nécessaires pour en perieétionner l'effet, le comité des finances soit chargé de vous le représenter demaiu matin. (Applaudissements.)
, rapporteur. Quoique quelques-unes des difficultés ne" m'aient pas frappé aussi vivement que d'autres membres du comité, cependant je ne puis adopter lâ proposition de M. Barnave dans son entier; car il est encore des obstacles qu'il n'a pas détruits absolument. Je cr;ois que, sans anéantir de3 assignats, nous pourrions user du papier que nous avons de reste, et diviser ce papier én petites parties et appliquer dessus le timbre et lès vignettps qui sont tout prêts. Si l'on préfère ces assignats provisoires, je propose à l'Assemblée de vouloir bien renvoyer, et la proposition de M. Crillon et celle que je lais, au comité des finances qui l'examinera a l'instant, et fera demain matin un nouveau rapport sur ces billets.
(Le projet de M. de Crillon le jeune est rénvoyé au comité des finances, pour en rendre compte incessamment à l'Assemblée.)
Je n'ai jamais opiné pour les assignats; mais du moment que cette mesure a été adoptée, il est du devoir de tout bon citoyen
de la faire réussir autant qu'il lui est possible. Lés assignats sont devenus monnaie; vous devez absolument donner à l'assignat la même mesure la même division qu'à la monnaie. Sans cela, je vous préviens que les obstacles..,.. (Murmures prolongés.)
Je demandé également que, sans émettre actuellement des assignats de 3 livres, le comité des finances soit chargé de faire fabriquer des matrices convenables pour vous préparer des assignats de cette valeur, dans le cas où vous en auriez besoin.
On vous propose uns mesure très séduisante par sa célérité, mais il faut aussi en pesér les inconvénients. Ce n'est pas én un instant que, sur 5 millions de papiers extrêmement petits, on peut établir des numéros, comme l'a proposé M. Barnâve; et il arrivera dé ces fractions-là ce que nous avons vu avec douleur arriver sur les assignats de 50 livres. Quand ils ont été mis en circulation, tout le monde voulait en avoir, ce qui était impossible, parce qu'il n'y en avait pas assez : alors on les a vendus. C'est donc une branche d'agiotage dont vous fournissez les éléments ; pour éviter cet inconvénient, il faut non seulement que les assignats de 5 livres, ou tous autres, soient en assez grande quantité pour que ce ne soit pas une marchandise; mais il faut , encore qu'il existe une assez abondante monnaie de cuivre pour que l'échange puisse en être fait.
Je demande à ajouter un mot en réponse au reproche qu'on a fait à notre projét. Ce n'est point une banque qu'on vous a proposé : on vous a proposé ce que vous avez fait, Messieurs. On vous a proposé de déclarer que la loi protégeait les établissements qui tendaient à l'utilité publique, tels qu'il y en a à Lyon, à Bordeaux, et que j'espère qu'il y en aura dans toutes les villes du royaume; mais comme vous ne pouvez dans quatre jours émettre des assignats, il est inutile de prendre une mesure qui en détruirait de précédentes ét contrarierait votre décret.
, le jeune. Il me semble aussi que.la mesure proposée par M. le rapporteur ne peut être adoptée sans inconvénient. J'imagine que le comité vous dira demain dans combien de jours il pourra livrer pour 4 ou i> millions de ces nouveaux assignats.
Nous sommes en état d'en délivrer mardi pour 1,840,000 livres. (Applaudissements.) Nous avons 46 rames de papier de 2,000 livres en réserve, qui fourniront 46,000' assignats. On les divisera alors, on coupera le papier en 8; cela donnera 368,000 assignats. Je ne* connais pas d'autre parti à prendre.
Il me semble que la question est arrivée au véritable pôint que l'on pouvait désirer, celui où l'on est sûr qu'il doit résulter une mesure utile au peuple; en effet, Messieurs, quels objets ont réclamé Votre sollicitude? le manque de numéraire, le prix exorbitant de l'argent dans la capitale, les besoins pressants de la classe la moins aisée de la société. Le projet présenté par M. de Crillon m'a paru au premier aperçu attirer des avantages, et j'avoue que toutes les raisons alléguéës contre et même celles de Ml de Montesquiou me paraissent sans force, mais je ne m'oppose pas cependant à l'ajournement à demain, pourvu qu'on n'apporte
pas de retardement et que demain sans faute on nous présente les moyens d'exécution; et nous aurons tiré ce fruit du moyeu présenté par M. de Crillon, qu'on ne nous aura pas fait compromettre le crédit national, en le transportant à des banques, à des compagnies.
Je demande que l'ajournement ne puisse pas être retardé plus loin que la séance de demain.
Vous avez ordonné que les petits assignats et les gros sous paraîtraient en même temps : qu'est-ce que le comité vous propose pour l'exécution de ce décret? Rien. Et pourquoi? C'est parce qu'il n'a jamais voulu ni monnaie, ni petits assignats. (Bruit, prolongé.)
Plusieurs membres .-L'ajournement 1
Je demande au nom de la patrie que la discussion continue. (Murmures.)
Comme je suis persuadé que M. Rewbell ne veut pas chercher une querelle d'Allemand au comité des finances, je demande qu'il soit entendu. (Rires et applaudissements.)
Je demande, par amendement à la proposition qui vous est faite, que le comité des finances nous présente un moyen de distribution, pour qu'on n'accapare pas encore une fois les petits assignats. (Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète l'ajournement à demain à midi pour un nouveau rapport du comité des finances sur cet objet.)
J'ai demandé la parole pour une observation qui rentre dans le sujet que. l'on vient de traiter. Je viens d'apprendre de M. Des-rotours, secrétaire de la commission des monnaies, qu'il y avait actuellement en : France, soit à la manufacture dë Romilly, soit à celle de Lyon, une quantité assez considérable de flaons de cuivre prêts à être frappés en sous. A la vérité ces flaons sont à l'ancienne taille, c'est-à-dire, qu'au lieu d'être à la taille de 20 au marc, ils sont à la taille de 20 1/2 à 21 au marc. Je prie le comité des monnaies de nous dire si l'on pourrait employer ces flaons.
On peut faire usage de ces flaons, en employant les anciens coins jusqu'à ce que les nouveaux soient prêts à servir ; ce qui ne tardera pas.
Je fais la motion expresse que l'on décrète, à l'instant même, que ces flaons seront fabriqués.
Je demande qu'on aille aux voix sur ma motion et que le pouvoir exécutif soit autorisé à faire fabriquer des flaons qui pourront se trouver dans tous les hôtels des monnaies du royaume, sur les anciens coins et à l'ancienne taille.
Cette dernière partie est déjà décrétée; il ne s'agit en ce moment que de décréter que tous les flaons qui existent seront mis en fabrication.
Cette importante discussion doit enfin être éclaircie. En la remettant à demain, qu'il me soit permis d'éveiller dès aujourd'hui la sollicitude de l'Assemblée nationale, et
particulièrement celle du comité des finances, sur un objet qui mérite la plus sérieuse considération. Notre argent est exporté chez l'étranger, il s'agit de le faire revenir. Pourquoi un contrôleur général intelligent ne ferait-il pas ce qUe plusieurs banquiers de la capitale ont fait si heureusement, d'après mes conseils?Cette opération est sûre et facile : c'est à la nation de l'exécuter aujourd'hui. Vos espèces ne sont pas fondues à Londres, ni dans les Pays-Bas, ni en Hollande. Votre comité des finances dédaignerait-il de compter le retour du numéraire au rang de ses premiers devoirs?
On m'observe que je suis moi-même membre de ce, comité : cela est vrai; mais l'Assemblée n'a pas oublié que j'ai déclaré, il i a plus de6 mois, que je n'y reparaîtrais plus, pour ne pas m'expo-ser aux reproches de retarder ses opérations par des contradictions continuelles et inutiles. Je sens même combien il faut être courageux pour parler encore des finances dans ce moment où le parti du silence serait prudent et si digne des hommes qui ne combinent que leur intérêt personnel. Mais tout ce que je ne dirai point à votre comité des finances, parce que je n'y serais point entendu, je le dirai à cettre tribune. Je ne garderai aucun secret sur les moyens qui me paraîtront propres à contribuer à la prospérité du royaume. (Vifs applaudissements.) Il est pour un bon citoyen une gloire plus flatteuse que celle de jouir des fautes de votre comité, c'est celle de les réparer et de vous éclairer sur les réticences et sur les moyens dangereux qu'il a adoptés.
Je demande donc, Messieurs, que ce comité qui doit justifier aux yeux de la nation entièré la confiance dont vous l'honorez, vous fasse part de ses vues sur les moyens de faire rentrer le numéraire dans le royaume.
Je prie M. l'abbé Maury, au nom du comité des finances* qui ne me désavouera pas, de vouloir bien vous indiquer les moyens qu'il a de faire rentrer le numéraire qu'il prétend sorti du royaume, et que l'Assemblée, suivant la forme qu'elle a coutume d'employer, renvoie ce projet-là à l'examen du comité des finances, car telles sont ses fonctions. J'ose vous dire qu'il n'existe pas dans le comité des finances un membre, et je crois qu'il n'en existe point dans l'Assemblée, excepté M. l'abbé Maury, qui, ayant des connaissances acquises pour trouver des moyens de rendre à l'Etat un si éminent service, aimât mieux faire une inutile déclamation dans l'Assemblée, que de remplir son devoir, qui est d'en faire part à l'Assemblée elle-même. (Ap-plaudissemen ts.)
Quant aux réticences dont le préopinant semble accuser le comité des finances, je conviens que le comité des finances croit que c est à la balance du commerce à ramener en France le numéraire que des circonstances, qui avaient diminué cette balance, en ont fait sortir. Le comité des finances a eu un tort vis-à-vis M. l'abbé Maury, c'est d'avoir été d'avis qu'il n'y avait qu'un moyen de sauver l'Etat, c'était de créer des assignats... (Un membre : Proposer de créer.) C'est là le seul reproche qu'il ail à nous faire; il ne nous a honoré de sa présence que pour parler contre les assignats. Les assignats ont été adoptés par l'Assemblée, et M. l'abbé Maury n'est plus venu au comité.
Quant aux autres réticences, s'il en connaît, il faut qu'il le dise; nous devons être nos propres dénonciateurs ; et il n'y a pas de crime qui ne doive être rapporté à l'Assemblée; je crois que
le comité des finances ne redoute, sur cela, ni les dénonciateurs ni les'déclamateurs.
Je ne mets aucune humeur dans cette discussion, j'ai trop envie d'avoir raison, pour gàtei* ma cause. J'observerai seulement qu'il est évidemment faux que je me sois interdit les séances de votre comité des finances... {Plusieurs membres : Qu'est-ce que cela nous fait?)
Il m'est peut-être permis de parler de finances dans cette tribune; car, si aux yeux de la haine, je suis un déclamateur, aux yeux de là calomnie elle-même, je ne peux pas être un agioteur, je n'ai pas payé mes dettes aux dépens de l'Etat, je ne me suis point enrichi à cette Révolution. Non, Messieurs, au milieu des nombreux ennemis intéressés à décrier mes opinions, pas un n'a osé m'accuser d'avoir fait des acquisitions scandaleuses, de m'être livré à un jeu infâme, aux dépens de la chose publique. (Applaudissements à droite.)
Et un jour, Messieurs, à ce jour inévitable, où chacun de nous rendra compte de sa conduite et de ses principes à la nation, à ce jour que j'envisage sans aucun effroi, si on me demandait quelles sont les preuves de patriotisme que j'ai onnées dans cette Assemblée (Rires à gauche), je répondrais comme un grand orateur de la Grèce : Les préuves que j'ai données de mon patriotisme, consistent à n'avoir jamais pensé comme les ennemis du bien public. (Rires à gauche.) Ne voulant pas être compté parmi les bons, les excellents citoyens qUe la Révolutiona enrichis, et m'honorant d'être dans la classe de ceux qu'elle a appauvris, j'ai conservé le droit de dire mon avis dans cette Assemblée, où je n'ai été envoyé que pour attaquer les ennemis du bien public, pour suppléer a leurs réticences, comme pour les relever de leurs erreurs. (Murmures.)
Voix diverses : Votre moyen! votre moyen!) :
Tout le monde demande votre moyen.
Je ne serai jamais embarrassé de vous faire hommage de mes conseils pour la prospérité publique, parce que mes erreurs mêmes deviendraient intéressantes, lorsqu'elles seront séparées de tout motif d'utilité personnelle. Je demande à mon tour à ce comité des finances, auquel vous avez confié les destinées du royaume, s'il a, ou; s'il n'a pas des moyens pour faire rentrer le numéraire dans le royaume.
Un membre à gauche : Il n'en a pas, il vous l'a dit ; donnez les vôtres 1
, Messieurs, je vous invite au Silence, pour écouter ce secret, que M. l'abbé Maury va enfin vous dévoiler.
Gomme je n'ai jamais regardé, ni dû regarder, ni pu regarder M. de Montesquiou comme l'oracle du comité.......
Allons donc, vous n'avez que des sottises à dire !
....... ce n'est pas de la
bouche d'un médecin, comme Son Altesse* que jé veux connaître la situation du malade dont la guérison lui est confiée.
Je demande que le comité entier me réponde et juge mes moyens.
Les banquiers de Paris, mieux éclairés par leur intérêt personnel, que ne le sont souvent les administrateurs de la chose publique, par leur patriotisme, se sont parfaitement aperçus que l'argent sortait du royaume; ils ont spéculé qu'on ne fondait nulle part, si ce n'est en France, vos espèces d'or et d'argent, parce qu'il y a un profit énorme à fondre en ce moment l'argent à Paris, et c'est là la grande charlatarierie que l'on a tant fait valoir. Les banquiers ont été plus avisés que nous; ils ont dit: on abuse la nation, on lui dit que les assignats ne perdent rien, que l'argent gagne; et en effet, allez-vous en chez un orfèvre, vous ne payerez pas davantage en assignats qu'en écus : les assignats ne perdent donc rien, puisque les orfèvres les reçoivent au comptant. Mais voici l'énigme : .
Les orfèvres de Paris ont augmenté arbitrairement le prix de l'argent. Ils ont dit : l'argent est à 50 livres le marc; portons-le à 60 livres et nous prendrons les assignats au pair; d'où il résulte que lorsque les assignats ne perdaient que 5 0/0, les orfèvres leur en faisaient perdre le douzième, etc'est là l'argument que plusieurs membres de cette Assemblée ont cru sans réplique. On a augmenté le prix de l'argent; mais il n'est augmenté qu'à Paris ; il ne l'est pas à Cadix......(Une voix : Pardonnez-moi, Monsieur......) L'argent valait en France 53 livres le marc, et les orfèvres l'ont mis à 60 livres et à 61 livres, quand il a fallu l'échanger contre des assignats;et c'est sous ce rapport qu'on vous a dit que les assignats ne perdaient rien. Il résulte de cetordre de choses, imaginé pour duper des imbéciles, et non pour faire illusion à une Assemblée d'hommes raisonnables, qu'il y a un intérêt évident à fondre vos écus. Voilà des vérités élémentaires qu'on n'a jamais voulu entendre dans cette tribune.
Les banquiers ont continué leur spéculation; ils ont dit : l'argent est augmenté à Paris; s'il n'est pas augmenté dans le reste de l'Europe, il faut suivre les louis et les écus partout où ils vont; car à l'endroit où ils arrivent, on est intéressé à ne pas les fondre. On perdrait essentiellement à cette refonte, parce que le gouvernement a déjà gagné à cette fabrication. Ainsi ce n'est pas pour les convertir en lingot que les étrangers les prennent ; ils les gardent en attendant des circonstances heureuses pour les placer dans le commerce d'une manière lucrative. Alors, vos banquiers intelligents ont imaginé d'aller chercher vos louis à Londres, à Amsterdam, à Rruxelles, en Suisse ; et dans ce moment, leurs spéculations, sur cet objet, sont ouvertes. Vous me demandez avec quoi ont-ils acheté? Avec leur crédit. Sur quoi était fondé leur crédit? Sur leur fortune, ou sur l'opinion qu'on avait de leur probité ? Mais si cette opération est Utile aux banquiers, comment ne serait-elle pas utile à l'Etat? Comment l'Etat ne pourrait-il pas, soit par lui* même, soit par la médiation des banquiers, généraliser une opération qui assurerait d'autant plus aisément la rentrée de votre numéraire, que vous le payeriez moins à Londres qu'à Paris. M. de Machault a gagné de cette manière plu3 de 20 millions en 1752; mais cette opération exige, je le sais, un ensemble d'autres moyens pris dans l'intérieur. Votre crédit ne peut être fondé que sur l'ordre ; l'ordre ne peut être établi, que sur là tranquillité; cette tranquillité que vous voulez ou que vous ne voulez pas établir, finira par être le suprême bien du royaume.
C'est en effet,
Messieurs, l'oubli de nos querelles personnelles et de nos ressentiments qui peut ramener la confiance, et nous éclairer sur les fausses alarmes qu'on s'efforce de répandre sur les assignats. Il faut dans nos discussions, ne pas perdre.de vue que l'assignat est une délégation sur un bien-fonds qui en est l'hypothèque,et que cette hypothèque s'élève au moins à trois milliards. La nation a reçu cette hypothèque ; le décret, la loi qui la déterminent, sont inaltérables : voilà ce dont nous devons tous nous bien pénétrer en oubli de nos querelles personnelles, et des ressentiments que peut nous avoir laissés la Révolution. Nous nous appuyerons alors sur un grand moyen de confiance qui répandra beaucoup de calme dans les esprits, et nous fera envisager les événements avec beaucoup de sécurité.
Jé vais tâcher, Messieurs, de vous développer les motifs de la hausse momentanée et locale de l'argent à Paris.
Le Trésor royal faisait des distributions d'argent très considérables à divers entrepreneurs de manufactures, à dés propriétaires de grands ateliers, aux intéressés à la caisse dePoissy. Lorsque la caisse d'escompte finit de fournir les billets que vous lui aviez demandés en anticipation d'assignats, M. Necker ne crut pas devoir faire cesser cette distribution d'argent, le désordre augmenta; il fallut en acheter pour le payement des troupes, pour la solde de Ja marine et les ateliers de charité. Mais depuis que le Trésor public est organisé, cette distribution a cessé ; alors ceux qui jouissaient du bienfait de cette distribution n'ont pu éviter de faire partager à leurs ouvriers le mécontentement quils ont ressenti de cette mesure et ils ont payé leurs ouvriers en assignats. Dans d'autres temps, les mouvements se portaient contre la caisse d'escompte; aujourd'hui qu'elle est étrangère aux opérations du gouvernement, on aurait désiré les diriger contre le Trésor public ; mais il existe, quoiqu'on veuille croire le contraire, dans la classe même des ouvriers, pour le dépôt sacré de la fortune publique, un respect qui ne se démentirajamais. Ces derniers, embarrassés d'une valeur qui ne pouvait pas se diviser en assez petites portions pour subvenir à leurs besoins journaliers, se sont donc portés contre les vendeurs d'argent ; ces vendeurs d'argent, accablés par la foule, ont cru devoir hausser le prix de leurs marchandises : alors ?1 y a eu lutte entre l'ouvrier qui avait besoin d'argent et celui qui voulait lui en vendre.
Il ne faut pas d'ailleurs se dissimuler que moins le Trésor public distribuera d'argent, moins, il y en aura à vendre ; car ceux-mêmes qui ne voulaient vendre leurs bestiaux qu'à la caisse de Poissy que contre de l'argent, revendaient cet argent à Paris et y payaient leurs propriétaires en assignats.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que depuis le premier mai vous avez supprimé les droits d'entrée, et que ces droits, qui montaient à près de 30 millions par an pour la ville de Paris, se payaient presque toujours en détail et par conséquent en numéraire; j'estime que le capital depuis le premier mai a éprouvé de ce fait une perte de numéraire qui peut s'élever à 1 million. Il est vrai de dire, cependant, que souvent cet argent n'était pas donné aux barrières, parce que l'on savait fort bien aller à 3 ou 4 .lieues au devant des roui iers qui l'apportaient de province, et qu'on leur changeait leur argent contre des assignats en leur donnant 3 0/0 de bénéfice. Cet argent était ensuite revendu au
Palais-Royal ; et, quoiqu'il en soit, il ne faut pas se dissimuler que 16 0/0 ce n'est pas trop pour risquer d'être pendu.
Que faut-il faire pour j-emédier à ces circonstances qui sont locales et momentanées ? Publier, ainsi que l'a dit le préopinant, et concourir ainsi à la tranquillité publique, publier, se dire à soi-même, le dire à ses amis, que l'hypothèquede l'assignat est solide, bonne et inaltérable; calmer les frayeurs et les alarmes particulièrement de ceux qui se portent par méfiance à acheter de l'argent; et j'invite M. l'abbé Maury à faire usage dans ce sens de l'influence qu'il a sur bien des personnes; quant à moi, j'ai déjà converti beaucoup de monde.
Mais calmons-nous, et croyons que cette cherté d'argent, qui n'est que l'effet d'une terreur panique, parce que tant que l'on menacera le propriétaire ou le vendeur d'argent, ceux-ci disparaîtront; croyons, dis-je, que cette cherté aurait les effets les plus funestes, si le Trésor public manquait de numéraire pour payer ce qui est indispensable; mais il en a, et de quoi payer encore, pendant longtemps, toutes les dépenses urgentes et nécessaires.
J'arrive à la deuxième cause de la cherté de l'argent ; elle provient de cette classe nombreuse d'invididus à qui vous faites des remboursements soit pour les brevets de retenue, etc-., et qui veulent convertir sur-le-champ ces remboursements en argent monnayé. Il y a une infinité de ces particuliers qui n'avaient jamais possédé de capitaux, qui vivaient de leurs revenus ou du produit de ce que l'on appelait son état ; ces nouveaux capitalistes indécis de ce qu'ils feront de leurs assignats, facilement alarmés, ne voulant pas convertir leurs capitaux en bien;nationaux, parce que ces biens ne leur rapportent pas un revenu équivalent à celui que rapportait anciennement ces mêmes capitaux ; leur première sollicitude est donc de convertir leurs capitaux en argent à quelque prix que ce soit. Or, jugez combien il se présente d'acquéreurs : de là vient la hausse de l'argent.
Je ne m'arrêterai pas beaucoup à ceux qui l'achètent pour leur dépense journalière ; mais lors même que l'on dépense 30,000 livres par an, on n'a pas besoin de plus de 3,000 livres en écus dans le cours de l'année; et lors même qu'on serait forcé de payer l'argent à 10 0/0, ce ne serait qu'un accroissement annuel de dépense de 3,000 livres.
Vient ensuite la classe de ceux qui ont journellement plus de détail; mais par cela même, c'est celle qui, recevant le plus de payements de détail, doit voir le plus habituellement les écus ; et ceux qui leur doivent ou qui les payenl, doivent faire à Paris les mêmes sacrifices qu'on fait à leur égard dans lts provinces.
La tranquillité, la sécurité et l'oubli de nos querelles personnelles ramèneront des dispositions mutuelles de bienveillance; et la mesure que vous avez adoptée, Messieurs, pour les petits assignats, ainsi que pour la monnaie de cuivre, sera d'un grand secours. Si nous voulions nous tranquilliser et oublier nos querelles, il n'y a pas de doute que les capitalistes dont je viens de vous entretenir, au lieu de convertir leurs capitaux en argent, les emploieraient soit à acheter des biens nationaux, soit à les placer dans des manufactures. Si le préopinant voulait s'employer utilement et dire : «' L'assignat e3t bon,~. (Rires et applaudissements.) l'hypothèque est bonne »,plus de doute que beaucoup de personnes qui achè-
tent de l'argent pour leur dépense journalière, n'en achèteraient plus.
Je viens maintenant à la proposition de M. l'abbé Maury de faire au Trésor public ce qu'il croit être fait avec avantage, par les banquiers qui selon lui suivent i'écu où il va dans l'étranger, l'y achète et le font rentrer en France pour l'y vendre avec profit. Je déclare tout d'abord que je ne connais aucune opération de banque de ce genre, et je mets en fait que cette opération n'a pas pu être faite par des particuliers avec quelques bénéfices. Je réponds ensuite que ce que M. l'abbé Maury vous propose de faire pour le compte de l'Etat, l'Etat l'a précisément fait, et que tout particulier, qui ne voudra pas se ruiner, se gardera bien de l'entreprendre. C'est malheureusement parce que le Trésor public, dans l'ordre actuel des choses, n'a pas pu faire cette opéra-' tion avec le secret convenable, qu'elle a été si ruineuse pour lui. Dès que les étrangers instruits de cette opération, et jugeant bien que cette manière de se procurer de l'argent n'était en définitive qu'un emprunt de métal que faisait la France pour 3 ou 4 mois, emprunt qu'on serait forcé de rendre ; dès que les étrangers, dis-je, ont vu que le Trésor public empruntait le crédit de3 particuliers et des tireurs de lettres de change sur le pays envers lequel il se constituait débiteur; dès qu'ils ont vu que la France ne pouvait pas fournir ou assez grande quantité pour payer cet excédent ou cet extraordinaire dont le Trésor public avait besoin, ils ont fait leur combinaison pour lui faire payer ces créances et ces lettres ae change le plus cher possible. Us ont envoyé ici leurs lettrés de change et ces lettres sont devenues d'un prix exorbitant, parce que le change n'est qu'un prix attaché à la lettre : Voilà l'opération qui a été faite et qui n'a tourné qu'au détriment du Trésor public.
Mais si le commerce continue à reprendre vigueur comme il fait, je suis persuadé qu'avec les petits assignats que vous avez décrétés, vous parviendrez à faire baisser le prix de l'argent et à le rendre très commun; mais il faut y ajouter deux précautions ; la première, de ne mettre ces assignats en émission qu'autant qu'il y en aura une suffisante quantité, pour que tout le monde en ait en même temps, et qu'ils ne deviennent point un objet d'agiotage, et ensuite vous procurer une monnaie ae cuivre pour les échanger à volonté.
Vous avez entendu le secret de M. l'abbé Maury pour rétablir la circur lation du numéraire, et faire revenir celui qui est chez l'étranger; il faut que l'Assemblée nationale apprécie ce moyen.
Si des banquiers faisaient ce que M. l'abbé Maury vous a dit, ils se ruineraient comme le gouvernement s'est ruiné; et j'interpelle sur cela M. Le Gouteulx. Les banquiers font précisément le contraire de ce que vous a dit M. l'abbé Maury; mais les gens qui spéculent sur le numéraire se procurent ici de l'argent, le vendent au gouvernement français, le retouchent ensuite et le vont porter hors du royaume : c'est de toutes les opérations celle qui a le plus profité aux agioteurs.
Il est extraordinaire que dans le moment où tous les esprits sentent la nécessité de nous débarrasser de nos dettes envers l'étranger, on vous propose de le3 augmenter en allant acnetèr de l'argent chez lui, tandis qu'il est bien connu que la balance du commerce est d'avoir des versements à faire chez l'étranger, ou bien que l'étranger ait
à en faire chez nous. D'ailleurs, il faudra payer d'une manière quelconque les matières que vous achèterez chez l'étranger, et cette manière là est précisément ce qui fait que vous êtes déjà le débiteur. Ce moyen est l'agiotage ruineux dont nous sommes victimes.
Un membre : L'argent ne peut rentrer que quand la balancé du commerce sera rétablie. Elle ne peut être rétablie que quand nous fournirons à l'étranger des marchandises ; il faut même que nous leur en fournissions plus qu'autrefois. Or, le prix du numéraire tnous met hors d'état de leur en fournir. Les manufactures sont en très grande activité] cependant : et moi qui suis manufacturier, j'ai fait des sacrifices pour procurer du numéraire aux ouvriers. Cependant par les derniers bordereaux que j'ai reçus, il est clair que je ne perds rien au moyen des bons que j'ai employés et qui m'ont très utilement servi. Je- prêche, moi, d'exemple ; je dois convertir.
Le moyen de M. l'abbé Maury est illusoire. Il est un fait, c'est que les piastres se vendent plus cher à Londres, à Amsterdam qu'à Paris. Or, si les matières d'or et d'argent se vendent plus cher qu'à Paris, comment voulez-vous que les banquiers courent après l'or et l'argent, chez l'étranger, pour le rapporter ici?
D'après les sages observations de M. Camus, voici un projet de décret sur les flaons qui se trouvent maintenant dans les divers hôtels des monnaies :
« Sur le compte rendu qu'il existe dans divers hôtels des monnaies des flaons tout fabriqués à l'ancienne taille, et voulant hâter la fabrication des monnaies de cuivre, l'Assemblée décrète ce qui suit :
« Le roi sera prié de donner des ordres pour faire monnayer immédiatement avec les anciens coins, les flaons existant dans les divers hôtels des monnaies ou manufactures du royaume. *
Je demande que l'état, que la quantité soient constatés.
Oui, mais que l'on commence par fabriquer.
Il n'y a qu'à ajouter une disposition portant que l'administration rendra compte du nombre des pièces fabriquées avec les flaons existants. (Marques d'assentiment.)
(La discussion est fermée.)
Le projet de décret présenté par M. Belzais-Courménil et amendé par M. de Virieu est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu, qu'il existe dans divers hôtels des monnaies et manufactures du royaume, des flaons tout fabriqués à la taille anciennement en usage, qui pourraient être employés, jusqu'à ce que ceux qui ont été décrétés le 6 de ce mois, soient préparés; et voulant hâter la fabrication des monnaies de cuivre,
« Décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour faire monnayer immédiatement, avec les anciens coins, les flaons existant actuellement dans les divers hôtels des monnaies et manufactures du royaume.
« L'administration des monnaies rendra compte à l'Assemblée nationale du nombre des pièces qui seront fabriquées en conséquence du présent décret. »
(Ce décret est adopté.)
lève la séance à dix heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, au nom du comité de commerce et d'agriculture, présente un projet de décret relatif à Varrosement des vallées d'Arc, Marignane et Marseille.
Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité d'agriculture et de commerce, a approuvé le projet d'arrosement des vallées d'Arc, Marignane et Marseille, proposé par les sieurs Fabre frères ; les autorise à faire cet ouvrage à leurs frais, sous l'inspection des directoires des districts sur lesquels ce canal passera, et la direction de celui du département des Bou-ches-du-Rbône, et aux conditions suivantes, portées par l'arrêté du 6 avril dernier, lesquelles consistent:
« 1° A intercepter les eaux delà rivière d'Arc, par le moyen de deux étangs à construire, l'un à Laugesse, dans le terroir de Meyrueil, et l'autre à la hauteur de Yentabrens ;
« 2° A dériver les eaux qui seront interceptées par ces deux étangs, pour les conduire partout où le niveau pourra les porter, tant du côté d'Aix, Aiguillé^ la Farre et Lançon, que du côté de Trebillane, les Pennes, Allauch et Marseille, et à les employer à l'arrosement des terres, aux machines, fabr iques et manufactures et à tous les objets d'utilité, soit publique, soit particulière;
« 3° A prendre à cet effet les terrains nécessaires pour l'emplacement des étangs, canaux, douves et chaussées, contre-fossés, bermes destinés à recevoir les déblais et recurages, fossés de dérivation, machines, fabriques et manufactures, et généralement tous les ouvrages à construire et leurs dépendances.
« 4° A prendre, partout où il s'en trouvera, les matériaux nécessaires à la construction de tous les ouvrages dépendant de ce projet, à la charge, par eux, ae payera dire d'experts, à ce connaissant et convenus, et à défaut, nommés par l'administration, tant lesdits terrains et matériaux, que tous les dommages quelconques qu'ils pourront causer pour l'exécution desdits objets ; sauf au directoire du département à terminer les difficultés, s'il en survient, pour raison des acquisitions et des dommages résultant de ladite exécution, et sous la clause expresse que lesdits sieurs Fabre ne pourront se mettre en possession d'aucune propriété, qu'après le payement réel et effectif, ou la consignation de la somme ordonnée par le directoire du département. »
(Ce décret est adopté.)
L'Assemblée renvoie : 1° Au comité militaire, une pétition du directoire
du département de la Somme et charge ce comité de présenter inces-
2° Au comité de judicature, une motion tendant à ce que les receveurs particuliers ou de district qui, aux termes des précédents décrets, étaient chargés de payer les gages attachés aux offices supprimés, soient tenus de le faire à chaque titulaire, sur la représentation du décret de liquidation desdits offices.
, au nom du comité de Constitution, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer, au nom de votre comité de Constitution, un projet de décret relatif à l'établissement d'un tribunal de commerce dans la ville de Lyon. Le voici :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constiution sur l'arrêté du directoire du département de Rhône-et-Loire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il y aura dans la ville de Lyon un tribunal de commerce, dont le territoire comprendra ce qui forme le district de cette ville ; ce tribunal sera composé de 5 juges, y compris le président, et de 4 suppléants. -> (Adopté.)
Art. 2,
« L'élection des juges et des suppléants se fera au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, par des électeurs nommés à cet effet dans les assemblées des citoyens actifs, négociants, banquiers, marchands et manufacturiers de chacune des 12 sections formées dans le district pour l'élection des juges de paix. » (Adopté.)
Art. 3.
« Chacune de ces assemblées se tiendra au lieu ordinaire de l'assemblée des sections ou à tel autre qui sera indiqué par le procureur-syndic du district; elle sera ouverte par un commissaire que nommera la municipalité, sur l'avis des juges de commerce en exercice ; et, après l'élec^ tion d'un président, d'un secrétaire et de 3 scrutateurs dans la forme décrétée à l'égard des assemblées primaires, il sera procédé à la nomk nation d'un électeur par 25 citoyens présents, ayant le droit de voter; toute fraction au-dessus de 25 donnera lieu à la nomination d'un électeur de plus. » (Adopté.) ^
« Art. 4. Nul ne pourra y être admis, s'il ne justifie: 1° qu'il est citoyen actif; 2° qu'il habite la section y 3° qu'il exerce au moins depuis un an dans la ville de Lyon la profession de négociant, banquier, marchand ou manufacturier. »
M. le rapporteur a sûrement oublié d'ajouter : et qu'il ait payé sa patente et sa contribution personnelle. Je demande cette addition.
, rapporteur. J'adopte et je rédige ainsi l'article :
Art. 4.
« Nul ne pourra y être admis s'il ne justifie : 1° qu'il est citoyen actif; 2° qu'il habite la sec-
tion ; 3° qu'il exerce au moins depuis un an dans la ville de Lyon la profession de négociant, banquier, marchand ou manufacturier; 4° s'il ne justifie de sa patente et de la quittance de sa contribution personnelle. » (Adopté.)
Art. 5.
« Chaque assemblée sera juge de la validité des titres de ceux qui demanderont à prendre part à la nomination des électeurs, sauf, en cas de contestation, à se pourvoir au directoire du district, et par appel, au directoire du département, conformément à l'article 1er de la seconde section de la loi du 27 mars 1791. » (Adopté.)
Art. 6.
« On choisira les électeurs en un seul scrutin de liste simple, et à la pluralité absolue des suffrages ; mais au troisième tour, la pluralité relative sera suffisante. » (Adopté.)
Art. 7.
« Dans les 12 sections formant le district de Lyon, les assemblées] des négociants, banquiers, marchands et manufacturiers seront convoquées 8 jours d'avance, pour le même jour et à la même heure, par le procureur-syndic du district, lequel se concertera sur cet objet, avec la municipalité, pour l'exécution de l'article 3. » (Adopté.)
Art. 8.
« Le district déterminera le lieu où se rassembleront les électeurs pour procéder à la nomination des juges de commerce et de leurs suppléants. La municipalité y enverra des commissaires pour la vérification des pouvoirs des électeurs; et en cas de contestation, on se pourvoira conformément à la loi du 27 mars 1791. (Adopté.)
Art. 9.
« Les élections qui suivront la première, auront lieu dans le courant du mois de juin, de manière que les juges qui seront élus à cette époque puissent entrer en exercice à la première audience du mois de juillet. » (Adopté.)
Art. 10.
« Les juges actuels resteront en exercice jusqu'à l'installation des nouveaux : seront au surplus exécutés tous les autres articles du titre 4 de la loi du 24 août 1790 de l'organisation judiciaire, auxquels il n'est pas dérogé par le présent décret. (Adopté.)
, au nom du coniité de Constitution, fait un rapport sur le refus par les électeurs de prêter le serment civique prescrit par la loi, et dit :
Messieurs, vous avez renvoyé au comité de Constitution le procès-verbal de l'élection de l'évêque du*département de la Lozère, pour la partie relative au refus de plusieurs électeurs de prêter le serment civique prescrit par la loi, lorsqu'il s'est agi de procéder à cette opération.
L'assemblée des électeurs vous a déféré cette violation et vous a priés de prononcer.
-S'il est constant aux yeux de tout homme qui réfléchit qu'un des premiers moyens de ramener l'ordre dans l'Empire est surtout celui d'une entière soumission à la loi, nous en avons conclu que l'Assemblée nationale ne pouvait, ni ne devait demeurer indifférente sur la dénonciation d'un incivisme dont l'exemple et l'impunité seraient infiniment dangereux. D'une part, ils favo-
riseraient les efforts de ceux qui sans cesse agissent sur les hommes faibles, pour les entraîner à la révolte contre la loi ; et de l'autre, ils décourageraient évidemment cette portion précieuse de citoyens qui, fidèles à son exécution, bravent tous les dangers qui les entourent pour se prononcer en faveur de la Constitution et de la soumission à l'autorité. Quel serait donc désormais le royaume où des fonctionnaires publics pourraient avec impudence se jouer du plus saint des devoirs, et où ceux qui l'auraient respecté seraient en butte aux animadversions, aux affectations du mépris, et à toutes les injures que des rebelles savent inventer et propager pour soutenir leurs coupables infractions 1 Je vois au milieu de cet affligeant spectable toutes les autorités compromises, avilies; je ne trouve plus de liens entre les hommes, je ne vois plus que le désordre et la désorganisation entière de l'Etat.
Ce sont ces motifs qui ont déterminé le projet de loi suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, déclare que le refus par les électeurs de prêter le serment civique avant de procéder aux élections prescrites par la loi, emporte, pour les électeurs qui auraient refusé ledit serment, la déchéance des fonctions publiques d'administrateurs, de juges, officiers municipaux, électeurs et autres.
En conséquence décrête : que les électeurs du département de la Lozère, qui ont refusé le serment civique lors de l'élection de l'évêque dudit département, et qui ont fait signifier à l'assemblée électorale l'acle du 21 mars 1791, seront déchus de leur qualité d'électeurs, et que ceux d'entre eux qui remplissent une fonction publique de juge de district, déjugé de paix, d'administrateur ou de membre des directoires du département et des districts, ainsi que d'officiers municipaux, sont pareillement déchus desdites fonctions et ne pourront les exercer, à peine d'être poursuivis par les accusateurs publics auprès des tribunaux ; qu'en conséquence, il sera procédé par les ordres du directoire du départementaux nouvelles élections à faire, tant de maires et officiers municipaux, que des juges de paix déclarés déchus, et que le remplacement des membres des directoires et des juges de district, qui sont dans le même cas, sera fait par les suppléants et membres des conseils, aux termes des décrets. »
Je Crois qu'il faudrait ajouter qu'ils ne pourront pas assister aux nouvelles élections.
Il faut rendre le décret non pas pour le département de la Lozère, mais pour tout le royaume.
Je propose par amendement de mettre à la place des mots : «et autres» ceux-ci : et en général de toutes fonctions établies par les lors constitutionnelles.
(L'amendement de M. Ramel-Nogaret est adopté.)
En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, déclare que le refus par les électéurs, de prêter le serment civique avant de procéder aux élections prescrites par la loi, emporte pour les électeurs qui auraient refusé ledit serment, la déchéance des fonctions publiques d'administrateurs, de juges, officiers
municipaux, électeurs, et en général de toutes fonctions établies paries lois constitutionnelles. En conséquence, décrète :
a Que les électeurs du département de la Lozère, qui ont refusé le serment civique lors de l'élection de l'évêque dudit département, et qui ont fait signifier a l'assemblée électorale l'acte du 21 mars 1791, seront déchus de leur qualité d'électeurs, et que ceux d'entre eux qui remplissent une fonction publique de juge de district, de juge de paix, d'administrateur ou de membre des directoires du département et des districts, ainsi que d'officiers municipaux, sont pareillement déchus desdites fonctions, et ne pourront les exercer, à peine d'être poursuivis par les accusateurs publics auprès des tribunaux ; qu'en conséquence, il sera procédé, par le3 ordres du directoire du département, aux nouvelles élections à faire, tant de maires et officiers municipaux, que des juges de paix déclarés déchus, et que le remplacement des membres des directoires et des juges de district qui sont dans le même cas, sera fait parles suppléants et membres des conseils, aux termes des décrets.» ,
(Ce décret est adopté.)
Je profite dè l'occasion qui m'e3t fournie pour faire une déclaration à l'Assemblée.
Des ennemis de la chose publique répandent le bruit, et font insérer dans les journaux, que les habitants du département de la Lozère s'opposent à l'exécution des lois, et doivent se réunir et camper dans les plaines de Montbel, à l'instar du dernier rassemblement de Jalès. Je certifie à l'Assemblée nationale, comme jè l'ai fait plusieurs fois, que tous les habitants de ce département sont et seront toujours les premiers a exécuter les lois bienfaisantes des représentants de la nation, et que le fanatisme et la rébellion excités, dans ce département, par quelques individus, dont il: faut plaindre l'erreur, ne trouveront ni moyens, ni partisans.
(de Nemours), au nom des comités de Constitution, des colonies, de commerce et de marine. Messieurs, vous avez chargé vos comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine de rédiger un projet d'instruction pour les colonies, relativement aux décrets des 12 et 15 mai courant.
En voici un que j'ai rédigé moi-même et que je vous demande la permission de vous lire : (Oui! oui!)
« L'Assemblée nationale, occupée de tous les moyens d'assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de la Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d'affection qui dépendent d'elle, et d'unir d'intérêt avec eux tous les hommes dont les forces et l'attachement peuvent concourir au maintien de l'ordre, s'est fait représenter ce qui avait déjà été décrété à leur sujet.
« Elle a reconnu que les hommes chargés du travail de la culture dans les colonies sont, par leur défaut de lumières et par leur expatriation, dans un état de minorité prolongée qui paraît exiger que la protection de la loi soit, modifiée vis-à-vis d'eux, comme avec les enfants, par l'autorité immédiate du gouvernement de famille, €t qui semble nécessiter d'admettre dansla Constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux.
« Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que parle vœu des colonies elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d'opposer une entière loyauté aux insinuations perfides qu'elle n'ignore pas qu'on cherche à répandre dans les colonies, et d'expliquer nettement ses intentions sur la faveur de Yinitiative qu'elle a cru devoir accorder aux diverses assemblées coloniales, par son décret du 28 mars, relativement aux lois à faire sur l'état des personnes.
« Le point fondamental et le seul véritablement important, celui par rapport auquel les gens mal intentionnés voulaient inspirer de l'inquiétude aux colonies, était la conservation des moyens que les propriétaires ont de les mettre en valeur. — L'Assemblée nationale a déclaré qu'elle ne prononcerait sur l'état des personnes non libres que d'après les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales.
« C'est ce qu'avaient souhaité les colonies ; c'est à cet égard que l'initiative leur avait été donnée. L'Assemblée nationale a cru devoir la leur confirmer avec les expressions les plus claires et sans aucune équivoque.
« Une autre question s'est élevée sur la manière dont l'initiative coloniale serait exercée, et sûr les personnes qui auraient le droit d'y concourir par elles-mêmes ou par leurs représentants qui doivent former les assemblées coloniales. La raison, le bon sens, le texte positif des lois disaient que les colonies sont composées de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l'élection des assemblées qui feront usage pour eux de leur droit d'initiative. Sous l'ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l'édit de 1685 avait donné aux hommes libres de couleur tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Il aurait fallu une loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s'il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée par le décret du .28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droits de citoyen actif, d'après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France, dit formellement et sans exception, article 4, que toute personne libre, propriétaire ou domiciliée depuis deux ans, et contribuable, jouira du droit de suffrage qui constitue la qualité de citoyen actif. »
« Mais les députés des colonies ont exposé que leurs commettants croyaient utile, et qu'ils désiraient vivement de conserver une gradation marquée dans le passage de l'émancipation des cultivateurs qui deviennent libres à cette espèce de majorité politique, où réside le droit complet de cité, et d'instituer dans cette vue une classe intermédiaire entre les personnes non libres et les citoyens actifs; classe qui, jouissant des droits civils, ne vît encore les droits politiques que comme une expectative honorable et avantageuse assurée à ses descendants.
« Cette opinion a été fortement combattue, L'Assemblée nationale pouvait la repousser. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres. Elle a préféré de traiter les colons fondateurs et pro-priétàires de l'Amérique française, comme une mère tendre, qui, non seulement veut le bien de ses enfants, mais qui se plaît encore à le faire selon leur désir. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs.
Elle y a compris les affranchis, et même les personnes libres nées d'un père qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l'initiative concédée par la métropole aux colonies. Elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu'elle leur avait déjà conféré relativement aux personnes non libres; ce droit précieux d'être l'origine d'un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du Corps constituant.
« En attachant les autres hommes libres aux colons de race européenne, par un intérêt commun, en reconnaissant chez eux, comme elle l'avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister et aux troubles intérieurs et aux attaques de l'ennemi.
« Elle s'applaudissait d'un ouvrage dans lequel la politique, la condescendance, la raison et l'équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu'elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concessions précédemment faites aux assemblées coloniales l'extension nouvelle donnée à ces mêmes concessions.
« Sans doute, ces députés ne tarderont pas à revenir d'une erreur si contraire aux intentions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant.
« Sans doute, ils regretteront de l'avoir manifestée, en déclarant qu'ils s'abstiendraient des séances où leur devoir les appelle.
« L'Assemblée nationale les plaint d'une conduite qu'elle pourrait traiter plus sévèrement ; et dans l'affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher, par la présente instruction, que l'erreur de leurs députés n'y devienne contagieuse. Au-dessus du soupçon et de l'imputation d'avoir manqué à ses engagements, au moment même où elle les excède par égard pour les habitudes des citoyens blancs des colonies, il lui paraît suffisant de leur recommander de comparer et de peser ses décrets. Ils y trouveront son amour pour eux et ses soins pour les intérêts ; elle ne veut point d'autre préservatif contre tous les efforts que l'on pourrait faire pour égarer leur opinion; elle se fie à leur raison et au patriotisme dont ils ont, dans tous les temps, donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien au monde ne pourrait les détourner de l'obéissance qu'ils doivent aux décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi et soutenus de toute la puissance nationale; mais cette obéissance, mais la reconnaissance des colons libres de toute couleur, et surtout de ceux qui tiennent de plus près à la mère-patrie, de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur intérêt respectif et sur le sentiment inviolable d'attachement et de zèle que mérite, qu'inspire la Constitution, et qu'on ne pourra jamais altérer dans le cœur des bons citoyens. Toute passion chez eux cède à l'amour de la patrie, et toute insinuation 4jui tendrait à l'affaiblissement de ce lien sacré, sera repouesée f ar eux avec horreur
« L'Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de lui proposer sans délai les lois les plus propres à concilier tous les intérêts commerciaux des colonies et de la métropole, et à porter la culture et les richesses des îles françaises au plus haut degré dont elles soient susceptibles ».
Je demanderai à M. le rapporteur une explication, sur la définition qu'il donne dans le second alinéa, des hommes livrés au travail de la culture dans les colonies.
(de Nemours), rapporteur. C'est pour justifier sous un certain rapport l'article par lequel on vous acuse d'avoir décrété consti-tutionnellement l'esclavage. Je dis que ces hommes, par leur ignorance, par l'infériorité de leurs moyens, par leur expatriation, ne font pas, pour ainsi dire, partie de la société, mais qu'ils lont partie de la famille, qu'ils existent sous la protection d'un gouvernement dotnestique. C'est ainsi que chez les Romains on appelait pater familias, l'homme qui avait des esclaves, quoiqu'il n'eût pas d'enfants. Il faut regarder ces esclaves comme des enfants mineurs; vous les avez donc confiés au gouvernement domestique de la famille, en disant qu'il ne serait rien statué à leur égard que sur le vœu des assemblées coloniales. C'est un membre très instruit de cette1 Assemblée qui m'a donné l'idée de définir ainsi la nature de cette espèce d'esclavage que vous ne devez considérer que comme une minorité dont l'émancipation est soumise au gouvernement de famille.
Je demande qu'au lieu de dire : Les cultivateurs, ou les hommes chargés de la culture dans les colonies, on dise : Ceux dont les bras sont employés à la culture. Je demande ensuite que vous n'entrevoyiez pas dans l'initiative que vous avez donnée aux colonies, une époque à laquelle les nègres deviendront libres. (Murmures.)
(de Nemours), rapporteur. II n'est pas impossible que les assemblées coloniales s'occupent de ce grand objet. Vous connaissez la loi bienfaisante qui a été faite pour les colonies espagnoles, par M. le comte de Florida-BIanca. Par cette loi, les nègres ont le dimanche libre, et peuvent ce jour-là travailler pour eux. Lorsqu'ils parviennent, par le fruit de ce travail, à acquérir 300 livres, c'est-à-dire le sixième de ce qu'ils ont coûté à leurs maîtres, ils achètent le lundi, puis le mardi ; et en 15 ou 20 an3 de travail, ils parviennent à acheter leur liberté, en même temps qu'ils acquièrent l'amour de l'ordre et du travail, et l'habitude des bonnes mœurs. C'est le ministre d'Espagne qui a fait ce présent à l'humanité. Vous né devez pas désespérer qUe ies assemblées coloniales ne fassent un si bel usage de leur initiative.
Il est bien étonnant que l'horreur de la liberté se manifeste dans cette Assemblée, comme l'on voit les hydrophobes malheureusement atteints de l'horreur de l'eau.
Je demande à M. le rapporteur si lé projet d'instruction a été délibéré par les quatre comités chargés des affaires coloniales.
(de Nemours), rappoteur. J'ai prévenu l'Assemblée que j'avais moi seul rédigé ce projet. Les comités ont été convoqués plusieurs fois; mais ils ne se sont jamais trouvés en nombre suffisant pour délibérer. Les membres, qui étaient présents, m'ont chargé de vous le présenter tel que je lavais rédigé. (Aux voix! aux voix!)
Que ceux qui veulent adopter l'instruction se lèvent.
(La majorité se lève ; il s'élève des réclamations.)
Quoi! après avoir décrété que quatre comités feraient l'instruction, vous vous en rapporteriez à M. Dupont 1
Certainement, il n'est personne qui ne désire de ramener la paix dans les colonies, et qui n'approuve les principes de l'instruction qui vient d'être lue; mais il n'est personne qui ne sente aussi que dans une affaire d'un si grand intérêt, une trop grande précipitation pourrait être funeste. Ce n'est pas sur une simple lecture qu'on peut juger d'une instruction, qui peut être regardée comme un code de législation, et de laquelle dépend peut-être le sort de ces belles contrées.
Je demande que ce projet soit livré à l'impression sur-le-champ, pour être mis en délibération demain.
Un membre : Il y a eu hier à Paris une assemblée des colons blancs. Rien n'est plus pressant que d'envoyer dans les colonies des instructions qui puissent les prémunir contre les efforts de la malveillance; caria situation des gens de couleur n'est pas en sûreté.
(de Nemours), rapporteur. Je demande à observer...
Vous avez fait trop de fautes dans votre vie, pour nous en faire faire encore une.
rappelle M. Nairac à l'ordre.
(de Nemours), rapporteur. Quoique les moments soient bien précieux, comme il faut que le ministre prenne des mesures pour l'envoi de ces instructions, il n'y a aucun inconvénient à ce que je fasse imprimer mon projet, pour que vous le décrétiez demain, et à ce que cependant le roi soit prié de donner les ordres les plus prompts pour le départ d'un aviso...
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du projet d'instruction des comités et l'ajournement de la délibération à demain; elle charge en outre son Président de se retirer par devers le roi, à l'effet de le prier de donner des ordres nécessaires pour l'expédition la plus prompte d'un aviso, qui porterait aux colpniés le dernier décret rendu sur l'état des personnes, et l'instruction qui y sera annexée.)
L'ordre du jour est la suite delà discussion du projet de décret du comité de Constitution sur l'organisation du Corps. législatif (1), .
, rapporteur. Nous nous sommes arrêtés hier, Messieurs, à l'article 41 ; voici cet article :
« Le Corps législatif pourra se former en comité général, pour l'examen de quelques affaires, lorsqu'il aura-jugé cette disposition nécessaire : alors tous les assistants seront tenus de se retirer; mais, après l'examen fait en comité, la discussion aura lieu et le décret ne pourra être rendu que dans la séance publique. »
Le fond de cet article me paraît bon ; mais il faut que la Constitution définisse bien exactement ce droit donné au Corps législatif de se former en comité général. Pour que cette disposition constitutionnelle soit vraiment utile, il faut qu'elle soit facile; et, pour cela, je ferai un amendement : c'est qu'un seul membre ait le droit de demander la formation de l'Assemblée en comité général et exiger qu'on la mette en délibération par assis et levé, et que, s'il y a du doute dans la délibération, ce doute soit interprété en faveur de la formation en comité.
Il ne faut pas s'en rapporter à cette épreuve par assis et levé. Il est évident que si la minorité ne pouvait obtenir un comité général, il n'y en aurait jamais; car les membres de la majorité, étant d'avis du projet de loi en discussion, aimeraient mieux le décréter sur-le-champ que de courir les risques d'une discussion particulière dont ils pourraient craindre les résultats. Cependant la formation én comité peut être très utile : des hommes qui ne parlent point à la tribune, peuvent souvent ouvrir de très bons avis dans une conversation particulière.
Je demande donc qu'on fixe le nombre de membres nécessaires pour exiger la formation, mesure qui ne peut jamais être nuisible. Si, par exemple, 50 ou 60 membres demandaient ce comité, la majorité ne doit pas pouvoir s'y refuser; autrement, l'avis qu'on vous propose serait illusoire.
Je crois que 55 membres suffiraient.
, rapporteur. Si le Corps législatif n'était destiné qu'a faire des lois pour le régime intérieur, le comité ne vous aurait pas même proposé sa formation possible en comité général ; car, en matière de législation intérieure, il ne saurait exister une trop grande publicité. Mais le Corps législatif est encore chargé des plus hautes fonctions du gouvernement., de tous les intérêts extérieurs. Il est possible qu'il se trouve dans des circonstances délicates, que le ministre lui fasse une communication importante, en annonçant même qu'elle est de nature à être prise eh comité général; il est possible qu'un membre ait des instructions personnelles à communiquer : dans tous ces cas, le Corps législatif sentira parfaitement la nécessité de se former en comité, soit pour ne pas divulguer un secret important, soit pour asseoir ses premières idées avant la délibération.
Je ne crois donc pas qu'il faille assujettir le Corps législatif à des formes trop détaillées. Je pense-qu il faut en laisser l'application à la prudence du Corps législatif qui l'ordonnera, suivant que la position des affaires en rendra l'intérêt pressant : c'est sous ce rapport que nous avons proposé l'article. Cependant il n'y aurait pas un grand inconvénient à décréter qu'un nombre déterminé de membres pourra exiger la formation en comité.
Je pense que le tiers des voix doit suffire pour que l'Assemblée se forme eu comité général ; je pense également que, pour le bien delà nationales décrets doivent être rendus dans le comité général et non sous les yeux du public, et je délie qui que ce soit de me contre-
dire sur ce point. (Murmures.)... Je voudrais que ceux qui ne sont pas de cet avis osassent se lever et me donner un démenti.
Plusieurs membres à gauche se lèvent et demandent à répondre.
Je me lève et je donne le démenti.
Puisqu'on se lève pour me contredire, je vais m'expliquer et motiver mon avis. Je vous cite un exemple pour l'avenir.
Je suppose que le ministre vous dénonce, une conspiration formée dans un coin du royaume contre le salut de l'Etat; que vous soyez dans le cas de décréter l'arrestation de plusieurs personnes : vous formez le Corps législatif en comité général. Après l'examen secret, l'affaire est portée a la discussion et vous êtes obligés de rendre votre décret en public. Je vous demande si vous pouvez le faire exécuter contre des accusés qui en sont instruits aussitôt.
Il faut donc laisser au Corps législatif le droit de discuter dans un comité comme on discute dans l'Assemblée nationale et d'y arrêter définitivement, dans certains cas, ses résolutions.
En conséquence, je demande la question préalable sur la dernière partie de l'article.
J'appuie la motion de M. Martineau.
Et moi aussi, Monsieur le Président; voici pourquoi. Je -suppose un cas qui n'arrivera peut-être jamais : je suppose que dans la ville où sera la législature il se forme des troubles inquiétants et alarmants, en sorte qu'il soit du devoir du Corps législatif de se transporter ailleurs, qui de vous, Messieurs, ne sent combien il serait indispensable que l'Assemblée soit tenue secrète.
Par ce motif, j'appuie l'amendement proposé par M. Martineau. (La question préalable ! la question préalable sur l'amendement!)
Je mets aux voix la question préalable demandée sur l'amendement de M. Martineau.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Je demande qu'on recommence l'épreuve.
L'amendement que l'on propose est en contradiction avec l'article que vous avez décrété hier. M. Martineau vient d'en convenir lui-même et il retire son amendement. Dans l'article qui précède, vous dites en effet que la délibération del'Assemblée nationale sera toujours faite en public.
Je retire mon amendement.
Un membre propose, par amendement, que le Corps législatif, après avoir arrêté ses résolutions en comité ne soit tenu, lorsqu'il sera reformé en Assemblée générale et publique, que de faire lecture de son arrêté et de ses motifs.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.)
Je propose une nouvelle
rédaction qui comprend d'abord l'amendement portant que 50 membres pourront exiger la formation en comité général et .qui, d'autre part, a un avantage sur la rédaction du comité ; c'est qu'il ne faut pas que ce soit le président qui tienne l'Assemblée quand elle sera en comité général, parce qu'il faut qu'elle n'ait en aucune manière les formes de l'Assemblée publique. Vous avez décrété qu'il y aurait un vice-président; eh bien! que ce soit le vice-président qui tienne l'Assemblée.
Voici ma rédaction :
Art. 41.
« Dans toutes les occasions, l'Assemblée pourra se former en comité général ; 50 membres pourront exiger qu'elle se forme en comité général: lorsque l'Assemblée sera ainsi formée, elle sera tenue par le vice-président, qui n'occupera pas la place du président, et les assistants se retireront. Les matières étant éclaireies, nul décret ne sera porté que le président n'ait repris son fauteuil, et que les portes n'aient été rouvertes.
, rapporteur. Je ne m'oppose pas à cette rédaction là.
Au lieu du vice-président, je demande que l'on mette : le doyen d'âge-, il ne faut ni président, ni vice-président. (Non ! non !)
(L'Assemblée, consultée, adopte l'article 41 dans la rédaction proposée par M. Le Chapelier).
, rapporteur. Voici l'article 42 :
Art. 42.
« Les procès-verbaux de chaque séance seront rendus publics par la voie de l'impression. » (Adopté.)
, rapporteur. L'article 43 ayant été décrété précédemment, nous passons à l'article 44 ; le voici :
Art. 44.
« Les représentants de la nation sont inviolables depuis le moment de leur élection proclamée, jusqu'à Féxpiration de la législature dont ils ont été membres, et en outre pendant le temps nécessaire pour leur retour. » (Adopté.)
Un membre demande la parole sur ce dernier article et observe qu'il serait peut-être à craindre qu'au lieu d'étendre l'inviolabilité perpétuelle dopt doivent jouir les membres du Corps législatif à raison ae leurs opinions manifestées pendant la durée de leurs fonctions, les dispositions qu'il contient n'eussent au contraire pour effet ae les restreindre.
, rapporteur, rétablit sous son vrai point de vue le sens de l'article et développe sa connexité avec l'article suivant.
(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle passe immédiatement à la discussion de l'article suivant.)
Art. 45.
« Aucun représentant de la nation De pourra être poursuivi devant les tribunaux,ni recherché en aucune manière ni en aucun temps, pour raison de ses opinions, ni pour tout ce qu'il aura dit, écrit ou fait dans l'exercice de ses fonctions de représentant. Il n'en est comptable qu'au Gorps législatif. » (Adopté.)
Art. 46.
« Les représentants pourront, pour fait de crime commis hors leurs fonctions, être saisis, soit en flagrant délit, soit en vertu d'un mandat d'arrêt; mais la poursuite ne pourra être continuée qu'après que le Corps législatif aura déclaré qu'il y a lieu à accusation. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 47 ainsi conçu :
« En matière civile toute contrainte légale pourra être exécutée contre la personne d'un représentant ou sur se3 biens, comme contre les autres citoyens. »
Je pense que ces poursuites doivent être faites contre les biens d'un représentant comme contre ceux de tout particulier; mais je ne suis pas de cet avis pour les poursuites relatives aux personnes.
Je demande donc que cet article soit décrété seulement en ce qui concerne les biens des députés et que la partie relative aux personnes soit rejetée.
Je pense que cela, comme beaucoup d'autres choses semblables, n'a été décrété que pour nous et que l'intérêt national exige aujourd'hui d'autres mesures. Je me joins donc à M. de La Rochefoucauld.
Vous avez déjà préjugé la question, en décidant que les membres du Corps législatif ne pourront être poursuivis en matière criminelle, qu'en vertu d'un décret du Corps législatif; car en matière criminelle s'ils ne peuvent être décrétés de prise de corps sans l'intervention du Corps législatif, à plus forte raisoq cette intervention est-elle nécessaire lorsqu'il ne s'agit que d'une action civile : ce qui devient plus frappant par les abus qui résulteraient du système contraire. L'endossement d'une fausse lettre de change suffirait pour éloigner un représentant de la nation de ses fonctions; il serait à chaque instant exposé à perdre son indépendance par un procès injuste qui lui serait intenté à dessein. Remarquez l'influence funeste qu'exercerait le pouvoir judiciaire sur le Corps législatif.
Je demande donc, avec M. de La Rochefoucauld, que la contrainte par corps ne puisse avoir lieu en matière civile contre la personne d'un représentant de la nation.
J'ajouterais que le créancier qui aura un titre sur la personne doit être autorisé à en faire la notification au procureur général de département, lequel sera tenu d'en donner connaissance à l'assemblée électorale, afin que le sujet ne puisse être réélu.
Ce que l'on vous propose est une manière indirecte de faire renaître les arrêts de surséance. Point de distinction entre un représentant et un citoyen ; le grand avantage de a loi sous le régime de la liberté et de l'égalité, c'est que tous les hommes soient égaux.
Je combats l'opinion de ceux qui voudraient exempter de la contrainte légale les représentants de la nation durant la durée de la législature. L'intérêt de la société exige que chacun paie ses dettes. Si le système que l'on nous propose était adopté, vous accorderiez des lettres de répit pendant deux
années, et même pendant quatre années, dans le cas de la réélection, aux débiteurs qui seraient membres des législatures, ce qui pourrait entraîner les conséquences les plus dangereuses. Il est bon de se rappeler cette réponse d'Henri IV, à qui un débiteur demandait des lettres de répit : « Je paye mes dettes ; j'entends que mes sujets payent les leurs. »
Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. de La Rochefoucauld et l'adoption de l'article tel qu'il est proposé- par le comité.
Il faut envisager dans cette question l'intérêt public, et non pas i'intérêt particulier du représentant. Or, l'utilité de la représentation nationale consiste dans la liberté des représentan ts ; l'intérêt national exige qu'ils soient dans une indépendance morale, et que par de mauvaises chicanes, par des procès injustes, leurs ennemis ou les ennemis des opinions qu'ils défendent, ne puissent les éloigner de la législation. Si on consultait les lois romaines que je viens d'entendre citer, on verrait qu'elles suspendaient les actions civiles intentées contre des hommes absents par fonctions publiques, absentes reipu-blicœ causa.
Rien ne serait d'ailleurs plus facile avec la fabrication d'une lettre de change de faire arrêter, au moment où il partira à la tribune, un représentant du peuple qui viendrait pour y développer une opinion contraire à l'intérêt de quelques individus.
Je pense donc qu'aucune poursuite quelconque ne doit être exercée :contre un député qu'après l'expiration de la législature ; c'est un sacrifice qu'impose l'intérêt général.
, rapporteur. C'est l'Assemblée elle-même qui a fourni à son comité les sentiments et les motifs qui ont dicté l'article qu'il vous propose. Vous avez décrété le 7 juillet dernier, dans un cas où il s'agissait d'une contrainte par corps à exercer contre un de vos membres, que toute contrainte civile pourrait être exercée contre lui. L'Assemblée s'est déterminée alors par le profond respect dû à la foi publique. Et véritablement les nations ont aussi leurs devoirs de décence publique, comme les particuliers; et leur Assemblée législative ne doit point être le point de mire vers lequel tendraient tous les gens prêts à faire faillite; elle ne peut pas vouloir que des banqueroutiers restent membres de la législature. Ceux-là ne peuvent faire honneur aux affaires publiques, qui n'en ont pas su faire à leurs affaires particulières. ,
En matière criminelle toute l'accusation peut porter sur un fait incertain ; vous ne faites alors que suspendre instantanément le cours de la justice pour vous instruire du fait, pour prendre une connaissance sommaire des preuves, et vous décrétez s'il y a lieu ou non à accusation. Mais en matière civile, la procédure est simple; le fait de la dette est constaté par les tribunaux. Vous ne voudrez pas, pour l'honneur des membres du Corps législatif, leur donner des arrêts de surséance ou d'évocation; l'avantage de la nation n'est pas qu'on leur donne un brevet d'impunité pour ne pas remplir leurs engagements. (.Applaudissements.)
L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de La Rochefoucauld.)
Je propose, par amendement, que le jugement portant contrainte contre la personne d'un député ne puisse être prononcé qu'avec l'autorisation du Corps législatif, et qu'en conséquence le tribunal qui aura prononcé cette contrainte, soit tenu d'en référer, avant la mise à exécution du jugement, au Corps législatif- (Murmures.)
La motion de M. Pétion n'est autre que celle de M. de La Rochefoucauld sous une autre forme. le demandé la question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer snr l'amendement de M. Pétion de Villeneuve.)
Je propose cet autre amendement : que le créancier pourvu d'une contrainte par corps contre un député ne puisse l'exercer saus avoir prévenu le Corps législatif.
Si l'on adopté cet amendement, je proposerais que l'Assemble e restât débitrice et solidaire.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Prieur.)
, rapporteur. Je crois que l'on peut se dispenser d'exprimer dans l'article l'exécution de la contrainte par corps; car si cette expression n'y est pas, on aura toujours à renouveler la question et à prétendre qu'elle n'est pas suffisamment exprimée.
On pourrait rédiger ainsi :
Art. 47.
« En matière civile, toute contrainte légale, et même la contrainte personnelle, tant qu'elle aura lieu, pourra être poursuivie et exécutée contre la personne d'un représentant ou sur ses biens, comme contre les autres citoyens. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous voici arrivés à une autre section du projet; elle est relative aux précautions à prendre pour prévenir les effets de la précipitation dans les autres Corps législatifs. Nous sentirons tous le grand intérêt de cette partie de l'organisation du Corps législatif et nous devons tous nous rallier sur les règles qui doivent assurer la sagesse et la maturité des délibérations. Il y a une différence immense entre la position d'une Assemblée constituante et celle d'une législature. La première est obligée souvent de saisir les circonstances, de se livrer à des mouvements précipités; la législature est la gardienne des lois constitutionnelles; il faut prémunir la nation contre les innovations auxquelles elle pourrait imprudemment se livrer, et prémunir la législature elle-même contre ses propres mouvements. 11 faut assurer à lar nation Une bonne législation, et aux bonnes lois la confiance publique. Le grand avantage de la maturité dans les délibérations est de détruire toute opposition, toute influence de parti, et de faire profiter chacun des membres des lumières de tous.
Les précautions que nous vous proposons consistent à çe que nul décret ne puisse être porté qu'après avoir été imprimé à l'avance, lu et discuté trois fois; à ce qu'il soit énoncé dans le préambule de chaque décret que ces formalités ont été remplies; à ce que nul acte pour lequel elles n'auraient pas été remplies ne soit
regardé comme décret ni aux yeux du roi qui doit sanctionner, ni aux yeux du ministre qui doit promulguer sous sa responsabilité, ni aux yeux de la nation qui ne pourrait reconnaître dans cet acte irrégulier un acte législatif. Quand le roi sanctionnèrait un pareil décret, le ministre ne pourrait le promulguer sans encourir la responsabilité qui serait exercée par la législature suivante. Nous croyons qu'avec ces précautions vous préserverez la nation du seul danger que peut présenter l'arrêté du Corp3~législatif, celui de l'immaturité dans les délibérations..
(1). Le projet de votre comité; me semble incomplet; celui qup je vais soumettre à votre examen excitera peut-être des murmures, parce qu'on le croira précisément connexe à une opinion directement proscrite par cette Assemblée ; mais cette connexité n'est qu'une chimère, et je supplie tous les amis de la liberté de m'en-tendre avec calme et sans prévention. Ma motion a pour objet de conserver cette même liberté pour laquelle nous avons fait tant de sacrifices. Ce n'est pas dans la bouche d'un homme qui a professé son attachement aux principes les plus rigoureux, qu'on a même quelquefois accusé d'exagération, qu'on peut craindre de retrouver quelque penchant à un système, qui, en établissant un autel à l'aristocratie, y ramènerait bientôt le culte du despotisme.
Je redoute et déteste, avec tous les patriotes, l'établissement de deux Chambres : mais j'aurai aussi le courage de dire à tous les hommes éclairés, que si l'on veut assurer à jamais la liberté, la préserver de la corruption, il faut, dans les questions importantes, diviser le Corps législatif en déux sections. (Il s'élève des murmures^) Cette division, dans le plan que je vais vous offrir, n'a d'autre objet que de donner aux délibérations plus de poids, que de suppléer à la loi toujours inutile des triples lectures, que d'amener tous les membres à s'instruire par une discussion calme et réfléchie, manière a laquelle se borneront les fonctions de chaque section; car on ne délibérera que dans l'assemblée générale. Les sections n'auront aucune espèce de pouvoir de veto, ni de supériorité l'une sur l'autre; elles n'ont donc aucune espèce d'analogie avec les deux Chambres qu'on vous a proposé d'établir, et que vous avez, avec raison, proscrites.
L'une de ces deux Chambres devait être formée d'individus privilégiés, et c'était admettre dans la discussion un germe puissant de division. Dans mon système ces deux fonctions sont tirées de la même classe et du même corps, formées par le sort et changeant perpétuellement.
Vous ne douterez pas de la bonté de ma proposition, quandje vous aurai démontré les avantages qui en découleront et les vices résultant de rétablissement proposé par le comité.
Un peuple ne peut être longtemps libre et heureux là où la législation repose dans une seule Assemblée toujours délibérante, et voici les preuves de cetté proposition.
Une seule Assemblée est sujette à tous les vices, à toutes les fragilités
de la nature humaine. (A a droite : D'accord 1 — A gauche : A l'ordre,
l'orateur 1) Elle peut naturellement se laisser entraîner à des accès
d'humeur, aux élans des grandes passions, à l'enthousiasme, à la
partialité et à la prévention; elle est donc sujette à donner des
résultats qui participent de tous ces défauts. La
Cette raison doit frapper tous ceux qui, Comme moi, sont convaincus de cette vérité : si la malignité a pu quelquofois reprocher quelque abandon de principes, elle est toujours rejetée sur cette même tactique. (Murmures.)
Le projet de M. Buzot a été rejeté à Versailles.
A gauche : Oui ! oui I c'est une abomination !
Les interruptions qu'éprouve M. Buzot prouvent qu'il a raison.
Les injures ne sont pas des raisons.
Quatre sortes d'intérêts pourront diviser un jour celte Assemblée : l'intérêt ministériel, l'intérêt des créanciers de l'Etat, l'intérêt du commerce et l'intérêt de la culture. Or, je dis que l'intérêt qui prédominera dans une seule Assemblée pourra toujours écraser les autres. Divisez cette Assemblée en 2 sections; vous diminuez la force de cet intérêt dominant; vous le divisez ; vous augmentez l'intérêt de ses concurrents et les obstacles à son Succès. Une seule Assemblée est souvent susceptible d'une vaste ambition. Il est à craindre qu'après un certain temps elle n'ait la tentation de se rendre perpétuelle. Ne me citez pas ici votre exemple; vous êtes à l'aurore du patriotisme. Ce n'est pas tout d'un coup que le parlement d'Angleterre est devenu septennaire, et que l'aristocratie s'est établie dans les autres Républiques; profitons ici des fautes des siècles passés.
La marche ordinaire qui agite une seule Assemblée qui ne rencontre pas d'obstacles dans son sein, c'est que la discussion, quand le parti dominant l'exige, est ouverte ou fermée, suivant que son intérêt l'exige lui-même. Le comité me citera les précautions dont il s'est entouré, pour forcer le Corps législatif à plusieurs discussions : on fera, dit-il, 3 lectures du projet. Ce remède est emprunté de l'Angleterre; mais son impuissance y est connue et l'on sait comment cette précaution est déjouée dans le Parlement. On y fait aussi 3 lectures du bill; mais à la vérité, il n'y a jamais qu'une discussion; on réserve le combat pour la troisième lecture, ou bien si le combat £(lieu plutôt, le parti vaincu, abandonne le champ de bataille.
Qu'arrive-t-il en général de l'unité des discussions? La décision est quelquefois précipitée et dictée par les passions du parti dominant; c'est l'expérience de ce qui se passe ailleurs qui doit vous convaincre de la nécessité d'adopter un mode qui prolonge nécessairement cette discussion, puisqu'on ne la prolonge jamais que pour le bénéfice de la nation. Or, les deux sections fournissent ce mode; car elles n'ont d'autre objet que de contraindre les législateurs à discuter plusieurs fois le3 objets soumis à leur examen : en un mot, la passion et l'erreur ont tout à gagner dans la précipitation et tout à perdre lors-
qu'une délibération est précélée d'une discussion même et réfléchie dans deux sections... (A gauche : c'est-l'inverse de la vérité!) par ce moyen, nous serons certains de n'avoir que de bonnes lois.
Ces formes, dit-on, entraîneront des longueurs; de cette manière, on aura peu de lois. — Eh bien! c'est encore là, selon moi, un grand avantage; car il faut bien nous souvenir que les peuples les plus libres sont ceux qui ont Ïq moins de lois. Leur multiplicité, disait Tacite, est le signe infaillible d'un mauvais gouvernement. Si les circonstances actuelles nous ont forcés, parce qu'il était nécessaire de le faire, il ne faut pas que notre exemple soit inconsidérément imité ; il faut être sobre de lois pour qu'elles soient bonnes, et qu'elles soient exécutées. Une seule bonne loi sagement combinée vaut mieux qu'une multitude de lois imparfaites. De la multiplicité des lois, résultent l'ignorance des lois et leur non exécution : le moyen le plus sûr d'assurer à la nation de bonnes lois, et aux bonnes lois la stabilité qui leur est nécessaire, c'est de rendre leur confection lente et difficile; on fait alors moins de lois, mais on les fait bonnes.
Je pourrais citer Montesquieu; mais, sans me jeter dans le vaste champ de l'histoire, jeme contenterai de dire que tous les meilleurs législateurs de l'Amérique ont préféré le moyen de deux Chambres homogènes, c'est-à-dire de la même classe d'hommes et choisies par la même loi. L'état de Pensylvanie est le seul qui ait voulu l'institution d'une seule Chambre : aussi, depuis la Révolution, a-t-il changé son gouvernement; car il a fini par adopter les deux Chambres homogènes. C'est à Franklin qu'il devait cette constitution de son corps législatif en une simple Chambre, constitution qui devait tout simplifier. Ce système est excellent pour des philosophes, mais non pour des hommes qui n'ont pas renoncé aux passions; et les passions seront longtemps encore le caractère de la majorité des hommes. Franklin, lui-même, l'instituteur de celte forme, abjura plus tard son erreur; le système des deux Chambres fut substitué dans le nouveau congrès à l'ancien, où l'on n'avait qu'une Chambre : mais aussi la Constitution n'était pas faite et il eût été très dangereux de se diviser alors.
De même vous avez fait très sagement de ne pas vous diviser. Vous aviez à lutter contre toutes les passions violentes des intérêts opposés, des milliers d'obstacles qui auraient acquis unegrande force de votre division même. Il est d'ailleurs nécessaire à tout corps constituant d'être réuni dans la discussion. Il n'en est pas de même du Gorps législatif : pouvoir, objets, circonstances, tout est différent. Beaucoup d'hommes sont séduits par l'idée que l'unité est un élément de constitution plus simple; or la perfection, selon eux, consiste dans la simplicité du principe. Mais je les prie d'observer qu'il faut distinguer le principe de la pratique. Rien de plus simple que les principes de la mécanique, et rien de plus compliqué que les machines; rien de plus simple que le despotisme, et, selon la remarque de Montesquieu, un gouvernement est d'autant plus ty-rannique, que moins compliqué.
Les éléments de la société sont la sûreté, la propriété, la liberté; mais, pour les maintenir toutes, il faut beaucoup de combinaisons sociales et le mode que je vous propose est peut-être un des moyens les plus efficaces d'y parvenir. L'objet de mon plan n'est pas de trop compliquer en législation, d'opposer contre-poids à contre-poids,
de créer deux Chambres avec un veto respectif l'une sur l'autre, comme en Amérique. Dans mon plan, les membres des deux sections sont nommés par les représentants : par conséquent, point d'aristocratie; ils sont éius au sort et renouvelés au scrutin tous les mois : par conséquent, point de supériorité; point de veto l'une; sur l'autre et point de corruption à craindre. Ces fréquentes mutations l'éloiguent nécessairement et déjouent tous les calculs à cet égard.
Par le moyen des discussions préparatoires qui auront lieu dans les sections, un parti ne pourra jamais emporter d'assaut une délibération. Toutes les questions sont soumises à Ja délibération de l'Assemblée générale et décidées par la majorité après la discussion la'plus ample.
De là résulte qu'il y a donc dans cette forme législative plus de sûrelé pour la propriété publique; plus de chances pour la raison et la vérité, plus de sagesse dans les décisions, puisqu'elles s'épurent par les discussions et que les influences des préjugés et des passions y ont moins de prise.
Enfin, cette législature s'accorde mieux à la nature humaine; elle offre une plus belle carrière aux talents et aux vertus de plusieurs. La sagesse, le savoir, l'expérience, la fermeté, l'élévation de l'âme ont plus d'occasion de se développer dans ces divers combats soutenus des deux sections. Le public a plus de temps pour s'éclairer, pour manifester son opinion,pour éclairer à son tour les combattants.
Il y a donc dan3 cette division des avantages pour la chose publique, sous quelque point de vue qu'on l'envisage; telles sont les raisons qui m'ont déterminé pour le mode que je propose, mode qui ne détruit pas l'unité d'une Chambre; qui, sans doubler les chauces, sans y introduire le système empirique des poids et contre-poid^, forme les délibérations, leur donne le plus de maturité possible; mode qui est autant éloigné de l'aristocratie des deux Chambres que de la démocratie d'une Chambre unique.
En un mot, le secret de la stabilité de votre Constitution et de tout gouvernement libre en général est dans la division d'une Assemblée déli-érantè en deux sections. Je n'ai pas voulu cette stabilité dans le3 hommes appelés à faire la loi ; elle ne conduit qu'à l'esclavage; mais je veux la stabilité dans les lois et cette stabilité dépend des formes qui commandent une délibération sage, qui excluent les mauvaises lois, qui garantissent la durée des bonnes, c'est-à-dire qui éloignent la précipitation et l'irréflexion, de ces formes enfin qui ne permettent pas à l'esprit de parti de s'arroger un empire funeste par l'intrigue.
On vous a parlé beaucoup d'anarchie. EhJ Messieurs, sa durée n'est qu'en raison de la force de l'esprit de parti qu'elle peut plus facilement entraîner, soit par l'enthousiasme, soit par des terreurs. La force de l'esprit de parti est dans l'unité de la délibération : c'est frapper du même coup, du coup de la mort, le règne de l'enthousiasme, de l'erreur, de l'esprit dé parti, et par conséquent de l'anarchie.
C'est d'après ces considérations que je me suis hasardé à présenter le
projet suivant que je vous prierai, si vous le jugez a propos, de
renvoyer à votre comité de Constitution (1) : er. Toutes les propositions
importantes et tous les rapports des comités qui pourront entraîner de
longues discussions seront soumis à la forme de délibération qui suit :
« Lorsque la majorité de l'Assemblée l'exigera, l'Assemblée se divisera en deux sections, composées comme il va être dit :
« Art. 2. Tous les mois, après la nomination des officiers de remplacement, les noms des représentants seront mis dans une roue, et l'on en tirera la moitié des noms : cette moitié fera la première section,-»Les noms restants formeront la seconde. Le président et deux secrétaires passeront dans cette seconde; le vice-président et deux autres secrétaires, dans la première. On ne pourra inférer de ces dénominations aucune supériorité, les deux sections formant deux fractions égales d'un tout homogène.
« Art. 3. L'objet renvoyé à l'examen des deux sections, y sera discuté successivement, publiquement et dans les mêmes formes que dans l'Assemblée générale.
« Art. 4. Si les deux sections s'accordent à rejeter la proposition, rapport en sera fait à l'Assemblée générale ; le rejet y sera décrété, et la proposition ne pourra plus reparaître dans la même session.
« Art. 5. Si la proposition est agréée par les deux sections, elle sera, sur le rapport, décrétée par l'Assemblée générale.
« Art. 6. Si des amendements sont proposés par l'une ou l'autre section, ils seront discutés dans l'ordre de leur nature, agréés ou rejetés par l'Assemblée générale.
« Art. 7. Si une section vote pour l'affirmative, une autre pour la négative, une troisième discussion s'ouvrira dans l'Assemblée générale, qui décidera à l'unanimité.
« Art. 8. La discussion à l'Assemblée générale ne pourra avoir lieu que 8 jours après le rapport des deux sections, lequel sera imprimé et distribué d'avance. »
Je demande l'impression et le renvoi aux comités de revision et de Constitution réunis du projet qui vient de vous être présenté. Il ne faut pas se dissimuler que le plan de M. Buzot n'a aucune ressemblance avec ceux qui furent présentés et repoussés à Versailles; il ne faut pas se dissimuler non plus que le projet proposé par le comité est très imparfait relativement aux moyens de délibération qu'il contient pour les législaturessuivantes. Et je vous prie de remarquer, Messieurs, que c'est là qu'est la garde de toute votre Constitution et de toute votre liberté ; que c'est surtout dans la lenteur, dans l'examen, dans la sévérité des délibérations du Corps législatif que consistent le maintien de la Constitution et la stabilité des lois.
Je demande à faire lecture du pro-cès-verbal de la séance du 10 septembre 1789. Le voici :
« L'ordre du jour appelait la délibération sur la question suivante qui avait été arrêtée la veille : « Y aura-t-il une Chambre ou deux ? Quelques membres ont voulu proposer des amen? dements : il a été déclaré qu'il n'y avait lieu à aucun amendement.
« La question ainsi posée, on est allé aux voix par appel. Le résultat de l'appel a été que l'Assemblée nationale ne serait composée que d'une Chambre ».
Sur quoi, Messieurs, je vous prie d'observer
que plusieurs membres avaient proposé des plans absolument semblables à celui de M. Buzot ou qui, tout au moins, s'en rapprochaient infiniment. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Nous nous rappelons tous très bien qu'on nous a proposé à Versailles, tantôt de composer le Corps législatif de deux Chambres, tantôt de le composer d'une Chambre-et d'un Sénat, toutes propositions et autres semblables qui furent rejetées ;... (A gauche : Et les sections I) vous décidâtes que le Corps législatif ne serait composé que d'une Chambre. Maintenant, plusieurs membres croient que la sûreté de l'Etat, la stabilité des lois, le maintien de la Constitution nécessitent, non pas l'organisation de deux Chambres, mais la division d'une seule Chambre en deux sections discutantes et jamais délibérantes.
Si, avec l'idée qu'on veut établir deux Chambres, qu'on veut faire renaître l'aristocratie, qu'on veut remettre une magistrature héréditaire, on repousse à la première vue un projet qui ne ressemble en rien à ceux qui nous ont été proposés et que nous condamnons tous, il ne sera donc jamais permis d'examiner ce que la Constitution peut établir pour que la Constitution même soit gardée, pour que le Corps législatif soit préservé de ces mouvements rapides qui appartiennent à une Assemblée constituante qui avait à détruire tant d'abus, (Murmures à droite.) mais qui ne doivent pas appartenir à l'Assemblée législative faite pour garder la Constitution dont on lui a confié le dépôt, parce qu'ils seraient infiniment funestes dans l'état or- inaire des choses?
Si cet examen nous est permis, comme je le crois, eh bien 1 Messieurs, c'est dans le plan de M. Buzot que nous trouverons une organisation telle que le Corps législatif puisse délibérer avec sagesse, avec réflexion.
Quant à moi, qui adopte le fond de cette opinion, j'étais dans l'intention de vous proposer un pareil projet ; je l'ai même déjà présenté au comité, dans lequel il a été combattu, non par des raisons, mais par la seule considération qu'on a craint que vous ne prissiez cela pour deux Chambres. J'ai soutenu que vous n'auriez pas cette terreur; au surplus, j'imprimerai mon projet, car cela mérite un grand développement. Je ne veux pas plus deux Chambres qu'aucun des membres de cette Assemblée ; peut-être nous accorderons-nous alors.
Je demande donc l'impression et le renvoi aux deux comités réunis de revision et de Constitution du plan de M. Buzot.
, rapporteur. C'est parce que le projet qui vous est soumis est un des plus importants sur lesquels l?Assemblée ait encore eu à prononcer, que je ne m'oppose pas à l'impression et au renvoi proposés par M. Le Chapelier. Mais il ne faut pas que les opinions restent ici influencées d'une manière quelconque. Je pense que si nous ne perfectionnons pas beaucoup la Constitution par le projet proposé, nous la jouons. (Agauche : Oui, c'est vrai!)... Sans doute ce projet ne reproduit pas le système des deux Chambres rejeté à Versailles; il ne lui ressemble même en rien ; mais je dis qu'il a le désavantage immense d'être un acheminement évident à l'établissement de deux Chambres. (Fifs applaudissements.)
Je répète que dans mon aperçu actuel, et jus-
qu'à ce que je sois mieux éclairé, je ne vois dans ce plan qu'un acheminement rapide à l'établissement de deux Chambres. (Applaudissements.)
Voilà ce qui prouve la nécessité de la question préalable.
, rapporteur. Je dis que c'est la semence la plus féconde et la plus vigoureuse que nous puissions renfermer dans le sol de notre Constitution.
Si l'on établissait en principe qu'une Assemblée délibérante ne peut être contenue dans son unité qu'en la divisant en sections; si la Constitution renfermait une fois ce principe, il est aisé de voir quelles inductions on pourrait en tirer contre vos travaux. Avec quelle facilité ensuite un nouveau corps constituant ne pourra-t-il pas trouver cette division insuffisante? On en reviendra naturellement à la constitution en deux Chambres.
Je ne dis pas que ce soit là l'intention ni l'objet de l'auteur du projet qui vous a été proposé ; mais je dis qu'il m'offre cette idée. Il faut donc d'abord que vos opinions ne sortent pas d'ici influencées en faveur de la proposition ; et il faut, comme ce point est d'une haute importance, laisser aux opinions le temps de mûrir et, pour cela, le renvoyer à vos deux comités réunis de revision et de Constitution, mais sans que vous ayez pris auparavant aucun parti qui puisse le préjuger. (A gauche : La question préalable I)
Je ne veux pas m'opposer à ce qu'une mesure aussi importante soit délibérée avec toute la maturité qu'elle mérite et que pour cela elle soit renvoyée aux comités ; je veux seulement faire une observation sur ce qu'a dit M. Thouret.
Dans un sentiment trop orageux de liberté, vous avez proscrit une mesure (Murmures et interruptions)... si la constitution en une seule Chambre est une mesure aussi sage qu'on l'a prétendu, lorsqu'on vous l'a présentée, alors ce qu'on vous propose aujourd'hui est vicieux. Si la constitution en une seule Chambre est un acte de sagesse, il ne faut pas, par des subterfuges, changer la forme que vous avez adoptée; mais si, comme j'en suis persuadé, on ne pouvait pas troûver un mode de constitution plus vicieux, il faut que l'expérience vous l'apprenne... (Murmures.) Il faut que le peuple apprenne à juger la valeur de nos délibérations. C'est le seul moyen d'éclairer l'opinion publique et de ne pas la laisser flotter pendant des siècles dans une incertitude déchirante.
Ainsi, je déclare que je demanderai la parole, lorsque cette affaire sera rapportée, pour combattre la proposition de M. Buzot. Le système d'une Chambre est vicieux; mais encore faut-il que le peuple apprenne à le juger.
(de Saint-Jean-d'Angély). La nécessité du renvoi au comité pour l'examen de la proposition de M. Buzot résulte évidemment de ce que le préopinant vient de vous dire. Le peu de paroles de M. de Virieu vous prouve que le moyen sur lequel on compte pour parvenir à l'établissement de deux Chambres est la mauvaise organisation d'une seule Assemblée et que les partisans de ce système veulent nous réduire à un mode de délibération vicieux, afin d'exécuter plus facilement leur projet.
Je demande donc que, pour éviter tous les dangers qui en résulteraient pour la Constitution qui vous a tant coûté et pour la liberté que vous avez établie, vous ne décidiez pas légèrement et sur des clameurs non réfléchies à rejeter un projet conçu par quelqu'un chez lequel l'amour de la liberté ne peut pas être douteux.
Je demande que vous renvoyiez à vos comités pour examiner ce plan.
Plusieurs membres : La question préalable !
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que plus cette question est importante, plus il est impossible d'y mettre la question préalable et que, s'il^y a des inconvénients... (La question préalable !)
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi aux comités de revision et de Constitution du projet de M. Buzot.)
La discussion est ouverte sur ce sujet.
C'est à moi à parler le premier. J'ai demandé la parole sur le fond ayant qu'il fût question du renvoi.
La parole est à M. Pétion.
Il n'était pas possible de s'attendre à discuter d'une manière inopinée une question d'une aussi haute importance. Messieurs, cette question a longtemps occupé, dans les Etats-Unis d'Amérique, les meilleurs esprits. D'abord le congrès avait commencé sa carrière comme vous avez commencé la vôtre ; une unité absolue était également nécessaire pour faire la Constitution. Cette Constitution faite, il n'y a eu qu'un seul des Etats-Unis qui ait voulu conserver l'unité de la .Chambre.
Le congrès s'est partagé depuis en deux sections et je prie de ne jamais confondre ces deux sections séparées avec deux Chambres ; car remarquez, Messieurs, qu'il n'y a pas d'analogie entre une Chambre qui se réunit pour commencer l'objet de la délibération, qui se sépare ensuite en deux sections pour la discussion, et qui se réunit enfin pour arrêter sa délibération, et deux Chambres distinctes, séparées d'abord dans leurs éléments, composées de membres qui ne sont pas égaux en droits, comme en Angleterre, par exemple, où il y a une Chambre de privilégiés et une Chambre des Communes.
Qu'on ne se serve pas de l'exemple de l'Assemblée actuelle pour en induire que deux sections sont inutiles dans une Assemblée. Quand vous avez eu à créer, il fallait une force indivisible ; mais quand vous n'avez plus qu'à conserver, il faudra du silence, du calme et du sang-froid.
Je conçois, Messieurs, que les réflexions qui vous ont été faites par le rapporteur ont dû naturellement séduire une Assemblée qui a toujours délibéré et discuté, étant réunie ; on craint, avec quelque fondement apparent, d'y voir un germe de deux Chambres, germe qui pourrait se développer par la suite ; mais ceux qui ont été à portée d'examiner cette question savent qu'on vous amènerait plus sûrement à la nécessité d'avoir deux Chambres par la proposition contraire.
On me dira peut-être qu'à Versailles, lorsqu'on agita la question de la formation de l'Assemblée nationale, j'ai été un des premiers à m'opposer
au système de deux Chambres. Oui, parce que je prévoyais les événements et, certes, l'opinion de tout homme capable de réfléchir, de prévoir, devait être pour l'unité ; mais, je me rappelle parfaitement avoir parlé alors de fa Constitution américaine et j'ai même imprimé que, pour apporter à la délibération toute la maturité dont elle a besoin, il était nécessaire de diviser le Corps législatif en deux sections : telle est encore mon opinion.
Vous savez, Messieurs, que quand, dans une Assemblée, la majorité est déterminée à aller aux voix, il n'y a pas de moyen possible à la minorité d'empêcher la délibération de passer; et cependant la majorité peut avoir tort. Or, la majorité, à l'avenir, ne sera pas ce qu'elle est aujourd'hui ; le parti de l'opposition sera alors le parti de tous les bons patriotes, de tous les bons citoyens, ...(A droite : Gomme aujourd'hui!) et le parti de la majorité sera le parti ministériel.
Je conclus, Messieurs; comme j'ignorais que cette discussion devait être mise à l'ordre du jour, je n'ai pas rassemblé toutes mes idées et je n'ai pas pris un parti; j'incline toutefois pour les principes exposés par M. Buzot. Je demande donG l'impression du nouveau plan qu'il a proposé et l'ajournement à samedi de la discussion. (Non ! non ! — A lundi /)
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du projet de M. Buzot et l'ajournement de la discussion à lundi.)
L'ordre du jour est un rapport du comité des finances sur les mesures provisoires proposées à l'Assemblée pour obvier a la disette du numéraire (1)
, au nom du comité des finances. Messieurs, les commissaires du comité des finances se sont réunis avec ceux des assignats ; ils ont aussi appelé différents fabri-cateurs afin de prendre d'eux les renseignements nécessaires sur les termes les plus prochains de fabrication.
Ces commissaires ont examiné successivement les divers projets proposés; et le résultat de notre opinion est de vous demander de presser, de toute votre activité, l'exécution de votre décret, qui ordonne l'émission simultanée d'une nouvelle monnaie de papier et de cuivre. Mais, jusqu'à cette exécution complète, nous croyons que l'émission d'une quantité quelconque d'assignats aurait le plus grand danger dans la circulation. Nous avons donc pensé qu'une mesure qui ne donnerait pas en même temps, et de la monnaie de cuivre, et de3 assignats, serait contradictoire à votre décret. En conséquence, nous avons renoncé aux deux projets proposés, et le comité me charge de vous proposer le décret suivant :
« Art. ler. Le roi sera prié de nommer deux
commissaires pour surveiller la fabrication des formes du papier des
assignats de 5 livres, décrétés le 6 mai.
« Art. 2. L'Assemblée nationale nommera incessamment dans son sein six nouveaux commissaires, qui seront adjoints aux anciens pour s'occuper de la même surveillance, conjointement avec les commissaires du roi. -:
« Art. 3. Les commissaires seront tenus de
« Art. 4. Les commissaires de l'Assemblée nationale et ceux ; du roi sont autorisés à arrêter toutes conventions nécessaires pour ladite fabrication, lesquelles seront signées seulement desdits commissaires du roi, et visées par le ministre des contributions publiques, pour, une copie, rester dans ses bureaux, et l'autre déposée aux archives nationales.
« Art. 5.'Le papier desdits assignats sera blanc. Ce papier et leur composition seront conformes au modèle, qui, après avoir été arrêté et signé par les commissaires de l'Assemblée nationale et du roi, sera déposé àux archives.
« Art. 6. Les assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont été précédemment commises pour signer les assignats de différente coupure. »
La discussion d'hier avait pour objet de lixér votre attention' sur les besoins du moment, et sur les difficultés qui existent actuellement dans la circulation. Sur cela il a été fait, par M. de Grillon, une proposition qui a paru d'abord très bonne à plusieurs membres de cette Assemblée. (Interruption.) On avait commencé à y faire des objections, qui avaient paru à l'Assemblée faciles à détruire, quand un membre du comité des finances, M. l'abbé Papin, nous a dit qu'il était possible de donner mardi au soir pour 1,800,000 livres d'assignats de 5 livres. (Cela n'est pas possible!)... Il l'a -dît. Cette proposition nous a tranquillisés, et M. de Grillon lui-même n'a pas insisté davantage.
On nous dit maintenant que ce moyen provisoire est impossible. J'avoue, Messieurs, qu'il me paraît bien extraordinaire, sans vouloir inculper votre comité des finances, qu'on nous ait fait arriver, à ce point extrême où la circulation est absolument tarie sans aucune espèce de prévoyance, et qu'on vienne nous dire aujourd'hui qu'il est impossible de vous donner avant 15 jours des moyens de faire vivre le peuple.
On vous a parlé, Messieurs, de papier volontaire qui remplacerait les assignats et les escompterait. j'ai eu l'honneur de vous dire le 6 de ce mois qu'il arriverait un tel ordre de choses, que ces assignats deviendraient forcés par le fait; et c'est positivement sur la pénurie et sur la gêne du public que s'ouvrira le succès de cette banque volontaire; et cela porte l'atteinte la plus grave au crédit national, au crédit des assignats. J'ai dit et je soutiens encore jusqu'à aujourd'hui, mais pas passé aujourd'hui, que les assignats ne perdaient pas et n'avaient rien perdu. (Rires à droite.)
Les assignats vont perdre vis^à-vis de l'argent, parce que l'Assemblée a fait une faute qu'elle continue, en émettant des pièces de papier de 5 livres, quand il y a des éeus de 3 livres.. On aurait dù faire cesser beaucoup plus tôt cette disproportion; je crois qu'il est très urgent, sous plus d'un rapport, qu'il soit décrété aujourd'hui une mesure quelconque de subvenir à l'embarras extrêmement effrayant de la circulation ije demande que, puisque le comité des finances ne vous a pas tenu ce qu'il vous avait promis, on ouvre la discussion sur le projet de M. de Grillon ou sur toute autre proposition,
mais qu'on ne laisse pas les choses dans l'état dangereux et affligeant où elles sont.
On nous a dit qu'il était possible d'avoir des assignats dans 15 jours : si vous ne prenez pas le parti plus expéditif de M. de Grillon, il est impossible que vous en ayez avant un mois. (Murmures.)
, le jeune. Je crois qu'une mesure très importante serait de "savoir s'il n'y a pas un moyen très prompt de multiplier la monnaie de cuivre, mesure qui, dans tous les cas, est indispensable, soit que vous adoptiez la fraction d'assignats de 5 livres, soit que vous attendiez, ce qui me paraît bien difficile, les assignats-monnaie dont le comité vous fait la proposition. Mon avis serait donc que le comité des monnaies nous indiquât les moyens qui pourraient accélérer leur fabrication.
, rapporteur. Vos commissaires se sont transportés ce matin à la Monnaie ; ils ont donné des ordres pour réparer les poinçons, si quelques-uns ont besoin de l'être; de manière que les planches seront faites à l'instant où le papier arrivera. Tout ce temps calculé nous donne la certitude que dans 15 jours ce papier sera prêt, et en quantité surabondante, pour fournir à l'impression. Le là, il résulte que dans le mois il y aura pour 25 millions d'assignats préparés, prêts à être émis, c'est-à-dire Î5 millions d'assignats;
Si le comité des finances établit que la situation actuelle de la circulation n'est pas pénible ni pressante; je n'ai plus rien à dire sur cela; mais s'il est vrai que nous sommes, à cet égard, dans des circonstances critiques et urgentes; s'il est incontestable qu'il est des moyens d'y pourvoir beaucoup plus expéditifs que ceux que le comité vous propose, il faut que le comité se détermine à les adopter. Hier la délibération a été renvoyée avec l'intention marquée de l'Assemblée, que le-comité lui présentât, ce matin, un moyen provisoire de pourvoir aux besoins les plus instants, soit par des Coupons d'assignats existants, soit pâr une fabrication nouvelle. M. de Crillon vous a proposé un plan contre lequel jé pense intimement qu'on n'a pas fait Une objection solide et victorieuse. Cependant votre comité des finances l'a rejeté ; mais en même temps il vous a dit qu'il était entièrement facile d'émettre, en très peu dè jours, dè nouveaux assignats en circulation, d'employer le papier actuellement existant. Maintenant le comité des finances s'appuie pour justifier sa marche rétrograde sur ce que l'Assemblée nationale a précédemment décrété que l'émission des petits assignats se ferait simultanément avec la fabrication de la petite monnaie; mais il est aisé de répondre à cette première objection. En effet, si l'Assemblée nationale a cru qu'un acte de la puissance publique peut fairè valoir les billets ae la caisse d'escompte comme assignats, avec le caractère de promesses d'assignats, je demande pourquoi un signe quelconque établi par la volonté nationale, n'aurait pas même la solidité du moment qu?un' acte de l'Assemblée nationale leur aurait donné, et le même caractère et la même hypothèque?(Applaudissements.)
Le comité dira-t-il que vous ne pouvez pas émettre de petits assignats avant le moment où vous pourrez les accompagner par. une émission
de petite monnaie ? Mais c'est en vain qu'il s'appuie sur la forme dont il semble que l'Assemblée l'avait formellement dispensé, lorsque hier elle lui a renvoyé des projets tendant à une émission de petits assignats ou de signes représentatifs faits dès à present. Un tel décret ne déroge point à un décret antérieur, puisqu'il est au cou-traire un moyen provisoire pour arriver au moment où le décret antérieur pourra être exécuté. U suffit donc de comparer, en deux mots, les inconvénients résultant d'une émission de petits assignats sans monnaie, au danger qu'il y aurait de ne faire aucune émission.
Or, je pose ainsi la question : Quel est actuellement 1 inconvénient de la circulation? Il se partage en deux branches : difficulté de changer les assignats contre des écus de 6 livres; difficulté de changer les écus de 6 livres contre une moindre valeur. Or, lorsque vous aurez fait des assignats de 6 livres, au moins vous aurez évité un des inconvénients, car celui qui résultera de changer des assignats de 5 à 6 livres en monnaie? ne sera pas plus grand que celui de changer à présent des écus de 6 livres en monnaie. Je dis que si ces faits sont réels, on ne peut pas me contester que la création d'assignats qui représenteront identiquement les écus, qui auront la même valeur, peut sauver les extrêmes inconvénients de la circulation actuelle ; car de fait la nécessité de l'échange d'un écu de 6 livres contre une moindre valeur, est extrêmement rare, tandis que l'échange d'un assignat pour des valeurs de 6 livres est le besoin de chaque jour; c'est là qu'est la difficulté; je demande donc que le comité déclare s'il s'en est occupé.
propose d'établir une espèce de banque sous le nom de Caisse de secours, qui échangerait à 1 0/0 les assignats qui lui seraient présentés par les personnes les plus nécessiteuses, en observant certaines formalités qui seraient déterminées. (Murmures*)
, rapporteur. Le comité pense que la coupure des assignats, suivant le procédé proposé par M. de Crillon, ferait jeter dans la circulation beaucoup de faux assignats qu'il serait impossible de reconnaître.
M. l'abbé Papin s'est trompé en avançant qu'on pourrait fabriquer d'ici à mardi pour 1,800,000 livres d'assignats avec l'ancien papier; il n'en existe dans les magasins que 42 rames et on ne peut tirer que 12 assignats par feuille.
On pourrait, en attendant, employer ce peu de papier qui débarrasserait d'autant la circulation des entraves qui la gênent.
Je rappelle à l'Assemblée sa propre décision du 6 mai ; elle a tellement senti que la mesure de la monnaie de cuivre était rantidote des assignats de 5 livres, qu'elle a décidé par son décret que les assignats ne pourraient être émis dans la circulation que lorsqu'elle aurait la certitude qu'il y aurait une quantité assez considérable de cuivre pour les échanger, afin que la monnaie ne se vende pas comme les écus. Il s'agit donc actuellement de savoir si vous pouvez avoir dans huit jours une quantité de monnaie de cuivre correspondante a une émission d'assignats de 5 livres. Or, Messieurs, tous les calculs vous disent que vous ne
pouvez pas espérer, dans une semaine à Paris, fabriquer plus de 70,000 livres de monnaie de cuivre. Je demande donc qu'on mette aux voix le projet du comité.
Le problème que vous avez à résoudre, est de satisfaire aux besoins publics. Dans les 20 objets que vous avez décrété qui devaient paraître simultanément, il est évident que la monnaie était plus instante que les, assignats ; on doit présenter au comité un moyen très prompt de précipiter la fabrication. Vous pouvez ordonner que l'on fabrique dans toutes les monnaies, de façon que le royaume se trouve en même temps couvert de sous. D'ailleurs, il résulte de la discussion que l'on vient de faire, que les assignats ne se fabriquent pas si promptement; ainsi je conclus à l'adfmission du projet du comité.
(L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité au projet de décret du comité et ajourne la délibération à la séance de demain.) '
indique l'ordre du jour de la séance de ce soir et lève la séance à quatre heures.
A LA SÉANCE BE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. Salle, député du département de la Meurthe à l}Assemblée nationale, contre ladi-x vision du Corps législatif en deux sections:
Avertissement. A la séance du samedi 21 mai dernier, M. Buzot prononça un discours à la suite duquel il proposa un projet de décret en remplacement du mode constitutionnel de délibération du Corps législatif présenté par le comité. Ce projet qui tendait à diviser l'Assemblée nationale en deux sections, m'alarma. Je préparai le lendemain cette opinion, dans le dessein de la prononcer à l'Assemblée le jour suivant, la discussion ayant été remise à cette séance. J'allai le soir même à la société des amis de la Constitution; j'y lus mon opinion telle que je i'avaispré-parée, et soit que mes raisons eussent convaincu mes adversaires, soit que l'instant ne leur eût plus paru favorable, le lendemain, à l'Assemblée nationale, la discussion n'eût pas lieu. Bien loin de là : le mode de délibération proposé par le comité fut décrété, et j'étais parfaitement tranquille sur cette division du Corps législatif, que je croyais dès lors définitivement écàrtée.
Depuis cet instant, les amis des sections ont cherché à faire croire que la question avait été ajournée. Quelques-uns ont même avancé que le mode de délibération décrété serait revu lors du classement des décrets, et qu'on lui substituerait, sans doute, la délibération par sections. On a manœuvré pour obtenir à cet égard un vœu, vrai ou faux des Français de tout l'Empire. On est revenu à la charge lors de l'évasion du roi ; on a ressuscité la question en demandant que l'Assemblée formât un comité pour pourvoir a l'exécution des lois. Tant d'indices des intentions de ceux qui veulent diviser le Corps législatif ne peuvent me laisser indifférent. Je dois au public de lui
donner mes idées sur une question de cette importance, afin que si elle doit être en effet reproduite et jugée, contre mon opinion, je n'aie pas à me reprocher de n'avoir pas fait tout ce qui était en moi pour empêcher un résultat qui me paraît funeste. Je publierai donc cet écrit, quand ce ne serait que pour prévenir nos concitoyens, ils examineront nos raisons, je les aurai mis à l'abri de toute surprise, et j'aurai fait mon devoir. (Note de M. Salle.)
Messieurs,
La discussion de la question qui est maintenant soumise à l'examen de l'Assemblée, estd'au-tant plus fâcheuse, que celui de nos collègues qui l'a proposée mérite à plus juste titre, par son patriotisme et ses excellentes intentions, l'estime ae tous les bons citoyens. Je suis convaincu que son opioion, si elle est adoptée, perdra la chose publique. Je m'en afflige profondément; je m'en afflige pour lui-même, parce que je l'estime assez pour être sûr de ses regrets, lorsqu'il verra les funestes conséquences d'une aussi mauvaise institution : mais je m'en .afflige surtout pourlachose publique que rien ne peut sauver de sa perte, si ce levain corrupteur est glissé par l'Assemblée nationale elle-même, jusque dans le sein de la Constitution.
Que nous propose-t-on, Messieurs ? De décréter constitutionnellement que le Gorps législatif sera divisé en deux sections ; que ces sections se formeront d'après un décret de l'Assemblée générale pour discuter simultanément les projets de loi; que si elles sont d'accord, soit pour l'affirmative, soit pour la négative, le résultat sera ratifié par l'Assemblée entière et sur un simple rapport ; que si au contraire elles ne s'accordent pas, elles se réuniront pour ouvrir une discussion générale et former un résultât commun.
On ajoute que ces sections seront formées au sort tous les mois ; et sous prétexte qu'elles se maintiendront l'une et l'autre dans les bornes de la plus scrupuleuse égalité, on y trouve, dit-on, l'extrême avantage de modérer les mouvements du Corps législatif.
Je pourrais invoquer contre ce Système les opérations mêmes de l'Assemblée, je pourrais observer que MM. Pétion, Lanjuinais, Dupont, l'abbé Siéyès ont proposé à Versailles ae diviser ainsi le Corps législatif. Je pourrais faire remarquer, qu'aux termes du procès-verbal du jour où la question des deux Chambres fut décidée, toutes ces diverses propositions, qu'on appelait des amendements, furent reproduites; que la question préalable fut invoquée, et qu'il fut décrété qu'il n'y avait lieu à délibérer sur aucun amendement. Je pourrais m'étonner qu'après une décision si formelle, je ne sais quelle espèce d'opiniâtreté dans les idées détermine aujourd'hui d'excellents esprits, de bons citoyens à reproduire précisé^-ment, sous les mêmes formes, un système proscrit par un décret positif, et surtout par l'opinion publique. Mais je sens trop qu'en abondant dans son sens, on ne manquerait pas de réponse à ces objections.
Il ne servirait de rien de dire qu'on ne pouvait amender la proposition des deux Chambres que par un système de cette espèce ; on me répondrait que le procès-verbal n'a pastenunote des amendements rejetés; et quoiqu'il soit général dans son expression ; quoiqu'il dise qu'il n'y a eu lieu à délibérer sur aucun, c'est-a-dire quoiqu'il les ait écartés tous sans exception, quoiqu'il soit constant, par les propositions faites alors, que c'é-
tait précisément de ces sortes de système qu'il était question comme amendements, on me ferai t voir avec plus ou moins de subtilité que le procès-verbal n'a pas voulu dire ce qu'il dit, et l'on me forcerait à entrer dans la discussion du fond. Je laisserai donc de côté cette vaine dispute d'avocat, et j'aborderai immédiatement le fond de la question, persuadé que ce qui a été vrai pour l'Assemblée nationale, au 10 septembre 1789, ne peut pas être devenu faux pour elle depuis ce temps-là.
De quoi s'agit-il, Messieurs ? Du maintien de la Constitution. Dès le premier pas que je veux faire, je me trouve arrêté. N'est-il donc qu'un seul moyen de contenir la Constitution ? Et s'il en est plusieurs, comme je n'en doute pas, s'il en est même qui sont dan9 l'essence des choses, qui conséquemment méritent la principale attention de l'Assemblée, comment se fait-il qu'on scinde ainsi ladélibéralion?Pourquoinous propose-t-on d'examiner cette grande q uestion au trement que dans son ensemble? Pourquoi préfère-t-on comme premier sujet d'examen une pure forme, un simple mode de délibération, un moyen, en un mot, qui peut-être serait nécessaire si nous laissions dans l'incertitude nos principes constitutionnels, si nous n'avions qu'un système de lois barbares et sans cohésion, mais qui peut-être aussi n'en serait pas moins funeste à la longue par son action lente et corrosive sur les fondements mêmes de la liberté ?
Avant donc de savoir si ce moyen nous est nécessaire, il eût été sage d'examiner nos lois, notre Constitution, le système entier de législation que nous pouvons laisser à nos successeurs. Et qu'auraient donc à répondre nos adversaires si nous leur objections que les lois constitutionnelles peuvent être distinguées des lois réglementaires, avec une telle précision et d'après les règles si certaines, que nul citoyen ne pourra jamais s'y méprendre, que le travail des législatures et des conventions nationales peut se trouver de cette manière tellement bien préparé, tellement bien défini, qu'il ne pourra jamais à cet égard s'élever le moindre doute ? Ne conviendraient-ils pas qu'ils se pressent un peu trop dans les propositions qu'ils nous font ; que les questions que nous élevons, sont tout au moins antérieures à la leur ; qu'il faut, en un mot, examiner la nature des choses afin de s'assurer si elles ne peuvent pas tendre à leur but par elles-mêmes, avant d'inventer des moyens étrangers pour les diriger dans le sens qui leur convient?
Qu'est-ce qu'une Convention nationale? Qu'est-ce qu'une législature? Ou, pour mieux dire, qu'est-ce que la Constitution? Cette question n'est pas encore décidée; nous ignorons si la définition que nous donnerons de la Constitution, C'est-à-dire si le partage que nous ferons des lois constitutionnelles et réglementaires sera assez positif, assez précis pour que le code constitutionnel se défende par lui-même des entreprises des législatures. Et voilà que, sans avoir examiné cette importante matière, parce qu'on tient à d'anciennes idées, parce qu'on est plein de systèmes, pris dans des gouvernements, soit républicains (1), soit monarchiques (2), qui n'ont rien de commun avec la France, on vient nous proposer des moyens étrangers de garantie, pour des institutions qui peut-être peuvent suffisamment se garantir par elles-mêmes.
Si je voulais m'arrêter à cet argument, je vous dirais : « Messieurs, attendez le travail de votre « comité central ; attendez de voir enfin dans son « véritable point de vue l'édifice que vous élevez; « attendez de savoir si ses bases ne sont pas « assez solides, si son comble ne porte pas sur « des points d'appui suffisants, avant d'examiner « comment vous devez l'étayer; et si vous êtes « assez malheureux pour avoir besoin (Pinstru-« ments de cette espèce, ne vous hâtez pas du « moins dans une détermination semblable ; que « vous ayez le temps, si le mal se trouve néces-« saire, d'en envisager l'étendue, et qu'il vous « soit possible au moins de ne pas le faire plus « grand qu'il ne faut. »
Mais je crois pouvoir attaquer dès à présent le fatal système. Ce que nous savons de la Cons-tiution me suffit. J'aborde la question.
Les délibérations d'une Chambre unique pourraient être précipitées, nous dit-on, et compromettre de cette manière la Constitution; il.y a deux sections du Corps législatif en Amérique et Von s''en trouve bien : la majorité. a quelquefois tort; il lui faut un contrepoids.
Quoi donc, Messieurs I Est-ce sérieusement, est-ce dans cette Assemblée qu'on noûs fait de pareilles objections? Nous n'avions, en arrivant à Versailles, que des notions imparfaites du droit politique : tout était neuf pour nous; tout était pressant, et les dangers, les incidents de toute espèce devaient presque à chaque instant nous distraire de nos grands travaux, et eu rompre le fil dans nos mains. Voyez cependant combien ces travaux sont immenses; comme ils sont liés entre, eux. Quoi donc! Une seule Assemblée aura pu faire de si grandes choses, et il sera nécessaire de diviser une législature en deux sections!
Et remarquez, Messieurs, qu'obligés de pourvoir aux besoins de la Constitution et au cours ordinaire des choses, malgré l'urgence des circonstances, nous évitons cependant, aujourd'hui cette précipitation que l'on craint de la part de nos successeurs. Je n'en veux pour preuve que la situation actuelle de l'Assemblée. Nous sommes pressés de finir : le bien public, le sentiment de nos longues agitations, le désir de la paix, tout appelle la fin ae nos travaux; nous voyons cependant (et les bons citoyens en gémissent), nous voyons que nos travaux sont loin de marcher dans cette proportion :nos lenteurs nous fatiguent nous-mêmes; car nous sentons qu'elles fatiguent la chose publique.
Mais nous avons édifié, dit-on, et nos successeurs aurontpour tâche de maintenir Védifice. Messieurs, ce n'est pas avec des mots qu'on peut dénaturer une question. Vous avez fait des lois; vos successeurs feront aussi des lois : voilà la vérité. Vous n'avezaucun guide que la nature des choses ; vos successeurs auront:ce guide comme vous, et de plus ils auront nos lois constitutionnelles. Les lois réglementaires qu'ils auront à faire n'étant que des résultats de ces lois constitutionnelles appliquées aux différentes circonstances dans lesquelles il s'agira de les exécuter, ces lois ne seront en quelque sorte que des jugements. Toutes les difficultés étaient pour vous ; tout au contraire leur sera facile. Vos erreurs étaient funestes et sans ressource; les leurs seront presque indifférentes. S'il fallait un contrepoids à des législateurs, si vos succès ne. répondaient pas à cette objection, il semblerait que c'eût été vous qui en eussiez eu besoin; vous,-de qui dépendait le bonheur d'un grand peuple, et qui pouviez sans
retour le plonger par une seule fausse mesure dans la ruine la plus désastreuse.
Mais il est faux que vous ne fassiez qu'édifier. Chacun de vos travaux subséquents a pour premier objet de conserver les précédents, de maintenir surtout les bases que vous vous êtes données dans la déclaration des droits. Le pas que vous faites le lendemain, doit premièrement garantir celui que Vous avez fait la veille. Et d'ailleurs vous ne faites pas seulement une Constitution ; la nature des choses vous force à des actes de simple législature. Or, si vous faites ces actes sans avoir besoin de vous diviser en deux séchons, pourquoi vos successeurs éprouveraient-ils ce besoin plus que vous ?
Si, d'ailleurs, une législature se trompe, si le roi adopte ses erreurs, n'avons-nous pas les législatures subséquentes? C'est ici que je m'applaudis de système décrété par l'Assemblée, qui renouvellera entièrement le Corps législatif après un temps donné. Je vois dans,cette institution le modérateur naturel des opérations des législatures, s'il était vrai toutefois que le veto royal fût, comme on voudrait nous le persuader, un vain fantôme, une institution inutile.
Nos législatures, Messieurs, seront nombreuses et renouvelées tous les 2 ans : chacune d'elles ayant le pouvoir d s précédentes pourra revoir leur ouvrage et le comparer au code de la Constitution. Une législature qui succédera à une autre fera à son égard les fonctions d'une seconde Chambre avec efficacité; et comme il est à croire que plusieurs membres seront réélus de la précédente à la suivante, et qu'ils y porteront l'esprit de ses travaux, j'ajoute que cette législature subséquente exercera cette revision sans précipitation et sans danger. Car il est dans la nature des choses que des hommes nouveaux qui en remplacent d'autres, commencent avec un tel contrepoids leur carrière par censurer sagement leurs prédécesseurs, soit pour les blâmer et les corriger, soit pour les applaudir et les suivre.
Les législatures auront donc un avantage que n'aura pas une Convention nationale ; et cependant, je le répète, c'est surtout pour édifier qu'il faut du courage, de l'intelligence, de la sagesse; pour maintenir, au contraire, il ne faut que du jugement.
Mais, Messieurs, les membres de nos législatures, d'après les sages décrets de l'Assemblée, ne pourront pas se perpétuer. Ils seront forcés de revenir de temps en temps au moins dans leur domicile supporter les charges de la société, après en avoir goûté les avantages : donner l'exemple de l'obéissance, après avoir exercé la plus grande autorité. Les lois qu'ils auront faites pèseront sur eux alors, et le sentiment qu'ils en auront conçu au moment de leur confection, les aura dirigés, n'en doutons pas, vers le parti le plus juste. Voudront-ils donc renverser la Constitution, ces hommes qui reviendraient, dans leur vie privée, porter eux-mêmes la peine d'une aussi folle entreprise ? Leur intérêt même nous répond de la rectitude de leurs intentions. Peut-être, si le système du comité sur la réélection avait été décrété, aurais-je alors senti qu'il fallait entraver de3 législateurs auxquels aurait été laissée la funeste espérance de se perpétuer. Mais grâces soient rendues aux adversaires que je combats (1) ; ils ont attaqué, ils ont renversé ce
désastreux système, et ils m'ont ainsi prêté à moi-même, par un double avantage, un de mes meilleurs moyens pour les combattre aujourd'hui.
II faut embarrasser de formes longues et contrariantes les délibérations des législatures de peur qu'elles ne nuisent à la nation! G'est-à-dire, comme je viens l'exposer, de peur que leurs membres ne se nuisent à eux-mêmes. Cette maxime tient à notre méthode pédantesque et enseignante. C'est ainsi, quand nos enfants sont devenus des hommes, que nous voulons encore leur prescrire ce qui leur convient. Eh! Messieurs! laissons l'homme agir et vouloir en liberté; laissons un corps politique, délibérant pour lui-même, suivre sa marche naturelle avec l'unité qui lui convient. Loin de nous ce fatal préjugé qui nous ferait croire notre sagesse supérieure à la sienne; et puisque la méthode la plus naturelle nous a si bien servis, n'allons pas croire qu'il en faille une autre pour des successeurs qui ne seront pas moins intéressés que nous à bien faire.
D'ailleurs, Messieurs, nos successeurs ne seront-ils pas environnés comme nous de l'opinion publique? N'auront-ils pas le même besoin que nous de la consulter? Eh quoil cette censure salutaire qui a maintenu cette Assemblée, malgré les éléments contraires qui la composent, serait sans effet contre une Assemblée formée dans un seul et même esprit 1 Ajoutons que nous avons été forcés de créer cet esprit public qui nous presse aujourd'hui vers notre but avec tant d'avantages : nos successeurs, au contraire, trouveront, dès leurs premiers pas, cet intrépide censeur devant eux. Ne craignons pas, Messieurs, qu'ils méprisent jamais sa voix sévère, son inflexible justice.
On convient à peu près de ces vérités ; on ne saurait nier les exemples tirés des opérations, soit constitutionnelles, soit législatives de cette Assemblée; mais on insiste et l'on nous dit : Vous-mêmes reconnaissez Vanarchie qui règne au milieu de vous : peut-être est-elle bonne aujourd'hui, qu'une fièvre politique nous était nécessaire pour dépurer nos humeurs et nous rajeunir. Mais la fièvre est un état de crise ; pensez-vous que ce doive être là l'état permanent de votre gouvernement? Messieurs ! Voilà des mois : voyons s'ils disent quelque chose. D'abord, et on l'a dit cent fois, la composition de cette Assemblée a dû engendrer des troubles dans son sein; nos successeurs n'auront pas cet obstacle. En second lieu, ce n'est pas la forme de nos délibérations qui a été cause de nos débats orageux ; c'est la nature de. nos affaires, c'est la disposition de nos esprits, c'est cet immense mouvement que nous avons communiqué à la masse entière de l'Empire, et qui a réagi sur nous avec une égale impulsion. Nos adversaires le savent assez; et comment se peut-il faire qu'eux qui ont si souvent et avec tant de force rétorqué ce misérable argument tiré de l'état actuel des choses, ils fassent cependant aujourd'hui le même sophisme?
Au reste, un peu d'agitation convient à la liberté; elle est comme l'exercice du corps qui entretient la vigueur de l'homme robuste. La police d'une Assemblée délibérante est nécessairement démocratique ; cette forme est essentielle à la sûreté de ses délibérations. Et comme le dit Rousseau, en parlant de la police de la diète de Pologne dans l'esprit des institutions qu'il souhaitait à cette République : Les formes sont bonnes; mais la liberté vaut mieux.
Mais s'il est nécessaire d'entraver, comme on
nous le propose, un corps délibérant pour assurer la maturité de ses opérations; pourquoi ne nous a-t-on pas proposé cette forme pour tous les corps délibérants que nous avons constitués? On me dira qu'il n'y a pas de comparaison des opérations de la législature avec celles, par exemple, des municipalités. Je réponds que les municipalités délibèrent quelquefois les objets les plus importants. La proclamation de la loi martiale est laissée à leur prudence, et qui sait dans quels désastres cette proclamation faite dans certaines communes, à l'occasion de certains événements, pourrait plonger la nation même?
Je pose en fait que si le lundi 18 avril (1) cette mesure avait été prise à Paris, la municipalité aurait ébranlé l'Empire jusque dans ses fondements. La municipalité cependant n'a pas délibéré dans deux sections différentes, et le résultat de sa délibération n'en a pas été moins sage. Et qu'on ne trouve pas cet exemple choquant; car une législature sera bien plutôt administrative que législative. Il est même douteux, si faire des lois réglementaires ce n'est pas faire des actes d'administration; si la législature réunie au roi ne sera pas, pour ainsi dire, la grande municipalité du royaume.
Il faut, nous dit-on, que les discussions se mûrissent et que nos législatures soient mises à l'abri de la précipitation. Soit ; mais n'est-il pas de principe que les opérations d'une nombreuse Assemblée sont essentiellement lentes? Les sujets graves commandent d'eux-mêmes la gravité de la délibération : et d'ailleurs je ne m'oppose pas à ce qu'on délibère sur le plan du comité (2). J'observerai seulement que nous avons dans notre Constitution le modérateur naturel des mouvements de nos législatures : c'est la certitude de prévision de leurs décrets dans le conseil du roi. N'en doutons pas, Messieurs, la crainte de voir justement suspendre, par l'effet du veto royal, une mauvaise délibération , rendra nos législatures extrêmement circonspectes.
Enfin le veto royal peut arrêter cette mauvaise opération, si elle a lieu, et rend, ce me semble, inutile la mesure qu'on nous propose. Il est vrai que nos adversaires traitent cette barrière d'impuissante. Mais est-ce bien sérieusement? Le pouvoir exécutif, disent-ils, sera sans énergie devant la législature! Messieurs, vous n'y pensez pas; il y a quelques jours qu'à l'occasion de la rééligibilité vous nous parliez de l'extrême énergie du pouvoir exécutif. Il fallait, suivant vous, donner à la
législature une forte constitution pour l'opposer avec efficacité à la volonté fortement prononcée du gouvernement; dans chacun des -systèmes proposés sur ce point, cette maxime était posée en principe : aviez-vous raison alors, et la nature des choses a-t-elle changé depuis 8 jours4?
Le pouvoir exécutif sera sans énergie!... Eh! qui mieux que nous a pu juger du contraire? Ne prenons pas les apparences pour la réalité. On noua dirait peut-être, comme on l'a fait si souvent, que bien loin d'avoir de la force, le pouvoir exécutif n'existe même plus. Mais nous savons trop que son plan de défense a été précisément cette force d'inertie contre les opérations du corps constituant. Eh bien! Messieurs I et nous aussi nous avons employé la force d'inertie: dira-t-on que c'était dans ce temps-là que nous manquions d'énergie ?
Si nous nous rappelons la conduite des ministres refusant d'agir et de protéger, même de promulguer les lois, afin que la nation, au milieu des débris de ses anciennes institutions, sans règles nouvelles, s'agitât dans cet immense chaos et finît par rappeler à elle le despote dont elle avait secoué le joug : si nous songeons à l'intrépidité avec laquelle ils- appelaient cette anarchie, pour se placer au centre et en profiter; à l'impudence avec laquelle ils bravaient la voix publique qui les accusait, les décrets de l'Assemblée qui kn-prouvaient leur funeste inaction : Ah! nous conviendrons qu'on ne pouvait pas être plus perfidement énergique; et nous sentirons, je l'espère, qu'une telle constance dans le mal n'annonce pas un défaut de force et de vigueur pour les temps où le pouvoir exécutif voudra sincèrement faire le bien.
Au reste, je ne prétends pas que le veto royal puisse être un remède contre la corruption; j'observerai seulement que la division en deux sections n'est pas imaginée pour cet objet qu'en effet elle ne peut pas remplir. On ne parle que de modérer la précipitation de la législature, et je dis seulement moi que le veto royal la modérera suffisamment.
Je viens de démontrer, à ce qu'il me semble, que la division en sections du Corp3 législatif était inutile ; voyons maintenant si elle, ne serait pas funeste.
Il faut que les délibérations de3 législatures soient lentes, j'en conviens; mais il ne faut pas qu'elles le soient trop. Cette maxime a surtout son application dans notre gouvernement. Les opérations de nos législatures vont être extrêmement multipliées ; non seulement il faudra qu'elles pourvoient à cette multitude de lois réglementaires que nécessiteront les circonstances extrêmement variables, lés localités nombreuses pour l'exécution de nos lois fondamentales ; non seulement il faudra qu'elles surveillent les ministres et leurs agents, les départements, les tribunaux, les municipalités, l'armée et toutes les institutions publiques ; non seulement elles auront pour principale tâche de faire, à l'égard des grands criminels, les fonctions de juré d'accusation; mais il faudra encore que ces affaires de l'Europe entière se traitent dans leurs importantes séances; la paix, la guerre, les traités se prépareront dans leur sein. Qu'ont de commua ces travaux multipliés de nos législatures avec ceux, par exemple, du Parlement d'Angleterre? La France, d'ailleurs, est trois fois plus étendue que la Grande-Bretagne ; mais c'est surtout sous ces différents rapports que la France diffère des Etats-Unis d'Amérique.
Je présume que l'intention de nos adversaires n'est pas d'imposer à nos successeurs un travail aussi continu que le nôtre; sans doute, ils pensent qu'il leur faudra des moments de relâche, qu'ils n'auront pas de séances de nuit et de jour, et sans interruption. Or, je leur demande s'ils pebvent croire qu'avec des formes interminables de délibération, nos successeurs ne manqueraient pas leur but, précisément parce qu'il leur serait impossible d'embrasser toute leur tâche.
Tel serait cependant l'état de lenteur, ou pour mieux dire de paralysie dans lequel la proposition qu'on nous fait jetterait la législature. Imaginez, Messieurs, les détails et les embarras qui accompagneraient cette forme. 11 faudrait une première délibération générale, non sur le fond, mais sur la nécessité de se séparer en sections. Chaque section ensuite délibérerait : la discussion ne marcherait pas d'un pas égal pour chacune d'elles ; elle se fermerait plus tôt dans l'une, plus tard dans l'autre ; il faudrait requérir ensuite un ajournement pour rapporter les résultats. Les amendements qui auraient toujours lieu, comme l'expérience nous le prouve, seraient proposés de nouveau; et remarquez qu'il faudrait tenir état des plus ridicules même ; car enfin une section n'aurait pas le droit d'en être juge. La discussion de ces amendements, presque toujours aussi importante que celle du fond, entraînerait de nouvelles demandes en ajournement et en division de sections. Je demande où s'arrêteraient ces interminables débats, et quel fruit il en reviendrait à la chose publique.
Ajoutons que les événements, toujours renaissants dans un grand Empire, viendraient souvent provoquer l'attention de l'Assemblée au moment de sa délibération : il y aurait des réquisitions d'une section à l'autre pour se réunir ; de là de nouvelles délibérations sur le point de savoir si l'événement est de nature à mériter cette mesure. La section requise voudrait examiner les motifs de la section requérante ; et à force de délibérer, on perdrait ainsi le fruit de la délibération.
En y réfléchissant, je crois m'apercevoir que celte précaution prise pour modérer les mouvements de l'Assemblée serait précisément propre à les précipiter. La funeste expérience que l'Assemblée nationale fèrait de ces lenteurs, la porterait presque toujours à rejeter la séparation en sections : l'objet serait déclaré urgent, ou d'une importance moindre qu'il ne serait en effet; et les délibérations, bien loin d'être modérées, se prendraient peut-être par acclamations.
En effet, Messieurs, voyez combien pourrait nuire à la Constitution ce mode embarrassé et peu expéditif. Le pouvoir exécutif, obligé d'agir et se lassant d'attendre de la législature son moyen d'action, se verrait tenté et même forcé de la suppléer, nul n'aurait le droit de s'en plaindre, et cependant il argumenterait de cette usurpation pour en faire d'autres, et je ne vois pas où le mal pourrait s'arrêter.
Les départements, de leur côté,-avec lesquels le pouvoir exécutif aurait tant d'intérêt de se liguer contre la législature, se hâteraient d'abuser dans le même sens. Ils feraient des arrêtés régie' mentaires, non pas sur les objets de leurs localités, ainsi que le veut la Constitution, mais sur des objets généraux ; èt la puissance nationale ne serait bientôt plus qu'un Yain fantôme.
Ce que je dis qu'ils feraient, Messieurs, eh bien L ils l'ont déjà fait. Le roi a donné à ses commissaires près des tribunaux des instructions qui dérogeaient dans quelques points aux prin-
cipes de l'Assemblée (1) ; il a tracé des règles aux receveurs de district pour la perception de la contribution patriotique; aux départements des ci-devant pays d'Etats pour la liquidation de leurs intérêts communs. Il vient tout à l'heure encore de faire une proclamation en plusieurs articles, qui donne aux départements les règles suivant lesquelles ils doivent répartir aux anciens contribuables le produit de l'impôt des ci-devant privilégiés de 1789 : il suffirait de consulter cette loi, et de la comparer à un grand nombre de celles qu'a portées l'Assemblée, pour se convaincre qu'elle est au moins de la même importance.
Je ne dirai rien des travaux des départements ; vos décrets attestent qu'ils n'ont pas toujours connu les limites de leur autorité; et les procès-verbaux des départements même vous attesteraient sans doute, si vous aviez le temps de les consulter, que vous n'avez pas eu celui de tout réformer. Que sera-ce donc si les législateurs ont un jour des formes de délibération plus lentes encore? Vous faites, il est vrai, la Constitution, c'est-à-dire un ouvrage que n'auront pas à faire vos successeurs : mais aussi vous travaillez jour et nuit, et vos successeurs auront nécessairement moins de séances.
Ah! tremblons, Messieurs, tremblons d'introduire dans notre ouvrage des formes qui seraient aussi destructives de notre Constitution. Le pouvoir exécutif ne sera que trop tenté de l'attaquer, sans lui en faire en quelque sorte un devoir.
Je continue à raisonner dans le sens que ces deux seclions resteraient égales en pouvoir : je viendrai tout à l'heure à l'examen de cette question.
Il m'est déjà démontré que la législature ainsi constituée, si toutefois elle veut user de cetteforme funeste, n'aura pas assez d'activité pour pourvoir aux immenses besoins d'un grand gouvernement; j'ajoute qu'elle n'aura pas assez de force. J'en appelle à l'expérience que nous avons faite nous-mêmes : nous nous sommes divisés en bureaux pour préparer nos délibérations; dès lors nos délibérations ont marché avec une lenteur et une pusillanimité remarquable. Ce fut M. Buzot lui-même qui frappa le premier l'oreille de l'Assemblée de cette grande vérité; il s'éleva avec force contre cette funeste institution qui énervait les plus mâles courages, et l'Assemblée sur sa motion supprima les délibérations par bureaux. Que M. Buzot interroge lui-même la logique de ce temps-là. 11 est vrai qu'aujourd'hui il ne nous prupose que deux bureaux : mais les législatures suivantes seront moitié moins nombreuses que celle-ci; peut-être même seront-elles moitié moins énergiques; qu'il calcule sur ces bases, et le résultat ne me paraît pas douteux.
En effet, Messieurs, un orateur a d'autant plus d'empire, que son auditoire est moins nombreux. Dans plusieurs circonstances critiques, 1,200 hommes réunis ont pu résister à Mirabeau et sauver la chose publique ; trois cents auraient à coup sûr succombé.
D'ailleurs il arrivera souvent que le sort fera passer dans une section les orateurs les plus propres à traiter une question. Les résultats seront différents, parce que les lumières n'auront pas été égales. Cependant les préjugés se formeront; on prendra l'esprit de chambre % la discussion
générale deviendra orageuse et ne produira aucun fruit. On aura honte de voter solennellement d'une manière contraire à un vœu déjà solennellement émis. Il s'engagera entre les deux sections un combat d'amour-propre, et ce combat sera toujours funeste au bien public.
Combien de fois, Messsieurs, nos comités, osons le dire, ne nous ont-ils pas donné ces scandaleux spectacles l Et que serait-ce si au lieu d'une commission de quelques personnes essentiellement soumises à l'Assemblée, c'eut été une moitié de l'Assemblée elle-même égale en pouvoir à l'autre moitié? Quel moyen pour un factieux qui trouverait ainsi dans une Assemblée nationale la division morale et matérielle dont il aurait besoin I
Quelle sera d'ailleurs la section, qui, pendant les instants de séparation, recevra les messages extraordinaires des ministres et des départements et les pétitions des citoyens? Laquelle exercera cette puissance journalière et de tous les instants que j'appellerai puissance de surveillance, et qui est la première fonction des législatures? On me dira qu'on prendra pour cela des jours fixes; mais dans un immense Empire, surtout après une si grande Révolution, les événements se joueront longtemps encore de ce système. Il faudra donc se résoudre à souffrir la chose publique : ou bien il faudra donner à cet égard à l'une des sections une initiative auprès de l'autre, et voilà que l'égalité commence à se rompre.
D'un autre côté, cette méthode de reconstituer tous les mois, par le sort, les deux sections; ayant l'extrême désavantage de couper sans cesse les délibérations, d'introduire dans une discussion déjà délibérée en partie, des orateurs d'un système opposé, qui auraient déterminé peut-être des délibérations contraires dans la section qu'ils quitteraient; les opérations ne se termineraient qu'au milieu des embarras. On sentirait bientôt qu'il serait préférable de constituer les sections une fois pour toutes; comme nous avons senti qu'il importe de laisser à demeure nos comités, au moins ceux qui préparent nos lois et qui ont besoin de suivre le fil de leurs discussions. 11 y aurait donc bientôt deux sections permanentes, parce qu'ainsi le voudrait l'impérieuse nature des choses^ Dès lors tous les abus vont se renforcer. L'esprit de corps est inévitable, et le germe d'inégalité dont je viens de parler va prendre de nouveaux accroisgenaents.
Si nous supposons qu'une section soit plus forte que l'autre en talents, en lumières, comme cela sera nécessairement, nous aurons encore de nouveaux dangers, une plus grande tendance à la primauté.
Enfin un autre effet, qui me parait inévitable, résultera des lenteurs qu'entraîneront nécessairement les délibérations simultanées des deux sections. J'ai déjà observé que ces délibérations ne marcheront pas d'un pas égal. Il faudra perdre beaucoup de temps pour s'attendre et s'ajourner en Assemblée générale. Les amendements ramèneront cet inconvénient plusieurs fois sur la même question. Cependant le temps pressera ; il faudra' agir. Chaque section préférera d'enchevêtrer les affaires : les délibérations bientôt ne seront plus simultanées, mais successives, et la section la plus prompte à délibérer deviendra naturellement la section de revision.
Que sera-ce, Messieurs, si à cette pente naturelle des choses se joint l'impulsion malveillante de quelques orateurs intéressés? Ne voyez-vous pas que ce système nous conduira rapidement
aux deux Chambres, c'est-à-dire à la plus funeste ,des institutions?
Et comment pourriez-vous croire que ces malveillants n'existeraient pas dans nos législatures? Des Empires tels que le nôtre manqueront-ils jamais d'ambitieux? Et n'avons-nous pas dans notre sein une faction humiliée qui médite hau-tementsa vengeance, qui appelle ce funeste germe d'inégalité pour le cultiver au profit de son orgueil et de toutes ses passions !
N'en doutez pas, Messieurs, la plus légère inégalité, caressée avec soin, peut détruire tout votre ouvrage. J'ose le dire ici : il y a tel de nos comités permanents, tellement fiers de la grandeur de ses travaux, que depuis longtemps nous autres députés, qui ne sommes que patriotes, n'avons, pour ainsi dire, plus la permission de les aborder. Qui ne se plaint de la bureaucratie de l'Assemblée 1 et vous-mêmes, Messieurs, n'a-vez-vous pas vu quelquefois avec quel ton de supériorité quelques-uns de leurs orateurs es^ sayaient de donner des lois à vos délibérations? Or, je vous le demande, où de pareilles dispositions conduiraient-elles enfin une moitié de l'Assemblée qui se sentirait supérieure à l'autre, soit par ses talents, soit par ses fonctions, soit par son attribution particulière ; cette attribution, ne fût-elle que l'initiative de la réquisition près de l'autre, pour exercer la surveillance, pour proposer un événement extraordinaire, une pétition, un message ministériel à la délibération?
Or, si une section tend à la primauté, tout est perdu. Sa ligue avec le pouvoir exécutif me paraît inévitable, soit pour en obtenir l'extension de ses droits, soit par l'espérance de voir se réaliser les plus folles prétentions. Celui qui tend à des préférences, qui calcule sur son intérêt particulier, fait naturellement cause commune avec tout individu, ou corps politique disposé de la même manière que lui, sous la condition de pacter. De tels agents sont les ennemis naturels du peuple.
Sous ce point de vue très réel, Messieurs, peut-être même la tendance à la primauté de l'une des sections serait-elle plus funeste que le rétablissement actuel de la noblesse. Car du moins la loi serait faite ; et si elle ne domptait pas le courage des amis de l'égalité, c'est-à-dire ae la Constitution, il leur resterait du moins la ressource de fuir une terre de prescription d'où la liberté serait chassée pour jamais. Au lieu que l'incertitude de nos bases, les tentatives, vaines sans doute, mais toujours renouvelées, parce qu'elles seraient toujours alimentées par l'espérance et l'ambition, les tentatives, dis-je, de cette Chambre qui voudrait devenir enfin la première, allumeraient une guerre intestine, éveilleraient toutes les factions et déchireraient l'Etat sans ressource.
Et qu'on ne m'accuse pas de m'exagérer les dangers de la proposition que j'examine. Cette accusation fût-elle juste, fût-elle fondée, je soutiens qu'il n'appartient à aucun de mes concitoyens de me la faire, ni peut-être même de la juger. C'est jusqu'au scrupule qne nous devons veiller sur cette précieuse égalité que nous rend notre Constitution. Un' peuple libre doit avoir sa pudeur comme l'homme de la nature ; et de même que cette pudeur a présidé dans le sein dé cette Assemblée à la rédaction d'un décret récemment rendu (1), de même elle aurait dû peut-être étouffer cette discussion dès son origine.
Là liberté des Romains fut fondée sur la haine des rois : peut-être cette haine outra-t-elle quel-
ques-unes de leurs institutions; mais toujours est-il vrai qu'elle ne contribua pas peu à contenir ce Sénat si fier de son origine patricienne, et qu'elle rendit, par une sorte de miracle politique, cette institution compatible avec la liberté. Eh bien! il faut que la Constitution française soit fondée sur la haine de la noblesse, il faut que cette haine soit transmise par nous d'âge en âge jusqu'à nos derniers descendants; il faut que nos fils puissent faire dire à leurs enfants : « Il y « avait des nobles en France et nos ancêtres « étaient esclaves; et ils n'étaient eux-mêmes que « des valets titrés. Satellites du despote qui le3 « opprimait, ils s'étaient faits sous ses ordres les « tyrans de leurs égaux ; l'anarchie féodale dé-« chirait le royaume ; les hommes se vendaient « comme des troupeaux ; la misère les empê-« chait de naître; un deuil de plusieurs siècles « couvrait la face de l'Empire. La noblesse a « disparu; et c'est sur ses ruines que l'égalité, la « liberté, la Constitution, le bonheur des Fran-« çais en un mot, a été fondé au. milieu des « orages suscités par cette odieuse caste. »
N'en doutons pas, Messieurs, cette haine salutaire et patriotique, si elle nous fait rejeter légèrement l'institution que je combats, nous portera comme à Rome vers d'autres institutions qui la remplaceront plus efficacement encore : et toujours est-il sûr qu'elle veillera dans les cœurs des citoyens, qu'elle y sera la passion la plus active (car dans le fait elle ne sera que le juste amour de l'égalité), et qu'elle y servira peut-être de boulevard éternel à la Constitution, mieux cent fois que toutes les formes de délibération;
Ainsi donc l'institution des sections est inutile en elle-même, et de plus elle est funeste à la chose publique.
Je terminerai mon opinion, Messieurs, en remarquant que l'institution de nos comités, qui n'est pas sans danger, comme je l'ai déjà dit, remplit à peu près cet objet. En effet les matières s'y discutent, s'y arrêtent définitivement pour être discutées et délibérées dans l'Assemblée générale. Les législatures prendront sûrement cette méthode, et elles en tireront sans doute le même avantage que nous.
Au reste, l'exemple des Etats-Unis d'Amérique, sur lequel on insiste tant, n'est pas concluant. Quelle comparaison y a-t-il en effet entre un peuple tout nouveau, et la France qu'il nous faut régénérer?Entre des républiques fédérées, circonscrites par des : lacs, des rivières, des déserts, et une vaste monarchie dont toutes les parties se touchent, dont le gouvernement, essen-tiellementun, marche avec une extrême rapidité?
D'ailleurs, nous avons même, à peu près, cette institution qu'on nous vante des Etats-Unis d'Amérique : la Chambre haute est dans ce gouvernement la Chambre exécutive. Eh bien! chez nous aussi, nous avons une Chambre exécutive: elle reviseles décrets de nos législatures, et de plus elle a un droit de vote suspensif.
Serait-ce donc une Chambre semblable que voudraient avoir, en définitive, ceux qui nous font de pareilles comparaisons? Leurs ennemis pourraient les accuser; mais moi qui me plais à rendre justice à la pureté de leurs vues, moi qui fais quelque cas de leur estime parce qu'ils ont la mienne, je me contente de leur observer que leurs arguments sont précisément contraires à leur système, et qu'adopter leurs propositions, nous qui avons notre Chambre ministérielle et un veto royal, ce serait précisément dénaturer la ressem-
blance que peut avoir notre gouvernement avec celui d'Amérique.
Je conclus, Messieurs, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Buzot.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir,qui est adopté.
Messieurs, M. Dumont, natif de Valenciennes, sculpteur à Paris, fait hommage à l'Assemblée d'un buste de Mirabeau.
M. Çlaude-Rivey, artiste mécanicien, fait également hommage à l'Assemblée de la gravure d'un nouveau métier de éon invention, propre à fabriquer dès étoffes de soie et autres façonnées en tout genre.
Je crois remplir votre intention en accordant à ces deux artistes les honneurs de la séance. (Oui! *ui! — Applaudissements.)
Messieurs, jé vais vous faire part d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département du Gard.
« Messieurs,
«Nousapprenons que les malveillants répandent avec une maligne affectation que la ville de Nîmes a donné des secours aux Avignonais. Nous vous prions de démentir ces imputations. La ville de Nîmes n'a fait aucune démarche; elle n'a secouru aucun parti ; les citoyens du département du Gard ont gardé, à l'exemple de leurs administrateurs, la neutralité la plus parfaite. Nous avons gémi sur les malheurs de nos voisins ; nous avons plaint également Avignon et Garpentras, et nous avons pris toutes les mesures que nous avons crues propres à préserver nos contrées de la contagion de la guerre civile.
« Les administrateurs composant le directoire du département du Gard,
« Signé : Vigier, président ; Griolet, procureur général syndic; Rigal, secrétaire-grenier. »
(L'Assemblée ordonne l'insertion de cette réclamation dans le procès-verbal.)
Un membre: Messieurs, le 19 mars dernier, l'Assemblée nationale a décrété
7 articles concernant les baux emphytéotiques, et un huitième article
intitulé: article additionnel ; sur ce dernier article, il a été proposé
une addition qui a été adoptée par l'Assemblée et se trouve, en effet,
insérée dans le procès-verbal du 19 mars; le 18 avril, 7 autres articles
concernant aussi les baux emphytéotiques ont été décrétés, et il a été
statué par l'Assemblée que ces 15 articles seraient présentés ensemble à
la sanction. Quoique l'article additionnel, décrété le 19 mars, n'ait
éprouvé aucun changement, l'addition qui a été
D'après cet exposé, je demande que l'Assemblée veuille bien ordonner que l'on rétablira dans le procès-verbal du 18 avril et dans la loi du 27 du même mois, l'addition insérée dans le procès-verbal du 19 mars, consistant dans les termes qui suivent :
« Et seront tenus les receveurs de district qui auraient reçu des sous - fermiers les fermages desdits bénéficiers, ou partie d'iceux reçus en 1791, d'en remettre le montant aux personnes qui ont souscrit lesdits traités, à la charge par ces derniers de remplir les obligations qu'ils avaient contractées. »
(Cette proposition, mise aux voix, est décrétée.)
La parole est à M. Cochon de l'Apparent pour faire un rapport au nom du comité des recherches sur les événements arrivés à Aix, Toulon et Marseille, dans le mois de décembre dernier.
, au nom du comité des Recherches (1). Messieurs, vous avez chargé votre comité des recherches de vous rendre compte des événements arrivés à Aix, Toulon et Marseille dans le courant du mois de décembre dernier, ainsi que des procédures qui ont été instruites. Je viens aujourd'hui, Messieurs, remplir en son nom ce devoir rigoureux.
Il s'était formé dans la ville d'Aix 2 sociétés connues : l'une, sous le titre d'amis de la Constitution ; l'autre : sous celui d'antipolitiques. Cette dernière était principalement composée de cultivateurs, d'artisans et de gens de peine; toutes deux professaient les principes de la Constitution, et cherchaient à les répandre ; mais elles tenaient leurs séances en des lieux différents.
Vers les premiers jours de décembre, on apprit qu'il allait s'en former une troisième sous la dénomination d'amis de l'ordre et de la paix. Des sociétés établies sous le même titre à Lyon, à Perpignan, étaient devenues le signal de la discorde; elle Je fut aussi dans la ville d'Alx : l'inquiétude fut générale, quand on sut que, sous ce titre séduisant, des émissaires se répandaient dans les cafés, dans les boutiques, dans les rues, au cours, pour y faire des prosélytes; que l'on promettait aux uns de l'ouvrage, aux autres de l'argent et des distributions de pain; quand on sut que les chefs de cette nouvelle société étaient mécontents de la nouvelle Constitution et ne s'en cachaient pas; quand enfin l'on vit ses chefs, ses plus ardents sectateurs, décrier ouvertement les opérations de l'Assemblée, nationale, afficher le mépris pour ses décrets, manifester l'espoir d'un changement très prochain, agacer la sensibilité du peuple, et irriter sa fureur par d'insolentes bravades et d'indécentes provocations.
Le 12, cette nouvelle société devait ouvrir ses séances; ce jour-là, vers
4 heures de l'après-diner, le club des amis de la Constitution envoya
une députation à celui des antipoliliques, pour y porter le vœu de leur
réunion; ce vœu fut accueilli avec transport; le serment civique fut à
l'instant renouvelé, et le club sortit pour se réunir à celui des amis
de la Constitution. A 6 heures, les 2 clubs réunis passèrent sur le
cours aux acclamations des citoyens et aux cris de : vive la nation. A
peine étaient-ils passés,
Fort près du café était le cercle de Guyon, société d'amusement où se rendaient les ci-devant nobles, et où, dit-on, eux seuls étaient admis. Sur la porte du cercle était, ou se présenta, M. de Guiramand, chevalier de Saint-Louis, vieillard octogénaire* l'un des principaux chefs du nouveau club, qui souvent, mais surtout dans la matinée de ce jour-là, avait provoqué l'indignation des citoyens par des airs menaçants et des propos injurieux contre l'Assemblée nationale et qui, suivant la déposition de plusieurs témoins, avait promis de l'argent à des ouvriers pour leur faire arborer la cocarde blanche. M. de Guiramand, furieux des huées qu'il avait ou non excitées, tira dans l'instant même sur le peuple un coup de pistolet. Alors l'indignation des citoyens n'eut plus de bornes : des coups de pistolet et de fusil furent tirés sur le cercle; il fut assailli par une grêle de pierres; M. de Guiramand est blessé à la cuisse d'un coup de feu ; le peuple se précipite, veut forcer la maison, et de tout côté on court 'aux arme:?. 10 à 12 officiers du régiment de Lyonnais jouaient dans une salle; on leur dit qUe leur vie est en danger; ils délibèrent sur le parti qu'ils ont à prendre; ils sortent l'épée à la main, la foule s'écarte : ils courent au quartier ; on leur tire des coups de fusil ; 2 d'entre eux sont blessés. A leur arrivée au quartier, ils font prendre les armes au régiment; on distribue des cartouches-. M. de Valeix, le plus ancien capitaine, en l'absence du major, commanda de marcher par le flanc droit; les tambours ont dépassé la porte : les grenadiers s'arrêtèrent et refusèrent de marcher sans la réquisition de la municipalité. Le major arrive, fait défense de marcher sans cette réquisition. Quelques officiers insistent pour que l'on fasse sortir le régiment ; l'un d'eux crie aux soldats : qui m'aiaie me suive! 9 à 10 sortent des rangs ; Je major s'en aperçoit, fait un signe de la main; ses soldats reprennent leur rang ; le major est mandé à la municipalité ; il s'y rend après avoir donné des ordres et peu après le régiment rentre.
Quelques officiers avaient été arrêtés dans la ville et conduits à la maison commune; plusieurs avaient couru des dangers de la part du peuple, qui demandait vengeance à grands cris. La municipalité s'informe, examine, interroge: elle garantit les officiers arrêtés, les arrache à l'emportement de la multitude et les fait relâcher; mais elle craint les suites de cet emportement; elle craint un combat entre les citoyens et le régiment de Lyonnais. Elle requiert le major de le faire partir à l'instant, l'ordre est donné et le régiment part à 7 heures du matin.
L'accusateur public avait déjà rendu plainte sur les événements de la veille. Un grand nombre de témoins furent entendus, et dans le récit que je viens de vous faire, vous avez vu, Messieurs, le précis des informations. Plusieurs officiers du régiment de Lyounais, le sieur de Guiramand et quelques citoyens qui avaient le plus ardemment travaillé à la formation du club des amis de l'ordre et de la paix, furent décrétés de prise de corps; d'autres, d'ajournement personnel.
Arrêtons-nous, Messieurs, à cette première
époque, et discutons avec le calcul de la réflexion cette première partie de l'affaire ; pesons-en toutes les circonstances avec le sang-froid de la raison.
Au mois de septembre précédent, le sieur Pas-chalis avait adressé à la chambre des vacations du parlement d'Aix, un discours dans lequel, après avoir manifesté sa haine pour la Révolution, il annonça les. plus grandes espérances d'un premier retour à l'ancien ordre. Ge discours fit la plus vive impression et pensa coûter la vie à son auteur; cependant les esprits parurent se calmer; mais, dans cette dernière circonstance, on se rappela les espérances du sieur Paschalis, les scènes désastreuses qu'avaient produit ailleurs des clubs de même nom et de même composition ; et l'agression du sieur de Guiramand parut le signal d'une contre-révolution.
Votre comité, Messieurs, n'y a pas trouvé ce caractère, c'est la criminelle extravagance des mécontents forcenés qui a produit une rixe dont les suites ont été funestes à celui-là même qui l'a excitée et à ceux qu'on soupçonnait de l'avoir préparée. Les officiers du régiment de Lyonnais devaient être les agents de cette contre-révolution ; et cependant sur tous ces officiers, 10 à 12 seulement se trouvaient du cercle et y jouaient tranquillement; les autres étaient dans des maisons particulières ou à la comédie. On ne savait pas le matin que les deux clubs se réuniraient le soir, et qu'ils passeraient sur le cours, Où on pourrait les insulter. Il s'est écoulé un intervalle ae dpux heures entre le passage du Club des antipolitiques et celui des deux clubs réunis, sur le cours. C'en était assez, s'il y avait eu plan concerté pour y réunir sur le cours ou aux environs, et les officiers du régiment de Lyonnais et les membres du nouveau club. S'il y avait des projets et un plan déterminé, il est au moins certain qu'on n'avait pas choisi ce moment-là pour l'exécution. Il faudrait leur supposer dans ce système la plus parfaite nullité de moyens, et alors ils n'étaient pas à craindre, ou bien des projets qu'ils ne devraient réaliser que dans un instant plus reculé, et alors la scène du 10 n'était pas préméditée. Cependant la réunion des circonstances et des motifs de crainte, a été telle qu'elle a pu égarer le peuple; mais ce n'est pas ici le peuple qu'il faut juger.
Des membres du club et des officiers du régiment de Lyonnais ont été décrétés. Les premiers ont déjà obtenu du tribunal leur élargissement provisoire : il a été refusé aux seconds. Le tribunal a donc mis une différence dans la cause des accusés, et en effet elle n'est pas la même. De quoi accusait-on les citoyens membres du club ? ae moyens dangereux ou criminels ou vils, qu'ils avaient employés pour le former. Des moyens vils! la bassesse n'est pas du ressort des tribunaux ordinaires. C'est le tribunal redoutable de l'opinion publique qui la juge. Des moyens criminels ! la loi ne doit pas les supposer; ils doivent être prouvés, et ici ils ne le sont. Enfin, des moyens dangereux 1 ceux qu'on a employés pouvaient le devenir. Il y a eu pour faciliter, pour multiplier l'agrégation, des promesses d'ouvrage, d'argent, de distribution de pain, mais aucune de ces promesses n'a été réalisée. La municipalité pouvait seule connaître et apprécier les dangers, et la municipalité n'a pas cru devoir s'y opposer. Les informations à cet égard ont été suivies avec la plus grande activité; on les a même épuisées; et cependant, d'après plus de trois cents témoins entendus, on n'a acquis la
preuve d'aucun acte sur lequel la loi pût exercer son action.
A l'égard des officiers, leur cause doit être envisagée sous deux rapports différents. Ils ont pu se rendre coupables de deux manières, comme citoyens et comme soldats; il faut donc examiner leur conduite sous ces deux faces.
Ils ont prouvé que les officiers qui se trouvaient au cercle de Guyon n'ont pas provoqué le peuple; il est prouvé qu'aucun d-eux n'était membre du nouveau club; il est prouvé que la rixe a été commencée par le coup de pistolet que tira le sieur deGuiramand sur le peuple, et que le peuple, assaillant le cercle à coups de fusil, de pistolet et de pierre, on avertit les officiers que c'était à eux qu'on en voulait : il est prouvé, enfin, qu'ils sortirent du cercle, l'épée à la main, se retirèrent au quartier; et que, dans leur retraite, on tira sur eux des coups de fusil et de pistolet.
Quelques témoins déposent qu'en sortant du cercle les officiers étaient armés de pistolets; mais ceux-ci contredisent formellement ce fait. Ils ont proposé leurs faits justificatifs, à l'appui de cette assertion. Ils ont nommé leurs témoins, et le tribunal ne les a pas fait entendre. Ce fait, cependant, valait bien la peine d'élre éclairé, non pas que les officiers assaillis ne pussent se défendre avec des armes à feu, car, dans le cas d'une légitime défense, on se défend comme on peut; mais, parce qu'il n'était pas naturel qu'ils eussent de pareilles armes dans une maison où ils n'étaient censés aller que pour amusement, et qu'ils pouvaient faire soupçonner un complot.
Suivons maintenant les officiers au quartier et voyons quelle conduite ils ont tenue. En arrivant ils firent prendre les armes au régiment. On distribua des cartouches et le sieur de Valeix, qui commandait en l'absence des autres chefs, fit le commandement : par le flanc droit, 1er fait incontestable.
M. de Yaleix justifie le mouvement qu'il fit faire à sa troupe, en disant que son intention était de mettre le régiment en ..bataille sur la chaussée de Toulon, pour être plus tôt prêt à obéir à la réquisition de la municipalité, lorsqu'elle arriverait. Le major depuis défendit la sortie du régiment, et les autres officiers affirment que telle fut l'in-tentionde M. de Yaleix, qui la leur avait communiquée, et votre comité a été satisfait de cette explication.
Les autres officiers ont manifesté des intentions différentes, car il est prouvé qu'ils exprimèrent le désir d'entrer dans la ville pour délivrer leurs camarades, qu'ils croyaient en danger, et qu'ils firent même des instances au major, pour qu'il prît ce parti, auquel il se refusa constamment. Us disent que leur intention était la même que celle de M. de Valeix, et dans la proposition de leurs faits justificatifs, ils offrent de prouver qu'ils n'ont pas eu le dessein d'entrer dans la ville et que d'ailleurs ils ne l'auraient pas pu puisque les portes étaient fermées.
On peut répondre aux officiers : 1° qu'on ne détruit pas une preuve positive par une preuve négative ; 2°que leur intentionesttrès clairement exprimée par les propositions qu'ils firent au major et que la position plus ou moins commode du régiment n'était pas une raison suffisante pour-faire d'aussi vives instances; 3° que l'extrême agitation dans laquelle ils se trouvaient avait pu les aveugler sur l'impossibilité apparente d'entrer dans la ville.
Cependant, Messieurs, votre comitéa moins vu,
dans la conduite de ces officiers, le dessein de violer les lois, qu'un simple conseil d'inférieur à un supérieur, et qui peut être excusé par ses motifs et par les circonstances. Mais il en est un dont il serait difficile d'excuser les torts; c'est celui qui, voyant le refus positif et persévérant du majpr, de faire sortir le régiment, cria aux soldats : . Celui qui m'aime, me suive. .
Mais peut-être penserez-vous, Messieurs, que ce propos qui, d'ailleurs, n'a eu aucunes suites fâcheuses, et qui n'a vraisemblablement été que le fruit de l'imagination échauffée d'un jeune homme exalté par les. circonstances et les risques qu'il avait courus, et animé du vif désir de secourir ses camarades, dont il croyait la vie exposée, a été assez puni par une détention de 5 moi3.
Me voici arrivé, Messieurs, à jla partie la plus affligeante de ce rapport, aux événements qui succédèrent à la scène du 12, et qui en furent l'affreux résultat. La municipalité, comme vous l'avez vu, avait requis le départ du régiment de Lyonnais ; elle croyait assurer la tranquillité publique en éloignant cette troupe qui, jusqu'à ce jour malheureux, avait mérité par son civisme et son attachement à la discipline l'estime des citoyens d'Aix et les éloges de l'Assemblée nationale. Elle sentit, d'un autre côté, le besoin d'une force publique dans un moment orageux et elle requit un détachementde400 hommes delagarde nationale de Marseille, et 400 hommes du régiment d'Ernest, qui y était en garnison. Ces secours lui furent accordés et ils arrivèrent dans la journée du 13. A leur suite était une troupe d'hommes armés, que la curiosité avait tirés de Marseille.
M. Paschalis, odieux au peuple par les discours qu'il avait faits au parlement d'Aix, contre la Révolution, avait été arrêté dans une maison de campagne,, près de la ville, amené à Aix, et conduit à travers mille dangers à la maison commune. Le peuple demandait sa tête; les officiers municipaux crurent le sauver en l'envoyant dans les prisons placées au quartier; ils en confièrent la garde aux 400 hommes du régiment d'Ernest, jointe à 50 gardes nationales d'Aix et à un pareil nombre de ceux de Marseille. Les 3 administrations, qui s'étaient réunies pour délibérer sur l'état alarmant de la cité donnèrent, une réquisition par écrit aux commandants de ces corps respectifs d'avoir à garantir les prisons de toute violation intérieure et extérieure.
La nuit du 13 au 14 s'étant passée sans nouveaux troubles, Je lendemain matin les corps administratifs requirent le départ du détachement de Marseille et envoyèrent une députation pour veiller à ce départ. Le peuple, mêlé aux étrangers venus de Marseille, demande à grands cris la tête de M. Paschalis et court aux prisons pour l'eu tirer. Il avait été devancé par une.au-tre troupe qui avait pénétré dans le quartier où il n'avait pas trouvé de résistance et qui s'efforçait de briser à coups de hâche les portes de la prison. Le procureur général syndic y vole; il est insulté, maltraité, et on menace de le pendre. Trois officiers municipaux arrivent un moment après; ils font les derniers efforts pour engager le peuple à se retirer. Ces furieux sont sourds à la voix de l'autorité comme à celle de l'humanité ; ils se jettent sur les officiers du peuple, les maltraitent, leur présentent la pointe de leurs sabres, et ils arrachent d'eux enfin l'ordre de livrer Paschalis. Les gardes nationales d'Aix et une partie de celles de Marseille étaient débandées. Les chefs font d'inutiles efforts pour les rallier. Le commandant du régi-
ment d'Ernest était allé à la mai?on commune chercher de nouveaux ordres. Tout est dans la plus horrible confusion. Le malheureux Paschalis est entre les mains de ses bourreaux ; Paschalis n'est plus.
Avec lui avait été livré M. Laroquette, arrêté la veille. Celui-ci n'était pour rien dans l'affaire du club ni au cercle ; mais autrefois sa voiture avait écrasé un enfant : tout récemment il avait refusé le remboursement des droits féodaux. Il périt aussi victime de la vengeance du peuple.
Guiramand, décrété de prise de corps par le tribunal, pour la scène du 12, est aussi arrêté par le peuple furieux, et paye de sa tête les crimes qu'il a provoqués.
Tous ces crimes sont restés impunis. La terreur avait enchaîné les organes de la loi. Elle fut muette ; et celui qui a provoqué ces sanglantes exécutions, celui qui, tous les jours, égare le peuple en prêchant le partage des terres et le refus des impôts, cet homme n'est pas poursuivi I
L'accusateur rend plainte des événements désastreux du 12; il en poursuit la vengeance avec la plus grande activité et, en cela, il fait son devoir, mais trois citoyens sont immolés aux yeux des trois administrations réunies; et les assassins vivent !
L'autorité légitime est méconnue, outragée; les lois sont insolemment violées, et les lois se taisent!
A quel excès de désordre sommes-nous donc arrivés si nous n'avons des juges que pour être les témoins muets et impassibles des vengeances de la multitude ! -
Mais peut-on punir tout un peuple ? non, sans doutel Ce n'est jamais le peuple qu'il faut punir, parce que ce n'est pas le peuple qui est coupable ; ce sont ceux qui l'égarent quil faut vouer à l'anathème de leurs concitoyens et à la vengeance des lois.
Enfin, j'ai terminé le récit déplorable des événements d'Aix; il me reste à vous rendre compte des procédures instruites à Marseille et à Toulon. Je tâcherai, Messieurs, de concilier le respect dû à vos moments avec l'exactitude que mon devoir me prescrit.
Après la mort de Paschalis, on trouva dans ses papiers, entre autres lettres confidentielles que lui écrivaient ses amis et qui toutes se rapprochaient plus ou moins du goût et des idées ae celui auquel elles étaient adressées, deux lettres du sieur Cyprien Granet, homme de loi à Toulon. Ces lettres furent portées à la société des amis de la Constitution à Aix, qui les envoya à celle de Toulon, et celle-ci à la municipalité qui fit faire une visite chez le sieur Granet. On mit les scellés sur les papiers ; il fut arrêté et dénoncé à l'accusateur public qui rendit plainte. Le jeune homme faisait un magnifique éloge du discours de Paschalis ; il admirait son courage, soupirait après le retour de l'ancien ordre, faisait d'indécentes railleries sur la nouvelle administration ; il voulait plaire à Paschalis et le prenait par son côté faible. Du reste, ces lettres ne renfermaient aucun plan, aucunes vues, aucuns moyens. C'était tout simplement les lieux communs de l'aristocratie; elles firent la base de la dénonciation; le tribunal informa et décréta ; mais la procédure n'a appris que ce que l'on savait déjà, que le sieur Granet n'aimait pas la Révolution.
La procédure faite à Marseille contre les sieurs
Lieutaud, Lambarine et autres, présente un point de vue différent.
Pendant les événements d'Aix, des lettres anonymes accusèrent M. Lieutaud d'être un lâche conspirateur. Il reçut lui-même une lettre particulière qui lui donnait avis qu'on devait aller dans la nuit chez lui, sous prétexte de visiter ses papiers, et que, s'il restait, il serait exposé à une mort certaine. Tout le décida à fuir, pour se soustraire aux fureurs du peuple irrité. Il s'embarqua en conséquence, le 17 décembre au soir, sur un vaisseau catalan avec son épouse et M. Lambarine sans avoir pris aucun passeport. Cette fuite fut dénoncée à la municipalité, comme une preuve du crime ; elle reçut des déclarations qui accusaient le sieur Lambarine d'avoir distribué de l'argent pour le sieur Lieutaud. La municipalité les décréta de prise de corps et les envoya réclamer auprès du directoire du département du Var sur le territoire duquel, le vaisseau ayant relâché à cause du mauvais temps, les 2 passagers avaient été arrêtés faute de passeports.
Le département repondit qu'une municipalité n'avait pas le droit de lancer des décrets de prise de corps; la municipalité envoya un instant un courrier à Toulon pour notifier au département qu'on le rendait responsable de tous les événe-nements s'il donnait la liberté aux accusés ; qu'elle n'avait pas cru qu'il fallait traiter une question de compétence dans une affaire où il s'agissait du salut public; qu'au surplus le tribunal allait informer.
En effet, Messieurs, le tribunal s'assemble pendant la nuit du 27 au 28, il déclare nuls les actes de la municipalité, ordonne l'information, et, sans informer, expédie les décrets de prise de corps qui partent pour Toulon, à 5 heures du matin. M. Lieutaud est amené à Marseille enchaîné; il demande qu'on l'interroge, et 48 jours se passent sans qu'il obtienne sa demande. On prolonge la procédure avec une espèce d'affectation; 4 requêtes sont présentées pour obtenir la liberté de voir ses parents et ses conseils, 36 témoins sont entendus dans cette procédure, et il n'existe contre le sieur Lieutaud ni traces, ni indices de complot. Enfin il n'existe pas de procédure. S'il y en avait une, je vous dirais, Messieurs, que Lamba-. rine est convaincu d'avoir distribué de l'argent. Ses dénonciateurs prétendent qu'il voulait exciter la guerre civile ; le sieur Lambarine soutient que ces distributions avaient le double objet de secourir des malheureux et de faire des partisans au sieur Lieutaud pour le faire réélire au commandement de la garde nationale, dont il avait été dépossédé par une intrigue de la municipalité. Les dépositions sur ces distributions d'argent varient beaucoup ; cependant ce qui a paru le plus probable à votre comité, c'est le dessein de rappeler le sieur Lieutaud au commandement.
Vous vous êtes sans doute aperçus. Messieurs, par l'exposé que je viens de vous faire des faits et de la procédure, que la conduite de la municipalité et du tribunal de Marseille n'a pas été très régulièfe. Ces corps n'ont pas été exempts de préventions, toujours redoutables' dans des hommes publics, qui doivent être inaccessibles à tout autre sentiment qu'à celui de la justice. Votre comité a pensé cependant que les erreurs du moment pouvaient être excusées, par les circonstances critiques où se trouvait cette partie de la Ci-devant Provence.
Enfin, Messieurs, les preuves de civisme et d'attachement à la Constitution qu'ont données dans toutes les circonstances les villes d'Aix et de Mar-
seille, l'époque des faits déjà assez reculée, le désir de maintenir la tranquillité,et la paix dans une partie intéressante de l'Empiré français, l'avis unanime des députés des deux départements du Var et des Bouches-du-Rhône, tout a engagé votre comité à Vous proposer de vouer à l'oubli les procédures instruites à Aix, Marseille et Toulon, et de jeter un voile sur les irrégularités que vous avez pu remarquer dans celles de Marseille, et dont celles d'Aix n'est peut-être pas même tpta-lement exempte.
La seule mesure de sévérité que votre comité vous proposera, sera contre ceux qui ont commis et provoqué directement les crimes commis à Aix le 14 décembre. Aujourd'hui que la Révolution est faite, que les différents pouvoirs sont délégués et organisés, il est temps que la loi reprenne enfin son empire, et que sa juste mais inflexible sévérité, en effrayant les ennemis du bien public, rassure les citoyens honnêtes ét paisibles, et devienne le garant assuré de la félicité publique et individuelle.
Je ne dois pas oublier de vous dire, Messieurs, que les commissaires du roi vous ont été dénoncés par le club de Marseille, comme des ennemis de la liberté publique. La sage modération de ces citoyens déplaît à quelques hommes qui se plaisent dans l'anarchie, et qui élèveraient les mêmes commissaires jusqu aux nue?, s'ils partageaient l'exagération de leurs principes et l'emportement de leurs opinions. Votre comité n'a trouvé ni fondement ni prétexte dans cette dénonciation.
Voici le projet de décret qu'il a l'honneur de vous proposer :
« L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comiié des recherches, en exécution du décret du 15 janvier dernier, des procédures instruites à Aix, Toulon et Marseille, pour crime de Jèse-nation, déclare qu'il n'y a pas lieu à accusation contre les sieurs Lambarine, Lieutaud, Oscur, Chaîner, Fontane, Amphouse, dit Parroy, Camoin, Bou-rillon, Beyres, Foessier, Bilat, Augustin, Granet, Anglès père et fils, Gopet, Moutte, Valeix, Bros-sard, Lambertye, Duvernine, Gorvisart, Latour, Toponat, Dypres, Savignac, Brulard, Richard, Mignard, Darbaud, Amielh, de Gneyde, Ribot, Martelly, Duvevrier, Mazenod, Eyssautier, Lamarre, Dubreuil, Ghambon, Armand, Brunei et Geoffroy ;
« Décrète, en conséquence, que les procédures instruites sur les plaintes des accusateurs publics d'Aix, Marseille et Toulon, seront regardées comme non-avenues; et que ceux d'entre les ci-dessus dénommés qui sont prisonniers, seront relaxés des prisons où ils sont détenus et remis en liberté.
« Décrète, en outre, que le roi sera prié de donner des ordres pour que le3 auteurs et instigateurs directs des crimes commis à Aix le 14 décembre dernier soient poursuivis.
« Décrète que le président se retirera par devers le roi pour le prier de donner les ordres les plus prompts aux commissaires qu'il a envoyés dans le département des Bouches-du-Rhônes, pour l'exécution du présent décret. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de domaines nationaux à la municipalité de Lille.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qni
luli a été fait par son comité d'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 10 mai 1790, par la municipalité de Lille, canton de Lille, district de Lille, département du Nord, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Lille, le 8 mai de la même année, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier,
« Déclare vendre à la municipalité de Lille le3 biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour le prix de 5,502,741 1. 6 s. 4. d. et demi, payables de la manière déterminée par le même décret. »
(Ce décret est adopté.)
On vient de me remettre un paquet envoyé par l'assemblée provinciale du nord ae Saint-Domingue ; ce paquet contient une lettre de cette assemblée, datée du Gap le 15 mars 1791.
La voici :
« Monsieur le Président,
« Nous devons vous rendre compte des événements qui viennent d'arriver au Port-au-Prinée, où le colonel du régiment de ce nom a été assassiné par ses soldats ; mais, quoique nous n'en soyons qu'à six lieues, les versions sont si différentes que nous serons forcés de nous en tenir à vous envoyer i'adresse de M. de Blan-chelaude aux citoyens de la colonie. Ce loyal général a été forcé de se retirer dans la province du Nord, où il ne cessera jamais de suivre vos décrets sanctionnés par le roi.
« Une des frégates qui font partie de la station a apporté ici le germe de l'insurrection qui existait au Port-au-Prince; mais une dépu-tation, précédée du drapeau national que nous avons envoyé aux trois frégates et aux trois corvettes qui sont dans notre rade, a décidé les équipages à en envoyer une dans notre sein. En croisant leur drapeau avec le nôtre, nous avons renouvelé à l'Assemblée le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de soutenir de toutes nos forces les décrets nationaux. Cependant nous ne serons pas tranquilles tant que les soldats et les officiers actuellement au Port-au-Prince n'auront pas donné les preuves authentiques de leur retour à la subordination.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé ; Les membres de l'assemblée provinciale. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre et des pièces y jointes au comité des colonies.)
, au nom du comité du commerce et d agriculture, fait un rapport sur le canal de Givors; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le canal de Givors, dans le département de Rhône-et-Loire, a été construit aux frais d'une compagnie; quoiqu'on y navigue depuis 1781, il est néanmoins encore imparfait.
Des lettres patentes du mois de décembre 1788, enregistrées au parlement de Paris le 5 septembre 1789, ordonnèrent que des travaux, nécessaires à sa perfection, seraient exécutés suivant les plans et devis ) annexés.
Ces travaux consistent dans la largeur à donner aux. francs bords du canal, déterminée par les plans, dans la construction d'un barrage, alors à établir sur la rivière de Gier, pour en soutenir les eaux de manière qu'elles puissent alimenter cette navigation, et dans celle _ d'un réservoir d'eau avec ses dépendances, destiné à conserver les eaux nécessaires au canal pendant l'été.
On construisait ce barrage, lorsque des eaux, vraiment extraordinaires, changèrent l'état des lieux.
Une partie du chemin de Rive-de-Gier à Vienne fut emportée; quelques propriétés particulières, situées, tant au-dessus qu'au-dessous du barrage, disparurent. Il fallait pourvoir et aux inconvénients résultant de ce nouvel état des choses et à ce que ce barrage, nécessaire au canal, fût continué de manière à remplir sa destination.
Les entrepreneurs de ce canal s'adressèrent au directoire du département, pour être autorisés à prolonger ce barrage, et à faire les travaux qui pourraient y être relatifs. La municipalité de Rive-de-Gier s'opposa à l'exécution de ces travaux.
D'après une ordonnance du directoire du département, deux commissaires, pris dans ledirec-toire du district de Saint-Etienne, et trois ingénieurs-experts nommés à cet effet, visitèrent les lieux.
Le directoire du département autorisa, le 3 février 1791, ces entrepreneurs à prolonger le barrage établi sur la rivière de Gier.
Il ordonna que l'élargissement que cette rivière s'était donné serait conservé et que le chemin de Rive-de-Gier à Vienne serait, en partie, reporté sur les propriétés voisines.
Il leur permit d'acquérir les propriétés nécessaires à l'exécution de ce qu'il ordonnait, et de faire quelques changements à certains édifices.
Enfin il fixa, par son arrêté et par un plan y annexé, la manière dont les travaux seraient exécutés.
Les entrepreneurs du canal sont disposés à exécuter ce qui leur est ordonné, mais ils croient avoir besoin d'un décret de l'Assemblée nationale.
Avant de s'occuper de cette question, il en est une préliminaire à examiner.
Ces travaux sont-ils nécessaires? Ils ont été jugés tels par les ingénieurs-experts qui ont visité les lieux; parles commissaires du district de Saint-Etienne, par le directoire du département: ils ont paru tels à votre comité d'agriculture et de commerce. En effet, Messieurs, la navigation du canal de Givors ne pourrait subsister sans le barrage établi sur la rivière de Gier, parce qu'il manquerait d'eau presque dans tous les temps.
Il est indispensable de laisser à cette rivière l'élargissement qu'elle s'est donné, parce qu'il est nécessaire au passage des eaux, quelquefois surabondantes.
Le chemin de Rive-de-Gier à Vienne est d'une nécessité absolue : la rivière en a pris une partie; il faut donc le rétablir et lui donner un nouvel emplacement.
Tous les travaux énoncés dans l'arrêté pris par le directoire du département le 3 février 1791 sont donc nécessaires.
Mais suffit-il qu'ils le soient pour que le directoire du département ait pu les ordonner, et par suite autoriser l'acquisition des propriétés individuelles indispensables à leur exécution? Votre comité, Messieurs, ne l'a pas pensé.
U s agit d abord d'un changement quelconque a une rivière et à un chemin : ces objets sont, aux termes de votre décret du 22 novembre 1790, dés propriétés publiques, ou, du moins, des dépendances du domaine national. Il est de principe que le seul propriétaire a le droit de faire ou d'autoriser que l'on fasse tel changement que ce soit à sa propriété ; donc l'Assemblée nationale, qui seule représente le propriétaire du domaine public, peut seule autoriser ces sortes de changements.
Cette maxime est ici d'autant plus applicable, que leur exécution oblige des citoyens à céder leurs propriétés : s'ils en doivent la cession au bien national, c'est à la nation, par ses représentants, à l'exiger. C'est ainsi qu'on se conduit en Angleterre et en Amérique.
On pensera peut-être que, dans certains cas, les corps administratifs doivent être autorisés à permettre quelques changements aux dépendances du domaine public, et même à forcer les particuliers à se priver de leurs propriétés ; mais ces cas, qui feraient exception, n'étant pas encore déterminés, le principe qu'on a établi subsiste en son entier et doit être respecté.
Il faut donc corriger ce qui est défectueux dans l'arrêté du directoire du département de Rhône-et-Loire ; c'est ce qu'on fait par le premier des articles qui vous sont proposés; il contient encore une autre disposition dont voici les motifs.
Il faut distinguer l'action de deux pouvoirs, lorsqu'il s'agit de canaux, deroutes ou d'autres travaux qui exigent l'acquisition des propriétés individuelles ; celle du pouvoir législatif, qui ordonne ou permet la confection de ces travaux et qui peut mêmeen déterminer les bases principales, ou déléguer cette partie de son autorité; et Celle du pouvoir administratif qui fait exécuter; mais où réside ce pouvoir administratif? Consultons vos décrets.
Vous avez ordonné, par l'article 2 section III de votre décret sur l'organisation des corps administratifs, que les départements seront chargés sous l'autorité et l'inspection du roi, comme chef suprême de la nation et de l'administration générale du royaume, de toutes les parties de cette administration, notamment de celles qui sont relatives à la direction des travaux pour la confection des routes, canaux et autres ouvrages publics, autorisés dans le département : voici donc le pouvoir administratif organisé, le roi et les départements.
L'article 5 de la même section règle la conduite que ces corps doivent tenir pour opérer légalement. Il porte « que leurs délibérations sur tous les objets qui intéressent le régime de l'administration générale du royaume, ou sur des entreprises nouvelles et des travaux extraordinaires ne pourront être exécutées qu'après avoir reçu l'approbation du roi; et que, quant à l'expédition des affaires particulières et de tout ce qui s'exécute en vertu de délibérations particulières déjà approuvées, l'autorisation du roi ne sera pas nécessaire. »
On a vu dans les ouvrages, arrêtes par le directoire du département de
Rhône-èt-Loire, des travaux nouveaux, une entreprise nouvelle, qui
n'avait été ni décrétée par le Gorps législatif, ni approuvée par le
roi. On a pensé, d'après la disposition de vos décrets, et surtout
d'après votre instruction du 8 février 1790 (1), que cette approbation
devait
Le second objet de la pétition des entrepreneurs du canal de Givors concerne la manière de procéder aux estimations des terrains qu'ils doivent acquérir pour faire et pour perfectionner leurs travaux, et de terminer les difficultés qui pourraient s'élever à cette occasion: ils demandent que ces estimations soient préliminairement faites par des commissaires nommés par le directoire du département, sauf à en faire de contradictoires, s'il y a lieu : ils désirent que les difficultés qui en résulteront soient terminées par le département, s
Votre décret du 6 septembre 1790 veut que les difficultés, relatives aux estimations, soient d'abord portées au directoire du district, ensuite à celui du département, pour y être terminées par la voie de conciliation ; et que, si cette conciliation ne peut s'opérer, l'estimation soit faite par le juge de paix, et homologuée par le directoire du département. Ce circuit est long, difficile, frayeux; et il impose un retard bien préjudiciable à l'exécution des travaux publics. Votre comité de Constitution n'a proposé ce mode, que pour les travaux laits aux frais des départements ou (peut-être) du Trésor national. Il n'a pas voulu que les directoires fussent, en quelque sorte, juges et parties ; et voilà pourquoi il les a obligés d'nomologuer une estimation, à laquelle ils n'avaient aucune part; mais lorsqu'il s'agit de travaux faits par des compagnies, cette règle cesse : témoins les décrets rendus pour le canal Brullé, pour le dessèchement des marais, pour les canaux d'irrigation décrétés au profit des sieurs Fabre. En effet, Messieurs, vous ne pouvez et vous ne voulez pas ôteraux intéressés le droit naturel, qui leur appartient, de se défendre par des moyens légaux, ni les obliger à se contenter d'une estimation faite par un juge de paix expert-né, qu'un intérêt particulier peut conduire, ou qui pourrait bien n'avoir pas les connaissances requises, pour remplir des fonctions, qui sont réellement hors de l'ordre judicaire. Vôtre comité vous propose, par l'article 2 dé son projet de décret, un moyen qui lui a paru propre à concilier tous les intérêts.
11 vous proposé, en outre, de faire terminer les difficultés, relatives aux estimations, par les corps administratifs, et il s'appuie sur les lois. Votre décret sur l'organisation des corps administratifs, porte qu'ils ne pourront être troublés dans i'exercice de leurs fonctions administratives, par aucun acte du pouvoir judiciaire. L'instruction, sur ce décret, dit, formellement, que la Constitution serait violée, si le pouvoir judiciaire pouvait se mêler des choses d'administration. Enfin les décrets sur l'ordre judiciaire, ceux que vous rendez journellement, à l'occasion des travaux publics que vous autorisez, ordonnent que les difficultés relatives à leur exécution et notamment aux estimations des terrains qui y seront employés, seront décidées par les corps administratifs: on aurait donc tort de répéter que la proposition de votre comité renverse l'ordre actuel des choses ; au contraire, elle tend à le maintenir.
Les entrepreneurs du canal de Givors demandent encore que les règlements, rendus pour la police de leur canal, soient provisoirement exécutés.
Une navigation ne peut se faire sûrement et tranquillement sans police. La commission ci-
devant existante, pour prononcer sur les difficultés relatives à ce canal, a fait deux règlements, les 13 février 1782 et 11 février 1783, sur la police à y observer. L'un concerne les crocheteurs et les gens de peine qui y sont employés; et l'autre regarde la manière d'y naviguer. Ils contiennent 46 articles que le temps ne permet pas de discuter. Il a paru à votre comité qu'on pouvait en ordonner 1 exécution provisoire.
En juillet 1790 on détruisit une partie des travaux de ce canal. Le ci-devant procureur du roi en la sénéchaussée de Lyon, rendit plainte à cette occasion, les informations ont été commencées, mais la suppression des anciens tribunaux suspendit la procédure. Ces entrepreneurs demandent qu'elle soit continuée pardevant le'tribunal de Saint-Etienne, dans le territoire duquel le délit fut commis.
C'est d'après ces considérations, Messieurs, que votre comité a l'honneur de vous proposer les articles suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'agriculture et de commerce, décrète:
« Art. 1er. Les entrepreneurs du canal de
Givors sont autorisés, en vertu du présent décret seulement, à faire, à
la rivière de Gier, au chemin de Rive-de-Gier à Vienne, et aux
possessions de quelques citoyens, moyennant une préalable indemnité à
ces derniers, les changements énoncés dans l'arrêté pris le 3 février
1791, parle directoire du département de Rhône-et-Loire.
« Les moyens d'exécution seront présentés au roi pour être approuvés s'il y a lieu.
« Art. 2. Ils acquerront, selon les formes prescrites par les décrets sanctionnés, les terrains rappelés, tant dans cet arrêté que dans le plan y joint, et nécessaires pour effectuer ces changements. Ils acquerront également ceux indispensables à la construction et à la parfaite exécution du réservoir d'eau, de ses dépendances, des francs-bords de ce ^anal, et de tous les autres travaux autorisés par les lettres patentes du mois de décembre 1788, enregistrées au Parlement de Paris, le 5 septembre suivant, et par les plans y annexés, ou ils en feront faire une estimation provisoire, par des experts que le directoire de département nommera. Si elle ne satisfait pas les intéressés, il en sera fait une nouvelle, par des experts respectivement nommés, sinon d'office ; les difficultés, s'il en survient, seront portées en première instance au directoire de district, et par appel à celui de département.
« Art. 3. Les règlements rendus le 23 février 1782 et 11 février 1783, par le ^commissaire alors départi dans la ci-devant généralité de Lyon, pour la police particulière de ce canal, seront provisoirement exécutés. Les difficultés y relatives seront portées pardevant les juges qui en doivent connaître.
« Art. 4. La procédure criminelle commencée à la ci-devant sénéchaussée de Lyon, à l'occasion des dégradations faites en 1790 aux travaux de ce canal, sera continuée par le tribunal de district, dans le ressort duquel ce délit fut commis.»
(L'Assemblée ordonne l'impression de ce rapport et décrète l'ajournement de la discussion.)
Le décret que vous avez rendu ce matin annonce positivement que vous n'aurez pas de petits assignats et de monnaie d'ici à un mois; or, dès demain... (4 l'ordre du jour!)
Je rends responsables ceux qui m'interrom:
pront, de tous les malheurs qui arriveront. (Applaudissements.) Plusieurs honorables membres, même le comité des finances, ont pensé que les caisses de secours n'étaient pas impossibles, et n'ont trouvé que l'embarras d'avoir de l'argent ; mais, Messieurs, je crois que le Trésor public pourrait faire une avance d'un mois, parce qu'au bout d'un moisvousaurezdespetitsassigoats.Ona insinué que le Trésor public n'était pas même en état de faire l'avance d'un mois : Messieurs, jamais je ne le croirai. Le Trésor public devait avoir 10 millions d'espèces en réserve; il est impossible qu'il s'en soit dessaisi.
On objecte la sold-î des troupes : c'est la réponse à toute demande ; mais cette réponse ne-vaut rien, surtout lorsqu'on lui a donné des assignats en suffisance, surtout lorsqu'on lui a passé ses achats d'argent en dépense ; au moyen de quoi, s'il s'était dessaisi, je le soutiens publiquement, il n'y a pas de supplice assez grand pour luù (Rires ; applaudissements dans les tribunes.) Mais, Messieurs, c'est une calomnie infâme qu'on débite contre lui : décrétez demain une caisse de secours, après demain il fournira de l'argent, j'en suis certain..
Il y a plus, et ne comptez-vous donc pas sur les Parisiens? Jamais je ne me persuaderai qu'ils laisseront dire d'eux qu'ils étaient plutôt portés vers la cupidité que vers le véritable amour de la patrie, vers la licence que vers la liberté. Non, Messieurs, il ne faut que 3 millions d'avances ; et on les trouvera. Je demande donc que la motion pûur les secours provisoires soit mise à l'ordre du jour.^ Je le demande, au nom de la patrie, au nom du péril public qui est é minent, qui croît à chaque instant.
J'annonce un fait très glorieux: un particulier, au Palais-Royal, a distribué 2,000 livres en argent gratuitement. Il est impossible qu'on ne voye pas'de pareils actes quand une fois on parlera au peuple.
Le préopinant vous a dit qu'il déclarait rendre responsable des malheurs qui pourraient arriver quiconque s'opposerait à sa motion ; et moi je pourrais dire, avec une raison plus solide, que quiconque vous dira dans celte tribune que la matière de cuivre ne païaîtrà que dans un mois, qu'elle ne va pas être incessamment à votre disposition, sera responsable des troubles qui arriveront. (Applaudissements.)
J'ai l'honneur de vous assurer qu'avant qu'il soit 8 jours, vous aurez .abondamment delà petite monnaie.
Je demande que vos comités des finances et des monnaies soient chargés d'exa-jniner le procédé de quelques artistes qui, sans opération de chimie, ont fondu tout simplement une cloche et en ont tiré des pièces auxquelles ils ont donné la figure, le millésime et toute l'empreinte des pièces ordinaires. Ils prétendent qu'il en coûterait plus pour contrefaire ces pièces qu'elles ne valent.
Je demande que v03 comités des finances et des monnaies soient tenus, demain ou après-demain, de faire un rapport motivé sur cette mesure.
(L'Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de la motion de M. Duport aux comités desfinances et des monnaies, pour présenter le plus tôt possible ses vues sur cet objet.),
, au nom du comité des rapports,
fait un rapport sur la sédition et les troubles qui ont eu lieu, dans le mois de janvier dernier, dans la ville de Milkau, département de VAveyron à Voccasion de la promulgation de la loi sur le serment exigé des fonctionnaires publics; il propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports, des instructions et des renseignements qui lui ont; été. adressés par les commissaires extraordinaires envoyés par le roi dans le département du Gard et autres départements voisins, en exécution du décret du 23 février 1790, sanctionné le 24, relativement à la sédition et aux troubles qui ont eu lieu le 25 janvier dernier dans la ville de Milhau, chef-lieu d'un des districts du département de l'Aveyron, et aux obstacles qui ont empêché jusqu'à présent d'en poursuivre les auteurs ;
« Décrète qu'à la diligence de l'accusateur public près le tribunal de Rodez, chef-lieu du département de l'Aveyron, il sera informé par devant ce tribunal contre les auteurs, instigateurs et complices de la sédition, des troubles et des excès qui ont eu lieu dans la ville de Milhau le 25 janvier dernier, et que le procès leur sera fait et parfait.
« Charge son président de prier le roi de donner les ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décret. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l'organisation des monnaies (i).
, rapporteur, présente la suite des articles, à partir du chapitre 6 du titre III, et répond à diverses questions qui lui sont adressées au cours de la délibération.
Les articles suivants qui-forment le complément du décret sont, après quelques légères modifications, décrétés en ces termes :
CHAPITRE VI.
De l'essayeur.
Art. 1er.
« L'essayeur sera chargé de la vérification du titre des espèces fabriquées; il y procédera toutes les fois qu'il en sera requis parle commissaire du roi, avec les formalités prescrites par la loi. Il inscrira sur un registre particulier à ce destiné, la quantité et le titre des espèces dont il aura fait les essais, avec la date de leur fabrication, et celle du jour de l'essai.
Art. 2.
« Il ne pourra, sous peine de révocation, faire aucun essai pour le compte du directeur de la monnaie, ni essayer des monnaies par lui fabriquées, autres que celles qui lui seront remises par le commissaire du roi, pour servir au jugement de délivrance.
Art. 3.
« Il pourra essayer les espèces étrangères et matières qui lui seront
remises par le public; il inscrira sur son registre le poids des lingots
qu'il essaiera, et le nom des propriétaires ; il ne pourra les rendre
qu'après avoir apposé sur chaque lin-
Art. 4.
« Il ne pourra, sous aucun prétexte, employer pour ses opérations d'autres agents et substances que celles dont il sera tenu de se pourvoir au dépôt établi par la commission, il sera pareillement tenu de procéder aux eSsais conformément aux instructions générales qui auront été arrêtées par la commission.
Art. 5.
e Les registres dont il fera usage seront tous cotés et paraphés par le commissaire du roi.
Art. 6.
u II jouira d'un traitement fixe, qui sera déterminé par l'Assemblée nationale ; il ne pourra, en conséquence, retenir, sous aucun prétexte, les boutons ou cornets des essais qu'il fera pour parvenir au jugement de délivrance, ni percevoir aucun droit sur la fabrication.
Art. 7.
« Les essais qu'il fera pour le compte du commerce lui seront payés en argent, au prix qui sera déterminé par l'Assemblée nationale. Il sera tenu de rendre, en conséqueuce, aux-propriétaires des espèces et matières, les cornets et boutons d'essai.
Art. 8.
« En cas de maladie ou d'absence légitime de l'essayeur, le commissaire du roi commettra provisoirement à l'exercice de ses fonctions la personne qui lui sera proposée par ce fonctionnaire; et, dans ce cas, l'essayeur demeurera responsable de ses opérations et chargé de son traitement. Si les circonstances ne lui permettaient pas de proposer son suppléant, il y sera pourvu provisoirement par le commissaire du roi, en attendant que la commission en soit instruite et ait pris à cet égard les mesures qu'elle jugera convenables. »
CHAPITRE VII.
Du graveur.
Art, 1er.
« Le graveur sera tenu de fabriquer et de remettre au commissaire du roi le nombre de carrés qu'il jugera nécessaires pour le monnayage des espèces. Le ^graveur ne pourra, sous peine de révocation, tirer ses carrés sur d'autres matrices et poinçons, que ceux qui lui auront été remis par le commissaire du roi, ni les altérer, de quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 2,.
A .mesure que ses carrés seront tirés et achevés, il les remettra au commissaire du roi, qui s'en chargera sur son registre , et lui en donnera son récépissé après les avoir fait essayer en sa présence.
Art. 3.
« A la lin de chaque semestre, le commissaire du roi, accompagné de deux monnayeurs, remettra au graveur les carrés qui ne pourront
plus être employés au monnayage ; il les ren-grénera sur les poinçons, les fera recuire et les biffera en leur présence. Il sera dressé procès-verbal de ces différentes opérations, auquel signeront toutes les personnes qui y auront assisté.
Art. 4.
« Le graveur jouira d'un traitement annuel et il sera, de plus, payé des carrés qu'il fournira, au prix qui sera fixé par l'Assemblée nationale ; mais il ne pourra, sous.aucun prétexte, percevoir des droits sur la fabrication. »
CHAPITRE VIII.
Des monnayeurs.
Art. Ier.
« Les monnayeurs recevront des mains du commissaire du roi tous les carrés nécessaires à leur travail et lui en délivreront un récépissé. Ils pourront exiger qu'ils soient éprouvés avant de s'en charger ; cette épreuve se fera en la présence du commissaire du roi et en celle du graveur. Le graveur sera tenu de reprendre ceux desdits carrés qui seraient reconnus défectueux.
Art. 2.
« Les flaons à monnayer leur seront remis au bureau de délivrance, après avoir été pesés en masse; ils s'en chargeront en recette sur le registre à ce destiné.
Art. 3.
« Lorsque les flaons seront monnayés, les monnayeurs les rapporteront au bureau de délivrance ; ils y seront de nouveau pesés en masse; et si leur poids se trouve conforme à celui exprimé par le procès-verbal de la délivrance qui leur en aura été faite, il en sera fait mention sur le registre pour leur servir de déchargé.
Art. 4.
« La fourniture et l'entretien des balanciers, de leurs vis et de leurs écrous, seront à la charge du Trésor public. Les monnayeurs se fourniront de tous les autres ustensiles servant à l'exercice de leprs fonctions; ils seront payés à tant le marc, conformément aux décrets qui seront rendus par l'Assemblée nationale. »
CHAPITRE IX.
Des changeurs.
Art. 1er.
« Les changeurs seront tenus de se conformer, tant pour l'exercice de leurs fonctions, que pour la perception de leurs {droits, aux anciens tarifs et règlements, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée nationale. Les registres dont ils feront usage seront côtés et paraphés par le maire du lieu où ils seront établis.
Art. 2.
« Ils seront tenus de recevoir, sur le pied du tarif public, et conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, les espèces nationales et étrangères qui leur seront présentées ; mais ils ne pourront être contraints de recevoir celles qui ne seraient pas portées sur le tarif, et .dont le titre
leur serait inconnu, ni les lingots de matières d'or ou d'argent qui n'auraient pas été paraphés par des essayeurs des monnaies de France.
Art. 3.
« Ils seront autorisés à retenir ou à se faire payer sur le produit des espèces et matières qu ils recevront, dont le titre serait inférieur à celui des espèces nationales, les frais d'affinage nécessaires pour les élever à ce titre, tels qu'ils seront fixés par le tarif.
Art. 4.
« Les tarifs dont ils feront usage seront affichés dans plusieurs endroits de leur bureau, à portée du public, afin que les propriétaires des espèces et matières puissent s'assurer de l'exactitude de leurs décomptes, dont les changeurs seront tenus de leur délivrer des bordereaux.
Art. 5.
« Ils porteront sur un double registre tous les articles de leur recette, et les noms des proprié^ taires des espèces et matières; ils y porteront pareillement les bordereaux des envois qu'ils feront aux directeurs des monnaies; ils enverront, à la fin de chaque année, à la commission des monnaies, l'un de ces registres, après qu'ils auront été l'un et l'autre arrêtés et signés par le maire du lieu de leur domicile.
Art. 6.
« Les poids et balances dont les changeurs feront usage seront vérifiés au moins tous les trois mois par les officiers de police préposés aux vérifications de cette nature, auxquelles seront sujets les artistes et marchands qui font usage de poids et de balances. Les changeurs seront tenus de peser, avec la plus grande exactitude, les espèces et matières qui leur seront apportées, et ae se conformer, à cet égard, aux dispositions de l'article 6 du chapitre 5. >
TITRE IV.
de la délivrance des espèces.
Art. 1er.
« Lorsque, conformément à l'article 3, chapitre vm du titre III, les monnayeurs auront rapporté au bureau de délivrance les espèces monnayées, que la pesée en masse en sera faite, et qu'il aura été dressé procès-verbal de toutes ces opérations, le commissaire du roi. ou son adjoint, en présence du directeur et de 1 essayeur, prendra, au hasard, sur la masse de ces espèces, un certain nombre de pièces, qui ne pourra pas être au-dessous de 2, ni au-dessus de 4, quelles que soient la quantité et la nature des espèces; les pièces, ainsi prises au hasard, seront ensuite par fui remises à l'essayeur, pour procéder à la vérification de leur titre.
Art. 2.
« L'essayeur coupera de chacune des pièces qui lui auront été remises, la portion de matière nécessaire pour en vérifier le titre : il aura soin, en procédant à cette prise d'essai, de n'altérer ni le différent de la monnaie, ni ceux du directeur et du graveur, ni le millésime. Le surplus de la pièce sera mis dans une enveloppe de papier, sur aquelle on fera mention de la date de la délivrance et du numéro sous lequel cet essai aura
été porté sur le registre de l'essayeur. Cet officier et le commissaire du roi scelleront ensuite cette enveloppe avec leurs cachets.
Art. 3.
« Lorsque les formalités indiquées par l'article précédent auront été remplies, l'essayeur procédera aux essais en la manière prescrite par les instructions générales qui auront été arrêtées par la commission des monnaies.
Art.. 4.
« Pendant que l'essayeur procédera à la vérification du titre des espèces, le commissaire du roi s'occupera de vérifier leurs poids et leurs empreintes; il les examinera et les pèsera les unes après les autres, et il mettra au rebut, non seulement celles qui n'auront pas le poids requis par la loi, mais encore toutes celles dont la forme ou l'empreinte se trouveraient défectueuses.
Art. 5.
« Les espèces mises au rebut seront cisaillées et remises au directeur; elles seront refondues à ses frais, si le motif du rebut provient de la faiblesse du poids et de l'imperfection du flaon ; elles le seront aux dépens des monnayeurs, si la défectuosité des empreintes provient de leur négligence.
Art. 6.
« Lorsque la vérification du titre des espèces sera terminée, l'essayeur apportera au bureau des délivrances les résultats ae ses essais : si les espèces se trouvent, par ses résultats, au titre légal, elles seront délivrées au directeur; il sera dressé procès-verbal de cette délivrance, dans lequel on féra mention : 1°, du nombre et du poids tant des espèces qui auront été monnayées, que de celles qui auront été cisaillées, et de celles qui auront été prises pour les essais; 2°, des différents titres auxquels chacune des espèces essayées auront été rapportées, et du titre commun qui sera provenu de la réunion de ces différents titres ; 3°, du nombre et du poids des espèces qui auront été délivrées au directeur. Ce procès-verbal sera signé par tous les officiers présents, et notamment par ceux qui auront pri3 part aux opérations dont il rendra compte.
Art. 7.
« Le commissaire du roi sera tenu d'informer la municipalité des jour et heure auxquels il fera procéder a quelque délivrance, afin qu'elle députe un de ses membres pour y être présent. Il en sera usé de même à l'égard du tribunal de commerce, s'il en existe un dans le lieu où la Monnaie sera établie. Ces députés seront tenus de signer le procès-verbal des opérations auxquelles ils auront été présents.
Art. 8.
« Lorsque la délivrance sera terminée, toutes les peuilfes ou portions d'espèces qui, en exécution de l'article 2, auront été mises sous enveloppes et scellées, seront renfermées dans un seul paquet, sur lequel le commissaire du roi, le directeur et l'essayeur apposeront chacun leur cachet. Le commissaire du roi sera tenu d'envoyer, sous huit jours au plus tard, ce paquet au dépôt de la commission générale des monnaies, avec une expédition du procès-verbal de délivrance.
Art. 9.
« Toutes les fois qu'une des pièces essayées sera rapportée au-dessous du titre fixé par la loi, ou ressayera de nouveau; si, par le résultat du second essai, elle se trouve au titre, toutes les espèces seront délivrées au directeur : mais le procès-verbal fera mention des deux rapports de l'essayeur.
Art. 10.
« S'il arrive, au contraire, que le bas titre reconnu par le premier essai soit confirmé par le second, la totalité des espèces sera refondue en présence du commissaire du roi et de l'essayeur, aux dépens du directeur, qui payera le monnayage. 11 sera dressé procès-verbal de toutes ces opérations.
Art. 11.
« Lorsque plusieurs des pièces essayées se seront trouvées au-dessous au titre fixé par la loi, tous les essais seront recommencés; et si, par le résultat de ces nouvelles opérations, il se trouve une seule pièce qui soit encore au-des-sous du titre légal, la totalité des espèces sera pareillement refondue aux dépens du directeur, ainsi que le prescrit l'article précédent-
Art. 12.
« Lors de la rédaction du procès-verbal dans lequel il sera fait mention que les pièces essayées n'ont pas été trouvées au titre, et que la refonte en a été ordonnée, le directeur pourra requérir que les portions restantes des espèces qui auraient été soumises aux essais, soient renfermées daDS un paquet cacheté avec son cachet et ceux de l'essayeur et du commissaire du roi, et que ce paquet soit envoyé par ce dernier à la commission des monnaies*
Art. 13.
« Le directeur pourra requérir la commission des monnaies de faire procéder à un nouvel essai des portions d'espèces énoncées en l'article précédent, et si, par le résultat de ce nouvel essai, elles se trouvent au titre légal, l'essayeur 6era tenu d'indemniser le directeur des frais de fonte et de monnayage auxquels son erreur aura donné lieu. »
TITRE V.
Delà vérification du travail de la fabrication.
Art. 1er.
« Les espèces qui serviront à la vérification ordonnée par l'article 11 de la loi du 10 avril 1791, seront toutes prises dans la circulation ; la commission prendra, pour se les procurer, les mesures qu'elle jugera convenables.
Art. 2.
« Elle fera procéder à l'essai desdites pièces par deux essayeurs qu'elle choisira et qui opéreront séparément.
Art. 3.
« Pour le jugement du travail de chaque Monnaie, il sera essayé 4 pièces de chaque nature d'espèces d'or et d'argent, fabriquées pendant le cours du semestre. La commission prendra les précautions qu'elle croira nécessaires pour em-
pêcher que les essayeurs ne connaissent à quelle Monnaie appartiendront les espèces dont ils vé-rifièront le titre ; les prises d'essai ne leur seront conséquemment remises qu'après avoir été dif-formées.
Art. 4. :
« Lorsque le petit volume des espèces ne pourra suffire à 2 prises d'essai, on prendra 8 pièces au lieu de 4, afin que les essayeurs puissent faire chacun leurs 4 essais; et chaque prise d'essai sera, autant que faire se pourra, formée de parties égales de 2 desdites pièces.
Art. 5.
« Avant de procéder aux prises d'essai, toutes les pièces rassemblées pour servir de bases au jugement du travail de la fabrication seront, conformément à l'article 12 de la loi du 10 avril 1791, soumises à l'examen du graveur général, à l'effet de vérifier s'il ne s'en trouve pas de fausses ou contrefaites; elles seront ensuite pesées en sa présence; et s'il s'en rehcontre qui soient d'une légèreté remarquable, il sera interpellé de leâ examiner de nouveau et de déclarer si la faiblesse de leur poids provient, ou non, du frottement qu'elles ont éprouvé dans la circulation.
Art. 6.
« Le titre de chacune des pièces soumises à l'essai sera déterminé définitivement par le rapport des 2 essayeurs, lorsque le résultat des 2 essais seront uniformes, soit qu'il se trouve dans les limites que la loi aura fixées, soit qu'il soit inférieur au titre légal.
Art. 7.
« Lorsque, sur l'une des pièces soumises à l'essai, le rapport des 2 essayeurs ne sera pas uniforme, il sera procédé, par tel essayeur qui sera choisi par la commission, à un troisième essai; cet essayeur opérera en l'absence des 2 autres, et on prendra les mesures convenables pour empêcher qu'il n'ait connaissance des résultats des premiers essais.
Art. 8.
« Le titre de la pièce soumise à un troisième essai, en exécution de l'article précédent, demeurera fixé conformément au résultat de ce troisième essai, lorsqu'il sera conformé à celui de l'un des 2 essais qui l'auront précédé.
Art. 9.
« Si le troisième rapport diffère des 2 premiers, les 3 titres résultant des 3 essais seront réunis, et il en sera fait un titre commun. Le titre de la pièce qui aura été soumise à ce troisième essai demeurera fixé conformément à ce titre commun.
. Art. 10.
« Tout ce qui est arrêté par les articles 7, 8 et 9 sera observé, soit que, par le résultat de différents essais, ou de l'un d'eux seulement, la pièce essayée ait été rapportée à un titre inférieur au titre légal, soit qu'elle ait été trouvée dans les limites déterminées par la loi.
Art. 11.
c Si les rapports des 2 premiers essayeurs varient sur toutes ou plusieurs-des pièces soumises à l'essai, il sera procédé à un troisième essai de chacune des pièces sur lesquelles ils n'auront pas donné un rapport uniforme; et le titré de
chacune des pièces soumises à ce troisième essai sera déterminé conformément aux articles précédents.
Art. 12.
« Lorsque le titre de chacune des pièces essayées aura été déterminé définitivement suivant les règles prescrites par les articles précédents, les titres des 4 pièces essayées seront réunis et il en sera formé un titre commun.
Art. 13.
« La totalité de la fabrication de chaque nature d'espèces sera jugée conformément audit titre commuu; ce qui aura lieu dans tous les cas et sans aucune exception, soit que toutes les pièces essayées soient trouvées dans les limites déterminées par la loi, soit qu'elles se trouvent toutes à un titre inférieur au titre légal, soit enfin que partie seulement desdites pièces se trouve au-dessous du titre légal.
Art. 14.
« Les directeurs seront tenus de compter de l'emploi des matières par eux reçues, sur le pied du (titre auquel aura été jugée la totalité des espèces par eux fabriquées.
Art. 15.
« Les directeurs dont le travail aura été jugé à un titre inférieur au titre déterminé par la loi seront condamnés à des amendes dont le montant sera déterminé par le nombre des marcs qu'ils auront fabriqués, et par la quantité des trente-deuxièmes de kàràt ou des vingt-quatrièmes de denier dont leur fabrication aura été jugée inférieure au titre iégalv et ce, suivant les proportions ci-après :
« Pour 1/32 et au-dessus,;jusqu'à 2/32 exclusivement, ils seront condamnés à une amende de 10 sous par marc.
« Pour 2/32 et au-dessus, jusqu'à 3/32 exclusivement, ils seront condamnés à une amende de 25 sous par marc.
« Pour 3/32, i ls seront condamnés à une amende de 40 sous par marc.
« Au-dessous de 1/32, l'amende sera de 10 sous par 3 marcs.
« Le directeur sera révoqué lorsque son travail aura été jugé de plus de 3/32 au-dessous du titre légal.
« Pour 1/2 24me.de denier, jusqu'à l/24,exclusi-vement, l'amende sera fixée à un sou par marc.
« Pour 1/24 de denier, jusqu'à 1/24 et demi exclusivement, elle sera ç|e 2 s. 6 d. par marc.
| Pour 1/24 et demi, le ,directeur sera condamné à une amendé de 4 squs par marc.
« Au-dessous de 1/2 24me, l'amende sera d'un sou pour 3 marcs.
« Le directeur dont le travail aura été jugé inférieur au titre fixé par là loi, de plus de 1/24 et demi, sera révoqué.
Art. 16.
a La révocjation aura lieu pareillement contre les directeurs : 1° lorsquple travail aura été.jugé deux fois, "dans l'espace de 5 années, inférieur, au titre légal de 3/32 ou de 1/24 et'demi; 2° lorsque, dans le même espace de temps, leur travail aura été jugé trois fois inférieur audit titre légal de 2/32 ou de 1/24.
« En aucun cas, l'amende ne pourra être prononcée conçurremmént avec là révocation.
« Les directeurs seront tenus de payer lesdites
amendes trois mois après la signification qui leur aura été faite desdites condamnations,; et à faute de payement desditès amendes, ils seront de plein droit révoqués.
Art. 17.
« A l'égard de l'essayeur, lorsque le travail aura été jugé inférieur au titre légal de 1/32 de karat, ou de 1/24 de denier, il sera condamné à une amende équivalente au sixième de son traitement ; elle sera portée au quart, en cas de récidive dans l'espace ae 5 années. Lorsque le travail aura été jugé inférieur au litre légal de 2 ou 3/32 de karat, et de 1/24 ou de 1/24 et demi de denier, l'essayeur sera condamné à une amende équivalente aui quart de son traitement. En cas-de récidive dans l'espace de 5 années, elle sera portée à la moitié de son traitement; et si, dans le même espace de temps, la contravention se renouvelle trois fois, il sera révoqué.
« La révocation aura lieu contre l'essayeur dès la première fois, si le travail-est jugé inférieur de plus de 3/32, ou de plus de 1/24 et demi, au titre légal.
Art. 18.
« L'essayeur pourra requérir la commission des monnaies de faire procéder, pour sa justification, à l'essai des peuilles ou portions d'espèces qui, en exécution de l'article 8 du chapitre 1er, lui auront été envoyées par le commissaire du roi, avec les procès-verbaux de chaque délivrance. La commission se fera représenter toutes ces peuilles; elle en prendra 4 au hasard, à l'essai desquelles elle fera procéder, en sa présence, par 2 essayeurs qui opéreront séparément.. Si les résultats de leurs rapports donnent un titre uniforme, ou produisent un titre commun qui ne soit pas inférieur à celui que la loi aura fixé, l'essayeur sera déchargé des condamnations prononcées contre lui : elles seront, aucontraire, confirmées, si une seule de ces peuilles est rapportée par l'un des essayeurs à un titre au-dessous de celui qui aura été déterminé par la loi.
Art. 19.
« Si, par le résultat de Pexamen auquel les espèces rassemblées pour servir au jugement de revision seront soumises en exécution de l'article 5, le graveur général déclare que le faiblage de poids de plusieurs de ces espèces ne provient pas du frottement qu'elles ont éprouvé dans la circulation, ou que ce frottement n'a influé que partiellement sur ce faiblage, en sorte qu'il paraisse notoire qu'elles n'avaient pas le poids requis par la loi lorsqu'elles ont été délivrées au directeur, le commissaire du roi, qui aura procédé à leur délivrance,!sera averti d'apporter, à l'avenir, plus d'attention dans l'exercice de ses fonctions. Si cette contravention se renouvelle une seconde fois dans l'espace de 5 années, il sera suspendu de ses fonctions pendant 3 mois, et pendant ce même temps privé de son traitement. Si, dans le même espace de 5 années, il tombe trois fois dans la même contravention, il sera révoqué à la troisième fois.
Art. 20.
« Il sera dressé procès-verbal de toutes les opérations auxquelles tla vérification du travail de la fabrication donnera litu ; le garde des dépôts sera tenu d'en délivrer une expédition à la personne qui sera chargée des détails de lacomp-
tabilité des directeurs des monnaies, et de suivre la rentrée de leurs débets. Il fera de plus parvenir, dans le plus court délai possible, Su chacun de ces directeurs, un extrait dudit procès-verbal, contenant l'article du jugement de leur travail, afin qu'ils aient à s'y conformer. »
Un membre propose en outre de charger le comité dés monnaies de se concerter avec lés rédacteurs du code, pénal .pour statuer sur l'excédent des fautes que pourraient commettre les directeurs des monnaies dans la fabrication dept ils sont chargés.
(Cette mption est décrétée.)
lève la séance à dix heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
du
Deuxième rapport du comité militaire sur les, invalides pensionnés„ les soldes, demi-solderécompenses militaires, les qompag^ie^, détachées; et sur\ Vadministration de l'hôtel, par M, Du-r bois-Crancé (1).,— (Imprimé par ordre de l'Assemblée najuonata*). -
Avant-propos, — Le imémqir,e; qu'on vaRJi,i?e était i la suite, néceçsairer des décrets rendus le 24 mars: 1791 sur l'hôtel des Invalides et son administ^ationr!(2). ; Ce mémoire^ était prêt dès le 6 avril suivant* ^j'ai^ropose alors au comité militaire d'en entent rei;la \ lecture-.pour, obtenir qu'il fût placé à l'ordre du jour,
Différentes circonstances ont retardéi jusqu'à cer moment-ci la discussion d'un travail qui cependant intéressait vivement l'Assemblée, pu^que d'une part les fonds applicables à l'entretien |desr invalides ne sont pas encore déterminé, ét que. de rauirepil s'a^issait de tranquilliser) sur leHfij sort t 27,000 vétérans* qui outi bien mérité dp la patrie.
Ne pouvant plusespérer de faire m^n rapport, j'ai pris les ordres du comité militaire pourle faire imprimer tant pour,me justifier de la négligence dont on m'accusait très faussement, que pour fixer à l'ouverture deJa session prochaine l'attention dé lai nouvelle législature sur un objet qui sera pour elle,, comme pour mpi> du plus grand intérêt.
Je profite de cette occasion pour engager la, première législature à-ne point établiiyde comité central exclusivement chargé de, classer les rapports à faire à l'Assemblée, mais d'ordonner qu'il sera journellement affiché un tableau, sur lequel M. le Président fera inscrire les rapports à mesure que ceux qui en seront chargés les présenteront, alin qu'ils arrivent à tour de rôle à l'ordre du jour, à moins que dans des circonstances impérieuses l'Assemblée elle-mêjne Ue juge convenable d'en appeler de préférence, et d'intervertir pour cette fois l'ordre du tableau.
Signé : Dubois de Crançé.
Messieurs,
L'Assemblée nationale a décrété le24 mars dernier: 1? que.l'hôtel d«s Invalides, serait conservé i squs la condition expresse qu'il n'y serait plus reçu à l'avenir que des militaires estropias a la guerre o.n; caducs, et qui justifieront qu'ils ont besoin de l'hôtel pour subsister.
2° Elle a supprimé l'état-major,de cet hôtel.
3° L'Assemblée a ordopné que le comité militaire lui» présenterait des bases d'organisation, d'une nouvelle administration, ainsi que des1 vues sur l'utilité des compagnies d'iHvâlidés détachées i enfin, pour compléter cette partie de! son travail, votre comité doit fixer Votre attention sur le sort,de,24,000 vétérans, répandus datfs le, royaume av^c des traitements différents, et dés droits plus QU mpins rapprochés pour venir achever [épr carrière à l'hôtel des Invalides.
La conservation de cet hospice militaire est un hommage qué, vous avez cru, Messieurs, devoir1 rendre à la mémoire de Louis XIV, et surtout à l'hunjian^é, .en fayeur des Vétérans de l'armée française.,,Vous, avez envisagé les droits des invalides sur l'hôtel comme uîie propriété consacrée,^ la fois par deux grands motifs : le courage et l'infortune. 1
Pour remplir , votre intention, et vous présenter de, nouvelles bases d'administration, votre comité £ dû-considérer d'aboli ce que 'sérait à l'avenir l'hûjtel des invalides d'après votre décret sur sà conservation,, comparé aux probabilités; résultant de,, vos déçrçts Sur' lés pensions mili- ' taires,.
Il n'a pu se, dMsirppler, d'après de nouvelles réflexions, que,cet établissement sera beaucoup moin s important^çt s'anéantira vraise m blab l entent de"Jui-mêiné dans un espàce de!temps plus où'1 moins rapide ; m^is, dans, ce cas, l'événement sera ;la prjçnvç la plus éyiuèntë de votre sagesse. *
En effet, Messieurs, d'après les principes de justi' e et. de biep.faisancé: qui ont dicté vos" décrets sqr les récômpenses militaires, tout soldat estropié à la guerre obtiendra le maxirbum de la retraite de, son,grade ; de sorte que, s'il' est sou^-officier, il aura 300 1. 10 s.; et s'il1: n'est que simple soldat, quelle que, soit la brièveté dë. ses services, il ne1 peut lui 'appartenir moins de 2?7( I. 1Q s, de pensiop; enfin, pdur ne rien atténuer des réflexions que présèiitènt toutes les gradations que. vous avez établies, uh ! soldat qui se retirera à 30 ans de servie^1 encore simple soldat,' saris avoir fait aùfcuftè campagne de terré ou 'de mer (ét ces deux èâs réunis serpnUrès rarés), ne peut obtenir moins* de 5Ô,écus dé pension de retraite.
Jusqu'St cette éjioque de 30 ans de, service.il n'appartientrien au militaire titre de récompense péçquiaire; et, l'esprit de votre décrét raUtôrisê-ràit, encore mpins à réclamer,rhôteV des Invalides, qui n'est' destiné qu'à ceux qui, caducs ou estropiés à la guerre, préféreraient cette retraité a^ pensions q,ui leur appartiendraient. ': r
D'après Çi s bases, il est facile de prévoir qu'à l'avenir, avec des traitements si avantageux, la très, grande majorité; des soldats préférera une vie libre et com'mode au milieu de ses concitoyens, à un établissement qui, quelle qu'en Soit la magnificençe, quelque améliorée que vous efl' supposiez ^administration? aura toujours l'inconvénient de la gêne ae la multitude et de l'expatriation. Il était, sans douté, indispensable qu'un Officier qui n'avait qu'un traitement dé 200 livres, qu'un vétéran qui n'avait obtenu que 3 ou 4 sols par jour, après avoiç, sur ses viéux;
iours, épuisé les ressources de sa famille ou de l'amitié, sollicitait sa rentré^ à l'hôtel; et voilà, Messieurs, ce qui vous en fa^' décréter la conservation : mais voyez ce qui s\est passé en exécution de vos décrets.
La plupart de ceux qui étaient à l'hôtel, qui n'avaient, jamais compté en sortir, oJ11 demandé à jouir duhénéfice de là loi. Des hommes de 82 aùs ont réclamé leur libertés L'espérance qu'une maifi qui ne leur est pas étrangère leur karmera les yeux, ?emblë lès consoler de longues et pénibles privations ; ét Sur 3,000 invalides demeurant à l'hôtel, à peine 8 à 900 sont restés.
Il est vrai que les départements contiennent | 23 à 34,000 hommes, soit invalides détachés, soit retirés avec pensions, solde, demi-solde ou récompenses militaires, et qui ont des droits à l'hôteL Beaucoup même de ces braves gens, forcés de tourner leurs regards vers cette terre promise, parce qu'ainsi que je viens de le dire, ils n'ont pour récompense de leur service que 3 ou 4 sols par jour, n'en ont été écartés que par l'abus du pouvoir, et auraient dû obtenir la préférence sur la plupart de ceux qui y étaient.
Tant qu'il existera des hommes aussi mal récompensés, l'hôtel ne sera pas inutile; mais ne trouverez-vous pas rigoureusement juste, Messieurs, d'offrir à ceux qui ont un droit acquis pour y entrer, le choix de la pension de leur grade chez eux, au pein de leur famille, d'après vos décrets, ou de la retraite à l'hôtel? Non seulement c'est Un acte de justice comparative, mais vous y trouverez un moyen de bienfaisance de plus ; car quel que soit l'avantage du régime que vous adopterez pour cet établissement, un invalide entretenu à l'hôtel coûtera toujours plus que celui qui prendra là pension que vous avez décrétée pour ceux qui en sortiraient.
Ainsi en supposant que la nation ne veuille pas profiter de cette économie, elle servira à donner une plus grande latitude à ses bienfaits : si au contraire vous décrétez que l'hôtel recevra de nouveaux sujets en remplacement de ceux qui en sont sortis sans autre modification, la dépense de l'hôtel étant à peu près la même, il faudrait augmenter les fonds de 3 quarts de la valeur des pensions que vous accordez à ceux qui en sont sortis, c'est-à-dire environ 600,000 livres, sans que cette bienfaisance eût presque aucune influence sur le sort des vétérans actuellement répandus dans les départements.
Votre comité militaire, Messieurs, vous doit ici une réflexion. Honoré de votre confiance, c'est à lui que s'adressent toutes les victimes malheureuses de l'ancien régime : il ne peut se dispenser d'être auprès de vous leur organe, et de les recommander à votre justice.
Les officiers et soldats invalides sont ceux qui ont le mieux servi la patrie ; leurs corps criblés de blessures, leurs membres mutilés attestent qu'à la guerre ils ont eu le poste d'honneur; mais, à Versailles, ils n'ont été envisagés souvent que comme les instruments serviles de la gloire de leurs chefs; des grades militaires, des gouvernements, des cordons rouges et bleus, des pensions énormes démontraient la munificence du gouvernement envers les officiers supérieurs qui venaient de commander, tandis que les moyens physiques de subsistances étaient refusés à leurs pauvres compagnons d'armes. En un mot, tous les fléaux de la guerre étaient pour les subalternes; toutes les douceurs de la paie étaient pour les chefs.
Non seulement, Messieurs, vous avez détruit ce
régime absurde, vous avez établi des récompenses proportionnelles et modifiées avec équité; mais vous avez rappelé aux vrais principes toutes les classes d'officiers qui avaient précédemment obtenu des retraites; vous avez ordonné de supprimer les pensions qui n'étaient qu'abusives, de diminuer celles qui étaient excessives, et d'augmenter les récompenses qui sont trop modiques.
Le travail de Votre comité des pensions sur les septuagénaires offre déjà à la nation la preuve de l'excellence de vos principes : les officiers et soldats invalides seront-ils donc les seuls oubliés, par la raison qu'ils sont invalides, et l'expectative de l'hôtel sera-t-elle leur unique consola-tion?Gomment ces hommes bénïront-ilS une Révolution qui ne changerait rien à leur état de souffrance. qui ne leur présenterait aucune espérance pour l'avenir, et qui aggraverait encore leurs maux par le spectacle de l'amélioration subite du sort de ceux qui n'ont pas mieux mérité qu'eux de la patrie?
Un principe vrai, et qu'aucun de vous, Messieurs, ne désavouera, c'est que s'il eût été possible de le faire, on aurait dû graduer les pensions militaires, non seulement sur les services, mais encore sur les besoins. Une récompense pécuniaire annuelle donnée par l'Etat, ne doit être autre chose qu'une pension alimentaire; et celui qui peut s'en passer, devrait rougir de réclamer à son [profit une surcharge pour ses concitoyens.
Mais ici le principe est totalement renversé : un officier qui a cinquante ans de services ou de campagnes de guerre, et qui s'est retiré capitaine. s'il était sur la liste des pensions, serait rétabli, d'après vos décrets, sur l'état des pensions pour 2,500 livres par an : parce que sa misère l'a fait classer parmi les invalides, il n'a que 3 ou 400 livres ; un lieutenant aurait 1,050 livrés, et n'a que 2 ou 300 livres.
Quant aux sous-officiers et soldats qui sont mutilés, ou qui ont acquis des droits par trente ans de services dans les troupes de ligne, votre comité ne peut se persuader, Messieurs, que vous considérez 3, 4 ou 5 sols par jour, comme une récompense suffisante de leur dévouement : Si vous avez rétabli dans leurs droits tous les anciens officiers pensionnés, vous n'abandonnerez pas sans pitié à la misère cette classe qui, pour être subalterne, n'en est pas moins digne de la bienfaisance d'une nation grande et généreuse.
Votre comité militaire, Messieurs, assuré de votre équité, a pensé qu'il suffirait ae vous retracer ces nuances pour fixer votre attention ; mais il est forcé de se restreindre dans la limite des dépenses attribuées aux invalides (et cette dépense est en masse de 5,500,000 livres pour vingt-sept mille anciens militaires répandus sur la surface de l'Empire).
Votre comité vous avait proposé la suppression de l'hôtel, et il avait espéré une économie d'environ 1,200,000 livres, qui, sans surcharger l'Etat aurait été versée sur toutes les classes de ces pensionnaires, à raison de leurs droits et de leurs besoins. Votre comité aurait dit aux vingt-sept mille invalides répandus dans le royaume : Ceux de vous qui n'ont pas trente ans de services à justifier, n'ont aucun droit aux bienfaits de la nation; mais ils jouisse it d'un modique traitement.L'Assemblée nationa'eleconserve : elle ne veut pas user envers eux d'une sévérité qui, quoique juste, lui paraîtrait cruelle : à l'égard de ceux qui ont servie trente ans la patrie ou qui
sont mutilés, ils ne peuvent avoir moins de 50 écus de pension, et nous allons les en faire jouir sur-le-champ. Ce système vous a paru sous un autre aspect entraîner des inconvénients, il exigeait la suppression de l'hôtel; et le comité militaire a dû se conformer à votre décret.
Maintenant il faut se placer entre deux écueils qu'il est de la sagesse d'éviter également : celui de Surcharger la nation d'une dépense très considérable, et celui d'être injuste envers nos vétérans.
Il paraissait d'abord très naturel et très simple de considérer les officiers, sous-officiers et soldats invalides, sous le même rapport que tous les autres pensionnaires de l'Etat, sauf, après avoir fixé le sort de chacun sur les baseâ de vos décrets, à leur donner le choix de la pension qui leur appartiendrait à raison de l'ancienneté et qualité ae leurs services, ou de se retirer à l'hôtel qui leur est consacré.
Mais : 1° cette opération serait excessivement dispendieuse pour la nation; 2° après y avoir mûrement réfléchi, votre comité a pensé que cette mesure n'était guère applicable aux invalides. En général beaucoup d'officiers, sous-officiers et soldats n'ont pas servi les trente années requises pour mériter des pensions, conformément à vos décrets; beaucoup ont obtenu, en entrant aux Invalides, des grades supérieurs à ceux qu'ils occupaient dans l'armée, les sergents aux gardes, les gendarmes de la gendarmerie, les grenadiers à cheval prenaient en entrant à l'hôtel le grade de lieutenant, quelquefois celui de capitaine, ou ils l'acquéraient par quelques années de service dans les compagnies détachées : enfin, si l'on vérifie les contrôles, on verra que des hommes mutilés, ou qui ont longtemps servi la patrie, sont restés simples soldats invalides, tandis que des espions de police, des valets de grands seigneurs ont obtenu, pour récompense de leurs services domestiques, des grades supérieurs.
Ces abus étaient grands, sans doute, et mériteraient même votre animadversion, si l'humanité ne venait pas contrebalancer la rigueur des principes : le mot d'invalides est le complément ae tous les sentiments de respect et de commisération; vous hésiteriez, Messieurs, de soulever un voile, qui pourrait en atténuer l'expression : ainsi d'une part, vous ne voudrez pas réduire au désespoir d> s hommes qui, pour exister, ont usurpé à la vérité des titres d honneur sous le cachet de la misère ; mais de l'autre aussi, vous n'accorderez pas sans discernement des pensions relatives à des gra les qui sont hors ligne de la hiérarchie militaire : ce sont ces puissants motifs qui avaient déterminé votre comité à vous proposer une nouvelle échelle de récompenses pour tous ceux qui sont à l'hôtel, ou qui ont un droit acquis pour y entrer.
Vous avez, Messieurs, adopté celte partie du plan de votre comité pour le traitement des invalides qui sont sortis de l'hôtel : elle va donc servir de base à la confection d'un travail dont beaucoup de branches sont encore en suspens.
Vous n'avez pu avoir l'intention, dans le décret que vous avez rendu sur cette partie, d'augmenter la dépense attribuée aux invalides, de tout ce qu'il en coûterait pour le traitement de ceux qui sont sortis de l'hôtel sans profit pour la nation, ni pour la majeure partie des vétérans qui sont répandus sur la surface de l'Empire : c'est cependant ce qui arrivera si l'on considère l'hôtel comme vacant, et si on le remplit
sur-le-champ de nouveaux individus appelés des départements.
Que ces hommes y aient un droit acquis ou simplement éventuel, l'administration, qui a intérêt de réunir beaucoup d'administrés, saura bien les trouver en règle; la protectiou sera encore mise en jeu et les abus se propageront malgré la juste sévérité de votre décret (1).
L'hôtel des Invalides a servi de retraite jusqu'ici à 3,000 hommes environ ; mais il peut en entretenir 5,000 tant en dedans qu'en dehors, avec les fonds qui lui étaient ci-devant appliqués : il faut donc se servir de ces bases pour appeler à en jouir ceux qui l'ont mérité le mieux, en leur donnant le choix de prendre la pension suivant la proportion que vous avez déterminée, ou l'hôtel, auquel ils seront depuis ce moment, jusqu'à leur mort, censés présents. Pourriez-vous, en effet, arracher malgré lui à ses foyers un pauvre vieillard que de douces habitudes consolent de longues privations, et lui dire : « Infortuné depuis longtemps oublié, si tu veux enfin échapper personnellement à l'indigence, il faut te séparer de ta femme, de tes enfants, t'expo-ser aux dangers d'une longue route, et venir sous un climat qui t'est étranger, achever ta carrière dans une maison dont le régime et les habitants te sont encore moins familiers que la température. Si tu ne veux pas jouir de ce bienfait, il est le seul qu'on daigne t'offrir, reste dans ta misère : un autre prendra ta place. »
Non, Messieurs, les sentiments que vous avez manifestés sont trop opposés à cette rigueur ; vous ne le pourriez même pas. Voilà l'heureuse différence d'un gouvernement despotique à un état monarchique tel que sera le nôtre : c'est que les despotes, même daus leurs injustices, ne sont jamais censés accorder que des grâces ou des faveurs ; et vous, Messieurs, vous êtes forcés de faire justice à tout le monde.
C'est donc cette justice que votre comité réclame en faveur des invalides ; mais il la réclame sévère et affranchie de tous abus; et pour y parvenir il faut considérer :
1° Que nul n'a le droit d'entrer à l'hôtel, s'il n'est estropié ou hors d'âge, et sans aucun moyen personnel de subsistance;
2° Qu'en supposant les fonds appliqués à l'hôtel susceptibles d'entretenir soit dedans, soit dehors, 5,000 individus de tous grades (et c'est lui donner une latitude qu'il n'a jamais eue), ce nombre d'hommes étant complet, nul ne peut être admis à jouir des mêmes avantages qu'au fur et à mesure des extinctions des titulaires.
D'après ces principes, je dis que l'hôtel contenait ci-devant 2,888 hommes; et leur entretien absorbait 2 millions de fonds : qu'ils y soient restés ou qu'ils en soient sortis, ils doivent toujours être comptés comme présents, puisqu'ils consomment, soit en nature, soit en argent, le traitement qui leur appartenait; et comme cet arrangement permet une économie assez considérable, les fonds appliqués ci-devant à l'hôtel pourront de cette manière entretenir 5,000 individus, au lieu de 2,800.
L'Assemblée peut donc, sans accroître la dépense, appeler sur-le-champ à ce bienfait 2,200 hommes de plus, auxquels elle donnera la faculté de rester chez eux avec une augmenta-
tion de traitement analogue à celui qu'elle a décrété pour ceux qui viennent de se retirer dans leurs foyers, ou de venir achever leur carrière à l'hôtel. Voilà, Messieurs, cé qui est juste, conforme à vos principes ; cette amélioration considérable n'augmentera cependant pas les charges de la nation, car la différence qui existe entre le traitement que vous avez accordé aux invalides qui voudraient se retirer, et leur entretien à l'hôtel, jointe à la destruction des abus de l'ancienne administration, couvriront l'eXcédant de dépense de 2,200 hommes que vous allez appeler nouvellement à jouir de l'hôtel ou d'une indemnité proportionnelle.
Quant àux autres invalides qui n'avaient en réalité que l'expectative, il ne leur appartient qu'un droit de succession à exercer sur les extinctions annuelles qui pourront avoir lieu parmi les invalides habitant ou censés présénts a l'hôtel; et ce drôit, beaucoup plus étendu que par le passé, puisqu'il s'exercera sur lés extinctions de 5,000 vierflai-ds au lieu de 2,800 hommes, la plupart èncore jeunes ét robustes, doit être commun à tous les officiers et soldats dé l'armée de terre ou de mer qui sont ou sérdnt à l'avenir susceptibles de pensiôns.
C'est ainsi, Messieurs, que le comité militaire a pensé que, sans froisser les véritables intérêts de qui que ce f oit, vous rempliriez ce que vous devei à la justice et à l'humanité, sans être exposés à grever la nation d'une somme plus forte que celle qui avait été ci-devant employée à ce genre de récompense militaire. L'hôtel des Invalides sera conservé, mais uniquement destiné à ceux qui l'auront mérité, et qui voudront eh jouir. Qu'importe à la nation le nômbre effectif des habitants de l'hôtel, du moment qu'il est ouvert à tous ceux qui y ont droit? Des intérêts particuliers seraient ici les seulè motifs de contradictions, car il convient à des administrateurs d'avoir sous la muin beaucoup d'administrés; mais ce qui importe à l'Assemblée, c'est de faire le bien, et de lé faire sans contrainte de la part de ceux qui y ont d oit ; car tout ce qui contrarie la volonté cesse d'être un bienfait.
Enfin, pour éviter les abus et couper racine à toute faveur particulière qui serait une injustice révoltante aujourd'hui, nous vous proposons, Messieurs* d'ordonner que la liste des invalides présents ou censés présents à l'hôtel, sera imprimée chaque année avec la date de leur âge, de leurs services et de leurs blessures, afin que ces listes, distribuées dans les 83 départements, soient soumises à l'exâmen des parties intéressées, et puissent servir de base à leurs réclamations.
Il résulte dé tout ce qtie je Viens d'avoir l'honneur de vous dire, que l'administration de l'hôtel des Invalides ne peut plus aVoir désormais aucun appareil militaire, puisque cet hôtel ne sera habité, d'après l'esprit et la lettre de vôtre décret, que par des hommes mutilés ou très caducs. Ses habitants seront vraisemblablement peu nombreux ; car quelque douce, quelque fraternelle que soit Une administration, elle ne peut avoir le prix de la liberté aux yeux de celui qui peut la conserver : votre comité a donc cru que la nouvelle administration de l'hôiel des Invalides devait être confiée à un conseil choisi par ses propres habilants, sous la surveillance de la municipalité et du département de Paris, et que la garde de cet hospice vénérable était le domaine des citoyens.
SECTION II.
Vous avez ordonné au comité militaire de vous présenter des idées nouvelles sur les compagnies d'invalides détachées : il vous en avait proposé la suppression, excepté de celles des canonnière gardes-côtes; cependant voici les motifs qui lui ont paru susceptibles de vous déterminer à conserver quelques-unes de ces compagnies détachées, et même à ne les éteindre qu'à mesure qtie l inutilité de leur poste se fera sentir.
Vous avez décrété que les récompenses militaires ne seraient accordées à l'avenir qu'à trente ans de services et cinquante ans d'âge, à moins de blessures considérables à la guerre. Beaucoup d'hommes, soit par la faiblesse de leur tempérament, soit par des accidents particuliers, ne pourront atteindre celte carrière dans le service actif des troupes de ligne. D'une part il ne faut pas permettre que efctus aucun prétexte la loi concernant l'administration de l'hôtel soit transgressée; de l'autre, il vous paraîtra dur sans doute qu'un homme qui a consacré toute sa jeunesse au service de la patrie, passe le reste de sa vie dans la misère, parce que près d'atteindre une récompense méritée, sa santé ne lui a pas permis de continuer. Il faut garantir la nation des abus qui pourraient naître de cet ordre de choses; mais votre domité a pensé qUe vous ne trouveriez peut-être pas d'inconvénients à autoriser tout homme, après 34 ans de services, à se faire présenter par ses supérieurs pour achever sa carrière dans les compagnies d'invalides détachées, où il continuera son activité, avec l'espérance d'y acquérir des grades et des récompenses tels que vous les avez décrétés pour tous les militaires français.
Ces compagnies d'invalides sont employées en grande partie à la garde de quelques forts ou châteaux, peu importants à la vérité, mais dont vous ne détruirez pas les fortifications existantes, et qui éo temps de guerre peuvent toujours protéger le plat pays.
Quant aux invalides employés à la garde des maisons royales ou au service des frères du roi, nous vous observerons que ces places étaient ci-devant non seulement une récompense, mais une faveur; ceux qui én étaient pourvus avaient, iû* dépendamrnent de leur solde, une gratification annuelle sur les domaines de Sa Majesté, et cette gratification était ordinairement équivalente aux appointements.
Depuis que vous avez donné au roi sa liste civile, il paraissait que tous les frais dépendant du service particulier de Sa Majesté devaient cesser d'être à la charge de la nation : le contraire est arrivé; et depuis le mois de juillet 1790, le supplément de traitement accordé aux invalides employés à la garde des maisons royales a été rejeté en entier sur le département de la guerre, par le ministre de la mai-on du roi. Les motifs de ce ministre n'ont pas été communiqués à votre comité, qui ignore si le roi a entendu par là n'avoir plus besoin du service des invalides; ou si, les considérant comme faisant partie des troupes de ligne, il a cru ne devoir pas confondre cette dépense avec celles de sa maison.
Votre comité vous propose, Messieurs, de consulter Sa Majesté sur ce point, et de déclarer que les invalides employés à la gar le des maisons royales doivent être'au compte de la liste civile, s'il convient au roi de les conserver pour son
service particulier; mais que dans le cas où il croirait devoir s'en passer, alors ces invalides réformés seront traités par la nation, chacun suivant leur grade, sur le même pied que s'ils étaient à l'hôtel. ;
Votre comité vous propose encore la suppression des compagnies d'invalides employées à l'hôtel, parce qu'il croit que la police doit en être confiée à la garde nationale parisienne, de même que la surveillance administrative sera confiée à la municipalité, sous les ordres du directoire du département.
Voici le projet de décret que nous vous proposons :
PROJET DE DECRET.
TITRE Ier.
Art. 1er. L'Assemblée nationale considérant
que par son décret du 24 mars, elle a eu l'intention de traiter plus
favorablement qu'ils ne l'ont été jusqu'ici les invalides qui ont des
droits acquis à l'hôtel, décrète quà l'avenir 5,000 officiers et soldats
du nombre de ceux qui ont obtenu des récompenses militaires, sous
quelque dénomination que ce soit, seront inscrits sur le regbtre de
l'hôtel, comme faisant partie des habitants dudit hôtel, et qu'il leur
sera offert de venir y passer le r.ste de leurs jours ou de recevoir
chez eux, chacun suivant son grade, les traitements décrétés le 24 mars
dernier pour ceux qui demeurant ci-devant à l'hôtel ont préféré en
sortir.
Art. 2. Le nombre des invalides entretenus sur les fonds de l'hôtel ne pouvant précisément être déterminé à 5,000, l'administration prendra pour base : 1° la somme fixe de 2 millions qui y seront annuellement employés, compris les trais d'entretien, d'administration de l'hôtel, et de retraites aux agents a tuels qui en sont susceptibles; 2° la remise des anciens traitements dont jouissaient précédemment les invalides qui seront susceptibles du bénéfice accordé par l'article premier du présent décret (1).
Art. 3. Sont appelés à concourir aux mêmes avantages tous les officiers, sous-officiers et soldats tant des troupes de terre que de la marine et gendarmerie nationale, qui jouissent de pensions de retraite, ou qui en mériteront par la suite, conformément aux décrets précédemment rendus.
En observant d'accorder toute préférence aux plus âgés de ceux qui auront été mutilés à la guerre, jusqu'au dernier, et ensuite aux plus âgés de ceux qui ne seront pas mutilés, et par rang d'ancienneté de service.
Art. 4. Il sera dressé à cet effet une liste, qui sera imprimée chaque année, des individus corn* posant l'hôtel des invalides, présents ou censés présents, avec l'état de leur âge, leurs blessures et leur ancienneté de services.
A cette liste sera joint un état dans le même ordre de 500 aspirants destinés à remplacer ceux qui mourront dans le cours de l'année, lesquels aspirants entreront en jouissance à dater du jour de la mort de leurs prédécesseurs.
La liste sera faite par l'administration de l'hôtel, sous l'inspection du département de Paris, et envoyée à tous les districts du royaume, lesquels feront parvenir, soit les réclamations, soit les demandes particulières des invalides de leur arrondissement, par le directoire de leur département, à l'administration de l'hôtel, pour y faire droit. Ces états seront remis chaque année sous les yeux du Corps législatif, et distribués à chacun de ses membies pour obtenir le décret d'exécution.
Art. 5 Seront compris parmi les 5,000 invalides désignés ci-dessus, ceux qui étaient présents à l'hôtel lors du décret du 24 mars, quels que soient le genre et l'ancienneté de leurs ser--vices; mais il en sera fait également mention dans la liste : en conséquence, les registres de l'hôtel seront sur-le-champ remis par l'administration au directoire du département pour former cette liste, la compléter suivant les bases indiquées article 2.
Art. 6. Ne seront point considérés comme invalides présents à l'hôtel ceux qui y seront entrés depuis le décret du 24 mars, à moins qu'ils ne justifient qu'ils sont dans la classe de ceux qui y ont des droits acquis de préférence, conformément à l'article 2.
Art. 7. Les droits des invalides détachés dans les compagnies restant en activité, qui désireront obtenir l'hôtel, conséquemment à l'article 1er, seront évalués concurremment avec ceux des invalides retirés dans les départements, à raison de leurs services, soit dans les troupes de ligne, soit dans les compagnies détachées.
Art. 8. Il ne sera rien ajouté ni diminué au sort des officiers, sous-officiers et soldats invalides retirés dans les provinces, ni aux soldes, demi-soldes et récompenses militaires, traitements des grenadiers à cheval et gendarmerie réformée, jusqu'à ce que, aux termes des articles 2 et 3 du présent décret, ils soient susceptibles d'être classés parmi les 5,000 invalides.qui
seuls sont censés avoir des droits présentement acquis à l'hôtel.
Les récompenses accordées aux officiers, sous-officiers et soldats suisses retirés dans leur patrie, continueront d'être payées comme par le passé..
Art. 9; L'Etat-major de l'hôtel des Invalides étant supprimé par le décret du 24 mars, et les invalides qui dorénavant viendront habiter l'hôtel ne pouvant être que mutilés ou caducs, cet établissement ne sera plus soumis au régime militaire : en conséquence, la police en sera confiée à la garde nationale parisienne, et l'administration en sera inspectée par la municipalité de Paris, sous les ordres du directoire du département.
Art. 10. Tous les fonds payés par différentes caisses pour les invalides, soldes, demi-soldes, pensions et récompenses militaires sont supprimées; les indemnités sur les fermes générales et les pensions d'oblats, sont supprimées également. Les 2 millions placés sur l'Etat sont censés acquittés; les terrains ci-devant en location au profit de l'hôtel des Invalides seront vendus ou ioués au profit de la nation; et en remplacement de tous ces objets, il sera formé une caisse (qui sera exercée par l'administration des pensions) d'une somme de 5,500,000 livres pour l'exécution de tous les articles portés au présent décret et satisfaire à tout ce qui concerne l'hôtel des Invalides, les ,invalides détachés, les pensions sur les invalides, soldes, récompenses militaires; le tout conformément aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, et dont toute autre caisse sera déchargée.
L'Assemblée nationale charge son comité des pensions de lui présenter incessamment un projet de décret sur les retraites à accorder à l'Etat-major des invalides et aux anciens agents de l'administration.
Art. 11. Les trois administrateurs en chef seront choisis par le roi.
L'administration de l'hôtel sera composée :
1° D'un intendant général a vie, choisi parmi les commissaires ordonnateurs des gueïres, en activité de service depuis 24 ans au moins, lequel occupera l'hôtel avec un traitement de..................................................12,000 liv.
2° D'un économe choisi parmi les administrateurs de département, avec un traitemen t de,................. 6,000
3° D'un caissier comptable choisi parmi les quartiers-maîtres trésoriers de l'armée, avec un traitement de............................... 5,000
4° D'un conseil composé de 24 personnes choisies parmi les invalides de tout grade, dont les deux tiers soldats; le choix des24 membres du conseil sera fait par des électeurs nommés par les invalides habitants de l'hôtel, sans distinction de rang, en présence de deux commissaires du directoire du département de Paris ; le traitement des membres composant le conseil sera une gratification de la valeur de celle qui est accordée par mois pour chaque grade ; il sera renouvelé par moitié chaque année, et nul ne pourra être renommée qu'après deux ans de cessation d'exercice.
L'Assemblée renvoie au directoire du département de Paris tous les articles de détail concernant l'administration de la police de l'hôtel, pour lui en rendre compte et recevoir son approbation.
Art. 12. Les invalides demeurant à l'hôtel re-
cevront pour leurs menus besoins, indépendamment des fournitures ordinaires, savoir:
Les lieutenants-colonels, chaque moi3............ 25 livres ou par an 300 livres.
Les comman-dantsde bataillon, chaque mois.... 20 — — 240 —
Les capitaines, chaque mois— 16 — — 192 —
Les lieutenants, chaque mois..... 12 — — 144 —
Les maréchaux des-logis, classe intermédiaire,... 8 — rH- 96
Les sous-officiers de tous grades.......... 6 — — 72 —
Les soldats....... 4'livres 10 sols 54 —(1)
Art. 13. S'il se trouve parmi les invalides, soit à l'hôtel, soit dans les départements, quelque officier qui ait eu le grade de colonel dans les troupes de ligne ou la maison du roi pendant deux ans, il lui sera accordé 2,400 livres de traitement annuel, s'il ne veut pas habiter l'hôtel.
Art. 14. Les gendarmes du ci-devant corps de la gendarmerie, retirés à Lunéville dans un hospice militaire, seront considérés comme habitant l'hôtel des Invalides, conformément à l'article 1er. En conséquence ils seront traités, savoir : Les maréchaux-des-logis commelieutenants-colonels, les brigadiers comme capitaines, et les gendarmes comme lieutenants; le> hirurgien-major obtiendra la retraite à l'hôtel, et le portier-invalide celle de maréchal-des-logis de la classe intermédiaire; en conséquence, l'hospice de Lunéviile est supprimé.
Art; 15. Tout officier, sous-officier et soldat invalide qui voudra continuer à vivre dans ses foyers sera payé de sa pension mois par mois, par le receveur du distr et, sur un certificat de vie délivré par le juge de paix le plus voisin de son habitation, et ce mois sera toujours payé d'avancé.
TITRE II.
Des compagnies d'invalidés détachées.
Art. 1er. Toutes les compagnies d'invalides détachées dans des forts ou places de guerre seront conservées provisoirement avec le traitement dont elles jouissent: L'Assemblée renvoie à la prochaine législature à statuer sur le sort de celles qui lui paraîtront inutiles.
Art. 2. Les compagnies invalides détachées resteront composées comme elles le sont et feront à l'avenir partie de l'état militaire, sous l'inspection immédiate du ministre delà guerre; elles seront payées sur le même pied qu'elles l'ont été jusqu'à présent, mais sur les fonds qui ont été déterminés article 10 du titre premier; ceux qui passeront dans ces compagnies seront en activité ae service, tant pour l'avancement aux grades
dans Iesdites compagnies, que pour la décoration militaire, et le droit d'entrer à l'hôtel ou d'obtenir les pensions relatives.
Art. 3. Conformément à l'article 7 du titre premier du présent décret, les compagnies porteront des numéros comme tous le» régiments français à commencer par le numéro 1, et prendront la dénomination de vétérans de l armée.
Art. 4. Tout militaire qui désirera entrer désormais dans ces compagnies sera tenu de justifier au ministre de la guerre, par des certificats de ses supérieurs et de son inspecteur, qu'il a 24 ans de service, conformément aux décrets sur l'armée et la gendarmerie nationale, et qu'il est hors d'état de continuer son activité dans les troupes de ligne.
Art. 5. Les compagnies rouleront sur elles-mêmes pour l'avancement : la moitié des places de lieutenants appartiendra aux sous-officiers par rang d'ancienneté; l'autre moitié sera au choix du roi; mais ce choix ne pourra s'exercer que parm] des lieutenants ou sous-lieutenants de la ligne, ou de la gendarmerie nationale ; le premier lieutenant de chaque compagnie, en cas de vacance par mort, ou de démission, deviendra capitaine.
Art. 6. Les compagnies employées ci-devant à l'hôtel des Invalides, à l'Arsenal, à la Bastille^ à Vincennes, à l'Ecole militaire, sont supprimées : et le sort des individus qui les composent sera réglé sur le même pied que s'ils étaient résidant à l'hôtel.
Art. 7. L'Assemblée nationale déclare que les compagnies ou détacheihents d'invalides employés à la garde des maisons, ou à celles des frères du roi, seront désormais à la charge de la liste civile, comme faisant partie de la maison du roi.
Le roi est prié de faire connaître ses intentions à ce sujet ; et tous ceux de ces invalides ainsi employés qu'il ne jugerait pas à propos de conserver seront réformés et traités comme résidant à l'hôtel ; les officiers qui par l'effet du présent décret se trouveront réformés, et qui avaient en 1789, sur l'état de la guerre, un traitement plus convenable que les pensions ci-devant décrétées propori ion nellementaux différents grades, conserveront le même traitement pour retraite.
Art. 8. Le détachement employé à l'hôtel de la guerre est conservé dans son intégrité sur le même pied que les autres compagnies détachées; mais la paye de tous les grades de ce détachement sera d'un tiers plus forte, à grade égal, que dans les compagnies détachées hors la ville ae Paris.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture dupro-cès-verbal de la séance d'hier au matin.
Messieurs ,dans la séance d'hier, l'Assemblée a jugé quelques électeurs
du dépar-
Un membre : L'opinanta tort de se faire l'avocat de quelques gens qui sont ou sots,ou fanatiques, ou fripons; au reste, c'est les avoir assez entendus que de les avoir jugés sur l'acte de protestation qu'ils ont- signifié à l'Assemblée électorale.
(Le procès-verbal est adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse du directoire du département de Maine-et-Loire portant qu'attendu la répartition vicieuse de l'impôt de 1790, faite parla commission intermédiaire de l'assemblée provinciale d'Anjou, il demande d'être autorisé a répartir le remplacement de la gabelle sur les rôles de 1789.
(Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage de M. Eschasseriaux, intitulé : Prix d'agriculture. 11 observe que cet ouvrage renferme des idées saines, des vues utiles et mérite l'attention du Corps législatif, et il én demande le renvoi au comité d'agriculture et de commerce, pour en être rendu compte à l'Assemblée.
(Ce renvoi est décrété.)
, ex-président, remplace M. d'André au fauteuil de la présidence.
Voici, Messieurs, une lettre des députés extraordinaires du commerce de France, dont on ne put hier vous donner connaissance :
« Monsieur le Président,
« Nous venons d'être informés qu'on doit lire demain des instructions destinées à accompagner le décret qui a été rendu le 15 de ce mois sur l'état pôlitique des hommes de couleur dans les colonies.
« Comme nous aurions des observations importantes à faire sur ce décret, nous avons l'honneur de vous prier, Monsieur le Président, de consulter l'Assemblée nationale sur la demande que nous formons d'être entendus à la barre.
« Nous sommes, etc. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour I
Les députés du commerce ne forment pas une corporation; ainsi ils n'ont pas le droit de pétition.
, Jene puis pas concevoir que l'Assemblée veuille se refuser à entendre les députés extraordinaires qui ont été nommés par les principales villes du commerce du royaume. Ils ont été reconnus par vous, autorisés à travailler avec votre comité d'agriculture et de commerce ; formés en comité, à lasuite de l'Assemblée nationale, ils sont depuis deux ans les utiles collaborateurs de vos comités. (Murmures.) On a toujours reproché à l'ahcien gouvernement de ne vouloir jamais entendre ni consulter le commerce; aussi s'est-on cruellement ressenti des effets de cette conduite insolente autant qu'impolitique, et a-t-on toujours vu le commerce anglais avoir la supériorité sur le nôtre. J'espère que vous ne voudrez pas ajouter l'humiliation et la mortification d'un refus à la ! douleur profonde dont ces députés sont affectés
depuis votre décret du 15 (Rires) et qu'ils viennent peut-être déposer dans votre sein. Je demande qu'ils soient entendus à la barre sur le projet d'instruction de M. Dupont.
L'Assemblée ayant déclaré le droit de pétition un droit individuel, elle doit faire exécuter ce décret. Si vous aviez consulté les corps de judicature avant d'organiser l'ordre judiciaire, vous auriez eu à entendre 500 pétitions de compagnies ; si les individus qui se disent les députés du commerce ont de bonnes raisons à dire, je demande qu'ils les exposent au comité colonial.
Depuis trop longtemps, ces individus s'intitulent mal à propos : Députés extraordinaires du commerce, et, à ce titre, s'avisent de faire corps, et se placer à côté de l'Assemblée nationale, d'influencer ses délibérations sous le nom du commerce qu'ils ne représentent pas. Que sont en effet ces députés ? D'anciens agents employés par certains négociants; des gens qui, sous l'ancien régime...
, Gela est faux !
A gauche : Oui, c'est vrai 1
Je les connais très bien; ce sont des gens de l'ancien régime.
Non, ce ne sont pas les mêmes.
J'ajoute un mot : c'est que les corporations étant détruites, le commerce ne peut avoir de représentants.
J'observe que le travail de vos comités sur l'organisation des colonies est imprimé, qu'il vous sera présenté cette semaine, et que c'est la meilleure instruction que vous puissiez envoyer dans les colonies : elle leur fera voir que vous vous occupez d'elles d'une manière utile; sous ce point de vue, l'instruction projetée par M. Dupont devenant inutile, et la demande des députés du commerce sans objet, on peut passer a l'ordre du jour. (Murmures à droite.)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour-)
Messieurs, j'ai l'honneur d'informer l'Assemblée que le brûlement d'assignats de vendredi prochain sera de li millions.
Je demande d'autre part, Messieurs, que le co* mité d'imposition hâte son travail sur les contributions. Les rôles de 1791 ne sont pas encore faits et par conséquent les impositions ne peuvent pas se percevoir. Rien cependant n'est plus urgent que d'accélérer le* recettes. Le Trésor public ne perçoit plus que 5 millions par mois, tandis qu'il dépense 40 millions pendant le même temps; cette situation exige impérieusement qu'on mette un terme aux-délais prolongés du comité.
On pourrait très bien d'ailleurs percevoir provisoirement sur les anciens rôles.
Messieurs, votre comité d'imposition a presque terminé son travail sur la répartition des contributions; on achève d'imprimer en ce moment le quatrième tableau; le rapport pourra vous être lu dans le courant de cette semaine.
J'ajouterai d'ailleurs que les mauvaises recettes du Trésor public ne proviennent pas du défaut de rôles pour l'année 1791, puisqu'il reste dû au Trésor une somme de 130 millions pour les années 1789, et 1790.
On nous demande un mode de répartition provisoire, des rôles provisoires; et j'observe qu'il y a beaucoup plus de rôles de faits qu'on n'en paye ; le tiers de ceux de 1790 ne sont pas encore acquittés ; dans, les départements de la ci-devant province de Bourgogne, aucun n'est encore en recouvrement.
Le véritable motif de ces retards vient de ce que les nouveaux commissaires de Bourgogne ont essuyé plusieurs chicanes de là part des anciens administrateurs de la province.
Les commissaires pour la distribution des impôts dans la ci-devant province de Bourgogne, ont, suspendu le recouvrement, des impositions royales arriérées, pour y joindre les sous additionnels nécessaires aux charges loca^ les. Dans plusieurs départements, les commissaires éprouvent aussi des difficultés de la part des corps administratifs. Notre situation est vraiment effrayante; dans" les 15 premiers jours de ce mois, il n'est entré au Trésor public que 2 millions, tandis qu'il devrait y entrer 48 millions par mois.
Il faut donc s'occuper avant tout de l'exécution des lois, sans laquelle il est inutile de faire ni Constitution, ni Législation et, pour cela, il faut demander au roi qu'il donne des ordres pour que, les ministres s'occupent avec sévérité de tout ce qui a trait au recouvrement des impositions.
Je demande, Monsieur le Président, que vous soyez chargé par l'Assemblée de vous retirer par devers le roi pour lui faire sentir les funestes effets de l'inaction du ministre sur ce qui concerne les recouvrements.
Un membre : Il y a autant de négligence de la part des corps administratifs, que de celle du pouvoir exécutif,
Il n'est pas étonnant qu'il y ait eu un moment de relâchement dans la partie' du ministère relative à la perception des impositions, puisque, depuis l'organisation décrétée, du ministère, vous avez séparé celui de l'intérieur de celui des contributions publiques.
Je crois que la mesure la plus importante à prendre, c'est de charger le Président de se retirer par devers le roi pour le prier de nommer promptement le ministre des contributions publiques*
Il doit être nommé aujourd'hui même,
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
prépose d'ajouter à l'article 6 du décret du 20 mai courant sur les contributions publiques, après ces mots : « avoir ac- quitté la totalité », .ceux-ci ; « de deux termes de la contribution patriotique. »
(Cette proposition est mise aux voix et adoptée).
, ex-président, remplace au fauteuil de la présidence M. Ghabroud,
, au nom du comité des finances, soumet à la délibération le projet de décret relatif à la nomination des commissaires chargés de surveiller la fabrication des assignats de h livres, qui avait été présenté par le comité à la séance -d'hier au matin (1).
Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée'nationale décrète1 ce qui suit:
Art. ler.
Le roi sera prié de nommer deux commissaires pour surveiller la fabrication des formes du papier des assignats de 5 livres, décrétés le 6 mai.
Art. 2.
a L'Assemblée nationale nommera incessamment dans son sein 6 nouveaux commissaires, qui seront adjoints aux anciens, pour s'occuper de la même surveillance, conjointement avec les commissaires du roi.
Art. 3.
«Les commissaires seront tenus de surveiller la fabrication des assignats, à commencer par les opérations préliminaires successivement, jusqu'à leur parfaite confection, et leur remise a la caisse de l'extraordinaire.
Art. 4.
« Les commissaires de l'Assemblée nationale et ceux du roi sont autorisés à arrêter toutes conventions nécessaires pour ladite fabrication, lesquelles sëront signées seulement desdits commissaires du roi, et visées par le ministre des contributions publiques, pour Une copie rester dans ses bureaux, et l'autre déposée aux archives nationales.
Art. 5.
« Le papier desdits assignats sera blanc : ce j papier et leur composition seront conformes au modèle qui, après avoir été arrêté et signé par les commissaires de l'Assemblée nationale et du roi, sera déposé aux archives.
Art. 6.
« Ces assignats seront signés par les mêmes personnes qui ont été précédemment commises pour signer les assignats de différentes coupures. »
(Ce décret est adopté.)
fait lecture d'une lettre de M. iDelessart, minisire de l'Intérieur, eu date du 21 mai 11791, par laquelle il rend à l'Assemblée un compte détaillé des mesures qu'il a prises pour l'exécution du décret du 19 décembre dernier, qui ordonne la répartition successive d'un fonds de secours de 15millions entre les départements.
Il annonce que, conformément à ce décret, il a déjà distribué aux corps
administratifs une par- I tie des 6,640,000 livres destinées à être
réparties en portions égales ; mais que malgré ses instances et les
lettres excitatives réitérativement écrites aux corps administratifs, un
grand nombre de ceux-ci ne se sont point encore mis en règle pour
l'exécution du décret qui leur ordonne d'envoyer au ministre de
l'intérieur, pour être communit-qués au Corps législatif, les états de
leurs besoins, des travaux faits et à faire, et des dépenses qu'ils
exigent. Il espère, en conséquence, que l'Assemblée se déterminera à
faire la distribution par-
(Cette lettre est renvoyée aux comités des finances, de mendicité, et d'agriculture et de commerce^
Un deMM.les secrétaires fait lecture d'une lettre du président de l'assemblée électorale du département de la Corse, qui annonce l'élection de M. Ignace-François Guasoo, ancien chanoine de Bastia et grand vicaire du diocèse, à l'épiscopat du département de la Corse.
, au nom du comité central de liquidation, fait un rapport sur la liquidation des arriérés du département de la maison du roi, de celui de la guerre, de celui des finances ; sur le remboursement des quittances de finances, de droits d'échange, et autres acquits du roi, et supprimés par le décret du 3 mai 1790; sur le remboursement de la finance des charges -,et offices ; sur celui de la finance des charges et offices des agents de change de la ville de Paris ; toutes lesquelles liquidations s'élèvent ensemble à 6,054,319 1. 15 s. 7 d.
Messieurs, je viens m'élever contre les passe-droits qui se font en matière de liquidation. N'est-il pas étrange que Ie3 agents de change soienfcdéjà liquidés, comme votre comité vous propose de le faire aujourd'hui, tandis que beaucoup d'officiers ministériels et autres, qui avaient déposé leurs titres avant même que les agents de change fussent supprimés, sont encore à attendre que ieùr t.our vienne ?
Je demande que le comité veuille bien , instruire l'Assemblée du numéro du dépôt des pièces, afin que le public sache s'il y a interversion d'ordre, comme on l'assure.
, rapporteur. La réponse sera courte et satisfaisante.
C'est tout simple, Messieurs;-on donne 5 0/0 pour passer avant son tour. Ce fait est arrivé à M. Labrousse, ci-devant conseiller à la chambre souveraine des eaux et forêts du parlement de Toulouse, qui est ici depuis deux mois pour se faire liquider.
Uu commis du bureau de liquidation auquel il s'est présenté, lui a dit que s'il voulait faire le sacrifice de 5 0/0, on tâcherait d'avancer l'ordre de la liquidation de sa charge.
A gauche : C'est faux !
A droite : C'est vrai !
Je demande qu'on en donne la preuve.
Les faits ne sont que trop vrais ; l'Assemblée doit mettre pn terme à cet agiotage.
, rapporteur. Je demande que celui qui dénonce signe sa dénonciation ; que cette dénonciation soit détaillée dans le procès-verbal et que votre comité ceptral de liquidation soit chargé de vous en rendre compte. (Oui! oui!)
Je ne contredirai pas la vérité
de l'inculpation qui vient d'être faite par un honorable membre; mais elle peut même tellement influer sur le peu de confiance qu'auraient mérité vos commissaires du comité central à qui on n'en a pas fait part, parce que sans doute on les a crus de connivence avec le commissaire de la liquidation, qu'il faut, pour l'honneur de l'Assemblée et pour la tranquillité même de tout le royaume, que le fait soit éclairci et que, s'il se trouve un coupable, il soit puni .de la manière la plus ignominieuse. (.Applaudissements.)
Au moyen de quoi, je fais la motion expresse et j'espère que je serai appuyé par l'auteur de cette dénonciation, qui ne l'a certainement pas faite sans apparence de vérité, qu'il soit tenu de la circonstancier et de la déposer, signée, sur le bureau, et que votre comité central soit tenu de vérifier scrupuleusement le fait, pour en faire le rapport à l'Assemblée nationale dans le plus court délai.
Voilà ma motion et je demande qu'on la mette aux voix. (Oui ! oui ! Aux voix /)
J'ai eu l'honneur de vous dire que l'on avait demandé à M. Labrousse, officier à la chambre souveraine du parlement de Toulouse, 5 0/0. Je le tiens de qui? de M. Labrousse lui-même. Il m'a même ajouté que; s'étant récrié contre les prétentions de l'offre qui lui était faite, le commis qui lui avait fait cette demande lui avait avoué que sur les 5 0/0 il n'y avait qu'un et demi pour cent pour lui.
A gauche: Signez votre dénonciation!
Je demande la parole sur ce fait. Je connais très bien M. Labrousse; il mérite certâinement l'estime des bons citoyens. Voilà ce qu'il m'a dit : Je crois que si je voulais abandonner quelque chose, je trouverais peut-être moyen de me faire liquider. (A gauche : Ce n'est pas celai) . "
Je ne prétends pas par là m'opposer à une vérification que je demande; mais je crois que l'on ne doit pas fixer son opinion sur un fait ui n'est pas vérifié. (Aux voix . la motion de I. Rewbell!)
Je demande à éclaircir le fait.
Je demande qu'à l'instant l'Assemblée nomme 4 commissaires pour vérifier immédiatement les registres et s'assurer si on n'a pas interverti l'ordre des numéros pour la liquidation.
Je connais très parfaitement M. Labrousse pour un fort honnête homme; il m'a pàrlé d'un fait pareil à celuidont on vient de vous entretenir; c'est pourquoi j'ai demàndé la parole. M. Labrousse m'a dit que M. de Marivaut ou M. Dast, je ne sais plus lequel, s'est présenté pour obtenir la liquidation d'une créance; il y avait entre eux et les liquidateurs un traité à 5 0/0, c'est-à-dire que pour 120,000 livres, prix de l'office à liquider, ils devaient abandonner 6,000 livres. Une condition particulière dece traité était que la somme abandonnée ne serait due que si le décret de liquidation était rendu par l'Assemblée nationale à un jour convenu, et que le marché serait nul, si le décret n'était pas rendu ce jour-là. 11 arriva qu'on manqua de parole aux créanciers et que le décret ne fut rendu que
deux jours après l'époque fixée; ceux-ci se crurent donc autorisés a ne pas payer aux fripons la somme qu'ilâ s'étaient engagés conditionnelle-ment à payer. Qu'arriva-t-il alors? C'est que les fripons trouvèrent le moyen de faire former opposition au bureau des hypothèques à la délivrance de la créance liquidée.
J'atteste ces faits, comme m'ayant été déclarés par M. Labrousse qui est, comme je vous l'ai dit, un fort honnête homme.
J'appuie d'une part aussi la motion de M. Rewbell; j'appuie d'autre part la motion quia été faite par un autre préopinant, pour que I on inspecte les registres et que l'on voie s'il y a interversion dans les numéros ; car, Messieurs, il faut que ce fait soit éclairci.
Il est bon de vous dire qu'il y aune multitude de compagnies qui s'annoncent journellement dans les provinces, soit par des papiers publics, soit par des circulaires et des prospectus, comme étant chargées de procéder aux liquidations [ou d'en hâter les travaux;.et je ne peux pas m'em-pêcher de vous dénoncer à ce sujet un nouveau fait que j'ai appris hier avec M. Rewbell.
M. Amelot nous a dit quede certains banquiers, à la tête desquels était le nommé Jarry, venaient encore de répandre de nouvelles lettres pour annoncer qu'il était chargé spécialement de la liquidation d'une certaine partie. M. Amelot nous a dit qu'il nous enverrait les lettres, parce qu'il fallait mettre un frein à ces abus-là et réprimer ce genre d'agiotage.
Quant aux faits dénoncés par M. Charrier, il faut les connaître et les éclaircir, soit de la part de M. Labrousse, soit de la part des personnes qui sont compromises dans celte dénonciation.
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Nous allons perdre la matinée.
Comme M. Camus, j'appuie les deux motions; mais je crois que la procédure judiciaire dont quelqu'un vous a parlé ne doit point nous servir de règlement; pour nous, nous devons éclaircir le fait et pour nous, il ne s'agit pas d'une procédure criminelle ; il n'est question ici que d'une simple preuve. Les pièces de vérification dont il s'agit ne laisseut aucune preuve, aucune trace après soi; la promesse se fait, elle s'exécute, l'argent se donne, la corruption est consommée et tout est dit. Comment se prouvera une telle prévarication? Comme elle se prouvait autrefois.
Plusieurs victimes de cette prévarication viendront déclarer, ou à vous ou à des commissaires nommés, qu'ils en ont été Vraiment victimes : c'en sera assez, la preuve sera faite et elle sera d'autant plus complète que tout le monde sait que dans cette capitale on y a une habileté merveilleuse à tirer parti des malheureux provinciaux qu'attirent ces sortes d'affaires.
(de Coutances). Je n'ai garde de m'opposer à la motion proposée par M. Camus ; mais l'explication qu'a donnée M. de Lachêze m'a fait connaître certain fait dont je dois donner connaissance à l'Assemblée.
M. de Lachèze vous a rendu compte de la liquidation d'un particulier ; je crois que l'Assemblée doit prendre connaissance de cette affaire et faire en sorte que les faits soient vérifiés. Mais aupa-
rayant je vais dire ce que je tiens à ma connaissance.
Je me suis trouvé, il y a 4 ou 5 jours, dans les bureaux du commissaire du roi : j'y ai vu une agitation produite par une querelle qui s'élevait entre les commis des bureaux de la liquidation; il y était précisément question de l'affaire même dont a parlé M. de Lachèze. M. Lepelletier, commis dans les bureaux, se plaignait amèrement de ce qu'on avait été prendre son nom pour faire une opposition entre les mains du conservateur des hypothèques sur la liquidation de M. Labrousse. Cette opposition avait été faite à la suite d'un traité fait avec des gens de Paris étrangers au bureau du commissaire du roi ; c'est du moins ce qui a été dit devant moi ; et je dois vous dire, Messieurs, que le comité de judi-cature a vu avec scandale que 25 de ces gens de Paris viennent faire des liquidations et qu'ils voudraient nous faire décider la question, savoir si les offices ne sont pas maintenant mobilisés : et leur but est de faire un agiotage sur les offices.
Voici, Messieurs, ce qui s'est passé. La liquidation devait donc être faite, suivant M. de Lachèze, dans un délai convenu, et si le décret n'était pas rendu à telle époque, les 6,000 livres ne devaient pas être payées ou, pour mieux dire, restituées.
Qu'est-il arrivé, Messieurs? Le premier commis de chez M. de Saint-Léon, chargé de celte liquidation, a entendu que les gens de Paris répandaient le bruit qu'il fallait nécessairement prendre de l'argent, et de fortes sommes, parce qu'eux-mêmes étaient obligés d'en donner dans les bureaux du commissaire du roi. Les commis scandalisés ont demandé eux-mêmes que le fait fût vérifié. M. Delarue a dit à l'officier : « Monsieur, faites venir cet homme-là, et je vous donne ma parole d'honneur qu'il sera obligé de dire à qui il a payé. » Voila la conduite qu'a tenue M. Delarue.
Il était question de savoir quelle serait celle que tiendrait le malheureux jeune homme du nom duquel on s'était servi pour faire l'opposition. Alors on me demanda ce que devait faire ce M. Lepelletier. « Je n'ai point d'avis à donner, répondis-je ; mais je sais bien que si c'était moi, à l'instant je porterais plainte.»
Il est très probable que ces friponneries-là ne se font pas dans les bureaux du commissaire du roi, mais bien par des particuliers de Paris.
Je crois qu l'on n'a pas saisi l'esprit de ma motion, puisque je l'ai vu combattre, sous prétexte que l'on ne devait pas signer de dénonciation. Je veux regarder les dénonciations comme des motions.
Ou l'Assemblée veut que le fait soit vérifié, ou elle ne le veut pas. Si elle ne le veut pas, il est inutile de rien statuer ; mais si elle veut que le fait soit vérifié,... (Oui! oui !) il faut nécessairement que les commissaires aient sous les yeux le fait écrit, parce que leur mémoire pourrait les tromper, puisque vous voyez que les faits principaux ont déjà reçu deux versions différentes.
J'interpelle M. Charrier de faire sa dénonciation.
Quelle qualité avez-vous pour faire une interpellation ?
Voici la motion de M. Charrier:
« Je demande que l'Assemblée décrète qu'il sera nommé quatre commissaires qui se transporteront dans les différents bureaux de liquidation pour vérifier si, dans l'ordre des numéros, il n'y a pas eu interversion. »
Je demande que les quatre commissaires soient pris hors du comité central de liquidation et que l'auteur de la dénonciation la rédige, pour qu'elle soit insérée dans le procès-verbal et communiquée au directeur de la liquidation.
Un membre : Je propose l'amendement que voici : « Ceux qui auront à se plaindre des vexations se transporteront auprès des commissaires pour faire leur déclaration. »
Un membre : Je dois vous rendre compte d'un fait dans lequel je suis personnellement intéressé. (Interruptions.)
Un membre : Si chacun de ceux qui ont à se plaindre détaillait sa plainte, on n'en finirait pas.
Voici la rédaction que je propose en y comprenant les diverses motions qui ont été faites :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé quatre commissaires pris hors du comité central de liquidation, pour se transporter au bureau de liquidation, et y vérifier l'ordre des numéros, selon lequel se font les rapports de liquidation ; que l'auteur de la dénonciation relative à l'affaire de M. Labrousse la rédigera par écrit pour être insérée dans le procès-verbal, à l'effet d'être communiquée au directeur de la liquidation ; que les personnes qui auront à se plaindre de quelques faits relatifs à l'ordre de la liquidation seront invitées à remettre la note par écrit aux quatre commissaires nommés par l'Assemblée pour vérifier les faits et eu rendre compte. » (Murmures à droite.)
Je demande que l'Assemblée convertisse en principe général, celui qu'elle énonce dans la motioa qui est faite par . Camus. Vous auriez dû prendre ce parti là pour les mille et une contre-révolutions qui ont été dénoncées à cette Assemblée. (Murmures à gauche.)
Voix diverses : Nous sommes bien tranquilles là-dessus. — A l'ordre du jour 1
Je demande que l'Assemblée renvoie à son comité de Constitution et que, dès ce soir, elle adopte ce principe, qu'elle n'a pas même voulu adopter dans les lois criminelles concernant la haute cour nationale.
A gauche : A l'ordre du jour!
(L'Assemblée, consultée, décrète la rédaction de M. Camus.)
Plusieurs membres : L'ajournement du décret du comité I
Tous les propriétaires d'offices, membres de cette Assemblée, sont tous liquidés de préférence et avant leur tour. Tous les autres ne le sont pas. (Murmures.)
Je demande que le préopinant ne
soit pas entendu ; l'Assemblée vient de nommer quatre commissaires chargés de vérifier les registres et d'en reodre compte à l'Assemblée. Je prie tous les membres du comité de liquidation, du nombre desquels est le préopinant, de ne pas parler sur ce sujet.
Je demande la question préalable sur l'ajournement du projet du comité, et je demande, en outre, que ceux qui insistent sur cette motion soient tenus de payer les intérêts des Offices. (Rires.)
Il faut renvoyer à un comité quelconque la motion que je fais : c'est qu'à l'avenir, nul ne puisse faire une dénonciation sans qu'elle soit signée de lui. (Murmures.)
A gauche : L'ordre du jour !
A droite : Il n'y a pas d'ordre du jour 1
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur là motion de M. Foucault-Lardimalie.)
Le projet de décret du eomité de judicature est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le directeur général de la liquidation, décrète qu'en conformité de ses précédents décrets sur la liquidation des dettes de l'Etat, et sur les fôpds destinés à l'acquit de la dette, il sera payé aux ci-après nommés, pour les causes qui vont être expliquées, les sommes qui seront pareillement déterminées, savoir :
1° Arriéré du département de la maison du roi, différents employés de la maison du roi.
D'Haugèranville, ancien major de la ci-devant compagnie des gardes de la porte, pour dépenses extraordinaires de la compagnie, la somme de trois mille livres, ci.....3,000 1. » s. » d.
Lassus, chirurgien ordinaire de Mesdames, tantes du roi, pour gages, cent cinquante livres, ci----------------150 » »
Belurgey, capitaine de l'équipage des mulets de la chambre du roi, pour appointements pendant l'année 1789, la somme de quatorze cent douze livres dix sols, ci... . . .1,412 10 .»
De Besson, écuyerde la maison du roi, pour livrées pendant les années 1788 et 1789, trois mille cent soixante-huit livres, dix-huit sols, ci......8,168 18 »
Laujanhier, argentier des enfants de France, pour frais de voyage en 1789, deux mille livres, ci.......2,000 » »
Jourdain, vérificateur des bâtiments du roi, pour honoraires et opérations pour les règlements des ouvrages raits pour la construc-
tion des deux hôtels des écuries d'Artois, sept mille neuf cents livres ci...................7,900 1. »» s. » d.
Lallemant de Nan-touillet, maître des cérémonies, pour dédommagements de ses droits, à cause de l'inhumation du corps de M. le Dauphin à Saint-. Denis, et récompenses, trois mille deux cent dix livres, ci...,.,.,.3,210 » »
Cassini, Gentil et Jau-ratpour appointements et indemnités de logement en 1789, dix mille quatre cent soixante-quinze livres, ci.....10,475 » »
: Gabriel et Lebas, pour déboursés faits pour sûreté de la police et de l'approv i sionnement des marchés, pendant l'année 1788 et les six premiers mois 1789.
A l'un, la somme de 2,196 liv. 8 s.........
A l'autre, celle de............1,607 15
Faisant ensemble, trois mille huit cent quatre livres trois sous,ci.....................3,804 3 »
Randon de la Tour, pour les dépenses par lui faites au jardinroyal, cinq mille huit cent soixante-six livres douze sous huit deniers, ci............5,866 12 8
Gampan, secrétaire du cabinet de la reine, pour son traitement pendant 1789, quatre mille sept cent cinquante livres, ci.........4,750 » »
Durney, administrateur du Trésor' public, pour remboursement de l'achat par lui fait de chevaux en Angler terre et en Irlande, pour la remonte de la grande écurie en 1788, cent quatre-vipgt-un mille sept cent vingt-une livres quinze sous huit deniers, ci,......181,721 15 8
2° Arriéré du département de la guerre.
Pour traitements et appointements de gouverneurs et lieutenants-généraux dés différentes provinces et vil tes, pendant les années 1788 et 1789, la somme de quatre -vingt- dix-huit mille quatre cent onze
livres trois sous cinq deniers, savoir :
D'Archiac, pour le gouvernement du fort Brescou, sauf les déductions à faire, la somme de seize mille neuf cent vingt livres, ci.......16,9201. » s. » d.
Veuve et héritiers Fleury, pour le gouvernement d'Aiguesmor-tes, à compter du premier janvier 1788 au 13 avril suivant, sauf la retenue des quatre deniers pour livre, la somme de deux mille cinq cent soixante-quinze livres, ci......2,575 » »
Denoue, pour le gou vernement d'Aigues-ffiortes, pendant l'année 1789, sauf la retenue de la capitation, des quatre deniers pour livre, la somme de quatre mille huit cent trente-trois livres, ci. 4,833 » »
Laval, gouverneurdu pays d'Aunis et de la ville de Sedan, pour ses appointements des six derniers mois j1788 et de l'année entière 1789, la somme neite de quarante-trois mille quatre cent quatorze livres dix sous quatre deniers, ci.............43,414 10 4
Buzançois, gouverneur du Havre, pour ses appointements des six derniers mois 1788 et de l'année 1789, ta somme nette de trente mille six cent soixante-neuf livres treize sous un denier, ci.........30,069 13 1
3° Arriéré du département des finances.
Illumination de Paris, pendantles mois d'août, septembre et octobre 1789.
Tourtille, Saugrain et compagnie, entrepreneurs de l'illumination de Paris, la somme de soixante-dix mille soixante-deux livres dix deniers, ci.......70,062 » 10
4° Domaines et féodalité.
Pour remboursement de quittances de finances de droits d'échanges et autres acquits du roi, supprimés par le décret du 3 mai 1790,
sanctionné le 9 du môme mois, remboursables aux termes de l'article 58 dudit décret, la somme de cent douze mille neuf cents livres, savoir :
Berthelot, Baye, pour droit de landes, péages, robinage et autres dans la ville de Narbonne, la somme de cent onze mille livres, avec les intérêts, à compter de l'époque de la cessation de la perception desdits droits ci.................111,0001. » s. » d.
Duperré, pour les droits d'échanges à Beaumont-sur-Buehi et dans le ci-devant fief du Veneur, la somme de quatre centslivres, avec les intérêts, à compter du 12 avril, ci.......400 » »
Goulé, pourlesdroits d'échanges à Senne ville, la somme de cent livres, avec les intérêts à compter du 16 mars dernier, ci.........100 » »
Combault, pour les droits d'échanges à Dampont, la somme de cinquante livres, avec les intérêts, à compter du 29 janvier dernier, ci...........50 » »
Talleyrand -Périgord et son épouse,pour droit d'échanges à Montchau-vet, Villeneuve enChe-vry et autres lieux, la somme de sept cent cinquante livres, avec les intérêts, à compter du 31 janvier dernier, ci.750 » »
Mathan, pour droits de justice dans la paroisse de Saint-Pierre de Semilly, la somme de sixcetit3 livres, avec lesintérêtsàcompterdu 21 février dernier, ci..600 » »
Jourdain, pour droit d'échanges dans les ci-devant fief du Verger et seigneurie de Saint-Gilles-de-la-Neuville, la somme de deux cents livres, avec les intérêts, à compter du 12 avril dernier, ci..........200 » »
Charges et offices.
Arasat, pour le remboursement de son office de receveur des décimes du diocèse de Lodéve, la somme de cinq mille sept cent quatre-vingt-dix-sept li-
vres dix sous, ci......5,797 1. 10 s. » d,
Avec les inlérêts à 5 0/0 à compter du premier septembre 1790.
Pour le remboursement delà finance des charges et offices des agents de change de la ville de Paris.
Simon-François Du-fresne, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, .ci................... 100,000.» »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du l,r avril 1791.
Jean-Nicolas Guedon, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci... 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 1er avril 1791.
François - Alexandre Page, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci................... 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Jean - Louis - Antoine Arger de Pernisson, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci....... 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Savinien Bercéon, pour son office, droit de marc d'or, sou pour livre, droits aliénés, droit de sceau et bourse commune, lasomme de cent un mille trois cent onze livres onze sous,ci................... 101,311 11
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
François Personnes des Briêres, pour la finance de son office, droits de mutation, de marc d'or et sou pour livre d'icelui, droits aliénés, droits de sceau et bourse commune, la somme de cent cinq milleneuf cent soixante-dix-huitlivres cinq sous huit deniers, ci...... 105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791. .
François-Joseph Artaud, pour la finance de son office, droits de marc d'or et sou pour
livre, droits aliénés, droits de sceau et bourse commune, la somme de cent un mille trois cent onze livres, onze sous, ci...............101,3111. 11 s. » d.
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Louis-Aspais Amiot pour la finance de son office, la somme cent mille livres,ci...100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à comptes du 9 avril 1791.
Pierre - Nicolas Gar-ron, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci...101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Barthélémy Madi-nier, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze liVres onze sous, ci...101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Jean-Alexandre Pa-pon, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci...101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Pierre-Marie Orry De-laroche, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci...........105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791....
Louis-Benoît Maillard, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres deux sous, ci..............101,311 2 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Agée, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci..,101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite éomme, à compter du 9 avril 1791.
Joseph-Nicolas Sa-voye, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent huit mille deux cent soixante-neuf livres dix-neuf sous, ci.............. 108,2691. 19 s. » d.
Avec les intérêts, à compterdu 9 avril 1791.
Pierre Gâujat, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres huit sous, ci.................... 101,311 8 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Jean-Baptiste-Joseph Boscari de Villepleine, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres,-ci... 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Claude-Bernard Au-tran, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci. 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Jean Prévost, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sou3 huit deniers, ci........... 105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Ange-Louis Genevez, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci... 100,000, » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791. Jean-André Orsel, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres deux sous, ci.............. 101,311 2 »
Avec le3 intérêts de ladite somme, à Compter du 9 avril 1791.
François Bréant de la Neuville, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci............ 100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme,à compter du 9 avril 1791.
Joseph Deherain,pour la finance de son office et droits- accéssoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci..................101,311 1. 11 s. » d.
Avec les intérêts de ladite somme, à compter, du 9 avril 1791.
Ëtienne-Michel-Gerin Rose, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci.100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 a\ril 1791.
Gabriel Deville, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci.............100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
Guillaume-Ange Vil-lette de la Musselière, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci....101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
Nicolas Coindre, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci...................101,311 11 »
Mathurin-René Oiry, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci.................105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
François-Joseph Der-banne, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci.100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
Jean Comte de Mou-vernot, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis*, la somme-de cent cinq mille neuf cent soixan-te-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci..105,978 5 8
Avec les intérêts, à compter du 18 avril 1791.
Pierre-Jacques Perré, pour la finance de son
office et droits accessoires y réunis , la somme de cent un mille trois cent onze livres deux sous, ci.........101,3111. 2 s. » d.
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
Nicolas Mallet, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci.......100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 18 avril 1791.
Gaspard Liottier,pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci...................191,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 19 avril 1791.
LaurentConiam, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres deux sous, ci..................101,311 2 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 20 avril 1791.
Valentin-Charles Roques, pour la finance ae son office et droits accessoires y réunis? la somme de cent un mille trois cent onze livres, deux sous, ci........101,311 2 »
Avec les intérêts, à compter du 21 avril 1791.
Pierre-Laurent Laine, pour la fiuance de son office, la somme de cent mille livres, ci...100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 20 avril 1791.
Jean-Pierre-Zacharie Le Mire, pour la finance de son orfice et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci..105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 27 avril 1791.
Antoine Richard de Montjoyeux, pour la finance de son office et droits accessoires y réu-nis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci...................105,978 5 8
Avec les intérêts, à
compter du 27 avril 1791.
Jean Garisson, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci....,...,...105,9781. 5 s. 8 d.
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 4 mai 1791.
Claude-Toussaint Fis-sour, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous,ci.........101,311 11 »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 6 mai 1791.
Jean-Ballhazard de Barrat, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixan-le-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci...105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 23 avril 1791.
Lés héritiers d'André-François Villette de la Louvelais, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci...........105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 23 avril 1791.
A mbroise-Louis Jouanne pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers,ci...................105,978 5 8
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Joseph Roch, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres, ci..............100,000 » »
Avec les intérêts de ladite somme, à compter du 9 avril 1791.
Henry Moinat, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent huit mille deux cent soixante-neuf livres dix-neuf sous, ci.108,269 19 »
Avec les intérêts, à compterdu9avril 1791.
Jean-André-Antoine Larmoyer,nourla finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci.........101,3111. 11s. » d.
Avec les intérêts, à compter duTmai 1791.
Gabriel-Nicolas Croi-zette, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent un mille trois cent onze livres onze sous, ci......... 1Q1, 311 11 »
Avec les intérêts, à compter d u 10 mai 1791.
Benoît Muguet, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci........... 105,978 5 8
Avec les intérêts, à compter du 11 mai 1791 .
Antoine-Claude Levè-vre, pour la finance de son office, la somme de cent mille livres,ci... 100,000 » »
Avec les intérêts, à compterdull mai 1791.
Claude-Joseph Rigot, pour la finance de Son office et drqits accessoires y réunis, la somme de cent huit mille deux cent soixante-neuf livres dix-neuf sous, ci.............. 108,269 19 »
Avec les intérêts de ladite somme» à; compter du 12 mai 1791.
Martin Louis, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la somme de cent cinq mille neuf cent soixante-dix-h uit livrés cinq,sous huit deniers.ci..........105,978 5 8
Avec les.intérêts de ladite somme, à compter du 14 mai, 1791.
Pierre-Marie Thiercelin, pour la finance de son office et droits accessoires y réunis, la. , somme de cent cinq mille neuf cent soixan-te-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci.. 105,978 5 8
Avec les intérêts de. ladite somme, à compter du 16 mai ,1791.
Pierre-Virginie Roche, pour la finance de son office et droits aqes-soirës y réunis, la somme de cent cinq mille
neuf cent soixante-dix-huit livres cinq sous huit deniers, ci.......105,9781. 5 s. 8 d.
Avec les intérêts, à compterdu 16 tttai 1791 .-Total général, six millions cinquante-quatre mille trois cent dix-neuf livres quinze sous sept deniers, ci.......6,054,3191. 15s. 7 d.
« A la charge, par les unes et par les autres des parties ci-dessus dénommées, de se conformer aux lois de l'Etat, pour leur reconnaissances de liquidation, et leur payement à la caisse de l'extraordinaire. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de Constitution et de législation criminelle, commence un rapport sur le projet de Code pénal (1) ; la fin de ce rapport est renvoyée à la séance de demain.
prie les membres de l'As'-semblée de se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d'un Président et de trois secrétaires.
La séance est levée à deux heures et demie.
Séance du,
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires commence la lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 20 mai au matin.
Plusieurs membres soulèvent des difficultés et présentent des observations sur la rédaction des articles contenus dans le projet de décret présenté par le comité de Constitution pour compléter l'organisation du Corps législatif et décrétés dans cette séance.
(L'Assemblée, consultée, remet à demain la lecture de ce procè3* verbal.) |
, secrétaire, fait lecture des procès-verbaux des séances de samedi 21 mai au soir et de dimanche 22 mai, qui sont adoptés.
Messieurs, le décret qui exempte du droit de timbre les billets de
confiance de 25 livres et au-dessous n'offre pas, à mon sens, une mesure
suffisante pour assurer le succès de la caisse patriotique aé Bordeaux
et de celles8 qui se sont formées sur le même plan. Ceux qui ont fourni
les fonds de cette caisse n'en retirent aucun intérêt, puisque lès
billets de 50 livres sont échangés au pair, et que ceux d'une plus haute
valeur ne payent que 1 0/0 au profit des pauvres.
Il faudrait donc donner à votre décret toute l'extension dont il est susceptible ; c'est pourquoi je demande que tous les billets d'échange émis par les banques particulières soient exempts du droit de timbre.
Il serait à craindre que des hommes avides ne s'emparassent de la faveur proposée par M. Nairac comme encouragement au patriotisme, pour en tirer avantage à leur profit ; ils pourraient, en effet, soustraire au droit de de timbre tous les billets qu'ils feraient pour leur commerce et, en éludant ainsi la loi, ils priveraient le Trésor public de ressources dont il lui est impossible de se passer.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la proposition de M. Nairac.)
Messieurs, le scrutin pour la nomination d'un Président n'a donné aucun résultat définitif; les voix se sont partagées entre MM. Bureaux dePusy et Charles de Lameth ; il y a donc lieu à un nouveau tour de scrutin.
Le scrutin pour les secrétaires a donné la majorité des suffrages à MM. Ricard de Séalt, Ënjubault de La Rocne et Huot de Goncourt, qui sont en conséquence élus en remplacement de MM. Geoffroy, Baillot et Lavie.
Un membre du comité ecclésiastique observe que, dans le décret rendu dans la séance du 13 de ce mois pour la circonscription des paroisses de la viile de Josselin, l'église de Saint-Martin se trouve par erreur indiquée au lieu de celle de Notre-Dame-du-Ronxier.
(L'Assemblée décrète que le nom de l'église de Notre-Dame-du-Ronxier sera substitué dans le décret à celui de l'église de Saint-Martin.)
, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret concernant les maisons de retraite à désigner aux ci-devant religieux du département du Nord qui voudront continuer de vivre en commun.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique, concernant les maisons de retraite à désigùer aux ci-devant religieux du département du Nord, qui voudront continuer la vie en commun, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Des maisons qui, dans le département du Nord, sont actuellement habitées par des Ci-devant religieux, il ne sera conservé que celles qui suivent, pour servir de retraite, savoir :
« La ci-devant abbaye de Vicogne, aux Ci-devant bénédictins de Bergues, Haîsnon, Cres-pin, Saint-Sépulcre de Cambrai, Haspres, collèges de Saint-Vaast de Douai et Prévôté, Notre-Dame de Valenciennes.
« La ci-devant abbaye de Cisoing, aux ci-devant bénédictins de Marchiennes, Anchin, Saint-Amand et Saint-Saulve.
« La ci-devant abbaye d'Honnecourt, aux ci-devant bénédictins d'Honnecourt et Saint-André-du Cateau.
« La ci-devant abbaye dite Château-1'Abbaye, aux ci-devant bénédictins d'Haumont, Liessies et Maroilles.
«La ci-devant abbaye d'Hasnon, aux ci-devant chanoines réguliers ae Cisoing, Beaurepaire, Fivère, Phalempin, Cantimpré, Saint-Aubert de Cambrai, Saint-Jean de Valenciennes et Vicogne.
« La ci-devant abbaye de Liessies, aux ci-devant bernardins de Loos et Vauceiles,-ci-devant trinitaires de Douai; Hontschote et Preavin ci-devant guillemites de Péene et Walincourt, et ci-devant croisiers de Launay.
« La ci-devant abbaye de Crespin, aux ci-de-vant carmes déchaussés de Lille, et carmes, tant chaussés que déchaussés, de Douai.
« La ci-devant abbaye de Phalempin, aux ci-devant carmes chaussés de Lille, Valenciennes, Saint-Laurent, Landrecies et Trelon.
« Le ci-devant prieuré de Beaurepaire, aux ci-devant augustins de Douai, Hazebrouck et la Bassée, ci-devant minimes de Lille et Douai, et ci-devant brigitins d'Armentières.
« Le ci-devant monastère de Bonne-Espérance, aux ci-devant carmes chaussés de Bonne-Espérance et de Cambrai et ci-devant carmes déchaussés de Valenciennes.
« Le ci-devant monastère des carmes de Trelon, aux ci-devant dominicains de Douai, Lille et Valenciennes.
« Le ci-devant monastère des guillemites de Péene, aux ci-devant capucins de Dunkerque et de Bailleul.
« Le ci-devant monastère des carmes de Saint-Laurent, aux ci-devant capucins de Merville et Armentières.
« Le ci-devant monastère des récollets de Lo-quinol, aux ci-devant capucins de Maubeuge et Valenciennes.
« Le ci-devant monastère des guillemites de Walincotirt, aux ci-devant capucins de Cambrai et Orchies.
« Le ci-devant monastère des capucins de Condé aux ci-devant capucins de Gondé, Lille et Douai.
« Le ci-devant monastère des trinitaires de Préavin, aux ci-devant dominicains de Dunkerque, et ci-devant récollets de Graveline.
« La ci-devant abbaye de Vauceiles, aux ci-devant récollets de Douai, Cassel, Eiaire, Gommi-nes, Fournes, Lille, Turcoing et Valenciennes, et ci-devant capucins de Bourbourg. .
« La ci-devant abbaye d'Haumont, aux ci-devant récollets de Dunkerque, Cambrai, Avesnes, Barbançon, Cateau, Bavay, Loquinol, Quesnoy et Bouchain.
« Quant aux ci-devant chartreux de Douai et de Valenciennes, ils se retireront à la Bouthil-lerie, dans le département du •Pas-de-Calais.
Art. 2.
« Tous les ci-devant religieux qui habitent actuellement des abbayes ou monastères, non désignés par l'article précédent comme maisons de retraite, seront tenus de les vider dans la quinzaine de la publication du présent décret.
Art. 3.
«Il est enjoint aux corps administratifs de faire exécuter ponctuellement, ' à l'égard des meubles et effets existant dans lesdites abbayes et monastères, l'instruction des comités ecclésiastique et d'aliénation, approuvée par l'Assemblée nationale le 6 novembre 1790, et annexée à la loi du 8 du môme mois, sauf néanmoins
l'exécution de l'article 8 du titre 1er de la
loi du 14 octobre précédent.
Art. 4.
« Si, parmi les maisons ci-dessus désignées pour retraite, il' s'en trouvait qui ne pussent pas contenir tous les ci-devant religieux appelés à les habiter, ceux qui ne pourraient pas y être reçus seraient répartis par le directoire du département du Nord dans celles desdites maisons où il y aurait excédent de places. »
Messieurs, vos décrets relatifs aux religieux ont donné à ceux-ci la liberté de sortir du cloître ou d'y rester pour continuer la vie commune, à condition toutefois que, dans ce dernier cas, ils seront toujours en nombre suffisant pour célébrer l'office avec décence et majesté. Vous crûtes en conséquence ne pouvoir conserver que les maisons où il y aurait plus de 15 religieux et, lorsque les maisons seraient réduites à un nombre inférieur, vous avez décidé de. les réunir à d'autres maisons du même ordre et de la même règle, autant que possible.
Que vous propose-t-on aujourd'hui ? On veut: vous faire décréter que des communautés composées, les unes de 20, d'autres de 30, de 40 et de 50 religieux seront réunies 5 ou 6 ensemble. On vient troubler la paix de ces maisons tranquilles, le repos dont elles jouissent depuis longtemps. Ce3 communautés qu'on vous propose de réunir sont, pour la plupart, à la campagne. Quel si grand parti la nation pourrait-elle tirer à présent de tant de grandes maisons abandonnées?
Remarquez, Messieurs, qu'il n'en est pas de Ges communautés religieuses de nos provinces belgiques comme d'une foule d'autres communautés du royaume où l'esprit de relâchement n'a fait que trop de progrès. Nos communautés religieuses sont encore aujourd'hui très régulières et trèsconsidérées ; aussi n'y a-t-il que très peu de religieux qui aient profité de la liberté que vous leur avez offerte de quitter le cloître. Je ne sais même pas si de tous les religieux de l'abbaye de Saint-Vaast, composée d'environ 80 religieux, il y en a un seul qui ait abandonné son état. Pourquoi troubler aujourd'hui la paix dont jouissent ces communautés et les priver de la consolation de continuer d'y remplir tranquillement les saints devoirs auxquels elles se sont vouées? Pourquoi leur faire abandonner, en quelque sorte, l'état religieux? Car la vexation qu'on exerce aujourd'hui sur eux ne peut tendre à d'autre but.
En voici la raison, Messieurs ; et votre comité ne la cache pas. Il n'y a dans les provinces belgiques que très peu de curés qui aient cru pouvoir prêter serment...
Tant pis I
Vous avez raison de dire que c'est tant pis, si ces curés troublent la paix, si ces curés portent à la révolte ; mais si ces curés sont des gens fidèles à vos décrets d'ailleurs, pourquoi donc veut-on aujourd'hui troubler ces communautés, dont la plupart, sont à la campagne? C'est parce qu'on espère avoir par là des gens pour remplacer les curés. Voilà la raison que donne votre comité ecclésiastique, et si le département du Pas-de-Calais n'envoie pas cette semaine la répartition des maisons
qu'on lui a demandées, votre comité le fera lui-même d'office. Voilà la raison que l'on donne, et pourquoi? Pour exécuter un décret que beaucoup de personnes regardent comme vexatoire.
Je demande donc, Messieurs, que vous laissiez jouir les communautés du Nord de la faveur de votre décret. Je demande que ce communautés, étant la plupart trè3 nombreuses, les religieux restent dans leurs maisons lusqu'à ce qu'ils soient réduits au nombre de 15, et qu'alors les religieux en soient réunis à la maison qui est leur chef-lieu. 'Vous sentez combien il est rigoureux pour des vieillards attachés depuis 50, 60 années à ces maisons, de les quitter ; et soyez persuadés que cela va affliger les villages où ces communautés sont placées et qu'elles nourrissent encore aujourd'hui. Je demande donc l'exécution du décret.
Il ne s'agit nullement ici de savoir s'il y a eu plus ou moins dé fonctionnaires publics ecclésiastiques qui aient prêté leur serment dans le département du Nord; ce projet de décret est la suite de l'exécution des décrets que vous avez rendus sur les ordres religieux. Vous avez voulu conserver, à ceux qui désireraient la vie commune, la faculté de vivre en commun; mais vous avez en même temps dit, et avec beaucoup de sagesse,; que vous indiqueriez aux religieux, qui voudraient vivre en commun, la maison dans laquelleuils seraient tenus de se retirer, à la différence des religieuses, à qui vous avez permis de rester dans la mai-sou où elles étaient. Vous avez eu égard à la faiblesse de leur sexe, à leurs habitudès et à beaucoup d'autres considérations ; en conséquence, vous avez ordonné aux corps administratifs de vous représenter l'état des religieux de leur département , pour rendre le décret qui assignerait la maison où ils seront tenus de se retirer. Il n'y a pas de département où ce travail soit plus avancé que dans le département du Nord et dans le département du Pas-de-Calais ; et cela n'est pas étonnant : il y a dans ces dêr partements beaucoup d'abbayes, à la tête desquelles se trouvent des abbés réguliers, c'est-à-dire les plus despotes de tous les hommes; ôr, il faut que vous sachiez que ces abbés ont trouvé le secret d'en imposer aux religieux qui sont encore sous leur joug, au point: que plusieurs d'entre eux nous ont écrit qu ils ne pouvaient pas jouir de la liberté que vous leur aviez donnée par vos décrets, parce qu'ils étaient retenus encore par l'autorité de l'abbé régulier, dont cependant vous avez détruit tout le pouvoir.
11 faut aussi que vous sachiez que vous avez décrété que dans toutes les maisons on nommerait un supérieur, et ce- supérieur pouvait être un autre que l'abbé; et cependant dans aucune de ces maisons on n'a changé le régime qui existait; l'abbé exerce partout son despotisme. Les rèligieux attendentavecla plus grande impatience le moment où vous pourrez briser le joug sous lequel ils ont vécu jusqu'à ce moment-ci.
Tout doit donc vous inviter, Messieurs, à adopter ce décret, qui est concerté avec les corps administratifs, qui n'est qu'une conséquence des décrets que vous avez rendus, qui accélérera la vente des biens nationaux. Je demande donc que vous mettiez le décret aux voix.
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte, sans modification, le projet de décret du comité.)
, au nom du comité' des finances, fait un rapport sur les besoins du Trésor publia et s'exprime ainsi :
Messieurs,
Vous avez décrété, le 17 avril, qu'à la fin de chaque trimestre le Trésor public rendrait compte des recettes quMl aurait faites dans les trois mois précédents, et qu'au cas où elles auraient été inférieures à la somme décrétée pour être employée aux dépenses publiques, l'Assemblée pourvoirait à remplacer au Trésor le déficit qui se serait trouvé dans la recette. Cette disposition d'ordre vous a paru importante: 1° pour que le service public n'éprouve jamais de suspension; pour que l'état effectif des recettes fut constaté souvent, et que les retards des contribuables, ou la négligence des administrateurs, bien connue, déterminassent aux mesures convenables pour les faire cesser.
Vous aviez jugé que le fonds de caisse de 36 millions qui existait au Ie* janvier de cette année, et que ces dispositions conservaient dans son intégrité, devait suffire pour entretenir l'abondance au Trésor national et suppléer au vide momentané de quelques recettes. Nous n'insistâmes peut-être pas assez alors sur l'observation que nous fîmes que les impôts indirects des douanes, des patentes, du timbre et de l'enregistrement ne faisaient que naître, qu'on s'était prémuni pour quelque temps contre ces deux derniers en pressant, dans le mois qui les a précédés, l'expédition d'une foule de transactions, et que le début de tous les établissements; de ce genre éprouvait toujours une sorte de langueur. Nous avions pensé d'ailleurs que les impositions directes seraient beaucoup plus tôt réparties entre les départements, que les rôles seraient incessamment faits, mis en recouvrement et les recettes généralement établies. Vous savez à quel Eoint nous sommes éloignés encore de. cette eureuse position, et vous comprenez qu'avant tous les préliminaires dont je viens de parler, vous ne pouvez compter sur les nouvelles perceptions; dès lors, le fonds de caisse du Trésor publie ne peut pas, sans autre secours, fournir Sendant trois mois aux dépenses que voua avez écrétées.
La recette d'avril qui aurait dû monter à 48,558,333 livres, somme des dépenses de chaque mois, suivant le décret du 19 février, si vos nouveaux revenus étaient en recette, ne s'est élevée qu'à 24,295,928 livres ; ainsi le défioit d'avril est de 24,2G2> 405 livres.
La recette de mai sera vraisemblablement inférieure encore à celle du mois précédent. Les deux premières semaines, dont le compte a passée sous nos yeux, nous le font présumer.
,Dans; cet état de choses, le comité des finances a pensé que vous ne pouviez assurer le service du Trésor public quîen lui faisant fendre compte mois par mois, au lieu de quartier par quartier, de ses recettes, et en lui restituant mois par mois la somme de sou déficit.
Le jour où, ayant établi des revenus égaux à vos dépenses, ces revenus rentreront régulièrement, où vous n'aurez plus à vous occuper de ces fâcheuses comparaisons, vous jouirez alors de la prospérité générale, fruit d'une juste confiance et du rétablissement entier de l'ordre dans les finances; votre comité ne peut trop fixer l'attention de l'Assemblée sur cet important objet.
Les détracteurs des opérations de l'Assemblée
nationale et des travaux de ses comités voudraient bien tirer avantage de ces avis répétés que le zèle nous commande. En faveur de nos alarmes, ils nous pardonnent notre vigilance; ils affectent de publier qu'exercés à vous présenter des tableaux flatteurs, il faut que tout soit désespéré, puisque nous vous avertissons de quelque danger. La manière dont nous avons rempli ce devoir n'esVdisent-ils* qu'une rétractation forcée des comptes satisfaisants que plus d'une fois nous vous avons rendus.
Certes, nous sommes loin d'avoir à nous rétracter ; nous le déclarons, solennellement. Lorque, par l'effet d'une sage hardiesse et d'un courage soutenu, vous avez adopté et suivi un plan régénérateur, mais immense, que mille intérêts particuliers devaient combattre, nous n'avons jamais pensé, nous n'avons jamais dit que vous arriveriez au terme sans avoir, ou des pièges à éviter, ou des résistances à vaincre. Placés par vous en sentinelle, vous avertir est notre devoir et nous le remplirons toujours; votre sagesse fera le reste. Déjà vous venez de prendre un parti décisif, un parti qui vous, assure le rétablissement prochain de la circulation. Quelques jours encore, et vous aurez mis la dernière main au grand travail des contributions publiques, à la consolidation des revenus de l'Ëtat.
De grands sacrifices auront marqué, sans doute, la transition de l'ordre ancien a un système neuf et complet d'impositions. Ils étaient inévitables, mais vous nVn remplirez pas moins l'engagement, que vous avez pris, d'acquitter toute la dette non constituée. Ainsi elles seront encore trompées, les espérances de ceux qui jouissent des moments d'embarras et d'inquiétudes inséparables de la plus étonnante révolution. Puissent-ils avoir bientôt à se consoler du bonheur public, à y participer eux-mêmes, et vous faire recueillir ce dernier prix de vos travaux 1
Voici le décret que je suis chargé de vous présenter :
«L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, déorèle ce qui suit :
Art. 1er.
Avant le 15 de chaque mois, l'ordonnateur du Trésor public rendra compte, à l'Assemblée, des recettes effectives du mois précédent; et ce qui pourrait manquer auxdite$ recettes pour compléter ht somme de 48,558,333 livres, montant de la dépense de chaque mois,, conformément au décret du 1$ février dernier,sera versé au, Trésor public par la caisse de l'extraordinaire.,
Art. 2.
« La recette du mois d'avril n'ayant monté qu'à la somme de 24,295,928 livres, la caisse de rextraordlnafre versera au Trésor public celle de 24,262,405 livres. »
(Ce décret est adopté.)
, qui avait obtenu un congé d'un mois, en remet l'expédition sur le bureau et déclare qu'il n'en fera pas usage.
, au nom du comité des contributions publiques. Il y a déjà quelque temps, Messieurs, qu'on vous a proposé, au nom du comité des contributions publiques, un projet de décret tendant à abolir les procès pour fraudes et contraventions entre les anciennes compagnies> des fermes la régie générale et les citoyens.
Ce projet de décret esl une conséquence nécessaire de l'abolition des fermes et de la régie générale; le voici :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des contributions publiques, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les procès pour fraude ou
contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie
générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des
ci-devant pays d'Etats et villes qui levaient les impôts à leur profit
sont annulés, sans que lés parties puissent rien répéter les unes envers
les autres.
« Art. 2. Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d'acquits-à-caution et passeports relatifs aux droits supprimés sont annulées.
« Art. 3. Quant aux procès indécis entre les fermes et régies et les redevables, pour tout autre objet que fraudev contravention ou rapport des décharges et ceriifîcats d'acquits-à-caution, les demandeurs fourniront touslesmoyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet,, et de même les défendeurs avant, le 1" août prochains!; les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les deux mois suivants et ne pourront avoir égard à ce qui n'aura pas été produit dans les délais prescrits. .
« Art. 4. A défaut par les deux parties de remplir les dispositions précédentes, les procès seront annulés de droit et sans qu'il! soit besoin de jugement ; à défaut par les demandeurs d'exécuier ce qui les» concerne, ils seront de droit déchus de leurs demandes; et, à défaut d'exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les seules pièces] des demandeurs.
« Art 5. Les promesses ou obligations de pension qui auraient été contractées pour cause de démission d'emploi des anciennes fermes et régies sont annulées, sauf à ceux au profit des-uels elles auraient été faites,, du consentement e leurs supérieurs et à titre de retraite, à présenter leur mémoire au*comité des pensions, pour en être fait le rapport à ^Assemblée.
« Art. 6. Les baux à loyer faits au nom des anciennes fermes et régies par les directeurs et employés supprimés pour les magasins et bureaux établis dans le rojaume, demeureront résiliés à compter du 1er janvier 1792s »
(à Saint-Jean-d'Angély). Je demande que dans les articles 1 et, 3, après le mot: procès} on ajoute ceux-ci : pendants avec contestation en cause.
Unmembre propose, par amendement, que non seulement les procès, mais encore les jugements rendus en dernier ressort sur fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale soient anéantis.
Un membre demande que cette dernière proposition soit réduite aux jugements non rendus en dernier ressort, et qui n'ont pas acquis la force de la chose jugée.
Un membre propose, par amendement, que les amendes ou sommes consignées,, ainsi que les marchandises saisies à raison de ce3 fraudes ou contraventions, depuis le 1er mai 1790, et dont la restitution serait demandée avant Je 1" jan-
vier 1792, ou le prix provenu de la vente desdites marchandises en justice soient remis entre les mains des parties.
, rapporteur, adopte le 1er, le 3° et le 4e amendement et propose, en conséquence, à la délibération, la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale décrète ce- qui suit :
Art. 1er.
« Les procès pendants avec contestation en cause, même les jugements sujets à l'appel, et non passés en force de chose jugée, pour fraude ou contravention relative aux droits ci-devant perçus par la régie générale, la ferme générale et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d'Etats et villes qui levaient des impôts à leur profit, sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter les unes envers les autres ; seront seulement restituées les amendes consignées et les effets saisis ou le prix de la vente qui en aurait été faite, à compter seulement depuis le 1er mai 1790, pourvu que les réclamations en soient faites avant le lor janvier 1792. » (Adopté.)
Art. 2.
« Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d'acquits-à-eaution et passeports relatifs aux droits supprimés sont annulées. » (.Adopté.)
Art. 3»
« Quant aux procès pendants avec contestation; en: cause entre les fermes et régies et les redevables, pour tout autre objet que fraude, contravention où rapports des décharges et cer-n tificais d'acquits-à-caution, les demandeurs fourniront tous les moyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avant le Ie? août prochains ; les juges seront tenus, à peine de tous dommages: et intérêts, de juger dans les trois mois suivants, et ne pourront avoir égard à ce qui n'aura pas été produit dans les délais prescrits. (Adopté.)
Art. 4.
« A défaut, par les deux parties, de remplir les dispositions précédentes;, les procès seront annulés de droit, et sans qu'il soit besoin de jugement : à défaut, par les demandeurs, d'exécuter ce qui les concerne,, ils seront de droit déchus de leurs demandes ; et, à défaut d'exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les seules pièces des demandeurs (Adopté). »
Je demande l'ajournement des articles 5 et 6 et que M. le rapporteur nous donne demain les dispositions plus explicatives que celles qu'ils contiennent.
(L'ajournement des articles 5 et 6 est décrété.)
J'ai reçu une adresse des maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon qui supplient l'Assemblée de porter le plus tôt possible une décision définitive sur le sort de cette ville.
L'assemblée veut-elle en entendre la lecture .. (Oui! oui!).
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Avignon, le 16 mai 1791.
« Augustes représentants,
« L'état affreux où nous sommes réduits nous force de vous adresser de nouveau nos réclamations et nos vœux. Hélas 1 nous nous flattions qu'une main secourabie allait nous être tendue; nous espérions que vous étiez sur le point de mettre fan à nos malheurs. Cependant la discussion de notre affaire est interrompue et renvoyée. Nous respectons, Messieurs, tout ce que votre sagesse pourra vous dicter a notre égard ; nous ne prétendons pas pénétrer les motifs qui ont pu retarder l'émission du décret que tous les départements désirent et attendent avec impatience.
«Mais il est de notre devoir, il nous est impérieusement commandé par l'intérêt de nos concitoyens qui nous est confié, de vous représenter que l'anarchie est à son comble, que nous sommes à la dernière période de nos forces, que toutes nos facultés sont usées, que tous nos moyens sont épuisés, que le tombeau est ouvert devant nous, et que nous y sommes tous entraînés, si votre justice, si votre protection, si votre humanité ne volent à notre secours, et ne nous arrachent au sort affreux qui nous menace.
« Illustres défenseurs des droits des nations, amis vrais de l'humanité, le peuple avignonais attend au plus tôt la fixation de son sort, et vous conjure de ne plus la différer. Le vœu de ce peuple pour être réuni à vous est bien réel, bien authentique, bien constaté : daignez au moins prononcer sans délai sur ce vœu. Si vous craignez que celui des Comtadins ne soit pas aussi bien caractérisé, hâtez-vous de faire cesser les horreurs qui nous environnent et auxquelles nous déclarons eolennement, devant Fauteur de notre existence et devant vous, que nous n'avons jamais pris aucune part.
«Rien n'égale l'excès de nos maux!... Mais les grandes douleurs ne s'expriment pas longuement. Le tableau de nos calamités vous ferait frémir ; et dans l'état affreux où nous sommes, nous ne pouvons que sentir et nous plaindre. Ne nous laissez pas mourir, au nom de la nation auguste que vous représentez, et de laquelle nous avons été cruellement séparés. Ne permettez pas qu'un bon peuple périsse, pour avoir voulu vivre sous vos lois.
« Nous avons l'honneur d'être, avec respect, augustes représentants, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
c Signé : Les maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon. »
Je ne demande la parole que pour annoncer à l'Assemblée que M. de Menou fera son rapport demain sur cette question.
J'ai vu hier entre les mains d'un de mes collègues une lettre du département de laDi ôme, écrite d'un village voisin du Comtat ; elle fait frémir. Des brigands de je ne sais quel parti sont sortis des terres du Comtat et se sont portés à main armée dans le département de la Drôme : ils ont attaqué plusieurs villages, incendié plusieurs maisons, pillé plusieurs habitations. Rien n'est plus affreux que les nouvelles qui sont parvenues.
Je demande, Messieurs, que l'Assemblée veuille bien prendre un parti définitif sur cette affaire... (Tout de suite!)
Je ne sais pas comment l'Assemblée peut rester en stagnation sur des malheurs comme ceux-là, qui font frémir l'humanité; elle se déshonorerait, si elle le faisait. Le rapport d'Avignon est prêt; je demande que dès demain la question soit décidée sans désemparer. (Applaudissements dans les tribunes.)
(L'Assemblé décrète que le rapport sur l'affaire d'Avignon sera mis à l'ordre du jour de la séance de demain au matin.)
, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, donne lecture de là suite du rapport sur le projet du Code pénal, commencé dans la séance d'hier (1). aêfj-d ,
(L'Assemblée décrète l'impression et la distribution de ce rapport.)
Monsieur le Président, j'ai appris qu'au commencement de la séance, on a décidé, d'après une lettre dont on vous a donné connaissance, que l'affaire d'Avignon serait mise à l'ordrè du jour de demain.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée, premièrement, que les membres des comités diplomatique et d'Avignon, qui se sont présentés pour prendre part a cette discussion préparatoire, n'ont trouvé qu'une seule personne au comité. J'observerai en second lieu que, puisque c'est la ville d'Avignon qui attaque Garpentras, il né serait peut-être pas raisonnable de faire valoir, en faveur de la ville d'Avignon, des motifs de pitié, puisque tous les désordres sont volontairement causés par des Avignonais.
J'observerai ensuite, Messieurs, qu'il est bien extraordinaire que, lorsqu'une cause a été discutée trois fois dans celte Assemblée, lorsqu'on n'allègue aucun nouveau titre, aucune nouvelle mesure à prendre, on dérobe à la nation les séances les plus précieuses où les plus grands intérêts de la Constitution appellent toute notre attention.
Je ne sais ce qu'on se propose de nous apprendre demain. Si ce sont des horreurs nouvelles que l'on veut nous rappeler de la part des Avignonais, nous en sommes instruits; mais c'est un scandale qu'il faut épargner à cette Assemblée;
Sans mission, sans autorisation, sans aucun motif de ressentiment, cette ville exerce les vexations les plus exécrables dans le Comtat. Ce n'est certainement pas lorsque Avignon nous donne un exemple inoui dans l'histoire des peuples policés, ce n'est pas lorsqu'il combat les citoyens à main armée; ce n'est pas, dis-je, dans une pareille circonstance que cette ville doit renouveler, pour la quatrième lois, une pétition qui a été déjà si sagement repoussée par l'Assemblée. Elle ne peut demander aucun secours ; c'est à elle à avoir pitié de la province qu'elle dévaste.
Je demande donc que nos moments soient consacrés aux intérêts delà nation et que l'ajournement déjà prononcé avec tant de prudence dans la cause d'Avignon, soit encore prononcé de nouveau; je supplie, en conséquence, l'Assemblée de vouloir bien retirer cette question de l'ordre du jour de demain.
Je dirai au préopinant que s'il
Je demande si les assassins d'Avignon sont complices des applaudissements que j'entends.
Je pense donc, Messieurs, que vous deviez révoquer votre décret. Ceux qui prennent le parti de Carpentras, quand ils ont eu peur pour Carpentras, ont assez longtemps fatigué l'Assemblée nationale pour qu'on prît des mesures et qu'on lui accordât des secours. Pour-uoi n'en veulent-ils plus maintenant? Aujour- 'hui que nos départements sont en péril, ils réclament l'ajournement : je demande si c'est là la conduite que l'on doit tenir dans l'Assemblée.
Je vous demande donc, Messieurs, par ces motifs, que l'ordre du jour reste fixé comme vous l'avez décidé. (Applaudissements.)
Je dois prévenir l'Assem-bléé çiue M. Rewbell vient d'avancer un fait faux, en disant que la guerre civile... (Murmures et interruptions.)
Voix nombreuses : L'ordre du jour!
(L'Assemblée consultée rejette par l'ordre du jour la motion de M. l'abbé Maury.)
, qui avait obtenu un congé d'un mois, annonce son retour à l'Assemblée.
, au nom du comité militaire. Messieurs, votre comité militaire m'a chargé de vous faire un rapport et de vous proposer un projet de décret sur les places de guerre et les postes militaires; ce rapport est très instant. Je demande à l'Assemblée la permission de le lui faire immédiatement.
(M. Démeunier demande la parole.)
, au nom du comité de Constitution. Messieurs, j'ai demandé la parole pour vous prier de continuer aujourd'hui même la discussion de3 articles sur l'organisation du Corps législatif et hâter le moment où pourra se faire la convocation de la législature. (Applaudissements.) Le comité de Constitution peut, dans deux ou trois jours, faire son rapport définitif sur les bases qui restent à poser pour cette convocation et il est important de hâter ce moment; aussi y a-t-il intérêt à achever de décréter le complément du Corps législatif.
Nous avons examiné le projet de M. Buzot; et nous sommes tous d'accord que, quand lecomité présentera le tableau des décrets constitutionnels; il faudra s'occuper de dispositions propres à arrêter l'impétuosité des délibérations. Mais nous avons pensé, et M. Buzot lui-même en est convenu, que son projet était insuffisant.
Nous avons donc pensé que le décret qu'il vous est présenté par votre comité devrait, sauf les amendements que vous pourrez y faire dans la discussion, être adopté à peu près tel qui'l vous a été proposé; si, à la tin de vos travaux, il paraît qu'il soit nécessaire d'ajouter de nouvelles
dispositions, nous vous les présenterons. Mais, dans ce moment-ci, ce qui est plus instant, c'est de continuer à discuter le plan du comité, et de poser ainsi les bases élémentaires de la Constitution; lorsque vous l'aurez décrété, votre serment se trouvera rempli dans toute son étendue.
Le comité de Constitution est, comme je vous l'ai dit, prêt à faire son rapport. Vous pourrez, aussitôt que vous l'aurez entendu, déterminer le jour où la législature viendra vous remplacer. (Applaudissements. )
Je conclus donc à ce qu'on mette en discussion la suite des articles du comité tels qu'ils vous ont été présentés; le comité de Constitution attendra ensuite les ordres de l'Assemblée pour faire le rapport sur la convocation de la nouvelle législature (Applaudissements.)
(L'Assemblée ajourne à demain soir le rapport du comité militaire sur les places de guerre et postes militaires.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur Vorganisation du Corps législatif (1).
, rapporteur. Messieurs, vous aviez renvoyé à votre séance d'aujourd'hui la discussion au projet de décret de M. Buzot ayant pour objet de faire décréter que les législatures prochaines pourront se séparer en deux sections pour discuter les projets de loi soumis à leur délibération.Ji'aprèsles observations qui viennent de vous être présentées par M. Dém^unier, nous vous proposons de renvoyer cette discussion à l'instant où les comités de révision et de Constitution présenteraient leur travail sur la distinction des décrets constitutionnels et réglementaires.
(Cet ajournement est décrété.)
, rapporteur. Nous passons en conséquence à la suite des articles du projet du comité :
Art. 48.
« Aucun rapport d'un comité, et aucune motion proposée par un des membres de la législature, ne pourront être délibérés et décrétés que dans la forme suivante. » (Adopté.)
« Art. 49. Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la motion; le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps législatif devra décider si le projet de décret proposé doit être rejeté ou s'il aoit être soumis à la discussion. »
Je demande que Ja lecture et la discussion ne puissent avoir lieu qu'après l'impression et la distribution de la motion et du rapport.
Un membre : Je propose, au lieu des mots : « le Corps législatif devra décider... » de mettre : « le Corps législatif devra délibérer... ».
, rapporteur. J'adopte ces amendements; voici l'article modifié :
Art. 49.
« Après la première lecture qui aura été faite du rapport ou de la
motion, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corps
législatif devra délibérer, si le projet de décret pro-
Art. 50. S'il est décidé sur la première lecture que le projet de décret doive être rejeté, le président prononcera par cette formule : L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y, a pas lieu à délibérer.
Un membre propose qu'il soit ajouté après ces mots : « s'il est décidé sur la première lecture», ceux-ci : « et après la discussion qui pourra avoir lieu ».
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 50.
« S'il est décidé sur la première lecture, et après la discussion qui pourra avoir lieu, que le projet de décret doive être rejeté, le président prononcera par cette formule : l'Assemblée nationale législative décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, » (Adopté.)
Art. 51.
c Le projet de décret qui n'aura été rejeté que de cette manière pourra être représenté une seconde fois dans le cours de la même session. » (Adopté.)
Art. 52.
« S'il est décidé que le projet de décret doive être soumis à la discussion, le président prononcera par cette formule : VAssemblée nationale législative décrète qu'il y a lieu à délibérer, » (Adopté.)
Art. 53.
« Après ce décret, la, discussion sera ouverte et pourra être commencée à la même séance, si quelqu'un des membres demande la parole. > (Adopté.)
« Art. 54. II sera fait deux autres lectures du projet de décret à deux séances différentes et à des intervalles qui ne pourront pas être moindres de cinq jours. »
Un membre propose que l'intervalle prévu par cet article entre les deux lectures soit de huit jours, au lieu de cinqi.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants ;
Art. 54.
« Il sera fait deux autres lectures du projet de décret à deux séances différentes et à des intervalles qui ne pourront pas être moindres de huit jours. » (Adopté.)
Art. 55.
« La discussion sera ouverte après chaque lecture, ét la parole accordée aux membres qui la demanderont, en admettant alternativement ceux qui voudront parler pour le projet de décret proposé, et ceux qui voudront parler contre. » (Adopté.)
Art. 56.
« Après la troisième lecture du projet de décret et la discussion terminée, le président sera tenu de mettre en délibération, et le Corp3 législatif devra décider s'il se trouve en état de rendre un décret définitif, ou s'il veut renvoyer la décision
à un autre temps, pour recueillir de plus amples éclaircissements. » (Adopté.)
Art. 57.
« Si l'opinion de différer la décision prévaut, le président prononcera par cette formule : l'As-semblée nationale législative ajourne le projet de décret proposé par tel comité, ou par la motion de tel de ses membres ; et si l'ajournement est à terme fixe, il annoncera ce terme. » (Adopté.)
Art. 58.
Si au contraire l'avis passe à décréter définitivement, les voix seront prises sur le fond de la proposition, après l'avoir réduite au point de précision qui n'admet point d'opinion tierce entre l'affirmative et la négative. » (Adopté.)
Art. 59.
« Les amendements seront toujours mis aux voix et décidés avant la proposition principale, et les sous-amendements avant les amendements. » (Adbpté.)
« Art. 60. Tout projet de loi qui, soumis à la discussion, aura été rejeté après la troisième lecture, ne pourra pas être représenté dans la même session. »
Monsieur le rapporteur, qu'en-tendez-vous par la même session! Est-ce la durée entière de la législature ?
, rapporteur; Non, Monsieur; j'ai marqué cette distinction-làidans les articles précédents. Quand c'est pour toute la durée ae la législature, les articles portent le mot législature ; quand c'est au contraire pour la durée de la session annuelle, nous nous servons du mot session.
Ce n'est pas là mon objection. Le mot session veut dire l'espace de temps pendant lequel on est en délibération, jusqu'à l'ajournement. Ainsi si la législature s'ajourne deux fois dans une année, il y aura deux sessions dans cette année.
Ainsi votre idée, comme vous voyez, n'est pas clairement rendue; si vous voulez que ce soit la session annuelle, il faudrait mettre dans le cours de la même année.
(L'amendement de M- Duport est adopté.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants,:
Art. 60.
« Tout projet dé loi, qui, soumis; à la discusr sion, aura été rejeté après la troisième lecture, ne pourra pas être représenté dans le-cours de la même année. » (Adopté.)
Art. 61.
« Le Corps législatif ne pourra pas délibérer, si la séance n'est pas composée de deux cents membres au moins; et aucun décret ne sera formé que par la majorité absolue des suffrages des membres présents. » (Adopté.)
Art. 62.
« Tout décret.définitif énoncera dans son préambule : 1° la date de la séance à laquelle le projet aura été lu la première fois; 2° le décret par lequel il aura été décidé qu'il y avait lieu à délibérer; 3? les dates des séances auxquelles la seconde et la, troisième lecture du projet auront été faites; 4° enfin le décret par lequel il
aura été arrêté, après la troisième lectures, de décider définitivement. » (Adopté.)
Art. 63.
« Le roi est chargé, par la Constitution, de refuser sa sanction aux décrets qui n'auront pas été délibérés et rédigés conformément aux articles ci-dessus, par la seule raison que la forme constitutionnelle b'v aura pas été observée; et si quelqu'un de ces décrets était sanctionné, les ministres ne pourront le sceller ni le promulguer, à peine de responsabilité, qui pourra être poursuivie pendant 6 ans par les corps et les particuliers auxquels le décret serait préjudiciable. » (Adopté.)
Art. 64.
Sont exceptés des dispositions ci-dessus les décrets urgents qui auront été reconnus et déclarés tels par une délibération préalable du Gorps législatif. Ils pourront être discutés et arrêtés sur la première lecture, sanctionnés et promulgués sur le vu de l'éuonciatiou faite dans le préambule de l'urgence reconnue par le Corps législatif ; mais ils n'auront que l'effet de lois provisoires, et pourront être modifiés ou révoqués dans le cours de la même session, ou des suivantes. » (Adopté.)
« Art. 65. De même, lorsqu'un projet de décret contiendra des articles nombreux, les dispositions précédentes n'auront pas lieu pour chacun des articles : les bases générales et fondamentales du décret seront réduites en questions sur lesquelles seulement la formalité des trois lectures à 5 jours au moins d'intervalle sera observée, et les articles ensuite décrétés successivement. »
(Cet article est décrété, sauf la rédaction qui est renvoyée au comité pour être incessamment présentée.)
, rapporteur. L'article 66 ayant été décrété précédemment, nous passons à l'article 67 :
Art. 67.
« Le Corps législatif cessera d'être corps délibérant lorsque le roi y sera présent, ou lorsqu'il se trouvera nors du lieu ordinaire de ses séances, si ce n'est lorsqu'il aura été forcé par des circonstances imprévues de se réunir ailleurs pour délibérer. » (Adopté).
, rapporteur. Les articles 68 et 69, ont été également précédemment décrétés ; voici l'article 70 :
Art. 70. Le Corps législatif nommera à cet effet tous les mois 4 commissaires chargés de porter les décrets au roi ; ils marcheront précédés d'un huissier; et aussitôt qu'ils se présenteront, le roi sera averti de leur arrivée.
Je crois qu'il y a lieu de fixer d'une manière précisé le cérémonial à observer dans les différents rapports du Corps législatif et du roi.
Dans l'endroit où il est dit que le roi se rendra dans le lieu où les législatures tiennent leurs séances, il n'est pas dit comment le roi se présentera ni quelles seront les personnes qui pourront entrer avec lui. Je crois, pour ma part, peu convenable que la maison domestique du roi l'accompagne en entier et entre avec lui.
D'un autre côté, lorsque les commissaires char-
gés de porter les décrets à la sanction se présentent chez le roi, il me semble également nécessaire de fixer le cérémonial avec lequel ils seront reçus. Plusieurs membres qui ont présidé cette Assemblée savent que, lorsqu'ils ont porté les décrets à la sanction, il y aeu souvent très peu de convenance dans la manière dont on les a reçus : on fait rester l'huissier dans la première antichambre du roi.
Ensuite, il n'est pas dit où le roi recevra les commissaires. Il me semble que c'est dans la chambre du conseil, ou dans une chambre marquée que le roi doit les recevoir, et qu'il ne doit pas y avoir d'i itermédiaire entre le roi et les commissaires, lorsqu'ils portent les décrets à la sanction.
Je conclus done, et je demande que le comité nous présente un cérémonial à cet égard.
, rapporteur. L'amendement de M. de Lameth tend a changer absolument la rédaction de l'article ; j'en demande le renvoi au comité qui l'examiuera et présentera une nouvelle rédaction de l'article.
(L'article 70 et l'amendement de M. Alexandre de Lameth sont renvoyés au comité.)
, rapporteurLes articles 71 à 81 inclusivement ont été précédemment décrétés ; nous passons à l'article 82.
Art. 82.
« Tout décret sur lequel le roi aura exprimé sou refus suspensif, ne pourra ni être remis en discussion, ni présenté de nouveau au roi dans le cours de la même législature. » (Adopté.)
« Art. 83. Les actes du Gorps législatif relatifs à sa police intérieure, à la vérification des pouvoirs de ses membres, à la tenue des assemblées primaires qui auraient été retardées au cas de l'article 12 ci-dessus, à la destitution des procureurs généraux syndics et à la dissolution des corps administratifs ou de leurs directoires ; ceux concernant les questions d'éligibilité ou la validité des opérations des- corps électoraux; ceux par lesquels le Corps législatif aura décidé qu'il y a lieu à accusation; et tous ceux qui, par une disposition expresse de la Constitution, sont déclarés exempts de sanction, n'auront pas besoin d'être consentis par le roi. »
Messieurs, dans l'article 68, le comité nous dit : aucun acte du Corps législatif ne pourra être considéré comme loi, s'il n'est sanctionné par le roi » ; et dans l'article 83, qui vous est actuellement soumis, il fait mention de différents actes du Gorps législatif qui n'auront pas besoin de la sanction du roi. 11 me semble qu'il est échappé une nuance à M. le rapporteur et je prie l'Assemblée de vouloir bien y donner son attention.
Dans le mois de mars, sur la proposition de M. Rœderer, l'Assemblée fut convaincue qu'il était nécessaire que toute la loi sur l'impôt ne pùt être donnée qu'à l'acceptation du roi, et non soumise à sa sanction.
Je voudrais que M. le rapporteur saisît cette idée et la plaçât, soit ici, soit ailleurs; car elle me paraît d'une très grande importance.
Des lois concernant les impôts doivent être sanctionnées et non pas acceptées. Le roi est le premier protecteur de l'Etat ; en sa qualité de chef suprême de la nation, il a l'obli-
gation de veiller à ce que le Corps législatif ne puisse pas charger la Dation d'impôts qui ne sont pas... (Murmures.)
, rapporteur. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur l'observation de M. Buzot.
(L'amendement de M. Buzot est renvoyé aux comités réunis des contributions publiques et de Constitution.)
Je demande que tous les décrets rendus relativement à la responsabilité des agents du pouvoir exécutif ne soient pas assujettis à la sanction. 11 est absurde en effet que pour un décret par lequel vous demandez à la barre un ministre, vous puissiez être arrêtés par l'influence de ce même agent par la sanction du roi.
, rapporteur. J'adopte l'amendement.
Un membre propose d'ajouter le mot suspension à ceux de dissolution et de destitution, employés dans l'article pour ce qui regarde les procureurs généraux syndics et les corps administratifs.
, rapporteur. J'adopte l'amendement.
Je propose un amendement qui part du même principe: il concerne les chefs de régie nationale des contributions indirectes.
Vous avez décrété, Messieurs, qu'aucun régisseur des contributions publiques ne pourrait être révoqué, en cas de malversation ou pour autre cause, que de l'avis des commissaires eux-mêmes, d'accord avec le ministre des contributions publiques. 11 pourrait arriver un cas et ce cas est déjà arrivé : c'est que Je corps entier des régisseurs fût en quelque sorte en insurrection et réfractaire à l'autorité d'un ministre. Alors quelle voie aurait levministre pour les faire destituer ? Aucune, d'après le décret que vous avez rendu ; car le ministre étant obligé de consulter les membres de ces régies, s'ils sont en insurrection, il est clair qu'ils ne donneront pas leur acquiescement. Il faut donc que le ministre ait le droit de s'adresser au Gorps législatif et qu'il puisse dire qu'un procureur syndic de département, Su'un corps administratif, soit de district, soit e département, ont contrevenu à la loi et qu'ils puissent être cités à l'Assemblée nationale pour y être jugé s'il y a lieu.
Je demande donc qu'après les mots : « des procureurs généraux syndics », on ajoute ceux-ci : c et des chefs de régie nationale. »
(Cet amendement est renvoyé aux comités réunis des contributions publiques et de Constitution.)
Je demande qu'on substitue aux mots : a exempts de sanction , ceux-ci : « non sujets à la sanction. »
, rapporteur. J'adopte l'amendement. En conséquence, l'article serait rédigé comme suit :
Art. 83.
Les actes du Gorps législatif relatifs à sa police intérieure, à la véritication des pouvoirs de ses membres, à la tenue des assemblées primaires
qui auraient été retardées au cas de l'article 12 ci-dessus, à la suspension ou destitution des procureurs généraux syndics, et à la suspension ou dissolution des corps administratifs ou de leurs directoires; ceux concernant les questions d'éligibilité ou la validité des opérations des corps électoraux ; ceux par lesquels le Gorps législatif aura prononcé sur la responsabilité des ministres ou décidé qu'il y a accusation ; et tous ceux qui, par une disposition expresse de la Constitution, sont déclarés non sujets à la sanction, n'auront pas besoin d'être consentis par le roil » (Adopté.)
, rapporteur. Les articles 84 et 85 ont été précédemment adoptés; voici l'article 86 :
Art. 86.
« Le Corps législatif fixera les dépenses de l'administration, déterminera le taux des contributions nécessaires, leur nature et leur perception, en fera la répartition entre les départements du royaume, en surveillera l'emploi* s'en fera rendre compte, et poursuivra la punition des délits, tant des ministres et des autres agents principaux du pouvoir exécutif dans l'ordre de leurs fonctions, que de tous ceux quf attenteront à la Constitution de l'Etat. » (Adopté.)
, rapporteur. L'article 87 a également été décrété; nous passons à l'article 88 :
Art. 88.
« Le Gorps législatif ne pourra insérer, dans les décrets portant établissement ou renouvellement des contributions, aucune disposition qui leur soit étrangère, ni présenter en même temps à la sanction du roi d'autres décrets comme inséparables. » (Adopté.)
Art. 89.
« Les comptes des dépenses et de l'emploi des deniers publics dans l'année qui a précédé, ainsi que les états des besoins pécuniaires de chaque département ministériel pour l'année suivante, seront soumis au Corps législatif dans chacune de ses sessions annuelles, et rendus publics par la voie de l'impression. » (Adopté).
Art. 90.
« La fixation delà liste civile cessera de plein droit à chaque changement de règne ; et le Corps légistatif déterminera de nouveau les sommes nécessaires. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous avons apporté une modification au texte de l'article 01 de notre projet de décret ; voici notre nouvelle rédaction :
Art. 91.
« Dans le cas de régence, le Corps législatif fixera les traitements du régent et de celui qui sera chargé de la garde du roi, ainsi que les sommes nécessaires pour les besoins personnels du roi mineur. Celles-ci pourront être augmentées à mesure que le roi avancera en âge, et ne seront fixées définitivement pour la durée du règne, qu'à la majorité du roi. » (Adopté.)
Un membre propose d'ajouter à la fin de cet article la disposition suivante :
« Le traitement du régent ne pourra de même être changé pendant la durée de la régence. »
(Cette addition est adoptée.)
Art. 92.
« Les fonds de la liste civile ne pourront être accordés qu'après que le roi aura prêté, en présence du Gorps législatif, le serment que tout roi des Français est obligé, par la Constitution, de faire à la nation lors de son avènement au trône. » (Adopté.)
«Art. 93. Après que le Corps législatif sera définitivement constitué et aura nommé ses officiers, il enverra au roi une députation pour lui en faire part. Le roi viendra faire l'ouverture solennelle de la session et pourra inviter l'Assemblée à s'occuper des objets qu'il jugera devoir être pris en considération dans le cours de cette session, sans que cette solennité puisse être regardée comme indispensable pour l'activité du Corps législatif. »
Un membre demande qu'au lieu des mots : « Le roi viendra faire l'ouverture solennelle de la session », il soit dit : «... de chaque session. »
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 93.
« Après que le Corps législatif sera définitivement constitué et aura nommé ses officiers, il enverra au roi une députation pour lui en faire part. Le roi viendra faire l'ouverture solennelle de chaque session et pourra inviter l'Assemblée à s'occuper des objets qu'il jugera devoir être pris en considération dans le cours de cette session, sans que cette solennité puisse être regardée comme indispensable pour l'activité du Corps législatif. » (Adopté.)
Art. 94.
« Huitaine au moins avant la fin de chaque session, le Corps législatif enverra pareillement au roi une députation pour lui annoncer le jour où il se proposera de terminer ses séances. Le roi pourra de même venir faire la clôture solennelle de la session. » (Adopté.)
Art. 95.
« Lorsque, dans le cours d'une session, le Corps législatif voudra s'ajourner au delà de 15 jours, il sera tenu d'en prévenir le roi par une députation. » (Adopté.)
Art. 96.
« Si le roi juge que les besoins de l'Etat exigent qu'une session soit continuée au delà du terme que le Corps législatif aura annoncé pour sa clôture, ou que l'ajournement n'ait pas lieu, ou qu'il n'ait lieu que pour un temps moins long, il pourra demander, soit une continuation de séance, soit l'abréviation de l'ajournement, par un message motivé, sur lequel le Corps législatif sera tenu de délibérer. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture des 3 derniers articles ainsi conçus :
« Art. 97. Lorsque le Gorps législatif ira en cérémonie, il recevra les honneurs dus aux représentants du souverain; les arme? lui seront présentées et les tambours battront aux champs.
« Art. 98. Les mêmes honneurs seront rendus au roi, comme représentant héréditaire du souverain.
« Art. 99. Lorsque le roi et le Gorps législatif marcheront ensemble, le Président du Corps lé-
gislatif sera placé à la droite du roi, sans intermédiaire entre le roi et lui :; et il n'y aura pareillement aucun intermédiaire entre le roi, le Président et les autres membres du Corps législatif. »
11 me semble qu'il n'est pas dans la nature du Corps législatif d'assister a aucune cérémonie. Vous éviteriez encore l'inconvénient de ces derniers articles en disant que ie Corps législatif n'assistera à aucune cérémonie. Le Président de l'Assemblée n'est son organe que pour lui présenter les questions, et non pas du tout pour le représenter. Si le Président représentait le Gorps législatif, il me semble qu'il aurait dû être place de toute autre manière qu'il l'a été ci-devant, et qu'il le serait par l'article suivant. Je crois que l'on peut mettre la question préalable sur ces .-articles.
, rapporteur. Les trois articles dont je viens de vous donner lecture sont entièrement connexes dans leur objet avec l'article 70 dont vous avez décrété, il y a un instant, le renvoi au comité. Je demande donc que les observations de M. de Lameth, ainsi que les articles 97, 98 et 99 soient également renvoyés au comité.
(Ce renvoi est décrété.)
L'ordre du jour de la séance de demain est le rapport des comités diplomatique et d'Avignon sur l'affaire d'Avignon et un rapport du comité des finances sur l'arriéré de la comptabilité.
Je prie les membres de l'Assemblée de se réunir, à l'issue de la séance, dans leurs bureaux respectifs, à l'effet de procéder à un nouveau scrutin pour la nomination d'un Président, ainsi que pour élire les commissaires chargés de surveiller la fabrication des assignats de 5 livres et ceux chargés de l'inspection du bureau de liquidation.
(La séance est levée à trois heures.)
À LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Rapport sur le Projet du Gode pénal (1), présenté à VAssemblée nationale, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, par Ml. Le Pelletier de Saint-Fargeau (2)—(Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, le mot de Code pénal rappelle à des législateurs un devoir pénible.
Vous allez enfin descendre dans ces sombres régions des crimes et des supplices, pour y contempler le plus affligeant spectacle : celui de l'homme coupable et de l'homme souffrant.
C'est là que, dans le chaos informe de nos anciennes institutions, vous trouverez presque à chaque pas la morale et l'humanité Outragées;
des faits innocents ou des fautes légères érigés en grands attentats; la présomption du crime punie souvent comme le crime même; des tortures atroces imaginées dans des siècles de barbarie, et pourtant conservées dans des siècles de lumières; nul rapport entre les délits et les peines; nulle proportion entre le3 peines des différents délits; le méchant, poussé par la loi même au dernier degré du crime, parce que, dès ses premiers pas, il trouve le dernier degré du supplice; en un mot, des dispositions incohérentes, sans système, sans ensemble, faites à des époques diverses,1 la plupart pour des circonstances du moment, qui jamais n'ont été rassemblées en corps de lois, mais qui, éparses dans de volumineux recueils, tantôt étaient oubliées, tantôt remises en vigueur, et dont l'absurdité féroce ne trouvait de remède que dans cet autFe abus : celui d'être interprétées et modifiées arbitrairement par les juges.
Dès longtemps l'humanité avait emprunté la voix de la philosophie et de l'éloquence pour dénoncer à l'opinion publique ces funestes erreurs de notre législation criminelle. Quelques juges mêmes, il faut le dire, obligés de prononcer contre la loi ou contre leur conscience, pressaient avec instance l'ancien gouvernement de les délivrer, par un nouveau code, de cette alternative pénible. Une réclamation universelle, un vœu général, entouraient le sanctuaire, et sollicitaient l'oracle ; mais il ne s'agissait ni d'accroître une autorité arbitraire, ni d'étendre les droits du fisc... et l'oracle est resté muet 1
Il vous était réservé, Messieurs, d'opérer cette réforme si désirée; et le nouveau système de procédure criminelle que vous avez adopté, ne permet pas de différer plus longtemps l'établissement du nouveau système des peines. Ces deux parties de travail sont intimement liées; les jurés ne peuvent être en activité qu'après la formation du Gode pénal; car la procédure par jurés exclut tout abitraire, et l'arbitraire seul tempérait les vices des anciennes lois. criminelles.
Les deux comités que vous avez chargés de vous en tracer le plan, l'ont médité avec tout le soin qu'exigeaient sa délicatesse et son importance. Il a été satisfaisant, pour eux, de pouvoir porter dans cette réforme les principes d'humanité qui vous animent; mais là ne se bornait point leur mission. Ils ont senti que la société avait aussi des droits à réclamer; qu'il fallait, pour la tranquillité publique, des peines efficacement répressives, et que la plus dangereuse de toutes les erreurs politiques serait le système de l'impunité des crimes. Puissent leurs efforts avoir rempli ce double objet ! puissent-ils, justement sévères envers les méchants, sans oublier jamais que les condamnés sont des hommes, avoir conçu quelques idées salutaires 1 S'ils ont pu épargner, même au coupable, une douleur inutile pour la répression et pour l'exemple; si, par une exacte proportion entre les délits et les peines, ils ont pu opposer au crime un frein efficace, ils seront bien récompensés du travail ingrat et pénible auquel, suivant vos ordres, ils ont consacré longtemps leurs méditations et leurs soins.
Avant d'entrer dans la discussion de ce plan, il est, Messieurs, une première observation que nous vous prions de ne pas perdre de vue* pour l'intelligence de notre travail.
Le Gode pénal ne comprend uniquement que les crimes susceptibles d'être poursuivis. par la
procédure parjurés, et les peines applicables à ces seuls crimes.
Quant aux autres délits d'une nature moins grave, susceptibles d'une correotion plus légère et d'une poursuite moins solennelle, vos comités n'ont pas cru devoir en embarrasser le travail actuel, et ils se contenteront de vous indiquer ici en peu de mots leurs vues à cet égard.
Il paraît convenable de distinguer quatre sortes de police :
La police municipale;
La police correctionnelle;
La police constitutionnelle;
La police de sûreté.
La police municipale sera, conformément à vos décrets, exercée par les officiers municipaux, avec appel de leurs jugements aux tribunaux de district. Ëlle a pour objet les contraventions aux règlements de police, Ie3 troubles apportés au bon ordre et à la tranquillité des rues, marchés, foires et places publiques. Elle pourra infliger des peines correctionnel lesauxdélinquants, telles qu'amendes, injonctions, détention pendant quelques jour>, ainsi que vous l'avez décrété.
Lapolice correctionnelle seraexercée par le juge depaix, avec appel au tribunal de district. Elle aura pour objet tout ce qui était connu autrefois sous le nom de petit criminel : les rixes, coups, injures, escroqueries et autres délits auxquels vos comités ont pensé qu'il était impossible d'appliquer la -solennité du juré. Elle pourra infliger, après une procédure prompte et sommaire, des peines telles qu'amendes, injonctions, et même détention correctionnelle pendant un temps déterminé.
Le travail détaillé de ces deux espèces de police est achevé; et un des membres de vos comités est chargé de vous le présenter incessamment.
La troisième espèce de police dont vos comités ont conçu l'idée est la police constitutionnelle. Celle-ci a pour ohjjet les fautes des différents fonctionnaires publics duns l'exercice de leurs fonctions, mais dont la gravité ne comporte pas une procédure criminelle. Cette police sera exercée parles supérieurs envers leurs subordonnés. Ses moyens ae répression sont les monitions, réprimandes, cassation des actes et des corps, suspensions et interdictions momentanées des fonctionnaires. Ses principes et ses détails se trouvent dispersés dang les décrets relatifs à l'organisation de chacun des pouvoirs que vous avez constitués.
Aucunes des peines qui seront appliquées par ces trois espèces de police n'emporteront avec elles infamie ; et elles laisseront dans leur entier tous les droits politiques et civils de ceux qui les auront subies.
Enfin, la quatrième espèce de police est la police de sûreté. Elle a pour objet de réprimer les crimes susceptibles de la procédure par juré ; c'est-à-dire les crimes qui méritent peine afflic-tive ou infamante. Ces crimes sont distingués de tous les autres délits par leur importance, par la solennité de la procédure déployée contre les accusés, par la nature et la gravité des peines prononcées contre les coupables.
Entre ces quatre espèces de polices, le Gode pénal n'appartient qu'à la dernière, il peut être considéré comme le complément du décret sur les jurés. Ces deux lois réunies forment ensemble le Code criminel : l'une, en prescrivant les peines et spécifiant les délits dont l'autre a déterminé le mode et les formes de la poursuite.
Veuillez, Messieurs, conserver dans vos esprits
cette observation. Sans elle , le code pénal pourrait vous paraître incomplet, car beaucoup de délits n'y sont pas compris; mais vos comités ont pensé que ce serait absolument sortir le juré de l'objet de son institution que de l'appliquer à l'examen des moindres contraventions. La difficulté de sa convocation, le déplacement long et lointain des jurés et des témoins, la solennité de cet examen doivent faire réserver cette procédure pour les crimes caractérisés ; et il nous a paru indispensable d'adopter auxi-liairement au juré des formes promptes, simples et faciles pour la répression habituelle des offenses légères qui blessent l'ordre social et les lois.
Le code pénal ainsi réduit se divise en deux parties.
La première comprend ladescription des peines.
La seconJe, rénumération des crimes et leur punition.
Ce rapport a principalement pour objet de développer les principes de la première partie, c'est-à-dire la théorie du nouveau système pénal.
A l'égard de la seconde partie, vos comités se réservent, dans le détail des articles, de joindre quelques observations particulières. Quant à présent, il leur suffit de vous présenter sur cette énumération des délits une seule pensée générale.
Vous allez enfin en voir disparaître cette foule de. crimes imaginaires qui grossissait les anciens recueils de nos lois.
Vous n'y retrouverez plus ces grands crimes d'hérésie, de lèse-majesté divine, de sortilège et de magie, dont la poursuite vraiment sacrilège a si longtemps offensé la divinité, et pour lesquels, au nom du ciel, tant de sang a souillé la terre.
Nous en avons écarté soigneusement ces contraventions aux lois fiscales, suffisamment réprimées par des règlements conditionnels, lorsque l'impôt est sagement organisé, est équita-blement réparti, est modérément perçu, est payé par un peuple qui l'a voté librement, enfin lorsqu'il est utilement employé. Nous avons donc effacé de notre code tout le code de la ferme, monument honteux d'oppression et de despotisme, tarif abject de l'honneur, de la liberté, de la vie des hommes, qui bonifiait ud privilège par une concession ae lois pénales et améliorait une régie par quelques lettres patentes de galères ou de mort.
Vous parlerons-nous de ces codes des capitaineries, des chasses, des eaux et forêts, de la librairie, dont les uns défendaient les retraites de quelques animaux privilégiés avec plus de rigueur et de vigilance que la police n'en apportait à maintenir la sûreté dans les demeures des hommes ; dont les autres condamnaient nn imprimeur pour cela seulement qu'il avait décliné l'autorité d'un censeur royal ou négligé d'obtenir un privilège, lui confisquant corps et biens, non pas même pour avoir imprimé un mauvais livre, mais pour avoir imprimé un bon livre sans permission?
Oui, nous les citerons encore aujourd'hui ces lois, mais c'est pour les dénoncer à la raison et à la morale ; c'est pour les arracher du code d'un peuple libre et éclairé ; c'est pour rendre aux crimes véritables toute l'horreur qu'ils doivent inspirer, en ne les confondant pas avec des actes qui n'auraient jamais dû en porter le nom; c'est enfin pour substituer à cès délits factices, créés par la superstition, la féodalité, la fiscalité
et le despotisme, les attentats réels qui offensent la nation, et ces grandes prévarications des hommes publics contre le respect dû à la Constitution ou à la liberté.
Mais revenons à la théorie des peines.
Ce travail consiste à distinguer dans les peines actuellement usitées, celles qui doivent être abrogées, celles qu'il peut être utile de maintenir, et a développer les motifs des peines nouvelles dont nous vous proposons rétablissement.
Pour porter une lumière plus sûre dans cet examen, commençons par poser quelques principes sur les caractères auxquels on peut reconnaître la bonté de lois pénales.
Que toute loi pénale soit humaine.
Assez longtemps, et chez un assez grand nombre de peuples, cette condition a été la Setile oubliée dans la formation de leurs lois criminelles; pour qu'il soit utile de la placer à la tête de votre code, et de la rendre toujours présente et à vous-mêmes, et à quiconque dans l'avenir dictera des institutions pénales.
Au reste si cette maxime est digne de votre sensibilité, elle ne l'est pas moins dé Votre sagesse.
Une loi est d'autant moins efficace, qu'elle est plus inhumaine : car on ne l'invoque point, ou on ne l'applique point.
Voyez l'exemple de la peine de mort, prononcée contre le vol domestique.
Le maître volé chasse le serviteur itifidèle, mais rarement il le dénonce à la justice. Un vol de cette nature est-il poursuivi, la preuve n'est jamais complète, ou n'est jamais aperçue. Les parties lésées, l'accusateur public, les témoins, les jugé3 : tout conspire pour l'accusé. Il n'y a plus de peine contre le crime, préeisément par cela même que la peine est atroce; et une loi barbare, semblable à ces instruments empoisonnés dont la moindre atteinte porte la mort, est vouée soigneusement à l'inutilité et à l'oubli.
Tel est l'effet des peines trop sévères dans un pays où les mœurs sont douces. Cet effet est différent, mais plus funeste encore chez un peuple où les mœurs douces ne tempèrent pas l'aspérité de la loi. Là on l'invoque sans répugnance : on l'applique sans regrets : le peuple court «n foulé aux supplices : mais ces cruels spectacles ne font qu'endurcir davantage les mœurs publiques, et ils deviennent bientôt le germe d'attentats plus atroces. Il faut alors enchérir sur les tourments; et ainsi, par une fatale réaction, et par une progression sans bornes, les crimes multiplient les tortures, et les tortures nouvelles enfantent encore de nouveaux crimes.
C'est une observation certaine, que chez tous les peuples où les peines sont les plus cruelles, les crimes sont les plus fréquents et les plus horribles; qu'au bout de quelques années on est obligé de monter l'échelle des peines, mais ioiif jours en vain. Par là on réussit à punir les crimes, mais on ne peut jamais parvenir à les réprimer.
Des peines, quoique modérées, peuvent être efficaces, si elles sont justement graduées; et c'est le second caractère que nous supposons à toute bonne institution pénale.
Ce qui rend une peine répressive, c'est moins d'être sévère, que de se trouver, dans l'échèlle i des peines, placée au degré le plus convenable.
Il importe qu'un délit soit puni, précisément dans la proportion où il doit l'être avec un autre délit; qu'il y ait un juste rapport entre les divers degrés de l'échelle ; et en maintenant ce rapport,
en pourra sans danger baisser un peu le plus haut degré.
Il existe deux sortes de crimes ; ceux qui sont l'effet du calcul et de la réflexion, et les crimes qui sont produits par l'impulsion: subite d'une passion violente.
Une graduation exacte des peines opérera un effet moins efficace pour la répression de cette dernière sorte de crimes, parce que la passion ne voit que l'objet qui l allume, et calcule peu les chances qu'elle court : mais cette classe est la moins nombreuse.
Pour tous les autres, la graduation des peines produit un effet certain.
Si une grande distance sépare la peine de tel crime, d'avec la peine de tel autre crime, le méchant qui de sang-froid médite une mauvaise action, s'arrêtera là où commence pour lui un grand danger. La loi franchit-elle tous les degrés de la peine-, le méchant franchira aussi tous les degrés du crime. Il n'a point d'intérêt à s'arrêter; nul calcul ne le retient.
C'était une grande absurdité de nos lois de punir le voleur sur le grand chemin, le serviteur qui dérobait quelques effets à son maître, l'hommequi.enbrisant des clôtures, s'introduisait dans les maisons, de la même peine que l'assassin. La loi elle-même les invitait au meurtre, puisque le meurtre n'aggravait pas la punition ae leur crime, et pouvait en étouifer la preuve.
A cette juste graduation qui proportionne la gravité des peines, à l'atrocité des crimes, il faut encore joindre des rapports exacts entre la nature du délit et la nature de la punition. Ainsi les douleurs physiques puniront les attentats dont la férocité a été le principe ; un travail pénible sera imposé au coupable dont le crime a trouvé sa source dans la fainéantise ; l'infamie punira les actions qui n'ont été inspirées que par une âme abjecte et dégradée.
Ajouterons-nous pour quatrième caractère l'égalité des peines ?
Ce principe est trop précieux pour n'être pas transcrit dans le code pénal, mais il existe déjà partout dans vos lois ; il existe dans la déclaration des droits de l'homme; il existe dans l'égalité civile qui fait la base de votre Constitution; il existe dans le décret spécial où vous l'avez proclamé. En le plaçant ici, nous répétons seulement votre volontï déjà exprimée. Mais nousob-. servons que si quelque chose peut inspirer un profond respect pour la loi, c'est de montrer les hommes, quels qu'ils soient, couverts par lev crime de la même infamie. Ce sera un grand et salutaire exemple, lorsqu'on pourra voir le ministre prévaricateur confondu avec la tourbe des criminels, puni plus longtemps parce que son attentat a blessé davantage la patrie, et l'un de ces inviolables d'autrefois, chargé , légalement des mêmes fers dont ils opprimaient arbitrairement l'innocence, q
Il est un autre caractère que vos précédents .décrets rendent inséparable de toute loi pénale : c'est d'établir pour chaque délit une peine fixe et déterminée. Telle est la conséquence nécessaire de la procédure par juré.
Les jurés jugent de la vérité du fait.
Le tribunal applique la loi.
Cette forme exclut tout arbitraire.
Nos anciennes lois sont pleines de ces formules : tel crime sera puni suivant les circonstances, suivant l'exigence des cas; ou tel crime ne pourra être puni de moindre peine que du
bannissement, ou de plus forte peine que des galères à perpétuité.
Ce protocole, il faut en convenir, était fort commode pour les faiseurs de. lois'd'alors... .Et dans la vérité cette latitude n'était pas incompatible avec des formes criminelles qui rendaient les tribunaux juges tout à la fois, et du fait, et du droit. Ils pouvaient modifier la peine suivant la gravité du fait dont ils avaient approfondi et pesé toutes les circonstances.
Aujourd'hui toute nuance du fait est étrangère au juge.
Il ne connaît que le fait posé par le verdict du juré.
Il faut qu'il ouvre la loi, et qu'il y trouve une peine précise applicable au fait déterminé. Son seul devoir est de prononcer cette peine-
Cette forme rejette sur les législateurs la nécessité de prévoir un plus grand nombre de cas, de spécifier des nuances plus variées, de déterminer plus de faits, et toujours d'être précis dans la prononciation de la peine établie par chaque article.
Voilà. Messieurs, une des grandes difficultés de la tache que vous nous avez imposée. Nous ne nous flattons pas même d'avoir pu la surmonter totalement, car il est démontré qu'elle est insoluble. Le nombre des peines est borné, même pour le génie inventif d'un tyran. Les nuances des crimes sont aussi variées que les nuances des physionomies; et il nous a paru que le mieux dont il fallait se contenter, c'était de saisir, dans les délits, les traits, les plus prononcés et les plus marquants, soit d'immoralité, soit de danger pour l'ordre social, sans prétendre atteindre la perfection chimérique d'un travail qui spécifiât toutes les formes sous lesquelles peuvent se manifester les effets de la méchanceté des hommes.
Mais si toute peine arbitraire au gré du juge doit être bannie de notre code, nous en écarterons bien plus soigneusement encore celles qui sont susceptibles d'être modifiées après le jugement. Toute peine qui par sa nature peut être ou aggravée ou atténuée suivant la disposition de celui qui la fait subir au condamné, est essentiellement mauvaise. Il faut qu'une peine soit et demeure ce que l'équité des lois l'a faite, et non ce que la rend la sévérité ou l'indulgence de l'exécuteur d'un jugement.
Lespeines pour être répressives porteront encore trois caractères importants. :
Le premier, d'être durables;
Le second, d'être publiques;
Le troisième, d'être toujours rapprochées du lieu où le crime a éclaté.
Je dis que les peines doivent être durables, et j'entends par cette expression qu'une suite prolongée de privations pénibles, en épargnant à l'humanité l'horreur des tortures, affecte beaucoup plus le coupable, qu'un instant passager de douleur trop souvent bravé par une sorte de courage et de philosophie. Les peines de cette nature sont encore plus efficaces pour l'exemple ; car bientôt l'impression du spectacle d'un jour est effacée; mais une punition lente et de longs travaux renouvellent sans cesse aux yeux du peuple, qui en est témoin, le souvenir de lois vengeresses, et fait revivre à tous les moments une terreur salutaire.
J'ajoute que les peines doivent être publiques, c'est-à-dire que souvent, et à des temps marqués, la présence du peuple doit porter la honte sur le front du coupable, et la présence du coupable,
dans l'état pénible où l'a réduit son crime, doit i porter dans l'âme du peuple une instruction utile.
Eh ! combien cette honte sera-t-elle pénétrante 1 combien cette instruction fera-t-elle ae plus profondes impressions, si c'est prés du lieu où le crime a été commis, que le crime est expié!... Une peine qui n'est notifiée que par l'affiche d'un jugement, produit peu d'effet. On sait que tel coupable subit tel châtiment à l'extrémité de l'Empire, on le sait; mais on ne le voit pas; on ne le sent pas; on l'a bientôt oublié parce qu'on n'a fait que l'apprendre; et cette répre3sion-là, seule, est véritablement exemplaire, qui présente constamment toute la durée de la vengeance des lois, dans les mêmes lieux qui ont été remplis de l'horreur et du scandale du crime, et où des regards toujours connus réveillent sans cesse, dans l'âme du coupable, les sensations actives de l'opprobre et de l'ignominie.
Les peines qui réuniront tous les différents caractères que j'ai développés jusqu'ici rempliront un des principaux objets de toute institution pénale, celui de réprimer utilement et efficacement les crimes.
C'est à ce seul objet que les législateurs ont borné leurs vues jusqu'à présent.
Mais est-il impossible d'aller plus loin? et ne saurait-on concevoir un système pénal qui opérât ce double effet, et de punir le coupable, et de le rendre meilleur ?
Voyons par quels caractères les peines pourraient atteindre ce but moral. Ce développement complétera la théorie des principes dont nous avons suivi la lumière.
La source la plus ordinaire des crimes, c'est le besoin, enfant de l'oisiveté. Le système des peines doit donfi être assis principalement sur la base du travail ; mais son but est manqué, si faisant du travail le tourment même du condamné, il augmente encore son aversion naturelle. C'est sous un autre aspect que le travail doit lui être présenté.
Il faut qu'il y soit porté par le sentiment du besoin ; il faut que le travail devienne pour lui je passage à un état moins pénible ; il faut qu'il y trouve des adoucisseménts précisément dans la proportion du zèle avec lequel il s'y sera livré.
En lui offrant le travail sous ces formes consolatrices, vous pourrez lui en inspirer et l'habitude et l'amour; et certes, vous l'aurez rendu meilleur, si vous l'avez rendu laborieux.
Nous avons encore pensé sous le même rapport de moralité qu'il était convenable de rendre décroissante, par le temps, la rigueur des peines ; en sorte que toute leur intensité soit portée sur les premières années, et qu'un peu adoucies vers le milieu de leur durée, la dernière époque se termine par le degré le moins sévère de l'existence pénale.
Ce principe est humain ; car la première des consolations, c'est l'espérance, qui montre dans l'avenir une diminution des maux qu'on souffre. Et de plus, il nous a semblé qu'il pouvait être utile de tempérer insensiblement l'être moral du condamné, et de pénétrer son âme d'affections plus douces et plus sociales avant l'instant où la fin de sa punition va le rendre à la société et à lui-même.
Toutes ces nuances deviendraient superflues si le condamné était plongé pour jamais dans le lieu fatal d'expiation ; mais les peines peuvent être répressives et pourtant temporaires ;c'est
un principe que nous vous proposerons encore de consacrer, et en conséquence d'abolir tout ce qui imprime aux peines un caractère de perpétuité, tout ce qui voue un coupable au désespoir.....au désespoir, la plus barbare des punitions, et la seule peut être que la société q'ait pas le droit d'infliger,; tout ce qui l'enchaîne irrévocablement au crime, en lui ôlant les moyens de se livrer à une honnête industrie.
Appelons, par nos institutions, le repentir dans le cœur au coupable; qu'il puisse revivre à la vertu, en lui laissant l'espérance de revivre à j'honneur; qu'il puisse cesser d'être méchant par l'intérêt que vous lui offrez d'être bon : après qu'une longue partie de sa vie passée dans les pëines aura acquitté le tribut qu'il doit à l'exemple, rendu à la société, qu'il puisse encore recouvrer son estime par l'épreuve d'une conduite sans reproche, et mériter un jour que la patrie elle-même efface de dessus son front, jusqu'à la tache d'un crime qu'il aura suffisamment expié.
Je résume, en peu de mots, toute cette théorie générale, et je reprends l'énumération des caractères que vos comités ont pensé qu'il était utile d'imprimer à vos lois pénales.
Il faut que les peines soient humaines, justement graduées, dans un rapport exact avec la nature du délit, égales pour tous les citoyens, exemptes de tout arbitraire judiciaire; quelles ne puissent être dénaturées après le jugeaient dans le mode dè leur exécution ; qu'elles soient répressives, principalement par des gênes et des privations, prolongées, par leur publicité,' par ieur proximité du lieu où le crime a été commis; qu'elles corrigent les affections morales du condamné, par l'habitude du travail ; quelles décroissent en approchant du terme fixé à leur durée, et enfin qu'elles soient temporaires.
Comparons ces principes aux peines actuellement usitées, et voyons quelles seront celles qui pourront survivre à cet examen.
Nous n'aborderons pas encore ici la grande question de la peine de mort, pour laquelle nous réservons dans un instant une discussion particulière.
La peine de mort emportant simple privation de la vie, peut paraître à quelques bons esprits devoir être conservée dans votre nouveau code.
Mais ce que vous en bannirez sans doute, ce sont ces tortures dont la peiné de mort était accompagnée d'après nos lois anciennes. Le feu, la roue, des supplices plus barbares encore, réservés pour les crimes de lèse-majesté; toutes ces horreurs légales sont détestées par l'humanité et par l'opinion. L'Angleterre nous a donné l'exemple de les détruire ; il n'est pourtant aucun peuple qui ait prodigué autant que les Anglais, la peine capitale ; car presque tous les crimes la font encourir. Mais les Auglais ont éloigné de cette peine tout ce qu'elle a d'atrocè. Le condamné cesse de vivre, sans qu'une longue et pénible agonie excite et provoque la farouche curiosité du peuple. Ces spectacles cruels dégradent les mœurs publiques, sont indignes d'un siècle humain et éclairé, la raison et la philosophie les proscrivent ; et en cédant au vœu de votre cœur qui vous presse d'en abroger l'usage, vous aurez, Messieurs, la satisfaction de réaliser un vœu public, conçu et manifesté depuis longtemps.
Après la peine de mort, les galères sont le second degré des peines actuellements citées.
Les bases de cette punition sont les travaux publics, élément utile d'un bon système pénal.
Mais il existe un vice radical dans Ce mode de punir les condamnés ; leurs douleurs sont absolument perdues pour l'exemple. C'est dans un petit nombre de villes maritimes que les condamnés de tout l'Empire sont conduits; il faut habiter Brest ou Toulon pour savoir quel esf le sort d'un galérien ; et encore de quel spectacle sont témoins ceux qui considèrent de près cet établissement. Ils y voient des abus intolérables, des hommes frappés d'une condamnation semblable, ét pourtant tout différemment traités : les unè, excédés de Coups, de travail et de rigueur ; les autres ménages, soignés, comblés de tous les adoucissements que cohàporte leur état; et cela, selon la faveur ou la haine, la préférence ou la prévention, l'indulgence ou la sévérité d'un gardien, d'un conducteur ou d'un commandant ; peut-être aussi un peu selon l'industrie ou l'oisiveté, la bonne ou la mauvaise conduite du forçat ; mais gui toujours n'ont pour juge que le Caprice d'un sèul homme.
La peine des galères .est toujours accompagnée de. deux autres condamnations : le fouet et la marque.
Quelques coups de verge donnés sur les épaules du condamné par l'exécuteur de la haute justice sont plutôt un simulacre de peine qu'une pùni-tion véritable; ils dégradent la main de l'homme en l'appesantissant sur son semblable; ils ajoutent peu à l'opprobre du supplice; ils n'ajoutent tfen à l'effroi qu'il doit inspirer.
Quant à la peine de la marque, elle présente une très grande question.
On peut appuyer sur de très saines et très fortes raisons l'opinion qu'un jsigne sensible doit faire reconnaître l'homme que la justice a déjà puni pour un crime, afin que, s'il se rend coupable ùhe seconde fois, sa punition soit augmentée eh raison de la perversité de ses penchants.
Parmi ceux qui ont réfléchi sur cette question et qui l'ont discutée, il s'est même trouvé de bons esprits, qui ont porté ce principe jusque-là, qu'ils pensaient utile qu'une marque extérieure et apparente rendît partout reconnàissable le condamné, afin qué la société pût se tenir continuellement en garde contre celui qui déjà l'avait offensée par un crime.
Les conséquences de cette opiaion extrême pourraient être dangereuses, même pour lé repos de la société. En horreur à tous les hommes, exclus de tout commerce humain, de toute profession, de toute industrie ; portant dans tous les lieux habités la honte, la défiance et l'effroi, l'être ainsi dégradé aurait fui dans les forêts pour y former une peuplade farouche, dévouée au meurtre et au brigandage.
Les lois en usage avaient évité cet inconvénient, en adoptant un parti mitoyen, qui, sans flétrir le front de l'homme par l'affreûx Cachet du crime, laissait pourtant sur sa personne une marque voilée, mais ineffaçable, doht la justice pouvait au besoin retrouver l'empreinte.
Nous avons hésité quelque temps à vous proposer d'en abroger l'usage; mais voici quels sont les motifs qui nous y ont déterminés.
Il nous a paru qu'une empreinte corporelle indélébile était incompatible avec le système des peines temporaires, puisqu'elle perpétue, après l'époque fixée pour le terme de la punition, une flétrissure qui n'est pas Une des circonstances les moins insupportables du châtiment.
Cette empreinte, quoique non apparente, peut si souvent et si facilement se trahir, qu'elle écartera presque toujours le malheureux qui la porte
d'un état honûête, et dès lors des moyens légitimes de subsister.
Demeurât-elle constamment invisible et inconnue, la conscience de son opprobre poursuivra partout le condamné; dégradé et flétri à jamais dans son être physique, comment son âme pourra-t-elle souléver le poids dé la honte, et dans l'espoir de mériter l'estime des hommes, contempler la récompensé d'une conduite pure et sans reproche?...
Une seconde considération nous a encore portés à abandonner ce moyen de reconnaître le coupable déjà condamné, s'il retombe une seconde fois entre les mains de la justice. C'est que, dans le nouvel ordre de nos institutions, il sera bien moins facile au méchant de se perdre et de se confondre dans la foule. La trace de son existence ne peut guère s'effacer; des registres exactement tenus dans chaque municipalité présenteront le dénombrement de tous les membres qui composent la grande famille. Il faudra que chacun ait un nom, Un état, des moyens de subsistance, ou des besoins notoires. Les vagabonds et les inconnus formaient autrefois, dans la nation, une peuplade qui ne se rendait guère visible que par les attentats. Déjà on a indiqué, et il vous sera proposé encore, Messieurs, des moyens pour fixer dans l'ordre social ces existences funestes et fugitives, et désormais l'état de vagabond et d'inconnu devenant un signal de. défiance, avertira suffisamment la police et la justice de prendre des mesures répressives contre des hommes justement suspects à la société.
D'après ces réflexions, nous pensons que la peine des galères avec les accessoires qui toujours y sont réunis, doivent être convertis en d'autres travaux; que le fouet, peine illusoire, ne doit pas être conservé, et que désormais aucune marque indélébile ne doit être imprimée sur la personne du condamné.
Dans l'ordre des peines actuelles, l'hôpital ou la réclusion dans une maison de force, est pour les femmes ce que sont les galères pour les hommes.
Privation de liberté et travail, tels sorit les éléments de cette peine : avec quelque modification elle est bonne et salutaire. La principale réforme que vous jugerez Convenable d'y apporter, sera, sans doute, de ne plus confondre la prostitution avec le crime, et de séparer un établissement purement correctionnel, d'avec ceux qui seront formés pour recevoir les victinies dévouées par la loi aux souffrances et à l'infamie des peines afflictives.
Je ne dirai qu'un mot sur la mutilation. Cette peine était rarement usitée ; mais les réflexions que je vous ai présentées relativement aux tortures, et relativement à la marque, s'appliquent aussi à ce genre de punition, et évidemment doivent le faire proscrire.
Il est une autre peine d'un usage bien plus fréquent, car elle s'applique aux délits les plus ordinaires; je veux dire le bannissement, qui envoyait] les condamnés d'un tel parlement dans la province voisine sous condition, et avec l'assurance de recevoir bientôt, réciproquement, les scélérats dont cet autre parlement purgeait SCn ressort : échange absurde et funeste, qui déplaçait le criminel sans réprimer ni punir le crime 1 Toutes les opinions se réunissent depuis longtemps pour la suppression de cette peine; dans les discussions polémiques, pas un écrivain n'a tenté delà défendre. On l'appliquait par routine, parce qu'on n'en avait pas d'autres, et si elle
s'est conservée jusqu'à ce jour on ne peut l'attribuer qu'à la coupable insouciance de l'ancien gouvernement, pour tout changement, qui n'avait d'autre attrait que celui de la raison, de la morale et de l'humanité.
Telles sont les peines afflictives actuellement en usage.
Quant aux peines infamantes, elles étaient fort multipliées.
La claie, le carcan, Je pilori, l'amende honorable, rapportés aussi par quelques criminalistes à la Classe des peines afffictives, ; mais qui appartiennent plus naturellement à celle des peines infamantes; le blâme, l'amende en matière criminelle; lé plus amplement informé indéfini, l'aumône en matière civile, toutes ces prononciations emportant une infamie de fait ou de droit, imprimant à la personne du condamné un •opprobre plus ou moins public, manifestaient sous diverses formes l'improbation de la loi, Elles posaient sur ce principe vrai, qu'il fautcou1 vrir de honte une action infâme. Nous vous propos rons d'adopter le principe, mais de multiplier moins des formules qui, en la divisant affaiblissaient cette salutaire et terrible pensée, la société et les lois prononcent anathème çon-tre quicionque s'est Souillé par un crime.
Quant aux peines pécuniàires, leur forme était vicieuse, eh Ce qu'elles comprenaient sous des dénominations semblables et souvent mal définies, telles que célles d'amende, d'aumône, de dommages et intérêts, etc., des réparations privées et des peines dues à la vengeance publique, des corrections civiles et des punitions d'attentats poursuivis criminellement : ènfin, de s,répression s qui Jaissaient intact l'honneur de ceux qui les avaient subies, et des jugements qui imprimaient aux condamnés une note d'infamie. Nous ferons en sorte de faire disparaître du nouveau code,ces inconvénients de i'anéién.
D'après le tableau que nous venons de vous présenter, Messieurs, de l'état actuel des peines en France, vous pouvez jugerqu'il est tellement vicieux, que nous né saurions y trouver leS bases de notre travail, et que, pour présenter des vues réellement utiles, il faut créer dans son entier, et combiner un nouveau système pénal.
Vos comités vont avoir l'honneur de vous soumettre le résultat de leurs méditations sur cette importante matière.
Maïs avant tout il faut enfin aborder,et résoudre çetté grande question : la peine de mort formerç,-t-elle ou non Vun des éléments de notre législation ; criminelle?
Dans la discussion de cette haute et redoutable théorie, nous ne nous arrêterons pas, Messieurs, sur la première partie de la question, savoir, si la société peut légitimement ou non exercer ce droit. Ce n'est pas là que nous apercevons la difficulté; le droit nous paraît incontestable; mais la société doit-ellé en faire usage?... Voilà le point sur lequel des considérations puissantes peuvent balancer et partager ;les opinions.
Un mot nous paraît Suffire pour établir la légitimité du droit. La société, ainsi que les individus, a la faculté d'assurer sa propre conservation par la mort de quiconque la met en péril.
Chacun peut tuer légitimement celui qui attente à sa vie.
La société a le drôit de faire périr, en cas de guerre, l'ennemi du dehors qui vient l'attaquer.
La force publique peut, dans les cas de sédition, employer la violence des armes contre le3
citoyens révoltés qui troublent le repos de l'Etat.
Le crime est un ennemi intérieur, ir n'existe point de société là où il n'existe aucun moyen de le réprimer. Si la peine de mort est indispén-sablement nécessaire pour en arrêter les progrès, la peine de mort doit être prononcée.
Mais si le fond du droit est incontestable, de sa nécessité seule dérive la légitimité de son exercice : et de même qu'un particulier n'est dans le cas de l'homicide pour légitime défense que lorsqu'il n'a que ce seul moyen de sauver sa vie, ainsi la société ne peut légitimement exercer le droit de vie et de mort, que s'il est démontré impossible d'opposer au crime une autre peine suffisante pour le réprimer.
Si nous pouvons employer des punitions non moins efficaces pour l'exemple, il faut rejeter là peine de mort : et combien nous semblera-t-il désirable d'atteindre ce but, si nous nous pénétrons de tous les inconvénients qu'il y aurait à en perpétuer l'usage !
Pour resserrer, la question dans des termes plus précis, prenons pour bases des vérités généralement reconnues en ce moment.
Tout le monde est d'accord que la peine de mort, si elle est conservée, doit être réduite à la simple privation de la vie, et que l'usage des tortures doit être aboli. Un second point sur lequel toutes les opinions se réunissent également, c'est que cette peine, si elle subsiste, doit être réservée pour les crimes d'assassinat, d'empoisonnement, d'incendie et de lèse-rnation au premier chef. Ce pas est déjà fait dans l'opinion ; et votre humanité, vos lumières, le vœu public dont vous êtes les organes, ne vous permettraient pas sans doute une marche rétrograde. Voilà donc les deux propositions défendues par plusieurs bons esprits, qui par d'excellentes vues, et animés par des motifs respectables de sa^-gesse et de raison, veulent la conservation de la peine de mort, mais ne la veulent qu'avec les restrictions que nous venons de développer.
Or évidemment la peine de mort dans cette hypothèse opère un grand mal pour les mœurs publiques, et n'a aucune efficacité pour arrêter le crime. C'est un remède violent, .qui, sans guérir la maladie, altère et énerve les organes du corps politiques.
Rien de moins répressif que la peine de mort simple.
La nature, il est vrai, a mis dans le cœur de l'homme le désir de conserver son existence; mais à côté de ce sentiment se trouve placée la certitude qu'il doit mourir un jour. La nécessité le familiarise ,aveç cette idée ; il s'accoutume à envisager sans un grand effroi le moment où il cessera de vivre.
Les préjugés, les vices, le crime même ont souvent avec la vertu cet élément commun, le mépris de la mort.
Chaque nation, chaque caste, chaque profession, chaque individu e,st susceptible de ce sentiment.
Chez les Indiens, la puissance de l'opinion; chez les musulmans, la religion ; chez lès Anglais, un calcul tranquille; chez d'autres peuples, les principes td'un faux honneur font braver une mort certaine, ou font affronter le danger d'une mort possible.
Le courage du soldat se compose des divers sentiments de la gloire, du devoir, de l'espérance du pillage, de la force de il'exempfej.de la crainte de la honte. Jl combat, il ne redoute pas la
mort, et pourtant chaque soldat n'est pas un héros.
Voyez finir l'habitant des campagnes; non pas celui pour lequel la misère et le malheur rendent souhaitable l'instant où il va cesser de souffrir, mais l'être dont l'existence a été la plus douce et la moins agitée ; celui qui a vécu dans une chaumière qui lui appartient, et qui meurt entouré de sa femme et de ses enfants, que son champ a toujours nourris : sa dernière heure approche; il subit la; commune loi, et dans son regard paisible, .vous ne trouverez point l'expression de l'effroi ni de l'horreur de la mort:
Les criminels ont aussi leur philosophie. Dans les; chances de leur destinée, ils calculent froidement ce qu'ils appellent le mauvais quart d'heure, et pins d'une fois sur l'échafaud ce secret leur est échappé : non, disaient-ils, l'idée de la potence ne nous a jamais détournés d'un seul crime ; la "roue seule étonnait notre farouche courage.
Je prévois l'objection qu'inspireront quelques-uns des exemples que je: viens de citer.
Pourquoi* dira-t-oii, tant de gens s'exppsent-ils sans peine à la mort?,C'est que le danger n'exclut pas la possibilité et .l'espoir d'y échapper. Pourquoi une mort certaine paraît-elle , douce et supportable? C'est parce que l'honneur, et ,non l'iniamie, l'accompagne.
Je réponds d'abord que pour le criminel, l'espérance d'éviter la peine est à côté du crime; de même que Je soldat, qui monte à l'assaut, voit l'espérance placée au haut des tours qu'il escalade. Je conviens ensuite qu'on ne peut comparer l'effFoi d'une mort glorieuse à l'effroi d'une mort infâme; mais voici l'argument que je tire dé cette objection : c'est donc l'infamie et non la mort qui prête au supplice; le plus-d'horreur! Hé bien; réservez le coupable pour une longue infamie, au lieu de le délivrer par la mort du sentiment pénible et salutaire de l'opprobre.
Je.conclus de ces réflexions, que la mort sans douleur étant affrontée ou supportée sans effort, et par Peffet d'un sentiment assez ordinaire à l'homme, la peine de mort, simple, la seule que l'humanité vous permette de conserver, est une peine très peu efficace pour la répression des crimes.
J'ajbute que cette considération dévient bien plus décisive encore, si vous remarquez quels sont les attentats que vous voulez réprimer par la crainte de cette punition.
Vous en menacez les grands crimes ; mais les grands crimes ne sont pas commis par des êtres ordinaires. L'atrocité en est le principe ; mais l'atrocité tient à la force dont elle est Pabus. Ce sont dès âmes d'une trempe peu commune qiii animent les grands scélérats : et si en général tout homme «st aisément capable de courir le hasard d'une mort prompte et sans tourments, ou de la supporter sans désespoir, une farouche philosophie armera bien plus facilement un coeur vigoureusement féroce, endurci par un grand attentat, et qui tranquille à la vue du sang humain versé par son crime, a déjà remporté sur la nature une affreuse, mais une bien pénible victoire.
Déjà; par une longue expérience, l'inefficacité et l'inutilité de cette peine sont prouvées.
En France, pliisieurs espèces de vols, notamment le vol domestique, étaient punis de mort, la loi s'exécutait la rigueur, avant que le cri de la raison se soit fait entendre. Cette peine â-t-elle réprimé le crime? et quel est l'homme qui, au
moins une fois dans sa vie, n'a pas été volé par un serviteur,infidèle?.,.
En Angleterre, la peine de mort menace presque tous les vols; et dans nul pays, on ne vole plus habituellement qu'en Angleterre.
A Rome, jamais les crimes ne furent plus rares que lorsque la peine de mort était bannie du code des Romains libres. Jamais ils ne furent plus multipliés que lorsque la peine de mort entra dans les institutions dé la République dégradée.
Enfin la Toscanè,le premier état moderne dont les lois humainement novatrices aient osé tenter l'essai de supprimer la peine de mort, la Toscane présente un registre bien précieux pour le philosophe sensible et le; législateur éclairé; les annales criminelles de ce peuple offrent la preuve certaine qu'il y a été commis moins de crimes pendant le cours des années qui ont suivi l'abrogation de la peine dé mort, quepeudant celles qui l'ont précédée.
Daignez, Messieurs, pour appuyer ces réflexions, fixer votre attention sur un aspect bien important delà question.
Si nous , étionsfun peuple neuf qui, formât aujourd'hui lé premier recueil des lois sous lesquelles il doit vivre, peut-être serait-il convenable, de placer la privation de la vie à la tête de l'échelle des peines, et de prononcer cette privation contre quelques grands attentats.
Mais il s'en faut bien que telle soif la position où nous nous trouvons.
Nous sommes dans un pays où la peiné de mort était prodigieusement multipliée, et où la peine de mort se produisait sous les formes effrayantes des supplices les plus longs et les plus douloureux. ;
Si vous conservez cette peine, mais la mort sïmplé, et réservée pour quelques ,grands crimes, quèl effet produirez-yous dans l'esprit du peuple? Vous allez y opérer un mouvement trè3 funeste; vous baisserez d'une manière claire ft visible l'échelle des peines; tél crime puni de lâ peine de mort va s'en trouver affranchi. Tel autre crime donnait lieu à la condamnation aux plus cruels supplices, et désormais ce même attentat ne sera réprimé que par une mort prompte et sans douleur. Voila le ressort de la terreur affaibli; votre code pénal, si l'on peut parler ainsi, paraîtra mis au rabais. Par un calcul facile, lé méchant se démontrera à .lui-même cette dangereuse vérité, qu'il gagne aujourd'hui dans les chances nouvelles que lui présente l'avenir d'un crime. Et quelle efficacité pourrez-.vous vous promettre de la conservation de. la peine dé mort pour quelques grands attentats, lorsque le peuple verra appliquer à l'empoisonneur, à l'assassin, le même supplice qu'il a vu subir, pendant longtemps au serviteur infidèle qui avait volé 5 sous à son maître?
, ;Il, n'est qu'un seul moyen d'adoucir la bàrbarie des peines, sans affaiblir le sentiment du salutaire effroi qu'elles doivent inspirer ; c'est de frapper l'esprit des hommes en renouvelant le système pénal dans sa totalité ; vous évitez par là l'évidence et l'inconvénient des, rapprochement et des comparaisons; vous inspirez certainement aux malfaiteurs un plus grand effroi, par l'établissement d'une peine* ,dvun exemple imposant, et {jusqu'alors inusité; vous produirez ; l'effet tout contraire, en descendant .visiblement la punition terrible d'une action atroce au degré moins rigoureux d'une peine bien connue, qu'autrefois on appliquait à de moindres crimes.
Mais si la peine de mort, ainsi téinpérée, perd
toute l'efficacité que l'ancien code pénal trouvait dans son atrocité même, cette peine, toute insuffisante qu'elle soit pour l'exemple, n'en perd rien de son immoralité ni de son influence funeste sur les mœurs publiques. Dans un pays libre, toutes institutions doivent porter dans le cœur du citoyen l'énergie et le mépris de la mort. Vos lois au contraire auront pour effet de lui en inspirer l'épouvante, en présentant la mort comme le ;plus grand des maux qu'on ait pu opposer aux plus grands des crimes.
Considérez celtefouleimmensequerespoir d'une exécution appelle dans la place publique ; quel est le sentiment qui l'y conduit? Est-ce le désir de contempler la vengeance de la loi, et en voyant tombersa victime, de se pénétrer d'une religieuse horreur pour le crime? Le bon citoyen est-il meilleur ce jour-là en regagnant sa demeure? L'homme pervers abjure-t-il le complot qu'il méditait?^.. Non, Messieurs, ce n'est pas à un exemple; c'est à un spectacle que tout ce peuple accourt. Une curiosité cruelle l'y invite. Cette vue flatte et entretient dans son àmeune disposition immorale et farouche. Souvent le; même crime, pour lequel l'échafaudest dressé, trouve des imitateurs au moment où le condamné subit sa peine; et plus d'une fois on volait dans la place publique, au milieu de la foule entassée pour voir pendre un voleur.
Malheur à la société si, dans cette multitude qui contemple avidement une exécution, il se trouve un de ces êtres disposés au crime par la perversité de ses'penchants I Son instinct, semblable à eelui des animaux féroces,m'attend peut-être'que la vue du sang pour s'éveiller ? et déjà son âme est endurcie au meurtre, à l'instant où il quitte l'enceinte trempée par le sang que le glaive des lois a versé.
Quel saint et religieux respect vous inspirerez pour la vie des hommes, lorsque laloi elle-même abdiquera le droit d'en disposeir ? Tant que le fer sacré n'est pas suspendu au fond dui sanctuaire; le peuple qui l'aperçoit pourra céder à l'illégitime pensée de s'en attribuer l'usage ; il offensera la loi en voulant la défendre;il sera peut-êtrecou-pable et cruel par patriotisme et par vertu; dans les secousses d'une révolution, dans les premiers élans de la liberté, n'avons-nous pas vu... mais détournons de funestes souvenirs, et- sans déplorer des.erreurs passées qui nous affligent, taris-sons-en la souffce, en adoucissant, en tempérant, en sanctifiant les mœurs publiques par la grande et touchante leçon d'humanité que nos lois peuvent donner aux peuples.
L'effet que produit la peine de mort est immo^ rai sous tous ses rapports. Tantôt il alimente le sentiment de la cruauté, noué venons de développer cette vérité ; tantôt aussi par la pitié cette peine va directement contre son objet; C'est un grand malheur lorsque la vue du supplice fait céder le souvenir du crime à l'intérêt qu'inspire le condamné ! Or, cet effet est toujours auprès de la peine dë mort, Il ne faut que quelques circonstances extérieures, l'expression du repentir, un grand calme, un courage ferme dans les derniers instants pour que l'indignation publique se taise; et tel sur I'échafaud a été plaint par le peuple, dont le peuple avant lè jugement demandait la tête à grands cris.
Jusqu'ici nous avons raisonné en supposant la peine de mort justement prononcée. Mais un innocent ne succombera-t-il jamais? De trop funestes exemples n'ont-ils pas réalisé cette hypothèse ? Si la forme des jurés est tutélaire contre
les fausses accusations, les jurés ne sont-ils pas pourtant des hommes ? Et entre tous les avantages que nous présente la suppression de la peine de mort, n'est-ce pas unè pensée consolante d'imaginer qu'à chaque ihstant les erreurs de la justice peu vent être efficacement réparées, et que l'innocence reconnue respire encore?
C'est beaucoup sur la grande question que nous agitons d'avoir montré les inconvénients de la peine de mort ; mais ce n'est pas tout : il faut mettre une autre peine à la place; et l'homme sage ne saurait prendre le parti de détruire le moyen de repression usité jusqu'à présent, sans s'être convaincu de l'efficacité d'une autre mesure pour défendre la société contre lé crime.
Voici, Messieurs, ce que nous vous proposons de substituer à la peine capitale.
Nous pensons qu'il est cbnvènable d'établir une maison de peine dans chaque ville ou siège un tribunal criminel, afin que l'ëxémple soit toujours rapproché du lieu du délit. G'est une maison par département.
Avant d'y être conduit, le condamné sera exposé pendant trois jours sur un érîiafaud dressé dans la place publique, il y sera attaché à un poteau ; il paraîtra chargé des mêmes fers qu'il doit pôrter pendant la durée de sa peine. Son nom, son crime, sbn jugement, seront tracés ;sur un écriteau placé au-dessus de sa tête. Cet écri-teau présentera également les détails de la punition qu'il doit subir.
Cette peine ne consiste pas eh coups ni en tortures!; il. sera fait, au contraire, les plus sévères défenses aux gardiens, des condamnés; d'exercer envers eux aucun acte de violence.
C'est dans les privations multipliées des jouissances, dont la nature a placé le désir dans le cœur, de l'homme, que nous croyons convenable de chercher les moyens d'établir une peine effi-r càce. !
Un des plus ardents désirs de l'homme, c'est d'être libre : la perte de sa liberté sera le premier caractère de sa peine.
La vue du ciel et de la lumière est une de ses plus douces jouissances : le condamné sera dé^ tenu dans un,cachot obscur.
La société et le commerce de ses semblables sont nécessaires à son bonheur ; le. condamné sera voué à une entière solitude;
Son corps et ses membres porteront des fers. Du pain, de l'eau, de la paille, lui fourniront pour sa nourriture et pour son pénible repos l'absolu nécessaire...
Messieurs, on prétend que la peine de mort est seule capable d'effrayer le crime; l'état que nous venons de décrire serait pire que là mort la plus cruelle, si rien n'en adoucissait la rigueur; la pitié même dont vous êtes émus prouve que nous avons assez et trop fait pour l'exemple : nous avons donc une peine répressive.
Mais n'oublions pas que toute peine doit être humaine, et portons quelques consolations dans ce cachot de douleur.
Lé premier et le principal adoucissement de cette peine, c'est de la rendre temporaire.
Le plus cruel état est supportable lorsqu'on aperçoit le terme de sa durée. Le mot à jamais est accablant ; il est inséparable du sentiment du désespoir. Nous avons pensé que, pour l'efficacité de l'exemple, la durée de cette peine devait être longue ; mais que, pour qu'elle ne fût pas barbare, il fallait qu'elle eût un terme. Nous vous propo-
sons qu'elle ne puisse pas ôJtre moindre de douze années, ni s'étendre au delà de vingt-quatre.
Il ne suffit pas encore de faire luire de loin dans ce cachot obscur le rayon de l'espérance ; nous avons jugé qu'il était humain d'en rendre l'effet plus apparent et plus sensible par une progression d'adoucissements successifs. Le nombre d'aunées fixé pour sa durée se partagera en diverses époques. Chacune apportera quelques consolations avec el le ; chacune effacera quelques-unes des rigueurs de la punition, pour conduire le condamné à la fin de sa pénible carrière par la gradation des moindres peines.
Jusqu'ici les adoucissements n'existent encore que dans l'avenir. Lorsque la peine commence, il faut songer au moment présent, et porter même sur cette première époque des tempéraments qui défendent et la raison et la santé du condamné, contre la rigueur actuelle de l'état où. le réduit son crime.
Vos comités ont pensé, Messieurs,, que c'était une vue àssez morale, d'attacher pour le condamné, à l'idée du travail, un sentiment de consolation : ils vous proposent de fixer à deux par semaine le nombre des jours où il sera permis au condamné de travailler pendant la première époque de la durée du cachot ; et à trois jours par semaine pendant la deuxième époque.
Le travail n'aura rièn de rebutant par sa nature ou par sa rigueur. Il sera au choix du condamné, si lé condamné est doué de quelque talent ou de quelque industrie ; sinon, les commissaires de la maison lui en fourniront un analogue à là situation et à ses forces ; aùciine violence, aucune contrainte ne l'obligeront de s'y liyrer ; mais, pendant la semaine, du pain aura été sa seule nourriture ; et il lui sera permis, le jour du travail, de se procurer sur son produit une subsistance plus doucë et plus abondante. Ainsi, ;le jour du travail, il pourra être mieux nourri ; ses chaînes lui seront ôtées ; il sortira de son cachot ; il verra la lumière du jour ; il respirera l'air, sans toutefois sortir de l'enceinte de la maison ; et un exercice salutaire préviendra l'altération ou l'épuisement de ses forces.
Vos comités ont pensé que les condamnés à la peine du cachot devaient toujours travailler seuls, parce qu'ils ont attaché à la solitude absolué un des caractères les plus pénibles et les plus efficaces de cette punition.
Une seule fois par mois, les peines du condamné ne seront pas solitaires. Les portes du cachot seront ouvertes, mais ce seralpour offrir au peuple une -imposante leçon. Le peuple pourra voir le condamné chargé de fers au fond de son douloureux réduit ; et il lira tracé en gros caractères, au-dessus de la pçrte du cachot, le nom du coupable, le crime et le jugement.
Voilà, Messieurs, quelle est la ipunition que nous vous proposons de substituer à la peine de mort. Veuillez ne pas perdre de vue qu'elle sera uniquement réservée pour les assassins, les incendiaires, les empoisonneurs, les criminels de lèse-nation au premier chef. La considération dé l'atrocité de ces crimes, la crainte que beaucoup debons esprits ont témoignée de nepouvoir mettre, à la place delà peine de mort, une peine efficace et répressive, nous a portés à rassembler toutes les privations qui donneront à cette punition les caractères les plus effrayants. Nous vous avons présenté le dernier degré possible de la rigueur: puisse votre humanité, d'accord avec votre sagesse, éclaircir quelques-unes des ombres qui chargent ce triste tableau 1 Puissiez-vous, en épar-
gnant au condamné quelques douleurs que vous ne jugerez pas indispensables pour l'exemple, faire mieux que nous n'avons fait, et réaliser le vœu de nos cœurs !
Maintenant, vous avez, Messieurs, à voua déterminer entreradoptiondel'une de ces deux peines, ou la peine de mort simple, ou la punition que nous vous proposons d'y substituer. Pour terminer cette discussion, nous croyons utile dé rapprocher et de comparer les caractères qui les distinguent.
L'une est peu répressive sous les divers rapports de la brièveté de sa durée, de la funeste philosophie des coupables, de la trempe des âmes des criminels pour lesquels elle est réservée, de l'évidence de son infériorité aux peines actuelle^ ment encourues pour les mêmes crimes ; l'autre, par des épreuves pénibles, durables, par la réunion des plus douloureuses privations, prolongées pendant une longue partie de la vie des coupables, étonnera plus efficacement leur constance; et cette chance funeste est capable de les retenir davantage que le danger toujours incer* tain de rencontrer dans l'événement du crime, l'instant plus prochain du passage sans douleur de la vie a la mort .
L'une endurcit les mœurs publiques ; elle familiarise la multitude avec la vue du sang. L'autre inspire, par l'exemple touchant de la loi, le plus grand respect pour la vie des hommes.
L'une punit, en faisant perdre à l'Etat un de ses membres. L'autre réprime le crime également, en conservant la personne du coupable.
L'une rend irréparables les erreurs de la justice. L'autre réserve à l'innocence tous ses droits dès l'instant où l'innocence est reconnue.
L'une, en étant la vie au criminel, éteint jusqu'à l'effet du remords. L'autre, à l'imitation de l'éternelle justice, ne désespère jamais de son repentir; elle lui laisse le temps, la possibilité et l'intérêt de devenir meilleur.
Un grand inconvénient se présente dans le système de la conservation de la péine de mort. Vous n'avez qu'une seule peine pour une foule de délits dont aucun ne peut être puni de moindre peine que de la peine capitale, si elle subsiste, et qui pourtant ont des degrés d'atrocité très différents. Ainsi, le meurtrier par fureur sera puni de même que le parricide prémédité ; car tous deux méritent la peine capitale, et il n'y a point de nuances dans la peine de mort simple. Au contraire, dans le système pénal que nous vous présentons, la durée, le plus ou le moins de rigueur des privations étant susceptibles de beaucoup de graduations, l'échelle des peines s'étend, et elle se prête à marquer d'une manière moins imparfaite la différence des délits.
Enfin, daignez saisir, Messieurs, ce dernier rapprochement. La peine de mort ne présente à la multitude que le spectacle d'un moment. Celle que noUs vous proposons, prolonge et perpétue une salutaire instruction : tout dissipe et distrait cette foule de citoyens oisifs, qu'attire à une exécution, le mouvement de la curiosité : on ne visite pas un cachot sans un pénible recueillement. Et si an exemple frappant peut rendre sensible cette théorie^ supposons, Messieurs, qu'un ministre prévaricateur ait osé attenter à la Constitution et à la liberté ; s'il est frappé du glaive, l'effet de son supplice sera passager : que' pendaint 20 années, chaque mois, le peuple le voie dans lés fers, il bénira la puissance protectrice des lois, et l'exemple vivra efficacement avec Je coupable.
Telles sont, Messieurs, les considérations qui ont fait pencher vos comités vers le parti qu'ils vous proposent. Sans doute, le même sentiment d'humanité anime également tous nos esprits ; mais sur une question aussi délicate, les opinions peuvent aisément se partager, et c'est une grande et difficile ' controverse qui s'élève aujourd'hui devant vous.
Au reste, Messieurs, quelque attachés que nous soyons à la pureté du principe et à l'abrogation de la peine de mort, là ,peine de mort est une seule fois nommée dans la loi que nous présentons.
C'est à l'occasion du chef de parti déclaré rebelle par un décret du Corps législatif. Ce citoyen doit cesser de vivre, moins pour expier son crime que pour la sûreté de l'Etat. Tant qu'il vivrait, il pourrait devenir l'occasion ou le prétexte de nouveaux troubles. Rome, dans les temps où la peine de mort était réservée aux esclaves, vit précipiter du haut de la roche Tarpéienne Manlius, Manlius dont le courage la délivra du joug des Gaulois, mais dont l'ambition aspirait à la tyrannie.
La question de la conservation ou de l'abrogation de la peine -de mort nous a paru d'une si grande importance, que pour compléter toutes les vues qui pouvaient servir à sa décision, nous avons interverti l'ordre de notre travail, et nous vous avons présenté tout d'abord la punition qui dans notre plan doit remplacer la peine capitale.
Maintenant nous rentrons dans la route que nous nous étions tracée, et nous allons vous offrir en peu de mots le tableau complet du nouveau système pénal.
11 existera deux sortes de peines :
Les peines afflictives ;
Les peines infamantes.
Les peines afflictives sont le cachot, la gêne, la prison.
Les peines infamantes seront pour les hommes la dégradation civique, pour les femmes le carcan.
Les peines du cachot, de la gêne et de la prison seront aussi infamantes.
Chacune des peines afflictives sera précédée de l'exposition du condamné dans la place publique. Nous avons décrit les caractères de cette exposition, en vous parlant de la peine du cachot. Quelques circonstances varieront suivant la nature de la peine.
L'exposition aura lieu pendant trois jours, avec chaînes au milieu du corps, aux pieds et aux mains, pour les condamnés au cachot. Pendant deux jours, avec chaînes au milieu du corps pour les condamnés à la gêne. Pendant un seul Jour et sans chaînes, pour les condamnés à la peine de la prison.
Dans chaque département, il sera formé un établissement, dans lequel seront conduits ceux qui auront été condamnés à l'une des trois peines afflictives. Le local sera disposé de manière que les cachots, les gênes et les prisons forment trois enceintes séparées, et sans communication entre elles.
Les détails de la peine du cachot vous sont connus : nous ne les répéterons pas ici.
Voici en quoi consistera la peine de la gêne.
Le condamné sera enfermé : ainsi, privation de la liberté; premier caractère de sa peine.
Il sera seul : ainsi, solitude habituelle, sauf les exceptions qui vont être spécifiées; second caractère de sa punition.
I1 portera une ceinture de fer autour du corps et sera attaché avep une chaîne; mais à la diffé-
rence des condamnés à la peine du cachot, il ne portera point de fers aux pieds ni aux mains.
Le lieu où il sera détenu sera éclairé; circonstance qui distingue encore cette peine de celle du cachot.
Tous les jours il sera fourni au condamné, du travail; cinq jours par semaine, il travaillera seul; mais cette solitude ne devant pas être aussi absolue ni aussi rigoureuse que celle des condamnés au -cachot, deux jours par semaine il pourra se réunir avec les autres condamnés, uniquement pendant le travail et pour un travail commun.
Ces deux jours-là, pendant le travail, sa chaîne lui sera 6tée,
Aucune violence ne le contraindra d'être laborieux. Vos comités ont pensé plus efficace et plus moral de l'y porter en le faisant jouir du produit de son industrie. One partie sera employée pour améliorer sa nourriture, toujours réduite au pain et à l'eau s'il ne gagne pas une plus douce sub-r sistance. Une partie sera conservée pour lui être remise au moment où il recouvrera sa liberté après la peine accomplie. Un tiers seulement sera prélevé pour la' masse commune de la dépense de la maison. Le fonds réservé pour l'instant de la sortie du condamné a paru à vos comités une mesure utile : ainsi le besoin et la nécessité ne le pousseront pas à un nouveau crime à l'instant même où son premier crime vient d'être expié.
Une fois chaque mois le peuple pourra entrer dans le lieu de la gêne, et les condamnés seront exposés à ses regards avec leurs chaînes. Leur nom, leur crime, leur jugement seront également inscrits au-idessus de la porte du lieu de leur détention. -Gjette peine sera au plus de 15 ans et au moins de 4. Elle sera toujours terminée par un an de prison, laquelle année fera partie des 15 ans de la condamnation, ou 4u moindre nombre.d'années fixé pour sa durée.
La prison qui, dans l'ordre des peines afflictives sera la moins grave, aura pour principal caractère la privation de la liberté. Le condamné sera enfermé seul ; mais il pourra tous les jours se réunir avec les autres prisonniers pour iun travail commun. S'il le préfère, et s'il a uu genre Sarticulier d'industrie, il pourra travailler seul ans sa prison. Sa nourriture sera ce que la rendra son travail. Le produit de ce qu'il aura gagné sera employé d'après les mêmes principes qui sont développés ci-dessus. Il lui sera fourni un lit pour se coucher.
Vos comités ont pensé, Messieurs, qu'il était préférable de placer les prisonniers dans des réduits séparés, au lieu de les entasser dans des salles communes, comme ils le sont aujourd'hui dans la plupart des maisons de force. Ce moyen plus ealubre rendra aussi plus facile la police des prisons et la garde des condamnés. Il ne sera pas dispendieux d'établir par quelques cloisons ces petites cases séparées. C'est aussi dans leur prison particulière que les condamnés à cette peine seront exposés aux regards du public le jour où le peuple sera admis dans la maison, et sur leur porte sera placée l'inscription indicatrice du nom du condamné, du crime et du jugement.
La durée de cette peine ne pourra être moindre de deux années, ni s'étendre au delà de 6 ans.
Vous avez remarqué, Messieurs, que c'est toujours dans l'intérieur de la maison que vos co--mités vous proposent d'établir les travaux. Cette mesure contrarie une idée assez généralement
adoptée, celle qu'on devrait employer les malfaiteurs aux travaux publics. Nous vous devons le développement dès motifs qui nous ont empêchés d'adopter ce moyen.
D'abord les condamnés aux peines du cachot et de la gêne ne peuvent pas êlre employés à ces ouvrages extérieurs et communs, parce que la solitude, fait un des caractères véritablement essentiels de leur punition;
Ce motif n'existe pas pour les condamnés à la peine de la prison, puisqu'ils peuvent se réunir pour travailler ensemble. Mais voici l'inconvénient que nous y avons trouvé.
Dans une maison bien exactement fermée, ij est fort aisé de garder un grand nombre d'hommes, et une force publique, assez modique peut y suffire.-— Pour contenir au dehors des malfaiteurs occupés à dés travaux publics, et les empêcher de s'échapper, il faudrait presque autant de gardièns que dé condamnés à garder. Ceila entraînerait des difficultés et des soins considérables; et encore beaucoup de prisonniers trouveraient-ils moyen de s'évader. On ne pourrait épargner les frais de garde qu'éh multipliant les rigueurs personnelles, et en mettant au pied du cqndamné un boulet pesant, attaché à une chaîne de fér : mais ce serait aggraver la peine. Nous observons d'ailleurs que l'on ne penche vers Je' système des travaux publics que par l'idée que des travaux pénibles, malsains, rebutants, doivent être naturellement le partage des malfaiteurs. Mais ce système est tout à fait contraire au rapport sous lequel nous voulons offrir le travail au condamné. Vous lui en inspirez l'horreur lorsque vous le lui présentez sous ces formes hideuses. Il faudra en venir aux coups et aux violences arbitraires des gardiens et des conducteurs, pour dompter son découragement et sa paresse. Il est bien plus utile et bien plus moral de l'y pousser par son propre besoin et par l'attrait de son intérêt.
Mais, dirM-on', quel travail vraiment utile, et pour le prisonnier et pour l'Etat, peut-on établir dans l'intérieur d'une maison, et surtout dans un cachot ou dans une prison isolée?
L'expérience d'un fait, qui subsiste depuis fort longtemps, répond à cette objection.
Dans l'une des parties de la maison de Bicêtre appelée cabanum, les prisonniers étaient enfermés chacun séparément dans de petites cases placées à différents étages au-dessus les unes des autres. Un malheureux y était conduit, et il n'avait en arrivant aucune aptitude ni industrie particulière. Au bout de huit jours, il était instruit, et il travaillait utilement. Sans autre communication que par des panièrs descendus avec des cordes, le nouveau venu recevait des anciens une instruction, des modèles, delà matière. Après quelques essais, il parvenait à réussir, et il sortait, de ses mains des travaux délicats et très bien Unis. L'ouvrage achevé se descendait par la même voie. D'autres prisonniers moins resserrés le, recevaient, le Vendaient au public, et bientôt les paniers remontaient avec le prix de l'ouvrage et de nouveaux matériaux pour un nouveau travail : le tout avec un ordre et une fidélité bien remarquables entre de tels fabricants et de tels courtiers.
Nous ne citons cet exemple que pour prouver par l'expérience qu'il rest possible d'ouvrir dés sources d'industrie dans les maisons destinées à recevoir les condamnés, Surtout lorsqu'une administration active sera chargée du soin de choisir, de fournir des travaux, de disposer des
ateliers, et de donner à l'aptitude particulière de chaque détenu tous les moyèns possibles de développement.
Les travaux publics ne sont pas le senl système pénal indiqué par l'opinion de beaucoup de gens, que nos réflexions nous ont déterminés à ne point adopter. : : «
Il est encore une autre peine dont l'établissement est demandé par plusieurs personnes instruites, et que vous n'avez pas trouvé dans notre plan; je veux dire la déportation.
Nous avons pensé que toute peine éloignée du lieu du délit, manquait du caractère principal d'une peine utile ; celui de rendre l'exemple présent et durable.
Il nous a paru d'ailleurs que la déportation était une peine qui pourrait n'être pas efficacement répressive pour la classe la plus nombreuse des malfaiteurs. Mais voici de quelle manière la déportation nous semble pouvoir être utilement pratiquée.
C'est pour le cas de la récidiye. :
Quiconque aura été repris dé justicè criminellement, et condamné pour la: seconde fois,' subira la peine portée par la loi contré son délit ; mais lorsqu'il aura ainsi satisfait à l'exemple, il sera conduit au lieu fixé pour la déportation. Par là vous remplirez lé double objet, et de punir la récidive, et de délivrer la société d'un malfaiteur incorrigible.
Il nè:rious rèste plus, Messieurs, pour compléter la discussion relative aux peines afflicti-ves, que de comparer le rapport qu'elles ont entre elles, et les différences-qui les distinguent.
Le cachot, la gêné, la prison ont pour principe commun d'exclure du système pénal toute espèce de coups et de tortures qui présentent à l'esprit cette repoussante image d'un nomme frappant son semblable.
Ces trois peines ont pour élément commun, de faire sortir de privations pénibles, tout l'effet de la punition.
Elles ont trois circonstances qui leur sont communes : la privation de la liberté, l'infamie, l'admission du public une fois chaque mois dans les cachots, les lieux de gène et la prison.
Enfin, dans toutes les trois, lé travail est employé comme moyen d'aménder les dispositions morales du condamné, d'adoucir la rigueur de ses privations pendant sa peine, et de lui préparer une ressource pour l'époque de sa liberté.
Quant aux caractères qui les distinguent les unes des autres, le premier c'est là durée.
La peine du cachot ne pourra être moindre de 12 années; celle dé là gêne, de 4 années ; celle de la prison, de 2 années.
La première ne pourra s'étendré au delà de 24années ; la seconde, au delà de 15 ans; la troisième, au delà de 6 ans.
Vos comités ont pensé que ces peines devaient être graduées de telle manière, que la plus longue durée de l'une excédât peu la moindre durée de celle qui lui est supérieure, afin qu'elles demeurent sans incertitude et sans équivoque dans cet ordre de gravité; d'abord le cachot, ensuite la gêne, et enfla la prison, autrement cet inconvenable problème aurait pu se présenter à résoudre : laquelle de ces peines est la plus sévère, de la gêne pendant 24 ans, ou du cachot pendant 12 ans; de la prison pendant 12 ans, ou de la gêne pendant 6 années.
Indépendamment de l'étendue de la durée, le cachot est distingué des 2 autres peines par ces circonstances : la privation de la lumière, lès
fers aux pieds et aux mains des condamnés, la solitude absolue, la consolation du travail réduite à 2 jours par semaine pendant la première époque, et à 3 pendant la deuxième.
La gêne est distinguée de la prison, outre la durée, par une ceinture et une chaîne de fer que porteront les condamnés, par la solitude absolu? pendant 5 jours dans la semaine, par la réunion a un travail commun 2 jours par semaine seulement.
La prison est distinguée de deux autres, sous ce rapport que les condamnés ne porteront point de fers, qu'il leur sera fourni un lit pour se cour cher ; tandis qu'au cachot et à la gêne il ne serà donné aux condamnés que de la paille; enfin que le travail commun sera permis tous les jours,
A l'égard des peines infamantes, voici, Messieurs, les caractères que nous avons cru convenables de leur imprimer.
Déclarer qu'un tel a commis tel crime, c'est Je couvrir d'infamie, de l'infamie qui sort moins encore du jugement, que de la mauvaise action.
Cette déclaration doit avoir la plus grande publicité, pour que la société soit avertie de se tenir en garde contre le-coupable, pour que l'exemple ait un éclat salutaire, pour que la honte du. condamné soit d'autant plus pénible qu'elle est plus notoire.
Il faut que le condamné paraisse devant le peuple dans un état humiliant, c'est-à-dire qu'il faut que le peuple le ! voie pendant quelques heures tout chargé dé l'opprobre de son crimeî.
L'homme ainsi dégradé est indigné d'être citoyen français; il sera déclaré déchu de tous ses droits. Cette peine appartient surtout aux pays libres, où l'honneur d'être citoyen est compté pour quelque chose.
Enfin l'effet de la condamnation doit être, par une prononciation claire, et au moyen d'une formule unique, rendu sensible pour tous les esprits ; à la différence des peines infamantes actuellement usitées, qu'on avait varié et multiplié sous tant de formes, que l'hpnneur semblait susceptible de se diviser en fractions, et qu'un criminaliste éclairé pouvait seul distinguer si telle condamnation emportait infamie, et jusqu'à quel point elle déshonorait le condamné.
Nous vous proposons en conséquence une seule peine infamante. Elle portera le nom de la dégradation civique. Voici les circonstances dont elle sera accompagnée : le condamné sera conduit dans la place publique. Le greffier du tribunal criminel prononcera ces mots à haute voix : votre pays vous a trouvé convaincu d'une action infâme. La loi et le tribunal vous dégradent de la qualité de citoyen français. Le condamné sera ensuite mis au carcan, et y restera pendant 2 heures, exposé aux regards du peuple. Son nom, son crime, son jugement seront tracés sur un écriteau placé au-dessus de sa tête,
Pour les femmes, la peiné infamante sera le carcan. Elles seront également conduites dans la place publique. Le'greffier prononcera ces mots à haute voix : vo tre pays vous a trouvée convaincue d'une action.infâme. Elles seront mises ensuite au càrcan pendant 2 heures, avec écriteau indicatif de leur nom, du crime et du jugement.
Jusqu'ici nous n'avons fixé vos esprits dans Cé rapport, que sur de tristes objets ; le crime et les rigueurs nécessaires pour Je réprimer. Mais le remords peut pénétrer dans l'âme du coupable, et il nous a semblé que c'était une conception digne de législateurs, de présenter au condamné
l'espoir de renaître un jour à l'honneur par la pratique de la vertu.
Nous vous proposons de décréter qu'à une époque déterminée après l'expiration de sa peine, le condamné puisse être réhabilité parla société, et rétabli dans tous Ses droits. Mais Voici les conditions que nous avons jugé utile d'y aj> poser :
D'abord il faut que plusieurs années se soient écoulées dépuis l'époque à laquelle il a recouvré sa liberté, afin que sa conduite soit suffisamment éprouvée.
Ensuite il est convenable que sa 'réintégration né sôit point un droit ouvert et certain, mais, plutôt une espérance, une faculté qui lui présenteront des efforts à faire et un pTix à obtenir.
Ce baptême civique doit être accompagné dé solénnites-j et nul ne pourra y être présenté que par les officiers municipaux du lieu de son domicile, c'est-à-dire par les magistrats et lés organes du peuple, qui, témoins habituels de la conduite du condamné, pourront attester à la société que tel, par un long repentir, a mérité que la société lui rendit son estime.
Ainsi, après avoir satisfait à l'exemple, le condamné oserà reparaître aux yeux de ses' concitoyens ; il pourra se choisir une demeure ; il y vivra sous la protection de l'espérance ; il pourra y vivre avec probité, dans la vue d'y vivre un jour avec honneur; et la loi, politique et morale tout ensemble, aura appelé dans son âme et récompensé le remords.
Vos comités viennent de vous exposer, Messieurs, sur quels principes il Jeur a paru convenable de fonder les institutions destinées à la répression des délits.
Dans tout Etat, il faut, sans doute, des lois pénales; car le crime, Cette funeste maladie du corps social, nécessité trop souvent un pénible et fâcheux remède; mais en politique ainsi qu'en physique, l'art qui prévient le mal est mille fois plus certain et plus salutaire que celui qui'le guérit.
Cette éternelle vérité n'a pas échappé à votre sagésse ; et tout nous offre ou nous promet dans l'ensemble de vos loiè le supplément le plus efficace du code pénal.
Vous avez organisé une police activé, institué des municipalités pour maintenir l'ordre public, placé partout des juges de paix pour veiller à la sûreté particulière. '
Vous avez formé une gendarmerie nationale, nombreuse, honorée, bien soldée, patriotique-ment élue, fortement constituée, qui a tout, en un mot, pour épouvanter le crime et rien pour alarmer la liberté.
Vous vous proposez de , réprimer par des règlements sages les abus de la mendicité.
En multipliant les travaux, en employant utilement la force oisive, en nourrissant la vieillesse et l'infirmité indigente, devoir saint et sacré de la société; ,en. détruisant cette condition si multipliée en France de vagabonds et d'inconnus , êtres toujours caphés : pour mal faire et.toujours. errants pour éviter le châtiment du mal qu'ils ont fait, vous aurez tari la source la plus abondante des crimes.
Voilà pour la génération .présente.
Des bienfaits plus grands se préparent pour la génération future.
C'est dans l'avenir que les mœurs publiques, véritablement régénérées, atteindront la hauteur de notre nouvelle Constitution.
C'est l'avenir, qui, en effaçant peu à peu ces
inégalités monstrueuses dans le partage de la richesse et de la pauvreté, étendra plus généralement et plus uniformément sur toutes les classes des citoyens le bien-être d'une aisance heureusef
Enfin, l'avenir recueillera surtout les fruits de cette éducation nationale, qui, douant tous les enfants de la patrie de connaissances, d'arts, de métiers utiles et surtout de vertus, formera des hommes libres et bons, et arrachera au crime jusqu'à la séduction du besoin-
Ces utiles institutions peuvent bien pîus que toutes les lois pénales. Avec leur secours, la rigueur des peines est moins nécessaire : une bonne police, avec fie bonnes mœurs ; voilà ce qu'il faut pour un peuplé libre, au lieu de sup^ plices. Partout où règne le despotisme, on a remarqué que les crimes se multiplient davantage. Cela doit être, parce que l'homme y est dégradé ; et l'on pourrait dire que la liberté/ semblable à ces plantes fortes et vigoureuses, purifie bientôt de toute production malfaisante le sol heureux où elle a germé.
PROJET DE LA LOI DU CODE PÉNAL.
PREMIÈRE PARTIE.
DES PEINES.
TITRE Ier.
Des peines en général.
Art. 1er. Les peines qui seront prononcées
contre les accusés trouvés coupables par le juré, sont de deux sortes :
Les peines afflictives ;
Les peines infamantes.
Art. 2. Les peines afflictives sont : le cachoit, la gêne, la prison, auxquelles sera toujours jointe l'exposition aux regards du peuple.
Art. 3, Les peines infamantes sont : pour les hommes, la dégradation^ viqiue; pour les femmes, le carcan.
Art. 4. Les peines afflictives les plus graves, le cachot et la gêne, se termineront par un temps des peines moindres. Ainsi, la peine du cachot sera suivie,a'un temps de gêne et d'un temps de prison. La peine de la gêne sera suivie d'un temps de prison : je tout dans les proportions qui seront fixées ci-après.
Art. .5, Toute peine afflictive sera infamante*
TITRE II.
De la peine du cachot (I).
Art. 1er. Le condamné qui subira celte peine
sera attaché dans un cachot, sans jour ni lumière, avec une chaîne et
une ceinture de fer : il portera des fers aux pieds et aux mains.
I n?aura pour nourriture que du pain et de l'eau.
Il lui sera donné de la paille pour se coucher.
Il sera toujours seul. .
Il ne pourra avoir communication avec autres personnes que les geôliers et les commissaires ae la maison de peine-
Art. 2. Il sera procuré du travail au condamné d^ux jours par semaine pendant la première moitié du temps qu'il doit passer au cachot ; trois jours par semaine durant la seconde moitié.
Les jours de travail le condamné sortira de son cachot, il travaillera dans un lieu éclairé, se3 chaînes lui seront ôtées ; mais il ne pourra sortir de l'enceinte de la maison, ni même communiquer avec les autres prisonniers.
Sur le produit de son travail un tiers sera appliqué à la dépense commune de la maison.
Sur une partie des deux autres tiers, il lui sera permis de se procurer une nourriture meilleure et plus abondante.
Le surplus sera réservé pour être remis au condamné, au moment de la sortie, après que le temps de la peine sera expiré.
Art. 3. Un jour, chaque mois, la porte du cachot sera ouverte. Le condamné sera exposé dans son cachot avec ses chaînes, aux yeux du public, en présence du geôlier ; son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement sur la porte de son cachot.
Art. 4. Les femmes qui subiront cette peine, ne porteront point de chaînes ni de fers,.
Art. 5. La peine du cachot sera terminée par une seconde époque dont la durée sera égale à la moitié de la première.
Cette seconde époque se partagera en deux parties égales.
Pendant la première, le condamné subira la peine de la gêne.
Pendant la deuxième, celle de la prison.
Ainsi,, lorsque le jugement portera : condamné à la peine du cachot vour 12 ans, le condamné subira pendant 8 ans ia peine qui vient d'être décrite; il passera à la gêne les deux années suivantes, et enfin il subira la peine de la prison pendant les deux dernières années.
Art. 6. La durée de cette peine ne pourra être moindre de 12 années, ni s'étendre au delà de 24, dans lesquelles seront compris le temps de gêne et celui de prison, dont le cachot doit être suivi conformément aux dispositions et aux proportions qui viennent d'être établies ci-dessus.
TITRE III.
De la peine de la gêne.
Art. 1er. Le coupable qui aura été condamné à
cette peine, sera enfermé seul dans un lieu éclairé.
Il sera attaché avec une chaîne et une ceinture de fer, pieds et mains libres.
Il lui sera fourni, pour nourriture, du pain et de l'eau aux dépens de la maison ; le surplus, sur le produit de son travail.
Il lui sera donné de la paille pour se coucher,
Art. 2. Tous les jours il lui sera procuré du travail.
Deux jours par semaine, les condamnés à cette peine jpourront se réunir ensemble pour un travail commun, mais sans sortir de l'enceinte de la maison* Ces jours-là leurs chaînes leurserpnt ôtées.
Les autres Jours ils travailleront seuls, chacun dans le lièn de sa détention.
Le produit de leur travail Sera employé, ainsi qu'il est expliqué ci-dessus à l'article 2 du titre précèdent.
Art. 3. L'un des 2 jours du travail commun, après que les condamnés seront rentrés dans le lieu de leur détention, ils pourront communiquer avec des personnes autres que les geôliers et commissaires ae la maison, toutefois en présence d'un geôlier, et avec la permission d'un commissaire. Tous les autres jours les condamnés ne pourront communiquer ni ensemble, ni avec les personnes du dehors.
Art. 4. Une fois par mois le lieu de la géne sera ouvert et le condamné sera exposé aux regards du public avec ses chaînes en présence d'un geôlier.
Son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement au-dessus de la porte du lieu où il sera détenu.
Art. 5. Les femmes qui Subiront cette peine ne porteront point de chaînes.
Art. 6. Lorsque cette peine sera prononcée seule, et ne sera pas une suite de la peine du cachot, sa durée ne pourra être moindre de 4 années, ni s'étendre au delà de 15 ans, dans le nombre desquels sera comprise une année de la peine de la gêne, qui sera toujours suivie.
TITRE IV.
De la peine de la prison.
Art. 1er. Le coupable qui aura été condamné à
cette peine sera enfermé seul sans fers, ni liens.
Il aura Un lit pour se coucher.
Il lui sera donné pour nourriture du pain et de l'eau aux dépens de la maison, le surplus sur le produit de son travail.
Art. 2. Il lui sera fourni tous les jours du travail dans l'enceinte de la maison. Les condamnés à cette peine pourront se réunir ensemble pour un travail commun.
Les hommes et les femmes travailleront dans des enceintes séparées.
Le produit de leur travail sera employé comme il est èxpliqué ci-dessus.
Art. 3. Une fois par semaine le condamné pourra communiquer avec des personnes autres que les geôliers et les commissaires, en présence toute-lois d'un geôlier, et avec la permission d'un commissaire ; mais il ne paraîtra qu'enfermé dans la prison.
Un jour, chaque mois, la prison séra ouverte et le condamné sera exposé aux regards du public en présence d'un geôlier. Son nom, la cause de sa'condamnation et le jugement rendu contre lui seront écrits extérieurement au-dessus de la porte de sa prison.
Art. 5. Lorsque cette peiiie sera prononcée seule, ét ne sera pas une suite de la peine du cachot ou de celle de la gêne, la durée de cette peine ne pourra être moindre de 2 années, ni s'étendre au delà de 6 ans.
En conséquence, et pour l'exécution des dispositions, précédentes, il sera fait choix dans chaque département, soit dans la ville où le tribunal criminel est fixé, d'une enceinte propre à réunir l'établissement des cachots, des lieux de gêne et des chambres de détention.
La municipalité de ladite ville, sous l'inspection et l'autorité du directoire du département sera chargée de pourvoir à sa sûreté, salubrité, Solice intérieure, régie et administration de laite maison, à la nourriture, aux besoins des condamnés et à.leur soulagement en cas de maladie ou d'infirmité; de leur fournir un travail proportionné à leurs forces et à leur industrie ; de faire l'emploi du produit dudit travail, conformément aux précédentes dispositions; enfin de veiller à ce que les geôliers et gardiens rem-4 plissent leurs fonctions avee humanité et exactitude.
Expresses défenses seront faites aux gardiens des condamnés de les maltraiter et de leur porter aucun coup, sous peine de destitution.
Les condamnés seront toujours conduits pour subir leur jugement dans la maison de peine du département dans l'étendue duquel le crime aura été commis. Seront toutefois exceptés de là présente disposition les délits de lèse-nation qui auraient été commis hors du royaume; ceux qui auront été condamnés pour ces délits seront conduits dans la maison de peine du département dans l'enceinle duquel siégeait le Corps législatif, lorsqu'il a déclaré qu'il y avait lieu a accusation contre les prévenus desdits crimes.
TITRE V.
De l'exposition des condamnés aux regards du peuple.
Art. 1er. Quiconque aura été condamné, soit à
la peine du cachot, soit à la peine de la gêne, soit à celle delà
prison, sera préalablement placé sur uu échafaud au milieu de la place
publique.
Art. 2.11 y sera/attaché à un poteau, chargé des mêmes fers qu'il doit conserver dans le cachot, si c'est à cette peine qu'il est condamné ; ou de ceux qu'il doit porter dans la gêne, la gêne est la peine qu'il doit subir.
Art. 3. Au-dessus de sa tête, sur un écriteau, Seront inscrits en gros caractères son nom, la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui.
Art. 4. Il demeurera ainsi exposé aux regards du peuple pendant 3 jours Consécutifs, 6 heures par jour s'il est condamné à la peine du cachot.
Pendant 2 jours consécutifs, 4 heures par jour, s'il est condamné à la peine de la gêne.
Art. 5. Le condamné sera exposé publiquement dans le même appareil ét durant le même nombre de jours ci-dessus prescrit, tant dans la ville où le juré d'accusation a été convoqué, que dans celle où est située la maison de peine dans laquelle il doit être conduit.
Art. 6. Si la maison de peine est située dans la ville où le juré d'accusation a été convoqué, l'ex position aura lieu tant dans ladite ville que dans celle où a été convoqué le juré de jugement (1).
Un seul jour et pendant 2 heures, s'il est condamné à la peine de la prison.
TITRE VI.
De la peine de la dégradation civique.
Art. Ier. Le coupable qui aura été condamné à
cette peine sera conduit au milieu de la place publique de la ville où
siège le tribunal criminel qui l'aura jugé. Le greffier du tribunal lui
adressera ces mots, à haute voix :. Votre pays vous a trouvé convaincu
d'une action infâme. La loi et le tribunal vous dégradent de la qualité
de citoyen français.
Le condamné sera ensuite mis au carcan au milieu de la place publique ; il y restera pendant 2 heures exposé aux regards du peuple : sur un écriteau seront gravés en gros caractères, son nom, le crime qu'il a commis, et le jugement rendu contre lui.
Art. 2. Dans les cas où la loi prononcera la peine de la dégradation civique, si c'est une femme, ou une fille qui est convaincue de s'être rendue coupable de3dits crimes, le jugement portera : telle est condamnée à la peine du carcan.
Art. 3. Toute femme ou fille qui aura été condamnée à cette peine sera conduite au milieu de la place publique de la ville où siège le tribunal criminel qui l'aura jugée.
Elle y sera mise au carcan, et restera pendant 2 heures exposée aux regards du peuple.
Sur un écriteau eeront tracés en gros caractères son nom, le crime qu'elle a commis et le jugement rendu contre elle.
TITRE VII.
Des effets des condamnations.
Art. 1er. Quiconque aura été condamné à l'une
des peines établies dans les titres précédents sera déchu de tous les
droits attachés à la qualité de citoyen actif, ou rendu incapable de les
acquérir.'
Son témoignage et son affirmation ne seront point admis en justice.
Il ne pourra être rétabli dans ses droits que dans les délais et sous les conditions prescrites ci-après.
Art. 2. Quiconque aura été condamné aux peines du cachot, de la gêne ou de la prison, indépendamment des déchéances portées eh l'article précédent, sera inhabile, pendant la durée de sa peine, à l'exercice d'aucun droit civil.
Art. 3. En conséquence, il sera nommé par le président du tribunal criminel qui aura prononcé son jugement, un curateur pour gérer et administrer ses biens.
Art. 4. Les biens lui seront restitués à l'instant de sa sortie,- et le curateur lui rendra compte de son administratiqn et de l'emploi de ses révenus.
Art. 5/Pendant le temps de sa détention il ne pourra être remis au condamné aucune portion de ses revenus.
Art. 6. Seulement il pourra être prélevé sur ses biens les sommes nécessaires pour élever et doter ses enfants, ou pour fournir des aliments à sa femme, à ses enfants, à son père ou à sa mère, s'ils sont dans le besoin.
Art. 7. Ces sommes ne pourront être prélevées sur ses biens qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal criminel, à la requête des demandeurs, avec l'avis du curateur et sur ies conclusions du commissaire du roi.
Art. 8. Les commissaires et gardiens de la maison de peine ne permettront pas que lés condamnés reçoivent pendant la durée de leur détention aucun don, argent, sècours, vivres ou aumônes, attendu qu'il ne peut leur être accordé de soulagement que sur le produit de leur travail (1). |
Ils seront responsables de l'exécution de l'article, sous peine de destitution.
Titre VIII.
De l'influence de l'âge des condamnés sur la nature et la durée des peines du cachot, de la gêne et de la prison.
Art. 1er. Lorsqu'un accusé, déclaré coupable
par le juré, aura commis le crime pour lequel il est poursuivi, avant
l'âge de 16 ans accomplis, les jurés décideront dans les formes
ordinaires de leurs délibérations la question suivante :
Le coupable a-t-il commis le crime avec ou sans discernement?
Art. 2. Si les jurés décident que le coupable a commis le crime sans discernement, il sera acquitté du crime; mais le tribunal criminel pourra, suivant les circonstances, ordonner que l'enfant sera rendu à ses parents ou qu'il sera conduit dans la maison de correction pour y être élevé et détenu pendant tel nombre d'années que le jugement déterminera, et qui toutefois ne pourra excéder l'époque delà majorité de l'enfant.
Art. 3. Si les jurés décident que le coupable a commis le crime avec discernement, la peine prononcée par la loi contre ledit crime sera abrégée d'un tiers quant à sa durée ; elle sera en outre commuée à raison de l'âge du coupable; savoir, la peine du cachot et de la gêne dans la peine de la prison, si le coupable était âgé de moins de 14 ans accomplis lorsqu'il a commis le crime.
Et la peine du cachot dans la peine de la gêne, si le coupable avait moins de 16 ans accomplis.
Par exemple, l'enfant de moins de 14 ans accomplis, qui, en raison de son crime, aurait encouru la peine de 18 années de cachot, subira à raison de son âge 12 ans de prison. Celui qui aurait encouru 12 ans de gêne, subira 8 ans de prison.
Quant à l'enfant de plus de 14 ans, mais de moins de 16 ans accomplis, qui aurait encouru la peine de 12 années de gene, il subira cette peine pendant 8 ans ; et s il a encouru la peiné de 18 années de cachot, il subira 12 années la peine de Ta gêne.
Art. 4. Nul ne pourra être condamné à la peine du cachot après l'âge de 60 ans accomplis; mais cette peine sera commuée, pour un temps égal, dans la peine de la prison.
Les condamnés qui auraient commencé à subir leur peine lorsqu'ils seront parvenus à cet âge? en fourniront la preuve au tribunal criminel qui aura prononcé leur jugement ; et sur leur requête, lé tribunal ordonnera qu'ils soient trans-
férés à la gêne,' pour achever d?y remplir le temps de leur condamnation.
Art. 5. Nul ne pourra être condamné à la peiné de la gêne, après l'âge de 70 ans accomplis ; mais cette peine sera commuée pour un temps égal dans la peine de la prison..
Les condamnés qui auraient commencé à subir leur peine lorsqu'ils seront parvenus à cet âge, en fourniront la preuve au tribunal criminel qui aura prononcé leur jugement ; et sur leur requête, le tribunal ordonnera qu'ils soient transférés à la prison, pour achever d'y remplir le temps de leur condamnation.
Art. 6. Tout condamné qui aura atteint l'âge de 80 ans, quelle que soit la nature de la peine qu'il ait encourue, sera mis en liberté par jugement du tribunal criminel, rendu sur sa requête, s'il a subi au moins 5 années de sa peine.
S il avait subi moins de 5 ans de détention, il sera mis en liberté dans les mêmes formes aussitôt que ces 5 années seront accomplies.
Art. 7. Nul ne pourra être condamné à plus forte peine que celle de cinq ans de prison, après 80 ans accomplis. Si la peine prononcée par la loi à raison du crime Gomgais, excède 5 ans de prison, la condamnation sera restreinte à ce terme, en considération de l'âge du coupable.
TITRE IX.
De la récidive.
Art. 1er. Quiconque aura été condamné à une
peine afflictive ou infamante, encore que. ledit jugement ait été rendu
par contumace, s'il est convaincu d'avoir depuis ce jugement commis un
crime emportant peine infamante, mais non afflictive, sera, à raison de
la récidive, condamné à la peine de 2 années de prison.
Art. 2. Quiconque aura été condamné à une peine afflictive ou infamante, encore que ledit jugement ait été rendu par contumace, s'il est convaincu d'avoir, depuis ce temps, commis un crime emportant peine afflictive, subira ladite peine; et après l'expiration du temps de cette seconde condamnation, le condamné sera transféré pour le reste de sa vie au lieu qui sera incessamment lixé pour la déportation des malfaiteurs (1).
Art. 3. Nul ne ponrra être déporté s'il est âgé de 66 ans accomplis.
TITRE XI.
De l'exécution des jugements rendus contre un accusé contumace.
Art. 1er. Lorsqu'un accusé contumace aura été
condamné à l'une des peines établies ci-dessus,
il sera dressé dans la place publique un poteau auquel on appliquera un écriteàu indicatif du nom du condamné, du crime qu'il a commis et du jugement rendu contre lui.
Art. 2. Cet écriteàu restera exposé aux yeux du peuple, pendant trois jours consécutifs, si la condamnation emporte la peine du cachot;
Pendant deux jours consécutifs, si la condamnation emporte la peine de la gêne ;
, Pendant un jour, si la condamnation emporte la peine de la prison ;
Pendant 4 heures, si la condamnation emporte la peine de la dégradation civique ou celle du carcan.
Art. 3. Lorsque la condamnation prononcée contre un accusé contumace emportera peine afflictive, ledit écriteàu sera exposé en la forme qui vient d'être prescrite, dans les villes où, d'après les dispositions du titre V ci-dessus, l'exposition du condamné aurait lieu si le condamné était présent.
Lorsque ladite condamnation emportera peine infamante mais non afflictive, ledit écriteàu sera exposé seulement dans la place publique de la ville où siège le tribunal criminel qui aura prononcé ledit jugement (1).
Titre XI.
De la réhabilitation des condamnés.
Art. 1er. Tout condamné qui aura subi sa
peine pourra demander à la municipalité du lieu de son domicile une
attestation à l'effet d'être réhabilité.
Savoir : les condamnés aux peines du cachot, de la gêne, de la prison, lft ans après l'expiration de leur peine.
Les hommes condamnés à la peine de la dégradation civique; les femmes condamnées à celle du carcao, après 10 ans, à compter du jour de leur jugement.
Art. 2. Huit jours au plus après la demande, le conseil général de la commune sera convoqué ; il lui en sera donné connaissance.
Art. 3. Le conseil général de la commune sera de nouveau convoqué au bout d'un mois; pendant ce temps chacun de ses membres pourra prendre sur la conduite de l'accusé tels renseignements qu'il jugera convenables.
Art. 4. Les avis seront recueillis par la voie du scrutin, et il sera décidé, à la majorité, si l'attestation sera accordée.
Art. 5. Si la majorité est pour que l'attestation soit accordée, deux officiers municipaux, revêtus de leur écharpe, conduiront le condamné devant le tribunal criminel où le jugement de condamnation aura été prononcé.
Ils y paraîtront avec lui dans l'auditoire en présence des juges et du public.
Après avoir fait lecture du jugement prononcé contre le condamné, ils diront à haute voix : un tel.....a expié son crime en subissant sa peine ; maintenant sa conduite est irréprochable ; nous demandons, au nom de son pays, que la tache de son crime soit effacée.
Art. 6. Le président du tribunal, sans délibération, prononcera ces mots : Sur l'attestation et la demande de notre pays, la loi et le tribunal effacent là tache de votre crime.
Il sera dressé du tout procès-verbal, et mention en sera faite sur le registre du tribunal criminel, en marge du jugement de condamnation.
Art. 7. Cette réhabilitation fera cesser dans la personne du condamné tous les effets et toutes les incapacités résultant des condamnations.
Art. 8. Si la majorité des voix du corps municipal est pour refuser l'attestation, le condamné ne pourra former une nouvelle demande que 2 ans après, et ainsi de suité de 2 ans en 2 ans (1), tant que l'attestation ne lui aura pas été accordée.
L'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon, de commutation de peine est aboli.
Toutes les peines usitées autres que celles qui sont établies ci-dessus sont abrogées.
DEUXIÈME PARTIE
des crimes et de leur punition.
Titre Ier.
Crimes et attentats contre la chose publique.
Lorsqu'un Français, chef de parti, à la tête de troupes étrangères, ou à la tête de citoyens révoltés, aura exercé des hostilités contre la France, après qu'un décret du Corps légistatif l'aura déclaré ennemi public, chacun aura le droit de lui ôtèr la vie; s'il est arrêté vivant, il sera condamné à être pendu.
Première section du titre Ier.
Des crimes contre la sûreté extérieure de VEtat.
Art. 1er. Toutes machinations et
intelligences pratiquées avec les puissances étrangères, ou avec leurs
agents, pour les engager à commettre des hostilités, ou pour leur
indiquer les moyens d'entreprendre la guerre contre la France avec
avantage, seront punis de la peine du cachot pendant 12 ans, dans le cas
où lesdiles machinations et intelligences n'auront été suivies d'aucune
hostilité.
Art. 2. Si les manœuvres mentionnées en l'article précédent sont suivies de quelques hostilités, ou si elles sont liées à une conspiration formée dans l'intérieur du royaume, elles seront punies de la peine de 24 années de cachot.
Art. 3. Toutes agressions hostiles, toutes infractions de traités, tendantes à allumer la guerre entre la France et une puissance étrangère, seront punies de la peine de 20 années de cachot.
Tout agent subordonné qui aura contribué aux dites hostilités soit en exécutant, soit en faisant passer les ordres de son supérieur légitime, n'encourra pas ladite peine.
Le ministre qui en aura donné ou contresigné l'ordre ou le commandant qui sans ordre du ministre aura fait commettre lesdites hostilités ou infractions, en sera seul responsable, et subira la peine portée au présent article.
Art. 4. Tout Français qui portera les armes
contre la France sera condamné à 24 années de cachot.
Art. 5. Toutes manœuvres, toute intelligence avec les ennemis de la France, tendant soit à faciliter leur entrée dans les dépendances de l'Empire français, soit à leur livrer des villes, forteresses, ports, vaisseaux, magasins ou arsenaux appartenant à la France, soit à leur fournir des secours en soldats, argent, vivres ou munitions, soit à favoriser d'une manière quelconque le progrès de leurs armes sur le territoire français, ou contre nos forcés de terre ou de mer, soit à ébranler la fidélité des offieiers, soldats et dts autres citoyens envers la nation française, seront punis de la peine de 24 années de cachot.
Art. 6. Les trahisons de la nature de eelles mentiobhéèsen l'article précédent, exercées £n temps de guerre, envers les alliés de la France agissant contre l'ennemi commun, seront punies de la même peine.
Deuxième section du titre Ier.
Des crimes et délits contre la sûreté intérieure de VEtat.
Art. 1er. Tout complot et attentat contre la
personne du roi, ou de celui qui pendant la minorité du roi exercera les
fonctions de la royauté, ou de l'héritier présomptif du trône, seront
punis de la peine de 24 années de cachot.
Art. 2. Toutes conspirations et complots tendant, sous des prétextes de religion, ou de déformation du gouvernement ou par toutesautres insinuations, à troubler l'Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres, ou contre l'exercice de l'autorité légitime, seront punis de la peine de 20 années de cachot.
Art. 3. Tout enrôlement de soldats, levées de troupes, amas d'armes et de munitions pour exécuter les complots et machinations mentionnés en l'article précédent;
Toute attaque ou résistance envers la force publique agissant contre l'exécution desdits complots ;
Tout envahissement de ville, forteresse, magasin, arsenal, port ou vaisseau, seront punis de la peiné de 24 années de cachot.
Les auteurs, chefs et instigateurs desditès révoltes, et tous ceux qui seront pris les armes à la main, subiront les peines portées au présent article.
Art. 4. Les pratiques et intelligences avec les révoltés, de la nature de celles mentionnées en l'article 5 du titre premier, seront punies des peines portées auxdits articles.
Art. 5. Tout commandant d'armée ou corps de troupes, d'une flotte ou d'une escadre, d'une place forte ou d'un poste, qui en retiendra le commandement contre l'ordre du roi ;
Tout commandant qui retiendra son armée sous ses drapeaux lorsque le licenciément en aura été ordonné soit par le roi, soit par un décret du Corps législatif, et après que lesdits ordres ou décrets lui auront été légalement notifiés, sera coupable du crime de révolte et condamné à la peine de 20 années de cachot.
Troisième section du titre ier.
Des crimes contre la Constitution.
Art. 1er. Tous complots ou attentats pour
empêcher la réunion ou pour opérer la dissolution d'une assemblée
primaire ou d'une assemblée électorale seront punis de la peine du
cachot pendant 12 ans.
Art. 2. Si des troupes de ligne investissent le lieu des séances desdites assemblées, ou pénètrent dans son enceinte sans l'autorisation ou la réquisition desdites assemblées, le ministre ou commandant qui en aura donné ou contresigné l'ordre, les chefs ou soldats qui l'auront exécuté seront punis du cachot pendant 15 années.
Art. 3. Toutes conspirations ou attentats pour empêcher la réunion, ou pour opérer la dissolution du Corps législatif;
Tout attentat contre la liberté individuelle d'un de ses membres seront punis de la peine de 24 années de cachot.
Tous ceux qui auront participé auxdites conspirations ou auxdits attentats, par les ordres qu'ils auront donnés ou exécutés subiront la peine portée au présent article.
Art. 4. Si des troupes de ligne approchent ou séjournent plus près de 20,000 toises de l'endroit où le Corps législatif tiendra ses séances, sans que le Corps législatif en ait autorisé ou requis l'approche ou le séjour, le ministre qui en aura donné ou contresigné l'ordre, le commandant en chef et le commandant particulier de chaque corps desdites troupes seront punis de la peine de 12 années de gêne.
Art. 5. Quiconque aura commis l'attentat d'investir d'hommes armés le lieu des séances du Corps législatif, ou de les y introduire sans son autorisation ou sa réquisition, sera puni de la peine de 24 années de cachot.
Le ministre ou commandant qui en aura donné ou contresigné l'ordre, les chefs et so 1-datsqui l'auront exécuté, subiront la peine portée au présent article.
Art. 6. Toutes conspirations ou attentats ayant pour.objet d'intervertir l'ordre de la succession au trône déterminé par la Constitution seront punis de lapeine de 20 années de cachot.
Art. 7. Si quelque acte était publié comme loi sans avoir été décrété jpar le Corps législatif, de quelque forme que ledit acte soit revêtu ;
Tout ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de 20 années de cachot.
Et si ledit acte n'estpas extérieurement revêtu de la forme constitutionnelle, prescrite par le décret du 7 octobre 1789, tout fonctionnaire public, commandant et officier, qui l'auront fait exécuter ou publier, seront punis de la peine de 12 années de gêne.
Le présent article ne porte aucune atteinte au droit de faire publier des proclamations et autres actes réservés par la Constitution au pouvoir exécutif.
Art. 8. En cas de publication d'une loi falsifiée, le ministre qui l'aura contresigné, s'il est convaincu d'avoir altéré ou fait altérer le décret du Corps législatif volontairement et à dessein, sera puni de 15 années de gêne.
Art. 9. Si quelque acte portant établissement d'un impôt ou d'un emprunt était publié sans que ledit impôt ou emprunt ait été établi en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi ;
Tout ministre qui aura contresigné ledit acte; ou donné ou contresigné des ordres pour percevoir ledit impôt, ou pour recevoir les fonds du dit emprunt, sera puni de la peine du cachot-pendant 20 ans.
Tous agents quelconques du pouvoir exécutif, qui auront exécuté lesdits ordres, soit en percevant ledit impôt, soit en recevant les fonds dudit emprunt, seront punis de la peine de 12 années de gêne.
Art. 10. Si quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif créait des corps, ordres politiques, ou agents pour leur conférer un pouvoir que le corps constituant a seul le droit de déléguer ; ou rétablissait des corps, ordres politiques ou agents que la Constitution aurait détruits;
Tout ministre qui aura contresigné ledit acte ou ledit ordre sera puni de la peine de 20 années de cachot.
Tous ceux qui auraient participé à ce crime soit en acceptant lesdits pouvoirs, soit en exerçant lesdites fonctions, seront punis de la peine ae la gêne pendant 6 ans.
Art. 11. Si quelque acte Ou ordre émané du pouvoir exécutif détruisait le3 corps établis par la Constitution;
Tout ministre qui aura contresigné ledit ordre ou ledit acte sera puni de la peine de 20 années de cachot
Art. 12.. Si, par quelque acte ou ordre émané du pouvoir exécutif, un fonctionnaire public quelconque était illégalement destitué, le ministre qui en aura contresigné l'ordre sera puni de la gêne pendant 12 années.
Art. 13. S'il émanait du pouvoir exécutif un acte portant nomination au nom du roi, d'un emploi qui, suivant la Constitution, ne peut être conféré que par l'élection libre des citoyens, lé ministre qui aura contresigné ledit acte sera puni de la gêne pendant 12 années.
Ceux qui auraient participé à ce crime en acceptant lesdits emplois ou en exerçant lesdites fonctions seront punis de la peine de 6 années de gêne.
Art. 14. Toutes machinations ou violences, ayant pour objet d'empêcher la réunion ou d'opérer la dissolution de toute assemblée de commune et municipale, de tout corps administratif ou judiciaire établis par la Constitution, seront punies de la peine de 6 années de gêne si lesdites violences sont exercées avec armes, et dè 3 années de prison si elles sont exercées sans armes.
Art. 15. Tout ministre qui sera coupable de crime mentionné en l'article précédent, par les ordres qu'il aura donnés ou contresignes sera puni de la peine de 12 années de cachot.
Tous chefs, commandants et officiers qui auront contribué à exécuter lesdits ordres seront punis de la même peine.
Art. 16. Tout ministre qui, en temps de paix, aura donné ou contresigné des ordres pour lever ou entretenir un nombre de troupes de terre supérieur à celui qui aura été déterminé par les décrets du Corps législatif, ou pour augmenter le nombre proportionnel des troupes étrangères fixé par lesdits décrets sera puni de la peine de 12 ans de gêne.
Art. 17. Toute violence exercée par l'action des troupes de ligne contre les citoyens, sans réquisition légitime et hors des cas expressément prévus par la loi, sera punie de la peine de 12 années de cachot.
Le ministre qui en aura donné ou contresigné
l'ordre, les commandants, officiers et soldats qui auront exécuté ledit ordre, ou qui, sans ordre, auront commis iesdites violences seront punis de la même peine.
Si, par l'effet de ladite violence, quelque citoyen perd la vie, la peine sera de 20 années de cachot.
Art. 18. Tout attentat contre la liberté individuelle, base essentielle de la Constitution française, sera puni ainsi qu'il suit :
Tout homme, quelle que soit sa place ou son emploi, autre que ceux qui ont reçu de la loi le droit d'arrestationi qui donnera, signera, exécutera l'ordre d'arrêter une personne vivant sous l'empire et la protection des lois françaises, ou l'arrêtera effectivement, si ce n'est po'ur la remettre sur-le-champ à la police dans les cas déterminés par la loi, sera puni de la peine de 6 années de gêne. .
Art. 19. Si ce crime était commis en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de Ï2 ans de gêne.
Art. 20. Tout geôlier et gardien de maison d'arrêts de justice, de correction, ou de prison pénale, qui recevra ou retiendra ladite personne, sinon en vertu de mandats, ordonnances, jugements, ou autre acte légal, sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Art. 21. Quoique ladite personne ait été arrêtée en vertu d'un acte légal, si elle est détenue dans une maison autre que les lieux légalement et publiquement désignés pour recevoir ceux dont la détention est autorisée par la loi ;
Tous ceux qui auront donné l'ordre de la détenir, ou qui l'auront détenue, ou qui auront prêté leur maison pour la détenir seront punis de la peine de 10 années de gêne,
Si ce crime était commis en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui l'aura contresigné sera puni de la peine de 12 ans de cachot.
Art. 22. Tout fonctionnaire public qui, par un acte illégal, attentera à la propriété d'un citoyen, ou mettra obstacle au libre exercice d'aller, d'agir, de parler et d'écrire, d'imprimer et de publier . ses écrits, droits assurés par la Constitution à tout individu, excepté dans les cas où un texte précis de la loi limite l'exercice desdits droits, sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Si lesdits attentats étaient commis en vertu d'un acte ou ordre émané du pouvoir exécutif, le ministre qui aura contresigné ledit, ordre sera puni de 12 années de cachot.
Art. 23. Quiconque aura volontairement et sciemment brisé le cachet et violé le secret d'une lettre confiée à la poste sera puni de la peine de la dégradation civique.
Si le crime est commis, soit en vertu d'un ordre émané du pouvoir exécutif, soit par un agent du service des postes, le ministre qui en aura donné ou contresigné l'ordre, quiconque l'aura exécuté, ou l'agent du service des postes, qui sans ordre aura commis ledit crime, sera puni de la peine de 12 années de gêne. .
Art. 24. S'il était émané du pouvoir exécutif quelque acte ou quelque ordre pour soustraire un de ces agents, soit a la poursuite légalement commencée de l'action en responsabilité, soit à la peine prononcée légalement en vertu de ladite responsabilité, le ministre qui aura contresigné ledit ordre ou acte, et quiconque l'aura exécuté, sera puni de là peine de 12 années de cachot.
QUATRIÈME SECTION DU TITRE Ier
Délits dès particuliers contre le respect et l'obéissance dus à la loi et à l'autorité des pouvoirs constitués pour la faire exécuter.
Art. 1er. Lorsqu'un ou plusieurs agents
préposés soit à l'exécution d'un décret du Corps législatif, soit à la
perception d'une contribution légalement établie, soit à l'exécution
d'un jugement; mandat, d'une ordonnance de justice ou de police, lorsque
tout dépositaire quelconque de la force publique, agissant légalement
dans l'ordre de ses fonctions, aura prononcé cette formule '..obéissance
à la loi,
Quiconque opposera des violences et voies de fait sera coupante du crime d'offense à la loi ; il sera puni de .la peine de 2 années de prison.
Si ladite résistance est opposée avec armes, la peine sera de 4 années de prison.
Art. 2. Lorsque la résistance aux agents ou dépositaires de la force publique désignés en l'article précédent sera opposée avec attroupement, et que les officiers civils de la municipalité ou du canton, auront été contraints de requérir l'action de la force publique contre Iesdites personnes attroupées; lorsqu'il leur aura été fait les sommations déterminées par les lois, si l'attroupement continue, les chefs de l'émeute et ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main, ou en état de résistance, seront punis de la peine de la gêne pendant 6 années.
Art. 3. Lorsque Iesdites résistances et attroupements n'auront pas cédé à la force publique ae la municipalité ou du canton, et que l'administration du district aura requis l'action de forces plus considérables, après qu'il aura été fait auxdites personnes attroupées les sommations déterminées par les lois, si l'attroupement continue, les coupables seront constitués en sédition.
Les chefs des séditions et tous ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main ou en état de résistance seront punis de 12 années de gêne.
Art. 4. Lorsque Iesdites résistances et attroupements n'auront pas cédé à la force publique requise par l'administration du district, et que l'administration du département aura été contrainte de requérir l'action de forces plus considérables, après qu'il aura été fait aux séditieux attroupés les sommations déterminées par les lois; si l'attroupement continue, les coupables seront constitués en rébellion; les chefs des rebelles et ceux qui seront arrêtés sur-le-champ les armes à la main ou en état de résistance seront punis de la peine de 12 années de cachot.
Art. 5. Les coupables des crimes d'offense à la loi, d'émeute, de sédition, de rébellion, qui auraient commis personnellement des homicides, incendies et autres actes de violence seront punis des peines qui seront décrétées ci-après contre chacun de ces crimes, quand même ils n'auraient pas été arrêtés sur-le-champ, ni les armes à la main, ni en état de résistance.
Art. 6. Quiconque aura outragé verbalement, ou par gestes, un fonctionnaire public, au moment où il exerçait ses fonctions, sera puni de la peine de la dégradation civique.
S'il portait l'outrage jusqu'à le frapper, la peine sera de 2 années de prison.
Art. 7. Quiconque par force aura délivré ou
tenté de délivrer des personnes détenues légalement; quiconque les aura délivrées par adresse sera condamné à la peine de la prison pendant 2 années.
Art. 8. Si ladite violence est exercée avec attroupement, ou avec armes, les auteurs, 'instigateurs et complices dudit attroupement, ou lesdites personnes armées seront punies de 4 ans de prison.
Art. 9. Si ladite tentative est exercée avec attroupement et armes, la peine sera de 6 années de gêne.
CINQUIÈME SECTION DU TITRE Ier.
Crimes des fonctionnaires publics dans l'exercice des pouvoirs qui leur sont confiés (1).
Art. ler. Tout agent du pouvoir exécutif ou
fonctionnaire public quelconque qui aura em-
ployé ou requis l'action de la force publique dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l'exécution d'une loi ou la perception d'une contribution légitimement établie, sera puni de la peine de la gêne pendant 10 années.
Tous les agents subordonnés qui auront contribué à l'exécution desdits ordres seront punis de la peine de 6 années de prison.
Art. 2. Tout agent du pouvoir exécutif, tout fonctionnaire public quelconque, qui aura employé ou requis l'action de la force publique, dont la disposition lui est confiée, pour empêcher l'exécution d'un jugement, mandat ou ordonnance de justice, ou d'un ordre émané d'officiers municipaux de police, ou de corps administratifs, ou pour empêcher l'action d'un pouvoir légitime, sera puni de la peine de 6 années de prison.
Le supérieur légitime qui, le premier, aura donné lesdits ordres, en sera seul responsable et subira la peine portée au présent article (1).
Art. 3. Si par suite, et à l'occasion de la résistance mentionnée aux deux précédents articles, il survient une émeute, sédition ou rébellion, l'agent du pouvoir exécutif, ou le fonctionnaire public désigné auxdits articles en sera responsable, ainsi que des meurtres, violences et pillages auxquels cette résistance aurait donné lieu, et il sera puni des peines prononcées contre les chefs des émeutes, séditions ou rébellions, meurtres, violences et pillages.
Art. 4. Tout dépositaire ou agent de la force publique, qui, après en avoir été requis légitimement, aura refusé de faire agir ladite force, sera puni de la peine de 3 années de prison.
Art. 5. Tout fonctionnaire public qui, sous prétexte de mandement ou de prédications, exciterait le3 citoyens par des discours prononcés dans des assemblées, ou par de3 exhortations rendues publiques par la voie de l'impression, à désobéir aux lois et aux autorités légitimes, ou les provoquerait à des meurtres ou à des crimes, sera puni de la peine de la dégradation civique.
Si par suite et à l'occasion desdites exhortations prononcées, ou imprimées, il survient quelque émeute, sédition, rébellion, meurtres, pillages ou autres crimes, le fonctionnaire public désigné au présent article en sera responsable et subira les peines portées contre chacun desdits crimes.
Art. 6. Tout fonctionnaire public révoqué ou destitué légitimement, tout fonctionnaire public électif et temporaire, après l'expiration de ses pouvoirs, qui persévérerait à exercer des fonctions, sera puni de la peine de la dégradation civique.
Si par suite, à l'occasion de sa résistance, il survient une émeute, sédition ou rébellion, il en -era responsable et puni des peines prononcées contre les auteurs et instigateurs desdits crimes.
Art. 7. Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d'avoir, moyennant argent, présents ou promesses, trafiqué de son opinion ou de l'exercice du pouvoir qu'il tient de la loi, sera puni de la peine de la dégradation civique.
Art. 8. Tout juré après les récusations consommées, tout juge criminel, tout officier de Solice en matière criminelle, qui sera convaincu 'avoir, moyennant argent, présents ou promesses, trafiqué de son opinion, sera puni de la peine de 15 années de gêne.
Art. 9. Tout fonctionnaire public qui sera convaincu d'avoir détourné les deniers publics dont il était comptable, sera puni de la peine de 1? années de gène.
Art. 10. Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu d'avoir détourné ou soustrait des deniers, effets, actes, pièces ou litres dont 11 était dépositaire, à raison des fonctions publiques qu'il exerce et par l'effet d'une confiance nécessaire, sera puni de la peine de 10 années de gêne.
Art. 11. Tout geôlier ou gardien qui aura volontairement fait évader ou favorisé l'évasion de personnes légalement détenues, et dont la garde lui était confiée, sera puni de la peine de 10 années de gêne.
Art. 12. Tout fonctionnaire ou officier public, tout préposé à la perception de droit et contributions publiques, qui sera convaincu du crime de concussion, sera puni de la peine de 6 années de prison.
Art. 13. Tout fonctionnaire ou officier public qui sera convaincu de s'être rendu coupanle du crime de faux dans l'exercice de ses fonctions sera puni de la peine de la gêne pendant 15 années.
SIXIÈME SECTION DU TITRE Ier.
Crimes contre la propriété publique.
Art. ler. Quiconque, hors des hôtels des
monnaies et ateliers où sont employés les préposés à la fabrication
nationale, sera convaincu d'avoir fabriqué de la .monnaie, encore que
ladite monnaie soit au même titre, poids et qualité que celle ayant
cours, sera puni de 6 années de gêne.
Art. 2. Toute personne qui sera convaincue d'avoir fabriqué une monnaie inférieure en titre, poids ou qualité à la monnaie ayant cours, sera punie de la peine de 15 années de gêne.
Art. 3. Tous contrefacteurs de papiers nationaux ayant cours de monnaie seront punis de la peine de 15 années de cachot.
Art. 4. Tous contrefacteurs du sceau de l'Etat, du timbre national, du poinçon servant à marquer l'or et l'argent, et de toutes les marques apposées au nom du gouvernement sur toute espèce de marchandises, seront punis delà peine de 12 années de gêne.
Art. 5. Toute personne autre que le dépositaire comptable, qui sera convaincue d'avoir dérobé d'une manière quelconque des deniers publics ou effets appartenant à l'Etat, sera punie de la peine de 10 ans de gêne.
Sans préjudice des peines plus graves portées ci-après contre les vols avec effraction ou violences, si ledit vol est commis avec lesdites circonstances.
Art. 6. Quiconque, méchamment et à dessein, aura' incendié des maisons, édifices, magasins, arsenaux, vaisseaux et autres propriétés appartenant à l'Etat, sera puni de 15 années de cachot.
Art. 7. Quiconque pillera ou détruira, autrement que par le feu, les propriétés ci-dessus mentionnées, sera puni de la peine de 10 années de gêne,
et si ledit crime est commis avec attroupement, de 12 années de ladite peine.
TITRE II.
Crimes et délits contre les particuliers.
PREMIÈRE SECTION DU TITRE II.
Crimes et attentats contre tes personnes.
Art. Ier. En cas d'homicide commis
involontairement, par un aceident qui ne soit l'effet de la négligence
ni de l'imprudence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime,
et il n'y a lieu à admettre aucune action criminelle ni civile.
Art. 2. En cas d'homicide commis involontairement, mais par l'effet de l'imprudence ou de la négligence de celui qui l'a commis, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à admettre aucune action criminelle; mais il sera statué par les juges sur les dommages et intérêts et sur les peines correctionnelles, selon les circonstances.
Art. 3. En cas d'homicide commis volontairement avec cause légitime, ou excuse péremptoire, il n'existe point de crime, et il n'y a lieu à admettre aucune action criminelle ni civile.
Art. 4. L'homicide est commis avec cause légitime, lorsqu'il est autorisé par la loi, et commandé par une autorité légitime pour la défense de l'Etat ou pour le salut public.
Art. 5. L'homicide est commis avec excuse péremptoire, lorsqu'il est nécessité par la légitime défense de soi-même ou d'autrui.
Art. 6. Hors les cas déterminés par les précédents articles, tout homicide commis volontairement envers quelques personnes, avec quelques armes, instruments ou par quelques moyens que ce soit, sera puni ainsi qu'il suit, selon le caractère et les circonstances du crime.
Art. 7. L'homicide commis sans préméditation, sera puni de la peine de 12 années de cachot.
Art. 8. Lorsque quelque circonstance atténuera la gravité du crime mentionné en l'article précédent, sans toutefois que ladite circonstance rende le fait légitime ou entièrement excusable, ledit crime d'homicide non prémédité avec circonstances atténuantes sera puni de la peine de 10 années de gêne.
Art. 9. Si l'homicide non prémédité est commis dans la personne du père ou de la mère légitime ou naturelle, ou de tout autre ascendant légitime du coupable, la peine sera de 16 années de cachot, et il ne pourra y avoir lieu à atténuation.
Art. 10. Si l'homicide non prémédité est commis par un père ou une mère dans la personne de son fils ou de sa fille naturels ou légitimes, ou par tout ascendant dans la personne de ses descendants légitimes, ou par un mari dans la personne de sa femme, ou par une femme, dans la personne de son mari, la peine dudit crime sera de 15 années de cachot, et en cas d'homicide non prémédité avec circonstances atténuantes, la peine sera de 12 années de gêne.
Art. 11. L'homicide commis avec préméditation sera puni de la peine de 16 années de cachot.
Art. 12. La durée de la peine de l'homicide prémédité sera augmentée de 3 années par chacune des circonstances suivantes, qui s'y trouvera réunie :
La première, lorsque le crime aura été commis par deux ou plusieurs personnes ;
La deuxième, lorsqu'il aura été commis avec armes à feu, perçantes ou tranchantes;
La troisième, lorsqu'il aura été accompagné de mutilations ou de tortures;
La quatrième, lorsqu'il aura été commis la nuit;
La cinquième, lorsqu'il aura été commis soit dans un grand chemin, rue ou place publique, soit dans l'intérieur d'une maison.
Art. 13. L'homicide commis volontairement par poison sera puni de la peine de 20 années de cachot.
Art. 14. Ljbomicide commis sciemment et à dessein par l'incendie de maisons habitées sera puni de la peine de 20 années de cachot.
Art. 15. La durée des peines prononcées p.ar les 4 articles précédents sera augmentée de 4 années lorsque le coupable aura commis lesdits crimes envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus.
Art. 16. La durée desdites peines sera augmentée de 3 années, lorsque le coupable aura commis lesdits crimes enyers les personnes mentionnées en l'article 10 ci-dessus.
Art. 17. Ne pourra, toutefois, pour aucun des crimes d'homicide mentionnés en tous les articles précédents, la durée des peines excéder 24 années, quel que soit le caractère de l'homicide, le nombre des circonstances aggravantes qui puissent s'y trouver réunies, envers quelques personnes qu'il ait été commis.
Art. 18. L'homicide quoique non consommé sera punissable dans les cas suivants :
Art. 19. L'homicide prémédité, lorsque l'attaque à dessein de tuer aura été effectuée.
Art. 20. L'homicide par l'incéndie de maisons habitées, lorsque le feu aura été mis auxdites habitations.
Art. 21. L'homicide par poison, lorsque l'empoisonnement aura été effectué, ou lorsque le poison aura été présenté, ou lorsque le poison aura été mêlé avec des aliments ou breuvages spécialement destinés, soit à l'usage de la personne, contre laquelle ledit attentat aura été dirigé, soit à l'usage de toute une famille, société ou habitants d'une même maison, soit à l'usage du public..
Art. 22. Toutefois, si avant l'empoisonnement effectué, ou avant que l'empoisonnement des aliments ou des breuvages ait été découvert, l'empoisonneur arrêtait l'exécution du crime, soit en supprimant lesdits aliments ou breuvages, soit en empêchant qu'on n'en fasse usage, les peines portées contre ledit crime ne seront pas encourues.
Art. 23. Dans lesdits cas mentionnés aux 4 articles précédents, le crime sera punissable; mais lorsque personne n'aura perdu la vie par l'effet desdits attentats, la duréeide la peine sera abrégée de 4 années.
Art. 24. Tout homicide par un acte de violence volontaire, mais sans intention de donner la mort, sera puni de la peine de 8 années de gêne.
La durée de ladite peine sera augmentée de 4 années si le crime est commis envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus.
De 2 années, s'il est commis envers les personnes mentionnées en l'article 10 ci-de=sus.
Art. 25. Quiconque aura volontairement et à dessein, par breuvages, violences ou par tous autres moyens, fait périr le fruit ou procuré l'a-
vortement d'une femme enceinte sera puni de 12 années de cachot.
Art. 26. Toutes les dispositions portées aux articles 1, 2, 3, 4 et 5 précédents, relatives à l'homicide involontaire et à l'homicide légitime ou excusable, s'appliqueront également aux blessures faites soit involontairement, soit avec cause légitime, ou excuse péremptoire.
Art. 27 Les blessures faites involontairement, mais qui ne porteront point les caractères qui vont être spécifiés ci-après, seront poursuivies par action civile, et pourront donner lieu à des dommages et intérêts et à des peines correctionnelles, sur lesquels il sera statué par des juges, selon la nature des violences et les circonstances qui les auront accompagnées.
Art. 28 (1). Les blessures faites volontairement, et qui porteront les caractères qui vont être spécifiés, seront poursuivies par action criminelle et punies des peines déterminées ci-après :
Art. 29. Lorsque, par l'effet desdites blessures, la personne maltraitée aura eu un membre cassé, la peine sera de 3 années de prison,
Art. 30. Lorsque, par l'effet desdites blessures, la personne maltraitée aura perdu l'usage absolu, soit d'un œil, soit d'un membre, ou éprouvé la mutilation de quelque partie de la tête ou du corps, la peine sera de 4 années de gêne.
Art. 31. La peine sera de 6 années de gêne si la personne maltraitée s'est trouvée privée de l'usage absolu de la vue, par l'effet desdites violences.
Art. 32. La durée des peines portées aux trois articles précédents sera augmentée de 2 années, lorsque lesdites violences auront été commises dans une rixe, et que celui qui les aura commises aura été l'agresseur.
Art. 33- La durée des peines portées auxdits articles 29, 30 et 31 sera augmentée de *2 années si lesdites violences ont été commises envers les personnes mentionnées en l'article 9 ci-dessus, et d'une année si elles ont été commises envers les personnes mentionnées en l'article 10.
Art. 34. La durée des peines portées aux articles précédents contre les auteurs des blessures sera augmentée de 3 années, lorsque les violences qui y sont mentionnées auront été commises de dessein prémédité.
Et dans le cas où la peine de la détention est prononcée par lesdits articles, elle sera convertie
dans la peine de la prison, et sa durée sera également augmentée de 3 ans.
Art. 35. La durée des peines portées aux articles précédents sera augmentée de 2 années, lorsque Iesdites violences auront été commises :
Soit par deux ou par plusieurs personnes ;
Soit par une personne armée, contre une personne sans armes ;
Soit par un homme âgé de plus de 18 ans accomplis et de moins de 60 ans accomplis, envers un enfant de moins de 14 ans accomplis, ou envers une femme, ou envers un vieillard âgé de plus de 70 ans accomplis.
Art. 36. La castration commise par violence ou envers un enfant au-dessous de 15 ans accomplis sera punie de 12 années de gêne (1).
Art. 37. Le viol sera puni de 4 années de la peine de la gêne.
Art. 38. La peine du crime mentionné en l'article précédent sera de 8 années de la gêne, lorsqu'il aura été commis dans la personne d'une fille âgée de moins de 14 ans accomplis, ou lorsque le coupable aura été aidé dans son crime par la violence et les efforts d'un ou de plusieurs complices (2).
Art. 39. Quiconque sera convaincu d'avoir enlevé par violence ou séduction un enfant de l'un ou l'autre sexe au-dessous de 15 ans accomplis, hors de la maison des personnes sous la puissance desquelles est ledit enfant ; ou de la maison où Iesdites personnes le font élever, sera puni des peines prononcées ci-dessus contre les divers attentats à la liberté individuelle.
Art. 40. Quiconque aura volontairement substitué un enfant à un autre enfant sera puni de la peine de 12 années de prison.
Art. 41. La peine dudit crime sera de 10 années de gêne s'il est commis dans la personne d'une fille de 15 ans accomplis, à l'effet d'en abuser ou de la prostituer.
Art. 42. Quiconque falsifiera ou détruira la preuve de l'état d un enfant sera puni de la peine de 12 années de prison.
Art. 43. Toute personne engagée dans les liens du mariage, qui en contractera un second avant la dissolution du premier, sera punie de la peine de 8 années de prison.
, Art. 44 (3). Quiconque sera convaincu de s'être battu en combat singulier, après un cartel donné ou accepté, ou par l'effet d'une rencontre préméditée, sera puni ainsi qu'il suit, soit qu'il résulte ou non quelques blessures dudit combat :
Art. 45. Le coupable sera attaché à un poteau sur un échafaud élevé dans la place publique ; il y demeurera exposé aux regards du peuple pendant 2 heures, revêtu d'une armure complète.
Art. 46. Ladite exposition aura lieu dans les villes qui sont déterminées au titre IV des peines; et tout le surplus des dispositions portées au même titre seront également observées.
Art. 47. Le coupable sera ensuite conduit à la maison publique où sont gardés les insensés et les furieux, la plus voisine de la ville dans laquelle aura été convoqué le juré d'accusation et il y demeurera enfermé deux années.
Art. 48. Les effets de cette peine seront les mêmes que ceux qui suivent la peine de la prison et qui sont déterminés au titre VIII des peines.
Art. 49. La réhabilitation des condamnés pourra avoir lieu dans les mêmes délais et dans les mêmes formes que pour ceux qui ont été condamnés à la peine de la prison, suivant ce qui est prescrit au titre X des peines.
Art. 50. Si l'un des combattants perd la vie par l'effet dudit combat, le survivant subira la peine de 12 années de cachot.
DEUXIÈME SECTION DU TITRE II.
Crimes et délits contre les propriétés.
Art. 1er. Tout vol simple, c'est-à-dire tout
vol qui n'est pas accompagné de quelques-unes des circonstances qui vont
être spécifiées ci-après sera poursuivi et puni par la voie de police
correctionnelle. ; : %
Art. 2. Le vol caractérisé sera puni ainsi qu'il suit :
Art. 3. Tout vol commis à force ouverte et par violence envers les personnes sera puni de 10 années de prison.
La durée de la peine du crime mentionné en l'article précédent sera augmentée de deux années par chacune des circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :
La première, si le crime a été commis la nuit;
La deuxième, s'il a été commis par deux ou plusieurs personnes ;
La troisième, si le coupable ou les coupables dudit crime étaient porteurs d'armes à feu, ou de toute autre arme meurtrière.
Art. 4. Ne pourra toutefois la durée de la peine dudit crime excéder 15 années à raison desdites circonstances en quelque nombre qu'elles y soient réunies.
Art. 5. Si le vol à force ouverte et par violence envers les personnes est commis soit dans un grand chemin, rue ou place publique, soit dans l'intérieur d'une maison, la peine sera de 12 années de cachot.
Art. 6. La durée de la peine dudit crime mentionné en l'article précédent sera augmentée d'une année par chacune des circonstances qui s'y trouvera réunie :
La première, si le crime a été commis la nuit;
La deuxième, s'il a été commis par deux ou par plusieurs personnes ;
La troisième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu, ou de toute autre arme meurtrière;
La quatrième, si le coupable s'est introduit dans l'intérieur de la maison ou du logement où il a commis le crime à l'aide d'effraction faite par lui-même ou par ses complices aux portes et clôtu-
res soit de ladite maison, soit dudit logement, ou à l'aide de fausses clefs ou en escaladant les murailles, toits ou autres clôtures extérieures de ladite maison, ou si le coupable est habitant ou commensal de ladite maison ou reçu habituellement dans ladite maison pour y faire un travail ou un service salarié.
Art. 7. Toutefois, la durée de. ladite peine ne pourra excéder 15 ans, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.
Art. 8. Tout autre vol commis sans .violence envers des personnes, à l'aide d'effraction faite soit par le voleur soit par son complice, sera puni de 8 années de gêne.
Art. 9. La durée de la peine dudit crime sera augmentée de deux ans par chacune des circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :
La première, si l'effraction est faite aux portes et clôtures extérieures de bâtiments, maisons ou édifices ;
La deuxième; si le crime est commis dans une maison actuellement habitée ou servant à l'habitation;
La troisième, si le crime a été commis la nuit;
La quatrième, s'il a été commis par deux ou pat-plusieurs personnes;
La cinquième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu; ou de toute autre arme meurtrière.
Art. 10. Ne pourra toutefois la durée de la peine dudit crime excéder 14 années à raison desdites circonstances en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.
Art. 11. Lorsqu'un vol aura été commis avec effraction intérieure dans une maison par une personne habitante ou commensale de ladite maison ou reçue habituellement dans ladite maison pour y faire un service ou un travail salarié, ladite effraction sera punie comme effraction extérieure, et lé coupable encourra la peine portée aux articles précédents à raison de la circon-; tance de l'effraction extérieure.
Art. 12. Le vol commis à l'aide de fausses clefs sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Art. 13. La durée de la peine mentionnée en l'article précédent sera augmentée de deux années par chacune des circonstances suivantes qui se trouvera réunie audit crime :
La première^ si leurimea été commis.dans une maison actuellement habitée, ou servant à l'habitation ;
La deuxième, s'il a été commis la nuit;
La troisième, s'il a été commis par deux ou par plusieurs personnes ;
La quatrième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de- toute autre arme meurtrière.
Art. 14. "Ne pourra, toutefois, la durée de la peine dudit crime excéder 12 années, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.
Art. 15. Si le vol à l'aide de fausses clefs a été commis dans l'intérieur d'une maison, par une personne habitante ou commensale de ladite maison, ou reçue habituellement dans ladite maison, pour y faire un service ou un travail salarié, le crime sera puni comme un vol avec^effraction intérieure, et le coupable encourra la peine établie par les articles 8; 9 et 10 ci-dessus, à raison de ladite circonstance de l'effraction intérieure,
Art. 16. Toutes les peines et dispositions portées aux articles précédents contre le vol, à l'aide de fausses clefs, s'appliqueront également à tout
vol' commis en escaladant des toits, murailles ou toutes autres clôtures extérieures de bâtimentsr maisons et édifices.
Art. 17. Lorsqu'un vol aura été commis dans l'intérieur d'une maison, par une personne habitante ou commensale de ladite maison, ou reçue habituellement dans ladite maison, pour y. faire un service ou un travail salarié, ledit crime sera puni des mêmes peines prononcées par les arti-' cles précédents contre ceux qui auront volé en escaladant lesdites maisons ou à l'aide de faus-2 ses clefs.
Art. 18. Toutes les dispositions portées aux articles 6, 11, 15 et 17 ci-dessus, contre les vols faits par les habitants et commensaux d'une maison, s'appliqueront également aux vols qui seront commis dans des hôtels.garnis, auberges, cabarets, cafés, bains et toutes autres maisons publiques. Tout vol qui y sera commis par les maîtres desdites maisons, ou par leurs domestiques, envers ceux qu'ils y reçoivent, ou; par ceux-ci envers les' maîtres desdites maisons ou toute autre personne qui y est reçue, sera réputé vol commis par un commensal, et puni, selon les circonstances qui s'y trouveront réunies, des peines portées aux 4 articles ci-dëssus mentionnés-.' ? !. . V J Jt t JÉ
Toutefois ne sont point comprises dans la pré^ cédente disposition, les salles de spectacles, établissements, édifices 'publics, boutiques ou ateliers .
Art. 19. Lorsque 2 ou plusieurs personnes, non armées, ou Une seule personne portant arme à feu ou toute autre arme meurtrière, se seront introduites sans violences personnelles, effraction, escalades, ni fausses clefs, dans l'intérieur d'une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et y auraient commis un vol, la peine sera de 6 années de gêne.
Art. 20. Lorsque le crime aura été commis par 2 ou par plusieurs personnes, si les coupables ou l'un des coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute.autre arme meurtrière, la peine sera de 8 années de gêne.
Art, 21. Si le crime a été commis la nuit* la durée de chacune des peines portées aux 2 précédents articles sèra augmentée de 2 années.
Art. 22.Tout vol commis dans un enclos fermé, où le coupable se sera introduit en violant la clôture, sera puni de la peine de 5 années de gêne* si l'enclos ne tient pas immédiatement à une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et de 6 années de gêne si l'enclos tient immédiatement à ladite maison.
Art. 23. Un enclos ne sera réputé fermé que lorsqu'il sera entouré soit d'un mur, soit d'une palissade qui, dans leur moindre hauteur, porteront 6 pieds d'élévation, à partir du sol extérieur, soit d'un fossé ayant au moins 10 pieds d'ouverture et revêtu, dans sa profondeur, d'un ou de 2 côtés, d'un mur ou d'une palissade portant au moins 6 pieds de hauteur, à partir du fond dudit fossé.
L'enclos ne sera pas réputé fermé s'il y exisr tait, au moment du vol, une brèche ou ouverture, porte non scellée ou non fermée à clef, ou enfin si, dans quelqu'une de ses parties, la clôture est au-dessous des proportions déterminées par le présent article.
Art. 24. La durée de ladite peine sera augmentée de 2 années par chacune des 3 circonstances suivantes qui s'y trouvera réunie :
La première, si le crime a été commis la nuit;
La deuxième, s'il a été commis par 2 ou plusieurs personnes;
La troisième, si le coupable ou les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière.
Art. 25. Je pourra toutefois, la durée de ladite peine, excéder 9 années, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles y soient réunies, pour le vol dans un enclos tenant immédiatement à une maison actuellement habitée ou servant à habitation, et de 8 années pour le vol commis dans un enclos séparé de ladite maison.
Art. 26. Tout vol de charrues, bestiaux, chevaux, poissons dans les étaDgs, rivières ou viviers, marchandises ou effets exposés soit dans la campagne, soit sur les chemins, ventes de bois, ports, foires, marchés, boutiques et autres lieux quelconques sur la voie publique, sera puni de la peine de 4 années de prison.
Art. 27. La durée de ladite peine sera augmentée à raison des 3 circonstances et dans les mêmes proportions établies par le crime précédent, sans toutefois que la durée de ladite peine puisse excéder 8 années, à raison desdites circonstances, en quelque nombre qu'elles s'y trouvent réunies.
Art. 28. Quiconque volera dans la campagne la dépouille des arbres fruitiers, ou toute espèce soit de production d'un terrain en culture, soit de récolte coupée ou sur pied, ou des balivaux et arbres de futaie dans les bois et forêts, ou des plants faits de main d'homme, sera puni de la même peine prononcée contre le crime mentionné aux 2 articles précédents, et la durée de ladite peine sera augmentée à raison des mêmes circonstances et dans les mêmes proportions.
Art. 29. Quiconque se sera chargé d'un service ou d'un travail salarié, et aura volé les effets ou marchandises qui lui avaient été confiés pour ledit service ou ledit travail, sera puni de 4 années de gêne.
Art. 30. La peine sera de 6 années de gêne pour le vol d'effets confiés aux coches, messageries et autres voitures publiques par terre et par eau, commis par les conducteurs desditeB voitures, ou parles personnes employées dans les bureaux desdites administrations.
Art. 31. Tout vol commis dans lesdites voitures, par les personnes qui y occupent une place, sera puni de la peine de 4 années de prison.
Art. 32. Tout vol qui ne portera aucun des caractères ci-dessus spécifiés, mais qui sera commis par deux ou plusieurs personnes sans armes, ou par une seule portant arme à feu, ou toute autre arme meurtrière, sera puni de la peine de 4 années de prison.
Art, 33. Lorsque le crime aura été commis par 2 ou plusieurs personnes, et que les coupables étaient porteurs d'armes à feu ou de toute autre arme meurtrière, la peine sera de 4 années de gêne.
Art. 34. Si le crime a été commis la nuit, la durée de chacune des peines portées aux deux précédents articles sera augmentée de 2 années.
Art. 35. Quiconque sera convaincu d'avoir détourné à son profit, ou dissipé, ou méchamment et à dessein de nuire à autrui, brûlé ou détruit d'une manière quelconque des effets, marchandises, deniers, titres de propriété, écrits ou actes emportant obligation ou décharge et toute autre propriété mobilière qui lui avaient été confiés gratuitement à la "charge de les vendre ou de les représenter, sera puni de la peine de la dégradation civique.
Art. 36. Toute banqueroute faite frauduleusement et à dessein de tromper les créanciers légitimes sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Art. 37. Ceux qui auront aidé ou favorisé lesdites banqueroutes frauduleuses, soit en divertissant les effets, soit en acceptant des transports, ventes ou donations simulées, soit en souscrivant tous autres actes qu'ils savent être faits en fraude des créanciers légitimes, seront punis de la peine de la dégradation civique dans la place punlique.
Art. 38. Quiconque sciemment et à dessein de de nuire à autrui aura furtivement déplacé ou supprimé des bornes ou pieds cormiers contra-dictoirement plaeés ou reconnus pour établir les limites entre différents héritages sera puni de la peine de 2 années de prison.
Art. 39. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice, vengeance et à dessein de nuire à autrui, mis le feu à des édifices, bâtiments non habités, magasins, navires ou bateaux, forêts, bois taillis, récoltes en meule ou sur pied, ôu à des matières combustibles disposées pour communiquer le feu auxdits édifices, navires, bois ou récoltes, soit que l'incendie ait ou non été la suite de ladite tentative, sera puni de la peine de 12 années de cachot.
Art. 40. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, détruit ou renversé, par quelque moyen violent que ce soit, des bâtiments, maisons, édifices quelconques, digues et chaussées qui retiennent les eaux, sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Art. 41. La peine du crime mentionné en l'article précédent sera de 9 années de gêne, si lesdites violences sont exercées avec attroupement et à force ouverte.
Art. 42. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, dévasté des récoltes sur pied, des plants faits de main d'homme, sera puni de la peine de 4 années de gêne.
Art. 43. La peine du crime mentionné en l'article précédent sera de 6 années de gêne, si lesdites violences ont été exercées avec attroupement et à force ouverte.
Art. 44. Quiconque sera convaincu d'avoir volontairement, par malice ou vengeance, et à dessein de nuire à autrui, empoisonné des chevaux ou bêtes de somme, moutons, bestiaux, poissons conservés dans des étangs ou réservoirs, sera puni de la peine de 4 années de gêne.
Art. 45. Quiconque volontairement, par malice ou par vengeance, et à dessein de nuire à autrui, aura brûlé ou détruit d'une manière quelconque des titres de propriété, billets, lettres de change, quittances, écrits ou actes opérant obligation ou décharge, sera puni de la peine de 4 années de gêne.
Art. 46. Lorsque ledit crime aura été commis avec attroupement et à force ouverte, la peine sera de 6 années de gêne.
Art. 49. La même peine sera encourue pour toute espèce de pillage et dégât de marchandises, d'effets et de propriétés mobilières commis avec attroupement et à force ouverte.
Art. 48. Quiconque sera convaincu d'avoir extorqué par force ou violence la signature d'un écrit ou acte emportant l'obligation ou décharge sera puni de la peine de 4 années de gêne.
Art. 49. La peine sera de 10 ans de gêne;
lorsque le crime mentionné en l'article précédent aura été commis par deux ou par plusieurs personnes réunies.
Art. 50. Quiconque sera convaincu d'avoir, méchamment et à dessein de nuire à autrui, commis le crime de faux, sera puni ainsi qu'il suit :
Art. 51. Si ledit crime de faux est commis en écriture privée, la peine sera de 4 années de gêne.
Art. 52. Si ledit crime de faux est commis en lettres de change et autres effets de commerce ou de banque, la peine sera de 6 années de gêne.
Art. 53. Si ledit crime de faux est commis en écritures authentiques et publiques, la peine sera de 8 années de gêne (1).
Art. 54. Quiconque aura commis ledit crime de faux, ou aura fait usage d'une pièce qu'il savait être fausse, sera puni des peines portées ci-dessus contre chaque espèce de faux.
Art. 55. Quiconque sera convaincu d'avoir, sciemment et à dessein, vendu à faux poids ou à fausse mesure; après avoir été précédemment puni 2 fois par voie de police, à raison d'un délit semblable, subira la peine de 4 années de gêne.
Art. 56. Quiconque sera convaincu du crime de faux témoignage en matière civile sera puni de la peine de 6 années de gêne.
Art. 57. Quiconque sera convaincu du crime de faux témoignage dans un procès criminel sera puni de la .peine de 15 ans de gêne.
TITRE III.
Des complices des crimes.
Art. 1er. Lorsqu'un crime aura été commis,
quiconque sera convaincu d'avoir par dons, promesses, ordres ou menaces,
provoqué le coupable ou les coupables à les commettre ;
Ou d'avoir, sciemment et dans le dessein du crime procuré aux coupables les moyens, armes ou instruments qui ont servi à son exécution;
Ou d'avoir, sciemment et dans le dessein du crime, aidé et assisté le coupable ou les coupables, soit dans les faits qui ont préparé ou facilité son exécution, soit dans l'acte même qui l'a consommé,
Sera puni de la même peine prononcée par la loi contre les auteurs dudit crime.
Art. 2. Lorsqu'un crime aura été commis, quiconque sera convaincu d'avoir provoqué directement à le commettre, soit par des discours prononcés dans des lieux publics, soit par des placards ou bulletins aftichés ou répandus dans lesdits lieux, soit par des écrits rendus publics parla voie de l'impression, sera puni de la même peine prononcée par la loi contre les auteurs dudit crime.
Art. 3. Quiconque sera convaincu d'avoir reçu gratuitement, ou ai heté, ou recélé tout ou partie d'effets volés, sachant que lesdits effets provenaient d'un vol, sera puni de la peine de 2 années de prison, si le vol a été commis avec quelques-unes des circonstances spécifiées au présent Gode.
Il sera poursuivi et puni par voie de police
correctionnelle, si le vol provient d'un vol simple.
Art. 4. Quiconque sera convaincu d'avoir caché et recélé le cadavre d'une personne homicidée, encore qu'il n'ait pas été complice de l'homicide, sera puni de la peine de 4 années de prison.
Pour tout fait antérieur à la publication du présent Code, si le fait est qualifié crime par les lois actuellement existantes, et qu'il ne le soit pas par le présent décret ; ou si le fait est qualifié crime par le présent Gode, et qu'il ne le soit pas par les lois anciennes, l'accusé sera acquitté.
Sans toutefois rien préjuger, par le présent article, pour les faits qui eeront du ressort, soit de la police municipale, soit de la police correctionnelle, soit de la police constitutionnelle.
Si le fait est qualifié crime par les lois anciennes et par le présent décret, l'accusé qui aura été déclaré coupable sera condamné aux peines portées par le présent Gode.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances du vendredi 20 mai et du lundi 23 mai, qui sont adoptés.
Ce ne peut être que par erreur et pour ne pas avoir conféré avec les députés du département du Nord, que le comité ecclésiastique, qui a proposé la réunion des maisons religieuses de ce département, n'a pas conservé et excepté de cette réunion les maisons de Bailleul, Hazebrouck et Gassel.
Je fais en conséquence la motion expresse que ces trois maisons soient conservées et je demande que ma motion soit renvoyée au comité ecclésiastique.
(Ce renvoi est décrété).
, ex-président, annonce que le deuxième scrutin pour l'élection d'un président a donné la majorité des suffrages à M. Bureaux de Pusy, qui est en conséquence élu président.
Les commissaires nommés pour la fabrication des assignats de cinq livres sont MM. Martineau, Achard, Pierre Dedelley (ci-cfôyawf Delley-d'Agier), Bernigaud de Grange, Prugnon et Gherfils.
Les commissaires nommés pour l'inspection des bureaux de liquidation sont MM. Martineau, Goupil-Préfeln, Rewbell, Briois-Beaumetz, de Folleville et Rœderer.
observe qu'étant membre du comité central de liquidation, son élection est contraire au décret du 22 mai, qui l'exclut. Il représente en conséquence qu'il est convenable de le faire remplacer par celui qui le suit dans l'ordre du scrutin.
(Cette motion est décrétée.)
, président, prend le fauteuil de la présidence.
, au nom du comité des domaines, présente un projet de décret relatif à la décharge des quittances de finance présentées à la liquidation.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Toutes les quittances de finance présentées à la liquidation seront déchargées sur les registres au contrôle général avant la délivrance de la reconnaissance de liquidation, et mention sera faite de la décharge sur lesdites quittances.
Art. 2.
« Si l'enregistrement indiqué par des quittances de finance ne se retrouve plus, les dépositaires actuels des registres seront tenus de les enregistrer et décharger sur-le-champ, et de certifier, en outre, sur la quittance la non-existence de l'ancien enregistrement dont elle contenait la mention. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur l'affaire du régiment Royal-Comtois et la sentencej du conseil de guerre de 1773 ; il s'exprime ainfi (1) :
Messieurs, 33 soldats de divers grades, du régiment Royal-Comtois, furent cassés par un conseil de guerre, le 12 juillet 1773. Le jugement ajouta la peine de la prison, déterminée, dans sa durée respective, par la diverse étendue des griefs articulés contre eux.
En masse, ils furent déclarés convaincus d'avoir formé un parti contre le sieur de la Motte-Geffrard, et le sieur Ghemault, lieutenant-colonel et major du régiment ;
D'avoir cessé de rendre à ces chefs les devoirs auxquels ils étaient obligés envers eux ;
D'avoir tenu des assemblées illicites;
D'avoir molesté ceux de leurs camarades qui restaient soumis à la loi de la subordination;
D'avoir fait et d'avoir répandu des mémoires séditieux et diffamatoires
contre le lieutenant-colonel et le major (2).
Ils disent qu'ils avaient été vexés, calomniés; que leurs juges furent enveloppés, circonvenus; que l'intrigue et l'autorité firent tout, là où la vérité et la justice devaient seules avoir de l'ascendant.
Ils disent qu'ils ont constamment élevé la voix contre le jugement; que leurs cris ont été étouffés par la puissance arbitraire et capricieuse, qui alors disposait de tout en France; que, lorsque les lois ont recouvré leur empire, c'est à l'autorité légitime et réglée de réparer les maux que leur a faits l'autorité usurpée et abusive.
En un mot, ils se présentent comme ayant augmenté la liste des victimes immolées par le pouvoir arbitraire.
L'Assemblée nationale a entendu leur réclamation, elle a chargé son comité militaire de l'examiner et de lui en rendre compte.
Messieurs, pour rendre un compte exact et complet, il eût fallu prendre connaissance d'abord delà procédure et des plaintes qui en avaient été le fondement; c'est ce qui a manqué à votre comité.
Il a eu recours au ministre de la guerre pour se procurer les documents qui devaient être l'objet de son examen : à peine le ministre a-t-il trouvé des traces de cette affaire.
Quelques pièces ont été envoyées de sa part au comité; le détail va vous en montrer l'insuffisance.
1° Un mémoire à deux colonnes, daté de l'Ile de France, 2 avril 1771, signé des sieurs de la Motte et Chemault, où sont articulés d'un côté les griefs prétendus de leurs subordonnés, et d'un autre, leurs explications justificatives ;
2° Une lettre de 5 officiers du régiment, adressée au ministre, avec un certificat relatif à des démarches faites auprès d'eux, pour obtenir leurs signatures sur les mémoires dressés contre les chefs ;
3° La minute ou la copie d'un ordre du roi, daté de mars 1773, qui commet le sieur de Montbarey pour inspecter le régiment de Royal-Comtois, et ensuite prendre connaissance des troubles élevés entre les chefs et la plupart des officiers subordonnés ;
4° Une lettre du sieur de Montbarey au ministre, où il lui mande avoir entamé l'instruction dont il était chargé; à laquelle est joint un précis du discours qu'il a fait à cette occasion ;
5° Un projet de mémoire pour le roi dont la conclusion est, de la part du
ministre, de proposer la formation d'un conseil de guerre, et la
désignation des membres dont il sera composé;
7° Enfin la minute d'une lettre du ministre au président du conseil de guerre, contenant des témoignages de satisfaction sur le jugement.
Voilà tout ce que l'on a retrouvé dans les bureaux du ministère.
Encore dans tout cela, il n'y a d'authentique que la sentence ; le reste ne présente que des notes informes, n'a été ni visé, ni paraphé ; et par conséquent, n'a pas fait partie de la procédure de 1773, et n'y a pas été employé. Les réclamants n'avouent pas même que le mémoire à deux colonnes contienne le relevé exact de ceux dont on leur fit un crime.
Ces pièces cependant n'ont pas été inutiles à votre comité ; à leur défaut, il n'eût été instruit que par l'exposé des réclamants; dans l'attention circonspecte qu'il y a donnée, elles ont servi comme de contrôle à cet exposé.
Voici ce que l'on recueille de faits dans cette combinaison.
Le sieur de la Motte avait été fait major du régiment Royal-Comtois en 1763 ; déjà quelque mésintelligence était entre loi et les officiers subordonnes, lorsqu'en 1769 il monta au grade de lieutenant-colonel, et celui de major fut accordé au sieur Chemault. Ce dernier avait auparavant servi avec le sieur de la Motte dans le régiment de Bresse; leur ancienne liaison donna peut-être à l'un des deux partis une force nouvelle, à l'autre de l'ombrage.
A cette époque le régiment fut embarqué et passa à l'Ile de France, ce fut sous un autre hémisphère qu'éclata la division dont le germe avait voyagé avec le corps.
Il dut être extrêmement difficile de découvrir la vérité, lorsque, depuis, ces débats devinrent l'objet d'un jugement solennel. Il serait impossible aujourd'hui d'apprécier avec quelque certitude les griefs respectifs; il faut se contenter de prendre de l'affaire une idée générale; entre les détails et nous, il y a une immensité de mers et 20 ans.
Le sieur de la Motte manda un certain nombre d'officiers, et pour leur exprimer son mécontentement il leur dit : « Je vous déclare la guerre devant le ministre, j'attaque tout le corps, c'est à vous de vous défendre ».
Ce procédé fut une explosion dont le principe devait exister dans d'autres procédés; les réclamants en font l'exposé, sans doute, à leur manière, le sieur de la Motte, leur premier contradicteur, n'est plus, le sieur Chemault n'est pas présent, il faut renoncer à toute lumière antécédente, car les réclamants dans leur propre cause sont suspects.
Le sieur de la Motte tint parole, il fit la guerre par des mémoires, et les subordonnés acceptant le défi, firent aussi des mémoires.
Selon le relevé fait d'après le travail du sieur de Montbarey, ceux-ci avaient articulé 85 chefs de plainte, le lieutenant-colonel et le major de leur part en avaient produit 30.
Tout cela est bien réduit dans la sentence de 1773 ; car elle n'énonce
aucun des griefs des subordonnés, et ne rélève comme délit à leur charge
que 5 à 6 articles principaux.
Le régiment fut rappelé en France ; alors il sembla qu'on était impatient des deux côtés d'exhaler une humeur trop longtemps concentrée : on ébruita cette querelle ; des mémoires furent distribués avec profusion ; il paraît même que l'autorité tenta vainement d'empêcher qu'ils ne fussent répandus.
Le sieur de Montbarey disait depuis que cette querelle était quelque chose moins en elle-même que par la manière dont elle avait été traitée des deux parts. C'est dans sa lettre au ministre qu'il énonçait cette opinion.
La mission lui fut donnée de prendre connaissance de l'affaire, il s'en acquitta; le mémoire au roi, sur la formation du conseil de guerre en fait mention ; mais le compte qu'il rendit ne paraît point; il est perdu comme la procédure.
Un conseil de guerre fut formé ; le sieur de Montbarey, qui avait fait une sorte d'information et un rapport au ministre, fut nommé procureur du roi auprès de ce tribunal, et ensuite il fut le rapporteur du procès.
Le tribunal fit une instruction, il reçut une plainte, il procéda à des interrogatoires, a des ré-eolements, à des confrontations, car il est fait mention de tout cela dans la sentence ; mais encore tout cela ne paraît point.
De plus on peut croire qu'aucuns témoins ne furent entendus ; car la sentence n'énonce aucune information, il faut ajouter qu'elle n'énumère aucunes pièces de conviction.
Le sieur de la Motte fut condamné à 3 mois d'arrêts pour avoir compromis l'autorité que le roi lui avait confiée.
Le sieur Chemault fut mis hors de cour, et sa conduite déclarée irréprochable; ce qui s'accorde mal, car le hors de cour n'est pas une prononciation absolutoire.
J'ai déjà dit que les 33 subordonnés furent cassés, et condamnés à la prison pour le temps respectivement fixé.
La sentence fut exécutée, on en trouve au-dessous une espèce de procès-verbal, signé Dumuy, sous la date du 17 juillet.
Voilà selon la présomption de la loi une justice faite, et selon les réclamants, une iniquité consommée.
La revision du procès eût fixé cette alternative : on voit qu'elle fut
tentée. Un sieur de la Velanet, alors lieutenant dans le régiment de la
marine, qui s'y intéressa, y gagna la disgrâce du ministère, et y perdit
sa liberté; j'en ai la preuve dans des pièces confiées par le sieur de
la Velanet, et qui m'ont été remises (1).
Le sieur de Montbarey, parvenu au ministère, n'ordonna pas la revision du procès ; mais il est mis en fait que, de son autorité, il réforma en quelque sorte la sentence qui avait été rendue sur sa réquisition, comme procureur du roi, et. sur son travail comme rapporteur.
Ceux dont la prison n'était pas encore à son terme furent élargis ; ils avaient été cassés, quelques-uns furent avancés en grades, décorés de la croix de Saint-Louis, gratifiés de pensions de retraite; tout cela semble contradictoire; mais les réclamants l'ont exposé, et on ne les a pas démenti.
Lorsque l'on voit l'homme qui scruta dans tous ses détails l'affaire du régiment Royal-Comtois donner, quand il en a le pouvoir, de telles atteintes au jugement, dont il avait été le promoteur, On conçoit un préjugé favorable à ceux qui l'ont subi; mais un préjugé n'est lien et il reste à examiner froidement une réclamation trop grave pour dépendre d'un premier mouvement.
Je n'ai pas d'autres faits à ajouter au tableau que je viens de vous tracer; il faut maintenant vous faire part des questions que le comité s'est faites, de leur discussion et des résultats.
La réclamation est exprimée dans l'adresse qui est au frontispice du mémoire présenté à l'Assemblée.
Le despotisme, disent les soldats condamnés, avait cessé de les considérer comme coupables, mais il avait refusé de les proclamer innocents ; la proclamation de leur innocence est donc ce qu'ils attendent de vous ; revoir un procès et infirmer un jugement solennel sont donc les opérations qu'ils proposent à l'Assemblée nationale.
Mais est-il praticable d'admettre une telle revision ? Est-il dans le plan, dans les pouvoirs de l'Assemblée nationale de juger après des juges, et d'infirmer leurs sentences ? "Voilà ce que d'abord l'on se demande.
La loi est, dans une société bien constituée, pourvue d'une autorité irréfragable. Les jugements sont le moyen établi par elle, pour déclarer dans les divers accidents de la vie sociale ce qu'elle a voulu ; elle a déterminé les conditions qui lui répondent de la fidélité des jugements ; et lorsque ces conditions ont été accomplies, les jugements sont irréfragables comme la loi même qtrils déclarent.
Métaphysiquement, la loi n'est pas exempte d'erreur ; politiquement elle a le privilège de l'infaillibilité, et il s'étend aux jugements qu'elle consacre, et qui dès lors sont identifiés avec elle. Quelquefois les individus en ont reçu un dommage, mais entre ce mal qui blesse l'intérêt particulier, et l'instabilité de la loiqui tuerait l'intérêt général, il n'y a pas à balancer.
Le droit d'ordonner la revision d'un procès n'a jamais existé ; il n'y a plus de recours régulièrement, terminé par un dernier jugement, quand la loi n'en donne plus.
Je sais bien qu'en ce point, comme en beau-
coup d'autres, le fait ci-devant était mis à la place du droit ; on ordonnait des révisions, et la loi, qui n'est une puissance effective que par l'application, n'était dans l'incertitude de son application entre les hommes favorisés, souvent qu'une inutile abstraction.
Les lois que vous avez faites ne permettent plus cette versatilité. Dorénavant il est un terme pour la détermination du fait, qui est la matière d'un jugement, il est un terme pour l'application du droit qui en est le complément ; et si les conditions de la loi ont été accomplies, si elle n'autorise aucune réclamation nouvelle, le jugement ne varie plus, il est la vérité.
Mais vous avez voulu que, pour les causes que vous avez indiquées, les jugements et les actes qui les ont précédés pussent être cassés.; c'est qu'alors la loi a été violée, et cela n'a point de ressemblance avec la revision des procès. La revision s'exerce sur les procès qui existent, la cassation sur ceux qui aux yeux de la loi n'existent pas.
Ainsi la cassation est un procédé légal, et la révision une invention du pouvoir arbitraire qui se joue de tout,
Ce n'est donc pas à l'Assemblée nationale qu'il faut parler de la revision d'un procès; elle ne saurait substituer l'idée d'incertitude que produit une telle proposition à cette idée de la stabilité des jugements sans laquelle il n'y a plus de loi.
Quant à la cassation, elle est une ressource offerte aux citoyens, à l'égard desquels la loi a été violée ou dans ses formes, ou dans son expresse volonté; mais des officiers publics ont été institués pour administrer ce remède utile, et l'Assemblée nationale ne voudra pas retenir des fonctions qu'elle a départies au nom du peuple.
La revision du procès qui vous a été dénoncé est donc une vaine espérance que la loi condamne.
Et quant à la cassation, c'est un problème judiciaire qu'il n'appartient pas à l'Assemblée nationale de résoudre.
Faut-il rigoureusement conclure de là que la réclamation que nous discutons doit être rejetée? Oui, si l'on ne lui assigne étroitement pour objet que la revision ou la cassation ; mais en prenant dans toute sa latitude le dessein de ceux qui demandent justice, votre comité a aperçu des raisons de douter, et je dois les mettre sous vos yeux •
J'ai recherché ce que les réclamants pourraient espérer de la voie de la cassation en la supposant admissible; voici ce que j'ai remarqué.
La loi peut avoir été violée dans le traitement que les soldats de Royal-Comtois ont subi et dans les formes qui précédèrent la sentence.
La conviction supposée dans la sentence y est exprimée en termes vagues, je n'y trouve pas la déduction précise des faits, la détinition des délits et la détermination de leur degré; j'y puise une idée générale de procédés imputés à insubordination, et je ne saurais vérifier s'il a été fait une juste application de la loi, puisque l'objet précis de cette application m'échappe.
Il y a peut-être un moyen de cassation contre la sentence en cela même que les délits y sont exprimés indéfiniment. Il n'est pas permis aux juges de s'abriter,pour ainsi dire, sous des qualifications dont la latitude se prête à tout, et la conviction des accusés est un résultat important
qui demande la plus scrupuleuse, même la plus minutieuse exactitude.
Voilà ce qui regarde la sentence en elle-même; quant aux formes, si elles ne furent pas observées dans la recherche et l'examen des preuves, les raisons légales de crédibilité n'existèrent pas, et le jugement ne fut qu'une opinion arbitraire, désavouée par la loi dont-les conditions n'étaient pas accomplies.
Mais le procès n'existe plus; comment juger les formes dans lesquelles les preuves y furent recueillies ?
Il y aurait un principe sûr pour guider les juges ; ils diraient que les lois n'admettent pas un jugement sans une instruction, une condamnation sans un procès ; et, ne voyant qu'une sentence isolée, ils la rejetteraient comme un résultat sans motifs.
Il est un terme sans doute, après lequel l'existence d'un acte quelconque suppose suffisamment la préexistence des actes qui durent le préparer; la prescription gouverne l'action de la loi comme les transactions des citoyens, et les jurisconsultes établissent avec raison sur la longue durée d'un acte non contesté la présomption légale des formalités qui y furent nécessaires.
Mais on ne peut pas regarder comme non contesté l'acte contre lequel des reproches ont été proférés.
Mais à ce que 30 ou 40 ans opèrent, 18 ans ne peuvent suffire, et après ce court intervalle, la loi dit encore que ce qui ne paraît pas n'est pas (1).
Des juges auraient à considérer quelque chose de plus que cette conséquence implicite.
Un moyen de cassation déterminé résulterait à leurs yeux de cette étrange
confusion des fonctions de procureur du roi et de rapporteur qui se fit
sur la tête du sieur de Montbarey. Ces fonctions sont tellement
incompatibles, que le rapporteur est, lors de la visite et du jugement
du procès, le personnage essentiel, tandis que l'ordonnance de 1670,
titre XXIV, article 2, défend expressément au procureur du roi d'y
assister,
On trouverait un autre moyen de cassation justifié par le jugement même dans l'énuméra-tion des pièces examinées par les juges. L'ordre du roi, la plainte de son procureur, des interrogatoires, des récolements, des confrontations y paraissent avoir composé tout le procès. Nulles informations, nulles pièces authentiques, pas même les mémoires articulés dans le jugement comme étant en partie Je c^rps du délit, bien que l'ordonnance de 1670, titre XXV, article 5, voulût des informations ou des pièces authentiques, des preuves en un mot combinées des interrogatoires. Et puis peut-on se dissimuler que les complots d'un parti formé, que des devoirs non rendus, que des assemblées séditieuses, etc., ne peuvent être prouvés que par des témoins : qu'en particulier des témoins étaient nécessaires pour avérer la vérité ou la fausseté des 85 chefs de plainte articulés contre les chefs, et qu'il dépendait de là que les subordonnés fussent coupables ou disculpés (2).
Le procès ne paraît pas, et pofitant des moyens de cassation se produisent; voilà une difficulté levée, mais d'autres difficultés succèdent.
Le temps couru depuis la sentence de 1773 se présente encore; la cassation n'est-elle pas un remède prompt qui périt par de courts délais?
Voici ce que l'on peut répondre. Il semble que l'on ne doit pas objecter leur long silence à ceux qui n'eurent pas la faculté de le rompre; il semble qu'à côté du traitement fait au sieur de la Velanet, pour une tentative en faveur des soldats de Royal-Comtois, on ne peut guère refuser de croire à ce qu'ils déclarent des mesures prises pour étouffer leurs plaintes.
Je me disais d'abord seulement qu'ils supposaient des ordres donnés de leur enlever leurs papiers dans les prisons où ils avaient été jetés ; ensuite deux certificats qui m'ont été remis, l'un du commandant de Ham, l'autre de celui de Pierre-Encise, en me prouvant le fait à l'égard du sieur de Romeicourt, me l'ont rendu au moins vraisemblable à l'égard des autres.
Il y a donc des moyens de cassation et le temps couru n'en atténue pas la force, puisque le silence de la contrainte et de la terreur qui en a marqué l'espace ne peut être compté par la loi.
S'il y a des moyens de cassation recevables, pourquoi n'y pa3 renvoyer les réclamants? C'est ici que je me fais une dernière objection, et elle me paraît insoluble, si la puissance de l'Assemblée nationale n'y intervient.
Dans le régime de l'armée, aucun fil n'a lié jusqu'à ce jour la loi
militaire à la loi civile; si les soldats étaient les instruments du
despotisme, ils en portaient plus immédiatement les chaînes;
Si les 33 soldats dont je discute la réclamation ont, aux yeux de la loi civile, le droit de deman-dér la cassation du jugement qui les a flétris, la loi militaire ne leur permet pas d'élever la voix ; il n'y a pas même de juges auxquels il leur soit permis de s'adresser.
Sans doute, dans l'ordre nouveau que vous avez introduit, vous ouvrirez, au soldat demandant la protection de la loi, la porte de ce tribunal conservateur que vous avez institué pour surveiller les autres tribunaux ; ce que le soldat attend de votre sagesse équitable, vous ne l'avez pas fait : et cette route lui est encore fermée.
Et quand vous aurez décidé sur ce point, le moyen d'embrasser dans le bénéfice d'une loi nouvelle la réparation d'un grief consommé depuis plusieurs années 1 La loi agit sur l'avenir, elle est nulle pour ce qui l'a dévancée.
De principe en principe, j'aboutis donc à reconnaître qu'il n'existe aucun remède ordinaire auquel l'Assemblée puisse renvoyer les soldats qui- ont sollicité sa justice ; et pourtant on peut dire que la loi autorise leur sollicitation et réprouve le jugement qui est l'objet de leurs plaintes,
Il y aura donc des citoyens qui, à côté du droit de demander, justice, trouveront l'impossibilité même légale de l'obtenir. C'est à vous de voir si le nouveau régime doit comme hériter de ce reproche mérité par l'ancien ; sic'est assez qu'il n'ait pas fait la blessure, pour le laver de ce-qu'il ne la guérit pas : si, dans le passage du mal au bien, il se peut que le scrupule des formes commande, quand les formes sont insuffisantes.
On est entraîné par un penchant naturel quand on s'occupe d'une affaire de ce genre, on voudrait verser quelque baume sur une plaie que trois lustres n ont pas fermée. On croit facilement que, selon trop d'exemples, un gouvernement qui ne respectait rien a sacrifié, à des hommes en crédit, des hommes sans crédit.
Mais pour être juste, l'on doit se défier du préjugé qui tient à l'intérêt inspiré par l'infortune, et du préjugé qui tient au ressentiment conçu contre le despotisme.
C'était un étrange ingrédient de notre composition sociale que les hommes en crédit. Ils se couvraient d'un manteau magique, et cette enveloppe tenait lieu de tout; on y trouvait de la vertu pour les fripons et du mérite pour les sots; malheur à qui avait raison contre un adversaire de cette classe, souvent il était condamné, puni précisément pour avoir eu raison.
Leurs preuves, leurs moyens étaient de franches lettres de cachet et des lettres de cachet déguisées ; quelquefois un jugement, un arrêt n'était en soi qu'une lettre de cachet, une volonté arbitraire qui n'était pas rendue légitime, parce qu'elle employait des formules légitimes.
Si l'on venait à découvrir que tel fut le caractère secret du jugement, rendu en 1773 contre les 33 soldats au régiment Royal-Comtois, une grande difficulté serait aplanie.
L'Assemblée nationale n'a renvoyé ni dû renvoyer à des formalités difficiles les victimes du pouvoir arbitraire : elle a soufflé sur les traces qu'il laissait et elles ont disparu.
Ici l'on peut concevoir un scrupule. La cause des 33 soldats est liée par son opposition à celle du sieur de laMotte, cet autre soldat qui les accusa et qu'ils accusèrent, à celle du sieur Chemault qui fut impliqué dans cette affaire. Celui-ci n'est
pas présent, qui prendra sa défense? Celui-là n'est plus, ne doit-on pas respecter sa mémoire?
Cette difficulté est grave, elle veut être balancée avec attention; voici l'explication que votre comité a saisie.
Le sieur de la Motte et le sieur Chemault ne furent pas précisément les parties adverses de leurs subordonnés; l'action fut intentée au nom du roi par celui qu'il avait nommé son procureur et contre les chefs et contre les subordonnés, le sieur de la Motte subit une peine, le sieur Chemault fut seulement mis hors de cour; la réclamation des subordonnés se dirige contre l'homme du roi, son succès n'aggraverait pas les prononciations qui regardèrent les chefs; il n'y a pas une alternative nécessaire qui tienne les uns pour inculpés par l'absolution des autres. Supposez la sentence annulée, c'est un bénéfice commun, l'existence de tous ceux qu'elle nomma demeure entière.
Et puis il est tel démêlé qui se résout facilement en des pointillés où de toutes parts on s'aheurte faute de les apprécier, où l'on S'irrite d'autant plus que la cause en est moindre, où la forme de la querelle couvre la nullité du fond; et c'est ainsi qu'au premier coup d'œil le sieur de Montbarey avait jugé de cette affaire.
Dans de telles circonstances, pour faire justice, il faut également imposer silence aux partis divers; il n'y a pas de délit, il y a des fautes, des torts réciproques, une sorte de délire qu'il faut calmer.
Si l'on ne fait, en prononçant une opinion sur ce misérable et trop solennel procès, que le repla-! cer de cette manière dans son vrai point de vue, | on ne blessera ni la renommée de la partie absente ni la mémoire de la partie qui n'est plus. Pour qu'elles demeurent intactes, il n'est pas nécessaire que l'abus de pouvoir exercé contre leurs rivaux soit intact aussi (1).
Après ces réflexions, je continue mon développement.
Je soupçonne que, lorsque le sieur de la Motte dit à ses subordonnés : je vous déclare la guerre, il compta beaucoup sur son crédit.
Parmi les pièces que j'ai sous les yeux, est un certificat délivré au sieurde Romeicourt par tous ses camarades, sur la régularité de sa conduite vis-à-vis de leurs chefs ; ce certificat est daté du 30 mars 1771, et je trouve au bas les signatures des sieurs Demeaux, Surineaux, Niceville, La Cot-trye et Trébon.
Je retrouve ces cinq signatures au bas du certificat, postérieur de 3
jours, qui a été trouvé dans les bureaux du ministère ; il est opposé au
précédent, il sert de témoignage au sieur de la Motte contre le sieur de
Romeicourt. Je remarque que le mémoire à 2 colonnes du sieur de la Motte
est du 2 avril, comme ce dernier certificat : alors je me figure que le
mémoire et le certificat sont 2 chapitres de la même compilation, et
j'ai peine à n'y pas reconnaître l'intrigue d'un homme en crédit, qui,
dans son humeur, voulant mettre des apparences de son côté, obtient le
oui de ceux-là mêmes qui viennent de proférer le non.
Je ne sais que dire de ces intentions de Sa Majesté; si elles sont d'accord avec la mission ostensible, pourquoi des mesures particulières, qui ne paraissent pas et qui sont inutiles? Si elles vont en sens divers, comment qualifier les dispositions qui exigent un ordre patent et des intentions secrètes? Je vois deux lignes tracées, et pourtant il n'y en a qu'une qui aille directement à la vérité.
On pourrait en conclure,que 'dès lors tout était médite, l'indulgence pour les chefs, et le sacrifice des subordonnés, résolus.
Le sieur de Montbarey parle à ceux-ci comme le tonnerre, il arrête sur ceux là des regards de complaisance. Il déclare aux premiers qu'il les mandera, et qu'ils se rendront chez lui : il laisse tout à la disposition des autres. « Quant à vous, leur dit-il, Monsieur le lieutenant-colonel, et à vous, Monsieur le major, vous êtes les maîtres de venir tous les jours et à toutes les heures » : ce sont les termes de son discours.
Par cette diversité du ton pris au début vis-à-vis de ceux contre lesquels le sieur de Montbarey était également envoyé, le dénouement pouvait être pressenti.
Le sieur de Montbarey fit ce dont il était chargé. Il avait cru originairement que l'affaire était peu de chose en elle-même, on était parvenu à lui faire croire qu'elle était importante. On peut se représenter le compte qu'il rendit au ministre, par le résultat qui en fut mis sous les yeux du roi, lorsqu'on lui proposa la formation du conseil de guerre.
Le ministre fit un résumé en faveur des chefs et contre les subordonnés. On voit qu'il juge, et que le consèil ne sera assemblé que pour revêtir sa volonté d'un caractère. Quand le ministre a dit : ceux-là sont innocents, ceux-ci sont coupables; pense-t-on que les juges qu'il nomme après avoir dit cela soient libres de décider autrement ?
Pour ne pas s'expoèer à la contradiction, le sieur de Montbarey, dont l'opinion est formée, est nommé procureur du roi auprès du tribunal. Le procureur du roi, chargé de poursuivre au nom de la loi, aurait dû être impartial comme elle, mais il s'agissait de faire passer un jugement déjà concerté.
Ce n'est pa3 assez, il faut encore que le sieur de Montbarey soit rapporteur du tribunal. On. sait quel est, même parmi des juges exercés, l'ascendant du rapporteur ; mais le jugement dévait encore intervenir, selon ce qui avait été plus amplement expliqué des intentions de Sa Majesté, c'est-à-dire des intentions du ministre.
Quand la sentence est rendue, le ministre s'épuise en éloges sur ce travail difficile, en effet, qui mettait sur le compte de la loi sa volonté particulière.
Après l'exécution, voyez comme on craint que cette opération ne puisse soutenir des regards, quelles mesures on prend pour que l'affaire meure et le jugement reste.
Une lettre de cachet était le digne appui d'une lettre de cachet. Les soldats flétris ont trouvé dans leur infortune un ami ; on jette dans les fers l'indiscret qui a osé parler de justice quand l'autorité avait voulu.
Le despotisme qui désire toujours le silence n'avoue pas toujours son dessein ; ici il le commande ouvertement;après avoir atteint son but, il ne se donne plus la peine de se déguiser.
Des menaces pénètrent jusque dans les prisons, pour y enchaîner le ressentiment de lin-justice.
On enlève à ceux qu'on y fait gémir jusqu'à la consolation de retrouver dans quelques notes le souvenir de leur innocence, et de se rendre témoignage à eux-mêmes.
Mais quand le sort des accusés a été fixé par un jugement légitime, quand on ne craint pas le recours à l'opinion publique, on ne leur envie pas la faculté de repaître leur imagination des soins d'une inutile apologie.
Enfin le procès disparaît quand la sentence est soigneusement conservée; on semble prévoir le temps où la justice et la vérité reprendront leurs droits, et l'on a soin de leur arracher les signes, auxquels elles pourraient se faire reconnaître.
Cette suite de procédés a je ne sais quel caractère de mystérieuse précaution dont la loyauté ne s'aviserait pas : elle est étrangère à la franche exécution de la loi : les organes fidèles de la loi désirent que dans tous les temps la lumière se réfléchisse sur ce qu'ils ont fait; l'intrigue, au contraire, se cache quand elle entreprend, elle se cache encore après le succès; dans toutes ses périodes on la reconnaît à la nuit dont elle s'environne.
Telle est en dernier terme l'idée qu'a prise votre comité de l'affaire que vous l'aviez.chargé d'examiner, il y a vu un grand abus du crédit et de l'autorité.
Maintenant il ne vous proposera pas d'ordonner une revision qui lui paraît proscrite par vos principes, et que dans les siens le despotisme avait rendu impossible (1).
Il ne vous dira pas que les soldats qui ont eu recours à vous doivent être renvoyés à la voie de la cassation. Ils en auraient des moyens, mais cette voie ne leur était pas ouverte par la loi sous l'empire de laquelle ils ont été condamnés.
Ils vous dira que, de justes réclamations ne doivent pas être impuissantes devant vous.
Il vous dira que dans les ténèbres qu'il a éclairées, il a cru reconnaître un fantôme de procès et de jugement, une écorce qui recouvrait la substance d'une injustice ministérielle, d'un acte arbitraire et .illégal, d'une lettre de cachet mise grossièrement à l'ombre des formes judiciaires.
Alors il ne lui a pas été permis de douter qu'il ne fût en votre puissance, qu'il në fût dans vos devoirs et selon vos principes de tendre la main à des serviteurs de la patrie immolés par ses anciens oppresseurs.
Vous avez réparé, partout où ils vous ont été dénoncés, les maux qu'avait faits le pouvoir arbitraire ; c'est encore ce que vous avez à faire aujourd'hui; votre tâche n'est pas achevée puisque de nouvelles victimes se présentent, se plaignent à vous, vous exposent leurs droits, vous avertissent de ce que vous leur devez.
Je conclus pour le comité qu'il n'y a point de jugement contre les
soldats du régiment Royal-Comtois, puisqu'il n'y a point de procédure;
qu'il n'y a en effet qu'un acte du pouvoir arbitraire
Avant de passer au décret que je dois vous proposer, je fais une réflexion, et ne me défends pas de la communiquer à l'Assemblée.
Il avait donc des charmes puissants qui ne se montrent pas à nous, cet ancien régime qui molestait si durement ceux mêmes dont il obtient aujourd'hui les regrets !
La Révolution a rétabli, pour l'armée, ce droit qui appartient à tous, de ne dépendre que de la loi, e ne pas redouter des caprices injustes : et c'est peut-être dans l'armée que la^ Révolution trouve ses détracteurs les plus déterminés.
Etait-il donc donné au triste appât de quelques distinctions dans l'esclavage de se faire aimer par-dessus tout, d'intervertir jusqu'à l'impulsion légitime de l'amour de soi, jusqu'à l'indépendance de l'âme? La justice et la liberté cessent-elles d'être des biens désirables parce qu'elles n'admettent pas des exceptions? Quelle est donc cette manie de l'orgueil qui se plaît dans son abaissement, à la comparaison d'un abaissement plus profond, et qui ne veut pas lever fièrement la tête si toutes les têtes sont levées.
Je demanderais aux soldats qui voudraient être encore les serviteurs du despotisme, s'ils ne détestent pas l'intrigue ténébreuse à laquelle 33 braves soldats furent livrés, et quel est donc leur amour insensé pour le régime qui en permit le triomphe.
Je leur demanderais s'il existait avant la Révolution, pour les victimes de cette machination ministérielle, quelque espérance d'effacer l'injure qu'elles avaient reçue, et si c'est donc un mai-heur que le temps soit enfin venu où la justice peut se faire entendre.
Je leur demanderais où étaient les garants de leur propre existence, de leur propre honneur, où était la certitude que de pareils caprices n'attendissent pas chacun d'eux, qu'un pareil sort ne leur fût pas réservé ; et quelle illusion leur est faite quand ils hésitent entre l'humiliante incertitude de leur ancienne position et les droits assurés qui revivent pour eux dans la Constitution.
On a dit que la postérité aurait peine à croire à la rapidité des événements qui ont fait la Révolution; une grande explosion, après une fermentation longue et contrainte, aura moins de droit à l'étonner que l'aveugle Obstination de plusieurs ; elle demandera s'ils étaient Français, s'ils étaient hommes, ceux qui se sont renfoncés dans la poussière aux pieds des tyrans dont on voulait les délivrer I
PROJET DE DECRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte, que lui a fait rendre son comité militaire, de l'affaire du régiment Royal-Comtois et de la sentence rendue le 12 juillet 1773, par le- conseil de guerre assemblé pour en prendre connaissance,
« Décrète que ladite sentence est et demeure comme non-avenue. »
PIECES JUSTIFICATIVES.
N° I.
Certificat.
Nous certifions qu'à la dernière assemblée tenue chez M. de Romeicourt, ayant refusé de signer le mémoire contre MM. de laMotteetdeChemault; l'on nous dit, il est vrai, que ces faits ne sont point venus à la connaissance de tout le monde, mais étant certifiés par nos camarades, on doit les croire, ou les uns ou les autres sont indignes de porter le même parement. En outre, M. le chevalier de Maux certifie que MM. de Carrière et de Muigaud sont venus chez lui le tourmenter quoique malade, et l'engager à signer, celui-ci ayant toujours constamment refusé à signer, le dernier lui fit des menaces, M. de Surinaux certifie aussi que M. de Carrière étant venu chez lui pour lui demander les raisons pourquoi il n'avait pas voulu signer son certificat : il lui dit qu'il croyait peut-être qu'il y eut beaucoup d'officiers qui n'eussent pas signé, mais qu'il se trompait en donnant sa parole d'honneur que MM. de Maux qui avaient été les plus opiniâtres avaient signé, ce qui était faux en partie, le chevalier de Maux ne Payant pas fait.
MM. de Niceville, de la Colletrye et de Trébon ont aussi entendu les propos ci-dessus relatifs aux parements : lesquels ont été tenus par M. de Romeicourt.
A l'Ile de France, ce 2 avril 1771.
Léchevalier de Maux, le chevalier de Surinaux, de Niceville, Tiercelin, de la Colletrye, Trébon, lieutenants et sous-lieutenants au régiment Royal-Comtois.
N° II.
Ordre du roi à M. le comte de Montbarey pour le charger de Vinstruction de Vaffaire du régiment Royal-Comtois
DE PAR LE ROI.
Sa Majesté étant informée des troubles qui se sont élevés à l'Ile de France dans son régiment d'infanterie de Royal-Comtois entre les chefs de ce corps, et la plupart des officiers dudit régiment, elle a jugé à propos d'envoyer à Lille, où ledit régiment a été rassemblé par ses ordres, le sieur comte de Montbarey, maréchal de camp en ses armées, inspecteur général de son infanterie, pour, après avoir procédé à l'inspection dudit régiment, prendre connaissance des faits, s'en faire administrer les preuves, s'instruire en détail des plaintes respectives, et de leurs motifs, donner les ordres, qu'il jugera convenables, suivant les circonstances, et selon ce qui lui a été plus amplement expliqué des intentions de Sa Majesté, et rendre compte de son opération, pour, sur le tout, être statué par Sa Majesté ainsi qu'il appartiendra.
Fait à Versailles, le mars 1773.
N° III.
Lettre de M. le comte de Montbarey au ministre, où il lui mande avoir entamé l'instruction de Vaffaire du régiment Rôyal-Contois.
A Lille, le 4 avril 1773.
Monsieur le marquis, :
J'ai l'honneur de vous rendre compte que, le 1er avril, j'ai entamé l'instruction; de l'affaire,du régiment Royal-Comtois, par la notification publique des ordres du roi qui m'y autorisent. Le de par le roi a été lu au corps assemblé de Royal-Comtois, en présence de M. delà Merville, des états-majors de la ville et de la citadelle, et des états-majors et capitaines de3 grenadiers des corps de la garnison.
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint. Monsieur le marquis, le précis de ce que je leur dis à cette occasion; j'espère en cela avoir suivi la forme que vous m'avez prescrite, et j'ose vous assurer que je ne m'en écarterai pas dans tout le cours de l'instruction de cette affaire. Je crois qu'elle me mènera beaucoup plus loin que je né l'avais cru d'abord, par la multitude des chefs de plaintes et d'accusations des deux parts, et par le temps énorme que la vérification et les preuves de toutes ces plaintes doivent entraîner. Je n'entre vis-à-vis dé vous, Monsieur lé marquis, dans aucun détail, réservant le tout pour le moment où j'aurai l'honneur de vous rendre compté de ma commission dans toute son étendue ; mais je puis avoir celui de vous dire d'avance, que les deux partis sont également acharnés, échauffés et abondants dans leurs sentiments; et qu'autant que je puis juger de V affaire ingtobo, la manière avec laquelle ils l'ont traitée des deux parts, est bien plus intéressante que les faits qui y ont donné lieu.
Comme votre intention, Monsieur le marquis, est de donner un exemple de votre justice et de votre amour pour la règle, je crois suivre vos ordres en apportant la plus grande régularité dans les formes à observer dans l'instruction de cette affaire, afin que vous ne soyez dans le cas de prendre un parti qu'avec connaissance de cause, et qu'aucun des deux partis ne puisse avoir à objecter qu'il n'a pas été entendu et n'a eu le temps d'expliquer ou prouver ce qu'il a avancé; cette forme entraînera sûrement des lenteurs; mais c'est avec la plus grande résignation que je m'y voue. Ce sera à vous, Monsieur le marquis, à juger si , j'ai saisi l'esprit de vos ordres; et si j'ai mérité la confiance dont vous m'avez honoré.
Je suis avec le plus profond respect, Monsieur le marquis, votre très humble et très obéissant serviteur.
Comte de Montbarey.
N° III bis.
Précis du discours de M. le Comte de Montbarey à Messieurs les officiers du régiment Roy al-Comtois, en présence du cofnmandant de Lille et des chefs des corps de la garnison, lei0r avril
Messieurs,
Le temps qui s'est écoulé depuis mon arrivée à Lille a été employé aux détails relatifs à
l'inspection de votre régiment : Sa Majesté voulait connaître la situation dans laquelle vous étiez rentrés en France, vos besoins et l'utilité dont pouvaient lui être vos services. Cet objet est rempli : je passe à de nouvelles fonctions dont le de par le roi, qui va vous être lu, vous fera connaître l'étendue.
J'ai prié M. de la Merville, maréchal des camps, commandant à Lille, Messieurs les chefs des corps de la garnison, les états-majors de tous ce3 mêmes corps, de vouloir bien se rendre chez moi, afin qu'en entendant la lecture des ordres dont je suis dépositaire, en entendant ceux que je vais vous donner en conséquence,- ils apprissent quelle attention Sa Majesté veut apporter à la connaissance de la vérité des griefs, et plaintes respectives que vous avec formées ; afin qu'elle pût, après avoir fait examiner avec justice et impartialité; les discussions qui sont survenues entre vous, Messieurs, à l'Ile-de-France, punir avec la dernière rigueur ceux qui se trouveraient coupables.
La; publicité que vous avez donnée vous-mêmes à votre affaire, par l'indiscrétion avec laquelle vous avez répandu de part et d'autre vos mémoires, nécessite le roi à faire un exemple de justice et de rigueur.
Il vous a déjà expressément défendu, Messieurs, depuis votre débarquement, dè faire lire vos mémoires respectifs, de répandre dans la conversation avec les autres corps avec lesquels vous vous êtes trouvés, les griefs réciproques que vous pouvez avoir les uns contre les autres : cette défense vous a été renouvelée ici par M. de la Merville; malgré cela, Messieurs, je suis informé que depuis même votre séjour à Lille vous avez désobéi à cet ordre. J'en ai rendu compte au ministre, afin qu'iLprît les ordres du roi en conséquence.
J'espère que Mil. les chefs des corps de la garnison voudront bien tenir la main à ce que cela n'arrive plus désormais ; sans quoi, je serais forcé de punir cette infraction à l'ordre.
(Ici a été lu le de par le roi.)
L'autorité dont je tsuis dépositaire, et qui vous est actuellement connue, me met dans le cas de vous renouveler ici, de la part du roi, l'ordre du silence qui est imposé sur toutes vos difficultés, tant entre vous, Messieurs, qu'avec les officiers quelconques de la garnison, et même les habitants. Vous devez sentir avec quelle rigueur je sévirais contre ceux qui contreviendraient à cet ordre, à plus forte raison contre ceux qui se porteraient a des voies de fait, où à des explications sur l'affaire dont je suis chargé, ou dépendantes de l'instruction à laquelle je vais procéder.
Vous avez avancé des faits, dans vos mémoires respectifs, dont il faut m'administrer les preuves, et me démontrer la vérité; c'est de cet examen que je vais m'occuper.
Si quelques-uns ae vous, Messieurs, avaient de nouvelles plaintes à former, ils pourront m'écrire, et je leur manderai le moment où je pourrai les entendre ; mais je dois vous répéter què je ne recevrai aucune plainte si elle n est pas appuyée de ses preuves. L'affaire dont l'instruction m'est confiée est trop grave en elle-même, et par ses conséquences, pour que je puisse admettre légèrement des griefs sans preuves et sans authenticité, dont la discussion futile me ferait perdre un temps consacré à l'examen intéressant de, vos difficultés réciproques.
Tous les rapports relatifs à l'inspection; étant finis entre nous, je ferai annoncer à l'ordre ceux
de vous, Messieurs, auxquels je voudrai parler ; et je leur ferai indiquer par le même moyen le jour et fMrèjiï sf'remté chez moi.f
Quant à vous, Monsieur le lieutenant-colonel, et vous, Monsieur le major, vous êtes les maîtres d'y venir tous les jours et à toute heure.
N° IV.
Projet d'un mémoire pour le roi, sur l'affaire du régiment Royal-Comtois,
Sa Majesté est déjà instruite de la division qui règne entre les chefs et les officiers du régiment Royal-Comtois. Cette division, dont l'origine paraît être ancienne, existe surtout depuis la nomination du sieur de la Motte, aujourd'hui lieutenant-colonel, à la majorité de ce corps; elle a été assoupie pendant longtemps par les mesures que les inspecteurs et chefs de ce régiment ont prises en différentes occasions pour en prévenir l'explosion, et maintenir la discipline dans le corps. L'arrivée du sieur Chemault, major, qui avait servi, autrefois dans le régiment de Bresse, avec M. de la Moite, l'a réveillée* et elle a éclaté enfin à l'Ile-de-France par des mémoires de plaintes envoyés de part et d'âutre, à la suite d'une explication que le lieutenant-colonel a eue avec lé corps assemblé.
Le régiment a été rappelé en France et envoyé a Lille, où M. le comte de Mohibarèy s'est rendu, par ordre de Sa Majesté, pour instruire l'affaire dans tous ses détails, se faire rendre compte des plaintes respectives, s'en faire administrer les preuves, mettre enfin chaque objet dans tout son jour. Cette opération Vient d'être terminée et ne laisse rien à désirer.
Chaque parti a fourni ses chefs de plaintes, ses réponses aux plaintes du parti opposé, ses répliques aux réponses, et les preuves qu'il était en état de produire en, renouvelant ses signatures et prêtant serment sur les objets qui en étaient susceptibles.
Les griefs des officiers sont au nombre de 85. La plupart roulent sur dés punitions, dont lès chefs ne sont pas comptables envers les officiers qui les ont encourues; d'autres, plus minutieux encore, sur des manœuvres de troupes, ou ordres particuliers qu'on prétend peu conformes aux dispositions des ordonnances, mais dont les chefs sont disculpés, soit par la nature du pays ou par d'autres motifs de considération ; d'autres sur des propos, trop durs peut-être, qu'ôrlf leur reproche, mais qu'ils n'ont tenus qu'après avoir été excités en quelque sorte par la conduite des officiers à leur égard; d'autres enfin attaquent, quoique indirectement, la probité des chefs; mais ceux-ci sont blanchis entièrement par le témoignage même de leurs adversaires, qui se sont désistés de cette partie de leurs plaintes.
Les griefs des chefs, au nombre de trente, présentent, au contraire, à la chargé des officiers des traits d'insubordination marqués ; des assemblées d'officiers illicites; ét dont la preuve est acquise ; des dénégations de l'autorité des chefs ;vdes soupçons semés dans les mémoires sur la fidélité de leur manutention-, l'abus que les officiers ont fait du terme de la déclaration de guerre, dont Je lieutenant-colonel s'est servi pour leur annoncer qu'il allait se plaindre de éur conduite sans garder dorénavant de me-
sures à leur égard ; l'affectation de se séparer des chefs et de ne pas même leur rendre les devoirs d'usage; enfin l'indiscrétion que les officiers ont eue de faire copier des mémoires contre leurs chefs par des soldats, ce qui pouvait avoir des suites les plus dangereuses, et de répandre ces copies multipliées de leurs mémoires dans tout le royaume à leur arrivée en France.
La publicité de cette affaire demande que le jugement qui en sera porté soit authentique : l'importance du maintien de la discipline et la nécessité de rétablir la subordination par un exemple frappant dans les troupes où elle a souffert quelque atteinte depuis plusieurs années exigent que les Officiers du régiment Royal-Comtois qui s'en sont écartés soient punis sévèrement et d'une manière éclatante, qui en imprime à tout le militaire.
On propose à Sa Majesté d'ordonner à cet effet l'assemblée d'us conseil de guerre à Lille, qui sera composé de Messieurs :
Le comte Dumuy,lieutenant général, Président. Le comte de Chàbo, inspecteur gé-j néral de cavalerie, (Lieutenants
Le marquis de Lugeac, inspéctèurl généraux. général d'infanterie, )
Le comte de Rochambeau, inspec-] téur général d'infanterie, T;
Le comte de Caraman, inspecteur? général de cavalerie, l
Le vicomte de Sarsfield, inspec-/ Maréchaux leur général de cavalerie, I de camp.
Le baron de Viomenil, inspecteur! général des troupes légères. /
Le comte de Montbarey, maréchal de camp, inspecteur général d'infanterie, rapporteur.
N° V.
Minute de lettre du ministre.
Votre courrier m'a remis, Monsieur, le paquet contenant la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 13 de ce mois, et la sentence du conseil de guerre qui y était jointe ; le roi, à qui j'ai rendu compte sur-le-cham p, m'a chargé de Vous marquer, ainsi qu'aux officiers généraux, qui ont composé ledit conseil de guerre, qu'il est infiniment satisfait du zèle et de la fidélité avec laquelle ils ont rempli l'objet pour lequel Sa-Majesté les avait fait assembler, ainsi que de la fermeté et de la sévérité de leur jugement. Sa Majesté leur sera redevable d'un exemple qui maintiendra à l'avenir la discipline et la subordination de ses troupes.
Vous verrez, par l'instruction ci-jointe et ces pièces qui l'accompagnent, qu'en ordonnant une exécution solennelle et importante, Sa Majesté a eu égard aux différentes observations que vous avez faites.
Cette exécution sera à peu près conforme à celle qui fut faite à Metz, rour le régiment de Prémond, en 1760. Sa Majesté considérant que les juges pourraient avoir quelque répugnance à en être témoins, et voulant ménager leur délicatesse à cet égard, elle leur permet de n'y pas assister; mais l'appareil et l'importance de cette opération exigeant la présence d'un officier général muni d'une pleine autorité et dont la prudence et la fermeté soient généralement connues, elle n'a pu se dispenser de vous charger de cette commis-
sion, et elle compte qu'en la remplissant, vous lui donnerez cette preuve de plus de votre attachement pour son service..
Le suffrage du conseil de guerre n'a pu qu'augmenter la bftnne opinion que Sa Majesté avait conçue du zèle et des talents de M. le comte de Montbarey, et elle m'a chargé de lui en marquer par une lettre particulière toute sa satisfaction.
Le conseil de guerre a prononcé un sursis à l'égard du sieur de la Marinière capitaine absent ; comme cet officier doit arriver à Lille avec son détachement le 18 de ce mois, Sa Majesté s'en remet aux officiers généraux qui composent le conseil de guerre, de juger s'il n'est pas convenable de le faire interroger à son arrivée pour prononcer ensuite sur Ce qui le regarde par supplément à leur sentence du 12, et avant leur séparation, afin de ne laisser aucune suite à cette affaire.
N° VI.
Certificat du commandant de Ham.
Je soussigné commandant des villes et château de Ham, certifie que, en 1773, M. Montenard, secrétaire d'Etat au département de la guerre, m'adressa l'ordre le plus strict de m'emparer de tous les papiers du sieur Mengaud, ancien capitaine au régiment de Royal-Comtois, et de les lui envoyer sur-le-champ, ce que j'exécutai ponctuellement. Eu foi de quoi j'ai délivré le présent certificat pour servir et valoir ce que de raison.
Fait à Paris, le 5 mai 1791.
Riffon de la Bastilles.
N° VII.
Certificat du commandant de Pierre-Encise.
Nous soussignés ancien commandant et officier-major du château de Pierre-Encise, certifions qu'en vertu des ordres de M. de Monteynard, ministre de la guerre, nous avons fait la visite des papiers de M. de Romeicourt, détenu audit château et en sa présence, pour en extraire tout ce qui avait rapport à l'affaire du régiment de Royal-Comtois, qui avait été jugée par un conseil de guerre, et qu'en vertu des mêmes ordres, nous les avons adressés audit M. de Monteynard, en foi de quoi nous avons signé.
A Lyon, ce 8 mai 1791.
Bory, ancien commandant.
Paraudier, ancien aide-major.
N° VIII.
Régiment de Royal-Comtois : — Certificat du corps en faveur de M. de Romeicourt, capitaine de grenadiers.
Nous sousssignés officiers du régiment Royal-Comtois de tous les grades, certifions, envers les ministres, et tous les chefs à qui il appartiendra, que M. de Romeicourt, capitaine de grenadiers dans notre régiment, accusé par M. le chevalier de la Moite, lieutenant-colonel, pardevant les
trois plus anciens officiers de chaque grade, qu'il a fait assembler chez lui le 18 de ce moi?, d'avoir, pour la haine contre M. de Chemault, major, aigri nos esprits contre cet officier; certifions donc que M. de Romeicourt ne nous a jamais rien dit, ni provoqués contre M. de Chemault; mais qu'au contraire nous lui avons entendu dire, et vu par la conduite qu'il a tenue à son arrivée dans cette île, combien il était empressé de bien vivre avec ses chefs, et nommément avec ce dernier, quoiqu'il ne le connût pas, mais que sa conduite, ainsi que celle de M. le chevalier de la Motte, comme on le verra par le mémoire du corps, l'a obligé, ainsi que nous l'avons tous fait à se borner aux devoirs de son état, qu^il les a toujours remplis avec la plus grande honnêteté et régularité; attestons en outre que nous n'avons jamais entendu dire que cet officier ait été puni pour son service ; qu'au contraire nos colonels et inspecteurs n'en ont jamais dit que du bien, et nommément à la dernière revue d'inspection, faite par M. le comte de Montbarey au second bataillon, qu'il commandait, où cet inspecteur le combla d'éloges; qu'enfin il a toujours eu le suffrage de corps même du soldat qui lui est singulièrement attaché, en foi de quoi, et u'après ce que nous devons à l'honneur, à la justice et à la vérité, avons signé, au Port-Louis, Ile-de-France, le 30 mars 1791.
Chanron, Villancourt, chevalier de la Larrière, le chevalier la Martinière, Ladeueze, Tar-ragon, Durège, Hocard, Villa, Madhaill, Mengaud, Saint-Malo, Bouglon, Rairer, de Merux,le chevalier de Martrin,Rochmore, Desinnorens, Bony, le chevalier de Romeicourt, le chevalier Dépétit, le chevalier de Meaux, le chevalier de Cour, de Rancs, Niéville, Saint-Lary. le chevalier de Suri-neau, la Gruillière, chevalier de Villancourt, de Gessieux, le chevalier Duhoux, Bousquet, de Laugardière, Chermon, le chevalier de Saint-Géry, le chevalier Descordes, le chevalierd'AuIIetoye,Latauzière,Renaud, Foucaurt, de Leraille, Trébon.
Je m'oppose au décret que M. Chabroud vient de vous proposer au nom du comité militaire, quand bien même le jugement des officiers du régiment Royal-Comtois serait injuste, comme l'avance M. le rapporteur, cette injustice est couverte par le temps; il est delà prudence de l'Assemblée de ne pas la dévoiler après un laps de dix-huit années. (Murmures.)
Ce jugement est très légal et très juste; je demande l'ordre du jour sur le projet du comité.
appuie l'observation de M. de Folleville.
L'Assemblée a déclaré plusieurs fois qu'elle ne voulait point s'arroger les fonctions judiciaires, mais que son de voir était de faire rendre justice à tous les citoyens; elle ne peut donc pas annuler une procédure.
En conséquence, je demande que toutes les pièces et toutes les plaintes des officiers du régiment Royal-Comtois soient examinées avec soin et que l'affaire soit renvoyée devant une cour martiale pour y être fait droit, s'il y a lieu.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Chabroud et l'ajournement du projet de décret.)
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de domaines nationaux à diverses municipalités.
Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens mentionnés aux états annèxés à la minute du présent procès-verbal, aux charges, clauses et conditions portées par le décret au 14 mai 1790, savoir :
Département de l'Ain.
A la municipalité d'Ambutrix, pour..... 11,093 J. 10 s. » d.
A celle de Miribel... 54,955 14 6
A celle de Neyron... 11,968 » »
A celle de Versalieu. 2,313 5 »
A celle de Chalamont 10,474 15 »
AcelledeLoye..........36,792 5 »
Département de l'Aube.
A la municipalité de Mussy-l'Evêque....... 67,712 1. 10 s. 7 d.
Département des Gôtes-du-Nord.
A la municipalité de Lauvalley............ 40,887 1. » s. » d.
Département du Cher.
A la municipalité de Saint-Amand.......... 172,402 1. 4 s. 8 d.
A celle de Linières.. 74,621 3 10
Département d'Indre-et-Loire.
A la municipalité d'Amboise........... 494,966 1.18 s. » d.
A celle de Montbazon 44,055 » »
Département de la Meuse.
A la municipalité de la Morville. 5,021 1. 5 s. » d.
Département de la Vienne.
A la municipalité de Voulême............,- 4,612 1. 7 s. » d.
A celle de l'Isle-Jour-dain..................................2,160
Département des Bouches-du-Rhône.
A la municipalité de Pertuis...... .;...... 97,113 1. 6 s. 4 d.
A celle de Jouques.. 12,387 1 9
AcelledeNotre-Dame-de-la-Mer........................141,275. 4 »
A celle de Fourvielle 240,112 3 : »
Département de la Lozère.
A la municipalité de Marvejols............ 72,039 h 6 s. » d.
Département des Deux-Sèvres:
A la municipalité dè Saint- Roman........ 13,779 1. 19 s. 4 d.
A celle de Bouin.... 10,900 » »
Département de la Haute-Loire.
A la municipalité de Lavaudieu............ ' 49,218 l. -» s. » d.
A celle de Vieille-Brioude.............. 9,970 » »
Département de Maine-et-Loire.
A la municipalité de Saint-Just-sur-ûive — 57,598 1. 6 s. 4 d.
(Ce décret est adopté.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une note du ministre de la justice, ainsi conçue :
.« Le roi a sanctionné hier, 20 du présent moiSj les décrets fde l'Assemblée nationale, dont voici l'état :
« Décret du 12 mai, qui attribue aux officiers de la marine les mêmes honneurs et prérogatives qu'aux officiers de l'armée de terre, et qui détermine, à cet effet, les grades correspondants entre ces deux classes d'officiers.
« Décret du même jour, pour la délivrance de 150,000 livres à compté des fonds demandés pour le service du port de Cherbourg pendant l'année 1791.
« Décret du 13 dudit mois, portant suppression de l'établissement connu sous le nom de Caisse de Poissy et Sceaux, et qui résilie le bail fait aux administrateurs de cette caisse ; le tout à compter du 15 juin 1791.
« Décret du même jour, portant, entre autres dispositions, une nouvelle circonscription des garoisses des villes de Clermont, Josselin, Tulle, Qimperlé et campagnes circonvoisines.
« Décret du même jour, qui déclare nulle une décision du directoire du département des Deux-Sèvres, et l'élection du sieur Monnier à la place de quatrième juge du tribunal du district de Thouars.
« Décret du même jour, relatif à jl'administra-tion de la justice de paix dans la section du canton de Rouen, séante à Ernetal, qui fixe deux tribunaux de paix, tant à Perpignan qu'à Bastia, et des tribunaux de commerce à Pau, Bayonne, Limoux Castelnaudary, Coutances et Betvez.
« Décret du 14, relatif à la division de la gendarmerie nationale, qui portait ci-devant le nom de maréchaussée du Clermontois.
« Décret du même jour, relatif aux réparations et arrangements intérieurs dé différents bâtiments destinés à [l'établissement du directoire du département de la Meurthe, des directoires des districts de Bourmont et Nancy, et à l'établissement des bureaux de perception et magasins de la régie des droits de traite à Sarreguemines.
« Décret du 16 dudit mois, qui autorise une acquisition d'immeuble destiné a l'établissement du directoire du département de la Meuse, et permet à celui de »eine-et -Oise de se placer à i'hôtel'du grand veneur à Versailles.
« Décret du i7,- relatif à la fabrication d'une quantité de monnaie de cuivre, suffisante pour faciliter l'échange des petits assignats.
« Décret du même jour, qui charge le pouvoir exécutif de donner les ordres les plus, précis et les plus prompts pour la protection de toutes espèces de commerce, échange et circulation, et notamment de la vente ou échange des assignats contre le numéraire d'or ou d'argent.
Le ministre de. la justice transmet à M. le président les doubles minutes des [décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est la sanction du roi. »
Signé : M.-L.- F. duport.
Paris, le 21 mai 1791.
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, des diverses pièces suivantes qui lui ont été adressées de Bordeaux et qui sont relatives au décret rendu le 14 mai 1791 par l'Assemblée, au sujet des colonies :
1° Extrait du registre des délibérations de la chambre dû commerce dé la ville de Bordeaux.
« Du registre des délibérations de la chambre de commerce du département de la Gironde, séante à Bordeaux, a été extrait ce qui suit :
Du 20 mai 1791.
« Sont entrés MM. Ch. Brunaud, Bonnin, Lys, « Maccarthy, GourrejoMes; et se sont réunis à « eux, MM. Delorthe, Texier, Mossion, Gorbun, « Ducos fils, Oavillier et Yernes, commissaires « du commerce, dans la grande galerie de l'hôtel « de la Bourse, où se sont rendus MM. les négo-« ciants et marchands, chefs de maison, sur « l'invitation qui leur en a été faite pour ce jour, « à 4 heures de relevée.
« L'Assemblée étant formée, et chacun ayant « pris séance, etcr . . . . . . . .....................................
« Il a été délibéré, par l'assemblée générale « du commerce, de députer vers le directoire du « département : 1° pour le remercier d'avoir re-« quis le commissaire ordonnateur d'empêcher, « momentanément, le départ des bâtiments allant « aux colonies; 2? pour prier MM. les adminis-« trateurs d'être auprès de l'Assemblée natio-« nale, les interprètes de ses sentiments civi-« ques et de son dévouement pour l'exécution: « des décrets constitutionnels, et nommément « de celui qu'elle vient de rendre concernant les « colonies; la suppliant de compter sur tous les « moyens qui sont au pouvoir des négociants de « Bordeaux, pour assurer la paisible exécution « de ses décrets dans les colonies; la suppliant « aussi de prendre, dans sa sagesse, les mesures « les plus promptes et les plus efficaces pour « que la première nouvelle de ses décrets, qui « 'parviendra dans les colonies, n'y occasionne « aucun trouble, et pour que les propriétés et « les personnes de tous nos frères, habitant les « colonies, ne courent aucun danger.
« Délivré par moi secrétaire de ladite chambre.
« Signé : MaignÉ. »
» Nous, secrétaire général du département de la Gironde, certifions que la signature ci-dessus est celle du secrétaire de la chambre du commerce. A Bordeaux, le 21 mai 1791.
« Signé : Buhan, secrétaire général. »
2° Adresse du directoire du département de la Gironde à VAssemblée nationale.
Bordeaux, le 21 mai 1791.
Messieurs,
« Le décret que vous venez de rendre sur l'état des gens de couleur dans les colonies, intéresse tous les citoyens, puisqu'il consacre de nouveau les droits de tout homme libre, et que* si ces droits avaient été méconnus dans quelqu'une des parties de l'Empire, la liberté elle-même aurait été ébranlée. Il intéresse particulièrement ce département, puisque notre commerce, une grande partie de nos propriétés, des créances considérables sont établis sur la culture des colonies, et sont liés à leur prospérité.
« Nous attendions tout de votre sagesse; mais les efforts des ennemis de la patrie nous inquiétaient, ét c'est avec la plus grande impatience que nous désirions de savoir le résultat d'une discussion qu'on n'avait échauffée que pour combattre de nouveau la Constitution elle-même.
« La nouvelle du décret que vous avez rendu nous a été portée par un des colons député à Paris auprès de l'Assemblée nationale. Les propos qu'il tenait nous ont fait craindre qu'il ne cherchât à exciter du trouble, soit dans les colonies, soit dans cette cité elle-même. Bientôt des détails envoyés par des citoyens, amis de la patrie, nous ont appris que les députés des colonies à l'Assemblée nationale s'étaient retirés, et que leurs murmures et leurs menaces étaient portés aux derniers excès.
« Nous avons cru, Messieurs, dans une circonstance aussi pressante, devoir, provisoire* ment, suspendre le départ des navires de commerce qui se trouvaient au bas de la rivière, afin qu'ils n'y portassent pas des lettres incendiaires, des interprétations fausses de vos décrets, sans y porter, en même temps, des instructions qui en développeraient la sagesse et qui y maintiendraient l'ordre et la paix.
« Nous avons pensé que* dans une circonstance aussi importante, nous ne pourrions nous investir de trop de lumières et de trop de patriotisme; nous avons réuni auprès de nous des commissaires du district et de la municipalité. Le résultat de notre délibération, que nous avons l'honneur de vous adresser, est de vous supplier, Messieurs, de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour l'exécution de votre décret, et de vous offrir le secours des gardes nationales de ce département.
« Dans le même temps, le commerce et toutes les sociétés patriotiques de la cité s'étaient réunis, et le vœu qu'ils nous ont manifesté, est celui que nous venons d'exprimer.
« Nous vous adressons, Messieurs, la .délibération du commerce de Bordeaux:/elle est une nouvelle preuve des vertus publiques dont les négociants sont animés, et de leur dévouement, lorsqu'il s'agit de la patrie et de la liberté. Vous pouvez compter sUr ce dévouement, Messieurs; et le commerce concourra, avec toute l'énergie de ses moyens, aux mesures que votre sagesse jugera nécessaires.
« Les gardes nationales qui se trouvaient dans les sociétés patriotiques se sont empressées à nous demander d'ouvrir des registres d'inscription pour ceux qui voudraient s'offrir pour aller aux colonies, les défendre et y maintenir l'ordre
et la paix; et un autre registre pour ceux qui, par leur âge ou leur état, ne pouvant s'absenter, voudraient concourir à cette expédition patriotique, par une contribution volontaire.
« Cette inscription était commencée depuis plusieurs jours, et aussitôt que nous avons été instruits des troubles de la Martinique.
« Le général qui commandait les gardes nationales de Bordeaux, dans l'expédition de Mon-tauban, M. de Courpon, s'est offert lui-même pour commander encore celles qui iraient au delà des mers, assurer l'exécution de vos décrets, défendre la patrie, et surtout éclairer leurs frères et leurs amis sur les avantages de la liberté et la sagesse de vos lois. Ses vertus et ses talents militaires détermineront, sans doute, le roi à lui accorder une place distinguée dan3 cette expédition, et nous sollicitons pour lui cet honneur, malgré les regrets que nous aurons de le voir s'éloigner de nous.
« Les sociétés patriotiques nous ont demandé de faire connaître leur vœu à tout le département^, set c'est l'objet d'une adresse que nous publierons aujourd'hui.
« Tel est, Messieurs, l'effet de la liberté; tel est L'empire de la raison et de la justice. Il n'y a eu qu'une seule opinion dans cette vaste cité ; elle s'est manifestée de la manière la plus unanime ; tous les citoyens ont applaudi à la sagesse des décrets que vous avez rendus. Les gardes nationales s'empregsent et elles briguent comme un honneur de s'inscrire les premières. Ce spectacle intéressant, dont nous jouissons avec enthousiasme, ne peut appartenir qu'à un peuple libre ; et voilà, Messieurs, le prix le plus digne de vos travaux et de la sagesse avec laquelle vous achevez notre Constitution.
« Recevez l'hommage de notre profond respect.
« Les administrateurs composant le directoire du département de la Gironde.
« Signé : L. journu, président ; monbalon, Desbarat, Pujoulx, Larroque, A. D. Laffon. »
3° Extrait des registres des délibérations du directoire du département de la Girondé.
Du 20 mai 1791.
« Le directoire du département de la Gironde, considérant que le maintien de la tranquillité et de l'ordre public dans toutes les parties de l'Em?-. pire, intéresse particulièrement les administrateurs chargés de la confiance des peuples, a cru devoir réunir auprès de lui des commissaires du district et de la municipalité de Bordeaux, pour délibérer sur la situation des colonies et sur les troubles que pourraient y exciter de fausses in-, terprétations du décret rendu par l'Assemblée nationale, qui assure l'état des gens de couleur nés de père et mère libres. Les commissaires assembles, étant pénétrés des mêmes principes, le directoire, d'après leur vœu unanime et celui de tous les membres, arrête, ouï le procureur général syndic:
« 1° De supplier l'Assemblée nationale et le roi de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces, pour que le décret relatif aux gens de couleur dans les colonies soit exécuté sans trouble et maintenu avec toute l'autorité due aux principes de justice qui l'ont dicté.
« Que les corps administratifs témoins des preuves réitérées que les citoyens de Bordeaux ont données dé leur attachement à la Constitution, et de leur zèle pour l'exécution des lois, du patriotisme ardent avec lequel les gardes nationales ont déjà exprimé leur vœu d'aller défendre les colonies contre les ennemis de l'Etat, et d'en assurer la tranquillité par leur présence, offrent dès ce moment à l'Assemblée nationale et au roi les services de ses braves défenseurs de la patrie et de la liberté.
Pour copie, conforme au registre.
Signé : Buhan, secrétaire général.
4° Adresse de la société des amis de la Constitution de Bordeaux à VAssemblée nationale.
Bordeaux, 21 mai 1791.
« Messieurs,
« Lorsque vous avez jugé dans votre sagesse qu'il était utile, pour le maintien et l'affermissement de la Révolution, de ne pas laisse^ le droit de pétition à ces sociétés nombreuses qui pour la soutenir se 6ont formées presque en même temps dans toutes les parties de la France, la société des amis delà Constitution, de Bordeaux, a été pénétrée des vues de prudence et de justice qui vous ont dicté le décret qui ne permet désormais l'exercice de ce droit qu'aux citoyens individuellement. Mais en nous empressant, Messieurs, de prendre pour règle de notre conduite à venir, avant même qu'il nous soit connu d'une manière officielle, ce décret qui, loin de nous paraître porter atteinte à la liberté, en rend à nos yêux l'exercice plus honorable en soumettant ses moindres mouvements à la loi qui les protège; nous avons pensé qu'il ne nous ôtait pas le droit bien cher de présenter aux législateurs de la France, les expressions de notre reconnaissance, toutes les fois qu'ils ajouteraient de nouveaux bienfaits à ceux que nous leur devons déjà; c'est-à-dire toutes les fois qu'ils auraient l'occasion de tirer de nouvelles conséquences des principes sur lesquels ils ont fondé la Constitution. Nous avons pensé, Messieurs, que lorsque les cris des passions révoltées vous auraient lait entendre d'impuissantes menaces et auraient affligé votre âme sans parvenir à l'effrayer, pour vous détourner, au moins une fois, de ces principes sacrés, ce serait toujours un devoir pour les citoyens, qui, dans la méditation constante de vos lois, apprennent chaque jour à vous chérir, à vous respecter davantage, de se presser autour de vous, et de vous présenter dans les sentiments de leur cœur de justes dédommagements de la déplorable résistance, que des préjugés absurdes et barbares tenteraient vainement d'opposer au cours de votre justice.
« Çles réflexions, Messieurs, se sont présentées à nos esprits agités par la joie qu'ils ont ressentie à la nouvelle du décret solennel qui va faire sortir une partie de nos frères, de l'autre hémisphère, de l'indigne avilissement sous lequel ils gémissaient accablés depuis trop longtemps; et nous pourrions vous offrir peut-être une récompense digne de ce grand acte d'équité, en vous portant l'hommage des sentiments qu'il nous a inspirés. Oui, Messieurs, nous venons vous rendre grâce au nom de l'humanité, sans le respect de laquelle il n'est point de vertus sociales, d'avoir rendu à la vie politique des hommes que le plus odieux des préjugés en privait, au mépris des
lois même de l'Empire, rendues dans un temps où il était asservi à un despote. Nous venons vous féliciter d'avoir fermé les oreilles aux déclamations artificieuses de ces hommes gui une seule fois ont pu prendre le langage de la liberté, afin de vous faire oublier que c'étaient eux qui parlaient ; afin de vous égarer en vous persuadan t que pour les législateurs d'un peuple libre il peut y avoir d'autres intérêts, d'autre politique que d'être justes. Nous venons vous féliciter, Messieurs, d'avoir méprisé les vains sophismes de ceux qui abusant des ressources qu'ils avaient peut-être préparées en secret à leur facile dialectique, en laissant subsister le prétexte d'un doute sur l'article de l'un de vos décrets qui appelait les hommes de couleur libres à l'activité, n'ont pas craint de souiller leur carrière civique, en prétendant vous démontrer que cet article vous imposait l'obligation de renoncer à tous vos principes. Nous venons enfin vous féliciter d'avoir rejeté toutes ces prétendues considérations locales, qu'on opposait avec un orgueil si ridicule aux lumières du xviip siècle, aux droits imprescriptibles de la nature.
« Sans doute, Messieurs, vous avez-senti qu'environnés même des dangers dont on vous présentait l'appareil menaçant, vous n'auriez pu changer l'honorable mission dont vous êtes chargés, et faire servir, à consacrer le crime des préjugés, le pouvoir d'assurer par vos lois, les droits des hommes à la liberté.
« Peut-être ces dangers si fort exagérés n'existent-ils déjà que dans l'espérance de ceux qui voudraient les voir se réaliser : mais nous ne doutons pas que, pour n'avoir pas même à en redouter la possibilité, vous prendrez tous les moyens capables de les prévenir. Le patriotisme a inspiré aux vainqueurs de la Bastille, un dessein qui avait déjà été conçu par plusieurs de nos jeunes concitoyens, et il y a à peu près un mois, rassemblés dans un corps de garde où ils montaient la patrouille, en s'entretenant des malheurs que l'insubordination des troupes de ligne avait produits dans nos colonies, ils signèrent la résolution depasser les mers pour défendre vos décrets si vous jugiez ce secours nécessaire. C'est en effet, Messieurs, aux gardes nationales que vous devez confier l'exécution de vos lois dans nos colonies. Nous avons prié le directoire du département d'ouvrir une double souscription où viendraient s'inscrire, et ceux qui auront la volonté d'imiter l'acte sublime de dévouement dont la garde nationale de Paris et nos jeunes concitoyens ont conçul'idée, etceuxqui ne pouvant les suivre, voudront y concourir par les moyens que leurs facultés leur permettront d'employer. Nous vous donnons l'assurance que cette double souscription sera bientôt remplie.
« Nous avons aussi prié le directoire du département de vous offrir cette mesure comme le seul moyen d'assurer l'exécution de vos décrets à une si grande distance du lieu où vous les rendez, et de vous présenter, pour être le digne compagnon du ^hef que l'opinion publique désigne pour cette mémorable entreprise, celui qui nous retrace ses vertus dans notre cité ; c'est le même qui a dirigé l'expédition de3 Bordelais vers Montauban. Il en coûtera sans doute à la ville de Bordeaux de se priver momentanément des services de M. Gourpon ; mais ce sacrifice lui deviendra cher par l'usage qu'il en fera pour sa patrie : la plus digne récompense que vous puissiez offrir à ce brave militaire, après qua-
rante ans de services, c'est de le placer là où il peut y avoir de la gloire à acquérir.
« Le directoire du département vous rendra compte, Messieurs, des sases précautions qu'il a prises pour que la nouvelle du décret n'arrivât pas dans nos colonies, défigurée par aucune fausse interprétation. Il pourra vous dire aussi qu'au moment où elles étaient encore secrètes, une dé-putation de notre société venait lui demander de les employer ; la même chose nous est arrivée, lorsque nous nous sommes présentés au commerce assemblé, les voeux que nous venions lui exprimer étaient déjà remplis.
« Nous ne savons pas, Messieurs, s'il est quelqu'un de nos concitoyens à qui la justice que vous avez rendue aux hommes de couleur libres a coûté quelques regrets ; mais nous n'en avons aperçu aucun qui ne partageât nos sentiments; la société des amis de la Constitution était ce jour là à Bordeaux dans tous les lieux où il se trouvait des hommes rassemblés.
Nous sommes avec un prof jnd respect.
« Signé : Reinrard, ex-Président; Mailla-Garat, Secrétaire ; ducournau, Secrétaire.
« Les membres de la société des amis de la Constitution.
« Signé : DARRELET. »
Adresse du club du café national de la ville de Bordeaux à VAssemblée nationale.
Bordeaux, 21 mai, l'an II de la Liberté.
« Messieurs,
« Le décret important que vous venez de rendre dans votre sollicitude, sur la liberté plénière et l'activité des gens de couleur de nos colonies, suite naturelle des grands principes que vous avez posés pour base de notre sublime Constitution, va vous attirer, de tous les coins de l'Empire, un nouvel hommage de la part des bons citoyens et des zélés partisans de la Révolution française. C'est vous dire, en peu de mots, que la patrie entière vous doit encore des actions de grâce pour ce nouveau chef-d'œuvre. Veuillez agréer particulièrement, à cet égard, les témoignages ae notre enthousiame et de notre reconnaissance.
« Mais si les justes admirateurs de vos nobles travaux savent apprécier avec justesse toute l'étendue d'un tel bienfait, les perfides ennemis de la prospérité publique et du bonheur universel vont saisir, avec empressement, cette circonstance délicate et critique pour renverser l'ordre et la paix que vos soins paternels voudraient tant conserver. On veut allumer de nouveau la discorde civile dans nos colonies, et s'y montrer rebelles aux lois de la nation. Ces tristes nouvelles ont rempli nos cœurs de douleur et d'effroi. Dans le premier élan de notre patriotisme, nous nous sommes promptement transportés auprès des administrateurs de notre département, pour épancher dans leur sein nos vives alarmes ; et nous avons appris avec transport qu'il venait de prévenir nos désirs, en mettant un embargo sur tous les navires de notre port, prêts à partir pour l'Amérique., Cette précaution prudente pour éviter que la nouvelle de votre décret n'y fût envoyée par nos ennemis avec de fausses instructions et des avis empoisonnés, et pour nous donner le temps de préparer un antidote salutaire, leur a valu les éloges et les re-
mercîments de tous nos concitoyens bons patriotes. Nous nous sommes aussi transportés auprès de la chambre de commerce de cette ville, assemblée pour le même objet ; nous avons également reconnu, avec une extrême satisfaction, que l'unité de sentiments, l'unité d'action nous avaient tous ralliés autour de l'étendard de notre liberté. Vous recevrez en même temps, sans doute, l'expression de leurs vœux et des nôtres, et vous les trouverez uniformes. Pénétrés d'un saint respect pour la sagesse de vos lois, nous les maintiendrons de toutes nos forces. Vous pouvez donc compter, de notre part, sur une confiance et un courage inébranlables.
« L'exécution de votre nouveau décret sur les gens de couleur nous a paru demander des mesures qui ne vous sont sans doute pas échappées. Il s'agit de renverser un préjugé barbare et révoltant, mais profondément enraciné; de faire revivre dans ces climats lointains les lois de la justice et de l'égalité ; mais de changer les mœurs et l'opinion régnante : et vous aurez bien senti que pour opérer une telle révolution sans trouble et sans désordre, il faudrait envoyer sur les lieux une force suffisante pour en imposer aux malfaisants. Mais quels défenseurs choisirez-vous pour une si belle expédition? sera-ce des troupes de ligne? sera-ce des gardes nationales? C'est pour vous manifester notre vœu sur le choix de ces moyens, que nous avons pris la liberté de vous faire entendre nos voix. Aji nom de votre amour pour le bien public, au nom de toute la patrie, au nom surtout du bonheur particulier de nos colonies, nous vous conjurons d'adopter le dernier de ces deux partis. Nous sommes loin de douter de l'ardeur et du zèle de nos frères d'armes des troupes de ligne; mais nous n'avons pas, en général, la même confiance à donner à leurs chefs. Une trop funeste expérience nous a déjà plus d'une fois éclairés sur leur compte; mille exemples récents ont dû vous prouver combien la gangrène aristocratique qui tourmente les officiers, peut facilement se communiquer aux soldats. Nous ne vous citerons qu'un fait qui, s'étant passé sous nos yeux, nous a frappés davantage. Lorsque les derniers troubles survenus à Gahors obligèrent la municipalité de cette ville à solliciter près de nous des secours pour rétablir dans son sein le calme et la paix, il fut décidé d'y envoyer le second bataillon du régiment de Champagne. Personne alors n'aurait pu prévoir les suites fatales de ce départ; nous seuls avons eu Je pressentiment du malheur qui pourrait en résulter. Nous avons exposé, dans une adresse à notre départe-tement, combien des gardes nationaux rempliraient plus avantageusement une mission si délicate; mais nos réflexions étaient venues trop tard; le départ était fixé pour le lendemain matin, et Champagne se rendit à Gahors. A cette époque, aucun de nos concitoyens n'avait conçu le moindre soupçon sur les principes de ces braves camarades ; leur civisme nous était parfaitement connu; nous avions toujours tendrement fraternisé avec eux dans nos murs; la plus étroite intimité nous rendait inséparables ; et tout semblait nous garantir de leur part le succès de cette entreprise. Quelle subite métamorphose Vous avez su, Messieurs, les désordres qu'ils ont occasionnés par les insinuations perfides de leurs officiers : tant il est vrai de dire que la ma1 ligne influence d'un chef mal intentionné peut être bien dangereuse. Ce serait peut-être ici le cas de revenir encore sur l'utilité du licenciement de l'état-major de notre armée; cependant,
dans une adresse particulière, nous suivrons notre sujet.
« Daignez, Messieurs, daignez céder aux instances que ne manqueront pas de vous faire tous les vrais amis de la Constitution, et que nous vous adressons ici, tant en notre nom particulier* qu'au nom de tous les braves Bordelais dont nous sommes les organes et les interprètes. Faites passer daDS nos colonies un nombre suffisant de gardes nationales, pour y tenir eu respect tous ceux qui voudraient se montrer rebelles à la loi. Déjà la capitale vous a fait voir son empressement à partir; et Bordeaux, qui s'est toujours montré sa digne émule, va marcher encore sur ses traces. Quand il s'agira de maintenir vos décrets, tout bon Français volera, s'il le faut, au bout de l'univers. Lorsque le bruit se répandit qu?il fallait se rendre sur nos frontières, nous fûmes les premiers à faire une conscription civique et militaire, et une foule de citoyens s'empressèrent à suivre notre exemple. Nous allons la reuouveler; nous allons offrir encore à la patrie, sur un autre hémisphère, notre fortune et notre vie. Nous avons prié les administrateurs de notre département d'ouvrir des registres pour cet effet; nous y serons les premiers inscrits, et nous sommes bien convaincus que la même cause produira le même effet. Ne doutez point de l'ardeur de tous nos frères ; il se présentera plus de volontaires que le besoin n'en pourra demander; et vous ne serez embarrassés que sur les moyens d'éviter les jalousies du choix et de la préférence.
« Hâtez-vous Messieurs, d'employer les sages mesurés que prescrivent les circonstances, pour nous faire jouir en paix du fruit de vos bienfaits ; il n'y a pas un instant à perdre. Déjà nous sommes instruits que les députés des colonies ont abandonné leur poste honorable dans votre auguste Assemblée; nous apprenons que des intérêts particuliers, prévalant dans les âmes égoïstes de beaucoup de colons, sur les vues d'intérêt général, d'injustes murmures se sont élevés contre la sagesse de votre décision ; nous savons que des complots se trament, que des trahisons se préparent pour enlever à la nation des propriétés respectables. Nous sommes bien convaincus que vous ne balancerez pas d'après toutes ces puissantes considérations; et dans cette confiance, nous sommes, avec un très profond respect, Messieurs, vos très humbles serviteurs. »
« Les patriotes du club du café national de Bordeaux.
« Signé. delormel, président; lacombe, v, j. defrenne, secrétaire; durand, secrétaire ; degrange ; lalu, secrétaire. »
(La lecture de ces différentes adresses et délibération est accueillie par les plus vifs applaudissements.)
Je demande l'impression de toutes les pièces qui viennent de vous être lues ; je demande qu'elles soient insérées dan s votre procès-verbal et déposées aux archives comme un monument précieux des vertus civiques que la Constitution a développées, et que M. le président écrive au directoire du département de la Gironde et à la chambre de commerce de Bordeaux pour leur exprimer toute la satisfaction de l'Assemblée. ( Vifs Applaudissements.)
En ce qui concerne l'adresse de la société des amis de la Constitution, je crois qu'il y a assez longtemps, Messieurs, que l'on calomnie ce3 sociétés, pour que vous ne négligiez pasune occasion
aussi importante de reconnaître la pureté de leurs intentions, en ordonnant que les preuves de leur civisme / soient inscrites dans le procès -verbal de vos séances. (Applaudissements à gauche. — Murmures adroite.)
Je m'oppose à la dernière partie de la motion de M. Prieur. Vous avez, par un dér cret, interdit aux sociétés particulières le droit de faire dès n'est pas une pétition, c'est une adresse.) Je réclame l'exécution de ce décret.
Il est très important de décréter enfin les moyens d'exécution du décret rendu en faveur des hommes libres dé couleur, issus dè père et mère libres. J'appuie la motion de M. Prieur.
Un membre : Cela devient très nécessaire, surtout depuis que le commerce de Bordeaux a fait le sacrifice de retarder le départ de ses vaisseaux pour les colonies,
Je ne suis pas étonné que M. de Virieu s'oppose à une partie dé la motion que j'ai faite ; car il conclurait volontiers à ce qu'il fût défendu à tous les citoyens français d'être d'aucune société patriotique.
Oui, je pense qu'il devrait être défendu à tout citoyen français d'être d'aucune société qui, sous le titre d'amîs dè la Constitution, se permet de gêner les corps administratifs, d'influer sur leurs délibérations et d'exercer des actes d'oppression par tout lé royaume. (Murmures à gauche.)
Il n'est quëéiion ici que d'une manifestation de vertus civiques ; je suis fort étonné que le préopinant s'oppose à ce que nous consacrions le patriotisme des citoyens qui nous en donnent des preuves si évidentes, lui qui s'est si souvent efforcé de nous persuader qu'il en avait.
Je ne contesterai pas l'authenticité des adresses qui viennent d'être lues; mais je demande qu'on rende justice à toutes celles qui vous ont été envoyées pour exprimer un vœu contraire, ét qu'elles soient lues.
A droite : Oui I oui !
Toutes ces adresses dont on vous demande insidieusement, et sous une fausse allégation de justice, la lecture, tendaient à vous détourner de rendre le décret que vous avez pris, et pouvaient alors être lues. Mais aujourd'hui que la loi est faite, il n'est plus permis, la décence, le patriotisme devraient interdire à tout membre de l'As-emblée de vous en demander la lecture. Je demande la question préalable contre ces étranges amendements.
Quant à la motion de M. Prieur, je l'appuie; les actes de civisme du genre de ceux que le département de la Gironde vient de donner, méritent une mention honorable dans les travaux de l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée, repousse les amendements par l'ordre du jour et décrète que les adresses et les délibérations dont il a été donné lecture seront imprimées, annexéesau procès-ver-bal, et que le président écrira au directoire du
département de la Gironde et à là chambre du commerce de Bordeaux, pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée nationale.)
Je derftandeque l'embargo mis sur plusieurs bâtiments prêts à partir pour l'Amérique et qui nous est annoncé par le directoire du département de la Gironde soit levé. ,
Il faut renvoyer cette question au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée décrète le renvoi au pouvoir exécutif de la motion de M. Lavie.) .
J'ai reçu une lettre de M. le ministre de la marine dont je vais donner connaissance à l'Assemblée :
« Monsieur le Président,
« j'ai l'hônneur de vous adresser copié de deux lettres ; l'Unè est datée du 15 de ce mois, de M. du Chaffaud, commandant de division et le vaisseau l'Apollori, arrivant à Rochefort avec 1 bataillon du régiment ci-devant Poitou ; l'autre est en date du 14 de M. Bélisac, commandant le vaisseau le Jupiter, arrivé à Brest avec 1 bataillon du régiment ci-devant Angoulême.
11 parait que sur l'avis de M. de Blanchelonde, qui avait transmis à M. de Béthune le récit de ce qui s'était passé à Port-au-Prince dans les premiers jours de mars, ce général, de concert avec les commissaires du roi aux Iles-du-Yent, s'est empressé de faire embarq uer sur ces deux vais-séaux 2 bataillons, et que M Duchilleau, commandant du bataillon, s'etant présenté au Gap le 15 avril, M. de Blanchelonde lui a ^notifié que ses troupes étaient inutiles.
« Les pièces dont M. Duchilleau m'annonce l'envoi ne me sont pas encore parvenues.
« Je suis, avéc respect, etc.
« Signé : Thévenard. »
, secrétaire, donne lecture des 2 lettres annoncées dans la dépêche ci-dessus du ministre de la marine ; elles portent que le meilleur ordre et la discipline la plus rigoureuse régnent dans les équipages et les troupes, mais que les vaisseaux sont en insurrection à Port-au-Prince et qu'il est essentiel d'y porter un prompt secours.
L'ordre du jour est un rapport des comités diplomatique, de Constitution et d'Avignon sur la pétition d'Avignon et du comtat Venaissin pour leur réunion à la France.
, au nom des comités diplomatique, de Constitution et d'Avignon (1).
Messieurs, je viens encore, d'après les ordres formels de l'Assemblée
nationale, vous parler, au nom de la justice et de l'humanité, des
malheurs auxquels sont livrés depuis trop longtemps les habitants de
deux pays, qui, voulant la liberté et votre Constitution, n'ont, -au
lieu dé liberté, qu'une monstrueuse anarchie , au lieu de votre
Constitution, que les horreurs de la guerre civile, et qui, désirant
être Français, ont été, j'ose le dire, inhumainement repoussés par une
influence don t j'ignore les causes secrètes, mais dont le résultat a
été la destruction de plusieurs milliers d'individus, qu'un seul mot de
votre part conservait à la vie. Encore quelques jours de délai, les
On voit bien que M. le rapporteur a lu la Gazette de Paris et la Révolution de Pologne.
Monsieur le Président, je vous prie d'imposer silence au souverain des tribunes. (.Applaudissements.)
parle dans le tumulte.
, rapporteur. J'entends dire que la révolution de Pologne, cet événement glorieux qui donne une grande leçon aux princes de l'Europe et qui mérite tan t d'éloges au roi citoyen qui en a conçu le projet, n'est qu'une belle Chimère et n'existe que dans la Gazette. (Murmures.) Cependant j'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que, cette nuit, M. de Sainte-Croix, notre envoyé en Pologne, est parti pour, la Pologne, précisément à cause de la révolution...
Un membre à gauche: Vive la Pologne! (Applaudissements.)
, rapporteur... Quoi! la liberté aura pu pénétrer jusque dans .les forêts de la Lithuanie, et nous ne voudrions pas qu'elle étendît son empire sur deux peuples qui sont continuellement en contact avec elle? Non, l'Assemblée nationale n'aura pus ce reproche à se faire; elle sentira que les Avignonais et les Comtadins ont Je droit d'être libres, et qu'ils ne peuvent l'être Véritablement sans devenir Français (Murmures à droite.)... Je prouve cette assertion. (Nouveaux murmures à droite. — A gauche : A l'ordre, aris-
tocrates!)... ces peuples veulent-ils être libres, et Séparés de nous?nous les entourons nécessairement de barrières, car sans, cette mesure, leurs manufactures s'accroîtraient au détriment des nôtres, parce que à ne contribuant pas nos charges, ils pourraient fournir leurs productions à infiniment meilleur marché. On a proposé d'établir, au lieu dé barrières, un abonnement par lequel ces peuples se soumettraient à payer annuellement une certaine somme à notre tisc; mais pour que cet arrangement ne nous fût pas préjudiciable, l'abonnement devrait être tellement calculé, que les Avignonais fussent forcés à vendre un peu plus cher que nos fabricants, parce que nous devons chercher, par tous les moyens possibles, à établir la balance du commerce en ncitre faveur. Ainsi les Avignonais et les Comtadins, qui sont obligés de tirer delà France leur subsistance journalière, seraient nécessairement ruinés; car, ne trouvant pas un débit avantageux de leurs marchandises, ils ne pourraient suffire à nous payer les denrées de première nécessité.
Si, dans une autre hypothèse, ils restaient soumis au pape, le même inconvénient subsisterait quant a leur commerce; car nous serions également forcés d'établir des barrières ou un abonnement. Libres au contraire, et réunis à la France, ils rentrent dans les classes de tous les autres citoyens et profitent de tous les avantages de notre Constitution.
La liberté, sans réunion à la France, serait dônc une véritable chimère pour les Avignonais et les Comtadins,
Je ne vous rappellerai pas ici, Messieurs, les droits positifs de la France sur Avignon et le Comtat venaissin : pour ceux qui, voulant les connaître se sont donné la peine d'examiner avec impartialité les chartes, les titres et les bulles, et de faire des recherches dans l'histoire, ces droits, ainsi que je crois l'avoir prouvé dans mon premier rapport sont incontestables... (Rires à droite.)
Ceux qui ont été chez M. de Clermont-Tonnerre l'ont prouvé aussi. (A gauche : A l'ordre! à l'ordreI)
, rapporteur... mais je dois vous parler ici d'un motif bien plus puissant pour une Assemblée qui a si solennellement reconnu les droits imprescriptibles des peuples, je dois, dis-je, vous parler du vœu librer formel et légal, émis par les Avignonais, pour se réunir à la France; je dois vous dire à quelles horreurs ils sont actuellement livrés ainsi que les Comtadins; je dois vous peindre les inconvénients incalculables qui résulteraient dé la non-réunion.
Je ne parlerai pas du premier vœu formé par les Avignonais, dans le mois de juin 1790, puisqu'on m'objecte qu'il fut émis au milieu du tumulte, du désordre et du massacre de plusieurs citoyens.
Je passe aux actes subséquents. Tous renferment le vœu le plus solennel, le plus libre, le plus légal de se réunir à la France.
Le premier est un serment prêté sur la roche du Don par toutes les gardes nationales d'Avignon, et de son territoire, à la Constitution française, à la nation, à la loi et au roi; il est en date du 14 juillet, jour de la fédération générale de l'Empire français. Il fut prêté en présence de plusieurs détachements de gardes nationales des villes françaises voisines d'Avignon. Le deuxième est une lettre écrite par la municipalité d'Avignon
à l'Assemblée nationale, au nom des habitants de cette ville, pour demander la réunion. Elle est du 13 août 1790.
Le troisième est un nouveau serment des gardes nationales avignonaises, prêté sur la roche du Don, en présence de plusieurs détachements de gardes nationales françaises, en date du 5 septembre 1790 ; cet acte est revêtu de plus de x4,000 signatures.
Le quatrième est l'adhésion au serment précédent donné par les habitants de Morieresbourg dépendant d'Avignon, en date du 6 septembre.
Le cinquième est un vœu formé par les 9 sections ou districts composant l'assemblée générale des citoyens actifs d'Avignon pour se réunir à la France, et s'incorporer au département des Bouches-du-Rhône, en date du 6 octobre 1790.
Le sixième est un vœu formé par les 9 districts ou sections composant l'assemblée des citoyens actifs d'Avignon, pour se réunir à la France, et envoi de cette délibération à tous les départements du royaume, en date du 26 octobre 1790 : à cet acte est jointe une lettre d'envoi à l'Assemblée nationale.
Le septième est un vœu formé par les citoyens actifs d'Avignon, pour se réunir à la France. Il a été transmis a l'Assemblée nationale], par MM. les commissaires du roi, envoyés dans le département du Gard; à: cet acte est jointe une lettre des commissaires qui constate le vœu des Avignonais; cet acte est du 15 mars 1791.
Le huitième est une lettre des électeurs de l'assemblée électorale de Vaucluse, séante à Avignon, à l'Assemblée nationale, pour demander la réunion, en date du 18 mars 1791 : cette lettre est revêtue des signatures de tous les électeurs.
Le neuvième est une lettre de la municipalité d'Avignon à l'Assemblée nationale écrite au nom du peuple avignonais, et datée du 16 mai 1791 ; elle demande la réunion par les motifs les plus pressants, et a été lue hier matin à l'Assemblée nationale : elle est accompagnée d'une lettre au président de l'Assemblée nationale, en date du 17 mai.
Je pense. Messieurs, que les différents actes dont je viens de vous rendre compte, vous paraîtront suffisants pour constater, de la manière la plus évidente, le vœu libre, solennel et formel desAvignonais. On ne pourra pas alléguer que ce vœu ait été émis au milieu aes troubles :-car j'ai entièrement écarté tous les actes qui ont eu lieu dans le mois de juin, quoique plusieurs d'entre eux soient revêtus des formes les plus authentiques et les plus légales. Tous les troubles étaient cessés à Avignon à la fin de ce mois, et je n'ai fait mention des actes qu'à commencer du 14 juillet, époque à laquelle on avait admis ici à la grande fédération une députation des gardes nationales avignonaises : je dois observer aussi que la population d'Avignon, n'étant que de 24,000 âmes, ne donne qu'environ 4 à 5,000 citoyens actifs. Le vœu des Avignonais est encore constaté par une infinité d'actes qui vous ont été envoyés des départements et districts voisins : Orange, Valence, Aix, Nions, Château-renard, Nîmes, Marseille, Arles, Courtheson, Tarascon, etc., etc., n'ont cessé d'écrire à l'Assemblée nationale pour l'engager à prononcer sur la pétition des Avignonais, et l'avertir du danger qu'il y aurait à rejeter leur vœu.
En effet, Messieurs, les événements n'ont que trop prouvé combien les craintes des départe-
ments voisins d'Avignon étaient fondées; quels malheurs devaient entraîner le refus de prononcer une réunion tant désirée.
Les fanatiques, les ennemis du bien public, ont ourdi dans ce pays les trames les plus noires. Désespérés du concert de volontés qui commençait à régner entre les Avignonais et les Gomtadins, ils n'ont cessé de jeter les semences de la discorde, de la haine, de la jalousie et des passions les plus effrénées entre ces deux peuples. Ils ont dit à une partie des Gomtadins qu'Avignon voulait les despotiser et les ruiner; que Garpentras surtout serait anéantie si elle faisait cause commune avec Avignon. Aux habitants de celte dernière ville, ils ont dit que la majeure partie des Gomtadins étaient leurs ennemis les plus acharnés, qu'ils n'avaient d'autre intention que de les tromper, en paraissant se réunir avec eux; ils sont enfin venus à bout, ces infâmes scélérats, non seulement d'armer les Avignonais contre les Gomtadins, mais même de former plusieurs partis dans chacun de ces deux peuples; au point qu'actuellement les Gomtailins s'égorgent entre eux, et qu'il se forme plusieurs fictions parmi les Avignonais. Ce beau pays s'est tellement dévasté par les différents corps de troupes qui sont en armes, qu'il ne reste pas l'apparence de récolte sur pied. Les subsistances devenant d'une rareté extrême, chaque soldat cherche de quoi vivre à la pointe de son épée, et égorge quiconque lui refuse des aliments. La plupart des villes et bourgs du Gomtat ont été incendiées et pillées; depuis le commencement d'avril, le sang ruisselle dans ce malheureux pays; et si l'Assemblée nationale ne se détermine enfin à accéder au vœu des Avignonais, bientôt on ne rencontrera plus dans cette contrée que des cendres et des mort3. Oui, je ne crains p;is de le dire, nous serons profondément coupables aux yeux de toute la France, si nous ne prononçons pas la réunion d'Avignon. Il n'est plus temps de prendre des mesures provisoires. Si vous envoyez des troupes, avec la simple mission d'y rétablir l'ordre, c'est la guerre civile que vous allumez parmi nous-mêmes; nos troupes se battront les unes contre les autres, parce que nécessairement elles se livreront aux différents partis.
Et comment pourraient-elles résister aux pièges qui leur seront tendus, lorsque les ennemis du bien public sont parvenus à armer le frère contre le frère, les amis contre les amis, et cela non seulement dans l'espérance d'arrêter le progrès de la liberté dans Avignon et dans le Gomtat, mais bien plus encore, d'entretenir un foyer dont les flammes gagneront nécessairement line partie des déparlements voisins? En effet. Messieurs, qui d'entre vous ne sait que les Français voisins de ce pays y ont des possessions, des parents, des amis qu'ils cherchent à conserver, à défendre? Qui d'entre vous ne sait que parmi les villes, districts et départements environnants, les uns ont pris le parti des Avignonais, les autres celui des Gomtadins ; qu'ils ont mutuellement fourni des secours d'armes et de munitions aux différents partis belligérants; et que peut-être, au moment où j'ai lhonneur de vous parler, des portions des départements environnants se battent les uns contre les autres : si vous n'y portez, Messieurs, le remède le plus prompt, je ne crains pas de le dire, vous serez responsables de la guerre civile qui va s'allumer;et qu'on ne dise pas ici que je charge le tableau ; on n'a qu'à consulter les députés des départements voisins.
Je ne m'arrêterai point à combattre les opinions
qu'on a tirées de la crainte: qu'occasionnerait notre conduite aux nations étrangères; il n'en est pas une qui ne Connaisse nos droits sur Avignon; pas une qui ne sache que tôt ou tard ces deuxjpays devaient nécessairement être réunis à la France; pas une ne dira que cette réunion est une conquête; il n'y a que les gens de mauvaise foi qui peuvent répandre cette opinion; il n'y a que ceux qui ont intérêt à la guerre civile qui peuvent l'accréditer.
Au reste, Messieurs, vos comités, quoique trè3 convaincus que la grande majorité, ou l'unanimité des communes du Comtat, voulût et désirât la réunion, vos comités, dis-je, n'ayant reconnu que des vopux partiels, et non un vœu général et simultané des Comtadins, n'ont pas cru devoir persister dans le projet de réunion totale qu'ils vous avaient proposé ; ils se bornent aujourd'hui à la réunion d Avignon et de son territoire. Cette mesure juste et nécessaire fera cesser toutes les calamités et les désordres qui affligent Ces pays ; car à l'instant de la réunion, il sera ordonRé aux Avignonais de mettre bas les armes, et de cesser toutes hostilités ; il ne restera plus alors même aux. Comtadins aucun prétexte d'être en armes : personne n'aura rien à nous reprocher ; car rijbus n'aurons usé de notre droit sur Avignon, que parce que les Avignonais ont eux-mêmes émis le vœule plus formel ét le pluslégajde se réunir à nous. Nous n'en aurons pas usé envers les Comtadins, parce que respectant les droits des peuples, même contre notre intérêt, nous n'avons pas jugé que le vœu des Comtadins fût suffisamment prononcé. Vos comités vous proposent encore d'être justes envers la cour de Rome, quoique peut-être elle ne le mérite pas; (.Applaudissements à gauche ; murmures à droite.)... car ils ont pensé.qu'il fallait lui rembourser toutes indemnités qui pourraient lui être dues, et cela avec la générosité d'une grande nation, qui méprise les petites injures, et ne veut s'en rappeler que pour donner des preuves de sa justice et de sa générosité.
J'ai, en conséquence, l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant, au nom des comités diplomatique, de Constitution et d'Avignon :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon, relativement aux droits de la France sur l'Etat d'Avignon et son territoire, ainsi qu'au vœu libre, légal et solennel des Avignonais pour" se réunir à l'Empire français, décrète :
« 1° Qu'elle admet et incorpore les Avignonais dans la nation française, dont ils feront désormais partie intégrante, leur accordant tous les droits et avantages de sa Constitution ;
« 2° Que le roi sera prié de donner au ministre des affaires étrangères, tous les ordres nécessaires pour négocier, avec le pape, les indemnités qui pourraient lui être dues ;
« 3° Le roi sera également prié d'ordonner aux citoyens dudit Etat et territoire d'Avignon, de cesser tout acte d'hostilité contre les habitants du Comtat Venàissin, avec lesquels la nation française veut vivre en bonne intelligence :
« L'Assemblée nationale décrète également ;
« 1° Que nul français, sans exception, ne pourra s'immiscer dans les querelles des Comtadins, ni porter les armes pour ou contre les habitants du Comtat, sous peine d'être poursuivi comme perturbateur du repos public ;
« 2° Le roi sera prié de nommer des commis-
saires civils, lesquels se transporteront à Avignon, pour y opérer la réunion ét y rétablir l'ordre, avec plein pouvoir auxdits commissaires civils de requérir les forces, tant des gardes nationales que des troupes de ligne des départements voisins, pour faire exécuter, assurer et maintenir toutes lès dispositions du décret. » (Applaudissements.) j V .
J'ai encore, Messieurs, deux pièces à vous lire. Depuis mon arrivée à la séance, j'ai reçu de M. Delessart, ministre de l'intérieur, une lettre que voici :
« Paris, le 24 mai 1791.
« Deux citoyens d'Avignon, Monsieur, s'annon-çant comme députés de cette ville, m'ont demandé de remettre au roi une lettre qu'ils m'ont/ dit être de la municipalité d'Avignon, et ils m'ont également demandé de supplier le roi de vouloir bien la faire passer à l'Assemblée nationale. Sa Majesté, à qui j'ai présenté la lettre, m'a chargé, après en avoir pris lecture, de la remettre de sa part au comité chargé de l'affaire d'Avignon. J'ai en conséquence l'honneur, Monsieur, de vous adresser cette lettre, conformément à l'ordre du roi.
Le ministre de l'intérieur,
« Signe : delessart. »
Voici la lettre au roi :
« Sire,
« Le peuple avignonais veut être Français. 11 brûle de vivre sous l'empire des lois que vous avez sanctionnées et promulguées, de ces lois sages que vous avez juré de faire exécuter, et dont vous êtes le plus ferme appui. Sire, nous désirons ardemment d'être réunis à l'heureuse famille dont vous ête3 le chef. On nous en a arrachés de cette famille, on nous en a injustement séparés ; il est digne de Votre Majesté, Sire, il est de votre justice de nous faire restituer la place qui nous appartient, et que nous réclamons depuis si longtemps, Quel motif peut donc retenir les représentants français? Quelle peut être la'cause de ces retards accablants, de ces lenteurs effrayantes, qui nous laissent haletants entre les craintes les plus affreuses et les espérances les plus consolantes?...
Sire, vous connaissez l'état affreux où nous sommes réduits ; Votre Majesté a daigné y compatir, elle a déclaré qu'elle désirait le faire cesser : Grand roi, nous vous conjurons, au nom de l'humanité sainte, dont vous êtes l'auguste protecteur, de ne pas détourner un moment de dessus nous les regards que vous nous avez accordés. Nous sommes dignes d'intéresser le cœur paternel de Votre Majesté : Nous nous jetons dans vos bras, et nous vous supplions de faire au plutôt cesser l'horreur de notre situation. Daignez, Sire, faire cesser tous les retards ; enveloppez-nous sur-le-champ de votre puissante protection, et ne permettez pas qu'un bon peuple périsse pour vouloir redevenir Français. (Applaudisse-ments.)
« Dans tous les cas, notre volonté constante est de vivre Français, ou mourir.
Sire, de Votre Majesté, les fidèles sujets, les maire et officiers municipaux de la ville d'Avignon, Richard, maire, Coulet, officier municipal, L. Sauvan, l'aîné, officier municipal, mlel, officier municipal, J. gérard, officier municipal, Namug, no table commissaire, Descatte, notable commissaire.
« Avignon, 16 mai 1791. »
Plusieurs membres demandent l'impression du du rapport de M. deMehou et des deux lettres dont il a donné lecture.
J'y consens, à condition que la réflexion contre le pape soit rayée du rapport ?
Après avoir entendu M. le rapporteur dans cette affaire je me suis fait deux questions : M. le rapporteur a-t-il dit quelque chose à quoi nous n'eussions pas répondu d'avance. M. le rapporteur a-t-il répondu à tout ce que nous avons dit lors de son premier rapport?
Il me semble que la question est absolument au point où nous l'avons laissée lors de notre dernier décret. M. le rapporteur nous a parlé d'une influence secrète sur ce décret; il ne s'est pas expliqué; je ne m'expliquerai pas davantage sur la possibilité d'un reproche semblable sur l'amendement du lendemain. Laissons toutes ces personnalités et arrêtons-nous à la question en elle-même. Où en est cette question? une moitié est déjà perdue, de l'aveu ae M. le rapporteur. Il abandonne le vœu des communes duComtat, ce vœu sur lequel on ne se permettait pas, dans les dernières séances, des doutes que les parties intéressées avaient elles-mêmes dans le fond de leur âme, sur ces pièces qui n'étaient pas probantes, sur ces pièces qui portaient partout le caractère delà contrainte. Ne parlons donc plus du Gomtat puisqu'on en abandonne la conquête... (Murmures â gauche.)
Si les murmures qui accueillent cette dernière phrase indiquaient l'espérance d'amener, par un long circuit, à un but dont la justice écarte évidemment, j'observerais que cette arrière idée n'est pas digne de la loyauté de l'Assemblée nationale; j'observerais que les premiers actes de violence dirigent tous ceux qui les suivent jusqu'à ce que le calme parfaitement rétabli donne la possibilité d'exprimer et de recueillir un vœu légitime, j'observerais qu'en armant un parti contre l'autre en lui donnant toute la protection nationale on abandonne l'autre aux horreurs de la guerre qui y existe, et qu'il ne sera peut-être au pouvoir d'aucune puissance légitime d'arrêter; car il est des gens qui ne sont d'aucun pays, qui ne sont soumis a personne, ce sont les brigands; et vous savez, Messieurs, que l'armée qui désole AvignoD n'appartient pas à Avignon, qu'elle n'appartient qu'à ses chefs, à ces chefs qui ont fait leur apprentis sage dans nos troubles; à ces chefs qu'une réputation exécrable a suivi dans leurs anciennes conquêtes; à ces chefs qui sont un fléau et qui continueront d'être un fléau jusqu'à ce qu'ils aient disparu, je ne sais par quel moyen.....(.A gauche : par notre décret.)
M. le rapporteur vous a dit qu'Avignon était préparé à recevoir la
liberté : quelle préparation, Messieurs, que celle du 10 juin 1 Dans
quel moment, de quelle [manière cette nation s'est-elle préparée à la
liberté? Ce n'est pas ainsi que s'y sont préparés les Polonais dont on a
voulu se faire un moyen, tandis qu'ils ne sont qu'une leçon.....
(Murmures) Les Polonais ont établi chez eux ce sans quoi un peuple ne
peut pas subsister ; un gouvernement qui ait du nerf, un gouvernement
héréditaire, un gouvernement
On a abandonné le vœu du mois de juin; il était effectivement trop près des menaces qui l'avaient provoqué; mais on vous a apporté des vœux successifs; ce sont ces vœux successifs entassés dans peu de miois, prononcés devant des gardes nationales françaises, prononcés presque toujours, les armes à la main, par les factions dominantes, prononcés en l'absence d'une multitude d'habitants chassés par les violences du parti dominant, de ces émigrants, et je vous prie, Messieurs, de peser cette circonstance, de ces émigrants que l'armée àvignonaise se plaint que l'on ne traite pas avec assez de rigueur, et que la municipalité se vante d'avoir cependant dépouillés, autant qu'il a été èn elle ; de ces émigrants dont elle se vante d'avoir pris l'argent, les denrées, les effets, pour soutenir les parents des soldats servant dans l'armée avi-gnonaise. C'est en l'absence de cette partie considérable du peuple qu'ils ont émis ce vœu : cette absence n'a pas été volontaire; elle est la suite d'un acte de rigueur, d'un acte d'injustice-, elle est la suite d'une persécution continue. La main qui a frappé n'a pas un instant quitté les armes jusqu'à ce moment et depuis le premier coup porté ; jusqu'à ce que ces armes aient été quittées par elle, jusqu'à ce qu'une véritable liberté existe, on ne peut pas nous parler d'un vœu.
On ajoute à cés motifs le vœu des villes françaises; c'est plutôt une arme dans le système de ceux qui s'opposent à la réunion. Ce sont les désirs des Français de réunir à eux les Avignonais; c'est cette influence française, cette influence que nous ne pouvons méconnaître, cette influence qui existe depuis le commencement de la Révolution, qui rendra suspect aux véritables amis de la vérité tout ce qu'on vous apporte comme le vœu libre des Avignonais.
On vous parle des ennemis de l'ordre; on vous parle de3 fanatiques; on vous fait même dans cette tribune les discours qu'ils ont tenus ; mais on ne vous nomme personne; on ne vous donne aucune preuve; on ne vous cite aucune correspondance; on ne vous met sur aucune voie; on vous dit : les fanatiques ont dit ceci et cela; ils ont armé les Comtaains contre le8 Avignonais; ils ont même excité des factions dans Avignon. Qu'est-ce que c'est que ces factions dans Avignon ? Ce sont des dissentiments et ce sont des gens qui ne sont pas de l'avis d'une partie du peuple ; ce sont ceux qui ne sont point armés, qui sont opprimés parce qu'ils n'ont pas pu fuir ; ce sont ceux dont il faudrait compter les voix avec celles des émigrants, avant qu'on pût avoir un vœu libre et national.
On vous a dit encore qu'il faut les réunir parce qu'ils ne pouvaient pas être libres sans uous ; être libres sans nous! Vous avez remarqué, Messieurs, que l'on avait regardé comme un moyen les entraves que vous pourriez mettre à la liberté des Avignonais, s'ils ne voulaient pas
se réunir à vous en acceptant cette liberté. Cet argument peut être bon en politique; cet argument aurait pu être pesé dans fô .conseil d'un roi qui aurait abjuré toute idée de justice; mais je vous avoue que jé ne le discuterai pas dans la tribune des représentants de la nation française. Les Avignonais ne peuvent former un vœu que lorsque le calme sera rétabli dans leur sein..... (Aux voix! aux voix!)
On parle sans cesse du vœu des citoyens actifs; aucun acte antérieur n'a constaté dans Avignon, d'une manière positive, ni les qualités des signataires, ni leur âge, ni leur proportion avec la population. Ces actes n'ont pas été soumis à l'Assemblée nationale, ni à une discussion ; et vous vous rappelez, Messieurs, combien la discussion est funeste au prétendu vœu qu'on vous présente.
Je m'obstinerai donc à ne pas voir un vœu libre et national dans l'entassement de ceux que l'on attribue au peuple avignonais; je m'obstinerai à ne pas croire que l'on ait prouvé invinciblement les droits du roi, diplomatiquement parlant, sur Avignon, parce que M. le rapporteur, sans ré-Eondre aux objections qui lui ont été faites, s'est orné à nous aire qu'il croyait les avoir prouvés dans son dernier rapport. Je neramèuerai point la discussion sur ce point; elle est parfaitement éclaircie. Je ne vois dans ce projet du comité qu'un seul vœu, une seule vue que je voudrais conserver, un seul intérêt qui me touche véritablement : c'est celui de la cessation des troubles; mais çe vœu pour la cessation des troubles me paraît devoir être subordonné à celui de la justice; mais je désirerais des mesures qui conciliassent l'une et l'autre ; je voudrais que l'on sauvât les Avignonais de leurs propres fureurs, sans mettre au prix d'une réunion que je ne crois pas du tout utile les secours qu'on peut leur donner. Si quelques membres de l'Assemblée pro- Iiosent des mesures qui concilient en même temps e principe de la justice et le vœu de l'humanité, je m'y rendrai avec le plus grand empressement; mais je ne puis pas approuver le vœu de M. le rapporteur, le vœu des 4 comités réunis, qui regardent comme légal un vœu que je ne regarde pas comme légal; qui vous proposent froidement d'être justes avec ceux qui peut-être ne le méritent pas. Vous devez savoir que la justice appartient à tout le monde ; et c'est une expression au moins inconvenante, que M. le rapporteur s'empressera sans doute de rayer d'un rapport imprimé par vos ordres. Je conclus à la question préalable sur la réunion d'Avignon, piêt à me rendre à toutes les mesurés qui, sans prononcer celte réunion, pourraient ramener le calme dans ce pays..
Plusieurs membres de la partie gauche demandent que la discussion soit fermée.
parait à la tribune.
Je vous prie d'observer combien il serait indécent qu'au moment où l'Assemblée revient directement contre un de ses décrets, on ne pût pas démontrer que ce retour est nécessité par les motifs les plus évidents. Elle veut ici renverser un de ses décrets... (A gauche : Çéla 'n'estpas vrai I) On lui propose de renverser un de ses décrets : celte démarche, qui peut jeter une grande incertitude sur les décrets déjà rendus, ne peut être adoptée sans mettre dans la dernière évidence les raisons qui la né-
cessitent. Il est impossible que l'Assemblée ferme la discussion.
Une Assemblée législative qui craint la discussion, c'est d'une impudence sans exemple.
Je demande la parole pour prouver que la discussion ne doit pas être fermée. Il y a un nouveau rapport ; par conséquent, il faut une discussion nouvelle. Si vous ne vouliez pas nous entendre, il ne fallait pas nous appeler; et alors je déclare que nous ne prenons pas de part à la délibération.
Il faut entendre M. l'abbé Maury et je demande à lui répondre par la simple lecture d'une lettre que j'ai reçue d'Avignon.
A gauche : Li discussion est fermée!
Monsieur le Président, on persiste à ce que vous mettiez aux voix si la discussion sera fermée.
(L'Assemblée décrète que la discussion sera continuée.)
(1). Il est sans doute du devoir d'un député de vos provinces méridionales de vous exposer des faits qui doivent hâter votre décision sur la question importante qui vous occupe. Quand le feu de la guerre civile est prêt à embraser les départements qui avoisinent le Comtat venaissin, il ne m'est pas permis de garder un silence qui serait coupable. Je ne veux pas entrer dans la discussion politique de vos droits sur ce pays; vous le céderez ou vous le réunirez au royaume, vous rejetterez ou Vous accomplirez les vœux d'une ville qui a fait partie de cet Empire; vous tarirez ses larmes, ou vous la livrerez au plus affreux désespoir; mais enfin, Messieurs, vous prononcerez quelque chose, et vous la tirerez de cette incertitude qui est peut-être le pire de ses maux.
Avignon, le Comtat, les départements voisins, une foule de sociétés et de particuliers vous ont adressé des pièces qui surchargent le dépôt de votre comité, et toutes vous attestent qu'un des plus beaux pays du monde est perdu si vous ne venez à son secours. Le prince auquel .ce pays était soumis est sans force, il est éloigné, il ne peut y faire passer aucun secours sans traverser notre territoire; il peut profiter de votre oubli pour inviter des puissances étrangères à éteindre, que dis-je, à propager cet incendie.
Nos départements, étonnés de la politique dilatoire et cruelle que l'on cherche à vous inspirer, se demandent et demandent à leurs députés comment l'Assemblée nationale peut voir de sang-froid, au sein de nos provinces combustibles, deux armées en présence, grossies de déserteurs et d'Italiens, se battre avec acharnement, et ravager un pays sur lequel, la France a des droits incontestables, qui ne sera bientôt, plus qu'un tas de ruines.
"C'est le cœur oppressé des maux dont je suis instruit et de ceux que je
prévois, que j'oserai dire des vérités cruelles qui n'ont pas pu
pénétrer encore dans l'Assemblée nationale. Vous savez que deux partis
sont fortement prononcés
La calomnie dira que vous ne l'avez pas éteint., parce que vous avez voulu qu'il se propageât; elle dira que, divisés vous-mêmes comme les deux parties du Comtat, une partie d'entre vous a protégé une armée, parce qu'elle y a vu le moyen de faire une contre-révolution et de trou-blèr les provinces méridionales qu'ils croyaient susceptibles des fureurs du fanatisme, parce qu'elle a dit : c'est là le point où se réuniront les mécontents ; c'est là que fileront les prétendus déserteurs, Sardes et Piémontais; c'est là qu'après avoir grossi l'armée de Carpentras, au point de la rendre redoutable, nous mettrons entre deux feux les Provençaux et les Dauphinois renfermés entre cette armée Papale et l'armée Savoyarde. Oui, Messieurs, ces faibles Savoyards deviendront dangereux, quand une armée placée dans le cœur du royaume soutiendra leur entrée, et qu'ils n'auront qu'à se joindre pour former une armée Combinée; qu'un chef se présente alors, et la guerre civile est allumée.
Pourquoi chercher à nous aveugler, Messieurs, pourquoi ignorer ou feindre d'ignorer ce que l'on dit partout; ce que publient, ce qu'écrivent tous les départements voisins, que l'armée de Carpentras est une armée de contre-révolutionnaires, une armée italienne, un amas d'hommes rassemblés par quelques prêtres et par quelques nobles,... (A droite : Ce sont des gens vertueux que les nobles!) soutenus par des Français, comblés d'éloges par des Français, et donries défenseurs qui les soutiennent dans Ce sénat, vous font assez connaître, par le caractère des avocats, le caractère de la cause.
Faut-il vous rappel r un arrêté remarquable, pris par les chefs du camp de Jalès, lors de sa première formation, daus le mois d'août de l'année dernière? Il portait qu'il fallait s'emparer d'Avignon pour en faire une place d'armes d'où ces rebelles devaient fondre sur le département du Gard. Faut-il vous dire qu'on parle actuellement d'un rassemblement dans le département de l'Isère sous le prétexte de la religion?...
C'est faux I (Murmures.)
Vous ne voyez pas que c'est l'aumônier du camp de Jalès qui vous parle.
Le fait est attesté par une lettre des amis de la Constitution (Rires à droite,) Les journaux opposés à la Constitution publient cette nouvelle. Ils répandent que les habitants de mon pays vont secourir les Avignonais en haine du pape. Le directoire de notre département a démenti cette assertion ; mais les malveillants la soutiendront pour ressusciter la haine religieuse que vos sages décrets avaient éteinte. Ces écrivains insensés, dans leur stupidité, se décèlent eux-mêmes; ils vous disent que mes concitoyens vont combattre contre le pape. Ils avouent donc que du haut des tour3 de Carpentras, c'est le pape qui fait cette guerre. Anéantissez par un décret ces armées qui pourraient finir par vous faire la loi.
Eh! devriez-vous être surpris de voir les prêtres du Comtat former des vœux pour la contre-révolution, quand vous saurez qu'eux aussi ont à se venger de leurs pertes ecclésiastiques; l'archevêque d'Avignon et son chapitre possédaient en France des dîmes qu'ils regrettent; ils y avaient la collation de plusieurs bénéfices; plusieurs paroisses en dépendaient pour le spirituel. Le sang humain est-il trop cher aux yeux de ces hommes pour tâcher de reconquérir des objets aussi précieux?
Voyez la guerre que vous fait le prétendu souverain de ces contrées, par les bulles et les brefs, seules armes qui puissent servir sa haine; l'urgence des circonstances et le salut de la patrie seraient d'assez puissantes raisons pour vous déterminer à user de vos droits, comme les rois de France l'ont fait pour de moindres motifs. Pensez enfin, Messieurs, que ce souverain veut rompré avec vous ; qu'il refuse l'ambassadeur français ; qu'il fait à la nation le plus sanglant outrage, si cet outrage pouvait atteindre jusqu'à elle ; et qu'il est temps de relever la dignité de la nation française aux yeux des poteniats qui n'attendent que vos mesures pour vous dédaigner ou vous honorer. Mais croyez-vous que le vœu des habitants du Comtat n'est pas suffisamment émis? Prenez donc toutes les précautions que la prudence doit vous suggérer pour remédier au danger qu'il peut y avoir à laisser, au milieu de la France, uu Etat indépendant de la nation, qui fera le refuge éternel de tous les ennemis du loyaume. Pensez combien cette province peut devenir funeste à vos manufactures; avec quel avantage elle luttera contre vos établissements de commerce, et quel foyer de contrebande vous laissez au milieu de vous. Il est même difficile de prendre contre elle les précautions que vous prenez contre les Etats étrangers, parce que votre principauté d'Orange est enclavée entièrement dans le Comtat.
Observez encore que les Comtadins occupent, dans votre état civil et militaire, les postes destinés aux enfants de la patrie ; ils disent hautement : Nous sommes Français quand leur avantage particulier l'exige, et : Nous ne sommes pas Français, quand il faut supporter les charges du royaume. Si la faiblesse du conseil de nos rois ne-leur a pas permis de persister dans le dessein de réunir ce pays, api è3 qu'il y avaient exercé dans les droits de la souveraineté; exercez du moins le plus beau de ces droits ; rétablissez-y la paix; éteignez le feu qui consume vos voisins, et qui peut se communiquer
à vos possessions; et laissons au temps le loisir de démontrer combien des mesurés plus fermes seraient nécessaires. Prévenons pourtant, par de justes moyens, le dommage que peuvent éprouver nos manufactures. Arrêtons la contrebande dont cet Etat est le foyer. Empêchons que les Français, nos enfants, ne soient écartés des emplois civils et militaires par la concurrence d'hommes avides qui veulent jouir de nos droits et de l'avantage d'être Français, sans nous aider à payer les charges que nous donne ce beau privilège. Le projet de décret que j'avais à vous proposer, rentrant dans celui de votre comité, j'adopte entièrement celui-ci, à quelques modifications près, que je me réserve de vous soumettre quand il y aura lieu.
(1) Messieurs, vous avez rendu hier matin, en organisant le Gorps législatif, un décret infiniment sage. Vous avez statué coustitutionnellement que toutes les fois qu'une motion aurait été discutée et écartée par les représentants du peuple français, elle ne pourrait plus être remise en délibération, sous aucun prétexte, dans la même session. Si cette loi réglementaire, qui doit défendre nos successeurs contre les coalitions de l'intrigue et contre les infatigables poursuites de l'esprit de parti, avait été décrétée par nos prédécesseurs : que dis-je? Si l'Assemblée nationale voulait enfin se conformer à ses propres règlements, l'importune discussion qui vous occupe encore aujourd'hui ae reparaîtrait pas dans cette tribune.
C'est pour la 4e fois que nos adversaires, toujours repoussés et jamais rebutés, sont parvenus, en multipliant les rapports de plusieurs comités réunis, à renouveler les tentatives dont ils ne cessent de nous fatiguer depuis 18 mois pour nous amener à l'invasion d'Avignon et du Comtat. On veut donc vous forcer, Messieurs, d'énoncer de nouveau dans ce moment, votre vœu solennel, sur ce projet d'usurpation, aux yeux de l'Europe attentive, et peut-être impatiente de juger à son tour votre jugementI Puis-je espérer enfin, après 3 victoires si récen'es et si décisives, que ce quatrième combat sera le dernier, et que le sort de la malheureuse ville d'Avignon sera irrévocablement fixé dans cette séance? (A gauche : Oui! oui!)
Ouil oui! répondez-vous, parce que vous vous flattez d'avoir assez travaillé les esprits hors de l'Assemblée, pour conquérir enfin la majorité des voix, que vous n'avez jamais pu obtenir dans cette cause. Je prends acte, dans ce moment, de ce vœu unanime qui appelle un décret définitif. Renonçons donc tous loyalement à la misérable ressource de neutraliser la décision, en altérant le procès-verbal; et que personne ne cherche plus à gagner demain sa cause au bureau, après l'avoir perdue aujourd'hui.à la tribune.
Je ne reproduirai devant vous aucun de ces titres victorieux, aucun de
ces moyens de fond, que j'ai si souvent présentés à l'Assemblée. Je
suivrai M. le rapporteur dans la route qu'il vient de tracer devant moi.
Je vais enfin l'attaquer corps à corps, en présence de ce même peuple
qu'il a trompé par ses principes, par ses assertions, par ses sophismes,
par ses réticences, en nous débitant dirai-je un rapport, dirai-je un
roman politique, indigne de soutenir les regards
Comme c'est ici le dernier moment où je peux encore vous faire entendre la voix de la vérité et les réclamations de la justice, il faut tout dire, il faut vous faire connaître, il faut signaler aux yeux de toute la France, ces infâmes émissaires d'Avignon, qui vous demandent l'absolution de tous leurs crimes! Il faut, puisque l'intérêt de tout un peuple l'exige, il faut enfin vous dévoiler cet odieux mystère d'iniquité qui ne trouvera plus ensuite, je l'espère, ni complices, ni protecteurs dans cette Assemblée. (Murmures à gauche !)
Je vais reprendre la question au même point où je l'avais laissée, et où
je la retrouve encore, car M. le rapporteur a fait beaucoup de
mouvements sans aucun progrès; et, depuis le 4 du mois de mai, la
discussion semble aller en rétrogradant. M. de Menou, qui enveloppait
d'abord tout le Comtat dans ses projets de conquête, ne se flatte déjà
plus d'une invasion totale. Il ne nous demande plus à présent que la
seule ville d'Avignon, pour prix de ses veilles à la bibliothèque du roi
(1). C'en est assez pour apaiser cette
L'argument est en forme; et j'avoue que la liberté de nos opinions ne saurait être mieux constatée.
Accoutumé à entendre sans émotion de pareils syllogismes, j'invoque d'abord en ma faveur un principe que personne n'o-era contester. C'est une maxime universellement admise dans les tribunaux, que toutes les fois qu'un jugement a été légalement prononcé, on ne peut plus le réformer régulièrement, c'est-à-dire y ajouter ou en retrancher aucune disposition, enfin y changer un seul mot, sans le consentement formel et unanime de tous les juges qui y ont concouru, de ceux mêmes qui étaient d'un avis contraire a la majorité. Vous exercez les fonctions de législateurs, mais vous n'êtes pas au-dessus des lois. Or, vous feriez punir sévèrement une section d'un tribunal qui se permettrait la moindre altération, dans la rédaction d'un jugement rendu, la veille. Appliquons ce principe à ce qui s'est passé dans l'affaire d'Avignon et que chacun de nous se juge dans ce moment 1 (Murmures.)
M. l'abbé Maury ne tient pas parole.
Je défends et l'honneur et la gloire dus à cette Assemblée quand je
réclame le respect dû à ses décrets. (Rires ironiques à gauche.)
Interrogés en présence de la nation entière, le 4 du mois de mai, sur
cette question discutée pendant 4 jours consécutifs, dans des séances
prolongées jusqu'à 10 heures du soir : Avignon et le Gomtat font-ils, ou
ne font-ils point partie intégrante de VEmpire français! Vous avez
résolu la question ainsi posée, en vous décidant à une très grande
majorité pour la négative. Vous avez donc formellement reconnu par un
dé-
Tel est le diplôme national par lequel vous avez rendu, de votre propre mouvement, un hommage authentique à la légitime souveraineté du pape sur Avignon et sur le Comtat. J'avoue qu'il n'existe dans la bibliothèque du Vatican aucun titre plus incontestable de cette ancienne souveraineté. Vos dispositions bien connues envers le chef suprême de l'Eglise ne permettront point à l'Europe et à la postérité de vous soupçonner delà moindre partialité, lorsque vous prononcez en faveur de Pie VI, contre les prétentions de la France. C'est par l'appel nominal que votre vœu a été énoncé. Après un tel mode de délibération, le dénombrement des suffrages a manifesté ici une majorité de plus de 100 voix en faveur du Saint-Siège.
Cette forme, la plus claire, la plus précise, la plus imposante de toutes, fut admise, après de longs débats, avec le consentement unanime de tous les membres de cette Assemblée (A gauche : NonI non!)... Vous dites non : Eh bienl je vais vous répondre en trois lettres en disant oui. C'est s'avouer vaincu que d'oser nier 1 évidence. Aucune voix ne s'éleva pour s'opposer à l'appel nominal, qui se fit très paisiblement; et nos adversaires n'imaginèrent les misérables chicanes dont je vais bientôt faire justice, que lorsqu'ils se virent en minorité.
Le décret que vous avez rendu est maintenant connu dans toute l'Europe. Il a été consigné dans 200 journaux qui ne vous sont pas suspects ; et vous aurez beau altérer vos procès-verbaux, ces nombreux secrétaires qui ne sont pas à vos ordres, et qui attestent journellement ce qu'ils ont entendu, sont autant de témoins que nos adversaires ne peuvent ni récuser, ni contredire.
Dès que la minorité eut ainsi succombé, cette même minorité qui, par les ruses indécentes, qu'on appelle la tactique de l'Assemblée, a su empêcher, pendant 5 jours entiers, la majorité de repousser, par un décret, les prétentions des hommes de couleur de nos colonies, cette infatigable minorité s'assembla immédiatement après la séance, au club des Jacobins, et là on imagina d'annuler le décret relatif à l'affaire d'Avignon, en le faisant réformer le lendemain matin, à la lecture du procès-verbal.
Le rendez-vous fut donné à tous les membres de cette minorité qui composent ordinairement ici la majorité. On arrêta le plan d'attaque. On distribua les rôles, comme on les distribuerait peut-être encore demain matin, si nous obtenions aujourd'hui la majorité. M. de LaRochefoucauld-Liancourt, auquel il faut décerner toute la gloire de cette incroyable commission dont il eut l'humilité de se charger : M. de Liancourt qui avait été la veille de notre avis; M. de Liancourt qui avait acquis sans doute de grandes lumières sur le fond de la cause, en apprenant le soir que le souverain, qu'on appelait autrefois simplement le peuple, avait poursuivi, jusque dans leurs maisons, les défenseurs de la souveraineté du pape sur Avignon, en demandant leur tête à grands cris; M. de Liancourt, fidèle sujet de ce nouveau souverain, de ce souverain des tribunes, auquel je vous prie, Monsieur le Président, d'imposer silence dans ce moment, si ses huées, que je ne prendrai jamais pour des lois, continuent à m'interrompre; M. de Liancourt enfin obtint, grâce au club des Jacobins, pour le tort qu'il
avait eu la veille d'être courageusement juste; et le lendemain, il ouvrit l'avis de déclarer, -que nous n'avions rien décidé et d'anéantir ainsi notre décret, à la lecture du procès-verbal.
Voici, Messieurs, les moyens lumineux qui furent proposés pour prouver à toute l'Europe, que nous n'étions que des législateurs de première instance; que l'enregistrement de nos décrets dans le procès-verbal, en était la revision, et, pour mieux me faire entendre des tribunes, que l'Assemblée nationale n'était que le Châtelet du club des Jacobins.
On nous dit d'abord, dans un moment où l'on ne comptait pas dans la salle 100 députés, que l'appel nominal de la veille n'avait eu qu'un seul objet, savoir si l'article serait admis ou s'il serait rejeté. On avoua que l'article proposé par le comité avait été réellement rejeté; mais on prétendit que l'Assemblée n'avait rien décidé sur le fond de la question. Ce moyen fut imaginé par M. Goupil.
Mais comment ose-t-on, avec quelque pudeur, présenter un tel raisonnement à une Assemblée délibérante? Qu'avons-nous à décider? L'article proposé par le comité était conçu en ces termes : La ville d: Avignon et le Comtat-Venaissin font partie intégrante ae l'Empire français. On avait voulu modifier cette proposition, qui pénétrait jusqu'au fond de la difficulté, et qui ne permettait plus aucun retour de chicane, ni pour ni contre. Plusieurs avis avaient été ouverts pour restreindre le décret à la réunion actuelle d'Avignon et du Comtat à l'Empire français, sans que la délibération s'étendit jusqu'à la question géographique, historique et politique, si loyalement abordée par vos comités. Nos adversaires, persuadés qu'ils nous domineraient par le nombre, crurent que tous les amendements étaient des capitulations imaginées par un parti trop timide, pour aller droit au fait, en prononçant définitivement l'incorporation du Comtat au royaume de France.
En conséquence, ils pensèrent que plus la proposition serait tranchante, plus ils trouveraiént de partisans dans l'Assemblée. Après de très long débats, qui nous fatiguaient depuis plus de 3 heures; les membres du club des Jacobins demandèrent avec instance que l'appel nominal commençât, et que la proposition du comité fût admise ou rejetée à jamais. J'observais, avec beaucoup d'attention, tous les mouvements de l'Assemblée. Je cru3 voir que nos adversaires calculaient fort mal leurs positions. Je me réunis donc brusquement avec eux pour adopter le mode de délibération du comité; et je fus appuyé de confiance de tout le côté droit. L'appel nominal s'ouvrit aussitôt. 11 fut décrété, à une très grande majorité, que la ville d'Avignon et le Comtat n'étaient point partie intégrante de l'Empire français. Or, il est bien évident que nous n'avons pas pu rejeter l'article sans décider le fond, puisque le fond était l'article lui-même. On nous demandait si Avignon et le Comtat étaient partie intégrante de la France : et |la grande majorité déclara que non- ILne s'agissait pas en effet simplement d'écarter l'article, pour lui en substituer un autre; il s'agissait de terminer un grand procès national, et nous l'avons tous jugé irrévocablement.
Après cette première chicane de procureur, on nous dit que la décision de la veille était insignifiante, parce que nous n'avions décrété qu'une disposition négative, et qu'une disposition purement négative ne décidait rien. Ce commentaire fut imaginé par M. Rabaud qui croyait parler sans
doute à des écoliers que l'on éblouit par des mots qu'ils n'entendent pas, et qu'on ne comprend pas toujours bien soi-même. Puisque M. Rabaud nous ramène sur les bancs de philosophie, il faut lui apprendre que l'on dit quelquefois, argument négatif,preuves négatives, par opposition à argument positif, à preuves positives, et, dans ces phrases, le mot négatif indique l'insuffisance de la preuve. Mais le mot négatif n'a plus la même acception, quand il s'agit d'une proposition qu'il faut affirmer ou nier. Soutenir l'affirmative, ou soutenir la négative, ce n'est certainement pas rester neutre, c'est prononcer un jugement. Il y a plus, Messieurs, toute proposition négative se convertit d'elle-même en proposition affirmative, Ainsi, dans l'espèce présente, la majorité de cette Assemblée, en répondant non, a solennellement affirmé qu'Avignon et le Comtat n'étaient pas même partie intégrante de l'Empire français; et cela s'appelle, à mon avis, décider quelque chose!
Enfin on porta le délire et l'immoralité jusqu'à prétendre qu'on nous avait tendu un piège ; qu'il y aurait eu une décision si >nous avions perdu, mais qu'on n'avait rien prononcé, parce que nous avions gagné. Il faudrait peut-être ne: rien répondre à des hommes qui osent se vanter d'avoir tendu un piège à cette Assemblée. De pareilles manœuvres suffiraient pour déshonorer leurs auteurs. Mais le vrai est que s'ils bnf voulu réellement nous tendre un piège, ils y ont été pris eux-mêmes. Il ne croyaient pas que la majorité pût rejeter une proposition ainsi généralisée, en renonçant pour toujours à réclamer Avignon et le Comtat, comme partie intégrante de l'Empire français. La justice de l'Assemblée a confondu toutes leurs combinaisons. Certes, Messieurs, vos délibérations ne sont pas assurément des parties de jeu. Mais si l'on pouvait ravaler vos fonctions, jusqu'à les assimiler ainsi à un grand jeu de hasard, vous savez tous comment il faudrait traiter un joueur assez naïf pour prétendre que les coups sont nuls quand il perd, et qu'ils deviennent excellents quand il gagne. Au reste, cette théorie n'appartient heureusement à aucun de nos collègues ; elle est un sieur Tissot, qui se dit député d'Avignon à la suite de l'Assemblée nationale, et qui a eu assez d'audace pour la développer dans une lettre imprimée, à laquelle les casuistes des galères ne trouveraient pas une seule monnaie à changer si elle était datée des chiourmes de Brçst, ou de Rochefort... (.A gauche : Mais vous n'êtes pas citoyen français vous-même.)
Eh I comment les réformateurs de notre procès-verbal peuvent-ils dire que nous n'avons rien décidé positivement, quand ils n'ont eux-mêmes cessé ae répéter, dans leurs opinions, que les circonstances les plus impérieuses nous commandaient une décision prompte et définitive? Ils savent très bien que nous avons renoncé pour jamais au droit de nous emparer d'Avignon et du Comtat, sous peine de nous dénoncer à l'Europe, comme les plus odieux et les plus inconséquents des usurpateurs...
Cette proposition vous étonne? Quoil ne serait-ce done pas une usurpation, que d'envahir un territoire qui, de votre propre aveu, ne fait pas même partie intégrante de votre Empire. Ainsi, pour n'avoir pas connu la force des termes, pour s'être réduit à des ruses de guerre, ou plutôt aux misérables chicanes du barreau, nos adversaires ont laissé subsister dans le procès-verbal ce qu'ils en voulaient retrancher. Ils ont confirmé les droits du pape, en s'efforçant de les anéantir; et ils se sont interdit à jamais tout
droit sur Avignon et sur le Comtat, en voulant conserver un prétexte d'agression, par des réserves insidieuses et des commentaires absurdes, dignes des scholiastes du quatorzième siècle.
Le décret juste et sage que vous avez rendu n'a donc été réformé, ni par le fait, ni dans Je droit. L'absurdité s'est heureusement confondue elle-même, en cherchant à l'annuler. On n'osera pas dire, sans doute, que l'objet de votre délibération était de savoir si Avignon et le Comtat faisaient actuellement partie de l'Empire français, puisqu'ils en sont séparés, sans interruption, depuis 900 ans. On nous a proposé de décider si Avignon et le Comtat étaient partie intégrante de la France. Ce mot intégrante, qui se trouvait dans le projet do décret, n'est point une de ces expressions vagues, dont vous puissiez vous dis^ simuler l'énergie. Qu'est-ce en effet qu'une partie intégrante? C'est une portion d'un tout dont elle forme le complément, mais qui ne lui est point essentielle. Ainsi, un bras est une portion inférante du corps humain, parce que le corps d'un omme ne serait pas complet s'il lui manquait un bras. La tête, au contraire, est une partie essentielle de l'homme, parce que l'homme ne saurait exister sans uné tête. Vos comités vous ont donc sommé de déclarer si Avignon et le Comtat étaient partie intégrante de la France : c'est-à-dire s'ils formaiènt Te parfait complément de l'Empire français. Vous vous êtes décidés nettement pour la négative. Votre décret n'a pas été révoqué, et il n'aurait pu l'être que dans la même forme del'appel nominal qui avait manifesté légalement votre Vcéu le plus solennel.
Je demande maintenant si c'est au gré de la minorité de cette Assemblée, si c'est en l'absence de la pluralité de ses membres, si c'est à la lecture d'un procès-verbal, si c'est par des explications heureusément assez absurdes pour révolter votre propre raison, que l'on a pu dénaturer un pareil décret, sans vous dénoncer à la France entière, comme une troupe d'insensés? Pour moi, je regarde ce décret libre et raisonné, comme la reconnaissance la plus sacrée de la souveraineté du pape. C'est de vos propres mains que Pie VI à reçu cet aveu authentique, sans l'avoir sollicité, sans s'être défendu, et par un simple mouvement spontané de votre justice.
L'Assemblée nationale est incapable sans doute d'agir par surprise et de s'abaisser à de perfides subterfuges. C'est l'outrager, c'est l'avilir, que d'employer des moyens ténébreux et lâches, pour infirmer le vœu de la majorité; vœu auquel nous nous sommes soumis dains des Occasions beaucoup plus importantes; vœu dont le peuple lui-même a si bien senti toute la force et toute l'évidence, qu'il a voulu nous punir de mort, nous qu'il en regardait comme les véritables moteurs; vœu que cette multitude en délire a légalisé, aux yeux de l'Europe entière, par l'atrocité de ses menaces, qui en ont du moins attesté le vrai sens; vœu enfin que vos tribunes elles-mêmes n'oseront pas méconnaître, puisqu'elles ont voulu les sceller de notre sang, et que des hommes libres et justès ne peuvent plus ni le désavouer, ni le combattre!
Après avoir ainsi discuté le vœu de cette Assemblée, il est temps de faire comparaître, à son tour, votre rapporteur, M. de Menou, sophistique militaire, qui ne sait faire des conquêtes qu'avec des décrets. Je vais réduire avec lui, à leur juste valeur, les pétitions du peuple avignonais.
Je lui ferai grâce du principe qu'il vient d'avancer dans son rapport, que tout contrat entre le gouvernement et les gouvernés est révocable à
la volonté des derniers, vu que le peuplé conserve toujours le droit de changer à son gré son gouvernement. Ah ! ce serait faire aux peuples un présent bien funeste* que de leur accorder ce droit terrible, qui les livrerait tous les.jours à de nouvelles factions. M. de Menou s'est réfuté d'avance lui-même, quand il a reconnu que, depuis le 14 juillet dernier, les provinces du royaume, solennellement confédérées, n'avaient plusle droit de se séparer de la monarchie. Il y a donc, selon M. de Menou lui-même, un moment où le peuple qui, d'après sa doctrine, ne peut jamais aliéner sa souveraineté, n'a pourtant plus le droit de rompre le contrat de son gouvernement? Je le prie, ou je le défie de concilier cette conséquence, avec Je principe que je viens de rapporter; et je n'ai besoin que de rapprocher ses contradictions pour renverser tous ses systèmes.
Mais avant de traiter le point de fait, qui est relatif au vœu du peuple avignonais, il est une aûtre question de droit qu'il faut d'abord éclaicir, je veux parler de la souveraineté du peuple et de la prérogative qu'on lui attribue, de changer arbitrairement de gouvernement et de domination.
Qu'eshce donc, Messieurs, que la souveraineté? C'est le transport et la réunion de toutes les forces particulières, dans lés mains d'un roi ou d'un Sénat qui commande en dernier ressort, dans la société civile. Chaque individu est obligé de sacrifier à sa sûreté personnelle une portion de sa liberté. C'est l'assemblage de toutes ces portions de liberté, dans un dépôt commun, qui forme la souveraine'é, en établissant une puissance suprême, qui est à la fois la modification de la force particulière et le centre de la force publique. Il résulte de ce principe que la religion nous donne une idée vraiment grande et lumineuse de l'autorité qui régit les peuples, quand elle la fait émaner directement de la divinité. L'Etre suprême, en effet, a dû, comme auteur de l'ordre, consacrer la puissance qui maintient la société, après avoir laissé à chaque peuple le choix de la forme de gouvernement qui lui convenait le mieux.
Quand on dit que la souveraineté vient du peuplé et qu'elle réside originairement dans le peuple, il me semble qu'on ne s'entend pas toujours bien soi-même.^ Sans doute que chaque membre de la société a sacrifié, pjr le contrat social, une portion de sa liberté individuelle, puisque, sans ce sacrifice, la société, je veux dire l'union des citoyens, ne pourrait plus exister dans une agrégation d'hommes qui voudraient vivre dans.l'état de nature, et par conséquent dans un état de guerre.
Si le peuple est la source de tous les pouvoirs politiques, comme on le prétend,, le trône dans une monarchie en est le réservoir. Tous les pouvoirs émanent donc du peuple. Mais le peuple est obligé de les déléguer tous, et s'il s'en réservait un seul, il tomberait aussitôt dans la plus déplorable anarchie. La souveraineté nationale n'existe donc, au milieu d'un peuple, que parce qu'il la délègue. Le pouvoir suprême, qui n'est autre chose que la collection de forces particulières, ne réside et même n'existe nulle part, avant qu'il soit ainsi délégué : d'où il suit que cette question de souveraineté du peuple est purement métaphysique, une question insignifiante, et absolument stérile en conséquences politiques; qu'on ne peut en raisonner que par abstraction, que la souveraineté qui vient du peuple ne peut jamais retourner au peuple ; et que c'est manifestement l'égarer que de lui parler sans cesse d'un droit,
qu'il ne peut pas plus exercer que son droit primitif de propriété souveraine sur tout le territoire national. Si le peuple voulait le reprendre, au lieu de rétablir l'ordre, il B'environnerait d'un vaste chaos.
Il est pourtant très dangereux, surtout au milieu des vapeurs enivrantes de la liberté, d'investir inconsidérément l'opinion publique de ce principe abstrait de la souveraineté du peuple. Le peuple, qui ne le comprend pas, croit qu'on veut lui dire quelque chose, quand on l'avertit ainsi de la source primitive des pouvoirs. Il en conclut que personne n'a le droit de le contenir; et alors tout le monde commande dans un État, excepté le seul chef légitime. Le peuple se persuade bientôt, qu'il n'est pas de sa dignité de se soumettre à l'obéissance. Il est cependant très vrai que le peuple est intéressé lui-même à obéir et qu'il ne doit point en être humilié, parce qu'en dernière analyse, obéir dans l'ordre public, ce n'est autre chose que s'entendre. L'indépendance individuelle ne peut jamais produire qu'une épouvantable confusion, ou plutôt l'entière désorganisation du corps social.
Au reste, quelque opinion que l'on adopte sur l'origine de la souveraineté, il est impossible de livrer aux caprices du peuple le droit d'en changer arbitrairement le dépositaire. Son intérêt et ses serments l'obligent, autant que la justice elle-même, de renoncer à ce droit terrible, qui bouleverserait continuellement les Empires, et qui deviendrait ainsi le plus redoutable fléau pour tous les Etats. Toutes les obligations sont réciproques. Les peuples ont des devoirs à remplir, comme les rois eux-mêmes, puisqu'ils ont des droits; et certes, les autoriser à l'insurrection, à la révolte, à l'infidélité envers le souverain légitime qui est chargé de les gouverner : reconnaître dans le peuple, et surtout dans une section du peuple, le droit de changer ainsi de domination, sans aucun motif, sans prétexte, sans être même tenu de rendre nul compte à personne d'un pareil abusdela force, c'est tromper la multitude pour mieux la trahir, c'est se dénoncer soi-même a l'univers, comme le plus dangereux ennemi du genre humain.
Je reviens maintenant à ce vœu des Avignonais dont on ose se faire titre pour confisquer légalement la ville d'Avignon.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que le vœu des Avignonais fut solennellement discuté, l'année dernière, dans plusieurs de nos séances. On n'ose plus nous parler aujourd'hui de ce Vœu de réunion, émis le 11 du mois de juin 1790, six mois après cet autre vœu solennel des Avignonais, qui avaient renouvelé volontairement leur serment de fidélité au pape; de ce vœu que M. Tronchet avait si lumineusement discuté dans cette tribune, de ce vœu signé au pied des écha-fauds, et tracé avec le sang des plus vertueux citoyens de la ville d'Avignon. M. de Menou lui-même, qui certes n'est pas difficile en preuves, et qui nous parlait de ce vœu avec tant d'assurance, au commencement de ce mois, garde aujourd'hui un silence prudent sur ce même acte qu'il oublie à dessein. Il faut donc le lui rappeler, non pas comme un flambeau qui puisse nous éclairer dans cette discussion, mais comme un titre nul que l'on nous a produit dès l'ouverture de cette cause, dont il a nié tous les actes subséquents, qui en ont été la suite nécessaire. Tous les contrats que l'on nous présente ici sont frappés du même défaut de liberté qui déshonora cette
première délibération, .dont on n'ose plus à présent contester la nullité.
En effet. Messieurs^ depuis cette journée à I jamais déplorable, tous les citoyens honnêtes et éclairés, tous les riches habitants, tous les propriétaires qui sont les juges naturels et les véritables arbitres des résolutions publiques, tous ceux qui avaient le plus de droits d assister à ces assemblées, où l'on traitait de leurs plus grands intérêts; tous ceux qui étaient enfin les plus capables de répandre dés lumières sur les délibérations, ont été forcés de s'expatrier. Il n'a plus été possible de réunir le peuple'Avignonais, après cette dispersion désastreuse. Les assassinats, les massacres, les incendies ont tellement multiplié les émigrants, que la ville d'Avignon a été constamment réduite au tiers de sa population ordinaire.
Noh. jamais, depuis le jour qui a livré Avignon à dés étrangers et à des brigands, il n'y a ( u d'assemblée vraiment générale, vraiment libre; et par conséquent on n'a pu y émettre aucun vœu légal ou national. Aucune n'a été tenue qu'au milieu des potences, présidée que par des bourreaux, éclairée qu'à la lueur dt s torches incen diaires. Les dernières lettres qu'on vient dé nous lire, et qui nous sont adressées par cette coupable municipalité, sont visiblement l'effet de la contrainte et de la terreur. D'un autre côté, l'armée avignonaise, grossie d'une multitude de protes-testants descendus des montagnes des Cévennes...
C'est faux!
A droite : C'est vrai ! c'est vrai I
C'est une calomnie atroce que M. l'abbé Maury débite pour exciter la guerre civile ; nous avons la preuve du contraire.
M. Rabaud, ministre protestant, ose nier ce fait ? Je lui .réponds, que mon assertion est prouvée par la liste des protestants qui ont été blessés au siège de Carpentras, et qu'on a ensuite transportés à Nîmes sur des chariots, ou qui ont été déposés dans, les hôpitaux des villes voisines. En voici les procès-verbaux qui pourront rendre M. Rabaud plus circonspect dans ses dénégations, et qui l'avertiront de ne pas contrefaire ici le fanatique pour défendre des factieux dont il ne peut ignorer le secret. Des protestants blessés sont des témoins un peu embarrassants à récuser ou à excuser ; et ce fait n'explique que trop bien ce que voulait nous dire M. Camuè, dans le mois de novembre dernier, quand il affirmait, si imprudemment, qu'il existait des rapports cachés "entre les troubles de Nîmes et l'insurrection d'Avignon.
Je reviens à cette armée avignonaise, qu'il serait impossible de calomnier , et je dis que cette horde de flibustiers ne trouve plus d'asile, ni dans la Ville de Carpentras qui l'a repoussée avec tant de gloire, ni dans Je Comtat dont elle a réduit plusieurs paroisses en cendres, ni dans Avignon même dont ses crimes lui ont fermé les portes. Elle est devenue un objet d'horreur pour tous les départements voisins, qui avaient cru d'abord protéger des citoyens, et non pas un vil ramas de brigands. D'un autre côté, les infortunés habitants d'Avignon n'osent ni ouvrir leurs portes, de peur de se dévouer au pillage ou aux massacres, ni les fermer, dans la crainte d'acçé-lérer les terreurs d'une guerre civile. C'est dans ces circonstances que les officiers municipaux
ont écrit au roi et à l'Assemblée nationale pour nous conjurer à genoux de les recevoir sous notre domination : ç'est-à-dirë de les préserver tous de leurs fureurs, réciproques, de la peine due aux forfaits qui leur sont communs, et de l'échafaud qui les attend !
J'admire étrangement les artifices absurdes, que l'on emploie pour vous faire illusion dans cette cause. M. de Menou, qui connaît parfaitement les agents de la ville dont il se dit l'interprète, vient de vous parler avec beaucoup d'emphase, des citoyens actifs d'Avignon. Certes, Messieurs, le mot de citoyen actif n'existait pas dans notre langue, avant votre Constitution. C'est vous seuls gui avez décidé, par vos décrets, à quelles conditions les habitants du. royaume pourraient y exercer les droits politiques et devenir citoyens actifs. Vous avez déterminé une somme de contribution pour participer à ce privilège/ Comment donc trouve-t-on des citoyens actifs dans une ville qui, selon vos propres uécrets, ne fait pas partie intégrante de VEmpire français, d'un Empire où cette distinction civile vient d'être admise pour la première fois ? Je demande à quel titre légal on peut reconnaître les citoyens actifs de la ville d'Avignon, où l'on ne paye aucun impôt ? Je demande où est ici la base de cette activité politique-, et je supplie M. de Ménou de m'indiquer les règles qu'on a suivies à Avignon pour y faire le dénombrement des citoyens actifs? Je demande enfin si ces prétendus votants ne sont pas des étrangers, des domestiques, des soldats, de3 enfants ; et si le vœu d'Avignon pas été émis par cette classe que vos décrets ont sagement exclue du privilège des citoyens actifs?!.
Le vœu apparent de la ville d'Avignon ne peut donc avoir aucune autorité légale. La commune ne s'est jamais réunie depuis le mois de juin dernièr. Les habitants n'ont pas cessé un seul instant, depuis, cette époque, d être sous le poignard des assassins. Que devons-nous donc penser d'une municipalité composée, ou de factieux sans propriétés, ou d'étrangers sans intérêt dans cette câuse; d'une municipalité qui, sous le masque du patriotisme, cache mal son esprit de révolte; qui, par les plus viles adulations, est venue mendier, ou plutôt acheter le prix de ces forfaits, vendre les droits de son souverain légitime, d'un souverain juste et bienfaisant, pour se soustraire au dernier supplice qu'elle a mérité ; qui ose offrir à l'Assemblée nationale, en signe de soumission, ses mains teintes du sang de ses concitoyens : digne gage d'une si noble réunion à la France! De cette municipalité enfin, qui tranche du souverain, débauche nos soldats, et dont l'armée viole notre territoire, met à contribution, à feu et à sang, les villages du Comtat, en disant qu'elle veut se soumettre à notre domination, en faisant des conquêtes pour la France, avant d'être française elle-même! Ne sont-ils pas bien dignes de respect et de confiance les actes signés par de pareils chefs qui président, un poignard à la main, aux assemblées du peuple avignonais?
Peut-on, sans frissonner d'horreur, se retracer tant d'abominations, dont le scandale a retenti dans l'Europe entière ! J'épargnerai à votre sensibilité, le tableau dégoûtant de tous ces crimes qui déshonorent notre nation et notre siècle. La municipalité d'Avignon a donné des exemples de fureur, inouïs dans l'histoire des peuples les plus barbares. (Murmures.) Vous l'avez déjà rejetée trois fois, lorsque, paraissant amenée par son patriotisme, elle ne cherchait qu'un refuge dans
cette Assemblée, pour obtenir l'impunité de tontes ses félonies.
Eh bien! Messieurs, nonobstant les trois décrets qui la repoussent de votre sein, cette municipalité n'a pas craint de s'ériger en département. La ville d'Avignon et le Comtat formeraient à peine le tiers d'un département français. Le nouveau corps administratif d'Avignon ose néanmoins s'intituler fièrement, le département de Vaucluse; et certes ce n'est pas un titre sans fonctions. Ce département qui s'est institué lui-même, et dans lequel je vois de prétendus électeurs, que personne n'a légalement élus, établit et perçoit des impôts, dans tout le Comtat. Les mandats sont des lettres de change payables à vue, et tirées sur tous les propriétaires, par des voleurs de grands chemins. Vous avez vu ce département prendre une armée à sa solde, s'ériger en puissance belligérante, déclarer la guerre aux villes voisines, comme de puissance à puissance, publier des manifestes, nommer des généraux, et vexer ou proscrire dans cette belle et malheureuse contrée, tous les bons citoyens qui refusaient de devenir ses complices.
Cette armée d'assassins a assassiné elle-même son général, au lieu de le livrer au bourreau; et aussitôt elle l'a remplacé par un autre bourreau, par cet exécrable Jourdan, surnommé le coupe-tête, monstre nourri de sang, couvert de forfaits, régicide en espérance, que l'échafaud redemande à Paris, et que votre ministre de la guerre, le ministre d'un roi que ce scélérat voulut égorger, le 6 octobre 1789, laisse à la tête d'une troupe de brigands, qui poursuivent la réunion d'Avignon à la France, par des attentats si dignes d'un tel général, et d'une telle révolution.
Je dénonce encore une fois au tribunal de l'honneur et des lois, ce ministre prévaricateur, M. du Portail, qui par sa coupable condescendance, s'est rendu complice de tous les excès des Avignonais. M. du Portail s'est empressé d'arracher aux habitants de Carpentras les généreux défenseurs français qui s'étaient enfermés dans les murs de cette ville, pour la protéger contre les brigands d'Avignon. Tandis qu'il réclame avec tant ae rigueur les soldats qui se déclarent en faveur des Comtadins, il laisse dans une armée de scélérats, qui se disent sujets de la France, tous les déserteurs français, toute cette nuée de protestants, qui sont accourus des montagnes du midi, pour égorger mes compatriotes. Votre ministrede la guerre, toujours sourd à nos réquisitions, n'a jamais voulu revendiquer les déserteurs, auxquels la municipalité d'Avignon paye quarante sols par jour pour-servir de bourreaux à cette ville coupable. Il est étrange que M. du Portail, haute-r ment dénoncé par moi à votre justice, et à l'exécration de toute l'Europe, m'abandonne lâchement son honneur, en se dévouant au plus honteux silence. Il est étrange que cette responsabilité des ministres, si solennellement établie par vos décrets, ne soit plus qu'un être de raison, lorsque nous l'invoquons dans cette Assemblée ; lorsque nous demandons, à grands cris, un exemple de justice que vous nous devez. Il est étrange enfin que nos plaintes soient toujours repoussées, et qu'on ose se servir aujourd'hui de la situation où les Avignonais se sont mis eux-mêmes et de la déplorable extrémité à laquelle ils ont réduit le Gomtat, pour vous présenter cet amas de calamités , comme une^ nouvelle consécration donnée au vœu, par lequel les Avignonais demandent a été incorporés à l'Empire français.
On nous parle ici des avantages et du besoin de la paix pour légitimer cette grande injustice ? Ah! Messieurs, nous demandons tous la paix... (A gauche : Oh non I certes !) Mais les habitants du Comtat sont-ils donc sortis de leurs foyers, pour la troubler? Qu'on nous cite une seule municipalité, une seule garde nationale du Comtat, qui ait violé le territoire de la France, pour porter le fer et la flamme chez ses voisines: nous ne sommes pas les agresseurs. Hélas 1 ou le sait bien, et ce serait une singulière pitié que celle de la France, si ses représentants n'empêchaient les Avignonais de nous égorger, que, sous la condition tacite de nous asservir eux-mêmes!
La réunion d'Avignon ne serait en effet que le prélude de la réunion du Comtat. Il serait indigne de la France de s'abaisser ainsi à la ruse, pour nous conquérir en deux temps. D'ailleurs, quelle confiance pourrait vous inspirer les Avignonais, qui ont usurpé la souveraineté de leur ville, sans pouvoir vous dénoncer aucun grief, contre le prince irréprochable, sous les inquiétudes de la peur, sont intimidés eux-mêmes a présent, de celte force effrayante qui les environne. G'est là, Messieurs, le véritable mot de l'énigme, dans le rapport que vous venez d'entendre ; et ce mot n'a pu échapper à la sagacité d'aucun membre de cette Assemblée.
Ici, Messieurs, fatigué de contempler tant d'horreurs, je veux laisser respirer votre indignation et la mienne, et appeler un instant vos regards sur la ville de Carpentras. J'ai besoin de vous consoler du souvenir, et en quelque sorte de la présence des brigands, dont je raconte les attentats, en vous montrant enlin des héros citoyens. J'ai besoin de soulager vos âmes abattues, en payant un juste tribut d'amour et d'admiration à la fidélité jusqu'à présent inviolable, — puisse-t-elle l'être toujours! — à l'inébranlable constance, au courage heroïque des habitants de Carpentras. La gloire immortelle qui les environne augmente aujourd'hui le désespoir des assasins d'Avignon, redouble leurs alarmes, et accable du moins de tout le poids de la honte, des brigands inaccessible aux remords.
Si M. de Menou sépare aujourd'hui la cause d'Avignon de celle du Comtat,
ne croyez pas, Messieurs, qu'il ait attendu ce moment, pour reconnaître
1 absurdité du vœu que l'on avait arraché aux Comtadins, aux deux
époques de l'invasion, et des massacres de l'Isle du Thor et de
Cavaillon. M. de Menou qui soutenait avec tant d'intrépidité au
commencement de ce mois, la liberté et la légitimité des pétitions de
ces malheureux habitants du Comtat, lesquels se jetaient dans le sein de
la France pour y trouver un asile, comme on se précipite du haut d'un
édifice enflammé. M. de Menou connaissait dès lors l'indécente
irrégularité du vœu qu'il abandonne aujourd'hui. Quel est donc le motif
secret, je ne dis pas de ce changement d'opinion, mais de ce changement
de langage de M. le rapporteur ? Je vais vous le dire. Les Avignonais
venaient de commencer le siège de Carpentras. Cette ville que M. Bouche
appelait si burlesquement (l), le cratère de Varistocratie,
C'est ainsi que Carpenlras vous a expliqué le véritable sens du vœu qu'il avait émis d'être réuni à la France ; voeu frappé des nullités les plus révoltantes; vœu contraire à tous ses véritables intérêts et que cette ville désolée sera peut-être obligée de renouveler encore, pour invoquer votre assistance contre Avignon. Mais si cette pétition reparaît, je vous déclare d'avance, qu'elle portera toujours le même caractère de contrainte et d'illégalité, jusqu'à ce que, depuis plusieurs mois, la ville d'Avignon soit réduite à l'impossibilité de venir assiéger Carpentras.
Vous vous en souvenez, Messieurs, on ne doutait pas ici, au commencement du siège, que la ville de Carpentras ne fût emportée d'assaut par ces mêmes Avignonais qui se sont avilis, dans tous les sens, devant ses murs; et alors il aurait bien fallu que le Comtat tout entier se hâtât de capituler, à la suite de cette cité malheureuse.
La ville de Carpentras n'a heureusementehangé ni de domination ni de principes; elle est demeurée libre, elle est restée indépendante des brigands, elle s'est couverte de gloire. Alors, les Avignonais, désespérant de conquérir Carpentras, ont renoué leurs intrigues, et sont venus chercher des protecteurs dans cette Assemblée, qui avait trop légèrement compté sur leurs succès.
Prenez-nous seuls, nous ont dit leurs émissaires. Prononcez un décret de
réunion qui nous assure l'impunité de nos crimes... (A l'ordre! à
l'ordre!) L'unique argument nouveau que nous ayons à vous présenter,
c'est que nous sommes devenus infiniment plus coupables, depuis que vous
avez ajourné trois fois nos pétitions, dans une seule année; c'est qu'en
combattant en votre honneur, nous nous sommes rendus dans nos contrées,
l'horreur du genre humain; enfin c'est que nous sommes prêts à nous
armer contre Avignon même, si Avignon n'est pas réuni à la France. Oui,
nous allons y porter le fer et la flamme!Nous allons chercher notre
subsistance, en pillant, en massacrant cette même ville qui
Cette municipalité, qui a été enfin forcée de rendre ses comptes, a révolté tous les esprits, en portant en dépenses, dans un état imprimé que voici, une somme de 66,424 livres, pour l'affaire du 10 juin. : c'est-à-dire pour l'exécrable supplice de 4 citoyens vertueux qu'elle fit pendre à la porte de l'Hôtel-de-Ville, moyennant une somme de 17,000 livres par tête!
Une pareille dépense n'a point d'exemple, sans doute, dans les comptes d'une administration municipale. L'horreur qu'elle inspire révèle d'avance les plus terribles châtiments, à cette même muuicipalité qui ne craint pas d'avouer publiquement un tel crime. Le nommé Jourdan, que vous connaissez tous, par son infâme surnom de coupe-tête, tient habituellement sur son bureau une liste de proscriptions, sur laquelle on lit les noms de la plupart des officiers municipaux avignonais. Sylla, auquel je vous demande pardon ae comparer, pour un moment, un Bi infâme scélérat, le barbare Sylla ne proscrivait du moins que ses ennemis personnels. Le nommé Jourdan se charge de toutes les haines et de toutes les vengeances de ses complices. La formule de proscription est imprimée dans une feuille publique, qui circule dans toutes vos provinces méridionales. On la présente à tous les misérables qui veulent désigner leurs victimes à la mort; en voici une copie authentique; où elle est conçue en ces termes : Ceux qui voudront que les ci-après nommés soient pendus, n'auront qu'à signer. (Murmures d'indignation. Cela n'est pas possible!)
C'est ainsi, c'est avec cette horrible profanation des formes légales, que l'armée avignonaise exerce une souveraineté malheureusement trop connue en France, la souveraineté du brigandage. Le maire d'Avignon est à la tête des proscrits. Que dis-je? la ville d'Avignon tout entière est condamnée au pillage, elle va être assiégée par cette même armée qui n'a pu conquérir Carpentras. Ce sera donc Avignon même que vous sauverez, en ordonnant à ces ennemis du genre humain de mettre bas les armes. Si vous rejetez irrévocablement la requête forcée des Avignonais; si vous déclarez solennellement que toute violation du territoire français, par des hommes armés, sera punie comme un crime de lèse-nation, aussitôt, je le prédis hautement, oui, une heure après que votre décret sera parvenu dans le Comtat, l'armée de Jourdan sera dispersée, et Avignon sera tranquille. Avignon n'attend que la paix, la paix ! et ce ne sont pas les bons citoyens qui la troublent. Ne vous y trompez pas, Messieurs, ce n'est plus leur réunion à la France, c'est votre protection qu'invoquent les Avignonais. Je les connais bien ; et j'ose vous répondre
qu'au moment où ils n'auront plus rien à craindre, ils cesseront de vous importuner par leurs absurdes pétitions.
Si leur cruelle position ne peut vous émouvoir j souffrez dn moins qu'une puissance supérieure à la vôtre, souffrez que la vérité vous éclaire, dans ce moment, en vous dévoilant vos propres intérêts. 11 est facile sans doute de faire trembler ici les conquérants d'Avignon eux-mêmes. Qu'il me soit donc permis de leur exposer les suites terribles de cette folle ambition, qui les abaisserait à une association honteuse avec des brigands. A peine auriez-vous revêtu du titre glorieux de citoyens français, des monstres qui ne méritent plus de porter le nom d'hommes, que vous donneriez à toutes les puissances de l'Europe, les plus justes sujets de crainte, et par conséquent d'agression. Vous leur fourniriez imprudemment un prétexte plausible d'attaquer une nation qui se ferait un,jeu de susciter, de fomenter, de protéger, de soudoyer des révoltes, pour se créer je ne sais quel droit chimérique, de faire des conquêtes mal colorées, en prononçant des confiscations. Cette doctrine en action, de la souveraineté du peuple, serait regardée comme un manifeste destiné à détrôner tous les rois. Il n'est aucun potentat qui ne fût menacé par votre décret d'invasion; ils se réuniraient donc tous contre une nation, dont les législateurs se déclareraient des embaucheurs de peuples, comme les Avignonais se sont établis, de leur propre aveu, embaucheurs de soldats déserteurs.
Mais si cette ligue inévitable ne vous présente encore que des dangers éloignés, voici, Messieurs, d'autres périls: qui vous environnent, au milieu de la France elle-même. Un décret qui réunirait Avignon, en vertu d'un seul vœu des Avignonais, autoriserait manifestement loutes les provinces du royaume, toutes vos frontières, disons plus,, toutes vos villes dominées par des factieux, excitées par vos ennemis, fatiguées des troubles de votre Révolution, à arborer aussitôt l'étendard del'indépendanceetdela révolte. Vous croyez échapper à mon raisonnement, en me répondant ici, que vos provinces avaient .bien ce droit avant 1 acceptation de la Constitution, mais qu'elles ne l'ont plus depuis la fédération' du 14 juillet dernier? Eh bien, sans disputer sur un fait, dont la discussion nous mènerait trop loin ; sans examiner si une fête militaire a pu exproprier le peuple français de ses droits, qui, selon vous, sont inaliénables ; sans m'arrê-ter aux principes et aux conséquences de cette fédération, je prétends que votre réponse ne retarde ici votre défaite que d'un seul syllogisme; et en voici la démonstration. Vos colonies n'ont pas encore accepté votre Constitution, qui, de votre propre aveu, leur est étrangère, elles sont dans le même état où se trouvaient les provinces françaises avant la fédération : c'est-à-dire dans l'état de la liberté primitive et de l'indépendance naturelle. Je suppose maintenant qu'un décret solennel accueille aujourd'hui le vœu si illégal des Avignonais, vous reconnaîtrez dès lors qu'un peuple a le droit de changer arbitrairement de domination et de souverain.
Que pourrez-vous répondre ensuite aux colons, si, adoptant les principes et les exemples de nos prédicateurs de révolte, si employant les moyens de leurs dignes prosélytes, les séditieux d'Avignon ; si écartant les dissidents par la terreur, assurant leur autorité par la multitude des émigrations, étouffant les plaintes par la violence, extorquant à main armée des signatures au mi-
lieu des échafauds, les colons blanc?, libres encore et souverains, viennent vous dire dans cette Assemblée : « Vous avez conquis la ville d'Avignon, « ou du moins vous l'avez acceptée par un décret. « Vous avez donc reconnu qu'un peuple avait le « droit de changer de souverain, sans même être « obligé d'en énoncer les motifs» Eh bien I nous « sommes aussi un peuple, comme les Avignonais ; « et nous vous déclarons que nous voulons user » de nos droits, pour nous donner à l'Angleterre. « Telle est notre volonté suprême 1 Et quoique « nous soyons dispensés d'alléguer nos griefs, « nous consentons à vous les faire connaître. Nous a sommes irrités de votre décret du 15 mai der-« nier, qui, en appelant tous les hommes de cou-« leur aux droits de citoyen actif, nous dégrade, « nous avilit, renverse le gouvernement sous le-« quel nous voulions vivre toujours : qui nous « livre enfin à la merci des esclaves que nous « avions affranchis, et compromet ainsi nos pro-« priétés et notre existence. »
Je recommande à tous les bons citoyens qui m'écoutent ; je recommande à tous ceux de nos collègues qui se montrent si ardents pour faire la conquête d'Avignon, je leur recommande de méditer dans leur patriotisme ce modèle de pétition des colons américains, dans laquelle je n'ai changé que les noms. L'identité est ici évidente. Je les défie hautement de m'assigner la moindre différence ; et de me dire comment ils pourraient blâmer la défection des colonies, après avoir consacré la révolte des Avignonais, après avoir donné aux Anglais l'exemple d'une telle usurpation. Oh ! si jamais ce fatal projet s'exécute, je rends ses auteurs et ses fauteurs responsables des guerres étrangères, des révoltes intestines et de toutes les calamités qui en seront les suites inévitables. Je les dénonce à la nation, comme ennemis de la patrie; je les dénonce à l'univers, comme ennemis du genre humain. Mais, non, non, je ne veux ni les défier ni les dénoncer. Je sens, si j'ose parler ainsi, que j'ai trop d'avantages dans ce moment. Je ne veux point me servir ici de tous nos moyens. Faut-ii me prosterner devant eux, pour mieux Us désarmer? Je les supplie donc, je les conjure, au nom de la France entière, de peser les conséquences du décret fatal qu'on veut leur arracher ; et de se demander à eux-mêmes, si l'acte d'invasion d'Avignon ne serait pas un manifeste justicatif, en faveur des ennemis du dehors qui voudraient nous déclarer la guerre, et en faveur des provinces, des villes ét des colonies qui voudraient se révolter? Ah ! si on a voulu perdre ces colonies précieuses qui valent 250 millions de revenu annuel à l'Etat; si les insensés, qui ont osé vous dire, que la France pouvait sacrifier impunément toutes ces possessions lointaines, entreprennent de vous persuader aujourd'hui que vous avez besoin d'Avignon (A gauche : Ce n'est pas cela I)... ; si le même parti a formé le complot de ruiner le royaume, d'un côté par une misérable conquête, de l'autre par la scission la plus désastreuse ; enfin si nos législateurs philanthropes ont voulu, Messieurs, vous préparer, par une induction conforme aux règles de la plus sévère logique, à la perte prochaine et éternelle de toutes vos colonies, il faut avouer qu'il était impossible de prendre un moyen plus adroit pour y réussir, qu en vous proposant de décréter la confiscation d'Avignon, en vertu du seul vœu supposé des Avignonais.
Vous avez vu, Messieurs, il y a Peu de jours, lorsque vous délibériez sur les pétitions des hommes de couleur, vous ayez vu que nous ne vou-
lions pas faire de cette question une affaire de parti. Nous avons prouvé, dans cette délicate et mémorable discussion, que les défenseurs de la vérité, quels qu'ils fussent, n'étaient jamais nos adversaires. Nous nous sommes réunis loyalement à ce même parti qui nous fut toujours si opposé. Nous espérons que le même amour de la justice et de la patrie va le rallier aux principes sacrés, que nous revendiquons, dans ce moment, pour préserver la France de l'injustice scandaleuse dont elle se souillerait, en conquérant la ville d'Avignon. Ce décret funeste serait le germe d'une guerre inévitable. Vous n'avez pas oublié que l'initiative de la guerre a été réservée, par vous-mêmes, constitutionnellementet exclusivement, au roi. Or, une conquête, une invasion, enfin une spoliation d'un souverain étranger, ne serait-elle pas au moins une proposition initiative de la guerre (1) ? Le parlement d'Angleterre^ dont nous devons lire les statuts dans cette Assemblée, pour nous pénétrer des grands principes de la législation, comme on étudie les cartes géographiques, et les relations des voyageurs, quand on va faire le tourdu monde, le parlement d'Angleterre n'a jamais ni fait, ni proposé aucune conquête à ses rois.
J'entends ici la voix de M. de Menou ; mais il m'est impossible de démêler, et surtout de suivre ses raisonnements. S'il veut me répondre, je suis prêt à lui céder la parole. Je le prie seulement de ne s'adresser qu'à moi seul, pour me confondre, parce que je n'ai chargé aucun de ses voisins de le réfuter en mon nom.
«Je dis, s'écrie aussitôt M. de Menou, que tous « vos raisonnements sont de vraies déclamations. « L Assemblée nationale est mécontente de la cour « de Rome. Le pape ne mérite pas que nous soyons « si juste à son égards. »
Eh l qu'importe à des juges,tous ces mécontent e-ments,sur lesquels jèn'aurais jamais tant de choses àdire?Me prenez-vous donc pour un suppliant qui sollicite votre générosité ? La justice est-elle donc, à votre avis, une grâce que vous ne pensiez devoir qu'à vos amis ? La justice n'appartient-elle pas à tout le monde ? Quoi 1 vous convenez que a eause du pape est juste; et vous osez dire à cette Assemblée que le pape ne mérite pas que nous soyonsjustes nous-mêmes? ilnemerite pas votre justice l...
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, reprend M. de Menou, j'ai voulu dire,
quand vous m'avez interrompu, qu'il n'était ici question que d'une
affaire politique. Vous nous avéz parlé du parlement d'Angleterre. Or,
je soutiens qu'il y a une grande différence entre la puissance de la
cour de Rome et les escadres Anglaises. Vraiment je n'aurais pas
conseillé à la nation de s'emparer d'Avignon si cette ville appartenait
à l'Angleterre. Je n'ai pas dit un mot de cela. Ne me faites pas
déraisonner, je vous en prie, f ai dit tout le contraire, en dévelop•
Non, Monsieur, je n'ai point oublié cette théorie que vous nous avez exposée. Je veux vous en restituer toute la gloire. Je vais donc vous faire raisonner d'après vous-même : ce sera ma seule manière de vous faire déraisonner. Ecoutez-moi donc de grâce: et jugez, si j'ai bien saisi le système d'agression, que vous avez développé dans cette tribune;
Selon la doctrine de M. le rapporteur, toutes les fois qu'un Etat se dispose à uue déclaration de guerre, il doit d'abord comparer ses moyens aux ressources de son ennemi. Si l'adversaire qu'il veut attaquer est plus puissant que lui, la raison lui conseille d'éviter une agression dans laquelle il succomberait. Si les forces respectives sont à peu près égales, la prudence ne lui permet pas de se compromettre, sans aucune certitude morale de succès. Si, au contraire, il est assuré de combattre avec avantage, un ennemi inférieur en moyens, il peut et doit l'attaquer sans nul ménagement. Voilà, de mot à mot, les principes lumineux que vient de professer M. de Menou. Les conséquences en sont fort claires; et elles s'appliquent très naturellement à la cour de Rome, que nous pouvons braver impunément.
Eh bien! Messieurs, ce système qui vous est recommandé par votre comité diplomatique et par votre comité d'Avignon, ne m'était point inconnu. Je me souviens, qu'il était de mode de le développer, dans mon enfance; et je veux vous en faire connaître aujourd'hui le véritable auteur, dont M. de Menou ne vous a point parlé, quoiqu'il se soit mis avec lui, dans son rapport, en pleine et entière communauté de politique et de morale.
Il a existé au milieu de ce siècle, un homme fameux par la terr> ur qu'il inspirait, et par la haute valeur qui le signalait dans toute l'Europe. Il était né sans fortune, il aimait la dépense, il voulait s'enrichir. Toujours avide et toujours prodigue, il avait rassemblé autour de lui une foule de braves qu'attirait à sa suite l'opinion universelle que l'on avait conçue de son courage et de ses talents. Dès qu'il se vit à la tête de cette troupe d'élite, il comprit, en chef habile, qu'il devait ménager le sang de ses compagnons toujours impatients d'affronter à sa voix les plus grands dangers. Sa maxime constante était comme celle de M. de Menou, qu'il ne fallait jamais allaquer l'ennemi, quand on était le plus faible. Loin de tenter ces témérités brillantes, que le succès lui-même ne justifie pas toujours aux yeux des sages, il mettait alors sa gloire à éviter le combat, tantôt par le choix des postes où il se rendait inattaquable, tantôt par des retraites imprévues, dont il avait la fierté de ne jamais rougir. Il fuyait sans honte, quand il n'apercevait aucun autre moyen de salut. Voilà déjà une première analogie de ses principes avec la doctrine politique de M. le rapporteur.
Il y a plus, Messieurs, et la parité va devenir parfaite. Quand le résultat de ses manœuvres l'exposait à combattre à armes égales, il pensait, comme M. de Menou, que la prudence du commandement ne lui permettait de rien livrer au hasard. Il ne compromettait point sa réputation ou sa fortune; il évitait ces combats indécis et incertains, dont il ne pouvait pas se promettre de grands avantages. Il s'élevait au-dessus des jugements vulgaires; il souffrait patiemment la censure de ses frères d'armes, dont l'ardeur ne
calculait point les événements, et ne voyait dans un combat, que la gloire ou le butin. 11 réduisait alors tout son talent à la sagesse de ses précautions défensives; et il redoutait noblement pour autrui le danger qu'il ne croyait jamais pour lui-même. Mais lorsque, par ses dispositions savantes ou adroites, il parvenait à rencontrer ou à envelopper un ennemi inférieur en nombre, il s'abandonnait alors à toute l'impétuosité de sa valeur ; il provoquait, il poussait ses compagnons d'armes au carnage : il déclarait qu'il ne payerait la rançon d'aucun prisonnier; il n'accordait point de quartier aux vaincus; et il ne croyait avoir triomphé du parti le plus faible, qu'après l'avoir entièrement exterminé. Cet homme, Messieurs, dont vous avez souvent entendu sans doute vanter la haule vaillance : cet homme, dont M. de Menou a parfaitement exposé la théorie, qu'il vous propose aujourd'hui d'adopter, et qu'il a humblement appropriée à vos comités réunis : cet homme rare enfin, que vous êtes tous si impatients de connaître, s'appelait Louis Mandrin (1).
M. le rapporteur trouve-t-il à présent, que je le fasse bien raisonner ; et demande-t-il la parole pour me répondre?
Je vois avec satisfaction, mais sans surprise, qu'un pareil rapprochement suffit pour réfuter, dans cette tribune, l'immoralité des principes auxquels M. de Menou a été obligé de recourir, pour justifier vos entreprises contre le pape. J'ai besoin de descendre à des comparaisons qui vous pénètrent tous d'horreur, pour me faire entendre de vos tribunes qu'on a séduites, qu'on a soulevées contre moi, et qui rougissent dans ce moment de leur association involontaire avec le brigand le plus forcené de ce siècle. On n'a négligé aucun moyen dans cette discussion pour égarer le peuple : je ne dois en omettre aucun pour l'éclairer, et pour diriger sa haine contre les véritables corrupteurs de l'opinion publique. J'entends publier à grands cris dans les rues de cette capitale : que dis-je? vous l'entendez : on publie encore, autour de^cette enceinte, au moment même où je vous parle, qu'il s'agit, pour la nation française, en s'emparant d'Avignon, de gagner 100 millions de biens ecclésiastiques, et 60 millions d'impôts (.A gauche ; c'est une calomnie); tandis que le revenu total du comtat Venaissin et d'Avignon ne s'élève pas annuellement, à 10 millions. Voilà de quels méprisables mensonges on n'a pas honte ae se servir pour abuser un peuple qui croit tout, et se permet tout durant le long sommeil de notre gouvernement, mais dont le réveil sera terrible, quand il connaîtra les perfides qui savent bien aujourd'hui qu'il faut le séduire pour le dénaturer!
Il ignore sans doute, ce peuple si avide, que toutes les conquêtes ne
sont pas lucratives pour le Trésor public. Ainsi l'Ile de Corse,
considérée comme poste, est sans doute d'une haute importance', et il
était surtout de l'intérêt de la France d'en éloigner les Anglais. Mais
si on l'envisage dans ses rapports avec le fisc, on trouvera que la
Corse nous a coûté des sommes très considérables, trois Campagnes très
meurtrières; et que loin de payer aucun impôt à la France, elle augmente
annuellement nos dépenses nationales, de plus de 500,000 livres. Si le
peuple connaissait ainsi le produit réel de toutes les conquêtes qui
tentent sa vanité, il serait peut-
Que ce peuple qui veut être libre, et qui est, assez inconséquent pour ne
point pardonner à ses représentants mêmes l'entière liberté de leurs
opinions : que ce peuple trop peu instruit de ses véritables intérêts,
pour reconnaître qu'un parti de l'opposition, loin d'être odieux, est
toujours nécessaire dans une Assemblée représentative ; que ce peuple,
dont la vue ne s'étend jamais, ni au delà du moment dont il jouit, ni au
delà du point qu'il occupe : que ce peuple nous entende dans ce moment,
et qu'il nous juge! Il s'agit de savoir si une insurrection fomentée
dans Avignon, par des hommes qui disent avoir des protecteurs puissants
dans l'Assemblée nationale, et qui se sont signalés par les plus
exécrables forfaits, peut devenir un titre légal pour nous autoriser à
confisquer les Etats d'un souverain étranger. Voilà pour le fait, voici
pour le droit : Il s'agit de savoir si nous sommes autorisés à
revendiquer les aliénations faites par les anciens comtes de Provence,
200 ans avant la réunion de la Provence à la couronne. Il s'agit de
savoir si nous pouvons nous mettre à la place de ces mêmes comtes de
Provence, dont nous ne sommes pas les héritiers à titre universel, mais
simplement à titre singulier, en vertu d'un testament souscrit par
Charles du Maine, dernier comte de Provence, la veille de sa mort, au
profit de Louis XI son légataire. Il s'agit de savoir si en héritant de
cette riche succession, au préjudice d'un enfant à qui elle était
substituée, et dont le descendant est aujourd'hui empereur, nous avons
le droit de réclamer, non seulement la ville d'Avignon, mais encore
toutes les autres enclaves de la Provence, qui avaient été aliénées par
les ascendants du donateur : telles que Ville-franche, Vintimille, le
comté (1), et la viguerie
Pourquoi ne nous parle-t-on de tous ces anciens démembrements de la
Provence (1)? Pour-
Si ce sont là vos titres sur Avignon, je n'ai besoin pour vous révéler le jugement qu'en portera toute l'Europe, que de vous rappeler .le jugement que vous avez porté vous-mêmes, de toutes ces perfidies diplomatiques qui ont précédé le partage et l'invasion de la Pologne. Je vous annonce même, que vous n'atteindrez point, dans votre manifeste, les sophismcs artificieux des cours de Vienne, de Berlin et de Pétersbourg, qui firent pourtant beaucoup mieux plaider leur cause, par des arméès de 100,000 hommes. Si les six grandes puissances de l'Europe veulent se coaliser ainsi pour dépouiller les princes faibles, toutes les souverainetés du second, du troisième et du quatrième ordre seront bientôt anéanties. Mais non, Messieurs, vous he donnerez pas ce scandale à l'univers. Vous ne consommerez point ce grand acte d'injustice. .(Murmures prolongés.) Vous regarderez comme de mauvais citoyens, tous les factieux qui veulent provoquer, par un décret spoliatoire et injuste, rentrée des étrangers dans le royaume. (Murmures.)
Oui, sans doute, tous lés membres de cette Assemblée qui dohnéraient aux
souverains étrangers des prétextes d'attaque Contre vous, des prétextes
de crainte pour eux-mêmes, seraient les ennemis de la nation. Prenez
garde, qu'en sa qualité dé premier avoué de l'Eglise romaine, rempereur
a garanti toutes les possessions du Saint-Siège. Prenez garde que vous
ête-vous-mêmes les garants de la souveraineté du pape sur Avignon,
puisqu'elle fut reconnue, assurée et garantie, en 1494, au pape
Alexandre VI, par le roi de France Charles VIII, qui réunit la Provence
à la couronne; qu'en 1664, après le traité de Pise, Louis XIV, qui
venait ae rendre Avignon au pape, y envoya des troupes, pour réprimer
une insurrection ; qu'il fit retirer tous les canons qui étaient à
l'hôtel-de-ville, pour les mettre entre les mains du seul vice-légat; et
qu'il protégea ainsi, de toute sa puissance, La souveraineté de la cour
de Rome, après l'avoir solennellement reconnue et confirmée par une
Comment ose-t-on renouveler encore tous ces astucieux sophismes, pour vous faire délibérer sur le vœu d'une ville, qui, de votre aveu, ne fait pas même partie; • intégrante de l'Empire Français, et qui ne peut énoncer, dans ce moment, aucune volonté légale ; sur un vœu souscrit par des factieux qui ont cru, par leur félonie, échappér au dernier supplice? Vous ne prévoyez pas sans doute les conséquences terribles auxquelles on prétend vous amener malgré vous. (Murmures.) Ah! comparez du moins les avantages aux dangers. Voyez d'un côté, ce que vous exposez, et de l'autre ce qu'on vous propose de conquérir. La conquête serait une ville déserte, une ville ruinée, une Ville criminelle (Murmures), une ville dominée par les brigands, une ville qui ^'ouvrirait ses portes à la nation française, qu après avoir corrompu nos régiments et suborné nos déserteurs. Voilà vos triomphes ; voici maintenant vos dangers :
Votre décret préparerait et légitimerait la dissolution de l'Empire Français. Toutes vos provinces, toutes vos cités, toutes vos colonies auraient incontestablement les mêmes droits que la ville d'Avignon; et elles trouveraient, à leur tour, des souverains qui pourraient les réunir à leurs Etats, sans redouter votre vengeance.
D'après ces considérations, je conclus en vous proposant le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, persistant dans son « décret du 4 de ce mois, par lequel elle a re-« connu que la ville d'Avignon et le comtat « Venaissin n'étaient point partie intégrante de « l'Empire Français, rejette la pétition des habitants d'Avignon et des autres communes du « Comtat tendant à faire prononcer leur réunion « à la France. Elle décrète qu'en vertu de la « demande de la cour de Rome, et pour préserver « nos provinces méridionales des progrès d'une « insurrection alarmante, le roi sera supplié « d'envoyer des forces suffisantes à Avignon et « dans le Comtat pour y rétablir l'ordre, de « concert avec les représentants du souverain « pontife. Déclare qu'elle regardera toute viola-« tion du territoire français, par les Avignonais « armés, ou leurs ayant-cause, comme une ag-« gression formelle contre la France, et qu'elle « la repoussera par tous les moyens qui sont au « pouvoir de la nation. L'Assemblée nationale « charge son président de prier le roi, dans le * jour, d'envoyer trois commissaires à Avignon, « pour veiller à l'exécution du présent décret, « en les autorisant à requérir, s'ils lé jugent « nécessaire, l'assistance des troupes de ligne et ^ des gardes nationales, dans les provinces voi-« sines, pour remplir l'objet de leur mission. »
Je voulais d'abord répondre aux calomnies de M. l'abbé Maury; mais je les dédaigne et je les voue à l'exécration de la nation. (Applaudissements.)
Je proteste ici, au nom de tous les colons, qu'aucun d'eux n'entendra sans indignation ce qui a été dit par M. l'abbé Maury, relativement à leur possibilité dé s'éloigner de la France. (Applaudissements.)
QL'Assemblée ferme Ja discussion.)
J'ai un projet à proposer (Murmures et interruptions)... J'abandoDne la parole sur le fond; mais je demande à lire mon projet de décret.
A gauche : Mettez-le sur le bureau !
Je demande la question préalable sur tous les projets de décret et je la motive sur ce qu'ils sont tous contraires au décret rendu sur appel nominal par l'Assemblée nationale. Ce décret ayant formellement déclaré qui ni Avignon ni le comtat Venaissin n'étaient partie intégrante de l'Empire Français, l'Assemblée nationale ne peut plus s'en occuper et s'emparer d'une portion de pays qui ne nous appartient pas. Si l'Assemblée déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer, je me réserve de proposer les mesures de voisinage et les bons offices qu'il convient d'employer.
Si la question préalable passé, je n'ai plus rien à dire et je vais mettre mon décret dans ma poche.
, rapporteur, {ait nne nouvelle lecture du projet de décret du comité.
On ne peut pas délibérer sur ,1a question préalable proposée par M. de Cazalès, parce qu'il est possible que parmi ceux qui veulent que l'on prenne des mesures pour rétablir la paix dans Avignon et le Comtat, il y en ait un grand nombre qui ne veulent pas la réunion.
On peut très bien délibérer sur la question préalable demandée par M. de Cazalès, en réservant d'indiquer ensuite les moyens propres à rétablir la paix dans Avignon.
Je mets aux voix la question préalable proposée sur le décret du comité.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée déclare qu'il y a lieu à délibérer. ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Monsieur le président, rappelez les tribunes à l'ordre ! Je ne conçois pas comment le peuple ose avoir l'insolence d'insulter des membres de cette Assemblée. (Murmures.)
A gauche : Aux voix le projet de décret 1
, Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon, décrète qu'il n'y a pas lieu a délibérer, quant à présent, sur toutes les questions relatives aux pétitions des habitants d'Avignon et du comtat Venaissin; et considérant qu'il importe d'y ramener le calme et la paix pour la sûreté des départements qui les avoisinent ; considérant en outre que le pape et le peuple de ces contrées en ont manifesté le vœu, décrète que le roi sera prié de prendre les mesures convenables pour assurer le retour de la paix et de l'ordre dans ce pays et pour empêcher que la fermentation qui règne à Avignon et dans le Comtat ne s'étende dans Tes départements voisins. V
Je demande la priorité pour mon projet de décret.
Nous avons reconnu que les habitants d'Avignon et du comtat Venaissin ne faisaient pas partie de la France. Ce ne sont donc pas des commissaires civils, mais des plénipotentiaires médiateurs... (Rires à gauche.) qu'il faut leur envoyer.
Je propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que son président se retirera par devers le roi pour le prier d'envoyer dans l'Etat d'Avignon et dans le comtat Venaissin, quat re ministres plénipotentiaires médiateurs, à l'effet d'y rétablir la paix et d'y proposer le mode de convocation d'une assemblée où puisse être manifesté paisiblement le vœu de la majorité (Murmures) ; se réservant l'Assemblée nationale de prononcer sur ce vœu libre et paisible quand il sera connu. »
Je demande la priorité pour le projet du comité.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet du comité.)
Je vais mettre aux voix l'article du comité.
H faut consulter l'Assemblée par appel nominal"
On demande qu'on aille aux voix sur le projet du comité par appel nominal. {Oui! oui!)
Il faudra lever la séance quand l'appel nominal aura été fait.
Si l'article du comité est rejeté, je demande que l'Assemblée nationale convienne loyalement et franchement de ne plus souffrir{sous aucun prétexte, qu'on reparle ici de la réunion d'Avignon à l'Empire français. (Murmures.)
le jeune. Je m'oppose à la proposition de M. de Cazalès et je demande que l'Assemblée ne regarde pas la question comme décidée positivement. Voici mes raisons .... (A gauche : Il n'est pas question de cela.) Je crois que si le comité avait prouvé en effet que le vœu es Avignonais a été librement émis, nous ne pourrions pas être d'un avis différent ; mais il ne l'a pas prouvé. Je demande par amendement... (Murmures et interruptions.)
On doit mettre aux voix en même temps tous les articles du projet ; toutes ses parties sont liées èntre elles ; la totalité du décret est l'expression entière de votre volonté. Vous ne voulez pas un des articles sans l'autre.
Je vous invite, au nom des départements méridionaux, qui sont enflammés, à ne pas donner dans le piège qu'on vous tend. Vous devez sentir les dangers auxquels vous exposeriez. la France, si vous abandonniez ce pays à deux armées qui sont en présence. Je né répondrai point aux insinuations odieuses ét perfides de M. l'abbé Maury. Votre mépris et celui des bons citoyens en feront justice. (Applaudissements.)
Croyez-vous que nous ne voulons pas que la paix se rétablisse à Avignon ?
nous nous opposons seulement à la réunion. (Murmures.)
J'invoque le règlement qui porte que, quand un décret renferme des dispositions distinctes, elles doivent être délibérées séparément. C'est aussi le salut public, c'est l'amour de la paix qui nous animent. Comment vient-on rejeter sur ceux qui s'opposent à la réunion une insenbilité coupable? (Murmures.) Je somme M. le président, et cette motion sera appuyée, de mettre aux voix cette division.
Une partie du côté droit se lève pour appuyer cette proposition.
(L'assemblée, consultée, décrète la division du projet du comité.) (Des cris se font entendre dans les Tuileries.)
Entendez-vous ces cris? (Bruit prolongé dans l'Assemblée.)
Le côté droit se lève en tumulte et se répand au milieu de la salle.
A gauche : C'est vous qui les provoquez, ces cris!
Il faut lever la séance; nous ne pouvons pas délibérer ici. Je demande que )e chef de la municipalité de Paris et le commandant de la garde nationale soient sommés d'assurer la liberté de la délibération!
, ironiquement. Ce sont d'honnêtes gens qui vous disent : Prenez Avignon ou bien vous serez pendus.
(Le calme se rétablit et les membres du côté droit reprennent leur place.)
L'Assemblée ayant décidé qu'il serait procédé au vote séparément sur chaque article du comité, je mets aux voix l'article premier ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon, relativement aux droits de la France sur l'Etat d'Avignon et son territoire, ainsi qu'ttn vœu libre, légal et solennel des Avignonais pour se réunir à l'Empire Français, décrète :
« 1° Qu'elle admet et incorpore les. Avignonais dans la nation française, dont ils feront désormais partie intégrante, leur accordant toiis les droits et avantages de sa Constitution. » .
Il va être procédé à l'appel hominàl sur cet article ; ceux qui l'adopteront diront ; oui; ceux qui ne l'adopteront pas diront non.
, secrétaire, fait l'appel nominal qui est interrompu par l'incident suivant (1) :
M. le Secrétaire appelle : M. de Faucigny !
Avez-vous oublié mes protestations? Je m'appelle M. le comte de Faucigny-Lucinge.
A gauche : A l'ordre l à l'Abbaye !
Je demande que M. de Faucigny soit rappelé â l'ordre et que mention en soit faite au procès-verbal. Il est moui qu'on vienne faire des protestations jusque dans le sein de l'Assemblée.
Oui, nous en faisons !... (A gauche : A l'ordre ! à l'Abbaye !)... Ce sont nos vrais noms, et nous sommes un grand nombre qui les soutiendrons.
Une voix à gauche : Il est fou, messieurs !
Des procureurs et des avocats voudraient-ils nous faire la loi ?
A gauche : A l'ordre ! A l'ordre !
Je demande à parler contre la motion de rappeler M. de Faucigny à l'ordre.
Taisez-vous, Monsieur ! Taisez-vous !
(L'Assemblée, consultée, décide que l'appel nominal sera continué sans interruption.)
, secrétaire, continue et achève l'appel nominal.
Le résultat de cet appel donne, sur 768 votants, 374 voix pour oui et 394 voix pour non.
prononce, en conséquence, que l'Assemblée rejette l'article 1er du projet des comités.
La séance est levée à quatre heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. Barrère de Vieuzae sur la réunion d'Avignon à la France (1).
Messieurs,
Par votre décret du 5 mai vous avez déchiré le voile diplomatique qui . couvrait les droits féodaux ou domaniaux de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin. Vous aurez détruit ces chartes et ces testaments qui, d'après vos principes, ne lient pas le3 nations à leurs chefs comme de vil3 troupeaux à leurs propriétaires; VQU8 avez détruit ce qu'on appelle le droit positif.
Vous avez déclaré aux yeux de l'Europe un fait authentique, le Comtat et Avignon ne font pas partie intégrante de VEmpire Français. Cette déclaration a excité la joie des ennemis du bien public; mais ils ne pensent pas qu'elle publie votre justice, qu'elle consacre votre sévère sagesse, et qu'elle ramène au grand principe de la souveraineté des peuples.
Je ne parlerai dope plus des droits delà France, et je ne crois pas qu'après le décret du 5 mai vous puissiez énoncer aucun droit positif de la France sur Avignon. Je dirai seulement à ceux qui voudraient tirer plus grand avantage du décret du 5 mai, qu'ils jettent les yeux sur le dé-
cret rendu par l'Assemblée nationale, au mois de novembre 1789, pour l'île de Corse.
Conquise par nos armes en 1769, gouvernée par la France pendant 22 ans, la Corse envoie des députés aux Etats Généraux ; ils assistent, ils votent pour la Constitution française.
Au mois de novembre 1785, les Corses se plaignent de ce qu'on n'a pas déclaré leur: île faisant partie de l'Empire Français, d'après leur vœu libre.
La République de Gênes réclame la souveraineté conservée par le traité qu'elle avait passé avec la France.
Vous avez déclaré que les Corses seuls étaient souverains et maîtres d'eux-mêmes ; vous avez accueilli leur vœu, et vous avez déclaré que leur île faisait une partie intégrante de l'Empire Français.
Cependant il existait une possession de 22 ans en votre faveur.
Cependant, il existait un traité solennel qui réservait la souveraineté de l'île aux Génois.
Rapprochez les temps; comparez les circonstances ; voyez les principes que vous aviez alors le courage de publier; voyez les décrets solennels que vous rendiez, et jugez les objections et les arguments frivoles qu'on cherche à tirer de votre décret d'hier.
D'après vos principes, d'après les droits des peuples, déclarés par vous, Te Gomtat est aux Comtadins, et Avignon aux Avignonais. Ges principes sont vrais, ou les bases de votre Constitutions sont fausses.
Ne parlons donc plus de droit positif, du droit de diplôme réservé aux despotes, qui divisent à leur gré les peuples et leurs territoires.
D'après ce principe incontestable qu'Avignon est aux Avignonais, il ne vous reste plus que deux partis a examiner; l'un est conséquent mais barbare, mais peut-être funeste à vous-mêmes: l'autre est plus grand, mais constitutionnel, mais politique, mais nécessaire.
Celui qui. est conséquent et barbare, c'est de traiter les habitanfs d'Avignon comme étrangers, c'est celui que les ennemis de votre gloire et de votre repos vous conseilleront ; mais du moins ce parti est conséquent.
Oui, Messieurs, d'après votre décret du 5 mai le territoire français se termine sur les bords.du Rhône. Envoyer, des troupes chez eux après les avoir déclarés étrangers à la France, c'est exercer une violence contraire au droit des gens, c'est commettre une véritable violation de territoire, une entreprise qui pourrait soulever les peuples avec de justes motifs, et établir en Europe une jurisprudence politique et guerrière indigne de vous, et que les tyrans de l'Europe ne manqueraient pas d'imiter bientôt Contre vous-mêmes.
Ainsi, soit que les Avignonais demandent des secours, soit que le pape les réclame, vous ne pouvez vous mêler de leurs intérêts.
Les Avignonais sont maîtres chez eux; ils auraient le droit deblàmer votre conduite, d'aller sur un territoire que vous avez déclaré vous être étranger. Qui sait d'ailleurs si vous n'exposeriez pas vos troupes à être corrompues, déshonorées, divisées en partis, et reportant, plus sûrement chez vous la guerre civile et ses horreurs,....
Le pape n'a rien à vous demander, il vous fait la guerre avec ses bulles, ses brefs et ses prêtres. Le fanatisme a aussi ses troupes, ses armées et sa tactique : le fanatisme a aussi ses partisans parmi nous; le pape a aussi des défenseurs parmi les français déclarés contre leur patrie; et ce
n'est pas pour un prêtre couronné, qui refuse de recevoir vos ambassadeurs assermentés, vos représentants constitutionnels, que vous violerez le plus saint de tous les décrets, celui des peuples, et le plus sacré de vos principes, celui de leur souveraineté.
Ainsi, sous le rapport d'un peuple, dont le territoire, ne fait pas partie du vôtre, vous ne pouvez pas leur porter secours.
Votre propre salut et les véritables principes doivent étouffer votre générosité, et ne peuvent vous laisser compromettre la liberté d'une grande nation.
Telles sont, Messieurs, les tristes mais justes conséquences du principe déclaré le 5 mai * car si les Gomtadins et les Avignonaisjnous sont étrangers, en droit politique nous ne pouvons pas violer leur territoire, et nous devons, sous ce rapport, chercher seulement à nous garantir, à nous préserver de l'horrible contagion de leurs dissensions civiles. Alors il faudrait dire que des troupes nous séparent, que des barrières marquent nos limites, et que nous fassions encore aux préjugés.et aux diplomates de l'Europe, le sacrilice des droits de l'humanité.
Mais que dis-je, Messieurs? Non la cause de l'humanité ne sera pas oubliée au sein de l'Assemblée nationale. Vous ne pouvez pas ignorer qu'Avignon est un théâtre de désolation, ae larmes et de deuil; ses vrais habitants, que vous distinguez: sans doute des vils brigands qui la déshonorent, et à qui Avignon a fermé ses portes, ses braves habitants tendent leurs mains vers vous : ils implorent votre secours en s'unis-sant à votre Empire, et leur malheur m'assure que leurs vœux ne seront pas rejetés.....
En effet, Messieurs, le second parti qui. se présente à vous concilie les droits de l'humanité avec le droit des nations, le droit naturel et le droit politique. Le peuple d'une ville enclavée dans votre territoire se déclare libre et indépendant; il veut faire partie d'une grande nation unie déjà avec lui par tous les rapports de territoire, de commerce, d'industrie, de mœurs et de même langue. Il a émis le vœu libre d'être fran-r çais. Il demande sa réunion à la France depuis longtemps.
Devez-vous rejeter ce vœu par vos principes?
Pouvez-vous le rejeter dans les circonstances où vous êtes ? En un mot, cette réunion peut-elle se concilier avec vos principes constitutionnels ? Peut-elle se concilier avec l'intérêt national? Voilà le véritable foyer de la question. Par vos principes, les peuples sont souverains. Les peuples n'appartiennent pas aux princes comme des troupeaux, comme des bêtes de somme. S'ils s'élèvent contre leur ancien gouvernement, ils peuvent le changer. Vous l'avez fait, ils peuvent le faire.
Ce n'est donc pas sous ce rapport que Vous improuverez leur insurrection et l'émission de leur vœu.
Mais si ce peuple ne veut pas exister seul; si ses intérêts locaux et politiques l'appellent naturellement à s'unir à un grand peuple voisin, alors, ce n'est plus qu'un contrat fibre et volontaire entre deux peuples. Ce n'est pas là une conquête faite par les armes; ce n'est pas une armée qui, par la force, envahit un pays, et qui l'adjoint au domaine national par un traité diplomatique; ce n'est pas un pays asservi par le despotisme ou subjugué par un conquérant.
Eloignons la bienfaisante comparaison des Colonies avec le Gomtat. Les Colonies ont un lien
politique avec la France, par la Constitution française, par leurs députés reçus et votants dans l'Assemblée nationale.
Le vœu des Avignonais et des Comtadins est donc un vœu légitime et Fondé sur les premiers droits des peuples. C'est un peuple souverain détrôné par un pape. Ce peuple reprend ses droits et s'unit à un peuple voisin. Il en est le maître, sa réunion est donc un acte légitime de leur part.
L'est-il de la nôtre? Examinons rapidement l'état actuel de la France; et d'abord je demande si je parle devant une Assemblée purement législative, ou devant une Assemblée constituante et politique, occupée d'affermir ses travaux et d'é-tablirune Constitution au milieu des ennemis les plus acharnés de la liberté nationale.
N'oublièz donc pas que vous faites l'état politique de la France, que vous établissez les droits nationaux; que vous renversez le despotisme, que vous anéantissez les abus, et que vous faites disparaître le plus grand fléau des monarchies et des peuples : la noblesse héréditaire.
Ah ! comme les ci-devant nobles, ces ennemis éternels de la liberté des nations, ralliés sourdement dans la question que vous agitez, vous épiaient et vous attendaient vers la fin de vos travaux; ils espéraient alors de la lassitude et de l'empressement de finir, ce qu'ils n'auraient pas pu obtenir de la corruption ou de l'affaiblissement des âmes : un coin du royaume leur a paru nn asile assuré. A portée des Provences, où le fanatisme est plus facile à exciter, et la vanité des distinctions plus active, ce coin du royaume peut recéler une armée d'aristocrates de plus de 30,000 hommes, nourrie par les productions du Comtat. Là, se joindraient des mécontents, des brigands et des privilégiés. Là, ils inquiéteraient sans cesse votre Constitution et vos départements limitrophes. Là, ils vous obligeraient d'y porter une partie de vos forces, une partie de vos troupes. Ensuite, ils agiteraient l'intérieur du royaume par des troubles religieux ou politiques, et bientôt, des puissances étrangères, profitant des circonstances, et coalisées avec les ennemis domestiques, tenteraient de renverser vos lois, d'attaquer vos propriétés, et le despotisme hideux régnerait sur la France déserte et ensanglantée.
Pardonnez,Messieurs,ces mouvements de crainte à un citoyen qui aime la liberté et son pays, autant qu'il en naît les tyrans. Mais voyez ce que peut devenir pour vous le Comtat. Si Avignon est livré à ses propres fureurs, à ses vengeances, dans peu de temps il peut être le tombeau du peuple qui s'y est armé pour ses droits; dans peu de temps, il peut être le tombeau de votre tranquillité, si ce n'est pas de votre liberté, que je crois impérissable par les lumières, l'énergie et le patriotisme courageux des Français.
Ici, Messieurs, je me sentirais entraîné à une idée noble et généreuse, digne d'une grande nation, si le salut du peuple avignonais, si le bien de la France ne vous prescrivaient d'autres mesures de circonstance ; je vous dirais : ne vous servez de la réunion, tant sollicitée, que pour reconnaître et affermir la souveraineté et la liberté du peuple avignonais. Que ce peuple malheureux, après avoir posé les armes, et être revenu à des principes de paix et de fraternité, délibère librement sur ses plus grands intérêts; qu'il reprenne les délibérations envoyées à l'Assemblée nationale, et qu'il se déclare libre et ne dépendant que de lui-même.
Ce serait un beau spectacle que celui d'une nation qui emploie sa jouissance pour restituer à un peuple malheureux, faib'e et opprimé, le droit souverain de stipuler sur le gouvernement qui convient le mieux à ses intérêts.1
Mais cette belle, théorie serait dans ce moment trop funeste à l'humanité, trop contraire aux vues d'ordre publique vous voulez faire renaître dans Avignon et dans le Comtat, pour que je n'en aperçoive pas tous les inconvénients et tous les dangers.
Oui, Messieurs, retarder ou refuser là réunion d'Avignon, ou demander de nouvelles délibérations, c'est appeler encore la fureur des partis, c'est provoquer les horreurs de la guerre civile; c'est accorder un appui aux ennemis du peuple; et si vous preniez ce parti; bientôt vous réuniriez à la France des déserts et des ruines sanglantes. C'est surtout exposer vos départements limitrophes à tous les malheurs de la guerre civile, qui, comme tous les fléaux, a aussi, sa contagion.
On oppose le défaut de liberté dans les délibérations envoyées du Comtat et d'Avignon. On dit que ce n'est pas au milieu des discordes civiles que le vœu d'un peuple peut être libre.
Mais a-t-on réfléchi, en faisant cette objection, qu'il n'y aurait donc aucune délibération qui pût être prise par les peuples qui s'élèvent contre leur ancien gouvernement? ne sait-on pas, en effet, que dans toutes les insurrections nationales, il y a toujours deux partis?et dès lors, avec cet argn ment spécieux, de non-liberté, on finirait par anéantir le vœu dt s peuples qui s'élèvent au rang des nations libres. Eloignons de pareils so-phismes. Le peuple avignonais a émis son vœu, après s'être élevé contre le gouvernement précaire qu'il ne voulait plus supporter : nous avons donc un vœu bien plus libre que si les peuples délibéraient au milieu de nos troupes ou de nos commissaires.
Soyez donc, un instant, aussi grands que politiques. Un peuple libre, un peuple indépendant s'allie à vous; il demande sa réunion. Cette réunion vous est utile, vous est nécessaire ; elle ne blesse aucun principe, elle ne blesse aucun droit; et vous sauvez la France en étouffant dans le Çomtat tous les serpents de la guerre civile. Vous épargnez des crimes aux aristocrates, des intrigues à la cour de Rome et- des maux- à l'humanité. Voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, fidèle à ses principes sur les droits imprescriptibles de3 peuples qu'elle a solennellement reconnus et déclarés.
« Délibérant sur le vœu libre exprimé dans les pétitions des habitants de la ville et territoire d'Avignon r décrète que cette ville et territoire sont réunis et font désormais partie intégrante du territoire français.
« Décrète, en conséquence, que le roi sera prié de nommer le plus promptement des commissaires civils, avec pleins pouvoirs, pour faire cesser toutes voies de fait et hostilités, soit entre les habitants d'Avignon, soit entré eux et les habitants du Comtai-Venaissin ; requérir, s'il est besoin, les troupes de ligne et gardes nationales des départements voisins, afin de rétablir la paix et le bon ordre, et d'y faire exécuter les décrets rendus par l'Assemblée nationale et sanctionnés par le roi. ».
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des officiers municipaux de la ville de Blois ; elle a pour objet le décret du 16 de ce mois, portant que les membres de l'Assemblée actuelle ne pourront être réélus pour la prochaine législature. Elle compare les représentants de ja nation française aux législateurs d'Athènes, et elle ajoute que cette abdication courageuse de l'autorité suprême prouve bien qu'ils ne l'ont exercée que pour le bonheur de l'humanité.
Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à ï)ax; elle rend compte de la pompe religieuse avec laquelle les habitants de cette ville ont reçu M. Saurine, évêque du département des Landes.
Cette adresse est accompagnée : 1° d'une délibération de la même société, du 27 mars dernier ; 2° du discours qui a été prononcé le 29 ; 3° enfin d'une adresse des amis de la Constitution à leurs concitoyens. Toutes ces pièces annoncent beaucoup de zèle et de patriotisme.
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Beàuvais ; ils supplient l'Assemblée d'agréer deux exemplaires d'une adresse qu'ils ont envoyée à leurs frères du département de l'Oise, en réponse aux mandements, ordonnances, instructions pastorales, etc., répandus dans les campagnes au nom des anciens évêques.
Adresse du juge de paix du canton de Poulangy, du département de la Haute-Marne, et d'un ancien militaire, qui se réunissent pour offrir leur respect, leur reconnaissance et leurs vœux à l'Assemblée nationale.
Adresse de Vassemblée électorale du district de Grasse ; elle présente un tableau raccourci, mais fidèle, des travaux de l'Assemblée, et rappelle le serment fait par ies électeurs de maintenir la Constitution, qui en est ie résultat. .
Adresse souscrite de plusieurs officiers du troisième régiment de cavalerie,, ci-devant commissaire général. Ils déclarent que, malgré leurs longs travaux, et les infirmités dont quelques-uns sont affligés, ils renoncent, pour le moment, aux charmes d'une vie douce et tranquille que leur procurerait la retraite dont ils sont susceptibles (le plus jeune d'entre eux n'ayant pas moins de 35 ans de service effectif), et ils protestent de ne demander de retraite qu'après l'achèvement de la Constitution : « trop heureux, disent-ils, si nos « derniers moments dans la carrière militaire « peuvent encore être de quelque utilité à l'affer-« missement des lois, au service de la patrie et « du roi, qui maintenant ne sont qu'un! »
(L'Assemblée nationale, satisfaite de ce noble dévouement, ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procès-vérbal.)
M. Vasselin. docteur en droit, fait hommage à l'Assemblée d un ouvrage
inti-
(L'Assemblée agrée cet hommage et accorde à M. Vasselin les honneurs de la séance;) 1
, au nom du comité des contributions publiques, présente un projet de décret relatif aux promesses ou obligations de pensions ou traitements qui auraient été consenties poui cause de démission d'emploi des anciennes fermes et régies, et portant résiliation dés baux à loyer faits par les anciennes fermes et régies.
Ce projet de décret, dont le renvoi au comité avait été prononcé dans la séance d'hier (1), est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des contributions publiques, décrète ce qui suit :
Arl. 1er.
« Les promesses ou obligations de pensions ou traitements,qui auraient été consenties pour cause de démission d'emploi des anciennes fermes ou régies, seront annulées, sauf à ceux au profit de qui elles auraient été faites du consentement de leurs supérieurs, et à titre de retraite, de présenter leurs mémoires au comité des pensions, pour en être fait le rapport à l'Assemblée, d'après l'avis des directoires de district et de département,
Art» 2.
« Les baux à loyer faits par les anciennes fermes et régies et par les directeurs et employés supprimés, pour les magasins, maisons et bureaux établis dans le royaume, demeureront résiliés à compter du 1er janvier 1792. »
Un membre propose, par amendement au premier article, que l'employé remplacé dans le nouveau régime soit tenu de continuer la pension qu'il aurait promise.
Un membre propose, par amendement au second article, qu'il soit ajouté une réserveen faveur des propriétaires qui auraient fait, sur les choses louees, des constructions ou dispositions nouvelles, analogues à l'usage auquel elles étaient destinées par le bail.
(L'Assemblée repousse ces amendements et adopte sans modification le projet de décret du comité.)
L'ordre du jour est un rapport du comité militaire sur la conservation et le classement des places de guerre et postes militaires; sur la suppression des états-majors des places; sur là manière de suppléer à leur service; sur le commandement et le service des troupes de ligne avec les gardes nationales, et sur ceux du pouvoir civil avec Vautorité militaire dans les places ; sur la conservation et la manutention des établissements et bâtiments militaires, meubles, effets j fournitures et ustensiles à l'usage des troupes ; sur les logements desdites troupes; et sur l'administration des travaux militaires.
, au nom du comité militaire. Messieurs, vos précédents décrets sur les
troupes de ligne ont fixé le nombre absolu, la solde et les
appointements des individus de tout grade,, dont elles doivent être
composées, la force
Parmi les dispositions sur lesquelles il vous reste à prononcer pour compléter l'organisation de l'armée, quelques-unes embrassent des parties essentielles et intégrantes de la force publique; d'autres ne doivent être considérées que comme des moyens d'exécution; mais toutes, en statuant sur les devoirs, sur les droits, sur les fonctions des individus, tendent à concilier la simplicité ou l'amélioration de l'administration avec l'économie des finances de l'Etat.
Le projet de décret que je viens vous soumettre au nom du comité militaire comprend :
1° La conservation, la police et le régime particulier des forteresses ;
2° La réforme des états-majors des places et la retraite à affecter aux titulaires supprimés ;
3° Les lois générales, qui, dans les places de guerre, dans les postes militaires et dans les garnisons de l'intérieur, sont destinées à fixer les devoirs respectifs des gardes nationales et des troupes de ligne ; qui établissent la démarcation entre les fonctions des administrateurs et celles des agents militaires; les rapports du pouvoir civil avec la force armée, et quelques autres dispositions de police, dont l'application presque journalière tend essentiellement à maintenir la discipline parmi les troupes et le bon ordre dans les lieux qu'elles habitent;
4° Les lois relatives à la conservation, à la manutention, au régime des bâtiments, établissements, meubles, effets, fournitures et usten siles à l'usage de l'armée ;
5° Les moyens d'ordre et de justice et les principes d'économie suivant lesquels les logements doivent être fournis aux différentes troupes ;
6° Enfin l'administration des travaux militaires, c'est-à-dire les règles générales et les formalités à suivre dans la répartition des fonds, dans la passation des marchés, dans la conduite, la police, l'exécution et le payement des travaux.
L'étroite liaison qui existe entre presque toutes les parties de ce travail n'a pas permis de les isoler; mais pour ne point fatiguer votre attention, Je diviserai l'exposition des principes qui ont dirigé votre comité, en autant de rapports particuliers qu'il y a de titres dans ce projet de décret. 11 en résultera plus de lumière et de suite dans la discussion, et les diverses objections à faire contre le texte étant toujours rapprochées des motifs qui l'ontdicté, l'esprit en saisira mieux et plus aisément l'ensemble, et votre délibération deviendra plus rapide sans rien perdre de sa maturité.
TITRE Ier.
Art. 1er.
De la conservation, du classement, du régime et de la police des forteresses.
Les forteresses sont des établissements fixes dont la situation est déterminée par les intérêts politiques d'un pays, par ses rapports commerciaux, parla nature même de ses frontières,dont l'objet est de former des points d'appui coostauts dans les chaînes de dispositions défensives destinées à garantir ce pays de l'invasion, et qui, en conséquence, ont reçu de l'industrie militaire la faculté de mettre un petit nombre d'hommes en état de résister longtemps à des forces supérieures.
De cette manière exacte et générale de définir les forteresses découleront naturellement les réponses aux questions que l'on peut faire sur leur utilité,sur leurs dangers, sur la dépense à la-j quelle elles obligent les Etats qui les entretiennent.
Pour se rendre compte de l'importance des places fortes, il faut se supposer faisant partie d'une armée chargée delà déiense d'une frontière; puis examiner quels sont dans cetté hypothèse les obligations et les besoins auxquels cette armée, est soumise.
On verra qu'il résulte, de la nature même de sa destination, le devoir d'occuper ou de surveiller les débouchés principaux, de rendre impraticables ceux qu'elle ne peut défendre, de dominer sur le cours des rivières qui bordent le pays ou qui donnent accès dans son intérieur; de maîtriser leur navigation, ainsi que toutes les autres communications par lesquelles l'ennemi peut arriver en force ou faire marcher les approvisionnements de tout genre qui lui sont nécessaires. L'on sentira en même temps que, pour suffire à tant d'intentions diverses, il faudra que cette armée renonce à la prétention insoutenable d'être en force partout, et qu'il n'est pour elle qu'une manière de remplir son objet: c'est d'occuper, soit en masse, soit en différents corps séparés, mais tellement disposés qu'ils puissent s'entre-secourir et se réunir au besoin; d'occuper, dis-je, des positions solides qui lui donnent la faculté d'attaquer et de rompre la ligne des opérations de l'ennemi, et de se porter rapidement à la dé^ fense de tous les points menacés. C'est ainsi que, dans les circonstances actuelles, si les bruits qui se répandent prenaient quelque apparence de réalite; si une grande coalition se formait contre nous; si des symptômes hostiles annonçaient le projet d'une invasion de différentes parties de l'Empire, nos troupes, réparties sur le pourtour denos frontières, abandonnant les places et les confiant aux gardes]nationales; occupant des positions qui leur donneraient la faculté d'appuyerles forteresses et d'en être protégées ; tranquilles sur les approvisionnements, sur leurs communications; libres dans tous leurs mouvements, attendraient avec sécurité que la direction des efforts,auxquels il faudrait résister, fût décidément connue; et pour lors on les verrait, sous l'abri des chaînes de forteresses, se porter rapidement et sans danger, partout où la résistance serait jugée nécessaire; observer l'ennemi, le harceler dans tous ses mouvements, l'attaquer lorsqu'il ferait des fautes, se borner à lui en imposer, à le menacer partout, lorsqu'il marcherait avec circonspection, et le braver enfin avec d'autant moins de danger, qu'en cas d'échec pour nos troupes, leurs asiles sont tout prêts; qu'une suite de positions rétrogrades sont toutes disposées pour les recevoir, et que 400,000 hommes armés sont là pour réparer leurs pertes.
En examinant quels sont les besoins de l'armée que nous supposons en défense, nous trouverons qu'ils consistent non seulement dans des munitions de toute espèce ; mais principalement dans des lieux de sûreté pour le3 contenir, dans des points résistants, des centres de force, placés de distance en distance, pour soutenir la ligne de ses opérations, pour favoriser la marche et la communication de ses convois, et, en cas de revers, dans des asiles où elle puisse se reposer, réparer ses pertes, et attendre le moment de venger ses défaites.
Ce que j'ai dit d'une armée sur la défensive, lui est presque entièrement applicable dans le
cas où elle devrait agir offensivement; car, dans l'une comme dans l'autre supposition, il lui faut des dépôts pour ses besoins, des appuis pour en favoriser le transport et des abris dans ses revers.
Tous les moyens de surveillance et de sûreté qui conviennent aux deux hypothèses se trouvent remplis, si des forteresses, réparties avec intelligence, garnissent la frontière sur laquelle cette armée doit agir.
Les points qu'elle devra nécessairement occuper ont été reconnus à l'avance ; l'art s'est emparé des sites, il en a corrigé les défauts, il en a multiplié les obstacles, en adaptant les ressources dont il dispose, à des positions prévues; il a économisé les forces mobiles qui doivent les défendre ; et tel poste de la plus haute importance, qui, dans son état naturel, eût exigé pour sa garde un corps de troupes considérable, pris aux dépens de la force de l'armée, se trouve, par le secours de l'industrie, n'avoir besoin pour sa sûreté que d'une garnison de quelques bataillons. Alors se manifeste le double avantage des places fortes, savoir : celui de donner la protection la plus efficace à tous les mouvements, à toutes les dispositions de l'armée pour laquelle elles existent, et celui de tenir l'ennemi dans une inquiétude continuelle sur le sort de ses approvisionnements ; de l'obliger à morceler ses forces, pour veiller à la garde de ses communications ou à la sûreté de ses flancs, et de finir nécessairement par le réduire à l'alternative de l'inaction on de l'entreprise, toujours longue, toujours dispendieuse, toujours périlleuse, du siège d'une bonne forteresse. Celui de Lille coûta presque une campagne entière à M. le prince Eugène ; il y dépensa des sommes immenses, il y ruina sa cavalerie, il : y perdit 15,000 hommes, et le jour de la reddition de la place, M. le prince Eugène n'avait conquis que le territoire de Lille.
C'est un des progrès les plus estimables qu'ait fait notre siècle dans l'étude de la guerre (1), que celui d'avoir reconnu que Fart de s'approprier les accidents locaux, pour renforcer une position, était précisément le même que celui qu'on déploie Îtour fortifier un simple poste, d'avoir considéré es places fortes comme des points d'appui déterminés d'avance, préparés de longue main, rendus susceptibles, par des ouvrages permanents, d'une résistance bien supérieure à celle qu'on peut attendre des travaux imparfaits qu'exigent les besoins du moment, conséquemment capables d'être gardés avec bien moins ae monde, toujours liés, toujours nécessaires au système des combinaisons offensives ; ou défensives enfin comme une arme particulière, dont l'objet est de corroborer et de faire valoir toutes les autres, et dont le caractère propre est la résistance passive, l'immobilité, la force d'inertie.
Un des grands maîtres de l'art, Frédéric, appréciait toute l'influence des forteresses sur les événements de la guerre, lorsque, vainqueur à Torgau, mais arrêté dans sa victoire et près d'en perdre les fruits par la position qu'avaient prise les vaincus, sous les remparts de Dresde, il s'écriait : Vanité des batailles !
Cet accent de dépit était aussi celui de la conviction : Frédéric répéta
depuis cette vérité qu'il avait profondément sentie; et quoiqu'on en ait
pu dire, une multitude de traits de sa conduite
Il détestait les places fortes, ont dit quelques partisans de leur destruction : sans doute il les détestait, lorsqu'elles étaient des moyens de ré-sistancepour ses ennemis, lorsque, situées sur la direction de ses efforts, elles suspendaient ses succès, elles ralentissaient sa marche, elles arrêtaient ses triomphes. Certes l'homme étonnant, qui, forcé de lutter avec l'Europe presque entière conjurée contrelui, qui, sans cesse occupé à suppléer, par les ressources de son génie, à l'insuffisance de ses forces et aux revers de la fortune ; celui qui, surpris et défait à Hochkirch, se transportait dans 1 arrière-saison, à la tête d'une armée, de Saxe en Silésie, de Silésie en Saxe ; retournait en Silésie, délivrait Neiss, Kosel, Dresde, Leipsick, Torgau et Colberg, et cela, dans l'espace de sept semaines ; celui-là, dis-je, devait craindre de rencontrer sur sa route de ces obstacles qui, bravant la rapidité des mouvements, et les saillies du courage, exigent, pour être surmontés, des formes méthodiques et la lenteur des procédés réguliers. Mais il ne détestait plus le3 forteresses, lorsqu'elles'assuraient ses positions, lorsqu'elles conservaient ses approvisionnements ou qu'elles couvraient ses frontières. Voyez ses quartiers d'hiver de 1744 à 1745; il ne se contente pas de les établir derrière une chaîne de places fortes, il fait retrancher encore les parties faibles de leurs intervalles, et les points qui pouvaient donner accès sur ses flancs. Voyez ses frontières de la Silésie, en a-t-il fait démolir les remparts ? Bien loin de là, il les a entretenus avec soin, il les a augmentés en faisant fortifier à neuf Neiss et Silberberg.
Enfin, ouvrez son histoire, parcourez ses écrits, partout vous trouverez les preuves multipliées de son opinion sur l'importance des places fortes ; il est même bien surprenant qu'après avoir lu les expressions formelles et précises ae plus de 20 passages de ses instructions à ses généraux, on ait cru pouvoir s'élayer de son avis, pour accréditer le projet funeste de démolir une partie des boulevards de nos frontières, et d'exposer ainsi le royaume à l'invasion des étrangers ; que, méconnaissant l'autorité de ce grand homme, les leçons récentes de l'histoire, un siècle d'expérience, on ait conçu la pensée de renoncer à la protection sûre, éprouvée des forteresses, et qu'on ait voulu faire dépendre le sort de l'état des fragiles combinaisons de la tactique, du bon ou mauvais succès de quelques campàgnes, et du hasard incertain des batailles ?
Je pourrais étendre bien davantage le raisonnement qui prouve l'utilité des forteresses permanentes. En les examinant sous leurs autres rapports, j'offrirai le complément de cette première digression,et dans ce moment je me borne à vous soumettre une considération simple ; c'est que s'il existait, en thèse générale, quelque incertitude sur les avantagés des places fortes, considérées comme moyens de puissance militaire, du moins cette question ne serait pas douteuse, dans le cas particulier d'un peuple qui, prenant pour base de sa politique la renonciation à tout projet de conquête, réduirait l'art de la guerre a la science de défendre et de conserver ses foyers.
Mais peut-être qu'en étudiant les forteresses sous d'autres points de vue, on reconnaîtra que
leur utilité militaire ne dédommage pas de leurs inconvénients politiques/Quelques partisans de leur destruction leur ont fait le reproche de compromettre la liberté publique. Cette inculpation mérite d'être examinée ; et, pour plus de simplicité, je vais la considérer dans l'application qu'on peut en faire à la France.
Comment nos forteresses qui sont, ainsi que je l'ai dit, des masses inertes et purement passives, menaceraient-elles la liberté publique? Ce ne pourrait être que dans le cas où un gouvernement oppresseur, rompant les liens qui rattachent à l'Etat, et abusant du pacte social qui lui laisse la disposition des forces et des moyens militaires pour la défense commune, voudrait les faire servir à l'oppression du peuple : mais, dans ce cas, il est aisé de prouver que les forteresses, loin de favoriser ses projets, y apporteraient au contraire le plus grand des obstacles.
En effet, poussons l'hypothèse jusqu'à l'absurde'.supposons la réunion de toutes les circonstances qui peuvent seconder ses vues, la totalité de l'armée dévouée à la tyrannie, et des fonds tout prêts pour en soudoyer lés agents. Quel usage le gouvernement fera-t-il alors des -places fortes? Les abandonnera-t-il ou se déci-dera-t-il à les occuper ? Avant d'examiner ces deux cas, observons d'abord que le premier avantage que nous procurent les forteresses, c'est celui ae n'entretenir habituellement qu'une armée peu nombreuse en comparaison de l'état militaire de nos voisins, et je rte crains pas d'attester tous les hommes de guerre qui ont réfléchi sur cette question, que, si nous venions à effacer toutes les places qui forment nos barrières, nous ne suppléerions pas à leur défaut par une augmentation de 100,000 hommes dans noire armée de ligne. J'ajouterai que cette armée de 160,000 hommes dans sot? état ordinaire est de près de moitié trop faible pour garder à la fois toutes nos places contre les soulèvements du dedans, et contre les attaques du dehors.
Cela posé, revenons à la question.
Si le gouvernement fait occuper par l'armée les places, soit en totalité, soit en partie, il anéantit ses forces en les partageant. Son armée, dispersée sur un immense développement, n'offrira dans ses divisons morcelées que des corps affaiblis, sans relation, sans correspondance, incapables de s'entre-secourir. Je dis incapables de s'entre-secourir, car si le gouvernement garde toutes les forteresses, d'après l'observation que j'ai faite plus haut, les garnisons, trop peu nombreuses, seront dans l'impuissance de quitter leur enceinte, et s'il en abandonne une partielles divisions seront à la vérité plus solides, plus résistantes; mais aussi elles seront plus éloignées, elles n'oseront risquer des mouvements qui les exposeraient à se voir coupées, investies, sans espoir d'être secourues. Qu'arriverait-il donc dans ces1 deux circonstances? Que l'armée du gouvernement, réduite à l'inaction la plus absolue, laissant en liberté l'intérieur du pays, verrait bientôt le colosse de la puissance nationale ralliée, par le péril de la patrie, se porter successivement sur chacune de ces portions faibles et incohérentes de la rébellion, les écraser les unes après les autres, ou plutôt que, dédaignant de les frapper, elle se bornerait à les investir dans leurs asiles, et les forcerait à périr de misère, par la privation des secours de tout genre, qu'ils ne peuvent tirer que de "l'intérieur du royaume. Car ici, c'est le centre qui nourrit les extrémités, c'est le centre qui vivifie la cir-
conférence. Une forteresse, abandonnée à elle-même, périt par sa propre inertie. Si vous cessez de lui porter.ses besoins, elle ne peut se déplacer pour se tes procurer, et ses besoins de peuvent lui parvenir que par vous.
Dira-t-on que le gouvernement appellera les étrangers et qu'il leur ouvrira le royaume? Cette objection n'en est pas une, car elle est applicable à tous les systèmes; et soit qu'il existe ou qu'il n'existe pas ae forteresses, le gouvernement aura toujours la faculté d'ouvrir l'Etat à ses ennemis : d'ailleurs, cette supposition en entraîne une seconde, c'est celle du pacte des conditions préliminaires du gouvernement avec ces mêmes ennemis. Pense-t-on que les nations lui prêteront gratuitement leurs forces, qu'elles viendront risquer leur or et le sang de leurs sujets, pour le Seul plaisir de caresser les caprices du despotisme? Et peut-on croire qu'un démembrement plus ou moins considérable de l'Empire ne serait pas le salaire promis en échange du funeste se^-cours que le gouvernement aurait sollicité? Nous voilà donc conduits par la discussion à la contemplation de l'anarchie dans tout ce qu'elle a d'horrible, de l'organisation politique parvenue au dernier degré de sa dissolution, enfin du désespoir furieux qui se dévore lui-même. Il n'y a plus à raisonner dans cette hypothèse, elle se refuse à tout examen, et l'imagination flétrie se détourne de ce tableau désolant qui soulève l'âme, sans éclairer l'esprit.
Reprenons la question dont nous nous sommes écartés, et voyons la dernière supposition que l'on peut faire. Le gouvernement, dira-t-on, évacuant toutes les forteresses, tiendra l'armée réunie en masse, et 'lui conservera dans toute sa plénitude la liberté de ses mouvements et la faculté d'aller rapidement soumettre par la terreur tout ce qui oserait résister. Je pourrais observer d'abord que, puisque les places ne seront pas occupées par les troupes du gouvernement, elles ne seront d'aucun danger pour la liberté publique, et qu'elles doivent être au moins regardées comme nulles dans ce cas particulier; mais cette réponse ne dirait pas assez, car s'il est vrai qu'alors elles ne seraient d'aucune utilité aux projets qu'on pourrait supposer au gouvernement, il serait faux de dire qu'elles ne lui seraient point nuisibles. En effet, elles seraient occupées par le peuple dès l'instant qu'elles auraient été abandonnées par l'armée, et celle-ci cernée de toutes parts, sans asile en cas de défaite, perdant en même temps l'espoir de fuir et celui d'échapper, n'aurait pour ressource dernière que celle d'imposer et de maintenir par la force le joug sur la tête de 25 millions d'individus, dont près de 4 millions sont en état de porter les armes ; et, dans ce raisonnement, n'oublions pas que nous devons aux forteresses l'avantage d'avoir pu réduire l'état habituel de cette armée à 160,000 hommes; qu'elle serait sans point d'appui pour seconder ses efforts, et sans lieux de sûreté pour déposer ses besoins.
11 me paraît donc démontré que, sous aucun rapport, les places de guerre ne peuvent être considérées comme dangereuses à la liberté publique, et que loin d'être des moyens d'oppression entre les mains du gouvernement, elles protègent au contraire en même temps et la liberté contre les atteintes du despotisme intérieur, et les propriétés du peuple contre l'ambition des étrangers.
Maintenant si l'on cherchait l'origine du préjugé que je viens de combattre, on la trouverait
dans le sentiment de la crainte, dont le caractère propre est de fausser le jugement, parce que, dans les mouvements irréguliers de cette passion, l'esprit fixé sur l'image du danger perd la faculté de se placer a une distance convenable de l'objet de ses alarmes pour l'examiner dans tous ses rapports, et pour l'apprécier avec justesse d'après la comparaison des temps, des lieux et des circonstances.
On est persuadé que la plupart des places fortes, et surtout les citadelles, ont été construites autant dans l'intention -de contenir des peuples dans la soumission que dans la vue de les protéger. Cette idée reste, et l'on .oublie et les époques et les événements, et tous les motifs divers qui ont déterminé l'établissement de ces moyens de puissance publique; on oublie surtout que l'approbation nationale a tacitement, à, la vérité, mais très réellement, sanctionné la construction de forteresses, en tant qu'elles devaient être des instruments d'oppression. Avec une réflexion bien simple, ce paradoxe prendra les couleurs de la vérité. Le vœu général d'un peuple civilisé, c'est la paix, parce qu'elle seule peut le faire jquir complètement des avantages de la civilisation; mais lorsqu'elle est troublée, soit par l'ambition de son gouvernement, toit par l'agression de ses voisins, si le peuple qu'on force à la guerre la fait avec avantage, il est fier de ses succès ; s'il fait des conquêtes, il veut les conserver; il veut au moins que leur possession devienne l'indemnité des efforts qu'il a faits, du sang qu'il a versé, des misères qu'il a souffertes; il approuve alors les précautions que prend son gouvernement pour lui assurer ses propriétés nouvelles; mais, en donnant son acquiescement à la construction des forteresses, il est loin de vouloir porter atteinte à ses propres intérêts, il ne cherche au contraire qu'à les mettre à couvert ; c'est le droit des armes qu'il exerce sur des vaincus, qu'il nepeut et n'ose encore considérer comme des citoyens ; c'est au profit de la chose publique qu'il croit travailler en appesantissant la chaîne sur une petite portion du corps social. Les forteresses sont donc réellement des moyens d'oppression approuvés par la volonté générale, et toute l'erreur consiste à croire que ces mesures hostiles sont dirigées contre la nation, tandis qu'elles ne le sont en effet que contre une faible portion de l'Empire suspecte au reste de la société, qui regarde encore ces nouveaux citoyens comme des étrangers.
Il est donc bien certain que, dans un gouvernement libre, toutes les fois que les forteresses sont des instruments d'oppression, elles doivent cette propriété à la majorité des vœux du peuple dont elles tirent toute leur force, et qui ne saurait vouloir son prbpre dommage.
Mais les circonstances changentinsensiblement; les peuples conquis perdent le souvenir de leur ancien gouvernement, ils s'accoutument à la domination nouvelle, les liaisons se forment avec le peuple conquérant, leurs rapports se multiplient, ils amènent la confiance mutuelle ; déjà il n'existe plus de différence entre eux, et leur intérêt commun les a identifiés. Alors, des deux destinations que dans le principe avaient les forteresses, il ne leur en reste plus qu'une seule, selle de la défense commune; c'est la seule qu'approuve et que légitime la volonté nationale, c'est pour ce seul objet que la force publique leur prêtera son appui : eh ! que seraient des forteresses, sans la force et sans la volonté publique l
Les terreurs qu'elles inspirent n'existeraient
donc pas, si l'on se rendait compte des motifs que je viens de développer; mais le tranquille habitant d'une de nos places de guerre contemple la citadelle qui domine sa demeure; à l'aspect de cet appareil menaçant, le sentiment de la dépendance dans laquelle il se croit, l'afflige etl'humilie, Il s'indigne d'un esclavage qui n'existe pas; il oublie que l'esprit public, la force du peuple, la volonté générale, qui l'environnent et le défendent sans cesse, interdisent à ces remparts qui l'épouvantent toute autre propriété que celle ae servir à sa protection; il oublie surtout que son habitation n'est qu'un point sur la surface de l'Empire, que le despotisme n'a point d'intérêt à maîtriser un point isolé, à exercer une violence partielle, et qu'enfin le premier coup de canon qui serait tiré pour l'oppression du peuple serait infailliblement le tocsin de la vengeance et le signal du châtiment des tyrans.
Que le citoyen inquiet s'éclaire et dissipe ses alarmes; qu'il dorme en sûreté à l'ombre de ces remparts sur lesquels un coup d'œil incertain lui a fait d'abord apercevoir le fantôme du danger; qu'ii reconnaisse, dans leur structure terrible, l'égide protectrice qui couvre ses propriétés,, l'asile de sa liberté, la dernière ressource des guerriers chargés de mourir pour la défense de ses foyers; et qu'il n'oublie pas surtout que c'est à l'abri de ces masses redoutables, que le nourricier de l'Etat, l'utile agriculteur, inaccessible aux horreurs de la guerre, ainsi qu'aux fléaux qu'elle entraîne, recueille en paix les fruits des champs qu'ont fécondés ses mains.
A l'appui de ces réflexions, je ne puis, Messieurs, me refuser à vous citer un passage très court d'un mémoire manuscrit du maréchal de Vauban sur la ville d'Ypres. Il est sans date ; mais le texte prouve évidemment que l'époque doit en être rapportée à celle de la guerre qui précéda le traité de Ryswick. Dans l'énumération des divers avantages que nous procurait cette place, alors en première ligne de nos frontières, il compte celui « de couvrir, et de tenir comme à l'abri, la plus grande partie de la châtellerie d'Ypres, toutes celles de Warneton, Bailleul, Cassel, Poperingue, grande partie du Furnenbacn, et même partie du Bas-Artois, qui tous ensemble font le composé d'un grand pays, le meilleur qui soit sous le ciel, dans Pétendue duquel les paysans ne sont non plus inquiétés, quant à présent, que ceux de la plaine Saint-Denis, chose qu'ils connaissent, qu'ils admirent et qu'ils savent bien dire. »
Il ne me reste qu'à considérer les places sous le rapport de l'économie, et cet examen sera également clair et simple.
Les fonds annuels affectés à l'entretien des fortifications étaient quelquefois de 1,900,000 livres, quelquefois de 2,100,000 livres, terme moyen ae 2 millions. Cette somme était destinée, non seulement à l'entretien des fortifications proprement dites, mais encore à celui des bâtiments de tout genre nécessaires,à l'armée. L'entretien de ces bâtiments, celui dé quelques plantations, de quelques portions de chaussées, de pavés et autres objets du même genre, emportait plus de moitié des fonds dont je viens de parler; et vous observerez que, soit que l'on supprime les places de guerre, comme il faudra toujours des casernes pour loger les troupes, des magasins pour contenir leurs besoins, des hôpitaux pour les soigner dans leurs maladies, des boulangeries pour les nourrir, des prisons pour les corriger; la dépense que nécessite l'entretien de ces divers établissements sera toujours indispen-
sable, et que ih^me elle sera d'autant plus considérable, qu'en diminuant les points de sûreté qui suppléent à la quantité des troupes de ligne, on sera forcé d'accroître le nombre de celles-ci.
C'est donc un point exact duquel il faut partir; savoir : que la dépense annuelle, appliquée aux travaux des places de guerre, pour conserver ies masses, les formes, les maçonneries, les gazon-nements, en un mot cë qui constitue les propriétés défensives de leurs remparts, n'est au plus que de 8 à 900,000 livres, pour toute l'étendue du royaume.
Je ne parle point ici des travaux extraordinaires qui ont été faits, ou qui dans la suite pourraient être jugés nécessaires à la sûreté de différents points de frontières, soit de terre, soit de mer. Ces dépenses sont dans laclassede celles destinées aux grands établissements publics; les projets de ce genre doivent être fondés sur des motifs d'utilité évidente; ils doivent être médités avec soin, discutés avec maturité et exécutés avec économie. Si l'on s'est écarté quelquefois de ces préceptes, si l'on a négligé des places importantes, si dans d'autres la rivalité des corps concurrents à fait accumuler des moyens surà-dondants, si, ailleurs, l'on a fait avec de grands frais des dispositions qu'on eût pu remplir également bien avec des dépenses beacuoup moins considérables; ces abus sont du régime, et non point de l'essence de la chose; it faut obvier à Ces inconvénients, et c'est là un des objets du projet de décret qui vous est soumis ; mais dans ce moment il ne s'agit que d'examiner la dépense annuelle de l'entretien des forteresses.
J'ai fait voir qu'elle était de 8 à 900,000 livres, c'est-à-dire moindre que celle de la solde et de l'entretiende cinq bataillons d'infanterie au pied de paix. J'ai dit ailleurs, et avec vérité,qu'à défaut de nos places de guerre, l'armée de ligne devrait être augmentée au moins de 100,000 hommes; un tel accroissement de force militaire entraînerait annuellement une dépense de plus de 40 millions, sans compter la charge qui en résulterait pour la population, poUr l'agriculture, pour l'industrie, pour le commerce. D'où il suit que la conservation des places fortes nuit à l'avantage de protéger le royaume de la manière la plus efficace contre les invasions des étrangers, celui d'économiser annuellement au Trésor public une somme de plus de 39 millions.
Cette économie pourra étonner, elle s'accorde peu avec les 'préventions qui existent sur la dépense qu'occasionnent les forteresses ; mais comme ce n'est point ici le résultat d'un raisonnement hypothétique, d'une conjecture ; comme c'est un fait dont les pièces de conviction existent, il faut bien y croire.
Concluons de tout ce qui précède, que les places sont un moyen de force sur lequel repose la sûreté extérieure de l'Etat; que loin d'être dangereuses à la liberté publique, elles la protègent essentiellement contre les atteintes du des- potisme, en ce qu'elles donnent à la nation la acuité de tenir l'armée de ligne sur un pied bien inférieur à celui qu'exigerait la défense du royaume, sans leur secours ; et personne ne doute que les grandes armées ne soient le principe le plus certain de l'asservissement des nations qui es entretiennent; enfin qu'elles sont un moyen d'économie infiniment précieux pour la France, puisqu'elles ne lui coûtent qu'une somme environ 40 fois moindre que celle qu'entraînerait une augmentation de troupes de ligne capable de suppléer à leur défaut.
Peut-être me fera-t-on le reproche d'avoir poussé trop loin cette digression ; mais je répondrai que s'il était inutile de chercher à convaincre l'Assemblée nationale, il était nécessaire de révéler au peuple des vérités beaucoup trop méconnues; qu'il était indispensable de combattre des préjugés ét de détruire des erreurs d'autant plus dangereuses, qu'elles ont leur source dans l'amour de la liberté même; que l'Assemblée nationale, comptable à l'opinion publique des institutions qu'elle crée, qu'elle maintient ou qu'elle modifie, doit désirer d'éclairer son juge, et qu'enfin lorsqu'elle a voulu que la nation qu'elle représente fût libre au dedans, respectée au dehors, elle a dû, non seulement, lui en conserver les moyens, mais encore les lui faire aimer, et lui apprendre que les boulevards dont elle se défie sont les appuis certains de la force publique et les plus redoutables barrières de l'oppression.
Actuellement, Messieurs, je dois motiver les principales dispositions du projet qui vous est soumis; je dis les principales, car beaucoup d'articles s'expliquent d'eux-mêmes, ou n'ont besoin pour être entendus que d'un développement peu considérable, et qu'il suffira de donner au moment de la discussion. Le premier objet qui se présente à l'examen, c'est la division des places en différentes classés, selon leur importance. Et remarquez bien que l'importance d'une place ne dépend pas toujours de sa position plus ou moins avancée sur une frontière. Metz, par exemple, est réellement en seconde ligne; cette place est couverte par les forteresses de Longwy, ae Thionville et de Sarrelouis, mais elle offre de si puissants moyens de protection aux forteresses qui sont en avant d'elles, c'est un dépôt si vaste, si précieux entre les Vosgés et les Ardennes, c'est un point de réunion si solide entre les corps d'armées chargés de la défense du Rhin et de la Meuse; enfin sa possession assurerait à l'ennemi des avantages si effrayants, que toutes les considérations possibles se réunissent pour faire ranger Metz au rang de nos places de guerre les plus importantes, et par conséquent pour la tenir toujours sur le pied de défense le plus respectable.
Ce que j'ai dit de Metz est plus ou moins applicable à quelques autres places, et cette explication servira de réponse générale aux observations que l'on pourrait faire sur la répartition que présente le tableau annexé au projet de décret.
Quant aux motifs généraux qui ont déterminé ce classement, il tient à la nature des choses mêmes; toutes les forteresses ne peuvent être attaquées à la fois; les plus avancées sont destinées à soutenir le premier effort de l'ennemi ; le moment où elles peuvent être insultées n'est pas toujours prévu; elles doivent donc être toujours prêtes, c'est-à-dire être munies des principaux moyens nécessaires à leur défense. C'est pour cette raison que toutes nos places de première ligne sont mises en'première classe, et que si l'on a cru devoir placer dans la première classe des places de la seconde ligne, on ne s'est point permis de ranger des places de la première iigne dans la seconde classe, à l'exception de quelques postes qui, ayant reçu tout le complément de force dont leur position et leur objet les rend susceptibles, n'ont besoin que d'être simplement entretenus. Et d'ailleurs les postes dont il s'agit ne devant servir que de dépôts reculés ou de vedettes en avant, sous ce rapport, il suffit qu'ils
soient à l'abri d'un coup de main, et ils ne sont pas destinés à soutenir une attaque régulière.
Nous avons appelé places de seconde classe, celles qui, soit par la nature du pays où elles sont situées, soit par leur position en arrière des places de la première ligne, sont à l'abri des premiers efforts de l'ennemi, et dont l'attaque ne peut avoir lieu sans des mouvements, des préparatifs qui, ne pouvant être secrets, donnent le temps de les munir et de les armer en défense. Il suffit que dans leur état habituel elles ne soient point délabrées, que, lorsqu'elles devront servir, elles n'exigent point des. réparations trop considérables, pour lesquelles le temps serait insuffisant ; et, d'après ces considérations, nous demandons qu'elles soient simplement entretenues.
Enfin viennent les places que.nous appelons de troisième classe, et qui comprennent toutes celles qui, soit par les localités des frontières, soit par leur situation en arrière des places de première ligne, soit par leurs autres relations militaires, ne peuvent être attaquées qu'après des événements cbnsidérables, qtf après la perte des places qui les couvrent; c'est-à-dire au plus tôt à la fan de la première campagne; l'incertitude des services qu'elles pourront rendre ne permet pas d'y consommer des fonds ; mais leur utilité possible, après dé grands revers, veut qu'on en conserve les masses. Il est reconnu qu'avec des bras l'on peut, dans un temps très court, tel qu'une couple de mois, par exemple, faire sortir une forteresse de ses ruines et la mettre en état d'être respectée. La guerre de Hanovre a justifié cette assertion d'une manière incontestable.
L'on demande souvent à quoi bon un si grand nombre de places, les unes derrière les autres, et s'il est possible de croire que quelques-unes d'entre elles puissent être jamais attaquées?
Je réponds à cela que les frontières du royaume ayant varié très fréquemment, par l'effet des différentes guerres, à mesure que le territoire français s'est agrandi, n a fallu construire des forteresses pour assurer la conservation de ses nouvelles propriétés; alors les places qui formaient l'ancienne barrière se sont trouvées reculées et n'ont plus eu la même importance; il en est qui, d\ ssentiellement nécessaires qu'elles étaient, n'ont plus aujourd'hui qu'une utilité éventuelle difficile à présumer, mais qui cependant est possible. Dans des temps malheureux elles deviendront la ressource de l'Etat, elles l'ont été déjà, et il faut être bien clairvoyant et bien hardi pour oser décider la destruction d'une place,;frontière, quelque éloignée qu'elle soit des coups de l'ennemi. Lorsque nous possédions Luxembourg, il fut question de raser Longwy; si l'ont eût suivi cette idée, il aurait fallu peu de temps après rebâtir ce même Longwy, qui dans ce moment est exposé aux premiers, efforts des étrangers. Croyons-en l'histoire et l'expérience : en 1712, nous avions pour têtes de frontières les places d'Arras, Cambrai, Landrecies, qui au commencement de la guerre de la succession n'étaient qu'en quatrième ligne: tout était envahi en avant de ces forteresses ; alors on ne regardait pas comme inutiles les places de la Canche, de 'Authie, delà Sommé, qui au commencement de cette même guerre étaient en cinquième, sixième et jusqu'en septième ligne. Elles renfermèrent les besoins de nos armées; elles offrirent des points d'appui au maréchal de Villars, elles en imposèrent à l'ennemi, qui redouta de s'avancer
dans ce dédale. Il chercha à pénétrer dans le royaume par la Champagne ; dans cette intention il entreprit le siège de Landrecies, la nécessité de soutenir ses convois lui fit effiler et affaiblir sa ligne d'opérations : le maréchal de Villars en profita, il battit M. le prince Eugène à Denain, le siège de Landrecies fut levé, les succès de dix campagnes s'évanouirent, et l'Etat fut sauvé. Les mêmes circonstances peuvent se reproduire, ne nous privons pas des mêmes ressources; si les places de l'Authie èt de la Somme n'existaient pas, nul homme de bon sens ne proposerait de les construire; mais elles existent, elles peuvent être conservées sans la moindre dépense pour l'Etat, et nul homme prudent, qui aura étudié la guerre et nos frontières, n'osera donner le conseil de les démolir. Enfin, quand il serait vrai qu'après un examen bien réfléchi on reconnaîtrait l'inutilité absolue de quelques-unes de Ces forteresses, le comité a pensé que lorsque la fermentation agite toutes les têtes, lorsque des inquiétudes se manifestent, lorsque l'annonce de la guerre s'accrédite par des rumeurs populaires, ce n'était pas le moment d'atténuer nos moyens de défense et de priver l'Etat de la moindre de ses ressources.
Une seconde disposition du décret mérite encore quelque développement, £'est celle qui considère les places fortes sous le rapport de la paix et sous celui de la guerre.
Le comité a pensé que la sûreté des places dépendant de la vigilance de celui qui e3t chargé de les défendre, et cette vigilance étant la partie la plus essentielle de la police, il était indispensable que cette police fût confiée exclusivement à celui qui, sur sa tête et sur son honneur était garant de se3 effets ; qu'un honnête homme n'oserait jamais répondre d'une place assiégée ou menacée, s'il ne disposait pas librement de tous les moyens de surveillauce et de précaution qu'exige un pareil emploi ; que l'état de guerre nécessitait un ordre de choses absolument différent de l'état de paix, qu'il exigeait une suprématie, une dictature seule capable d'assurer l'unité des forces et la concordance des moyens ; et qu'enfin si la loi devait toujours être en vigueur, du moins, dans certains moments, il était indispensable d'en changer les organes.
Je Bornerai là l'exposition des motifs qui ont déterminé le comité, et je me réserve de donner des éclaircissements nécessaires à mesure qu'on les demandera dans le cours de la discussion. (Applaudissements.).
(L'Assemblée décrète l'impression de ce rapport.
, ex-président, remplace M. Tron-chet au fauteuil de la présidence.
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er du titre Ior du projet de décret (1) ; cet article est ainsi conçu :
Titre Ier.
Conservation et classement des places de guerre et postes militaires. — Police des fortifications.
« Art. 1er. Les places de guerre et postes
mi-
« Les places et postes de la première classe seront non seulement entretenus avec exactitude, mais renforcés encore dans toutes celles de leurs parties qui l'exigeront, et constamment pourvus aespriucipauxmoyensnécessairesà leur défense.
« Ceux de la seconde classe seront entretenus sans augmentation, et ceux de la troisième classe seront conservés en masse, pour valoir au besoin, sans démolition et sans autre entretien que celui des bâtiments qui seront conservés pour le service militaire, et des ouvrages relatifs aux manœuvres des eaux. »
Il est proposé par amendement d'ajouter:
1° Au commencement du troisième paragraphe, après les mots « sans augmentation », ceux-ci « si ce n'est pour les travaux commencés » .
2° A la fin du même paragraphe, ceux-ci « conformément au tableau qui sera décrété et annexe au procès-verbal »,en retranchant en conséquence les expressions analogues qui terminent dans la rédaction du projet le premier alinéa.
, rapporteur, adopte ces deux modifications et soumet à la délibération l'article 1er dans les termes suivants :
« Les places de guerre et postes militaires seront partagés en 3 classes, suivant leur degré d'importance.
« Les places et postes de la lre classe seront non seulement entretenus avec exactitude, mais encore renforcés dans toutes celles de leurs parties qui l'exigeront, et constamment pourvus des principaux moyens nécessaires à leur défense.
« Ceux de la 2e classe seront entretenus sans augmentation, si ce n'est pour les travaux commencés; et ceux delà 3e classe seront conservés en masse pour valoir aù besoin, sans démolition et sans autre entretien que celui des bâtiments, qui seront conservés pour le service militaire, et des ouvrages relatifs aux manœuvres des eaux : le tout conformément au tableau qui sera décrété et annexé aù procès-verbal. » (Adopté.)
Art. 2.
« Ne seront réputés places de guerre ou postes militaires que ceux énoncés au tableau annexé au présent décret. » (Adopté.)
Art. 3.
« Dans le nombre des places de guerre et postes militaires désignés à l'article précédent, si un examen ultérieur prouvait que quelques forts, citadelles, tours ou châteaux sont absolument inutiles à la défense de l'Etat, ils pourraient être supprimés ou démolis en tout ou en partie, et leurs matériaux et emplacements aliénés au profit du Trésor public. » (Adopté.)
Art. 4.
« Nulle construction nouvelle déplacé de guerre ou poste militaire, et nulle suppression ou démolition de ceux actuellement existants, né pourront être ordonnées que d'après l'avis d'un conseil de guerre, confirmé par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi. »
Je demande la suppression des mots î « d'après l'avis d'un conseil de guerre. »
, rapporteur. J'adopte
et je propose de mettre : « sur la proposition du roi ».
Ce n'est pas çà. Par cette rédaction, vous donnez au roi une initiative nécessaire qu'il ne doit pas avoir. Il ne s'agit nullement ici de l'initiative accordée pour la paix ou la guerre; il est seulement question d'un, objet d'administration intérieure; et si l'article passait ainsi, le Corps législatif ne pourrait ordonner la démolition d'une forteresse qui menacerait la sûreté nationale, sans la proposition expresse du roi.
Je demanderais donc que l'article fût rédigé ainsi : « Nulles constructions, etc... ne pourront être ordonnées que par un décret du Gorps législatif, sanctionné par le roi. »
En voulant défendre la sûreté nationale, on l'expose étrangement. La totalité de la défense du royaume est singulièrement utile; et si un député ou 40 députés avaient le talent de persuader au Corps législatif qu'il faut démolir telle ou telle place de guerre et que le décret fût rendu avec une grande promptitude, quels dangers n'y aurait-il pas?
Je demande que l'article reste tel qu'il est.
Je demande à répondre à cela... (Non ! non ! Fermez la discussion !)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
, rapporteur. On pourrait rédiger ainsi l'article :
« Nulles constructions, etc«. ne pourront être ordonnées que sur la proposition du roi, confirmée par un décret du Corps législatif et sanctionnée par lui. » (Non! non! La^priorité pour la première rédaction!)
(La priorité est accordée à la première rédaction du comité et l'article 4 du projet est adopté sans modification.)
Art. 5.
« Les places de guerre et postes militaires seront considérés sous deux rapports, savoir : dans l'état de paix et dans l'état de guerre. » (Adopté.)
Art. 6.
« Dans les places de guerre et postes militaires en état de paix, la police intérieure et tous autres actes du pouvoir civil n'émaneront que des magistrats et autres officiers civils préposés par la Constitution pour veiller au maintien des lois; l'autorité des agents militaires ne pouvant s'étendre que sur les troupes et sur les autres objets dépendant de leur service, qui seront désignés dans la suite du présent décret. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture des articles 7, 8 et 9 du projet, ainsi conçus :
Art. 7.
« Dans les places de guerre et postes militaires en état de guerre, les officiers civils cesseront d'être chargés de l'ordre et de la police intérieurs; et l'autorité dont ils sont revêtus par la loi pour remplir ces divers objets passera aux agents militaires qui l'exerceront exclusivement sous leur responsabilité.
Art. 8.
« L'état de guerre sera déterminé par un décret
du Corps législatif, rendu sur la proposition du roi, sanctionné et proclamé par lui.
« Art. 9. Et dans le cas où le Corps législatif ne serait point assemblé, le roi pourra de sa seule autorité proclamer que tels places ou postes sont en état de guerre, soùs la responsabilité personnelle des ministres; mais, lors de la réunion du Corps législatif, il, délibérera sur la proclamation du roi à l'effet de la valider ou de l'infirmer par un décret. »
L'article 7 est très délicat. Si l'on en croit les bruits qui se répandent journellement, on n'attend qu'un instant favorable pour insulter Landau, Wissembourg, Strasbourg; sitôt que l'insulte sera faite, vous ne pourrez, vous dispenser de déclarer ces places en état de guerre, et alors vous aurez fait cesser dans les villes toute autorité civile, quelle qu'elle puisse être; vous aurez investi le commandant militaire de toute l'autorité possible; et si le commandant militaire est un aristocrate, que deviendra la province?
Je demande, moi, ce que deviendra la France, Messieurs, le jour où vos magistrats populaires, où vos corps administratifs sè-ront dépouillés, non seulement de la police, mais du droit de protéger lés citoyens,-il n'y a plus véritablement de liberté. Considérez d'ailleurs que là déclaration que telle place est en état de guerre peut être très fréquente, et que, sur des alarmes bien oil mal fondées, il serait très possible que le Corps législatif déclarât toutes les places en état de guerre. Quels dangers alors à remettre entre les mains des militaires une police universelle!
Mais parlons sans chaleur et transigeons sur l'article. N'y aurait-il pas moyen de donner la police intérieure aux officiers civils pour ce qui regarde les petits désordres qui peuvent se commettre dans l'intérieur des villes et de laisser le reste aux officiers militaires?
Les articles 7, 8 et 9 doivent être renvoyés au comité de Constitution et au comité militaire, et rapportés par eux à une séance du matin, car ils sont évidemment constitutionnels. L'article 9 surtout mérite le plus sérieux examen.
Je conclus au renvoi et à l'ajournement.
Je ne m'oppose pas à l'ajournement; mais j'observe qu'il est impossible de ne pas distinguer la différence qui existe entre une ville en état de paix et une ville en état de guerre. Il ne faut pas que l'autorité civile puisse croiser l'autorité militaires si vous voulez que les moyens de défense soient efficaces.
, rapporteur. J'ai annoncé moi-même à l'Assemblée, dans une précédente séance, qu'il y avait dans ce projet des articles constitutionnels; ainsi je consens à l'ajournement à une séance du matin. Mais, quant au renvoi aux comités, il est parfaitement inutile, parce que ces articles ont été concertés avec le comité de Constitution et qu'ils ne sont que des conséquences nécessaires du décret sur la paix et la guerre.
(L'Assemblée, consultée, décrète le renvoi des articles 7, 8 et 9 aux comités militaires et de Constitution, qui sont chargés de les examiner de nouveau, de leur substituer d'autres articles
propres à concilier la sûreté des places avec la liberté et les droits des citoyens et d'en faire le rapport à une séance du matin.)
lève la séance à neuf heures et demie.
a la séance de l'assemblée nationale du
projet de décret sur la conservation et le classement des places de guerre et postes militaires; sur la suppression des états-majors des places; sur la manière de suppléer à leur service; sur le commandement et le service des troupes de ligne en garnison; sur les rapports des troupes de ligne avec les gardes nationales, et sur ceux du pouvoir civil avec Vautorité militaire dans les places ; sur la conservation et la manutention des établissements et bâtiments militaires, meubles, effets, fournitures et ustensiles à l'usage des troupes ; sur les logements desdites troupes; et sur l'administration des travaux militaires (1) ; présenté à l'Assemblée nationale, au nom de son comité militaire, pàr M. Rureaux de Pusy, rapporteur de ce comité.
TITRE 1er.
Conservation et classement des places de guerre et postes militaires. — Police des fortifications.
Art. 1er. Les places dé guerre et postes
militaires seront partagés en trois classes, suivant leur degré
d'importance et conformément au tableau annexé au présent décret.
Les places et postes de la première classe seront non seulement entretenus avec exactitude, mais encore renforcés dans toutes celles de leurs parties qui l'exigeront, et constamment pourvus des principaux moyens nécessaires à leur défense.
Ceux de la seconde classe seront entretenus sans augmentation, et ceux de la troisième classe seront conservés en masse, pour valoir au besoin, sans démolition, et sans autre entretien que celui des bâtiments qui seront conservés pour le service militaire, et des ouvrages relatifs aux manœuvres des eaux.
Art. 2. Ne seront réputés places de guerre ou postes militaires que ceux énoncés au tableau annexé au présent décret.
Art. 3. Dans le nombre des places de guerre et postes militaires désignés à l'article précédent, si un examen ultérieur prouvait que quelques forts, citadelles, tours ou châteaux sont absolument inutiles à la défense de l'Etat ils pourraient être supprimés et démolis en tout ou en partie, et leurs matériaux et emplacements aliénés au profit du Trésor public.
Art. 4. Nulle construction nouvelle de places de guerre ou postes militaires et nulle suppression ou démolition de ceux actuellement existants ne pourront être ordonnées que d'après l'avis d'un conseil de guerre, confirmé par un
décret du Corps législatif sanctionné par le roi.
Art. 5. Les places de guerre et postes militaires seront considérés sous deux rapports ; savoir: dans Vétat de paix et dam l'état de guerre.
Art. 6. Dans les places de guerre et postes militaires en état de paix, la police intérieure et tous autres actes du pouvoir civil n'émaneront que des magistrats et autres officiers civils, préposés par la Constitution pour veiller au maintien des lois ; l'autorité des agents militaires ne pouvant s'étendre que sur les troupes et sur les autres objets dépendant de leur service, qui seront désignés dans la suite du présent décret.
Art. 7. Dans les places de guerre et postes militaires en état de guerre, les officiers civils cesseront d'être chargés de l'ordre et de la police intérieure, et l'autorité dont ils sont revêtus par la loi pour remplir ces divers objets, passera aux agents militaires qui l'exerceront exclusivement sous leur responsabilité.
Art. 8. L'état de guerre sera déterminé par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition du roi, sanctionné et proclamé par lui.
Art. 9. Et dans le cas ou le Corps législatif ne serait point assemblé, le roi pourra, de sa seule autorité, proclamer que tels places ou postes sont en état de guerre, sous la responsabilité personnelle des ministres; mais lors de la réunion du . Corps législatif il délibérera sur la proclamation du roi à l'effet de la valider ou de l'infirmer par un décret.
Art. 10. Tous terrains des fortifications des places de guerre ou postes militaires, tels que remparts, parapets, fossés, chemins couverts, esplanades, glacis, ouvrages avancés, terrains vides, canaux, flaques ou étangs, dépendant de3 fortifications, et tous autres objets faisant partie des moyens de défense des frontières du royaume, tels que lignes redoutes, batteries, retranchements, digues, écluses, canaux et leurs francs-bords, lorsqu'ils accompagnent les lignes défensives, ou qu'ils en tiennent lieu, quelque part qu'ils soient situés, soit sur les frontières de terre, soit sur les côtes et dans les îles qui les avoisinent, sont déclarés propriétés nationales ; en cette qualité leur conservation est attribuée au ministre de laguerre, et, dans aucun cas, les corps administratifs ne pourront en disposer ni s'immiscer dans leur manutention, d'une autre manière que celle qui sera prescrite par la suite du présent décret, sous la participation dudit ministre, lequel ainsi que ses agents, demeureront responsables, en tout ce qui lès concerne, de la conservation desdites pro-priétées nationales de même que de l'exécution des lois renfermées au présent décret.
Art. 11. L'Assemblée nationale n'entend point annuler les conventions ou règlements en vertu desquels quelques particuliers jouissant des productions de certaines parties des lignes, redoutes, retranchements ou francs-bords de canaux, mais elle renouvelle, en tant que de besoin, la défense de les dégrader, d'en altérer les formes ou d'en combler les fossés ; les dispositions ci-dessus ne concernant point les jouissances à titre d'émoluments, et ne dérogeant point à ce qui est prescrit par l'article 58 du titre III du présent décret.
Art. 12. Dans toutes les places de guerre et postes militaires, le terrain compris entre le pied du talus du rempart et une ligne tracée du côté de la place, à quatre toises du pied dudit talus, et parallèlement à lui, sera considéré comme terrain militaire national. Dans les postes militaires ui n'ont point de remparts, mais un simple mur e clôture, la ligne destinée à limiter intérieure-
ment le terrain militaire national sera tracée à cinq toises du parement intérieur du parapet ou mur de clôture.
Art. 13. Si dans quelques places de guerre et postes militaires l'espace compris entre le pied du talus du rempart ou le parement intérieur du mur de clôture et les maisons ou autres établissements des particuliers était plus considérable que celui prescrit par l'article précédent, il ne serait rien changé aux dimensions actuelles du terrain national.
Art. 14. Les agents militaires veilleront à ce qu'aucune usurpation n'étende à l'avenir les propriétés particulières au delà des limites assignées au terrain national; et cependant toutes personnes qui jouissent actuellement de maisons, bâtiments ou clôtures qui débordent les limites, continueront d'en jouir sans être inquiétées ; mais dans le cas de démolition desdites maisons, bâtiments ou clôtures, que cètte démolition soit volontaire, accidentelle ou nécessitée pâr le cas de guerre et autres circonstances, les particuliers seront tenus dans la restauration de leurs maisons, bâtiments et clôtures, de ne point outrepasser les limiteé fixées au terrain national, par l'article 12 ci-dessus.
Art. 15. Les particuliers qui, par les dispositions de l'article 15 ci-dessus, perdront une partie du terrain qu'ils possèdent, en seront indemnisés par le Trésor public, s'ils fournissent le titre légitime de leur possession, ou la preuve d'une jouissance de trente ans, à l'époque de la publication du présent décret ; l'Assemblée nationale n'entendant d'ailleurs déroger en rien aux autres conditions en vertu desquelles ils seront entrés en jouissance de leur propriété.
Art. 16. Les terrains militaires nationaux extérieurs aux places et postes seront limités et déterminés par des bornes, toutes les fois qu'ils ne se trouveront pas l'être déjà par des limites naturelles telles que chemins, rivières ou canaux, etc. Dans le cas où le terrain militaire national ne s'étendrait pas à la distance de 20 toises de la crête des parapets des chemins couverts, les bornes qui devront en fixer l'étendue seront portées à cette distances de 20 toises, et les particuliers légitimes possesseurs seront indemnisés, aux frais du Trésor public, de la perte de terrain qu'ils pourront éprouver par cette opération.
Art. 17. Dans les postes sans chemin couvert, les bornes qui fixeront l'éteudue du terrain militaire national seront éloignées du parement extérieur de la clôture de 15 à 30 toises, suivant que cela sera jugé nécessaire.
Art. 18. Tous terrains dépendant des fortifications, qui, sans nuire à leur conservation, seront susceptibles d'être cultivés, ne le seront jamais qu'en nature d'herbages, sans labour quelconque et sans être pâturés à moins d'une autorisation du ministre de la guerre.
Art. 19. Le ministre de la guerre désignera ceux desdits terrains qui seront susceptibles d'être cultivés, et dont le produit pourra être récolté sans inconvénients; il indiquera pareillement ceux des fossés, les canaux, flaques ou étangs qui seront susceptibles d'être péchés; il adressera les états de ces divers objets aux commissaires des guerres qui, conjointement avec les corps administratifs, et de la manière qu'il est prescrit aux articles 5, 6, 7, 8, 9, 10, du titre VI, les affermeront à l'enchère, en présence des agents militaires qui auront été chargés par le ministre de la guerre de prescrire les condi-
tions relatives à la conservation des fortifications.
Art. 20. Les fermiers de toutes les propriétés nationales dépendant du département de la guerre, seront responsables de toutes les dégradations qui seront reconnues provenir de la faute d'eux ou de leurs agents. Et lorsque le service des fortications obligera de détériorer, par des dépôts de matériaux du des emplacements d'ateliers ou dé toute autre manière, les productions de quelques parties des terrains qui leur seront affermés, l'indemnité à laquelle ils auront droit de prétendre sera estimée par des experts, et il leur sera fait, sur le prix de leurs baux, une déduction égale au dédommagement estimé,
Art. 21. Toutes dégradations faites aux fortifications ou à leurs dépendances, telles que portes, passages d'entrée des'villes, barrières, ponts-levis, ponts-dormants, etc., seront dénoncés par les agents militaires aux officiers civils chargés de la police, lesquels seront-tenus de faire droit, suivant les circonstances et lès caractères du délit.
Art. 22. Nulle personne ne pourra planter des arbres dans le lerrain des fortifications, émori-der, extirper ou faire abattre ceux qui s'y trouvent plantés, sans une autorisation du ministre de la guerre ; ceux desdits arbres qu'il désignera comme inutiles au service militaire seront vendus à l'enchère, conformément à ce qui est prescrit à l'article 19 ci-dessus pour l'affermage des terrains.
Art. 23. Tous les produits provenant des pro-^ priétés nationales dépendant du département ae la guerre seront perçus par les corps administratifs, et versés par eux au Trésor public, ainsi que cela sera réglé par les lois concernant l'organisation des finances.
Art. 24. Pour assurer la conservation des fortifications et la récolte des fruits des terrains affermés, il est défendu à toutes les personnes, sauf les agents militaires et leurs employés nécessaires, de parcourir les diverses parties desdites fortifications, spécialement leurs parapets et banquettes, n'exceptant de cette disposition que le seul terre-plein du rempart du corps de place, et les parties d'esplanade qui ne sont pas en valeur, dont la libre circulation sera permise à tous les habitants, depuis le soleil levé jusqu'à l'heure fixée pour la retraite des citoyens, et laissant aux officiers municipaux, de concert avec l'au-rité militaire, le droit de restreindre cette disposition, toutes les fois que les circonstances l'exigeront.
Art. 25. Il ne sera fait aucun chemin, levée ou chaussée, ni creusé aucun fossé à 500 toises, autour des places, et à 300 toises autour des postes militaires, sans que leur alignement et leur position aient été concertés avec l'autorité militaire.
Art. 26. Il ne sera bâti ni reconstruit aucune maison ni clôture de mâçonnerieautourdes places de première et de seconde classe, même dans leursavenueset faubourgs, plus près qu'à 250 toises de la crête des parapets des chemins couverts les plus avancés; en cas de contravention, ces ouvrages seront démolis aux frais des propriétaires contrevenants. Pourra néanmoins le ministre de la guerre déroger à cette disposition pour permettre la construction de moulins et autres semblables usines à une distance moindre que celle prohibée par le présent article, à condition que esdites usines ne seront composées que d'un rez-de-chaussée, et à charge par les propriétaires
de ne recevoir aucune indemnité pour démolition en temps de guerre.
Art. 27. Autour des places de première et de secondé classe, il sera permis d'élever les bâtiments et clôtures en bois et en terre sans y employer de pierre ni de brique, même de chaux ni de plâtre, autrement qu'en crépissage, mais seulement à la distance ae 100 toises de la crête ou parapet du chemin, couvert le plus avancé, et avec la condition de les démolir sans indemnité, à la réquisition de l'autorité militaire, dans le cas où la place légalement déclarée en état de guerre, serait menacée d'une hostilité.
Art. 28. Autour des places de troisième classé et des postes militaires de toutes les classes, il sera permis d'élever des bâtiments et clôtures de construction quelconques, au delà de la distance de 100 toises des crêtes, des parapets des chemins couverts les plus avancés, ou des murs de clôture des postes, lorsqu'il n'y aura pas de chemins couverts: le cas arrivant où ces places et postes seraient déclarés dans l'état de guerre, les démolitions qui seraient jugées nécessaires à la distance de 250 toises et au-dessous, de la crête des parapets des chemins couverts, et des murs de clôture, n'entraîneront aucune indemnité pour les propriétaires.
Art. 29. Les décombres provenant des bâtisses ou autres travaux civils et militaires ne pourront être déposés à une distance moindre de 500 toises delà crête des parapets des chemins couverts les plus avancés, des places de guerre, si ce n'est dans les lieux indiqués par les agents de l'autorité militaire ; exceptant de cette disposition ceux des détriments qui pourraient servir d'engrais aux terres, pour les dépôts desquels les particuliers n'éprouveraient aucune gêne, pourvu qu'ils évitent de les entasser.
Art. 30. Les écluses des places de guerre de toutes les classes et celles qui dépendent des fortifications ne pourront être manœuvrées que par lés ordres de l'autorité militaire, laquelle, dans l'état de paix, sera tenue de se concerter avec les municipalités ou les directoires des corps administratifs, pour diriger les effets desdites écluses de la manière la plus utile au bien public.
Art. 31. Lorsqu'une place sera en état de guerre, les inondations qui servent à sa défense ne pourront être tendues ou mises à sec, sans un ordre exprès du roi ; il en sera de même pour les démolitions des bâtiments ou clôtures qu'il deviendrait nécessaire de détruire pour la défense desdites places ; et en général, cette disposition Sera suivie pour toutes les" opérations qui pourraient porter préjudice aux propriétés et jouissances particulières.
Art. 32. Dans le cas d'urgente nécessité qui ne permettrait pas d'attendre les ordres du roi, le commandant des troupés assemblera le conseil de guerre à l'effet de délibérer sur l'état de la place et la défense de ses environs, et d'autoriser la prompte exécution des dispositions nécessaires à sa défense.
Art. 33. Dans les cas prévus par les articles 31 et 32 ci-dessus, les particuliers dont les propriétés auront été endommagées seront indemnisés aux frais du Trésor public, sauf pour les maisons, bâtiments et clôtures existant à une distance moindre de 250 toises de la crête des parapets dés chemins couverts.
Art. 34. Dans les places et postes de troisième classe où il y a des municipalités, il ne sera fourni aucuns fonds par le Trésor public pour l'entretien des ponts, portes et barrières ; ces diverses dé-
penses devant être à la charge des municipalités, si elles désirent conserver lesdits ponts, portes et barrières
Art. 35. Les municipalités des places et postes de troisième classe pourront, si elles le jugent convenable, supprimer les ponts sur les fossés, et leur substituer des levées en terre avec des poteaux pour la circulation des eaux dont lesdits fossés peuvent être remplis ; à charge à elles de déposer dans les magasins militaires les matériaux susceptibles de service, tels que les plombs, les fers, et lis bois sains, provenant de la démolition desdits ponts, et à charge encore de ne point dégrader les piles et culées de maçonneries sur lesquelles ces ponts seront portés.
Art. 36. Il est défendu à tous particuliers, autres que les agents militaires désignés à cet effet par le ministre de la guerre, d'exécuter aucune opération de topographie sur le terrain à 500 toises d'une place de guerre, sans l'aveu de l'autorité militaire : celte facilité ne pourra être refusée, lorsqu'il ne s'agira que d'opérations relatives à l'arpentement des propriétés. Les contrevenants à cet article seront arrêtés et jugés conformément aux lois qui seront décrétées sur cet objet, dans le Gode des délits militaires.
SUITE DU TITRE Ier.
Des employés des fortifications.
Art. 1er. Tous les employés des
fortifications connus ci-devant sous le nom d'inspecteurs de casernes,
de caserniers, de fontainiers, de citer-niers, d éclusiers, de gardes
des fortifications, digues, lignes, épis, jetees, etc., seront désignés
dorénavant sous le nom de gardes des fortifications et d'éclusiers des
fortifications.
Art. 2. Les emplois de gardes et d'éclusiers de fortifications dans les places de lr8 et de 2° classe ne pourront être donnés qu'à des sujets qui aient vété employés 6 ans au service des fortifications.
Art. 3. Nul ne pourra exercer les fonctions de garde ou d'éclusier des fortifications, qu'en conséquence de la nomination du roi et d'un brevet de Sa Majesté.
Art. 4. Les gardes et éclusiers des fortifications seront divisés en 4 classes quant aux appointements dont ils doivent jouir, savoir :
20 de la 1"classe, aux appointements de. 720 liv. . 540 . 360 . 240
80 de [a 2e classe, aux appointements de. 540 43,200
120 de la 3e classe, aux appointements de. 360 43,200
80 de la 4e classe,, aux appointements de. 240 19,200
300 gardes ou éclusiers des fortifications, coûtant ensemble............... ..... 120,000 liv.
Cette somme de 120,000 livres sera ajoutée annuellement aux fonds destinés à l'entretien des fortifications et des bâtiments militaires qui en dépendent.
Art. 5. Les gardes éclusiers des fortifications ne seront soumis qu'à l'autorité militaire dans tout ce qui dépendra de leurs fonctions, et ils ne recevront d'ordres pour leur service que de ceux des agents de cette autorité qui leur seront désignés à cet effet par les règlements militaires.
Art. 6. Les 300 gardes et éclusiers des fortifications, désignés à l'article 4 ci-dessus, seront répartis par le ministre de la guerre dans les places et postes militaires, suivant les besoins du service, pour y exercer les fonctions qui leur seront assignées par leurs brevets.
Art. 7. Les employés de3 fortifications continueront à exercer leurs emplois comme ci-devant, et ils n'éprouveront aucune réduction sur les traitements dont ils jouissent : quant à l'excédent des fonds affectés à la présente organisation sur ceux qui étaient affectés à l'ancienne, il sera réparti par le ministre de la guerre, tant à ceux des anciens employés, dont les fonctions seront augmentées, qu'aux gardes et éclusiers des fortifications qui seront créés suivant la nou-? velle organisation, soit pour satisfaire aux besoins du service dans les lieux où ils deviennent nécessaires, soit à mesure de l'extinction des emplois.
Art. 8. Tous les gardes et éclusiers des fortifications d'ancienne ou de nouvelle création seront tenus de résider dans les lieux de leur service, ainsi que d'y porter l'uniforme qui leur sera affecté ; faute de se conformer à cette injonction, il sera nommé à leur emploi.
Art. 9. Les gardes et éclusiers des fortifications
recevront un logement en argent ou en nature, au lieu fixé pour leur résidence.
Art. 10. Les gardes et éclusiers des fortifications ne pourront exercer aucun emploi ou charge de communauté dont le service empêcherait celui qui leur est confié, en qualité de gardes et d'éclusiers des fortifications.
Art. 11. Tous privilèges et exceptions dont ont joui ou pu jouir les employés des fortifications aux entrées des villes, sur les objets de consommation, seront et demeureront supprimés, à dater de l'époque de la publication du présent décret.
TITRE II.
Suppression des états-majors des places et retraites accordées à ceux qui les composent.
Art. 1er. Tous les emplois d'officiers
d'état-major des places de guerre, citadelles, châteaux et autres postes
militaires ou villes de l'intérieur, de quelque grade que soient ces
officiers, et sous quelque dénomination qu'ils existent, et toutes leurs
fonctions en cette qualité seront et demeureront supprimés à dater du
ler*juillet de la présente année.
Art. 2. Ne seront considérés comme officiers^ d'états-majors des places, que ceux désignés dans l'ordonnance du 18 mars 1776, sous les dénominations de gouverneurs à charge de résidence, de commandants, de lieutenants de roi, de majors commandants de majors, d'aide-majors et de sous-aide-majors.
Art. 3. Il sera accordé auxdits officiers des retraites dont la valeur sera déterminée, tant en conséquence du traitement dont ils jouissent,
que de l'ancienneté de leurs services, ainsi qu'il sera expliqué ci-après.
Art. 4. A l'effet d'évaluer le traitement en retraite dont devra jouir chacun desdits officiers, on prendra pour base le tarif annexé à l'Ordonnance du 18 mars 1776, pour tous ceux qui ont été pourvus de leurs emplois depuis cette époque. Quant aux officiers pourvus de survivances d'adjonction ou d'emplois effectifs dans les états-majors des places, antérieurement au 18 mars 1776; l'évaluation de leur retraite sera faite-à leur choix soit d'après ie tarif annexé à ladite ordonnance, soit d'après la valeur des traitements et émoluments qu'ils justifieront avoir appartenu à cette époque, aux emplois dont ils étaient alors titulaires, adjoints ou survivanciers.
Art. 5. Tout officier d'état-major dont le traitement n'excède pas 1,200 livres, aura en retraite une somme annuelle égale à la totalité du traitement dont il jouit.
Art. 6. Tout officier d'état^major de place, dont le traitement n'excède pas 1200 livres, ne pourra, dans aucun cas, être réduit à une retraite dont le montant soit au-dessous de 1200 livres.
Art. 7. Le maximumauquel pourra s'élever la retraite d'un officier d'état-major de place qui n'est pas officier général, sera la totalité de son traitement, s'il n'est que de 6,000 livres èt au-dessous, et si ce traitement excède 6,000 livres, le maximum de la retraite sera réduit à ladite somme de 6,000 livres. Quant à l'officier d'état-major de place qui sera officier général, il sera, selon ses services, susceptible du maximum de retraite forcé par le décret du 3 août 1790, pour les officiers généraux du même grade que lui.
Art. 8. Nul officier d'état-major de place dont le traitement surpassera 1,200"livres ne sera réduit à une retraite moindre que la moitié de son traitement; ladite retraite ne pouvant tomber au dessous de 1,200 livres, ni excéder le maximum fixé à l'article 7 ci-dessus.
Art. 9. Le nombre des années de service des officiers d'état-major de place sera évalué conformément au décret du 3 août 1790, et dans cette évaluation, le temps qu'ils auront été employés dans les fonctions d'officiers d'état-major de place leur sera compté comme s'ils avaient été en activité dans la ligne.
Art. 10. Sauf ies modifications indiquées aux articles précédents, 5, 6, 7,8 et 9, les traitements en retraite, dont devront jouir les officiers d'état-major de places, se calculeront conformément au décret du 3 août 1790 sur les pensions ; c'est-à-dire que leurs retraites se composeront, d'abord du quart de leur traitement actuel, pour les 30 premières années de leur service, et ensuite d'un vingtième des trois quarts restants pour chaque année de service qu'ils compteront au-dessus de 30 ans jusqu'à 50, terme auquel, ils emporteront la totalité de leur traitement, s'il n'excède pas le maximum fixé par l'article 7 précédent.
Art. 11. Tout officier d'état-major de place qui aura perdu un membre à la guerre aura, en retraite, le montant du traitement total dont il jouit, pourvu qu'il n'excède pas le maximum prescrit par l'article 7, et dans le cas où il excéderait, sa retraite sera réduite à ce maximum.
Art. 12. Indépendamment des retraites accordées à chaque officier d'état-major des places, il sera payé à chacun d'eux un logement en argent, ainsi qu'il suit ; à chaque gouverneur à charge
de résidence, lieutenant de roi, commandant de première classe, s'il est :
Officier général ou brigadier........ 600 liv.
Aux mêmes, s'ils ne sont pas officiers généraux ou brigadiers, par an.... — 360
A chaque lieutenant de roi et commandant de seconde classe, par an..... 300
A chaque major et major commandant, par an..................................250
A chaque aide-major, par an................180
A chaque sous aide-major, par an... 150
Art. 13. Les officiers retirés à la suite des places, payés de leurs retraites, sur les revues des commissaires, et qui avaient obtenu des logements dans les places, à la suite desquelles ils étaient retirés, conserveront lesdits logements, soit en nature, soit en argent, conformément à leur grade.
Art. 14. Tout officier d'état-major de place sera libre de demander que son traitement soit réglé, d'après le grade qu'il avait en activité dans la ligne, s'il croit y trouver quelque avantage ; et l'on ne pourra le lui refuser.
Art. 15. Les officiers d'état-major de place n'entreront en jouissance des retraites et des logements qui leur sont accordés par le présent décret, qu'au 1er juillet 1791; en conséquence, ils continueront à jouir de leur traitement actuel, jusqu'audit jour exclus.
Art. 16. Les officiers pourvus de provisions ou de commissions, en adjonction ou en survivance des officiers 'actuels des états-majors de place, conserveront les traitements dont ils jouissent, jusqu'à la mort des titulaires.
Art. 17. Ën cas de mort des titulaires, lesdits adjoints ou survivanciers perdront les traitements dont ils jouissent et seront substitués aux droits des titulaires; en conséquence, leur nouveau traitement en retraite sera calculé d'après celui affecté à l'emploi dont ils ont la survivance ou l'adjonction et conformément aux règles prescrites par le présent décret. Dans l'évaluation dé leur service, il compteront leur temps de survi-vancier ou d'adjoint, comme s'ils avaient été en activité dans la ligne.
Art. 18. Ceux qui, lorsqu'ils ont été faits officiers d'état-major de place, ou lorsqu'ils ont obtenu des adjonctions et survivances de ces emplois, avaient acquis les titres en vertu desquels les colonels et les lieutenants-colonels ont été déclarés susceptibles d'être faits maréchaux de camp, obtiendront ce grade conformément aux décrets des 15 février et 3 mars 1791.
Art. 19. Ceux des officiers des états-majors de place qui, depuis l'époque du 14 juillet 1*789, ont été privés, soit en totalité, soit en partie des émoluments qui leur étaient affectés par les ordonnances, seront indemnisés jusqu'au jour de leur réforme, d'après l'évaluation qui en sera faite et constatée; ils seront, de plus, payés de tout ce qui leur sera dû d'arriéré sur leur traitement.
Art. 20. Les corps et officiers civils qui avaient le privilège d'exercer les fonctions d'officiers d'état-major de place, les cesseront à dater du lor juillet' 1791.
Art. 21. Les dispositions précédentes, et toutes autres du présent décret ne concernent point les colonies françaises hors d'Europe, l'Assemblée nationale se réservant de prononcer ultérieurement sur le régime auquel elles devront être soumises.
TITRE III.
Du commandement et du service des troupes en garnison, des rapports entre le pouvoir civil et l'autorité militaire, ainsi qu'entre les gardes nationales et les troupes de ligne dans les places de guerre, postes militaires et garnisons ae l'intérieur.
Art. 1er. Le service que faisaient les
officiers des états-majors des places sera rempli par les officiers de
la ligne conformément à ce qui sera prescrit à cet égard par les
règlements militaires. Quant au commandement des troupes en garnison, il
sera décerné ainsi qu'il sera expliqué cktprè3.
Art. 2. U sera formé des divisions ou arrondissements comprenant un certain nombre de places, postes ou garnisons; dans l'un de ces points, pris pour chef-lieu, résidera un officier général chargé de surveiller et de maintenir l'ordre et l'uniformité du service dans toutes les places, postes et garnisons de son arrondissement.
Art. 3. Dans chaque garnison de place de guerre, poste militaire ou ville à l'intérieur, le commandement des troupes sera dévolu, sous les ordres de l'officier général, chef de l'arrondissement à celui des officiers employés en acti-~ vité dans ladite garnison qui se trouvera le plus ancien, dans le grade le plus élevé, sans distinction d'armes.
Arti 4. Dans les places de guerre qui auront des citadelles ou cnâteaux, ainsi que des forts détachés dépendant du système militaire de ces places, le commandant militaire de la place le sera également des citadelles, forts et cnâteaux qui en dépendent.
Art. 5. Ce commandant sera pris, conformément à l'article 4 ci-dessus, parmi tous les officiers composant les garnisons particulières desdites places, citadelles et dépendances, et sera tenu de faire son domicile habituel dans la place.
Art. 6. Dans les citadelles, forts et châteaux dépendant d'une place de guerre, il y aura des commandants particuliers, subordonnés au commandant de place.
Art. 7. Ces commandants particuliers seront pris, chacun dans leurs garnisons respectives, conformément à l'article 3 ci-dessus.
Art. 8. Nul officier général ne pourra exercer l'autorité militaire dans les places, postes ou garnisons de son arrondissement, que préalablement il n'ait fait enregistrer ses lettres de service au directoire de chacun des départements compris dans son arrondissement.
Art. 9. Dans chaque arrondissement, l'officier général commandant, chargé de tenir la main à l'exécution des règlements militaires, sera de plus obligé de se concerter avec toutes les autorités civiles, à l'effet de procurer l'exécution de toutes les mesures ou précautions qu'elles auront pu prendre pour le maintien de la tranquillité publique, ou pour l'observation des lois ; ainsi que d'obtempérer à leurs réquisitions, toutes les fois qu'elles seront dans les cas prévus par les lois.
Art. 10. Nul officier ne pourra prendre ou quitter le commandement des troupes dans une place qu'après l'avoir notifié au corps municipal.
Art 11. Seront tenus à la môme formalité, les officiers en résidence dans les places, et y faisant fonctions de chefs dans leurs parties respectives,
tels qu'officiers du génie, de l'artillerie et les commissaires des guerres : la même notification sera faite par eux aux autres corps administratifs, s'il existe entre ces corps et ces officiers quelques relations pour le service public.
Art. .12. Tout officier auquel le commandement sera dévolu par son grade et par son ancienneté ne pourra refuser de l'exercer.
Art. 13. Les commandants particuliers se conformeront dans leurs places respectives, à ce qui est prescrit article 9 du présent titre pour l'officier général commandant dans l'arrondissement, ainsi qu'aux ordres qu'ils recevront dudit officier général.
Art. 14. Dans tous les objets qui ne concernent que le service purement militaire tels que la défense de la place, la garde et la conservation de tous les établissements et effets militaires, tels que hôpitaux, arsenaux, casernes, magasins, prisons, vivres, effets d'artillerie ou des fortifications et autres bâtiments, effets ou fournitures à l'usage des troupes, la police des quartiers, la tenue, la discipline et l'instruction des troupes; l'autorité militaire sera absolument indépendante du pouvoir civil.
Art. 15. Il ne pourra être préjugé de l'article précédent, ni de tous autres du présent décret que, dans aucun cas les terrains, bâtiments et établissements confiés à la surveillance de l'autorité militaire puissent devenir des lieux d'exception ou d'asile, et soustraire le crime, la licence, les délits ou les abus à la poursuite des tribunaux : l'action des lois devant être également libre et puissante dans tous les lieux, sur tous les individus ; et nul ne pouvant sans forfaiture, pour aucun cas civil ou criminel, se prévaloir de son emploi, et de ses fonctions dans la société pour suspendre ou détruire l'effet des institutions qui la gouverne.
Art. 16. Dans toutes les circonstances qui intéresseraient la police, l'ordre, la tranquillité intérieure des places, et où la participation des troupes serait jugée nécessaire, le commandant militaire n'agira que d'après la réquisition par écrit des officiers civils, et autant que faire se pourra, qu'après s'être concerté avec eux.
Art. 17. En conséquence, lorsqu'il s'agira, soit de dispositions passagères, soit de mesures de précaution permanentes, telles que patrouilles régulières, détachements pour le maintien de l'ordre ou l'exécution des lois, police des foires, marchés ou autres lieux publics ; les officiers civils remettront au commandant militaire une réquisition signée d'eux, dont les divers objets seront clairement expliqués et détaillés, ét dans laquelle ils désigneront l'étendue de surveillance quils croiront nécessaire ; après quoi l'exécution de ces dispositions, et toutes mesures capables de la procurer, telles que consignes, placements de sentinelles, bivouacs, conduite et direction des patrouilles, emplacements des gardes et des ^détachements, choix des troupes et des armes et tous autres modes d'exécution, seront laissés à la discrétion du commandant militaire, qui en sera responsable, jusqu'à ce qu'il lui ait été notifié par les officiers civils que ces soins ne sont plus nécessaires, ou qu'ils doivent prendre une autre direction.
Art. 18. La force des garnisons sera réglée de manière à ce que, dans les cas du service ordinaire, chaque soldat d'infanterie ait 8 nuits de repos, et jamais moins de 6, et chaque homme de troupes à cheval, 12 nuits de repos, et jamais moins de 10.
Art. 19. Nulle troupe ne pourra être changée de la garnison qui lui aura été affectée par le roi, que par un ordre contraire de Sa Majesté, ou, dans les cas urgents, par ceux des agents de l'autorité militaire auxquels le roi en aura délégué la faculté.
Art. 20. Nulles dispositions de police ne seront obligatoires pour les citoyens et pour les troupes, qu'autant qu'elles auront, été préalablement publiées : elles seront même affichées, si leur importance ou leur durée l'exige; les publications et affiches seront faites par les municipalités et les frais en seront supportés par elles.
Art. 21. Dans chaque place de guerre où il y aura garnison habituelle à l'exception des citadelles et autres postes militaires qui n'ont point de municipalités, et dans les principales garnisons de l'intérieur, il y aura un secrétariat militaire, où seront déposés les décrets et-règlements concernant l'armée, et en originaux, les ordres, consignes, réquisitions, et autres objets de ce genre relatifs au service de la place.
Art. 22.- La garde et le soin de ce secrétariat seront confiés à un secrétaire-écrivain nommé par le roi et assermenté par devant le commissaire des. guerres.
Art. 23. Autant que faire se pourra, l'emploi de secrétaire-écrivain ne sera donné qu'à des sujets qui auront été sous-officiers dans les troupes de ligne.
Art. 24. Ces secrétaires-écrivains ne recevront des ordres, quant à leur service, que de l'autorité militaire et pour tous les objets qui n'intéresseront que ce service, ils ne seront justiciables que des tribunaux militaires.
Art. 25. Les secrétaires-écrivains jouiront d'appointements proportionnés à l'étendue des fonctions qu'ils auront à remplir dans les places, postes ou garnisons auxquels ils seront attachés;.
Art. 26. En conséquence, ils seront répartis, quant aux appointements en trois classes, ainsi qu'il suit; savoir :
Par an. Ensemble.
20 de lreclasse, aux appointements de. 900
liv. = 18,000 liv.
40 de 2o classe, aux appointements de. 600 =
24,000
60 de 3o classe, aux appointements de. 450 =
27,000
120 secrétaires-écrivains, coûtant ensemble, par an, la somme de................. 69,000 liv.
Art. 27. Il sera désigné, dans les bâtiments militaires de chaque placé, un emplacement suffisant pour le secrétariat et le logement du secrétaire-écrivain.
Art. 28. Lorsqu'une troupe arrivera dans une place, elle ne pourra prendre possession des logements qui lui seront destinés, qu'après que le commissaire des guerres àùra fait publier les bans à ladite troupe, en sa présence, par .le secrétaire-écrivain.
Art. 29. Ces bans rappellent non seulement les lois générales de police et de discipline, mais encore celles particulières à la place.
Art. 30. Les officiers municipaux seront tenus de donner connaissance de ces bans aux habitants de la place.
Art. 31. Le plus ancien des régiments d'infanterie française, qui se trouverait en garnison avec des régiments d'infanterie étrangère, prendra toujours le rang sur ces derniers. Les autres régiments d'infanterie française .et étrangère dans la même garnison, prendront ensuite rang entre eux, selon la date de leur création.
Art. 32. Ne seront réputés régiment d'infanterie étrangère que ceux qui, en vertu de traités, seront fournis ou avoués par une puissance étrangère. Lorsque lesdits régiments se trouveront en garnison avec des régiments d'infanterie française, le commandement militaire de la garnison appartiendra, à grade égal, à l'officier des troupes françaises, quelle que soit son ancienneté de grade.
Art. 33. Dans tous les cas où les gardes nationales serviront avec les troupes ae ligne, les gardes nationales prendront le rang sur toutes les troupes de ligne.
Art. 34. Lorsque les gardes nationales serviront avec les troupes de ligne, l'honneur du rang qui est réservé aux premières n'empêchera pas que le commandement général ne soit toujours déféré à l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé desdites troupes de ligne.
Art. 35. Toute les fois que les gardes natio-
nales seront mises en activité, elles ne pourront être rassemblées qu'au préalable les officiers civils n'en aient averti le commandant militaire.
Art. 36. Les commandants militaires, dans les places où les gardes nationales feront le service, demanderont a qui il appartiendra le nombre des officiers et soldats desdites gardes nationales nécessaires au service militaire ; mais lesdits commandants ne pourront s'ingérer dans le détail des officiers, sous-officiers et gardes nationales qui devront marcher ; toutes les -difficultés de ce genre devront être portées à la décision de leurs officiers supérieurs ou des municipalités, selon ce qui sera réglé à cet égard par le décret concernant l'organisation des gardes nationales.
Art. 37. Lorsque les gardes nationales feront le service militaire, les honneurs militaires se rendront réciproquement entre elles et les troupes de ligne, suivant ce qui sera réglé pour ces dernières.
Art. 38. Les honneurs militaires étant dans l'armée un acte de discipline, un signe extérieur destinéà rappeler et à conserver sans cesse parmi les troupes la soumission à l'autorité légitime, la considération nécessaire pour les chefs, et le respect pour les objets du service, seront, par ces mêmes raisons, accordés, hors du corps militaire, à titre d'honneur ou de distinction publique, aux objets du culte, à là personne du roi, à celle de l'héritier présomptif du trône, lorsqu'il aura atteint l'âge de majorité fixé par les lois; dans le cas de minorité du roi,au régent du royaume,aux corps administratifs, judiciaires et municipaux, officiers municipaux individuellement pris, lorsque, revêtus du signe distinctif de leurs places, ils seront dans l'exercice de leurs fonctions, et aux princes régnants, ainsi qu'à leurs ambassadeurs ou ministres, lorsque le roi aura spécialement donné des ordres à cet effet.
Art. 39. Les honneurs qui se rendront aux corps et aux individus, agents du pouvoir civil, seront, savoir: pour les corps administratifs,
judiciaires et municipaux, les mêmes qui seront affectés aux maréchaux de Camp employés; et pour les officiers municipaux, individuellement pris, les mêmes que pour les capitaines.
Art. 40, Les fonctions de la gendarmerie nationale étant essentiellement distinctes du service purement militaire des troupes en garnison, la gendarmerie nationale ne sera jamais regardée comme portion de la garnison des places dans lesquelles elle sera répartie.
Art. 41. En conséquence de la disposition précédente, les officiers de la gendarmerie nationale ne concourront point au commandement militaire dans les places.
Art. 42. Dans les places de guerre et postes militaires, l'ordre et le mot seront toujours donnés par le commandant militaire ; et dans le cas où le3 gardes nationales feront quelque service dans la place, le mot sera porté par l'officier ou le sous-officier des gardes nationales qui l'aura reçu à l'ordre, au principal officier municipal, ou au commaudant des gardes nationales, selon ce qui sera réglé à cet égard par le décret d'organisation dis gardes nationales.
Art. 43. Dans les garnisons de l'intérieur, et dans tous les lieux qui ne seront ni places de guerre, ni postes militaires, lorsque les troupes de ligne seront requises pour faire le service, conjointement avec les gardes nationales, ou que lesdites troupes de ligne en seront chargées seules, le commandement, l'ordre et le mot seront donnés conformément à ce qui est prescrit aux articles ci-dessus.
Mais lorsque, dans les villes ou autres lieux qui ne sont ni places de guerre, ni postes militaires, les gardes nationales seront seules chargées de la garde et de la police desdits lieux, sans participation des troupes de ligne, alors le mot sera, selon l'usage, composé de deux mots, dont le premier sera donné par le principal officier municipal, ou par le commandant des gardes nationales, selon ce qui sera ultérieurement réglé; et le second par le commandant des troupes de ligne.
Art. 45. Dans les places de guerre et postes militaires en état de paix, et dans les garnisons de l'intérieur, lorsque les autorités civiles et militaires seront dans le cas de faire battre la générale ou sonner le boute-selle, pour le rassemblement des gardes nationales ou des troupes de ligne, elles devront, au préalable, s'en prévenir réciproquement, sauf les cas de surprise, d'incendie ou d'inondations.
Art. 46. Des clefs de toutes les portes, poternes, vannages, aqueducs et autres ouvertures qui donnent entrée dans les places de guerre ou postes militaires, seront toujours confiées au commandant militaire.
Art. 47. Et cependant, pour la facilité du commerce et la commodité des habitants et des voyageurs, il y aura dans chaque place et .poste de guerre un certain nombre de portes par lesquelles la communication du dedans au dehors pourra se faire dans Y état de paix à toutes les heures de la nuit comme du jour. Les officiers civils et le commandant militaire se concerteront sur celles desdites portes qui seront affectées à cette destination, sur les formalités à remplir, et les précautions à prendre pour éviter les abus; l'exécution de ces dispositions appartiendra toujours au commandant militaire.
Art. 48. Lorsque les circonstances exigeront une surveillance plus particulière de la part des officiers civils et militaires, il pourra y avoir, à
chaque porte des places de guerre, un préposé choisi par la municipalité, lequel sera charge de recevoir, de tous particuliers arrivant dans la place, la déclaration de leurs noms et qualités, ainsi que de l'auberge ou maison particulière dans laquelle ils se proposeront de loger. Ces renseignements seront portés aux officiers municipaux, et le commandant militaire pourra ordonner aux commandants des gardes des portes, de faire assister un sous-officièr aux déclarations qui seront faites par lesdits particuliers arrivant dans la place, et de lui en rendte compte.
Art. 49. Tout particulier qui sera arrêté pour faits de désordres, de contravention aux lois ou à la police, sera remis sans délai, le citoyen à la police civile, le militaire à la police militaire pour être, chacun suivant les circonstances et la nature du délit, renvoyé aux tribunaux civils ou militaires.
Art. 50. Toutes femmes ou filles, notoirement connues pour mener une vie débauchée, qui seront surprises avec les soldats, dans leurs quartiers, lorsqu'ils seront de service, ou après la retraite militaire, seront arrêtées et remises sans délai à la police civile, pour être jugées conformément aux lois.
Art. 51. Les prisons militaires, autant qu'il sera possible, seront toujours séparées des prisons civiles.
Art. 52. Le commandant d'une troupe en marche sera tenu d'informer la municipalité du lieu ou couchera sa troupe, de l'heure à laquelle il la fera partir le lendemain. Une demi-heure après son départ, les citoyens ne pourront plus porter de plainte contre elle; et si, pendant ce temps, il n'y en a aucune deportée, la municipalité ne pourra refuser un certificat de bien vivre à l'officier de ladite troupe, qui aura dû rester à cet effet.
Art. 53. Toute troupe en marche ou prête à marcher, en conséquence d'un ordre du roi, ne pourra, soit en totalité, soit en partie, être détournée de sa destination que par un ordre contraire du roi, ou de ceux auxquels il en aura délégué la faculté.
Art. 54. Aucun corps administratif ne pourra disposer des munitions de guerre, subsistances, et d'aucune espèce d'effets, armes ou fournitures confiées au département de la guerre, ni échanger leur destination, ni empêcher leur transport légalement ordonné, qu'en vertu d'une autorisation expresse du pouvoir exécutif.
Art. 55. Les fonds affectés au département de laîguerre étant à la seule disposition du ministre, sous sa responsabilité, les corps administratifs, ne pourront, dans aucun cas, disposer dé3 fonds, versés entre les mains des trésoriers du départe-tement delà guerre, ni ordonner aucune dépense sur lesdits fonds.
Art. 56. Nul officier en activité ne sera tenu de payer sa part des impositions directes et personnelles dans sa garnison, qu'autant qu'elle serait en même temps le lieu de son domicile habituel ou de ses propriétés.
Art. 57. Les droits ou exemptions dont jouissaient les officiers des troupes de ligne, quels que fussent et leur arme et leur grade, sur les objets de consommation, tels que • boissons, viandes, bois, etc., aux entrées ou dans l'intérieur des villes, sont et demeureront abolis, sans entendre déroger aux capitulations actuellement existant entre la France et les cantons suisses; en conséquence, les individus et les corps militaires de cette nation, qui jouissaient desdits
droits ou exemptions, en seront indemnisés par, le Trésor public.
Art. 58. Tous les émoluments accordés par les anciennes ordonnances militaires aux officiers, de quelque grade et arme qu'ils puissent être, sont et demeurent supprimés.
Art. 59. Tout militaire en activité ne pourra porter d'autre habit que son uniforme dans les lieux de son service.
Art. 60. Les officiers, les sous-officiers et soldats ne pourront donner des repas de corps, ni en recevoir, sous quelque prétexte ou de quelque part que ce soit.
Art. '61.11 ne pourra être fait aucune retenue sur les appointements des officiers, sous-officiers et soldats sous prétexte de dépenses de corps, de quelque nature qu'elles soient, excepté celles qui seraient destinées à payer les dégradations com-. mises par les troupes dans leurs logements, ou toutes autres indemnités dues, soità l'Etat, soit aux particuliers,"pour réparation dédommagés, désordres ou excès commis par lesdites troupes.
Art. 62. Les engagements pécuniaires, connus parmi les officiers sous le nom de billets d'honneur, seront à l'avenir nuls de plein droit. Toute personne convaincue d'en avoir souscrit de semblables, après la publication de la présente loi, sera condamnée à 3 mois de prison : toute personne convaincue d'en avoir accepté depuis la même époque sera condamnée à une amende double de la somme portée dans le billet.
Art. 63. Sont exceptés de la disposition du précédent article, les billets d'honneur actuellement existants, qui, dans le délai de quinzaine après la publication du présent décret, auront été visés par un commissaire des guerres à l'effèt d'en assurer la date; ces billets vaudront dans ce cas comme de simples promesses.
Art. 64. Tout militaire en activité, qui,.étant majeur, aura contracté des engagements pécuniaires par lettres de change, billets à ordre, ou par toute autre espèce d'obligation, emportant la contrainte par corps s'étant laissé poursuivre pour le payement de semblables dettes, aura été condamné par corps ne pourra rester au service. La sentence prononcée contré lui équivaudra à une démission précise.
Art. 65. Les actions résultant d'obligations contractées par un militaire en activité ne pourront être poursuivies que par-devant les magistrats civils, et seront par eux jugés conformément aux lois civiles, sans que les officiers ni les juges militaires puissent en prendre connaissance, si ce n'est à l'armée et hors du royaume, sans qu'ils puissent non plus apporter aucun obstacle, soft a la poursuite, soit a l'exécution du jugement.
Art. 66. Ne pourront être compris dans les saisies et ventes qui auront lieu en exécution du jugement rendu contre des militaires en activité, leurs armes et chevaux d'ordonnance, ni leurs livres et instruments de service, ni les parties de leur habillement et équipement dont les ordonnances imposent à tous militaires la nécessité d'être pourvus. Leurs appointements ne pourront non plus être saisis que pour ce qui en excédera la somme de 600 livres, laquelle leur demeurera réservée, Bans préjudice aux créanciers, à exercer leurs droits sur les autres biens, meubles et immeubles de leur débiteur, suivant les règles et les formes prescrites par la loi.
TITRE IV.
Des bâtiments et établissements militaires, meubles, effets, fournitures et ustensiles qui en dépendent tant dans les places de guerre et postes militaires, que dans les garnisons de Vintérieur.
Art. 1er. Tous les établissements et
logements militaires ainsi que leurs ameublements et ustensiles
actuellement existant danslesdits logements et établissements ou en
magasin, soit que ces divers objets appartiennent à l'Etat ou aux
ci-devant provinces et aux villes, tous les terrains et emplacements
militaires, tels que : esplanades, manèges, polygones, etc., dontl'Etat
est légitime propriétaire, seront considérés désormais comme propriétés
nationales, et confiés en cette qualité au ministre de la guerre pour en
assurer la conservation et l'entretien.
Art. 2. Ne seront point compris dans l'article précédent, Ie3 bâtiments et emplacements que le ministre de la guerre ne jugerait pas nécessaires au service de l'armée, lesquels seront dans ce cas remis aux corps administratifs, pour faire partie des propriétés nationales aliénables s'ils appartenaientci-devant à l'Etat; et dans le cas où ils auraient appartenu aux ci-devant provinces ou aux villes, elles continueront d'en être propriétaires.
Art. 3. Il sera dressé des procès-verbaux de tous les terrains, bâtiments et établissements conservés pour le service de l'armée, ainsi que des ameublements, effets et fournitures qu'ils contiennent, soit qu'ils appartiennent actuellement à l'Etat, soit qu'ils appartiennent aux ci-devant provinces, ou aux villes. Une expédition desdits procès-verbaux sera déposée au département de la guerre, une autre sera remise aux directoires des départements dans lesquels se trouvent les objets ci-dessus mentionnés, et bornée pour chaque département à ce qui le concerne. Et la troisième expédition sera déposée dans les secrétariats militaires des différentes places : celle-ci sera bornée pour chaque place en particulier aux objets enfermés dans ladite place ou qui en sont dépendants.
Art. 4. Au moyen de ce qui précède, les dépenses d'entretien, réparations, reconstruction, ou augmentation de bâtiments, renouvellement d'effets et t fournitures concernant le service de l'armée qui, jusqu'à ce moment, avaient été supportées par les ci-deyant provinces et par les villes, cesseront d'être à leur charge, du jour de la remise qui en sera faite , lesdites dépenses devant, à compter de ce même jour, être supportées par la partie du Trésor public affectée au département de la guerre.
Art. 5. Le ministre de la guerre devenant responsable du bon emploi et de la conservation des établissements et bâtiments militaires,et des effets qu'ils renferment ou qui en sont dépendants, les corps administratifs ne pourront, dans aucun cas, en disposer, ni s'immiscer dan3 leur manutention d'une autre manière que celle indiquée par le présent décret.
Art. 6. Dans les places et garnisons qui manquent de bâtiments militaires, le ministre de la guerre désignera ceux des bâtiments nationaux qui peuvent y suppléer, afin que, s'il y a lieu, il soit sursis à leur aliénation, et que, par l'Assemblée nationale, ils puissent être déclarés affectés
au département de la guerre comme bâtiments militaires.
Art. 7. Toutes les, fois qu'un terrain appartenant à une municipalité ou à quelque particulier sera nécessaire pour un établissement militaire, le département de la guerre en fera l'acquisition de gré à gré ; et, dans le cas où le propriétaire refuserait de céder sa propriété^ les directoires des corps administratifs seront consultés et chargés de l'estimation de l'objet demandé.
TITRE V.
Du logement des troupes.
Art. 1er. Les bâtiments et établissements
militaires, dont la rémise aura été faite au département de la guerre,
ne pourront être affectés qu'au logement des troupes, des employés
attachés à l'administration de la guerre, et à contenir ou conserver les
munitions, subsistances ou effets militaires.
Art. 2. Dans aucune place de guerre, poste militaire ou garnison de l'intérieur, les municipalités ne pourront être tenues de fournir, ni logement, ni emplacement, ni magasins pour l'usage des troupes, qu'autant que ceux actuellement existants ne seraient pas suffisants.
Art. 3. Il sera remis aux municipalités de tous les lieux où se trouveront des bâtiments militaires conservés, un état détaillé des logements que ces bâtiments renferment, afin que lesdites municipalités puissent toujours connaître si les logements qui leur sont demandés sont proportionnés aux besoins réels du service.
Art. 4. Dans les places de guerre, postes militaires et villes de garnison habituelle de l'intérieur, il sera fait, par les officiers municipaux, un recensement de tous les logements et établissements qu'elles peuvent fournir, sans fouler les habitants, à l'effet d'y avoir recours au besoin, et momentanément, soit dans le cas de passage de troupes, soit dans les circonstances extraordinaires, lorsque les établissements militaires n'y suffiront pas.
Art. 5. Lorsqu'il y aura nécessité de loger chez les habitants, et pour un temps un peu long, les troupes qui devront tenir garnison, les seuls logements des sous-officiers et soldats et les écuries pour les Chevaux seront fournis eh nature; à l'égard des officiers, ils ne pourront prétendre à des billets de logement pour plus de trois nuits ; et, ce terme expiré, ils se logeront de gré à gré chez les habitants, au moyen de la somme qui leur sera payée suivant leur grade, ain=i qu'il sera décrété par l'Assemblée nationale»
Art. 6. Les municipalités veilleront à ce que les habitants n'abusent point dans le prix des loyérs du besoin de logement où se trouveront les officiers.
Art. 7. Toutes les fois qu'il sera pourvu à l'établissement du logement d'une troupe, excepté le cas de passage, le logement des sous-officiers et soldats et les fournitures d'écuries pour les chevaux seront faits au complet et non à l'effectif.
Art. 8. Faute de bâtiments affectés au logement des troupes destinées à tenir garnison dans un lieu quelconque, il y sera pourvu, aillant que faire sepourra, en établissant Iesdites troupesdans des maisons vides et convenables, et il sera en ou tre fourni, aux troupes à cheval, des écuries suffisantes pour leurs chevaux. Ces maisons et
écuries seront choisies et louées par les commissaires des guerres, qui seront autorisés à requérir les soins et l'intervention des municipalités, pour leur faciliter l'établissement des logements dont ils seront chargés. De plus, les agents militaires désignés à cet effet par les règlements feront, en présence d'un ou de plusieurs officiers municipaux, la reconnaissance des maisons et écuries qui seront louées, afin de constater l'état dans lequel elles se trouveront, et afin de pouvoir au départ des troUpes estimer, s'il y a lieu, les indemnités dues aux propriétaires pour les dégradations qu'auraient éprouvées Iesdites maisons et écuries.
Art. 9. Dans les cas de marches ordinaires, de mouvements imprévus, et dans tous ceux où il ne pourra être fourni aux troupes des logements isolés, tels qu'ils ont été indiqués dans l'article 8 précédent, les troupes seront logées chez les habitants, sans distinction de personne, quelles que soient leurs fonctions et leurs qualités, à l'exception des dépositaires de caisses pour le service public» lesquels ne seront point obligés de fournir de logement dans les maison.3 qui renferment Iesdites caisses, mais seront tenus d'y suppléer soit en fournissant des logements en nature, chez d'autres habitants, avec lesquels ils s'arrangeront à cet effet, soit par une contribution proportionnée à leurs facultés, et agréée par les municipalités.
Art., 10. Les troupes seront responsables des bâtiments qu'elles occuperont, ainsi que des écuries qui leur seront fournies pour leurs chevaux.
Art. 11. L'Assemblée nationale statuera ultérieurement sur la somme à attribuer à chaque officier ou employé de l'armée selon son gradé et son emploi, pour lui tenir lieu du logement qui ne pourra lui être fourni en nature, dans les établissements militaires.
Art. 12. Nul officier en garnison ne recevra un logement en argent, qu'autant qu'il ne pourra lui être fourni un logement en naturè dans les bâtiments militaires. Ën conséquence, à l'époque du départ des semestriers, les logements qu ils laisseront vacants dans lesdits bâtiments seront remplis par ceux qui devront pas-er l'hiver à la garnison.
Art. 13. Lorsque les officiers dès troupes de ligne recevront leur logement en argent, il ne leur en sera fait le décompte que pour le temps qu'ils seront présents au corps; quant aux officiers en résidence, tels que ceux du génie, de l'artillerie, et les commissaires des guerres, ils recevront leur logement, absents comme présents, tout le temps qu'ils seront employés aans une place.
Art. 14. Il sera tenu compte sur les fonds de ia guerre aux officiers de tous grades ^auxquels les ordonnances affectaient des logements en argent, des sommes dont ils n'ont pas été payés sur lesdits logements, pendant les années 1789 et 1790.
Art. 15. Les officiers dans leur garnison ou résidence, lorsqu'elle ne sera point le lieu de leur domicile habituel, et les employés de l'armée dans leur résidence tne logeront point les gens de guerre dans lé logement militaire qui leur sera fourni en nature; et lorsqu'ils recevront leur logement en argent, ils ne seront tenus à fournir le logement aux troupes, qu'autant que celui qu'ils occuperont excédera la portion affectée à leur grade ou à leur emploi. Quant aux officiers en garnison dans le lieu de leur habitation ordi-
naire, ils seront tenus à fournir le logement dans leur domicile propre, comme tous les autres habitants.
TITRE VI.
Administration des travaux militaires.
Art. 1er. Les fonds destinés à
l'augmentation, à l'entretien et aux réparations des fortifications,
ainsi que des bâtiments et établissements militaires quelconques dans
les places de guerre, postes militaires et garnisons de l'intérieur
seront dorénavant fournis en entier par la partie du Trésor public
affectée au département de la guerre. En conséquence, les départements
et les villes seront déchargés de toute imposition ou contribution
relative à cet objet.
Art. 2. Le ministre de la guerre répartira entre les différentes places, postes militaires et garnisons de l'intérieur,selon leur classe et selon leurs besoins, les fonds accordés au département de la guerre pour les travaux militaires.
Art. 3. Tous les travaux de construction, entretien ou réparation des fortifications, bâtiments et établissements militaires quelconques, et de tout ce qui en dépend, seront faits par entreprise d'après une adjudication au rabais : cette adjudication ne sera jamais passée en masse; mais elle comprendra le détail des prix affectés à chaque nature d'ouvrage et de matériaux qui seront employés.
Art. 4. Lorsqu'il s'agira de passer le marché pour des travaux militaires, le ministre adressera au commissaire des guerres : 1° l'ordre de procéder à l'adjudication ; 2° un aperçu des travaux à exécuter pendant la durée du marché; 3° les devis et conditions qui auront été fournis par les agents militaires préposés à cet effet.
Art. 5. Suivant que les travaux, objet du marché, intéresseront toute l'étendue d'un département, ou seulement celle d'un district, ou enfin qu'ils se borneront à l'étendue d'une municipalité, le commissaire des guerres informera le directoire du département ou celui du district, ou les officiers municipaux, des ordres qu'il aura reçus, et les requerra de procéder dans un délai dont m conviendront, à l'adjudication du marché.
Art. 6. D'après l'époque convenue entre les corps administratifs et les commissaires des guerres, celui-ci fera poser, dans la place et dans les lieux circonvoisins, des affiches signées de lui, et indicatives de l'objet, de la durée, du devis et des conditions du marché, ainsi que du jour et du lieu où il sera passé, de manière à ce que .les particuliers puissent .être informés à temps, et se mettre en état de concourir à l'adjudication qui sera faite.
Art, 7. Le commissaire des guerres sera tenu de donner, à ceux qui se présenteront à cet effet, connaissance des devis et conditions du marché, et tous autres renseignements qui dépendront de lui. On pourra, pour se procurer les mêmes indications, s'adresser au secrétariat du département, ou du district, ou de la municipalité.
Art. 8. Le jour fixé pour l'adjudication, les membres du directoire du département, ou de celui du district ou de la municipalité, conformément à l'article 5 ci-dessus, se rendront, ainsi que le commissaire des guerres, au lieu d'assemblée de celui desdits corps administratifs par-devant lequel devra se passer le marché, et là, en leur présence et celle des agents militaires
préposés à cet effet par le ministre de la guerre, l'adjudication sera faite par le commissaire des guerres, au rabais, ipubliquement et passée à celui qui fera les meilleures conditions, avec les formalités qui seront prescrites; et, en attendant, celles usitées jusqu'à ce jour continueront d'avoir lieu.
Art. 9. Nul ne pourra être déclaré adjudicataire du marché que préalablement il n^ait justifié de la solvabilité, ou donné caution suffisante, et que par le corps administratif, par le commissaire des guerres, et par les- agents, militaires chargés par le ministre de régler les conditions du marché, il n'ait été jugé doué des connaissances et qualités nécessaires pour exécuter les travaux qui lui seront confiés.
Art. 10. Tous les frais dépendant de l'adjudication seront bornés aux frais de publication et d'affiches, et seront supportés par l'adjudicataire.
Art. 11. Les différents ouvrages à exécuter par les entrepeneurs adjudicataires seront surveillés dans tous leurs détails par les agents militaires qui en feront les toisés particuliers, en présence desdits entrepreneurs ou de leur commis avoués, à mesure des progrès desdits ouvrages. Ces toisés particuliers seront signés par les entrepreneurs ou par leurs commis avoués, et certifiés par les agents militaires chargés de la direction des travaux.
Art. 42. Chaque année, au terme des travaux, les toisés partiels seront réunis en un seul toisé général, en présence de l'entrepreneur, par les agents militaires qui auront surveillé et dirigé tous les détails des travaux. Ce toisé sera signé par l'entrepreneur, certifié par lesdits agents et visé par ceux d'entre eux qui auront inspecté les travaux.
Art. 13. Le toisé général, certifié et visé, ainsi qu'il aétédit dans 1 article précédent, sera remis au commissaire des guerres, pour être arrêté par lui après en avoir vérifié les calculs. Ledit toisé sera ensuite soumis au visa de celui des corps administratifs par-devant lequel aura été passé le marché.
Art. 14. Les parfaits payements des travaux militaires exécutés par les entrepreneurs ne leur seront dus, et ne pourront être ordonnés à leur profit par le ministre de la guerre, que, préalablement, les formalités édictées par les articles 12 et 13 n'aient été remplies. Lesdit'g payements ne seront exigibles par les entrepreneurs que 3 mois après la confection du toisé général.
Art. 15. Pourront néanmoins lesdits entrepreneurs, à mesure de l'avancement des ouvrages, recevoir sur les certificats des agents militaires et d'après les ordres du ministre de la guerre, des acomptes proportionnés à la portion du travail exécutée, et ce, jusqu'à concurrence des trois quarts des travaux entrepris.
Art. 16. Les marchés qui seront passés après la publication du présent décret ne seront plus sujets à là retenue de 4 deniers pour livre ; quant à ceux antérieurs à ladite époque et qui seront grevés de cette Clause, ils resteront chargés de ladite -retenue dont le montant sera déduit de celui du toisé général.
Ar. 17. Les travaux militaires des garnisons de l'intérieur ne pouvaut être soumis à la surveillance des agents militaires, d'une manière aussi exacte et aussi constante que dans les; places de guerre et postes militaires, le roi nommera et instituera dans chaque garnison de l'intérieur un conservateur chargé de veiller à l'entretien journalier des bâtiments militaires, aux répara-
tions de détail, et qui sera tenu d'en rendre compte aux agents militaires désignés à cet effeV Ces conservateurs seront amovibles à la volonté du roi.
Art. 18. Les conservateurs des bâtiments militaires seront logés, autant que faire se pourra, dans les bâtiments confiés à leurs soins, et sur les fonds destinés à l'entretien des établissements militaires ; il leur sera accordé un traitement annuel, proportionné à l'étendue des objets dont ils seront chargés, mais qui ne pourra jamais excéder 300 livres.
Art. 19. Dans les garnisons habituelles de l'intérieur, les places de secrétaire-écrivain ne seront point incompatibles avec ceUes de conservateur des bâtiments militaires; mais lorsqu'elles seront réunies, celui qui en sera revêtu n'emportera pas nécessairement la totalité du traitement affecté à chacune d'elles ; il pourra même n'avoir, pour les deux, que Je traitement affecté à la place de secrétaire-écrivain.
Art. 20. Les agents militaires chargés, sur les frontières, de la direction des travaux militaires, étendront leur surveillance sur les établissements de l'intérieur, d'après les ordres qu'ils en recevront du ministre de la guerre. Ils indiqueront les principales réparations, dresseront les devis des marchés, les états de dépense, et tiendront la main à tout ce qui peut contribuer à la conservation desdits bâtiments et établissements militaires, comme pour ceux des places de guerre. Lorsque les agents militaires ne seront employés dans les garnisons de l'intérieur que momentanément, et pour constater l'état des bâtiments militaires, il leur sera tenu compte sur les fonds de la guerre des frais de leur déplacement.
Art. 21. Les entrepreneurs des travaux militaires seront tenus de se conformer, pour leur exécution, non seulement aux conditions des devis et marchés, mais encore aux mesures, aux formes, aux distributions et emplacements d'ateliers, aux dépôts de matériaux et autres dispositions qui leur seront prescrites par les a gents militaires, chargés de la direction des travaux. Lesdits entrepreneurs et leurs préposés seront également tenus à l'obéissance envers les agents militaires, dans tout ce qui concernera l'exécution desdits travaux.
Art. 22. Tous particuliers, non militaires, employés aux travaux militaires/seront en cette qualité et pour tout ce qui concernera l'exécution de ces travaux, soumis graduellement à l'obéissance envers les officiers et autres préposés chargés de surveiller et de diriger lesdits travaux ; Sauf en cas dé prétentions pécuniaires ou de toute autre plainte qu'ils auraient à faire valoir à la charge les uns des autres, à se pourvoir par-devant les tribunaux civils, supposé qu'après en avoir référé à l'agent militaire charge de la conduite des travaux, celui-ci n'ait pas pu les concilier ou les apaiser.
Art. 23. Les particuliers, non militaires, employés aux travaux militaires, seront en cette qualité soumis à la police des agents militaires chargés de la direction des travaux, et en cas d'arrestation d'aucun d'eux, ils seront remis aux tribunaux civils.
Art. ,24. Lorsque des travaux indispensables exigeront la plus grande célérité, après que les troupes en garnison auront fourni toutes les ressources qu'on en peut attendre, les corps administratifs, d'après les réquisitions des agents militaires, seront- tenus d'employer tous les moyens légalement praticables qui seront en leur
pouvoir pour procurer le supplément d'ouvriers nécessaires à l'exécution des travaux. Dans ce cas, le salaire desdits ouvriers sera fixé par le corps administratif.
Art. 25. Dans les cas de travaux pressés, les agents, militaires chargés de leur direction, pourront ne point les interrompre les jours de dimanches et de fêtes chômées, à charge par eux de faire les soumissions convenables à l'autorité spirituelle et d'en prévenir les municipalités.
Art. 26. Les ouvriers employés aux travaux militaires seront payés par les entrepreneurs, au plus tard toutes les trois semaines, d'après les toisés particuliers des ouvrages, et toutes les semaines, pour le nombre des journées de tra«-vail. 11 ne pourra être fait aucune retenue sur les salaires, si ce n'est pour les soldats ouvriers, celle nécessaire pour payer leur service de garnison et leur habillement de travail, s'ils n'y ont pas satisfait. L'Assemblée nationale n'entendant point d'ailleurs déroger aux lois concernant les actions et oppositions des créanciers envers leurs débiteurs.
Art. 27. Lorsque les travaux des fortifications ou tous autres objets du service militaire exigeront, soit l'interruption momentanée des communications publiques, soit quelques manoeuvres d'eaux extraordinaires, ou toute autre disposition non usitée qui intéressera les habitants, les agents militaires ne pourront les ordonner qu'après en avoir prévenu la municipalité, et pris avec elle les mesures convenables pour que le service public n'en reçoive aucun dommage.
SUITE DE TITRE VI.
Comité des fortifications.
Art. 1er. Attendu l'importance des travaux de
fortifications et la nécessité d'employer les fonds qui leur sont
destinés, de manière à concilier l'économie des deniers de l'Etat avec
l'intérêt de sa défense, il sera formé un comité des fortifications,
lequel s'assemblera tous les ans, près du ministre de la guerre, dans
l'intervalle du 1er janvier au l9r d'avril, en sorte que les objets dont
il devra s'occuper soient terminés à cette dernière époque.
Art. 2. Ce comité, formé d'officiers du génie, désignés et appelés par le ministre de la guerre, sera toujours composé de deux inspecteurs généraux, et de trois directeurs des fortifications, auxquels pourront être adjoints, tels officiers généraux, supérieurs ou autres du corps du génie, que le ministre jugera nécessaires. 11 sera toujours présidé par le plus ancien des inspecteurs appelés.
Art. 3. Le président du comité prendra les ordres du ministre sur tous les objets à proposer à la délibération des membres, et ces objets pourront être les projets généraux et particuliers des différentes places de guerre du royaume, la répartition des fonds qui leur seront affectés, l'instruction de l'école du génie, les progrès et la perfection des différentes branches de l'art des fortifications, ou tels autres objets de théorie ou de pratique militaire que le ministre jugera à propos de donner à discuter au comité.
Art. 4; Le résultat motivé des délibérations du comité sera remis au ministre par le président du comité et chacun de ses membres sera libre de joindre à ce résultat les motifs de son
opinion personnelle, dans le cas où elle serait contraire à la majorité.
Art. 5. Lorsque le comité discutera des questions qui embrasseront le système général d§ la défense d'une ou de plusieurs parties des frontières, le ministre pourra, s'il le croit utile, lui adjoindre des officiers généraux supérieurs ou particuliers de la ligne, en tel nombre qu'il le croira convenable.
Art. 6. Pour faciliter les opérations de ce comité, et lui donner le degré d'utilité dont il peut être susceptible, il sera formé un dépôt de tous les mémoires, plans, cartes et autres objets provenant des travaux du corps du génie, relatifs aux places de guerre et établissements militaires, ou à la défense des frontières. Ce dépôt, sous le nom d'archives des fortifications, sera dirigé par un lieutenant-colonel du corps du
génie, lequel, secondé d'un ou de deux officiers au plus du même corps, surveillera les objets confiés à sa garde, classera les papiers et les-dessins, et sera toujours rapporteur du comité des fortifications. Cet officier et ses adjoints seront aussi chargés de la conservation et de l'entretien des plans en reliefs, et le ministre de là guerre proposera le supplément d'appointements qu'il croira nécessaire de leur accorder pendant la durée de leurs fonctions.
Art. 7. Les officiers du génie, attachés aux archives des fortifications, seront nommés par le roi, amovibles à sa volonté et ne! pourront continuer à être employés aux fonctions qui leur sont assignées par l'article 6 précédent, lorsqu'ils passeront à un grade supérieur à celui dont ils sont revêtus.
État,
ÉTAT DES PLACES DE GUERRE ET POSTES MILITAIRES
classés suivant leur degré d9importance.
O Cfc
PREMIÈRE CLASSE seco_nd;e CLASSE TROISIÈME CLASSE
places. postes. plages. postes. plages. postes.
Abbeville.
Citadelle de Montreuil. Montreuil.
Boulogne et dépendances.
Calais et dépendances. Ardres.
Gravelines. Fort Mardick.
Dunkerque et dépendances.
Bergues et dépendances.
Saint-Omer. Aire et dépendances. Hesdin.
Saint-Venant.
Bétbune. Doullens.
Bapaume.
Arras. .
Lille. Amiens.
Douai et dépendances. Bouchain.
Cambrai. Péronne. Ham.
Saint-Quentin.
Valenciennes.
Condé et dépendances. Le Quesnoy.
Landrecies. Guise. Bavai. La Fère.
Maubeuge. Avesnes. i
Philippeville. Rocroi. Mariembourg. i
Charlemont et les Givets.
Mézières.
Sedan. Château de Bouillon.
Montmédy. Verdun. Carignan. -, Stenai.
Longwy.
Thionville. Rodemaken.
Metz. Toul.
Sierck. Nancy. Marsal.
Sarrelouis.
Bitche.
Landau et dépendances.
Vissembourg. Lanterbourg.
Port-Louis. Lichtemberg.
Strasbourg. Phalsbourg. Schelestadt. La Petite-Pierre. Haguenau.
Neufbrisac. Fort Mortier.
Huningue. Belfort. Landskron. j
Besançon. Château de Blamont.
Auxonne.
Fort-rEcluse. Château de Joux. Salins et dépendances.
Fort-Barraux. Pierre-Chàtel.
flrannhli».
Briançon. Mont-Dauphin. Antibes. Toulon et dépendances. Les Forts de Marseille. Queiras. Embrun. Entrevaux. Saint-Tropez. St-Vincent et Val d e Barcelonne tte Colmar et dépendances. Les îles Sainte-Marguerite. Les îles d'Hyères. Citadelle du Saint-Esprit. Aiguemorte. Valence. Seine. Sisteron. Fort d'Alais. Pecais. Citadelle de Montpellier.
Perpignan et dépendances. Port-Vendres et dépendances. / Mont-Louis. Saint-Jean-Pied-de-Port. Bayonne et dépendances. Les forts de Cette. Bellegarde et dépendances. Collioure et dépendances. Navarreins. Le fort Brescou. Fort des Bains. Pratz de Mouillon. Villefranche. Hendaye. Fort de Socoa. Béziers. Narbonne et dépendances. Carcassonne. Château de Salces. Château de Lourdes. Dax.
L'île d'Oléron. La Rochelle et dépendances. L'île de Ré. Belle-Ile et dépendances. Port-Louis et dépendances. Brest et dépendances. L'île d'Aix et dépendances. Rochefort. Lorient. Château-Trompette. Fort Médoc. Blayev Fort Chapus. Fouras et dépendances. Château de Niort. Château de Nantes. Les îles d'Hédie et d'Ouat. L'île de Grouais. Concameau. Château de Toreau. Brouage.
Saint-Malo et dépendances. Cherbourg et dépendances. Le Havre. ( Ajaccio et dépendances. Corse Bastia. La Hougue et dépendance*. Granville et dépendances. Bonifacio et dépendances. Calvi et dépendances. Saint-Florent et dépendances. Le fort de Châteauneuf. Château de Caen. Château de Dieppe et dépendances Batteries et retranchements su r les côtes et îles qui les avoisinent. Ile Rousse. Tour de Vivario. Tour de Bogognano. Carentan. Corte et dépendances. Saint-Lô, Château de Rouen.
48 Places. 7 Postes. 29 Places. 44 Postes. 24 Places. 12 Postes.
Total....... 164 places et postes.
Nota. Quoique la sûreté de l'Etat demande depuis longtemps la construction de plusieurs places de guerre ou postes militaires, en différents points de nos frontières, particulièrement sur celle de l'Est; quoique la position de ces forteresses soit suffisamment indiquée par les débouchés et les communications qui ouvrent le royaume, et que, par cette raison, il est indispensable d'occuper; quoique ces travaux soient prévus et déjà préparés dans le silence du cabinet; cependant on a pensé que des boulevards projetés ne devaient point être comptés au nombre des forces effectives ae l'Etat, et qu'il ne devait point en être fait mention dans ce tableau.
a la séance de l'assemblée nationale du
résumé des motifs qui établissent l'importance des places de guerre et postes militaires, ainsi que leur division en trois classes. (Annexe au rapport de M. de Bureaux de Pusy) (l).
Ce serait un travail immense que l'exposition raisonnée des motifs qui ont déterminé Je classement de nos forteresses dans l'ordre du tableau ci-après. Ce développement exigerait l'examen d'une multitude d'hypothèses de guerre, celui de toutes les attaques probables auxquelles nos frontières peuvent être exposées, il mènerait à
discuter en détail les propriétés diverses de nos places, à analyser le mérite intrinsèque de chacune d'elles ; il obligerait à mettre en évidence la force, la faiblesse, les ressources de nos moyens défensifs ; et l'on sent que la publicité d'un pareil ouvrage aurait autant d'inconvenance que de danger.
On a donc dû se borner ici à une courte notice des principales propriétés de nos forteresses et indiquer sommairement, plutôt que démontrer avec rigueur, les motifs qui leur_ont fait assigner tel ou tel degré d'importance ; mais, pour dissiper le doute que pourrait faire naître la réserve dans laquelle on a cru devoir se renfermer, on ajoutera que le tableau ci-joint n'est autre chose que l'analyse des avis de plus de 200 militaires éclairés, ci-devant commandants des provinces, officiers généraux et particuliers, directeurs des fortifications, ingénieurs en chef, et surtout des opinions consignées dans les écrits, tant publics que secrets, du maréchal de Vauban.
PREMIÈRE CLASSE.
Calais et dépendances.
Cette place, importante par sa position maritime, le devient encore davantage par sa propriété d'être le débouché d'une partie des eaux du pays. Les écluses peuvent soutenir une inondation très étendue, formée par les eaux de l'intérieur, ou par celles de la mer, et cette inondation serait un des appuis principaux de la seconde ligne de frontière après la perte de la première.
Gravelînes.
Ses écluses lui donnent les mêmes propriétés que Calais, relativement aux eaux de l'intérieur. Si, Comme place maritime, elle n'a pas encore 1 importance de Calais, elle est mieux située pour la défense de Ja frontière, et réunit la double faculté de pouvoir secourir Dunkerque, et d'appuyer la ligne défensive de l'Aa, dirigée vers Saint-Omer.
Dunkerque et dépendances.
Il est temps que les moyens défensifs de cette forteresse répondent à l'importance et aux avantages de sa position. Ils résulteront tout naturellement du jeu de ses écluses, qui, combiné dans des vues militaires, aura la double utilité d'approfondir et d'entretenir le chenal
DEUXIÈME CLASSE.
Mon treuil (Citadelle de).
Montreuil, comme poste maritime, ne peut être abandonné ; mais son utilité, qui n'est que secondaire, permet de négliger la place, et d'économiser la dépense en la concentrant dans la seule citadelle, qui est entretenue pour protéger et faire valoir la place au besoin.
Boulogne et dépendances.
Son commerce mérite d'être protégé : c'est le rendez-vous des troupes du pays, et le dépôt pour la défense de cette partie de la côte.
Ardres.
N'est qu'à 3 lieues de Calais, et à portée de protéger efficacement le canal, qui forme la ligne de défense entre Calais et Saint-Omer.
TROISIÈME CLASSE.
Abbeville.
Cette place, qui renferme une population assez considérable, et de riches manufactures, doit conserver les moyens d'être mise à l'abri d'une expédition de corsaires ; d'ailleurs, elle peut servir de dépôt militaire pour les côtes, et devenir un point d'appui pour la défense de la Somme, dernière barrière du royaume.
Montrent!
( Ville de).
Plus rapprochée de la mer que la précédente, cette place doit pouvoir être garantie contre un coup de main, et d'ailleurs elle peut devenir utile à la défense de la frontière de terre.
Mardick [Fort).
Ce poste ne fixe plus l'attention depuis les projets sur le rétablissement du port de Dunkerque,
PREMIÈRE CLASSE.
et le port, et de rendre les dehors de cette place susceptibles du plus grand degré de résistance, en ne formant, pour ainsi dire, qu'une seule forteresse de Dunkerque, le Fort-Louis, Bergues et le Fort-Français.
Bergues et dépendances.
Tète de frontière essentiellement liée et nécessaire au système défen-sif de Dunkerque, qui, réciproquement,Rassure son inondation.
Saint-Omer.
Cette place, très forte par les eaux qui l'entourent, est le point d'appui principal de la ligne défensive entre la Lys et l'Aa; elle doit être considérée comme un dépôt très important par la facilité et la sûreté ae ses communications avec les places voisines.
Lille.
Nommer cette place, c'est rappeler l'idée d'une des colonnes de l'État.
DEUXIÈME CLASSE.
Aire et dépendances.
Cette place est le second point d'appui de la ligne de défense entre la Lys et l'Aa; elle offre un obstacle imposant entre Saint-Omer et Béthune, et protège une navigation très utile. Le fort Saint-François couvre la tête du canal et sert à la défense de la place.
Saint-Venant.
Lés eaux forment la principale défense dé ce poste, qui éclaire la forêt de Nieppe, couvre Aire et Béthune, et garde un passage sur la Lys.
TROISIÈME CLASSE.
Hesdin, Doullens.
Ces places protègent la défense de la Canche et de l'Authie : ce sont des ressources prévues pour des temps malheureux.
Bapaume.
Est en mesure de protéger, au besoin, Arras et Cambrai. Cette place renferme, d'ailleurs, de très beaux établissements militaires.
Béthune.
Cette place, couverte par Saint-Venant, le protège à son tour. Elle en imposerait à l'ennemi qui se serait rendu maître de la Lys; d'ailleurs elle défend, entre la Lys et le canal de la Bassée, un passage qui pourrait être fermé plus utilement encore par un canal de la Gorgue à la Bassée.
Douai et dépendances.
C'est le dépôt général et l'arsenal de cette frontière. Celte place mérite d'autant plus d'attention, qu'il n'existe en avant d'elle aucun poste capable de protéger l'angle rentrant, que forment les lignes défensives de la frontière entre Lille et Valenciennes.
Arras.
Après la prisé de Douai, les fortifications a'Arras et la position que choisit le maréchal de Viilars pour couvrir cette dernière place, empêchèrent lés alliés de tourner lès défenses de la Canche et de la Sensée, et les obligèrent à essayer de pénétrer dans le royaume par Landrecies. Arras, quoique reculé, fait respecter l'intervalle entre Béthune et Douai, et peut protéger puissamment cette dernière place : il renferme, d'ailleurs, de grands établissements militaires, et domine un pays assez fertile pour suffire aux subsistances d'une armée.
Bouchain.
Cette place oocupe un passage sur l'Escaut et la Sensée, protège la
Amiens, Péronne, Ham, Saint-Quentin.
Ces places ferment les principaux passages de la Somme, rivière susceptible d'une bonne défense par la nature marécageuse de ses bords, et que l'on peut regarder. comme la dernière barrière qui, de ce côté, couvre la capitale.
La Fère.
Cette place défend, conjointement avec Saint-Quentin, le passage entre la Somme et l'Oise. Sa position, et les grands établissements d'artillerie qu'elle renferme, la rendent propre à devenir un dépôt principal pour la défense de ces deux rivières.
Valenciennes.
Cette place, susceptible d'une très grande résistance par ses inondations et par l'étendue de circonval-lation qu'elle exige, aurait pu occuper un point plus important. Néanmoins elle remplit sa destination. Elle appuie, de la manière la plus respectable, la droite de la grande ligne de défense de ce pays fertile, qui, sur un espace de plus de 25 lieues, de l'Escaut à Dun-kerque, offre aux armées la facilité des accès et l'abondance des subsistances. La nature n'a rien fait pour la protection de cette belle frontière, que ses richesses agricoles et commerciales exposeraient à toutes les entreprises de l'ambition et de la cupidité, si l'industrie militaire, qui semble y avoir épuisé ses combinaisons, n'avait suppléé à la nature par toutes les ressources de l'art. Mais ce qui, surtout, est bien digne d'attention, c'est l'intelligence avec laquelle ont été organisées les ressources militaires de ce pays; ces écluses, ces sas, ces canaux, qui assurent sa défense pendant la guerre, favorisent l'agriculture et le commerce, et deviennent de nouvelles sources de prospérité publique pendant la paix.
Condé et dépendances.
Occupe, sur la frontière, le confluent de la Haine et de l'Escaut, protège la navigation, et se lie intimement à la défense de Valenciennes, dont il n'est, en quelque sorte, qu'un poste avancé.
Maubenge.
Cette place n'a peut-être pas assez de force et de capacité pour la position qu'elle occupe sur la frontière. Elle est destinée à protéger le grand intervalle qui existe entre elle et Philippeville, et à dominer sur la basse Sambre, ce qui est devenu plus praticable par la démolition de Charleroi.
Ici le pays comporte un autre genre de guerre : des subsistances plus rares, des accès et des communications plus difficiles, des forêts étendues, retarderaient les progrès de l'ennemi, et donneraient à notre armée la faculté de multiplier et de faire respecter ses positions par des abatis, des retenues sur les ruisseaux et autres ressources de l'art qui se présentent en foule dans un pays coupé et protégé par des forteresses.
DEUXIÈME CLASSE.
navigation de ces rivières, couvre Cambrai, et fortifie l'intervalle entre Douai et Valenciennes : elle deviendrait le point d'appui d'un poste reconnu nécessaire à Arleux ou à Pallué, pour se rendre maître des eaux.
Cambrai.
Il n'est peut-être pas impossible à une armée considérable et entreprenante d'assiéger Douai, sans être maîtresse de Lille et de Valenciennes ; du moins l'on conçoit qu'elle pourra le faire après la conquête de l'une de ces deux places : alors Combrai acquiert la même importance qu'Arras, dont elle a les propriétés quant aux établissements et au fertile pays que celte place protège. D'ailleurs, c'est un grand dépôt, très capable de fournir à tous les besoins de la défense de la frontière, depuis l'Escaut jusqu'à Maubeuge.
lie Quesnoy.
Placé dans un grand rentrant, entre Valenciennes et Maubeuge, il couvre Cambrai et Landrecies, et éclaire la gauche de la forêt de Mormal.
Bavai.
Est un poste très important en avant de la forêt, de Mormal. Les principales routes du pays s'y réunissent. Il est indispensable de l'occuper en temps de guerre, et la nature du local permet de le fortifier à peu de frais.
Landrecies.
Cette place a sauvé deux fois la France, en 1543 et 1712. Ces grandes leçons de l'histoire forment la vraie théorie d'après laquelle on doit juger l'importance des forteresses de seconde et troisième ligne. Landrecies , situé à la naissance de la navigation de la Sambre, et à portée d'un pays très fertile, serait un dépôt pour approvisionner une armée vers la basse Sambre, et formerait un centre de réunion très intéressant, si l'on exécutait vers l'Oise et l'Escaut des communications navigables aussi utiles au commerce qu'à la défense du pays. Cette place s'oppose, d'ailleurs, aux incursions que l'ennemi pourrait tenter à la faveur de la forêt de Mormal. On avait percé depuis peu, dans cette forêt, des routes perpendiculaires à la frontière. Le vice de celte disposition a été heureusement senti et corrigé. On ne saurait trop répéter qu'aucuns travaux de ce genre sur les frontières ne sont indifférents à leur défense.
TROISIÈME CLASSE.
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
Guise.
Cette place, qui mérite considération par la faiblesse des premières lignes, occupe avantageusement le point où l'Oise, se repliant parallèlement à la frontière, forme une barrière jusqu'à Mau-bert-Fontaine, poste qu'il serait bon d'occuper pendant la guerre.
TROISIÈME CLASSE.
Avesnes.
Diminue-le vide de l'espace de 15 lieues compris entre Landrecies et Rocroi, protège une bonne position d'armée derrière la Helpe, et couvre le débouché praticable par le vallon de Chimay et de Trelon.
Philijtpeville.
Tête de frontière qui occupe la partie la plus faible de l'entre-Sambre-et-Meuse. Assez près de Charlemont pour en être secourue, elle forme elle-même un obstacle au siège de cette dernière place.
Charlemont et les Grivets.
Les accessoires de cette place, quand ils seront terminés, formeront quatre corps de fortification très imposants : elle appuie l'aile droite de cette frontière, éclaire le pays très avant d'elle, surveille et protège les deux rives de la Meuse, et ne laisse, dans l'intervalle qui la sépare de Mézières, que des passages faciles à garder.
Mézières.
Cette place occupe sur la Meuse la partie la plus centrale de la frontière entre Charlemont et Thion-ville; elle protège la communication des places de l'Escaut et de la Sambre à celles de haute Meuse et de la Moselle, et couvre une des entrées du royaume la moins garnie de places. Ce serait une partie très faible, si la proximité de Sedan et le peu de ressources de la frontière opposée n'étaient de véritables obstacles.
Mézières renferme l'école du corps du génie. La variété de ses fortifications, et les accidents en tout genre du terrain qui l'environne, offrent aux élèves de ce corps des applications multipliées qui leur rendent sensibles les connaissances théoriques sur l'art de fortifier les places et les positions des armées.
Sedan.
Situé sur la Meuse, peu au-dessous du confluent du Chiers,
Mar iembour g.
Ce poste, qui protège les communications de Philippeville à Rocroi,(et de Charlemont à Avesnes, servirait d'appui à un corps de troupes légères destiné à éclairer le pays très couvert de bois qui se trouve en avant.
Rocroi.
Située à peu de distance de la rive gauche de la Meuse, cette place couvre Mézières, maintient une communication de cette dernière à Givet ; elle en imposerait à un parti nombreux, qui tenterait une invasion dans le pays presque sans défense qui se trouve compris entre Avesnes et Charlemont. La bataille de Rocroi n'eut lieu que par la résistance que cette place offrit aux Espagnols.
Bouillon (Château de).
Poste avancé de Sedan, derrière la rivière de Semoy, destiné à
PREMIÈRE CLASSE.
protège les positions d'armée à prendre successivement derrière ces rivières. Sedan acquiert plus d'importance encore par la faiblesse des places et postes qui sont en avant. Sa proximité de Mézières la rend susceptible de lui donner, comme d'en recevoir, des secours. Cette propriété est renforcée par la chaussée qui, en suivant la rive gauche de la Meuse, établit derrière cette rivière la communication de ces deux places. On n'en peut dire autant de la route de Sedan à Montmédy, par Carignan, ni de celle qui, s'étendant de droite et de gauche de Verdun, vient aboutir, d'un côté, à Stenay, et de l'autre à Saint-Mihiel. Toutes considérations militaires ont été mises à l'écart dans la construction de ces deux routes, et l'on dirait qu'en les dirigeant l'une et l'autre sur les rives droites du Chiers et de la Meuse, on ait voulu interdire à nos armées toute communication derrière ces deux rivières, tandis qu'on facilitait et qu'on assurait les mouvements qu'un ennemi pourrait faire pour nous attaquer dans cette partie. Cette faute irès grave dans le système défensif de cette frontière, aurait pu être évitée sans s'écarter du but de l'utilité civile.
Montmédy.
Malgré le vice de sa disposition et le peu de capacité de son intérieur, cette place forme une tète de frontière très importante à conserver en bon état.
Longwy.
Jusqu'à ce que les moyens défen-sifs de cette frontière aient été rectifiés, Longwy, qui en occupe la tête, mérite d'autant plus d'attention et de soins, qu'opposée à Luxembourg elle n'en est qu'une bien faible rivale.
Thionville.
Cette place, qui présente un appareil de fortifications très imposant, est d'autant plus nécessaire, qu'elle est située dans la partie la plus accessible de cette frontière. Trêves et Luxembourg sont deux points d'appui, deux grands dépôts capables de fournir tous les secours, tous les besoins d'une armée qui tenterait une invasion par l'une des deux rives de la Moselle. La direction de cette rivière, qui coule perpendiculairement à la frontière, offrirait à l'ennemi qui suivrait l'une quelconque de ses rives, l'appui toujours certain de l'un des flancs
DEUXIÈME CLASSE. TROISIÈME CLASSE.
éclairer l'avenue la plus accessible de cette place.
Carignan.
Ce poste intéressant, et qui fait l'appui de la communication de Sedan à Montmédy, eût été situé plus avantageusement sur la gauche du Chiers, considéré comme ligne défensive.
Stenay.
On regrette que cette ville ne soit qu'un poste sur la Meuse. Ses fortifications et sa citadelle, rasées, reconstruites et démolies de nouveau, attestent son importance, fondée sur le besoin d'un point d'appui entre Sedan et Thionville. Situé dans un pays abondant en subsistances, ce poste, susceptible d'une grande étendue, pourrait devenir une place d'entrepôt très utile ; et Montmédy, qui serait son corps-de-garde avancé, en deviendraitplus respectable.
"Verdun.
Grande place dont la conservation est précieuse par la faiblesse de la première ligne; c'est le seul point véritablement résistant sur un es-ace déplus de vingt lieues, depuis edan jusqu'à la Moselle. Elle peut servir d'entrepôt pour approvisionner toutes les places inférieures de la Meuse. Elle protège, avec Metz, tout le pays entre la Meuse et la Moselle. M. de Vauban ne proposa
PREMIÈRE CLASSE.
de sa position ; mais il ne conserverait cet avantage que jusqu'à Thionville, parce que cette place, qui maîtrise la Moselle, donnerait à nos troupes, supposées sur la défensive, la faculté de se tenir sur la rive de cette rivière, opposée à celle qu'occuperait l'ennemi, de la passer et de la repasser à leur gré, pour le prendre en flanc, pour attaquer ses derrières, ou pour intercepter ses convois. Il serait donc forcé de faire le siège de cette place ; et c'est comme premier centre de force, destiné à protéger la défensive ou à faciliter l'action de notre armée sur celle de l'ennemi, que Thionville mérite toute l'attention du gouvernement.
Metz.
Cette place est un centre de force et d'approvisionnement pour toute la frontière, depuis les Vosges jusqu'à Givet. Destinée au même objet que Thionville, elle a sur celle-ci 1 avantage d'une force bien plus imposante. D'ailleurs, elle protège, conjointement avec Verdun, une
fiosition d'armée derrière l'Orne, es rivières qui y affluent et les bois qui s'étendent jusqu'à la Meuse. Personne ne doute de l'importance de Metz ; mais ce que tout le monde ne sait peut-être pas assez, c'est que les grandes places de ce genre sont détestables, lorsqu'elles ne sont pas excellentes; qu'elles ne supportent pas la médiocrité; et que la destinée de ces étaies colossales de la force publique est, lorsqu'elles viennent à se rompre, d'ébranler, par leur chute, les États qu'elles devaient affermir par leur résistance. Metz, par sa position, par son importance militaire, justifie les grands moyens de défense
Îu'on y a réunis; mais il suffirait 'en avoir négligé quelques parties pour rompre l'équilibre des forces de cette place et pour en rendre l'appareil inutile et même dangereux. Sa perfection doit être un des premiers objets de l'attention de l'administration de la guerre.
Sarreiouis.
Point d'appui important sur la Saare, qui forme la ligne de défense du pays vis-à-vis le Palatinat.
DEUXIÈME CLASSE.
jamais d'abandonner cette place, même lorsque nous étions maîtres de Luxembourg ; cependant elle s'est trouvée comprise dans une liste de proscription publiée par le conseil de la guerre, en 1788, et appuyée sur de prétendus fragments du maréchal. Pour montrer avec quelle circonspection on doit s'autoriser de l'autorité d'un grand homme, il suffit de dire en quoi consistait la méprise du conseil de guerre; c'est que tout simplement il prenait Verdun-sur-Meuse pour Verdun-sur-Saône.
Rodemaken.
Corps de garde avancé de Thionville, destiné à surveiller la rive gauche de la Moselle et les partis détachés de la garnison de Luxembourg.
Sierck.
Ce poste, qui a le même objet que Rodemaken, le remplit avec moins d'avantage, étant situé sur la rive droite de la Moselle: il occupe la communication de Thionville à Trêves
TROISIÈME CLASSE.
Toul et Nancy.
L'importance de ces deux places est devenue presque nulle, militairement parlant, depuis la réunion de la Lorraine à la couronne. Il est à désirer qu'elles soient longtemps inutiles; mais la seule possibilité du contraire suffit pour ne pas détruire des masses de fortifications qui ne nuisent à personne, et qui, dans des temps malheureux, peuvent devenir des ressources précieuses.
Marsal.
Cette place, entre Metz et Pliais-bourg, ne présente qu'une utilité probablement très éloignée, mais suffisante pour ne pas la détruire.
PREMIÈRE CLASSE.
Cette place, située à dix lieues de Thionville et à quinze de Bitche, serait insuffisante pour en imposer sur une aussi grande distance, si l'on ne comptait avec raison sur les obstacles naturels très multipliés sur cette frontière. Cette place est essentiellement nécessaire à la communication des places de la Moselle, à celles du Bas-Rhin, telles que Wissembourg, Lauter-bourg et Landau. En cas de guerre, sa liaison avec Bitche serait d'autant plus assurée, que l'on occuperait le poste de Sarreguemines, situé sur la Saare, au point où cette rivière se replie pour longer la frontière.
DEUXIÈME CLASSE.
TROISIÈME CLASSE.
Bitche.
Son château, quoique très fort, est insuffisant pour faire respecter une position aussi importante ; on pourrait, sans de grandes dépenses, réaliser les projets relatifs à cette place, en occupant et fermant d'abord une enceinte spacieuse, et se réservant les moyens de la perfectionner avec le temps. Cette place, qui termine la défense du pays, depuis la Moselle aux Vosges, a des rapports essentiels avec Landau et nos autres places du Bas-Rhin ; elle couvre un débouché qui conduit à la première par lavaltée d'Anneveillers, et deux chaussées construites à travers les Vosges, vers Wissembourg et Haguenau. Ces communications sont, sans doute, très utiles au commerce ; mais, comme elles rompent l'équilibre de la défense, il est nécessaire de le rétablir en renforçant le point d'appui, qui est Bitche; il protégerait alors l'excellente position d'Aspelcheit, qui domine sur ces trois communications.
Landau et dépendances.
La plaine fertile entre les Vosges et le Rhin n'offrant qu'une largeur de 5 à 6 lieues, l'idée de fermer par des lignes l'entrée de ce pays abondant a dû se présenter d'autant plus naturellement, qu'indépendamment de la faculté d'assurer les flancs de ces lignes avec solidité, elles devaient encore jouir de l'avantage d'être protégées par une place capable de la plus grande résistance. C'est ce que l'on a fait; et l'on doit avouer que les lignes de la Queiche, fortifiées par des villages retranchés, par des marais en avant d'elles, par les inondations de la rivière, sont aussi parfaites que puissent l'être des retranchements continus de 5 lieues d'étendue dont il faut garder tout le pourtour, en s'affaiblissant par
'Wissembourg et dépendances.
Cette place, qui occupe avantageusement une communication vers Bitche, à travers les Vosges, ap-
Euie la gauche des lignes de la auter, qu'il serait difficile de tourner par la montagne; elle ferme en même temps celle des communications de Landau à Strasbourg, qui serait la plus favorable à la marche d'une armée. Les lignes de la Lauter, défendues par Wissembourg dans leur partie la plus accessible, occupent jusqu'à Lau-terbourg, sur le Rhin, la sommité du ravin dans lequel coule la rivière de Lauter; elles ont tous les inconvénients que j'ai reprochés aux lignes en général, sans avoir les avantages qui distinguent celles de la Queiche.
PREMIÈRE CLASSE.
un développement immense, et qui finissent toujours par être percés, parce que l'ennemi, maître ae son secret et de ses mouvements, simule, s'il le faut, vingt attaques; et, réunissant réellement tous ses efforts sur des points déterminés que lui seul connaît, il est impossible qu'il n'en emporte pas quelques-uns ; car l'obligation où sont les défenseurs de faire face partout les met dans la nécessité de n'être en force nulle part. Je pense donc que ce n'est point sur ce grand appareil des lignes de la Queiche, qu'il faut fonder la défense de cette partie de notre frontière, mais bien sur l'excellente position que peut prendre notre armée entre Landau et la montagne ; c'est là que, concentrant ses forces dans un petit espace, appuyée à la montagne et à la forteresse, couverte par la gauche des lignes, conservant la communication avec Bitche par la gorge d'Albersveiller, et n'ayant à défendre qu'un front de peu d'étendue sous la protection d'une grande place; par le fait seul de sa position, elle réduirait l'ennemi à l'inaction, ou le forcerait à l'entreprise dangereuse d'attaquer une armée retranchée dans l'état le plus redoutable. C'est en cela que consiste la principale importance de Landau; telle est la véritable utilité des forteresses ; et c'est sous ces rapports trop méconnus, qu'elles doivent toujours être considérées dans l'étude de l'art de la guerre.
Au surplus, Landau réunit à la propriété de couvrir les places du Rhin et les passages des Vosges celle d'occuper une position très favorable à l'offensive, moyen précieux à la guerre lorsqu'on peut agir en force, et que n'exclut point le système conservateur.
Strasbourg.
Grand dépôt, arsenal immense, parfaitement situé pour la défense de toutes les places du Rhin, et pour agir offensivement sur la rive opposée. Ce fleuve, ainsi que les rivières d'Ill et de Brusch, rendent les approches de cette place très resserrées, lui forment un excellent camp retranché, et procurent des eaux abondantes pour la défense de presque toutes les parties attaquables. Si, malgré sa haute importance, et tous les moyens défensifs, Strasbourg n'avait pas encore acquis le degré de
DEUXIÈME CLASSE.
Lauterbourg.
Cette place, très bien située auprès du Rhin pour appuyer la droite des lignes do la Lauter, n'est, dans ce moment, qu'un poste fort dégradé, et qu'il convient de rétablir ; c'est, d'ailleurs, un appui pour les troupes destinées à défendre ou à surveiller le passage du Rhin.
TROISIÈME CLASSE.
Fort-Louis du Rhin.
Le caractère particulier qui distingue cette place, c'est de réunir éminemment les propriétés offensives ; c'est un énorme magasin, capable de contenir en sûreté tous les besoins possibles d'une armée, et qui, menaçant sans cesse l'ennemi, l'oblige à partager ses forces et son attention entre ce point et Strasbourg, d'où il arrive qu'il est faible partout. En occupant cet emplacement, nous en privons l'ennemi, qui pourrait s'y établir et en tirer les plus grands avantages pour passer le Rhin; ce qu'il ne peut faire avec la même facilité, à beaucoup près, dans tous les points intermédiaires à Strasbourg et Lau-terbourg. Cet exposé suffit, je pense, pour répondre aux doutes de quelques militaires qui sont tentés de nier l'utilité du Fort-Louis, et pour prouver qu'il serait également impolitique et imprudent d'abandonner cette place.
La Petite-Pierre.
Ce poste se lie avec le château de Lichtemberg et avec Phalsbourg, pour la défense do cette partie des Vosges dans laquelle tous les trois ils sont situés. 11 occupe le nœud de S routes, dont une se dirige sur Phalsbourg, une sur Strasbourg, une sur Haguenau, une sur Bitche, et la cinquième sur Bouquenom et Sarreguemines ; mais sa destination particulière est de couvrir un passage de la gorge d'Ingweiller.
Haguenau.
On regretteles principaux moyens de défense de cette place, dont l'objet est de protéger, derrière la Motter, une armée sur la défensive, que sa faiblesse force à se replier et à prendre successivement différentes positions rétrogrades. En pareil cas, il serait indispensable d'occuper et de renforcer Haguenau , ainsi que le poste de Drusenheim, à l'embouchure de la Motter, dans le Rhin.
Lichtemberg.
Depuis l'ouverture d'une route d'Haguenau à Bitche, Lichtembérg, qui fermait un passage des Vosges, est devenn à peu près inutile. Cependant , si en temps de guerre l'on parvenait à masquer ou à détruire cette première communication, alors Lichtemberg, reprenant sa valeur, remplirait très bien sa destination.
Phalsbourg.
Cette place qui, vers le centre des Vosges, occupe le principal passage qui conduit de Strasbourg à Metz et à Nancy, est très propre à arrêter l'ennemi qui voudrait traverser les Vosges, soit après s'être rendu maître de la plaine du Rhin, soit après avoir franchi la Saare.
Schelestadt.
Cette place, située sur 1*111, et occupant un point intermédiaire à Strasbourg et Neuf-Brisach, pourrait
PREMIÈRE CLASSE.
perfection qui lui est nécessaire et dont il est susceptible, nous ne pourrions que répéter ici ce qu'à l'occasion de Metz nous avons dit des grandes places, et retracer les motifs pressants qui doivent engager le gouvernement à les couvrir de toute sa surveillance.
Neuf-Brisaeh.
Cette place est le point d'appui de la plaine entre 1*111 et le Rhin, depuis Huningue jusqu'à Strasbourg. Située en face du vieux Brisach, à une demi-lieue du Rhin, c'est une sentinelle chargée de veiller sur les mouvements de l'ennemi qui tenterait de passer ce fleuve par sa droite ou par sa gauche, ou en avant d'elle.
Huningue.
Cette place tient, avec Belfort, la tète du pays compris entre le Rhin et les Vosges; elle occupe un passage de ce fleuve, qui a servi plusieurs fois aux Impériaux avant l'établissement de cette forteresse, et qui, depuis sa construction, nous donne la faculté d'entrer d'autorité dans l'Empire; elle se lie avec Neuf-Brisach pour soutenir les détachements destinés à surveiller le passage du fleuve entre ces deux places. Huningue nous offre encore un grand exemple de l'utilité des forteresses dans 1 offensive. Ce fut sous la protection du canon de celle-ci, et en présence de l'armée ennemie, que le maréchal de Villars passa le Rhin pour aller battre les Impériaux à Frede-lingue.
DEUXIÈME CLASSE.
rendre inutile le passage du Rhin entre ces deux places ; mais la pro-
Eriété la plus avantageuse de chelestadt, c'est d'appuyer l'importante position de Chatenoi, qui couvre deux grandes communications dans l'intérieur du royaume à travers les Vosges, l'une par la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines, l'autre par le Val-de-Villé.
Landskroon.
Poste avancé, dont l'objet est de garder les débouchés qui mènent sur les derrières de la position de la Birsen. Cette position, entre le Rhin et les gorges des extrémités des Juras, sur la rive gauche de la Birsen, est la meilleure que nous pourrions prendre, dans l'hypothèse qu'une armée d'Impériaux eût passé le Rhin au-dessu3 de Bâle par les villes forestières, et cherchât à pénétrer dans le royaume, soit à travers la montagne, par Porentruy, soit par la plaine, en suivant la gauche du Rhin ; mais, dans ce dernier cas, il faudrait qu'elle commençât par le siège d'Huningue.
Belfort.
TROISIÈME CLASSE.
Mortier (Fort).
C'était la tête de l'ancien pont qui communiquait au vieux Brisach. Sa destination ayant changé, on l'a retranché par la gorge, pour s'opposer au passage du fleuve. Ce retranchement est tout ce qu'il y a d'utile dans ce poste; et encore cette utilité ne dédommage pas la dépense qu'on y fait, pour le garantir des ravages du Rhin.
Cette place peut, à toute rigueur, soutenir le premier effort de l'ennemi ; car si, après s'être emparé de la position de la Birsen pour assurer ses derrières, il s'avançait par le chemin de Bâle à Porentruy, arrivé à ce dernier point, il pourrait se porter de là, ou vers le Doubs, ou dans la plaine au pied des Vosges; mais, dans ces deux suppositions, il serait obligé d'assiéger Belfort, qu'il n'oserait pas laisser ni derrière lui ni sur ses flancs ; d'où l'on voit que l'attaque de cette place peut avoir lieu, sans exiger de la part de l'ennemi aucun siège préliminaire, si ce n'est tout au plus le blocus d'Huningue. L'étendue de Belfort, et ses moyens défensifs, ne répondent pas à son importance dans l'hypothèse que nous venons de faire; mais cette place comporte l'établissement d'un camp retranché, peu étendu," facile à défendre; et, dans cet état, elle serait un point très respectable. D'ailleurs, si l'on vient à réaliser le
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
projet également grand, utile et beau, d'unir les navigations du Rhin et du Rhône par le moyen des rivières qui y affluent, le canal qui, selon ce projet, serait destiné à communiquer de 1*111 au Doubs, formerait, en avant de Belfort, un obstacle qui ajouterait beaucoup à l'influence que j'ai dit que celte place pouvait avoir sur la défense de cette partie de la frontière.
TROISIÈME CLASSE.
Besançon.
Cette place, quoique éloignée de
10 lieues de la frontière, est l'entrepôt et le magasin des forces à répartir pour la défense des Juras, et la seule ressource après la perte des postes de ces montagnes; elle est le centre des communications avec la Suisse, le Neuf-Châtel et les places du Haut-Rhin. Un ennemi qui voudrait pénétrer plus avant ne pourrait se dispenser d'en faire le siège, afin de s'assurer ses subsistances; et comme ce siège ne pourrait commencer que fort tard,
11 convient que cette place soit en état de résister jusqu'à la fin de la campagne. Il est même possible qu'elle soit attaquée avant toute autre, car l'ennemi, maître du plateau du Rangier, ainsi que du Po-rentru, dont il tirerait ses subsistances, pourrait passer le Doubs à Sainte-Ursanne ; et de là, suivant les plateaux de la Franche-Montagne, entre les directions du Doubs et du Dessoubre, laissant à sa droite Blamont, qui ne pourrait lui nuire, il pénétrerait, comme le duc de Weimar, jusqu'à Mortau, d'où une route est ouverte sur Besançon. C'est aussi par Mortau que celle place communique avec Neuf-Châ-tel, sans aucun poste intermédiaire, mais par un chemin difficile sur les montagnes.
Blamont (Château de).
Ce poste, qui occupe un grand rentrant du Doubs, à portée des débouchés des pays de Monlbeil-lard et de Porentru, est situé pour remplir un objet important dont son peu de capacité ne le rend pas susceptible ; mais il appuierait très bien un camp retranché auquel l'industrie militaire pourrait donner, à peu de frais, toute la valeur d'une place de guerre, et qui, dans cet état, serait capable de soutenir et d'approvisionner nos positions dans le pays de Porentru, et protégeant la défense du Doubs en avant du Pont-de-Roide, forcerait l'ennemi à se rejeter sur Belfort.
Joux [Château de).
Depuis Morteau, les Juras ne sont accessibles que par la vallée de Verrière, vers le Neuf-Châtel , et par la gorge de Jougne, qui, depuis longtemps, est la route de la Suisse. Ces communications se réunissent au château de Joux, qui les découvre très bien, et masque ainsi le chemin vers Pontarliér et Besançon. Cette destination fait désirer un poste plus étendu ; et peut-être serait-il plus convenable d'en établir un autre à Jougne, origine du débouché; d'autant mieux que celui-ci couvrirait en même temps une route ouverte depuis quarante ans, qui, partant de ce point, et laissant sur sa droite, le château de Joux, se dirige sur Salins et autres villes des environs.
Auxonne.
Cette place, qui, dans ce moment, n'a rien de recommandable que l'école et l'établissement d'artillerie qu'elle renferme, ne serait même pour l'avenir, et après de grands revers, qu'une ressource bien faible.
Salins et dépendances.
Cette place ne couvrant pas des communications nécessaires est de peu d'importance, mais elle n'est qu'à 8 lieues de la frontière, et cette considération doit suffire pour empêcher sa démolition.
L'Écluse (Fort).
C'est à ce point que se termine la chaîne du Jura, barrière imposante, et dont les débouchés peuvent êlre facilement gardés par des postes. Depuis la gorge de Jougne, il existe deux passages accessibles et nullement protégés : l'un est celui de Morey et des Rousses, l'autre est dans la vallée de Mi-joux; tous deux aboutissent à Genève par le pays de Gèx. Ces deux
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TROISIÈME CLASSE.
roules peuvent être aisément rompues et devenir incommunicables. Tant qu'elles seront bien défendues, ou lorsqu'elles seront détruites, au point qu'il devienne impossible d'en faire usage, il ne restera sur cette frontière qu'un accès praticable : c'est celui de la grande route de Genève à Lyon. Le fort l'Écluse, dont l'objet est de découvrir et de garder ce passage, remplit faiblement cette seconde destination, parce que ce petit poste, plaqué contre la croupe du Crédo, dernière montagne du Jura, manque de capacité, et n'est pas susceptible d'en acquérir, et parce qu'on peut avec facilité passer le Rhône au-dessous de lui, surtout vers le point où ce fleuve se perd ; ce qui fait désirer de voir dans cette partie un poste plus respectable en conservant néanmoins le fort l'Ecluse qui communiquerait avec celui dont je viens de parler.
Pierre-Châtel.
Depuis le fort l'Écluse, le Rhône fait la limite du royaume sur un développement de 15 lieues : c'est sans doute une forte barrière, surtout eu égard aux difficultés du pays sur ses deux rives; mais il existe des ponts et des passages faciles sur le Rhône, et la nature n'a pas assez fait pour la défense d'une aussi grande étendue de frontière. La sureto du pays, et particulièrement celle de Lyon, exigent un entrepôt, un point d'appui imposant pour soutenir les postes à établir sur les principaux débouchés. La chartreuse de Pierre-Châtel est le seul établissement existant susceptible de quelque défense ; elle a toujours été considérée comme poste militaire; et avec peu de dé pense, elle remplirait très bien cette destination, si elle se trouvait sous la protection d'une place principale qu'il conviendrait peut-être d'établir vers le débouché de Seissel, -pour soutenir tous les postes de cette frontière.
Entre cette place et le point où le Rhône, se joignant au Guiers, entre dans le royaume, la frontière forme un grand rentrant irrégulier d'environ 10 lieues de développement, dont le fort Barraux occupe la partie la plus avancée vers la droite. Cet espace est entièrement dépourvu de moyens de défense, quoiqu'il y existe deux communications très ouvertes de la Savoie en France, savoir : celle du pont de Beauvoisin et celle des Échelles. Il conviendrait de couvrir cha-
Barranx
(Fort).
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
TROISIÈME CLASSE.
cun de ces débouchés par des établissements capables d en imposer, et de soutenir la défense intermédiaire de la frontière. Le fort Bar-raux a peu de capacité; mais il est susceptible d'augmentation : sa position, à la tête de la vallée du Grésivaudan, lui donne une grande importance; et quoiqu'il eût pu mieux masquer la route sur la rive droite de l'Isère, la manière dont il remplit cette destination fait regretter qu'aucuns établissements militaires ne protègent ni la communication qui longe la rive gauche de celte rivière, ni un autre débouché par lequel on pourrait éviter la vallée et la défense de Grenoble.
Grenoble.
Place essentielle qui occupe la vallée du Grésivaudan, pays fertile et rempli d'un grand nombre de communications dont Grenoble est le centre. Cette place est l'arsenal et le dépôt des forces de celle frontière. Un site ingrat empêche que les moyens défensifs de cette forteresse soient proportionnés à son importance; mais l'on peut et l'on doit y suppléer, soit par des postes sur la montagne, soit par aes opérations sur le cours de l'Isère, qui seraient aussi profitables à l'agriculture qu'à la défense de la place. Ce dernier moyen est d'autant plus précieux qu'il est rare do pouvoir l'employer dans des pays de montagnes .
Briançon.
Depuis le fort Barraux jusqu'au mont Genève, sur les confins de la Savoie et du Piémont, et en avant de Briançon, la limite de la frontière suit la sommité des Hautes-Alpes. Deux gorges donnent des débouchés praticables vers le bourg d'Oisans, l'un par la vallée de l'Olle, et l'autre par le col des Perches. Il est facile et d'autant plus nécessaire de les intercepter, que tous deux ils aboutissent à la petite route qui conduit de Grenoble à Briançon par la vallée de Romanche, et par celle du Mones-tier. L'objet de Briançon est non seulement de masquer cette dernière, mais encore celle de la Du-rance, qui est bien plus importante, parce qu'elle renferme la grande route ue Turin et du Piémont. Ce débouché est bien occupé, au moyen des ouvrages qui existent sur les hauteurs accessibles près de Briançon. Cette place, très essentielle, réunit les principales propriétés qui doivent caractériser les forteresses dans les hautes montagnes ; savoir : de
Valence.
Cette place, quoique trèsi eculée de la frontière, et n'offrant qu'une utilité militaire très éloignée, peut être un lieu commode de dépôt en temps de guerre, et renfermer alors de grands établissements d'artillerie qu'il convient d'assurer. Ces considérations suffisent pour empêcher de la détruire.
PREMIÈRE CLASSE.
maîtriser un passage nécessaire, et d'être capable de résister au moins pendant trois mois, intervalle ordinaire entre la fonte des neiges et leur reproduction.
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TROISIÈME CLASSE.
Queiras.
Ce n'est pas la partie la plus élevée des Alpes françaises qui est la plus dépourvue de débouchés praticables ; mais ils sont tous déterminés et inévitables.
Le fort de Queiras ferme deux vallées, dans l'une desquelles existe une autre communication qui, le long du Guil, et par le col de la Croix, conduit en Piémont.
Mont-Dauphin.
Cette place, très bien défendue dans sa partie accessible, masque les vallées de la Durance et du Guil, ainsi qu'un chemin venant du haut de la vallée de Barcelonnette par Mélezen et Saint-Marcelin. C'est par celui-ci que l'on pourrait arriver sur Mont-Dauphin, en évitant Queiras et Briançon. La route de cette dernière place à Mont-Dauphin est très favorable à toutes deux, elle a surtout pour Briançon l'avantage de lui assurer ses approvisionnements dans le cas où sa communication avec Grenoble serait interceptée.
Mont-Dauphin est une place très forte et très importante qui maîtrise supérieurement les deux principales communications de la France avec le Piémont; savoir : celle par le mont Genève, et celle par le col de la Croix. Une spéculation anti-militaire a failli lui faire perdre tous ces avantages : sans la fermeté de quelques bons esprits, et surtout sans des événements q;ui, en attirant l'attention universelle, ont dérangé les combinaisons particulières des hommes à projets, cette faute impardonnable serait peut-être consommée. (V. ci-après l'art. Barcelonnette.)
Embrun.
Sur la Durance, au-dessous du Mont-Dauphin ; cette place, dépôt central pour toute cette frontière, remplit l'objet particulier de très bien défendre la vallée de Crevaux, par laquelle l'ennemi pourrait, à toute rigueur, depuis la vallée de Barcelonnette, joindre la Durance en évitant Saint-Vincent.
Saint-Vincent
et vallée de Barcelonnette.
Ce poste, qui garde le bas de la vallée de Barcelonnette, se trou-
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
vait à la tête de la frontière avant l'acquisition de ce petit pays, qui, n'ayant que des défenses de position, laisse au fort Saint-Vincent sa destination première. Elle n'a jamais été parfaitement remplie, puisque vers le haut et à la gauche de la vallée, il existe des passages par lesquels on peut se porter sur la Durance à Mont-Dauphin, à Embrun, même au-dessous, d'où résulte la nécessité de défendre la vallée en occupant des positions. Le maréchal deBerwick nous a fait connaître la valeur de celle de Tournoux, au-dessus de Barcelon-nette et derrière l'Ubaye ; c'est un camp excellent, capable de défendre en même temps tous les débouchés sur la Durance, mais qui, pour bien remplir cette destination, a besoin d'une certaine étendue, et d'être protégé par des ouvrages permanents. Il sera d'autant plus imposant et plus sûr, que le chemin de la vallée qui, le long de Lubayette, et par le col de l'Argentière, conduit en Italie, offrira plus de difficultés à l'ennemi pour le passage d'un corps de troupes et le transport de ses besoins. Il est donc très désirable que ce chemin, qui, dans son état actuel, n'est propre qu'à des bêtes de charge, ne devienne ni plus aisé ni plus praticable. C'était cependant ce même chemin que l'on voulait transformer en une grande route qui nous ouvrirait l'accès sur Démont et les autres places du comté de Nice, et qui faciliterait notre commerce avec l'Italie; comme si nous pouvions nous ménager la faculté ae pénétrer dans un pays étranger, sans donner réciproquement le même avantage contre nous; comme s'il importait tellement au commerce de la Provence, dont les débouchés sont si multipliés, de s'en procurer un de plus ; que pour y parvenir, il fût nécessaire d'anéantir la valeur défensive de deux de nos principales forteresses, Briançon et Mont-Dauphin, et'de nous jeter dansla dépense de la construction d'une place nouvelle à Tournoux. Quelles combinaisons!
TROISIÈME CLASSE.
Seine.
En cas de guerre, et dans l'état où se trouve la vallée de Barce-lonnette, elle aurait besoin de Seine pour protéger ses approvisionnements. Cette vue, quoique éloignée, suffit pour ne pas détruire le peu de moyens militaires qui existent dans Seine.
Sisteroi;.
Celte place est très propre à contenir les dépôts militaires pour la défense des Hautes-Alpes, ainsi que pour protéger les communications sur les deux rives de la Durance.
Colmar.
Ce poste, qui protège plusieurs débouchés du comté de Nice, servirait très utilement de point d'appui aux différents détachements qui défendraient ce pays très difficile, tant du côté de Barcelon-nette que dans la fertile vallée du Verdon. Il aurait besoin d'être soutenu par un poste qu'il convient d'établir à Allos, pour masquer le débouché du col de Ses-trières.
PREMIÈRE CLASSE.
Antibes.
Celte place est un asile sur la côte; elle se présente en première ligne sur la frontière de terre ; elle est l'entrepôt pour la défense des débouchés duVar; et, en les supposant franchis, elle devient un appui de position dans un pays très difficile, entre les montagnes et la mer.
DEUXIÈME CLASSE.
Entre vaux.
Depuis Colmar jusqu'à Entre-vaux, le pays est extrêmement difficile, et présente d'ailleurs de bons moyens de défense derrière la Vaire et le Verdon ; mais Entrevaux sur le Var occupe un débouché très important. Il serait à désirer que, pour mieux remplir sa destination, cette place eût assez de capacité pour devenir l'entrepôt de cette partie de frontière, qui présente toujours les mêmes difficultés le long de l'Esteron et du Var. Ce n'est que vers l'embouchure de cette dernière rivière que plusieurs passages, et notamment celui de Saint-Laurens, offrant à des armées un accès plus facile, nécessiteraient un état de dépense plus respectable que celui qui existe.
Sainte-Marguerite (Les îles).
Ces Iles, à l'entrée de l'anse ou golfe Jean, derrière Antibes, sont intéressantes à occuper pour protéger la navigation contre les corsaires, et pour ôter à un ennemi plus puissant la facilité d'agir sur nos côtes. Celle dite particulièrement Sainte-Marguerite est inculte ; mais elle a, sous la protection de son fort, un petit port capable de recevoir les plus gros vaisseaux; l'île Saint-Honorat, qui est productive et cultivée, a une très haute tour pour la protection de ses habitants ; mais elle n'est abordable que pour des bateaux.
TROISIÈME CLASSE.
Toulon et dépendances.
Grand dépôt infiniment précieux pour la guerre, la marine et le commerce, qui ne saurait être protégé par des moyens trop puissants. Les différents forts sont destinés à intercepter toutes ses avenues. Il est possible, il est même nécessaire, d'en étendre les propriétés, de manière que cette place se trouve de tous côlés à i'abri du bombardement.
Saint-Tropès.
C'est une pépinière de pêcheurs et de matelots qu'il est bon d'entretenir pour la conserver à l'abri d'insulte.
Hyères (Les îles d').
Celle de Portcros, en avant de la place d'Hyères, dont elle défend les approches, offre un bon asile aux vaisseaux marchands sous la protection d'un château ; trois autres tours sont placées sur différents points de son circuit. L'île Porquerolles occupe la droite de la plage d'Hyères, à 7 lieues en avant ae Toulon, ce qui rend son mouillage important ; il est défendu par un fort et trois autres tours protègent ses anses, qui peuvent servir de refuge» Le forl de Brégançon, situé sur un roc isolé de la terre ferme, défend le côté gauehe de la plage. Toute cette utile disposition doit être.entretenue.
PREMIÈRE CLASSE.
Marseille (Les forts dé).
Deux forts qui défendent l'entrée du port, et un troisième assis sur une position élevée qu'il serait dangereux de laisser occuper à l'ennemi, présentent des moyens plutôt faibles que suffisants pour protéger une ville aussi importante par sa population que par ses richesses et ses relations commerciales. L'insurrection qui a failli les détruire ne doit donc être considérée que comme l'élan d'une liberté naissante, inquiète et peu éclairée sur ses véritables intérêts, et ne doit point influer sur le rang que nous assignons à ces remparts tu-télaires d'une des plus belles et des plus précieuses de nos cités. Son mur d'enceinte, extrêmement dégradé dans plusieurs de ses parties, serait à peu près nul, comme moyen défensif, et l'on doit ajouter que l'utilité de son rétablissement n'équivaudrait pas à la dépense qu'il occasionnerait. Il serait peut-être plus simple de travailler à interdire toute idée de débarquement à portée de la ville; car la descente effectuée à une certaine distance serait, pour l'ennemi, une entreprise dangereuse par la multiplicité des obstacles naturels qu'il aurait ensuite à franchir, et par la facilité de défendre les approches, au moyen des clôtures de chaque propriété particulière. Trois petites îles, occupées par des forts, couvrent le port et le mettent à l'abri d'un bombardement par mer. Ces îles servent aussi de refuge aux navires qui ne seraient point en sûreté dans la rade par de gros temps.
DEUXIÈME CLASSE.
Saint-Esprit (Citadelle du).
La construction légère et hardie d'un pont de 450 toises de longueur, qui forme une des principales et des plus importantes communications de l'intérieur, exige impérieusement des précautions de police qui pourraient n'être pas toujours observées sans une force capable de les faire respecter. La citadelle du Saint-Esprit peut être le dépôt de la garnison destinée à cet objet ; et si ce motif de conservation n'était pas jugé suffisant, on observera que de Lyon aux Bouches-du-Rhône, il n'existe pas un seul fleuve que celui du Saint-Esprit; et que quelque improbable que puisse être l'hypothèse d'une invasiondansle sud-estduroyaume, il suffit qu'elle soit dans l'ordre des possibilités, pour conserver une forteresse d'un modique entretien, et dont la suppression pourrait nous réduire à la désastreuse alternative ou d'ouvrir l'entrée des provinces méridionales à une armée ennemie, ou de détruire un des plus utiles monuments des arts.
Aigues-Mortes.
De Marseille aux embouchures du Rhône, et jusqu'à Aigues-Mortes, la côle ne présente aucun point important, si ce n'est le port de Bouc, défendu par un fort à l'entrée de l'étang de Berre ou de Mar-tigue. En détournant une des embouchures du Rhône, qui ensable ce port, il pourrait devenir très utile à la navigation.
Aigues-Mortes, port célèbre dans notre histoire, n'est aujourd'hui qu'uu posto très bien fermé, ren-1 dez-vous des gardes-côtes, et dépôt militaire de cette partie de la frontière. Ce port, actuellement à
TROISIÈME CLASSE.
Alais (Fort d').
Ce poste n'a point d'utilité militaire ; mais on a pensé qu'il pourrait, au besoin, devenir le point d'appui d'une garnison destinée à protéger le dépôt et le marché très fréquenté des soies du pays, ainsi que la tranquillité publique dans ces cantons voisins des Cévennes. C'est à quoi l'on réduit la force in-rieure dans celte partie du royaume, en abandonnant entièrement tous les autres postes qui n'ont aucun rapport à la défense de la frontière. La liste en est à la suile de ce résumé , et l'on pourra y ajouter le fort d'Alais, pour peu que l'on désapprouve les motifs assignés à sa conservation.
Peecais.
Poste très malsain, mais qui protège près de la mer les marais salants dont il est entouré.
PREMIÈRE CLASSE.
Cette (Les forts de).
Leur objet est de défendre la plage, le port, et d'empêcher de tourner la montagne qui couvre la ville. Ce port, qui est le seul débouché maritime pour les denrées d'un très grand pays, et dont la prise entraînerait celle de Montpellier, mérite beaucoup d'attention ; et peut-être conviendrait-il de rendre ses moyens de défense plus respectables. Son bassin communique à l'étang de Thau, où se termine le canal Royal :
Perpignan.
C'est la seule grande place sur cette frontière. Appui nécessaire pour la défensive, entrepôt bien situé pour tous les postes des Pyrénées-Orientales, même pour ceux de la côte, dont elle n'est éloignée que de trois lieues, ses communications à travers les montagnes de la Catalogne la rendent également propre à favoriser des dispositions offensives. Ces avan-
DEUXIÈME CLASSE.
3,200 toises de la mer, y communique par un chenal de 12 pieds de profondeur. Ce point doit devenir très intéressant, lorsqu'on aura exécuté les projets de communications navigables, d'un côté avec Beaucaire, le marché commun des nations commerçantes, et de l'autre avec le canal royal par les canaux des étangs et le bassin de Cette. Aigues-Mortes ferait alors respecter sur cette partie la liaison intérieure du Rhône à la Garonne.
Brescou (Fort).
Ce fort, qui occupe un rocher isolé à 700 toises de la plage, près le cap d'Agde, est un bon poste pour défendre le mouillage, et pour protéger cette partie des côtes. On voit encore les restes d'une digue qu'on avaitcommencée sous le règne de Louis XIII, pour joindre le fort Brescou au continent. Ce ne fut qu'après y avoir dépensé 1,800,000 livres qu'on s'aperçut que les sables du Rhône, apportés par les vents d'est, produisaient sur la rade l'effet contraire à celui qu'on s'était proposé. A une lieue de ce port est l'embouchure de l'Hérault ou du canal d'Agde, qui remonte par cette ville jusqu'au canal Royal. Son extrémité sur la plage, souvent obstruée par une barre, est défendue par quelques batteries.
Lyon (Côtes du golfe de).
La partie du golfe de Lyon, comprise entre les Bouches-du-Rhône et le cap d'Agde, est naturellement défendue par une suite d'étangs qui ont depuis 600 jusqu'à 2,000 toises de largeur et qui sont .séparés de la mer par une plage extrêmement plate. Quantité de batteries et de redoutes sont placées sur cette étendue de côtes dans les parties les plus accessibles principalement aux graux ou petits canaux qui font communiquer les étangs à la mer : la plupart servent aussi pour la correspondance des signaux.
Il y a plus de variété dans le reste de la côte sur la partie occidentale du golfe de Lyon : on y voit quelques escarpements, des dunes et des parties plates derrière lesquelles sont des étangs; des batteries et des redoutes y sont placées à différentes distances. En général on doit peu craindre les attaques dans le fond du golfe de Lyon, à cause des dangers de la navigation, du défaut d'asiles pour les vaisseaux qui s'y laisseraient affaler, et de la rareté des mouillages où ils puissent s'embosser
Montpellier (Citadelle de).
Une grande ville commerçante et très riche ne peut se passer d'un point d'appui du côté de la mer, dont elle n'est qu'à une lieue; mais comme il ne s'agit que de résister à un parti qui aurait surpris la côte, et non de soutenir un siège, il suffit de conserver en masse ce poste dont les remparts n'ont jamais été achevés, et qu'il serait aussi inutile que dispendieux de perfectionner aujourd'hui.
Béziers.
Il ne faut point détruire l'enceinte de cette ville, située sur une hauteur, à deux lieues et demie de la mer, et qui peut former un bon poste pour l'entrepôt des troupes destinées à la défense de la côte.
Narbonne.
Place maritime et en même temps de réserve pour la gauche de la frontière d'Espagne, communiquant par l'Aude au canal Royal et à la mer dont elle n'est éloignée que de deux lieues, et comme elle est susceptible aussi de communiquer aux places des Pyrénées-Orientales par un canal le long des étangs, elle peut, au besoin, former un bon dépôt militaire.
PREMIÈRE CLASSE.
tages réunis, qui caractérisent son importance, invitent le gouvernement à donner à cette place le degré de perfection qui lui manque et dont elle est susceptible.
Port "Vendres et dépendances.
Le maréchal de Vauban avait désigné ce point comme susceptible de devenir un bon port et une tête de frontière. L'on a cru de nos jours ne pouvoir rien faire de mieux que ae suivre les vues de celui qui se trompa rarement dans les questions de ce genre, parce qu'au tact exquis d'un grand homme d'Etat, il joignait l'expérience consommée d'un grand capitaine, et les vertus d'un bon citoyen. Le projet du port Vendres n'est encore qu'ébauché ; des batteries, quelques redoutes, défendent l'entrée du port; et si l'on range cette place parmi celles de la lra classe, c'est moins pour ce qu'elle est dans ce moment, qu'à raison de ce qu'elle peut et doit devenir un jour.
Bellegarde et dépendances.
Ce poste, à la proximité de Fi-guères, est le plus important de cette frontière; il commande les passages très praticables des cols ae Pertus et de Panissas, et ferme l'accès de Perpignan.
Mont-Louis.
Cette place fait la défense de la Cerdagne française et du Caspir, pays ingrats, mais qui couvrent les communications de Puycerda avec le pays de Foix et Carcassonne, par la vallée de Carol, et même avec nos places des Pyrénées-Orientales, quoique ce dernier débouché soit moins praticable. Cette place forte par sa position, l'est encore par l'étendue de la circonvallation à laquelle elle forcerait l'armée qui voudrait en faire le siège.
Saint- Jean-Pied-de-Port.
Cette place, située sur la Nive, à la tête de la frontière, est le point de résistance des Basses-Pyrénées; elle occupe la communication la plus facile de la basse à la haute Navarre par Ronceveaux, et sa position avancée la rend propre à s'opposer au siège de Rayonne.
DEUXIÈME CLASSE.
assez près de la côte pour protéger une descente. Il suffit de faire respecter le peu de points qui peuvent être l'objet d'une expédition, et de garantir les autres des entreprises de quelques faibles corsaires.
Collioure et dépendances.
Cette place maritime, en première ligne de la frontière, est essentielle à conserver, jusqu'à ce qu'on ait exécuté les grands projets sur le port Yendres, qui, à tous égards, doit la remplacer avantageusement.
TROISIÈME CLASSE.
Salces (Château de).
Petit poste sur le routé de Nar-bonne à' Perpignan, dont l'utilité n'est qu'éventuelle, et probablement très éloignée, d'après la manière d'être actuelle de la frontière.
Bains (Fort des).
Ce petit poste bien situé, couvre le chemin du Haut-Valespir, assure la communication de Perpignan à Pratz-de-Mouillou, et s'oppose aux incursions que l'ennemi pourrait tenter entre cette dernière place et Bellegarde, qui en est éloignée de dix lieues.
Pratz-de-Mouillou.
Cette ville n'a qu'une mauvaise enceinte crénelé», mais son château de la Garde est bon et bien situé. Ce poste, à la tête du Haut-Valespir, masque trois vallées et même celle de Mont-Louis.
Villefranche.
Celte petite place, sur la rivière du Cet, est l'entrepôt naturel de Mont-Louis. Son château masque trois débouchés des montagnes.
Navarreins.
Cette place sur le gave ou rivière d'Oleron, formée par les eaux des vallées d'Aspe et d Osseou, s'oppose à ce qui pourrait pénétrer par ses gorges : elle est un des appuis nécessaires à la ligne de défense qu'il conviendrait d établir le long du gave d'Oleron, soit pour empêcher l'ennemi d'y prendre
Carcassonne.
Place trop éloignée de la frontière pour être entretenue, mais dont il est nécessaire de conserver les masses, au moins jusqu'à la fixation bien déterminée de nos frontières avec l'Espagne. La proximité du canal Royal et plusieurs autres communications qui y aboutissent peuvent la rendre utile comme dépôt et réserve en temps de guerre.
Lourdes (Château de).
L'élévation des Pyrénées et la difficulté des passages depuis Mont-Louis, en courant au sud, le long de la chaîne, forment une barrière naturelle bien suffisante, et qu'on doit même regarder comme impénétrable à des armées. Aussi l'Es-
PREMIÈRE CLASSE.
Bayonne.
Place très importante, comme entrepôt de commerce maritime, comme tête de frontière, comme centre de force, destiné à couvrir conjointement avec Saint-Jean-Pied-de-Port, tout le pays derrière la Nive, et qui, par toutes ces raisons, ne peut être maintenue sur un pied respectable.
Bayonne, à une lieue de la mer, occupe le confluent de la Nive et de l'Adour. Les eaux de ces deux rivières n'ont, à leur réunion, qu'une faible pente qui ne leur donne pas la vitesse nécessaire pour entraîner les sables que la mer pousse dans le chenal et qui se déposant aux points où ces deux actions se contrebalancent, forment une barre souvent très dangereuse. Les travaux qu'on y a exécutés à diverses reprises, ae-puis cinquante ans, sans avoir atteint toute l'utilité qu'on en espérait, ont néanmoins éloigné et rabaissé la barre dont la formation est inévitable, mais dont le danger peut encore être diminué.
DEUXIÈME CLASSE.
une position qui couvrirait le siège de Saint-Jean-Pied-de-Port, soit après la perte de cette dernière place. Au moyen d'un camp retranché que la nature indique, on protégerait tout le pays jusqu'à l'Adour, en assurant les convois destinés à secourir Bayonne.
Redoute d'Hendaye.
Ce petit poste, près de la mer, et sur la rive droite de la Bidassoa, qui forme la limite entre la France et l'Espagne, protège contre les corsaires le bourg dont il porte le nom, et s'oppose aux incursions que pourrait tent.er la garnison de Fontarabie, qui n'en est qu'à 700 toises. La conservation est d'autant plus intéressante, que la rivière guéable, à mer basse, ne saurait être considérée comme un obstacle; d'ailleurs cette redoute forme une excellente vedette pour une armée campée entre Bayonne et la frontière.
Fort de Socoa.
Ce fort, situé sur un rocher sc-
Jiaré de la côte à haute mer, dé-end la rade de Saint-Jean de Luz et de Siboure. Ces deux bourgs, qui fournissent quantité de matelots, exercés à la pêche de la morue et à celle de la baleine, méritent d'être soigneusement protégés.
Le Château-Trompette.
Une ville telle que Bordeaux ne saurait être trop en sûreté, malgré les moyens de défense qui s'opposent au passage entre Blaye et le fort Médoc ; le Château Trompette bien situé sur la rivière, en très bon état, ne devait point être considéré comme une surabondance inutile, et sa valeur très réelle s'accroissait encore de celle qu'il acquérait par l'opinion. Les militaires n'ont vu qu'avec peine cette forteresse protectrice sacrifiée à une spéculation de finance. Il est encore temps, il est peut-être nécessaire de tout rétablir : il est même permis de conjecturer que cette restauration serait praticable
TROISIÈME CLASSE.
pagne n'a point de places depuis Puicerda jusqu'à Pampelune; nous n'en n'avons nous-mêmes aucune sur les montagnes depuis Mont-Louis jusqu'à Saint-Jean-Pied-de-Port. Il n'y a sur le revers que Lourdes et Navarreins. Lourdes est un poste sur le gave de Pau, et à portée de plusieurs autres gorges. Cette petite forteresse suffirait pour contenir les partis qui auraient pénétré dans le pays.
Dax.
Ce poste, situé sur la rive gauche de l'Adour, au-dessus de Bayonne, peut servir à la défense de la rivière entre ces deux
E laces, et formerait alors une onne tête de pont. Cette utilité éventuelle, quelque éloignée qu'elle puisse paraître, ne permet pas de détruire le peu de moyens dé-fensifs que présente ce poste, qui, d'ailleurs, n'a rien à redouter du côté des Landes, par la nature même du pays. La côte des Landes et de Médoc, entre Bayonne et l'embouchure de la Gironde, exposée aux vents régnant d'Ouest, n'offrant ni motif à une incursion, ni dédommagement, ni refuge à ceux qui en tenteraient l'entreprise, est assez défendue naturellement, et par la quantité d'étangs qui se trouvent derrière la plage, et surtout par la stérilité du pays. L'entrée du bassin d'Arcachon est le seul point qui mérite d'être
PREMIÈRE CLASSÉ.
Ile d'Oléron.
Une population considérable, un sol fécond et bien cultivé, donnent à cetto île une valeur très réelle indépendante du mérite militaire de couvrir les approches de Ro-chefort. En comparant son utilité sous ces divers rapports, avec l'état des fortifications de la ville et du château, qui sont l'appui de la communication à la terre ferme, on trouvera peut-être que ces fortifications sont insuffisantes pour rassurer contre une invasion, ainsi que pour fournir un abri aux propriétés mobilières des habitants; et que, par conséquent, il conviendrait de renforcer les moyens de défense de cette île, non seulement en considération de sa propre valeur, mais surtout pour priver l'ennemi qui s'en serait emparé des grands avantages que lui donnerait sa position.
Cette dernière remarque est applicable à toutes les îles dont il sera question ci-après.
DEUXIÈME CLASSE.
sans qu'il en coûtât aucun déboursé à l'Etat, en vendant les emplacements et les matériaux des forts de Haa et de Sainte-Croix qui, n'étant point sur la rivière, ne peuvent, sous aucun rapport, être utiles à la défense de ville.
Fort Médoc.
Ce poste, à sept lieues et demie au-dessous de Bordeaux, est destiné à défendre la passe sur la rive gauche de la Gironde.
Blaye.
La citadelle et le château de Blaye ont sur la rive droite de la Gironde, une destination pareille à celle que le fort Médoc vis-à-vis duquel us sont situés remplit sur la rive gauche de ce fleuve. Les feux de ces deux postes, opposés et éloignés de 1,800 toises, se croisent avec ceux du fort de l'île de Blaye, formée par les sables, depuis euviron 150 ans, presque au milieu de la Gironde. On sent combien est importante la conservation de cette ile interposée au milieu d'un passage qui, sans elle serait trop large pour être bien défendu. -On sent surtout que Blaye, son île et le fort Médoc demandent à être entretenus avec d'autant plus de soins, que la suppression du Château-Trompette serait irrévocablement prononcée.
Fort Cliapus.
Son principal objet est de défendre les approches de la côte et de faciliter la communication avec l'île d'Oléron.
Rochefort.
L'aTt et la persévérance ont vaincu les obstacles naturels qui semblaient rendre impraticable un grand établissement militaire à Rochefort. Tel qu'existe ce port, il est nécessaire de le protéger; mais quand même les fortifications de la place seraient moins défectueuses, elles seraient encore insuffisantes, puisque plusieurs parties de l'établissement sont situées sur le bord delà Charente, extérieurement à la forteresse : d'où il suit que, pour procurer la sûreté de ce port, il est moins intéressant d'en perfectionner les remparts que d'en empêcher les approches. Le camp de Vergerou, à une demi-lieue en avant de la place, la gauche appuyée à la Charente, sa droite à des marais, est une position très importante à occuper en force, et qui maîtriserait en même temps, et la commu-
TROISIÈME CLASSE.
observé; parce qu'il est celui de toute cette côte, qui se trouve le plus rapproché do Bordeaux, mais comme il en est encore éloigné de douze lieues, qu'il ne peut donner d'asile qu'a de petits bâtiments, et que, par conséquent, il ne facilite qu'une faible entreprise, avec de la vigilance, on sera toujours en mesure de s'opposer à toute expédition que l'ennemi tenterait de ce côté.
Brouage.
Ce poste acquerrait de l'importance, s'il s'agissait de défendre les approches de Rochefort, par la gauche de la Charente; mais ses fortifications en mauvais état, son port comblé, et l'insalubrité de l'air qu'on y respire, ne permettent pas au gouvernement d'y faire aucune dépense pendant la paix, et la guerre seule pouvant le rendre susceptible de quelque utilité, c'est pour ce temps seulement et suivant les circonstances que l'on pourra se décider à y employer des fonds.
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
Aix (Ile d').
Cette île, plate et d'une fort petite superficie, est très importante à occuper pour défendre les approches de la Charente, et principalement la rade où l'on est obligé d'armer et de désarmer les vaisseaux de Rochefort. Une forte batterie couverte, qui eût permis l'usage des bombes et des boulets rouges, eût suffi pour faire respecter ces parages; elle n'eût pas coûté 100,000 écus; elle eût pu durer
deux cents ans.....(Ju'a-t-on mis à
sa place? Un fort provisionnel, un château de bois, monument de l'im-péritie et de l'abus du crédit de son inventeur, et que les batteries de deux ou trois vaisseaux réduiront en poudre en un instant, si la
Sourriture qui le mine lui permet e durer assez longtemps pour être attaqué. On a relevé avec justice le titre de fort provisionnel, cette dénomination n'est que ridicule, et l'on peut l'oublier; mais comment excusera-t-on la déplorable facilité avec laquelle on a sacrifié en pure perte 800,000 livres à cette œuvre anti - militaire, dont l'entretien, pour la faire durer soixante ans, coûtera plus (si l'on en juge par l'état où elle se trouve après treize ans de construction), que n'aurait coûté un ouvrage solide, durable, imposant, et capable de remplir complètement son objet. Au surplus, cette faute est commise; il faut la réparer et en tirer une leçon pour l'avenir.
nication par la rivière, et celle par le seul cnemin qui soit praticable sur sa rive droite.
Fouras
et dépendances (Château de).
Ce poste, qui défend les approches par terre de la rive droite de la Charente, en défend aussi l'embouchure, en croisant ses feux, quoique d'un peu loin, avec ceux de la redoute de l'île Madame. A une demi-lieue de Fouras çst la batterie de la pointe, qui protège le passage des vaisseaux sur la rive droite de la Charente, comme fait le fort Lupin sur la rive gauche. Au reste, comme cette rivière n'est point navigable pour les vaisseaux armés, il paraît que l'on doit principalement s attacher à défendre Rochefort contre les approches que l'ennemi pourrait tenter par terre, après avoir effectué un débarquement hors de la portée des batteries dont nous venons de parler et de celle de l'île d'Aix. La descente dont on fut menacé en 1757, à Cha-telaillon, indique la nécessité de mieux occuper ce point que par une simple batterie,telle que celle qui y existe, et de la rendre susceptible d'une résistance assez longue pour donner le temps de rassembler les troupes nécessaires au camp de Vergerou.
TROISIÈME CLASSE.
La Rochelle.
L'importance de ce port de commerce mérite que ses fortifications, dont la moitié n'est qu'en terre, soient perfectionnées, ce qui peut se faire sans beaucoup de dépenses ; car la haute mer, remplissant les fossés de la place et ceux dont le terrain environnant est coupé, en rendrait le siège très difficile, et dispense d'y déployer un grand appareil de fortification.
Ile de Ré.
Les fortifications de Saint-Martin, chef-lieu de l'île de Ré, sont bien entendues; en même temps qu'elles assurent un abri aux habitants elles protègent une bonne rade. Les postes établis sur les différents points de la côte, tels que ceux de Samblançay, de la Prée, des Portes et de Martrai, couvrent les points de débarquement et de mouillage ; les deux premiers protègent, de plus, le passage au continent, et le dernier occupe l'isthme très étroit entre la mer et la fosse de Loir, petit golfe qui, pendant la haute
Niort (Château de).
„ L'utilité dont pourrait être ce poste pour arrêter quelques partis débarqués sur la côte et qui passeraient difficilement la Nièvre, ne serait pas suffisante pour le ranger en seconde classe, s'il n'avait pas des propriétés plus essentielles. Il sert à contenir les prisonniers faits sur mer, et qu'il convient d'éloigner de Rochefort et de La Rochelle; et son entretien est d'autant plus avantageux sous ce rapport, qu'il est en bon état, facile à garder, et
PREMIÈRE CLASSE.
mer, devient un canal, et sépare l'île en deux parties. Malgré l'ingratitude de son sol, l'île de Ré, très intéressante par sa nombreuse population, par ses sels, son commerce, sa position sur la côte près de La Rochelle, et par plusieurs ports utiles à la navigation, justifie très bien les soins que l'on a pris de la pourvoir de bons moyens de défense.
Belle-Isle et dépendances.
Les événements ont assez prouvé l'importance de cette île, qui réunit plusieurs ports, une bopne rade, et qui, d'ailleurs, est une vedette très bien placée, en avant de la Loire et de Lorient, pour protéger les retours du commerce. Les fortifications du chef-lieu et les retranchements, sur les divers points de la côte, doivent être restaurés et maintenus dans le degré de force convenable à cet établissement.
Port-Louis et dépendances.
Cette place, avec sa citadelle, ferme l'entrée de la rade et l'avenue du port de Loriént. Ses feux croisent avec ceux des batteries situées sur la côte opposée, et réunis à ceux de l'intérieur de la rade, assurent les riches cargaisons qu'y apportent les vaisseaux. C'est du moins l'objet qu'on a dû se proposer, c'est celui auquel il faudrait s'attacher, si, après un mûr examen, on trouvait que les moyens défensifs actuels du fort Louis et de sa rade ne sont pas assez considérables pour remplir complètement leur destination.
Brest et dépendances.
On ne peut employer des moyens trop puissants pour écarter toute possibilité d'attaques sur la rade et sur le port de Brest ; mais plus l'importance de cet établissement exige de perfection dans ses dispositions défensives, plus elles doivent être dégagées de l'esprit de parti, plus elles doivent être indépendantes de l'arbitraire, du ^crédit, des caprices de l'autorité, et plus enfin il est utile et convenable de consulter sur ces sortes de matières les hommes de l'art qui en font spécialement leur
DEUXIÈME CLASSE.
qu'il n'entraîne qu'une très médiocre dépense.
Nantes (Château de).
Ce poste contient des établissements et des approvisionnements militaires. On peut, en temps de guerre, y former un dépôt, et, sous ces différents rapports, il est aussi utile que peu coûteux de l'entretenir.
d'Hédic et d'Ouhat (Les îles).
Ces deux postes, utiles à la protection du canotage, servent à éclairer les approches des côtes entre Belle-Isle et la terre. Les parties accessibles de ces côtes, principalement à l'embouchure de la Loire, à celle de la Vilaine à l'entrée du Morbihan, et à la presqu'île de Quiberon, sont garnies de batteries et de retranchements qui, au moment de la guerre, suffiront à leur destination s'ils sont convenablement rétablis et approvisionnés.
Ile de Croix.
Elle occupe une bonne position en avant de la rade du Port-Louis. Toutes ses parties accessibles sont défendues par des redoutes et des batteries qui la mettent à l'abri d'une insulte.
Lorient.
C'est au Port-Louis qu'est la principale défense du port de Lorient. Les eaux de la haute mer et les vases qui l'entourent en grande partie faciliteraient la défense contre des forces débarquées à la côte de l'Ouest et, tout ce que demande cette place, c'est d'être maintenue en assez bon état pour pouvoir attendre des secours.
Concarneau.
Ce poste est très utile pour la protection du cabotage et de la pêche. Situé au fond d'un petit golfe, dont l'entrée est fort étroite, entouré des eaux de la mer, malgré son peu d'étendue, c'est une excellente position. En avant sont les îles de Glcnans qui présentent, ainsi que plusieurs autres points de la côte, jusqu'à Brest, des refuges fortifiés.
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
TROISIÈME CLASSE.
étude. C'est ce qu'on ne reconnaît pas dans toutes les parties du système défensif de ce premier arsenal de notre marine. Les batteries autour et à l'entrée de la rade sont disposées de manière qu'en y supposant adoptés les établissements convenables, il n'est pas un seul point du mouillage qui ne puisse être couvert de bombes et même de boulets rouges. On a pourvu aussi aux approches du côté sud de la rade et à celles du Goulet, principalemen t à l'isthme de Quelern, qui est occupé de la manière la plus respectable. Dans cet état de choses, le port ne peut être attaqué que par terre ; et comme on ne doit pas y craindre un siège en règle, et de longue durée, ses fortifications n'ont besoin que d'un degré moyen de force et (l'un exact équilibre. Cet équilibre existait du côté de Recouvrance; il était assuré par deux très bonnes pièces dites du Stif, parfaitement bien assises et tracées ; à peine ont-elles été construites, quon a surpris et exécuté l'ordre de les raser entièrement. Si c'eût été pour y substituer autre chose, ce fait pourrait se concevoir ; mais détruire de bons ouvrages, sans au-tre motif que celui de s'affaiblir volontairement ; cette anecdote serait incroyable, si 20,000 témoins n'étaient en état d'en déposer. C'était avec la même opiniâtreté que gratuitement on voulait estro -pier l'accroissement de l'enceinte qu'a nécessité l'accroissement du port; et ce n'a pas été sans beaucoup de peine que les véritables artistes sont parvenus à donner à cette partie les caractères de la bonne fortification. Quanta l'objet du camp retranché, qui était de tenir l'ennemi à une distance de la place, telle qu'il ne pût la bombarder, il n'est pas rempli, ou du moins il ne l'est qu'imparfaitement, puisqu'on peut absolument éviter cette chaîne de 5 forts, aussi inutile qu'elle a été dispendieuse. 11 eût beaucoup mieùx valu s'occuper des points de débarquement qu'on a totalement négligés clans les derniers travaux ! l'un à 2 lieues 1/2 de Brest, sous le canon du fort Bertheaume, serait dangereux pour l'ennemi ; mais l'autre, à 4 lieues sur la côte de l'Ouest, présente toutes les facilités qui peuvent favoriser une descente ; et cependant on pourrait le rendre inaccessible avec la vingtième partie de la dépenser qu'a coûté le camp retranché. C'est un travail qu'il faudra exécuter, et dont le résultat sera de forcer l'ennemi qui voudrait attaquer Brest à un débarquement éloigné de cette place, entreprise qu'il oserait difficilement tenter, soit parce que, après ce premier pas, il lui faudrait sur-
monter encore la difficulté des chemins et les autres obstacles du pays, qui le rendent susceptible d'être bien défendu avec peu de troupes; soit parce qu'il craindrait de voir couper sa communication avec ses vaisseaux ; soit enfin parce que les dangers de la côte pourraient ne pas permettre à son escadre la fin d'une expédition aussi longue qu'elle serait périlleuse ou incertaine.
D'après cet exposé , on voit qu'avec des moyens surabondants il reste encore quelque chose à faire pour ne rien laisser à désirer sur la défense de Brest ; mais lorsque le gouvernement s'occupera de cet objet essentiel, il faut espérer qu'il ne permettra plus que les artistes militaires, destinés par état à s'occuper de ces soins, se voient, encore une fois, livrés à la persécution des novateurs et do l'esprit de système.
Cet article excède les bornes que nous nous étions prescrites ; on nous excusera, en faveur du motif, et de la nécessité de faire connaître enfin des vérités trop longtemps étouffées.
Saint-Malo et dépendances.
Cette place est très forte par sa position sur un rocher, qui se trouve presque isolé à la marée haute. Plusieurs fortins et batteries situés sur des ilôts et sur différents points de la côte défendent les approches du port, de la rade et des plages propres au débarquement. La protection due à un grand commerce et la sûreté de la côte exigent que cette place et ses dépendances soient maintenues sur le pied le plus respectable.
DEUXIÈME CLASSE.
TROISIÈME CLASSE.
Du Taureau [Le château).
Ce château défend très bien la rade et la rivière de Morlaix, à l'entrée de laquelle il occupe un rocher. Il concourt aussi à la protection de la côte, avec quantité de redoutes et batteries, situées entre Brest et Saint-Malo , aux embouchures des principales rivières, aux plages accessibles, à l'île de Batz et aux Sept-Iles.
Chateauneuf (Le fort de).
Ce nouvel établissement est encore un exemple de l'avantage qu'avaient les hommes en crédit sur les militaires spécialement chargés de la défense de l'Etat, par le moyen des fortifications. Rien de plus problématique que l'utilité de ce poste; il est même très vraisemblable qu'un examen ultérieur démontrera qu'il est plutôt nuisible qu'avantageux à la défense de Saint-Malo et du pays environnant. En attendant, on ne peut le placer tout au plus que parmi les postes de seconde classe.
Granville et dépendances.
Il existe de grands projets sur cette place; mais il reste à examiner s'ils sont proportionnés à son importance. Quoi qu'il en puisse être, l'utilité de ce port mérite qu'il soit mis en sûreté et qu'il soit pourvu des moyens nécessaires pour protéger les autres petits établissements qui, dans les environs, ont pour objet la défense des côtes.
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TROISIÈME CLASSE.
Cherbourg et dépendances.
Depuis quelques années, le publie s'est occupé des travaux de Cherbourg avec un intérêt proportionné aux soins, à l'attention, aux dépenses que le gouvernement y portait. Il est arrivé ici ce dont on n'a vu que trop fréquemment l'exemple ; c'est que l'enthousiasme qu'excitait ce projet a nui à sa maturité et qu'il a empêché d'en combiner à la fois toutes lesf parties. Moins de précipitation, un examen plus réfléchi eussent épargné les sommes considérables perdues pour l'établissement de ces cônes dont on a eu tant de peine à reconnaître l'inutilité. Si, avant tout, l'on eût pris les sondes qu'on vient d'exécuter dernièrement, on eût vu qu'en dirigeant de l'île Pelé» à la pointe du Homet, la digue qui devait fermer la rade, celle-ci aurait trop peu de capacité. Cette réflexion eût influé sur la disposition du fort Royal et du fort d'Artois ; ce dernier eût probablement cté supprimé, vu l'inutilité dont il est, depuis que l'on a changé la direction de la digue, à l'effet de donner à la rade une étendue suffisante, et parce que l'établissement du fort de Querque-ville supplée du reste à l'objet du fort d'Artois. On a lieu de s'étonner que la partie du projet de Cherbourg, relative au système défensif de cet établissement, n'ait pas .été discutée dans un comité des fortifications, tel, à peu près, que celui que nous indiquons dans le projet de décret ci-joint. Non que, selon toute apparence, l'exécution des détails y eût rien gagné, vu le degré de perfection auquel ils ont été portés ; mais il est impossible que l'examen des dispositions défensives n'eût pas ramené à l'examen de l'ensemble du projet, ce qui en eût fait éviter les fautes. Nous ne saurions trop insister sur les avantages de ces comités; ils obvieront à de grandes erreurs, à beaucoup de fausses dépenses, et l'on ne doit pas perdre de vue que, toutes les fois qu'il s'agit de fortifications, il y va de la sécurité de l'Etat et de l'économie de ses finances.
Quoi qu'il en soit de ces réflexions, relativement à Cherbourg, on ne peut trop recommander à la sollicitude et à la surveillance du gouvernement un point qui embrasse la sûreté, la défense d'une bonne rade, et l'établissement d'un grand port dans la Manche.
La Hougue et dépendances.
Le gouvernement a longuement hésité entre la Hougue et Cher-
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bourg, avant de décider lequel de ces deux points obtiendrait la préférence pour un grand établissement de marine militaire. Quoiqu'il se soit déterminé en faveur ae Cherbourg, la Hougue n'en est pas moins un point essentiel et qui mérite beaucoup d'attention. Son fort qui occupe l'isthme étroit d'une petite presqu'île défend, conjointement avec le tour de l'île de Ta-tliiou, le port et 2 bonnes rades. Plusieurs autres batteries et retranchements qui en dépendent servent à la défense de la côte. Le Havre. Le commerce de cette ville, ses rapports essentiels avec celui de Paris, les ressources que son port peut offrir à la marine militaire, la mettent au premier rang de nos places maritimes- Les nouveaux travaux qu'on y exécute ont été partagés entre les administrations civiles et militaires, ce qui a occasionné nécessairement de l'incohérence dans leurs résultats. La partie des travaux militaires dont l'objet est de garantir la place d'un bombardement du côté de terre, entraîne l'exécution d'un très vaste projet. Peut-être il est encore temps de le réduire ; peut-être qu'en le soumettant à la revision d'un comité des fortifications, on pensera qu'au lieu de cerner la place par une quantité de forts très dispendieux toujours gênants pour une ville de commerce, il serait préférable, plus économique, plus simple de rendre les débarquements impossibles, en occupant les points très peu nombreux où ils sont praticables. En effet, la partie des côtes au nord de la ville est inabordable par l'escarpement de ses hautes falaises, à l'exception de quelques plages favorables à une descente, mais qui sont assez éloignées du port, pour rendre une pareille entreprise très dangereuse. Caen (Château de). C'est un arsenal, un dépôt nécessaire pour toutes les parties de la côte, entre Bayeux et l'embouchure de la Seine. S'il ne peut servir directement à la défense de la ville, du moins il lui présente un asile pour des effets précieux, un réduit ae sûreté à l'abri d'une surprise. Dieppe (Château de). Ce poste, avec les batteries du port et de la côte, est très nécessaire comme servant de point d'appui à la défense de la ville et à celle de la côte, et pour mettre en sûreté les approvisionnements militaires. Les défenses delà ville sont à peu près nulles, et sans Carentan. Place mal fortifiée, mal située, dégradée, dans un pays insalubre, et dont les rapports maritimes sont devenus presque nuls; que, faute de mieux, l'on conserve en masse, pour le besoin; mais qui pourrait être avantageusement remplacée par un appui de position sur la hauteur de Saint-Cosme, d'où l'on serait à portée de surveiller la côte et de protéger un pays très fertile. Saint-Lo. Ce poste à la tète des Vès, pourrait devenir très important dans l'hypothèse d'une invasion dans la presqu'île du Cotentin. Il serait le seul point convenable pour les dépôts de tout genre qu'exigeraient les troupes que l'on porterait au secours dé ce pays. Rouen (Château de). C'est un bon entrepôt sur la Seine pour l'approvisionnement et l'armement des côtes et qui se trouve trop bien placé au centre de toutes les communications, pour ne pas mériter d'être conservé.
PREMIÈRE CLASSE.
Bastia et dépendances.
Cette ville n'a qu'un port de peu de capacité et qui n'est susceptible de recevoir que de petits bâtiments. Sa citadelle, quelques fortins et tours pour la défense des côtes, ne présentent rien d'imposant.
Ce n'est donc ni comme port, ni comme ville de guerre que Bastia
Beut être fort recommandable. lais cette place est le centre de l'administration de l'île, le dépôt le plus considérable des forces et des approvisionnements militaires et c'est sous ces rapports qu'elle mérite de fixer l'attention, et qu'il est convenable de lui procurer plus de moyens de se faire respecter.
Ajaccio et dépendances.
Cette ville, située au fond d'une grande baie, est plus susceptible de commerce que Bastia ; c'est un dépôt principal des forces militaires destinées à la protection de la Corse. Son enceinte est si faible qu'elle est presque nulle; mais sa citadelle, qui occupe un rocher avancé, est capable d'une certaine résistance, et défend très bien les approches d'un bon mouillage pour les plus gros vaisseaux.
DEUXIÈME CLASSE.
doute il conviendrait qu'une place maritime aussi importante par ses pêches, par son. commerce, qui couvre l'entrée d'un pays des plus fertiles, réunit des moyens de force plus puissants. On désirerait aussi de voir établir quelques bons postes à Fécamp à Saint-Valery-en-Caux, à la ville d'Eu, à Saint-Va-lery-sur-Somme. Pour la sûreté de ces petits ports, Dieppe formant alors le centre de cette disposition serait en état d'en secourir les points divers, et l'on serait au moins parfaitement' tranquille sur la partie de nos côtes la plus rapprochée de la capitale.
ILE DE CORSE.
Bonifacio et ses dépendances.
Cette place, à l'extrémité de la Corse, vers la Sardaigne, occupe une presqu'île allongée, qui renferme entre elle et la côte un excellent port pour les plus gros vaisseaux; mais son entrée fort étroite ne permettant pas aux bâtiments de louvoyer, les oblige d'y entrer et d'en sortir avec le vent en poupe. La presqu'île n'est accessible que par son isthme, défendu par un Iront de fortification.
A 4 lieues de Bonifacio se trouve le port de Porto-Vechio, un des plus beaux et des plus sûrs de la Méditerranée, et au fond duquel on voit un petit fort dégradé. Les mauvaises qualités de l'air et de l'eau rendent le séjour de ce lieu si malsain, que le petit nombre d'habitants de ce canton est obligé de l'abandonner pendant l'été.
Calvi et dépendances.
La ville occupe une langue de terre, en avant de laquelle est un château assez fort qui défend le mouillage. De ce point, on fournit à quelques postes de la côte, principalement à la baie de Giralata et à la pointe de Gargano.
L'Ile Rousse.
On avait commencé à ce poste un établissement qui n'est pas encore bien important. Ce qui est exécuté consiste en un mur de clôture et une batterie pour la défense du port.
PREMIÈRE CLASSE.
DEUXIÈME CLASSE.
TROISIÈME CLASSE.
Saint-Florent et dépendances.
Ce bourg est au fond d'un grand golfe qui offre plusieurs bous mouillages. Le fort destiné à protéger ce bourg défend celui des mouillages qui est à sa portée, ainsi qu'une plage favorable à la descente. La tour sur le cap de la Mortella, et celle de la Calle de Fornali, en sont des dépendances. L'étendue du golfe, la possibilité d'y construire un bon port et sa proximité de la France inviteraient à y faire un établissement un peu considérable, si les exhalaisons ae quelques terres basses n'en rendaient le séjour très pernicieux.
Vivario et de Bogognano.
(Tours dé). '
Les circonstances qui ont déterminé la construction de ces deux ports ont changé ; cependant, comme ils occupent un des principaux passages à. travers les montagnes et qu ils assurent les communications entre les deux parties de la Corse, ils seraient très utiles pour défendre pied à pied l'intérieur de l'Ile en cas d'invasion. Ce motif doit déterminer à les entretenir.
Corte.
Ville intérieure, autrefois la capitale de l'île. Sa position rend actuellement inutiles les projets assez étendus qu'on avait formés pour sa défense. On peut abandonner ses fortifications, sans hâter les dégradations qu'occasionnera le temps.
Tels sont sommairement les rapports sous lesquels nous avons considéré l'importance de nos forteresses et les motifs qui ont déterminé leur classement dans l'ordre que nous venons de proposer. L'on sent, au surplus, qu'il n'y a nul danger dans l'erreur qu'ou aurait pu commettre en rangeant, par exemple, dans la première classe des places qui, par leurs propriétés, ne doivent être rangées que dans la seconde; puisque, en adoptant pour principe de ne rien détruire, on sera toujours à temps de rendre à une forteresse quelconque le rang qu'elle doit occuper, si d'abord ou s'était mépris en lui en assignant un autre. L'on sent également que la division proposée est encore susceptible ae quelques nuances dans chaque classe particulière; que Neufbrisach, par exemple, n'exige pas le même appareil de forcés que Lille; que l'entretien d'Aire doit être mieux soigné que celui de Veis-sembourg, et que, dans les places les moins importantes, Bapeau me mérite plus de considération que Valence. Plusieurs places de seconde et troisième classe ne présentent même quelque intérêt que par les dépôts qu'elles renferment, ou par la faiblessede la frontière £ laquelle elles sont liées; et ces motifs venant à changer, on pourrait les abandonner totalement. Enfin il est un certain nombre de places ou postes qui sont si évidemment inutiles à la défense de l'Etat, que l'on n'hésite pas de proposer de les abandonner dès ce moment, et de les compter au nombre des propriétés nationales aliénables, à l'exception des bâtiments et établissements à l'usage
des troupes dans les villes qui doivent former des garnisons ou des quartiers habituels.
Etat des places et postes de l'intéuieur dont les parties fortifiées étant reconnues inutiles à la sûreté dès frontières peuvent être supprimées dès ce moment même. : p
Lens.
Mouzon.
Moyen vie.
Sarreboung.
Oberenhelm.
Golmar (Haut-Rhin).
Château de Dijop.
Montélimart.
Tour du Crest.
Château de Saint-André-de-Villeneuve.
Tour du Pont d'Avignon.
Fort de Saint-Hippolyte.
Château de Beauregard.
Château de Ferrières.
Château de Sommières.
Citadelle de Nîmes.
Fort de Sain te-Croix ) RnpHpai.„
Château du Hâ S Bordeaux.
Château d'Angoulême.
Château de Loches.
Château de Saumur.
Château d'Angers.
Signé : J.-X. Bureaux de Pusy, rapporteur du comité militaire.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté.
Messieurs, Vous avez rendu hier un décret très important sur la ville d'Avignon; plus ce décret est important plus il est nécessaire de prendre les mesures pour qu'on ne puisse pas en abuser. Vous ne pouvez pas vous dissimuler ni perdre de vue qu'il y a eu des personnes, heureusement en très petit nombre, qui ont manifesté sans détour l'anlipatriotique projet de saisir celte occasion pour éteindre les droits de la France sur la ville d'Avignon et le Gomtat Venaissin. Ce n'est pas ici, Messieurs, le moment de discuter ces droits; je n'abuserai, pas sur cela de vos moments, mais il est indispensable de s'opposer à une pareille astuce. ;
Les décrets que vous avez rendus le 4 et hier ne peuvent être considérés ni comme traité, ni comme jugement.
Ce ne pëutêtre un traité; la chose est évidente et parle d'elle-même. Un traité est une convention, que personne ne fait avec soi-même ; pour faire un traité, pour faire une convention, il faut être deux, et il n'y avait personne ici de la part du pape.
Ce n'est pas un jugement, parce que, pour un jugement, il faut être trois, un juge et deux parties, dont l'une demande le jugement et l'autre, si elle n'a pas été présentée, a du moins été ajournée.
Il n'y a rien de tout cela dans ce que vous avez fait; mais, pour qu'on ne puisse pas mal interpréter vos intentions, je vous propose, Messieurs, et je fais la motion suivante :
« L'Assemblée nationale décrète que son décret du jour d'hier 24 de ce mois, concernant la ville d'Avignon et la Comtat Venaissin, n'a et ne peut avoir que la valeur d'une résolution actuelle, par laquelle il n'a été et n'a pu être en rien préjudicié aux droits de la nation française sur la ville d'Avignon et sur le Gomtat Venaissin, lesquels droits demeurent en tout leur entier tels qu'ils étaient avant ledit décret. »
Si les droits de la France étaient nuls avant, ils restent nuls ; s'ils avaient, au contraire, quelque consistance, ils ne l'ont pas perdue et n'ont pas pu la perdre. (Bruit.)
J'observe que M. Goupil a parlé d'une manière si savante qu'il serait intéressant qu'il fût entendu par un plus grand nombre d'auditeurs. Je demande donc que son projet de décret soit ajourné à l'heure de midi; mais ce que je voulais vous représenter, Messieurs, c'est qu'il est étonnant que l'intelligibilité du décret ait fait qu'il ne soit pas énoncé dans le procès-verbal. Je ne pense pas qu'il faille en différer plus longtemps la transcription.
Je demande que le tout soit rapporté à midi et qu'en môme temps on predne
en considération
et plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Rien n'est certainement plus précieux à l'Assemblée que les lumières de ses comités; cependant, en même temps, rien ne serait plus fâcheux que si les comités s'arrogeaient un tel empire sur l'Assemblée; rien ne serait plus fàcbeux que, lorsque leur avis a été rejeté, il n'était plus possible de passer outre, ni d'aller en avant pour L s mesures à prendre.
Qu'avait fait l'Assemblée par son premier décret? Elle avait refusé de déclarer qu'Avignon et le Gomtat faisaient partie de l'Empire français. Restait, à ce qu'il semblait, en partant de ce refus-là, à prendre les mesures nécessaires pour calmer les troubles du Gomtat Venaissin et pour les empêcher de se répandre dans les provinces françaises. Au lieu de cela, nous avons éprouvé 8,10, 12 jours de silence.
Ensuite est revenu un projet de décret dont le premier article, si ce n'était pas la destruction, était au moins une entorse au décret rendu. Il] était plus conséquent aux idées du comité qu'aux idées décrétées par l'Assemblée. L'Assemblée l'a senti et a rejeté par l'appel nominal le projet de décret qui était déjà rejeté au moins en partie par le décret rendu précédemment.
Qu'y a-t-il à faire à présent? c'est de partir des deux décrets de l'Assemblée pour décréter des dispositions capables de calmer les troubles d'Avignon et d'empêcher, comme je viens de le dire, qu'ils ne se propagent dans les provinces frontières. C'est là l'objet que je crois qui sera rempli par le projet de décret que j'ai l'honneur de vous soumettre... (Murmures.)
Puisque l'on renvoie la motion de M. Goupil, on peut renvoyer celle-là.
Je vous propose (Jonc un projet de décret pour remplir les derniers articles, à li suite de l'article que vous avez rejeté hier...
Ce n'est pas là le moment, Messieurs; l'objet que nous soumet l'opinant est à l'ordre du jour, mais ne doit pas être l'objet de la délibération actuelle.
Messieurs, des raisons de santé m'ont empêché hier d'assister à la séance de l'Assemblée; mais il est bien certain, d'après ce que j'ai vu, ce que j'ai entendu, que votre décret d'hier est celui que vous aviez déjà rendu et interprété le lendemain comme vous ne pouviez pas ne pas l'interpréter. Vous êtes donc aujourd'hui* comme toujours, dans la faculté de déclarer que vous vous croyez en droit de ne pas déclarer, mais jamais de renoncer à des droits qui ont toujours été réservés... (Murmures à droite.)
Si vous voulez attendre à midi, nous passerons maintenant à l'ordre du jour.
L'ordre du jour est ce dont je vais parler. Messieurs, d'après ce que je viens d'entendre, il paraît clairement qu'on ne se rappelle pas le décret que l'Assemblée nationale a rendu dans les premiers jours de ce mois et qu'on
ne veut pas s'en rappeler les expressions. Il y est dit que l'Assemblée déclare que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon ne font pas partie de l'Empire français. Maïs cette... (Murmures et interruptions.)
Je demanderais que vous lisiez la lettre de M. Tissot ; c'est plus simple.
Voici une réflexion qui frappera tous les membres de cette Assemblée :
Le décret rendu dans les premiers jours du mois de mai, porte que l'Assemblée rejette l'article proposé par les comitéset renvoie au^x comités réunis l'examen de la question au fond : voilà bien le décret que vous avez rendu. On trouve aujourd'hui surprenant que vos comités vous aient présenté un projet de décret et on dit que vos comités veulent exercer sur vous un empire... (4 droite : C'est vrai!); mais ils ne font qu'exécuter votre décret : ouvrez votre procès-verbal. Le décret porte : Renvoyé aux comités réunis pour l'examen de la question au fond.
Au surplus, je demande que la motion de M. Goupil soit mise aux voix; car c'est la conservation de vos droits qu'il demande. (A droite : A midi! à midi!).
(L'Assemblée, consultée, renvoie la discussion de la motion de M. Goupil-Préfeln à l'heure de midi.)
J'ai reçu une lettre de Mme la duchesse d'Arembera. Cette dame, qui est étrangère, m'instruit qu'en retournant dans sa patrie, elle a été arrêtée à Valenciennes, pui3 remise en liberté; mais on lui a retenu toute son argenterie et on lui a dit qu'elle ne lui serait rendue que sur un décret de l'Assemblée nationale.
Il existe des lois relatives à la libre circulation de l'argenterie ; l'exécution de ces lois est du ressort du pouvoir exécutif.
Je demande le renvoi de la lettre de Mm6 d'Aremberg au pouvoir exécutif.
(Ce renvoi est décrété, avec la clause qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal.).....
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir, qui est adopté.
donne connaissance à l'Assemblée d'une lettre du ministre de la marine, èn date du 24 de ce mois. Ce ministre adresse à l'Assemblée : 1° la copie des dépêches qui viennent d'arriver de Saint-Domingue, et qui sont relatives à l'état où étaient les affaires dans cette colonie, au 10 du mois d'avril dernier; 2° les copies d'une lettre du directoire du département de la Gironde, et des délibérations tant du directoire que de la chambre du commerce de Bordeaux, concernant le décret de l'Assemblée nationale du 14 du courant, les mêmes dont la lecture a été faite dans, la séance d'hier matin.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de toutes ces pièces à son comité des colonies. )
Un membre du comité ecclésiastique propose une modification au décret
rendu le 23 de ce mois, concernant les maisons de retraite des ci-devant
religieux du département du Nord qui voudront continuer de vivre en
commun (1) et soumet en
« L'Assemblée nationale décrète qu'à la. partie de l'article premier de son décret, du 23 de ce mois, sur l'emplacement des ci-devant religieux du département du Nord, commençant par ces mots : Le ci-devant prieuré de Beaurepaire, il sera substitué ce qui suit :
« Le ci-devant monastère des Augustins d'Ha-zebrouck, aux ci-devant Augustins ae Douai, Ha-zebrouck et la Bassée, ci-devant minimes de Lille et Douai, et ci-devant Brigittins d'Armen-tières;
« Le ci-devant monastère de Bonne-Espérance, aux ci-devant Carmes-Chaussés de Bonne-Espérance et de Cambrai, et ci-devant Carmes-Dé-chaussés de Valenciennes;
« Le enlevant monastère des carmes de Trelon, aux ci-devant dominicains de Douai, Valenciennes et Bergues ;
« Le ci-devant monastère des capucins de Bailleul, aux ci-devant capucins de Bailleul et de Dunkerque ;
«Le ci-devant monastère des récolels de Cassel aux ci-devant récolets de Cassel et de Grave-lines ;
» Le ci-devant monastère des récolets d'Etaires ; aux ci-devant récolets d'Etaires, et ci-devant carmes de Dunkerque :
> Le ci-devant monastère des carmes de Saint-Laurent, aux ci-devant capucins de Merville et Armeutières;
« Le ci-devant monastère des récolets de Lo-quinol, aux ci-devant capucins de Maubeuge et valenciennes ;
« Le ci-devant monastère des Guillemittes de Walincourt, aux ci-devant capucins de Cambrai et Orchits ;
« Le ci-devant monastère des capucins de Con-dé, aux ci-devant capucins de Condé, Lille et Douai :
« Le ci-devant monastère des récolets d'Honts-chote, aux ci-devant récolets d'Hontschote et ci-devant capucins de Bourbourg;
« Laci-devant abbayedeVaucelles, aux ci-devant récolets de Douai, Comines, Fournes, Lille, Tourcoing, Cambrai et Valenciennes;
« La ci-devant abbaye d'Haumont, aux ci-devant récolets de Dunkerque, Avesnes, B irbençon, Cat-teau, Bavay, Loquinol, Quesnoy et Bouchain.
« Quant aux ci-devint chartreux de Douai et de Valenciennes, ils se retireront à la Bouthille-rie. dans le département du Pas-de-Calais. »
(Cette modification est décrétée.)
, au nom du comité die la marine, propose d'ouvrir la discussion sur le projet de décret relatif au traitement du corps de la marine.
(L'Assemblée renvoie cette discussion à la séance de demain matin.) '
, au nom du comité central de liquidation, fait un rapport sur Varriéré de la comptabilité et s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, l'Assemblé^ nationale a prescrit à son comité central de liquidation de lui présenter un projet de décret, contenant les dispositions nécessaires pour remettre au courant l'arriéré de la comptabilité.
Le désordre des finances et celui de la comptabilité furent toujours
inséparables; longtemps
Tous vos travaux ne rétabliront pas la fortuné publique, si vous ne portez la lumière jusque sur les mystères de la comptabilité.
Vous serez indignés en mesurant cet immense et ténébreux labyrinthe; mais vous n'en serez pas effrayés. Les difficultés redoubleront votre courage; ce que vous ne pourrez achever en ce genre, le devoir vous dit au moins de l'entreprendre, et vous laisserez à vos successeurs de grands travaux à finir, et de grands exemples à imiter.
179 comptabilités ressortissaient à la chambre des comptes de Paris; aucune de ces comptabilités n'est au pair de la présentation des comptes, c'est-à-dire que pas un seul compte de l'année 1790 n'a encore été présenté.
Au contraire, il est des comptabilités arriérées de 18, de 16 ans, plusieurs de 15„ de 12 ans, un grand nombre de 10 ans.
En tout la chambre des comptes de Paris a, dans ce moment, 1,249 comptes de deniers publics à recevoir, dont 365 sont présentés, et non jugés, 884 non présentés.
Ce relevé résulte d'un tableau qui nous a été remis, et que nous ferons imprimer si l'Assemblée le juge nécessaire.
Mais ces 1,249 comptes ne sont pas le seul arriéré de la comptabilité du royaume.
Il faut y joindre premièrement les comptes qui sont encore à rendre par la régie générale des aides qui s'était maintenue dans l'usage de ne compter que par-devant le conseil du roi, et se soustrayait ainsi à la juridiction de la chambré des comptes, seule régulièrement compétente pour toute comptabilité publique. La ferme générale comptait aussi par-devant le conseil, pour les objets qu'elle administrait en régie.
Nous ne pouvons vous donner des renseignements aussi exacts sur l'état de l'arriéré de la comptabilité dans les chambres des comptes des provinces; mais nous pouvons vous annoncer qu'en raison de l'étendue de leur ressort, les mêmes accumulations de comptes à rendre exigeront la même activité pour être remises au courant.
Vous aurez à y ajouter les comptes, soit du ci-devant économe général du clergé, soit des régisseurs séquestres ou administrateurs particuliers des biens de certains ordres, communautés ou corporations, supprimés antérieurement à vos décrets du 3 novembre 1789.
Par l'article 28 de votre, décret du 23 octobre 1790, vous avez statué que cet économe général, ainsi que les régisseurs et séquestres particuliers, dont la gestion s'étendrait sur des établissements situés dans l'arrondissement de divers départements, compteraient directement par-devant le Corps légistatif. Le moment est venu de mettre à executiOn ce principe conforme à ceux que nous vous proposons de décréter, et d'assimiler le sort et les obligations de ces comptables, à celui de tous les autres agents qui ont eu quelque gestion de deniers publics.
Telle est, Messieurs, la masse des comptes arriérés qu'il faut examiner avant que la France puisse se flatter de Connaître d'une manière précise l'usage qui jusqu'ici a été fait des deniers publicsy et la situation au vrai de son actif : je dis de son actif; car il n'est pas possible que le résultat de comptabilités négligées la constitue débitrice envers les nombreux agents qui ont été receveurs, dépositaires et distributeurs des deniers publics-Leurs comptes auraient été moins
tardifs, sans doute, s'ils avaient eu des sommes à répéter à la charge de la nation; et leur lenteur affectée et réprouvée par toutes les lois, même de l'ancien régime, est une forte présomption dé l'intérêt qu'ils ont eu à reculer un examen dont l'issue ne pouvait être en leur faveur.
Il est même assez remarquable qu'un règlement exprès a défendu aux comptables d'être jamais en avances envers le Trésor public; on peut juger, par cette précaution, du mérite des services qu'ils avaient coutume de rendre à l'Etat.
Il ne sera pas inutile de jeter un coup d'œil rapide sur les abus énormes commis par le pouvoir ministériel dans cette partie de l'administration ; vous y verrez l'autorité arbitraire, comme si elle eût été chargée de détruire la France sous le prétexte de la gouverner, lutter sans cesse contre la sagesse dés lois pour la rendre inutile, contre le zèle des bons citoyens, pour le décourager ; tantôt éludant par la ruse les plus salutaires précautions des ordonnances, tantôt s'indignant ouvertement des obstacles opposés à ses malversations, et les renversant avec scandale.
Ce tableau rendra plus sensible la nécessité d'asseoir un nouvel ordre de comptabilité sur des bases plus solides et plus sûres.
C'est par le souvenir des anciens désordres, que nous fortifierons dans nos cœurs, que nous y réchaufferons l'amour des bonnes lois et de la liberté.
Plusieurs compagnies faisaient en France les fonctions de chambres des comptes.
Celles de Paris, Dijon, Grenoble, Nantes et Bar en possédaient le titre et l'attribution, sans aucun mélange de. pouvoir.
Celles de Pau et de Metz étaient unies au parlement de ces deux villes.
Celles dè Rouen, Aix, Nancy, Montpellier, étaient en même temps cours des aides.
Les chambres des comptes dans les pays d'élection n'avaient à entendre que la comptabilité des receveurs généraux de leur ressort ; celle dés domaines de tout le royaume ayant été réunie à Paris, par un édit de 1771.
Dans les pays d'Etats, tels que la Provence, le Béarn, le Languedoc, la Bretagne, la Bourgogne, les trésoriers comptaient aussi aux chambres du pays, de la totalité du produit des impôts.
Mais la chambre des comptes de Paris ayant dans son ressort le Trésor public, ce centre commun de toutes les dépenses de l'Etat embrassait sous ce rapport la comptabilité universelle, et la fortune publique tout entière était sous sa juridiction.
On peut dire que la chambre des comptes de Paris était née avec les finances du royaume.
Au temps où la féodalité portée à son comble avait étouffé et remplacé tous les principes du gouvernement de Charlemagne, lorsque la France n'était plus qu'un amas graduel de fiefs, et le roi qu'un suzerain,; tout le service dû à l'Etat s'acquittait en personne; il n'y avait pas de finance.
Les revenus des domaines personnels du roi étaient régis par les prévôts, sous l'autorité du maître d'hôtel ou sénéchal de France,
Philippe-Auguste, qui augmenta beaucoup ses revenus, soumit ses prévôts à des bailiis ou gardiens; chaque grand fièf eut son bailliage, et le sénéchal ne.tarda pas à être supprimé.
En 1190, Philippe-Auguste fit transporter à la forteresse du Temple les coffres de son trésor. Ce fut là que les baillis vinrent compter de leurs recettes à différentes.époques de l'année, qui bien-
tôt devinrent les époques fixes de la Saint-Martin et de Pâques.
Ces comptes étaient reçus par les clercs du roi, dont l'un était spécialement chargé de la garde du trésor. Le roi jugeait lui-môme les difficultés des comptes.
Saint-Louis réunit 6 grands fiefs de plus à la couronne, et l'administration devenant de jour en jour plus étendue, il se détermina à députer des personnes de son conseil juré pour entendre à sa place les doutes et les difficultés des clercs des comptes, ainsi que les réponses dés prévôts et baillis, et pour les terminer en forme de jugement. Il ordonna des séances fixes au Temples, et en détermina l'époque aux termes où les baillis apportaient lëurs recettes au Trésor.
Rien de plus naturel que cette comptabilité domestique tant que les revenus dont disposaient les rois ne furent que les fruits de leur patrimoine.
Mais, après quelques essais de subsides passagers, Philippe de Valois vint et fonda la gabelle; ce premier des impôts permanents forma une branche de revenus d'une nature toute nouvelle.
Son produit était sans doute une propriété nationale. Mais quels droits n'étaient pas méconnus alors 1 Un même trésor confondit les revenus du roi et ceux de la natiori; les mêmes clercs en reçurent les comptes, et les rapportèrent avec ceux des domaines, devant les mêmes jugés qui commencèrent à cette époque à se prévaloir du titre de conseillers du roi.
Tels furent les premiers linéaments de la chambre des comptes de Paris; ils se sont accrus sans se dénaturer.
Nous y retrouvons encore les clercs ou auditeurs qui examinent et rapportent les comptes; les jugeurs ou maîtres qui prononcent sur cet examen.
Depuis ont été établis des correcteurs qui, après l'examen et le jugement du compte, en révisaient les calculs, annotaient les erreurs échappées à l'examen des auditeurs, et à l'attention des ministres, et sans pouvoir faire réformer aucuns des articles jugés, réparaient en seconde ligne, les fautes et les omissions. Mais par unebizarerie singulière, ces auditeurs ne faisaient pas eux-mêmes le rapport de leur travail. Ils étaient obligés de le livrer à un maître, qui en rendait compte à la chambre. Seulement ils assistaient et obtenaient voix délibérative, au jugement qu'ils avaient ainsi préparé.
Le nombre, longtemps variable, des officiers de la chambre des comptes de Paris, n'a été fixé qu'à l'époque de la vénalité. Il consiste en : 13 présidents, 78 maîtres, 82 auditeurs, 38 correcteurs, 1 procureur général, 1 avocat général, 2 greffiers en chef, 1 premier huissier, 1 greffier. Total : 217.
Le nombre exagéré de ces officiers était un premier abus; car, dans toute organisation politique, il n'y a pas de rouage inutile qui ne devienne aussitôt embarrassant.
29 procureurs avaient en ontre, malgré les comptables, le droit exclusif de dresser et de présenter leurs comptes. Fonction inutile jusqu'à l'absurdité : car pourquoi donner forcément un auxiliaire à un comptable, pour relevèr des articles de recette ou de dépense sur ses livres, et les appuyer des pièces justificatives de sa gestion. De 1 abus de ces intermédiaires était né l'abus des grôsses et celui des transcriptions superflues, qui prolongeaient, surchargeaient, embrouillaient les comptes, et qui fatiguant l'atten-
tion par mille redites inutiles, pouvaient la détourner d'une remarque importante. On sent en outre combien toutes ces inutilités doivent être dispendieuses, et l'expérience appuie la théorie à cet égard. Les payeurs des renies, qui rendaient compte à leurs dépens, avaient obtenu d'être exempts du ministère des procureurs ; leur comptabilité était l'une des plus épineuses par sa naturè, par le nombre des parties, et par l'obligation de justifier des mutations de propriété; et cependant elle était une des plus claires, par la seule raison qu'ils étaient dispensés d'un agent parasite dont l'intérêt n'est pas le même que celui du comptable.
Mais c'est dans l'autorité despotique des ministres, c'est dans leur intérêt à couvrir des malversations de tout genre, qu'il faut chercher la source là plus féconde des désordres de la comptabilité.
La loi qui a posé des bases en cette matière, est l'ordonnance de 1669; elle est l'ouvrage de Colbert, et n'èst point indigne dé ce grand maître dans la science de l'administration.
Mais les règles.sont bientôt méconnues, quand le gouvernement est dissipateur et despote; ses besoins le placent en opposition avec ses principes : Colbert lui-même en fut le premier exemple. La passion de Louis XIV pour le luxe et la guerre, le mit dans la dépendance des financiers comptables; et la première condition que ceux-ci lui imposèrent, ce fut de déroger à la salutait-e sévérité de l'ordonnance de 1669. Les mêmes causes ne cessèrent depuis de produire les mêmes effets; et cette sage loi, détruite dans presque toutes ses dispositions, par des statuts postérieurs, ne subsiste presque plus que comme un monument qui proteste contre une foule d'abus légitimés.
La première règle de la comptabilité est qu'elle soit rapprochée; c'est-à-dire que le compte suive de près le maniement des recettes ou l'acquit des dépenses; les comptes en sont nécessairement plus clairs, les erreurs plus sensibles ou plus réparables.
Le premier besoin des ministres était, au contraire, que la comptabilité fût différée; et leur intérêt savait bien l'emporter sur la loi. Un trésorier était-il poursuivi à la diligence du procureur général, pour être condamné à présenter son compte; il trouvait son excuse dans le retardement des bureaux du ministre qui retenaient ['état au vrai des dépenses, et refusaient constamment de l'examiner et de l'approuver. Sans cet état au vrai, nul moyen de Compter, et nul moyen de contraindre le ministre et ses bureaux à terminer un examen de l'état au vrai qui tenait la comptabilité en suspens.
La chaihbre rendait-elle des arrêts de rigueur? Elle les voyait cassés et annulés par ce même pouvoir, évidemment complice des lenteurs affectées des comptables.
Prononçait-elle des amendes? Elles étaient insuffisantes; car les bénéfices usuraires que faisait le comptable» en retenant les débets et en prêtant à l'Etat ses propres fonds, le couvraient et au delà du payement des amendes, dont, en définitive. il obtenait presque toujours la remise par quelque arrêt du conseil.
Ainsi la reddition des Comptes était facilement rejetée au delà de la durée de ces ministères mobiles qui disparaissaient si rapidemènt ; et plusieurs séries de déprédations s'étaient succédées avant que la chambre pût saisir les traces d'aucune. Enfin elle obtenait un compte ; et à travers l'art
des procureurs et le fatras de leurs écritures entassées, elle démêlait une difficulté et laissait des articles en souffrance. Nouvelles lenteurs, nouveaux délais; et enfin nouveaux arrêts du conseil, pour valider une justification insuffisante et irrégulière.
L'avouerai-je? Peut-être la constitution même de la chambre des comptes offrait-elle au ministère un moyen d'obtenir, avec plus de facilité, l'enregistrement de ces arrêts.
Gn sait que l'examen et le rapport des comptes étaient l'ouvrage des seuls auditeurs; eux seuls en avaient découvert, au prix d'un travail long et fastidieux, les abus ou les infidélités, L'habitude de rechercher ces désordres, et celle de les voir sans cesse reparaître, pouvait exciter en ceux-ci une vertueuse indignation, difficilement partagée au même degré par les maîtres, qui, moins versés dans cette étude, ne faisaient que juger les difficultés des comptes, avec moins d'application qu'on n'en met à les poursuivre. Cependant les maîtres seuls avaient la connaissance et l'enregistrement des lettres patentes sur arrêts destinées à couvrir les inexactitudes ou les prévarications des comptables, et les connivences des ministres avec les agents du Trésor public.
A. quoi servait, après tout, un scrupuleux examen d'uné comptabilité toujours fictive et mensongère? Deux grands moyens, placés entre les mains du ministère, pouvaient falsifier, d'un trait de plume, tout l'état des recettes et des dépenses, et ensevelir les mystères de ses iniquités dans une nuit impénétrable.
Dans le chapitre des recettes, les anticipations et l'extension des emprunts, dans celui des dépenses le voile des ordonnances de comptant, n'étaient-ils pas le désespoir de toute surveillance etl'écueil de toute comptabilité? Ainsi un double nuage était placé sur les deniers publics, à leur entrée et à leur sortie du Trésor, et les comptes fictifs qui en étaient rendus ne servaient qu'à légaliser des fraudes*Cette vérité de fait est portée jusqu'à l'évidence par l'inspection du compte dès dépenses secrètes appelé le livre rouge; il faut bien que les fonds de cette dépense, qui n'ont jamais été portés ouvertement dans aucun compte, aient été pris quelque part, et ils ne peuvent être que le produit des falsifications dont quelques comptes ont été surchargés.
Dans celte lutte perpétuelle de l'astuce contre la règle, de l'intérêt privé contre l'intérêt public, du pouvoir contre la loi, faut-il s'étonner que celle-ci. ait fréquemment succombé? et loin d'accuser les hommes des fautes d'un ordre de choses si vicieux, ne doit-on pas leur tenir compte de toute la résistance qu'ils y ont apportée, quoiqu'elle ait été souvent insuffisante?
Le remède à cet excès de confusion ne pouvait être qu'une régénération complète. Vous n'auriez jamais empêché cette hydre ae renaître, si vous n'aviez commencé par abattre d'un seul coup toutes les têies du despotisme; il fallait que les droits de la nation fussent reconnus, que toute autorité arbitraire fût proscrite, que la Constitution eût distingué, eût classé tous les pouvoirs, avant d'espérer un ordre durable dans aucune des branches de l'administration.
D'après les bases de la Constitution, il vous paraîtra/facile de détermimp entre quélies mains doit reposer le soin de recevoir et d'examiner les comptes du maniement des deniers publics. La question n'est pas de savoir à qui en appartient le droit, car le mot de droit ne peut plus réveiller l'idée d'un. autre propriétaire que la nation
elle-même, à qui ils appartiennent tous ; mais il faut examiner par quels mandataires il convient à la nalion d'exercer ce droit incontestable. Il suffit de se rappeler que c'est par la voie de ses représentants que la nation ordonne la levée des contributions publiques, en fixe le mode et la durée, et qu'elle en détermine l'emploi; il suffit d'observer que c'est au pouvoir exécutif qu'elle prescrit d'en effectuer la perception, d'en appliquer la dépense; que le pouvoir exécutif en est l'administrateur, le dépositaire, le comptable, pour sentir que ce n'est point à lui à en recevoir le compte.
Une vérité si sensible s'affaiblirait par des développements. Faut-il des preuves pour établir qu'on ne peut pas à la fois ouïr et rendre compte; que le préposé qui agit ne peut pas se.,surveiller lui-même? N'est-ce.pas l'incompatibilité de çes pouvoirs qui en ordonne la distinction, et qui défend de les confondre en des mains où ils se détruiraient mutuellement?
Cest donc le devoir des représentants de la nation d'entendre eux-mêmes le compte de la gestion et du maniement de ses financés. Ils sont, pour tout ce qui concerne les depfers publics, les dépositaires exclusifs de la confiance et de la volonté nationale. Si le peuple est obligé de remettre au pouvoir exécutif la dispensation des deniers nécessaires à la protection et à la prospérité commune, ce n'est qu'avec une méfiance salutaire et en multipliant autour de lui la surveillance et les précautions, qu'il peut lui laisser manier un dépôt dont l'abus est encore plus dangereux que la dilapidation. Il ne peut et ne doit se confier à cet égard que dans ses représentants électifs. Leur chaix, leur nombre, leur intérêt, la Constitution qui les rend toujours surveillants et jamais dépositaires, voilà ce qui le doit rassurer et ce qui le rassure en effet sur là fortune publique ; et nous ne craignons pas d'ajouter qu'il n'est aucun article de nos devoirs sur lequel sa volonté ait été prononcée plus distinctement. Toutes nos instructions nous prescrivent d'exercer et non pas de déléguer ce pouvoir; c'est par nos yeux que la nation a voulu connaître la situation de ses affaires, et elle ne nous a pas autorisés à subdéléguer cette importante délégation ; et si nous nous sommes crus obligés de scruter nous-mêmes les dettes passives de la nation, de régler les comptes, de vérifier les répétitions de tous ses créanciers, qui pourrait nous exempter d'entendre, d'examiner et d'arrêter nous-mêmes les comptes des préposés qui ont eu jusqu'ici le maniement de ses affaires, et la manutention de ses deniers? Plus ces affaires ont été négligées, plus elles ont dépéri sous le régime qui nous a précédés, et plus nous devons apporter d'activité dans un examen qui doit donner pour résultat la connaissance de l'actif delà nation, et la somme des débets dont elle a le recouvrement à poursuivre.
Eu même temps que l'Assemblée nationale, et après elle, les suivantes législatures examineront en détail la gestion passée de tous les comptables, elles éclaire ont autant qu'il sera possible la conduite des ministres qui se jouaient si cruellement du produit des Contributions.
La responsabilité n'existait pas, dira-t-on, Sans ces temps voués à l'arbitraire ! C'est-à-dire que, faute de règles précises et de sages précautions, il était toujours possible aux ministres adroits dé couvrir leurs injustices et de rendre la responsabilité inefficace. Ils avaient mis autant d'art à éviter de répondre par leurs signatures, que vous
mettez de soin à exigea qu'ils cautionnent ainsi désormais chacune de leurs opérations.
Partout la signature du roi indignement surprise servait à couvrir les actes les plus coupables, et ils se disaient les amis de cette autorité qu'ils ne cessaient de profaner et de rendre odieuse! Si cependant quelqu'un d'eux, aveuglé par l'imprévoyance et par l'ivresse, avait négligé de se couvrir du manteau de l'inviolabilité royale, et si l'examen des comptes laissait à découvert la main du malversateur, nul doute que la responsabilité ne fût bien acquise contre lui, et qu'il ne dût en subir toute la rigueur. Nos anciennes lois, toutes imparfaites qu'elles étaient, n'avaient pas laissé impunis le pécuiat et la concussion, et notre histoire fournit des exemples mémorables de la vengeance nationale contre les ministres prévaricateurs.
Cette observation, qui ajoute un nouveau degré à l'importance de l'audition des comptes arriérés, nous impose plus étroitement encore l'obligation de ne pas nous en dessaisir.
Cependant l'Assemblée nationale ne peut pas tout entière se livrer à l'inspection et à l'exa^in de la comptabilité. Cet ouvrage doit, comme tous les autres, lui être préparé par un de ses comités. Celui qui sera chargé d'une opération si étendue, nous paraît devoir être nombreux, afin de pouvoir se diviser en sections différentes.
Nous pensons que ce comité devrait être de 60 membres, pour former 10 sections de 6 membres chacune.
L'Assemblée voudra bien ne pas perdre de viie, que le projet'que nous lui présentons n'est pas celui du mode de comptabilité qui doit subsister pour l'avenir, et s'appliquer aux recettes et dépenses ordonnées et exécutées sous le nouveau régime; au lieu d'une complication excessive, la comptabilité future ne doit offrir qu'une extrême simplicité. Toutes les recettes et les dépenses étant réunies à un même centre, il n'existera presque plus qu'un seul compte à recevoir, celui au Trésor public. Il sera--divisé, sans doute, en plusieurs chapitres ; mais chacun de ces chapitres étant formé et présenté à la fois, ils se serviront mutuellement d'éclaircissement et de contrôle; le bureau de comptabilité centrale qui aura préparé le compte, par la réunion de ses bordereaux journaliers, fournira les renseignements les plus utiles sur les erreurs qu'on aurait pu tenter d'y introduire. Les états généraux des dépensés de chaque département, fixés par l'Assemblée nationale, les états de distribution concertés entre les ministres et le comité de trésorerie, et invariablement arrêtés par des décrets, seront, pour l'audition des comptes futurs, des points de départ toujours constants et toujours infaillibles.
Nous sommes, pour la comptabilité des années précédentes, dans une position bien moins avantageuse; nous avons à lutter à la fois contre tous les obstacles ; ce n'est qu'à force de travail et de temps que nous pourrons les vaincre, et l'utilité publique sera la digne récompense des hummes laborieux qui se dévoueront à ce genre d'occupations que nos anciennes lois appelaient moult fastidieux. Ces vues ont présidé à la rédaction du décret que nous avons l'honneur de vous proposer.
, rapporteur, présente ensuite un projet de décret divisé en plusieurs titres, ayant pour objet principal la formation d'un comité du Corps législatif, pour l'examen de la comptabilité arriérée, et même future, le-
quel comité renverra le jugement de toutes les contestions par-devant les tribunaux.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande que la question de l'arriéré de la comptabilité soit ajournée à la législature prochaine'; celle-ci ne tardera pas assez longtemps pour que la chose publique puisse en souffirir.
J'appuie la motion du préopinant.
Comment, Messieurs, l'Assemblée nationale actuelle peut-elle se dissimuler que les principes généraux de la comptabilité tiennent essentiellement a la Constitution de la France?... (Plusieurs voix : Il ne s'agit pas de cela.) Il est nécessaire d'avoir un mode quelconque de comptabilité.
Je demande que le projet de décret soit simplement ajourné à 3 jours.
Nous sommes revenus pour faire rendre gorge aux voleurs; il est bien étonnant qu'ils trouvent toujours ici des défenseurs.
appuient l'ajournement à jour fixe.
Je crois, Messieurs, qu'il est extrêmement nécessaire d'établir une forme de comptabilité : cela fera rentrer une très grande somme d'argent dans le Trésor. Je vous prie de me permettre de citer à ce propos un petit exemple :
Feu M. le duc d'Orléans manquait toujours d'argent. A sa mort, on a voulu faire rendre compte à ses comptables; ils devaient 11 millions. Si, dans une petite administration, il s'est commis de semblables abus, je crois que dans une administration aus-i considérable que la France, en faisant rendre compte aux comptables, on doit trouver une somme énorme.
, rapporteur. L'Assemblée qui a détruit le tribunal pour l'audition des comptes, doit le remplacer; d'ailleurs la constitution de la comptabilité est indispensable; la question est donc de la législature actuelle.
Au surplus, je consens à l'ajournement à 3 jours.
Un membre demande le renvoi de la question aux comités de Constitution et des finances* réunis.
Un membre propose d'établir un bureau de comptabilité avec un chef responsable et un comité pour surveiller toutes les opérations.
Messieurs, le comité de liquidation m'a chargé de présenter à l'Assemblée nationale un projet de décret relatif à cet objet-là. Si lAssemblée veut m'entendre... (Oui! oui! lisez! lisez !) .
Messieurs, la comptabilité n'est autre chose que la vérification définitive des comptes. Elle a pour objet d'assurer la fidèle exécution des lois ae l'Etat sur la recette et sur l'emploi des deniers publics.
Sous le régime du despotisme, la comptabilité n'est point établie pour les contribuables, elle se réduit ordinairement à une opération purement mécanique, à un apurement matériel de comptes
entre le despote et ses agents, parce qu'il leur importe de pouvoir à leur gré fouler le peuple, dévorer sa fortune et de n'avoir aucun compte à lui rendre.
Mais sous le régime de la liberté, la comptabilité n'étant établie que pour protéger la fortune de l'Etat, elle doit embrasser à la fois l'examen matériel des comptes, la surveillance des comptables, la défense de tous les intérêts pécuniaires de la nation et la conservation de toutes les responsabilités en matière de finances.
Quoique cette vérité soit évidente, nous la démontrerons cependant, et il en résultera que, dans un gouvernement libre, une servitude positive peut et doit subsister, celle de tous les agents du fisc, ordonnateurs ou comptables.
Dépositaires des sacrifices que la nation fait à sa liberté et en quelque sorte de sa liberté même, la leur doit rester engagée pour la sûreté de ce dépôt; et plus le gouvernement est libre, plus leurs chaînes doivent être difficiles à rompre.
Combien, Messieurs, l'intérêt de la nation consacre, et vous recommande, dans cet instant, la sévérité de ces maximes I De longues erreurs ont fait des finances le nerf presque unique de l'administration : et en même temps que l'intérêt le plus vif doit nous attacher à l'emploi des deniers du peuple, à ces pénibles produits de ses travaux et de son industrie ; d'autre part, tout avertit l'Assemblée nationale que si la liberté a jeté les fondements de la Constitution, le bon ordre des finances peut seul la soutenir; qu'il est envers vous le témoignage de la pureté de vos intentions, le garant de votre ouvrage, et envers le peuple celui de son repos. Mais, comme cet ordre salutaire des finances ne peut exister que par une comptabilité scrupuleuse et fidèle, c'est sous ce grand aspect qu'elle s'offre à votre prudence et à vos délibérations.
Sans doute elles sont grandes ces difficultés que présente l'organisation d'une comptabilité aussi immense que celle de tous les revenus et de toutes les dépenses de l'Etat, mais elles ne sont point de nature à arrêter longtemps votre zèle. Au premier aperçu elles semblent se compliquer à l'infini, mais pour ramener cette organisation à une extrême simplicité, il suffira de fixer nos idées sur ce qu'a été la comptabilité, sur ce qu'elle doit être, et sur les principes constitutionnels qui doivent s'y appliquer.
Deux sortes de comptes se présentent à apurer :
Les anciens, dont la vérification et le jugement appartiennent à des formes qui finiront avec eux ;
Les nouveaux, qui doivent être vérifiés sous de nouvelles formes.
La comptabilité ancienne est infiniment arriérée. 11 reste à reconnaître l'emploi de plus de 3 milliards; à apurer plus de 1,200 comptes généraux contenant plus de 14 millions de pièces : à cet immense arriéré est liée la poursuite de plus de 100 millions qui sont dus à la nation par d'anciens comptables. Tous les jours on découvre de nouvelles créances; dernièrement encore pour environ 10 millions, et sans doute un examen soigneux des anciens comptes en découvrira davantage ; ainsi la comptabilité ancienne présente nne masse énorme de comptes.à juger, ae comptables à poursuivre, et de créances à faire rentrer dans le Tiésor public.
Nous n'entreprendrons pas, Messieurs, de vous dévoiler ici les erreurs qui ont donné lieu à un désordre aussi préjudiciable à la fortune publique ; mais si vous admettez les principes aux-
quels ce rapport est uniquement consacré, ce sera en vous proposant ensuite un mode de comptabilité qui y sera analogue, que nous vous montrerons clairement, dans les vices de l'ancienne comptabilité, la source de ces maux, et dans la nouvelle formation des comptes publics, les moyens d'en prévenir le retour.
Entre les anciens comptes arriérés et la nouvelle comptabilité commencée en 1790, il faudra sans doute tirer une ligne de démarcation très prononcée; mais cependant ne point perdre de vue que la transition réelle n'est pas un déchirement, et qu'une séparation de comptabilité mal préparée pourrait être fâcheuse, non pçint peut-être pour les financiers, mais très certainement pour les finances du royaume.
Et déjà, Messieurs, cette importante comptabilité nouvelle se compose de l'immense liquidation qui se fait sous vos yeux. Vous étiez si persuadés que cette liquidation devait reposer sur des responsabilités, que vous avez très sagement substitué à vos comités une direction responsable; vos comités ne vous offraient aucune responsabilité, et le directeur général des liquidations vous est garant que tous les faits qu'il certifie sont exacts, que tous les titres qu'il admet sont légaux, que toutes les responsabilités des ordonnateurs, des administrateurs, des comptables et de tous autres, sont rassemblées sur chaque liquidation qu'il vous présente; il reste donc à juger ces responsabilité?, disposition qui ne doit pas êire illusoire, et qui est dévolue à la nouvelle comptabilité; à une comptabilité qui conservera sans doute aux législatures une surveillance suprême sur l'emploi des deniers public?, mais qui facilitera leurs fonctions à cet égara par des vérifications préalables et de nature à éclairer leurs travaux et à les abréger.
Voici d'autres objets non moins importants qui doivent être également un attribut essentiel de cette comptabiiiié.
Des domaines nationaux immenses sont vendus ou en vente. 11 s'agit de surveiller l'exécution de tous les contrats; de faire contraindre, s'il en est besoin, d'innombrables débiteurs de la nation.
Il s'agit de tenir des yeux toujours ouverts et très attentifs sur l'immense rentrée, au sorttie laquelle sont attachés le crédit et l'extinction des assignats, et la libération du peuple français.
Il s'agit aussi de veiller à la conservation de toutes les propriétés et de tous les revenus de la nation.
Il faut que cette surveillance, toujours existante, et toujours agissante, suive toutes les perceptions depuis leur source jusqu'à leur destination.
Il faut qu'aucune somme, quelque forte ou faible qu'elle soit, ne puisse jamais être détournée des divers canaux que votre prudence aura tracés à la circulation des deniers publics, sans qu'un premier écart ne soit aussitôt aperçu.
C'est dans une telle surveillance, c'est dans une telle activité que résidera la plus certaine des responsabilités, la précaution la plus utile, le meilleur de tous les expédients pour affermir et simplifier le jugement des comptes, pour donner enfin aux législatures la certitude que les résultats qu'elles rendront publics feront dégagés de toute obscurité, de toute incertitude, de toute fraude.
Nous allons maintenant nous attacher à prouver que c'est là l'unique forme de comptabilité convenable à une nation qui sent le prix de
l'ordre, et qui veut être éternellement libre; et qu'on ne pourrait refuser à la comptabilité une activité de cette étendue, qu'en supposant ce gui est inimaginable, savoir, que l'Assemblée nationale voulût la renfermer dans ces bornes étroites et absurdes, dont le régime ministériel avait environné la chambre des comptes.
Mais pour arriver à cette démonstration, il y a des principes à poser, de grandes questions à résoudre; et voici celles qui les renferment toutes.
A qui les comptes publics doivent-ils être rendus?
La comptabilité doit-elle ou ne doit-elle pas être dans le sein de l'Assemblée nationale?
PREMIÈRE QUESTION.
A qui les comptes publics doivent-ils. être rendus ?
Quiconque paye a le droit de se faire rendre compte.
C'est la nation qui supporte les impôts, c'est la nation qui acquitte les dépenses de l'Etat, c'est donc à la nation que doit être rendu le compte des impôts qu'elle paye et de l'emploi qu'on en fait; mais la nation ne pouvant ni vérifier les faits, ni juger les titres, ni apurer les comptes, ces fonctions doivent être déléguées.
SECONDE QUESTION.
Mais ces fonctions importantes, l'Assemblée nationale doit-elle se les réserver, et après elle aux législatures avenir ?
Cette seconde question n'est qu'en apparence difficile à résoudre.
Lorsque l'on considère que le sort de l'Empire est étroitement lié au sort des finances; que la comptabilité en est le plus important résultat, il semble d'abord qu'un aussi haut intérêt ne saurait être confié qu'aux dépositaires de la première confiance de la nation, aux hommes honorés du droit de la représenter. Sans doute, ils n'y doivent pas être étrangers, mais pour démêler à cet égard leurs véritables fonctions, il faut examiner la Comptabilité dans ses éléments.
Déjà, Messieurs, vous savez que la comptabilité ancienne comprend plus de 14 millions de pièces à vérifier.
Déjà vous savez qu'elle doit annuellement embrasser la vérification de tous les comptes en recettes et dépenses publiques, ainsi que la discussion de toutes les responsabilités en matière de finance, surtout celles de l'immense liquidation actuelle qui vient la surcharger à sa naissance.
Vous savez également que toute interruption dans les travaux de ce genre est un mal irréparable; et qu'une application non interrompue peut seule donner des résultats solides.
Mais cela même ne nous enseigne-t-il pas que ]a comptabilité ne pourrait être faite dans des Assemblées nationales qui ne doivent pas être continuellement en activité; dans des Assemblées qui, pendant leur activité, seront forcément distraites par d'autres fonctions non moins importantes; en un mot, dans ces législatures dont la tâche la plus essentielle sera de rester à jamais gardiennes des lois, et surveillantes universelles des principes constitutionnels, de tous les pouvoirs et de tous les intérêts politiques de la nation?
Nous ajoutons, Messieurs, que, non seulement s
la comptabilité ne serait point bien faite dans les législatures, mais encore qu'elle ne pourrait véritablement y être faite d'aucune manière : assurément, Messieurs, nulles vérifications, nuls apurements de comptes ne peuvent être faits dans aucune Assemblée où l'on ne peut que" délibérer et non point compter. Les législatures seraient donc obligées de s'en remettre à un comité particulier; ce serait alors une véritable délégation isolée de toute responsabilité ; ce serait même de toutes les délégations imaginables, la plus désavantageuse à la nation et la plus inconstitutionnelle.
La plus désavantageuse à là nation ; car si l'apurement des comptes restait entre les mains de ses réprésentants, elle perdrait, sur les agents de la comptabilité et sur la comptabilité elle-même, ce que le droit de censure a de plus précieux à conserver et à réserver aux législatures.
En effet, Messieurs, qui pourrait reprocher aux législatures les négligences d'où résulteraient des pertes? Qui même, dans des opérations nécessairement conrentrées, pourrait apercevoir des erreurs, des fautes, des délits? Nous disons délits, car lorsqu'on se place sous une loi quelconque, il faut bien prévoir et s'appliquer tous les cas que cette loi prévoit elle-même.
Vous apercevez déjà, Messieurs, le premier vice d'une disposition qui conduit à faire de pareilles applications aux représentants de la nation.
Lorsque l'Assemblée nationale actuelle autorise le payement de liquidations garanties par des responsabilités qu'il faudra juger, et dont ses comités surveillent la réunion sur chaque portion de Créance liquidée, la liquidation générale ainsi faite, rassure l'Assemblée nationale sur la rapidité avec laquelle elle passe sous ses yeux, sans qu'elle ait, pour ainsi dire, l'instant d'y attacher ses regards; mais cette marche serait effrayante en comptabilité, et cependant il serait impossible d'en tenir une autre si elle restait attribuée aux législatures.
Enfin la délégation de la Comptabilité à un comité composé de membres d'une législature, n'étant qu'une véritable réserve de toutes les fonctions de la comptabilité aux législatures elles-mêmes, serait une réserve inconstitutionnelle.
En effet, ne sera-ce pas les législatures qui détermineront à l'avenir les dépenses des divers départements de l'administration ?
Ne sera-ce_ pas les agents du pouvoir exécutif qui dirigeront et ordonneront ces dépenses, et de3 comptables qui les acquitteront?
La loi ne doit-elle pas intervenir ensuite pour juger ces divers agents, tous responsables?
Or, Messieurs, concentrer ces fonctions dans les législatures, ne serait-ce pas reproduire une monstruosité politique si justement reprochée au régime ancien?
Soit ignorance des principes, soit usurpation vçlontaire sur la raison et sur la loi, les ministres étaient parvenus, en enchaînant à leur gré l'activité des Chambres des comptes, à anéantir la véritable comptabilité; de manière qu'après avoir déterminé les dépenses, ils les ordonnaient, et restaient ainsi législateurs, ordonnateurs et juges de leurs propres faits. ;
Montesquieu a relevé ce dérèglement du régime que vous avez proscrit; et sous quelque modification, sous quelque forme spécieuse qu'il se reproduise, il ne doit point trouver de refuge
dans le nouveau code de finances que vous préparez aux Français.
En un mot, après avoir réglé l'impôt et fixé les dépenses publiques, vous ne réserverez pas à vous seuls et à vos successeurs le droit de juger les agents responsables qui auront exécuté vos lois à cet égard.
Vous voudrez qu'il existe entre vous et eux des intermédiaires indépendants des deux pou-voirs, et offrant par cela même à la nation une garantie contre toute collusion, contre toute clandestinité; en un mot contre toute*"mesure que l'autorité des deux pouvoirs pourrait soustraire à la censure publique : des intermédiaires enfin, dont l'unique attribution soit de scruter avec soin, et d'après une étude appropriée à la nature de leurs fonctions, la conduite des exécuteurs de vos décrets en finance, et d'offrir ensuite aux représentants de la nation un travail et des méditations que ceux-ci ne pourraient faire qu'imparfaitement.
En vous réservant enfin le droit de censure sur les travaux de ces intermédiaires, vous doublerez ainsi les sûretés de la nation contre les agents du fisc et contre toutes entreprises sur la fortune publique.
Plus vous méditerez la comptabilité. Messieurs, et plus vous vous défierez des inspirations de votre propre zèle, si elles tendaient a vous charger d'autres soins.
Plus vous méditerez la sainteté du devoir que vous avez à remplir, plus vous consulterez votre propre délicatesse et l'honneur des Assemblées nationales qui doit être celui de la nation, et plus aussi vous sentirez la nécessité d'établir des formes qui soient en quelque sorte vos garants et vos juges.
En un mot, plus vous méditerez la comptabilité, sa nature, son importance et les intérêts des contribuables, et plus vous resterez convaincus que vous ne pouvez la placer au sein de l'Assemblée nationale actuelle, ou dans le sein des législatures à venir, sans la placer véritablement hors de la Constitution et des principes qu'elle consacre; principes auxquels vous voudrez rendre sans doute le plus parfait hommage en étendant leur sévérité sur l'objet le plus important pour le peuple, sur la matière des finances qui réclame hautement toute la rigueur de ces mêmes principes.
Mais, en érigeant la comptabililé en service public, surveillé par les Assemblées nationales, vous établirez en même temps les représentants de la nation non seulement surveillants, mais encore parties dans cette grande cause générale, et contradicteurs constitutionnels.
Ils pourront, ils devront donc scruter les apurements des comptes et leurs résultats; ils pourront accuser, dénoncer, sans que jamais, par la nature de leurs fonctions, ils puissent l'être eux-mêmes. Car telle doit être la sagesse de vos dispositions relativement aux finances, que les membres de la législature ne puissent jamais être atteints dii moindre soupçon d'intérêt, autre que l'intérêt public. Qui dira que l'honneur national reposé sur leurs têtes ne le prescrive pas ainsi? Qui ne voit, au contraire, que cet honneur ne pourra jamais être compromis, si vous-mêmes vous constituez, entre les représentants de la nation.et les agents du fisc et de l'administration des finances, un intermédiaire indépendant des uns et des autres par sa formation «t par la nature de ses fonctions.
Mais oublions un instant une démonstration
qui nous paraît sans réplique, et demandons à ceux qui pensent que la comptabilité doit être concentrée dans les Assemblées nationales, comment ils entendent que les législatures, qui, suivant eux, chargeraient un comité de préparer leurs délibérations par l'examen des comptes, pourraient procéder à la nominatiou de ce comité?
Pour faire^un choix éclairé, il faudrait que les membres déjà élus par une législature qui aurait reconnu leurs talents, survécussent à cette législature; or, Messieurs, une semblable expeption violerait les principes : que si les législatures faisaient cette nomination au moment où elles se rassembleraient, alors le choix serait aveugle ; il serait fait par des hommes arrivant des diverses parties de l'Empire, et presque tous inconnus les uns aux autres : l'intrigue ou le hasard présideraient uniquement aux nominations, et dans l'un ou l'autre cas, à quel danger ne resterait pas exposé l'intérêt le plus capital de la nation?
Si, au contraire, Messieurs, une aussi importante élection était faite dans les départements, le peuple choisirait ceux que l'espèce de leur probité lui indiqueraient comme les plus capables de remplir de telles fonctions, fonctions dont il faut observer que l'esprit n'est pas donné à tous les hommes de mérite.
Voilà une élection, voilà un plan qui nous paraissent réunir à la fois l'aveu de la raison et celui des principes constitutionnels. 11 nous reste à démontrer que c'est le seul qui soit convenable aux intérêts de la nation, le seul conforme à l'esprit qui dirige l'Assemblée nationale : mais auparavant nous allons replacer sous vos regards, les résultats des considérations que nous vous avons déjà présentées.
Nous avons observé. Messieurs :
1° Que la comptabilité à organiser se divise en comptabilité ancienne et en comptabilité nouvelle;
2° Que l'ancienne doit, pour son achèvement,, rester soumise à des formes qui lui sont particulières, mais qu'il faut néanmoins combiner avec le droit national d'en vérifier les résultats par les législatures;
3° Que la nouvelle doit s'étendre, non seulement à la vérification des titres et des comptes, mais que, loin de la restreindre à cette opération purement mécanique, il était indispensable d'y joindre une inspection sur les comptables, une surveillance de tous les moments, sur tous les intérêts pécuniaires de la nation.
Nous avons dit : la nation a des propriétés, il faut donc en surveiller l'administration et la conservation. ;
La nation a des débiteurs et des comptables à poursuivre; ces poursuites doivent donc être dirigées et surveillées.
La nation a des titres de créances et de propriétés; la conservation et l'exécution de ce3 titres doit donc être maintenue. Nous avons dit ensuite : les agents de cette surveillance doivent, par la nature de leurs fonctions, être surveillés eux-mêmes, un grand intérêt public l'exige; cette surveillance suprême doit donc être l'attribut essentiel et nécessaire des législatures.
Mais, avons-nous dit aussi, comme il répugne aux principes que les surveillés soient également les surveillants, la comptabilité ne peut donc être exclusivement réservée aux législatures, ou déléguée à une section formée dans leur sein et par leur choix.
Nous avons dit enfin, que ce choix ne peut
être fait que par le peuple; que, fait dans le sein des législatures,. il renfermerait,ou la violation des principes, ou la violation de l'intérêt de l'Etat, et une sorte d'atteinte à la délicatesse et à l'honneur national ; qu'il était donc impossible à tous égards d'embrasser celte proposition.
Nous ajoutons maintenant que la nation y perdrait même des respousabilités réelles ; car il est facile d'en attacher à la nouvelle comptabilité; nous en présenterons des moyens qui s'offrent d'eux-mêmes à la juste sollicitude delà nation et de ses représentants.
Après avoir ainsi prouvé, Messieurs, que la nouvelle comptabilité ne peut exister dans les législatures, il nous reste à assigner sa véritable place.
Youdrait-on dire que la comptabilité ne pouvant qu'être surveillée dans les législatures, elle sera suftisamment faite dans chaque département, et sous la surveillance du Corps législatif?
Cette conséquence, Messieurs, ne serait pas même spécieuse.
Ce n'est point aux départements à se juger eux-mêmes quand il s'agit de leurs obligations envers la nation tout entière; d'où il résulte une nouvelle démonstration de l'indispensable nécessité d'un intermédiaire entre les représentants de la nation et les agents de l'administration des finances dans tous leB départements; démonstration qui nous ramène plus impérieusement encore à la conviction que la comptabilité étant d'un intérêt général, national et souverainement important, elle ne peut être confiée qu'à des hommes élus par la nation entière et uniquement destinés à cet objet. .
En vain se récrierait-on contre la fatigue des élections ; en vain alléguerait-on l'objection de quelque surcroît de dépenses ; pourrait-on écouter ou même apercevoir d'aussi minces considérations, lorsqu'il s'agit de donner des défenseurs constitutionnels à la fortune publique, à tous les garants que cherche à se donner la liberté elle-même ? Loin d'être pénibles, les soins d'une telle élection seront remplis avec autant d'empressement, qu'il existe de patriotisme parmi les français; et, loin d'y trouver une dépense onéreuse au peuple, ils y envisageront au contraire une grande économie publique; car ce qui coûte à une nation, c'est le'relàçnement, la prodigalité, la corruption dans l'administration de ses finances, et tout ce qui combat ces vices funestes est une source de prospérités.
Observez d'ailleurs, Messieurs, combien cette élection serait peu embarrassante : quarante personnes peuvent suffire à la comptabilité ; il suffirait donc d'y faire coucourir ceux des départements qui n'ont point concouru à l'élection du tribunal ae cassation, et ce serait à l'avenir des élections alternatives entre tous les départements du royaume.
C'est entre cette cour de comptabilité, les départements et tous les agents de l'administration des finances, qu'est la véritable place des représentants de la nation.
C'estdelà, qu'au nom de lanationet à une égale distance de l'administration et dù maniement des deniers publics, ils devront surveiller, faire juger et recevoir tous le3 comptes des révenus et des dépenses de l'Etat.
C'est là qu'isolés et impassibles comme les lois elles-mêmes, ils en doivent apprécier les diverses applications, reconnaître les erreurs ou les malversations, pour les faire réformer, et publier chaque année la situation des comptes publics
et le compte particulier de leur propre surveillance.
Voilà, Messieurs, les principes et les considérations d'après lesquels nous vous proposons de fonder un établissement que les plus pressants besoins de l'ordre sollicitent de votre sagesse.
Quant à ces premières vues que nous vous soumettons, elles nous paraissent puisées dans la Constitution elle-même, et le projet de décret que nous allons vous présenter en est, du moins à nos yeux, la plus juste conséquence. Il ne consacre que les principes de la comptabilité, parce qu'il serait inutile d'élever des travaux sur des bases non encore avouées ; mais si votre sagesse croit devoir adopter celles que nous lui présentons, les détails d'exécution seront prompts et faciles.
PROJET DE DÉCRET.
« Art. 1er. Tous les comptes des revenus
publics et de leur emploi doivent être rendus à la nation.
« Art. 2. Il y aura une cour de comptabilité pour la vérification et l'apurement des comptes publics.
« Art. 3. La cour de comptabilité présentera chaque année, aux représentants de 4a nation, l'état de tous les comptes publics, pour par eux être définitivement examinés et les résultats publiés.
« Art. 4. Les membres de la cour de comptabilité Seront élus dans les départements qui n'ont pa3 concouru à la nomination du tribunal de cassation, et à l'avenir ces deux élections seront alternatives entre les mêmes départements.
« Art. 5. Il sera incessamment présenté à l'Assemblée nationale un plan générai pour l'organisation de la cour de comptabilité et pour la formation de tous les comptes publics. »
Je demande l'impression du rapport de. M. Briois-Beaumetz, ainsi que de celui de M. de Batz, et l'ajournement de la discussion à deux jours après la discussion du plan proposé.
(La motion de M. d'André est décrétée.)
fait donner lecture à l'Assemblée d'une lettre du ministre de l'intérieur, ainsi conçue :
«Paris, le 24 mai 1791.
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir informer l'Assemblée nationale qu'en exécution de ses décrets sanctionnés par le roi, concernant la fabrication de la monnaie de cuivre, il a été donné des ordres dans toutes les monnaies pour convertir sur-le-champ, en espèces, tout le cuivre qui s'y trouve rassemblé et qu'au moyen des matières qui existent actuellement aux mines deSaimbel-et de Romilly, cette fabrication se continuera avec abondance et célé-rité. '
* Je crois devoir encore informer l'Assemblée que la commission des monnaies s'occupe sans relâche des moyens de tirer un parti avantageux du métal des cloches. Elle a déjà communiqué sur cet objet des idées importantes au comité des monnaies et il yn lieu d'espérer qu'il sera possible d'employer ce métal d'une manière très prompte et très utile.
« Je suis, avec respect, etc,
« Signé: delessart. »
fait donner lecture à l'Assemblée d'une lettre du ministre de la marine, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur de faire connaître à l'Assemblée nationale mon respect pour elle et mon inaltérable attachement à la Constitution ; je ne viens pas ici renouveler l'assurance de ces sentiments. Je me crois obligé de tixer un moment l'attention de l'Assemblée sur l'extrême difficulté que j'aperçois à exécuter littéralement la partie de son décret du 10 octobre dernier qui tend à assujettir les fournisseurs des vivres de la marine à la formalité des adjudications publiques.
Je n'entrerai pas dans le détail des observations qui ont été précédemment faites sur cet objet au comité de marine; mais j'invoquerai avec confiance le décret rendu le 21 du mois dernier pour déterminer le mode de répartition de vivres et fourrages à l'armée de terre. Cette fourniture, hors de la règle des enchères publiques, laisse au ministre de la guerre la faculté de traiter avec les compagnies qu'il croira les plus capables de garantir le service, et celle de convenir avec des entrepreneurs, de toute stipulation qui lui paraîtrait juste et raisonnable. L'Assemblée nationale a donc reconnu que la voie des enchères publiques n'est pas toujours la meilleure.
« Le ministre de la marine a besoin, avec raison, de se conduire avec beaucoup plus de prudence. En effet, les fournitures à l'armée de terre s'y transportent avec facilité, au lieu que celles qui servent à l'armée de mer, telles que le biscuit et les salaisons, exigent une préparation particulière. Les obligations du ministre de la marine ne sont pas remplies quaud il fait rendre ces fournitures dans les .ports ou à bord des vaisseaux, il doit encore justifier, au retour des campagnes, de remploi des denrées à la mer. Il a souvent à pourvoir dans les relâches aux colonies ou en pays étranger ; et enfin il n'existe pas de parité entre un service et l'autre.
Je n'étendrai pas davantage, Monsieur le Président, ces réflexions ; je vous supplie de les soumettre à l'Assemblée.
c Je suis avec respect, etc.
« Signé : ThÉVENARD. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité de marine pour en rendre compte.).
, au nom du comité des monnaies, fait lecture de la réunion des divers articles décrétés dans les séances des 19 et 21 de ce mois relativement à Vorganisation des monnaies et à la surveillance et vérification du travail delà fabrication des espèces d'or et d argent.
Je demande à faire sur les articles que vous venez d'entendre trois observations. 1La première, porte sur les parents qui pourraient se trouver dans les Monnaies.
Je propose de décréter une disposition additionnelle portant que nul ne pourra être proposé à la place de directeur s'il a des parents dans l'administration des monnaies.
, rapporteur. On peut ajouter à l'article 6 du titre U, ces mots :
« Et nul ne pourra être nommé directeur dans une Monnaie où il aurait des parents ou alliés aux degrés ci-dessus, déjà employés. »
(Cette addition est décrétée.)
Ma seconde observation a trait à l'enregistrement de la commission de changeur. Je propose de décréter que les commissions de changeur seront enregistrées non seulement aux tribunaux de commerce, mais même aux tribunaux de district.
Je demaude, en conséquence, que dans l'article 11 du titre II, ou remplace les mots : « ou, à défaut de'tribunal de commerce, à celui du tribunal de district, » par ceux-ci : et à celui du tribunal de district. »
L'article serait donc rédigé comme suit :
« 11 ne pourra être établi à l'avenir aucun bureau de change, que dans les villes où ces établissements seront jugés utiles, et sur la demande des directoires des départements. Les directoires des départements, sur l'avis des directoires de districts, et la nomination des municipalités des lieux dans lesquels devront être établis les bureaux de Change, proposeront à la commission les sujets qui seront jugés propres à remplir les fonctions de changeur : ces fonctions ne pourront être exercées qu'en vertu d'un brevet expédié par la commission générale des Monnaies, et enregistré tant au greffe de la municipalité, qu'à celui du tribunal de commerce et à celui du tribunal de district dans le ressort duquel sera établi le bureau de change. »
(Cette modification est décrétée.)
Voici enfin ma dernière observation ; elle consiste à décréter que l'entretien des couvertures des bâtiments des Monnaies sera à la charge du Trésor public.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette motion.)
Les divers articles du décret sont ensuite soumis â la délibération, avec les deux modifications ci-dessus, dans les termes suivants :
L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
TITRE Ier.
Suppression des officiers.
Art. 1er.
« Les offices de trésorier général, d'essayeur général, de juges-gardes et contrôleurs-contre-gardes, de directeurs et trésoriers-particuliers, d'essayeurs et graveurs des monnaies ; l'office d'inspecteur du monnayage et celui de contrôleur au change de la monnaie de Paris ; les offices de changeurs, la commission de graveur général des monnaies, et toutes commissions en vertu desquelles quelques personnes exercent, eu égard à la vacance d'aucuns offices des monnaies, les fonctions y attachées, sont et demeureront supprimées.
Art. 2,
« Les titulaires des offices et les pourvus des commissions supprimées par l'article précédent continueront d'en exercer les fonctions jusqu'au moment où il aura été pourvu à leur remplacement, ainsi et de la manière qui sera ci-aprè3 exprimée.
Art. 3.
« Les titulaires des offices supprimés par l'article lor feront remettre au comité de liquidation les titres ou expéditions collationnées des titres nécessaires à leur liquidation et remboursement, auquel remboursement il ne pourra néanmoins
être pourvu, à l'égard des officiers comptables, qu'après le jugement et i'apuremeut de leurs comptes ; et à l'égard des officiers susceptibles de condamnation d'amendes, qu'après le jugement des espèces à la délivrance desquelles ils ont concouru.
Art. 4.
« Les officiers supprimés par les articles précédents, qui occupent des logements dans les hôtels des monnaies, seront tenus de se retirer, et de laisser lesdits logements libres pour le 15 juillet prochaia.
Art. 5.
« Toutes les personnes qui occupent, soit dans les hôtels des monnaies, soit dans les bâtiments en dépendant, et faisant partie des domaines nationaux, des logements, sans être attachées au service des monnaies par les fonctions portées aux décrets de l'Assemblée nationale, seront pareillement tenues de se retirer, et de laisser libres lesdits logements et bâtiments, à compter du même jour 15 juillet.
TITRE II.
Du nombre et du choix des fonctionnaires publics qui seront chargés, tant de la fabrication des monnaies, que de la surveillance et de la vérification de ce travail.
Art. Ier.
« 11 y aura trqis fonctionnaires généraux attachés au service des monnaies, savoir : un inspecteur des essais, un essayeur et un graveur.
Art. 2.
« Il sera établi, dans chaque Monnaie, un commissaire du roi, un adjoint dudit commissaire, un directeur, un essayeur et un graveur.
Art. 3.
« Les compagnies de monnayeurs établies dans chaque Monnaie* continueront provisoirement d'exercer les fonctions qui leur "sont confiées. Les compagnies des ajusteurs et tailleresses sont et demeurent supprimées.
Art. 4.
« L'inspecteur générai des essais, les commissaires du roi, leurs adjoints et les directeurs seront nommés par le roi; l'essayeur-général sera pareillement nommé par le roi; mais il sera pris dans le nombre des essayeurs qui auront exercé, pendant 12 ans au moins, leurs fonctions, soit à Paris, soit dans les autres hôtels des monnaies; les places de graveur général, d'essayeurs et de graveurs particuliers, seront toutes données au concours.
Art, 5,
« Lorsqu'une place de commissaire du roi deviendra vacante, son successeur sera choisi dans le nombre des adjoints.
Art. 6.
« Les parents et alliés d'un directeur de Monnaie, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ne pourront être pourvus d'aucune place dans la Monnaie à laquelle il sera attaché, et nul ne pourra être nommé directeur dans une Monnaie où il aurait des parents ou alliés au degré ci-dessus, déjà employés.
Art. 7.
« Les directeurs seront tenus de fournir une caution en immeuble, dont la quotité sera déterminée par un décret particulier de l'Assemblée nationale.
Art. 8.
« L'inspecteur, le graveur et l'essayeur général seront, ainsi que tous les autres fonctionnaires attachés au service des monnaies, sujets à révocation dans les cas déterminés par la loi.
Art. 9.
« Les commissaires du roi et les directeurs seront responsables ainsi que Ie3 essayeurs, chacun en ce qui concernera l'exercice de. leurs fonctions. L'adjoint du commissaire du roi sera pareillement responsable dans toutes les circonstances où. il le suppléera.
Art. 10.
« Tous les fonctionnaires nommés en l'article précédent, seront, ainsi que le graveur, logés dans les hôtels des monnaies, et chargés, tant des réparations locativesquede l'entretien des appartements qu'ils occuperont.
Art. 11.
« Il ne pourra être établi, à l'avenir, aucun bureau de change, que dans les villes où ces établissements seront jugés utiles, et sur la demande des directoires des départements sur l'avis des directoires de districts, et la nomination des municipalités des lieux dans lesquels devront êlre établis les bureaux de change, proposeront à la commission les sujets qui seront jugés propres à remplir les fonctious de changeur. Ces fonctions ne pourront être exercées qu'en vertu d'un brevet, expédié par la commission générale des monnaies, et enregistré tant au greffe de la municipalité, qu'à celui du tribunal de commerce et à celui du tribunal de disirict dans le ressort duquel sera établi le bureau de changé.
TITRE III.
Fonctions et travaux dont seront chargés les fonctionnaires attachés au service de lû Monnaie.
Chapitre Ier.
De l'inspecteur des essais.
Art. ler.
« L'inspecteur général des essais sera chargé de surveiller les travaux des essayeurs, de s'assurer s'ils se conforment exactement aux règlements; s'ils emploient, pour leurs opérations, des agents et subsistances provenant dû dépôt établi parla commission, et si les poids de semelle, dont ils font usage, sont tels que la loi l'exige.
Art. 2.
« Il surveillera les travaux des^arlistes admis à concourirpour les places d'essayeurs qui viendront à vaquer; il mettra sous les yeux de la commission le rapport des juges du concours, et il y joindra les observations dont il lui paraîtra susceptible.
Art. 3.
« Il sera admis et il aura voix délibérative
dans les séances delà commission, toutes les fois qu'il y sera question d'objets concernant les essais.
Art. 4.
« Il proposera ses vues à la commission, sur le perfectionnement des opérations relatives aux essais.
CHAPITRE II.
De l'essayeur général.
Art. 1er.
« L'essayeur général pourra être employé par la commission, concurremment avec les autres essayeurs qu'elle commettra, pour procéder aux vérifications du titre des espèces nationales, prescrites par le décret du 3 avril dernier.
Art 2.
« Dans le cas où un essayeur particulier viendrait à décéder, ou se trouverait, par maladie, ou autre empêchement quelconque, dans l'impossibilité de continuer l'exercice de ses fonctions, ou de se faire remplacer, l'essayeur général, d'après les ordres qui lui seront donnés par la commission, sera tenu de se rendre sur es lieux pour Je suppléer, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu; les frais de son voyage lui seront remboursés, et il sera responsable du titre des espèces, à la délivrance desquelles il aura concouru.
Art. 3.
« Il jouira d'un traitement fixe qui sera déterminé par l'Assemblée nationale; il ne pourra percevoir aucuns droits sur la fabrication.
CHAPITRE III.
Du graveur général.
Art. 1er.
« Le graveur général sera chargé de la fourniture de tous les poinçons et matrices nécessaires au monnayage des espèces; les prix en seront déterminés par l'Assemblée nationale, et il en sera payé en représentant les récépissés qui lui en auront été délivrés, lorsqu'ils seront revêtus des formalités prescrites par l'article suivant.
Art. 2.
« 11 ne pourra faire aucune livraison de poinçons et matrices, sans y avoir été autorisé par la commission; il remettra au dépôt de ladite commission ceux qui lui auront été demandés; le garde des dépôts lui en délivrera un récépissé qui sera visé par le commissaire chargé de surveiller la livraison desdits poinçons et matrices.
CHAPITRE IV.
Du commissaire du roi et de son adjoint.
Art. 1er.
Le commissaire du roi exercera la police dans l'hôtel de la monnaie; il y maintiendra l'ordre et la tranquillité; il pourra connaître des objets qui exigeront une décision provisoire, et Bur lesquels les règlements n'auraient rien sta-
tué; mais il sera tenu d'en rendre comple aussitôt à, la commission générale des monnaies.
Art. 2.
« Il veillera principa'ement à ce que les règlements qui concernent la fabrication des espèces soient exactement observés par toutes les personnes chargées de quelques fonctions relatives à cette manipulation.
Art. 3.
« Il ne prendra aucune part aux opérations qui auront pour objet la fonte des espèces et matières, leur alliage et tous les travaux nécessaires pour les convertir en flaons.
Art. 4.
« Il cotera et paraphera tous les registres qui seront tenus par les différents fonctionnaires attachés au service de la Monnaie; les registres qui concerneront l'exercice des fonctions qui lui seront confiées, lui seront envoyés par la commission générale des monnaies, après avoir été cotés et paraphés par celui de ses membres qu'elle aura commis à cet effet.
Art. 5.
Il sera dépositaire des clefs de la salle de délivrance et de monnayage; et lorsque les réparations à faire, soit aux balanciers, soit à la salle dans laquelle ils sont placés, exigeront que l'on y introduise des ouvriers étrangers, il prendra les mesures nécessaires pour qu'il ne s'y commette aucun abus.
Art. 6.
« Il sera pareillement dépositaire de l'étalon qui sera envoyé par la commission dans chaque hôtel des monnaies, pour servir à la vérification des poids dont on y fera usage. Cet étalon sera renfermé dans une armoire placée dans le bureau des délivrances : et fermant à deux clefs; l'une de ces clefs restera entre les mains du commissaire du roi et l'autre sera déposée au greffe du tribunal de commerce.
Art. 7.
« Il procédera tous les 3 mois, et plus souvent, s'il le juge convenable, à la vérification despjids et balances dont il sera fait usage, tant par le directeur de la Monnaie, que par tous les fonctionnaires préposés à la recette des matières, au monnayage, aux essais et à la délivrance des espèces. La vérification des poids se fera sur l'étalon déposé au bureau de délivrance, en présence d'un des administrateurs du directoire du département ou du di trict, d'un juge du tribunal du commerce et d'un dépuié du commerce de l'orfèvrerie.
Art. 8.
« II sera chargé de recevoir tous les poinçons et matrices qui seront envoyés par la commission, pour le service de la Monnaie. Il en fera la remise au graveur qui lui délivrera ses carrés, lorsqu'ils seront arhevés, pour les transmettre aux monnayeurs, à mesure qu'ils en auront besoin, il tiendra registre de recette et d'emploi desdits poinçons, matrices et carrés.
Art. 9.
« Il arrêtera à la fin de chaque mois les registres tenus par le directeur pour la recette des matières apportées au change, tant par le public,
que par les changeurs, et il s'en fera délivrer un extrait qu'il enverra à la commission, après l'avoir vérifié et certifié.
Art 10.
« Il veillera à ce que lès réparations à Isi chargé des officiers soient exactement fâitëé chaque année. Quant à celles qui seront à la charge au Trésor public, il y pourvoira lorsqu'elles seront tellement urgentes, qu'on ne pourrait les différer san's danger; dans toute autre Circonstance, il én informera fa commission, qui prendra, de concert aVec les Administrateurs du directoire du département, les mesures nécessaires pour y pourvoir.
Art. 11.
« S'il se commet quelque délit dans l'hôtel de la monnaie, il en dressera procès-verbal, dont ii remettra, dans les 24 heures, une expédition à celui des officiers du tribunal du district, qui remplira lés fonctions d'accusàteùr public, lequel sera tenù de lui en délivrer un reçu pour Sa décharge; et si les circonstances y donnent liéu, il fera procéder contre les coupables côihiïië eh càs de flagrant délit.
Art. 12.
« Il remplira avec le plus grand soin les fonctions qui lui seront confiées relativement à la fabrication des espèces et à la vérification dé leur titre et pôids, et il entretiendra une correspondance exacte avec la commission générale des monnaies, à laquelle il rendra compte, tant de la conduite des fonctionnaires attachés au service de la Monnaie1 dans t'eWcice de leurs fonctions, que de touS leèr détails qui pourront idtéfëèsér le bien du service.
Art. 131
« L'adjoint du commissaire du roi sera tenu de le seconder dans l'exercice de toutes ses fonctions ; il le suppléera lorsque, par qùelque causé oU empêchement, légitime, il se trouvera dàns l'impossibilité de les remplir.
Art. 14.
« Le commissaire du roi et son adjoint jôuiro'ril chacun d'un traitement fixe; ils ne percevront, sous quelque prétexte que ce soit, aucuns droits sur les espèce^.
CHAPITRE V.
Du directeur.
Art. 1er.
« Ée'directeur de la ifionnaie serâ'teûu dé'recevoir sur le pied dutarif public',' et Conforriié1-metit aux décrets dé l'Assemblée nationale, les espèces nationales et étrangères qui lui seront apportées et le3 lingbts paraphés dans les monnaies de France.
Art. 2.
« Il ne sera tenu de recevoir les espèces qui ne seront pas énoncées dans le tarif, que. lorsqu'elles auront été essayées par l'essayeur de la monnaie, et d'anrês le titre auquel elles aurolit été rapportées; lés frais de cet essai seront à la charge du propriétaire des espèces, et fixés par lé tarif. Si l'on présente à la fois plusieurs espèces de cette nature, le directeur en fera pârvenir une
à la commission, et y joindra le bulletin du rapport, afin qu'elle puisse le faire vérifier, et en faire mention dans le premier tarif qu,'el}e pu* blierà; dans tous les cas, il sera tenu d'inscrire provisoirement cette nouvelle espèce, et le titre auquel elle aura; été rapportée, sur un tableau placé dans un endroit apparent du bureau du change, et certifié véritable, tant par. l'essayeur, que par le commissaire du roi. et son adjoint,; pour servir dp renseignement et éviter d'avoir recqurs k dé nouveaux essais, lorsqu'il se présentera d'autres espèces de même nature.
Art. 3.
« Si, par le résultat de ses fontes, il s'apercevait de quelque variation importante dans le titre des espèces étrangères énoncées ^u .tarif, il en informera is commission, et lui enverra; plusieurs de ces espèces pour en faire vérifier lé titrç, e| pourvoir, s'il y a lieu, à la réformation du tarif à leur égard.
Art. 4.
« Il sera autorisé à retenir, ou à se faire f>ayer sur le produit des espècesj et matières d'or et d'argent qu'il recevra, dont lé titre serait inférieur à celui des espèce? nationales, les frais d'affinage nécessaires pour les élever à' ce titre, conformément à ce qui sera réglé. Les changeurs ne seront pas exempts de cette retenue.
Art. 5.
« Les tarifs dont il est fait ménfiôri dâtis lés àrtiéle's prèéédéiits seront affichés dans plusieurs ènd|'oitsjdu éh^nge, de maniéré qu'ils s'oiéfrt à pôrtéé' du public, afin que les' propriétaires des matières puissent Rassurer dë Téxaétitudè des opérations qui les intéresseront ; ils' jfourrônt exiger qu'on léur en fournisse des bbrderéaiix.
Art. 6.
« Les espèces et matières apportées au change y seront pesées avec la plus grande exactitude; on pèsera érisemble tous les objets dé même nature; On ne pourra faire usage des grandes balances que1 pour ceux dont le poids excéder^ 5 marcs, a moins qu'ils lié së trouvassent d'un trop gros volume pour pouvoir être pèses avép les petites balai|pes;'on fera enfin usage dé gr&ins pôiir peser l'argent, cornmé pour l'or, dé manière que le trébuchant se réduise à la plus petite portion de poids nécessaire pour empêcher que la balance né penche du côté des poids.
Art: 7.
« Les matières et espèces reçues au. change seront portées jour par jour, et article par article, sur un registre à ce destiné,xçoté et paraphé par le commissaire du roi; ce registre sera arrêté par cet officier à la fin de chaque mois, et il lui en sera délivré un extrait, conformément aux dispositions de l'article 8 du chapitre IV.
Art. 8.
« Le directeur sera maître de ses fontes et alliages ; il fabriquera les.flaons aux poids et titres déterminés;par la loi, et il les fera,porter au bureau de détivràhèèàûssitôta'pt-ès qu'ils aurôht été blanchis et marqués sur tranche; il pourra employer, pour toutes les opérations relatives à la conversion de cés'matières eii llaons, y compris l'ajustage, tels ouvriers qu'il lui plaira choisit*; il sera, par conséquent, seul, responsable de la perfection de cétté manipulation, sous tous ses rapports.
Art. 9.
« Les frais de toutes les opérations énoncées dans l'article précédent, ainsi que les déchets auxquels elles donneront lieu, lui seront payés à tant le marc, ainsi qu'il sera déterminé par les décrets de l'Assemblée nationale; il jouira, de plus, d'un traitement fixe, proportionné à l'intérêt des avances qu'il pourra être dans le cas de faire pour le payement des matières apportées au change; au moyen de quoi les propriétaires de ces matières et les changeurs avec lesquels il pourrait prendre des termes pour leur en remettre le produit, n'auront, en aucun cas, de recours à exercer contre le Trésor public.
Art. 10.
« Le directeur pourvoira, à ses frais, à la dépense de toutes Ie3 réparations locatives et d'entretien, tant du logement qu'il occupera, que des laboratoires, fourneaux et machines servant à la fabrication; les grosses réparations et l'entretien des couvertures seront seuls à la charge du Trésor public. Le directeur sera responsable des accidents du feu.
Art. 11.
« Il sera tenu de prendre pouf son compte tous les ustensiles qui appartenaient ci-devant au roi, servant à la fabrication, à l'ajustage des flaons, et à la marque sur tranche, et d'en payer la valeur dans le cours des trois mois qui suivront son installation ; et ce, d'après l'estimation qui en sera faite par deux experts, en présence d'un des administrateurs du directoire du département, qui sera commis à cet effet ; l'un de ces experts sera nommé par ce commissaire; l'autre sera choisi par le directeur;.ces experts en appelleront de concert un troisième, s'ils ne se trouvent pas d'accord.
Art. i2.
« Il sera pareillement tenu de prendre pour son compte les ustensiles et machines servant à la fabrication, qui auraient appartenu à son prédécesseur; et ce d'après l'estimation qui en sera faite par deux experts; il en nommera tin; l'autre sera choisi par le propriétaire de ces objets, ou ses réprésentants, et ils en appelleront de concert un troisième, s'ils ne se trouvent pas d'accord.
Art. 13.
« Il ne pourra, sous peine de révocation, faire exposer en vente, ni vendre aucune machine servant exclusivement à la fabrication des flaons et à la marque sur tranche, sans y avoir été autorisé par le commissaire du roi, qui sera tenu de faire préalablement rompre et difformer ces machines et d'eu dresser procès-verbal.
CHAPITRE VI.
De Vessayeur.
Art. Ier.
« L'essayeur sera chargé de la vérification du titre des espèces fabriquées; il y procédera toutes les fois qu'il en sera requis par le commissaire du roi, avec les formalités prescrites par la loi. Il inscrira, sur un registre particulier à ce destiné, la quantité et le titre des espèces dont il aura fait les essais, avec la date de leur fabrication et celle du jour de l'essai.
Art. 2.
« Il ne pourra, sous peine de révocation, faire aucun essai pour le compte du directeur de la monnaie, ni essayer des monnaies par lui fabriquées, autres que celles qui lui seront remises par le commissaire du roi, pour servir au jugement de délivrance.
Art. 3.
« Il pourra essayer les espèces étrangères et matières qui lui seront remises par le public; il inscrira sur son registre le poids des lingots qu'il essaiera, et le nom des propriétaires ; il ne pourra les rendre qu'après avoir apposé sur chaque lingot le numéro dans lequel il sera porté sur son registre, l'empreinte de son poinçon, et celle du différent de la Monnaie à laquelle il sera attaché.
Art. 4.
« Il ne pourra, sous aucun prétexte, employer pour ses opérations d'autres agents et substances que celles dont ilsera tenu de se pourvoir au dépôt établi par la commission. Il sera pareillement tenu de procéder aux essais conformément aux instructions générales qui auront été arrêtées par là commission.
Art. 5.
Les registres dont il fera usage seront tous cotés et paraphés par le commissaire du roi.
Art. 6.
« 11 jouira d'un traitement fixe, qui sera déterminé par l'Assemblée nationale; il ne pourra, en conséquence, retenir, sous aucun prétexte, les boutons ou cornets des essais qu'il fera pour parvenir au jugement de délivrance, ni percevoir aucun droit sur la fabrication.
Art. 7.
« Les essais qu'il fera pour le compte du commerce lui seront payés en argent, au prix qui sera déterminé par l'Assemblée nationale. Il sera tenu de rendre, en conséquence, aux propriétaires des espèces et matières, les cornets et boutons d'essai.
Art. 8.
En cas de maladie ou d'absence légitime de l'essayeur, le commissaire du roi commettra provisoirement à l'exercice de ses fonctions la personne qui lui sera proposée par ce fonctionnaire ; et, dans ce cas, l'essayeur demeurera responsable de ses opérations et chargé de son traitement. Si les circonstances ne lui permettaient pas de préposer son suppléant, il y sera pourvu provisoirement par le commissaire du roi, en attendant que la commission en soit instruite, et ait pris à cet éga rd les mesures qu'elle jugera convenables.
CHAPITRE VII.
Du graveur.
Art. Ier.
« Le graveur sera tenu de fabriquer et de remettre au commissaire du roi le nombre de carrés qu'il jugera nécessaires pour le monnayage des espèces. Le graveur ne pourra, sous peine de révocation, tirer ses carrés sur d'autres matrices et poinçons, que ceux qui lui auront été
remis par le commissaire du roi, ni les altérer, de quelque manière et sous quelque prétexte que ce soit.
Art. 2.
« A mesure que ses carrés seront tirés et achevés, il les remettra au commissaire du roi, qui s'en chargera sur son registre, et lui en donnera son récépissé, après les avoir fait essayer en sa présence.
Art. 3.
« A la fin de chaque semestre, le commissaire du roi, accompagné de deux monnayeurs, remettra au graveur les carrés qui ne pourront plus être employés au monnayage ; il les rengrénera sur les poinçons, les fera recuire, et les biffera en leur présence. Il sera dressé procès-verbal de ces différentes opérations, auquel signeront toutes les personnes qui y auront assisté.
Art. 4.
« Le graveur jouira d'uu traitement annuel, et il sera, de plus, payé des carrés qu'il fournira, au prix qui sera fixé par l'Assemblée nationale; mais il ne pourra, sous aucun prétexte, percevoir des droits sur la fabrication.
CHAPITRE VIII.
Des monnayeurs.
Art. 1er.
« Les monnayeurs recevront des mains du commissaire du roi tous les carrés nécessaires à leur travail, et lui en délivreront un récépissé. Ils pourront exiger qu'ils soient éprouvés avant de s'en charger : cette épreuve se fera en la présence du commissaire du roi et en celle du raveur. Le graveur sera tenu de reprendre ceux esdits carrés qui seraient reconnus défectueux.
Art. 2.
« Les flaons à monnayer leur seront remis au bureau de délivrance, après avoir été pesés en masse; ils s'en chargeront en recette sur le registre à ce destiné.
Art. 3.
« Lorsque les flaons seront monnayés, les monnayeurs les rapporteront au bureau de délivrance ils y seront de nouveau pesés en masse; et si leur poids se trouve conforme à celui exprimé par le procôs-verbal de la délivrance qui leur en aura été faite, il en sera fait mention sur le registre pour leur service de décharge.
Art. 4.
« La fourniture et l'entretien des balanciers, de leurs vis et de leurs écrous seront à la charge du Trésor public. Les monnayeurs se fourniront de tous le3 autres ustensiles servant à l'exercice de leurs fonctions; ils seront payés à tant le marc, conformément aux décrets qui seront rendus par l'Assemblée nationale.
CHAPITRE IX.
Des changeurs.
Art. 1er.
« Les changeurs seront tenus de se conformer, tant pour l'exercice de leurs fonctions, que'pour
la perception de leurs droits, aux anciens tarifs et règlements, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée nationale. Les registres dont ils feront usage seront cotés et paraphés par le maire du lieu où ils seront établis.
Art. 2.
« Ils seront tenus de recevoir, sur le pied du tarif public, et conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, les espèces nationales et étrangères qui lt ur seront présentées ; mais ils ne pourront être contraints de recevoir celles qui ne seraient pas portées sur le tarif, et dont le titre leur serait inconnu, ni les lingots de matières d'or ou d'argent qui n'auraient pas été paraphés par des essayeurs des monnaies de France.
Art. 3.
« Ils seront autorisés à retenir ou à se faire payer sur le produit des espèces et matières qu ils recevront, dont le titre serait inférieur à celui des espèces nationales, les frais d'affinage nécessaires pour les élever à ce titre, tels qu'ils seront fixés par le tarif.
Art. 4.
« Les tarifs dont ils feront usage seront affichés dans plusieurs endroits de leur bureau, à portée du public, afin que les propriétaires des espèces et matières puissent s'assurer de l'exactitude de leurs décomptes, dont les changeurs seront tenus de leur délivrer des bordereaux.
Art. 5.
« Ils porteront sur un double registre tous les articles de leur reçette, et les noms des propriétaires des espèces et matières; ils y porteront pareillement les bordereaux des envois qu'ils feront aux directeurs des monnaies; ils enverront, à la fin de chaque année, à la Commission des monnaies, l'un de ces registres, après qu'ils auront été l'un et l'autre arrêtés et signés par le maire du lieu de leur domiciles
Art. 6.
« Les poids et balances dont les xhangeurs feront usage seront vérifiés au moins tous les trois mois par les officiers de police préposés aux vérifications de cette nature; auxquelles seront sujets les artistes et marchands qui font usage de poid3 et de balance. Les changeurs seront tenus de peser, avec la plus grande exac-. titude, les espèces et matières qui leur seront apportées, et de se cojgtformer, à cet égard, aux dispositions de l'article 6 du chapitre V.
TITRE IV.
De la délivrance des espèces.
Art. ler.
« Lorsque, conformément à l'article 3, chapitre viii du titre III, les monnayeurs auront rapporté au bureau de délivrance les espèces monnayées, que la pesée en masse en sera faite, , et qu'il aura été dressé procès-verbal de toutes ces opérations, le commissaire du roi, ou son adjoint, en présence du directeur et de l'essayeur, prendra au hasard, sur la masse de ces espèces, un certain nombre de pièces, qui ne pourra pas être au-dessous de deux, ni au-dessus de quatre, quelles que soient la quantité et
la nature des espèces : les pièces ainsi prises au hasard seront ensuite par lui remises à l'essayeur, pour procéder à la vérification de leur titre.
Art. 2.
« L'essayeur coupera de chacune des pièces qui lui auront été remises, la portion de matière nécessaire pour en vérifier le titre; il aura, ^oin, en procédant à cette prise d'essai, de n'altérer n| le différent de la Monnaie, ni ceux du directeur et du graveur, ni le millésime. Le surplus, de la pièce sera mis dans une enveloppe de papier, sur laquelle on fera mention de la date, de la délivrance et du numéro sous lequel cet essai aura été jporté sur le registre de l'essayeur. Cet officier et le cominissaire du roi scelleront ensuite cette enveloppe avec leurs cachets.
Art. 3.
«, Lorsque les formalités indiquées par l'article précédent auront été remplies, l'essayeur procédera aux essais en la manière prescrite par les instructions générales qui auront été arrêtées par la commission des monnaies.
Art. 4,.
« Pendant que l'essayeur procédera à la vérification du titre des espèces, le commissaire du roi s'occupera de vérifier leurs poids et leurs empreintes ; il les examinera et les pesera les unes après les autres, et il mettra au rebut, non seulement celles qui n'auront pas le poids requis par la loi, mais, epeore toutes celles dont la forme ou l'empreinte se trouveraient défectueuses.
Art. 5,
« Les espèces, mises au rebut seront cisaillées et remises au directeur; elles seront refondues à ses frais, si le motif du rebut provient de la faiblesse du poids et de l'imperfection du flaon ; elles le seront aux dépens des monnayeurs, si la défectuosité des empreintes provient de leur négligence.
Art. 6,
« Lorsque la vérification du titre des espèces sera terminée, l'essayeur apportera au bureau des délivrances les. résultats de ses essais : si les espèces se trouvent, par ces résultats, au titre légal, elles seront délivrées, au directeur; il sera dressé procès-verbal de cette délivrance, dans lequel on fera mention : 1° du nombre et du poids tant des espèces, qui auront été monnayées, que de celles qui auront été cisaillées et decelles qui auront été prises pour les essais; 2° des différents titres auxquels chacune, des espèces essayées auront été rapportées, ét du titre commun qui sera provenu de la réunion de ces différents titres ; 3° du nombre et du poids des espèces qui auront été délivrées au directeur. Ce procès-verbal sera signé par tous les officiers présents, et notamment par ceux qui auront pris part aux opérations dont il rendra compte,
Art. 7.
« Le commissaire, du roi sera tenu d'informer la municipalité des jour et heure auxquels il fera procéder à quelque délivrance,afin qu'elle députe un de ses membres pour y être présent. Il en sera -de même à l'égard du tribunal de commerce, s'il en existe un dans le lieu où la Monnaie sera établie. Ces députés seront tenus de signer le procès-
verbal des opérations auxquelles ils auront été présents.
Art.. 8.
« Lorsque la délivrance sera terminée, toutes les feuilles ou portions d'espèces qui, en exécution de l'article % auront été mises sous enveloppes et scellées, seront renfermées dans un seul paquet, sur lequel le commissaire du roi, le di-* ! recteur et l'essayeur apposeront chacun leur ca-; chet. Le commissaire du roi sera tenu d'envoyer, ! dans huit jours au plus tard, ce paquet au dépôt de la commission générale dès monnaies, avec une éxpédition du procès-verbal de délivrance,
Art. 9.
« Toutes les fois qu'une des pièces essayées sera rapportée au-dessous du titre fixé par la loi, on l'essaiera de nouveau; si, par le résultat du second essai, elle se trouve au titre, toutes les espèces seront délivrées au directeur, mais le procès-verbal fera mention des deux rapports de l'essayei^r.
Art. 10.
« S'il arrive, au contraire, que le bas titre reconnu par le premier essai, soit confirmé par le second, la totalité des espèces sera refondue en présence du commissaire du roi et de l'essayeur, aux dépens du directeur, qui payera les frais du monnayage. 11 sera dressé proces-verbal de toutes ces opérations.
Art. 11.
« Lorsque plusieurs des pièces essayées se seront trouvées auTflessous du titre fixé par la loi, ; fous les. essais seront recommences ; et si, par le résultat de ce? nouvelles opérations, il se trouve une seule pièce qui soit encore au-dessous du titre, légal, la totalité des espèces sera, pareillement refondue aux dépens du directeur, ainsi que le prescrit l'article précédent.
Art. 12.
« Lors de lja rédaction du procès-verbal, dans lequel il sera fait, mention que les pièces essayées n'ont pas été trouvées au titre, et( que la refonte en a été ordonnée, le directeur pourra requérir que les portions restantes des espèces qui auraient été soumises aux essais, soient renfermées dans un paquet cacheté avec son cachet et ceux de lfessayeur et du commissaire du roù et et. que ce paquet soit envoyé par ce dernier à la commission des monnaies.
Art. 13.
« Le directeur pourra requérir la commission des monnaies de faire procéder à un nouvel essai dés portions d'espèces énoncées en l'article précédent ; et si, par le résultat de ce nouvel essai, elles se trouvent au titre légal, l'essayeur sera tenu d'indemnisert le directeur desfrais, de fonte et de monnayage auxquels son erreur aura donné lieu.
TITRE V.
De la vérification du travail de la fabrication.
Art. ler.
« Les espèces qui serviront â la vérification ordonnée par l'article 9 de la loi du.10 avril 1791 seront toutes prises dans la circulation; la corn-
mission prendra, pour se les procurer, les sures qu'elle jugera convenables.
Art. 2.
« Elle fera procéder à i'essai desdites pièces par deux essayeurs qu'elle choisira, et qui opéreront séparément.
Art. 3.
« Pour le jugement du travail de chaque Monnaie, il sera essayé quatre pièces de chaque nature d'espèces d'or et d'argent, fabriquées pendant le cours du semestre. La commission preri-dra les précautions qu'elle croira nécessaires pbur empêcher que les essayeurs ne connaissent à quelle Monnaie appartiendront les espèces dont ils vérifieront le titre-T les prises d'essais ne leur seront conséquemment t-emises qu'après avoir été diffoirnées.
Art. 4.
« Lorsque le petit volume des espèces ne poùrra suffire à deux prises d'essais, on prendra huit pièces au lieu de quatre, afin que les essayeurs puissent faire chacun leurs quatre essais; et chaque prise d'essai sera, autant que faire se pourra, formée de parties égaleé de deux des-ditès pièces.
Art. 5.
« Avant de procéder aux prises d'essais, toutes les pièces rassemblées pour servir1 de baises au jugement du travail de fa fabrication, seront,! don-formément à l'article 1*2 de la loi dn 10 avril F791, soumises à l'examen du graveur général, à F effet de vérifier s'il ne s'en trouve' pas de fausses ou contrefaites; elles seront ensuite* pesées en sa présence; et s'il s'en rencontre qui soient drune légèreté remarquable, il sera interpellé de les examiner de nouveau1 et de déclarer si la faiblesse de leurs poids provient, on nony du frottement qu'elles ont éprouvé dans la circulation.
Art. 6.
« fie titre de;chadUne des pièces soumises à l'essai sera déterminé définitivement par le rapport des deux essayeurs'* lorsque leé résultats des deux essais seront uniformes, soit qu'il soit inférieur au titre légal.
Art. 7.
« Lorsque sur l'une des pièces soumises à? l'essai, le rapport des deux essayeurs ne sera pas uniforme, il sera! procédé par tel essayeur qui sera choisi par la'commission, à un troisième essai ;: cet essayeur opérera'en l'absence des deux autres, et on prendra les mesures convenables pour empêcher cru'i^n'ait connaissance des résultats! des premiers essais.
Art. 8.
« Le'titre de la piè. e soumise à un troisième essai, eU exécution de l'article préiédent, demeurera fixé conformément au résultat de ce troisième essai* lorsqu'il sera conforme à celui1 de l'un des deuï essais qui l'auront précédé.
Art. 9.
« Si le troisième rapport diffère de deux premiers, les trois titres résultant des trois essais seront réunis, et il en sera* fait un titre commun. Le titre de^â1 pièéë qui aurà été soumise à' ce troisième essai demeurera1 conformément à ce titre commun.
Art. 10.
« Tout ce qui est arrêté par lës articles 7,8 et 9, sera observé, soit que par le résultat de différents essais, ou de l'un d'eux seulement, la pièce essayée ait été rapportée à Un titre inférieur, au titre légal, soit qu'elle ait été trouvée dans les limites déterminéès jïar là_loi.'
Art. 11.
Si les rapports des deux premiers essayèurs varient sur toutes ou plusieurs des pièêëS sodomises à l'essai, il sera procédé à urt troisième essai de chacune deS piècës sur lesquelles ils n'aurdnt pas dofmë lui rapport uniforme* et le titre de chacune des piècëô ëoùtiiièes à ce troisième essai sera déterminé eOrifortoément aux drtièlés précédents.
Art. 12.
« Lorsque le titré de chacune des pièces essayées aura été déterminé définitivement éui-Van't lës règles prescrites par les articlès pré-Cé'dêntâ,' les titres dès Quatre pièces èssayéé3 séront'réunis; il én séira formé un titre commun.
Art. 13.
« La totalité de la fabrication dë chaque nature d'espèces sera jugée conformément audit titre commun-, Ce qui aura lieu dans tous leS! cas ét ,sané aucune exception, soit que tôù'tèé' lés pièces essayées soient trouvéës dans l'és limités dfeterminéés par là lbf, ibif qu'elles se trouvènt toutes à un1 titre inférieur au litre légal, soft enfin que partie Seulement d'esdites pièces se trouvé au-dèssous du titre l'égal.
Art. 14.
« Les directeurs seront tenus de compter dé l'emploi des matière^ par eux reçues, sur le pied du titre auquel aura été jugée la totalité des: espèces par èUx fabriquées.
Art. 15.
« Lés directeurs dont lie travail aura été jugé à' utf titre inférieur aU titre détèrnliné par la1 loi1, seront condamnés én des arriendes dont IV montant sera déterminé par nombre des marcs' (fti'ils auront fabriqués1, et par la quantité des1 32™ dé carat ou des'24es de denier dont léuV fabrication aura été jugée inférieure air titre légal ; et' cej suivant lës proportions ci-après :
« Pour 1/3? et au-dessus, jusqu'à 2/32 exclusivement, ils seront condamnés en uiie amende de lu SouS paç matfc.
« Pôdr 2/32 et au-dessri&, jusqu'à 3/32 excïu-siVfeïnënt, ils seront condamnés à une aMènâô de 25'sous par marc.
« Pour 3/32, ils seront condamnés àuné amèndè de 40 sou s par marc.
« Au-dessous de 1/32, l'amende sera de 10 sous par 3 marcs.
« Le directeur sera réVogué lorsque ,son travail aura é'tfé jup p-lds dé 3/32 au-dessous dtt titré légal.
Pour un demi 24 dë denier, jusqu'à 1/24' exclusivement, l'amende ^a fixée à- 1 sbu par marc.
« Pour l/24! dë dénier, jusqu'à 1/241 et demi ex'CltïsiVëmërit;/elle sera dë-21 s- 6:'d:' jjai'.iharcf'
« Pour 1/24' ët dècni, let! directeUi'' sëtà1 doir-datoné à une amende de 4 sôus par marc.
« Au-dessous' cHUti' démi 24b, l'amende sera' d'utt soU pouf 3 marcs.
« Le directeur dont le travail aura été jugé inférieur au titre fixé par la loi, de plus de 1/24 et demi, sera révoqué.
Art.. 16.
« La révocation aura lieu pareillement contre les directeurs : 1° lorsque leur trayail aura été jugé 2 fois dans l'espace de 5 années, inférieur au titre légal de 3/32 ou de 1/24 et demi; 2® lorsque dans le même espace de temps leur travail aura été jugé 3 fois inférieur audit titre légal de 2/32 ou de 1/24.
« En aucun cas, l'amende ne pourra être prononcée concurremment avec la révocation.
« Les directeurs seront tenus de payer lesdites amendes 3 mois après la signification qui leur aura été faite desdites condamnations; et faute de payement desdites amendes, ils seront de plein droit révoqués.
Art. 17.
« A l'égard de l'essayeur, lorsque le travail aura été jugé inférieur au titre légal de 1/32® de carat, ou de 1/24 de denier, il sera condamné à une amende équivalente au sixième de son traitement; elle sera portée au quart, en cas de récidive dans l'espace de 5 années. Lorsque le travail aura été jugé inférieur au titre légal de 2 ou 3/42 de carat, et de 1/24 ou de 1/24 et demi de denier, l'essayeur sera condamné à une amende équivalente au quart de son traitement. En cas de récidive dans l'espace de 5 années, elle sera portée à la moitié de son traitement; et si, dans le même espace de temps, la contravention se renouvelle 3 fois, il sera révoqué
« La révocation aura lieu contre l'essayeur, dès la première fois, si le travail est jugé inférieur de plus de trois 32®B, ou de plus d'un 24® et demi au titre légal.
Art. 18.
« L'essayeur pourra requérir la commission des monnaies de faire procéder, pour la justification, à l'essai des peuilles ou portions d'espèces qui, en exécution de l'article 8 du chapitre l®r, lui auront été envoyées par le commissaire du roi, avec les procès-verbaux de chaque délivrance. La commission se fera représenter toutes ces peuilles : elle en prendra quatre au hasard, à l'essai desquelles elle fera procéder, en sa présence, par deux essayeurs qui opéreront séparément. Si les résultais de leurs rapports donnent un titre uniforme, ou produisent un titre commun qui ne soit pas inférieur à celui que la loi aura fixé, l'essayeur sera déchargé des condamnations prononcées contre lui : elles seront, au contraire, confirmées, si une seule de ces peuilles est rapportée par l'un des essayeurs à un titre au-dessous de celui qui aura été déterminé par la loi.
Art. 19.
« Si, par le résultat de l'examen auquel les espèces rassemblées pour servir au jugement de revision, seront soumises en exécution de l'article 5, le graveur général déclare que le faiblage de poids de plusieurs de ces espècês ne provient pas du frottement qu'elles ont éprouvé dans la circulation, ou que ce frottement n'a; influé que partiellement sur ce faiblage, en sorte qu'il, paraisse notoire qu'elles n'avaient pas le poids requis par la loi lorsqu'elles ont été délivrées au directeur, le commissaire du roi, qui aura procédé à leur délivrance, sera averti d'ap-
porter, à l'avenir, plus d'attention dans l'exercice de ses fonctions. Si cette contravention se renouvelle une seconde fois dans l'espace de 5 années, il sera suspendu de ses fonctions pendant 3 mois, et pendant ce même temps privé de son traitement. Si, dans le même espace de 5 années, il tombe trois fois dans la même contravention, il sera révoqué à la troisième fois.
Art. 20.
« U sera dressé procès-verbal de toutes les opérations auxquelles la vérification du travail de la fabrication donnera lieu ; le garde des dépôts sera tenu d'en délivrer une expédition à la personne qui sera chargée des détails de la comptabilité des directeurs des monnaies, et de suivre la Tentrée de leurs débets. Il fera de plus parvenir, dans le plus court délai possible, à chacun de ces directeurs, un extrait dudit procès-verbal, contenant l'article du jugement de leur travail, afin qu'ils aient à s'y conformer. »
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, vous avez décrété au commencement de cette séance que vous vous occuperiez à midi d'une motion proposée par M. Goupil-Préfeln, ainsi que de celles qui ont été faites par d'autres membres, relativement à Vaffaire d'Avignon. (Oui! oui!)
(La discussion est ouverte sur cet objet.)
Dans la discussion qui eut lieu hier au sujet de l'affaire d'Avignon, vous n'avez sûrement pas oublié que quelques honorables membres, en très petit nombre, ont montré un désir très vif et bien empressé de saisir cette occasion, afin d'éteindre pour toujours les droits de la nation française sur Avignon et le Comtat Venaissin. Vous savez aussi, Messieurs, et c'est avec confiance que j'interpelle sur cela le senti" ment de vos consciences, que cette vue, injuste et j'ose dire impatriotique, vous ne l'avez pas adoptée. Il ne faut donc pas que l'on puisse abuser, pour aller ainsi contre vos vues, du décret que vous avez rendu hier. Il est donc important, il est indispensable de fixer la véritable nature de ce décret. Est-ce un jugement, est-ce un décret* est-ce une simple résolution? Voilà ce que vous avez à décider. (Rires à droite.) Ce ne peut pas être un traité; la chose est évidente et parle d'elle-même. Un traité est une convention ; personne ne fait une convention avec lui-même. Pour faire un traité, pour faire une convention, il faut être deux, et il n'y avait ici personne de la part du pape. Ce n'est pas un jugement; parce que pour un jugement il faut être trois, un juge et deux parties, dont une demande le jugement, et l'autre, si elle n'a pas été présentée, a du moins été ajournée. Je vais droit au but par rapport au jugement. C'est une maxime simple, qui est reçue dans le droit public, que la chose jugée doit passer pour la vérité même, et ne doit plus être mise en question. Quant aux conventions, la grande règle de justice, en cette matière, c'est qu'elles soient, dans leur formation, volontaires; mais qu'une fois valablement faites, l'exécution en devient nécessaire. Il n'en est pas de même d'uue résolution. Permettez-moi, Messieurs, de rendre ceci sensible par une comparaison frappante.
Je crois avoir des droits à la charge d'un de nos concitoyens ; j'examine ces droits par moi-même; j'interroge sur cela les lumières des jurisconsultes, sous les yeux desquels je mets les actes, les do-
cumeols qui déterminent la loi. Le résultat dé l'examen que j'ai fait et que je fais faire est que je suis persuadé que je me crois mal fondé à attenter à cette propriété. En conséquence, je me détermine à ne point intenter d'action. Voilà une résolution ; mais quelqu'un plus instruit que moi me découvre 6 mois, un an apitès, que j'ai un moyen très solide, très fondé, et que ma prétention est juste. Je la fais examiner de nouveau ; j'intente cette action ; pourra-t-on opposer comme tin de non-reûevoir à l'action que j'ai intentée, que j'avais pris Uiie résolution ? Non, ma résolution m'appartient en propre; elle ne concerne que moi. Permettez-moi, Messieurs, de proposer à votre justice et à votre patriotisme une dernière observation. ^ , ; - i éùï
Vous voyez combien le roi, justement attentif à la conservation des droits de la monarchie, met d'intérêt et de sollicitude à cette question importante. Il a compris qu'il était de son patriotisme, de son office royal, de l'intérêt qu'il doit au droit légitime de la nation, de recevoir et de vous faire donner communication par son ministre, de la lettre des officiers municipaux d'Avignon. Je ne prétends pas, Messieurs, rentrer dans le fond de la discussion. Je n'irai point réfuter un opinant qui vous a dit que, par le traité de Pise, tout a été éteint; comme si nous ne savions pas que, depuis le traité de Pise; Louis XIV qui l'avait lait, exerça des droits en 1688. J'ai l'honneur de vous proposer la déclaration suivante.
. « L'Assemblée nationale décrète que son décret du jour d'hier 24 de ce mois, concernant la ville d'Avignon et le Gomtat Venaissin, n'a et ne peut avoir que la valeur d'une résolution actuelle, par laquelle il n'a été et n'a pu êtrè en rien préjudicié aux droits de la nation française sur la ville d'Avignon et sur le Gomtat Venaissin, lesquels droits demeurent en tout leur entier, tels qu'il étaient avant ledit décret. »
Je ne m'éloigne pas du principe du préopinant, mais je n'en tire pas la même conclusion. Je vais avoir l'honneur de vous soumettre un projet de décret fort court, que je vais motiver par quelques raisons très courtes. L'affaire d'Avignon a été soumise à votre délibération, et vous a coûté plus de temps que Vous n'en auriez employé aux intérêts de la France.. Cependant, quel est le résultat de ces discussions : ce sont deux mesures négatives, c'est-à-dire rien. Car tous les deux appels nominaux ont rejeté les deux projets de décrets proposés; l'on n'en a pas mis d'autre à la place; donc lè résultat est purement et simplement zéro. (Applaudissements à gauche ; rires à droite.) Je le répète, vous n'avez fait jusqu'à présent que rejeter ce qui vous a été proposé et rien autre chose. Un mal, et un mal malheureusement contagieux, existe dans cette province, il faut donc y porter remède. On ne rémédie pas avec des mesures négatives à un mal existant; il faut des mesures positives. Il y avait une façon d'y rémédier, c'était de vous emparer de l'Etat d'Avignon. (Rires à droite.):.. Messieurs, je ne suis dans ce moment qu'historien.
Messieurs, on devrait intituler le décret d'hier : projet de contre-révolution.
Cette manière d'apaiser les troubles, vous l'avez rejetée, il faut donc en prendre une autre. Voici celle que je propose :
« L'Assemblée nationale charge son président de prier le roi :
« 1° De réclamer tous les Français qui ont pris parti dans l'une ou l'autre dé"s deux armées, et dé faire à cet effet une proclamation qui fixe un délai et assure une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et qui déclare déserteurs à l'étranger ceux qui ne rentreraient pas; »... »
Voilà pour éteindre une bonne partie du feu.
« 2° D'employer les forces qui sont en son pouvoir, pour empêcher que les troupes, qui se font la guerre dans le Comtat Venaissin, fassent aucune irruption sur le territoire de France ;...»
u me pafaît que c'est une bonne précaution à prendre.
« 3° De faire poursuivre et punir comme era-baucheur tout homme qui ferait en France des remues, soit pour un parti, soit pour l'autre;...» (Applaudissements à droite.)
Ces trois mesures-là, "Messieurs, me paraissent incontestables. Sur la quatrième, je pense de même ; toutefois il^ peut y avoir dissentiment. Je la soumets à vos lumières ; la voici :
» 4° D'envoyer des médiateurs qui interposent les bons; offices,de la, France entre les Avignonais et les Comtadins, et fassent leurs efforts pour les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur. (Murmures à droite.)
Monsieur le Président, je demande 1a. parole.
M. Garât l'aîné doit l'avoir avant vous.
Je propose d'ajouter, si l'on veut, au dernier paragraphe de ma motion après les mots : « avant de prendre aucun parti ultérieur », ceux-ci : « relativement aux droits de la France sur ces pays ». (Applaudissements.)... Boni (Rires à droite.)
Je ne veux pas prendre la parole à M. Garat, Monsieur le Président, puisque vous m'avez dit qu'elle était à lui avant mui; mais je demande à observer qu'il faudrait mettre de l'ordre dans la discussion pour pouvoir parvenir plus tôt à un résultat.
Deux propositions très distinctes ont été faites; l'une par M. Goupil-Préfeln, l'autre par M. de Tracy. M. de Tracy propose dès mesures ; M. Goupil,au contraire, propose avant toute mesure, une déclaration qu'il est important d'admettre ou de rejeter tout ae suite, et je crois que si l'Assemblée nationale réfléchit un moment sur cette déclaration de M. Goupil, il ne se rencontrera d'opposition que chez ceux qui veulent absolument que l'Assemblée nationale se perde à jamais de réputation. (Applaudissements à gauche etdans les tribunes. — Rires à droite.)... Les ennemis de notre Révolution et de notre Constitution...
, l'aîné. M. de Lameth entre dans le fond de la question en demandant la parole sur une question d'ordre, et il y entre d'une manière trompeuse.
Monsieur le Président, vous êtes juge et certainement juge impartial...
, l'aîné. M. le Président n'est point juge.
Monsieur le Président, vous êtes juge si un orateur s'écarte delà question ; si je m'en écarte, c'es|t à vous à me rappeler à l'ordre.
Je n'entrerai pas dans la discussion du fond de la question actuelle ni dans celle de la réunion dr Avignon. Je soumettrai seulement à l'Assemblée nationale mes sentiments et mon ppi-nion sur la motion de M. Goupil, qni est une motion d'ordre, et je prouverai qu'il é^ in}possible, sans vouloir perdre ^Bri temps etsaps que l'Assembléenatidnalê se fasse tOrt d'éjicMy^trer les pPOposilions et de ne pa£/ fii'jre droit à celle-là. (Murmures à dxoïfe.) Je repçen.ds mon opinjôii et 'je prie 'M. lé président de ine protéger contre les clameurs. "'
Je dis, Messieurs, que les perfides ennerpis de notre Révolution et de notre Constïtutjoii triomphent... (Murmuras à dfoité.Jet iMi que je les nomme, je lés nommerai. (Â (trMtç 'Qpl^W, nommez-les 1}
M. de Lameth demande, la parole pour une question d'ordre. L'objet de sa proposition est de prouver la riêcéssité de délibérer séparément sur les mesures de précaution présentées par M. dé Tracy et sur la motipn t? M. de Préfeln adoptée par M. de Tracy ou à peu prés. M. de Làméth né'dqit pas être ipterromnu.
Je demande, Monsieur le Président, que l'on interprète les deux délibérations que l'Asçembjée nationale a prises relativement au Comtat et relativement à la ville et au territoire d'Avignon. Nous devons sans doute du respect aux décrets dé l'Aséembiee nationale, même quand ils ne sont rendus qu'à la majorité de 20 voix ; c'est ce respect profond qui m'oblige à me taire. Mais je dis que le décret rendu nier n'a rien statué sur lés droits de la nation française sur lé Gomtat et Ayigjnon. Un membre de l'Assemblée me disait que l'AcSemblée nationale ferait un jour regretter le Parlement; que, par son décret antérieur à celui cf'nièr; elle semblait avoir abandonné se§t droits sur AvJgnon et le Comtat; et que, par conséquent, u av^it raison de dire què l'Assemblée nationale, avant fin de la session ferait regretter à la natioq les Parlements qui à chaque commencement de régne, ne manquaient pas de protester des droits de la France sur ce pays,. (Muvmy>rej à cfroïfeJ)
Voilà ce qui m'a éie dit. Or, i] est imppssible qu'il entre dans lé cçeur d'un représentant de l,a nation d'abandonner ces droits què des simulacres, d>utQ:rit^ ^ soflt fait un devoir djè, çpnsçrv^r; il ne peut pas y avoir un, bop citoyen qui puisse le faire:
le demande donc, que la déclaration de M. Goupil soit d'abord délibérée, et Ensuite, suivait le résultat de cjélibération, nous avisions ë,u njoyen d'arrêter le fléau de la guerre civile!
J'ai l'honneur d'observer que le projet de M. dè Tracy porte très distinctement les deux mesures dont parle M. de Lameth : une mesura pour rétablir l'ordre et la paix dans le Comtat; une autre pouri garder les droits préar labiés que la France pourrait avoir sur Avignon; Ainsi il n'y a aucun inconvénient à discuter le projet de M. de Tracy, bien que je trouve inutile les réserves con tenues dans les deux motions qui vous ont été faites. (Murmures à gauche.} Je ne crois pas — il serait par trop absurde, de le çrojre — que l'intention dé l'Assemblée nationale ait
été de renoncer aux droits, bons ou mauvais, qu'elle peut avoir sur Avignon, et sur lesquels , on n'a pas provoqué sa délibération. Son but a été de déclarer formellement qu'el|e ne voulait i point profiter de l'offre du peuple avignonais pour la réunion à la France, et que les choses resteraient dans le'statu quo, afin de conserver les droits a]u§ pation française pourrait avoir sur cé p$vs : je suis persuadé qull n'est dans l'inÇen-tiçn a§ personne d'y renoncer.
Messieurs, p§r cette foule de discussions, la question; est visjblement éclaircie. M (je Tracy a fort bien dëyeloppé comment deijx propositions négatives né sont qu'une négation : par conséquent, yous n'ayez rien prononcé (Rires ironiques à droite)..,... J'observe ensuite' qu'après n'avoir rien prononpé, rÀ^semblée nationale se prépare à prononcer quelque chose. J'observe en troisième Jiep, comme l a treis bien fait M. de Cazalès et comme l'a observé M. de Larheth, ce en quoi ils sont l'un et l'autre d'accord, qu'aucun membre çle l'Assemblée n'a prétendu (n'y ayant aucune nécessité, après l'usage de nos lois, après Içs droits constamment réclamés p^r les rpis, par le? pàf|ëments, par tous les corps qui ont été à rhêmè d'émettre un vœu à cei égara), qu'aucun membre dé cette Àssemr blé?, dis-je, n'a prétendu sacrifier les droits que là bation française peut avoir sur Avignon et sur lé Gomtat Venaissin. (Murmures à droite.) '
jWéervé après cela, voyant que toutes les opinions se réunissent à ççlie-1^,, que d#ns les deux projets qui nous ont été présentés il y a une disposition sémblaBleièt que le quatrième article de M. dé Tracy n'est autre phose que la motion de M. Goupil*
Je demande donc 1$ priorité pour l'avis de M. de Tracy, et, je demande, en outre : 1° que si cétye priorité passe, le, décret soit admis en entier ; 2° que, èi l'Assemblée ne trouve pa^s ' à propos d'admettre en entier le projet de M. de Tracy et qu'elle veuille le discuter article par arljclej celui qu'il a annoncé pour article quatrième soit mis aux voix le premiejr?
Je renonce à mon projet et j'appuie pour m4 part la priorité pour le décret ae M. de Tr^cy. (Applaudissements.)'
Plusieurs membres demandent que la discussion soit ferméer sur la motion d'ordre.
On at taque deux décrets de PAssenâbjl^el.3 (iVW, non l la discussion fermée
. nous voulons les défendre. Vous avez rêve cèVté nuit, Messieurs, (Murmiires
Fermez la discussion, Monsieur le Président!
(L'assemblée, consultée, ferme la discussion sur la motion d'ordre.)
Il n'y a, plus de priorité à demander, puisque M.' Goupil adopte le projet de M. de Tracy; il s'agit donc d'ouvrir la discussion sur ce dernier projet.
J'en demande pardon à M. de Cazalès, il y a encore une priorité à demander;' car il est eneore question d,e savoir si on ira d'abord aux voix sur le quatrième article du prq-jet de M. de Tracy ; pour ma part, il me semble
qu'il est impossible de s'y refuser. Il est très évident que non seulement le décret d'hier mais encore le décret antérieur n'ont pas compromis les droits que nous avons sur Avignon et sur le Comtat Vepajssin; et à cet égard, je suis fâché que M. Goupil ait abandonné sa rédaction, car il faudra y revenir. Quant aux dispositions proposées par M. de Tracy, je suis étonné qu'elles souffrent quelques difficultés dans l'Assemblée, car, lors des premières discussions qui ont eu lieu sur cette matière, M. l'abbé Maury, iui-mêfpe, pous les avait demandées.
Ces dispositions ont pour objet de réclamer les déserteurs avec une amnistie, de veiller à ce que les brigands qui dévastent lg Comtat ne pillent pa$ aussi DQ9 frontières...
Personne ne contredit pela.
enfin de décider l'envoi de commissaires conciliateurs. Voilà dqpjç 3 dispositions qui ont été réclamées par toutes les parties de l'Assemblée.
Je demande donc qu'on jiïjïè d'abord au$ voix sur le quatrième article 4e M. de Tracy, et ensuite sur lès autres dispositions de son projet de décret, dispositions qui ne peuvent point faire" dé difficultés, puisque nous avons tous paru d'ac-cprd à leur endroit.
Il y aurait peut-être une m^r nière de réunir les esprits, car vous êtes tous de bonne foi, jé pense. Lés 2 décrets que nous avons rendus ont été provoqués, par la demande de la ville d'Avignon ét du Comtat. Nous avons déclaré que nous ne voulions pas accepter la réunion proposée par les Avignonais; mais je ne pense pas que personne ait voulu éteindre les droit?, antérieurs, dg la France, cari! ne sera pas sensé de proposer à un corps déJjbéra.nt, renoncer à des droits que personne ne lui çopteste, A quel propos renoncerions-nous à des droits bons ou mauvais, sans y être provoqués p^r un intérêt pàrtïçtilieï'?
Je crois, dès lors, qu'il serait façilè ^et j'en fais la motion — de maintenir textuellement les 2 déçrejsantérieurement rendus par l'Assemblée, êti y ajoutant cette réserye : « sans prétendre rien'préjuger relativement aux droits, antérieurs de la nation française sur la ville d'Avignon et le Goûtât Vepa^in ». On pourrait ensuite adopter les tro,iS( Mesures proposées. pa,r M. de Tracy pour rétablir la tranquillité dans le Comtat,
Il me semble que,, de cette manière, on pourrait réunir tous les gommes d,e bonue, foi.
Rien n'est plus aisé mie de se réunir, si on veut sincèrement s'entendre et. pe. point se tendre, de pièges. Je demande premièrement que V03 deux décrets rendus suc appel nominal les 4 et 24 de ce mois soient re-. làtés, en entier; je demande ensuite que ljes trois premiers articles du projet de M. de Tracy soient adoptés..
Mais, Messieurs, toutes les digressions que. l'on fait sur des dénonciations què personne ne vous demande sont visiblement superflues...,(4 gauche : Nçiq.1, non !) Premièrement, tout le monde avouera sans doute qu'il ne doit' plus être question; de proposer des amendements à des décrets rendus : En second lieu, nous ne sommes pas ici dans un congrès; poqs ne traitons pas par ambassadeurs ; il ne s'agit ni de renonciation, ni de réserve ; nous ne vous, de-
mandons aucune renonciation ; mais ce que nous vous demandons, c'est de vous prémunir contre des clauses qui neutraliseraient vos décrets du 4 et du 24 de ce mois.
En adoptant la motion qui vous est faite, vous laissez une pierre d'attente aux insurgés d'Avignon; vous allumez le feu de la discorde dans ce pays-là (Murmures). Mais, Messieurs, si nous sommes réduits à npter, nous aimons mieux nous en tenir à vos deux décrets rendus sur appel nominal et qui sont irrévocables (Murmures).^
M. de Toulongeon. L'Assemblée n'est pas dans l'usage d'iqfirmer ou de confirmer ses décrets; nou? approuvons la motion de M. Tracy et nous demandons que son quatrième article devienne le premier.: ,
Il faut que la minorité obéisse à la majorité : nous avons payé ce principe assez cher. J1 faut que nos adversaires prennent leur mal en patience ; nous ne pouvons adopter aucune mesure qui tendrait à révoquer deux décrets que vous avez pendus et qui, quoi qu'en dise M. Rabaud, ont prononcé quelque chose. (Bruit à gauche. — Aux voix ! aux voix!)... Augmentez, s'il le faïut, la.liste civiie du souverain de la Terrasse des Feuillants, nous ne changerons pas d'ayif.
A gauche : Ni nous, non plus.
Vous ne pouvez plus à présent, Messieurs, vous dissimuler quelle est la véritable intention du préapiaant. Il suffira, Messieurs, pour vous donner la juste mesure de sa logique dans cette affaire, de le rapprocher de? lui-même. C'est dans cette tribune qu'il vous a dit solennellement et qu'il a tant raisonné pour vous prouver que l'Assemblée nationale ne pouvait pas être juge dans sa. propre cause* c'est dans cette tribune qu'il vous a dit qu'en vain l'Assemblée nationale décréterait des droits bien ou mal fondés sur Avignon ; que le pape avait, un droit éga,l à celui qu'exerce en ce moment l'Assemblée nationale ; et que le pape décrétant à Rome dans le consistoire, et l'Assemblée nationale. décrétant dans cette salle, il n'y aurait que la force qui pourrait mettre d'accord les deux parties intéressées. Voilà quelle a été sa logique.
Je le demandp, Messieurs, à tous ceux qui, de bonne foi, se rappelleront ce raisonnement tant de fois reproduit et par le préopinant et parcëux qui ont opiné, comme, lui : à quoi tout cela se réduit-il? Et je les prie en même temps de rapprocher un instant ce. qu'il vous, propose aujourd'hui. Il a donc voulu nous réduire à ia condition d'un parti qui avait tort de stipuler ses intérêts.
Eh bien ! Messieurs, puisque nous sommes réduits, à combattre M, l'abbé Maury par ses propres armes, je lui demanderai à lui-même quelle règle de bon sens bu cle politique peut défendre à une partie de stipuler aes réserves aux fins de stipuler ses droits. Voilà ce que. j'oppose au préopinant.
Vqus; avez fait.une déclaration; vous n'avez pas eu égard à cela... (Allons dpnç ! Taisez?vpuS;! — A Tordre ! à Vordr-e!),
D'après cela, il est trop évident que, quoique le pape ne fût pas- au milieu de vous pour défendre, qe que le préopinant,ap-
pelle ses droits, le préopinant néanmoins entend que les décrets rendus préjugent les droits qu'il a défendus pour le pape...
, Non, je n'entends rien de cela.
Eh bienl Messieurs, je crois que je partage avec plusieurs membres ae cette Assemblée l'opinion que des décrets négatifs ne préjugent rien ; et, pour lever toute équivoque; ce qui est d'autant plus nécessaire désormais que vous voyez que l'on aime mieux voir le pays d'Avignon s'abîmer sous ses ruines que d'adopter des mesures provisoires en y joignant un correctif de précaution que nous croyons indispensable, je crois, par cette raisori-là même, qu'il est plus indispensable que jamais de déclarer, quels que soient les droits, quelles que soient les prétentions de la France, quelles que soient les prétentions du pape et de ses adhérents, de déclarer, dis-je, la réserve la plus solennelle, avant qu'aucune espèce de discussion puisse s'engager. ( Vifs applaudissements à gauche.)
Je propose donc de faire la déclaration la plus solennelle sur l'explication qu'on pourrait donner aux décrets des 4 et 24 de ce mois qu'on invoque sans cesse pour atténuer les droits de la France. gauche : Aux voix! aux voix 1}
Je fais la proposition de décréter simultanément les quatre articles de M. de Traey, en plaçant le dernier article le premier. Mettez cela aux voix, Monsieur le Président. (A gauche : Oui 1 oui! aux voix ! aux voixl).
Je demanderais à observer à l'Assemblée que ma motion n'est pas la mêmex que celle de M. de Traey, parce que la motion" que j'ai faite tend à ne pas contrarier les décrets que vous avez rendus. Je crois qu'il importe à l'Assemblée nationale de 163 conserver. (Murmures.) Ma motion tend seulement à déclarer que ces décrets n'ont pas préjugé les droits que la nation française... (A gauche : Non! non!) pourrait avoir sur Avignon et le Comtat. Et je crois que c'est là où doit se réduire la motion de M. de Traey pour que l'Assemblée nationale ne contrarie pas ses propres décrets et qu'elle agisse de bonne foi avec elle-même.
Ainsi je demande que ma motion soit mise aux voix plutôt que celle de M. de Traey.
A gauche : La question préalable 1
Il y a deux propositions faites...
interrompt.
, s'adressant à M. Vabbé Maury. Voulez-vous m'interrompre sur ce que je dis ?
Oui, Monsieur; on vous propose de faire de cette Assemblée le Ghàtelet dju club des Jacobins. (Murmures à gauche.)
A gauche : A l'ordre ! à l'Abbaye !
Monsieur l'abbé, vous avez donc juré de nous faire perdre notre temps 1
Je reprends l'exposé de la délibération. Deux propositions ont été faites;
M. de Cazalès observe que sa rédaction n'est pas précisément la même que celle de M. de Traey. Or, quelle que soit la différence des propositions, quand une fois on délibérera, l'Assemblée adoptera célle qui lui paraîtra le plus lui convenir. Je mets donc aux voix la motion qui a été faite de placer comme article premier le quatrième article du projet de M. de Traey.
Je demande, Monsieur le Président, que vous mettiez aux voix lés articles de M. de Traey simultanément, comme l'a proposé M. d'André.
En adoptant la motion de M. d'André ou celle de M. de Cazalès, quelle que soit la manière dont l'Assemblée réserve les droits de la nation, elle aura toujours la faculté de les prononcer.
Je crois toujours devoir proposer à l'Assemblée de délibérer en général sur la proposition de M. de Traey et de transporter le quatrième article à la place du premier. (Aux voix! aux voix!)
(L'Assemblée, consultée, décrète que l'article 4 du projet de décret de M. de Traey sera mis aux voix le premier.)
La proposition de M. d'André consiste à délibérer simultanément sur tout le projet de décret de M. de Traey, en mettant le dernier article le premier. Je demande la priorité pour cette proposition.:(Non! non!)
On me dit que M. d'André a dit le mot simultanément. Je déclare que je ne l'ai point entendu et j'interpelle M. d'André de le déclarer.
Oui, Monsieur le Président, j'ai dit simultanément. Je l'ai répété deux fois parce que c'était mon intention.
Je repète donc l'épreuve pour savoir si l'intention de l'Assemblée est de délibérer simultanément.
Monsieur le Président, il faut au moins nous laisser la faculté de faire des amendements.
Je demande la division. On ne peut pas proposer les amendements sur tout un corps de décret; les amendements ne peuvent se placer qu'article par article, parce qu'il est impossible de délibérer sur tout un projet de décret. Je demande qu'on mette aux voix article par article.
L'interversion est décrétée ; c'était là la chose essentielle; ainsi il est clair que c'est l'article 4 qui devient le premier. Après l'article 4, il y a des amendements à mettre, jnotam-ment celui de l'extradition réciproque dès prisonniers. (Murmures à gauche.) Les autres articles sont peut-être encore susceptibles d'amendement.
Je demande donc, pour accélérer la délibération, la division. (Murmures à gauche.)
Plusieurs voix : Que M. de Traey lise !
L'Assemblée demande la lecture de mon projet de décret ; je vais le lui lire. (Murmures à droite.)
Messieurs, il faut "prendre les décrets...-(A gauche : A l'ordre ! à l'ordre ! )
, lisant : « L'Assemblée nationale charge son Président de prier le roi :
« 1° D'envoyer des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre lés Avignonais et les Comtadins et fassent leurs efforts pour les amener à la cessation de toute.hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur relativement aux droits de la France sur ces pays »....
Monsieur le Président, c'est précisément...
A gauche : Laissez donc lire!
A droite : Ce décret-là détruit celui d'hier.
Monsieur le Président] fai remis sur le bureau une rédaction que je propose de substituer à l'article que M. de Tracy vient de lire; je vous prie d'en donner lecture.
fait donner lecture de cette rédaction par un de MM. les secrétaires ; elle est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale déclaré que ses décrets du 4 mai et du jour d'hier, n'ont rien préjugé sur les droits de la nation française sur la ville d'Avignon et le Comté Venaissin ; lesquels droits demeurent en leur entier, tels qu'ils étaient avant les décrets. »
J'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée que toutes les rédactions proposées sont entièrement destructives des décrets que vous avez rendus (Murmures.) ; elles changent en ajournement deux décrets définitifs. (Murmures.)
Vous avez décrété, et toute la majorité l'a voulu, que vous ne profiteriez pas de l'offre de réunion faite par Avignon et le Gomtat Venaissin; (Murmures.):., que vous-ne faisiez aucun droit à la pétition : voilà ce que vous avez voulu décréter. (Murmures.) Mais ce que la majorité de l'Assemblée n'a pas voulu décréter, c'est qu'elle renonçait aux droits antérieurs dé la nation française sur Avignon et le Comtat Venaissin. (Murmures.)... Je supplie l'Assemblée de m'accorder du silence.
Si vous voulez procéder de bonne foi, à quoi doit se réduire votre explication? Vous n'avez pas voulu abandonner les droits que la France pouvait avoir sur Avignon et le Comtat Venaissin : voilà seulement ce qu'il faut déclarer, car vous ne pouvez pas déclarer autre chose sans changer en ajournement un décret définitif.
Un membre déclare qu'il n'a pu entrer et qu'il n'est entré dans le cœur-d'aucun bon Français, d'avoir voulu, sans y être provoqué, sacrifier et anéantir, par des rejets d'articles tout au plus inconvenants, les droits sacrés et imprescriptibles de la nation, maintenus et consacrés par tous les titres qui étaient en sa puissance. »
J'offre à vous démontrer le vice de la rédaction de M. de Cazalès.
Monsieur le Président, on demandé que la discussion soit fermée et que la priorité soit accordée au projet de M. de Tracy.
A gauche : Elle est décrétée.
A droite ; Non, il y a la proposition de M. de Cazalès.
Celle de M. Démeunier èst là même chose.
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
, l'aîné. Je demande la parole sur la priorité.
La priorité est déjà jugée ; elle est donnée à M. de Tracy.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet de M. de Tracy.)
J'ai un amendement à proposer...
A gauche : Aux voix ! aux ,voix I
Je demande, par amendement, qu'il soit permis à la majorité de l'Assemblée de protester du moins contre la minorité qui détruit tout ce qu'elle fait.
A gauche ; Aux Yoix I aux voix 1
Je vaïsconsulter l'Assemblée pour savoir si M. l'abbé Maury sera entendu.
Il est impossible que l'Assemblée décrète qu'elle n'entendra pas d'amendement.
A gauche: Ce n'est pas celai
Je demande qu'on entende M. l'abbé Maury, sauf à l'envoyer à l'Abbaye, s'il manque au respect dû à l'Assemblée.
L'Assemblée veut bien entendre des amendements, mais non pas des protestations. Ce sont des protestations que M. l'abbé Maury vous propose. (Bruit.)
parle dans le tumulte.
Monsieur le Président, j'é vous prie de dire, à M. l'abbé Maury que l'on a rejeté les projets de décret, mais non pas les droits de la France.
J'invite Monsieur l'abbé Maury à proposer son amendement,
Je propose comme un amendement très direct au premier article de M. de Tracy, d'en écarter tout ce qui affaiblit, tout ce qui anéantit la disposition des précédents décrets. Quel est le prétexte, Messieurs... ? (Agauche : Votre amendement L)
Le voici mon amendement : Quel est le prétexte que l'on vous allègue depuis une heure ? Qn vous a dit que vous éuez obligés de réserver tous les droits et prétentions sur Avignon et le Comtat... (Plusieurs voix : Votre amendement !) et je lé dis d'après M. Démeunier comme d'après votre conscience à tous.
Dès qu'il n'y a eu aucun décret sur le fond, il est inutile que M. l'abbé Maury
vienne nous dire ici que nous allons contre un décret.
Il n'y a eu que des rédactions de rejetées et rien de prononcé sur le fond.
Mon amendement est clair et net ; c'est de retrancher de la fin de l'article de M. de Traey tout ce qui met encore en question la confiscation d'Avignon et du Comtat...
A gauche : Aux voix 1 aux voix 1
Monsieur l'opinant, votre amendement.
Je vous dirai, Monsieur le Président, ce que disait Jean-Jacques Rousseau. (Murmures à gauche.) Ce n'est pas assez de me damner, vous voulez me... (A gauche : Aux voixl aux voix 1 votre amendement!)... Vos clameurs ne m'en imposent pas ; car, avec vos deux décrets à la maip, je suis plus fort que toutes les clameurs. Vous avez déclaré qu'Avignon ne faisait pas partie intégrante de l'Empire français... (Murmures à gauche.) Je maintiens, Messieurs, contre la minorité que vos décrets rendus par appel nominal ont déclaré qu'Avignon et te Comtat n'étaient pas partie intégrante ae l'Empire français... (A gauche : Gela n'est pas vrai ! — A droite : C'est vrai!)
Monsieur le Président, rappelez à l'ordre ceux qui disent que cela n'est pas vrai, ou permettez-nous de nous venger des impertinences.
Votre devoir est de protéger la liberté des opinions contre la licence des clameurs et d'imposer silence aux passions de l'Assemblée.
Le 4 mai vous avez décrété... (A gauche : Votre amendement I)
Messieurs, voici mon amendement; il est conservatoire des deux décrets qui sont anéantis par les dernières lignes du décret de M1, de Traey.
Je vous prie1, Monsieur l'opinant, de fixer votre amendement; après quoi, si l'Assemblée veut en entendre les motifs, vous pourrez les lui exposer.
Mon amendement est de supprimer la dernière ligne du premier article de M. dë Traey qui porte que « le vœu du peuple avignonais sera un préalable nécessaire au jugement que portera l'Assemblée sur la pétition ».
A gauche : Cë-n'est pas cela!;
Je ne trouve nulle part dans le projet de M. Traey Indisposition dont M. l'abbé Maury demande la suppression. La dernière ligne de ce projet est ainsi, conçue :
« Comme un? provisoire nécessaire, avant de prendre un parti ultérieur, relativement aux droits sur ces pays. »w,
Eh bien il Messieurs..,
A gauche : Aux voix I aux voix !
En, voilà assez pour le chapeau !
Monsieur l'abbé Maurv, votre amendement consisterait donc à retrancher les expressions dont je viens de donner lecture?
C'est cela!
L'amendement de M. l'abbé Maury est entendu ; c'est une suppression.
A gauche : La question préalable!
Cette dernière ligne-là anéantit le décret d'hier; je vais vous en donner les motifs. (A gauche : Non! non ! aux voix! aux voix !)
L'amendement de M. l'abbé Maury consiste à retrancher de l'article 1er du projet de M. de Traey ces mots : « comme un provisoire nécessaire avant de prendre un parti ultérieur, relativement aux droits de la France sur ces pays ».
A gauche : La question préalable !
Vous ne pouvez pas empêcher M. l'abbé Maury de motiver son amendement...
A gauche i II y a une heure qu'il le motive.
On a le droit d'empêcher de nous faire perdre notre temps à dépenser l'argent de la nation.
M. l'abbé Maury est à la tribune; il faut l'entendre. Sans quoi* il n'y a pas de liberté de délibération dans cette Assemblée. Au surplus, si ces Messieurs veulent nous violer et emporter le décret de force,, ils n'ont qu'à s'expliquer; mais s'ils veulent délibérer paisiblement, comme ils le doivent, qu'ils écoutent donc M. l'abbé Maury (Bruit)*.. L'article de M. de Traey détruit effectivement le décret rendu hier et le change en un véritable ajournement.
Monsieur le Président, dès que vous' souffrez que M. de Cazalès dise un mot, vous devez bien en souffrir de notre part; nous observerons à M. de Cazalès et à M. l'abbé Maury que l'Assemblée nationale n?a fait jusqu'ici que rejeter des rédactions qui*... (Murmures à droite.)
La question se réduit à ce point simple : M. l'abbé Maury fait Un amende* ment qui consiste à retrancher des expressions dans le projet de décret de M. de Traey, et il demande à le motiver. Il est question de savoir si l'Assemblée veut entendre ces motifs; je mets cette proposition aux voix.
A gauche : Non! non! Ce n'est pa3 cela-, c'est! a> discussion qu'il faut fermer.
La question est de savoir si l'Assemblée veut entendre vingt fois les motifs de M. l'abbé Maury. M. l'abbé Maury a déjà donné de très longs développements à son-amendement qu'il a précédemment présenté comme motion principale. Je conclus à ce qu'il ne soit pas entendu.
A'moins que l'Assemblée ne veuille renoncer à son titee d Assemblée déliibé-
ranle, elle ne peut pas forcer un opinant à donner un amendement sans motifs. K
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. l'abbé Maury ne sera pas entendu.) (Applaudissements dans les tribunes.)
A gauche : Aux voix, l'article!
Il faut que lq royaume sache comment la minorité nous gouverne,
Je demande la parole pour un amendement; il ne sera pas long, il ne sera pas motivé et il entrera dans l'esprit de l'Assemblée. Déclarons franchement et tout simplement qu'Avignon et le Comtat Venaissin sont réunis à la France. L'Assemblée prouvera ainsi à l'Europe sa franchise dans ses décrets,
A droite : Qui! oui !
A gauche: Non'- non! à l'ordre du jour!,
J'appuie l'amendement; je crois qu'il vaut mieux commettre loyalement un acte d'injustice. Ce n'est pas à des Français qu'il convient d'employer des rases carthaginoises; nous ne devons pas prendre des moyens».. (Murmures. — La question préalable!)
A gauche : La question préalable sur tous les amendements !
Et moi, je demande la question préalable sur tout le côté gauche de l'Assemblée.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.)
Je demande la question préalable sur le projet de M. de Tracy.
Je mets aux voix la question préalable proposée par M. Malouet.
A droite : Non 1 non ! point de voix !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret de M. de Tracy..), (Applaudissements à gauche et dans, les tribunes.)
, désignant les, tribunes. Voyez ces sans-culottés qui applaudissent !
met aux voix le projet de décret de M. de Tracy dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète que le président se retirera par devers le roi* pour le prier:
« 1° D'envoyer des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre les Avignonais et les Comtadins et fassent tous leurs efforts pour les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avantde prendre aucun parti ultérieur relativement aux droits de la France sur ces pays ;
« 2° D'employer les forces qui sont en son pouvoir, pour empêcherque les troupes qui se font la guerré dans le Comtat Venaissin, ne fassent aucune irruption sur le territoire de France ;
« 3° De réclamer tous les Français qui ont pris Sarti dans l'une ou l'autre des deux armées, et e faire à cet effet une proclamation qui fixe un délai et assure une amnistie aux militaires français qui; rentreront dans le délai préserit, et qui déclare déserteurs à l'étranger ceux qui ne rentreraient pas ;
« 4° De faire poursuivre et punir comme em-baucheur tout homme qui ferait en France des recrues, soit pour un parti, soit pour l'autre. »
(Ce décret est adopté.)
lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès verbal de la séance d'hier au malin, qui est adopté après quelques légers changements de réduction.
Je demanderais que l'on mît dans l'article du projet de M. de Tracy, adopté hier et qui ordonne l'envoi de commissaires à Avignon les mots suivants : des commissaires civils. .
Nous ne pouvons pas envoyer des commissaires militaires- dans un pays qui n'est pas le nôtre.
Le décret d'hier porte, dans son article 3 : «... et qui déclare désertenrsi à l'étranger ceux' qui ne rentreraient pas ». Ne serait-il pas possible qu'on dise que vous avez voulu préjuger la question et que vous avez regardé Avignon comme étranger?
Je demande qu'on retranche le mot : étranger et qu'on dise simplement : «.,. et qui déclare déserteur ceux qui ne rentreraient pas. »
, Il faut bien faire une distinction, des déserteurs restant en France et de ceux, qui passent chez l'étranger; cela ne.préjuge rien.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La vive impatience que le public témoigne de jouir des nouveaux assignats que vous avez décrétés m'engage à demander qu'il soit donné quelque publicité: aux mesures prises par le comité des assignats pour accélérer leur fabrication^ Je désirerais en conséquence) que quelqu'un des membres de ce comité voulût bien rendre compte à l'Assemblée de l'état actuel de l'opération confiée à sa surveillance.
, au nom du comité des assignats. Quoique je ne me sois pas attendu à l'interpellation qui est faite au comité, je suis cependant en mesure de donner quelques détails à l'Assemblée.
Lundi soir, nous nous sommes assemblés et j'ai été chargé d'aller à
Courtalin, à la manufacture de Mme veuve Delagaçde, ci-devant de M.
Réveillon, Je m'y suis çendu mardi soir 24 de ce: mois; j'en suis revenu
hier mercredi et j-e puis vous, comtnuniquer lés renseignements suivants
dont j'ai acquis, la certitude.
On nous promet même plus ; ou du moins on s'engage à cela. Il y aura 50 rames d'assignats de 5 livres de dimanche en 8, 20 rames le lundi, 20 rames le mardi, 20 rame3 le jeudi ; en un mot, il y en aura 500 rames à la fin de juin. La feuille contiendra, 20 assignats de 5 livres; le Trésor public pourra donc disposer au 1er juillet de 5 millions d'assignats représentant 25millions délivrés.
Au reste, je prie l'Assemblée de croire que le comité ne négligera aucun moyen pour que les 5 millions soient imprimés et revêtus de toutes les formes nécessaires pour être très promptement mis en émission, et qu'au 15 juin, il y en aura sûrement une quantité raisonnable qui croîtra de jour en jour ae la manière la plus rapide jusqu'à la confection totale des 100 millions décrétés.
Messieurs, vous m'avez fait l'honneur de me nommer commissaire aux assignats...
Les nouvelles idées qu'on Vous offre...
Vous ne voulez donc pas que je parle avant vous(Rires)...
Je demanderai la permission d'ajouter un seul mot aux explications qui viennent de vous être données par M. Papin. Les nouveaux commissaires aux assignats que vous avez nommés entendront à midi le rapport qui vient de vous être fait; ils espèrent trouver un moyen de mettre en émission une certaine quantité de petits assignats à une époque moins reculée que celle annoncée par M. l'abbé Papin.
Un membre du comité de vérification propose d'accorder :
A M. Vallet, curé de Saint-Louis de Gien, député du département du Loiret, un congé de quinze jours;
A M. de Saint-Maurice, député du département de l'Hérault, un congé d'un mois.
(Ces congés sont accordés.)
Plusieurs députés se sont plaints que lors de la vérification de leurs pouvoirs, ou les a désignés d'une manière trop vague, par la seule indication de leur département, sans insérer leur nom au procès-verbal; ils demandent que cette inexactitude soit réparée et que leur nom propre soit joint à l'indication du département.
(L'Assemblée ordonne cette rectification.)
fait donner lecture par un de MM. les secrétaires d'une lettre de M. Dufresne de Saint-Léon, commissaire liquidateur, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adressér le vœu des commis de mes bureaux composant la section des offices de judicature.
« J'ose espérer que vous voudrez bien en faire part, à l'Assemblée et qu'elle le-prendra en considération.
« Etre soupçonnés, pour des hommes honnêtes, est un malheur réel, « Je suis, avec respect, etc.
« Signé Dufresne de Saint-Léon. »
Suit la lettre des commis composant la section de la liquidation des offices de judicature :
« Monsieur le Président,
« Quelque vague qu'ait été l'inculpation faite dans la séance du dimanche 22 de ce mois contre les bureaux de liquidation, elle a produit dans l'Assemblée nationale et dans le public une impression qué l'honneur nous fait un devoir de détruire.
« Nous croyons qu'il n'existe parmi nous que des hommes honnêtes: mais s'il en est autrement, nous désirons vivement que les coupables soient connus et qu'ils soient voués à l'infamie qu'ils méritent seuls.
« Voudriez-vous bien, Monsieur le Président, présenter à l'Assemblée notre vœu* nos instances, pour que ceux de MM. les députés ou toutes autres personnes qui auront, soi| directement, soit indirectement quelque connaissance de la plus légère prévarication, veuillent bien la dénoncer à MM. les commissaires chargés par le décret du 22 de recevoir ces sortes de plaintes.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé : Les commis composant la section de la liquidation des offices de judicature. »
Les commissaires que vous avez désignés pour cet objet ont été proclà* més : ce sont MM. Rewbell-, Martineau, de Beau-metz, de Folleville et moi. Gomme j'ai l'avantage d'être un des plus anciens, j'ai l'honneur d'inviter ces Messieurs de nous concerter avec eux pour que nous déterminions le3 jours et heures auxquels nous nous rassemblerons au bureau de la liquidation.
, au nom du comité d'emplacement, propose quatre projets de décret : v *
Le 1er relatif à l'emplacement des
directoires du département du Doubs et du district de Besançon, est
ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise les directoires du département du Doubs et du district de Besançon, à se placer dans le Palais de justice.en conformité des décrets de l'Assemblée nationale des 16 octobre et 7 février derniers.
Les autorise paieillement à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur les devis estimatifs qui en ont été dressés par le sieur Colombot, architecte, le 23 avril dernier; pour être, le montant de l'adjudication desdits ouvrages, supporté par les administrés, chacun pour la portion qui peut le concerner. »
(Ce décret est adopté.)
Le 2°, relatif à l'emplacement du corps administratif et du tribunal du district de Céret et autorisant le directoire à faire une acquisition pour cet objet, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Géret, département des Pyrénées-Orientales, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison des carmes de Géret, pour y placer le corps administratif et le tribunal du district de Géret.
« Les autorise pareillement à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé par l'ingénieur des ponts et chaussées, le 25 janvier dernier; te montant de laquelle adjudication sera supporté par lesdits administrés.
« Excepte de la présente permission d'acquérir, le jardin dépendant de ladite maison, pour être loué ou vendu séparément et dans les formes prescrites, et le prix du loyer ou de la vente versé a,la caisse du district.»
(Ce décret est adopté.)
Le 3°, relatif à {'emplacement du corps administratif du district de Lure, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Lure, département de la Haute-Saôné, à louer, à dire d'experts et aux frais des administrés, et pour 2 années, 2 maisons dépendant du chapitre de Lure, l'une desquelles servait de palais de justice, pour y placer le tribunal du district ; et l'autre, appelée la Trésorerie; pour y placer le corps administratif du iit district.
« Excepte de la présente permission de louer, les bassesTeours et le jardiu dépendant de ladite trésorerie, pour être, ces objets, loués ou vendus séparément dans les formes prescrites, et le prix de la vente versé dans la caisse du district.
« Autorise pareillement le directoire du district à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en sera tiressé, pour être, le montant de ladite adjudication au rabais, supporté par les administrés. »
(Ce décret est adopté.)
Le 4°, relatif àl'emplacement du corps administratif du district de Mauriac et autorisant le directoire à louer à cet effet la maison appelée « Le doyenné », est ainsi conçii :r
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Mauriac à louer, aux frais des administrés et à dire d'experts, pour deux années, la maison appelée le doyenné, pour y placer le corps administratif du district,^ la chargé de verser annuellement le prix du loyer à la caisse du district. ,
« L'autorise pareillement à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements extérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé le premier de ce mois; le montant de laquelle adjudication sera supporté par lés administrés.
« Excepte déla présente permission de louer, le jardin dépendant dudit doyenné, lequel sera loué séparément ou vendu, et le prix du loyer ou de la vente versé dans la caisse du district. »
(Ce décrét est adopté.]
, au nom du comité de la marine, soumet â la délibération un projet de décret sur le traitement du Corps de la marine qu'il avait •présenté dans la séance du 12 mai et dont l'ajournement avait été prononcé jusqu'après l'impression et la distribution du rapport.
Il donne lecture du 1er article ainsi conçu ;
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de la marine,
relatif à la solde des officiers de mer, décrète c» qui suit :
« Le traitement des officiers généraux sera, savoir:
« Pour les 3 amiraux, à 30,000 livres chacun, ci.................. 90,000 liv.
« Pour les 9; vice-amiraux, à 15,000 livres, ci,................ 135,000
« Pour les 18, contre-amiraux, à 9,000 livres, ci... .......... 2... 162,000
(Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 ainsi conçu : « Ces traitements seront payés annuellement et en entier; les officiers généraux recevronten outre l'indemnité de leurs courses et frais de voyage. » ,
Je. demande à M. le rapporteur et aux membres qui sont ici si M. Lambert, par exemple, qui était employé en Alsace et qui est obligé d'aller d'Alsace en Provence; je demande, dis-je, si on lui paye les frais de voyage. Si on les lui paye il faut qu'on les paye aux chefs d'escadre; si on ne les lui paye pas, il ne faut pas les payer aux chefs d'escadre.
Ce que vieût de dire le préopinant peut avoir lieu pour le3 officiers généraux ; mais l'article qu'on vous propose est a'usage dans-la marine (Murmures). Si vous n'adoptez pas l'article pour les officiers généraux, je vous demande si vous pouvez ne pas l'adopter pour les officiers particuliers.
, rapporteur. Les officiers de marine, lorsqu'ils voyagent, sont obligés d'avoir une maison considérable qu'ils ne peuvent pas transporter avec eux.
Je demande qu'on dispense les officiers généraux d'avoir une maison.
Voix diurnes : La question préalable sur les frais de voyage I — La question préalable surl'ar-. ticle entier 1
, rapporteur. Vous ne pouvez pas demander la question préalablé sUr 1 article en entier; elle ne peut être appliquée que sur la dernière disposition de l'article. Je demande la division
Je me joins aux personnes qui demandent la question préalable sur les frais de voyage.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'article!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article.)
Plusieurs membres : La division!
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera procédé au vote sur l'article par division.)
Je mets aux voix la première partie de l'article 2, ainsi conçue :
Art. 2.
« Ces traitements seront payés annuellement et en entier. »
(Cette lro partie de l'article est mise aux voix et décrétée.)
, rapporteur. Je demande le renvoi de la deuxième partie de l'article au comité.
Plusieurs membres : Non 1 non !
, Je met9 aux voix la seconde partie de l'article, ainsi conçue :
« Les officiers généraux recevront en outre l'indemnité de leurs courses et frais de voyage. »
(Cette seconde pàrlie de l'article est rejetéei)
, rapporteur, donne ensuite lecture des articles 3, 4, 5, 6 et 7 ainsi conçus :
Art.5.
« Les traitements des capitaines et lieutenants leur seront payés en entier pour leur temps de service à la mer ou dans les arsenaux, mais pour moitié seulement, lorsqu'ils ne feront pas de service; et alors ils ne seront pas tenus à résider dans les départements.
« A l'égard des enseignes entretenus, ils seront toujours ert activité de service : en conséquence, ils jouiront en tout temps des appointements qui vont leur être attribués. « Le traitement entier sera, savoir :
Pour les 60 premiers capitaines... 6,000 liv.
Pour les 60 suivants............. 4» 800
Pour les 60 autres............. 3,600
Pour les 200 premiers lieutenants. 3,000
Pour les 300 suivants............ 2,400
Pour les 300 autres............... 2,100
(Adopté.)
Art. 4.
Le traitement dest 200 enseignes entretenus leur sera payé en entier ; il sera pour chacun de 1,200 livres. ». (Adopté.)
Art. 5.
« Les enseignes non entretenus qui seront employés au service de l'État, jouiront, pendant le temps de leurs services, des appointements attachés aux grades d'enseignes. » (Adopté.)
Art. 6.
Les aspirants entretenus auront pour traitement, savoir :
« Ceux qui seront à la troisième' année d'entretien, par mois................... 45 liv.
« Ceux qui seront à la seconde année d'entretien-..........................30
« Ceux qui seront à la première1 année d'entretien.................. l'5!
(Adopté)
Art.7.
« Le traitement des maîtres entretenus leur sera payé en entier; et ils auront de plus un supplément par mois de service à la mer. « Le traitement annuel sera, savoir :
« Pour les 15 premiers maîtres de manœuvre, de.............................. 900 liv.
« Pour les 20 suivants, de..............780
« Pour les 15 autres, de...............660
« Pourles20 premiers maîtres canon- niers.......................................900
« Pour les 20 suivants..........................780
« Pour les,20 autres..........................660
« Pour les 18 premiers maîtres charpentiers ...................720
« Pour les 18 autres....................660
« Pour les 18 premiers maîtres Cal- fats..............................................720 liv.
« Pour les 18 autres............... 660
« Pour les 9 premiers maîtres voiliers....................................720
« Pour les 9 autres...................660
Un membre propose, par amendement à cet article, qu'il soit fait 3 classes des charpentiers, calfats et voiliers et que toutes reçoivent un traitement annuel égal a Celui accordé aux maîtres de manœuvre et aux canonniers et susceptible des mêmes accrOiisemetits progressifs.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article 7 sans modification )
Art. 8.
« Tous les maîtres entretenus auront 30 livres par mois de service à la mer, pour supplément de solde.
« Ce supplément sera augmenté pour chacun d'eux, en raison du temps de leur navigation, en cette qualité, sur les vaisseaux de l'Etat; savoir, après 1 an, de 6 livres; — après 2 ans, de 12 livres; — et ainsi 6 livrés chaque année, jusiqu'à ce que leur supplément s'élève eu entier : à 60 livres. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 ainsi conçu :
« Les traitements et soldes de tous les marins ne pourront être saisis par leurs créanciers cjue jusqu'à concurrence de moitié de ce qui sera dû ».
Je demande que si l'armée de terre, si les fonctionnaires publics, si les administrateurs et les juges ont le privilège qu'on ne puisse pas saisir leur traitement, il faut que les officiers de la marine aient le même droit ; si les autres fonctionnaires publics, si les militaires de l'armée de terre, si les iuges ne peuvent pas se soustraire à la saisie de la moitié de leurs appointements, je ne vois pas pourquoi on ferait une exception pour la marine. f
(L'Assemblée, consultée, ajourne l'article 9.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10 du projet, devenu article 9 par suite de l'ajournement de l'article 9 du projet, et conçu en ces termes :
Art. 9 (art. 10 du projet).
« Les traiteuiënts. de table' et subsistance ne pourront être saisis que par ceux qui y auront fourni'. » (Adopté.)
Je demande qu'il y ait un article qui dise précisément que l'officier qui, pour le service de l'Etat, aurait été obligé d'armer dans le port de Brest et qui, sur un autre ordre, serait rappelé à réarmer à Toulon, soit dédommagé.
, rapporteur. J'adopteet je propose l'article suivant :
Art. 10 (nouveau).
« Le capitaine et l'état-major d'un bâtiment de l'Etat, mis en armement, seront susceptibles d'obtenir une indemnité pour les avances faites par eux poûr leur tablé, lorsque le bâtiment aura été désarmé sans être sorti du port, ou avant que d'avoir passé un mois en rade ou à la mer.
« Cette indemnité sera réglée sur l'examen des dépenses faites, mais ne pourra jamais excéder un mois de traitement, y compris ce qui aura été payé pour le temps passé en rade ou à la mer. » (Adopté.)
, au nom du comité des monnaies, propose un projet de décret relatif à la fabrication de la monnaie de cuivre, ainsi conçu :
« Art. 1er. Le roi sera prié de donner des
ordres pour faire recevoir aux hôtels des monnaies et faire monnayer
tous les flaons de cuivre qui seront apportés avant le 15 juin prochain,
pourvu que leur tare n'excède pas 21 marcs.
« Art. 2. Le prix de ces flaons ne pourra excéder 15 sous le marc, y compris les frais de voiture.
« Art. 3. La recette et monnayage de ces flaons seront, ainsi que l'emploi des espèces qui en proviendront, surveillés par les administrateurs aies départements dans lesquels il se trouvera des hôtels des monnaies, à l'exception de celui de Paris dont tous les détails seront soumis à l'inspection de la commission administrative des monnaies.
« Art. 4. Le ministre chargé de l'exécution des ordres du roi prendra les mesures qui seront convenables pour économiser dans les frais de cette fabrication tous les frais qui ne seront pas indispensables.
« Art. 5. Il ne pourra, sans un décret spécial du Corps législatif, être introduit dans le royaume aucun flaon d'espèce de cuivre. »
Je demande, par amendement, qu'il soit dans l'article 3 que la surveillance sera exercée dit par les directoires de départements de district du lieu où se trouvent les hôtels des monnaies.
Les dispositions qui nous sont proposées par le comité des monnaies peuvent être bonnes pour que les matières de cuivre qui sont dans les manufactures soient très prompte-ment converties en flaons; mais elles sont hors des limites de ce que nous avons à faire ici. C'est là un véritable objetd'administration : Nous avons chargé le pouvoir exécutif de prendre toutes les mesures pour hâter la fabrication de la monnaie de cuivre; c'est au pouvoir exécutif à prendre ces mesures.
Tout ce que nous pouvons décréter, c'est qu'on ne devra pas donner plus de 15 sous par marc : voilà le seul objet de notre compétence.
On a présenté depuis peu des mémoires intéressants et dont il est nécessaire de prendre connaissance pour les vues utiles qu'ils renferment, avant de prononcer sur un objet qui pourrait faire baisser les échanges au détriment de la nation, si od ne se livrait pas à des combinaisons prudentes et sûres.
Un homme très versé dans cette partie est convenu avec moi qu'on vend ici 15 sols le marc le même cuivre qui se vend en Angleterre 15 6ols la livre. Plusieurs bons citoyens, plusieurs membres, soit de la commission administrative des monnaies, soit de votre comité monétaire, effrayés de la manipulation actuelle des flaons, s'occupent à éclairer cette partie de l'administration. Je crois donc que nous ne devons pas nous engager à payerai5 sols des flajpns qu'on pourrait avoir pour
Je demande le renvoi de ces objets au pouvoir exécutif responsable.
, rapporteur. J'accepte le renvoi au pouvoir exécutif.
J'appuie cette motion.
(L'Assemblée décrète le renvoi au pouvoir exécutif des dispositions présentées par le comité des monnaies.)
, au nom du comité de Constitution. Messieurs, je rappellerai à l'Assemblée qu'avant de décréter le projet du comité de Constitution pour le complément de l'organisation du Corps législatif, elle a accueilli avec empressement la proposition qui lui a été faite de fixer immédiatement après cette discussion le mode de convocation de la prochaine législature.
Je viens aujourd'hui remplir la mission gui m'a été confiée par votre comité et vous prier, Messieurs, de vouloir bien mettre cet objet a l'ordre du jour de demain. (Fï/s applaudissements.)
(L'Assemblée, consultée, décrète à l'unanimité et par acclamation que le rapport sur le mode de convocation de la prochaine législature sera mis à l'ordre du jour ae demain.)
, au nom des comités des finances, des domaines et central de liquidation, présente un projet de décret relatif à la liste civile et au remboursement des charges de la maison du roi et de celle de ses frères. Il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez chargé vos comités réunis des finances, des domaines et central de liquidation de vous présenter ufr projet de décret concernant la liste civile, c'est ce projet de décret que je viens vous présenter.
Le 9 juin dernier, à la fin de la séance, on vous fit lecture d'une lettre du roi, que vous aviez vous-mêmes provoquée ; permettez-moi de vous en donner à nouveau lecture :
Paris, le 9 juin 1790.
« Monsieur,
« Combattu entre les principes d'une sévère économie et la considération des dépenses qu'exigent l'éclat du trône français et la représentation du chef d'une grande nation, j'aurais préféré de m'en rapporter à l'Assemblée nationale pour qu'elle fixât elle-même l'état de ma Maison; mais je cède à ses nouvelles instances et je vous adresse la réponse que je vous prie de lui communiquer.
« J'aurais désiré de m'en rapporter entièrement à l'Assemblée nationale pour la détermination de la somme applicable aux dépenses de ma maison civile et militaire; mais ses nouvelles instances et les expressions qui accompagnent son vœu m'engagent à changer de résolution. Je vais donc m'exptiquer simplement avec elle.
« Les dépenses connues sous le nom de Maison du roi comprennent :
« 1° Les dépenses relatives à ma personne, à la reine, à l'éducation de mes enfants, aux maisons de mes tantes; et je devrais y ajouter encore incessamment l'établissement de la maison que ma sœur a droit d'attendre de moi:
« 2° Les bâtiments, le garde-meuble de la couronne;
« 3° Enfin ma maison militaire, qui dans le3 plans communiqués à son comité militaire, ne fait point partie des dépenses de l'armée.
« L'ensemble de Ces divers objets, malgré les réductions qui ont eu lieu depuis mon avènement au trône, s'élevait encore à 31 millions,
indépendamment d'qn droit, d'aide spr }p, ville de Versailles/montant a ^00,000 livrps, le'qqpl entrera désormais dans le 'revenu public, avec la ^jsàutôg! relative à mqn séjoqr ig plps Habituera Paris.
: « Je. çrpif qu^ parlions, en y ajquteni le rpyenu des. Parcs, ggmty^gk forêts des maisons ae plaisance que je conserverai^ pspp^j au moyen de retranchements considérables, suffire conyep^eme^t à ,pe§ différentes flé-peqse§.
; '« Qupique je comprenne ma maipon militaire jktif tes Objets dp^t jftjiep de faire i'énpwfr ration, je nejne pis pas encore occupé de son organisa^ ; je désire à cet égard, cqmme à tout autre, de cqnciUer' nies vues avec le pouyei ordre de choses,. Je n'hésite pfl,s a pepgpr que Je nombre de troupes destinées la garde du roi, dôit être déterminé par un règlement constitutionnel ; et compae il importe à ces trompes de partager rbopueuf et les cf^pg^s àtyaçhég k 1& défense de la patrie, elles doivent ê|;re soumises aux règles g^n^lN de l'armée.
« ' D'après fils considérations, 'j'ai re(fu*d^ l'époque a lâquèllë mes gafdes du ç;orRS doivent reprendre leur service; et le délai ae ^organisation de ma maison militaire a d'autant moins di'ncbnvênîe^f qnèv depuis que la garda nationale foit le serviçè aupresfde moi, je trouve en e))e tout le zè|e et rap^çhëment je pujg SoUhâiier; et je dgijin| quelle pè smt jamais étrangère ^t Ja garde de ma persoiipe.
« Il me serait iÉbp^sjble d'acquitter sur un fopqS apnUél limitélà dette arriérée de ma maison, dOp| l'Assemblée a cpnna|ssance: je désire qû-eiïe çoni^rennê cet objet dans ses plans généraux de, liquidation.
« jé pense que le remboursement des charges de mi maison et de pglle de mes frères cfôjtjèjre ôMonhe, et se joindre à l'article précédent, la Constitution ayant proscrit la Vénalité des charges" Cette disposition çlpit entrer naturellement dans leS VUés de i Assemblée : elle s^ra, d'autant plus iqste, qne ceux qui se sqnf soumis jj. des sacrifices , d^r^ent consigér^hles ppùr acnetpr les Charges avaient lieu dë çompfer sur des grâces que Te nqqy^l iqrdreaéj choses nèjp^r permet plus d'opérer. 1
; « Je finj(s l'objet qui me tient le plus à !
« J'ai promis, par mon .contrat 4e mariage avec la reihe, qtie dans lie' Cas ou jè cess^îj qe vivre avant (Hje, une P}^5^ convenable lui gérait conservé. Ë|lé yiePit de fairp fq paprjfice de celle qui, d£ tout temps, à été çttnbuçe aux reines d^france» et qui i jœpnje,§u Comptaptî s'élevait au delà de'4 millions de livres.
« C'est un^ofiï $e m^s pppr moi.,de désirer que 1 épçagpmenf indéterminé qué j'ai pris aveo elle et son auguste mère Spit rendp précis par la fixation de son douaire : il me pera doux de devoir aifx représentants 4e nation ma tranquillité $ur un ppiit Ôjui intéresse auspf esjB.en-tjéïîèmjBJiï mon ponheur.
« Après aypiy répqndtt auvçeu ^e l'Assemblée nationale avec la çqp (fiance quj doit régner entre elle et moi, j'ajoq|erai que jamais je ue sprai en opjposition avec elle pour aucune dfspositiqn relative à ma Personne. Mes, vrais pro-pres seronp toii^urs cèpx du rqyà^me i ét pourvu que la li^epte et i orarVpufil|C| des 4eux ^P^rcps de la prospérité de l'Etat, soient assures., ce qui ihe manquerait en.j^ssànces perap^n^ies» je le retrouverai, et bien àu M^ dans la satis-
faction attachée au spectacle journalier de la félicité publique.
Signé : Louis. »,
Après la lecture de cette lettre, vous avez, décrété par acclamation et à l'unanimité les propositions qu'elle contenait; voici d'ailleurs à cet égard votre tirocès-vèrbal du même jour :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture-des deux lettres et messages du roi, a voté par acclamation et décrété à l'unanimité toutes les dispositions ét demandes portées dans ledit message. Elle a de plus fixé à 4 millions lé douaire de la reine, et a ordonné que son président se retirera' sur Fheurè par devers Leurs Majestés pour leur faitë part de la détermination qu'elle vient de prendre. »
Vos comités se sont occupés de rédiger ce décret en ternies plUB précis.
Trois objets principaux se présentaient dans cette question. Le premier a trait au règlement pour ^payement des 25 millions de la liste civile y cet objet ne nous paraît pas susceptible de discussion et ne semble pas devoir soulever de difficulté. Le second concerne les domaines nationaux à réserver àù roi } un membre du comité des domaines se chargé particulièrement de vous faire à ce Bujet uû rapport qu'il est disposé à vous lire tout à l'heure. Enfin le troisième objet, relatif au remboursement des charge^ tant de la maison du roi que de celles de ses déùx'frèrés, a soulevé quelques discussions dans vos comités. L'Assemblée a décrété toutes les dispositions de la lettre du roi : cela signi^e-t-il qu'elle g décrété que lés chargés de la maison du roi seraient remboursées dès a présent, oq qu'elle ùe l'a décrétée que cphditionnellemenf, le cas dé là suppression arrivànt ? La lettre sur laquelle a porté votre délibération ne contenant aucune disposition. précise à cet égard; nous ^vons çrq que ces questions restaiept a décider, et noUs avons été arrêtés $Uftoui j)|f l'Ignorance des |aj|s. Plusieurs fois, Vos comités qnf cherché à avoir des rensei-gnèmenis prôpis sur les finances des ,charges de la maippn dp roi, sur lé montant des brevet? de rétéûùe acdord^s à plusieurs titulaires, sur murs gagés, sur lèurs àppqiptem.énfs, et, jqsqu à pré-sënt,. il lëpr â impoisi^)ë devoir des rensei-, gnements satisfaisants â çet égard. QUanf aux BrëVèts de rèténuë, c'ëtMit une'coiuïession à peu priés, de drqit \ cependant», lors'qu'qp^ examine les d^taiis, bn vojx qUe spUVéqJ j|S^ étaieqf accordés pour une somme beaucoup moindre que, celle'qui était lé prix aé la charge.
Il y a dans touteeette partifl une extrême confusion et nous avons pensé que dans l'état de cette confusion^ il ne nous était pas possible de vous présenter rien de précis ; nous vous proposons donc à cet égard seulement dé décréter qu'il sera remis à l'Assemblée des états très détaillés et très particuliers sur les brevets de retenue, afin de connaître très parfaitement et très complètement l'état de toutes les charges de la maison du-roi à partir de 1750«
11 nous a fallu nous fixer à cette époque, parce que nous avons pensé qu'une époque de 40 ans au-dessus du temps &ctuel était la plus raisonnable, Qn peut se régler sur ce qu'il peut être dans le moment actuâ'j nous avons considéré que cette époque de 1750 était antérieure au moment où les grandes dilapidations s'étaient faites etqu'enfin avec un travail infini, avec un .travail pénible, mais dans lequel on sera bien forcé de nous aider si l'on veut obtenir quelques rem-
boursements de ces charges, on peut arriver à un résultat. ' ér. '
Noos vous proposons doure s d'ordonner la transcription au procès-verbal de-ire jour de la lettre du roi ét du décret porté par vous à là date du 9 juin 1790 ; 2"> d'adopter le projet de débfet suivant
L'Assemblée nationale, après avoit entendu ses comités réunis des finances, des domaines et centrai de liquidation, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sdfa payé par le Trésor public une somme de 25 Edifiions pour la dépense du roi et de sa maison.
Art. 2.
« Cette somme sera versée chaque année entre les màms de la personne que le roi aura commise à cet effet, en 12 payements égaux, qui se feront de mois en mois, sans que lesdits payements puissent, sous aucun prétexte/ être anticipés ni retardés. .
Art. 3.
« AU mdyeil du payement annuel de la somme de 25 millions, il est déclaré (|u'en aucun ternes, et pouf quelque cause que ce soit, la nation né sera tenue au payement* d'aucune dette Contractée par le roi én son fiom; pareillement les fois ne seroût tenus en àticiin cas dès dettes ni cjes engagements de leurs prédécesseurs.
Art. 4.
« Le roi aura la jouissance des maisons, parcs et domaines énottcé$ dans) le décret qui suit.
Art. 5.
« La dépense du garde-meuble sera entièrement à la Charge de la liste civile; en conséquence tous lés meubles faisant partie du département du gâfde-meUble resteront $ la disposition du jfôi.
Art. 6.
« Il sera dressé un inventaire des diamants appelés rf^ la èourovtne, pertes, pierreries, tableaux, pierres gravées et autres monuments des afts et dés sciences, dont un doublé sera déposé aux archives de la nation ; l'Assemblée se réservaut de ëtatuer^ decènèéft aVëc ië fbi, sur le lieii bù lesdits mobumeôts èerdiif déposés à l'avenir; et i&êâbhiqiHs les pierres gravées et autres pièceë antiques Seront dès à prësédt re-mises au cabinet dés médailles.
Art.7.
« La détté de la thàison du rdi, jusqu'au Ie* juillet 1790, éohtifliierâ d'être cômpriéë dans la liquidation de la dette de l'Etat, et d'être payée par la Caisse de rëxtraofdifiaire.
Art. 8.
« Pour fixer les bases dil remboursement demandé paf lé rdi des chaf|es de sa ffi&iiSOh et de celle de ses frères, il sërâ remis au comité Cëh-trdf'I de liquidation un état nocpinatif et détaillé de tèùtêirfès chârgek dé la rûàîsdti du foi, telles qu'elles,existaient à l'époque de 1750., L'état indiquera les l^ges, émoluments, attributions, finances desdites Charges, airifci ffUe' lès brevets dé retenue adcofdêè aux titulaires. Le montant desdits brevets et leg rjëfsonâes pfi? léquëlles jHs ont été accordés y éerônt eipfiffiéé. Il ietà1 jdint
à ce premier état d'autres'états successifs pour indiquer lès changements arrivés jusqu'à l'année 1790, dans les.différentes parties qui y sont comprises.
« 11 sera remis des états semblables des charges delà maison'des frères durbi, depuis le moment de leur fôrmation jusqu'à ce jour.
Art. 9.
« Le douaire de la reinè est fixé à 4 millions, qui lui seront^ le cas arrivant^ payés en France en dotiae payements égaux de mois en mois/ »
Plusieurs membres : Aux Voixl aux voix!
J'Obsèrvë à l'Assemblée (JU'il n'est pas possible qu'elle âdoptë'le projet de décret én masse; il est d'usage dë décréter les loià arti-cle par article \ Ainsi jë demandé que M. Je rapporteur veuille bien liïe l'article premier. (Murmurés?) 15
(L'Assemblée décrète qu'elle adoptera lë projet de décfètèhhiâssej)
Je VOus proposerai, Messieurs, Un âittendèùient' & l'af.ticie 9i' L'Assemblée a décrété UtlUf les véûVfes dës pHàcéë dU sàn'g ïdVal qu'il leUr sërait payé la somffie qui est dâhs l'article tant qu'elles resteront ën Froncé ét qu'ièlles gâf-defonl Vidïïilé; Or'Jé-rié, vbis pp pourquoi Votlls établiriez Uhè difféfënëè ëhtre les Veuved prin* Cèsgës 0(1 sang rqyal là ^in'è M ëst étràn-gèrëi Lâ réinë' peut 'être V|uve ;' et je démande que; ptfur obvier aux dangers qui bous ètiti-rbUtiefaièùt ' èi 16 rèîne hbUsf ddnnait la dëuîëur dé nous sépàrèf d'ellë;' (Rires àgàuche et défis tès tribufreè.)... à là plâCe de Ces mots i « pavés èti Franceon mëtte Céui-di : « ^âUt qu'elle fè^-lërâ ën France
Je defflatidé si Celte clause est dahs Iê" contrat dé ihariagé; si elle n'y est pas, je crois que nous n'avons pas le droit de changer les dispositions d'un contrat.de mariage.
Pattyè. Cette quëstion ëst absolument Réglée par la loi sur la résidence dés fonctionnaires publics (MtiffniiirésM poufra me combattre, mais il faut m'enieudré.
Nos décrets donnent la garde et ,1a tutelle de l'héritier de. Ia: CoUfônhe à la reinë-mère; sous ce rapport, ëlle remplit Une fonction publique. Estelle Chargée dë là gkrde, dti fèi âaiùëurt, elle doit rester datië le royàunie. Gefese-t- elle d'exercer Cettê fonction^tthtienne? elle n'eët alors pas' plus soumise à la résidence que to(itë autre Vëtive du royaùMe.
S'il n'est, d'ùfl autrë côté, question que de son c(ouaire, nous n'avôbs pas! ae lois à faifé à ce sujet; elles sônt toutes faites ààns lé bdnli'ât de tiiariage dë la reine.
A gauche : Aux voix l'àmëttdement de M. Bo^ chël
(L'Assemblëë,. fcohsUltée, décrète qU'il fi-y a aâ lieu à délibérer sur ramëhdeméht dé . Bouche.) ,
Ayàdt ctécretê toutes lêfe dispdsl' tiens de la lettre au roi, m crois que vôus avez décrété celle du fëq^pdursëinënt des bfScës comme toutes lèè autres. Je demande dotic qu'on s'exprime franchement et lbyàlëmënt à cët égard, et qu'on supprime de l'àrticle B dU décret
qui commence ainsi : « Pour fixer les bases du remboursement demandé par le roi... », les mots : « demandé par le roi ».
, rapporteur. Le remboursement de la dette arriérée fait, dans la lettre du roi, l'objet d'une proposition positive et formelle; mais quant aux charges, la lettre ne contient que ces mots : « Je pense que le remboursement des charges de ma maison et de celle de mes frères doit être ordonné, et se joindre à l'article précédent, la Constitution ayant proscrit la vénalité des charges. » Ainsi rien de précis à cet égard.
Nous avons consulté le comité de Constitution qui nous a dit que jamais il n'était entré dans ses vues que la Constitution entraînât la suppression des ofûces domestiques de la famille royale. Peu nous importe ^qu'un valet de garde-robe ait donné 20,000 livres pour ce titre : vous n'avez jamais, entendu étendre vo3 suppressions à ces charges domestiques, et votre décret sur la suppression et le remboursement des brevets de retenue porte, pour clause formelle, qu'il ne s'applique qu'aux brevets des fonctionnaires publics.
Il faut encore distinguer parmi les charges de la maison du roi, celles qui étaient payées au Trésor public, et celles qui étaient payées, soit au grand maître des écuries, soit au grand prévôt, etc. On donnait à ces maîtres la disposition des places; ils devaient les donner aux gens les plus capables : au contraire la préférence se donnait à une finance de mille ou 2 mille louis au profit du grand maître. C'est Henri II qui a donné au grand prévôt le droit de nommer aux emplois de la prévôté. Si l'on avait dit à Henri II : le droit que vous donnez à ce .grand prévôt est celui de grever là nation de 20 millions, peut:être n'au-rait-il pas démandé que la nation se chargeât du remboursement de pareils offices. Il ne faut donc pas nous engager à rembourser ces charges avant de connaître celles dont les finances ont été réellement versées au Trésor royal. ( Applaudissements.)
Je retire mon amendement. (L'Assemblée, consultée, ordoune la transcription au procès-verbal de Ta lettre du roi du 9 juin 1790 et du décret rendu le même jour, et adopte sans modification le décret des comités.)
, au nom des comités des domaines, de féodalité, des pensions et des finances, fait un rapport sur les domaines nationaux à réserver au roi; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, depuis longtemps vos comités des domaines et de féodalité, des pensions et des finances sont chargés de vous faire un rapport sur les domaines à réserver au roi ; c'est lè complément d'une liste civile déjà considérable qu'ils doivent vous présenter, et cette tâche ne pouvait être remplie qu'après que vous auriez décrété
Sue le roi serait, pour toutes les propriétés dont aurait la jouissance, soumis aux lois de l'impôt, et aux lois qui régissent les autres propriétés des citoyens de l'Empire, et que vous auriez fixé les objets qui doivent être a la charge de la liste civile.
Combattus entre les principes nécessaires d'une sévère économie et les
dépenses convenables à la représentation du chef suprême du pouvoir
exécutif, les comités auraient voulu ne pas augmenter la liste civile du
révenu des domaines et
Je ne connais pas cette manière de flatter, ni l'avarice des peuples, ni les prodigalités des rois. Je dirai ce qui est et ce que vous avez décrété. Je présenterai ce que les comités ont cru être plus convenable de taire, laissant à votre zèle pour la chose publique d'y apposer les modifications qu'il croira nécessaires.
Le 9 juin 1790 l'Assemblée nationale a chargé sou président de se retirer de nouveau devers le roi, pour le prier de faire connaître ses intentions sur la somme nécessaire à la dépense de sa maison, en consultant plus ce qui convient à sa dignité et à celle de la nation, que la sévérité de ses principes et son économie naturelle. .
Le 9 juin le roi répond à l'Assemblé nationale :
« Je vais m'expliquer simplement avec elle.
« Les dépenses connues sous le nom de mai-« son du roi comprennent : 1° Les dépenses rela-« tives à ma personne, à la reine, à l'éducation « de mes enfants, aux maisons de mes tantes ; et « je devrais y ajouter encore l'établissement de « la maison que ma sœur a droit d'attendre de « moi;
« 2° Les bâtiments, le garde-meuble de la couronné ;
« 3° Enfin, ma maison militaire qui, dans les plans communiqués au comité militaire, ne fait point partie des dépenses de l'armée.......
« Je crois que 25 millions, en y ajoutant le revenu des parcs, domaines et forêts, des maisons de plaisance que je conserverais, pourront, au moyen de retranchements considérables, suffire convenablement à ces différentes dépenses.
« Après avoir répondu au vœu de l'Assemblée nationale avec la confiance qui doit régner entre elle et moi, j'ajouterai que jamais je ne serai en opposition avec elle, pour aucune disposition relative à ma personne ; nos vrais intérêts propres seront toujours ceux du royaume ; etpourvu que la liberté et l'ordre public, les deux sources de la prospérité de l'Etat, soient assurés, ce qui me manquerait en jouissances personnelles, je le retrouverai, et bien au delà, dans la satisfaction attachée au spectacle journalier de la félicité publique ».
Je ne dirai pas avec quels témoignages de satisfaction vous reçûtes le message du roi le 9 juin 1790 ; je lirai seulement votre décret du même jour.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de deux lettres et messages du roi, a voté, par acclamation, et décrété à l'unanimité, toutes les dispositions et demandes portées dans ledit message ; elle a de plus fixé le douaire de la reine à 4 millions, et ordonne que son président se retirera sur l'heure par devers le roi pour lui faire part de la détermination qu'elle venait de prendre ».
Le 25 août, un nouveau décret charge le président de prier Sa Majesté d'indiquer les maisons de campagne, parcs, domaines et forêts qu'elle jugeait à propos de conserver. Tandis que vous donniez au roi ces témoignages
touchants de la générosité nationale, les ministres et les courtisans s'agitaient pour mettre à profit l'enthousiasme que vous démontriez pour un roi qui s'était déclaré le chef de la Révolution.
Le ministre du département profita de cette circonstance, pour envoyer à l'Assemblée nationale, le 18 août, un tableau effrayant des domaines à réserver au roi.
Le voici :
Le Louvre, les Tuileries, les Champs-Elysées, Vincennes, La Meute, Ghoisy-le-Roi, Versailles, Marly, Saint-Cloud, Meudon, Saint-Germain-en-Laye, maisons et terres qui en dépendent, la réunion des biens ecclésiastiques qui s'y trouvent enclavés, Fontainebleau, Gompiègne, Rambouillet, les biens ecclésiastiques et les bois de l'abbaye deBarbaux, quoique séparés par larivière, Cham-bord, la terre du Tin, en Normandie,, et celle de Pompadour, en Limousin.
L'opinion publique ne tarda pas à se faire entendre à l'oreille du roi, et la demande ministé-rièlle fut révoquée. On se plait à lire les expressions dont le roi s'est servi dans sa lettre à l'Assemblée le 27 août suivant.
« Vous savez, dit-il, que ce n'est que sur vos instances réitérées que je me suis expliqué sur la fixation de ma liste civile, et en dernier lieu sur les châteaux et domaines qu'il me convenait de conserver; je suis instruit qu'on interprète mal la désignation de ces objets portés dans l'état que je vous ai fait remettre par M. (Je Saint-Priest.
« Je crois n'avoir pas besoin de vous rappeler le peu d'importance que je mets à ce qui touche nos intérêts, ou mes jouissances personnelles, et combien je le subordonne à l'intérêt public.
» Je renonce volontiers à une grande partie des objets indiqués, quoiqu'il y en eût plusieurs auxquels je ne m'étais déterminé que par des motifs d'utilité générale, et pour conserver à Paris des dehors agréables.
« Je me restreins donc aux articles suivants :
« Le Louvre et les Tuileries avec les maisons qui en dépendent, et que ma demeure plus habituelle à Parisa rendu nécessaires à mon service.
« Versailles, Saint-Cloud, Saint-Germain, Rambouillet, Fontainebleau, Compiègne, avec les domaines et bois qui en dépendent.
Le roi ajoute :
« Vous trouverez bien naturel aussi que j'aie à cœur de réunir dans mes mains le château de Pau, qui ne produit aucun revenu; il m'est impossible de ne pas partager le vœu des habitants du fiéarn, pour que lieu où Henri IV est né reste toujours dans les mains de son enfant.
« Je renonce encore à toutes dispositions des biens ecclésiastiques enclavés dans.mes domaines et dont l'emploi m'avait paru conv'enable......
« Je m'en repose avec confiance sur les dispositions que vous croirez devoir adopter, et je vous prie de ne jamais perdre de vue que mes plus grands intérêts sont ceux de la nation et le soulagement des peuples; ce sont ceux-là qui me touchent le plus essentiellement et qui me sont vraiment personnels. »
Tel est, Messieurs, le dernier état et le véritable tableau des demandes du roi.
11 s'agit dans ce moment de prendre une détermination sur cet objet, soit pour faciliter l'assiette des impôts sur les objets réservés au roi, soit pour qu'il puisse en organiser l'administration, soit enfin pour mettre les acquéreurs de biens nationaux a même de faire des soumis-
sions sur des propriétés que notre décret rendra disponibles.
Ces propriétés auparavant possédées par le roi sont nombreuses; vous allez jeter dans la circulation et la vente des biens nationaux, les châteaux de Madrid, La Meute, Vincennes, les domaines de Ghambord, Villeneuve, Ghoisy-le-Roi, les terres de Pompadour en Limousin, et du Pin en Normandie.
Les premiers objets à réserver au roi sont le Louvre et les Tuileries, monument de grandeur et d'indigence dont le génie des arts traça le plan et éleva les façades, mais dont l'insouciance dissipatrice de quelques rois et l'avarice prodigue de tant de ministres dédaignèrent l'achèvement ou plutôt oublièrent l'existence.
Chaque génération croyait voir finir ce monument digne de Romë et d'Athènes; mais il fut un temps où nos rois, fuyant les regards du peuple, allèrent loin de la capitale s'environner de luxe, de courtisans et de soldats.
C'est le besoin,'c'est le secret du despotisme de s'enfermer dans un palais lointain, au milieu d'un luxe asiatique, comme autrefois on plaçait les divinités dans le fond des temples et des forêts, pour frapper plus sûrement l'imagination des hommes.
Il fallait une grande révolution qui ramenât les peuples à la liberté, et les rois au milieu des peuples. Cette révolution est faite, .Messieurs, et le roi des Français fera désormais son séjour habituel dans la capitale de l'Empire. Ce séjour, en embellissant Paris, le consolera de ses pertes. « C'est le consentement que Sa Majesté a exprimé plusieurs fois, de rester au milieu des citoyens de Paris, consentement qu'elle devait accorder à leur patriotisme, même à leurs craintes, et surtout à leur amour (1). »
Voici les projets de vos comités sur ce monument.
Les Tuileries et le Louvre réunis seront le palais national destiné à l'habitation du roi, à la réunion de toutes les richesses que possède la nation dans les sciences et dans les arts, et aux principaux établissements de l'instruction publique.
Ne croyez pas que le roi vous ait demandé le Louvre habitation, mais le Louvre palais des arts et asiles des sciences. Il n'a pas voulu s'enfermer dans un grand palais pour chasser les arts qui l'ont élevé et les sciences qui l'honorent par leur séjour.
Louis XIV lui-même avait consacré la plus grande partie du Louvre pour cette belle destination ; des fonds étaient destinés chaque année à récompenser des ouvrages de sculpture et de peinture en l'honneur des hommes dont les talents ou les. vertus ont servi et illustré la France.
Le Louvre est devenu jusqu'à ce moment, par la munificence royale, le
théâtre des sciences, des lettres et des arts. Il est, à titre de
récompense, la demeure de plusieurs artistes célèbres et de plusieurs
hommes de lettres. Il renferme des richesses précieuses; les statues de
plusieurs grands hommes y sont déposées; de riches galeries de tableaux
sont entassées sans ordre; et ces trésors immenses peuvent être perdus
pour la nation, si vous n'en décorez un de vos édifices. Enfin, un jour
la bibliothèque naiionale pourra y être transportée; et ce vaste
monument
-4Décréter simplement que. le Louvre sera dans le tableau des doimaines réservés àu roij apparu à vos comité s .une disposition .funeste, i propre à rappeler les abus dans ce qu'on appelait la su-r rintendance des bâtiments, a provoquer autour du roi des demandes .indiscrètes; à peupler jion palais de parasitas dangereux et de courtisans peclides; enfin, à intervertir et à profaner même l'usage et l'emploi des domaines nationaux.
Mais autant il fallait éviter Une disposition trop, vague et-, trop arbitraire^ autant il fallait déterminer le véritable esprit de votre décret.
Non, ce, n'est pas pour le roi, n'est .pas pour la superstition du trône que vous établirez eëtte; représentation magnifique dit pouvoir qui a si souvent corrompu, le cœur des. rtiis et subjugué l'imagination des peuples; c'est potir la nation même que vous agirez, Le rDij chef ou agent du pouvoir délégué, par.la Constitution, n'est sans dûute que le premier, des fodctiotb-naires publies. Mais âesiâ siir 1b.trône, habitant au milieu de la capitale. de-l'Empire*.il répré^-sente en quelque sorte la dignité nationale ; il éstolfl. signe visible de la majesté de .la nation : il faut dono l'entourer jd'ubjetë qui appellent les hommages.publics. Sans doute; un, peuple fibre ne conlje ses destinées qu'à lui-même, la formation de ses laie, qu'à des représentants; mais il charge un roi d'une partie, de sa dignité.
Ainsi vôtre projet, conforme, au désir du tbi, sera d'élever le palais des acienée^ èt des.arts à Côté du palais de la r.0yp,uté, et, vous aurez ainéi placé dans la même enceinte les .bienfaits de la civilisation et l'institution qui en est la gardienne. Les révolutions des peuples barbares détruisent tous les monuments, et la trace des arts semble effacée. Leji révolutions des peuples éclairés les conservent, les embellissent, !et les regards féconds du législateur) font renaître les arts, qui deviennent l'ornement de l'Empire, dont les bonnes lois font la. véritable; gloire;
Ainsi la restauration du Louvre et des Tuileries, pour.donnër au roi constitutionnel une habitation digne de la. nation française, çt pour, y faire un muséum célèbre, demandera des mesures ultérieures qui seront concertées entre l'Assemblée nationale et le roi. Le génie des artiBtes, témoins de ce que vous faites pour lés arts, ouvrira un concours., libre pour en former lés plans, et .nos successfeurs eu jugerontv en décréteront l'exécu-tion à mesure des besoins, et des sommes que là nation, pourra y consacrer (1 ).
Venons à des.objets plus importants.
Le domaine dé Versaillês et ses dépendances vopS est demandé par ^e roi. C'est;.son anôiedne demeure, rèëstl'ertibellisseEfieut d'une des ^villes considérables del'Erapiiie, c'est le premier théâtre de la-Révolution. Il importe au.bien du royaume que les. villes,qui-but. de pareils établissements dans leur sein, les confeervenk .
Il est inutile de vous rappeler les nombreux
On croirait difficilement que les charges des domaines de Versailles absorbent presque ehtiè-réiïiëlit lés produits, si l'ôd né Savait que les dépendes sont mal réglées ordinairement dans l'administration obscure et ruineuse dé çefe do-inàibés et que de nouvelles causes de diminution dans les revenus de Versailles sont sorties dë la Révolution même; la, diminution des droits ca-suels ci-devant féodaux, dii nombre des mutations de là Vente des bois, là suppression des droits de péage, de port, de poids, d'étalage1, le changement du séjour du roi ; toilt cônedurt à atténuer le pfodUit de Çeâ domaines, Sans qUe les charges, les frais de garde et les réparatiohs diminuent.
Là tnabufacture de Sèvres, tjm a introduit eti France une nouvelle branche d'Industrie, peut detaëlirer dans les raàins du toi; il Soutiendra cet établissement, qui peut-être serait détériore bu anéanti si les nâtirtients immenses Consacrés à ce ^ente d ihduStrie et de travaux étaient vendus, Comme les autres j)iëns nationaux. Dp bburrà faire,lés mêiresdispositions jsour la manufacture dè3 Qo^elins et de là Savonnerie.
Sâitrt-Cloud n'est qu'une maison oe plaisance acquise par le roi eji 1785 ; cette maison avèc les jârdiug et le Jarc présentent des charges presque sans produit.
Rambouillet, passé par voie d'acquisition de la maih de M. dè Penthièvre dans celles du roi eû 1783i à perdu des droits de péage," de minage et de fouage, supprimés par vos décrété : Le principal revenu estdansla vente des bois. SoUS l'ad-ramtstration de M. de Penthièvre ét jusqu'en dé-Cembre 1783; ii paraît que le revenu total a été pbrtê à 334.461 Jivres, eh y comprenant les portions de biens tends par baux emphytéotiques. C fest sur ce tableau des revenus qué l'évaluation fut mite pour fixer le prix de racquisitiôn.
Aujourd'hui l'état fourni par l'administration des bâtiments, déduction faire deS objets supprimés parles décrets, porte le.revenu net, touies lès charges déduites, à la somme de 257/944 livres.
Saiut-Germain-ien-Laye est un vieuxehateau bâti par Henri .IV*. continué . et .augmenté par Louis XIIIet;Louis XIYb Cette masse,, dont lîeUîre-tién est peu dispendieux^ ne.idonne au roi que l'avantage d.'àccorder des logements .à de. vieux militaires, et des retraites aux personnes qui ont été ou qui sont encore à son service.. Sans, doute c'est à la nation à donner 'des récompenses publiques, et lé roi pourra disposerdes obj.ets.de la liste civile à titre de retraite pour ses serviteurs. Quant auxmaisonset bâtiments qulsOntauniedahs et auprès de la ville de Saint^Germain, et.qutne Souvent être employés au service.du,toi qui n'y abite pas, ces objets.seront Vendus au profit de la hatibnî kl) , .• ï.bl
Il s'est élevé! îles opinions dans .le comité pour distraire
jailtièrement de la,liste civile lé.château et les bâtiments de
Saint-Germain. Mais cette
D'ftiliprg, la beauté; extrême du site, les éta-blis^meots qu| y sont presque rprmés peuyëqt engager un roi a habiter à .SamfrGermain un^ partie de l'ahnép," et .c'ëpt conserYer, crest défendre les intérêts d'une yille que de né pas détruire l'espérance d'y voir un jour uhe maison royale
La forêt, entourée de mursetjdela Seine, contient 8,410 arpents dont le produit de la vente des coupes, annéés communes, est de 133,923 livres.
Les domaines et les forêts de Fontainebleau et de Gompiègnë Sont les deux bblëts lès plu s-considérables par la nàture ét l'étendu ë dès bois. :
Fontainebleau consiste dans lë CliâteâU, Tês jardins, tfUëlfctUëë ttiàisons et bâtifaiëntg, et Une forêt considérable divisée, d'après son aménlage-merit, en 10 fcantond formant 176 triages oh coupes réglées. Sa cofltènàncé est de 32.877 ar-pënts, 28 pëtchès1; 1,050 bôrneë posëèë eh 1700, sur une route de 3 pieds dë làfgé, ëntdUrerit et marquent cette belle propriété nationale.
Le produit total d'une" atinée commune est de 305,223livres, niais avec, les frâis de plantation, de, repeuplement dé fossés et de gardes* portés par aperçu à 110,000 livres, le produit net sera de. 195,220 livres.
; Gompiègnë présente un ndlais récent et magnifique, auquel il ne. manque qu'une chapellô et des jardins.
Plusieurs maisons et bâtiments dépendent de cette maison, et sont disposés pour le service du roi. Le seul revenu dé ce domaine consiste dans là forêt; sa contenance est dë £6,090 arpents (1).
Le revenu annilel porté J às 858, £15 livres, en déduisant les fraiB.de plantation, repeuplement) entretien et garde, se réduit par aperçu à 218,000 livres.
Je ne_ présenterai pas le produit de ces domaines dans tous leurà flétails. Les tableaux imprimés vous ont été distribués: je me hâte d'arriver au résultat des comités.
En résumant les produits nets de ëes domaines, nous voyons due le produit net est porté à la somme de 1,093,000 livrés,
Mais en adoptant ces calculs et ces Valeurs, qui, sans doute, sous une bonne administration, peuvent être augmentés Considérablement, les comités ont examiné si cette, somme pouvait être ajoutéë, sans, préjudice pour la nation, à une grande liste civile de 25 millions* Je ne vous répéterai pas ces considérations .d'économie, publique toujours présentes à vos esprits* ët qu'une nation écrasée par une dette publique immense ne peut vous laisser oublier : Ces considérations n'ont pas échappé à vqs comités.
Mais,ils m'ont chargé de yoiie rappeler que, yos décréts réunissent
expressément a la. liste civile les revenus des parcs et domaines que le
roi se réservera ; ainsi les comités ont dû s'arrêter; ils ont pëngé que
la question était résolue;.
Ainsi le revenu de ces domaines se trouvqdèjà décrété. ;Comme faisant partie dp, la Iipte civile, Ainsi vous . allesj ajputer 1, million 93,(0w livres aux 25 millions déjà donnés.
Personne, :n'ignorensa.nà douté, qjip |§, listeîc^ vile qui, dans; be ipaiij5! d'un r i vertt^u^, doit être. une source de bienfaisance publique peut çtusei, .dans ,les mains d'un ministre, pervgrs, devenir la source, de. la qprruptipr^ ^es pouvoirs et des législateurs eûx-mênie^. f®ai§ çitiand la nror bité est sur. le trône, o'jésVàuxreprésentants dé là nation d'en .écartée par , fôur surveillance, les ministres qui pourraient abuset dès dons qu'un peuple, généreux fait | son roi. - a , «g
En décrétant les réserves q.u'U â demandées dans son dernier message, vous lui accorderez des objets qui tiennent de près à ses joiiisâànçes personnelles} et si le véritable bonheur-d'un roi est de fixer» par son concours à rétablissement d.'une Constitution libre, le bonheur du peuple, la plus douce récompense du peuple est aussi le bonheur du roi.
D'après cette même considération, vous ne séparerez pas du tableau des domaines qjie vous lui réserves le .château de Pau;, dans lequel est conservé. avec Lun respecL religieux le berceau d'Henri IV. Cette propriété, que l'amour dés Français a rendu sacrée, est l'objet.de .ses désirs : comme si les hommages que Louis XVi a si souvent rendus à la mémoire'de son âieut ne l'eussent pas acquitté de tout en qu'il Jui . doit, il vous a démande expressément. cqpseryer ces mêmes lieux où est né le vainqueur de la Ligue.
Et vous aussji vous voulez honorer la mémoire d'Henri IV, en exceptant, d@ l'aliénation le château où il à vu ie jour ; c'ëst Te vœu des habitants du département de^ Baçses-Pycénées; c'est le vœu dë tous les Français ; il sera donc le vôtre* i ami
Voici le projet de décret: que vos comités m'ont chargé de vous présenter :
L'Assemblée nationale dëlihèrânt sur-là demande du roi, après akvoir entendu le rapport qe ses comités des domaines, dp feôdàlite, des ^n-slonset dqs finances, réunis, décrète ce qUi suit :
Art. 1er. Le Louvre et les Tuileries feupis
seront le Palais national destiné à 1 habitation du roi et à la. réunion
de tous les njpnumepts des sciences et des arts, et aux principaux
établissements de l'instruction publique ; sç réservant, l'Assemblée
nationale, de pourvoir aux moyens de rendre cet établissement digne dè
sa destination, et de se concerter avec le roi sur cet objets
«. Art.. 2, Lés bâtiments dépendant du domaine national, renfermés dans l'encçihtë projetée du Louvre et des Tuileries, seront consèrvés et loués
au profit du Trésor public, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement disposé, à l'exception de ceux desdits bâtiments actuellement employés au service du roi et dont il conservera la jouissance.
« Le roi jouira encore des bâtiments adjacents à ladite enceinte, employés actuellement à son service : les au très, pourront être aliénés.
« Art. 3. Sont réservés au roi les maisons, bâtiments, emplacements, terres, prés, corps de ferme, bois et forêts, ainsi que tous autres fonds dépendant des domaines de Versailles, Marly, Meudon, Saint-Gloud, Rambouillet, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau et Gompiégne, les bâtiments et fonds dépendant de la manufacture de porcelaine de Sèvres.
« Art, 4. Le roi aura la jouissance des domaines réservés par les articles précédents ; il en Eercevra les revenus ; il entretiendra tous les âtiments, en acquittera les charges, aux frais de la liste civile ; il fera aussi toutes les réparation des bâtiments et le repeuplement des forêts.
« Art. 5. Les bois et forêts compris dans la jouissance du roi seront exploités suivant l'ordre des coupes et des aménagements existants, ou de ceux qui y seront substitués dans les formes déterminées par les lois.
« Art. 6. Le roi nommera les gardes et les autres officiers préposés à la conservation des forêts qui lui sont réservées, lesquels se conformeront, pour la poursuite des délits, et dans leurs actes, aux lois concernant l'administration forestière.
« Art. 7. Le rachat des rentes et droits fixes ou calculs, ci-devant féodaux et autres, dépendantdes domaines réservés au roi, sera fait dans les formes prescrites pour le rachat de pareils droits appartenant à la nation, et le montant en sera versé dans les mêmes caisses, et le produit desdits droits rachetés sera remplacé au profit de la liste civile.
« Art. 8. Sera aussi réservé au roi le château de Pau, avec son parc, comme un hommage rendu par la nation à la mémoire d'Henri IV. »
(L'Assemblée décrête qu'elle adoptera le projet de décret en masse.)
Deux amendements sont proposés sur ce projet de décret :
Le premier consiste à insérer dans l'article second, une disposition portant qu'il sera sursis à l'aliénation des maisons dont l'emplacement serait nécessaire à l'entier achèvement du Louvre.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.)
Le second a pour objet de supprimer de l'article 7 la dernière phrase ainsi conçue :
« Et le montant en sera versé dans les mêmes caisses, et le produit desdits droits rachetés sera remplacé au profit de la liste civile. »
(Get amendement est adopté.)
En conséquence, le projet de décret amendé est mis aux voix en masse dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la demande du roi, après avoir entendu le rapport de ses comités des domaines, de féodalité, des pensions et des finances, réunis, décrète ce qui suit:
Art. Ier.
« Le Louvre et les Toileries réunis seront destinés à l'habitation du roi, à la réunion de tous les monuments des sciences et des arts, et aux principaux établissements de l'instruction pu-
blique; se réservant l'Assemblée nationale de pourvoir aux moyens de rendre cet établissement digne de sa destination, et de se concerter avec le roi sur cet objet.
Art. 2.
« Les bâtiments dépendant du domaine national, renfermés dans l'enceinte projetée du Louvre et des Tuileries, seront conservés et loués au profit du Trésor public, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement disposé, à l'exception de ceux desdits bâtiments actuellement employés au service du roi, et dont il conservera la jouissance.
« Le roi jouira encore des bâtiments adjacents à ladite enceinte, employés actuellement à sou service; les autres pourront être aliénés.
Art. 3.
Sont réservés au roi les maisons, bâtiments, emplacements, terres, prés, corps de fermes, bois et forêts composant les grands et petits parcs de Versailles, Marly, Meudon, Saint-Germain-en-Laye et Saint-Gloud, ainsi que les objets de même nature, dépeudant des domaines de Rambouillet, Gompiégne et Fontainebleau, les bâtiments et fonds de terre dépendant de la manufacture de porcelaine de Sèvres.
Art. 4.
« Le roi aura la jouissance des domaines réservés par les articles précédents ; il en percevra les revenus, il en acquittera les contributions publiques et les charges de toute nature; il fera aussi toutes espèces de réparations des bâtiments, et fournira aux frais des replantations et repeuplements des forêts, ainsi que de leur garde et administration.
Art. 5.
« Les bois et forêts dont la jouissance est réservée au roi seront exploitées suivant l'ordre des coupes et des aménagements existants, ou de ceux qui y seront substitués dans les formes déterminées par les lois.
Art. 6.
« Le roi nommera les gardes et les autres officiers préposés à la conservation des forêts qui lui sont réservées, lesquels se conformeront, pour la poursuite des délits et dans tous leurs actes,aux lois concernant l'administration forestière.
Art. 7.
« Le rachat des rentes et droits fixes ou casuels ci-devant féodaux, et autres dépendant des domaines réservés au roi, sera fait dans les formes prescrites pour le rachat de pareils droits appartenant à la nation.
Art. 8.
« Sera aussi réservé au roi le château de Pau avèc son parc, comme uu hommage rendu par la nation à la mémoire d'Henri IV. »
(Ge décret est adopté.)
11 est resté dans le complément du Gorps législatif deux objets qui me paraissent devoir être incessamment rapportés, savoir : l'incompatibilité entre certaines fonctions publiques et celles des députés à la législature; puis le cas d'hostilités où le roi ne ferait pas la convocation de la législature. Il n'y a rien autre chose à faire
qu'à rédiger les articles, car l'opinion est formée sur ces objets.
Je demande donc que le comité de Constitution nous présente au plus tôt ses vues sur cet objet.
, au nom du comité de Constitution. Les dispositions dont il s'agit sont renfermées dans le travail qui va vous être présenté sur le renouvellement de la législature et que votre comité ne tardera pas à vous soumettre : ainsi l'intention de M. d'André sera remplie.
Dans ce moment, je viens au nom de votre comité de Constitution vous faire un rapport sur les municipalités par cantons.
Messieurs (1),
Le premier travail que le comité de Constitution ait entrepris par vos ordres proposait de former de grandes municipalités en laissant à chaque bourgade des agents ou officiers municipaux, tant pour la gestion de se3 biens et la conduite de ses affaires, que pour la répartition et le recouvrement des contributions directes. La nature des choses nous semblait exiger une organisation particulière pour les municipalités des villes, et nous leur réservions le plan que vous avez rendu général. Vous savez, Messieurs, à quelle époque et dans quel temps vous vous déterminâtes à établir une municipalité indépendante et organisée de la même manière, dans les villes, les bourgs, les paroisses et les communautés. Nous avouons, de bonne foi, que les dispositions provisoires adoptées par vous, convenaient mieux aux circonstances; qu'on s'est permis souvent d'en indiquer les abus, mais qu'on n'aurait pas dû oublier le bien que nous leur devons.
En effet, au moment où les diverses parties de l'ancien gouvernement s'écroulaient; lorsque l'indignation ne reconnaissait plus les pouvoirs publics établis sous l'ancien régime, les tribunaux et les agents de l'administration n'inspiraient plus de confiance, il a bien fallu, pour ménager aux lois un reste de soumission, jeter et prodiguer sur la surface du royaume des pouvoirs quelconques émanés du peuple : malgré les inconvénients, malgré les dangers d'une mesure aussi hardie, il a fallu les armer de la force publique et leur attribuer le contentieux de la police, quoiqu'il fût impossible d'assurer ainsi l'uniformité et l'équité des jugements. Pour seconder vos efforts, pour répandre l'esprit de patriotisme, pbur donner de la vigueur aux caractères et aux esprits, pour leur donner la trempe nécessaire à la liberté, il était bon de former à l'avance les citoyens, de les préparer par degrés aux fonctions et aux devoirs du gouvernement représentatif, de saturer, si je puis m'exprimer ainsi, l'imagination et les désirs des hommes ardents, atin de les soumettre au régime sévère de la loi, lorsque la Constitution serait achevée. Une pareille opération convenait encore aux mouvements d'enthousiasme et d'énergie par lesquels s'est opérée la plus mémorable révolution qu'aient jamais présentée les annales du monde. Il est de votre devoir maintenant de songer à l'état de la France, lorsque la liberté bien établie n'aura plus à désirer parmi nous que des citoyens qui sachent en jouir.
Après avoir recueilli les avantages d'une institution qui n'a été et qui
ne pouvait être que provisoire, il convient de prévenir les désordres
qui en résulteraient par la suite; mais il convieut
Les villes, les bourgs et les villages sont, dans l'ordre politique, autant de familles chargées de leurs affaires domestiques, et jouissant des mêmes droits; mais on ne peut, sans de graves inconvénients, déléguer aux villages la même étendue de pouvoir qu'aux villes. En effet, la population plus considérable que celles-ci exigé une répression plus active; la fainéantise et la débauche y produisent plus de désordres et de crimes; les représentants et les gardiens du peuple y ont besoin de plus de moyens de persuasion et de plus de moyens de force.
D'autres motifs encore prescrivent une iastitu-tion différente. Dans les villes, la contagion de l'enthousiasme, en mal ou en bien, fait naître plus d'infractions aux lois; le caractère et les nabitudes y donnent plus de prise aux intrigants et à tous les ennemis de la chose publique. Dans les temps de calamité, les souffrances s'y aigrissent d'une manière plus dangereuse; l'explosion des mécontentements ou des erreurs populaires y est d'autant plus forte qu'elle est plus concentrée : rien ne peut y dissiper les opinions déraisonnables, ou les terreurs sur les subsistances : on a toujours à craindre de voir naître du trouble dans les lieux publics et au milieu des spectacles, ou de3 fêtes qui rassemblent les citoyens : il n'est pas jusqu'à la voie publique Sui ne demande des précautions plus étendues. ne force puissante doit donc environner cette multitude d'hommes resserrés dans un petit espace où tant de passions menacent la sûreté et la tranquillité générale et individuelle.
Sous le rapport des pouvoirs délégués, l'administration générale a aussi plus de fonctions à donner aux municipalités des villes. Leur organisation doit donc être plus travaillée, et leur action plus libre. On peut y réclamer, au nom de la patrie, plus dë services de ceux qui out plus de loisir et plus de fortune, y ordonner même des institutions sans autre objet que de façonner au joug des honorables devoirs de citoyens, ceux qui ont le plus d'inconstance dans leurs idées, et prennent le plus de part aux mouvements contre la puissance publique. Le plan de municipalités que vous avez adopté, remplit toutes ces vues : on peut donc le conserver pour les villes, sauf quelques détails purement réglementaires sur la forme des élections ou sur d'autres points.
Il n'en est pas de même des villages. San3 doute, chaque bourgade doit avoir des officiers municipaux et des notables nommés par les citoyens actifs; car ces petites familles ont des affaires domestiques à gouverner, ainsi que je l'ai déjà dit, et des soins à prendre pour maintenir la propreté, la sûreté et la tranquillité. Elles sont chargées d'ailleurs de répartir les contributions demandées par le Trésor public; il faut donc y établir un pouvoir municipal, mais la détermination de son étendue et de ses bornes
offre quelques difficultés. Les élenients de ce ealcul sbnt nbmbreux; il est nécessaire de cqnn biner, à la fois les vues dè la mofale.et belles dë la politique, et d'éclairer les Unes et les, autre» des lumières de l'expérience. Il s'agit de trouver une institution qui donne, d'un côté,;un appui sûr à la faiblesse .de chaque bourgade, et répande parmi les hdmmës* que leur position tend à isoler les habitudes et les affections sociales qui sont la base de tous. les gouvernements; qui, de l'autre, renforce le Jien politique, et par des, divisions dans Je territoire du district, réunisse un nombre de communautés qui ne soit ni trop petit ni trop grand,, pour analtitenir. la surveillance et la paix aes campagnes. Enfin» rien ne pourra réuesir ett ce gfenre* si on ne ipênage pas le tèmps dès cultivateurs et des ouvriers, et si on ne proportionne pas à lôurs lumières les fonctions qui leUr seront impoÈéet* .
PoUr remplir des vues felintéçessantes^nDus proposons de donhèr trois officiers municipaux et six notables à chaque bourgade, de rendre les élections faciles et de.peu dé durée* de leur laisser* ce qu'ils ^pourront iieri faire, c'est-à-dire la répartition des contributions publiques et le maintien de là police, jusqu'au jugement du contentieux èt.à la réquisition de la force publique ex-QluSiveihentjet sur les objets plus, difficiles; de lë$ incorporer à une abtré ihstitution qui, réunissant plus de lumières ét plus dë force,.sera un service plus exact. Nous voudrions donc établir par canton Une» municipalité centrale, composée d'un maire et d'un procureur de la commune* nommés par lés citoyens .actifs de toutes les communautés, et de l'un des officiers muhicijîaux de chaque communautéparticulière. Elle ne siégerait que le dimanche;; elle jugerait ;le contentieux, dé toutes les affaires de police j. elle rendrait toutes les ordonnances suc. cette matière ; elle requerrait et sUrveillerait.l'emploi de la force, publique, nécessaire à la. sûreté ët à là tranquillité de tout le canton.; elle, remplirait; dans l'ordre municipal et dans » l'ordre administratif* d'autres fonctions utiles qu'indiquera le plan.
Lés atanlages. qui résulteraient d'une pareille institution.sbht sans .nombre, et je me bornerai à en préBenfer quelquesruns,
1° Le moindre trouble.ou le moindre désordre dans une Communauté intéresserait tous les citoyens soumis à la .municipalité centrale! La force .de tout le canton interviendrait pour le ré* primer* èt.on remplirait ainsi, à quelques égârds, cettagrande vue d'Un ancien législateur, qui voulait que le contre cDup-d'un déèordre allât frapper &h loin lé patriotisme des habitants du même pavë-----
« 2° Les haines ét les divisions, si fréquentes jus* qu'ici entre lës habitants des communautés limitrophes,, disparaîtraient; un sentiment de fraternité ne tarderait pas à prendra la place de ces querelles, aussi affligeantes pour les bonnes mœurs, que nuisibles à l'intérêt et âu repos de ceux qu'elles agitent.
3°.Rien n'étant plus utile, que les institutions corrélatives, dont le ressort, estd'une étehdue modérée et s'arrête aux mêmes limites du territoire, l'drdre s'établirait et se soutiendrait, par leçon* GOurB du juge.de paix, chargé de la police, ën matière: criminelle; et par celui de Ja municipalité*. chargée» sur. le même canton* de la policé municipale étde l'exercice de la force publique;
4° L'opinion publique arrêterait .ceux qui né sont pas.Contenus par l'opinion de lâ bourgade t en maîtrisant les eèprits de toUte sa force* elle
deviendrait plus puissante que les condamnations* et préviendrait très souvent l'application sévère de la loi.
5° Les pauvres seraient mieUx assistés* et, relativement à la bienfaisance publique, on ouvrirait une. Source inépuisable de biens pour tout le cahtou.,
6° Les municipalités centrales produiraient aussi l'uniformité et la bonté des jugements et ordonnances de police ; lës amendes et les peines seraient appliquées : ,avec plus d'exactitude J les délits seraient plus rares 4 on. ne redouterait pas seulement la peine de" la loi; on craindrait de se diffamer soi-même dans toute l'étëndue dU canton.
7° Il ne resterait plus d'iiit[uiélUdës Sur la sagesse de la réquisition ét. d$ l'emploi de la. force publique* Cè rejnèda nécessaire, piais toujours dapgëceux*; serait employé impartialement et dans des dispositions tranquilles.
8° Une fdule de réclamations mensongères, ou contradictoires n'iront plus fatiguer et tromper les corps administratifs.
9°, Dans..les affaires importantes, ceuxrci seraient mieux avertis. Obtenant dès renseignements plussûrs, ils exerceraient leur pouvoir plus promptement et avec plus d'efficacité. . û
En ôtant .aux officiers mhriieipaux des villages et des bourgs la proclamation de la loij martiale* il est /indispenfeahle da pourvoir autrement à leur sûreté et à leur tranquillité. La gendarmerie nationale, que vous avez établie, est assez nombreuse, pour suffire â presque tous les Cas. Dès l'instant où des troubles se préparent, on peut llavertir de.se tenir prête; On parviendraitainSi à rétablir la paix delà manière la plus paisible. Quautaux occasions où cette force serait insuffisante, nous avons distingué les .moments où la tranquillité publique, est menacée; céux où il se.prépare une émeute ou Une sédition ; ceux enfin* où une émeute* une sédition, ou. une in* cursion dé brigands s'est déclarée» II. faut tracer des règles siihples etjusteë pour ces diverses circonstances*..et nous croyons qu'elles se trouvent dans je projet de décret Ce point est important; car,d'un côté, la réquisition faite à.une partie oU à la totalité d'un canton, câuse elle-même du. trouble et enlève, un temps précieux aux cultivateurs.et ouvriers; et de l'autre, on ne peut .compter ni sur une discipline assez exacte, ni sur des chefs asseâ habiles et assez prudents, pour he pas éloigner Ou réduire les occasions où l'on fera marcher les gardeSnatiO* nalesi Nous avons eu soin également de faire avertir .le directoire de district,. qui, placé plUS haut, verra mieùx ces sortes d'objets, et mettra en mouvement* ou arrêtera plus à propos Tac» tion de .la force publique.
La. réquisition respective, accordée à toutes laSi .communautés, par Un..décret du .15 février i79ft, que les circonstances ont ordonnée* doit être: restreinte dans des bornes poBéeS par les principes, et nous proposons de ne 1'accoraër qu'aux communautés, limitrophes. Mais ensuite il peut devenir nécessaire de faire passer,des gardes nàtionâles d'Uh tantdn dans un autre, ou d'un .district dans le district voisin ; car, si les bourgs et villages d'un canton forment dans le plan une.seule et même commune* où les citoyens veillent mutuellement pout leur repos* les cantons du même district forment aussi une agrégation qUi leur impofee les mêmeB devoirs; et les districts du-même-département forment enfin une troisième agrégation* dont les membres
ont.auBsvdes devoirs réciproques à remplir. Cette action de la force publique d'un canton sur un autre* d'un district sur une autre partie ou sur la totalité .dut/este du département, exige dei précautions particulières. Il y aurait du danger à ne pas en réserver la disposition aux corps administratifs, et il paraît convenable de la donner à celui du district pour le premier cas, et à celui dq département pour le second.
Les législateurs ne devant jamais perdre de vue les calculs des aritliméticiens politiques, sur les dommages que causent à un État las Journées perdues des cultivateurs et des ouvriers ;. et les dispositions qui ménagent le temps de ceux qui ne, trouvent leur subsistance que dans un travail continu» n'étant pas seulement un devoir d'humanité» mais,un très bon oalçul-d'intérêt, surtout dans la. Constitution, que,vous, avez établie, nous ayons eu. sotn d'abréger les élections en conservant le droit dès citoyens. L'élection mufltcipale n'emploiera qu?une,séance de peu de durée. Nous V5US.demandons Messieurs* défaire présider les citoyens actifs de la communauté par le premier officier municipal sortant d'exercice; d'attribuer les fonctions de secrétaire au premier des notables, aussi sortant d'exercice; enfin, de faire roceyair et .dépouiller les scrutins par les notables en exercice, mais en présence des trois plus anciens (t'âgë.t }
.La municipalité, du canton ne s'assemblerait que le dimanche,, et la .communauté la. plus éloignée, du chefciiau aurait peu de chemin à faire. II. est important néanmoins de . faciliter le.service des..officiers municipaux de chaque bourgade. Nous, les y envoyons tour à tour;;ce service ne reviendrait ainsi qu'au bout de trois semaines, et gênerait d'autant moins qu'ils auraient presque toujours dis affaires particulières au chèf-lieu.
Il est. une autre précaution qu'il .Convient de ne pas négliger;: et conformément à l'esprit de la loi qui réserve aux séances du matin les jugements en matière criminelle, nous demandons que la séance du matin soit emplôyée aux jugements des matières de police et aux plus imporr tantes, des .fonctions qu'aurait la municipalité centrale. Sans doute, le nombre des affaires sera peu. considérable, mais nous avons senti qu'il faudrait de temps à autre, tenir des séances l'après-dîner, et nous déterminons les objets qui pourront y. être traités.
Il ne. suffirait pas . d'établir la subordihation des municipalités centrales, à.l'égard des corps administratifs; nous avons, réglé, avec quelque détail, i!autorité que ceux-ci pourront déployer contre elle. En classant les diverses parties de la Ponstiiu lion>.on y .trouVerà un lieu plus solide et plus fortqù'on ne, l'a penSé jusqu'ici* Sans.douté, il faut renvoyër à cette épbque la formation, des derniers anneaux de la chaîne qui doit réunir toutes lés parties, du.corps politique autour de leurs centres particuliers, et ensuite autour du centre commun; mais, ainsi que.nous l'avons pratiqué, dans loutesJes autres occasions,, nous posons les bases* sauf à les. développer par la suite,. S'il eii. est besoin, .
Enfin nous renvoyons à l'époque des élections de cette année, c'est-à-dire au mois de novembre, les changements, qui.seraient opérés d'après le plan. Les municipalités subsisteront avec avantage telles qu'elles sont, aussi longtemps que la Constitution ne sera pas terminée; le délai que lious indiquons sera donc utile sous ee rapport; et cotnme il né faut pas fatiguer les citoyens.
qu'on â rassemblés très souvent dépuis la Révolution, sous cet autre rapport, le délai est enGore convenable.
La constitution des corps administratifs et celle des municipalités ayant des rapports mti+ mes, ondoity bhèrGher la liaison et l'accord que le i comité s'est efforcé d'y mettre. La partie de travail qué vbus avez adopté, Messieurs; sur le complément de l'organisation des administra? UonB de départements fet de districts, à été com-bihêe avec celle que nous présentons aujourd'hui sur les municipalités de campagne; et si l'on veut en rapprocher les diverses dispositions* on y trouvera, d'une part, le -développement des principes sur l'administration générale du royaume et sur le pouvoir municipal qui doit appartenir aux communautés; de l'autre, la hiérarchie et là subordination de ces pouvoirs dans tous leurs détails et dans tous leurs degrés^ On y verra tous les mouvètaents se portâr par gradations, de Ja source du pouvoir jusqu'au chef suprême de l'Etat, et redescendre, de la même manière, du centre jusqu'à l'extrémité des rayons, ;
II.fallait pourvoir à Un point important; et nous appliquons aux municipalités les .dispositions de police constitutionnelle que vous avez décrétées it, l'égard desi porps administratifs; elles forment les articles 41, 42* 43, 44, 45 et 46* D'après le rapport qui précède notre travail sur le complément .de l'organisation des corps adminis»-tratifs, et l'adoption que vdus avez faite des principes et des vues.qu'ii renferme, nous ne croyons pas nécessaire lie donner ici un plus long développement à cet objet. 'i
Le comité aime à revenir à dès combinaisons dontil avait examiné tous les avantages lorsqu'il calculait , cette grande opération de la division du royaume, qui sera une Source féconde de prospérités dans toutes les parties de l'adminis? tration. Il a toujours pensé qu'on reconnaîtrait l'insuffisance de l'organisation deS districts et des départements, si la division élémentaire, celle des cantons, n'était pas organisée avec le même soin* Eh êffet* les bases du gouvernement représentatif demandent une solidité particulière ; et autant que^peut le permettre 1a prévoyance hu^ maine, il fadt éloigner l'époque où. .le cours des événements obligera de les raffermir. Ce gouvep-* nement a Un besoin particulier de réunir et de rapprocher les citoyens. L'unioh Seule peut lui donner de là force, et la force est nécessaire dans ses moindres agrégations. L'ignorance et lçs passions enfrfeindrOnt la loi, lors même qu'elle sera l'expression de la volonté générale. Dans l'ordre politique, une. bourgade a la faiblesse d'un individu; élle a besoin des autres pour le maintiett de ses droits et lé châtiment de. ceux qui les violent. On doit donc lui dottner des moyens de défense, ainsi qu'on en a donné à chaque citoyen ; mais comme il s'agit de ces légères infractions, ou de ces désordres graves qui demandent Une répression, subite, la force, ne doit pa$ être, placée trop loin, et il faut la proportionner à l'usage qu'on Veut en .faire. On dirait inutilement cjue cette force est dans l'administration.de district; il y aurait un grand péril à surcharger: les corps administratifs, qui de plus se trouvent placés à une trop grande distance. J'ajouterai encore que la lumière qui doit .éclairer les divisions dès communauté?, perdrait de sa pureté et ^affaiblirait dans la route.
Le comité, laissant à toutes les communautés les officiers municipaux et les notables qui leur
sont nécessaires, forme des vœux particuliers pour qu'on adopte son plan de municipalités par canton, et qu'elles soient établies au mois de novembre de cette année;alors l'organisation du royaume ne préseniera plus de lacune, et l'unité parfaite des principes et des établissements secondant la sagesse des lois, les habitants des campagnes pourront enfin goûter le bonheur et la paix (1).
Avant de passer à la lecture des articles de notre projet de décret, je propose à l'Assemblée de discuter et de résoudre les deux questions suivantes :
1° Laissera-t-on à chaque municipalité le jugement du contentieux en matière de police?
2° Lùssera-t-on à chacune d'elles la réquisition et l'emploi de la force publique, ou les lui ôtera-t-on pour les donner à une municipalité centrale?
L'accord une fois établi sur ces deux points, le projet de décret ne présentera pas de difficultés majeures.
Le projet de décret de votre comité présente les plus grands dangers. Les mesures qu'il vous propose sont des mesures versatiles qui détruisent tout l'ouvrage de l'Assemblée et qui, sous prétexte d'empêcher l'anarchie, ne font que l'entretenir davantage. On convient que les municipalités, telles qu'elles ont été constituées,ont été fort utiles à la Révolution par la manière dont elles ont entretenu l'esprit public. 11 est vrai que quelques-unes d'elles n'ont point encore acquis toute la force et toute l'autorité dont elles sont susceptibles, mais chaque jour ces inconvénients se font moins sentir; tous les paysans se sont attachés à ces établissements, et ils ne les verraient pas réduire sans les plus grands regrets. Ne donnons pas nous-mêmes l'exemple ae ces versatilités ; laissons nos successeurs réformer, dans les lois réglementaires, ce qui leur paraîtra renfermer de trop grands inconvénients.
En général, les campagpes ont été très contentes d'avoir obtenu des municipalités. A présent si vous allez soumettre ces municipalités à .une administration centrale, il serait possible qu'elles s'alarmassent de ce changement. Il est très intéressant, soit pour te maintien de la Constitution, soit pour le bien général de la patrie, de laisser mûrir les choses et les objets : je crains qu'une petite municipalité qui jouit dans toute son intégrité du bienfait de votre Constitution, ne se trouve infiniment lésée de cette subordination à laquelle vous voulez l'astreindre. Je crois, en conséquence, qu'il serait prudent de renvoyer ce qu'on demande à la prochaine législature. (Murmures et applaudissements.)
Messieurs, dans le moment actuel,' vos officiers municipaux connaissent à peine les lois auxquelles ils doivent se soumettre; vous croiseriez inutilement leurs idées, en cherchant à leur en donner de nouvelles auxquelles ils n'entendront rien.
J'ajoute que c'est compliquer la marche du gouvernement et il pourrait y
avoir danger d'établir un rouage de plus dans une machine qui est
peut-être déjà compliquée.
, rapporteur. Cette question n'est pas aussi simple qu'elle le paraît. Ce serait en vain que vous vous flatteriez d'établir l'ordre public dans le royaume, si vous n'avisez point, je ne dis pas aujourd'hui, car mon avis aurait été que l'on ne mît point actuellement ce travail à l'ordre du jour; mais seulement lorsque le comité de revision vous présentera l'ensemble de vos décrets; si, dis-ie, vous n'avisez point au danger de laisser 44,000 communautés indépendantes dans le royaume et prononçant en matière de police.
J'ajoute qu'on a oublié complètement les diverses parties du plan que nous proposons. En effet, nous laissons d'une part à toutes les communautés réunies soit par vos précédents décrets, soit volontairement, la faculté de demeurer dans le même état, non seulement pour la répartition de leurs contributions, mais pour la gestion de leurs propriétés de famille, si je puis m'exprimer ainsi. Nous n'avons pas cru non plus qu'il fût nécessaire de donner des officiers municipaux à cette municipalité centrale. Chacun des officiers municipaux des municipalités se rendraient tour à tour au chef-lieu du canton. Là et concurremment ils prononceraient en matière de police. J'observe enfin que cette mesure est commandée par la nécessité. 11 est impossible de la renvoyer à la législature prochaine.
Je conclus donc, Monsieur le Président, à ce que le projet de décret soit ajourné jusqu'au moment où le comité de revision présentera l'ensemble des travaux que vous avez faits, et la revision des décrets que vous avez rendus.
Messieurs, le projet qui vous est présenté n'a pas seulement en vue un objet de police; mais il est encore le seul moyen de sauver les campagnes de la suprématie inévitable des villes, en autorisant les municipalités à se corporiser entre elles : autrement, il vous arrivera ce qui est arrivé en Suisse où les municipalités des villes ont concentré en elles toute l'autorité et où elles exercent une telle suprématie sur celles, de la campagne que les membres des premières disent scandaleusement en parlant de celles-ci : nos sujets des campagnes.
Les grandes villes possèdent déjà les directoires de district et de département, la plupart, des tribunaux les plus importants et des sociétés particulières très influentes. Si les campagnes ne mettent pas un obstacle à cela, si elles ne peuvent former des corporations de municipalités qui contrebalancent toute autre autorité de même nature, vous entendrez aussi les villes dire : nos sujets, en parlant des habitants des campagnes. (Applaudissements.)
Je ne demande donc ni le renvoi à la prochaine législature, ni l'ajournement jusqu'au moment où le comité de revision nous fera son rapport : le rapport est fait, les idées sont préparées ; je demande que la'discussion soit ouverte.
Le décret qui nous est proposé, s'il était adopté, ne tendrait qu'à établir le dé-
sordre et la division dans le royaume, au moment même où la tranquillité commence à peine à s'y établir. Je demande que l'Assemblée décrète l'ajournement de cette question à la prochaine législature : ceux qui nous succéderont sauront aussi bien que nous ce qui conviendra aux intérêts du royaume.
Je crois, Messieurs, que, dans ce moment, il y aurait peut être un grand danger à adopter le projet du comité, parce qu'on courrait le risque de désorganiser les municipalités existantes dont nous avons besoin, au moins pour le moment actuel...
, rapporteur. Il n'est pas question de faire procéder actuellement aux élections ; je vous prie de vous souvenir que ce n'est que pour le mois de novembre, et non pas à présent
Sans désorganiser les munici-lités, il serait possible aussi que l'on mît un rouage de trop dans la machine qui est déjà assez surchargée ; mais je ne suis pas pour cela de l'avis de ceux qui demandent purement et simplement le renvoi à la législature prochaine, et je crois qu'il y aurait du danger à prendre un pareil parti., De quoi s'agit-il en elfet en ce moment? De départir réellement un pouvoir politique; de donner aux municipalités qui existent une forme nouvelle, de faire des municipalités agrégatives au lieu des municipalités individuelles qui existent actuellement : cela ne peut être fixé que par le corps constituant.
En conséquence, m'opposant au renvoi pur et simple au Corps législatif prochain, je demande Sue l'Assemblée décrète au moins le principe et ise qu'il pourrait être des municipalités collectives ou par canton pour exercer toutes les fonctions administratives et déléguées par les lois aux municipalités actuelles, et, à cet effet, que les corps administratifs pourront proposer aux subséquentes législatures les témoins qu'ils jugeront convenables.
Vous voyez que, de cette façon, le principe une fois décrété par vous, vous pourrez en renvoyer l'exécution à la prochaine législature, sans vous départir pour cela d'un pouvoir du corps constituant qui ne doit pas être exercé par elle.
Plusieurs membres : C'est cela.
Je suis loin de vouloir vous prouver que les mesures que vous propose votre comité ne soient pas bonnes. L'Assemblée nationale elle-même a déjà déclaré qu'elle désirait des municipalités collectives, car elle a invité les municipalités des campagnes à se réunir le plus qu'il leur serait possible; mais je crois qu'il serait funeste de décréter un pareil projet dans ce moment-ci; et je me fonde sur un fait dont je vais vous donner connaissance.
Dans mon département, notre évêque n'est pas encore en place ; nous avons beaucoup de prêtres rêfraetaires, et dans ce moment-ci on abuse des circonstances pour persuader aux communautés que l'intention de l'Assemblée nationale est de n avoir plus qu'une paroisse par canton. Si le projet du comité passait, certes on aurait les plus grands avantages à le faire croire aux habitants des campagnes ; ainsi j'appuie l'ajournement.
Je vais rappeler la discussion
à son véritable point. On a discuté sur le fond, et il ne s'agit que d'un ajournement : on en a proposé deux, 1 un à la prochaine législature, l'autre au moment où se fera la revision de vos décrets. Le renvoi à la législature prochaine serait évidemment inconstitutionnel, ainsi que l'a prouvé M. Rœderer, puisque la répartition des pouvoirs est une émanation du pouvoir constituant. En ajournant, au contraire, au moment de la revision, vous ne laissez à la législature que de dire que le vœu d'un département est tel, et non qu'il sera décidé de telle manière.
Les principes du comité sont sages, mais ses moyens d'exécution paraissent trop compliqués.
, rapporteur. Je crois que ce qu'il y a de mieux à faire est de renvoyer au comité de revision qui adoptera sans doute le moyen proposé par M. Rœderer. Je demande donc l'ajournement pur et simple à l'instant où le tableau des décrets vous sera présenté.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement à 1 époque où le comité de revision présentera son travail.)
lève la séance à trois heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
Etat de consistance et des revenus des domaines à réserver au roi (1). (Imprimé au nom du comité des domaines.)
Le comité des domaines, pour ne pas surcharger son rapport de détails et de calculs difficiles a saisir à une simple lecture, a cru devoir les présenter à l'Assemblée séparément afio de la mettre à portée de délibérer sur le projet de décret qui sera à la suite de ce tableau. Ces détails et ces calculs sont le résultat des divers renseignements qui ont été fournis au comité par l'administration des bâtiments, par celle du domaine de Versailles, par les différentes maîtrises et les autres éclaircissements particuliers que le comité s'est procurés.
paris.
Le château et le jardin des Tuileries. Le Louvre avec la destination qui sera indiquée dans le rapport. La galerie qui réunit ces deux édifices. Les cours, jardins, maisons et emplacements en dépendant, et quelques maisons employées au service du roi. Les bâtiments servant aux écuries, Et le garde-meuble de la couronne.
versailles et ses dépendances.
1° Les châteaux, bâtiments, emplacements, jardins et parcs, dont le roi est en jouissance;
A l'exception des bâtiments et jardins que Sa Majesté juger» inutiles à son service, qui seront yendug au profit dé l'Êjtati
2° Le château de Marly et les bâtiments, emplacements, jardins et parcs en dépendant,
3° Le domaine utile de Versailles, Marly et Meuden» consistant en 11,000 arpents environ de terres labourables', pïés et pâtures, formant 35 corps do fermes, dont le détait suit :
noms des fermes.
PRIX.
dès baux actuels.
Satory ...................^ 2,Q22 liv.
La Ménagerie...................&,772
Chèvreloup et Gally.... M...., 10,283
Bue.................:..::..... 5,001
(juyancourt.,........................4,702
Bellebàt ef Blémy..........§,080
La Minière.................,.,. 2,610
janviers................3,625
Le Trqu, ^ , M. JJ^j
Villaroi...............7,000
Château foré.
Voisins-le-Bretonneux et la Lande. 8,032
La Tremblayë.................. L09S
Bois d'Arcy........................................1,264
Les Graviers.......................5,282
Hàut-Fonteriay.................2,160
Trou Moreau....................................2,807
La Hébergerie avec un moulin. 3,593
Grandmaison...................3,002
Rennes-Moulin..........2,592
Moulin du même nom....................820
La Tuilerie Bignon....,...... ; i 3,942
VauchëfOn et le Ghenil......... 5,042
Vau-Lusseaux..................................2,879
Moulinern.................2,068
Trou d Enfer. .................6,402
Becheveï.............................1,944
Glatigny.......................5,272
Porche-Fontaine.............. 2,000
Vill&coublay... ........ ...... 3,000
Chaviile...........................1,698
La Culie.................3,556
Veli&y .......;.. 5,970
Leâ Logés,......................672
( 680liv. )
Monteclain..,.4 648 ' (............1,644
( 305 )
134,257 liv.
4° Les bois et forêts contenus dans l'étendue des grands et petits parcs de Versailles, Marly èt Meu-don, et ceux situés dans les paroisses de LùUVecienhes, la Celle, Bougivàl, Ruëll, GàrcheS, LeChës*-nay, Montreuil.Vaucresson, Marne, Ville-d'Avrày, Sèvres, Verrières, Jouy, Voisins-le-Bretonneux êt les Giâyes, formant én totalité environ 10,000 arpents.
Leur produit,' année cqrîimline, depuis 10 ans, fe été de 360*000 liv. { mais comme la consommation n'est pas la même depuis que le roi n'ha-r bite plus Versailles, il en résultera une diminution de prix considérable; ainsi on he portera cet article que pour.........................300,000
A reportent ............434,257 liv.
Report.... 434,267 liv
5° Les cens, rentes et autres droits enlevant affermés 50,000 liv. qui, au moyen de Ta suppression des droits féodaux, et notamment de ceux de Bois-le^Roi, dè Marchés et du port de Marly, se trouvent ré duits à environ........... —... 20,000
6° Enfin, les droits Seigneuriaux casuels, dont le montant, année commune,'s'élevait à 98,000 llV., lesquels n'en produiront pas 40,000 î 1* parce qu'au moyen de l'âbsônde du roi, il y aura moins de mutations; 2° mrce que les biens,dimir nuéront de valeur; 3* pafèé qU il y aura beaucoup de rachats, pupp què'le taux en est Inférieur aux anciens droits de mutations, ci..'. 40,000
Total. ........ 494,267 liv.
Charges et dépenses indispensables du domaine de Versailles.
1° Rentes foncières, rentes constituées et intérêts d'acquisitions dont lé domaine de Versailles se trouve chargé....................44,000 11V.
2° Entretien et réparations des châteaUx de Versailles et Marly, des maisods et bâtiments destinés au service dU roi; plus dëg 35 corps de fermes ckdessus détaillés, ué la machine et des tuyaUfc de don* duite des qaux de Marly à Veràail» les, la somme de. ..t.l...100,000
3° Appointements Ses inspecteurs dés bois, gages et/h&bilteffiébtg des gardes desdïts bois, tant à pied qu'à cheval..................25,000
4° Gàges et habillements dès concierges des châteaux, des-itlfé^ ses et pprtiers ,..... *>;».M 25,000
5° Frais de régie et admiûifijtrà-tian8 desdits biens................ 20,000
Total dès chargés.......214,000 liv.
Revenus....... 494-257.
Reste net en produit ... 280,257 liv.
Impôt foncier à déduire pour mémoire.
SAINT-CLOUD.
C'est une maison de plaisance acquise depuis quelques années par le roi, dé M. d'Orléans. Cette propriété privée consiste dans lé Château, les jar- dins et le parc; tous Objets qui dë présentent tjue des charges sans aucun profit. :
RAMBOUILLET ET SAIN-HUSERT.
Le roi possède cè doihâliie à titre particulier comme Tayâùt acquis, de M; de Pëhthièyre, par contrat du 29 décembre 1783.
Il consiste : 1° Dans le château et les bâtiments en dépendant;
2° fin domaines patrimoniaux de différentes na-
tures, tels que bois, terres labourables et droits seigneuriaux ;
3° Dans la tprre de Lévy;
4° Dans des parties de bois possédées en vertu de baux emphytéotiques et à vie, Bur la tête de M. de Penthièvre ; [ors de l'acquisition, le revenu total de ce domaine a été porté à 334,461 liv.
Savoir :
Pour les terres labourables et prés .formant différents Gorps de fermes,ensemble les droits de péage, minage et fquage, la somme de- 60,000 liv.
2° Four les bois.......267,003
3° Pour la terre de Lévy....... 7,458
.Total.........334,461 liv.
Sur laquelle somme il faut dé-duire celle de 76,517 livres, tant pour la suppression de différents droits, que pour dépenses et charges annuelles, ainsi qu'il résulte de l'étatiourniparl'administration des bâtiments :.. »..... » ri rt ; nu « v, 76,517
Reste.........257,944 liy.
Mais comme la consommation des bois de Rambouillet se faisait à Versailles, et qu'elle décroîtra considérablement, ainsi qu'on l'a déjà observé, on réduira le revenu de cé Romaine à.v. n t 200,000 iiv.
SAINT-GERMAINREN-LAYE.
1° L'ancien château et dépendances dont 163 logements sont occupés par des personnes qui ont été, ou qui sont encore au service du roi, auxquelles ils ont été accordés, à titré de retraité ou de récompensé, ou par baux à Vie de ceux à qui ils avaient été cédés ;
Plus les jardins en dépendant, et notamment celui appelé le Boulingrin ;
2° Les grandes et petites écuries du roi, nouvellement construites ;
3° Le bàtiment'deë loges avec les jardins, dans lequel est un salon servant au rendez-vous des chasses, et tout ce qui est renfermé dans l'enceinte des parcs.
A l'égard des autres maisons et bâtiments attenant la ville, ou dans la ville, non réservés au roi, ils seront vendus au profit de la nation.
Quant aux fermes d'Achères et de Garenne, ainsi que dé 112 arpents de prairie, droits casUels et autres objets, dont M. le maréchal de Noailles jouit, il en sera fait un rappôrt particulier incessamment," de inême que sur les gouvernements à supprimer dans lés maisons réservées à la jeuissancë 4û roi;
4° La forêt de Saint-Germain-en-Laye, contenant eu totalité 8,416 arpents, dont 193 arpents en futaie dé 75 ans et au-dessus, 1,500 arpents en demi-futaie, et le surplus en taillis, semis ou plantations.
Le produit des ventes depuis 1751, jusqu'en 1790 , a été de 5,457,008 livres, ce qui donne
pour une année commune des 39 années de cùupe .., ..... 139,923 liv.
Sue quoi il convient de déduire :
1° Pour droits d'usàges auxquels la forêt est assujettie.enyers diffé* rents particuliers.et ci^dpvant seigneurs, la somme de. 9,3451.
2° Pour payement des officiers des forêts, gages et habillements des gardes ............ 15.000
24,345
Résle du produit net,.. 115,570 liv.
7° La forêt du Vésinet, cependant 4u mêqae domaine contenant 1,345 appétits, y cppqpçis 309 arpents qui ont été défrichés par M- d'Artois, en vertu d'arrêt dU conseil.
Cette forêt a été exploitée en si& Coupes par recépage depuis 1780; Bile ne présénte plus. dans son état actuel, qu'un jeune taillis> et n'offre, quant au produit, qu'une jouissance très éloignée.
FONTAINEBLEAU.
Ce domaine consiste dans le château et les jardins qui en dépendent.
Dans plusieurs maisons et bâtiments situés à proximité du château et destinés au service du roi.
Et enfin dans la forêt, objet considérable (1).
Cette forêt est aménagée en. dix cantons, formant en totalité 176 triages ou coupes réglées : elle contient 32,877" arpents 2g perchas. > i Ésavôir :
En futaie, de l'âge de 75 ans ét au-dessus —... 2,366 arp.-82 p.
En demi-futaie, de 30 jusqu'à 72 ans........;...... 3,021 58
En taillis exploitables annuellement en coupesréglées 12,492 ' 35
En plantations qui n'Offrent qu'une jouissance éloignée. 7,040 29
En terrains vacants; vidés ou défrichés.............. 7,956 24
Total pareil....... 32,877 arp. 28 p.
Le produit d'une année commune des dix dernières ventes annuelles desdits bois, y compris
les chablis est de................ 305,223 liv.
Il est à propos de déduire sur cette somme :
1° Les dépenses en plantations, repeuplements, fossés, palissades, qui se monteront pendant plusieurs années de 80 à 100,000 livres, dont le terme moyen est de. 90,000 1. ]
2° Les taxations des officiers des forêts, gages et habillements des gardes...............20,000
110,000
Reste en produit net... 195,223 liv.
Il y a en outre 216 arpents de bois, tenus en
gruerie, ou par indivis, entre le roi et la ci-devant abbave Saint-Victor, qui ont été mis en réserve en 1754; il ne s'est fait en conséquence aucune coupe depuis cette époque ; ainsi le produit sera tiré pour................. Mémoire.
Contribution foncière pour......... Mémoire.
COMPIEGNE.
1° Le château nouvellement bâti, dont il ne reste plus que la chapelle à construire, et les jardins à former, dans un terrain qui a été réservé à cet effet;
2° Plusieurs maisons et bâtiments destinés au service du roi, et quelques logements de gardes dans la forêt; i
3° La forêt contenant 26,000 arpents, savoir :
En futaie de 72 ans et au-dessus. 11,000 arp.
En demi-futaie, depuis 30 jusqu'à 72 ans............................6,000
En taillis et nouvelles plantations 5,000
Enfin en terrains vacants, routes et chemins.......................4,000
Total pareil........ 26,000 arp.
11 se coupe annuellement 130 arpents ou environ, de cette forêt tant en futaie, demi-futaie, que taillis.
Le produit annuel des coupes pris sur une année commune des dix dernières, est de.......................... 358,315 liv.
Et celui des chablis, de......... 83,804
En totalité........... 442,119 liv.
Sur quoi il faut déduire : 1° les dépenses de plantations et repeuplements qui se font annuellement, et dont les marchés subsistent jus-ques et y compris l'année 1795, ensemble celles de treillages et d'en-
A reporter..... 442,119 liv.
Report..... 442,119 liv.
tretien................................120,0001
2° Les gages des offi- i ciers des forêts, gages [
et habillements des gar- \ 140,000
des.........................20,0001
Plus l'imposition fon- 1
cière......................Mémoire)
Reste de produit net..... 302,119 liv.
PAU.
1° Le château servant autrefois à la demeure des rois de Navarre, les cours et bâtiments en dépendant;
2° Le bosquet de la basse plante, y contigu, planté en allées, formant ancieunement le jardin et qui a toujours servi de promenade publ que;
3° Le parc du château, clos de murs, joignant ledit bosquet et les bâtiments qui s'y trouvent renfermés, contenant environ 44 arpents plantés en bois, faisant la continuation de ladite promenade.
Le comité a pensé qu'on pouvait vendre la partie de ce bois, qui est au nord, séparée par le chemin public, pour y faire des constructions et rendre la route plus sûre;
4° Le bosquet de la haute plante appelé le cours Bayard, où il y a plusieurs allées d'arbres, lequel fait également partie des dépendances du château; '
5° Une pièce de terre qui est à la suite de ladite plante, formant ci-devant le jardin potager, avec la baraque qui en dépend.
Lesquels objets seront tirés'pour mémoire, attendu que les réparations et autres charges, en absorbent le produit ci........... Mémoire.
Mais le comité a cru devoir distraire des appartenances du château les objets suivants, pour être vendus au profit de la nation, savoir :
1° Une maison située à l'entrée de la haute plante, servant de logement à l'un des anciens gardes;
2° Deux pièces de terres châtaignerées en taillis, contiguës à la même plante;
3° Une maison, jardin et enclos, vis-à-vis la basse plante contenant environ 3 arpents occupée par un des gardes actuels ;
4° Enfin les écuries du château à la Basseville.
RÉCAPITULATION.
des domaines et bois à réserver au roi et de leur produit net.
DÉNOMINATION DES DOMAINES. CONTENANCE des FORETS ET BOIS. PRODUIT NET des DOMAINES ET BOIS.
Mémoire. 280,257 liv. Mémoire. 200,000 115,578 Mémoire. 195,223 302,119 Mémoire.
Versailles et dépendances, environ..................................... Saint-Cloud.......................................................... 10,000 arp. » p.
Rambouillet et Saint-Hubert....................................,>..... On ignore la contenance. 8,416 arp. » p. 1,345 » .32,877 28 26,000 » 36 »
Saint-Germain en Laye...............................................
Forêt du Vésinet.............................................. .......
Fontainebleau.........................................................
Gompiégne...........................................................
78,674arp. 28 p. 1,093,177 liv.
Sauf à déduire les impositions foncières. On observe que les terres labourables, prés et pâtures, formant les 35 corps de ferme dans les domaines de Versailles, montent à environ 11,000 arpents.
À LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Projet de décret sur les municipalités par cantons (1), présenté au nom du comité, de Constitution, par M. Démeunier (2). «
Art. ler. Les villes conserveront une
municipalité particulière, laquelle continuera à se former et agir selon
les règles établies par le décret du 14 décembre 1789 et les décrets
postérieurs, sauf les changements qui pourront être apportés par la
suite à quelques dispositions réglementaires.
Art. 2. Toute communauté qui, indépendamment des hameaux et écarts, aura une population d'au moins 2,000 âmes, sera réputée ville; les lieux qui, avec une population inférieure à ce taux, ont porté jusqu'à présent le nom de villes, ne seront plus considérées comme telles dans l'ordre municipal.
« Art. 3. La bourgade qui, par l'accroissement de sa population, arrivera au nombre désigné en l'article précédent, ne pourra se former en municipalité particulière, qu'avec l'autorisation du conseil de département.,
« Art. 4. Les bourgs, villages et hameaux du même canton, formeront, séparément des villes, une seule et même commune.
« Art. 5. A l'époque des élections de 1791, il sera établi par canton une municipalité centrale, composée d'un maire, d'un procureur de la commune, et de l'un des officiers municipaux de chaque communauté particulière.
« Art. 6. Les directoires de département fixeront provisoirement, sur l'avis du directoire de district, le chef-lieu de chaque canton, lequel pourra être une ville, ayant une municipalité ; ils réduiront les cantons qui seraient d'une étendue trop considérable, mais sans toucher aux limites des districts ou arrondissements.
« Art. 7. Le procès-verbal de la fixation provisoire des chefs-lieux et des limites des.cantons sera envoyé à l'Assemblée nationale, ou à la législature qui statuera définitivement avan t l'époque des élections de 1791.
« Art. 8. Chaque bourg ou village qui voudra, relativement au rôle de ses contributions directes et à ses affaires municipales, se tenir séparé d'un autre, quelle que soit sa population, trois officiers municipaux et 6 notables, dont les fonctions seront déterminées ci-après.
« Art. 9. Le chef-lieu de canton aura, si c'est une ville, sa municipalité particulière; si c'est un bourg ou un village, ses officiers municipaux et ses notables particuliers. Le maire et le procureur de la commune ne pourront faire partie ni de la municipalité particulière à la ville, ni être au nombre des officiers municipaux et notables du bourg ou village du chef-lieu.
« Art. 10. L'élection du maire et du procureur de la commune se fera au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, dans la forme décrétée pour la nomination des juges de paix et des électeurs.
«Art. 11. L'Assemblée sera convoquée par le procureur syndic du district au chef-lieu du
canton. Les citoyens actifs de chaque bourg, village, hameaux ou maisons éparses, auront droit d'y assister; et si le nombre des présents excède celui de 600, elle se partagera en deux sections, qui recenseront leurs scrutins en commun.
« Art. 12. Les officiers municipaux et les notables de chaque communauté seront élus au scrutin pour 2 ans et renouvelés par moitié chaque année. Le sort déterminera ceux qui devront sortir à l'époque de l'élection qui suivra la première. Lors du premier renouvellement les deux officiers municipaux qui auront eu le moins de voix, quitteront leurs fonctions ; ensuite il en sortira alternativement un et deux.
« Art. 13. Les officiers municipaux dont les places viendront à vaquer dans le cours de l'année, par mort, démission ou autrement, seront remplacés par les notables ; et hors l'époque des élections ordinaires, on ne procédera au remplacement de ceux-ci, que dans le cas où il n'en resterait pas trois.
« Art. 14. L'Assemblée dans laquelle on procédera à l'élection des officiers municipaux sera présidée par le premier des officiers municipaux sortant d'exercice; et le premier des notables, aussi sortant d'exercice, y fera les fonctions de secrétaire. ,
« Art.15. Les scrutins seront reçus et dépouillés par les notables en exercice, en présence des trois plus anciens d'âge.
« Art. 16. Pour devenir officier municipal, il faudra obtenir une majorité absolue de suffrages. Si les deux premiers tours ne la donnent à personne, on procédera à un troisième dans lequel on ne pourra choisir que parmi les deux candidats qui auront eu le plus de voix au second tour.
« Art. 17. Les notables seront élus en un seul et même scrutin de liste dès le premier tour, et à la simple pluralité relative.
« Art. 18. Il y aura dans chaque communauté un greffier, lequel sera nommé par les officiers municipaux et les notables réunis.
« Art. 19. Le maire, le procureur de la commune et le premier officier municipal de chaque communauté se rendront au chef-lieu, le premier dimanche après que les élections auront été consommées dans toutes les communautés; ils procéderont à la nomination du greffier de lacommune, lequel résidera toujours dans le même lieu que le maire.
« Art. 20. Les assemblées des municipalités centrales seront présidées par le maire, et en son absence par le plus ancien d'âge; si ce dernier ne veut pas tenir la séance, l'assemblée désignera l'un des membres pour les fonctions de président.
« Art. 21. La municipalité centrale s'assemblera tous les dimanches au chef-lieu du canton, à l'endroit qui sera fixé, selon les convenances locales par le directoire du district. La communauté du chef-lieu sera tenue de lui fournir les moyens de maintenir la police de ses assemblées.
« Art. 22. Les fonctions delà municipalité centrale seront :
1° De juger les affaires contentieuses de la police municipale, de faire payer les amendes et subir les peines;
2° De requérir la force publique, d'ordonner les patrouilles et les autres dispositions nécessaires à la sûreté et à la trauquillité du canton.
3° De veiller à l'exécution des lois sur la contribution foncière et mobilière, de réprimer tous les troubles relatifs, soit à la perception des contri-
butions directes ou indirectes, soit à la libre cir-- culation des subsistances ;
4° fie concilier les différends entre communautés et notamment ceux qui pourraient survenir par rapport à leurs limites;
3° De viser les vérifications de la recette des collecteurs, ordonnées aux officiers municipaux de chaque communauté ;
6° De viser les délibérations de chaque communauté et de donner ou procurer aux directoires de districts les avis ou renseignements prescrits aux municipalités par les différents décrets.
« Art. 23. Les fonctions des officiers municipaux de chaque bourg ou village seront sous la surveillance et l'inspection, tant des assemblées administratives, que de la municipalité centrale :
1° D'ordonner les dépenses permises ou arrêtées par l'aut orïté supérieure ; .
2° Dei régir les tiens et revenus communs de la communauté ;
3° De régir et d'acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs;
4° De diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ;
5° D'administrer les établissements qui appartiennent à la communauté, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l'usage des citoyens dont elle est composée, sans qu'on puisse induire de cette disposition le droit de déposséder les régisseurs particuliers de fabriques, hôpitaux ou maisons de charité; les officiers municipaux ne devant avoir que l'inspection de la régie et la revision de la comptabilité»
« Art. 24. Al'égard des dispositions relatives à la police (municipale, mentionnées en l'article 60 du décret du 14 décembre 1789, les officiers municir paux de chaque bourg ou village seront chargés :
1° D'enjoindre à tout particulier d'exécuter les lois de police en ce qui le concerne;
2° De faire constater les contraventions de police, tant sur la propreté, que la sûreté et la tranquillité des rues, lieux et édifices publics ;
3° D'ordonner l'exécution provisoire de tout ce qui exige célérité, ou menace la sûreté des citoyens ou de la voie publique, sauf à faire statuer définitivement sur le fond par la municipalité centrale;^
4° De faire citer par le greffier de la. communauté, à la première séance de la municipalité du canton, les prévenus de contravention aux lois ou règlements de police municipale;
5° Même de faire saisir les insensés, les furieux et tous ceux qui, dans l'ivresse ou autrement, menaceraient la sûreté des citoyens; et de les faire conduire à la municipalité du canton, et en son absence, auprès du maire ou du procureur de la commune, lequel statuera s'il v a lieu à détenir les personnes jusqu'au jugement qui devra être rendu le dimanche suivant.
« Art. 25. Les délibérations tendant à rappeler les Ibis et règlements de police, ainsi que les jugements à rendre sur Cette matière, sont réservées exclusivement à, la municipalité centrale, saUf l'annulation, la revision et réformation, s'il y a lieu, de ces délibérations, par les assemblées administratives, et l'appel des jugements en matière contentiuese devant le tribunal dé district.
« Art. 26. Par rapport aux fonctions propres à l'administration générale qui peuvent être déléguées aux communautés, les officiers municipaux de chaque bourg ou village seront, confor-
mément à l'une des dispositions de l'article 51 du décret, du 14 décembre 1789, et sous l'inspection de la municipalité centrale, chargés :
1° De la répartition des contributions directes et des opérations préparatoires ou subséquentes au rôle, ordonnées par les décrets sanctionnés.
2° De la surveillance touchant la perception et le versement de ces contributions dans la caisse du receveur.
Les fonctions relatives aux objets compris dans le même article 51, tels que la direction des travaux publies, la régie des établissements publics destinés à l'utilité générale, la conservation des propriétés publiques, l'inspection des travaux de réparation ou de reconstruction des églises, presbytères, et autres* objets relatifs au service du culte, sont réservées, sous l'autorité des assemblées administratives, à la municipalité centrale, qui pourra néanmoins employer comme agents dans dés parties les officiers municipaux de chaque communauté, à la charge d'en rendre compte.
Art. 27. Les 6 notables et les 3 officiers municipaux formeront le conseil général de la communauté, lequel se réunira pour délibérer aux cas de l'article 54 du décret du 14 décembre 1789.
« Art. 28. Les officiers municipaux de chaque bourg ou village se rendront tour à tour aux séances de la municipalité centrale.
« Art. 29. Indépendamment de l'officier municipal en tour de service auprès de la municipalité centrale, un second et même un troisième officier municipal .pourront s'y rendre, afin d'y discuter les intérêts deleur communauté, ou ceux du canton, mais un seul aura voix délibérative.
« Art. 50. Lorsqu'une communauté aura une affaire de police, ou un objet quelconque à suivre auprès de la municipalité du canton, l'officier municipal, en tour pour ce service, sera tenu de s'y rendre avec les procès-verbaux et pièces nécessaires, et ce sous peine d'une amende de 20 francs, laquelle entraînera la contrainte solidaire contre ses deux collègues.
« Art. 31. Les officiers municipaux d'un bourg ou village, seuls ou réunis aux notables, ne pourront, en aucun cas, proclamer la loi martiale.
« Art. 32. Si la sûreté ou la tranquillité d'une communauté est menacée, les officiers municipaux feront avertir l'officier de gendarmerie le plus voisin de tenir ses forces prêtes ; ils avertiront également la municipalité centrale, si c'est un dimanche, et dans les autres jours, ils aver-v tiront le maire, ou, en son absence, le procureur de la commune.
« Art. 33. Si, en l'absence de la municipalité centrale, il se prépare une émeute ou une sédition, soit à raison de la perception des contributions directes ou indirectes, soit à raison de la circulation des subsistances, soit par toute autre cause, ou s'il survient une incursion de brigands; les officiers municipaux du lieu, après avoir ordonné à tous lès citoyens actifs ae se mettre en état de défense, en instruiront sur-le-champ l'officier de gendarmerie le plus voisin, le maire, et, en son absence, le procureur de la commune du canton, qui seront tenus tous trois de se transporter sur les lieux. Le maire ou le procureur ae la commune pourra requérir les officiers des gardes uationales des communautés voisines, et même, en cas de besoin, de tout le canton, soit de se tenir prêts, soit de faire des patrouilles de sûreté, soit de se mettre en marche pour aller au secours du bourg ou village dont le repos serait troublé. . , ~
« Art. 34. Si l'émeute, la sédition ou l'incursion
s'est déclarée, les officiers municipaux du lieu pourront requérir les gardes nationales de leur communauté, afin de dissiper l'attroupement séditieux, de saisir les auteurs, instigateurs et chefs de l'inçursion»de l'attroupement ou delà sédition et de rétablir la tranquillité publique. Le maire, ou en son absence, le procureur de la commune, pourra requérir tant les gardes nationales des communautés voisines et même de tout le canton, que la gendarmerie qui se trouverait à portée.
« Art. 35. La municipalité centrale, le maire et le procureur de la commune ne pourront requérir des marches ou patrouilles des gardes nationales, sans en avertir immédiatement après le directoire de district.
« Art. 36. La réquisition respective accordée à toutes les municipalités, par le décret du 23 février 1790, n'aura d'effet d'un canton à l'autre, qu'à l'égard des communautés limitrophes. Les gardes nationalesd'ui cantonne pourrontailleurs entrer en armes sur le canton voisin, même pour rétablir la tranquillité publique, qu'à la réquisition du directoire du district.
« Art. 37. Les gardes nationales des cantons situés dans des districts différents ne' pourront passer en armes d'un district à l'autre, que sur la réquisition ou l'autorisation du directoire de département et conformément à ce qui sera décrété par une loi particulière.
« Art. 38, La municipalité centrale tiendra seB séances le matin. Elle s'occupera d'abord du jugement des affaires contentieuses de police municipale, ensuite, des délibérations destinées à rappeler les lois et règlements de police, lorsque leur observation aura été négligée* des précautions de vigilance ou de sûreté à prendre dans les cas où la tranquillité publique de la totalité, ou d'une partie du canton, serait menacée ou troublée, enfin des objets mentionnés au paragraphe trois de l'article 24, et sur ces objets, elle ne pourra prendre des arrêtés qu'au nombre de trois officiers.
« Art. 39. S'il est nécessairede tenir une séance l'après-dîner, on ne pourra's'y occuper ;
1° Que de la lecture, du dépôt, des accusés de réception et des arrêtés touchant la publication et affiche des lois, des arrêtés ou ordres de l'autorité supérieure;
2° De l'exàmen et du visa des actes ou délibérations des officiers municipaux ou du conseil général des communautés.
« Art. 40. Les actes des municipalités centrales, des municipalités des villes et des officiers municipaux des bourgs et villages, ne pourront être intitulés, ni ordonnances, ni règlements, ni proclamations; ils porteront le nom d'arrêtés.
« Art. 41. Les municipalités centrales seront entièrement subordonnées aux assemblées administratives, et le conseil ou le directoire du département pourra, d'après l'avis du directoire de district, annuler leurs délibérations contraires aux lois, réprimer, par une défense de mettre à exécution toutes leurs entreprises sur les pouvoirs qui ne leur sont pas délégués, même, sans se servir de l'expression de mander à la barre, enjoindre au maire et au procureur de la commune, de se présenter devant le directoire de district pour y rendre compte des motifs de leur conduite.
« Art. 42. Dans les cas d'entreprise de la part des officiers municipaux seuls, ou des officiers municipaux et notables d'une ville ou d'une communauté, sur les pouvoirs qui ne leur sont
pas attribués, ou d'infraction aux lois, soit à l'égard des fonctions propres au pouvoir municipal mentionnées en l'article 50du décret du 14 décembre 1789; soit à l'égard des fonctions qui peuvent leur être déléguées par les dispositions de l'article 51 du même décret, ou s'il s'agit des officiers municipaux d'une communauté de campagne par commission de la municipalité centrale, soit enfin, à l'égard des fonctions qu'ils auront à exercer, d'après l'article 54, relativement à la disposition ou aliénation de leurs droits et propriétés, le cqnseil ou le directoire du département pourra, sur l'avis du directoire de district, annuler les délibérations et défendre de les mettre à exécution ; leur enjoindre, si c'est une ville, de se présenter devant le directoire du département, ou si c'est une communauté de campagne, de se présenter devant le directoire de district, pour y rendre compte des motifs de leur conduite.
« Art. 13. Si une municipalité ou le corps des officiers municipaux d'un bourg ou village, prenaient, dans des circonstances urgentes, des arrêtés capables de compromettre la sûreté et la tranquillité publique, comme aussi dans le cas où ils persisteraient dans leur insubordination, après une déclaration de nullité ou la défense de mettre à exécution, prononcée par l'administration du département, le conseil ou le directoire du département pourrait les suspendre collectivement de leurs fonctions, quel que fût le nombre des membres qui auraient concouru à former les arrêtés; mais à la charge d'en instruire aussitôt le pouvoir exécutif, lequel levera ou laissera subsister cette suspension.
« Art. 44. Le conseil ou le directoire de dépar* tement, après avoir prononcé cette suspension, fera remplacer les officiers municipaux par les notables, ou à leur défaut, par des commissaires, pris dans la ville, le bourg ou le village.
« Art. 45. Dans tous, les cas où une suspension aura été prononcée par le département, ou confirmée par le pouvoir exécutif, le roi en instruira sur-fe-champ la législature, si elle est assemblée, et dès les premiers jours de sa session, si elle est en vacances.
« Art. 46. Sur cette notification, le Gorps législatif, après avoir examiné la conduite, tant du directoire du département que du ministre de l'intérieur, pourra, soit lever la suspension, soit, en ordonnant la formation d'une nouvelle municipalité, d'un autre corps d'officiers municipaux, dissoudre la municipalité de ville, ou le corps des officiers municipaux des bourgs ou villages, soit enfin, renvoyer quelques-uns de ses membres à la justice criminelle.
« Art. 47. L'Assemblée nationale déroge aux dispositions du décret du 14 décembre 1789 et autres postérieure, qui sont contraires à celles du présent décret, ou qui en diffèrent.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir;
, secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse du directoire du département de l'Ariè-ge, qui annonce que sur 372 fonctionnaires publics résidents dans le département, 126 n'ont pas prêté un serment civique pur et simple.
Adresse de l'assemblée électorale du département de la Creuse contenant le procès-verbal d'élection de l'évêque de ce département, faite en faveur de M. Huguet, curé de la ville de Bourga-neuf, au lieu et place de M. Mourellon, précédemment élu, et que ses infirmités ont forcé de donner sa démission.
Adresse delà Société des amis de la Constitutio7i du district de Dinan, qui supplie l'Assemblée nationale d'accorder une amnistie à tous les soldats français qui ont déserté avant la promulgation des lois relatives à l'organisation de l'armée.
Adresse de M. Duval, membre du directoire du département de la Manche, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage imprimé sur les droits de l'homme et les devoirs du citoyen, intitulé : Soirées patriotiques.
Adresse de la ville de Boën, qui annonce qu'elle a fait chanter un Te Deum au sujet du rétablissement de la santé du roi, et qu'elle a fait célébrer un service funèbre en l'honneur de M. de Mirabeau.
Adresse de la Société des amis de la Constitution, établie à Nontron, qui exprime les plus vifs regrets sur la mort de M. de Mirabeau.
Adresse de M. Benoit Lamothe, ci-devant receveur général de la régie, résident à Château-du-Loir, département de la Sarthe, qui fait hommage à l'Assemblée d'un projet de monument à l'a gloire d'Honoré Riquetti-Mirabeau.
Extrait d'une délibération de l'assemblée générale des habitants de Pondichéry, du 6 septembre 1790, par laquelle il a été arrêté que les sieurs de Culan, de La Morandière, du Gluseau, Pillavoi-ne, Hervé, Durand, Petit et La Boulaye, convaincus d'avoir tenté de diviser les citoyens entre eux, et d'avoir compromis de la manière la plus alarmante la sûreté de la colonie par des actes, propos ou écrits séditieux, incendiaires et calomnieux, et par dès mémoires diffamants et attentatoires à l'honneur d'un grand nombre de citoyens, seraient envoyés en France.
Lettre écrite en conséquence à l'Assemblée nationale, datée de Pondichéry du même jour 6 septembre 1790.
(Cette lettre est renvoyée au comité des recherches et des rapports, réunis.)
Adresse de la Société des amis de la Constitution séante à Cas tels arrasin, département de la Haute-Garonne, du 19 mai 1791, où ils expriment leur amour et leur admiration pour les décrets de l'Assemblée nationale : « Votre gloire, disent-« ils, n'est pas uniquement à vous; elle est aussi « le bien des nations, celui de votre siècle; vous « ne pouvez pas la ternir. Législateurs des Fran-« çais,tnous n'attendons plus de vous que la clef « de'cette voûte où la liberté, l'égalité, la souve-« raineté nationale et la royauté constitutionnelle « se trouvent réunies, conspirent au même but, « et solit nécessaires les.unes aux autres;elle doit « être éternelle comme notre reconnaissance. »
, Messieurs, plusieurs erreurs ont été commises dans la rédaction imprimée du décret du 23 décembre 1790, concernant le rachat des droits féodaux, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791. 11 y aurait lieu a rectification.
Je propose en conséquence le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète :
« 1e Que la minute du décret du 23^ décembre
1790, sanctionné par le roi, le 5 janvier 1791, et déposée aux archives,
sera réformée, en ce que dans l'article 5 dudit décret et dans la
première phrase dudit article, on a inséré le mot recettes au lieu de
celui de rentes ;
« 2° Que l'expédition en parchemin dudit décret sanctionné et déposé aux archives, sera également réformée : 1°, en ce que dans la première phrase de l'article 5, on a mis le mot recettes au lieu de celui de rentes-, 2°; en ce que dans la seconde phrase dudit article, on a inséré par erreur la conjonction et entre les mots les assemblées administratives, et ceux-ci, du district ;
« 3° Qu'en conséquence des réformations ci-dessus, l'article 5 du décret du 23 décembre 1790, sanctionné le 5 janvier 1791, sera et demeurera rédigé en ces termes : « Les administrateurs des établissements français et les évêques et curés français qui possèdent des fiefs situés en pays étranger, ne pourront recevoir aucun remboursement des rentes et droits dépendant desdits fiefs, quand même il leur serait offert volontairement, à peine de restituiion du quadruple, eD cas de contravention. La liquidation du rachat desdites rentes et desdits droits, si ledit rachat était offert volontairement, ne pourra être faite que par les assemblées administratives du district dans l'arrondissement duquel se trouveront les maisons desdits bénéfices, ou les chefs-lieux desdits établissements, sous l'inspection et l'autorisation des assemblées administratives du département; et le prix du rachat sera versé dans celle de la caisse de l'extraordinaire, ainsi qu'il a été dit en l'article premier ci-dessus.
« 11 sera fait mention par l'archiviste des réformations ci-dessus, en marge, tant de la minute de la loi sanctionnée par le roi, que de l'expédition en parchemin. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des rapports, fait un rapport sur les difficultés qui se sont élevées relativement à la validité de l'élection de Pierre-Elie Bouriquin à la place de juge de paix dans le canton de Douarnenez, district de Pontcroix, département du Finistère, et relativement à l'arrêté de ce département, du 26 décembre dernier, qui fait défense audit Bouriquin d'exercer les fonctions de cette place et ordonne qu'il sera procédé à une nouvelle élection.
Il présente, sur cet objet, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports relativement à l'élection du juge de paix du canton de Douarnenez, district de Pontcroix, département du Finistère;
« Déclare nul et comme non-avenu l'arrêté du directoire du département du Finistère, du 26 décembre dernier :
« Décrète que l'élection faite le 21 du même mois de décembre, dans l'assemblée des citoyens actifs du canton de Douarnenez, de Pierre-Elie Bouriquin à la place déjugé de paix de ce canton, aura son entier effet, indépendamment et à l'exclusion de toute autre élection à la même place,
faite en conséquence dudit arrêté du 26 décembre, et par l'ordre des commissaires du directoire du département du Finistère; laquelle élection l'Assemblée nationale déclare également nulle et comme non-avenne.
« Charge son président de prier le roi de donner les ordres nécessaires pour qu'à la diligence du procureur de la commune de Douarnenez, ledit Pierre-Elie Bouriquin soit incessamment admis à prêter devant le conseil général de la commune; du même lieu, le serment requis par l'article 6 du titre 7 de la loj du 24 août dernier, sur l'organisation judiciaire, et pour qu'il puisse en conséquence remplir-dans ledit canton de Douarnenez, les fonctions de juge de paix concurremment avec les assesseurs postérieurement nommés le 19 janvier dernier dans la nouvelle assemblée des citoyens actifs de ce canton. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité militaire, présente un projet de décret relatif à la répartition, par département et par district, du nombre d'hommes qui devront-être fournis pour compléter celui des (auxiliaires destinés à recruter l'armée en temps de guerre.
Plusieurs membres observent que le comité militaire, en attribuant dans chaque département le rassemblement, la revue et l'inspection des auxiliaires à un commissaire des guerres, semblait annoncer que l'intention de l'Assemblée était de créer 8â commissaires. Ils proposent, en conséquence, pour ne rien préjuger sur cette question, de remplacer dans chaque article où ils sont employés, les mots de commissaire des guerres par celui de préposé.
, rapporteur. J'adopte l'amendement.
(Cet amendement mis aux voix est adopté.)
Plusieurs membres observent que la disposition de l'article 3, portant que la répartition des auxiliaires sera faite par chaque district et en raison de leur nombre dans chaque départemeni, repose sur une base vicieuse, attendu que les districts sont très inégaux en population et que leur nombre varie de 3 à 9.
Ils demandent, en conséquence, que la répartition des auxiliaires soit faite en masse par chaque département, sauf aux directoires de déterminer en raison de la .population des districts la quantité d'hommes que ceux-ci devront fournir dans la répartition.
(Cet amendement est adopté.)
Plusieurs membres observent sur l'article 5, portant que la revue des auxiliaires sera faite dès qu'ils se trouveront en nombre suffisant par chaque district, que Je mot suffisant est trop vague. Ils demandent que la revue ne puisse avoir lieu que quand les soumissions seront portées à plus de moitié du nombre d'auxiliaires déterminé par chaque district.
(Cet amendement est adopté )
Plusieurs membres observent sur la disposition de l'article 11, portant que l'existence des auxiliaires devra être constatée tous les 3 mois, que la brièveté de ce délai fatiguera sans utilité les auxiliaires. Ils proposent par amendement que ce délai soit prorogé à 6 mois.
(Cet amendement est adopté.)
Plusieurs membres présentent diverses observations sur l'article 12 relatif au mode de payement de la solde des auxiliaires et proposent des époques"différentes pour ce payement; les uns prétendent en outre qu'ils doivent être payés par les percepteurs des impôls directs.
(L'Assemblée, consultée, décrète que les auxiliaires seront payés tous les 6 mois à chaque revue par le receveur du district et dans le chef-lieu.)
Un membre propose, par amendement à l'article 16, que les auxiliaires ne pourront être privés de leur solde, pour avoir manqué aux revues, que dans le cas où ils ne justifieraient pas, par certificats authentiques, de l'impossibilité où ils se trouvaient de s'y rendre.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, le projet de décret du comité militaire est soumis -a la délibération, avec les amendements ci-dessus énoncés, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale,après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur les propositions faites par le ministre de la guerre, pour la répartition des soldats auxiliaires dans les départements du royaume, a approuvé le projet de répartition contenu dans le tableau ci-annexé, et, en conséquence, a décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« Dans chacun des 83 départements, uu préposé par le roi sera chargé de vérifier l'âge* la taille et l'aptitude au service dfes soldats auxiliaires du département, d'en tenir le contrôle, de veiller aux remplacements et de rendre compte au ministre de la guerre de toutes les opérations relatives à cet objet.
Art. 2.
« Dans chaque district, un officier ou soUs-officier de gendarmerie nationale sera chargé de tenir les contrôles particuliers des auxiliaires du district; il entretiendra'une correspondance suivie à cet égard avec le préposé par le roi pour surveiller dans les départements tous les détails relatifs aux auxiliaires.
Art. 3.
« Le ministre de la guerre adressera au directoire de chaque département un état relevé sur le tableau général des auxiliaires, et qui indiquera pour combien d'hommes ce département a été compris dans la répartition générale; le directoire de département en fera ensuite la répartition particulière par district, en adressera l'état au directoire du district et én remettra le double au préposé par le roi, et veillera à ce que.le directoire du district fasse aussitôt dans les municipalités de leùr arrondissement, la loi relative aux auxiliaires.
Art. 4.
« Les hommes qui voudront entrer dans les auxiliaires remettront leurs soumissions à la municipalité du chef-lieu du canton, qui les adressera au directoire du district, et celui-ci les fera remettre à l'officier de gendarmerie nationale, pour en former un état général par district.
Art. 5.
« Lorsque le nombre des soumissions pour en-j trer dans les auxiliaires s'élèvera à plus de moi-I tié du nombre déterminé pour chaque district,
l'officier ou sous-officier de gendarmerie nationale chargé de ce détail dans chaque district, en préviendra le préposé parle roi, qui sera tenu de se rendre au chef-dieu du district, pour faire la revue de réception.
Art. 6.
« Tous les hommes qui auront présenté des soumissions seront prévenus à l'avance de se rendre au jour fixé dans le chef-lieu du district pour y passer la revue de réception.
Art. 7.
« Cette revue sera faite par le préposé du roi, en présence d'un membre du directoire du district et de l'officier ou sous-officier de gendarmerie nationale, qui en signeront avec lui le procès-verbal.
Art. 8.
« Il ne sera perçu dans les auxiliaires que des personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans, et pas plus de 40 ans d'âge, et réunissant d'ailleurs toutes les qualités requises par les règlements pour entrerdans l'infanterie : on admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne et qui produiront des certificats de bonne conduite.
« Le, procès-verbal constatera les noms, lieux de naissance et de domicile, âge, taille, signalement et observations sur les sujets qui seront admis ; il fera également mention de ceux qui auront été refusés.
Art. 9.
« Les hommes admis contracteront, dans les formes prescrites par la loi sur le recrutement, un engagement de 3 ans, sous la condition de joindre aussitôt qu'ils en seront requis par les corps administratifs, les régiments qui leur auront été désignés, pour y servir sous les mêmes lois et ordonnances et avec le même traitement que les autres soldats : leur solde auxiliaire courra du jour de l'engagement fixé*
Art. 10.
« Le procès-verbal d'admission clos et arrêté, il sera ouvert par l'-officier ou sous-officier de gendarmerie nationale un contrôle par district dans la forme qui sera donnée, où tous les auxiliaires seront inscrits nominativement, et par caution, il en sera tenu un contrôle général par le préposé du roi, auquel l'officier ou sous-officier de la gendarmerie nationale adressera tous les mois les mutations qui pourraient survenir.
Art. 11.
« L'existence dësdits hommes, les mutations et décès seront constatés tous les 6 mois par les revues qu'ils passeront dans le chef-lieu du
district, au jour fixé : ces revues seront faites par le préposé du roi, en présence de l'officier ou sous-officier de gendarmerie nationale, et d'un membre du directoire du district qui signeront l'état de cette revue.
Art. 12.
« Il sera remis un double de cet état de revue ainsi signé, au receveur du district, d'après lequel il payera les auxiliaires immédiatement après la revue, c'est-à-dire de 6 mois en 6 mois, et dans le chef-lieu du district.
Art. 13.
« Le préposé par le roi dressera, d'après les revues particulières faites dans les districts, un état de revue générale par département, qui servira à la décharge du trésorier des troupes, auquel les receveurs de district verseront pour comptant les revues particulières de districts, acquittées de 6 mois eu 6 mois, ainsi qu'il vient d'être dit.
Art. 14.
« Le préposé par le roi sera tenu, lors de ses revues, tous les 6 mois, d'examiner les remplacements qui seront proposés dans les auxiliaires de chaque district, de vérifier la tenue des contrôles et l'exactitude des payements; il sera personnellement responsable au ministre de la guerre des abus qu'il aurait tolérés.
Art. 15.
« Dans l'intervalle des revues, les auxiliaires, pourront s'absenter de leur district, mais seulement avec un congé signé de l'officier de gendarmerie nationale, qui ne pourra l'expédier que sur la demande et l'attestation de la municipalité, et à la chargé d'être présent à la première revue.
Art. 16.
« Tout auxiliaire qui ne se sera présenté à la revue, et qui ne pourra justifier auprès du préposé par le roi et d'un membre du' directoire du département, par un certificat authentique, de l'impossibilité où il aurait été de s'y trouver, et de ia validité des causes de son absence, sera rayé du contrôle, privé de sa solde et des droits que lui donnent les décrets des 4 février et 16 avril derniers.
Art. 17,
« Les revues seront faites assez promptement pour ne jamais exiger de la part des auxiliaires un séjour de plu3 de 24 heures dans le chef-lieu du district, à l'exception cependant de la revue de réception, pour laquelle il sera pris le temps nécessaire pour assurer que les hommes réunissent les qualités requises.
Tableau,
TABLEAU
de répartition des auxiliaires par département,
NOMS DES DEPARTEMENTS.
Nord...............
Aisne..............
Ardennes...........
Meuse..............
Marne.............
Moselle............
Meurthe............
Vosges...... ......
Bas-Rhin...........
Haut-Rhin..........
Haute-Saône........
Doubs.............
Jura............I.
Ain................
Isère...............
Hautes-Alpes.......
Basses-Alpes........
Drôme.............
Var................
Bouches-du-Rhône..
Gard..............
Hérault..........
Lozère.............
Ardèche............
Tarn...............
Aveyron...........
Pyrénées-Orientales.
Ariège.............
Aude..............
Haute-Garonne.....
Hautes-Pyrénées....
Gers...............
Basses-Pyrénées ....
Landes.............
Gironde............
Charente-Inférieure,
Vendée ............
Loire-Inférieure.
Deux-Sèvres.......
Morbihan.........
Finistère...........
Côtes-du-Nord.....
Ille-et-Vilaine.....
Manche...........
Calvados...........
Eure.............
Orne...............
Seine-Inférieure
Somme ...........
Pas-de-Calais.,...-,
Oise..............
Seine-et-Marne.....
Paris.............
Loiret............
Eure-et-Loir.......
Seine-et-Oise
Aube.............
Haute-Marne...
Côte-d'Or..........
Saône-et-Loire
Nièvre............
Yonne............
Rhône-et-Loire....
NOMBRE
DE DISTRICTS.
5
6 9 6 8
4 7
7
5 9 3
3
6
8
5
6 6
4 7 7 6 9 6 9 9 9 9 7 6 6 6
7 6
8 9
5 3 7
6 9 6 6 1 7 9 7 6
NOMBRE D'HOMMES A FOURNIR
PAR DISTRICT.
300 100 300 300 300 400 400 400 400 400 300 400 300 200 200 100 100 100 100 200 50 100 50 50 50 50 100 50 50 50 50 50 50 50 200 100 100 100 50 50 50 50 50 1.00 200 100 100 200 200 200 100 100 600 100 100 200 200 100 200 200 100 100 200
PAR DÉPARTEMENT.
2,400 600 1,800 2,400 1,800 3,600 3,600 3,600 1,600 1,200 1,800 2,400 1,800 1,800 800 400 500 600 900 1,200 400 400 350 350 250 450 300 150 300 400 250 300 300 200 1,400 700 600 900 300 450 450 450 450 700 1,200 600 600 1,400 1,000 1,600 900 500 1,800 700 600 1,800 1,200 600 1,400 1,400 900 700 1,200
NOMBRE NOMBRE D'HOMMES A FOURNIR
NOMS DES EÉPARTEMENTS. —-
DE DISTRICTS.
PAR DISTRICT. PAR DÉPARTEMENT.
Cantal............. 4 50 200
Puy-de-Dôme..... t 8 50 400
Haute-Loire....... 3 50 150
Correze............ 4 50 200
Lot................ 6 50 300
Lot-et-Garonne. 9 50 450
Dordogne.......... 9 50 450
Charente........... 6 100 600
Cher............... 7 50 350
Creuse............. 7 50 350
Hante-Vienne....... 6 50 300
Vienne............. 6 50 300
Indre.............. 6 50 300
Allier.............. 7 50 350
Sarthe............. 9 100 900
Loir-et-Cher........ 6 100 600
Indre-et-Loire...... 7 100 700
Mayenne-et-Loire____ 8 100 800
Mayenne........... 7 100 700
Corse.............. 9 100 900
547 75,000
RÉCAPITULATION.
3 districts 1,800 hommes.
40 — à 400 % ........ 16,000 —
40 — 12,000 —
87 — à 200 .i. ........ 17 ,400
179 — 17,900 . —r - .
198 — 9,900. -
547
OBSERVATIONS.
« On a fait entrer en considération dans les différents calculs ci-contre :
« 1° La position des départements plus ou moins éloignés des frontières;
« 2°La différence de taille du nord au midi, etc., en général, le goût le plus marqué que témoignent les habitants pour le service militaire dans les départements du nord que dans ceux du midi, et les nuances qui existent à cet égard entre les différents départements du nord, on en juge le nombre de recrues que chacun fournit ordinairement à l'armée ;
« 3° La population des grandes villes qui fournit plus à l'armée que celle des campagnes ;
« On a diminué la quote-part des départements voisins des côtes, parce qufune grande partie des habitants étant classés pour la marine* et une autre destinée au service des gardes-côtes, ils ne peuvent, à population égale, fournir qu'une bien
plus faible quantité que les départements plus éloignés de la mer.
« 5° La répartition du royaume en districts ayant eu pour une de ses bases principales la population des district®, on a cru approcher davantage de l'exactitude en faisant d'abord la répartition des auxiliaires par districts.
« C'est d'après ces différentes considérations qu'on a divisé les districts en 5 classes, non compris la ville de Paris, taxée à 1,800 hommes.
« Première classe à 400 hommes î>a'r districts, composée des départements frontières d'Allemagne et de la Suisse.
« Deuxième à 300 hommes, composée des autres départements du nord, qui fournissent le plus d'hommes à l'armée, et peu à la marine.
« Troisième à 200 hommes, composée de ceux des départements du midi ou de l'intérieur, qui fournissent ordinairement des recrues à l'armée, et de quelques-uns du nord, qui fournissent également à la guerre et à la marine.....
« Cinquième à 50 hommes, composée des dé-
parlements des côtes et de l'intérieur, qui fournissent le moins d'hommes à l'armée.
« En rapprochant les fixations des départements depuis Dunkerque jusqu'au département de l'Ain, on trouvera que l'armée auxiliaire présente, depuis la frontière jusqu'à 25 ou 30 lieues dans l'intérieur, une force de 32,000 hommes qu'il sera toujours facile de rassembler en peu de jours, «t de porter où l'on voudra. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre propose à l'Assemblée de décréter additiùnneiiemênt l'article suivant :
« Le rassemblement des soldats auxiliaires destinés à compléter ou augmenter un régiment, lorsqu'il y aura lieu, se fera également dans le chef lieu du département, à un^jour indiqué; les officiers ou sous-officiers, chargés de la conduite de ces soldats au régiment dans lequel il? seront incorporés, se rendront au même lieu, d'après les ordres du ministre,"et après avoir passé la revue à la tête du corps d'auxiliaires, qui entrera dès ce moment à leurs ordres, ils seront chargés de sa police et conduite jusqu'à l'arrivée au régiment. La solde des soldats auxiliaires en pied de troupes de ligne, datera de ce jour, et ils recevront au moment 3 sols par lieue de distance de leur municipalité au chef-lieu de département. »
(L'Assemblée renvoie cet article à son comité militaire pour lui en rendre compte.)
Un membre demande que les articles qui doivent former le complément des décrets sur les mines et minières, soit incessamment mis à l'ordre du jour.
(Cette motion est adoptée.)
L'ordre "du jour est la discussion du projet de décret des comités de féodalité, de Constitution, des domaines, de commerce et d'agriculture, relatif aux baux à convenants et domaines congéa-bles (1)
, Messieurs, je vais avoir l'honneur de vous présenter quelques observations sur le projet de décret qui vous est soumis, tout en appuyant les bases élémentaires sur lesquelles il est établi.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Je propose à l'Assemblée, pour accélérer ses travaux, une manière fort simple. Le comité vous a proposé un projet de décret; il vous a développé les principes et les bases des différents articles du projet de décret, dans un rapport imprimé qui a été distribué ; quant à présent, je ne vois encore personne contre les propositions du comité, il me semble que ce serait perdre beaucoup de temps que d'entendre un discours qui est fort long, pour appuyer les principes posés par le comité, tant qu'ils n'auront pas été interdits.
Indépendamment de cela, j'ai déjà eu l'honneur d'observer à l'Assemblée
qu'il n'y avait véritablement dans cette question qu'un seul point
essentiel : quelle est la nature du contrat à convenant ? A qui
donne-t-il la propriété ? Est-il contestable que la propriété du fond
reste au pro-
Sans écarter la motion d'ordre faite par M. Tronchet, je vous observe que si quelqu'un conteste les principes avancés par M. Tronchet, je demande, comme de justice, la réplique. (Oui! oui!)
Un membre demande que la question soit ajournée à la prochaine législature.
Lorsqu'il s'agit de déterminer une loi qui régit un million d'habitants, on ne peut traiter cet objet à une séance du soir. Je soutiens que c'est le raffinement le plus subtil de la féodalité: La loi du domaine congéable influe de la manière la plus désastreuse sur l'agriculture : elle en détruit toute la prospérité, et il est possible de vous prouver quelle soumet l'homme et la chose à la servitude la plus affreuse ; il est possible de prouver que, tant que subsistera votre domaine congéable dans la province de Bretagne, votre Révolution ne s'opérerajamais,parce que, pour avoir 10,000 livres en rente convenantielle, vous avez 10,000 hommes soumis au propriétaire foncier. Ces hommes sont tellement soumis que père, mère, enfants, tous sont sous la dépendance du seigneur. Il y a ici des apologistes des domaines congéables, il y en a malheureusement trop, même parmi les députés de Bretagne : je l'atteste à la face de l'univers entier, le domaine congéable n'est point assez connu dans l'Assemblée ; c'est une nature de bien, tellement particulière, et qui entraîne des inconvénients tellement graves, que vons craindriez de le maintenir si vous en connaissiez toutes les conséquences. Or, Messieurs, la question première que vous avez à traiter, celle que je vous supplie d'examiner, c'est la question de savoir si le domaine congéable sera maintenu, oui ou non ; le domaine congéable ne peut pas subsister, dès que vous avez détruit la féodalité et l'usage de mainmorte. -
Cette matière est tellement intéressante, que je demande qu'on mette cette discussion à l'ordre du matin. On verra par quels affreux moyens les ci-devant parlementaires de Bretagne qui étaient intéressés à cette question, ont aggravé le sort domanier. Les coutumes accordaient aux domaniers les bois blancs. Ces parlementaires les leur ont enlevés par leurs arrêts de règlement; les coutumes accordaient aux domaniers les arbres fruitiers : Eh bien! les parlementaires ont fait qu'en vertu d'un arrêt, il se trouve que les pommiers et les châtaigniers ne sont plus des arbres fruitiers.
Plusieurs membres insistent pour que la discussion soit reprise.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la discussion sera reprise.)
présente des observations sur le projet du comité et propose un projet de décret sur cette matière (î). ;
La convention du domaine congêable est celle par laquelle le propriétaire d'un fonds de terre, en affermant ce fonds pour un temps déterminé, vend, par le même acte, au colon ou fermier, les bâtiments qui sont sur ce fonds, à condition que ce colon, lors de sa sortie, sera remboursé de la valeur de ces mêmes bâtiments, par le propriétaire qui, à ce moyen, rentre en possession, tant du fonds qu'il n'avait pas aliéné* et pour lequel on lui payait un fermage quelconque, que aes édifices qu il n'avait aliéné qu'à titre de réméré. Si le fermier ne sort pas à la fin de son bail, il continue de jouir par tacite reconduction, et le propriétaire conserve toujours le droit de l'expulser, en lui remboursant la valeur des édifices à dire d'experts.
Tel est le bail à domaine congêable, connu dans la seule province de Bretagne, et que l'on s'efforce de représenter comme un reste, soit de la servitude mairtmortable, soit du régime féodal.
Je pose en fait que ces conventions existent en Bretagne depuis plus de 1,000 ans, c'est-à-dire plusieurs sièçlep avant le régime féodal...
Le bail à titre de maimyiorte, est un contrat par lequel le propriétaire en gréyant de charges foncières l'immeuble qu'il aliène,, donne des entraves à la liberté de Valiénataire. Ce dernier est obligé de résider sur le heu : si ses enfants n'habitent pas avec lui au jour de sa mort, ils n'héritent point. S'il meurt sans héritiers directs, tous ses biens, meubles ou immeubles, dans quelque province qu'ils soient situés, deviennent la propriété du seigneur.
Aucune de ces conditions ne se trouve dans la convention à titre de domaine congêable, le propriétaire ne fait que rentrer en possession de son fonds, qu'il n'avait pas aliéné, et des édifices dont il rembourse la valeur.
L'usement de Rohan, dans lequel le fermier venant à mourir sans enfants, le propriétaire rentre, sans remboursement en possession des édifices, n'a plus de rapport avec le bail à titre de mainmorte. Le propriétaire n'a acquis et n'exerce aucun droit sur le reste de sa succession. C'est purement et simplement un bail à vie sur plusieurs têtes. A la vérité, la tenue indivisible doit passer à un de ses enfants : c'est ordinairement le dernier né, condition en faveur du tenancier, puisqu'elle recule le terme de l'extinction de la descendance. Mais dans un bail à vie sur plusieurs têtes, ne faut-il pas déterminer celle sur laquelle portera la chance? D'ailleurs, lorsqu'un fermier mourant a plusieurs tenues et plusieurs enfants, chacun d'eux devient fermier d'une tenue : le plus jeune cesse d'être favorisé. L'usement de Rohan, le seul de cette nature dans la province, n'est donc autre chose qu'un contrat aléatoire.
Le domaine congêable ne dérive point du régime féodal auquel il est très
antérieur. Une délibération du directoire de Quimperlé pose en principe
et en fait :
2 Que les ci-devant nobleB ne possèdent pas un tiers des domaines congéables, et les ci-devant seigneurs, n'en possèdent pas le dixième ;
3 Que les propriétaires de toutes les classes mettent journellement en domaines congéables, des métairies, des pièces de terres et même des maisons ; que la majeure partie des maisons de la ville de Lorient sont tenues à ce titre, et que les propriétaires n'ont cependant aucun droit ni de fief, ni de justice : enfin, que les subsides et charrois exigés des fermiers ne sont que partie du prix de la ferme.
Les domaines congéables. ne ressemblent pas davantage aux baux à rente foncière, puisqu'il n'y a pas aliénation du fonds.
C'est sur ces principes que je me fonde pour attaquer plusieurs articles du projet de décret, proposé par les comités de féodalité, de Constitua tion, des domaines, de commerce et d'agriculture, comme destructeurs de lâ propriété.
L'article 11 porte qu'à l'expiration des baux actuels, il sera libre aux domaniers qui exploitent de se retirer et d'exiger le remboursement de leurs édifices, pourvu que leurs baux aient encore 2 ans à courir, et cependant, qu'il Serait libre aux domaniers non exploitants de se retirer à l'échéance précise des baux, et d'exiger le remboursement. Cet article tend au dépouillement des propriétaires; et une coalition des domaniers qui n'était pas imaginaire, les forcerait, par la nécessité d'un remboursementsimultanéau-dessus de leurs facultés, d'abandonner leurs propriétés ; la seconde partie de l'article permettrait les domaniers non exploitants qui sont tous capitalistes, de forcer la main aux propriétaires en les forçant de vendre à vil prix, ou d'abandonner.
L'article 23 est encore plus vexatoire, en ce qu'au défaut de remboursement, le domanier pourra faire vendre les édifices qu'il aura fait estimer : qu'en cas d'insuffisance du prix, il pourra faire vendre le fonds, et qu'en cas encore d'insuffisance, il pourra se pourvoir par les voies de droit pour le payement du surplus,^ Un propriétaire ne serait-il pas assez malheureux de perdre son fonds, sans courir encore le danger de perdre toute sa fortune?
M. de La Galissonnière demande lâ radiation de ces 2 articles, et propose des amendements sur plusieurs autres.
(La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.)
lève la séance à dix .heures.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté.
, au nom des comités des finances, dés domaines et central de liquidât ion, fait lecture des articles décrétés dans la séance dhier sur la liste civile.
Messieurs, l'article 6 du décret qui vient de vous être lu ordonne la confection d'un inventaire des joyaux delà couronne. Il faut que cet inventaire soit très soigné et je demande qu'à cet effet il soit ajouté à cet article, que les commissaires chargés de l'inventaire du garde-meuble prendront dans la chambre des comptes les inventaires anciens qui existent et les compareront avec l'inventaire nouveau, afin de s'assurer des objets qui peuvent manquer et leur prix. (Applaudissements.)
Gela ne regarde pas la liste Givile ; il faut en faire un décret supplémentaire.
Vous avez1 raison; il faut en faire un décret particulier. Voici ma motion ;
L'Assemblée nationale charge expressément les commissaires qui seront chargés de procéder à l'inventaire des objets du garde-meuble? mentionnés en l'article 6 du décret du jour d'hier sur la liste civile, de recourir aux cinq derniers inventaires qui ont dû être faits de l'état où se trouvaient, à chaque époque, les objets du garde-meuble mentionnés dans le susdit article ; de les comparer exactement avec l'état, qualité et nombre où se trouveront lesdits objets au moment où l'inventaire nouveau, ordonné par l'article susdit, sera fait; de relater en détail tous les articles relatifs auxdits objets, de quelque nature qu'ils soient, qui se trouveront manquer dans le garde-meuble.
« Il est enjoint à tous les dépositaires publics de fournir tous les documents et instructions qui seront en leur pouvoir, et qui leur seront demandés par ceux qui procéderont au nouvel inventaire, lequel sera fait en présence de trois commissaires qui seront nommés, à cet effet, par l'Assemblée nationale, à laquelle il sera fait rapport du tout par lesdits commissaires. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom des comités des domaines, de féodalité, des pensions et des finances, fait lecture des articles décrétés dans la séance d'hier sur les domaines à réserver au roi*
Permettez-moi, Messieurs, une observation. On a laissé au roi la manufacture de Sèvres; je crois qu'il est non seulement de l'intérêt de la nation, mais encore de sa dignité, d'ajouter à la réserve faite au roi de la manufacture de porcelaine de Sèvres, la manufacture des Gobelins et celle de la Savonnerie : ces objets ne sont d'aucun produit, et, d'autre part, il est bon que les manufactures soient entretenues et surveillées avec soin.
Je propose donc d'ajouter à l'article 3 du décret rendu hier la disposition suivante s
« Il (le roi) jouira aussi des bâtiments et dépendances de la manufacture de la Savonnerie et de celle des Gobelins. »
(Cette addition est décrétée.)
, au nom du comité de la marine. J'ai à vous proposer, Messieurs, une disposition additionnelle au décret sur la solde des gens de mer que vous avez adopté hier.
La voici; elle prendrait place à la fin de l'ar-
ticle 10, dont elle formerait les 3e et 4e paragraphes :
« Les troupes attachées au département de la marine recevront leur paye pour le 31 de chaque mois, et ils ne seront payes! en février qu'à raison du nombre de jours dont ce mois est composé.
« Ce décret aura son application à compter du 1er mai 1790. »
(Cette addition est décrétée.)
fait donner lecture par un de MM. ies Secrétaires d'une note du ministre de la justice'contenant la liste des décrets sanctionnés par le roi.
Gette note est ainsi conçue :
« Le roi a sanctionné les 13, 15, 21, 22, et 25 mai 1791, les décrets de l'Assemblée nationale, tant de l'aliénation des domaines nationaux en faveur de diverses municipalités, qu'autres dont l'état suit, savoir:.
«. Le décret du 18 février 1791 concernant la vente faite à la municipalité de Riom, département du Puy-de-Dôme.
« Ceux du 26 mars, à celles de Nozeroy, Cramant, Villers-Sarlay, Rainans, Ougliers, Saligny, Ougney, Gendrey, Byarne, l'Abergement de Mélangés, Essavilly, Ghamblay, Écleux, Sied, Echilly, Lafavière, Noire, Loucouchon, Trebiez, Mont-Sous-Vaudrey, Pupillin, la Chapelle, Mesnay, Pre-tin, Froidefoiitaine, MignoVillard, Château-Ghâ-lons, Villette, Dôle, Laloye, Ladoy,Passenant,Fron-tenay,Arbois, Sermange, Brery et Montmalin, département du Jura.
« Ceux du 2 avril, à celles de Montdidier et Doullensr département de la Somme.
« Ceux du 3, à celles de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône; de Châsnignan, département de la Haute-Loire; de Ghàtellerault, département de la Vienne.
« Ceux du 7 décembre, à celles de Liny-de-Vaudun, Murvaux, Brieul-sur-Meuse, Breux et Mont, département de la Meuse ; d'Avant, Pont-sur-Seine, Giez et Neuville,département de l'Aube; de Bourganeuf, Ghenedailles etGastempes, département dé la Creuse; Dorengt, Vivières et Verly, département de l'Aisne; de Thenneville, département de l'Allier; de Château-Poinsat, département de la Haute-Vienne.
« Ceux du 8 avril, à celles de Pouzac, Bugard» Trie Desbordes.et Bordères, département des Hautes-Pyrénées ; d'Annonay, St-Peray, Rocbemaure, Rompon, Chomerac, Tournon, Lavoulte, Marcols, Saint-Maurice-d'lbie et Arbres, département de l'Ardèche; de Besse, Caudurny et Correns, département du Var ; de Saint-Aubin de Pavoit, département de Maine-et-Loire ; Gien, département du Loiret.
« Ceux concernant la vente aux municipalités de Viella et Estang, département du Gers.
« Du 15 mai 1791. Les décrets du 23 mars 1791, concernant la vente faite aux municipalités de Rully, Gast, Rumesnil, la Neuville, Gourson, Maisoncelles, Roullours, la Graverie,Vire,Lalande, Vaumont, Viessois, Champagnolles et Saint-Germain de Talvende, département du Calvados ; de Sêns, Briennon-l'Archevêque, Hery et Villeneuve-le- Roi, département de l'Yonne; de Lavernat et et la Flèche, département de la Sarthe ; de Troy es (5 décrets) département de PAube ; de Saint-Lô, département de la Manche; de Vendôme, BloiB (2 décrets) et Villebaron, département de Loir-et-Cher.
« Le décret du 24 mars 1791. A la municipalité de Toul, département de la Meurthe.
« Ceux du 26 décembre ; à celles de Saillières, Lachaux, de Grotenay, Ceàansey, Villey, Monti-gny, Bavilly, Faisses, Sirod, Vaudioux, Chau-mergy, Lavigny, Granges-sur-Beaume, Montaigu, Beaume, Mosnay et Tourmon, département du Jura.
« Ceux du 30 mars, à celles de Sigottier, Saint-André de Rosans, Apremont, Ventanon, Nossa-ges, Poet, Nonestier, Abries, Ospierre, Villards-Saiut-Pancrace, Ribeyret, Saint-Pierre d'Argen-ton, Puy-Saint-André, Montjay, Lasalle, Sorbiers, Lagrana, Monestier, Allemond, Bruis', Montmorin, Saint-Cérisse, Ribiers, Salcon, Savournon, Saint-Chauffrey, Laroche - sous - Briançon , Briançon, Montgenève, Largentières, Lagrave, Saint-Martin, Neuvache et Eygnians, département des Hautes-Alpes.
« Ceux du 31 décembre, à celles de Montilliers, Baracé, Gouys, Saint-Lambert, de Lattay, Luigné et Huillé, département de Maine-et-Loire.
« Du 21 mai 1791. Le décret du 21 mai 1791, concernant les procédures instruites à Aix, Toulon et Marseille, en exécution du décret du 15 janvier 1791.
« Du 22 mai 1791. Le décret des 10 et 18 mai, qui détermine le droit de pétition et en règle lexercice.
« Celui du 20 décembre, pour faire monnayer incessamment avec les anciens coins, etc.
« Celui des 21 et 22 du même mois, pour la nomination des commissaires chargés ae surveiller la fabrication des assignats de 5 livres, décrétée le 6 mai 1791.
« Du 25 mai 1791. Le décret des 29 et 31 mars, 7 avril et 14 mai 1791, portant règlement pour l'exécution de la loi du 7 janvier 1791, sur la propriété des auteurs d'inventions ét découvertes en tout genre d'industrie.
« Celui du 27 avril, portant organisation du ministère.
« Celui du 24 mai, qui lixe définitivement le traitement des ministres aux sommes provisoirement déterminées.
« Ceux des 13, 17 et 22 décembre, portant liquidation des différents objets arriérés ae la maison du roi, l'un montant à 1,089,8311. 13 s. 7d., l'autre à 2,492,207 1. 12 s. 2 d., et l'autre à 6,054,319 1. 15 s. 7 d.
« Le décret du 17 mai, pour la fabrication du papier destiné à l'impression des assignats.
« Celui du 20 décembre, relatif aux rentes et revenus appartenant aux pauvres de la ville de Paris.
« Celui dudit jour, qui exempte du droit de timbre les billets de 25 livres et au-dessous, souscrits par dès particuliers, échangeables à vue et au pair contre des assignats ou de la monnaie de cuivre.
« Celui du 21 du même mois, relatif à une addition au décret sur les baux emphytéotiques.
« Celui dudit jour, qui ordonne une information par-devant le tribunal de Rodez contre les auteurs, instigateurs et complices de la sédition, des troubles et des excès qui ont eu lieu à Millau le 25 janvier 1791.
« Celui du 23 du même mois, relatif à la dé-ense à acquitter chaque mois par le Trésor pu-lic, et qui détermine, à cet égard, les obligations de l'ordonnateur et les services de la caisse de l'extraordinaire.
« Celui des 23 et 25 mai 1791, qui désigne différentes maisons de retraite aux ci-devant reli-
gieux du département du Nord qui voudront continuer la vie en commun.
« Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
« Paris, le 26 mai 1791.
« Signé : M.-L.-F. Ddport. »
A propos de la note dont il vient de vous être donné lecture, j'ai une observation à soumettre à l'Assemblée. 11 y a des décrets rendus sur le Trésor public qui autorisent l'agent dudit Trésor à faire des poursuites; or, celui-ci n'a connaissance de ces décrets que par les journaux. II y a là une situation qu il faut assurément modifier.
Je vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de l'intérieur et les autres ministres, dahs leurs départements respectifs, enverront à l'agent du Trésor public et aux autres personnes qui sont ou pourront être chargées des poursuites et recouvrements publics, les décrets qui ordonneront lesdites poursuites et recouvrements, aussitôt que lesdits décrets auront été sanctionnés par le roi; décrète pareillement qu'ils feront sans délai ledit envoi à l'égard des décrets de même nature qui ont été précédemment sanctionnés par le roi. »
(Ce décret est adopté.)
Les administrateurs du département de la Vendée ont adressé à l'Assemblée nationale une collection de pièces qui donnent le détail de mouvements séditieux arrivés dans ce département, et qui, d'après la lettre des administrateurs, paraissent presque entièrement calmés dans ce moment.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ces pièces au comité des recherches.)
, au nom du comité d'agriculture et de commerce, présente un projet de décret relatif aux travaux à faire pour réparer les bouches dù Rhône, dont l'ajournement avait été prononcé dans la séance du 7 mai (1); il s'exprime ainsi :
Messieurs, votre comité d'agriculture et de commerce me charge de vous présenter les réclamations des marins des côtes méridionales de l'Empire. Ces réclamations portent en substance que les bouches du Rhône sont ensablées et que la communication du Rhône à la mer est impossible. Le département des Bouches-du-Rhône exprime par sa lettre du 21 avril la nécessité de ce travail; il observe que la somme n'ira qu'à 24,741 livres pour cette année et que les fonds en sont faits; l'administration des ponts et chaussées reconnaît cette urgente nécessité.
Votre comité me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après s'être fait rendre compte, par son comité
d'agriculture et de commerce, des différentes réclamations qui leur ont
été adressées relativement à l'état actuel des bouches du Rhône,
reconnaissant l'urgente nécessité qu'il y a de donner à cette importante
navigation toute l'activité dont elle est susceptible, décrète ce qui
suit : er:. Go il formé oient à l'avis de rassemblée des ponts et
chaussées, les digues existantes près l'embouchure du Rhône seront
prolongées de 450 toises, et continuées plus avant 6i la sûreté de la
navigation l'exige.
« Art. 2. En conséquence, le Trésor public fournira au fur et à mesure les sommes nécessaires à cette prolongation, à la charge de rendre compte de leur emploi par ceux à qui elles auront été confiées.
« Art. 3. Le ministre de l'intérieur donnera les ordres convenables au directoire du département des Bouches-du-Rhône, afin de surveiller ces ouvrages et qu'ils soient très incessamment commencés et exécutés.
« Art. 4. Le présent décret sera présenté dans le jour à la sanction du roi, qui sera prié d'etf ordonner la prompte exécution. »
Je demande que le montant de la somme allouée pour les travaux soit fixée d'une manière précise et qu'on ne se contente pas de dire vaguement, comme on le fait dans l'article 2, que les ouvrages seront faits et que le Trésor public fournira les fonds au fur et à mesure des besoins.
Je demande donc que, d'après l'avis du directoire du département, il soit dit qu'il sera fourni par le Trésor public, pour l'année 1791, la sommé de 25,000 livres pour être employée auxdites réparations.
(Cet amendement, après quelque discussion, est mis aux voix et adopté.)
En conséquence, le projet de décret amendé est mis aux voix en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après s'être fait rendre compte, par son comité d'agriculture et de commerce, des différentes réclamations qui leur ont été adressées relativement à l'état actuel des bouches du Rhône, reconnaissant l'urgente nécessité qu'il y a de donner à cette importante navigation toute l'activité dont elle est susceptible, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Conformément à l'avis de l'assemblée de \ ponts et chaussées, les digues existantes près l'embouchure du Rhône seront prolongées de 450 toises, et continuées plus avant, si la sûreté de la navigation l'exige.
Art. 2.
« Eu conséquence, le Trésor public fournira, pour cette année 1791, une somme de 25,000 livres pour être employée à cette prolongation, à la charge de rendre compte de l'emploi de ladite somme.
Art. 3.
Le ministre de l'intérieur donnera les ordres convenables au directoire du département des Bouches-dU-Rhône, afin de surveiller ces ouvrages, et qu'ils soient très incessamment commencés et exécutés.
Art. 4.
« Le présent décret sera présenté dans le jour à la sanction du roi, qui sera prié d'en ordonner la prompte exécution. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre du comité d'aliénation présente un projet de décret portant vente de domaines natio * naux à diverses municipalités.
C. projet de décret est ainsi copcu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des do^ maines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
A la municipalité de Nogent-le-Roi, département d'Eure-et-Loir, pour, \ 55,902 i. » s. » d.
A celle de Vaux, département de l'Ain, pour....38,104 » VÂ
A celle de Leymens, même département pour.2,985 13 6
A celle de Grilly, même département, pour.......4,895 V» »
A celle de Vernix, même département, pour.......6,600 s ' 'i"'
A celle de ûivorne, même département, pour—...11,462 ;>.À
A celle de Gex, même département, pour..,....30.833
A celle de Marsal, département de la Meurthe, pour.12,104 12 9
A celle de Villebois, département de l'Ain, pour.60,170 , »
A celle de Feyssal, même département pour.......51,097 9 4
A celle de Geyzirieu, même département, pour.33,549 t
A celle de Ghazey et Ro-thonod, même départe- tement, pour............62,862 12 »
A celle de Plantay, même département, pour.......8,407 6 -».
A celle du Mur-de-Bar-rès, département de l'Avey- ron, pour...............394,673 8 3
A la même, dans le département de la Lozère, pour....................430,540
A la même, dans le département dèTAveyron, pour.340,179 12 6
A celle du Petit-Villard, département du Jura pour.3,080 n .p
A celle du Port-de-Les-ney, même département, pour....................9,702 » »
A celle de Saint-Vivant, même département pour.28,375 » »
A celle de Saint-Ram-bert, département de l'Ain, pour...................43,699 19 3
A celle de Sauverny-Ver-zonnex, même département, pour..............2,695 » »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret relatif a l'acquittement des gages arriérés des ci-devant cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances, des pays d'élection et des pays conquis; il s'exprime ainsi-:
Messieurs, la caisse de l'extraordinaire est chargée d'acquitter ou faire acquitter les états des gages arriérés des années 1789 et antérieu-
res des cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances des pays d'élection, pays conquis et pays d'Etats.
Ce payement, pour être fait avec régularité, exige dans les agents que l'administrateur y emploiera, une connaissance déjà acquise des formes de payement et de comptabilité particulière à ce genre dé créances. Le seul parti à prendre pour s'assurer de la régularité dé ces payements, c'est d'en charger, pour Ce qui regarde les provinces, les anciens commis aux recettes générales, qui en faisaient le serviêe:
Les receveurs généraux des pays d'Etats étant encore en exercice, ne feront, sans doute, aucune difficulté de faire faire le payement par leurs commis qui sont encore eux-mêmes appointés.
Mais ceux des pays d'élection et pays conquis ayant fini leurs exercices, leurs commis dans les provinces étant sans traitementjton ne peut leur proposer ce service particulier, sans leur attribuer une indemnité convenable.
Il leur a déjà été écrit pour les. disposer à s'en charger; on attend leur réponse.
Le commissaire du roi de la caisse n e peut leur faire aucune proposition intéressée, a moins qu'il n'y soit spécialement autorisé.
Votre comité des finances me charge en conséquence de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que la caisse de l'extraordinaire étant chargée, aux termes de la loi particulière du premier de ce mois, et autres lois générales antérieures, d'acquitter les gages arriérés des ci-dévant cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances des pays d'élection et pays conquis, décrète que le commissaire du roi, administrateur de cette caisse, sera autorisé à employér à ce payement, dans les ci-devant provinces, les anciens commis aux recettes générales, et à leur passer en compte, à titre d'indemnité, une taxation d'un denier pour livre du montant de leurs payements effectifs, dont le minimum sera néanmoins fixé à 200 livres.
« Les anciens syndics ou receveurs des compagnies supprimées, qui ont des gages communs à toucher, sont autorisés à toucher ces gages sur leurs quittances, et avec l'obligation de justifier de l'emploi par-devant les directoires des départements dans trois mois du jour où ils auront reçu.
« Dans le cas où ces syndics ou receveurs seraient absents ou morts, autorise les départements à leur nommer un suppléant.
« Charge les directoires de département et de district a» veiller à l'emploi de ces gages communs, pour l'acquittement des rentiers privilégiés sur ces gages. »
(Ce décret est adopté.)
Messieurs, il y aura demain 15 jours que vous avez rendu votre décret accordant les droits de citoyens actifs aux gens de couleur libres, propriétaires et contribuables, nés de père et mère libres. Le département de la Gironde, qui fait à lui seul la moitié du commerce des colonies, vous en a témoigné sa reconnaissance, et son adresse, résumée par le voeu réfléchi des directoires du département et districts, de la municipalité et de la Chambre de' commerce de Bordeaux, contribue efficacement à fixer l'opinion publique ; mais, Messieurs* la retraite inopinée des députés de vos colonies
occidentales, et les clameurs d'un grand nombre d'Américains, actuellement en France, pourraient, par des insinuations perfides, et par des interprétations fausses de ce décret, occasionner des troubles ; ils ont donc cru qu'il était de la sagesse et de la prudence de suspendre le départ des vaisseaux prêts à faire voile pour les colonies, et ils vous prient de prendre les mesures les plus promptes pour l'exécution de ce décret.
Je pense donc qu'il est instant que vous adoptiez l'adresse qui vous a été présentée par M. Dupont de Nemours (1), avec l'instruction que doivent rédiger vos comités réunis; mais cette instruction n'est pas encore rédigée: elle sera soumise à la discussion de l'Assemblée pendant plusieurs séances, et il est probable qu'il faudra la réimprimer ; d'où il résulte qu'il s'écoulera plusieurs semaines avant qu'elle puisse être expédiée. Cependant, Messieurs, de cela dépend la tranquillité et le salut de vos colonies. Je demande donc que vous adoptiez immédiatement, sauf rédaction, l'instruction de M. Dupont.
Je demande ce que c'est que d'adopter sauf rédaction, une instruction : c'est donner un commentaire à une loi, au moment même où elle vient d'être faite. Ainsi je pense que l'Assemblée, dont les bonnes intentions sont connues, doit, par respect pour ces intentions, ne pas les exprimer autrement que par ces décrets et je maintiens, Messieurs, que l'instruction proposée par M. Dupont, sbien loin d'affaiblir les prétendus effets de votre décret, augmentera encore la défiance; d'abord parce qu'un décret qui exige un commentaire inspire par lui-même la défiance, et, en second lieu, parce que la formule même de l'instruction est faite pour inspirer de la défiance, surtout sur l'article convenu unanimement ici, qui est qu'il ne sera porté aucune décision sur l'existence des gens de couleur non libres, que d'après le vœu spontané des colonies ; et j'ose dire que l'instruction de M. Dupont n'est que du miel délayé dans de l'absinthe.
(de Saint-Jean d'Angêly). M. Monneron ne réclame que l'exécution d'un décret de la dernière importance. Vous aviez chargé plusieurs comités de ce travail. Je ne sais pourquoi ils restent dans une complète inaction, malgré les circonstances qui devraient les faire hâter. Je ne vois pas pourquoi une mesure, dont vous avez reconnu le succès et l'utilité dans l'enceinte même du royaume, ne serait pas adoptée pour les colonies.
Vous savez, Messieurs, que les instructions que vous avez adressées à tous les citoyens de l Em-pire français ont calmé souvent 1 effervescence qu'on cherchait à faire naître. Et s'il était nécessaire d'expliquer vos intentions, d'éclairer ceux qu'on voulait abuser autour de vous-mêmes, croyez-vous qu'il ne soit pas aussi utile de le faire dans les régions lointaines, où les événements n'arrivent que dénaturés, même lorsque l'on a de bonnes intentions, où ils sont pervertis, corrompus, altérés par toutes les passions haineuses et méprisables, lorsqu'on peut avoir intérêt de les altérer?
On s'est empressé d'écrire dans les colonies, et les mêmes personnes qui
voulaient égarer la capitale sur vos intentions, infecteront aussi les
colonies de leur poison. Pour répondre à l'observation
Je crois donc qu'il est important de nommer sur-lè-chamip quatre commissaires pour aller prendre lecture de cette adresse dans un des bureaux de l'Assemblée, l'examiner ^t : y faire, de concert avec M. Dupont,le8;çorrectionsnécessaires. On la rapportera ensuite à l'Assemblée pour recevoir sa dernière sanction, et notre président sera chargé de se retirer par devers le roi afin de le prier d'envoyer, non par des bâtiments marchands, mais par une de3 corvettes, des avisos, des bricks qui sont dans vos ports, l'instruction aux colonies.
(deNemourtè* J'observerai àl'Assemblée que, d'après le vœu des comités réunis, j'ai fait quelques corrections à l'adresse dont je vous ai donné lecture dans une précédente séance. Je me réunis d'ailleurs à M, Regnaud et j'appuie sa demande de nomination de quatre commissaires.
Voici l'adresse corrigée :
« L'Assemblée nationale, occupée de tous les moyens d'assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de ia Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d'affection qui dépendent d'elle, et d'unir .d'intérêt avec eux tops les hommes dont les forces et l'attachement peuvent concourir au maintien de l'ordre, s'est fait représenter ce qui avait déjà été décrété à leur sujet.
« Elle a reconnu que les circonstances locales et l'espèce de culture qui fait prospérer les co-r lonies semblent nécessiter d'admettre dans la constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux.
« Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que par le vœu des colonies, elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d'opposer une entière loyauté aux insinuations perfides qu'elle n'ignore pas qu'on cherche à répandre :dans les colonies, et d^xpliquer nettement ses intentions sur la faveur de Vinitiative qu'elle a cru devoir accorder aux diverses assemblées coloniales, par son décret du 28 mars, relativement aux lois à faire sur l'état des personnes.
« Le point fondamental et le seul véritablement important, celui par rapport auquel les gens malintentionnés voulaient inspirer de l'inquiétude aux colonies, était la conservation des moyens que les .propriétaires ont de les mettre en valeur. L'Assemblée nationale a déclaré qu'elle ne prononcerait sur l'état des personnes non libres que d'après les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales.
« C'est ce qu'avaient souhaité les colonies, c'est à cet égard que l'initiative leur avait été donnée. L'Assemblée, nationale a cru devoir la leur confirmer avec les expressions les plus claires, et sans aucune équivoque.
« Une autre question s'est élevée sur la manière dont l'initiative coloniale serait exercée, et sur les personnes qui auraient le droit d'y concourir par elles-mêmes ou par leurs représentants qui dpivenl former les assemblées coloniales. La raison, le bon sens, le texte positif des lois disaient que les colonies sont composées, de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l'élection des assemblées qui feront usage pour eux de leur
droit d'initiative. Sous l'ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l?édit de 1685 avait donné aux hommes libres de couleur tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Il aurait falluune:loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s'il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée par le décret du 28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droits de citoyen actif, d'après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France, dit formellement et sans exception, article 4, que « toute personne libre,1 propriétaire ou domiciliée depuis deux ans et contribuable, jouira du droit de suffrage qui constitue la. qualité de citoyen actif »i
« Mais lés députés des colonies ont exposé que leurs commettants croyaient utile, et qu'ils désiraient Vivement de conserver une gradation marquée dans le passage de l'émancipation des cultivateurs qui deviennent libres, à cette espèce de majorité politique où réside le droit complet dé cité, et d'instituer dans cette vue une classe intermédiaire entre les personnes libres et les citoyens actifs, : classe quiy jouissant des droits civils, ne vit encore les droits politiques, que comme une expectative honorable et avantageuse assurée à ses descendants.
« Cette opinion a été fortement combattue. L'Assemblée nationale pouvait la repousser. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres * Elle a préféré de traiter les colons fondateurs et propriétaires de l'Amérique française, comme une mère tendre qui, non seulement veut le bien de son enfant, mais qui se plaît encore à le faire selon son désir. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs. Elle y a compris les affranchis,' et même les personnes libres, nées d'un père qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l'initiative concédée par la métropole aux colonies; elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu'elle leur avait déjà conféré, relativement aux personnes non libres; ce droit précieux, d'être l'origine d'un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du corps constituant.
- « En attachant les autres hommes libres aux colons de race européenne, par un intérêt commun; en reconnaissant chez eux, comme elle l'avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister, et aux troubles intérieurs, et aux attaques de l'ennemi.
« L'Assemblée nationale a pris encore une autre précaution bien propre à prévenir toute agitation dans les colonies : c'est d'établir un délai entre la promulgation de la loi qu'elle devait à la patrie et à l'humanité et la première occasion d'appliquer cette loi. Le Corps législatif, dans sa prudence et sa bonté, a confirmé les assemblées coloniales actuellement existantes, et leur a continué l'exercice du droit d'initiative accordé aux colonieg, quoique ces assemblées n'aient pas été élues par la totalité des citoyens libres, nés de pères et mères libres ; de sorte qu'ils n'auront tous à concourir qu'aux assemblées primaires qui se tiendront pour les élections qui se feront à l'avenir, et dont les règles locales, pour les colonies, ne sont pas encore décrétées.
« Dans l'intervalle les préjugés auront le temps de se dissiper : la douceur des liens de parenté,
l'évidence de l'intérêt commun de tous les hommes libres dans un pays ou la sûreté générale demande entre eux la plus grande union, ces motifs si puissants sur la raison et sur le civisme produiront tout leur effet; une émulation généreuse succédera aux anciennes divisions ; et où la patrie ne voit que des enfants chéris, ces enfants se plairont à contribuer à son bonheur, en se traitant en frères.
« L'Assemblée nationale s'applaudissait d'un ouvrage dans lequel la politique, la condescendance, la raison et l'équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu'elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concessions précédemment faites aux assemblées coloniales l'extension nouvelle donnée à ces mêmes concessions.
« Sans doute, ces députés ne tarderont pas à revenir d'une erreur si contraire aux intentions et à la teneur des décrets dû Corps législatif et constituant.
« Sans doute, ils regretteront de l'avoir manifestée, en déclarant qu'ils s'abstiendraient des séances où leur devoir les appelle..
« L'Assemblée nationale les plai n t d'une cond uite qu'elle pourrait traiter plus sévèrement ; et dans 1 affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher, par la présente instruction, que l'erreur de leurs députés n'y devienne contagieuse. Au-des-sus du soupçon et de l'imputation d'avoir manqué à ses engagements au moment même où elle les excède par égard pour les habitudes des citoyens blancs des colonies, il lui paraît suffisant de leur recommander de comparer e.t de peser ses décrets. Ils y trouveront son amour pour eux et ses soins pour leurs intérêts : elle ne veut point d'autres préservatifs contre tous les efforts que l'on pourrait faire pour égarer leur opinion; elle se fie à leur raison et au patriotisme dont ils ont dans tous les temps donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien au monde ne pourrait les détourner de l'obéissance qu'ils doivent aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi et soutenus de toute la puissance nationale ; mais cette obéissance, mais la reconnaissance des colons libres de toute couleur et surtout ceux qui tiennent de plus près à la mère-patrie, de ceux qui se sont toujours distingués, parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sur leur intérêt respectif et sur le sentiment inviolable d'attachement et de zèle que mérite, qu'inspire la Constitution, et qu'on ne pourra jamais altérer dans le cœur des bons citoyens. Toute passion chez eux cède à l'amour de la patrie, et toute insinuation qui tendrait à l'affaiblissement de ce lien sacré sera repoussée par eux avec horreur.
« Dans cette juste confiance, et sans rien préjuger sur le vœu que les colonies sont autorisées à émettre relativement aux lois commerciales, et que le Corps législatif pèsera scrupuleusement, l'Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, de rédiger sans délai les projets les plus propres à concilier tous les intérêts commerciaux des colonies et de la métropole, et à porter la culture et les richesses des îles françaises au plus haut degré dont elles soient susceptibles. »
Plusieurs membres demandent la parole.
(L'Assemblée, après quelques débats, ferme la discussion et décrète la nomination.de quatre com-
missaires pour revoir et corriger l'adresse aux colonies proposée par M. Dupont (de Nemours).
Je propose pour commissaires MM. de La Rochefoucauld, Emraery, Pru-gnon et Goupil-Préfeln.
(Ces noms sont agréés par l'Assemblée et les quatre commissaires se retirent en l'instant même avec M. Dupont (de Nemours) pour procéder à leur travail.)
, au nom du comité d'imposition. Messieurs, votre comité d'imposition m'a chargé de vous rendre compte de son travail sur la répartition des contributions; il vous a fait distribuer son rapport et son projet (1), Je viens donc prier l'Assemblée de vouloir bien m'accor-der la parole à la séance de lundi pour la discussion de cet objet.
Messieurs, j'observerai à l'Assemblée que si l'on discute séparément, et article par article, le projet du comité sur les contributions, / elle donnera lieu à des réclamations sans nombre et à d'interminables débâts. Rappelez-vous combien l'Assemblée a consumé de temps dans 4a question de la division du royaume par districts et combien, en écoutant les diverses réclamation s, elle a été loin de perfectionner cette grande opération.
Les réclamations seraient encore ici plus vives, plus nombreuses et presque impossibles à juger au milieu de l'Assemblée; chaque département trouvera qu'il est surchargé : vous avez 83 départements, vous aurez 83 réclamations. Mon département, par exemple, est taxé à 3 millions et je déclare que c'est 2,500,000 livres de trop... (Rires)... Messieurs, c'est mon avis.
Au milieu de toutes ces discussions pénibles, la confiance s'arrêtera chaque jour davantage; chaque jour, les réclamations arriveront des départements ; il s'engagera une espèce de combat entre eux ; nos travaux soulfriront la plus grande interruption.
Messieurs, le projet de décret sur la répartition de l'impôt foncier vous est distribué depuis quelques jours; les bases de ce projet vous sont connues; le recouvrement de l'impôt presse. Je demande donc que, non pas lundi, mais aujourd'hui, mais à présent, on décrète en masse le projet de décret. (Vifs applaudissements.)
A gauche : Aux voixl aux voixl
Je m'oppose à la motion de M. d'André. La répartition faite par le comité est vicieuse; si on la suivait, la ville de Paris, par exemple, coûterait plus à l'Etat qu'elle ne lui rapporterait.
J'appuie la motion de M. d'André; je demande que la répartition soit décrétée de confiance.
A gauche: Oui ! oui 1 Aux voix!
(de Saint-Jean-d'Angély). Un décret de confiance absolue pourrait avoir des inconvénients.
A gauche : Aux voix ! aux voix !
Messieurs, je ne viens faile iii la critique ni IVloge du sysiene quj vous a present6 le cuiniie. Toute mon intention est de donner uue sauvegarde aux differents J6parte— ments, sauvegarde qui pui-se les mettre a I'abri de tous les vices de la repartition proposee, si toulet'ois elle est vicieuse. Ma proposition est un prealable a l'adraissioii du projet de d6cret du comite, pour lequel je voterai dans 1 sens de M. d'Andre. J'ai fait part de ma proposnion au comite; il l'a prise en consideration el il m'a meme fait l'honneurde m'ob>erverque,sielleoperaii quelque sensation dans 1'Assemblee, il etait tr6s dispose a l'adopter Je demande la permission de vous faire ma proposition, je serai trcs court... (Faites I faites!) Vous connaissez le plan que le couute de con- tribution publique a suivi pour pait;iger, entre les 83 departments du royaume, les 300 millions de contribution directe. Il ne pre end pas avoir alteint la perfection dans cet immense travail. Je pm-e comme lui; mais, s'il est vrai que son svsteme soil s ulement sociable, j'estime que noire posi- tion ne nous permet pas ae i erdre un temps trop precieux pour le salul de la chose publique a chercher peut-etre vainement quelque chose de mieux. Je ne viens, je le r^pfcte, ni critiquer ni faire l'eloge de son systerae; le temps et l'experieuce nous indiqueront, je ne crains pas de le dire, ce que nous sommes reduitsa desirer, I'egalitS dans le uartagedes contributions; cette heureuse 6ga- lite q'ii suuiiendra noire Gonstiiuiion, et qui la delendra c,on ire toutes les entreprises de l'esprit de parli et des factieux. Si elle est d'un c6te la sauvegarde des droits de l'homme, elle est aussi la seule regie de justice en matiere de contribu- tions publiques. La vraie proporiion des revenus que nous devons verser dans le Tresor public n'estdeiennineeparaucunprincipemetaphysique. Ge sunt les besoins publics qui la commandent; s'ils n'exigent que le douzi&me, le surimpose fait une violation a votre declaration d( s droits, et devient par cela m6me un crime public ; s'ils exigent la totalite de nos facultes, nous devons 6tre prets a leur e;i faire le sacrifice. (Applaudis- sements.) Vous I'avez consigne dans vos maximes fonda- mentales. Une contribution commune, indispen- sable pour I'entreiien de la force publique, doit etre egalemeut reparlieentre tous les citoyens, a raison ue leurs laculies. G'est par unecon^equence deceprincipe, que vousavezdejci rassur6tous les proprieiaires de l'Empire coniie les inegalites dontunepai tiepourrait etrelaviciime dans le i ar- tage dela contribution fonci&re. Voire justice leur a donn6 une sauvegarde contre tousles resultals qui conlrasteraient avec ceux que vous desirez obt nir, et cette sauvegarde consiste dan> la de- charge que vous leur avez assuree par 1'article 3 du decieidu 17 mars, nans iequel vnus avez de- clare que tout contribuable qui justifiera avoir 6ie coiise a une somme plus forte que le sixieme de son revenu net foncier, a raison du principal de la contribution fonci&re, aura droit a une re- duction. Cette sage disposition repousse et anSantit les impressions det'avorables que les malveillants pourraient essayer de donner au peuple sur la quotite des contributions directes. Votre ouvrage serait imparfait si vous ne faisiez pas k I'egard de la contribution mobilise ce que I'equite vous a presses de faire sur la contribution fonciere. Mon objet est de vous demander cet acte de justice. Je vais vous demontrer le merite de ma proposition. Tel est notre nouveau regime de contribution directe, que tout proprietaire, auquel on deman- dera pour le principal de sa contribution fonciere plus que le sixi&me de son revenu net foncier, aura droit de demander une reduction. Par la, il est mis & couvert de Finjustice qui pourrait re- sulter a son egard du mauvais calcul ou d'un pariage vicieux. II n'en est pas encore de meme a l'egard de la contributiou mobiliere, car vous n'avez imliqu6 aucun moven qui puisseservir de preuve justificative a la surcharge. Pour bien entendre ceci, fixons-nous sur les proced^s de la contribution mobili&re. On peut en considered le r61e comme etant compose de 5 colonnes. La premiere contiendra la taxe fixe de citoyen actif; la seconde, la taxe fixe des domesiiques; la troisteme, la laxe fixe des chevaux ; la qnatri^me, la taxe variable, mais du vingtieme an dix-huilieme seulement de la cole mobiliere;et la cinqui6me dela taxe variable sans maximum de la cote d'habi'ation. Je ne parle pas de la colonne des sous additionnels. La quatri&me colonne, c'est-a-dire celle «le la cote mobiliere, porte sur 1'evaluation des revenus presumes d'apr^s le prix des loyers, avec cette distinction gu'elle portera exactement sur le re- venu mobilier en entier, au lien qu'on admettra en deduction le revenu fonder a raison duquel on aura dej& compris dans le rdle de la contribu- tion fonci6re. La coted'habitation,au contraire, inscritesur la cinqui6me colonne est fix6e sur la totalite des revenus.et sansdeductiondeceux quiproviennent des proprietes foncieres; de ISl iL resulte, et je demande (ju'on venille bien saisir ceci, que la cote d'habitation est une nouvelle imposition sur un revi nu qui a deja contribu6 ou a Inspection fonci6re, ou a l'imposition mobiliere. Cela pose, voyous quels eont les r6sultats des operations present' s; et, pour le faire avecclart6, faisons uue hypolh^se. Les mumcipalites A et B, qui out d'ailleurs supporte chacune u le juste quotit6 de ia contri- bution fonci&re, out £te comprises dans J'elat de la contribuiion mobiliere du district, chacune pour une somme de 1,200 livres. La municipa- lity A, n'a pu fondre dans les 4 premieres colon- nes de sa contribution mobiliere qu'une somme de 600 livres; il lui reste done 600 livres a impo- ser pour rejet sur la cote d'habitation. La muni- cipality B, au contraire, paice qu'elle a trouve a imposer une fortune mobiliere plus considera- ble, a fait produire a ces 4 premieres colonnes 900 livres. II ne lui reste done que 300 livres a imposer sur la cote d'habitation. Arretons-nous au moment ou ces deux muni- cipality ont rempli leur 4 premieres culonnes. Je soutirns que, dans cet instant, tout etait dans la plus juste egaiit6. Les biens-fondsavaienl paye la contribution f'onciere jusqu'a concurrence du sixieme du revenu, sauf les sous additionnels. Les citoyens actifs, les domestiques, les chevaux out ete taxes partout dans une juste proporiion. Le revenu mobilier proprement dit l'a ete au dix-huiti6me; tout est egal. L'inegalile va resul- ter du rejet qu'il y aura a faire sur la cote d'ha- bitation. Si la situation du Tresor public vous le per- mettait, vous devriez, en rigueur, accorder a la municipality A une decharge de 600 livres, et amp;amp;amp; la municipality B une decharge de 300 livres.
Vous ne le pouvez pas, mais il est au moins en votre pouvoir de faire que la municipalité A ne soit pas la victime d'une fausse opéfàtiûh de la part du district, et peut-être du contre-coup du décret que vous allez rendre Sur lé partage des contributions directes. Dans l'hypothèse posée* la municipalité A sera obligée de rejeter, au moyen de la coté d'habitation, 600 livres sur le revenu présumé tant mobilier que foncier. La municipalité B n'aùra, au contraire, que 300 livres : cètté différence est sensible. En bien! croyez qu'il peut Se faire que toute autre municipalité à la place de la munièï-paiité A aura 1,000 livrés à rejeter sur la cote d'habitation, tandis qu'une autre à la place de la municipalité B n'aura que 50 livres employées par rejet. Je prends des pbints éxtrêmes, mais aussi ils vous démontrent Une inégalité* c'est-à-dire, une injustice qui doit vous révolter... (C'est vrai!) Eh bien! Messieurs, le système que vous avez adopté sur la contribution mobilière ne laisse aucun moyen à la municipalité A de se plaindre et de se faire entendre, et moi je viens vous montrer celui què vous pouvez lui indiquer, sans compromettre ia réntrée de vos contributions. Je viens en quelque manière vous découvrir les règles qui vous feront distinguer les municipalités au secours desquelles vtrtis devez venir au moyen des 6 millions mis en réserve pour subvenir aux. surcharges et modérations. Je sens la nécessité dans laquelle nous sotiimes d'assurer au Trésor public la rentrée des 300 millions gui sont le-montant de nos contributions directes, omme représentant de la nation, jé ne dois rien négliger; je dois faire tout Ce qui dépendra dé moi pour en rend re le recouvrement certain ; mais, en me fortifiant dans cette pèftsée et dans cette résolution, je dois me rappeler qu'il est nécessaire de venir au secours dés municipalités qui gémiraient sous un surimposé totalement disproportionné. Il me reste à Votis faire voir quel est le moyen de concilier Ces deux choses. D'après des calculs très probables, la réntrée des 60 millions de m contribution mobilière est assurée, sans que la Cote d'habitation, fixéè d'abord au trois-centième, excêdeie cehtième.En voici le compte : la taxe des citoyens actifs, celle des domestiques et celle dès chevaux ira à 12 millions; la cote mobilière, dans laquelle seront compris tous les salariés publics, ira à 30 millions; en voilà 42 : les revenus présumés d'après lès loyers doivent se porter à près 'de 1,800 millions ; le centième est de 18 millions, qui, ajouté à 42, égale 60. Si nous fixions lé maximum de la cote d'habitation au centième des revenus présumés, il serait, dans la classe possible, d'avoir toujours 60 millions de recette ; ce serait être trop présomptueux que d'y compter, parte que, pour le faire avec confiance, il faudrait admettre que notre partage a été pariait. Peu de personnes lè croiront tel, mais si nous fixons le maximtim de la cote d'habitation au cinquantième du revenu préstimé, voyons quelle latitude nous aurions. La cote d'habitation nous donnerait alors-, si toutes les municipalités étaient Obligées de se ranger à cette proposition, 36 millions : 36 et 42 valent 78; nous n'en avons besoin que de 60. Nous avons dont une latitude de 1,800 millions. Voilà certainepfient dé quoi j faire face aux erreurs et aux vices, si l'on veut, j de notre répartition générale entre les 83 dépar- ; tements. Eh bien, Messieurs, je vais plus loin : ' je vous propose de fixer le maximum de la cote d'habitation au quarantième du revenu présumé » c'est-à-dire à 6 deniers .pour livre, et d'assurer une réduction à toutes les municipalités qui auront à faire un rejet qui excéderait cette proportion. Si ma proposition est adoptée, je n'ài plus de Crainte, je suis le garant du succès des opérations de l'Assemblée nationale sur les contributions directes. Rassuré contre tout ce qu'un nouveau procédé peut avoir de surprenant, les contribuables feront de nouveaux efforts pour apporter le tribut que la patrie attend de leur dévouement. Ils tomberaient peut-être dans le découragement, s'ils n'avaient pas l'assurance d'être secourus ; vous les délivrerez de toute appréhension, et vous ouvrirez un chemin qui conduira nos successeurs au but si désirable de l'égalité parfaite. (Applaudissements.) i Je m'empresse de présenter à l'Assemblée nationale la rédaction de mon projet de décret; je la supplie de l'accueillir par un préalable à l'émission du décret qu'elle va rendre sur le partage de§ contributions; il fera taire toutes les afflictions et tous les intérêts particuliers. Voici mon projet de décret ; « Tout contribuable qui justifiera avoir été taxé dans le rôle, et à raison du principal de la Contribution mobilière sUr sa cote d'habitation, à une somme plus forte que le quarantième de son revenu présumé d'après les loyers d'habitation, aura droit à une réduction, en se conformant aux règles qui ont été ou qui seront prescrites. » J'adopte, au surplus, la motion de M. d'André.
, rapporteur. Messieurs, M. Nogaret a communiqué au comité d'imposition l'amendement qu'il vient de vous proposer. Nous l'avons discuté et nous consentons à l'adopter; le comité me charge de vous proposer de le décréter.
Messieurs... (Murmures.)
A gauche ; Aux voix! aux voixl
... il est impossible de décréter ainsi de confiance un projet quél'on vient de distribuer et sur lequel on a à peine pu jeter les yeux... (Murmures.)
A gauche : Aux voix! aux voix! (La discussion est fermée.)
Je mets àuX voix le projet de décret de M. Ramel-Nôgaret, et j'en donne une nouvelle lecture :
« L'Assemblée nationale décrète cé qui suit ;
« Tout contribuable qui justifiera avoir été taxé dans le rôle, et à raison du principal de la contribution mobilière sur sa coté d'habitation, à une somme plus forte que le quarantième dé son revenu présumé d'après les loyers d'habitation, aura droit à une réduction, en se conformant aux règles qui ont été ou qui seront prescrites. »
(Cette disposition est décrétée.)
M. d'André fait la motion que le projet de décret du comité soit adopté en màsse. Je consulte l'Assemblée.
.(L'Assemblée décrète que le projet de décret du comité sera adopté en masse.)
En Conséquence, le projet e&t mis aux voix en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que les principaux des contributions foncière et mobilière pour 1791 seront répartis entre les 83 départements du royaume ainsi qu'il suit :
Table
TOTAL
CONTRIBUTION
CONTRIBUTION
mobilière,
contributions
foncière,
1 Ain.................
2 Aisne...............
3 Allier...............
4 Alpes (Hautes-}......
5 Alpes (fiasses-)......
6 Ardèche............
7 Ardennes...........
8 Ariège...............
9 Aube...............
10 Aude...............
11 Aveyron............
12 Bouches-du-Rhône..
13 Calvados........
14 Cantal.............
15 Charente...........
16 Charente-Inférieure .
17 Cher...............
18 Corrèze............
19 Corse..............
20 Côte-d'Or..........
21 Côtes-du-Nord......
22 Creuse.............
23 Dordogne ..........
24 Doubs.............
25 Drôme.............
26 Eure ..............
27 Eure-et-Loir........
28 Finistère...........
29 Gard ..............
30 Garonne (Haute-)...
31 Gers...............
32 Gironde............
33 Hérault............
34 Ille-et-Vilaine.......
35 Indre..............
36 Indre-et-Loire......
37 Isère ..............
38 Jura ...............
39 Landes............
40 Loir-et-Cher........
41 Loire (Haute-)......
42 Loire-Inférieure.....
43 Loiret.............
44 Lot................
45 Lot-et-Garonne.....
46 Lozère.............
47 Maine-et-Loire......
48 Mancbe.............
49 Marne........
50 Marne (Haute-).....
51 Mayenne...........
52 Meurthe............
53 Meuse.............
54 Morbihan..........
55 Moselle............
56 Nièvre........h----
57 Nord .............
58 Oise..............
59 Orne .............
60 Paris.............
61 Pas-de-Calais.....
62 Puy-de-Dôme .....
63 Pyrénées (Hautes-).
64 Pyrénées (Basses-).
65 Pyrénées-Orientales
66 Rhin (Haut-)_______
NOMS des
départements.
67 Rhin (Bas-).........
68 Rhône-et-Loire ..... 69' Saône (Haute-)
70 Saône-et-Loire. ..>.., 7t Sarlhe.............
72 Seine-et-Oise.......
73 Seine-Inférieure . f..
74 Seine-el-Marne......
75 Sèvres (Deux-)......
76 Somme .........
77 Tarn..............
78 Var................
79 Vendée.........l.g
80 Vienne.............
81 Vienne (Haute-).....
82 Vosges........... .
83 Yonne.............
Totaux
CONTRIBUTION
foncière. ,
liv.
2,369,300 6,333,000 1,765,300 3,661,900 3,796,100 7,342,400 7,057,400 5,450,800 2,546,500 5,581,600 2,621,800 1,788,800 2,572,900 1,718,900 1,810,100 1,638,100 2,950,400
240,000,000
CONTRIBUTION
mobilière.
liv.
503,000 1,921,100 372,000 751,200 859,200 i,éll,900 2,364,300 1,200,200 5^5,100 1,186,400 589,300 408,700 565,600 331,600 417,200 3i5,900 625,200
60,000,000
TOTAL des deux contributions.
liv.
2,872,300
8,254,100"
2,137,300
4,413,100
4,655,300
8,954,300
9,421,700
6,651,000
3,101,600
6,768,000
3,211,100
2,197,500
3,138,500
2,056,500
2,227,300
1,954,000
3,575,600
300,000,000
.(Ce décret est adopté.)
Je demande que l'Assemblée décrète que le décret qu'elle vient de rendre sur la répartition de la contribution sera porté dans le jour à la sanction. (Oui! oui! — Applaudissements.)
Je puis assurer l'Assemblée que, dès que M. le rapporteur du comité des contributions publiques m'aura remis le décret, je ne perdrai pas un moment pour le porter à la sanction. (Applaudissements.)
, député du département du Pas-de-Calais, 'qui était absent par congé, annonce qu'il est de retour à l'Assemblée et remet sur le bureau l'expédition du congé qu'il avait obtenu.
, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, lorsque le 8 mai l'Assemblée a décrété l'organisation des compagnies de finances, vous avez renvoyé au comité un amendement de M. Duuchy. Je l'apporte rédigé, ain i qu'un amendeu ent oublié dans la rédaction, proposé par M. Pierre Dedelley et que nous avons adopté.
L'amendement de M. Dedelley s'applique à l'article 4; cet article, qui portait que les autres employés pouriont être destitués par une délibération des régisseurs, doit être modifié dans sa rédaction et doit être ainsi conçu :
« Les autres employés ne pourront être destitués sans une délibération des régisseurs. »
(Cette rédaction est décrétée.)
, rapporteur. La motion de M. Dauchy deviendrait l'article 9 du projet de décret, lequel serait ainsi conçu :
« Les receveurs de district ne pourront être en même temps percepteurs ou agents des contributions directes.p
(Cette disposition est décrétée.)
Je n'ai pas coutume d'arriver tard à l'Assemblée. Aujourd'hui j'y viens; je reçois le projet sur la division de l'impôt foncier,... (L'ordre du jour!) et déjà elle est décré ée... (L'ordre du jour!)
Je demande à démontrer que la province la plus pauvre du royaume paye un million d'impôts de plus qu'elfe ne payait autrefois : c'est le département de la Dordogne... (L'ordre du jour!)
Je demande à établir, avant qu'on fiasse à l'ordre du jour, que Paris coûtera plus à faire payer qu'il n'est chargé de payer... (Murmures.) Les provinces voteront des remer-cîments à M. d'André...
Je l'espère, et je demande que ce que viint de dire M;'de Lacbèze soit inséré dans le procès-verbal.
L'ordre du jour est un rapport du comité dé Constitution sur la convocation de la première législature.
, au nom du comité de Constitution. Messieurs, après tant de travaux, il vous est ei fin permis de mesurer le terme de votie carrière : (Murmures à droite.) encore quelques jours, et le serment solennel que vous avez prononcé au mois de juin 1789 se trouvera rempli dans toute son étendue. Vous pouvez dès à présent convoquer la,législature ; si .la prudence le permettait,, vous pourriez même dès- cette séance fixer le jour -où-vous livrerez à vos successeurs le dépôt de la liberté -publique; Durant le cours des élections, vous éearterez sans doute tout ce qui éloignerait pour nous cerepo? que nous avons si bien mérité, et tel séra votre zèle jusqu'au dernier moment qu'outre la Constitution achevée dans chacune de. ses parties, vous laisserez des lois sur les objets de finances, d'administration et de législation qui doivent être réglés avant otre départ.
Les détails de la convocation de la législature appellent d'abord votre attention, mais il faut arrêter aussi d'une manière définitive le mode et l'époque des élections et des remplacements; il est sur es matières des dispositions provisoires dont l'expérience a montré l'imperfection, et qu'il est nécessaire de changer. Le rapport embrasser a «ces trois points. J'ai séparé les détails relatifs à la première convocation du Corps législatif; il paraît convenable de renfermer dans un décret, ou dans un litre particulier, les articles qui concernent les autres élections.
Lecomitén'hésite pas à demander qu'on nomme de nouveaux électeurs, c'est le vœu de la presque totalité des départements. Toutefois cette, considération ne nous a pas déterminés; car, si les principes et l'intérêt général ordonnaient une mesure contraire, nous devrions lutter contre l'opinion, et nous remplirions ce devoir. Mais les électeurs actuels n'ont oas été choisis pour nommer des députés à la législature : vons le leur avez défendu expressément lorsqu'ils se sont réunis pour former les corps administratifs, et vous ne laisserez pas ce prétexte d'agitation aux ennemis de la liberté. De plus, dans la pureté de votre régime constitutionnel, le c rps électoral doit, immédiatement après sa formation, nommer les membres du Gorps législatif: Vius n'avez pas voulu que, dans un choix si important, on put pratiquer à l'avance les électeurs... (A droite : Ils sont nommés partout.) Enfin les électeurs actuels, nommés depuis plus d'un an, exerceraient leurs fonctions plus de 3 années, et il faut bien raccorder tous les mouvements du corps politique.
La saison est déjà avancée, et l'époque n'est pins aussi favorable que nous l'avions espéré d'abord : mais nous proposerons de perfectionner le mode des élections en le simplifiant, et le travail des assemblées primaires dérangera peu les cultivateurs. Ils savent tout ce qu'ils doivent à la Révolution ; i s ne regretteront pas quelques moments de gêne, que vous n'avez pu leur éviter. Ce léger sacrifice sera le dernier, et je ne crains pas d'assurer qu'ils le feront avec plaisir. En cherchant d'une part à concilier leurs intérêts, et le grand intérêt de la chose publique, nous dédirons que les assemblées primaires soient en activité dans tout le royaume le 20 du mois prochain : avec de la célérité dans l'im-pre sion et l'expédition de la loi, il serait même facile de rapprocher cette époque.
Dix jours suffiront pour la nomination des électeurs; le corps électoral peut se former dès le 1er juillet, et procéder à la nomination des députés au Corps législatif. Cette époque gênera les départements du midi, mais il s'agit de consommer le salut de la France, et leur ardent patriotisme se félicitera d'avoir ici une occasion particulière de montrer leur zèle.
Ces premiers détails convenus, il faut fixer le nombre des députés de chaque département, et faciliter le même travail à nos successeurs. La base du territoire, étant invariable, n'a obligé à aucune recherche, et ne présente aucune difficulté. Il n'en est pas de même de celles de la population active et des contributions directes. Nous recueillons depuis plusd'un an les tableaux de la population active de tout le royaume; nous avons écrit trois lettres circulaires aux départements. En réunissant les états adressés par les commissaires du roi qui ont surveillé la première formation des corps a dministratils, et ceux que les corps administratifs eux-mêmes ont envoyés,
soit au comité de Constitution, soit à l'administration, nous sommes parvenus, à force desoins, à connaître, avec précision, la population active de t>ute la France, qui est pour cette année de 4,298,360 citoyens. Nous ne nons sommes pas contentés d'un premier résultat formé au moment où l'on a organisé les municipalités et les administrations de département et de district ; nous en avons demandé un second, lorsque l'expérience pouvait lui donner plus d'exactitude, et c'est ce dernier que nous avons adopté. Diverses colonnes du tableau général, n° 1, qui sera imprimé (1), vous indiqueront, pour tous les départements, le premier et le second résultat, la désignation et la date des envois, la population active, et souvent la population totale ; objet, au reste, peu important, car le comité de Constitution avait deviné assez juste, lo-squ'au commen-mencement de ses travaux, calculant la proportion de la population active à la population totale, il la supposait du sixième. Notre conjecture s'est vérifiée. Ce tableau est précieux sous un autre rapport; il fera connaître le nombre des citoyens actifs à l'époque de la Révolution, et son accroissement indiquera, pàr la suite, les progrès de la prospérité publique.
D'après cette base fondamentale, voici les calculs que nous avons adoptés pour la répartition entre les 83 départements des 249 députés attribués à la population active. Conformément au décret sur la représentation nationale, nous avons divisé les 4,298,360 citoyens en 249 parties. Le diviseur commun est de 17,262, c'est-à-dire que chaque département enverra au Corps législatif, à raison de sa population, autant de députés qu'il aura de l'ois 17,262 citoyens. Mais ce divi.-eur commun, appliqué en détail à chaque département, ne donne pour tous les départements réunis, que 205' députés. Il reste donc 44 députés, qu'il faut réparir entre les départements, à raison de leurs fractions de population excédant le diviseur commun. Dan « cette opération, on ne peut suivre qu'une règle, c'est de donner un député de plus à ceux des départements qui ont, en fractions excédantes, la quotité de population active la plus considérable. Le principe est exact ; et d'ailleurs, d'une législature à l'autre, les variations dans les fractions de la population active en compenseront tour à tour les avantages et les désavantages pour les divers départements. Le comité toutefois ne s'est pas borné au calcul rie l'opération qui nous occupe, et voulant laisser aux temps à venir un travail soigne, il a calculé les fractions en vingtièmes et en trente-sixièmes ; le résultat est le même, mais il s'est arrêté au dernier qui a plus de précision..
Tous les départements ont, par-delà les nombres complets du diviseur
commun, une fraction (te population active excédante, et l'on peut dire
que le contraire n'arrivera pas une fois en dix siècles. Par le dernier
résultat, dont je viens de rendre compte, tous les départements qui
auront en fraction excédante, 17/36 du diviseur commun, ou en d'autres
termes, 17/36 de 17,262, nommeront pour la prochaine législature un
député, à raison de la fraction de leur population active. Au reste, 3
départements seulement, ceux de Y Aube, de la Gironde et de la Vienne,
obtiendront un député avec 17/36 du diviseur commun : les 41 autres ont
la moitié, et beaucoup plus de la moitié du diviseur commun en
fractions. Le
Pour répartir entre les départements les 249 députés attribués à la contribution directe, nous avons suivi les mêmes principes et les mêmes bases de calcul. L'administration nous a donné ici les renseignements dont nous avions besoin.
Mais, avant de rendre compte (2) de notre, opération, il faut examiner une question importante. N'ayant pa3 encore réparti, entre les 83 départements, les 300 millions des contributions foncière et mobilière, adopterez-vous, dans la fixation du nombre des députés au Gorps législatif, l'aperçu de répartition pour 1791 qui vous sera proposé par le comité des contributions publiques ? Ou bien prendrez-vous pour base la répartition des contributions directes en 1790? Nous avons fait dresser des tableaux, et rédiger l'article suivant l'un et l'autre mode; et quelle que soit votre détermination, la convocation de la législature n'éprouvera point de retard. Il s'agit de voir quel est le mode le meilleur dans les circonstances actuelles.
D'abord, vous statuerez, sans doute, que cette disposition ne préjugera rien sur la somme des contributions foncière et mobilière qui sera imposée à chaque département, et qu'elle ne pourra tirer à conséquence pour l'avenir. Vous dissiperez ainsi toutes les inquiétudes, et c'est sous d'autres rapports que se présente la question.
Lorsque vous allez établir enfin l'accord de toutes les parties du corps politique, lorsque les tiraillements et les combats de l'ancien régime et du nouveau, inévitables jusqu'ici, vont disparaître, ceux qui ont renversé le despotisme fiscal, etanéanti ses injustices, doivent faire nommer les membres de la première législature, d'après la base de l'égalité proportionnelle des contribuions.
Ensuite les départements surchargés d'impositions sous l'ancien régime jouiraient non seulement de la diminution qui leur est assurée ; ils auraient encore un plus grand nombre de députés, à la suite d'un fardeau qu'ils ne porteraient plus, ce qui ne serait pas juste.
Il en résulterait d'ailleurs une véritable lésion pour plusieurs parties du royaume, ainsi que nous le démontrerons s'il le faut. On imprimera même, si vous l'ordonnez, Messieurs, un tableau qui rendra sensibles tous les détails de cette disproportion.
Enfin, en prenant la base de répartition de 1790, la contribution directe
de tout le royaume n'offrirait que 256,389,584 1. 15 s. 10 d, Le
diviseur commun serait de 1,029,667 L 11 s. 7 d. Les malveillants,
cherchant à faire oublier la suppression de la dîme, de la gabelle, des
aides et de tant d'autres impositions indirectes,
D'après ces conditions dont vous déterminerez [ le poids, Messieurs, le comité pense que dans la i répartition, entre les départements, des 249 députés attribués à la contribution directe, vous devez suivre un aperçu, qui est celui du comité des contributions publiques. Nous savons que çe parti a quelques inconvénients, mais ils sont faibles à côté de ceux qu'entraînerait l'autre mode; et en avertissant plus haut que cette disposition ne préjugera rien sur la somme des contributions foncière et mobilière qui sera imposée à chaque département, et ne pourra tirer à conséquence pour l'avenir, j'ai répondu à toutes les objections.
Voici maintenant les détails et les preuves de nos calculs : 300 millions de contributions foncière et mobilière, divisées en £49 parties, donnent un diviseur commun de 1,204,819 1. 5 s. 6d.; chaque département aura donc, à raison de sa contribution directe, autant de députés qu'il doit payer de fois 1,204,819 livres, etc., dans le tableau de la répartition qui vient d'être décrétée. Mais ce diviseur commun, appliqué en détail à chaque département, ne donnera pour tous les départements réunis, qu'un résultat de 201 députés, et les 48 autres qui doivent compléter la totalité de la députation au Corps législatif, sous ce rapport, ne peuvent être répartis qu'entre ceux des départements qui auront les fractions approchant le plus du diviseur commun : j'ex-pliqUerai tout à l'heure une seule exception en faveur de la tlorse, qui sera imposée seulement à 284,800 livres.
Tous les départements ayant des fractions de contribution directe, plus ou moins considérables, voyons à quel taux de fractions 47 départements obtiendront un député ; de la comparaison des diverses fractions qui se présentent à la suite de la contribution directe présumée, il résulte qu'il faudra avoir une fraction d'au moins 47/80 du diviseur commun, qui est de 1,204,819 1. 5 s. 6 d. 1/2, c'est-à-dire de 707,831 livres.
Il est inutile de consigner dans le rapport les noms des 47 départements auxquels la fraction sera profitable. Cet avantage sera compensé tour à tour, parla suite des années, à. l'égard de chaque département, ainsi que je l'ai dit en expliquant nos calculs sur la population active. Le mode de représentation nationale, adopté par vous, est peut-être le plus parfait de tous ceux qu'on pourra imaginer, et I objection qu'on voudrait tirer d'un département qui verra pour une législature un autre département obtenir, par le résultat des fractions, un député de plus, avec une somme très modique, s'évanouit dans une si belle combinaison. Le tableau qui sera imprimé sous le n° 3(1), donne en cinq colonnes le montant des contributions directes de chaque département, le diviseur commun, le quotient, les fractions, et enfin le nombre total des députés à raison de la contribution directe.
J'ai dit plus haut qu'une seule exception était nécessaire en faveur de
la Corse. Votre décret sur la répartition n'impose ce département qu'à
284,800 livres. Il ne paraît pas que sa pauvreté guisse en payer
davantage pour le moment, ependant il serait contraire à l'esprit de
votre
Le tableau qui sera imprimé sous le n°4 (1) présente le résultat des. trois premiers : il offre, en cinq colonnes, le nombre des députés que chaque département enverra à la première légis^ lature, à raison de son territoire, de sa population active et de ses contributions directes. Enfin l'article 5 du projet de décret est le résumé des tableaux et des calculs, et il déter/ôine le nombre total des députés de chaque département.
La première répartition des 745 députés entre les divers départements du royaume étant fixée, il faut établir pour l'avenir une loi générale sur le. calcul des fractions de population active et de contribution directe, et ce point se trouve réglé dans le titre II du projet de décret.
Pour achever ce qui regarde la première législature, il ne reste plus qu'à examiner si le décret de convocation doit fixer le jour où l'Assemblée nationale terminera ses fonctions,; et celui où la législature commencera' les siennes; ou bien si, pour le moment, vous vous contenterez de dire, qu'aussitôt après l'élection de tous les membres du Gorps, législatif, l'Assemblée nationale fixera lejouroùla législature viendra prendre séance.
Vous pourriez annoncer la cessation de vos travaux au 30 du mois d'août,
et l'installation de la législature 3 jours après : car, malgré notre
fatigue, nous retrouverons des forces, et notre courage y suppléerait au
besoin. En laissant çn arrière lès objets qui ne sont pas instants, erj
nous ralliant de cœur et d'esprit, il est sûr que les parties que vous
ne devez pas abandonner à vos successeurs, que le travail si important
de la revision' seront terminés alors ; mais les ennemis delà Révolution
abuseraient de cette indication prématurée, et vous examinerez dans
votre sagesse lè parti qué conseille l'intérêt public. Le comité
proposera seulement de décréter qu'aussitôt après l'élection de tous les
membres du Corps législatif, l'Assemblée natio^
La simplification de quelques points de détail réglés provisoirement sur le mode d'élire, et le raccordement général des époques définitives d'élection et de remplacement à l'égard dé tous les fonctionnaires publics, demandent une autre, délibération de votre part, et c'est la matière du titre II du décret. Lès nouvelles dispositions seront applicables à la convocation que vous allez ordonner, et les élections trop compliquées, et trop longues jusqu'ici, auront enfin de l'ordre, de la promptitude et de la simplicité.
Les combinaisons théoriques disparaîtront ici devant l'expérience; chacun de vous, Messieurs, connaît si bien les résultats de quelques essais, qu'il suffira d'exposer en peu de mots l'objet et les motifs de plusieurs articles du titre II.
Au moment où les municipalités nouvelles se sont organisées, vous avez délégué aux anciennes municipalités et aux comités librement élus, dans les lieux où il y en avait, le pouvoir de déterminer la valeur lofcale de la journée de travail : les municipalités nouvelles en ont joui et en ont abusé. PoUr prévenir ces fréquentes variations qui causent des troubles ou qui les perpétuent, nous proposons de le déléguer définitivement aux directoires de départements, sur la proposition des directoires de districts, d'établir que cette fixation aura lieu dans le courant du mois de janvier, et qu'il ne pourra plus y être fait de Changement que 6 ans après à la même époque.
Le scrutin de liste double est beaucoup trop long; il ne remplit.pas les vues de ceux qui l'ont proposé, et nous demandons qu'on l'abolisse. Un décret de l'année 1789 permet de nommer à la pluralité relative les députés suppléants au Corps législatif; mais ce serait ùn abus, car un citoyen qui n'aurait obtenu que 15 ou 20 voix pourrait arriver à la législature. Nous désirons qu'on les nomme au scrutin Individuel et à majorité absolue des suffrages, ce qui n'entraînera point de longueur et paraît beaucoup plus convenable.
Nous avons cherché à établir dans toutes les élections l'ordre prescrit par l'importance des fonctionnaires, et à prévenir le retour des embarras sans nombre qu'a produit l'élection simultanée du même citoyen à des fonctions différentes : dans notre plan, on procédera à l'élection de la moitié des membres des administrations de département et dé district, après l'élection des députés à la première législature. L'intervalle, quel qu'il soit, écoulé depuis le commencement de leur exercice, serait compté pour 2 ans, et l'intervalle qui s'écoulerait ensuite jusqu'à l'époque des élections de 1793 serait compté également pour 2 autres années. Ils ne pourront se plaindre, car la première législature, elle-même, n'exercera ses fonctions que jusqu'au Ie* mai 1793, Au surplus, moin$ parce qu'ils n'auront pas exercé 2 ans, que par des vues d'intérêt général, le comité pense que, pour cette fois seulement, vous devez permettre la réélection de ceux des administrateurs que le sort ferait sortir; une pareille disposition n'aura que des avantages pour la chose publique. S'ils ont mérité l'estime de leurs Cobcitoyens, si on a besoin de Jeiir expérience, ils seront réélus.
Les mêmes motifs nous déterminent à faire Cesser l'exercice des prpcureurs généraux syndics et des procureurs syndics l'année 1793. Cette mesure absolue sera sans inconvénients,
puisque la loi permet de les réélire une seconde fois.
L'institution des juges de paix a bien réussi : ces fonctionnaires sont en exercice depuis peu de temps, et en général on en est si satisfait, que pour faire tomber leur réélection à l'époque nés assemblées primaires, nous demandons la prolongation de leur exercice jusqu'au mois de mars 1793. Une pareille prolongation aurait lieu jusqu'au mois de novembre 1793 à l'égard des juges de commerce, parce que ces sortes d'élection seront mieux placées après le renouvellement de la moitié des officiers municipaux, qui se fait à cette époque de l'année.
Enfin, l'exercice des juges actuels du district ne finirait qu'au mois d'avril ou de mai 1797. Il serait ainsi d'un peu plus de 6 ans; et il le faut, car l'époque de leur élection sera placée convenablement après celle des administrateurs de district.
Nous plaçons, après l'élection des députés au Gorps législatif, celle des administrateurs de départements, des deux hauts jurés qui doivent servir près de la haute cour nationale, du membre du tribunal de cassation, de son suppléant, du président, de l'accusateur public et du greffier du tribunal criminel. De cette manière, pour les élections importantes, les électeurs auront à choisir dans la totalité des sujets les plus distingués. Il y aura moins de démissions et d'intrigues, on donnera à chacun la place pour laquelle on le jugera le plus propre, le régime électif rencontrera moins de détracteurs, et les mouvements irréguliers d'une première année ne seront plus cités comme l'effet inévitable de vos lois.
Les époques que je viens d'indiquer ne mettront pas seulement de l'ordre dans les élections; elles appelleront rarement les citoyens actifs et les électeurs : en effet, à l'exception de la nomination peu fréquente d'un évêque ou d'un curé, que vous pouvez laisser aux temps fixés par la constitution civile du clergé, les électeurs ne se rassembleront qu'une fois en 2 ans, et les citoyens actifs ne se réuniront qu'une fois tous les 2 ans en assemblées primaires, et une fois, chaque année, en commune au mois de novembre, c'est-à-dire dàns la saison qui dérange le moins les cultivateurs et les ouvriers.
Telles sont les principales dispositions que le comité soumet à vos lumières au moment où vous allez convoquer la première législature. En terminant ce rapport intéressant par son objet, qu'il me soit permis d'ajouter quelques réflexions.
Messieurs, l'époque de notre séparation est prochaine, mais il faut se séparer avec honneur. Assez et trop longtemps la division a régné parmi des patriotes, la voix de la patrie, notre intérêt, celui de nos concitoyens, doivent aujourd'hui nous rallier. Chacun de nous rendra compte de sa dernière conduite et de ses dernières opinions. (Applaudissements.) La calomnie et les libelles seront oubliés; on ne nous jugera point au gré do tel ou de tel parti ; les contemporains et, la postérité ne jugeront que les décrets de l'Assemolée nationale. Ce même peuple qui nous a secondé de son courage, qui a paru si reconnaissant de nos efforts, ne montrera plus que de l'inurati ude, s'il manque quelque chose à vos insitu'ions. Dans les aé-ordres de l'anarchie, il nous accusera. Les obstacles qui vous ont environnés ne sont bien connus que de vous, et il ne se souviendra pas même de ceux dont il parle
tous les jours. Entraînés par les événements, vous n'avez pu travailler la Constitution qu'en détail. C'est l'ensemble de vos décrets qu'il est de votre devoir d'examiner maintenant; c'est rie la stabilité et de la force du gouvernement qu'il faut s'occuper; car nous n'avons plus de moments à perdre. (Applaudissements.) Les délibérations, devenant moins épineuses, en seront meilleures : eh! qui pourrait conserver des défiances ou des soupçon^? Qui voudrait compromette le salut de la France par l'exagération de quelques idées particulières? En régénérant le royaume, telle était votre force, qu'elle a dû quelquefois dépasser le but : dans des temps plus heureux, on corrigera ces imperfections; mais qui peut prévoir le résultat d'un défaut de sagesse à l'époque où nous sommes arrivés ? (Applaudissemen ts. )
Voici le projet de décret que votre comité de Constitution m'a chargé de vous présenter :
TITRE Ier.
Convocation de la première législature.
« Art. 1er. Les procureurs généraux syndics
des départements enjoindront aux procureurs syndics des districts, de
réunir en assemblées primaires, le 20 juin de la présente année, les
citoyens actifs dé tout le royaume, pour nommer de nouveaux électeurs.
« Art. 2. Les électeurs se réuniront le 1er du mois de juillet prochain, pour procéder à la nomination des députés au Corps législatif; ils feront, conformément aux lois, les élections qui pourront surv nir jusqu'à la formation du corps électoral au mois de mars 1793.
« Art. 3. La population active de tout le royaume se trouvant pour cette année de 4,298,360 citoyens, la quotité de 17,262 donnera un député et les fractions seront divisées en trente-sixièmes. Tout département dont la fraction de population active excédera de 17/36 les quantités complètes du diviseur commun aura un député de plus, à raison de sa population.
« Art. 4. Le décret rendu dans la séance de ce jour, sur la répartition de la contribution foncière et mobilière pour l'année 1791, servira de base pour déterminer le nombre des député* que chaque département doit envoyer à la première législature, en raison de ses contributions directes.
« Art. 5. D'après les deux articles précédents" et les étals de la population active et de contribution directe annexés à la suite du rapport, ies 83 départements du royaume enverront au Corps législatif le nombre suivant de députés, savoir :
Ain...................... Six députés, ci..............6
Aisne....................Douze..............................12
Allier.................... Sept................................7
Alpes (Hautes-)............ Cinq................................5
Alpes (Basses-)............ Six....................................6
Ardèche.................. Sept.........................7
Ardennes................. Huit............................8
Ariège.................... Six....................................6
Aube.....................Neuf..........................9
Aude..................... Huit.........................8
Aveyron..................Neuf......................9
Bouches-du-Rhône.........Dix.......................10
Calvados................. Treize.............................13
Cantal....................Huit..................................8
Charente..................Neuf...».............9
Charente-Inférieure........Onze................................11
Cher.....................Six....................................6
Corrèze.................. Sept................. 7
Corse..................... Six..........................6
Côte-d'Or................. Dix..................................10
Côies-du-Nord............ Huit.....,....................8
Creuse.................... Sept....................7
Dordogne................. Dix........................10
Doubs.................... Six.......... ................6
Drôme.................... Sept........................7
Eure.....................Onze................................11
Eure-et-Loir.............. Neuf..................................9
Finistère................. Huit.............................8
Gard..................... Huit................................8
Garonne (Haute-)..........Douze..............................12
Gers.....................Neuf................................9
Gironde.................. Douze..............................12
Hérault...................Neuf..................9
Ille-et-Vilaine............. Dix....................................10
Indre.;................... Six...................6
Indre-et-Loire............. Huit..................................8
Isère......................Neuf......................9
Jura......................Huit..................................8
Landes................... Six.......................6
Loir-et-Cher .............. Sept..................................7
Loire (Haute-)............. Sept.........................7
Loire-Inférieure...........Huit.......................8
Loiret....................Neuf..................................9
Lot......................Dix.........................10
Lot-et-Garonne............ Neuf..............................9
Lozère.................... Cinq.......................5
Maine-et-Loire............ Onze..................................11
Manche..................Treize.......................13
Marne....................Dix..................................10
Marne (Haute-)............ Sept.................................7
Mayenne................. Huit..................................8
Meurthe.................. Huit..................................8
Meuse.................... Huit..................................8
Morbihan................. Huit..................................8
Moselle...................Huit.............................8
Nièvre.................... Sept.........................7
Nord.....................Douze...........................12
Oise...................... Douze............................12
Orne .....................Dix..................................10
Paris..................... Vingt-quatre..................24
Pas-de-Calais............. Onze................................11
Puy-de-Dôme.............. Douze..............................12
Pyrénées (Hautes-)......... Six....................................6
Pyrénées (Basses-).........Six.......................6
Pyrénées-Orientales........ Cinq................................5
Rhin (Haut-).............. Sept..................................7
Rhin (Bas-)...............Neuf................................9
Rhône-et-Loire............ Quinze............................15
Saône (Haute-)............ Sept............r.... 7
Saône-et-Loire............ Onze..............................11
Sarthe....................Dix......................10
Seine-et-Oise.............. Quatorze...................14
Seine-Inférieure...........Seize................................16
Seine-et-Marne............ Onze................................11
Sèvres (Deux-)............ Sept.,.....................7
Somme................... Treize......................13
Tarn. .................... Neuf............................9
Var....................... Huit...............................8
Vendée................... Neuf.................9
Vienne................... Huit.......................8
Vienne (Haute-)............ Sept......................7
Vosges....................Huit..................................8
Yonne....................Neuf................................9
Total............................... 745
« Art. 6. Les assemblées électorales de département, formées en vertu du présent décret, ayant nommé les membres de la législature, nommeront les deux hauts jurés qui doivent servir auprès de la haute cour nationale.
« Art. 7. Les départements qui n'ont pas nommé le président, l'accusateur public et le greffier du tribunal criminel établis par les décrets sur le juré, procéderont à cette élection immédiatement après la nomination des députés au Corps législatif.
« Art. 8. Aussitôt après l'élection de tous les
membres du Corps législatif, l'Assemblée nationale déterminera le jour où elle cessera ses fonctions et celui où la législature commencera les siennes.
« Art. 9. Les fonctions de la première législature cesseront au 1er mai 1793.
TITRE II.
Dispositions sur le mode d'élire et Vépoque définitive des élections et des remplacements.
« Art. 1er. Les secrétaires de district sont
autorisés à déterminer, selon les circonstances, le lieu où se réuniront
les assemblées primaires.
Art. 2. A l'avenir, la valeur de la journée de travail sera fixée par le directoire de département, sur la proposition du directoire de district, conformément à l'article 11 de la loi du 18 février de l'année présente, nonobstant la disposition provisoire portée au décret du 11 février 1790, laquelle demeure abrogée. Cette fixation aura lieu dans le courant du mois de janvier ; elle subsistera pendant 6 ans, et il ne pourra plus y être fait de changement, que 6 ans après, à la même époque.
Art. 3. 11 ne pourra être fait de changement à la cote des imposition de chaque contribuable, qu'à l'époque annuelle de la confection des rôles.
« Art. 4. A compter du jour de la publication du présent décret, la disposition provisoire contenue en 1'articie 20 de la section première du décret du 22 décembre 1789 est abrogée : les électeurs seront choisis au scrutin de liste simple; et il n'y aura plus de scrutin de liste double, en aucun cas.
« Art. 5. Les assemblées électorales se mettront en activité, sans que l'absence d'un nombre quelconque d'électeurs puisse en retarder les opérations. Les électeurs qui arriveront ensuite, avec des titres en règle, teront admis à l'époque où ils se présenteront.
« Art. 6. Tout département, quelle que soit sa population active ou sa contribution directe, nommera, au moins, un député à raison de sa population; et un autre à raison de sa contribution directe.
« Art. 7. Si, dans la répartition qui sera faite par la législature, des députés attribués aux 83 départements à raison de la populaiion active, le diviseur commun appliqué en détail à chaque département ne donne pas, uour tous les départements réunis, le résultat complet de 249 députés, chacun des départements, q ti aura, en fractions excédantes, la quotité de population active la plus considérable, nommera un député déplus, jusqu'à la concurrence des 249.
« Art. 8. On suivra cette base de calcul dans la répartition entre les 83 départements, des 249 députés attribués à la contribution directe de tout le royaume.
« Art. 9. La nomination des suppléants au Corps législatif se fera au scrutin iudividuel et à la majorité absolue des suffrages, nonobstant la disposition provisoire de l'article 33 du décret cité en l'article 6, laquelle demeure abrogée.
« Art. 10. Les électeurs, après avoir nom mêles députés à la prochaine législature, procéderont au remplacement de la moitié des membres des administrations de département et de district : l'intervalle, quel qu'il soit, écoulé depuis la nomination de ces derniers, sera compté pour 2 ans;
et l'intervalle qui s'écoulera ensuite jusqu'à l'époque des élections de 1793 sera également compté pour 2 autres années.
« Art. 11. Attendu que les membres des administrations de département et de district, dont les fonctions vont Cesser aux termes de l'article précédent, n'auront pas exercé 2 années entières, ils pourront être réélus pour cette fois seulement, et nonobstant l'article 6 de la loi du 27 mars de l'année présente.
« Art. 12. Les procureurs généraux syndics actuelsdetout leroyaumecesseront leurs fonctions en l'année 1793, s'ils rie sont pas réélus.
« Art. 13. A l'avenir, les juges de paix et les assesseurs de chaque canton seront nommés à l'époque des assemblées primaires, au mois de mars, et on ne procédera qu'en l'année 1793 à la réélection ou au remplacement de ceux qui sont actuellement en exercice.
« Art. 14. A l'exception de la ville de Paris, les juges de commerce seront nommés au mois de novembre de chaque année, après le renouvellement de la moitié des officiers municipaux. Aucun des juges de commerce, qui a été ou qui sera nommé en vertu de la loi du 24 août 1790, ne pourra être rem placé avant le mois de novembre de l'année prochaine.
« Art. 15. Le président du tribunal criminel et l'accusateur public, non plus que les 2 hauts jurés qui doivent servir prés de la haute cour nationale, ne seront jamais nommés qu'après l'élection des députés au Corps législatif et des administrateurs de département
« Art. 16. A partir de l'année 1795, les électeurs de ceux des départements en tour de nommer procéderont à la nomination du membre du tribunal de cassation et rie son suppléant, dans le mois d'avril ou de mai, après avoir nommé les députés à la législature, la moitié des administrateurs de département, et les 3 hauts jurés qui doivent servir près la haute cour nationale.
« Art. 17. Les électeurs de district procéderont à la nomination des juges de district et de leurs suppléants, après l'élection de la moitié des membres de l'administration de district ; les juges actuellement en exercice"continueront leurs fonctions jusqu'à l'année 1797. »
, le jeune. Messieurs, nous avons tous le désir d'accélérer l'achèvement de nos travaux. Je crois que le premier parti indiqué dans le rapport de M. Démeunier est préférable à celui qu'il propose dans son projet de décret; et je demande qu'on indique à époque fixe le terme de notre session. (Applaudissements à droite; murmures à gauche.)
Le travail sur les conventions nationales et sur la revision de nos décrets, confié à vos comités de Constitution et de revision, paraît à peu près la seule chose indispensable que vous ayez à terminer.
En prenant, comme vous l'a proposé d'abord le comité de Constitution, un intervalle de trois mois, assurément vous aurez de la marge.... (Interruptions.)
A gauche : La question préalable !
Je demande la parole.
, le jeune. On trouve mauvaise la proposition que je viens de faire ; pour être de cette opinion, j'attendrai qu'on me le démontre.
Le vague que l'on vous propose, en laissant un intervalle incertain, me paraît un inconvénient
grave; il donnerait aux ennemis de la chose publique non pas une raison, mais un prétexte de dire que nous cherchons non pas à perpétuer, mais à prolonger longtemps notre existence... (Murmurés.)
A gauche : Allons donc 1
, le jeune. Les murmures de l'Assemblée m'empêchent de terminer mon opinion. Je conclus et je propose de fixer au 30 août prochain l'instant où l'Assemblée terminera ses séances et sera remplacée par la prochaine législature. Voilà ma proposition. (Applaudissements à droite.)
La motion n'est pas appuyée.
La question préalable I.
, rapporteur. Les observations qui viennent d'être présentées par le préopinant s'appliquent à l'article 8 du titre Ier; je crois donc-que c'est au moment où cet article viendra en délibération qu'il y aura lieu de le discuter. Je ferai remarquer d'ailleurs qu'il serait du plus grand danger de fixer l'instant où l'Assemblée terminera ses travaux.
Pour le moment, je crois que ce que nous avons de mieux à faire est de discuter le projet de décret article par article. (Marques d'assentiment.)
(L'Assemblée ordonne que le projet de décret sera discuté article par article).
, rapporteur. Avant de lire le premier article qui détermine l'époque des assemblées primaires, je dois rappeler à l'Assemblée qu'il est impossible, aumoment où noûs sommes, de choisir une époque qui ne dérange pas tel ou tel département. Si vous différez par delà le 20 juin, tous les départements du Nord et du Midi se trouveront en pleine moisson. Si vous rapprochez les époques, vous n'aurez peut-être pas assez de temps. On pourrait à la rigueur, en décrétant et en présentant aujourd'hui le décret au roi, faire imprimer la loi et envoyer des courriers : ainsi la convocation pourrait être rapprochée de 5 jours.
J'ai dit, dans mon rapport, que les départements du Midi nommément seraient un peu dérangés par les époques que vous allez fixer; c'est là un mal que nous ne pouvons pas prévenir ; nous devons compter sur leur patriotisme.
On vient aussi de m'avertir que dans, le département de i'Ardèche les vers à soie montent à cette époque de l'année...
C'est précisément en effet à l'époque du 20 juin que les vers à soie montent
Un membre : A quelle heure? (Rires.)
. je proposerais donc, pour que ma province pût exécuter le décret, que l'on avançât l'époque de 5 jours. (Murmures.)
, rapporteur. On pourrait peut-être, au lieu de déterminer le 20 pour tout le royaume, prendre un intervalle de 5 ou 6 jours, qui pourrait faciliter de beaucoup les opérations des départements. Je proposerais alors du 15 au 20...
Plusieurs membres : Du 12 au 251
, rapporteur. Soit I Je rédige donc comme suit l'article :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les dispositions relatives à la convocation de la première législature, et à l'époque définitive des élections et des remplacements, décrète ce qui suit :
TITRE ler.
Convocation de la première législature.
Art. 1er.
« Les procureurs généraux syndics des départements enjoindront aux procureurs syndics des districts de réunir en assemblées primaires, du 12 au 25 juin de la présente année, les citoyens actifs de tout le royaume, pour nommer de nouveaux électeurs, sans néanmoins qu'on puisse se dispenser .de l'exécution de la loi qui ordonne un intervalle de 8 jours entre la convocation et la tenue des assemblées primaires, et sans que les assemblées primaires du même département puissent commencer à des jours différents. » (Adopté.)
, rapporteur. Au moyen du changement de date adopté dans l'article 1er, l'article 2 serait ainsi conçu :
« Les électeurs se réuniront, le 5 du mois de juillet prochain, pour procéder à la nomination des députés au Corps législatif; ils feront, conformément aux lois, les élections qui pourront survenir jusqu'à la formation du corps électoral, au mois de mars 1793. »
Je demande que, conformément au décret constitutionnel que vous avez déjà porté, on indique le lieu du rassemblement dès électeurs.
, rapporteur. Si le projet de décret n'indique par le lieu du rassemblement, c'est qu'il y a déjà une loi qui le détermine d'une manière positive. Il n'y a toutefois aucun inconvénient à dire dans l'article que la réunion aura lieu au chef-lieu du département.
J'observerai à l'Assemblée que puisque l'on a cru de la prudence de ne pas laisser un intervalle considérable entre le choix des électeurs et l'instant de leur rassemblement pour élire les membres de la législature, ce serait une conséquence de cette mesure de ne pas prolonger pour les électeurs de tous les départements jusqu'au 5 du mois de juillet. Je proposerais donc de décréter que, dans les 12 jours qui suivront la convocation des assemblées primaires, les électeurs se réuniront pour procéder à la nomination des députés.
, rapporteur. J'adopte l'amendement. En conséquence, voici l'article :
Art. 2.
« Les électeurs se réuniront au chef-lieu du département dans les 12 jours qui suivront le jour indiqué par le directoire de département, pour le commencement des assemblées primaires ; ils y procéderont à la nomination des députés au Corps législatif : ils feront, conformément aux lois, les élections qui pourront survenir jusqu'à la formation du corps électoral au mois de mars 1793. » (Adopté.)
Art. 3.
« La population active de tout le royaume se
trouvant cette année de 4,298,360 citoyens, la quotité de 17,262 donnera un député; et les fractions seront divisées en trente-sixièmes. Tout département dont la fraction de population active excédera de 17/36 les quantités complètes du diviseur commun, aura un député de plus, à raison de sa population. » (Adopté.)
Art. 4.
« Le décret rendu dans la séance de ce jour, sur la répartition de la contribution foncière et mobilière pour l'année 1791, servira de base pour déterminer le nombre des députés que chaque département doit envoyer à la première législature, en raison de ses contributions directes. » (Adopté.)
Art. 5.
« D'après les deux articles précédents et les états de population active et de contribution directe, annexés à la suite du rapport, les 83 départements du royaume enverront au Corps législatif le nombre suivant de députés, savoir :
Ain...................... Six députés, ci..............6
Aisne....................Douze..............................12
Allier.................... Sept................................7
Alpes (Hautes-)............Cinq................................5
Alpes (Basses-)............Six...............................6
Ardèche.................. Sept.......,......... 7
Ardennes.................Huit................................8
Ariège......"-.............. Six....................................6
Aube..................... Neuf..........'...........9
Aude..................... Huit................................8
Aveyron..................Neuf................................9
Bouches-du-Rhône......... Dix..................................10
Calvados.................. Treize..........................13
Cantal.................... HuiW................................8
Charente................. Neuf................................9
Charente-Inférieure........ Onze................................11
Cher..................... Six....................................6
Corrèze................... Sept .............................7
Corse..................... Six............................6
Côte-d'Or................. Dix..................................10
Côtes-du-Nord............. Huit..............8
Creuse.................... Sept ..............................7
Dordogne................. Dix........................10
Doubs.................... Six....................................6
Drôme.................... Sept..................................7
Eure..................... Onze................................11
Eure-et-Loir............... Neuf................................9
Finistère................. Huit..............................8
Gard..................... Huit................................8
Garonne (Haute-).......... Douze...............' 12
Gers..................... Neuf................................9
Gironde.................. Douze..............................12
Hérault................... Neuf................................9
Ille-et-Vilaine.............. Dix..................................10
Indre..................... Six....................................6
Indre-et-Loire............ Huit................................8
Isère..................... Neuf......................9
Jura.................... Huit....................8
Landes................... Six.................. 6
Loir-et-Cher .............. Sept................................7
Loire (Haute-)............. Sept................................7
Loire-Inférieure........... Huit.........................8
Loiret.................... Neuf................................9
Lot...................... Dix..................................10
Lot-et-Garonne............Neuf...............9
Lozère................... Cinq................................5
Maine-et-Loire............ Onze.......................11
Manche................... Treize.....................13
Marne.................... Dix...........................10
Marne (Haute-)............ Sept....................7
Mayenne................. Huit................................8
Meurthe..................Huit................................8
Meuse.................... Huit................................8
Morbihan................. Huit................................8
Moselle................... Huit................................8
Nièvre.................... Sept................................7
Nord.....................Douze.,.,................12
Oise..................... Douze......................12
Orne....................Dix........................10
Paris.....................Vingt-quatre..................24
Pas-de-Calais............................Onze................................11
Puy-de-Dôme ....................Douze..............................12
Pyrénées (Hautes-)..................Six..........................6
Pyrénées (Basses-)..................Six...................................6
Pyrénées-Orientales................Cinq......................5
Rhin (Haut-)............................Sept..................................7
Rhin (Bas-).................Neuf................................9
Rhône-et-Loire .............Quinze............................15
Saône (Haute-)........................Sept..'............................7
Saône-et-Loire........................Onze......................11
Sarthe......................................Dix..................................10
Seine et-Oise............................Quatorze........................14
Seine-Inférieure......................Seize............................16
Seine-et-Marne...............Onze...................11
Sèvres (Deux-).......................Sept...................................7
Somme..................Treize..............................13
Tarn..........................................Neuf................................9
Var............................................Huil.....................8
Vendée...................Neuf............----------9
Vienne......................Huit ...............................8
Vienne (Haute-)........................Sept..................................7
Vosges....................Huit..................................8
Yonne....................Neuf..................9
Total............................... 745
(Adopté.)
Art. 6.
« Les assemblées électorales de département, formées en vertu du présent décret, ayant nommé les membres rie la législature, nommeront les deux hauts jurés qui doivent servir auprès de la haute cour nationale. » (Adopté.)
Art. 7.
« Les départements qui n'ont pas nommé le président, l'accusateur public et le greffier du tribunal criminel établis par les décrets sur le juré, procéderont à cette élection immédiatement après la nomination des députés" au Corps législatif. »> (Adopté.)
Art. 8.
« Aussitôt après l'élection de tous les membres du Corps législatif, l'Assemblée nationale déterminera le jour où elle cessera ses fonctions 11 celui où la législature commencera les siennes. »
, rapporteur. Comme on a demandé la parole sur l'article 8, je vais rappeler en peu de mots les raisons qui ont déterminé le comité. J'ose croire que, lorsque l'As-emblée les aura pesées attentivement, on se réunira aisément au même avis.
Dans la position où nous sommes, sans doute il ne faut pas avoir des inquiétud' s mal fondées; sans doute il faut remplir notre devoir et laisser f-oit au temps, soit aux circonstances, ce qui ne dépendra pas de nous. Cr pendant, comme il e.-t clair qu'il reste peu de chose à faire pour la Constitution; que le décret que vous venez de rendre sur la contribution abrégera encore la durée de vos travaux; que le décret sur la convocation de la législature nous laissera du loisir et du temps pour régler ce que nous avons à faire avant notre départ, il me semble qu'il y aurait de grands inconvénients et nul avantage à fixer une époque précise. L'avis du comité est non seulement fondé sur la raison, mais sur la sagesse et sur les circonstances actuelles.
D'après ces courtes réflexions, je livre la parole à ceux qui l'ont demandée. (Aux. voix! aux voix !)
l'aîné. Si l'Assemblée persévère dans
le vœu qu'elle a manisfesté, je n'ai plus qu'à me soumettre à sa volonté souveraine. Je demande par amendement que le terme de nos travaux soit fixé au 1er août.
Je suis persuadé que le motif qui me détermine à vous faire cette proposition vous frappera: au moment même où la nation aura nommé nos successeurs, tous nos pouvoirs seront expirés; nous auro s cessé d'être les représentants de la France, et si nous gardions encore nos fonctions, nous ne serions plus les dépositaires de la souveraineté, nous en serions les usurpateurs.
Le premier de nos devoirs était d'assurer la Constitution, de manière que les effort* de-ennemis du bien public ne pourraient la renverser. Or, je soutiens qu'avec la proposition de M. Garat, rien n'est moins certain que notre Constitution; car, si les efforts des ennemis du bien public, et malheureusement il en est encore trop, se coalisaient dans le sein de l'Assemblée nationale pour nous empêcher de finir la Constitution... (Applaudissements. — Aux voix! aux voix!)
Je soutiens avec M. Garat que l'Assemblée nationale n'a i as le droit d'ériger sa volonté n volonté nationale. Or, du moment que la nation a investi ses nouveaux députés du droit souverain de la représentation, votre pouvoir devient caduc... (La question préalable!)
, rapporteur. J'ai demandé la parole parce que je ne crois pas qu'on puisse rejeter par la question préalable la proposition de M. Garat; elle n'est pas un amendement. Je défie à M. Garat d'adapter sa proposition à notre rédaction. C'est une tout autre proposition, et tellement autre que, si l'Assemblée l'adoptait, il faudrait une rédaction absolument différente.
Je demande donc la priorité pour la rédaction du comité; et, si la proposition du comité n'a pas la priorité, alors nous examinerons la proposition de M. Garat.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à l'article du comité.)
Je demande la question préalable sur l'avis du comité... (Murmures). Donnez-nous le 15août pour terme; mais au moins que le terme soit fixe.
Yous voulez vous éterniser ici et nous voulons partir.
Je mets aux voix la question préalable proposée sur l'article du comité.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrète qu'il y a lieu de délibérer.
Hé bien 1 nous aurons deux Assemblées nationales; ce sera comme dans les départements où l'on a deux évêques.
Un membre propose un amendement consistant à ce qu'après la nomination des nouveaux députés qui doivent former la législature, l'Assemblée nationale déclare que ses travaux ne pourront pas se prolonger plusloinque le 1erseptembre prochain.
, rapporteur. Les observations
que j'ai présentées sur la motion de M. Garat s'appliquent à la nouvelle motion qui vous est faiie. Je demande donc que l'Assemblée passe également à l'ordre du jour sur celle-ci.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté sans modification.)
, rapporteur. Voici l'article 9 :
Art. 9.
« Les fonctions de la première législature cesseront au 1er mai 1793. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous passons maintenant au titre II; le premier article est ainsi conçu :
« Les directoires de district sont autorisés à déterminer, selon la circonstance, le lieu où se réuniront les assemblées primaires. »
Tout le monde sait combien il est essentiel de ne porter aucune atteinte à la liberté d> s élections; et on sent aussi combien pjeut influer sur les élections le droit de transférer les assemblées primaires partout où on jugera à propos. La proposition du comité tient essentiellement à la liberté des élections; et cette liberté doit décider de la composition de la législature prochaine, de laquelle dépend en dernière analyse le salut de la Constitution et de l'Etat. Je crois donc que vous ne pouvez pas l'aire trop d'attention à cet article, et qu'il faudrait même ajourner le titre II en entier. Si vous voulez le décréter aujourd'hui, je vous supplie au moins de ne pas le décréter sans le plus mur examen. Pour -moi, je crois qu'il faut que le lieu des assemblées primaires soit fixé; et qu'il ne doit pas dépeudre de l'autorité particulière d'un directoire, qui peut être plus ou moins attai hé aux principes de la Révolution, de transférer des assemblées primaires partout où il le jugera à propos, suivant ses vues. Je demande la question préalable là-dessus.
, rapporteur. Je n'insiste pas sur l'artic e ; ruais le preopinant a oublié un décret antérieur et constitutionnel qui porte que les assetubléi s primaires doivent toujours avoir lieu dans le canton. Il n'est donc question que de transporter dans tel ou tel village. Il a oublié encore que, par les décrets sur le3 corps administrants, vous avez autorisé expressément et très sagement les directoires de district à changer le lieu des assemblées. Je crois qu'il ne peut pas y avoir la plus légère atteinte à la liberté des élections.
Pour éviter tous les inconvénients que ciaint M. Robespierre, il faudrait mettre dans l'article que les assemblées primaires se réuniront dans les chefs-lieux de canton dans les départements où ils sont fixés, et que dans ceux où ils ne le sont pas, les administrateurs des départements décideront le lieu où elles se rassembleront.
, rapporteur. La proposition qui vient de vous être faite me semble devoir être adoptée, et je propose de rédiger ainsi l'article :
TITRE II.
Dispositions sur le mode d'élire et l'époque définitive des élections et des remplacemets.
Art. 1er.
« Dans les cantons où il n'y a pas de lieu déterminé pour la tenue des assemblées primaires, les directoires de district sont autorisés à désigner dans le même canton le lieu qui leur paraîtra le plus convenable. » (Adopté.)
, rapporteur. Voici un article sur lequel je propose de délibérer dès à présent; c'est l'article 4 :
« A compter du jour de la publication du présent décrei, la disposition provisoire contenue en l'article 20 de la section première du décret du 22 décembre est abrogée. Les électeurs seront élus au scrutin de liste simple. Il n'y aura plus de liste double en aucun cas. »
Je crois qu'il est un moyen plus simple; j'ai à cet égard un mode à vous proposerI (Parlez! parlez!)
Messieurs, la du'ée d'une Constitution libre dépend des qualité et des vertus des législateurs appelés successivement à la maintenir. La bonté du choix de ces législateurs dépend, plus qu'on ne penïe, de la forme des élections; c'est ainsi qu'une cause, petite en apparence, produit de grands effets. Le mode adopté jusqu'ici pour les élections remplit-il le but que nous devons nous proposer? Est-il justifié par l'expérience? Convient-il de le conserver?N'est-il pas utile au contraire de le changer, au moins de le modifier? Telle est la question que je vais examiner. Aride et abstraite par sa nature, je vous prie de me donner un moment d'attention.
Le meilleur mode de scrutin est sans doute celui qui économise le temps des électeurs, qui offre le plus de chances à l'homme intègre et éclairé, et qui éloigne davantage l'esprit et l'influence des cabales.
L'économie du temps dans les élections est commandee par les plus puissants motifs.
Nous sortons d'un long esclavage qui a plongé dans la misère les trois quarts de la nation, et on ne guérit pas en un jour ces plaies profondes faites à l'humanité. Un travail presque continuel sera donc longtemps nécetsaire à un grand nombre de citoyens; et si l'on veut les lier à la Constitution; si l'on veut les déterminer à remplir leurs devoirs politiques, les leur faire aimer; si l'on veut enfin qu'ils assistent aux élections, il faut les arracher le moins de temps possible à leurs occupations, précieuses et nécessaires à leur existence.
Songez d'ailleurs que la somme des travaux fait la richesse des nations, et que lors iue des milliers de bras se reposent, l'Etat s'appauvrit.
Les ancien-; pouvaient se livrer presque entièrement aux affaires
publiques; les esclaves qu'ils avaient les dispensaient d'une grande
partie de leurs travaux; mais cette affreuse re.-source, cause de tant
de ma»x dans leurs républiques, n'existe heureusement pas parmi nous. 11
est lieu d'hommes qui puissent vivre sans travail, Les salaires attachés
aux emplois de la société, suffisants pour indemniser des dépenses lors-
Si vous les rendez trop longues, les citoyens honnêtes, malgré le patriotisme le plus pur, sont forcés de s'absenter, et alors elles se trouvent livrées ou à des hommes riches pour qui le temps est un fardeau, et qui ont le loisir de le perdre ou à des hommes intrigants et salariés. Jugez alors des choix qui doivent résulter de Cette funeste coalition.
Un autre motif pour abréger le temps des élections, c'est leur fréquence ; tous les pouvoirs émanant du peuple, tous ses mandataires étant nommés par lui, l'exercice des fonctions étant de courte durée, les déplacements et remplacements accidentels n'étant pas rares, nous ne croyons pas exagérer en disant que d'après le mode de scrutin en usage, un citoyen consomme à peu près 2 mois chaque année, tant aux élections qu'aux autres affaires politiques : or les 90 centièmes de la nation sont dans l'impossibilité de supporter longtemps une pareille dépense de temps.
Ou corrigeons notre mode de scrutin, ou consentons à voir les citoyens déserter les élections, 1 négliger les affaires publiques, ce qui insensiblement renverserait la Constitution.
Déjà la plupart des assemblées sont peu nombreuses, les citoyens les plus estimables se fatiguent de s'y rendre ; si dans un moment d'effervescence cette espèce de lassitude se fait sentir, que sera-ce lorsque les années auront refroidi le zèle?
Il se trouve aussi que le scrutin le plus court est positivement celui qui offre le plusae chances à l'homme honnête et éclairé, et qui déjoue le plus sûrement les cabales.
Les raisons en sont simples, elles sont frap^ pantes pour ceux qui ont suivi la marche des élections. Presque tous les électeurs arrivent avec des intentions pures, ils veulent se signaler par de bons choix, ils en sentent l'importance et la nécessité; leur conscience leur en prescrit le devoir, la voix publique leur a souvent indiqué à l'avance les citoyens dignes de leur confiance ; aussi c'est une remarque certaine que les premiers choix sont presque toujours bien dirigés. Dans le commencement l'homme de mérite a beaucoup de chances en sa faveur; plusieurs jours se passent-ils, alors la cabale, la corruption s'iuiroduisent, les partis se forment, on égare l'opinion des électeurs, on répand la calomnie, les hommes simples ne savent plus sur qui fixer les yeux, on voit sortir de l'urne des noms ignorés, des hommes méprisables, et puis les électeurs se fatiguent, les chefs d'intrigues choisissent les moments où leurs partisans sont rassemblés, où leurs adversaires sont absents, les nominaions se font à un très petit nombre de voix, et le peuple est le jouet et la victime de toutes ces manœuvres; ainsi la bonté des choix et la rareté des cabales, ou leur impuissance, sont en raison de la brièveté des élections.
Le mode de scrutin que vous avez adopté remplit-il ces conditions, et doit-il à l'avenir être admis? Je ne le pense pas, je ne parle dans ce moment que du scrutin pour les élections des membres aux législatures.
Ce scrutin est le scrutin individuel, c'est-à-dire celui qui veut la majorité absolue des suffrages,
celui qui presque toujours exige trois épreuves pour chaque individu.
Eh bien, ce scrutin est celui qui renferme le moins les conditions que nous venons de développer. Il est en effet excessivement long, puisqu'il force à autant de scrutins triples qu'il y a de sujets à élire ; chaque élection entraîne à peu près une journée de travail, et chaque département ayant l'un dans l'autre 9 membres de la législature à élire, il faut compter sur un sacrifice de 9 jours. Joignez-y les suppléants, joignez-y encore le temps qui s'écoule dans les déplacements que font les électeurs pour se rendre, dans les préliminaires, dans les élections des présidents et secrétaires... Que de journées perdues !
Je demande maintenant à tout homme de bonne foi s'il est possible d'engager les hommes de la campagne surtout, de quitter, pendant un aussi longtemps, leurs travaux pour procéder aux élections. Si l'on persiste dans ce système, je soutiens qu'on parviendra à dégoûter, à éloigner ces honnêtes cultivateurs ; et que deviendra la législature, quand l'esprit pur des campagnes n'influera plus sur les élections, qui seront alors eniièrement abandonnées aux habitants des villes?
Cette considération est de quelque poids pour vous déterminer à corriger un sciutin qui consomme un temps considérable, qui dégoûte les électeurs, qui les réduit à un petit nombre, qui par cela même favorise les cabales et Jes intérêts privés. Les faits viennent ici à l'appui du raisonnement : nos assemblées d'électeurs se sont souvent trouvées réduites au cinquième, même au sixième de leur nombre total. Il en résulte que les représentants choisis ne le sont pas par le vœu de la majorité, et qu'ils sont presque toujours les représentants de la partie la moins saine de la société.
Observez les développements d'un scrutin individuel. Les suffrages se dispersent au premier scrutin sur un nombre prodigieux de sujets; les intérêts privés, les considérations particulières glissent dans l'urne une foule de noms ignorés ou peu dignes de la confiance publique; le second scrutin n'étant pas resserré à un certain nombre de personnes, la même dispersion de voix a presque toujours lieu, parce que les mêmes intérêts agissent; au troisième, on se trouve alors réduit à opter entre deux candidats quelquefois incapables, et que la majorité repousserait si elle était maîtresse de son choix, de sorte qu'un double vice déshonore cette méthode, dans les deux premiers scrutins, le choix est trop vague; et dans le dernier, il est beaucoup trop restreint.
Ces deux vices alimentent les spéculations et les cabales; les intrigants épient les noms qui paraissent réunir le plus de suffrages; ils s'agitent pour faire passer ceux dont ils espèrent uo accommodement plus facile pour leurs protégés. Alors les marchés s'établissent entre les divers partis, et, depuis le commencement jusqu'àla fin, l'élection n'offre plus qu'une série de transactions honteuses où l'homme de mérite qui reste paisible est sacrifié à l'intrigant; où les gens honnêtes et simples qui ne sont p iint dans la confidence de ces coalitions se laissent entraîner au torrent, choisissent entre les candidats élevés par les cabales celui qui semble le moins mauvais, puisqu'il leur est impossible de faire préférer les bons.
Quel est le moyen de corriger ces imperfections du scrutin individuel ? Il ne se trouve pas, comme on l'a cru, dans cette liste double que
nous avons inconsidérément adoptée, liste dont l'expérience a découvert les inconvénients sans nombre. Le principe de cette méthode est faux, et l'exécution fait le martyre des électeurs et des scrutateurs.
On a pensé qu'en forçant les électeurs à metire deux noms pour unsurleurbulletin,si l'intérêt pri-véen traçait un, la conscience dicterait l'autre. Eh bien, on s'est trompé, l'intérêt privé dicte les deux, ou s'il n'en écrit qu'un, il indique pour le second un homme obscur et incapable de rivaliser avec celui qu'on protège.
Que ceux qui ont encore des préventions pour cette forme d'élection consultent les sections de Paris, elles en ont fait une rude épreuve dans le choix de leurs électeurs actuels. On, a vu dans plusieurs de ces sections des ouvriers inhabitués à écrire, forcés de mettre 30 jusqu'à 60 noms sur une billet et répéter trois fois cette opération. On conçoit qu'à la seconde beaucoup d'entre eux, fatigués de cette corvée, désertèrent pour ne plus reparaître. Mais le supplice des scrutateurs était bien plus cruel encore. En vain on a multiplié les bureaux pour faire les dépouillements; des jours, des nuits, des semaines entières ont été perdues à cette fastidieuse opération.
Le grand vice de toutes ces formes est, comme vous le voyez, de ne pas assez concentrer les suffrages d'abord, et ensuite de les trop concentrer. Dans les deux premiers scrutins les hommes à talents et dignes de la confiance ne sont pas assez désignés pour la multitude des électeurs, et dans le troisième, leur choix n'est plus libre.
Enfin, Messieurs, voulez-vous une preuve sans réplique, combien la forme de ce scrutin est mauvaise, combien elle est décourageante pour les électeurs? C'est qu'elle a été violée dans une multitude d'assemblées. Tel a été et tel sera toujours le sort des lois dont l'exécution est si pleine de difficultés, qu'elle devient à peu près impraticable.
J'ai entendu répéter souvent : faisons revivre la méthode des candidats, elle fera disparaître une partie de ces inconvénients. Personne plus que moi n'est admirateur de cette forme; elle est digne d'un peuple libre et éclairé : j'estime l'homme qui a le noble orgueil de s'exposer au grand jour, et je me défie beaucoup de celui qui a la fausse modestie de ne pas vouloir être jugé. Mais sommes-nous assez avancés pour cette institution? Ne nous faisons point illusion; la masse des citoyens est-elle exempte des petites passions, des petites jalousies? Sommes-nous assez grands pour pardonner au mérite? Et est-il beaucoup d'hommes vertueux et éclairés, disposés à braver le préjugé?
Si vous adoptiez la méthode des candidats, ou vous laisseriez l'électeur libre de choisir ou de ne pas choisir parmi les noms inscrits sur le tableau, ou il serait obligé de concentrer son choix. Dans le premier cas beaucoup d'électeurs, irrités de la présomption apparente de l'homme de mérite, l'en puniraient en lui refusant leurs voix; et beaucoup de citoyens aussij connaissant cette disposition des esprits, ne se feraient pas inscrire, espérant plus de leur obscurité que de l'éclat de la lumière.
Dans le second cas, on dirait que vous gênez la confiance, que vous donnez l'exclusion à la vertu modeste.
Certes, il serait facile de répondre à ces objections, si un préjugé aussi fort permettait d'entendre la voix de la raison : mais le temps n'est pas encore arrivé pour naturaliser cette belle ins-
titution au milieu de nous, elle pourrait avorter pour avoir voulu en précipiter le développement; laissons ce soin à nos successeurs.
Et d'ailleurs elle ne pourrait avoir lieu pour la prochaine législature, car le temps nous presse ; et lorsqu'une fois on aura adopté la méthode des candidats, il sera indispensable de mettre un intervalle entre la publication du tableau et l'élection.
La forme que je vais vous proposer renferme une grande partie des avantages de celle des candidats, elle n'a pas les inconvénients du scrutin individuel, et elle offre les 3 conditions dont j'ai d'abord parlé; 1° économie de temps; 2° chances pour l'homme éclairé; 3° éloignement des cabales : cette forme est le scrutin - épura-toire; elle est si simple, que l'exposer, c'est en démontrer l'utilité.
Ce scrutin est composé de 3 scrutins.
Dans le premier, chaque électeur indique autant de noms qu'il y a de membres à élire, son choix est libre et universel.
Au deuxième scrutin, il est obligé de choisir dans la liste de tous ceux qui ont eu des suffrages; lorsque le dépouillement est fait, on prend parmi ces sujets, un nombre double ou triple du nombre à élire.
Et c'est dans ce nombre qu'au troisième scrutin on est obligé de choisir ceux qu'on nomme.
Le premier scrutin s'appelle indicatif, ie deuxième réductif, le troisième définitif.
Le premier n'est en effet qu'une indication générale; cette indication n'est point restreinte, circonscrite pour le second scrutin, parce qu'il est possible que les hommes les plus capables n'aient eu en premier lieu que peu de voix.
La réduction qui se fait au second scrutin est l'opération la plus importante.
Vous avez remarqué en effet que le vice principal du scrutin individuel est, au troisième scrutin, de resserrer les choix entre deux membres, de sorte que les électeurs n'ayant plus assez de latitude, sont forcés dans leur choix.
On a dit que c'était pour déterminer la majorité, mais ici elle n'est qu'illusoire, car une majorité forcée n'est point une majorité.
En étendant la liste à un nombre double ou triple, alors vous présentez nécessairement plus de chances pour les bons choix, vous ne gênez pas la confiance des électeurs, vous avez presque toujours la vraie et l'absolue majorité.
Mais ce n'est pas ici le seul avantage que le scrutin épuratoire a sur le scrutin individuel ; il en est un bien plus frappant et qui est inappréciable, c'est qu'il peut s'appliquer tout à la fois à un nombre de membres à élire, quelque considérable qu'il soit.
Le scrutin individuel a, comme nous l'avons observé, le désavantage d'exiger 1 et quelquefois 2 jours pour chaque élection ; de là plusieurs conséquences fâcheuses qu'il serait inutile de répéter.
Le scrutin épuratoire est bien plus expéditif. Dans un département, par exemple, qui aura 9 représentants à élire, les choix seront faits en 4 jours, alors la cabale n'a pas le temps de travailler une assemblée, et de répandre ses malignes influences.
Les électeurs sont forcés dans ce cas de faire une liste de 9 noms, c'est-à-dire d'un nombre égal à celui des membres à choisir. Que résulte-t-il de là ? Un avantage infiniment précieux. Lorsque les élections sont partielles et succès-
sives, quechaque élu exige un scrutin séparé, l'électeur n'est obligé que de mettre 1 nom sur sa liste, ou 2 si l'on procède à liste double; mais alors il a- rive que l'intérêt ou l'amitié dicte ces noms, et ces noms, l'électeur les répète sans cesse, jusqu'à ce que tous les scrutins s'oient achevés. Ceux qui ont suivi avec quelque attention les élections conviendront tous qu'on voit constamment sortir de l'urne une foule de noms inconnus, toujoms les mêmes, toujours accompagnés du même nombre de suffrages : qui les écrit ces noms? L'intérêt privé... Gommeut écarter cet abus? Eu réduisant le tableau des candidats et en soumettant les électeurs à ne choisir que parmi ceux inscrits.
Alors l'électeur lui-même, qui dans le scrutin individuel aurait constamment reproduit les mème-s noms, est obligé de les abandonner et de se renfermer dans le cercle qui lui est tracé par le tableau de réduction.
Ce n'est pas tout : cet électeur, qui, dans le scrutin individuel n'ayant qu'un ou deux noms à écrire, donnait sa voix à son parent, à son ami, à ses connaissances, est obligé quand il a 10 ou 12 noms à porter sur la liste, de placer l'homme de mérite, l'homme connu, et d'xpier ainsi les choix que l'intérêt privé lui a suggérés. En effet, les affections particulièies oui des limites étroites, et ensuite malgré soi on rend justice aux citoyens quel'opinion publique désigne; et chaque électeur par la nature du scrutin épuratoire ayant un vide à remplir, une place à donner aux talents et à la vertu, la réunion de tous ces suffrages isolés parvient à composer la majorité des vœux. On peut donc dire avec confiance, que le scruln épuratoire offre des chances multipliées en faveur des gens instruits et des hommes de bien.
Pour résumer ces avantages en deux mots, je dirai, il économise le temps, il économise les dépenses; loin d'éloigner, il appelle les citoyens à l'exercice de leurs droits politiques; il bannit, il diminue au moins les cabales par sa rapidité et par son tableau réductif; il prépare les bons choix, parce que ces choix se font dans un moment où la conscience publique a de l'influence.
J'ajouterai, pour ceux qui croiraient apercevoir dans le nouveau mode de scrutin la révocation d'un décret (quoique des décrets de cette nature ne puissent jamais être regardés que cornu e réglementaires et soumis dès lors à des variations peu importantes dans leurs suites); j'ajouterai, dis-je, que ce scrutin n'est qu'une modification du scrutin individuel. Le scrutin épuratoire ne diffère en effet duscrutin individuel qu'en deux points : 1° En ce que ce dernier fixe le choix définitif i ntre de x candidats, et que l'autre laisse, une plus grande latitude; 2° En ce que le scrutin épuratoire peut s'etendre à la fois sur 20 personnes à élire, tandis que le scrutin individuel ne frappe que sur une seule. Un scrutin épuratoire n'est enfin que le scrutin individuel pluralisê, ou appliqué en un seul temps à un grand nombres de membres : mais tous deux ont les mêmes éléments.
J'ajouterai, enfin, que ce scrutin est depuis longtemps en usage à Genève, qu'il y est employé avec succès; qu'on s'en est servi à Paris, dans quelques circonstances, et qu'on a eu occasion de s'en louer :
Je vous conjure, Messieurs, de vouloir bien prendre en considération un objet d'une aussi grande importance. J'ai l'honneur de proposer le projet de décret suivant :
« Art.ler.L'élection desmembres aux
législatures
se fera par la voie du scrutiu épuratoire et dans la forme qui suit:
« Art. 2. Au premier scrutin chaque électeur mettra sur son billet autant de noms qu'il y aura de sujets à élire; on dépouillera ce scrutin, on fera la liste de tous les noms qui auront eu un ou plusieurs suffrages. Ce premier scrutin s'appellera indicatif (1).,
« Art. 3. Au second scrutin chaque électeur choisira dans cette liste un nombre de noms égal à celui à lire; le dépouillement de ce scrutin étant fait, on pren dra parmi ceux q ui au ront réuni le plus de voix, un nombre u iple du nombre des membres à élire, et on en dressera la liste.
« Ce scrutin s'app liera réductif.
« Art. 4. Si à l'un des deux premiers scrutins quelqu'un obtient la majorité des voix, alors il ne subira pas d'autrè épreuve, et le calcul ne s'établira plus que sur les membres qui resteront à élire.
« Art. 5. Lors du troisième scrutin on remettra à chaque électeur une liste. Chacun croisera les noms de ceux qu'il voudra élire, et il ne croisera qu'un nombre égal à celui des membres à élire.
« Ce troisième scrutin s'appellera définitif.
« Le dépouillement étant fait, les candidats qui auront léuni le plus de suffrages seront élus et proclamés.
« Si plusieurs personnes ont le même nombre de voix, l'âge décidera la préférence.
« Art. 6. Il ne pourra pas y avoir plus d'un jour d'intervalle d'un scrutin à un autre. »
Le plan de M. Pétion peut être très bon; mais il est trop compliqué.
Je demande l'impression du rapport et de la seconde partie du projet de décret du ci mité de Constitution, ainsi que du plan M. Pétion ; je demande un outre que ce plan soit renvoyé à l'examen du comité.
(L'Assemblée, consultée, adopte la motion de M. de Noailles et renvoie la suite de la discussion.)
L'ordre du jour de la séance de demain matin sera toutes les matièies constitutionnelles, et, à défaut, la suite de la discussion sur la liquidation des offices et emplois militaires, sur les offices seigneuriaux et sur la liquidation des offices de la Chambre di s comptes de Paris.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
A LA FEÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Rapport fait, au nom du comité des contributions publiques, sur la répartition de la contribution foncière et de la contribution mobilière entre les départements, par M. de La Rochefoucauld, —"(imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, vous avez déterminé la somme des contributions directes que les besoins de l'année présente exigent; vous avez établi des règles pop r leur répartition entre les contribuables, et des moyens de juger et de réparer les erreurs de cette répartition : il vous reste maintenant, pour terminer votre ouvrage, à distribuer entre les départements les sommes dont vous avez fixé le montant total.
Cette opération serait facile s'il avait existé, sous l'ancien régime, quelques impositions générales qui pussent vous servir de base pour connaître la distribution des richesses foncières et mobilières entre les différentes parties du royaume, et la proportion de ces deux espèces de richesses entre elles ; si même vous pouviez adopter une de ces impositions comme signe représentatif de l'une de ces richesses» vous répartiriez sur ce modèle l'une de vos deux contributions, et la répartition de l'autre deviendrait une conséquence 4e la première : mais il est évident que les deux espèces de richesses ne suivent pas une proportion uniforme, et qu'au* cune des anciennes impositions, prise séparé*-ment, ne peut vous servir de guide dans cette opération. Tout le monde sait combien la capi-tation et la taille étaient inégalement distribuées ; et les vingtièmes eux-mêmes, dont le nom indiquerait une proportion avec les richesses qui les acquittaient, et pour l'assiette desquels l'an-cien gouvernement avait fait faire d'immenses travaux, seraient encore une base très inexacte, à cause des exemptions dont jouissaient certaines espèces de biens, et des abonnements que des provinces, des corps et même des particuliers avaient obtenus.
Cependant votre comité a examiné avec soin le travail fait à deux époques remarquables dans l'histoire des impositions. En 1750,' M. de Ma-» èhault, contrôleur général, et jouissant, d'un grand crédit, forma le projet de soumettre tous FéS fonds territoriaux du royaume à l'égalité prOr portionnelle dans l'imposition; }1 demanda des déclarations à tous les propriétaires ou possesseurs, ét la France fut couverte de préposés du fisc chargés de vérifier toutes ces déclarations, ou d'y suppléer par des estimations, car beaucoup de déclarations furent refusées. Le'crédit d'un ministre,' qui s'était cru tout-puissant, échoua contre l'opposition constante d'une corporation alors redoutable, qui prétendit ne devoir compte qu'à Dieu des biens dont" elle jouissait sur la terre, Il fàllut renoncer à l'exécution complète de ce projet; dont il ne resta que le trayail préparatoire. Depuis cette époque, les ministres successeurs de M. de Machault l'ont fait continuer presque sans interruption; maïs ces opérations ont été continuellement troublées par la résistance des provinces ou des corps qui jouissaient de privilèges, et par l'opposition des parlements qui couvraient
du prétexte spécieux des intérêts du peuple, leur répugnance à voir la répartition de l'impôt se perfectionner.
Enfin, eu 1787, M. de Galonné, fier aussi de son crédit, reprit le projet de M?, de Machault : il proposa une subvention territoriale en nature, dput les vices furent aisément démontrés; niais après sa chute* son successeur voulut établir la subvention territoriale en argent, plus raisonnable, et ses efforts furent encore vains. Beaucoup d'intérêts particuliers se réveillèrent, les oppositions se multiplièrent et l'heureuse maladresse du gouvernement dàps Tempipi de mesures despotiques tira la nation de son engourdissement et développa cet amour de la liberté, dont le germe, placé par la philqsophïe dans quelques bons esprits, était* , depuis plusieurs années» alimenté par de bons livres, .
M. l'archevêque de Sens avait fait reprendre, en 1787, le travail de 1756, qui, perfectionné par ceux faits depuis cette première époque, servit de base pour les abonnements qu'il fit proposer aux différentes assemblées proyinciales.
Il nous a paru aussi bien fait que les circonstances d'alors avaient pu le permettre; mais nous n'avons pas cru pouvoir vous le proposer coptime base unique de répartition, parce que, fait pour un temps où la taille .devait encore subsister, il ne pouvait pas convenir au système plus simple et plus juste des contributions nonveilefy.
Après avoir ainsi parcouru toutes les impositions anciennes, et n'eu avoir trouvé aucune qui pût isolément' nous servir de b^se, nous avons pensé que leur ensemble remplirait mieu^ nos vues. En effet, ce que vous voulez faire aujourd'hui par esprit de justice," pour que les contributions soient également reparties, l'avir dite fiscale, lorsqu'elle était jointe à quelque intelligence, voulait aussi l'opérer pour avpir d'avantage, en tirant de chaque province tout ce qu'elle pouvait payer. Ainsi, les anciens administrateurs avaient établi un pied de taille plus fort dans celles qui étaient exemptes de là gabelle et des aides ; ils avaient chargé les provinces frontières, en général plus ménagées, de logements, de fourrages et d'autres fournitures onéreuses ; les pays d'Etats supportaient leurs charges particulières sur lesquelles le ministère, quand il avait de la force, rejetait ce. qu'A pouvait des charges publiques, pour compenser les abonnements avantageux que ces provînmes obtenaient sur les impositions générales ; enfin, tantôt sous un nom, tantôt sous un autre, quelquefois par des opérations directes, et plus souvent d'une manière détournée, ils avaient grevé chaque partie du royaume autant qu'ils l'avaieqt pu, et de là résultait, non pas, nouç l'avouerons, une répartition de charges bien proportionnelle, mais une distribution dont l'exactitude approximative est encore, pour le moment, 1$ base la moins imparfaite que vous puissiez prendre,
Si la somn^e des contributions nouvelles était la même que celle des impôts anciens, la distribution que vous en feriez, dans cette prppor-tion, aurait de véritables inconvénients ; mais comme tous les départements éprouveront un soulagement proportionnel à m somme totale qu'ils payaient, ces inconvénients s'affaibliront, ét le plus mal partagé dans la distribution nouvelle aura encore à se louer de vos opérations,
Cette distribution pourra être et sera certainement perfectionnée dès l'assiette de 179?, et, eq £ ou 4 années, le travail successif des législatures, aidées des lumières que jgjty fourniront
les assemblées administratives, opérera cette égalité proportionnelle dans la répartition ; entreprise chimérique, lorsqu'une méfiance naturelle contre les agents d'un ministère despotique repoussait tous les moyens de parvenir à la vérité, mais qui deviendra facile lorsque des représentants du peuple et des mandataires qu'il aura choisis agiront de concert pour l'obtenir.
Le premier travail qu'a1 dû faire Votre comité a donc été de reconnaître avec exactitude les charges anciennes ; et depuis la formation il n'a cessé de recueillir tous les renseignements qu'ont pu lui fournir les archives du gouvernement, les anciens administrateurs et les anciennes administrations, les compagnies de finance ; et depuis que les administrations nouvelles ont été établies, il est entré en correspondance avec elles, il leur a envoyé des tableaux à remplir; et ceux qu'il va vous mettre sous les yeux sont le résultat de ces recherches longues et multipliées.
Tout en s'y livrant, votre comité a fait l'essai de plusieurs autres méthodes : il a tenté de répartir sur la base de la superficie, sur celle de Ta population, sur les deux combinées ensemble, et sur la combinaison d'abord de chacune séparément, et ensuite de toutes les deux, avec la base des contributions; mais peu satisfait des résultats, il s'est confirmé dans l'opinion que la base prise sur l'ensemble des contributions serait la moins imparfaite qu'il pût vous proposer.;
Il a donc formé deux tableaux suivant l'ancienne division par généralités, parce que tous les anciens travaux étaient faits sur celte division, et qu'il était nécessaire de procéder d'abord sur ce type déjà connu, afin que le travail pût être plus facilement vérifié par ceux qui le faisaient, et par le public qui doit le juger, et qui trouvera dans des ouvrages imprimés depuis plusieurs années, des détails qui lui serviront pour asseoir son opinion.
Le premier de ces tableaux comprend les impositions directes, tant celles perçues pour le Trésor public, que celles qui se percevaient pour les dépenses particulières des provinces; et il a été nécessaire de les placer toutes dans le tableau, parce que plusieurs de ces dépenses particulières, dont les fonds étaient distincts et se levaient séparément dans certaines provinces, dans les pays d'Etats par exemple, étaient faites dans la plupart des pays d'élections par le Trésor public sur la masse générale des impositions, dont le pied était en conséquence beaucoup plus fort dans ces provinces que dans les autres. Si donc l'on n'avait compté que la partie des impositions entrant au Trésor public, la proportion résultant aurait été une lésion manifeste pour les pays d'élection, qui se seraient trouvés chargés en excédant, de toutes les sommes employées à ces dépenses particulières.
Mais il y aurait eu encore une inégalité de proportion, si l'on avait employé les impositions ordinaires, c'est-à-dire la taille et la capitation ou autres impositions qui en tenaient lieu dans quelques provinces, sur le pied où elles ont dû être payées en 1790. En effet, dans cette dernière année vous avez voulu que la part des privilégiés tournât au profit des anciens contribuables, et il en a résulté que ce profit a été plus ou moins grand suivant que la masse des privilèges était plus ou moins forte ; et si nous avions adopté cette proportion pour une de nos bases élémentaires, noua aurions grevé les provinces où il y a
peu de nouvelle matière imposable, et soulagé injustement les autres. Il nous a donc fallu remonter en 1789 ; et doublant le semestre d'impositions ordinaires établi cette année-là, nous avons obtenu une proportion correspondante à l'àccrois-sement qu'a produit l'appel de tous les biens, et de toutes les personnes privilégiées à supporter les charges publiques.
Le même motif a dû nous faire employer aussi les seconds cahiers de vingtièmes; et votre comité vous doit compté ici de deux observations ; l'une, que plusieurs départements réclament contre le taux de ces seconds cahiers qu'ils prétendent excessif; il eût fallu saus doute apprécier ces réclamations avec le plus grand scrupule si la base résultant des vingtièmes avait été la seule qui nous servît à régler notre répartition : mais nous avons trouvé, dans les travaux fails par le gouvernement en 1750 et en 1787, un terme de comparaison qui nous a rassurés; les résultats des seconds cahiers des vingtièmes produisent en général une proportion très approchante de celle obtenue alors, et nous avons pensé d'après cela n'avoir point de correctibns à y faire.
La seconde observation porte sur quelques ci-devant provinces, dans lesquelles il n'a point été fait de seconds cahiers de vingtièmes, ou par négligence, ou plutôt parce que la forme ae leurs perceptions en aurait rendu la confection très difficile; il n'aurait certainement pas été juste que ce manque d'exactitude dans l'assiette des impositions ae 1790 devînt un titre pour ces provinces à un taux injustement favorable dans la répartition nouvelle; et leur patriotisme leur ferait repousser une pareille condescendance. Votre comité, pour réparer ces erreurs, a eu recours encore aux anciens travaux du gouvernement, et a placé dans la colonne des seconds cahiers de vingtièmes, à l'article de ces provinces, les sommes qui auraient dû être levées.
Ainsi, lé premier de nos tableaux présente dans 14 colonnes* d'abord les noms des anciennes généralités avec leurs subdivisions, ensuite 3 divisions de 4 colonnes chacune, savoir : i* les vingtièmes des biens-fonds, de Vindustrie, des offices et droits, et le total des 3 classes de vingtièmes ; 2» sous le titre d'impositions ordinaires, réelles, personnelles ou mixtes, la taille, capitation ou (autres impositions ordinaires, lesimpo-sitionsprovinciales, les taxations imposéesensus des impositions ordinaires, et le total des 3 colonnes; sous le titre d'additions aux impositions directes : 1° Les sommes imposées en 1789pour charges despro-vinces.Ces sommes employées dans les pays d'Etats et dans quelques au très aux frais d'administration, n'ont pas été imposées en 1790, mais ne doivent fias être négligées pour que la balance se soutienne; 'on a compris dans la même colonne les sommes représentatives de la prestaiion des chemins, qui dans plusieurs provinces n'ont pas été levées en 1790, et qui même ne l'ont jamais été dans quelques autres, en Franche-Comté par exemple, où le parlement n'avait jamais voulu enregistrer la suppression de la corvée en nature. 2° Les seconds cahiers des vingtièmes. 3° Le produit doublé des rôles des six derniers mois 1789. 4° Le total de ces différentes sommes; et enfin dans la quatorzième colonne, le total général des impositions directes, tel qu'il aurait dû être en 1790, si la cotisation des privilégiés dans les impositions ordinaires avait été portée au Trésor public.
Le second, tableau présente aussi par généralités l'ensemble et la distribution dé toutes les impositions tant directes qu'indirectes; on y a
joint dans la seconde colonne la superficie des généralités en lieues carrées, dites de l'observatoire, c'est-à-dire de 2,283 toises. La troisième colonne présente la population, et la quatrième porte pour chaque généralité le total des impositions directes résultant du premier tableau.
11 n'en est pas des impositions indirectes comme des autres : les droits de traites, par exemple, ne peuvent pas être réputés en entier charge des lieux où on les acquitte ; elle se partage entre les producteurs et les consommateurs, et ce serait une étrange erreur que d'attribuer aux généralités dans lesquelles les bureaux étaien t situés, la totalité des recettes de ces bureaux comme charges payées par elles, tandis que la circulation des marchandises, dont le prix s'accroissait en raison des droits payés, distribuaient cet impôt parmi tous ceux qui consommaient ces marchandises. Nous appliquerons cette observation avec plus de détail, en parcourant successivement les différentes parties de ce tableau.
Mais votre comité vous doit encore une observation préliminaire qui porte sur presque toutes les impositions indirectes; il vous a dit qu'en général elles se balançaient avec les impositions directes, de manière qu'il résultait de cette combinaison un poids à peu près proportionnel sur toutes les provinces de l'Empire, et cela est vrai quant aux principaux de ces impositions, mais non pasqpantaux sols pour li vreadditionnels, qui d'une institution plus nouvelle et prodigués sans discernement par les derniers ministres, ont dérangé cette espèce d'équilibre établi dans des temps f)lus tranquilles, et ont évidemment surchargé es provinces qui supportaient cet accroissement d'impôt. Votre comité des contributions publiques ne s étendra pas sur cette vérité qui vous a été développée par votre comité des finances, lorsque vous avez supprimé la gabelle, et que vous avez adoptée comme base de vos mesures pour son remplacement; nous avons appliqué ce principe, consacré par vous, à toutes les impositions indirectes gui avaient été grevées des sois pour livre.
Voici maintenant les détails du tableau :
La première division comprend celles des impositions indirectes qui peuvent être regardées comme payées par les généralités ou elles étaient perçues :
1° L'impôt du sel, déduction faite de la valeur du sel en frais d'achat et de transport, et aussi des bénéfices du commerce, afin de n'employer que la partie qui était véritablement un impôt, et c'est sur cette partie que l'on a déduit les 10 sous pour livre.
2° L'impôt du tabac : on a déduit comme pour le sel les frais d'achat et de transport, et les bénéfices du commerce, ie tout évalué à 18 sous par livre pesant; l'on a distrait encore 12 sous par livre pesant qui représentent les 4 sous pour livre additionnels établis en 1759. La Franche-Comté n'était point soumise au privilège exclusif de la ferme générale; mais comme l'entrée du tabac étranger y était prohibée, et que la culture, extrêmement gênée, y produisait fort peu, la ferme était en possession d'y vendre le tabac 2 1. 10 s. la livre ; ainsi nous avons dû compter ce produit, avec les mêmes déductions que ci-dessus, comme une charge réelle.
3° Les droits à l'enlèvement et à la fabrication sur les boissons, les huiles et les fers, à la déduction des 10 sous pour livre : on a regardé ces impôts comme payés par le territoire où ils sont perçus, et on les a séparés des droits à la circulation qui seront employés d'une autre manière.
4° Il en est de même des droits à la vente en détail sur les boissons, qui sont en général payés par les pays où ils se perçoivent; on a fait aussi sur le montant de ces perceptions la déduction des 10 sous pour livre.
5° Les droits aux entrées des villes, sur lesquels on a d'abord déduit, comme pour les précédents, les 10 sous pour livre; mais une autre considération a porté à n'employer à la charge d'une généralité que la moitié du principal des droits de cette espèce qui se payaient aux portes de villes de son ressort. En effet, comme nous l'avons observé plus haut en parlant des droits de traite, ceux aux entrées des villes ne portaient certainement pas en totalité sur leurs habitants : ce fardeau se partageait entre eux et les producteurs des denrées qui y étaient consommées; ceux mêmes imposés aux portes des grandes villes allaient souvent grever le propriétaire étranger à la généralité. Ainsi les vignes de Bourgogne, de Champagne et de Bordeaux acquittaient une partie de3 droits perçus aux portes de Paris, de Lyon, de Rouen, et il serait injuste de les attribuer en leur entier aux généralités de Lyon, de Rouen et de Paris, et plus injuste encore de les prendre pour bases de répartition sur les départements de Paris, de Rhôue-et-Loire et de la Seine-Inférieure moins étendus que n'étaient les anciennes généralités. Votre comité a pensé devoir retrancher 6 millions sur le produit évalué à 36 millions des entrées de la ville de Paris, parce que le gouvernement lui rendait annuellement cette somme pour pourvoir à ses dépenses municipales dont elle va dorénavant être chargée.
Enfin 6° cette première division comprend encore les droits d'insinuation, le centième denier et le contrôle des actes qui portaient bien véritablement sur les propriétés des pays où ils étaient perçus : on en a déduit aussi les 10 sous pour livre.
Les impositions que présentent la seconde et la troisième division, sont celles qui ne pouvant pas être attribuées au local dans lequel elles sont perçues, nous ont paru devoir être répandues sur la totalité du territoire qui en était grevé, au marc la livre des autres impositions; mais celles-là, nous avons dû en faire deux classes, parce que plusieurs de ces impositions, n'étant pas générales, n'ont pu être distribuées que sur les provinces qui les supportaient.
Ainsi, la seconde division comprend en trois colonnes : 1° Les droits sur les procédures et ceux de formule et de contrôle des exploits. Quelques provinces étaient exemptes de ces droits et leur perception, qui s'opérait principalement dans les villes où siégeaient les cours souveraines, était bien évidemment acquittée par toutes les propriétés du ressort de chacun des tribunaux.il aurait donc fallu, pour la parfaite exactitude, les distribuer par juridiction; mais, outre que ce travail eût été long et difficile, le résultat en aurait certainement été peu différent de celui que nous procure une distribution générale sur toutes les. provinces sujettes à ces droits : les 10 sous pour livre en ont été aussi déduits.
2° Les droits intérieurs en circulation sur le commerce national à la déduction des 10 sous pour livre ; quelques provinces qui étaient traitées à l'instar de l'étranger effectif n'ayant pas été chargées de ces droits, on ne peut les employer que sur celles qui y étaient assujetties.
3° Les droits en consommation sur les marchandises des Iles ne doivent être employés aussi que
sur les provinces placées dans l'arrondissement où cés droits étaient payés; ott y à déduit de même lés 10 sous pour livre.
Enfin la troisième division présenté dans une seule colonne.les droits qui, ne pouvant pas non plus être attribués à unè localité particulière, doivent êtrè répandus sur tout lé royaume, parce qu'ils gavaient là totalité des propriétés du royaume. Cë sont : 1° les droits de fabrication tiii' les cuirs, lès cartes à jouer, l'ès amidons, la marque d'à'r et d'argent, lès droits d'aubaine, d'échangé, nouveaux, acquêts, amortissement, francs-fiefs ët hypothèques ou appropriemènt qui grevaient toutes les propriétés;
2 Les droits perçus au passage et à la sortie des pays d aides, qui se distribuaient sût1 tout le royaume par la consommation ;
3° Enfin la moitié du principal des droits d'en-frëe dés ville?, dont l'autre moitié a été-employée dans la première division.
Coinme la distribution dé cës trois Articles est générale, il à été inutile de fâire la déduction des 10 francs pour livre, qui n'aurait rien changé à la proposition.
Les autres colonnes du second tableau présentent les divers totaux, puis des observations sur les divers g étires de perceptions qui avaient lieu dans chaque généralité,ét enfin les soUs pour livré retranchés des bases élémentaires de répartition, mais (}Uè l'on a dru devoir placer ici hors ligne; pour que l'ensemble dés perceptions, qui avaient lieu dans le royaume, fût à là fois sous les yeux de l'Assemblée.
Ces deux tableaux ainsi dressés, et la distribution de toutes les impositions anciennes faite entre leâ généralités, il a fallu eîi faire Une similaire entre les départements, pour servir de base à la répartition des contributions nouvelles. Le procédé pour cettè transformation eût été fort simple si le territoire ae chaque généralité avait servi tout entier à la formation d'un certain nombre de départements, ët si la circonscription dés divers genrés d'imposition^ indirectes avait été la inême que celle; soit des généralités, soit des départements ; mais la discordance de ces différentes circonscriptions a rendu le travail beaucoup plus difficile.
Il a d'abord fallu reconnaître toutes les municipalités dont chaque département est composé, ët distinguer les généralités auxquelles chacune de ces municipalités àvait appartenu. La consistance de chaque département ainsi établie, il n'a pas été difficile de faire le tableau de leurs impositions directes, parce qu'èlleà étaient assises par communautés, et qu'ayant les rôles sous les yeux, on a pd attribtier avec sûreté à chacune sa part véritable : telle a été la formation du tableau n6 3.
Mais pour celle du tableau n° 4, il a été nécessaire de faire un dépouillement beaucoup plus embarrassant. Il y à tel département dont une partie séulémeht était sujette à la gabelle, tel autre dans lequel le selétâitàdeS taux différents, ét qui était ëh partie soumis aux droits' d'aides ; tomes ces différentes perceptions ont dû être distinguées et te territoire de chacune circonscrit ; mais alors même on n'a pas pu attribuer à chacune dès municipalités comprises dans un arrondissement, une portion distincte de la somme totale de l'imposition indirécte que l'arrondissement supportait, parce que ces impositions île sont pas susceptibles d'être ainsi distribuées; on a donc réparti la masse de chaque généralité au marc là livré des impositions directes, sur chacun des
arrondissements qui en avaient fait partie, et cette opération a dû être répétée séparément pour chaque espèce d'imposition indirecte.
Alors oh a connu la sommé que le territoire, comprit dans chacun des 83 départements, supportait sous l'ancien régime, ët l'on a procédé, sur cette base, à une première répartition entre eux des ZOO millions quë les Contributions foncière et mobiiïèredoiveht fournir au Trésor publiç> sans en faire encore là séparation. Une opération arithmétique très simple a donné cette première répartition ; la Bomme des anciennes impositions étant de 487,391,006 livrés, on lui a comparé celle dë 3Q0 millions, et ayant trouvé qu'elle était à la première comme douze sols trois deniers onze quinzièmes de denier sont à vingt sols, l'on a pris pour chaque département les douze sols trois deniers onze quinzièmes de denier par livre de sa part dans les impositions anciennes, et l'on a eû pour résultat sa nouvelle portion contributive que l'on a placée dans la première des colonnes ajoutées au cadre du tableau n° 2, pour former le tableau n° 4.
Une seule exception à cette méthode générale a été nécessitée par le régime vicieux de l'ancienne province de Bretagne, où le parti dominant dans ses Etats, croyant avoir intérêt à diminuer les impositions directes, avait établi une proportion beaucoup plus considérable de perceptions en impôts de Consommation, qwe celle qui régnait en général dans les autres parties de la France. Or, comme les effets de cê genre d'impôt suivent dans leur distribution uae proportion différente des autres, il en aurait résulté une "application évidemment fautive, sî l'on avait pris, comme dans le reste du royaume, le marc la livre des prernièrès pour répartir les seconds; oh a donc employé là base de la population à laquelle l'impôt, connu dans cette province BOus le nom dé devoirs, était par sa nature beàucoup plus proportionnel qu'à toute autre; et là distribution obtenue par ce moyen ayant paru plus juste, le comité a cru devoir l'adopter. Il l'a pu sans inconvénient, puisque lés cinq départements qui composaient l'ancienne province se partageant exactement .son territoiré, la variation dàns la méthode employée pour eux était absolument indifférente à tous les autres.
Le départ dés deux contributions foncière et mobilière n'aurait consisté qu'à partager la portion contributive totale de chaque département : ért 4/5 pour la contribution foncière dont le total est de 240 millions, et 1/$ pour la contribution mobilière qui est dë 60, si l'ott avait pu penser que les deux espèces de richesses fussent uniformêmènt distribuées dans les divers départements ; mais Comme il est évident, ainsi qu'on l'a dit au conimen-cement de ce rapport, que leur proportion varie, il a fallu chercher un moyen pour Opérer ce départ d'unë manière qui correspondît mieux à la proportion qui peut régner entre elles. Aucune des impositions anciennes fte pouvait non plus nous servir de sighe représentatif de Tune ou l'autre des deux richesses; il a donc été nécessaire dë recourir à une méthode d'approximation, et nous avons procédé à cette recherche par voie d'observation.
Les vingtièmes, avons-nous dit, peuvent être regardés comme une véritable imposition foncière. S'ils àvaiént été bien assië;i ils donneraient une idée parfaitement juste des revends territo riaux ; mais nous n'avons pu nous fier entière-
métit à la mesure qu'ils Indiquaient, parce qu'il est eohnU que leur répartition est fautive; nous n'avons pâs dû non plus la négllgér totalement, car il nOus a été «constaté que les mêmes erreurs où à peu nrès ayant eu lieu dans tous les départements ou les Vingtièmes étaient régis, les défauts de répartition, très sènsibles de particulier à particulier, le sont beaucoup moins de département à dépàrtetoeht» Bans toutes les provinces, les petits propriétaires avaient été taxés à la ri-' guôur, lés propriétaires médiocres plus modérément, çt les riches fort au-dessous de ce qu'ils auraient dû Vôtre : c'est cette inégalité presque régulière de répartition qui donnait aux parlements Une si forte répugnance à ce que l'ordre fût rétabli dans cètte partie.
Cependant, au milieu de cette inégalité, les vingtièmes présentent sur notre route un fanai utile ; ils sont propres à donner une idée de la proportion qui existait, et qui nTest pas encore changée dans chaque département entre les richesses foncières et les richesses mobilières. Les départements où les impôts sûr les consommations étaient Tort multiplié^ éprouvaient, par Ces impôts, une diminution dans lès revenus territoriaux, et par conséquent dans les vingtièmes. La dépense du consommateur n'y tournait pas en entier au profit du cultivateur; Une- partie même fort Considérable de cette dépense passait à l'acquittement dè Timpôt de consommation, et à l'indemnité que les' divers salariés avaient à réclamer pour la portion dé cet impôt dont ils faisaient l'avance. Ainsi confondue dans les sàlàires, cette dépense prenait la hature et l'aspect dé richesse mobilière ; et la richesse foncière, amoindrie dè tout ce qui passait à l'impôt de consomhiàtiott, ne donnait qu'un plus faible révenu aux propriétaires du sol, ce qui forçait même la plus grande rigueur fiscale à n'imposer que de moindres Vingtièmes Sur des récoltes égales en masse, mais moindres en produit net.
Il nous a donc paru nécessaire d'avoir égard à ces différences ét à la proportion qu'elles ont établie entre les deux espèces de richesses dont les vingtièmes offrent 1 expression la plus approximative à laquelle il nous sont aujourd'hui possible d'atteindre.
D'après cela, nous avons pensé qu'il fallait d'abord attribuer à chaque département, en contribution foncière, la somme dés vingtièmes qu'il acquittait, et partager ensuite le surplus entre les deufc contributions foncière et mobilière, dans la proportion qu'indique le reste de là gomme totale des deux contributions ûioins les vingtièmes, et la somme totale de la'côûtribution mobilière.
Il devait naturellement en résulter une chose fort raisonnable : (é'ést qpe les départements M le produit pet étâit plus considérable et les vingtièmes plus élevés relativement à la massé totale de là récolte, parce que les salaires y étaient à très has prix, qu'il y âvait peu de richesse mobilière et peu ou poiht a'impôts de consommation, auroht Une proportion plus forte de contribution foncière et une plus légère de contribution, mobilière, et que ceux au contraire où les salâirës sont plus hauts, lés revenu s territoriaux plus bibles et les vingtièmes moindres à Récolte égale, auront une moindre part de contribution foncière et une plus forte de contribution mobilière; sans que néanmoins l'événement. de .ce partage change rien, dans l'un ni dans l'autre cas* à la contribution totale des départements.
Nous allohs vous dévélopper, par des exemples, la marche à laquelle ces observations nous ont conduits.
La somme totale des anciens vingtièmes, y compris les seconda oahiers,; s'est trouvée de 75 millions qui, retranchés - dé 300, nous ont l&iséé 225 mimons dans lesquels il y en avâit 60 pour la contrtbution mobilière : mais, J)ar une opération sur les villes; que nous détaillerons ci-après, il y aura sur 6 dénartêraents une première répartition de 7,500,000 livres en contrit bution mobilière; ce qui réduirai /la somme à répartir généralement, à, 52,500,000 livres qui, soustraits de 225 millions; nous laisseront 172,500,000 livres pour représenter le restant de la contribution foncière ; mais les ,172,50Q,00Ô ii-vres sont les 23/1^00 de 225 et, 52,500,000.1^ vres én sont les 7/30; donc; appliquant cette règle à tous les départements,; On a partagé en trentièmes la so m nie restée de la portion contri-biltive totale de chacun après la déduction des vingtièmes; 7 de ces trentièmes ont donné la part du département dans la contribution mobilière* et les 23 autres trentièmes, joihts à la somme des vingtièmes que le départemeiit acquittait, ont formé sa part de contribution foncière; Un exemple éclaircira mieux la marche de l'opération :
Le département de l'Ain doit supporter pour portion contributive totale.....» 1,666,900 liv.
11 payait en Vingtièmes....... 514,913
Reste....;.................. 1,151,987
qui, divisés pâr trente, donnent . pour quoiieùt................. 38;396
Ce quotient, multiplié par sept, ...... donne pour produit............ 268,732
qui forment la, contribution mobilière, du département.
Cette somme déduite de la portion contributive totale.____ 1*666,900
il reste....................... 1,398,128
poûr la part du département danB ia contribution foncière.
Preuve de l'opération.
Contribution foncière.......... 1,398,168 liv.
Mobilière.. ,....,............ 268,732
Total....................1,666,900 liv.
somme pareille à la portion contributive totale. :
Après avoir fait la même opération pour tous les départements, nous avons trouvé qu'il en résultait entre la contribution foncière et la. contribution mobilière une proportion assez analogue à celle que l'onpeut supposer entre leqrsrichesses mobilières ét foncières, d'après ce que l'on connaît de leur industrie agricole ou commerçante,
Cependant 6 départements nous ont paru, sous ce rapport, évidemment trop peu cotisés à la contribution mobilière ; et ce sont cèux où sont situées les villes de Paris, Lyon* Rouen,.Bordeaux, Marseille et Nantes^ villes qui, par leur population et leur commerce, annoncent Une quantité considérable de capitaux dont les revenus sont précisément la matière imposable à ce genre de con* tribution ; nous avons alors appliqué enparticulier à ces villes, par forme , d'essai; notre méthode générale de répartition, et nous avons.vu qu'en là suivant, elles seraient surchargées de contribua tion foncière, et n'auraient qu'une tfèB petite part
de contribution mobilière. La ville de Paris, par exemple, sur 17,868,000 livres qui seront sa portion contributive totale, aurait eu 14,951,600 livres de contribution foncière; cequi estévidemment fort au-dessus de ce que doivent supporter ses revenus fonciers, et 2,916,400 livres de contribution mobilière, somme très inférieure à l'idée que l'on doit se former de ses revenus de cette espèce. Il a donc fallu chercher un moyen de corriger cette erreur, et nous l'avons trouvé dans l'application en sens inverse de celui que nous avait fourni l'emploi des vingtièmes dans la détermination de la contribution foncière.
En effet, on peut bien supposer que si, dans les grandes villes, les vingtièmes, dont même une portion était assise sur l'industrie, sont pris pour signe représentatif de leurs richesses foncières, l'autre espèce de richesses sera représentée par les impositions directes autres que les vingtièmes, qui y étaient payées; et nous devons même observer, à propos des villes ci-dessus citées, que la taille ne s'y percevait pas. Partant donc de cette supposition, nous avons donné à leurs départements, en plus sur la contribution mobilière, une somme égale à celle de ces impositions anciennes, et nous leur avons ôté une somme égale sur la contribution foncière; ce qui n'apporte aucun changement à la portion contributive totale, dont la somme reste la même : ainsi, pour Paris, qui payait, outre ses vingtièmes, 5,199,478 livres de capitatiôn, la méthode corrigée nous produit, en contribution foncière....... 9,752,000 liv.
Et en contribution mobilière. 8,116,000 Ce qui laisse subsister, sans variation, la fixation de la portion contributive totale à........... 17,868,000 liv.
La ville de Marseille est la seule qui nous ait présenté une difficulté, parce qu'elle ne payait, sous l'ancien régime, au-delà des vingtièmes, qu'une imposition directe infiniment trop faible par comparaison aux autres villes; mais comme notre combinaison, qni ne change rien à l'impôt total, n'a pas besoin d'une exactitude scrupuleuse, nous avons cru pouvoir la regarder comme égale à Bordeaux, et dous avons en conséquence dimi; nué la contribution foncière, et augmenté la contribution mobilière du département desBouches-du-Rhône, d'une somme égale à celle que nos calculs nous avaient fait trouver pour le département de la Gironde.
Nous avons employé cette correction pour les 6 départements seulement, de Paris, Rnône-et-Loire, Seine-Inférieure, Gironde, Bouches-du-Rhône et Loire-Inférieure; parce que le même calcul, fait sur le département de la Somme pour Amiens, et sur celui du Loiret pour Orléans, ne nous ayant produit qu'une différence assez légère pour être négligée, nous avons pensé que ce travail ne serait d'aucune utilité. Il nous a donné, pour les 6 départements, 7,500,000 livres, dont, ainsi que nous l'avons dit plus haut, il a été fait sur eux une première répartition, qui a réduit la répartition générale à 52,500,000 livres, et diminué la proportion de contribution mobilière pour les autres départements.
Telle est Messieurs, la suite des opérations par lesquelles votre comité est parvenu à faire d'abord une première répartition des 300 millions, pour déterminer la portion contributive totale de chacun des départemenls, et à partager ensuite cette portion contributive en contribution foncière et mobilière ; et tels sont les motifs d'après
lesquels chacune de ces opérations a été adoptée.
Leur résultat n'a certainement pas toute l'exactitude qu'il serait désirable d'établir dans la répartition des contributions; mais cette exactitude ne peut s'obtenir que par un cadastre, et c'est un ouvrage réservé à vos successeurs. Vous avez établi un mode de contributions qui en fera sentir à tout le monde l'indispensable nécessité ; et l'heureuse égalité en tout genre, qui fait la base de la Constitution française, a détruit tous les obstacles qui rendaient un pareil travail impossible sous l'ancien régime.
Obligés de choisir entre diverses méthodes imparfaites, nous avons dû vous en proposer une générale; et c'est un avantage de la nôtre, que d'avoir pu, avec deux seules corrections, s'appliquer à la totalité du royaume. SaDS doute, il y aura quelques départements dont la proportion sera trop élevée, et ce sont ceux qui, sous l'ancien régime, avaient été imposés sans mesure. Plusieurs même de ces départements nous sont désignés par l'opinion générale ; mais, dénués de moyens de vous présenter les preuves détaillées de leur surcharge, il ne nous appartient pas de vous proposer des dispositions qui paraîtraient arbitraires; vous avez le remède entre yos mains, par la réserve que vous avez faite de 8 millions sur le fonds de non-valeurs à la disposition du Corps législatif, pour pourvoir au soulagement de ceux des départements qui auraient éprouvé des malheurs ; et certainement il n'y en a pas de plus grand que celui d'avoir éprouvé depuis longtemps une surcharge excessive.
Au reste, et c'est pour nous une consolation, ces départements, ainsi que tous les autres, éprouveront déjà de votre nouveau système de contributions, un soulagement proportionnel et considérable ; les trois colonnes qui terminent le tableau n° 4, vous présentent : la première, la différence entre la portion contributive totale ae chaque département résultant de la répartition des 300 millions, et ce qu'il supportait auparavant par les impositions qui nous ont servi de bases élémentaires pour la répartition ; la seconde, ce que chacun des mêmes départements supportait par les impositions qui n'ont point fait partie de ces bases élémentaires; et la troisième, le total de la différence entre' la charge ancienne et celle des deux contributions foncière ef mobilière. Cette différence est de 252,184,642 livres.
Pour établir une comparaison entre l'état ancien et le nouveau, il faut aux 300 millions joindre :
1° Les frais de perception...8,000,000 liv.
2° Fonds de non-valeurs—18,000,000
3° Fonds pour les dépenses particulières des départements.60,000,000
Ensuite les taxes indirectes nouvellement établies, dont le produit brut est calculé pour :
1° Droit d'enregistrement...53,000,000
— de timbre.........23,000,000
— d'hypothèques..... 5,000,000
— de patentes........24,000,000
— de dédouanés........29,000,000
Et enfin la contribution patriotique.. .'...................35,000,000
Ce qui forme un total de (1). 2.55,000,000 liv.
et paraîtrait présenter, pour le nouveau régime, un excédant ae charges de trois millions.
Mais nous n'avons pas compté, dans les charges anciennes, les dîmes, montantà. 133,000,000 liv.
Ni les milices, évaluées à... 6,000,000
Ce qui nous donne un total de. dont retranchant.............139,000,000 liv.
nous aurons encore pour soulagement très~effectif...........136,000,000 liv.
Auquel joignant le soulagement certain, mais non susceptible de preuves positives, dont les détails ont été donnés dans le tableau joint au rapport du 6 décembre 1790, et qui monte à.78,000,000
Nous aurons en différence, entre les charges anciennes et nouvelles, une somme de..... 214,000,000 liv.
Et en y joignant................ 36,000,000
pour l'imposition des privilégiés, qui tourne au profit des contribuables qui ne jouissaient d'aucun privilège, nous trouvons le soulagement de ceux-ci dans la proportion de......... 250,000,000 liv.
Deux résultats qui, quoique obtenus par des combinaisons de calculs différentes, correspondent à celles de 215,074,182 livres, et dé 251,207,033 livres que vous avait présentées le tableau du 6 décembre (1).
Projet.
PROJET DE DÉCRET
sur la répartition des 300,000,000 de livres de contributions foncière et mobilière de 1791.
L'Assemblée nationale décrète que les principaux des contributions foncière et mobilière pour 1791 seront répartis entre les 83 départements du royaume, ainsi qu'il suit :
NOMS des
départements.
1 Ain...............
2 Aisne.............
3 Allier.............
4 Alpes (Hautes-)
5 Alpes (Basses-)....
6 Ardèche...........
7 Ardennés.........
8 Ariège............
9 Aube.............
10 Aude.............
11 Ayeyron ..........
12 Bouches-du-Rhône.
13 Calvados..,...,...
14 Cantal....,.......
15 Charente..........
16 Charente-Inférieure
17 Cher..............
18 Corrèze...........
19 Corse.............
20 côte-d'Or..':.;.:..
21 Côtes-du-Nord____
22 Creuse...'.'........
23 Dordogne .........
24 Doubs............
25 Drôme............
26 Eure..............
27 Eure-et-Loir.......
28 Finistère.......—
29 Gard ..l..;.......
30 Garonne (Haute-)..
31 Gers..............
32 Gironde...........
33 Hérault...........
34 Ille-et-Vilaine......
35 Indre.............
36 Indre-et-Loire......
37 Isère..............
38 Jura..............
39 Landes...........
40 Loir-et-Cher.......
41 Loire (Haute-).....
42 Loire-Inférieure ...
43 Loiret............
44 Lot...........^...
45 Lot-et-Garonne.....
46 Lozère............
47 Maine-et-Loire.....
48 Manche ...........
49 Marne............
50 Marne (Haute-)____
51 Mayenne ..........
52 Meurthe...........
53 Meuse............
TOTAL
TRIBUTI0N CONTRIBUTION
des deux
ONC1ÈRE. MOBILIÈRE. CONTRIBUTIONS.
liv. liv. liv.
1,452 500 285 400 1 737,900
4 ,757 900 991 700 5 749,600
1 ,978 800 437 700 2 416,500
728 500 168 800 897,300
921 100 213 900 1 135,000
1 228 100 276 900 1 505,000
2 576 300 572 800 3 149,100
745 600 157 100 902,700
2 711 600 608 600 3 320,200
2 577 200 552 500 3 129,700
3 164 000 668 100 3 832,100
2 226 800 944 600 3 171,400
5 684 700 1,212 500 6 897,200
2 649 300 617 900 3 267,200
2 704 400 571 900 3 276,300
3 656 100 692 400 4 348,500
1 558 900 350 200 1 909,100
1 856 700 427 700 2 284,400
223 900 60 900 284,800
3 387 400 721 800 4 109,200
2 163 500 403 200 2 566,700
1 510 600 374 800 1 885,400
2 805 100 885 000 3 390,100
1 348 800 285 100 1 633,900
1 684 800 376 500 ' 2 061,300
4 983 000 986 900 5 969,900
3 874 700 929 800 4 804,500
1 742 900 650 200 2 393,100
2 297 300 486 500 2 783,800
3 775 900 833 000 4 608,900
2 714 700 580 800 3 295,500
3 958 900 1,308 400 5 267,300
3 483 900 766 500 4 250,400
2 604 300 542 400 3 146,700
1 399 700 329 100 1 728,800
2 432 000 554 700 2 980,700
3 181 800 735 500 3 917,300
1 725 700 415 600 2 141,300
1 251 300 267 000 1 518,300
2 262 100 580 200 2 842,300
1 629 500 351 100 1 980,600
2 034 200 946 500 2 980,700
3 241 500 644 800 3 886,300
3 060 300 611 700 3 672,000
3 194 800 697 600 3 892,400
843 900 179 600 1 023,500
3 871 500 884 800 4 756,300
5 051 800 1,093 300 6 145,100
4 151 800 925 800 5 077,600
2 365 000 514 200 2 879,200
3 040 600 707 900 3 748,500
2 247 700 336 700 2 584,400
2 159 100 428 400 2 587,500
NOMS des
départements.
54 Morbihan..........
55 Moselle............
56 Nièvre.............
57 Nord .............;
58 Oise................
59 Orne...............
60 Paris..............
61 Pas-de-Calais .....;
62 Puy-de-Dôme.......
63 Pyrénées (Hautes-).,
64 Pyrénées (fiasses-)..
65 Pyrénées-Orientales
66 Rhin (Haut-).......
67 Rhin (Bas-)........
68 Rhône-et-Loire.....
69 Saône (Haute-).....
70 Saône-et-Loire......
71 Sarthe.............
72 Seine-et-Oise.......
73 Seine-Inférieure
74 Seine-et-Marne.....
75 Sèvres (Deux-)......
76 Somme............
77 Tarn............
78 Var................
79 Vendée ............
80 Vienne............
81 Vienne (Haute-).....
82 Vosges.............
83 Yonne.............
Totaux
CONTRIBUTION
foncière.
liv.
1,926,600 2,448,500 1,913,000 5,175,800 4,898,700 3,558,600 12,571,400 3,326,500 3,789,200 752,100 1,013,800 883,000 1,855,000 2,369,300 6,333,000 1,765,300 3,661,900 3,796,100 7,342,400 7,057,400 5,4ï>0,800 2,546,500 5,581,600 2,621,800 1,788,800 2,572,900 1,718,900 1,810,100 1,638,100 2,950,400
240,000,000
CONTRIBUTION
mobilière.
liv.
403,000 432,600 411,200 1,083,400 1,046,500 775,000 8,158,200 509,500 849,100 135,400 199,800 159,800 405,600 503,000 1,921,100 372,000 751,200 859,200 1,611,900 2,364,300 1,200,200 555,100 1,186,400 589,300 408,700 565,600 337,600 417,200 315,900 625,200
60,000,000
TOTAL des deux
contributions.
liv.
2,329,600 2,881,100 2,324,200 6,259,200 5,945,200 4,333,600 20,729,600 3,836,000 4,638,300 887,500 1,213,600 1,042,800 2,260,600 2,872,300 8,254,100 2,137,300 4,413,100 4,655,300 8,954,300 9,421,700 6,651,000 3,101,600 6,768,000 3,211,100 2,197,500 3,138,500 2,056,500 2,227,300 1,954,000 3,575,600
300,000,000
Tablfaux annexé
TABLEAUX ANNEXÉS.
?
Tableau n° 1.
au projet de loi sur la répartition des 300 millions de livres de contributions foncière et mobilière de 1791.
ANCIENNES GÉNÉRALITÉS.
ANCIENNES GÉNÉRALITÉS, AVEC LEURS SUBDIVISIONS.
Aix
Provence..............................
Principauté d'Orange...................
Alençon......................1 ......................................
Alsace........................I ......................................
Amiens...............................
Amiens.......................{ Calaisis, Ardresis et Montreuil..........
Boulonnais............................
Auch.................................
Foix, Béarn, Navarre, Bigorre, Nébousan,
Auch et Pau..................{ Soûle et Quatre-Vallées...............
Mont-de-Marsan, Bastilles-de-Marsan, Tursan et Gabardan.........................
Besançon.....................| Franche-Comté..........................
i Première division. Pays de taille person-
Bordeaux...................... Deuxième division. Pays de taille réelle...
( Labour et Bayonne......................
Bourges
Caen... Châlons
Dijon.......
Grenoble ... La Rochelle.
i, Bourgogne et Mâconnais.........
Bresse et Dombes, Bugey et Gex.
Lille...
Limoges, Lyon...
Flandre Wallonne. Flandre Maritime. Artois............
Metz.......
Montauban. Montpellier.
Moulins_____
Languedoc... Bourbonnais. Nivernais....
Nancy.. Orléans.
Clermontais.......
Duché de Lorraine. Duché de Bar.....
Paris.....
Perpignan. Poitiers...
Riom.... Rouen...
Soissons.
Tours
Valenciennes.
Ville de Paris......
Généralité de Paris.
Roussillon.........
Poitou.............
Marches-communes..
Touraine.
Anjou____
Maine....
Hainault et Cambresis.
r j Deux vingtièmes sur les maisons. t,orse.........................I Subvention en nature............
Totaux.
des
BIENS-FONDS.
liv. S. d,
1,463,335 14 1
21,229 9 »>
1,476,015 5 6
891,467 » >»
1,391,767 3 3
138,062 13 3
177,634 16 »
1,017,678 14 9
442,400 8 6
38,060 » »
1,263,343 3 3
1,946,536 5 2
1,113,286 11 7
76,889 10 2
635,139 16 10
3.146.964 16 »
1,807,977 19 11
1,986,628 » »
1,902,466 5 10
454,705 19 6
1,051,977 » 6
1,280,673 18 »
620,400 » »
341,550 » »
1,126,397 2 3
957,931 » »
1,298,636 12 6
784,930 4 9
1.508.965 14 » 2,738,134 11 7
586,449 1 »
218,488 12 »
» » »
1,064,214 14 »
381,984 10 3
1,812,074 11 »
4.415.984 1 3 3,381,396 19 6
286,000 » »
1,491,980 10 5
26,400 » »
1,402,997 9 »
2,906,486 5 2
1,093,993 10 >>
472,690 7 6
1.028.985 15 6 938,461 18 1
626,295 18 4
23,519 7 »
55,259,589 6 2
VINGTIEMES
de
L INDUSTRIE.
liv. S. d,
965
22,268 »
38,997 3,977 1,800 12,673
» »
16 »
13 9
» »
18 »
8 6
» »
8 10
57,264 14,455
5,631
17,614 51,091
8,277
25,909 7,894
20,457 94,207
18 » 13 >>
1 3
» »
13 »
» »
19 »
14 «
» »
» »
11
37,409 18
» »
12 9
4 »
6 »
» »
» »
11 »
61,975 13 »
369,052 2,400 1,279
10,562 18,146
41,495
»
8,482
23,568 92,580
6 »
» »
16 6
19 »
15,076 » 8
11,679 11,365 4,364
» » » »
1,092,927 7 6
des
OFFICES ET DROITS.
liv. s. d.
3> » » 6
39 17 10,645 2
16,638 15 6
3,366 10 9
1,900 » » 23,208 18 6
11,910 19 7
7,383 15 11 1,450 18 » 5,018 1 1
20,507 2 6
12,330 10 »
734 2 »
» » »
11,113 » 6
22,777 14 »
60,185 8 »
7,497 8 »
24,382 18 »
37,181 5 8
» » »
179,905 16 8
6,851 » »
2,268 14 9
33 33 33
2,297 » »
2,596 8 6
24,778 15 5
22,140 10 6
» » »
14,481 18 4
» » »
12,168 12 11
63,263 15 8
12,150 12 2
6,138 11 »
9,544 14 »
6,702 6 »
643,561 3 5
DES VINGTIEMES.
liv. s. d.
1,463,335 14 1
22,235 2 6
1,508,929 1 3
891,467 » »
1,447,403 16 9
145,406 12 6
181,334 16 »
1,053,561 1 4
442,400 8 6
38,060 » »
1,263,343 3 3
2,015,712 2 9
1,135,126 » 6
75,340 8 2
645,788 19 2
3.146.964 16 »
1,846,099 7 11
2,050,050 3 9
1,911,478 » 10
454,705 19 6
1,089,000 » »
1,311,346 6 »
620,400 » »
341,550 » »
1,186,582 10 3
985,885 13 »
1,417,227 1 6
859,521 8 5
1.508.965 14 » 3,287,093 1 »
595,700 5 »
222,036 12 9
1,077,073 14 » 402,727 9 9
M
19 5
4,415,984 1 3
3,445,032 16 »
286,000 » »
1,514,944 14 9
26,400 » »
1,438,734 18 5
3,062,330 19 10
1,121,220 2 10
490,508 14 6
1,049,895 13 6
949,529 » 1
626,295 18 4
23,569 7 »
» » »
56,996,077 17 1
IMPOSITIONS ORDINAIRES,
réelles, personnelles ou mixtes.
taille,
subvention, etc., impositions ordinaires et capitation.
liv. s. d.
2,070,999 » »
47,000 » »
4,024,290 4 9
2,352,168 10 3
2,601,717 11 5
77,257 5 1
158,255 3 3
3,189,887 10 3
720,273 13 10
59,948 16 2
3,106,180 7 5
3,462,555 15 5
3,444,952 » 4
86,514 4 10
1,823,533 » 9
3,749,916 » 3
4,607,907 17 9
4,790,260 » »
3,497,974 18 2 951,943 16 8
3,278,599 13 3
2,678,220 13 6
1,811,454 18 8
860,164 7 5
1,203,454 18 7
3,775,899 14 11
3,452,025 8 5
1,690,049 7 9
4,692,257 13 6
7,315,363 1 9
2,699,461 13 10
729,405 2 1
» 33 »
1,901,335 » 9
871,540 11 6
5,263,330 7 5
3,406,109 15 3
9,346,002 13 3
259,718 4 5
4,870,731 5 4
13,770 10 »
6,166,411 10 8
6,365,376 5 4
2,799,390 » »
1,529,536 19 10
3,352,460 19 4
3,235,722 19 9
940,011 7 7
» 33 »
243,908 16 8
129,575,249 18 1
IMPOSITIONS
PROVINCIALES.
liv. s. d.
1,581,927 6 11
33 » »
435,666 19 6
889,355 3 2
379,493 16 4
11,272 3 3,
388,644 13 4 9,380 5 6
n 3) »
8,142 16 3 239,431 » »
861,120 3 5
835,256 3> 6
1) » 3>
3) 33 ))
33 33 3)
452,513 » 33
)> 33 ))
33 >3 Tj
479,140 18 »
352,255 6 3
245,189 19 5
334,043 13 1
3,905,867 17 6
245,400 12 2
74,484 17 9
» 33
270,631 15 124,053 2
607,708 6 2
33 )) ))
561,281 13 1 25,000 » 33 497,320 18 10
308,320 11 5
737,824 6 8
476,195 5 10
148,417 1 4
343,948 2 6
348,173 9 8
33 » 3)
16,177,461 5 9
imposées en sus des impositions ordinaires.
liv. s. d.
43,365 3» 1
983 6 8
84,179 12 9
33,029 4 8
54,703 8 3
1,551 18 10
3,040 5 4
67,632 1 3
49,768 12 7
1,707 17 33
58,553 w 1
71,895 16 2
71,224 2 2
6,649 11 2
38,715 10 10
33 3J »
95,434 7 4
99,076 8 1
72,874 18 4
23,798 11 10
65,217 4 6
54,643 3 7
» » 33
>3 » »
79,300 7 33
70,511 14 2
32,673 3 7
98,341 5 »
846,318 18 »
56,852 19 33
15,443 15 10
2,846 1,232
33 33 3> »
109,459 18 9
195,761 1 2
4,878 5 1
102,475 19 9
688 10 6
129,741 133,206
10 1
14 2 57,781 15 5
31,299 68,675
66,766 12 5
)) 33 »
» » 33
» 33 »
3,102,299 6 3
total
des
impositions
ordinaires.
liv. s. d.
3,696,291 8 3
47,983 6 8
4,544,136 17 »
3,274,552 18 1
3,035,914 16 »
90,081 6 11
161,295 8 7
3,257,519 11 6
1,158,686 19 9
71,036 18 8
3,164,733 7 6
3,534,451 11 7
3,516,176 2 6
101,306 12 3
2,101,679 11 7
3,749,916 » 3
5,564,462 8 6
5,724,592 8 7
3,570,849 16 6
975,742 8 6
3,343,816 17 9
3,185,376 17 1
1,811,454 18 8
860,164 7 5
1,203,454 18 7
4,434,340 19 11
3,874,792 8 10
1,967,912 10 9
5,124,642 11 1
12,067,549 17 3
3,001,715 5 33
819,333 15 8
33 33 ))
2,174,812 16 2
996,825 14 3
5,980,498 12 4
3,406,109 15 3
10,103,045 7 6
289,596 9 6
5,470,528 3 11
14,459 3> 6
6,604,473 12 2
7,236,407 6 2
3,333,367 1 3
1,709,253 12 4
3,765,084 5 »
3,650,663 1 10
940,011 7 7
» 33 »
243,908 16 8
148,855,010 10 1
ADDITION AUX IMPOSITIONS DIRECTES,
DÉTAILLÉES CI-CGSIRE..
Sommes imposées en 1789 pour charges des provinces qui ne l'ont point été en 1790.
§ Sommes représentatives de la prestation des chemins, qui n'ont point été imposées en 1790 dans quelques provinces.
lre Série. T. XXVI. — Feuille 34, p. 522.
Au Comité cles contributions publiques, le 1er mai 1791. La Rochefoucauld, Dauchy, Roederer, Defermon, d'Allarde, Dupont {de Nemours),
liv. s. d.
33 » ))
3> 33 33
33 » 33
33 » 33
33 33 ))
33 )> »
345,571 4 »
33 >3
33 33 33
336,502 10 »
375,109 10 »
373,203 4 33
» n 33
33 33 3)
33 33 33
33 33 »
» 33 3)
551,736 10 »
33 33 ))
360,274 4 »
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33
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33 33 33
» 3» 33
» » 33
33 33 33 33 33 »
410,720 3 7
33 33
226,400 » »
33 » » )) 33 33
1,693,670 3 11
33 33 33
64,334 » 33
» 33 >3
3) 33 )>
3) 33 »
3) 33 »
33 33 33
>3 » 33
33 33 ))
» 33 33
3> 33 33
33 33 33
33 >3 3)
4,737,521 9 6
augmentation sur la matiere imposable
indiquée pa? les nouveaux r&les des vingtièmes.
iadiquée par le produit doublé des rôles des six derniers mois 1789.
liv. s. d.
456,798 33 »
6,000 « »
505,007 16 7
343,000 » 33
566,320 6 9
33,510 4 3
36,714 16 3
261,208 19 2
209,650 8 3
16,137 » »
174,151 » »
391,360 19 33
345,019 33 »
8,498 17 10
189,158 33 «
286,445 17 8
731,961 33 33
862,570 10 33
552,879 16 »
53,550 7 »
265,649 33 ,,
401,462 12 33
>3 33 33
33 33 33
16,668 8 »
312,591 33 33
353,892 3 33
471,477 16 6
496,509 » »
1,285,982 7 6
227,220 33 33
124,166 7 »
86,000 33
490,123 12 191,975 17
6 33
876,835 8 3
952,700 18 9
1,632,063 » 33
50,000 33 33
575,746 17 5
4,400 33 »
272,072 » s
1,395,178 11 8
869,686 5 9
220,588 9 9
235,030 2 33
452,302 8 1
33 33 »
18,290,265 3 11
TOTAi
des sommes imposées en 1789 et non en 1790, et de l'imposition relative à l'extension de la matière imposable par la suppression des privilèges.
TOTAL GÉNÉRAL
des impositions, tel qu'il a été en 1790, ou aurait dû être, si l'on eût imposé partout les mêmes sommes qu'en 1789, et si la* cotisation des privilégiés, dans les impositions ordinaires, eût profité au Trésor public.
liv. s. d. liv. s. d.
530,580 » » 987,378 » »
4,560 » >3 10,560 >3 y>
468,377 9 10 973,385 6 5
1,372,000 3> 33 1,715,000 » »
1,530,622 19 4 2,096.943 6 1
53,750 » » 87,260 4 3
20,258 3 2 51,972 19 5
415,839 8 2 1,022,619 11 4
An w oCi
99,532 » » 309,182 8 3
5,600 » 33 21,737 » »
608,549 4 2 1,119,202 14 2
899,083 2 2 1,665,553 11 2
1,006,200 33 » 1,724,422 4 »
17,993 17 10 26,497 15 8
203,231 4 6 392,389 4 6
917,639 19 2 1,206,085 16 10
649,652 15 8 1,381,613 15 8
1,904,779 2 >3 2,767,349 12 >3
1,251,180 5 10 2,355,796 11 10
159,419 33 33 212,969 7 >3
639,824 19 33 1,265,748 3 33
493,011 15 10 894,474 7 10
» » » 33 » )3
33 33 » >3 33 33
33 » >3 16,668 8 33
921,175 1 10 1,233,766 1 10
863,652 3 4 1,217,544 6 4
405,203 15 6 876,681 12 »
450,043 1 33 946,552 1 >3
700,833 33 33 2,397,535 11 1
327,439 13 8 554,659 13 8
118,950 16 10 243,117 3 10
'33 y> » 312,400 >3 33
270,600 33 33 760,723 12 6
124,050 33 33 316,025 17 3>
858,039 14 6 1,734,875 2 9
99,698 5 6 2,746,069 8 33
4,437,697 16 10 6,069,760 16 10
158,063 16 6 272,397 16 6
512,071 9 2 1,087,818 6 7
7,515 » 33 11,915 » 33
705,469 17 6 977,541 17 6
1,126,246 11 10 2,521,425 3 6
1,044,117 2 8 1,913,803 8 5
415,755 16 4 636,344 6 1
350,075 33 » 585,105 2 >3
360,321 2 4 812,623 10 5
33 » » >3 )> 33
33 33 » >3 33 >3
» 33 33 » 33 »
27.510.709 12 33 50,538,496 5 5
liv. s. d.
6,147,005 80,778 7,026,451 5,881,019 6,580,261 322,748 399,603 5,333,700
1,910,269
130,833
5,547,279
7,215,717 6,375,724 206,144 3,139,857 8,102,966
2 4 9 2 4 8
18 1 18 10
3 8
16 6 18 8 4 11
6
8,792,175 12 1 10,541,992 4 4
7,838,124 1,643,417
5,698,565
5,391,197
2,431,854 1,201,714 2,406,705 6,553,992 6,509,563
3,704,115 7,580,160 17,752,178 4,152,075 1,284,487
312,400 4,012,610 1,715,579
9,614,202 14 6
10,568,163 19,617,839 847,994 8,073,291 52,774
9,020,750 12,820,163
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2,836,106 5,400,085
5,412,815 1,566,307
12 8 >» 6
12 4
5 11
267,428 3 8
256,389,584 12 7
TABLEAU N° 2.
ÉTAT GÉNÉRAL
suivant les anciennes divisions par généralités, des impositions directes et indirectes
prises pour bases élémentaires de répartition des contributions foncière et mobilière.
EXPLICATION.
ARTICLE PREMIER.
Impositions directes, telles qu'elles auraient dû être réparties en 1790, si la contribution des privilégiés avait été ajoutée à celles que supportaient les anciens contribuables en 1789.
Article 2.
Impôts indirects perçus sur la consommation des habitants de chaque territoire.
1° L'impôt du sel. On a distrait de la perception effective : 1° la valeur du sel en frais d'achat et de transport ; 2° les bénéfices légitimes du commerce ; 3° les 10 sols pour livre de la perception brute, conformément au décret rendu en 1790 pour le remplacement de la gabelle.
2° L'impôt du tabac. On a fait distraction : 1° de 18 sols par livre pour la valeur du tabac et les bénéfices légitimes du commerce; t" de 12 sols par livre pour l'évaluation des 4 sols pour livre dont était grevé cet impôt ; on a pensé qu'il convenait de suivre à cet égard les principes décrétés pour l'impôt du sel.
3° Droits à l'enlèvement et à la fabrication sur les boissons, les huiles et les fers. On doit les considérer comme un impôt qui grevait directement les boissons du territoire qui y était assujetti. Il a paru juste de déduire lés 10 sols pour livre sur le produit brut des perceptions, ainsi qu il a été décrété pour la gabelle.
4° Droits perçus à la vente en détail sur les boissons et quelques marchandises ; genre de contribution qui était à la charge particulière des provinces y assujetties. Les motifs ci-dessus expliqués ont déterminé à rejeter les 10 sols pour livre des éléments de répartition.
5° Droits de contrôle, centième denier et insinuation, qui sont une charge effective des propriétés et des habitants des provinces sujettes à ces droits. Les raisons exposées ci-dessus ont fait diminuer les 10 sols pour livre sur ces perceptions ; mais on n'a fait aucune déduction sur le montant des abonnements consentis en faveur des provinces belgiques et autres qui s'étaient rédimées de la perception par des abonnements. Le prix de ces abonnements était au moins d'un tiers au-dessous du produit qui serait résulté de la perception effective.
6° Droits d'entrée dans les villes, d'inspecteurs aux boucheries et des papiers et cartons. Ces droits étaient perçus, tant au profit du Trésor public qu'à celui des villes et des hôpitaux. On a pense qu'ils ne devaient être considérés comme une charge spéciale des généralités où les villes sont situées que jusqu'à concurrence de moitié des droits principaux, et que le surplus devait être employé, comme éléments généraux de répartition, au marc la livre des impositions directes de toutes les généralités, d'où partaient les approvisionnements des villes.
Mais indépendamment de cette mesure, il a paru nécessaire et juste de faire déduction, sur le produit des droits d'entrée de Paris, d'une somme de 6 millions, qui était employée par le Trésor public pour les dépenses locales de la municipalité de Paris, qui seront désormais à sa charge; ainsi, sur la moitié des droits principaux employés dans les bases élémentaires de répartition de la ville de Paris, il a été fait déduction de 2 millions rejetés dans la colonne des sommes non employées dans les bases de répartition.
ARTICLE 3.
Impôts indirects communs à la majeure partie des généralités dont le royaume était composé.
1° Droits sur les procédures et formule. On ne pouvait pas les comprendre comme éléments de répartition, suivant les localités de la perception, parce que les départements où était le siège des tribunaux supérieurs au-raient été grevés énormément, tandis que les autres, qui profitaient de la justice, ne contribueraient nullement à l'impôt. Ces motifs ont déterminé à employer la masse de leur produit comme éléments de répartition, au marc la livre des impositions directes de chaque généralité, à l'exception de celles où les droits de cette nature n'étaient point en usage; mais on a fait déduction des 10 sols pour livre sur les perceptions effectives, par les principes qui ont déterminé cette réduction sur l'impôt du sel.
2° Droits d'entrée sur les importations de l'étranger ; droits intérieurs et de circulation sur le commerce national. Ils sont employés comme éléments de répartition, au marc la livre des impositions directes de toute
les généralités, comme étant communs à tout le royaume, à l'exception néanmoins de celles de Strasbourg, Metz et Nancy, de Bayonne et du pays de Labour, de Marseille et de son territoire, et de la haute ville de Dunkerque, qui, étant réputées étranger effectif, n'acquittaient point ces droits ; on a pensé qu'il était juste de faire déduction des 10 sols pour livre sur les perceptions effectives.
On a employé, sans déduction des 10 sols pour livre, à ^'article des trois généralités ci-dessus dénommées, et à celui de la généralité d'Aix, les droits locaux de ces provinces et de la ville de Marseille, qui portaient sur leur commerce, soit intérieur, soit extérieur, parce que la localité de cette perception est clairement connue, et que ces lieux privilégiés étaient extrêmement favorisés quant à l'impôt.
3° Droits de consommation sur les marchandises coloniales. On a suivi les mêmes principes que sur les droits de traites. Ces droits ne sont point employés comme éléments de répartition quant à l'Alsace, la Lorraine et les trois évêchés, à la ville et territoire de Marseille, à Bayonne, au pays de Labour et à la haute ville de Dunkerque, qui n'y étaient point assujettis ; ils ne le sont que pour les cafés, relativement àl a Bretagne et à la Franche-Comté, qui jouissaient de l'exemption du droit sur les autres marchandises coloniales. A l'article de la Bretagne, on a employé comme éléments de répartition le droit local de prévôté, perçu sur les marchandises des îles importées dans cette province, mais seulement jusqu'à concurrence de sa consommation.
ARTICLE 4.
Impôts communs à la totalité du royaume.
Ils sont compris dans les bases élémentaires de la répartition au marc la livre de toutes les impositions directes de chaque généralité, et sans déduction des 10 sols pour livre, comme formant une charge commune et générale.
Ces objets sont : 1° le surplus des droits d'entrée dans les villes ; 2« le droit de domaine d'occident sur les marchandises coloniales consommées en France, droit perçu sur la totalité des importations, sans exception ni restitution pour celles qui passent à l'étranger ; 3° les droits de fabrication sur les amidons, les cartes à jouer, les cuirs ; 4° la marque d'or et d'argent et les affinages, dont la perception affectait également toutes les parties de l'Empire; 5° les droits perçus à la circulation et au passage sur les boissons, quelle que fût leur destination, et qui, conséquemment, devenaient une charge commune à tout le royaume, sans aucun privilège ni exception.
ARTICLE 5.
Les parties d'impôt qui ne sont point employées dans les éléments de la répartition sont : 1° les 10 sols pour livre de l'impôt du sel, des droits d'enlèvement sur les boissons, les huiles et les fers ; des droits à la vente en détail sur les boissons ; des droits de contrôle, centième denier et insinuation ; des droits d'entrée et de circulation ; et finalement du droit de consommation sur les marchandises coloniales consommées en France ; 2° 12 sols par livre pesant sur l'impôt du tabac, par évaluation des 4 sols pour livre auxquels cet impôt était assujetti.
Nota. — Cette dernière déduction n'a point été faite à l'article de la généralité de Besançon, dans laquelle le privilège de la vente exclusive du tabac n'avait pas lieu, et où le fermier vendait, en concurrence avec le tabac du crû de la Franche-Comté, au prix de 50 sols ia livre, ce qui faisait un impôt de 32 sols par livre, déduction faite de la valeur intrinsèque et des bénéfices du commerce.
Tableaux 2 (suite), 3 et 4.
Tableau n° 2 (Suite).
Tableau n° 2 [Suite).
ANCIENNES GÉNÉRALITÉS.
I
Aix.
Alençon........
Alsace et Strasbourg.
Amiens........
Aucli et Pau—
SUPERFICIE en
LIEUES
carrées de 25 au degré.
Besançon.
1,625 1/2 1,393,162
Bourges......... 686 1/2 528,424
Caen............ 583 1/2 654,082
1,226 1/4 800,706
Dijon.
Grenoble----
La Rochelle.
Lille....
Limoges Lyon...
Metz,
Montauban. Montpellier.
Moulins....
Nancy .....
Orléans _____
Paris (ville). Paris (Gté de
Perpignan... Poitiers.....
Rennes
Riom. Rouen
Soissons Tours...
Valenciennes..,
Ile de Corse.
Totaux
1,146 464
529 1/3 458 1,453 1/2
871 1/2
POPULATION de 1781.
1,184
1,024 464
414 1/2 854
416 1/4
514
583 3/4 2,140 3/4
897
894 1,021 1/4
1,157 180 1/3
1,057 1/4 1,774 1/2
651
587 1/2
445 1/9 1,388 1/4
257 1/4 540
26,590
716,202
533,728 651,664
530,062 866,946
707,278
1,171,230
669,812 471,285
724,620 647,686 617,266
357,884
541,294 1,693,718
648,830
846,218
707,304
670,692 1,090,726
118,196 686,010
2,274,974
195,708
731,978
429,260 1,349,452
260,695 124,000
IMPOSITIONS
DIRECTES
de
toutes sortes
24,787,002
liv.
6,227,76
7,026,451 5,881,020
7,302,613 7,374,805
5,547,279
13,797,586
3,139,858 8,792,176
10,541,992
9,481,542
5,698,565 5,391,198
6,040,275 6,553,993 6,509,564
3,704,116
7,580,160 17,752,178
5,436,563
6,040,589
9,614,203
10,568,163 19,617,839
847,994 8,126,065
8,102,967
9,020,750
12,820,163
6,368,391 13,649,008
1,566,307
256,389,584
IMPOTS INDIRECTS Partiecliers à chaque généralité, employés comme éléments de répartition, dans la proportion des perceptions effectives, à la déduction des 10 sols pour livre. IMPOTS INDIRECTS Communs à la presque totalité des généralités, et qui sont employés dans les éléments de répartition, dans la proportion des perceptions effectives, à la déduction des 10 sols IMPOTS INDIRECTS communs atout le r oyau-me, employés TOTAL des impôts TOTAL des impôts di-
Droits Moitié des pour livre et au marc la livre de l'imposition directe des généralités y assujetties. dans les éléments de la répartition, sur le taux des perceptions effectives, au marc la livre des impositions directes de chaque généralité. indirects employés comme cléments de répartition. rects et indirects de chaque ancienne généralité, employés comme bases élémentaires de répartition.
IMPÔT du SEL. IMPÔT du TABAC. a l'enlèvement et fabrication sur les boissons, les huiles, et les fers. Droits à la vente en détail sur les boissons. droits principaux aux entrées des villes, de ceux d'inspecteurs aux boucheries, et des papiers et arto ns. Insinuation, centième denier, contrôle des actes. TOTAL. Formule, contrôle des exploits, et droits sur les procédures. Droits intérieurs et de circulation sur le commerce national. Droit de consommation sur les marchandises coloniales. TOTAL.
liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv. liv.
1,042,033 306,912 » » 50,842 775,445 2,175,232 251,691 383,089 70,702 705,482 1,722,372 4,603,086 10,830,870
2,153,002 351,114 27,500 356,507 221,990 508,884 3,618,997 283,988 376,939 92,014 752,941 1,943,203 6,315,191 13,341,6421
» » » 85,175 270,068 40,000 395,243 20,023 486,316 7) 506,339 1,626,470 2,538,052 8,409,07â|
1,908,556 1,091,590 71,800 570,528 419,778 450,269 4,512,521 295,142 391,755 95,630 782,527 2,019,628 7,314,676 14,617,289j
271,499 1,121,600 » » 408,266 646,294 2,446,659 298,070 395,640 96,562 790,272 2,039,623 5,277,554 12,652,459
629,311 495,000 » » 125,853 480,864 1,731,028 142,547 297,188 14,859 454,594 1,534,170 3,719,972 9,267,071j
587,707 1,541,480 T> XI 627,176 1,018,064 3,774,427 557,652 729,125 179,983 1,466,760 3,815,896 9,057,083 22,854,669 t
1,315,486 443,752 103,069 288,854 179,757 217,430 2,548,348 126,913 168,443 41,155 336,511 868,368 3,753,227 6,893,085j
1,401,174 1,025,632 22,750 584,480 451,584 514,237 3,999,857 355,348 471,658 115,138 942,144 2,431,586 7,373,587 16,165,763j
2,904,585 978,738, 829,328 926,282 590,840 541,104 6,770,517 426,076 565,535 138,050 1,129,661 2,915,522 10,815,700 21,357,692j
3,190,662 916,378 67,191 188,487 419,839 850,546 5,633,103 383,215 508,330 123,107 1,014,652 2,622,239 9,269,994 18,751,536j
1,899,358 568,650 » D 214,527 494,112 3,176,647 230,314 305,704 74,624 610,642 1,576,009 5,363,298 11,061,863j
158,225 329,144 73,521 466,165 275,630 373,050 1,675,734 217,911 289,216 70,559 577,786 1,491,003 3,744,423 9,135,621j
104,743 » 241,871 1,847,104 869,861 502,424 3,516,003 56,626 314,326 76,821 447,773 1,670,513 5,684,289 ll,724,564j
280,664 926,830 3,491 101,920 178,829 347,552 1,839,286 264,891 351,595 85,826 702,312 1,812,588 4,354,186 10,908,179|
1,675,184 870,376 5,638 372,384 1,097,161 430,379 4,451,122 263,092 349,212 85,245 607,540 1,800,302 6,948,973 13,458,537|
654,908 336,346 60,995 » 127,650 209,077 1,388,976 149,705 177,400 » 327,106 1,024,420 2.740,501 6,444,617j
749,873 462,242 » » 119,212 391,114 1,722,441 306,362 406,644 99,264 812,270 2,096,388 4,631,099 12,211,259j
3,749,550 1,756,790 » 1,054,000 1,188,257 1,310,560 9,059,157 718,024 956,331 246,467 1,920,822 4,909,587 15,889,566 33,661,744|
949,891 374,560 46,385 244,243 172,808 295,648 2,083,535 219,737 291,649 71,193 582,579 1,503,550 4,169,664 9,606,227j
1,375,012 666,69ft 41,323 71 90,101 368,177 2,541,303 244,141 220,161 » 464,302 1,670,601 4,676,206 10,716,795j
2,869,717 696,090 80,263 759,902 376,835 413,880 5,196,790 388,575 515,762 125,900 1,030,237 2,658,928 8,885,955 18,500,158j
2,181,003 3,917,109 2,265,744 1,269,414 » 1,433,767 » 2,925,806 ^9,227,371 538,329 730,086 938,857 14,404,209 11,023,282 427,129 792,888 566,938 1,052,416 138,390 258,929 1,132,457 2,104,233 2,922,802 5,425,559 18,429,468 18,553,074 29,027,631! 38,170,913)
126,269 74,870 22,756 903 62,537 70,363 357,698 34,281 45,492 11,105 90.878 234,522 683,098 1,531,092j
244,159 446,592 12,711 604,170 251,403 412,216 1,971,251 328,430 435,930 106,453 870,813 2,247,365 5,089,429 13,215,494j
» 3,391,260 » 4,000,000 1,378,977 1,130,277 9,900,514 328,494 439,144 40,904 808,542 2,240,977 12,950,033 21,053,000j
519,081 462,712 » » 121,223 395,529 1,498,545 364,591 483,927 112,672 961,190 2,493,371 4,953,106 13,973,856J
2,919,750 1,236,760 515,291 892,850 985,314 676,679 7,126,644 518,144 687,749 167,883 1,373,776 3,545,577 12,045,997 24,866,150j
1,607,255 384,772 4,789 661,022 202,046 331,353 3,191,237 257,393 341,638 83,398 682,429 1,761,258 5,634,924 12,003,315j
4,103,184 1,483,674 117,668 1,290,057 533,776 867,961 8,396,320 551,647 732,213 178,738 1,462,598 3,774,803 13,663,721 27,282,729|
37,924 » 13,300 696,591 262,253 125,536 1,135,604 15,073 84,026 20,513 119,612 433,177 1,688,393 3,254,700j
46,752 » » y> 3,000 18,050 67,801 2,807 117,368 » 120,175 6,000 193,977 461,405|
45,473,630 26,275,712 3,795,407 18,917,430 22,042,836 16,876,017 133,381,031 9,820,920 13,938,859 3,022,084 26,781,863 70,838,427 231,001,322 487,391,006
OBSERVATIONS.
Cette généralité était sujette aux petites gabelles, à l'exception de la sénéchaussée d'Arles, franche de l'impôt du sel, et de la vallée de Barcelonnette, où le prix principal était équivalent à la valeur à laquelle les frais d'achat, de transport, et les bénéfices de commerce élevaient le sel.
La ville de Marseille et son territoire étaient exempts des droits de traites et droits de consommation. — Les droits d'aides n'avaient point lieu dans cette généralité.
Cette généralité était sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception de l'élection de Domfront, qui ne payait, sur le sel, que le droit de quart-bouillon.
Ni aides, ni tabac, ni gabelles, ni droits de traites ; mais la vente des boissons en détail était sujette au droit de Mas-phaneng; le commerce intérieur et extérieur acquittait des droits locaux, connus sous le nom de péages d'Alsace.
Sujette aux grandes gabelles, à l'exception du Calaisis, Ardresis, Boulonnais et gouvernement de Montreuil, francs de l'impôt du sel, et qui ne devaient que de modiques droits sur ceux importés pour leur consommation. Le port de Saint-Valéry jouissait de l'exemption de la gabelle.
Cette généralité faisait partie des provinces rédimées des gabelles, qui n'étaient sujettes qu'à de modiques droits, revenant, en principal, à 2 liv. 5 sols par quintal ; le Béarn, la Basse-Navarre, le pays de Soûle et le Nébousan étaient francs de ces droits.
La gabelle était à un prix modéré. Cette province ne faisait point partie du privilège de la vente exclusive du tabac; mais la ferme y vendait, en concurrence avec le commerce libre, au prix de 50 sols la livre ; son débit était de 330,000 livres de tabac; l'impôt, déduction faite de la valeur et des bénéfices légitimes du commerce était conséquemment de 32 sols par livre. Il n'est employé qu'à raison de 30 sols dans les bases de répartition.
Cette généralité faisait partie des provinces rédimées, qui ne devaient que de modiques droits sur le sel. Bayonne et le pays de°Labour en étaient francs et ne faisaient point partie delà vente exclusive du tabac; ils étaient pareillement exempts des droits de traites et de celui de consommation sur les marchandises coloniales.
Sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception d'une partie de l'élection du Blanc en Berry, qui dépendait des provinces rédimées des gabelles.
Sujette aux aides et au droit de quart-bouillon sur le sel, à l'exception de l'élection de Caen, et de partie de celle de Bayeux, qui étaient sujettes aux grandes gabelles.
Sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception du Rêtelois et des villes de Rocroi et Charleville, ainsi que de la prévôté de Vaucouleurs et de quelques paroisses limitrophes du Clermontois, où le prix du sel était modéré et à peu près au taux de la Franche-Comté.
Les aides n'avaient lieu que dans le comté de Bar-sur-Seine et dans le Méconnais, où ils étaient abonnés aux Etats du Maçonnais. La Bourgogne était sujette aux grandes gabelles. Le Maçonnais, la Bresse et le Bugex, le Valronay et les Dombes faisaient partie des petites gabelles, quoique le prix du sel y fût très élevé. Le pays de Gex était rédimé, par un abonnement, de la gabelle, du tabac, du contrôle et des traites. Quelques paroisses de la Bourgogne, limitrophes de la Franche-Comté, jouissaient d'une modération sur l'impôt du sel.
Cette province n'était point sujette aux aides ; elle faisait partie des petites gabelles ; le prix du sel y était peu élevé ; mais le Briançonnais jouissait d'une modération plus considérable.
Province sujette aux aides et faisant partie des provinces rédimées. La banlieue de la Rochelle, l'élection de Marennes, les îles de Ré et d'Oléron étaient exemptes du droit de la traite de Charente sur les sels; ces mêmes îles étaient exemptes des aides, et l'élection de Marennes en était rédimée par un abonnement.
Généralité franche de l'impôt du sel, mais sujette à de modiques droits sur cette denrée. Les aides n'y avaient point lieu ; mais divers droits à l'enlèvement, à la fabrication, à la vente en détail, aux entrées des villes n'étaient pas moins onéreux que les droits d'aides et autres confiés à la régie générale.
Généralité faisant partie des provinces rédimées, exempte des droits d'aides, à l'exception des élections de Bourganeuf et Angoulème, où leur perception avait lieu.
Sujette aux aides et aux petites gabelles. On a fait distraction sur le produit des droits d'entrée dans la ville de Lyon, du droit sur les soies étrangères, qui était un droit de traites, aliéné, moyennant finance, à la ville de Lyon, et qui est compris dans les droits d'entrée sur les importations de l'étranger.
Généralité sujette aux gabelles locales. L'impôt du sel y était équivalent à celui des petites gabelles du Lyonnais ; mais la principauté de Sedan et la souveraineté de Raucour étaient franches de tout impôt sur le sel.
Les droits de traites et ceux de consommation sur les marchandises coloniales n'avaient point lieu dans cette province, qui était, ainsi que la Lorraine, sujette à divers droits locaux sur son commerce, tant intérieur qu'extérieur.
Le Rouergue faisait partie des petites gabelles ; le Quercy dépendait des provinces rédimées ; les aides n'avaient lieu dans aucune de ces deux provinces.
Cette généralité comprend tout ce qui formait la province du Languedoc. Les petites gabelles y étaient établies.^ Les aides n'y étaient point connues; mais le droit des équivalents, perçu au profit des Etats, les remplaçaient et étaient de même nature.
Province sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception de partie des élections de Gannat et Montluçon, dépendantes des provinces rédimées et des élections de Guéret et Combrailles non sujettes aux aides et faisant partie des provinces rédimées.
La Lorraine était sujette aux gabelles locales, équivalentes à celles du ûauphiné.
Les droits de traites et celui de consommation sur les marchandises coloniales n'y étaient point perçus; mais leur commerce intérieur et extérieur était sujet à divers droits locaux.
Généralité sujette aux aides et aux grandes gabelles. Les aides dans les élections d'Orléans, Pithiviers et Montargis étaient perçues au profit de l'apanagiste; ces perceptions sont comprises au présent état.
Sujette aux grandes gabelles. Les droits d'entrée réunissaient les aides, les droits réservés et autres de cette nature.
Sujette aux grandes gabelles et aux droits d'aides.
Le Roussillon faisait partie des petites gabelles ; le sel y était à un prix modéré. Cette province acquittait le droit sur les huiles à la fabrication.
Cette généralité faisait partie des provinces rédimées des gabelles, à l'exception de l'élection des Sables d'Olonne et de partie de celles de Fontenay, Châtillon et Thouars, qui jouissaient d'une franchise absolue sur la consommation du sel.
Cette province était exempte de tout impôt sur le sel ; elle n'était point sujette aux aides ; mais cet impôt était remplacé par les impôts et billots abonnés aux Etats, et par les devoirs, droits perçus sur la vente en détail. Ces droits formaient une ferme particulière, adjugée tous les deux ans par les Etats ; elle comprenait les bénéfices du commerce sur les boissons, et principalement sur l'eau-de-vie. On a fait distraction de ce bénéfice ainsi que des 10 sols pour livre sur le produit principal des devoirs et des impôts et billots.
La Bretagne ne devait le droit de consommation que sur les cafés, et quelques droits locaux sur les marchandises coloniales.
Partie de l'Auvergne était sujette aux petites gabelles ; partie dépendait des provinces rédimées ; les aides y avaient été remplacées par un accroissement sur les contributions foncières.
Généralité sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception, 1° de quelques ports qui jouissent de la franchise du sel ; 2° de partie des élections de Pont-l'Evèque et Pont-Audemer, qui avaient le privilège de n'acquitter que le droit de quart-bouillon sur moitié de leur consommation en sel, et qui devaient l'impôt des grandes gabelles sur l'autre moitié.
Généralité sujette aux aides et aux grandes gabelles ; mais quelques paroisses limitrophes des provinces franches jouissaient d'une modération sur le prix du sel.
Généralité sujette aux aides et aux grandes gabelles, à l'exception d'une seule paroisse, faisant partie des provinces rédimées.
Généralité franche de la gabelle, mais sujette à quelques droits locaux sur le sel ; elle était franche de l'impôt du tabac, quoique la ferme générale y eût une vente exclusive, qu'elle tenait à bail des Etats du Hainaut. Les aides n'y avaient point lieu; mais elles y étaient remplacées par des droits particuliers à la fabrication et à la vente au détail, dont la perception n'était pas moins onéreuse.
Les impositions directes de Corse se payaient en nature. Le prix du sel y était à un prix modéré, et l'impôt n'est calculé que sur l'excédent de prix au delà de la valeur intrinsèque et des bénéfices légitimes du commerce, déduction faite des 10 sols pour livre ; le tabac et les aides n'y étaient point établis. Les droits de traites étaient de 15 0/0 sur les importations de l'étranger, de 7 1/2 0/0 sur celles de France. Le contrôle et l'insinuation d'un taux fixe étaient d'un produit insuffisant pour compenser les frais de perception.
Sols pour livre, dont le produit n'est point employé dans ïes bases élémentaires de la répartition des contributions foncières et mobilières.
liv.
1,266,943
2,004,750 52,599
2,219,316 1,134,432
845,311
1,998,710
1,263,800 2,040,087
3,459,102
2,915,635
1,672,650 923,066
1,330,745 996,019 1,849,685
638,745
1,115,301 4,544,503
1,171,742 1,214,282
2,785,827
4,701,499 6,040,210
178,047 1,206,012
3,986,788
1,076,714
3,510,202
1,758,856 4,365,886
433,714
92,448
64,793,626
série. T. XXVI. — Feuille 34, p. 532,
Au comité des contributions publiques, le lor mai 1791. La Rochefoucauld, Dauchy, Roederer, Defermon, D'Allarde, Dupont (de Nemours).
I
TABLEAU N° 3. ÉTAT GÉNÉRAL DES IMPOSITIONS DIRECTES DES 83 DÉPARTEMENTS.
DÉPARTEMENTS.
1. Ain.................
2.
3. Allier...............
4. Alpes (Hautes-).......
5. Alpes (Basses-).......
6. Ardèche.............
7. Arderines............
8. Ariège...............
9. Aube................
10. Aude................
11. Aveyron.............
12. Bouches-du-Rhône____
13. Calvados............
14. Cantal..............
15. Charente............
16. Charente-Inférieure..
17. Cher................
18. Corrèze..............
19. Corse...............
20. Côte-d'Or............
21. Côtes-du-Nord.......
22. Creuse..............
23. Dordogne...........
24. Doubs...............
25. Drôme..............
26. Eure................
27. Eure-et-Loir.........
28. Finistère ............
29. Gard..............
30. Garonne (Haute-).....
31. Gers...............
32. Gironde............
33. Hérault.............
34. Ille-et-Vilaine.......
35. 36. Indre.............. Indre-et-Loire.......
37. Isère................
38. Jura.............,
39. Landes.............
40. Loir-et-Cher........
41. Loire (Haute-).....
42. Loire-Inférieure.....
43. Loiret.............
44. Lot.............
45. Lot-et-Garonne......
46. Lozère..........
47. Maine-et-Loire.......
48. Manche............
49. Marne.........
50. Marne (Haute-).......
51. Mayenne.........
52. Meurthe.........
53. Meuse...........
54. 55. Morbihan........ Moselle..........
56. Nièvre........
57. Nord...........
58. Oise............
56. Orne........
60. Paris..........
61. Pas-de-Calais........
62. Puy-de-Dôme.......
63. Pyrenees (Hautes-)...
64. Pyrénées (Basses-)____
65. Pyrénées-Orientales..
66. 67. 68. Rhin (Haut-)........
Rhône-et-Loire.......
69. Saône (Haute-).......
70. Saône-et-Loire.......
71. Sarthe...........
72. Seine-et-Oise.....
73. Seine-Inférieure.......
74. Seine-et-Marne.......
75. Sèvres (Deux-).......
76. Somme...........
77. Tarn...........
78. Var............
79. Vendée...........
80. Vienne...........
81. Vienne (Haute-)......
82. Vosges...........
83. Yonne...........
Totaux...
des
biens fonds.
liv. s. d.
459,252 4 849,610 7 357,0S3 5 131,959 18 151,942 14 224,169 5 460,439 2 152,810 6 503,240 19 427,908 15 673,188 15 976,595 3 1,332,612 14 518,407 12 575,872 8 1,045,724 3 304,956 7
353.082 19 23,519 7
785,055 9 775,402 10 215,188 8 699,544 10 359,079 » 346,872 13
948.083 5 801,414 8 542,456 5 351,285 13 664,263 5 628,412 16
1,464,286 16 582,303 7 722,425 » 253,099 19 401,570 19 590,568 13 440,732 » 220,187 2 383,031 5 338,108 15 574,099 2 646,333 17 835,776 18 717,930 14 143,899 7 711,395 5 1,060,803 4
779.084 10 426,297 » 539,895 17 803,342 3 393,249 18 547,002 3 631,522 2 379,667 7
1,570,849 15 876,490 1 764,617 13 4,721,654 10
1.462.567 3 814,337 7 176,053 12 291,468 18 295,954 391,725 -492.492
1,287,752 9 477,573 4 880,709 19
668.232 18
1.418.568 3 1,856,449 17
751,842 9 516,794 » 1,161,350 11 442,734 9 338,603 » 591,079 » 410,475 17
332.233 8 378,985 15 661,974 10
5 10
2
2 »
1
4
6
9 »
6 7
7
»
9 5
10
55,259,589 6 7
VINGTIEMES
de
l'industrie.
liv. s. d
18,463 1,989 2,375 26 15,483 10,878 891 13,083 63,201
965 23,045 5,484 3,364 8,966 3,118 5,278
» «
16 »
7 »
9 6
9 6
18 6
7 3
14 »
10 6
10 »
» »
16 »
12 ,,
13 3
18 »
10 6
11 s
10 »
4,276 15 »
450
2,638 »
11,040 11,698
11,853 »
90,124 24,449 7,039 56,702
94,955 »
1,679 10,916
12,467
»
3,,016 9,428 18,871
16 3 10 10 15 »
39,477 7 »
10,130 9,792 10,739 5,414 24,354 9,622 2,280 14,310
17,038 »
22,082 4,038
11,189 7,157 716 5,777 16,761 229
1,453 »
»
94,207
3.065 24,787 83,026 3,002 2,712 30,914
51,039
»
1,320 4,660 10,646 3,729 11,017
9 6
8 6
17 * 15 6
8 6
11 6
13 2
12 5
15 7
» »
3 »
13 » » »
6 9
18 »
2 »
» »
3 3
7 »
*> »
14 4
» »
» »
11 »
« »
» »
14 3)
8 » 3 4 3 10
16 10 9 11
7 7
» »
6 6
16 2
11 a
15 »
1,092,927 7 1
des
offices et droits.
liv. s. d
11,676 3,687 1,884 26 7,673 5,422 1,384 2,523
30,781 »
39
11,924 3,338 5,915
20,326 2,860 1,706
» »
18 1
15 »
15 11 13 6
3 6
16 » 16 5 11 9
17 6
6 10 16 3 6 6 4 6 8 11 13 »
506 13 »
2,954
3,825 »
2,723 7,309 6,103
43,510 21,114 12,154 10,699 45,863 14 5
12 3 >» 10 17 11
14 2
1,849 8,590
6,478 »
2,904 5,311 9,449
3 » 6 8
4 11
13,024 12 4
2,875 4,769 5,733 8,838 5,169 3,851 3,076 6,036 7,493
y>
17,321
3,247 »
5,255 4,920 491 65,452 8,200 1,083 1,450 634
5 » 9 »
10
12 9
15 6
s 23
14 8
18 9
» »
4 2
5 9 3 »
18 9
17 3 » 1
18 » 11 »
24,158 10 » » » »
13 4 » 4,343 18 » 8,412 » 5 59,735 19 10 6,740 17 6 4,902 13 11 14,529 5 3 24,858 1 »
2,641 18 7,407 5 2,505 8 8,249 3 4,615 3
643,561 3 5
des (vingtièmes.
IMPOSITIONS ORDINAIRES,
réelles, personnelles ou mixtes.
taille,
subvention, etc., impositions ordinaires et capitation.
impositions
provinciales.
liv. s. d. liv. s. d. liv. s. d. liv. s. d. liv. s. d.
459 252 4 6 956 749 13 5 700 11 7 23 902 15 » 981 353 j» 33 l
879 751 1 7 2,160 247 16 4 362,572 19 5 45 224 10 8 2,568 045 6 5
362 730 7 8 1,315 246 16 4 119,461 7 11 26 988 18 3 1 461 697 2 6 *
136 220 4 2 448 346 12 5 3) » n 8 962 1 11 457 308 14 4 §
151 995 17 6 579 674 8 10 193,229 8 2 12 076 11 4 784- 980 8 4
247 326 7 1 641 657 19 5 268,795 15 1 67 057 13 4 977 511 7 10 *
476 740 5 8 1,164 121 13 4 190,194 8 3 24 104 19 8 1 378 421 1 3
155 086 17 1 426 732 1 9 97,059 » 10 17 789 9 6 541 580 12 1 *
518 848 1 6 1,163 364 7 11 160,133 16 7 24 139 19 5 1 347 638 3 11 *
521 891 14 5 1,048 664 10 7 646,381 10 6 129 321 17 4 1 824 367 18 5 *
673 188 15 9 2,266 829 16 4 161,882 18 4 47 742 13 1 2 476 455 7 9
977 600 16 10 819 383 2 6 599,542 2 11 16 945 » >3 1 435 870 5 5
1,367 582 13 6 3,056 193 11 2 465,860 16 3 61 322 16 10 3 583 377 4 3
527 231 1 6 2,463 558 10 8 123,177 18 7 53 303 9 2 2 640 039 18 5
585 152 12 9 1,794 477 16 1 250,782 8 6 37 099 10 10 2 082 359 15 5 §
1,075 016 18 » 2,103 608 19 6 345,225 13 6 40 554 11 5 2 489 299 4 5
310 935 7 5 782 410 3 11 101,742 » 4 16 484 18 8 900 637 8 11
360 068 2 9 1,359 161 19 3 172,221 3 2 29 054 2 7 1 560 437 5 3»
23 519 7 » 243 908 16 8 » » y> 3» j> 33 243 908 16 8
789 838 17 2 1,539 013 7 1 12,281 » 10 32 137 6 1 1 583 433 14 i; *
775 402 10 5 778 445 16 2 » s 3» 31 » » 778 445 16 2
218 593 11 8 1,299 161 15 4 125,526 18 8 26 578 9 1 1 451 267 3 1
706 007 18 2 1,781 205 3 11 5,783 1 8 38 316 5 2 1 825 304 10 9 §
359 079 » » 907 315 13 10 4,574 12 6 17 103 4 9 928 993 11 1 §
360 635 18 10 984 480 19 1 » » 3» 19 761 10 10 1 004 242 9 11 §
967 091 9 11 2,558 112 18 4 290,050 3 4 53 838 12 10 2 902 001 14 6
819 371 1 2 2,180 420 1 9 232,327 » 3 45 247 5 7 2 437 994 7 7
542 456 5 7 662 513 8 1 » 33 » » » » 662 513 8 1
484 920 15 10 1,048 645 10 1 434,268 16 5 114 790 14 6 1 597 705 1 33 a
714 826 9 » 1,980 742 2 7 628,033 3 » 138 723 14 1 2 747 598 19 8 k
647 607 3 9 1,845 152 17 6 » » » 38 845 6 7 1 883 998 4 1 §
1,531 689 3 3 2,258 799 12 1 b » » 46 036 7 » 2 304 835 19 1 §
723 123 1 3 1,538 790 13 8 818,655 10 7 179 699 17 6 2 537 146 1 9 *
722 425 » 5 972 401 5 3 » >» » » 3» » 972 401 5 3
256 629 11 2 825 051 7 1 105,915 3 4 17 414 17 3 958 381 7 8
421 078 8 1 1,408 927 7 5 149,033 3 3 28 730 10 8 1 586 691 1 4
609 514 19 » 1,876 724 6 2 » » » 36 563 1 2 1 913 287 7 4 §
440 732 » » 1,093 319 10 10 y> » » 20 745 10 33 1 114 065 » 10 *
228 108 4 4 713 968 2 6 9,380 5 6 14 568 8 8 737 916 16 8 §
397 771 4 » 1,369 584 9 5 155,510 4 1 28 647 12 10 1 553 942 6 4
366 429 » 5 1,162 726 4 1 251,221 19 6 26 065 18 » 1 480 015 1 7 *
574 099 2 1 681 051 14 7 »» » » 282 4 4 681 343 10 11
698 835 16 10 1,630 741 18 1 187,648 7 4 33 834 4 2 1 852 224 9 7.
835 776 18 3 2,425 427 17 2 172,160 14 5 50 598 11 11 2 648 187 3 10
730 936 3 6 2,216 856 5 11 » 3) » 45 860 6 5 2 262 717 2 4 §
158 461 « 10 402 881 13 3 171,803 17 5 42 768 7 7 617 452 8 3 *
727 368 11 2 2,278 899 1 9 235,927 15 11 46 701 10 2 2 561 528 7 10
1,075 055 19 10 2,768 385 14 10 516,765 6 7 57 321 13 5 3 342 47$ 14 10
811 608 s 9 1,845 364 13 10 320,074 1 2 38 018 19 2 2 203 457 14 2 *
439 770 19 11 1,017 899 14 1 173,115 11 9 20 418 8 1 1 211 433 13 11 *
545 253 » 11 1,878 939 1 10 193,204 1 3» 38 384 15 2 2 110 527 18 3»
823 689 8 7 1,254 642 » 5 180,674 8 6 8 348 1 10 1 443 664 10 9
416 782 9 il 1,027 655 17 10 149,674 13 9 9 651 5 » 1 186 981 16 7 *
547 002 3 2 661 138 3 4 » >3 » » » » 661 138 3 4
670 925 19 10 1,159 754 11 10 165,679 4 6 14 486 16 7 1 339 920 12 11
386 953 18 9 1,128 264 2 8 121,469 10 4 23 863 6 9 1 273 596 19 9 *
1,570 849 15 1 3,585 677 2 11 2,203 10 6 326 1 4 3 588 206 14 9
892 934 12 3 2,323 451 3 7 257,691 13 10 48 157 4 9 2 629 300 2 2
776 695 17 3 2,253 739 16 2 248,632 6 9 46 937 2 7 2 549 309 5 6
4,722 861 15 9 4,227 064 15 3 47,560 » » 16 807 12 6 4 291 432 7 9 *
1,533 796 10 3 1,487 505 7 11 18,124 16 » 5 638 17 6 1 511 269 1 5
839 299 8 » 3,375 997 9 3 178,708 7 5 71 463 4 8 3 626 169 1 4
177 365 19 8 356 336 4 10 85,631 2 7 16 920 13 3 458 888 « 8 §
292 919 16 7 435 474 13 5 228,209 14 » 33 347 19 7 697 032 7 » §
298 042 5 4 298 576 11 3 38,204 6 2 8 616 15 1 345 397 12 6 *
391 725 9 5 1,110 187 17 5 427,730 il 2 15 201 2 11 1.333 139 11 6
492 492 8 8 1,220 238 8 » 453,333 14 6 17 376 16 4 1 ,690 948 17 10
1,406 118 10 6 3,365 695 13 6 341,111 12 11 68 810 15 1 3 ,775 618 1 6 *
477 573 4 3 1,134 811 1 » 2,768 10 » 21 336 19 1 1 ,158 916 10 1 *
880 723 3 7 1,608 826 3 2 2,162 18 5 33 517 15 6 1 ,644 506 17 1 *
675 642 10 2 2,242 300 8 9 230,466 6 4 46 254 2 » 2 ,519 020 17 1
1,451 767 12 1 3,666 676 7 8 246,371 15 » 76 429 14 7 3,989 477 17 3
1,999 212 » 8 3,868 642 3 10 448,118 3 33 82 982 2 8 4 399 742 15 6
761 585 10 10 2,556 795 13 1 162,730 14 8 53 607 10 9 2 ,773 133 18 6
524 409 11 2 1,859 775 15 6 198,267 13 6 40 167 15 5 2 ,098 211 4 5
1,206 794 6 9 2,136 766 17 10 312,175 5 9 44 915 19 7 2,493 858 3 2
518 631 18 4 1,127 613 2 11 699,136 3 33 136 813 18 33 1,963 563 3 11 *
338 603 » 3 687 989 5 » 789,155 15 10 15 257 6 6 1 ,492 402 7 4
595 041 5 11 1,902 884 4 10 194,252 15 3 41 145 19 4 2 ,138 282 19 5
422 543 18 U 1,101 630 » » 111,938 » 9 23 619 19 8 1,237 188 » 6
345 385 7 8 1,385 373 14 3 173,171 14 6 29 301 » 3 1 ,587 846 9 »
390 964 13 9 937 394 1 10 136,305 15 2 2 425 8 5 1 ,076 125 5 5 §
677 606 19 5 1,359 971 9 10 73,555 2 11 28 804 18 6 1 ,462 331 11 3 *
56,996,077 17 1 129,575,249 18 1 16,177,461 5 9 3,102,298 17 1 148 ,855,010 » 11
imposées en sus des impositions ordinaires.
total des
impositions
ordinaires.
ADDITIONS AUX IMPOSITIONS DIRECTES,
détaillées ci-contre.
* Sommes imposées en 1789 pour charges des provinces qui ne l'ont point été en 1790.
§ Sommes représentatives de la prestation des chemins, qui n'ont point été imposées en 1790 dans quelques provinces.
liv. s. d. 611 13 »
1,024 48,570
33,378 16 3
22,569 13,737 64,185
15 3 6 11 19 8
1,094 14 9
§ 224,399 8 9
191,012 96,970 108,391
52,692 181,734 199,891 244,703 87,345
203,311 119,778 67,966
6 11 19 5 10 7
15 10 19 6
5 2
27,509 10 8
240,159 21,584
8,936 14,843
S 0
8 3
17 10
» »
» »
16 9
14 8
3 3
217,463
» » »
» 35 »
2,164 15 3
* 1,693,670
16,232 4,638 65,827
1,544 121,623 234,620
66,410
1,026 55,892
3 11
» »
17 5 11 »
» n
15 6
7 3
8 4
» y>
» »
» »
» »
» »
» »
3 1
» »
» »
» »
» 33
18 10
7 8
4,737,521 9 9
augmentation sur la matière imposable
indiquée par les nouveaux rôles ;des vingtièmes.
liv. s. d,
55,660 14 » 662,752 5 4 177,741 17 » 35,964 6 » 65,800 8 » 70,893 1 5 209,918 » 7 71,625 17 9 186,002 12 10 229,376 6 11 292,184 » » 288,356 5 1 544,223 18 10 91,673 10 4 239,927 10 4 293,986 12 8 92,956 11 5 91,377 6 »
217,541 18 2 50,395 1 8 57,126 14 10 7
4 9
168,449 10 50,740 12 83,456 16 557,652 11 .357,998 2 49,196 4 204,316 14 309,247 16 149,178 18 271,319 16 227,319 18 84,606 12 61,770 » 183,101 9 448,542 6 38,617 5 148,112 8 166,746 5 112,576 10 3 64,395 18 6 416,910 18 6
204.325 » » 161,742 19 9
95,418 11 9 236,347 12 8
367.896 11 11 286,014 6 3 228,246 7 5 162,570 16 11 315,200 19 331,043
41,542 12 4 352,946 15 8 170,412 1 11 1,552 1 6 558,172 17 10
222.897 17 2 1,044,593 16 9
94,459 3 3 160,216 16 » 127,310 14 2 61,290 10 * 55,800 » » 124,127 10 » 215,650 » » 350,188 19 » 65,661 14 5 304,120 13 288,967 6 594,568 15 804,118 8 537,162 » 198,126 4 459,062 12 156,885 »
106.326 17 11 205,265 9 3 187,158 7 1
94,051 10 1 206,992 19 5 213,087 12 7
2 3
indiquée par le produit doublé des rôles des six derniers mois 1789.
18,290,264 15 4
liv. s. d.
161,359 » » 871,593 1 8 132,562 4 2 50,291 13 70,447 15 52,824 10 481,913 4 54,462 1 403,099 7 104,333 » 265,900 » 336,807 15 10 392,061 19 1 297,638 4 9 403,643 10 10 349,015 » » 106,985 12 » 335,319 14 4
8 2
604,695 2 173,393 4 109,453 » 427,681 14 145,243 8 171,254 » 403,758 18 399,077 3 122,909 13 96,914 7 230,108 2 240,197 8 693,561 15 141,201 12 306,288 18 98,245 12 219,722 417,615 238,908 8 378,652 1 235,627 18 162,404 19 159,031 14 311,283 16 184,143 1 413,453 7 42,152 11 283,617 3 364,490 7 701,806 4 394,933 6 202,975 10 225,638 17 10 208,056 15 8 165,275 18 6 279,837 » » 163,213 16 3 13,957 12 » 954,348 19 11 314,403 12 7 658,636 11 2 96,977 2 4 414,672 4 9 47,370 » » 69,710 17 10 169,663 16 498,120 8 862,600 » » 845,108 19 10 235,893 18 2 517,899 5 4 334,738 8 7 1,522,917 5 7 643,915 14 8 1,313,376 » 2 206,145 » » 1,245,142 11 7 105,249 12 128,548 5 163,603 9 205,210 7 324,452 10 112,471 18 517,993 2
des sommes imposées en 1789 et non en 1790, et de l'imposition relative à l'extension de la matière imposable par la suppression des privilèges.
27,510,710 6 »
liv. s.
217,631 1,534,345 311,328 834,126 136,248 157,096 691,831 148,657 602,839 397,895 557,084 625,164 936,285 389,311 644,665 643,001 199,942
426,697 »
1,036,636 223,788 166,579 787,143 293,455 363,102 961,411 757,075 172,105 353,923 701,090 589,267 1,209,584
455.867 390,895 160,015 402,823 769,469 417,304 594,730 402,374 302,491 223,427 728,194 388,468 815,355 159,156 519,964 732,386 996,757 638,023 365,546 540,839 756,563 206,818 632,783 335,790
15,509 1,512,521 537,301 3,396,900 191,436 574,889 190,913 135,639 291,290 622,247 1,078,250 1,196,842 423,178 1,056,640 623,705 2,117,486 1,448,034 1,850,538 404,271 1,704,205 328,544 234,875
368.868 392,368 418,504 320,491 786,973
7 »
7 » 6 2
16 11
3 4
8 5 5 5
14 7
7 1
7 5
» 11 17 11 15 1 15 11
12 8 3 5
9 5 5 10 14 10 11 6 » 1 8 2 9 10
5 10 17 9 19 11
6 10
. TOTAL GENERAL
des impositions tel qu'il a été ou aurait dû être, si l'on eût imposé partout les mêmes sommes qu'en 1789, et si la cotisation des privilégiés, dans les impositions ordinaires, eût profité au Trésor public.
13 10
10 3
13 8
14 6 3 8 » 2 1 6
14 10 1 »
15 2 1 1
15 10 19 5
7 10
8 6 8 5
6 2
17 1
10 10 10 8
11 10
5 7 » 9 11 7 18 10
-18 6
18 »
» »
14 4 19 10 7 »
14 9 » 10 2 8 » 7 4 1 9 2 5 5 7 7 9 5
50,538,496 11 1
liv. s. d.
1,658,236 4,982,141 2,135,755 728,355 1,073,224
1.381.934 2,546,992
845,325 2,469,325 2,744,155 3,707,728
3.038.635 5,887,245 3,556,582 3,312,178 4,207,317
1.411.514 2,347,202
267,428 3,419,909
1.777.636 1,836,440 3,318,456 1,581,527 1,727,780 4,830,504 4,034,440 1,377,075 2,436,549
4.163.515 3,120,873 5,046,109 3,716,136 2,085,721 1,365,026 2,410,593 3,292,271 1,972,101
1.558.755 2,353,887
2.148.935 1,478,820 3,279,255 3,872,432 3,809,009
935,069 3,809,361 5,149,915 4,011,823 2,289,228 3,021,327 2,808,193 2,360,329 1,414,958 2,643,630 1,996,341 5,174,566
5.034.756 3,863,306
12,411,194 3,236,501 5,040,357 827,167 1,125,592 934,730 2,567,112 3,261,691 6,378,579 2,059,668 3,581,870 3,818,369 7,558,731 7,846,988 5,385,257 3,026,891 5,404,857 2,810,739 2,065,880 3,102,193 2,052,100 2,351,735 1,787,581 2,926,911
11 6
15 »
16 4 15 5
9 2
3 4
3 6
3 2 15 8 15 »
4 1
15 2 19 9
8 1
3 8
» 7
12 5
9 7
» 5
11 2
16 11 14 3
7
5 9
6 3 9
4 3 16 10 11 4 3 3 16 7
14 6
15 6
14 2 2 1
3
1 »
10 2 14 10
14 1 2 9
2 4 7 4
16 10 7
17 4
3 5 11 11
3 4 12 2 12 6
15 4
17 3 10 1 11 11
2 5
16 4
18 11 6 6
6 4 14 2
7
2 » 10 2 18 10 9 11 19 8
13 8 18 5 11 »
3 9
14 »
17 3
15 11 13 1
256,389,584 9 1
1" Série. T. XXVI. - Feuille 34, p. 532.
Au Comité des contributions publiques, le 8 mai 1791. La Rochefoucauld, Dauchy, Rœderer, Defermon, d'Allarde, Dupont (de Nemours).
TABLEAU N° 4.
DÉPARTEMENTS.
1. Ain...............
2. Aisne.............
3. Allier.............
4. Alpes (Hautes-)----
5. Alpes (Basses-)----
6. Ardèche...........
7. Ardennes.........
8. Ariège............
9. Aube .............
10. Aude.............
11. Aveyron..........
12. Bouches-du-Rhône.
13. Calvados..........
14. Cantal............
15. Charente..........
16. Charente-Inférieure.
17. Cher..............
18. Corrèze...........
19. Corse.............
20. Côte-d'Or..........
21. Côtes-du-Nord.....
22. Creuse............
23. Dordogne.........
24. Doubs ............
25. Drôme............
26. Eure..............
27. Eure-et-Loir.......
28. Finistère..........
29. Gard..............
30. Garonne (Haute-)...
31. Gers..............
32. Gironde...........
33. Hérault............
34. Ille-et-Vilaine......
35. Indre..............
36. Indre-et-Loire......
37. Isère...............
38. Jura...............
39. Landes.............
40. Loir-et-Cher.......
41. Loire (Haute-).....
42. Loire-Inférieure____
43. Loiret..............
44. Lot................
45. Lot-et-Garonne......
46. Lozère.............
47. Mayenne-et-Loire...
48. Manche............
49. Marne.............
50. Marne (Haute-)......
51. Mayenne..........
Meurthe...........
Meuse.............
Morbihan.........
Moselle............
Nièvre..............
57. Nord...............
58. Oise.............
59. Orne...............
60. Paris ............
61. Pas-de-Calais.......
62. Puy-de-Dôme.......
63. Pyrénées (Hautes-).,
64. Pyrénées (Basses-).,
65. Pyrénées-Orientales.
66. Rhin (Haut-)........
67. Rhin (Bas-).........
68. Rhône et-Loire.....
69. Saône (Haute-).....
70. Saône-et-Loire
71. Sarthe..............
72. Seine-et-Oise....____
73. Seine-Inférieure.
74. Seine-et-Marne......
75. Sèvres (Deux-)......
76. Somme...........
77. Tarn...............
78. Var................
79. Vendée.............
80. Vienne.............
81. Vienne (Haute-)____
82. Vosges............
83. Yonne............
52.
53.
54.
55.
56.
ANCIENNES GÉNÉRALITÉS du ressort desquelles sont composés
les départements.
Totaux.
Besançon, Dijon, Lyon....................
Soissons, Paris, Châlons, Valenciennes......
Moulins, Bourges, Lyon, Dijon.............
Grenoble..................................
Aix, Grenoble.............................
Montpellier, Lyon.........................
Châlons, Metz, Soissons, Valenciennes......
Aueh, Montpellier.........................
Dijon, Châlons, Paris......................
Montpellier...............................
Montauban................................
Aix, Grenoble.............................
Rouen, Caen..............................
Riom.....................................
La Rochelle, Poitiers, Limoges, Bordeaux..,
La Rochelle, Poitiers......................
Bourges, Moulins, Orléans................
Limoges, Moulins..........................
La Corse.................................
Dijon, Châlons, Paris, Moulins, Besançon...
Rennes...................................
Moulins, Limoges, Bourges, Riom..........
Bordeaux, la Rochelle, Poitiers.............
Besançon, Strasbourg.....................
Aix, Grenoble........................
Caen, Alençon............................
Orléans, Paris, Alençon, Rouen............
Rennes...................................
Montpellier..........................
Auch, Montpellier.........................
Auch, Bordeaux...........................
Bordeaux.................................
Montpellier...............................
Rennes...................................
Bourges, Moulins, Orléans.................
Tours, Orléans, Poitiers...................
Grenoble.................................
Besançon, Dijon ..........................
Bordeaux.................................
Orléans, Tours, Bourges...................
Montpellier, Riom, Lyon...................
Rennes, Poitiers...........................
Orléans, Paris............................
Montauban................................
Bordeaux.................................
Montpellier..............................
Tours, Poitiers............................
Caen....................................
Châlons, Metz, Nancy, Paris, Soissons.....
Châlons, Dijon, Nancy, Besançon..........
Tours...................................
Metz, Nancy, Strasbourg, Châlons.........
Metz, Nancy, Châlons.....................
Rennes..................................
Metz, Nancy.............................
Moulins, Bourges, Orléans, Paris, Dijon____
Lille, Valenciennes, Amiens, Soissons......
Soissons, Paris, Rouen, Amiens...........
Alençon, Orléans.........................
Paris....................................
Lille, Valenciennes, Amiens..........
Riom, Moulins, Lyon...............
Auch........................,.-....,
Auch, Bordeaux.....................
Perpignan, Montpellier...............
Strasbourg .........................
Strasbourg.........................
Lyon, Dijon, Riom..................
Besançon, Dijon, Châlons, Nancy.....
Lyon, Moulins, Dijon................
Tours, Orléans......................
Paris, Orléans, Rouen...............
Rouen, Amiens, Paris...............
Paris, Châlons, Soissons, Orléans.....
Poitiers, la Rochelle, Tours, Limoges.
Amiens, Rouen, Lille................
Montpellier.........................
Aix............................
Poitiers ..............................
Poitiers, Bourges, Tours...................
Limoges, Poitiers, Bourges, Moulins.........
Metz, Nancy, Châlons, Strasbourg, Besançon. Paris, Orléans, Dijon.......................
SUPERFICIE
en
lieues carrées de 25 au degré.
299 379 365 251 373 299 278 244
305 324 474
306 288 294 286 355
369
299 567 445 353 288 451 251 320
307
300 343 292 273 339 537 319 347 352 313 421 256 468 319 244 352 324 362
285 260
370 318 405 315 266 310 318 328 328 352 278 298 310
24 328 365
388 212 204 268
389 265 395 306
286 357 300 305 312 269 368
343
344 288 295 373
POPULATION
En citoyens
actifs.
26,891
40,197 63,953 41,553 22,884 31,285 45,060 41,645 35,489 43,031 39,153 57,841 72,496 60,874 37,329 57,224 69,957 35,134 42,398 38,543 63,107 56,737 43,696 67,409 32,428 37,616 59,921 39,034
44.447 51,983 82,314 59,354 77,372 49,073 65,522 33,485
46.107 56,837 50,750 40,038 34,170 33,639 51,531 43,228 69,015 59,363 22,106 68,002 77,720
54.271 41,265 42,356 53,861
50.448 43,799 51,079 39,218 69,675 62,084 59,385
100,718
81.272 82. Afin
29,305 16,977 41,608 64,568 91,981 41,084 67,455
54.108 73,362 83,440 48,092 40,308 63,366 48,241 55,644 48,086 42,683 33,821 44,964 56,773
4,298,360
Individuelle
307,756 307,904 267,126 120,485 168,937 289,671 247,612 197,889 228,885 239,642 371,835 466,045 391,332 239,972 339,789 438,042 207,541
269.767 247,776 342,986 523,880 238,352 438,343 219,642 246,687 385,206 256,656 285,730 313,464 456,555 315,854 497,391 290,126 519,169
229.768 272,925 365,380 280,200 257,387 200,277 216,250 331,270 285,775 443,667 411,808 142,110 455,500 463,320 348,885 223,010 323,607 321,161 268,108 281,565 328,365 235,699 447,910 348,972 381,760 647,472 532,739
188 114,158 283,252 415,080 591,306 264,111 442,600 347,837 471,612 536,400 296,467 259,122 407,352 289,148 275,472 305,610 257,953 266,910 289,054 364,969
ANCIENNES IMPOSITIONS DE CHAQUE DÉPARTEMENT, PRISES POUR BASES ÉLÉMENTAIRES DE REPARTITION.
27,190,023
impositions
liv.
1,658,237 4,982,141 2,135,755 728,356 1,073,224
1.331.934 2,546,992
845,326 2,469,326 2,744,155 3,707,738 3,038,635 5,887,846 3,556,583 3,312,178 4,207,317
1.411.514 2,347,202
267,428 3,419,929 1,777,637 1,836,441 3,318,457 1,581,527 1,727,980 4,830,505 4,034,440 1,377,075 2,436,550
4.163.515 3,120,872 5,046,116 3,716,136 2,085,722 1,365,286 2,410,593 3,292,271 1,972,100
1.558.755 2,353,888
2.148.935 1,478,870 3,279,255 3,872,432 3,809,008
935,070 3,809,362 5,149,916 4,011,823 2,289,228
3.021.326 2,808,194
2.360.327 1,414,959 2,643,631 1,996,342 5,174,567
5.034.756 3,863,307
12,411,195 3,236,501 M aja 7
>7992
'934,731 2,567,113 3,261,691 6,378,579 2,050,668 3,581,869 8,818,369 7,558,732 7,846,990 5,385,258 3,026,892 5,404,858 2,810,740 2,065,880 3,102,193 2,052,100 2,351,736 1,787,581 2,926,912
impots indirects
particuliers à chaque département employés dans les bases élémentaires de répartition, dans la proportion des perceptions effectives, à la déduction des 10 sous pour livre.
236,394,584
impot
du
sel.
liv.
82,851 1,285,610 480,692 287,314 177,103 300,435 723,528 51,370 662,214 595,107 635,669 110,260 1,354,685 312,906 134,860 117,944 606,549 102,277 47,920
1,112,251 »
189,583 146,089 180,663 571,704 1,281,440 1,152,774
528*399 605,599 128,133 222,694 805,893
3)
532,658 740,651 1,099,077 242,813 68,790 713,470 166,640 1,030 967,202 132,308 168,098 202,783 1,159,260 1,365,854 1,105,813 642,704 931,209 396,332
503,472
»
583,343 511,006 107,916 1,183,120 569,855 2,573,355 96,639 301.598
3,081
1,677,996 246,873 1,161,882 1,176,659 1,611,882 1,998,860 1.114,738 114,171 1,583,450 609,556 353,921 83,472 218,463 128,310 393,773 627,281
45,473,630
impôt
du tabac.
liv.
163,667 311,398 160.558 75,437 52,832 82,278 243,821
123.743 227,654 162,821 234,676 134,194 565.299 188,631 373,732 264,665
201.744
343,710 »
341,186 642,476 161,644 388,528 143,361 177,170 463,826 307,570 675,055 14,579 405,866 482,435 595,223 220,507 813,088 181,438 270,757 340,985 182,564 183,865 184,395 114,712 746,282 243,524 245,100 451,297 55,485 426,254 494,491 386,709 224,360 340,003 191,001 240,055 637,271 281,278 159,928 6,346 336,264 370,753 2,499,361 128,124 275,530
133,878 82,694
879,939 190,639 361,066 428,505 516,459 752,700 361,995 179,263 829,507 166,783 105,497 176,156 149,010 309,927 188,469 220,980
26,275,712
Droits
à
l'enlèvement et
fabrication sur
les boissons, les huiles et les fers,
liv.
10,739 5,066 24,445
13
171,252
»
181,728
116,518
»
18,923 51,974 44,774
36,887 »
5,101 722
95,604 73,828
40,510 20,060
2,704
»
20,020 »
48 42,039
31,447 91,925 312,524 170,280 25,173 19,473
43,458 »
28,150 33,589 172,685 176,735 76,354 135,387 88,458 5,706
22,525
5,556 1,550 24,791 31,819 506,739 157,142 384,052 7,034 57,391
4,814 49,012 2,776 22,652 152,272
Droits à la vente en.détail sur les boissons.
liv.
1,095 517,757 127,848
82,012 205,097 5,690 228,181 162,934
376,713 »
200,785 328,947 128,742
21,429 732,892 14,604 4,560 425
»
309,094 250,205 770,015 144,670 174,696
220,645 928,701 120,196 227,719
189,472 26,841 843,758 275,306
755,520 358,362 329,533 352,204 187,816 285,670 662 23,606 726,949
y>
143,072 1,718,212 61.3,291 247,347 274,535 861,046 33,059
6,033 37,437 47,566 365,305 1,424 202,987 360,505 1,072,014 495,079 793,311 225,967 420,809
166,888 »
227,844 161,706 30,673 5,170 508,737
Moitié des droits principaux aux entrées des villes, de ceux d'inspecteurs
aux boucheries, et des papiers et cartons.
3,795,407 18,917,430 22,042,836
liv.
76,655 162,526 72,890 28,518 8,294 92,691 133,867 49,338 124,404 189,059 58,611 24,899 347,650 44,340
119.858 216,971
81,308 59,575 2,786 153,423 257,552 62,178 154,539 37,335 66,301 285,248 163,682 269,592 276,936 273,343 174,126 234,587
269.859 326,361
74,983 96,412 128,911 46,796 65,869 94,531 12,055 300,544 128,539 55,649 177,073 61,730 152,018 304,122 220,698 124,175 119,770 39,485 64,582 255,460 57,005 72,835 782,591 161,737 227,955 7,534,225 443,558 74,833 46,770 57,642 69,858 120,180 152,697 1,090,718 48,468 163,564 152,757 1,948,954 462,270 152,618 98,533 319,357 204,109 16,120 96,696 64,048 62,912 40,543 96,519
Insinuation, centième denier contrôle des actes.
liv.
156,272 264,881 119,917 64,387 129,579 100,228 138,269 73,848 134,874 199,198 195,198 364,955 356,439 158,712 196,516 295,454 96,476 126,373 18,411 305,253 210,909 103,220 247,459 137,427 156,115 292,547
187.401 221,604 176,870 326,902 275,285 379,441 269,754 267,256
89,333 155,803 291,238 174,491 117,201 107,735 121,087 245,528 145,151 204,076 286,408 67,877 246,003 311,891 227,205 129,305 195,373 106,843 135,826 209,197 157,297 109,160 435,766 260,073 233,819 834,766 249,208 231,160 74,845 91,461 78,827 17,458 22,179 429,643 180,989 327,035 245,270
369.402 474,832 263,766 159,714 337,831 204,032 261,936 158,753
41,447 39,155 105,929 170,734
16,876,017
liv.
491,279 2,547,238 986,350'
455.656 367,808
657.657 1,615,834
303,989 1,559,055 1,309,119 1,124,154 634,308 3,117,304 704,589 1,044,674 1,275,955 1,159,593 631,935 69,117 1,970,429 1,843,829 536,330 941,897 499,211 971,290 2,727,759 2,135,460 1,936,266 1,171,454 1,759,406 1,059,979 1,431,945 1,786,658 2,335,406 1,039,118 1,511,411 1,860,211 649,368 435,725 1,309,623 441,335 2,137,190 1,801,761 637,133
1.082.876 443,395
2.373.344 2,897,816 2,605,148 1,478,640 1,897,198
753,796 1,010,999
1.828.877 1,107,073 1,029,590 3,223,516 2,731,220 1,726,083
13,850,629 1,867,033 921,886 303,916 286,062 408,221 175,075 222,442 4,449,157 669,943 2,241,325 2,395,555 6,025,450 4,340,883 3,070,480 784,742
3.548.345 1,351,368
737,474 747,735 683,676 573,753 756,534 1,776,523
133,381,032
impôts indirects
sur la presque totalité des départements, et qui sont employés dans les bases élémentaires de répartition dans la proportion des perceptions effectives, à la déduction des 10 sous pour livre et au marc la livre des impositions directes.
Formule, contrôle des exploits et droits sur les procédures
liv.
85,214 191,805 82,317 28,073 41,364 27,132 98,467 32,079
126.890 105,765 142,904 110,699 226,903
69,638 64,919 162,158 54,401 61,510 2,807 131,807 88,307 70,779
127.898 42,140 66,749
186,176 207,320 92,784 93,909 160,469 120,284 194,486 143,225 114,900 26,815 92,907 126,894 50,676 30,539 120,964 42,213 110,373 126,389 75,925 146,805 18,320 195,760 198,486 154,624 92,085 116,447 69,576 90,974 87,587
101.891 76,941 39,756
194,022
147.899 948,970
40,425 131,719 31,881 134,351 36,028 8,557 10,872 245,855 52,918 138,053 162,165 291,327 302,463 207,557 155,550 219,140 108,330 79,623 158,316 40,264 46,876 68,576 112,800
9,820,920
Droits intérieurs
et de circulation sur
le commerce national.
liv.
113,184 209,107 106,787 36,419 53,060 46,096 129,285 42,267 164,616 137,208
185.328 283,933 282,362 118,830 112,509 210,365
70,574 104,482 117,368 170,997 39,781 91,823 165,924 81,126 86,397 241,525 268,956 40,196
121.329 208,175 156,044 251,105 185,807
48,216 48,253 144,636 158,613 131,482 65,422 156,824 71,448 445,600 163,962 134,222 190,450 40,443 253,958 257,496 220,620 119,954
186.707 66,899 85,653 36,480 96,933 99,816
247,658 251,744 193,164 1,236,746
161.708 225,026
41,291 42,498 46,736 212,143 269,542 318,930 103,019 179,094 189,732 377,936 392,350 269,262 201,792 268,340 140,536 103,295 205,380 69,564 78,581 65,748 150,579
13,938,859
Droits de
consommation sur les marchandises coloniales.
liv.
16,992
53.970 23,139
7,891 11,625
14.971 23,391
9,159 26,751
29.728 40,165 37,987 63,778 38,530 35,881 45,578 15,291
25,418 »
37,063 7,277 19,894
35.950 13,080 18,720 52,332 43,704
7,621 26,397 45,104 33,807 88,666 40,259 9,460 14,787 26,113 15,667 131,201 16,886 25,502 23,279 38,036 35,526
41.951 41,264 10,130 41,269 55,792 47,651 24,768
32.729 44
2,908
7,120 »
21,627 53,657 54,541 41,852 334,456 35,036 54,606 8,960 91,107 10,127
89,098 17,243 38,801 41,362 81,887 105,009 58,338 32,882 60,328 30,449 12,381 33,374 22,239 25,475 1,750 32,707
3,022,084
liv.
215,390
494.882 212,243
72,383 106,049 88,199 249,143 83,505 318,257 272,701 368,397 432,619 573,043 226,988 213,309 418,101 140,266 191,410 120,175 339,867 135,365 182,496 329,772 136,346 171,866 480,033 519,980 140,601 241,635 413,748 310,135 534,257 369,291 172,576 89,855 263,656 301,174 313,359 112,847 303,290 136,940 594,009 325,877 252,098 378,519 68,893 490,987 511,774 422,895
236.807
335.883 136,519 179,535 131,187 198,824 198,384 341,071 500,307 382,915
2,520,172 237,169 411,351 82,132 267,956 92,891 220,700 280,414 653,883 173,180 355,948 393,259 751,150 779,822 535,157 390,224
547.808 279,315 195,299 397,070 132,067 150,932 136,074 296,094
26,781,863
impots indirects
employés dans les bases élémentaires
de la répartition, sur le taux des , perceptions effectives au marc la livre des impositions
directes de chaque département.
liv.
458,607 1,377,873 590,672 201,436 296,813 318,491 704,401 233,785 682,914 758,930 1,025,421 995,747 1,628,188 819,682 763,345 1,163,586 390,370 540,957 6,000 945,822 413,548 507,891 917,757 437,391 477,743 1,335,936 1,115,747
434.518 673,321
1,151,472 863,115 1,561,566 1,033,550 524,032 314,597 666,679
910.519 544,042 359,245 650,997 495,264 633,068 906,919 892,472
1,053,428 215,505 1,053,527 1,424,274 1,209,518 660,770 835,585 500,078 652,805 410,191 731,129 551,723 1,431,092 1,392,458 1,068,446 4,262,515 894,443 1,161,645 228,764 292,074 258,512 709,967 902,062 1,930,073 569,622 990,612 956,026 2,090,462 2,336,184 1,489,533 837,125 1,494,781 777,345 571,345 852,009 473,176 542,003 494,379 809,474
70,838,427
total
des impôts indirects employés comme bases élémentaires de répartition.
liv.
1,165,276 4,419,993 1,789,265 729,475 770,670 1,064,347 2,569,378 621,279 2,560,226 2,340,750 2,517,972 2,062,674 5,318,535 1,751,259 2,021,328 2,857,642 1,690,229 1,364,302 195,292 3,256,118 2,392,742 1,226,717 2,189,426 1,072,948 1,620,899 4,543,728 3,971,187 2,511,385 2,086,410 3,324,626 2,233,229
3.527.768 3,189,499 3,032,014 1,443,570 2,441,746 3,071,904
1.506.769 907,817
2,263,910 1,073,539 3,364,267 3,034,557 1,781,703 2,514,823 727,793 3,917,858 4,833,864 4,237,561 2,376,217 3,068,666 1,390,393 1,843,338 2,370,255 2,037,026 1,779,697 4,995,679 4,623,985 3,177,444 20,633,316 2,998,645 2,494,882 614,812 846,092 759,624 1,105,742
1.404.918 7,033,113 1,412,745 3,587,885 3,744,840 8,867,062 7,456,889 5,095,170 2,012,091 5,590,934 2,408,028 1,504,118 1,996,814
1.288.919 1,266,688 1,386,987 2,882,091
231,001,322
total par département des impôts
directs et indirects
employés comme bases élémentaires de répartition.
liv.
2,823,513
9.402.134 3,925,020 1,457,831 1,843,894 2,446,281 5,116,370 1,466,605 5,029,552 5,084,905 6,225,700 5,101,309
11,205,780 5,307,842 5,333,506 7,064,958 3,101,744 5,711,504 462,720 6,676,027 4,170,379 3,063,157 5,507,883 2,654,475 3,348,879 9,370,233 7,805,627 3,888,460 4,522,960 7,488,141 5,354,102 8,573,878 6.905,635 5,117,736 2,808,598 4,852,339 6,364,175 3,478,870 2,466.572 4,617,798 3,222,474 4,843,137 6,313,812
5.654.135 6,323,831 1,662,863 7,727,220 9,983,780 8,249,384 4,665,445 6,089,992 4,198,587 4,203,665 3,785,215 4,680,667 3,776,039
10,170,275 9,658,742 7,040,751 33,044,510 6,232,790 7,535,239 1,441,980 1,971,684 1,694,355 3,672,854 4,666,609 13,411,692 3,472,414 7,169,755 7,563,209 16,425,794 15,303,879 10,480,428 5,038,983 10,995,792 5,218,768 3,569,998 5,099,007 3,341,019 3,618,424 3,174,569 5,809,003
SOMMES
afférentes à chaque département dans la somme de 300 millions à laquelle est déterminé le montant de la contribution foncière et mobilière,à raison de 12 s. 3 d. H/15 pour livre des anciennes impositions prises pour bases élémentaires de répartition.
somme
totale de la part contributoire de chaque département
dans la répartition de
300,000,000 liv.
487,391,006
liv.
1,737,900 5,749,600 2,416,500 897,300 1,135,000 1,505,000 3,149,100 902,700 3,320,200 3,129,700 3,832,100 3,171,400 6,897,200 3,267,200 3,276,300 4,348,500 1,909,100 2,284,400 284,800 4,109,200 2,566,700 1,885,400 3,390,100 1,633,900 2,061,300 5,969,900 4,804,500 2,393,100 2,783,800 4,608,900 3,295,500 5,267,300 4,250,400 3,146,700 1,728,800 2,986,700 3,917,300 2,141,300 1,518,300 2,842,300 1,980,600 2,980,700 3,886,300 3,672,000 3,892,400 1,023,500 4,756,300 6,145,100 5,077,600 2,879,200 3,748,500 2,584,400 2,587,500 2,320,600 2,881,100 3,324,200 6,259,200 5,945,200 4,333,600 20,729,600 3,836,000 4,638,300 887,500 1,213,600 1,042,800 2,260,600 2,872,300 8,254,100 2,137,300 4,413,100 4,655,300 8,954,300 9,421,700 6,651,000 3,101,600 6,768,000 3,211,100 2,197,500 3,138,500 2,056,500 2,227,300 1,954,000 3,575,600
Départ de la somme contributoire de chaque département.
Contribution mobilière.
300,000,000 60,000,000
liv.
285,400 991,700 437,700 168,800 213,900 276,900 572,800 157,100 608,600 552,500 668,100 944,600 1,212,500 617,900 571,900 692,400 350,200 427,700 60,900 721,800 403,200 374,800 585,000 285,100 376,500 986,900 929,800 650,200 486,500 833,000 580,800 1,308,400 766,500 542,400 329,100 554,700 735,500 415,600 267,000 580,200 351,100 946,500 644,800 611,700 697,600 179,600 884,800 1,093,300 925,800 514,200 707,900 336,700 428,400 403,000 432,600 411,200 1,083,400 1,046,500 775,000 8,158,200 509,500 849,100 135,400 199,800 159,800 405,600 503,000 1,921,100 372,000 751,200 859,200 1,611,900 2,364,300 1,200,200 535,100 1,186,400 589,300 408,700 565,600 337,600 417,200 315,900 625,200
Contribution foncière.
liv.
1,452,500 4,757,900 1,978,800 725,500 921,100 1,228,100 2,576,300 745,600 2,711,600 2,577,200 3,164,000 2,226,800 5,684.700 2,649,300 2,704,400 3,656,100 1,558,900 1,856,700 223,900 3,387,400 2,163,500 1,510,600 2,805,100 1,348,800 1,684,800 4,983,000 3,874,700 1,742,900 2,297,300 3,775,900 2,714,700 3,958,900 3,483,900 2,604,300 1,399,700 2,432,000 3,181,800 1,725,700 1,251,300 2,262,100 1,629,500 2,034,200 3,241,500 3,060,300 3,194,800 843,900 3,871,500 5,051,800 4,151,800 2,365,000 3,040,600 2,247,700 2,159,100 1,926,600 2,448,500 1,913,000 5,175,800 4,898,700 3,558,600 12,571,400 3,326,500 3,789,200 752tiûo 1,013,800 883,000 1,855,000 2,369,300 6,333,000 1,765,300 3,661,900 3,796,100 7,342,400 7,057,' 5,450,800 2,546,500 5,581,600 2,621,800 1,788,800 2,572,900 1,718,900 1,810,100 1,638,100 2,950,400
DIFFERENCES
entre les contributions de 300 millions et la somme des anciennes perceptions.
Sur les bases élémentaires de répartition.
240,000,000
liv.
1,085,613 3,652,534 1,508,520 560,531 708,894 941,281 1,967,370 563,905 709,253
955.205 393,600 929,909 308,580 040,642
057.206 716,458 192,644 427,104 117,920 566,527
603.679 177,757
117.783 020,575 287,579 404,333 001,127 495,360 739,160
,879,241 ,058,602 ,306,578 ,655,235 971,036 079,798 865,639 446,875 337,570 948,272 775,498 241,874 862,437 427,512 293,354 431,431 639,363 970,920
318.680
171.784 ,786,245 ,341,492 ,614,187 ,615,965 ,455,614 ,799,557 ,451,839 ,911,075 ,713,542 ,707,151 ,314,910 ,396,790 ,896,939
Sous pour livre
des perceptions
non employées dans les bases élémentaires de
la répartition.
758,084 65x,555 1,411,617 1,794,309 5,057,592 1,335,114 2,736,655 2,907,909 7,371,494 5,682,179 3,779,428 1,937,383 4,127,792 2,007,668
1.372.518 1,960,507
1.284.519 1,391,124 1,220,569 2,233,403
187,391,006
liv.
282,175 1,308,832 970,739 234,677 222,374 425,274 816,777 219,466 830,924 906,931 670,034 494,175 1,498,287 405,892 494,322 685,609 568,927
312.844 33,166
1,008,199 732,327 295,996 774,853 206,345 502,993 1,368,507 1,134,366 768,627 805,003 1,237,595 501,507 746,761 1,231,075 928,194 490,209 785,175 948,039 341,347 204,579 722,313 439,331 1,043,571
950.845 367,771 551,902 287,492
1,220,907 1,403,836 1,276,327 750,765 988,656 353,901 504,966 724,850 529,723 545,584 1,106,969 1,401,643 866,371 3,928,829 680,093 574,097
221,414 199,090 18,719 18,718 1,735,626 275,550 1,094,634 1,205,802 2,930,187 2,081,172 1,604,109 502,327 1,672,496 685,929 387,227 488,824 346,044 268,901 355,464 943,849
Différence totale des anciennes perceptions.
avec les contributions de
300 millions.
64,793,626
liv.
1,367,788 4,961,366 2,479,259 795,207 931,268 1,366,555
2.784.147 783,371
2,540,177 2,862,136 3,063,634 2,424,084 5,806,867 2,446,534 2,551,528 3,402,067
2.761.571 1,739,948
211,086 3,574,726
2.336.006 1,473,753 2,892,636' 1,226,920
1.790.572 4,772,£ 4,135,493 2,263,987 2,544,163 4,116,836 2,560,109 4,053,339 3,886,310 2,899,230
1.570.007 2,650,814 3,394,914 1,678,917 1,152,851 2,497,811 1,681,205
2.906.008 3,378,357 2,661,125 2,983,333
926,855 4,191,827 5,222,516 4,448,111 2,537,010
3.330.148 1,968,088 2,120,931 2,180,464 2,329,280 1,997,423 5,018,044 5,115,185 3,573,522
16,243,739 3,076,883 3.471-0361 -
y
850,645 1,430,336 1,813,027 6,793,218 1,610,664 3,831,289 4,113,711 10,301,681 7,763,351 5,383,537 2,439,710 5,800,288 2,693,597 1,759,745 2,449,331 1,630,563 1,660,025 1,765,063 3,177,252
252,184,632
lr* Série. T. XXVI. — Feuille 34, p. 532.
Au Comité des contributions publiques, le 15 mai 1791.
La Rochefoucauld, Dauchy, Roederer, Defermon, d'Allarde, Dupont (de Nemours).
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
TABLEAUX ANNEXÉS au projet de décret du comité de Constitution sur la convocation
de la première législature (1).
TABLEAU N° 1.
DEPARTEMENTS.
1 Ain ..........
2 Aisne.......
3 Allier. ,.„..,.
4 Alpes (Hantes-)
5 Alpes (Basses-)
PREMIERS RESULTATS.
designation des envois.
Comité de Constitution, 28 déc. 1790, Administration, 24 mai 1790......
Comité dé Cons titution, 13 sept. 1790, Comité de Constitution,21'déc. 1790, Administration, 4 juillet 1790.'..'.. « » i, i (Administration," 3 jùiii 1790.. ... ..
b Araecne......J Comité de division; 16 décembre..
Comi t é de Con stitution, 31'j anv. 1791. Comité de Constitution, 3 déc. 1790. Comité de Constitution, 9 déc. 1790, Administration, 9 juin 1790....
Administration, 2 août 1790......
Comité de division, 18 déc. 1790... Administration, 14 juin 1770..'....
Comité de Constitution, 9 oct. 1790. Administration, 14 août 1790,. . ! . . Comité de Constitution, 24 déc. 1790. Administration, 18 juin 1790......
16 Charente-Inf., Comité de Constitution,21 mars 1791.
Comité de Constitution, 26 déc. 1790. Comité de Constitution, 2 déc. 1790
Administration...................
Comité de division, 11 déc. 1790..
Administration, 8 juin 1790.......
Comité de Constitution, 12 fév.1791.
Manque un district...............
Comité de division, 30 janv. 1791.
Commissaires du roi .............
ComitédeConstitution, l,rnov. 1790.
Commissaires du roi.............
Commissaires du roi...;.. ;..
Comité de division, 23 mars......
Comité de division, 31 déc. 1790.. Comité de Constitution, 22 oct. 1790. Comité de division, 19 déc. 1790..
Commissaires du roi............
Commissaires du roi.............
Comité de Constitution, 12 juin 1790. Administration, 7 novembre 1790..
Commissaires du roi.............
Commissaires du roi.............
Comité de Constitution, 9 déc. 1790. Comité de Constitution, 15 déc. 1790. |Administration, 24 juillet 1790.... / Comité de Constitution, 10 sept. 1790. Comité de Constitution, 29 oct. 1790.
7 Ardennes
8 Ariège.......
9 Aube........
10 Aude ........
11 Aveyron
12 Bouch.-du-Rh.
13 Calvados,....
14 Cantal.......
15 Charente.....
17 Cher.....'...
18 Corrè?e
19 Corse.......
20 Côte-d'Or...
21 Côtes-du-Nord
22 Creuse.......
23 Dordogne...'".'.
24 Doubs........
25 Drôme.......
26 Eure.........
27 Eure-et-Loir..
28 Finistère.....
29 Gard.........
30 Garonne (H.-).
31 Gers__________
32 Gironde......
33 Hérault......
34 Ule-et-Vilaine.
35 Indre........
36 Indre-et-Loire.
37 Isère.........
38 Jura. ....
39 Landes......
40 Loir-et-Cher.
population
active.
38,400 64,643 33,873 22,884 31,285 41,946 41,809 41,645 35,640 43,191 39,152 57,841 72,496 61,275 39,600 57,024 60,305 69,534 71,912 35,134 42,398 38,543 63,107 57,314
42,699 »
43,696 67,409 32,428 39,820 59,738 39,034 46,502 51,983 82,314 55,067 77,372 49,077 65,522 33,485 46,107 56,837 42,900 40,146 40,095 34,170
RÉSULTATS DEFINITIFS.
désignation des envois.
Comité de division, 19 mars ,..... Comité de Constitution...,....;... Comité de Constitution, 16 fév. 1791 Comité de division, 20 janv. 1791.. Comité de Constitution, 16 déc. 1790
| Comité de Constitution,larjanv.l791
Comité de division, 10 fév. 1791. . Comité de division, 7 avril 1791.. Comité de division, lâr avril'1791. Comité tde division, 20 déd. 1790!. .
Comité de Constitution, 5 nov. 1790 Comité de division, 20 déc. 1790..
Comité de division, 26 fév. 1791..
Comité de division, 21 mars......
Comité de division, 3 janv. 1791..
Comité de division, 28 avril 1791.
Comité de division, 25 mars......
Comité de Constitution, 4 sept. 1790.
Administration, 10 janvier 1791... Comité de division, 12 janv. 1791..
Comité de division, 2 mars 1791..
Comité de division, 6 mai 1791... Comité de division, 11 avril 1791.. Comité de division, 30 oct. 1690.. Comité de division, 2 mars 1791..
Comité de division, 20 décembre.. Comité de Constitution,20déc. 1790. Comité de division, 11 fév. 1791...
population
active.
40,197 63,953 41,553 22,884 31,285
45,060
41,645 35,489 43,631 39,153 57,841 72,496 60,874 37,329
57 ,.224
69,957
35,134 42,398 38,543 63,107
56,737
43,696 67,409 32,428 37,616 59,921 39,034 44,447 51,983 82,314 59,354 77,372 49,073 65,522 33.485 46,107 56,837 50,750
40,038 34,170
population
effective.
307,756 407,905
120*485 168,937
247,612 197,889 228,885 239,642
. 339,789
438,042 207,541
269.767
342,986
523,880
238,352
219,642 246,687
256,656
313,464 456,555 315,854
290,126 519,169
229.768 272,925
280i200 200,277
(1) Voy. ci-dessus ce projét de décret, p. 504.
DÉPARTEMENTS.
PREMIERS RÉSULTATS.
désignation des envois.
41 Loire (Haute-). Comité de Constitution, 19 fév. 1791.
42 Loire-Infér... Comité de Constitution, 6 nov. 1790.
43 Loiret........ Comité de Constitution, 30 oct. 1790
44 Lot..........ComitédeConstitution,22janv.l791.
45 Lot-et-Garonne Administration, 13 juin 1790......
46 Lozère.......Comité de Constitution, 21 fév. 1791,
47 Maine-et-Loire. Commissaires du roi.............
48 Manche......Comité de Constitution, 15 oct. 1790.
49 Marne........Administration, 21 mai 1790......
50 Marne (Haute-). Comité de division, 30 oct. 1790..
51 Mayenne..... Commissaires du roi.............
52 Meurthe...... Comité de Constitution...........
53 Meuse........ Comité de Constitution...........
54 Morbihan..... Commissaires du roi.............
55 Moselle.......Administration, 26 juin 1790......
56 Nièvre.......Commissaires du roi..............
57 Nord.........Administration, 5 juillet 1790.....
58 Oise.........Comité de Constitution, 5 fév. 1791.
59 Orne.........Commissaires du roi.............
60 Paris........ Comité de Constitution...........
61 Pas-de-Calais. Comité de division, 14 mars.. ....
62 Puy -de-Dôme. Comité de Constitution, 16 fév. 1791.
63 Pyrénées (HA Administration, 31 mai 1790......
64 Pyrénées (B.-). Commissaires du roi..........
65 Pvrén.-Orient. Comité de division, 21 mars......
66 Rnin (Haut-).. Comité de division, 19 décembre..
67 Rhin (Bas-)... Administration, 10 mai 1790......1
68 Rhône-et-Loire Comité de Constitution............
69 Saône (Haute-). Comité de Constitution, 12 fév. 1791.
70 Saône-et-Loire Comité de Constitution, 21 fév. 1791.
71 Sarthe.......Comité de Constitution, 5 janv. 1791.
72 Seine-et-Oise.. Comité de Constitution...........
73 Seine-lnfér. .. Comité de Constitution,28oct. 1790.
74 Seine-et-Marne Comité de division, 29 mars ..'.'..'.
75 Deux-Sèvres.. Commissaires du roi..............
76 Somme......Commissaires du roi.............
77 Tarn.........Comité de Constitution,25 janv. 1791.
78 Var..........Administration, 1er juin 1790.....
79 Vendée.......Comité de Constitution, 2 nov. 1790.
v- (Comité de division, 20 mars......
vieune.......} Comité de Constitution, 12 déc. 1790.
cm v iulAdministration, 6 août 1790......
81 Vienne («-) .jcomité dè ConstitutibnV2 hov. 1790.
e~ v (Administration, 14 juin 1790......
Vosges......Comité de division, 18 mars.... .
83 Yonne.......Commissaires du roi.............
population active.
33,434 51,531 44,531 69,015 58,395 22,106 68,002 77,220 54,284 41,265 41,577 53,451 50,378 43,799 50,986 38,993 69,675
62.091 59,385
100,718 81,272 82,600 27,432 29,640 16,977 41,608 64,568 91,981 41,084 67,455 54,040 73,362 83,440
48.092 42,200 63,366 46,055 53,931 47,500 41,639 41,720 33,821 33,460 43,903 44,113 56,890
RESULTATS DEFINITIFS.
designation des envois.
Comité de Constitution, 19 fév. 1791 Comité de division, l,r janv. 1791, Comité de division, 22 janvier.....
Comité de division, 6 mars 1791.
Comité de division, 5 janvier.....
Comité de Constitution, 27 déc. 1790. Comité de Constitution, 14 oct. 1790.
Comité de Constitution, 11 mai 1791.
Comité de division, 17 avril......
Comité de division, 3 avril.......
Comité de Constitution, 22déc. 1790. Comité de Constitution, 20 mars.. Comité de Constitution, 29 oct. 1790. Comité de division, 10 mars......
Comité de division, 6 décembre...
Comité de Constitution,25 janv. 1791.
Comité de division, 5 janv. 1791..
Comité de division, 3 mai 1791..
Administration, 23 août 1790.
Administration, 28 mars 1791.
Comité de division...........
Comité de division, 4 avril...
[Administration, 16 juin 1790..
S Comité de division, lor avril.....
j Comité de Constitution, lOdéc. 1790. Comité de division, 5 avril 1791..
Total........
population active.
33,639 51,531 43,228 69,015 59,363 22,106 68,002 77,720
54.271 41,265 42,356 53,861 50,448 43,799 51,079 39,218 69,675 62,084 59,385
100,718
81.272 82,600 28,413 29,305 16,977 41,608 64,568 91,981 41,084 67,455 54,108 73,362 83,440 48,092 40,308 63,366 48 ,-241 55,644 4g,086
42,683
33,821
44,964 56,773
1,298,360
Tableau n° 2.
TABLEAU N° 2. Représentation à raison de la population active.
DÉPARTEMENTS. POPULATION active, DIVISEUR COMMUN. QUOTIENT. FRACTION. RÉDUCTION de la fraction en 36". RESTES. DÉPUTÉS par le résultat des fractions.
1 Ain..................... 40 197 2 5 673 11/36 404
2 Aisne................... 63 953 3 12,167 25/36 192 1
3 Allier................... 41 553 2 7 029 14/36 323
4 Hautes-Alpes............. 22 884 1 5,622 11/36 353
5 Basses-Alpes............. 31 285 1 14,023 29/36 132 1
6 Ardèche................. 45 060 2 10,536 21/36 477 1
7 Ardennes................ 41 645 2 7 121 14/36 415
8 Ariège................... 35 489 2 965 2/36 7
9 Aube.................. . 43 031 2 8 507 17/36 . 364 1
10 Aude.................... 39 153 2 4 629 9/36 318
11 Aveyron ................ 57 841 3 6,055 12/36 307
12 Bouches-du-Rhône....... 72 496 4 3 448 7/36 95
13 Calvados................ 60 874 3 9,088 18/36 466 1
14 Cantal................... 37 329 2 2 ,805 5/36 410
13 Charente................ 57 224 3 5 438 11/36 169
16 Charente-Inférieure...... 69 957 4 909 1/36 430
17 Cher.................... 35 134 2 610 1/36 131
18 Corrèze................. 42 398 2 7 874 16/36 210
19 Corse................... 38 543 2 4 019 8/36 187
20 Côte-d'Or................ 63 107 3 11 321 23/36 304 1
21 Côtes-du-Nord........... 56 737 3 4 951 10/36 161
22 Creuse.................. 43 696 2 9 172 19/36 71 1
23 Dordogne................ 67 409 3 15 623 32/36 295 1
24 Doubs................... 32 428 1 15 166 31/36 317 1
25 Drôme.................. 37 616 2 3 092 6/36 218
26 Eure.................... 59 921 3 8 135 16/36 471
27 Eure-et-Loir............ 39 034 h» 2 4 510 9/36 199
28 Finistère................ 44 447 —j 2 9 923 20/36 343 1
29 Gard.................... 51 983 t® CT> 3 197 s 197
30 Haute-Garonne........... 82 314 w 4 13 266 27/36 333 1
31 Gers.................... 55 354 3 7 568 15/36 383
32 Gironde................. 77 372 4 8 324 17/36 181 1
33 Hérault.................. 49 073 2 14 549 30/36 179 1
34 llle-et-Vilaine............ 65 522 3 13 736 28/36 324 1
35 Indre................... 33 485 1 16 223 33/36 416 1
36 Indre-et-Loire........... 46 107 2 11 583 24/36 87 1
37 Isère.................... 56 837 3 5 051 10/36 261
38 Jura..................... 50 750 2 16 226 33/36 419 1
39 Landes.................. 40 038 2 5 514 11/36 245
40 Loir-et-Cher............. 34 170 1 16 908 35/36 143 1
41 Haute-Loire............. 33 639 1 16 377 34/36 91 1
42 Loire-Inférieure.......... 51 531 2 17 007 35/36 242 1
43 Loiret................... 43 228 2 8 704 18/36 82 1
44 Lot.................... 69 015 3 17 229 35/36 464 1
45 Lot-et-Garonne.......... 59 363 3 7 577 15/36 392
46 Lozère.................. 22 106 1 4 844 10/36 54
47 Maine-et-Loire........... 68 002 3 16 216 33/36 409 1
48 Manche................. 77 720 4 8 672 18/36 50 1
49 Marne................... 54 271 3 2 485 5/36 90
50 Haute-Marne............. 41 265 2 6 741 14/36 35
51 Mayenne................ 42 356 2 7 832 16/36 168
52 Meurthe................. 53 861 3 2 075 4/36 159
53 Meuse................... 50 448 2 15 924 33/36 117 1
54.Morbihan................ 43 799 2 9 275 19/36 174 1
55 Moselle.................. 51 079 2 16 555 34/36 269 1
56 Nièvre.................. 39 218 2 4 694 9/36 383
DÉPARTEMENTS.
57 Nord.;......
58 Oise ..............
59 Orne4.............
60 Paris . J...........
61 Pas-de-Calais.......
62 Puy-de-Dôme......
63 Pyrénées (Hautes-).
64 Pyrénées (Basses-)..
65 Pyrénées-Orientales
66 Rhin (Haut-).......
67 Rhin (Bas-).,......
68 Rhône-et-Loire.....
69 Saône (Haute-).....
70 Saône-et-Loire.....
71 Sarthe............
72 Seine-et-Oise.;......
73 Seine-Inférieure....
74 Seine-et-Màrne.....
75 Sèvres (Deux-).....
76 Somme............
77 Tarn.....,........
78 Var...............
79 Vendée............
80 Vienne............
81 Vienne (Haute-)....
82 Vosges............
83 Yonne ............
Totaux.
POPULATION
active.
69,675 62,084 59,385 100,718 81,272 82,600 28,413 29,305 16,977 41,608 64,568 91,981 41,084 67,455 54,108 73,362 83,440 48,092 40,308 63,366 48,241 55,644 48,086 42,683 33,821 44,964 56,773
4,298,360
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4 3
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5
4
4 1
1 »
2 3
5 2 3
3
4 4 2 2 3 2 3 2 2 1 2 3
205
41 3
249
FRACTION.
627 10,298 7,599 14,408 12,224 13,552 11,151 12,043 16,977 7,084 12,782 5,671 6,860 15,669 2,322 4,314 14,392 13,568 5,784 11,580 13,717 3,858 13,562 8,159 16,559 10,440 4,987
759,650
REDUCTION de la
FRACTION
èn 36".
1/36 21/36 15/36 30/36 25/36 28/36 23/36 25/36 35/36 14/36 26/36 11/36 13/36 32/36 4/36 9/36 30/36 28/36 12/36 24/36 28/36 8/36 28/36 17/36 34/36 21/36 10/36
1,545/36
RESTES.
148 239 414 38 249 140 134 68 212 378 328 402 333 341 406 3 22 156 36 84 305 26 150 .16 273 381 197.
19,595
Tableau n° 3,
TABLEAU N° 3. Représentation à raison des contributions directes.
MONTANT
RESULTAT
TOTAL
FRACTION
DEPARTEMENTS
contributions
directes
livres
1 Ain......>.........
2 Aisne..............
3 Allier..............
4 Alpes (Hautes-)
5 Alpes (Basses-) ....
6 Ardèche..........
7 Ardennes.........
8 Ariége............
9 Aube.............
10 Aude.............
11 Aveyron..........
12 Bouches-du-Rhône
13 Calvados..........
14 Cantal........
15 Charente..........
16 Charente-Inférieure
17 Cher.............
18 Corrèze...........
19 Corse.............
20 Côte-d'Or.........
21 Côtes-du-Nord.....
22 Creuse............
23 Dordogne.........
24 Doubs............
25 Drôme............
26 Eure..............
2T Eure-et-Loir......
28 Finistère.........
29 Gard .............
30 Garonne (Haute-)...
31 Gers.............
32 Gironde..........
33 Hérault..........
34 Ille-et-Vilaiue----
35 Indre............
36 Indre-et-Loire....
37 Isère.............
38 Jura.............
39 Landes..........
40 Loir-et-Cher.....
41 Loire (Haute-)----
42 Loire-Inférieure...
43 Loiret...........
44 Lot..............
45 Lot-et-Garonne...
46 Lozère...........
47 Maine-et-Loire...
48 Manche..........
49 Marne...........
50 Marne (Haute-)...
51 Mayenne........
52 Meurthe........
53 Meuse..........
54 Morbihan.......
55 Moselle.........
| 56 ïlièvre..........
DÉPARTEMENTS.
57 Nord................
58 Oise.................
59 Orne................
60 Paris................
61 Pas-de-palais.........
62 Puy-de-Dôme.........
63 Pyrénées (Hautes-)....
64 Pyrénées (Basses-)
65 Pyrénées-Orientales...
66 Rhin (HauÇ-).........
67 Rhin $as-)........
68 Rhône-et-Loire......
69 Saône (Haute-)......
70 Saône-et-Loire.......
71 Sarthe...............
72 Seine-et-Oise.........
73 Seine-Inférieure......
74 Seine-et-Marne........
75 Sèvres (Deui-).......
76 Somme..............
77 Tarn................
78 Var.........i.....
79 Vendée.....;........
80 Vienne......;........
81 Vienne (Haute-)____
82 Vosges...............
83 Yonne...............
Totaux.
MONTANT dès
CONTRIBUTIONS
directes.
livres.
6,259,200 5,945,200 4,333,600 20,709,400 3,836,000 4,638,300 887,500 1,213,600 1,042,800 2,260,600 2,872,300 8,254,100 2,137,300 4,413,100 4,655,300 8,954,300 0,421,700 6,651,000 3,101,600 6,768,000 3,211,100 2,197,500 3,138,500 2,056,500 2,227,300 1,954,000 3,575,600
300,000,000
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2
1
2
1
1
1
2
202
FRACTION.
RÉSULTAT de la
FRACTION.
1. s. d.
235,103 1,125,922 719,142 227,472 221,542 1,023,842 887,500 8,780 1,042,800 1,055,780 462,661 1,025,184 932,480 798,642 1,040,842 520,565 987,965 626,903 691,961 743,903 801,461 992,680 728,861 851,680 1,022,480 749,180 1,165,961
2 6 18 » 3 6 6 6 3 6
3 6 »
14 6 » »
14 6 9 7
14 6 3 6 3 6 1 6 1 6 12 6 9 12 6 9 » 14 6 9 » 14 6 14 6 14 6 9 »
56,626,506 9 ».
47/80 »
1 1
47
Tableau n° 4.
TABLEAU N» 4. Tableau de la représentation nationale.
DÉPARTEMENTS. A RAISON du territoire. A RAISON de la population active. A RAISON des contributions directes. TOTAL.
3 2 1 6
3 4 5 12
3 Allier............................................ 3 2 2 7
3 1 1 5
S Alpes (Basses-)................................... 3 2 1 6
6 Ardècbe.......................................... 3 3 1 7
7 Ardennes......................................... 3 2 3 8
8 Ariège........................................... 3 2 1 6
9 Aube............................................ 3 3 3 9
10 Aude............................................ 3 2 3 8
11 Aveyron......................................... 3 3 3 9
12 Bouches-du-Rhône................................ 3 4 3 10
13 Calvados......................................... 3 4 6 13
3 2 3 8
3 3 3 9
16 Charente-Inférieure...........................;.. 3 4 4 11
17 Cher............................................. 3 2 1 6
18 Corrèze.......................................... 3 2 2 7
19 Corse............................................ 3 2 1 6
20 Côte-d'Or......................................... 3 4 3 10
21 Côtes-du-Nord.................................... 3 3 2 8
22 Creuse............................................ 3 3 1 7
3 4 2 3 10
3 1 6
3 2 2 7
26 Eure............................................ 3 3 5 11
3 2 4 9
28 Finistère.......................................... 3 3 2 8
29 Gard............................................ 3 3 2 8
30 Garonne (Hathe-j.............i.... :........ 3 5 4 12
31 Gers............................................. 3 3 3 9
32 Gironde.......................................... 3 5 4 12
33 Hérault.......................................... 3 3 3 9
34 111 e-et-Vilaine..................................... 3 4 3 10
35 Indre........................................... 3 2 1 6
36 Indre-et-Loire.................................... 3 3 2 8
3 3 3 9
38 Jura............................................. 3 3 2 8
39 Landes........................................... 3 1 6
40 Loir-et-Cher....................................... 3 2 2 7
41 Loire (Haute-)...................i................ 3 2 2 7
3 3 2 8
43 Loiret........................................... 3 3 3 9
44 Lot.............................................. 3 4 3 10
45 Lot-et-Garonne................................... 3 3 3 9
46 Lozère........................................... 3 1 1 5
47 Maine-et-Loire.................;.................. 3 4 4 11
3 5 5 13
49 Marne.......................;...------;........... 3 3 4 2 10
50 Marne (Haute-) .. ;................................ 3 2 7
51 Mayenne......................................... 3 2 3 8
52 Meurthe.......................................... 3 3 a o
53 Meuse........................................... 3 3 2 8
54 Morbihan........................................ 3 3 2 8 8
55 Moselle.......................................... 3 3 2
3 2 2 7
A RAISON A RAISON
A RAISON des
DÉPARTEMENTS. de la
du TOTAL.
population contrirutions
territoire.
active. directes.
57 Nord....................................... 3 4 5 12
58 Oise........................................ 3 4 5 12
59 Orne.................................... 3 3 4 10
60 Paris........................................ 3 6 17 24
61 Pas-de-Calais.................................... 1 5 3 11
62 Puy-de-Dôme..................................... 3 5 4 12
63 Pyrénées (Hautes-)............................... 3 2 1 6
64 Pyrénées (Basses-)................................ 3 2 1 6
65 Pyrénées-Orientales............................... 3 1 1 5
66 Rhin (Haut-)...................................... 3 2 2 7
67 Rhin (Bas-)..................................... 3 4 2 9
68 Rhône-et-Loire................................... 3 5 7 15
69 Saône (Haute-).................................. 3 2 2 7
70 Saône-et-Loire.................................... 3 4 4 11
71 Sarthe.................................. 3 3 4 10
72 Seine-et-Oise...................................... 3 4 7 14
73 Seine-Inférieure................................... 3 5 8 16
74 Seine-et-Marne.................................... 3 3 5 11
75 Sèvres (Deux-).................................... 3 2 2 7
76 Somme.......................................... 3 4 6 13
77 Tarn........................................ 3 3 3 9
78 Var.............................................. 3 3 2 8
79 Vendée.......................................... 3 3 3 9
80 Vienne........................................... 3 3 2 8
81 Vienne (Haute-).................................. 3 2 2 1
82 Vosges......................................... 3 3 2 8
83 Yonne......................................... 3 3 3 9
Totaux..................... 247 249 249 745
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion de M. d'Attardé sur les impôts et sur la répartition de la contribution foncière et mobilière.
Messieurs,
Appelés par les cris de la philosophie à renverser l'édifice monstrueux des anciennes impositions, vous venez d'y substituer un plan tracé par la modération et la stricte équité. Si je rapproche vos opérations des circonstances où vous vous êtes trouvés, je vois qu'assiégés d'incalculables besoins qui semblaient commander des actes de rigueur, vous n'avez exercé que les actes de bienfaisance. On vendit cher au peuple les maux de l'esclavage, et vous lui faites acquérir à peu de frais tous les biens de l'estimable liberté.
Cependant comme le développement des principes d'intérêt général a froissé beaucoup d'intérêts particuliers, les plaintes de l'égoïsme accusent votre nouvel ouvrage : les échos de la malveillance les ont répétées; vos ennemis ont cru saisir des germes de dissension près d'éclore : ils ont calomnié le patriotisme français, et dans
leur joie impie ils ont caressé l'espérance de voir le mode d'imposition que vous avez décrété, proscrit de toutes parts, et la force publique ainsi paralysée gisant sans nerf et sans mouvement.
Ces circonstances m'ont fait un devoir de rompre le silence. Avide du bonheur de mes semblables, j'ai employé une partie de ma vie à méditer l'impôt, à rapprocher ses bases des principes de la justice. Lorsque chargés de régénérer l'Empire, vous appelâtes la philosophie, lorsqu'elle put faire entendre sa voix trop longtemps étouffée, je vous soumis un plan dont l'exécution avait été longtemps pour moi uq rêve agréable : vous y reconnûtes l'esprit qui bientôt devait vivifier toutes les parties de l'organisation sociale, et vous daignâtes m'associer aux travaux de votre comité de l'imposition.
Quel témoin plus fidèle pourrait-on trouver de la pureté de vos opérations, que celui qui plus d'une fois en fut l'instrument et l'organe?
Plus d'une fois mes méditations ont obtenu vos suffrages; qu'il me soit donc permis de vous entretenir encore. Si le premier devoir du citoyen est d'acquitter les charges publiques, celui de tout représentant est de lui rendre compte des raisons qui l'ont déterminé à voter pour l'impôt.
Mais que dis-je, Messieurs î Pour justifier vos opérations il suffira de les faire connaître. Avant de donner du mouvement à la machine, chacun
est appelé à en visiter l'intérieur, à en reconnaître les rouages, les poids, les ressorts secrets. Cette conduite simple et franche doit mettre le mécanicien à l'abri du reproche.
Je rappellerai d'abord le système hideuxnJes» anciennes impositions. J'opposerai à ce tableaq-celui du nouveau mode d'impôt; ce contraste est de nature à frapper les esprits. Après les avoir en quelque sorte tenus en suspens sur les gouffres que vous venez de fermer, je les conduirai aux résultats dont un avenir plus heureux étale la consolante perspective. Je tâcherai d'en rendre sensibles tous les principes, d'en populariser, pour ainsi , dire, l'expression,
La raison repoussait depuis longtemps le régime exacteur et oppressif de la fiscalité ; l'opinion publique en avait fait justice avant vous. Outre les vices particuliers à chacun des anciens impôts, je remarquerai qu'ils en avaient tous en général, et qui portait sur l'oubli des principes les plus sacrés. Les fantaisies du despotisme avaient travaillé l'impôt de manière que la base en était renversée ; celui qui avait moins payait plus et le fardeau, allégé pour le riche, pesait tout entier sur le pauvre.
TABLEAU DES ANCIENNES IMPOSITIONS.
EXAMEN DE L'IMPOT DIRECT.
Si j'examine l'impôt direct sur les personnes et les propriétés, une institution monstrueuse vient affliger mes regards. La taille asservissait l'agriculteur, le commerçant, enfin les classes industrieuses qu'on nommait roturières. L'oisiveté superbe des privilégiés en était seule exempte. Le plus profond mépris pour la dignité de l'homme semblait l'avoir dictée, puisque, par le plus révoltant des abus, la taille laissait sur le front du contribuable le sceau de la flétrissure.
Les vingtièmes présentaient seuls un mode d'uniformité ; mais les exceptions étaient si mul-tipliées par des abonnements de faveur arrachés à la faiblesse du ministre, que cet impôt ne conservait aucun des caractères de son institution. Le crédit du riche venait à bout d'en empêcher le nivellement; il obtenait qu'on ménageât ses fermiers sur la taille,-et les vingtièmes étaient communément fort au-dessous de la valeur effective de ses propriétés. Echappant lui-même à tout impôt personnel, il réfugiait sa fortune dans des charges inutiles que la taille ne pouvait atteindre. Ces exemptions tournaient au préjudice des citoyens moins fortunés : alors on additionnait à leur cote celle que l'on remettait au privilégié. Le fisc ne perdait point sa proie.
EXAMEN DES IMPOTS INDIRECTS.
Des droits de contrôle, d'insinuations, etc.
Je passe aux impôts indirects. L'arbitraire, la plus impolitique iniquité, souillaient l'impôt établi sur les conventions. Il est un principe ^acré auquel vous êtes restés fidèles, Messieurs, c'est que s'il est vrai que la société puisse, pour ses besoins, prélever un droit sur les conventions en raison de la protection qu'elle leur accorde, du moins ce droit doit être égal, uniforme pour tous les départements, pour tous les citoyens. Cette considération d'équité était totalement oubliée. Le3 conventions du pauvre acquittaient seules le droit rigoureusement, tandis que celles du riche
étaient beaucoup plus ménagées; elles étaient même affranchies de l'iïnpôt, lorsque l'homme aisé prenait la précaution de passer ses transactions dans la capitale. Vous savez, Messieurs, que le contrôle était fixé à 3/4 0/0 de la valeur sur toutes les conventions de 10,000 livres et au-dessous, il était réduit de 4/5 en faveur des sommes au-delà de 10,000 livres ; ainsi les actes du pauvre supportaient l'impôt dans toute son étendue, les conventions du riche ne devaient que le cinquième dé l'impôt. (1)
Des impositions sur les consommations.
L'impôt sur les consommations présentait le même vice d'inégalité. Lés droits imposés au détail atteignaient toujours le pauvre, et presque jamais le riche. Ce dernier prenant en masse ses consommations, bénéficiait : 1° d'une remise ; 2° des droits au détail ; 3° des frais que le salaire du détailliste entraîne. L'impôt sur le3 consommations est tellement vicieux de sa nature que, le répartissant d'une manière uniforme sur tous les citoyens, il donnerait cependant un résultat inégal. Je m'explique : supposez qu'un droit de 2 sous sur un objet de consommation soit également acquitté par un riche et par un ouvrier, il se trouvera cependant un résultat que le pauvre aura contribué d'un dixième de son revenu journalier, et que le riche aura peut-être contribué d'un millionième de son revenu. Ainsi ces impôts, en arrachant au pauvre une partie de son nécessaire, exigeaient de sa part une économie sur les consommations de première nécessité ; et cette économie, privant l'agriculture d'une partie de ses débouchés, frappait d'une plaie immense et l'industrie et le commerce.
La nature, outragée par le despotisme, le punit par le refus de ses dons; mais tout reoait, tout s'avive sous l'heureux accord de la politique et de la morale.
De Vimpôt sur le sel.
Ces considérations, Messieurs, vous ont conduit à penser que la gabelle, impôt excessif pour le pauVre, léger pour le riche, devait être proscrite ; que son nom ne devait être prononcé que pour" rappeler à jamais à vos descendants les bienfaits de la nouvelle Constitution ; que le bas prix du sel contribuerait aux progrès de l'agriculture, à l'éducation des bestiaux, qu'il faciliterait les salaisons, qu'il accroitrait la richesse nationale; et vous avez, par ces motifsraffranchi de tout impôt ce genre de consommation.
De Vimpôt sur le tabac.
Le tabac étant un impôt de prédilection caressé par les anciens agents du fisc, on disait en sa faveur qu'il était purement volontaire, et qu'il n'avait aucun des inconvénients inhérents à la perception de3 autres impôts indirects ; mais en réfléchissant sur ce mode de contribution, votre comité, Messieurs, a reconnu que l'exercice du privilège de la vente du tabac était un tribut énorme sur la jouissance, souvent unique, du
pauvre ; que cet impôt ne pouvait être maintenu sans adopter à sop égard un plan d'uniformité qui aurait privé plusieurs grandes provinces d'une branche de commerce et d'une culture très intéressante;; que son exercice exigerait, sur toute la surface de i'Empire, une armée. de; commis nécessaires pour maintenir la prohibition de culture, qu'il priverait enfin les citoyens du droit de tirer de leurs propriétés les avantages dont ellés sont suscëptiblès : ces motifs ont fait penser à votre comité Que cet impôt était inconciliable avec les principes de la Constitution ; sa proscription a donc été déterminée*
Dé? drçits dé traites perçus à la circulation.
Les droits' détraitesperçus à la circulation Sur le commercé national étaient un imjrôt immoJ fal sur les productions du sol et de l'industrie ; leur produit était dévoré paf les agents répandus sur les limites fiscales pour gârantir les contraventions et assurer la perception. Depuis deux siècles la nation sollicitait leur abolition, elle avait toujours été promise, toujours différée. Ces droits étaien t si mal éombinés, qu'ils étaient souvent plus considérables sur les marchandises indigènes que les droite établis sûr l'importation de cé.lle dé l'étranger, lis ii'existent plus ; vous avez brisé les chaînes du commerce, Vous avez rendu des ailes à Tmdnstrie/èllè va prendre l'essor, et déjà le mouvement répand là vie dans toùtès les parties du vaste corps de là France. :
EXAMEN DES DOUANES.
Mais ce n'était point k la suppression de çés droits impolitiques que devait se borner l'attention des représentants d'upegrandë nation.; il était question de savoir si les relations de la Francte avec l'étranger devaient être gênées par les droits d'un tarif, tant à l'entrée qu'à la sortie; nos préjugés ont fait croire à cette nécessité, il était donc indispensable de substituer à tous les anciens tarifs de la fiscalité un tarif clair, uniforme, et le moins défavorable aux spéculations du commerce.
Dès 1787, M. de Gormeré avait présenté, indiqué, mûri ce travail, et votre comité, Messieurs* en a reproduit les bases. Mais je dois Observer que le jour n'est pas loiu où l'intérêt du commerce prévaudra sur celui des commerçants, qu'eux-mêmes sentiront que, s'ils gagnent à ce système comme vendeurs, ils y perdent comme acheteurs ; car là où se trouve la liberté, se trouve toujours l'abondance. Ceux qui Vous suivront, Messieurs, seront vos héritiers en bienfaisance; ils détermineront, n'en doutez pas, la suppression absolue de tous droits sut' les importations ët les exportations; cette opération sage, féconde, inévitable; hé sera pas fort onéreuse au Trésor public. Il est reconnu que les frais de garde et de perception absorberont un tiers, peut-être moitié du produit pour lequel lés douanes sont comprises dans les devenus de l'Etat. Elles confirment une vérité dont la politique s'est enrichie : ce qui n'est pas bien en foi, est rarement avantageux.
EXAMEN DES DROITS PERÇUS A LA FABRICATION SUR LES CUIRS, LES HUILES, LES AMIDONS, CARTES, PEPIÈRS, ETC.
Lés droits perçùs à la fabrication sur les Cuirs, les huiles, les fers, les amidons, les cartes a jouer,
ceux exigés sur les papiers et surtout aux entrées des lieux y sujets, n étaient pas moins impolitiques que ceux de circulation : votre comité vous a .proposé leur suppression absolue-; ils n'existent .plus, la France est à jamais délivrée défi vexa? tions inséparables de leur exercice et de leur perception. Vous avez repoussé loin du citoyen tous les tourments de cette inquisition domestique dont ces droits oppresseurs le fatiguaient;; son domicile est un sanctuaire dont la liberté garde la porté-
EXAMEN DES DROITS D'AIDES.
Enfin, Messieurs, lorsque la considération des produitsjconduisàit à penser que, dans te momeni actuel. M serait pèut-être suffisant de modifier les dqitd d'aides perçus sur les boissons à la fabrication, à l'enlèvement, à là. circulatioii, qu'on pourrait ad opter .la même mesure pour les droits acquittés aux entrées des villes, tant au profit du Trésor public, qu'à celui des municipalités et de leurs hôpitaux; entraînés par des vues supérieures, vous avez décidé qu'on ne devàit point composer avec les abus ; que l'existence d'impôts contraires à la liberté des spéculations, disparates avec les fortunes des contribuables, qui par leur nature* armaient les citoyens contre les citoyens, et nécessitaient des frais énormes de perception, était incompatible avec les principes de l'équité, d'une; libre Constitution; vous les avez réprouvés sans restriction. Les villes ne feront plufè exception à la loi commune : bientôt le bas prix de la main d'œuvre, suite de la suppression dés droits d'entrée, y multipliera l'activité dè commerce ; l'ouvrier,, l'artisan- ne seront pliis réduits à des privations injustes; la culture des vignobles sera améliorée; cette opération sera bientôt justifiée par i'extension de notre commerce, par l'accroissement de nos exportations, par la diminution dés importations de l'étranger;
TABLEAU DES NOUVELLES IMPOSITIONS.
EXAMEN DES CIRCONSTANCES OU S'EST TROUVÉE L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
Mais cé n'était pas assez d'avoir porté la haché dans cette forêt d'abus, ce n'était pas assez d'avoir renversé le colosse horrible des anciennes impotions; il fa lait ensuite déterminer d'une manière précise .le mode des contributions publiques. Chacun devant donner à l'Etat pour en recevoir liberté, sûreté,, protection, il fallait combiner avec une exactitude rigoureuse et presque, mathématique le débet de tout citoyen. Ici lés difficultés se pressaient de toutes parts. Un impôt direct sur les terres paraissait seul convenable à quelques bons esprits ; mais une considération touchante venait d'abord s'offrir. Les résultats lointains que présentait ce système, les idées intermédiaiïeé dofit il se compose, auraient été faiblement sentis du cultivateur ; il n'eut vu que l'impôt pesant sur la charrue : cet impôt aurait eu à ses yeux l'effet d'un oragé qui désole les campagnes. Des considérations politiques le repoussaient d'ailleurs. Convenait-il, au moment de la vente des biens nationaux, d'effaroucher les acheteurs par l'aspect d'un impôt unique sur les terres?
Cependant le gouffre des finances était ouvert devant vouà, vous seuls étiez appelés à le fermer.
Il fallait atteindre les besoins de l'Etat. Un seul moyen s'est offert : il consistait à faire concourir avec? l'impôt direct les différents rameaux des Impositions indirectes compatibles avec les principes d'une Constitution libre.
EXAMEN pu DROIT D'ENREGISTREMENT.
Telles opt été, Messieurs, lès vues que vous ave? adoptées pour la'perception du droit d'en-gistrement sur les conventions et les transactions. Ce droit n'aura plus les inégalités de ceux qu'il remplace; sa perception, uniforme dans tous les, départements, géra proportionnelle à la nature des conventions et des transactions; il ne formera qu'un tribut léger, toujours subordonné a,ux facultés. Les frais de sa perception seront peu coûteux, elle ne contrariera point les principes iie la liberté individuelle : son produit néau-* moins sera très important.
DU DROIT DE TIMBRE.
Sur. quels principes il est fondé.
Le droit de timbre est également un impôt proportionnel aux opérations commerciales.de tous les citoyens ; il est juste : car l'équité veut que les capitalistes et les particuliers qui n'ont qu'une fortune mobilière, qui ne contribuent point à l'impôt :de propriété, subviennent à la, dépense eommpne ; et votre comité a pensé qu'ils ne pourraient être atteints que par un impôt modéré sur leurs opérations ; cette légère rétribution sur leurs bénéfices les mettra dans le cas de contribuer à des charges à peu près égales à celles qui seront imposées sur les propriétés.
Du DROIT DE PATENTES.
Enfin, le droit de patentes, en remplaçant le privilège exclusif des maîtrises et jurandes,! les' droits 6ur les boissons, ceux perçus aux entrées dés villes, sont un véritable impôt de consommation, dont le fabricant, le marchand, i'artisan feront lés avances, mais dont1 ils se rembourseront sur leg consommateurs par i uq accroissement insensible sur la valeur c[es marchandises : d'ailleurs, la perception dé cet impôt n'exigera qu'une surveillance soutenue de la part des municipalités ; ses frais seront peu considérables.
Ainsi, d'un côté, cette foulé d'impositions im-politiqûes, vexatoires et barbares, créées par les ressources fécondes du génie fiscal, n'existent plus. Ces impôts effrayants dont il fallait défalquer toujours un cinquième pour les frais énormes de perception, et qu'atténùait' encore là concurrencé' clé la contrebande, réjouissent par leur chute, l'àgricuture, le comimèrce, l'industrie. La suppression dé ce régime désastreux n'afflige sincèrement que la ferme, léà galères, les gèôlierà.
Les sîeuls impôts indirects qui subsistent ont le caractère de l'équité. Leur perception est Simple, facile et peu coûteuse ; ils ne prêtent point à l'arbitraire; leur prqduit ne peut être atténué par la concurrence de la fraude; ils sont modérés, et ne seront acquittés que par celui qui possède; ils ne portent aucune atteinte aux facultés bornées du pauvre et de l'indigent.
Ce nouveau système de contributions indirectes, Messjéùrs, n'a pas besoin d'apologie; il suffit'de lé comparer à l'ancien {jour en reconnaître tous les avantages.
DE LA FIXATION DES CONTRIBUTIONS, SOIT FONCIERE, SOIT MOBILIERE.
Mais une tâcjie plus difficile à remplir étâit la fixation des contributions que la masse èntière des citoyens doit à l'Etat proportionnel lement à ses facultés, soit raobilières, soit immobilières.
Vous avez décidé, Messieurs, que ces contributions devaient être divisées en deux parties, l'une consistant dans la 'rétribution que chacpn doit sur le produit effectif de' sa propriété ; l'autre sur lés facultés ét lésrichesses qqi ne dérivent point des "propriétés foncières.
L'équité dictait ces bases ; mais en même temps vous avez prescrit une mesure qui garantit Hes effets de l'arbitraire, qui ne laissé' aucune inquiétude sur la résurrection des vices, des abus de l'ancien régimé : la part que chaque citoyeti doit à l'Etat sur le produit net de sa propriété, ést irrévocablement fixée, pàur VEtat, au sixième produit ; pour les dépenses locales des départements, aux 4 sols pour livre de ce sixième; ce qui forme, au total, le cinquième, du revenu net. Il n'est personne qui puisse élever des réclamations contre une pareille disposition. Elle n'admet aucune exception de faveur ; et si l'on fait attention aux bénéfices que les propriétaires retireront de l'abolition de la dîmej des droits féodaux , de ceUx de péage^ minage et autres supprimés fans indemnité, comme iqouumeots de la servitude sous laquelle la France avait si longtemps gémi ; il n est aucun propriétaire qui ne doive s'estimer heureux d'avoir la pleine et libre jouissance des 4 cinquièmes du produit de sa propriété, lorsque surtout il ne sera plus inquiété, recherché par des impôts vexatoires sur les consommations.
Cette contribution sur les propriétés n'est susceptible ni d'arbitraire ni d'injustice; mais il n'était pas aussi facile de déterminer la taxe des; fortunes mobilières indépendantes des richesses du sol. Vous ne vous êtes point fait illusion, Messieurs, sur cette difficulté;; et après avoir cherché tous les moyens Passibles de soumettre à une taxe correspondante aux facultés les citoyens non propriétaires, ypus avez estimé que ïa moins imparfaite serait de déterminer cette taxe d'après les fortunes présumées par le loyer des habitations,'; en même temps vous avez déterminé des proportions : graduelles, et qui se rapprochent le plus des vraisemblances.
Mais cette taxe personnelle n'étant assise que sur les facultés inconnues et d'industrie, votre comité vous a proposé de faire à chacun, sur la somme de sa contribution mobilière!, une réduction équivalente à la somme du revenu foncier; en spr te que, par cette seco nde contribution » le Trésor public ne çeçevra réellement que la taxe effective des richesses mobilières, sans exiger une nouvelle contribution des propriétés foncières: 01JA i'i^I-m ;ur
Vous avez, Messieurs, déterminé la fixation de cette seconde taxe â la somme de. jjQ miUioUSj indépendamment des 4 sols pour livre affectés aux dépenses locales des départements, et de 2 sols pour livre destinés à subvenir aux non-valeqrs,.décharges et modérations.
Cette fixation est modique, surtout si on fait attention que la taxe universelle d'habitation fixée aux 3 centièmes du revenu présumé, celle dé citoyen actif, celle des domestiques des deux sexes, celle des chevaux et mulets de selle et; de voiture, et l'imposition dés fonctiophaires pu-
blics, qui ne seront point admis, à ta compensation de leur revenu foncier, absorberont le quart au moins de celte contribution.
Cependant vous avez voulu que cette taxe ne s'élevât point au delà des bornes facultatives de chaque citoyen; vous avez en conséquence déterminé son maximum au dix-huitième du revenu présumé, et vous avez décrété que dans le cas ou le dix-huitième ne compléterait pas la somme de contribution mobilière déterminée pour chaque municipalité, le déficit serait reporté par addition sur la cote d'habitation qui n'est susceptible d'aucune compensation.
Il est à présumer, Messieurs, que ce rejet de la contribution mobilière sur la taxe d habi-tation sera nul ou très peu considérable; néanmoins votre sagesse a voulu donner à la nation une sauvegarde positive contre l'extension absolue de ce rejet; et ce motif vous a déterminés à fixer son maximum au quarantième du revenu présumé de l'habitation.
Ainsi les propriétés ne peuvent jamais contribuer aux charges de l'Ëtat que jusqu'à concurrence du cinquième du revenu effectif; tandis que les fortunes mobilières n'y contribueront que dans la proportion du vingtième ou du dix-nuitième, et que le rejet est fixé au quarantième du revenu présumé de l'habitation, en sorte que la somme totale des contributions sera toujours proportionnée aux .facultés réelles, soit foncières, soit mobilières, de chaque département.
DE LA RÉPARTITION ENTRE LES DÉPARTEMENTS.
Cette opération étant délicate, embarrassante, elle a principalement fixé votre attention.
L'étendue du territoire, la population ne présentaient que des bases fautives; gui auraient ménagé les départements les plus riches et surchargé les pauvres ; il a donc été nécessaire d'en rechercher une plus satisfaisante.
Les impositions indirectes de toute nature n'offraient pas des résultats plus favorables. Les départements assez heureux pour être affranchis de l'impôt désastreux de la gabelle, pour ne point être accablés par la régie vexatoire des aides, payaient des impositions directes excessives; et si ces contributions avaient formé la seule base de répartition, ces départements auraient éprouvé la surcharge la plus effrayante, tandis que ceux où le génie fiscal exerçait son empire de la manière la plus tyrannique, n'auraient été soumis qu'à une taxe modique et fort au-dessous du cinquième, taux auquel vous avez pensé que les propriétés devaient être imposées.
De cette fausse combinaison, Messieurs, il serait nécessairement résulté que les départements ménagés auraient gardé le silence, tandis que ceux qui auraient été taxés au delà de la proportion décrétée, auraient réclamé une modération qui n'aurait pu leur être refusée, et qui aurait diminué peut-être d'un quart la masse principale des deux contributions.
Bases de'cette répartition.
Votre comité, dès lors, a pensé que lés bases élémentaires de la répartition des deux contributions foncière et mobilière devaient être composées de la totalité des anciennes impositions directes ou indirectes.
En prenant ce parti, en appliquant à chaque département la somme des impositions de toutes
sortes qu'il supportait dans l'ancien régime, eu égard aux impôts indirects, dont les diverses parties qui le composent étaient grevées, votre comité s'est formé le tableau exact des bases élémentaires de répartition propres à chaque département.
Cette opération aurait été parfaitement juste, s'il eût été possible de déterminer, par localité, la somme de toutes les anciennes perceptions.
Les impôts indirects étaient de deux sortes. Les impôts sur le sel et le tabac, les droits perçus sur les boissons, les fers et les huiles, à la fabrication ou à l'enlèvement, ceux établis sur la vente en détail des boissons, ceux de contrôle, centième denier et insinuation, une partie de ceux perçus aux entrées des villes, tant au profit du Trésor public qu'à celui des municipalités et des hôpitaux, étaient évidemment une charge des départements où ces perceptions étaient effectuées ; ainsi la somme de ces perceptions a dû former partie des bases élémentaires de répartition de chaque département.
Mais comme ces contributions étaient irrégulières, comme elles étaient équivalentes, même supérieures à l'impôt direct, dans les départements où le génie de la fiscalité avait atteint le maximum, votre comité, Messieurs, a pensé que le montant de ces impôts ne devait être employé que pour le principal, et que les 10 sols pour livre devaient être rejetés de3 bases élémentaires propres à ces mêmes départements: il a adopté cette mesure par une considération de justice et sans réplique. Ces sortes d'impôts dans les prbvinces qui en étaient affranchies avaient été compensés, originairement, par une fixation plus élevée de la taille et accessoires : mais depuis le commencement du siècle, et notamment depuis 1760, des sous pour livre, successivement établis, avaient augmenté de moitié les droits principaux; ainsi lés provinces qui en étaient grevées avaient éprouvé une surcharge qui n'avait point eu d'effet à l'égard des provinces affranchies de ces impôts, par un accroissement sur les impositions directes ; comme si l'accablant fardeau dont l'exacteur grevait des citoyens approuvés, créait, dans ses mains un titre, pour en augmenter le poids.
Il était d'autres impôts indirects, tels que les droits de petit scel, contrôle des exploits et autres sur les procédures, les droits perçus à la circulation sur la production du sol et de l'industrie, éeux perçus à l'importation sur les marchandises étrangères et les droits de consommation sur les marchandises coloniales, qui étaient une charge commune pour tout le royaume, à l'exception de quelques provinces qui n'y étaient pas assujetties; votre comité, Messieurs, a pensé que la perception de ces impôts devait entrer dans les bases de répartition des départements, où ces droits étaient établis au marc la livre de leurs impositions directés, et sans avoir égard aux lieux de percéption, parce que leur objet n'était point une charge particulière des départements où les perceptions étaient effectuées, mais était remboursé par les consommateurs des départements pour lesquels étaient les destinations ; cependant, pour éviter des bases injustes, votre comité, Messieurs, a pensé qu'on devait rejeter du marc la livre générale le montant des 10 sols pour livre créés depuis le commencement du siècle, et n'employer le produit de ces impôts que pour le principal. Ën même temps, il a paru convenable d'employer, à l'égard des départements affranchis de ces impôts, le montant total des
droits locaux auxquels ils étaient assujettis ; celte mesure a été adoptée comme un moyen de corriger les abus et les inconvénients de l'ancienne inégalité, quant à l'existence de ces impôts.
I Enfin, il subsistait divers impôts dont l'exercice et la perception étaient communs à toutes les parties de l'Empire, tels que les droits perçus à la circulation sur les boissons, qui, se confondant avec les valeurs originaires, étaient supportés par tous les départements, suivant le lieu ae la destination. Les droits sur les cuirs, les amidons, les cartes à jouer, la marque d'or et d'argent, les. droits d'aubaine, bâtardise, déshérences, ceux d'échange, de franc-fief et autres sur les propriétés, votre comité, Messieurs, a pensé que ces impôts communs devaient faire une seule masse, pour être compris (sur le pied effectif des perceptions) dans les bases élémentaires de répartition de tous les départements, au marc la livre des impositions directes auxquelles ils étaient assujettis : il a compris au nombre de ces impôts, la moitié des droits principaux acquittés aux entrées des villes, et les 10 sols pour livre de la totalité de ces droits principaux : il s'y est déterminé par un motif déquité. Ces sortes de droits, en effet, n'étaient point, une charge spéciale pour les départements et les villes où les perceptions étaient effectuées : ils amenaient la vitalité des prix; ils restreignaient les consommations, et les productions destinées pour les villes augmenteront considérablement la valeur, par la suppression des droits perçus à leur entrée.
Ces diverses opérations, Messieurs, ont donné l'approximation la plus juste de la somme des anciennes impositions indirectes qui étaient à la charge de chaque département, et leur en» semble, joint aux contributions directes, y compris les accroissements résultant des nouvelles matières imposables par l'abolition de tous les privilèges, a formé une masse de 487,391,000 livres, qui a donné une proportion de 12 s. 3 d. 11/15, avec la fixation principale de 300 millions, décrétée pour les contributions foncières et mobilières : dès lors, la part afférente à chaque département tlans cette fixation, a été déterminée à raisonde 12 s. 3 d. 11/15 de la somme qu'il supportait dans la masse générale de 487,391,000 livres.
Les résultats de ces opérations, Messieurs, offrent pour tous les départements, sans exception, un soulagement effectif et très considérable sur la somme de leurs anciennes contributions. Elles sont telles que les départements, dont les contributions consistaient principalement en impositions directes, éprouveront une réduction sur ces mêmes contributions, et gagneront la totalité de leurs impositions indirectes, tandis que les départements dont les contributions directes étaient moins élevées, mais qui étaient sujets à des impôts de consommation très loùrds et très fatigants, obtiennent une modération plus sensible, quoique leur part afférente dans la somme de 300 millions excède de beaucoup leurs anciennes contributions directes, y compris l'accroissement des nouvelles matières imposables.
Votre comité, Messieurs, n'a pu adopter une mesure plus conforme aux règles de l'équité. Pour établir ce mode de répartition, il s'est entouré dè toutes les lumières, s'est éclairé surtout des connaissances et de l'expérience de MM. Tarbé et de Gormeré, et ne l'a soumis à votre délibération que discuté, examiné par les députés de tous les départements; il a été revêtu de leurs lumières et de leur assentiment. On peut donc
regarder ce mode comme celui même qu'auraient proposé les départements appelés à juger dans leur propre cause.
C'est un partage égal entre les frères d'une même famille.
Il était question ensuite de déterminer le départ de la part afférente à chaque département, dans la somme de 300 millions; il s'agissait de savoir combien chacun devait employer de cette part en contribution foncière, combien en contribution mobilière.
Moyens de déterminer combien chacun devra en contribution foncièrey combien en contribution mobilière.
Après avoir étudié tous les modes d'opérer cette division, votre comité a pensé que les vingtièmes devaient être prélevés sur la somme totale de 300 millions qu'ils devaient faire entrer dans la fixation de fa contribution foncière.
Ce prélèvement.sur la somme de 300 millions étant de 75 millions (montant des vingtièmes, y compris ceux des biens ci-devant ecclésiastiques et des privilégiés), il n'est plus resté à départir que la somme de 225 millions.
60 millions, fixation dè la contribution mobilière, forment les 4/15 de la somme de 225 millions; ainsi votre comité a pensé que le départ serait juste en donnant à chaque département, pour contribution foncière : 1° les vingtièmes tant anciens que nouveaux ; 2° les 11/15 du restant de la portion contributive, et en fixant sa contribution mobilière aux 4/15 de sa part, contributive, distraction faite des vingtièmes.
Ces combinaisons se sont trouvées dans un rapport correspondant aux fortunes présumées de chaque département, soit foncières, soit mobilières : cependant, en l'examinant dans le plus grand détail, votre comité a reconnu qu'elle élèverait trop haut, dans quelques départements, la contribution mobilière, et que cette même contribution serait trop faible dans les départements de Paris, Rhôue-et-Loire, Seine-Inférieure, Gironde, Bouches-du-Rhône et Loire-Inférieure, où les fortunes mobilières sont évidemment beaucoup plus considérables que dans les autres départements, et que la contribution foncière dans ces mêmes départements excéderait notoirement la proportion commuuè, décrétée pour cette sorte de contribution.
Votre comité, Messieurs, a trouvé le remède dans le vice même de l'opération. Il a reconnu que la contribution mobilière, dans ces 6 départements, pouvait être augmentée du montant de la capitation des villes principales de ces départements, et leur contribution foncière diminuée dans la proportion de l'exhaussement de leur contribution mobilière.
Cette opération donnant à ces départements 7,500,000 livres en contribution mobilière, au delà de la proportion commune, et pareille somme en contribution foncière, au-dessous de la même proportion, il ne s'est plus trouvé à répartir que 52,500,000 livres en contributiou mobilière.
Dès lors, la proportion générale de cette contribution a été des 7/8 de la somme de 225 millions; ainsi la contribution foncière de tous les départements a été composée : 1° de leurs vingtièmes, tant anciens que nouveaux; 2° des 7/30 de leur part contributive dans la somme de 300 millions, prélèvement fait des vingtièmes
qu'ils supportaient, et leur contribution mobilière a été déterminée à raison de 7/30 de leur part contributive dans la somme de 300 millions, déduction faite de leurs vingtièmes.
A l'égard des 6 départements qui ont fait exception à la loi générale, on a retranché de leur contribution foncière, 6,200,000 livres pour le département de Paris ; 500,000 livres pour chacun des départements de la Gironde et des Bouches-du-Rhône ; 450,000 livres pour chacun des départements du Rhôn&et-Loire et Seine-Inférieure ; et 400,000 livres pour le déparlement de la Loire-Inférieure ; et ces mêmes sommes ont été ajoutéës à la contribution mobilière qu'ils devaient supporter d'après la loi commune,
Vous reconnaîtrez aisément, Messieurs, totite
la justice de l'opération : elle sera sensible à tous les départements, et je ne doute pas qu'elle n'excite la reconnaissance individuelle de tous les citoyens.
Tous sVmpresseront à faire le parallèle de l'ancien et du nouveau régime des contributions, et cette comparaison suffira podr assurer les effets de la Constitution, pour déterminer au payement exact des contributions, sur la foi desquelles repose incontestablement la fortune de l'État.
Qu'il me soit permis^ Messieurs, de vous esquisser le tableau de cette comparaison; il n'offre point des résultats problématiques ; il est fondé sur des bases incontestables.
TABLEAU COMPARATIF DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU RÉGIME D'IMPOSITIONS.
DE L'ANCIEN ET DU NOUVEAU RÉGIME D'IMPOSITIONS.
Dans Vancien régime-
1° L'arbitraire dominait seul ; au lien de la loi régnaient les caprices du despotisme, la vénalité du ministre, 1'influénce des boudoirs, l'intrigue, la corruption. De là les eXeihjjtions, les remisés, les modérations de faveur ; de là ce renversement de l'échelle des impôts ; le collecteur s'arrétant à la porte du riche, et renversant celle du pauvre. Nulle égalité dans la répartition de la contribution foncière. U semblait que l'espèce hu«-maine fut divisée en deux castes,, l'une de (Tespotes, l'autre d'esclaves : ifci des privilèges, Torgûeil, la mollesse ; là des pleurs, les travaux, la misère.
Dans l'assiette de la contribution mobilière, mèrrte arbitraire, même iniquité ; quiconque avait l'âme bien dure, bien vénale, inaccessible à tout sentiment humain, allouait ses. talents au fisc, Une impitoyable rapacité caractérisait les collecteurs, et ils étaient pour les campagnes un fléau dévastateur, comme la grêle, les che-nilles, les ouragans.
L'industrie épouvantée n'osait prendre l'essor et rétenait captives les spéculations ; une fatale expérience lui avait appris qu'elle ne travaillait qUe pour le fisc. Abreuvés d'humiliations, .d'injustice, de découragement, les citoyens renonçaient à accroitre des biens qui n'au» raient point été pour eux,
2° Dans les impôts sur les consommations ; des violences, des visites domiciliaires e^ inquisitoriales, des interrogations insultantes, des exactions brutales.
Voilà pour les percepteurs.
Des droits particuliers, des privilèges prodigués sans mesure.
Voilà pour la perception.
Un code pénal, la honte de l'humanité, ou les plus grandes peines punissaient les fautes les plus légères. Les galères, l'infamie, la prison, le fouet, la marque, la mort !,.. voilà pour les malheureux contribuables.
Le fisc avait tout acheté, jusqu'à la justice ; lorsque la loi elle-même assassine, on est parvenu aU dernier degré du despotisme : la ferme disposait des jugements en disposant des places, de juges. Elle avait des tribunaux salariés par elle ; ces tribunaux placés de distance en distance sur la surface de l'Empire étaient l'antre où les monstres épiaient, attiraient, égorgeaient leurs victimes .
Ainsi furent établies des commissions particulières à Valence, Reims, Saumur, etç,, elles étaient investies de l'autorité des cours suprêmes, leurs arrêts souverains répandaient d'un bout de la France à l'autre la désolation, la ruihe et la mort.
La régie des droits d'aides était aussi vexatoire.
On retrouverai! le tableau des mêmes horreurs dans les droits exigés à la fabrication sur lés cuirs, les huiles, les amidons, "les cartes à jouer.
Tel fut ausssi le régime des droits aùx entrées des villes.
Les impôts sur les boissons excédaient communément
Dans le nouveau régime
1° La loi pour tous, égale, uniforme.
Point d'exemptions.
Nul ne peut être imposé au delà de la proportion du cinquième de sort revenu effectif.
Précise, mais bienfaisante, la loi donne les moyens faciles dfe connaître et de réparer les surcharges, s il y a lieu.
Tous les citoyens également appelés aux charges, consentent, répartissent, dirigent et surveillent par eux-mêmes un impôt qui n'est établi que pour eux,
Les mêmes principes ont établi la contribution mobilière.
La loi est évidente, formelle, nulle contestation à craindre; le fléau de l'arbitraire en est sagement écarté; point de fausses interprétations,
Le dernier caractère de cette taxe équitable est d'être tempéré.
Cnaqûe citoyen, réposant en paix sous une loi bien faisante, s'abandonnera sans crainte à toutes les spéculations qui pourront améliorer sa propriété, il cultivera enfin pour lui-même.
2° Les impôts attentatoires à la liberté du citoyen sont proscrits.
Son domicile est un temple sacré, impénétrable aux exactions, à la violence >
La loi, sévère, mais juste, ne punira que le refus formel de payer l'impôt; mais quand l'impôt est équitable, égal, modéré, le crime du refus n'est pas à craindre. Ainsi nous devons présumer que la loi ne punira jamais.
La justice est enfin impartiale, parce que, par un Choix public, éclairé, le peuple nomme lui-même ses juges.
Tous les objets 4e nécessité absolue sont francs de l'impôt.
Le pauvre mesurera sa consommation sur ses besoins.
Un aliment plus doux, et que la cherté du prix lui
Qans Vancien régime.
leur valeur-originaire ; une inquisition raffinée en assurait la perception.
Une inventive barbarie s'était eomplue à,en tracer le code infernal.
Dans Vancien régime, le pauvre, l'indigent même étaient foFCés de contribuer à l'impôt, dans une proportion qui ne gardait aucune mesure avec ses faibles ressources. Un journalier, vivant du prix de ses sueurs et de son travail, payait en impôt de consommation, au moins 12 à 15 livres par année ; si le tabaè était devenu pour lui Une espèce de jouissance unique, nécessaire, consolante, il ne pouvait se la procurer que par la privation d» l'absolu nécessaire :'on exigeait de sa part un sacrifice de 15 à 20 livres par année : ces taxes exorbitantes n'étaient comptées pour rien.lorsqu'il s'agissait de faire partie de la société': Fimpôt indirect ne conférait pas le droit de citoyen actif.
L'impôt exigeait des armées de commis sur toutes les barrières locales de la fiscalité; ces barrières redoutables étaient multipliées à l'excès, elles se répé-, taient à presque toutes les entrées des villes. Des combats sanglants et journaliers étaient livrée entre les préposés du fisc ot les malheureux pressés par le besoin ou séduits par l'appât du gain. La société perdait 50 à 60,000 citoyens occupés, les uns à faire la contrebande, les autres à la réprimer.
L'impôt était fixé dans des proportions correspondantes au revenu fixe que les perceptions procuraient au Trésor public; ainsi, les frais énormes de ces perceptions, les traitements scandaleux des fermiers et des régisseurs, les bénéfices de la contrebande étaient, pour le peuple, une surcharge accablante, sans aucune utilité pour le Trésor public.
Les frais de garde et de perception, pour l'impôt du sel, s'élevaient environ à............. 10,000,000 liv.
Ceux de l'impôt du tabac, y compris les bénéfices accordés aux débitants exclusifs du fermier, surpassaient..... 12,000,000
Ceux des droits de circulation formaient un objet de.................. 3,000,000
Ceux de la régie générale s'élevaient à plus de 15 0/0 sur une perception de 63 à 64 millions de livres, ci......... 10,000,000
Ceux des entrées de la ville de Paris et les droits perçus dans les autres villes au profit des municipalités et des hôpitaux, coûtaient au moins......... 6,000,000
Les bénéfices et traitements des fermiers s'élevaient environ à........... 10,000,000
Les profits de la contrebande sur le sel, le tabac, les droits de traites, et ceux de la régie générale, montaient au moins à............................ 24,000,000
Ainsi, la mauvaise combinaison des anciens impôts constituait les peuples dans une surchargé évidente do. . 175,000,000 liv.
On doit y ajouter les pertes que l'agriculture et l'industrie éprouvaient % l'influence de ces impôts s.ur lés con-; sommations, on se contentera de les évaluer à....................25,000,000
Conséquemment, l'impôt excédait les secours .de^tjnés au Trésor publws,d[ô.., 100,000,000 liv.
Les peuples éprouvaient donc une surcharge effective de 100 millions dp livres, pour des impôts qui procuraient au Trésor pubjiç, une ressource réelle au» plus do, 180 millions'dé livres.
Les accroissements successifs des Contributions, imaginées par lë génie! dè la fiscalité, aVafen't totijoars' été au-dessous des besoins du Trésor- public, les peuples gémissaient sous le poids, d'impositions bizarres; immorales, disparates, ruineuses, ft tous l»s efforts des mi
Dans le. nouveau régime.
rendait inaccessible, pourra enfin consoler, charmer les longs et durs trayaux.
Les pages du code barbare sous lequel il gémissait sont déchirées; des familles innombrables qu'engloutissaient les prison^, les galères, vont rendre au. commerce leurs bras, leur industrie.
Les jouissances, les besoins du pauvre, sont affranchis de l'impôt ; la contribution ne. s'étend qu'à celui qui possède; toujours elle est proportionnelle aux facultés soit foncières, séit mobilières ; les taxes sont uniformes, et, donnent à ehacun le droit de voter les impôts:1 ce droit est le premier apanage de Phomme libre; il était injuste et barbare de ae compter pour tien les contributions arrachées à l'indigent, et de le soumettre tyranniquement au despotisme' du fiche et de l'homme aisé, corrompu par ses richesses; mêmes.
Le nouveau régiipe est un traité de paix solennel et durable, les, barrières, de la fiscalité n'existent plus,, même aux entrées des villes; la liberté règne dans l'universalité des départements, les; impositions déguisées, inconnues, sont, à jamais proscrites : la fraude n'a plus d'aliment,, les employés et îepi contrebandiers sont rendus à, la société, à. l'agriculture, à l'industrie.
Les traitements des régisseurs sont limités à la juste récompense du travail ; ils sont honnêtes mais modérés ; la contrebande no trouve point à etxerder ses talents,, et les voies de corruption, les frais de régie (si l'on en excepte les douanes; qui ne peuvent longtemps subsister) sont peu dispendieux, et ne coûteront pas au delà de 5 à 6 0/0; les contributions nouvelles, enfin, ne portent aucune atteinte aux extensions, aux progrès de l'agriculture, du commerce et de l'industrie:.
Les revenus et IÇs contributions publiques, dans une proportion cofresptmdanté aui' besointsde l'Etat,' même en y comprenant les dépenses cfeîs départements et dè l'ordre, judiciaire, Consisteront dans les objets suivants :
Dans Vancien régime.
nistres les plus habiles dans la science de l'impôt, avaient échoué dans l'entreprise de rétablir la balance entre la recette et la dépense. La nation n'avait point d'autre espoir que dans la prorogation de l'erreur et de l'illusion ; il y fallait un terme, il était nécessairement prochain. On ne pouvait plus se dissimuler l'impossibilité de satisfaire aux engagements promis et convenus : la banqueroute était inévitable. L'Assemblée nationale a sondé la profondeur du mal ; elle en a reconnu l'immensité. Il était grand sans doute,; mais son courage a été plus grand encore. Elle a pris la résolution ferme et constante de rétablir l'équilibre, d'assurer la fidélité des engagements, de proportionner les receltes aux dépenses : ses comités ont été chargés de réprimer tous les abus, de porter une économie sévère dans toutes les parties de la dépense des diverses branches de l'administration; et votre comité des contributions publiques a eu la tâche pénible d'asseoir des contributions équivalentes aux besoins connus de l'Etat.
Il l'a remplie, Messieurs, avec zèle, avec scrupule ; et je prouverai sans peine qu'en rétablissant la balance entre la recette et la dépense, la nation éprouve un soulagement effectiffde plus de 200 millions sur la masse des contributions, non compris les bénéfices de la contrebande et les améliorations de revenus qui seront le fruit constant du nouveau mode d'impositions. En effet, Messieurs, les anciennes contributions exigeaient en perceptions comprises dans les bases élémentaires de répartition conformément au n° 10, une somme de................ 487,391,000 liv.
Les sols pour livre non employés dans ces mêmes bases formaient suivant le même tableau un objet de.......... 64,793,000
Les dimes formaient un impôt réel de.................................. 133,000,000
Les milices étaient évaluées à...... 600,000
Les droits de péage, minage et autres droits féodaux supprimés sans indemnité, les frais de justice, les capitaineries et d'autres charges réelles, mais non susceptibles de preuves positives, et dont les détails ont été donnés dans le tableau mis sous vos yeux par votre comité le 6 décembre 1790, montaient au moins à.......................... 30,000,000
Les loteries donnaient un produit net de.............................. 10,000,000
Les postes et messageries.......... 12,000,000
Les poudres et salpêtres.......... 1,000,000
Les salins et salines............... 3,000,000
Les forêts nationales............... 15,000,000
Ainsi la totalité des perceptions en revenus destinés pour les besoins de l'Etat, insuffisants pour ces mêmes besoins, était de...................... 762,784,000 liv.
Dans le nouveau régime.
1° Produit des forêts nationales.... 15,000,000 liv
2° Salins et salines...................3,000,000
3° Poudres et salpêtres..................1,000,000
4° Loteries................................................10,000,000
5° Postes et messageries......................12,000,000
6° Produit brut des douanes............28,01)0,000
7° Produit brut du droit d'enregistrement et des hypothèques............ 58,000,000
8° Produit brut du droit de timbre. 24,000,000
9° Produit du droit des patentes............24,000,000
10° Contribution foncière......................240,000,000
11° Contribution mobilière..................60,000,000
12° 4 sols pour livre additionnels des contributions foncières et mobilières, pour la dépense des départements..-. 60,000,000
13° Frais de perception et fonds de non-valeur dans l'assiette des contributions foncière et mobilière......... 26,000,000
561,000,000 liv.
Et cette somme, concurremment avec le produit des biens nationaux, ou les extinctions d'arrérages qui résulteront des remboursements, suffira à toutes les dépenses dont l'Etat est grevé, à l'acquittement fidèle de tous les engagements promis et convenus.
Ces résultats, Messieurs, ne sont nullement problématiques, nullement équivoques; ils justifient complètement les travaux de votre comité; ils assurent à jamais le crédit public, et l'altération qu'il paraît éprouver dans le moment actuel cessera bientôt, lorsque l'assiette et le recouvrement des anciennes contributions seront mis en pleine activité.
PROJET D'ADRESSE AUX FRANÇAIS, SUR L'IMPÔT.
Français, il n'est plus d'autorité que celle de la raison; il n'est plus de joug que celui de la loi, ce joug salutaire et doux que les têtes les plus fières portent d'autant plus docilement qu'elles sont faites pour n'en porter aucun autre. Ces expressions appartiennent à l'ami de la liberté, à Rousseau. Le premier devoir du citoyen est d'obéir aux lois.
Les lois relatives à l'impôt sont les plus sacrées de toutes.
Qu'est-ce en effet que l'impôt? C'est une dette acquittée par chaque citoyen pour les besoins de l'Ëtat, et dans un gouvernement libre, les besoins de l'Ëtat consistant dans le bonheur de tous, il suit de là que chacun donne pour soi-même. C'est un échange véritable : ce que l'Etat reçoit des particuliers, il le leur rend en surveillance, en sûreté, en liberté, en bonheur, en biens inappréciables remboursant une avance infiniment modique.
Pour élever le temple de la félicité publique, il faut que chacun apporte une pierre.
Quel est le fluide actif qui entretient la force et le mouvement dans toutes les parties du vaste corps de l'Empire? L'impôt. Qui couvre la mer de nos vaisseaux, et la terre de nos soldats? L'impOt. Quiconque refuse de l'acquitter, détruit,
autant qu'il est en lui, la force publique arrache la clef de la voûte.
Le vrai patriote ne vit que dans l'intérêt général.
Mais pourquoi vous parler de devoir? Ne consultez que votre intérêt même.
Que devient l'arbre naissant de la liberté, que deviennent ses bienfaits, si les fruits en sont foulés aux pieds dans leur germe, si chacun veut recueillir sans semer? Que devient la foi des engagements? L'Etat n'a-t-il pas des dettes immenses et sacrées ? N'ont-elles pas été mises sous la sauvegarde de la loyauté française? Qui voudrait précipiter ses frères dans un gouffre d'infortunes? Qui voudrait être pour eux plus cruel que les despotes? Les despotes avaient tenté la banqueroute : appartiendrait-il à des hommes libres de remplir leur odieux projet I Eh! ne voyez-vous pas que l'impôt est 1 appui, la sauvegarde de toutes les propriétés. C'est les attaquer que d'en renverser les appuis, c'est rappeler l'orage que l'Assemblée nationale avait conjuré de dessus nos têtes.
O vous dont le patriotisme épuré ne descendit jamais dans les calculs de l'intérêt personnel, dignes enfants de la liberté, compteriez-vous pour quelque chose le sacrifice d'un peu d'or, quand vous avez compté pour rien celui de votre vie?
Réchauffez de vos sublimes exemples ces cœurs glacés par l'égoïsme, qui s'isolent de la cause commune. Prouvez-leur que l'intérêt même particulier ne se trouve que dans l'intérêt général ; dites-leur que ce n'est point en détendant le ressort de la force sociale qu'ils pourront espérer d'être protégés contre la violence; dites-leur queles racines desengagements s'étendantauloin, s'ils frustrent l'Etat d'une; dette légitime, ils se frustrent eux-mêmes de celles qu'ils ont droit de recueillir; dites-leur que dans le bouleversement de la fortune publique, et par conséquent des fortunes particulières, le contre-coup du choc arriverait jusqu'au dernier anneau de la chaîne sociale.
Placez ces âmes vulgaires et viles sur les hauteurs de l'avenir; de là faites leur jeter un regard sur les maux incalculables qu'entraînerait le refus de se soumettre à l'impôt. Peignez-leur les arts éperdus et brisant leurs pinceaux; les canaux du commerce taris ; les richesses de l'agriculture dispersées; la liberté éteignant son flambeau; les xfieurtres, l'incendie, le carnage étendant sur ce riche Empire les crêpes delà désolation et le deuil de la mort : asseyez-les sur ces vastes ruines ; alors demandez-leur s'il ne leur importe point de prévenir cet immense naufrage, et si lorsque chacun court à la poupe pour empêcher le vaisseau de faire eau de toutes parts, ils doivent rester spectateurs oisifs et tranquilles.
Une contribution péserait-elle plus que le salut de l'Empire?
Ce n'est point assez d'avoir conquis la liberté, il faut savoir la conserver; la générosité doit achever ce que le courage a commencé. Il n'est point de Constitution sans fortune publique; il n'est point de fortune publique sans l'impôt.
Vous avez vu, Français, quelles étaient les armes de nos ennemis: la trahison, la perfidie. Votre valeur est plus grande que les dangers extérieurs; ceux de l'intérieur sont seuls à craindre. Avec quel art homicide on promène des suggestions empoisonnées ! Voyi zcomme ne pouvant attaquer de iront la force publique, on cherche à en paralyser le nerf, en versant la défaveur sur le nouveau
mode d'imposition I Voyez comme on entoure la basé de la Constitution de reproches immérités, pour parvenir à en ébranler les fondements! Voyez avec quelle astuce insidieuse on jette sur les manœuvres les plus coupables, le voile perfide de l'intérêt I Les Jérémies du despotisme ne manquent point de répéter que l'on payera davantage sous le douveau régime que l'on ne payait sous l'ancien.
Français, nous avons mis sous vos yeux le parallèle exact et mathématique de ces 2 régimes.
Il en résulte qu'avec les besoins légués par l'ancien ordre de choses, et commandés par le nouveau, qu'avec des dettes immenses la masse de l'impôt actuel est cependant moindre de 200 millions que la masse des anciennes impositions.
Nous vous prévenons d'avance contre les cris de ceux qui vous prouveront qu'ils ont en effet plus payé qu'autrefois.
Ces cris seront ceux des riches. II a été juste de faire cesser leur longue injustice envers le pauvre et de leur faire partager le fardeau commun ; ils ont été imposés d'après ce principe naturel et sacré pour tous les honnêtes gens : qui a plus, paye plus ; qui a moins, doit payer moins. Les riches regretteront la logique consciencieuse du despotisme : la prison prouvait alors que celui qui a plus, doit donner moins, et que celui qui a moins doit donner plus.
Des gens nourris de ces systèmes ne s'apprivoisent pas avec les principes : on sent qu'ils doivent frémir à l'aspect de la morale ; l'égalité est pour eux un tourment, le droit naturel un supplice, et la justice une oppression.
Sachez reconnaître alors la voix mal déguisée d'un sordide égoïsme.
L'impôt est la pierre de touche où vous reconnaîtrez les bons citoyens. Quiconque aime la patrie, se hâtera de porter sa dette sur l'autel : le mauvais citoyen, l'homme indifférent à la chose publique s'en éloignera seul en murmurant.
Amis de la liberté, dénoncez-les alors comme traîtres à leur pays, et faites descendre l'opprobre et la condamnation sur leurs têtes criminelles.
Toute excuse est ôtée à la malveillance : rien ne peut colorer le refus.
Les principes des impositions actuelles sont : justice, modération, égalité. Ils ont été assis sur ceux de la Constitution; ils ne sont, pour ain-i dire, que le commentaire du texte de la déclaration de droits de l'homme. C'est à ce trône inébranlable et respecté qu'aboutissent toutes les ramificàtiohs : pour atteindre dans leurs différentes sources les fortunes qui devaient toutes contribuer, il a fallu combiner différents moyens d'impôts. Ces impôts divers n'ont eu qu'une seule et même base, et sur cette basse l'Assemblée a gravé : liberté, protection à l'industrie. Tout a été rattaché, lié fortement à ce principe régénérateur et fécond des grandes choses.
Les idées morales ont brisé dans leur vaste déploiement tous les ressorts inventés par la fiscalité qui fatiguaient, entravaient le commerce : l'inquisition domiciliaire, semblable à la sangsue qui marche en se repliant et ne quitté sa proie que lorsqu'elle regorge de sang, convertissait en or celui qu'elle avait sucé sur les peuples; ses anneaux sont rompus, et la liberté ne demande en tribut qu'une légère part dans les bienfaits qui sont l'ouvrage de ses mains.
Si les terres se couvrent d'une moisson plus abondante, si des animaux destructeurs n'en dè- -vorent plus les fruits, si les prés sont fertilisés
et les bestiaux améliorés, si le sol devenu peu coûteux répand sa; fécondité sur un sol affranchi, rend lesmoyeasdevivre plus faciles, et concourt à abaisser le prix des objets de consommation,, crest à la libertéquevous devez ces biens. Àhl quand $ile n'en promettrait pas ;de nouveaux, on devraits'acquitter envers elle par reconnaissance-
Agriculteurs, vous isdeVez à la liberté les richesses dont lé sol va se couvrir, l'affranchissement de la glèbe et de la personne, les, droits de l'homme. Commerçants, vous devez à la liberté, ressort, l'encouragement de l'industrie ; vous n'avez d'autre terme que. celui mis par la nature, à vos talents : froissés par l'état présent des choses, élancez vos espérances dans un riche avenir, n'oubliez jamais que ly4ntérêt du commerce n'est pas celui de quelques commerçants ; et puisant une çons^Iatîjari. dans l'intérêt de tous, rappelez-vous qu'un privilège exclusif était un attentat contre les droits naturels, un crime de lèse-humanité; pénétrez-vous surtout de cette vérité, que quiconque perd à cela comme vendeur, gagne alorscommeacbeteur. Créanciers de l'Etat, vous devez à la liberté l'assurance, la conservation de vos drpits, l'acçjuitteme,iat sacré de là foi des èngagements. Habitants, des villes, vous devez à la liberté la suppression des droits aux entrées; et si elle a épuré, agrandi pour vous les moyens d'existence physique, habitants des campagnes, vous devez à la liberté l'abolition des dîmes, de; la féodalité ett de tous les droits mis sur les objets de nécessité première; votre état est autant adouci qu'honoré. Citoyens, c'est à la liberté qué vous, devez ce nom,r et la chute des bastilles et la mort du despotisme.
C'est pour conserver ces biens inestimables que vous acquittez l'impôt. Ç'ést à l'impôt que sont attachés tousles liens de la chose publique, L'armée^ la flotte, les subsistances, le commerce, les arts, l'agriculture,la dette nationale. C'est l'impôt qui fait circuler le mouvement dans toutes les parties, et qu\ fait v|brer tous les ressorts quand dans le. corps, humain le sang s'arrête, 1 indiyidu éxpïrèVr If en ,esjt; de même du grand corps dé l'Etat ; l'impôt en est le sang : quand il pesse d'y circuler, le corps politique meurt.
Alors les lumières de la Révolution iraient s'é-r teindre dans le chaos de l'apathie, et: la nuit de l'esclavage couvrirait encore (^ yaste Jimpire.
0 Français, vous 'serezvogs-mêtpeg. Vous ne souffrirez pas. que le tombeau dévore le berceau de la ConstUutioq, Qia a açcuipéjle, caractère français 4é. n'être capable que d'pn premier et, violent effort. ; cjémehtez cet adage inju^eux :: continuez l'héroïsme, mpntrez qu'une suitede sacrifices est digne de la hauteur dé votre courage.
Mais vous brûlez de secourir la patrie. L'une de vos mains verse l'or sur son autel, l'autre est armée d'un fer qui la protège. J'entends des voix généreuses s'écrier : non, ce n'est point un sacrifice, c'est un ;devoir sacré ; qu'il soit rejeté du sein des français l'être dégradé qui préférera un métal vil à la précieuse liberté : ou plutôt que le cri de son intérêt le réveille, qu'il écoute la nécessité ; sa voix dit à l'égoïste : il faut donner pour conserver ton or; la liberté dit aux patriotes : 0 mes fils 1 Voyez ce qu'il en a coûté à tous les peuples de la terre pour m'obtenir : le désintéressement est la première des vertus que j'inspire; si l'apprentissage de mon culte est difficile, la récompense en est douce ; parcourez, égalez, surpassez les exemples que vous ont laissés les Grecs, les Romains, lçs Anglais, les Suisses, les ^tats-^nis de l'Amérique : l'univers à les yeux
sur; vous ; l'histoire s'apprête à vous juger, à immortaliser votre gloire j attendez pojir vous; reposer sous l'arbre, que la sève ait couru, dans les rameaux, et qu'ils donnent de l'ombragé.
Qui, refuser de concourir à la chose publique, est un crime d'esclave- Ne point acquitter l'impôt, c'est renoncer aux secours de l'Etat,; c'est» se déposséder de la protection tutélajre qui veille sur tous : retirer^ sa mise de la force générale, c'est perdre le gage de sa sûreté particulière; enfin ne point contribuer aux charges de la nation, c'est moins trahir la nation que se trahir, soi-même.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture: du procès verbal de la séance de jeudi, 26 mai, au soir, qui est adopté.
, évêque et député du dépwtemént de la. Manche, qui était absent par congé, annonce son. retour à l'Assemblée.
: Un de MM. les secrétaires fait lecture duptecès verbal de la séance cj'hier, 27 mai, qui est adopté.
Messieurs, je voua demande la permission (Jftprésenter une coiirte. observation au sujet du décret qué vous avez rendu hier relativement. à la, répaf tiUo?i des contributions. Tout en applaudissait au zèle infatigable de voire co-mité d'imposition, je crois qu'il est impossible que dans des. calculs aussi immenses que ceux qu'a nécessités un tel travail, il ne se soit glissé quelques erreurs : ces. erreurs de éaleul doivent être exceptées de plein œroifc du décret. J'en ai reconnu pour ma part dans les articles concernant l'ancien ne province de Franche-Comté^ et notamment dans;les fractions relatives au département du Jura;1 je les ai désignées au: comité, qui s'est aussitôt occupé à les vérifier.
Je crois, toutefois, q\ue pour ùe point toucher à des calculs infinis, les erreurs qui pourront être reconnues, devront être mises en dégrèvement sur les sols pour livres destinés à cet effet;
, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, pendant la
distribution des tableaux et du rapport sur la répartition des
contributions, votre comité s'est occupé très activement de'la qùatrième
vérification de tous les calculs nécessaires à une si importante
opération; mais je dois vous dire qu'en raison de là nouvelle division
du royaume, quelques départements sont composés, de cinq paroisses, et.
même de six, des anciennes' provinces; il a donc fallu faire des
opérations» de calcul très multipliées sur chacune de ces portions, en
procédant paroisse par paroisse. Les différences de régime d'impôts et
la multiplicité de quelques-uns dans certaines parties du royaume ont
exigé plus de 100,000 opérations de calcul et vous pensez bien que les
Nous continuons actuellement cette quatrième vérification commencée et nous vous soumettrons le résultat de ce travail ; mais, quand bien même il y aurait lieu à quelque modération, telle que pour le département du Jura, par exemple, que vous a cité le préôpinant, nous croyons qu'il ne doit être rien changé au décret très utile d'hier.
Toutefois, pour que la justice-soit rendue à tous, l'Assemblée pourra, sur lès fonds dé modération décrétés, rectifier ces petites inégalités et elle né sera pas surprise lorsque, sur un travail aussi immense, nous lui proposerions de destiner quelques 'centaines de mille livres à cet objet.
(L'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Je crois, Messieurs, qu'il serait très Utile de charger lé comité d'imposition de rédiger une adresse à la nation, afin de l'éçlai-rer sur le nouveau mode de contribution publique qde vous avez décrété. C'est, à mon sens, lé seul moyen de déjouer les manœuvres des malveillants et c'est, de plus, un très bon exemple a donner à nos successeurs- (Applaudissements.) ;
(L'Assemblée; Consultée, décrète la motion de M. Ramel-Nogaret.)
, au nom du comité d'emplacement. Messieurs, le directoire de là Gironde demande à être autorisé à acquérir, aux frais des administrés, lé iioyenné situé à Bordeaux, eMes petites.rilàisoris y attenantes,- qui sont également nationales* ët à y faire les réparations que prescrit la décence pour le logement de l'évêque. Votre comité pense que cet 'arrangement concilie à la fois l'intérêt de la nation et celui du département.
Il paraît également convenable d'autoriser le directoire à placer le séminaire dans la maison des Feuillants: d'un côté, elle est à peu de distance du collège et de la paroisse cathédrale; de l'autre, elle est dans un quartier peu animé, et il n'y aurait qu'uu faible parti à en tirer pour la nation, tandis qu'elle vendra très bien les deux séminaires.
Une circonstance qui n'est pas d'un petit intérêt, c'est que dans l'église des Feuillants, repose le plus sensé peut-être et le plus relu des philosophes, celui de toutes les heures et de presque tous les âges, Montaigne. Plus heureux en un sens que son compatriote Montesquieu, qui a détrôué doqçement tant d'impostures, et préparé lé règne de la raison, il a au moins ijn mausolée presque digne de lui. Si l'église n'était pas conservée, il faudrait déplacer et les cendres et le monument.
Avant de quitter ce tombeau, je ne puis me refuser à une réflexion : que l'on ne s'étonne pas eu voyant la nation qui a passé pour la plus juste dispensatrice de la gloire,, refuser des monuments à ses grands hommes. Si nous ne savons où est Ja cendré de Cofnéijîe, èp quel endroit l'on peut porter son tribut sur Ja tombe de L'Hôpital et de tant d'autres; c'e'st qu'alors la nation était mineure ; c'est une dette de plus que lui ont laissée ceux qui croyaient jouir éternellement de sa tutelle ; elle s'est empressée de la mettre au rang dès dettes d'honneur, de faire droit, si je puis
m'exprimer ainsi, sur toutes les demandes en réparations que le génie avait à former contre le despotisme; contre ces êtres que l'on nommait censeurs royaux, dont le principal emploi était de mutiler les talents, et de fàiré dès espèces d'eunuques. Pardonnez-moi cet, écart; il y a éu, et il y aura à vous faire assez de rapports dont le fond présente la perfection de la, monotonie, et le sublime dé là stérilité. Je reviens à Bordeaux.
Le directoire demande qu'on lui abandonne la jouissance du château ou fort du Ha, pour convertir la tour en prisons criminelles, et pratiquer dans une pàrtië ae ce fort dès prisons civiles. Il n'y a à Bordeaux, comme dans la très grande partie du royaume, que des/cachots malsains, où l'innocent et le coupablè sont livrés aux mêmes dangers.
Le fort du Ha n'est pas un fort destiné à protéger la ville contre l'ennemi : il a été élevé, au contraire, par Louis XIV, dans la vue de battre la ville qui lui donnait des inquiétudes.
On conservera asSez d'èspace dans le fort pour le détachement des trotipés de ligde qui y est ordinairement placé, et qui Veillera à la sù* reté des prisonniers.
On n'aperçoit donc aucun motif qui s'oppose à ce que l'Assemblée ait un légitime,égard à lané-tition : le calcul dès convenances et celui des proportions paraissent également se réunir.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, ouï le. rapport de sou comité d'emplacement, autorisé le directoire du département de la Gironde à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formés prescriték par les décrets de l'assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, le doyenné et trois petites maisons attenantes, pour y logerl'évê-que, et à placer le séminaire dans la maison des Feuillants de Bordeaux ; en conséquence, décrète que le grand séminaire, situé paroisse de Sain t-Sé vérin, et celui de Saint-Raphaël, seront vendus dans (es formes accoutumées;
« L'autorise également à faire procéder à l'adjudication, au rabais, de toutes, les réparations et arrangements intérieurs nécessaires pour le logement de l'évêque, sur le devis estimatif qui en sera dressé; le montant de laquelle adjudication sera supporté par les administrés ;
« L'autorise aussi à établir les prisons criminelles dans l'ancienne tour du fort du Ha, et les prisons civiles dans la partie dudit fort qui sera jugée la plus convenable pour cet' objet, et le ministre de la guerre donnera incessamment les ordres nécessaires à cet effet. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité ecclésiastique, propose un pràjet de décret relatif à la réduction et à la circonscription des paroisses des villes de Péronne, Néelle, Montdidier, Doullens, Ham et Abbeville.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Dans Ife district de Péronne, département de la Somme, toutes les paroisses de là ville et faubourgs de Péronne sont supprimées et réunies en Une seule, qui sera établie dans l'église ci-devant collégiale de Saint-Furcy, sous la même invocation. L'église de Saint-Sauveur sera conservée comme oratoire,
Art. 2.
« Toutes les paroisses de la ville et faubourgs de Néelle sont supprimées et réunies dans l'église ci-devant collégiale de Néelle, sous la même invocation,.
Art. 3.
« Dans le district de Montdidier, même département, toutes les paroisses de la ville et faubourgs de Montdidier sont supprimées et réunies à la paroisse de Saint-Pierre, sous la même invocation.
« L'église du Saint-Sépulcre sera conservée pour oratoire.
Art. 4.
« L'église de Saint-Pierre sera conservée pour seule et unique paroisse de la ville et faubourgs de Roye ; l'église du faubourg Saint-Gilles sera conservée pour oratoire.
Art. 5.
« Dans le district de Doullens, même département, l'église de Saint-Martin sera conservée pour seule et unique paroisse de la.ville de Doullens.
Art. 6.
« Il n'y àura également qu'une seule paroisse dans les villes de Ham, district de Péronne, et de Gorbie, district d'Amiens ; et le directoire du département de là Somme est autorisé à déterminer les églises où seront éLablies lesdites paroisses, de concert avec l'évêque du département, et sur l'avis des directoires des dictricts d'Amiens et de Péronne.
Art. 7.
Ville d'Abbeville et faubourg de Rouvroy.
« Il n'y aura, pour la ville d'Abbeville, intra mu-ros, que 4 paroisses, savoir : une qui sera desservie sous l'invocation de Saint-George, dans l'église ci-devant collégiale de Wulfran, celles de Saint-Jacques, du Saint-Sépulcre et de Saint-Gilles. Il y aura, pour le faubourg de ladite ville appelé Rouvroy, une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Jean de Rouvroy. Lesdites paroisses seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté du directoire du département de la Somme. »
(Ge décret est adopté.)
, au nom du comité de judicature, fait un rapport sur une difficulté élevée pour le remboursement des offices de substituts du procureur général au ci-devant parlement de Metz et propose de décréter que ces offices seront liquidés sur le pied des contrats d'acquisition des derniers titulaires.
Un membre propose, par amendement, que tous les substituts des procureurs généraux aux ci-devant parlements, qui ont demandé à être exemptés du centième denier, et qui avaient formé, pour raison de ce, une instance encore pendante au conseil, à l'époque de leur suppression, soient liquidés sur le pied de leur contrat authentique d'acquisition.
Je demande la question préalable
Je conclus donc à la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité de judicature.)
, au nom des comités militaire et des pensions réunis, présente un projet de décret sur le remboursement des charges et offices militaires et s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée nationale ayant renvoyé un travail du comité militaire à la revision du comité des pensions, j'ai l'honneur de vous présenter les projets de décrets arrêtés par ces deux comités, après l'examen le plus sévère des titres qui leur servent de base, et la discussion la plus approfondie qui les a déterminés.
Il reste 4 articles sur lesquels le comité attend des renseignements ministériels avant de vous les rapporter.
Mais il a cru ne devoir pas faire partager ce retard aux titulaires qui s'étaient mis en règle.
En conséquence, j'ai l'honneur de vous présenter les décrets suivants :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Du régiment des gardes-françaises.
« 1° Les officiers du ci-devant régiment des gardes françaises, qui ont subi la réforme du 31 août 1789, seront remboursés de la finance de leurs charges, sur le pied fixé par l'article 1er du titre II de l'ordonnance du 17 juillet 1777, avec les intérêts de ladite finance, à compter du 1er janvier 1791; néanmoins ceux desdits officiers qui auraient obtenu des places vacantes par mort, ne seront remboursés du montant de la finance de ladite charge, qu'autant qu'ils l'auront possédée pendant 3 ans, conformément aux dispositions de l'article 3 du titre II de la susdite ordonnance.
« 2° Les pourvus de charges attachés au régiment des gardes-françaises, qui sont porteurs de brevets de retenue, auront droit à l'indemnité accordée pour les brevets de retenue, conformément au décret du 24 novembre 1790.
Des propriétaires des régiments.
« 1° Les ci-devant propriétaires des régiments étrangers, qui justifieront que leur régiment est arrivé au service de France tout armé et équipé, seront remboursés de la perte de leur propriété sur le pied de 200 livres par homme, au complet de 1788, et à raison de 250 livres par cheval, s'ils prouvent que leur régiment est arrivé tout monté.
« 2° Les ci-devant propriétaires de régiments, autres que ceux mentionnés dans le précédent article, recevront en forme d'indemnité, une somme de 100,000 livres.
Des régiments et des compagnies.
« 1° Les colonels, les capitaines en pied, les
capitaines à réforme, des troupes à cheval, ainsi que les colonels des régiments d'infanterie, porteurs de brevets de retenue, ne seront remboursés que du montant desdits brevets, et seulement en cas de mort, de démission, de changement de grade, de suppression ou de licenciement.
« 2° A l'égard des colonels et des capitaines en pied qui n'auront point assuré la tinancede leur régiment ou de leur compagnie, par des -brevets de retenue, il leur sera délivré par le liquidateur, commissaire du roi, une reconnaissance des trois quarts de la finance de leur régiment ou de leur compagnie, laquelle finance sera déterminée de la même manière, et suivant les mêmes règles qui étaient suivies pour la délivrance des brevets de retenue, et les reconnaissances seront acquittées dans les cas spé ifiés dans l'article ci-dessus pour le remboursement des brevets de retenue.
De la gendarmerie.
« 1° Les officiers du corps de la gendarmerie, qui ont subi la réforme du 2 mars 1788, seront remboursés de la finance de leur charge sur le pied fixé par l'article 13 de l'ordonnance du 24 février 177(5, et aux conditions portées par l'article 9 de l'ordonnance dudit jour 2 mars 1788.
« 2° En conséquence, le ministre justifiera de l'emploi des sommes qui ont dû être versées au département de la guerre, et ledit remboursement sera exécuté successivement, à raison de 500,000 livres par an, conformément audit article 9. »
Des charges des régiments d'états-majors.
« Les ci-devant pourvus des charges des régiments d'états-majors de la cavalerie-et des dragons, ayant dû perdre un quart de leur finance à chaque mutation, seront remboursésde la partie de la finance de leur charge qu'ils justifieront devoir encore exister aux termes de l'ordonnance de 1776, sauf leur recours contre qui de droit.
Des commissaires des guerres.
« Les titulaires des charges de commissaires des guerres, qui étaient encore en activité au premier janvier dernier, seront remboursés du montant de leur brevet de retenue, et ils continueront à être payés de l'intérêt desdits brevets^ comme ils l'étaient par le passé, jusqu'à quinzaine après la sanction du présent décret ; les intérêts reprendront cours du jour de la remise de leur brevet et titres au comité des pensions, pour cesser quinzaine après la sanction du décret qui liquidera chacun desdits commissaires.
Des officiers du point d'honneur.
« Les rentes et pensions assurées aux officiers du point d'honn ur leur seront continuées jusqu'à leur mort, conformément à l'édit du 13 janvier 1771.
De la connétablie.
, « Les offices et les gardes de la connétablie qui auront été soumis au centième denier en 1771,
seront remboursés conformément aux décrets sur le remboursement des offices de judicature. Les garder auront en outre droit à l'indemnité accordée par l'article 15 du décret du24 décembre 1790.
De la maréchaussée.
« 1° Les pourvus d'offices delà ci-devant compagnie de la maréchaussée de Bourgogne seront remboursés sur le même pied que l'ont été.les titulaires de la même compagnie, réformés par l'ordonnance du 18 avril 1778.
« 2» Seront au-si les mêmes officiers remboursés aux termes de l'article 10 des décrets des 2 et 6 septembre 1790, des droits de mutations et de marc d'or qu'ils justifieront avoir payés.
Compagnie de la prévôté.
« Les pourvus d'offices de la compagnie de la prévôté de l'hôtel dont la finan e est déterminée par l'édit du mois de mars 1778, et qui justifieront l'avoir payée, seront remboursés aux termes de l'article 2 dudit édit; à l'égard de ceux qui sont porteurs de brevet' de retenue, et doi>t la finance excéderait ladite fixation, ou des offices desquels la finance n'aurait pas été taxée par l'édit, ils seront remboursés aux termes de l'article 3 de la loi du 1«' décembre 1790.
Des équitations royales.
« Les directeurs brevetés d'académies d'équi-tations sonldeclarés suscep ibles des récompenses et pensions accordées aux fonctionnaires publics pour raison de leurs services. »
(La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) ,
, rapporteur, soumet à la délibération les divers articles de ce projet.
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Du régiment des gardes françaises.
1° Les officiers du ci-devant régiment des gardes françaises, quiontsubi la réformedu 31 août 1789, seront remboun-és de la finance de leurs charges sur le pied fixé par l'article l,r du titreII de l'ordonnance du 17 juillet 1777, avec les intérêts de ladite finauce, à compter du 1er janvier 1791; néanmoins ceux desuils officiers qui auraient obtenu des emplois vacants par. mort, ne seront remboursés du montant de la finance deuils emplois, qu'autani qu'ils les auront possédés pendant o ans, conformément aux dispositions de l'article 3 du titre II de la susdite ordonnance.
2° Les pourvus de charges, attachés au régiment des gardes françaises,qui sont porteurs de brevets de retenue, auront droit à l'indemnité accordée pour les brevets de retenue, conformément au décret du 24 novembre 1790. »
Unmembrepropose, par amendement,de retrancher du Ier paragraphe de cet article la dernière disposition, à partir des mots : néanmoins ceux desdits officiers, etc. »
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article sans modification.)
, rapporteur, donne lecture de l'article suivant, ainsi conçu :
Des propriétaires dés régiments.
« 1° Les ci-devant propriétaires des régiments étrangers, qui justifieront que leur régiment est arrivé au service de France tout armé et équipé, seront remboursés de la perle de leur propriété sur le pied de 200 livres par homme, au complet de 1788, et à raison de 250 livres par cheval, s'ils prouvent que leur régiment est arrivé tout monté,
« Les ci-deVant propriétaires de régiments, autres que ceux mentionnés dans le précédent article recevront, en forme d'indemnité, une somme de 100,000 livres. (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article suivant, ainsi conçu :
Des régiments et des compagnies.
« 1° Les colonels, les capitaines en pied, les Capitaines à réforme, des troupes à cheval, ainsi que les colonels des régiments d infanterie, porteurs de brevets de retenue, ne seront remboursés que du montant desdits brevets et seulement ôn cas de mort, de démission, de changement de grade, de suppression ou de licenciement.
« 2° A l'égard des colonels et des capitaines en pied qui n'auront point assuré^a finance de leur régiment ou de leur Compagnie, par des brevets de retenue, il leur sera délivré par le liquidateur, commissaire du roi, une reconnaissance des trois quarts de la fluance de leur régiment Ou de leur compagnie, laquelle finance sera dé-terminée de la môme manière et suivant les mêmes règles qui étaient suivies pour la délivrance des brevets de retenue, et les reconnaissances seront acquittées dans les cas spéciliés dans l'article ci-dessus pour le remboursement des brevets de retenue. »
C'est fort injuste; vous leur faites faire des sacrifices auxquels vous n'avez pas droit de les contraindre ; car, s'ils quittent demain, la totalité de leur finance leur en sera due : il est vrai qu'il ne leur est rien dù, s'ils meurent demain; mais il faut leur laisser l'option que leur avait laissée l'ordonnance, c'est d'être remboursés en totalité, s'ils se retirent, avant leur mort, sans avoir pris de brevet de retenue, ou de leur assurer le remboursement des trois quarts de cette finance, s'ils ne veulent pas ôourir la chance.
La disposition qui vous est présentée par le comité me paraît infiniment préférable. L'amendement qu'on propose est propre à mettre tout de suite un grand embarras dans la comptabilité.
Je demande qu'on laisse aux capitaines qui n'ont point opté en 1776, les mêmes droits qu'ils avaient alors.
Vous ne pouvez pas le? contraindre à perdre les trois quarts de leurs finance-", puisqu'ils ont déjà couru la chance, depuis 1775, jusqu'à présent; S'ils étaiênt morts, ils n'auraient rien retiré. Or, Messieurs, rien n'est plus juste que de reïûbOUPséf à des j
gens-là la totalité de leurs finances; d'ailleurs il n'est pas beaucoup de capitaines de cavalerie dans ce cas, le nombre se borne peut-être à 30 ou 40. ' " 'V
Je demande donc que l'article soit conçu tel que le propose M- de Folleville, parce qu'il est très juste.
Aux termes de l'ordonnance de 1776, les officiers doivent courir la chance et n'être remboursés que sur le pied des trois quarts*
Ce que vient de dire M. Camus n'est pas exact. En 1776, il y a eu une ordonnance qui permettait aux capitaines de prendre des brevets de retenue, de recevoir un quart de leurs charges, s'ils le voulaient ; cette ordonnance reconnaissait dès lors la nécessité du remboursement. Elle disait au régiment : Vous avez le droit d'être remboursé de la totalité de l'argent que votfsaitez pamp;amp;amp;yé, Si vous arrivez à la fin de votre temps; mais comme vous avez le hasard à courir de la mort, on vous propose de faire le sacrifice d'un quart de votre finance. Vous en assurez au moins trois quarts à vos héritiers. La très grande majorité a admis le plus sûr, et a dit îNous renonçons au quart éventuel, et nous prenons les trois quarts. Une petite quantité a dit : J'aime mieux risquer le tout pour le tout ; et dans les régiments, une certaine quantité d'individus a dit : J'espère ne pas mourir? si je meurs, mes héritiers n'auront rien ; mais si je vis, j'aurai la totalité de ma finance. D'après cela, c'est une finance positivement due, et je crois que c'est la dette de l'Etat la plus sacrée.
D'après cela, je demande que le nombre de3 officiers, qui ont préféré d'attendre l'expectativet de la totalité de leur finance, soient remboursés au Trésor national.
L'amendement de M. de Folleville consiste à laisser aux capitaines et aux officiers militaires la faculté de prendre un brevet de retenue en perdant le quart de la valeur du prix ae l'emploi, ou bien à rester sur le même pied, sauf à tout perdre, s'ils viennent à mourir.
(L'amendement de M. de Folleville est adopté.)
, rapporteur. U manque encore quelque chose à cet article ; c'est de déterminer comment et quand seront remboursés Ceux qui ne prendraient pas dé brevets de retenue.
Us seront remboursés toutes les fois qu'ils donneront leur démission, ou changeront de grade... (Non, non i cela n'est pas juste î)
rapporteur. On pourrait rendre l'article plus simple en disant : « À l'égard de ceux qui nè prendront point de brevet de retenue, ils resteront dans les termes de l'ordonnance de 1776. » (Marques d'assentiment.)
Je propose, en conséquence, la rédaction suivante :
Des f'êglmetitt et des compagnies.
« 1° Les colonels, les capitaines en pied, les capitaines à réforme des troupes à cheval, ainsi que les colonels des régiments d'infanterie, porteurs de brèvôts de retenue, ne seront remboursés que du montant desdits brevets et seulement eû
eas de mort, de démission, de changement de grade, rie suppression ou de lic enciement,
« 2° A l'égard ries colonels et des capitaines en pied qui n'auront point assuré la tinance de leur régiment ou de leur compagnie par des brevets de retenue, il sera délivré par le liquidateur, commissaire du roi, à ceux qui le demanderont, une reconnaissance des trois quarts de lalinance de leur régiment ou de leur compagnie, laquelle finance sera déterminée de la même manière et suivant les mêmes règles qui étaient suivies pour la délivrance des brevets de retenue, et les reconnaissances seront acquittées dans les cas spécifiés dans l'article ci-dessus pour le remboursement des brevets de retenue. A l'égard de ceux qui ne produiront pas de brevets de retenue, ils restèrent dans les termes de l'ordonnance de 1776. » (Adopté.)
donne connaissance d'une lettre du ministre de la justice qui transmet à l'Assemblée une lettre du roi conçue en ces termes :
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale, que j'ai nommé M. Tarbé à la place de ministre des contributions publiques. »
Signé : louis.
Le 28 mai 1791.
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre du ministre de Vintèrieur ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer les pièces dont le roi m'a ordonné de faire part à l'Assemblée nationale. Il s'agit du maire de Salies, département des Basses-Pyrénées, de la nomination duquel on demande la nullité, prétendant que les officiers munic ipaux ne l'ont rendu éligible qu'en augmentant sa cote d'imposition, au moyen d'un émargement fait sur lerôle déjà visé parle'district; il s'agit encore d'un pareil changement d'une cote d'imposition faite dans la même municipalité en faveurdu vice-procureur général i-yndic du département. Le roi croit devoir s'en rapporter à la sagesse de l'Assemblée nationale pour juger s'il ne serait pas dangereux de laisser aux officiers municipaux la faculté d'augme iter ainsi la cote d'imposition, dans la vue de rendre éligi-bles ceux qu'ils voudraient favoriser.
« Signé : Delessart. »
, au nom du comité de Constitution. Monsieur le Président, le comité de G ns-titution a examiné tous les papiers qui vous sont envoyés par le ministre de l'intérieur, sur cette affaire; il eait même ce qui s'est pa-sé dans la ville de Saillies, ainsi que dans plusieurs autres parties du royaume. C'est ce qui nous a déterminés à vous proposer deux dispositions qui sont dans le projet de décret qui voua a été distribué ce matin, et qu'on va discuter. Nous demandons par ce décret qu'à l'avenir on ne puisse faire aucun changement dans les cotes d'imposition qu'au mois de février, époque de la répartition, et qu'ensuite ce soit les directoires du département, et non pas les municipalités. Quand vous aurez décrété le principe, c'est alors que vous pourrez examiner ce que vous aurez à faire.
Je préviens l'Assemblée que ce qui concerne la nomination de ce maire a été confirmé par le directoire du département» sur des raisons qu'on
pourrait contester; mais vous leur avez donné la commission de ces sortes d'affaires.
Je demande donc que la lettre de M. le ministre de l'intérieur soit renvoyée au comité des rapports, qui se concertera avec le comité de Constitution sur cet objet.
(Ce renvoi est décrété.)
, au nom du comité de Constitution. M ssieurs, à la suite du rapport qui vous a été fait hier sur la convocation de la première législature, vous avez décrété le titre lor du projet q 'i vous a été proposé et même l'article premier du titre II (1). Rien n'est plus instant que de finir le travail que nous avons commencé.
Je demande donc que l'Assemblée veuille bien renvoyer à une autre séance la suite de la délibération sur le remboursement des charges et offices militaires et reprendre la discussion du ti're II du projet de décret du comité de Constitution.
(Cette motion est décrétée.)
La suite de la discussion du projet de décret sur la convocation de la première législature est reprise.
, rapporteur. Pour faciliter la délibéiaiion, nous pourrions laisser en arrière les dispositions relatives au scrutin ; lorsque vous aurez décrété le reste du projet, nous examinerons le plan proposé par M. Pétion. (Marques d'assentiment.)
Nous passons donc, Mes ieurs, à l'article 2 du titre II; il est ainsi conçu :
« A l'avenir, la valeur de la journée de travail sera fixée par le directoire de département, sur la proposition du dire toire du district, conformément à l'arijc'e II rie la loi du 18 février de l'année présente, nonobstant la disposition provisoire portée au décret du 11 févr er 1790, laquelle demeure abrogée. Cette fixation aura lieu dans le courant du mois de janvier; elle subsistera pendant 6 ans; et il ne pourra plus y être fait de changement que 6 ans après, à la même époque. »
Mon ieur le rapporteur, votre intention est-elle de proposer à l'Assemblée que chaque district ait sa fixation particulière?
Un membre j 11 faut qu'il y ait un prix égal pour tous les déparlements, parce qu'il dépendra de tel ou tel département qui voudra i fluerdans les assemblées primaires, de fixer les journées à un prix très bas, pour obtenir un plus grand nombre d'élections.
, rapporteur. Si l'Assemblée le veut, on mettra qu'à l'avenir la valeur de la journée de travail sera fixée par le directoire du département, pour chaque district, sur la proposition du directoire de district.
C'est avec raison, ce me semble, que les difficultés élevées sur cet
article arrêtent l'attention de l'Assemblée, car il touche immédiatement
aux droits précieux de tous les citoyens : or, je crois ces droits
essentiellement b essés par deux dispositions de cet article. Je crois
qu'il vaudrait mieux laisser la municipalité maîtres.-e de régler les
droits à cet égard,
Voici, Messieurs, le moyen que je vous propose, c'est de déclarer que tous français, c'est-à-dire tous les hommes nés en France, ont droit de jouir de la plénitude des droits de citoyens et sont éligibles tous également. (Murmures à gauche. — Applaudissements dans les tribunes.)
(de Saint-Jean-d'Angély). M. Robespierre a demandé qu'on chargeât les municipalités de la fixation de la journée de travail. Je crois que c'est précisément l'inconvénient qu'il faut éviter. Je crois qu'on s'est suffisamment convaincu que c'est dans les municipalités que les petites passions, que les intérêts privés ont fait varier à l'infini... (Cela est fait, cela est fait.)
Si cela est fait, j'adopte l'opinion de M. Démeunier.
Je propose, pour amendement, que la fixation du minimum et du maximum de la valeur locale, de la journée de travail, appréciative du droit de citoyen actif pour tout le royaume, soit attribuée au Corps législatif, qui fera cette fixation tous les 6 ans.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Ear-nave.)
, rapporteur. L'article serait, en conséquence, ainsi conçu :
Art. 2.
« A l'avenir, la valeur de la journée de travail sera fixée par le directoire du département pour chaque district, sur la proposition du directoire de district, conformément à l'article 11 de la loi du 18 février de l'année présente, nonobstant la disposition provisoire portée au décret du 11 février 1790, laquelle demeure abrogée. Cette fixation aura lieu dans le courant du mois de janvier ; elle subsistera pendant 6 ans ; et il ne pourra plus y être fait de changement que 6 ans après, à la même époque. Le Corps législatif fixera tous les 6 ans le minimum et le maximum de la valeur locale de la journée de travail. » (Adopté.)
, rapporteur. Voici l'article 3 :
« Il ne pourra être fait de changement à la cote des impositions de chaque contribuable qu'à l'époque annuelle de la confection du rôle. »
Je propose, par amendement, qu'on dise : « A moins que ce ne soit d'après l'avis du directoire du département ».
, rapporteur. J'adopte.
Le moyen d'éviter toute influence étrangère sur ce qui appartiendrait véritablement d'imposition à ceux que l'on aurait voulu malicieusement augmenter, ce serait de donner la faculté à celui qui se trouverait grevé de se reporter, pour son véritable taux, à son état d'imposition de l'année précédente.
, rapporteur. Je crois que l'on pourrait rédiger l'article ainsi :
Art. 3.
.« Il ne pourra être fait d'augmentation à la
cote des impositions de chaque contribuable que sur l'autorisation du directoire de département et conformément aux lois sur les contributions foncière et mobilière. » (Adopté.)
, rapporteur. L'article 4 regarde le scrutin; je le laisse en arrière.
Je demanderai, Messieurs, à proposer un article additionnel à celui qui vient d'être décrété ; le voici :
« Les possesseurs de biens-fonds, qui, pour cause de dessèchement ou défrichement, sont, en vertu des anciennes lois, exempts de tout ou partie des impositions foncières que ces biens devraient payer, seront censés, quant à l'activité et à l'éligibilité, supporter une taxe équivalente au sixième du revenu desdits biens. »
U est une àutre contribution que l'on peut regarder comme le thermomètre du civisme français; c'est la contribution patriotique. Cette contribution doit être considérée comme une contribution directe, forcée même; et je demande, par amendement à l'article de M. Merlin, qu'on tienne compte aussi de la contribution patriotique.
, rapporteur. Je trouve les propositions de MM. Merlin et Prieur très justes; mais j'observe à M. Merlin que l'on peut attendre au moment où le comité de revision présentera son travail. Je demande le renvoi des deux amendements au comité.
Je crois que ce serait consommer une injustice que de renvoyer à la revision et par conséquent exclure de i'élégibiliié à la législature prochaine ceux auxquels nous sommes forcés de reconnaître des droits très légitimes. L'opération n'est pas si difficile que M. le rapporteur l'a entrevue, et j'insiste pour que l'article additionnel proposé par M. Merlin et qui n'est pas combattu par M. le rapporteur, soit adopté par l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète l'article additionnel propos par M. Merlin.) .
, rapporteur. Nous passons à l'article 5 du projet.
Art. 5.
« Les assemblées électorales se mettront en activité, sans que l'absence d'un nombre quelconque d'électeurs puisse en retarder les opérations : les électeurs qui arriveront ensuite avec des titres en règle seront admis à l'époque où ils se présenteront. »
Un membre : Dans quelques endroits, à la mort d'un des électeurs, le canton qui l'avait nommé a cru pouvoir se former ën assemblée primaire, pour en nommer un autre à sa place; mais l'assemblée électorale a refusé le concours de ce nouvel électeur, sur le fondement qu'aucun dé-cret n'autorise la tenue d'assemblée primaire avant l'époque indiquée pour le renouvellement du corps électoral. Je demande que pour éviter toute incertitude à cet égard, l'Assemblée décide la question.
, rapporteur. La question s'é-tant présentée plusieurs fois au comité de Constitution, celui-ci n'a pas pensé que pour un cas
ordinairement rare, et le canton ayant d'ailleurs un intérêt peu considérable, il convînt de permettre la tenue d'assemblée primaire avant les époques indiquées par les décrets-, et il a été entendu qu'en cas de mort d'un électeur, on ne devait point procéder à son remplacement (Très bien ! très bien !)
(L'article 5, mis aux voix, est décrété.)
Art., 6.
« Tout département, quelle que soit sa population active, ou sa contribution directe, nommera au moins un député, à raison de sa population ; et un autre, à raison de sa contribution directe. » (Adopté.)
Je demande qu'il soit décrété par un article additionnel que quand, d'après les bases proposées par votre comité, le nombre des députés pour un département sera égal au nombre des districts, les électeurs soient tenus de choisir un député, par district... (Allons donc! la question préalable !)
Je demande, en outre, que l'Assemblée décrète que, dans les départements qui ne doivent nommer que six député*, il ne soit pas loisible d'en choisir plus de deux dans chaque district. :
, rapporteur. Messieurs, la proposition qui vous est laite mérite un moment d'attention, car il Taut décréter précisément le contraire ; c'était la matière d'un article additionnel qui devait vous être proposé hier. Moi, au .contraire, je proposerais de décréter la disposition suivante : "
« Toute convention de répartir entre les districts, ou de choisir successivement entre les districts, les députés au Corps législatif, rendra nulles les élections. » (Applaudissements.)
(La disposition additionnelle proposée par M. Démeunier est décrétée.)
Art. 7.
« Si, dans la répartition qui sera faite par la législature, des députés attribués aux 83 départements à raison de la population active, le diviseur commun appliqué en détail à chaque département ne donne pas, pour tous les départements réunis, le résultat complet de 249 députés, chacun des départements qui aura, en fractions excéder) tes, la quotité de population active la plus considérable, nommera un député de plus, jusqu'à la concurrence de 249. » (Adopté.)
Art. 8.
« On suivra cette base de calcul dans la répartition entre les 83 départements, des 249 députés attribués à la contribution directe dé tout le royaume. (Adopté.)
, rapporteur. L'article 9 ayant trait au scrutin, nous l'ajournons à la lin de la délibération. Voici l'article 10 :
Art. 10.
« Les électeurs, après avoir nommé les députés à la première législature, procéderont au remplacement de la moitié des membres des administrations de département et de district ; l'intervalle, quel qu'il soit, écoulé depuis la nomination de ces derniers, sera compté pour 2 ans; et l'intervalle qui s'écoulera ensuite jusqu'à l'époque des élections de 1793, sera également compté pour deux autres années. »
Vous voyez, Messieurs, que le système du comité tend à priver les départements dans ce moment-ci de la moitié des administrateurs qui ont suivi le cours de vos! opérations. La plupart des directoires de départements et de districts ont demandé des indemnités : ils ont observé qu'ils avaient dans ce moment une immensité de travail, et qu'il tétait facile de prévoir que leurs successeurs n'auraient pas certainement la même tâche à remplir. En effet, les administrateurs actuels ont, si je puis m'exprimer aiusi, à mettre la machine en mouvement, les administrateurs qui leur succéderont n'auront qu'à suivre l'impulsion qui leur aura été donnée. Le comité d'aliénation a reçu un très grand nombre de ces pétitions. J'ai été chargé d'en faire pan au comité des finances, ainsi qu'au comité de Constitution ; et l'on a reconnu que la demande en indemnité, formée par les administrateurs de départements et de districts, paraissait juste.
J'observe, en second lieu, que si le projet du Comité passait, il s'en suivrait que les directoires de districts se trouveraient paralysés, parce que les nouveaux administrateurs seraient obligés de se mettre au fait... » (Murmures. — Aux voix l'article !)
Voici mon amendement : Je demande que le temps qui s'est écoulé depuis la formation des corps administratifs jusqu'au moment de la prochaine élection soit additionné aux deux années qui se passeront, jusqu'à l'année 1793 ; qu'àceite époque-là il soit procédé au renouvellement de la moitié des membres du directoire ; mais que cependant les électeurs qui s'assembleront au mois de juillet prochain puissent procéder au remplacement des membres des administrations qui serout morts ou qui auront donné leur démission.
Un membre : Je demande la question préalable sur cet amendement, et la priorité pour l'article du comité.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Un membre propose, par amendement, d'ajouter après les mots: « procéderont au remplacement delà moitiédès membres des administrations de département et de district », ceux-ci: « et dés autres fonctionnaires publics qui seraient élus députés et dont les fonctions seraient déclarées incompatibles avec celles de député. »
, rapporteur. Le comité dè Constitution fera prochainement à l'Assemblée un rapport sur cet objet.
Plusieurs membres : La question préalable l
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Je mets aux voix l'articlelO.
(L'article 10 est adopté sans changement.)
Art. 11.
« Attendu que les membres des administrations de département et de district, dont les fonctions vont cesser aux termes dé l'article précédent* n'auront pas exercé 2 années entières; ils pourront être réélus pour cette fois seulement, et nonobstant l'article 6 de la loi du 27 mars de l'année présente. » (Adopté.)
Art. 12.
« Les procureurs généraux syndics et les procureurs syndics actuels de tout le royaume cesseront leurs fonctions en l'année 1793, s'ils ne sont pas réélus. » (Adopté.)
Art. 13.
« A l'avenir, les juges de paix et les assesseurs de chaque canton seront nommés à l'époque des assemblées primaires, au mois de mars, et on ne procédera qu'en l'année 1793 à la rééuc-tion ou remplacement de ceux qui sont actuellement en exercice. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 14 ainsi conçu :
« A l'exception de la ville de Paris, les juges de commerce seront nommés au mois de novembre de chaque année, après le renouvellement de la moitié des ofticiers municipaux. Aucun des juges de commerce, qui a été ou oui sera nommé en vertu de la loi du 24 août 1790, ne pourra être remplacé avant le mois de novembre de l'année prochaine. »
Un membre demande que l'exception accordée à la ville de Paris puisse être étendue par ies directoires de département à toutes les villes dont la population excédera 60,000 âmes.
(Cet 'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article est soumis à la délibération dans les termes suivants :
Art. 14.
« A l'exception de la ville de Paris, exception qui pourra être étendue par les directoires de département à toutes les villes dont la population excéderait 60,000 âmes, les juges de commerce seront nommés au mois de novembre de chaque an ée, après le renouvellement de la moitié des officiers municipaux. Aucun des juges de commerce, qui a été ou qui sera nommé en vertu de la loi du 24 août 1790, ne pourra être remplacé soit avant le mois de novembre de l'année prochaine, soit avant l'époque fixée pour le temps de cette réélection daus la ville de Paris. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 15, ainsi conçu :
« Le président du tribunal criminel et l'accusateur public, non plus que les deux hauts jurés qui doiveut t-ervir piès de la haute cour nationale, ne seront jamais nommés qu'après l'élection fies députés au Gorps législatif et des administrateurs de département. »
Je demande que le président du tribunal criminel et l'accusateur public, dont il est question dans cet article, soient nommés immédiatement après l'élection des députés au Corps législatif.
, rapporteur. J'adopte et je rédige comme suit l'article :
Art. 15.
« Le président du tribunal criminel et l'accu-saieur public seront nommés immédiatement après l'élection des députés au Corps législatif. » Adopté.)
Art. 16. :
« A partir de l'année 1795, les électeurs de
ceux des départements en tour de nommer, procéderont à la nomination du membre du tribunal de cassation, et de son suppléant, dans le mois d'avril ou de mai, après avoir nommé les députés à la législature, la moitié des administrateurs de département, et les deux haut jurés qui doivent servir près de la haute cour nationale. » (Adopté.)
Art. 17.
« Les électeurs de district procéderont àlâ nomination des juges de district et de leurs suppléants, apiès l'élection de la moitié des mern* bres de l'administration de district; les juges actuellement en exercice continueront leurs fonctions jusqu'en l'année 1797. » (Adopté.)
Puisque nous sommes tous convaincus que c'est principalement la convo» cation de la nouvelle législature qui importe au salut public, il s'ensuit que c'est dans ce moment même et pour la législature prochaine surtout que vous devez adopter une disposition dont la nécessité a déjà été annoncée par le comité de Constitution lui-même, qui parait déjà réclamée par l'opinion non équivoque de la nation : je veux parler de la révocation du décret du marc d'argent. Je fais la motion que tout français domicilié soit déclaré citoyen actif et éli-gible. (Applaudissements à gauche ; murmurés à droite.)
, rapporteur. Monsieur le Président, l'Assemblée discutera, si elle le veut, la proposition qui vient deluiêtrè faite parle préopinant; niais je vous prie d'observer que le travail n'est point fini:' Les articles additionnels viendiont après. Je demande donc que l'on s'OC-cupe actuellement des articles 4 et 9 qui cou-cernent la forme du scrutin et qui ont été renvoyés à la fin de la délibération.
Plusieurs membres : L'ajournement de la motion de M. Robespierre à demain 1
La motion mise en avant par M. Ronespierre ne doit point être ajournée à la revision, comme on l'a déjà prétendu : en voici la raison... (Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres r L'ordre du jour I
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre pour parler contre un décret rendu.
(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle n'entendra pas M. Delavigne et passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Robespierre.)
, rapporteur. Il parait qu'à l'égard des scrutins, nous sommes tous d'accord sur deux points : c'est qu'il est impossible de laisser subsister, même pour la prochaine élection, le scrutin de liste double. Il faut donc ou adopter le mode de scrutin proposé parle comité, au moins provisoirement, ou un autre quelconque. Le second point sur lequel nous sommes également d'accord, c'est qu'il ne serait pas toléra-bïe qu'un suppléant pût arriver au Corps législatif avec quinze voix.
M. Pétion a proposé une nouvelle forme de scrutin. Il s'est donné la peine de venir hier au soir au comité, qui a discuté longuement sou
projet. La base de ce projet a paru n'être autre chose que la théorie du scrutin à liste double. Or la coalition, l'intrigue savent déjouer toutes ces combinaisons. Bien loin de donner la seconde place au choix que dicte la conscience, après avoir donné la première aux affections et aux passions particulières, on ne nomme ordinairement en seconde ligne que des hommes dont on ne craint nullement la concurrence; d'où il suit que les réductions de scrutin ne donneraient pour résultat que de très mauvais choix.
Nous sommés tous convenus que malgré quelques imperfections qne nous y avons vues, cette formé de scrutin valait mieux que ce que nous' avions dans ce moment. Mais le point sur lequel? le comité est resté d'avis, c'est qu'il serait presque impossible d'adopter aujourd'hui ce scrutin, et d'espérer qu'il sera en usage pour les élections prochaines que vous avez très rapprochées, Ensuite il y a une considération qui n'a point frappé l'Assemblée; le scrutin proposé par M. Péiion n'est applicable qu'à l'élection des députés au Corps législatif, et n'est pas applicable à la nomination des électeurs, en sorte qu'il ne peut remplir qu'à moitié les intentions de l'Assemblée, 1
Plusieurs artistes ont imaginé Une mécanique ingénieuse pour ces scrutins, et au moment du travail sur la révision, on vbns proposera non pas seulement le plan de M. Pétion, mais deux ou trois autres projets ainsi que celui qui est en usage en Angleterre, et qui convient parfaitement à un peuple libre. C'est alors que V0u3 arrêterez définitivement le mode de scrutin pour le temps à venir.
Nous avons même observé, dans lé plan de M. Pétion, que le scrutin réductif au second tour ne l'était point du tout en dernière analyse; car on ne peut se dissimuler qu'après un premier, ou un second tour de scrutin, lorsque l'on arrivé au troisième tour, c'est tout uniquement une pluralité .relative. Je sais bien que, dans le scrutin individuel à la pluralité des suffrages, cette pluralité, qui paraît absolue au troisième tour, ne l'est pus dans le fait; mais comme on fie pourrait rien décider aujourd'hui à cet égard, nous pensons qu'il faut renvoyer la fixation définitive du mode de scrutin1 au moment où vous vous occuperez de la révision des décrets, et que le mode provisoire, proposé par le comité de Constitution, peut être admis pour là prochaine élection, sans inconvénient.
Je demande qu'on adopte provisoirem'ent le mode proposé par le comité.v (Aux voix! aux voix!)
Je soutiens et je suis dans lé cps de vous démontrer (Murmures) que le ^èrûtin proposé parle Comité va jeter dans des longueurs interminables,,.,.., (Interrupiiorii,) .
Plusieurs membres: Lisez les articles, mon* sieur le rapporteur,
, rapporteur. Voici les articles 4 et 9.
Art. 4,
« A compter du jour de la publication du présent déciet, la disposition ^provisoire contè^uè en l'article 20 de la section première du décret du 22 décembre 1789, ert abrogée : lés électeurs seront choisis au scrutin de liste simple, et eh
3 tours, si cela est nécessaire; et il n'y aura plus de scrutin de liste double, en aucun cas. » (Adopté.)
Art. 9,
« La nomination des suppléants au Corps législatif se fera au scrutin individuel et à la majorité absolue des suffrages, nonobstant la disposition provisoire de l'article 33 du décret cité en l'article 4, laquelle demeure abrogée. » (Adopté.)
Je fais la motion que les députés de l'Assemblée nationale ne puissent être nommés haut jurés.
Je demande que pour s'élever à la hauteur de la proposition du préopinanl, l'Assemblée décide quVprès la session actuelle to is ses membres se retireront dans un couvent. (Rires.)
, rapporteur. Je dois présenter à l'Assemblée quelques dispositions qui me paraissent devoir être Consignées simplement dans le procès-verbal, sans avoir besoin de rendre un décret. Le ministre de l'intérieur a consulté votre comité des contributions très récemment, pour savoir comment on pouvait faire exécuter l'article de vCre décret sur la constitution des assemblées administratives, qui dit que les électeurs de département se réuniront tour à tour dans les chefs-lieux de district. Le comité a répondu que cette disposition n'étant déterminée par aucun décret, le moment de la présenter a l'Assemblée était venu, et qu'on en rendrait compte dans ce moment-rci ; qu'en attendant, le ministre pourrait répondre aux directoires de? départements que, pour l'exécution de cet article de la loi, il doit être mis, dans un vase, le,nom des districts qui composent le département, en annonçant, en avance, le jour du tirage ; et le tirage une fois arrêté, dire que l'assemblée des électeurs se tiendra dans tel ou tel endroit.
On peut prendre ce parti ou tout autre; mais nous ne croyons pas qu'il faille faire une loi sur 1-exécution de cet article. Si vous adoptez celte explication, on peut'la consigner dans le prôcès-verbal; et le ministre c|e l'intérieur ne sera pas embarrassé. Je sais qu'on demande que les chefs-lieux de district qui sont les plus rapprochés du centre soient indiqués i l'Assemblée se^détermi-nera, ainsi qu'elle le voudra.
Je crois que le modè que présente M. le rapporteur ne peut s'ap* pliquer qu'à la nomination des députés au Corps législatif.
Je pense qu'il faut renvoyer la proposition de M. Démeunier à la législature prochaine. Vous avez promis, Messieurs, que la prochaine législature s'occuperait de la réduction des districts; vous avez ensuite annoncé qqe le côïM vous présenterait un projet de décret sur les opérations que les assemblées électorales auront à remplir pouf manifester un vœu non équivoque sur cette matière. C'est doqc ici le moment de décréter, puisqu'elle* vont se former, qu'elles sont autorisées à délibérer sur la réduction des districts ; et j'ai Phoiïnétïr de vous observer que si vous ne décrétez pas cette proposition-là aujourd'hui, il se passera plus de 2 ans avant que cette réduction ait lieu.
, rapporteur. On ne peut se dissimuler que les administrations de district ne „ soient d'une utilité majeure dans ce moment-ci. Le préopinant, qui ne peut en disconvenir, a sûrement oublié le décret que vous avez rendu à-cet égard. Ge décret est tout ce que vous avez pu faire de mieux, puisque vous avez dit que les frais d'admiuistration seraient à la charge des administrés, et qu'ils émettraient leurs vœux pour la Conservation ou pour la réunion de leur district. La proposition du préopinant, qui a déjà été renvoyée a votre comité, se trouve donc par Cela même résolue.
Je retire ma proposition.
(L'Assemblée, considérant qu'il a été décrété quela première élection se fera dans le chef-lieu du département, renvoie cette question à la por-chaine législature.)
On m'annonce la mort de M. Pélissier, député du département des Bourhes-du-Rhône, décédé en la ville de Saint-Rémy, district de Tarascon, le 18 de ce mois.
C'était un excellent patriote.
indique l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un membre propose de fixer une séauce extraordinaire pour lundi soir, afin de continuer la discussion sur les domaines congéables, dans le cas où la séance d'aujourd'hui ne suffirait pas pour la terminer.
(Cette motion est adoptée.)
, au nom, du comité des rechercher, fait un rapport sur une dénonciation des sieurs liutteau, Gannet et Gonnard, en soulèvement des travailleurs employés aux ateliers des travaux publics, contre te sieur Thévenot et les sieur et dame de Lacornbe et s'exprime ainsi :
Messieurs (2), avant aa commencer le rapport que je vais vous faire au nom du comité des re-cherches de l'Assemblée nationale, je dois avoir l'honneur de vous observer qu'étant impérieusement obligé de vous rendre compte des plus petits détails, je me servirai des mêmes expressions qui sont consignées dans les déclarations.
L'affaire dont je Vais avoir l'honneur de vous rendre compte, mérite
toute votre attention ; quoique nous n'ayons pas une suite de preuves
assez complète pour prononcer définitivement, les détails que vous allez
entendre, étaient plus que suffisants pour attirer toute la surveillance
de votre comité.
Je compare les sociétés naissant des circonstances, professant de? principes différents au voeu reconnu de la nation, à une véritabl^émeute populaire, qui se forme sans projet, qui se grossit par l'exemple, et qui se dissipe à la moindre réflexion d'un homme de bien.
Le comité des recherches, dans les premiers jours de mars, fut informé qu'il se tramait dans la capitale un complot dangereux. A cette époque une société, connue sous le nom de Club monarchique, fixait l'attention de tous les citoyens de Paris. Elle était accusée de professer des principes entièrement opposés à ceux des citoyens, et déjà plusieurs fois on avait cherché à troubler ses séances. En vous rendant compte, Messieurs, des faits matériels sur lesquels vous devez prononcer, il est du devoir des législateurs qui font un rapport qui doit être public, d'improuver tout ce qui est coupable; et quoique les motifs qui souvent ont déterminé le peuple à se porter en foule pour s'opposer au rassemblement de quelques-uns d'eux, paraissent excusables, il est de notre devoir del'avertir qu'il commet une grande faute quand il se livre à ces mouvements tumultueux; qu'ils sont diamétralement opposés à la liberté qu'il idolâtre, et que nous sommes résolus de défendre au péril de notre vie; que toutes les voies de rigueur aigrissent les esprits au lieu de les calmer; et qu'en fait d'opinion, il faut plaindre ceux qui se trompent et attendre du temps, la persuasion, le calme et la tranquillité.
M. Rutteau, ci-devant employé en qualité de premier lieutenant au régiment de Namur, au service des Etats.Belgiques, et muni de certificats authentiques, qui attestent son honneur et sa probité, de retour à Paris, a également rendu les plus grands services à l'époque de la Révolution, ainsi que le prouve une attestation dè la section de i'fiotel de Ville, signée For eau, président de la section, et d'un très grand nombre de citoyens; il obtint ensuite une place de piqueur dans l'atelier des travaux publics de Vaugirard, dont le sieur Thévenot était le chef.
Dans cette nouvelle fonction ayant occasion de voir fréquemment le sieur Thévenot, celui-ci, suivant son rapport, le distingua et lui fit quelques ouvertures pour connaître sa façon de penser. Rutteau soupçonnant quelques intrigues, répondit au sieur Tnévenot de manière à pouvoir mériter sa confiance.
Le détail de toutes les conversations du sieur Rutteau avec le sieur Thévenot, est consigné dans une suite de déclarations signées du sieur Rutteau dont je vais vous donner un extrait.
Les déclarations du sieur Rutteau ne sont que le récit qu'il assure être fidèle, de ses conversations avec le sieur Thévenot, dont il avait gagné la confiance.
Votre comité, Messieurs, croit ne devoir faire aucune réflexion sur les détails qu'il va vous donner; vous jugerez vous-mêmes de l'importance des déclarations dont vous allez avoir la connaissance. Nous avons différé pendant quelque temps le rapport que nous devions vous en faire; il
était nécessaire d'acquérir des preuves, que la publicité prématurée des déclarations nous a empêchés d'acquérir; et malgré notre surveillance, vous jugerez par nos conclusions qu'elles ne sont pas encore assez complètes pour prononcer délinitivement. Cependant plusieurs personnes sont arrêtées, et il est absolument nécessaire de statuer sur leur sort. Les citoyens de Paris, qui ne peuvent juger des affaires, avec le calme de votre comité, dont le premier devoir est d'être impartial, mettent à cette alfaire une grande importance; mais c'est devant vous, Messieurs, que tous les complots devant s'anéantir, toutes les affaires doivent être jugées sans passion, et c'est à vous à fixer l'opinion publique.
Suivant la déclaration du sieur Rutteau, du 16 mars 1791, qu'il remit à M. Dumaz, commandant de la garde nationale de Vaugirard, le sieur Thévenot lui dit, en le rencontrant :
« Hé ! bien, mon cher, nos affaires, quoiqu'un « peu retardées, vont bien; le roi a eu un mau-« vais consel, mais nous allons lui en donner « un autre ; nous avons 10 fermiers généraux « qui se coalisent ensemble pour nous fournir « des fonds, et tout ira bien pour nous ; je « compte en recevoir ces jours-ci, et nous irons « ensemble faire le tour de Paris ; j'ai beaucoup « d'hommes répandus dans les ateliers : nous « irons en prendre une note, nous leur distri-« buerons quelques papiers et de l'argent, eri-« suite nous leur dirons de se tenir prêts jusqu'à « mon retour. » Rutteau lui répondit : « Vous « allez donc en campagne, vraisemblablement « c'est pour gagner du monde dans les provin-o ces. » Thévenot lui répond : « Vous l'avez de-« viné, je dois recevoir 200,000 livres que nous « aurons à distribuer entre nous deux; moi j'irai « en province, et vous, vous me remplacerez « ici avec les fonds que je vous laisserai; vous « donnerez de temps en temps des gratifications « à nos gens, et je vous conduirai et vous pré-« seuterai à ceux qui sont chargés de donner « les écrits et l'argent pour distribuer, et c'est « là où vous irez tous les jours chercher ce qui « est nécessaire. Voilà des écrits, ne manquez « pas, je vous prie, des les distribuer surtout à « vos Brabançons, sur lesquels nous comptons. »>
Rutteau, ainsi que je vous l'ai annoncé, a servi en Brabant, et il avait assure le sieur Thévenot qu'il y avait à Paris une trentaine de Brabançons sur lesquels il pouvait compter.
« Nuus n'avons pas à nous fier, continue Thévenot, à la garde nationale j d'ailleurs, quelques coups de canon à mitraille auront bientôt dissipé cette canaille; les autres iront se cacher, et nous aurons victoire complète. D'ailleurs, une fois le roi reutré dans ses droits, l'ordre judiciaire est déjà prêt, et quelques exemples feront rentrer les mutins sous l'obéissance et sous le poids de l'autorité que nous devons donner au roi. »
« Croyez-vous, lui dit Rutteau, que cela puisse encore durer longtemps? » Et Thévenot lui répond : « O-ii, attendu qu'il faut me donner le temps de nous assurer de quelques provinces. »
Ils projettent ensemble une correspondance exacte, et Thévenot promet à Rutteau une fortune brillante.
Ce premier entretien est, ainsi que sont les autres, signé du sieur Rutteau — Coté n° 1 aux piècts,
La seconde pièce, cotée A, est datée du 22 février 1791. 11 païaît que c'est une erreur, parce que l'entretien suivant, qui est libellé sur la même
feuille, et qui n'est qu'une continuation du précédent, est daté du 23 mars.
Dans ce second entretien, Thévenot témoigne à Rutteau quelques inquiétudes sur sa santé, ayant été plusieurs jours sans le voir; il l'engage de ramasser, pour le vendredi suivant, une trentaine d'hommes, sans leur dire le fin mot, et de se trouver à un endroit qu'il leur indiquera. «Vous leur direz seulement que vous voulez leur payer une bouteille de vin, et leur donner à souper; cela suffira, sans leur en dire davantage. »
Rutteau répond qu'ayant tout perdu à la Révolution, il est sans argent, et qu'il en faut pour faire des offres pareilles. Thévenot assure qu'il lui donnera, le vendredi matin, soixante livres, et davantage si cela ne suffisait pas.
Thévenot annonce qu'il y aura un conseil le vendredi chez le roi, et que c'e^t d'après ce conseil que l'on saura ce qu'il y a à faire ; que l'on y décidera aussi pour donner de l'argent, et que tout ira en règle, de manière que cette opération ne manquera pas ; qu'il n'y aura encore rien à faire, et que ce premier mouvement n'est seulement que pour que ces messieurs les voient.
Rutteau se sépare après cette conversation, en assurant le sieur Thévenot de sa fidélité et de sa bravoure.
Cette seconde déclaration est signée Rutteau.
Le 23 mars, le sieur Thévenot, en arrivant à son atelier de Vaugirard, Me de la Procession, s'est approché du sieur Rutteau et lui a demandé s'il était sùr de son monde; à quoi le sieur Rut teau a répondu: « Oui; pour quel jour? à quelle heure ? en quel lieu? « Thévenot lui répond : « Je vous le dirai demain, parce que je recevrai les ordres: ce qu'il y a de sûr, vous les tiendrez prêts pour vendredi,sans faute; je vous donnerai la consigne et de l'argent. » Rutteau répond : « A la bonne heure ! Mais savez-vous, à peu près, ce qu'il y aura à faire? » Thévenot lui répond...: « Ecoutez, environ 600 bonnes épées se trouveront au conseil privé du roi; c'est plutôt pour nous faire voir de ces messi-urs que pour autre chose; car il n'y a encore rien. Mais c'est de là que sortira le coup d'éclat, ou du moins les ordres pour le faire. » Rutteau lui demande s'il ne pourrait pas lui donner le plan de cette affaire, ou plutôt celui de l'exécution. Thévenot assure qu'il faut attendre encore quelque iernps.
Rutteau suppose un projet, et veut faire part de ses soupçons à Thévenot, qui l'écoute. Il débite un projet de contre-révolution, où MM. de Coudé et de Lambesc jouent un grand rôle. Thévenot lui répond qu'il a deviné juste, et q ie la garde nationale de Paris sera pendue ou pulvérisée. Sur cette assertion, il lui demande si l'on a quelques officiers de la garde nationale de gagnés. Thévenot répond: « Parbleu! la belle demande I... » Rutteau poursuit ses informations, et demande quelle est l'opinion de M. de Lafayette dans cette affaire. Thévenot lui répond : « M. de Lafayette sait bien ce qu'il fait, il ne sera pas si Claude que de ne pas être des nôtres : d'ailleurs, c'est la bonne cause, c'est la justice, et il ne peut pas manquer de l'approuver.... Tenez, dit-il, voilà quelques papiers,distribuez-les demain; je vous fêtai part des ordres que je recevrai. »
A cette époque, le sieur Rutteau quitte le sieur Thévenot, et rencontre le sieur Ginnet, qu'il avait mis dans s s intérêts ; il s'informe de lui s'il sait quelque chose de nouveau; c lui-ci lui répond qu'il a été au faubourg S.iint-Antoine ; qu'il y a vu un chef qui donnait, sans que cela pa-
rût, 12 francs à chaque ouvrier, qu'ils sont tous en ribotte, et qu'il y aura, avant peu, un coup d'attaque. Rutteau demande le nom de ce chef. Ginnet lui répond : « Je ne le sais pas; mais M. Thévenot sait tout. J'ai élé chez lui ce matin, il a beaucoup de billets de caisse, je les ai vus; il m'a promis 2 louis pour dimanche. » Rutteau lui dit adieu, ea lui recommandant le plus grand secret.
Dans l'entretien, coté C., du 17 mars, Thé-venot s'informe si les papiers ont été dbtribués, et s'il a vu quelques-uns des affiliés; Rutteau assure que oui, et qu'un de ses amis a vu une quinzaine de Brabançons, sur lesquels ils peuvent compter. Théveno't se félicite d'avoir si bien placé sa confiance, et il assure à RuUeau une gratification de 150,000 livres. Rutteau, cependant, témoigne son embarras faute d'argent, et Thévenot lui dit qu'il faut avoir de la patience, et qu'il lui a déjà ait que 10 fermiers généraux étaient coalisés nsemhle, et qu'ils ne pouvaient pas tarder d'en avuir. Rutteau dit que ses associés demandent s'ils auront des armes; à quoi Thévenot répond qu'on leur donnera de l'argent pour acheter une paire de pistolets ; et puis, dit-il, nous ferons main basse partout où nous en trouverons. « J'ai lu, dit-ii, avant-hier, la liste de ce maudit club des Jacobins. Ils ontdéjà 32,000 hommes dans leurs manches. Je voudrais, contiuue-t-il, pouvoir nous assurer d'assez de morne, sans être obligé d'aller dans les provinces. Distribuez toujours les papiers que je vous confie ; cela servira à éclairer le peuple, à qui le club des Jacobins fascine les yeux. »> Rutteau répond : « Oh 1 le peuple se détrompera assez, et quand il verra que c'est pour le roi, il se rangera souS vos drapeaux.» Thévenot fait ensuite partdu projet. « Voici, dit-il, par où nous commencerons: nous voulons mettre le roi maître absolu, chasser de l'Assemblée nationale tout ce qui ne nous conviendra pas ; établir le conseil privé du roi, et un second conseil pour le peuple. Ce conseil du roi ne sera composé que de 12 membres que nous choisirons; nous rétablirons ensuite les parlements,: non pas sur le pied qu'ils étaient, car le roi n'était pas assez le maître ; et puis, tout cela arrangé, nous formerons la maison du roi, comme elle était jadis ; c'est là où vous serez un des principaux avec moi : ainsi vous voyez de quels avantages vous jouirez, et quelle sera votre fortune. Dans le commencement nous gagnerons le peuple par largesse,nous augmentions la paye du soldat, afin qu'il nous serveet que nous puissions compter dessus : ensuite, quand tout sera ré^lé, nous arrangerons tout à notre gré. » Rutteau répond à ce beau projet... « Bravo I nous pourrons dire adieu au club des Jacobins.»—Thévenot répond : «On ! nous en avons la liste, mais quelques potences dressées de part et d'autre, et où l'on accrochera ces me-sieurs, serviront à épouvanter le reste de la canaille. Ah çàl je vous quitte, car j'atlen 's madame de Lacombe,el nous devons dîner au Soleil-d'Or, et je vous reverrai tantôt. A propos,je vous dirai que ces jouis-si on va publier une lettre d'excommunicaiion de notre Saint-père le-pape, qui excommunie tous ceux du clergé qui ont prêié le serment civique, ou qui ont acheté des biens du clergé.» Cette déclaration est encore signée Rutteau.
La pièce çotée D, est le détail de l'entretien qui eut lieu le 1$ mars entre les sieurs Thévenot, Rutteau, Gailet, adjudant de la garde nationale de Vaugirard, et un nommé Ginnet, patriote brabançon.
Vous avez entendu dans la pièce précédente Thévenot annoncer nu'il attendait à dîner Mme de Lacnmle au Soleil-d'Or.
Mme de Lacombe est femme de M. de Lacombe, ci-devant earde du corps, et maintenant chef de l'atelier de la Vi Mette.
Rutteau arrive au Soleil-d'Or'; et après les cérémonies d'usage, il annonce qu'il amène un brave patriote brabançon qui est dans sa manche, et sur lequel on peut compter. M. Thévenot s'engage de le faire monter, et lui dit de se faire anporter à dîner, qu'ils causeront ensuite. Madame de Lacombe dit qu'il ne faut pas pousser les choses si avant, jusqu'à ce que les fonds soient arrivés. Thévenot donne encore des papiers à distribuer. Il s'engage une conversation entre le sieur Thévenot et le sieur Ginnet, qui raconte ce qui lui est arrivé en Suisse ; que l'on a voulu lui donner 25 louis pour l'engager dans l'armée de M. de Condé; que celui-ci vient de faire construire un pont avec des chaînes énormes pour le passage du Rhin, mais qu'il ne croit pas que ce pont réussisse. Thévenot lui demande s'il a vu le prince Lambesc; il assure que ouij et que si ces messieurs pénétraient en Fiance nous serions bien à plaindre.
A cet instant de la conversation, Gallet et Rutteau sont tirés en particulier par Mmè de La7 comhp, et le sieur Ginnet feint pendant cet intervalle de lire un papier que Thévenot lui avait donné.
Rutteau annonce à Mme de Lacombe que son monde commence à augmenter de plus en plus, et il fait l'éloge du sieur Gallet, pour lequel, ditr il, il n'a aucun secret de caché. Mae de Lacombe instruit ces messieurs que son mari, quoiqug fort bel homme, et plein d'apparence, n'y est plus lorsqu'il s'agit d'une affaire, et qu'elle s'est mise à la tête de tout. Elle ajoute qu'elle a up de ses cousins major des gardes du roi, qu'elle doit,aller voir, et elle se vante d'avoir, sous -peu de jours, un entretien avec la reine; mais il lui faut des fonds, sans quoi l'on ne peut rien faire,; « D'ailleurs, dit-elle, ne faut-il pas qu'au moment de l'action vous laissiez en dépôt à vos femmes au moins 40,000 livres, afin qu'elles aient de quoi vivre si vous venez à être tués dans le combat?—Fort bien, lui dit Rutteau. » Et Mm8de Lacombe continue: « Ne vous inquiétez de rien; d'un autre côté si la mèche venait à se découvrir, il nous faut des fonds pour nous sauver. Ainsi, il f.iut que l'on commence par nous donner 3-ou 4 millions; après quoi, je réponds du succès de l'affaire. » Rutteau lui répond : « L'aflairene peut manquer; mais croyez-vous que le prince de Condé et le prince de Lamb sc ne profitent pas de ce moment pour rentrer en France et y jouer un rôle ? » Mme de Lacombe dit: « C'est là le nœud ; mais du secret, mes amis. A ce moment, Thévenot rentre dans la ch imbre, parle seul à Ginnet, et lui dit : « Ah ç.il brave garçon, prenez patience; si vous vous trouvez trop gêné, vous parlerez à Rutteau mon ami; il vous passera des secours. » Ginnet répond :"« fort bien. » Gallet, Rutteau et Ginnet se disposaient à sortir; Thévenot dit : « M. Rutteau, j'ai à vous parler en particulier; je dois aller dimanche parier au père dans sa grande maison, et j'espère avoir de bonnes raisons ; car il nous faut du sitnomen. Pieliez toujours garde que ces gens-là ne jasent. »
Rutteau assure de la fidélité de ses compagnons; Thevenot lui dit adieu, en lui donnant rendez-vous pour le lendemain.
Ginnet assure que M. de Crussol a voulu l'engager; M"1® de Lacombe répond : « Parbleu, c'e^t pour la même affaire ; cVt encore un des nôtres. »
On remarquera que la continuation de cet entretien s'est passée en l'absence du sieur Thévenot. M. Ginnet annonce qu'il y a dans le faubourg Saint-Antoine'un nommé Roland, qui lui a fait la même proposition, et qui engage à force.
Galet et Kutteau répondent: « Bon,dansle faubourg SaintfAnloine. »
Rutteau continue, et dit à Ginnet : « Ecoutez, mon ami, il s'agit du salut delà France entière; si Vuus êtes un honnête homme, vous viendrez demain avec nous chez M. Onnaz, no re commandant, et vous l'instruirez de tout cela. » Ginnet demande qui est c - M. Dunaz. Rutteau lui dit : « C'est notre commandant à Vaugirard; si vous lui donnez des renseignements, vous serez bien récompensé : ainsi je compte sur vous. — Volontiers, mi dit Ginnet;nous irons demain. »
Cette déclaration est signée de Rutteau, de Gai-let, adjudant, et de Ginnet.
La pièce cotée E est encore le détail d'un entretien tenu le dimanche 20 mars enire M. Théve-notr Mme de Lacombe et Rutteau.
M®" de Lacombe dit à Rutteau qu'après le dîner il faut qu'il aille avec le sieur Thévenot dans un endroit où il le mènera; et elle annonce que c'est pour vendredi le grand coup. Rutleau représente qu'il est sans argent. « Nous-n'en manquerons pas, dit M»* de Lacombe; il faut que cela finisse; l'or et l'argent vont rouler. »
Thévenot annonce aussi qu'il lui en donnera beaucoup, et qu'il aura une place distinguée. « Allons, bravo! dit Rutteau, mais qu'aurons-nous à faire ce soir ? — Rien, dit Thévenot; c'est seulement pour aller dans un endroit où plusieurs de nos gi ns seront assemblés; mais vendredi, nous nous rendrons tous aux Tuileries et nous nous promènerons à l'entour, de manière que nous en formions le cercle; et d'ici à ce temps, je vous dirai le fin mot. —« Fort bien, » dit Rutteau.
Mme de Lacombe engage Rutteau à venir loger auprès d'elle, afin d'être à portée d'agir de concert. « A merveille, dit Rutteau; mais je n'ai pas le sou. » M"6 de Lacombe assure qu'il n'en manquera pas.
MM. Thévenot et Rutteau reconduisen t Mme de La-combe jus |Ue devant la porte de M. de Clermont-Ti nuerre; ils se séparent en se donnant rendez-vous à souper chez Mme de Lacombe.
Ici est un détail de l'illumination de M. de Gler-mont-Tonnerre pour la convalescence du roi, et de différent interlocuteurs du peuple, dont les uns disent que M. de G ermont-Tonnerre est un bon patriote, et d'autres, qu'il est aristocrate.
Cette pièce est signée Rutteau.
La pièce cotée F est encore un entrelien du sieur Rutteau avec Mme de Lacombe et Thévenot.
Mme deLacomlie dit à Rutteau: « Mon cher, nos affaires vont lentement. (Je dois dire, pour exactitude, que Mmeue Lacombe se sert d'une expression grivoise, que je n'ai pas cru devoir répéter ici.) Mais nous avons découvert un autre nid ; patience jusqu'à jeudi ou vendredi, nous recevrons de de l'argent; nous le partagerons, et nous les enverrons au diable, attendu que mon mari doit me dire ce soir de quoi il sera question, et que la personne qui le charge de cette affaire, lui a assuré que l'or et l'argent nous tomberaient à foison.— Bon, dit Rutteau. Nous ne nous servirons donc pas de cet argent pour donner à nos gens? —Non, dit Mm* de Lacombe ; il faudra vous servir de l'argent queje vous donnerai pour vous habiller pro-
prement, pour vous introduire plus facilement. »
Rut'eau sort avec Thévenot, et lui dit : « Voilà deux de nos gens le® plus affidé3; mais je crains qu'ils nesela-sentdes promesses. Il faudrait leur donner de l'argent, ne serait-ce que peu de chose, cela les entret endra. — Vous savez, dit Thévenot que je n'ai que des billets. Tenez, donnez-leur 6 francs. —G est bien peu pour deux, dit Rutieau; mais do nez-le-leur vou--même, afin qu'ils vous connai-sent. Effectivement, Thévenot donne à l'un cent huit sous enveloppés dans du papier, et à l'autre 3 livr. s.
Pendant ce colloque, Rutleau était rentré causer avec Mme de Lacombe, pi Thévenot rentre avec les deux particuliers, et dit à Ruiteau de leur faire servir à dîner sur son compte; ce qui fut exécuté. Le sieur Rutteau dit aux deux particû-culiers : « Vousirezchez M. le maire déposer votre argent, et faire votre déclaration; ayez soin de vous faire donner une décharge. »
La fin de cette pièce est un ré-umé du sieur Rutteau, qui nVsl que st sco >jeciures, et qui ne font point partie des déclarations dont je dois vous rendre compte.
Cette pièce est signée Rutteau.
La nièce cotée G e>t le récit d'un entretien entre l s sieurs Thévenot, Ruteiu, Gaïlet et Ginnet, du 24 mars, dans le courant de l'après-midi.
M. Thévenot leur souhaite le bonjour; Rutteau lui dit : Voi'à M. Gallet qui arrive d'avertir nos gens pour l'affaire de demain; ils sont prêts, et n'attendent que le signal. «Thévenot lui répond: « 11 ne fallait pas aller si vite, Cette affaire est retpise àlundi.» Ruiteau lui répond : « Qjmment à lundi! Il faudra donc que j'aille demain recommencer la tournée, et les avertir qu'il y a une remise; ce qui m'inquiète, c'est de 1 argent qu'ils vont me demander, et je n'en ai pa9. » Thévenot lui répond : « Arrangez-vous d'ailleurs; je n'en recevrai que samedi, et je ne peux donner ce que je n'ai pas. » Rutteau insiste sur la nécessité de satisfaire des gens qui n'entendent pas raillerie. Thévenot convient qu'il a reçu de l'argent, mais qu'il l'a employé pour les gens qu'il a de son côté. « Cependant, ajoute-t-il, vou3 pouvez les assurer, sur ma parole d'honneur, que je leur remettrai 6 francs par homme par semaine, jusqu'au moment de l'action ; et ensuite, vous êtes sûrs d'avoir tous du pain et de bonnes places. Faites-vous donner un bon dîner, que je prendrai sur mon compte, et voilà 6 francs pour vous autres. N'oubliez pas surtout de rapporter aux autres ce queje viens de vous dire.» Rutteau répond : « J'arrangerai tout cela, maix aux conditions que vous ne manquerez point de parole... » Thévenot répond: Non, je vous jure; mais ce sera pour lundi, sans faute. Nous nous rassemblerons dans un cabaret les uns d'un côté, les autres de l'autre, et nous n'aurons pas l'air d y toucher. »
M. Gillet reprend i « On dit que le roi va à Siint-Gloud lundi. — Oui, répond Thévenot; mais, ou il partira après l'Assemblée, ou l'Assemblée aura toujours lieu : il n'y aura que le roi et trois de ses amis qui sauront le coup, de crainte que Cela ne s'évente avant l'opération. Surtout, le plus grand secret, et jurons-nous que si l'on arrêtait quelques uns de nous, nous nous battrions jusqu'à la mort pour le ravoir... » Us répondent tous : « Nous vous le promettons. » Thévenot :goute : « Fort b en ; car il faut absolument exterminer ce club des Jacobins et soutenir le club Monarchique. Allo is, mes amis, au revoir! jusqu'à samedi ; car c'est demain fête. »
Cette déclaration est signée Rutteau.
Au bas de cette déclaration, il est ajouté, d'une écriture différente : « Nous avions oublié de dire que la cause de la remise de l'affaire, c'est parce que l'administration vient de rendre un jugement contre les forts de la Halle, et qu'ils craignaient que cela ne les compromît en quelque sorte. »
« Signé: Rutteau, Gallet, adjudant, Ginnet.»
La pièce cotée 11 est le récit ue l'entretien des sieurs Thévenot et Rutteau, du 26 mars. »
Thévenot lui dit : « Hél bien mon ami, c'est pour demain le conseil, ainsi ne manquez pas d'avertir votre monde; vous passerez demain matin chez moi, et je vous donnerai de l'argent. » Rutteau répond : « Bravo! de l'argent, il nous en faudrait à gogo. Mais en attendant, donnez-moi toujours l'àdresse, pour savoir le lieu, l'heure, et,ce qu'il y aura à faire. » Thévenot lui répond : « Écrivez : Le 28 du courant à 5 heures précises du soir, rue des Petites-Êcuries-du-Roi, à remplacement de la loge de VAmitié, faubourg Saint-Denis. — Est-ce là tout, dit Rutteau, et comment arriverons-nous? » Thévenot répond : « Incognito, c'est-à-dire par 2, par 3, par 4, et on entrera à mesure dans bs cabarets qui sont aux environs, et on vous donnera les ordres, parce que nous ne bougerons qu'au cas que les coquins de gardes nationaux ne s'avisent de dire la moindre chose à ceux qui composeraient le conseil, auquel cas nous tomberons dessus; car c'est de ce conseil que va sortir toute notre affaire, de manière qu'au même jour, et dans toute la France le même coup éclate, et que cela puisse faciliter l'entrée au prince de Condé et autres. » Rutteau : « Bon, je me rendrai demain chez vous sans faute. »
Le sieur Rutteau quitte Thévenot, qui lui avait recommandé d'être à 5 heures précises à Paris... A cette époque, Rutteau, sachant que Ginnet avait eu une conversation particulière avec Thévenot, conçut des soupçons contre lui , et quelques circonstances l'ayant persuadé, de concert avec Jes siëurs Gallet, adjudant, et Gonnard, qu'ils avaient mi? nouvellement dans leurs confidences, ils font arrêter le sieur Ginnet, le conduisent au maire de Vaugirard, et le font mettre en prison. Samedi 26 mars 1791, 7 heures du soir.
Signé: Rutteau, Gallet, adjudant, Gonnard.
Le 27 mars, les sieurs Ruiteau, Gallet, adjudant, ei Goi nard, se sont transportés chez la dame de Lacombe, où étant arrivés, le sieur Rutteau a témoigné ses soupçons sur le comnte du sieur Ginnet, qu'ils avaient fait arrêter la veille. Suivant leur rapport, la dame de Lacombe a été très interdite de cette nouvelle, et elle leur a recommandé d'en aller prévenir le sieur Thévenot. Ils s'y sont transportés, à l'hôtel des Députés d'Artois, dans une chambre n° 6, où ils ont trouvé le sieur Thévenot, auquel ils ont fait part de leurs soupçons; à,quoi Thévenot leur a répondu, «> que Ginnet lui avait rendu compte d'une mission qu'il lui avait donnée. D'ailleurs, dit-il, je ne crains rien quand il parlerait, parce que j'ai environ 6,000 hommes à mon service. »
Le sieur Rutteau lui ayant demandé s'il allait lui donner l'argent nécessaire pour aller en tournée avertir sou monde, le sieur Thévenot lui répondit qu'il n'avait ni argent ni billet. Cependant un instant ai rès, il lui remit deux assignats de 50 livres chacun, pour distribuer aux prétendus 30 hommes que le sieur Rutteau lui avait dit avoir engagés. Cet argent lui fut donné en présence des deux personnes qui étaient avec lui. Rutteau lui demande s'il ne s'était pas trompé de date sur l'ordre, parce qu'il lui avait
d t la Veille que c'élait pour demain, et que ce n'était aujourd'hui que ie 27, sur quoi le sieur Thévenot tira de sa poche une lettre d'avis, imprimée, venant du club Monarchique, pour vérifier la date. Que le sieur Rutteau voulut voir l'original, mais que le sieur Thévenot ne voulut pas lui donner, en lui disant : « Vous en avez l'extrait, cela vous suffit. » Le sieur Rutteau se retira pour aller avertir son monde.
Cette pièce est signé Rutteau, Gallet, adjudant ; Gonnard. :
Les différentes déclarations que vous venez d'entendre arrivèrent successivement à votre comité ; les sieurs Rutteau, Gallet, Gonnard, en certifiaient la vérité; l'explosion paraissant devoir être prochaine, votre comité crut de son devoir de la prévenir, et il requit M. le maire de Paris de faire arrêter les sieursThévenot et de Lacombe.
Depuis longtemps, Messieurs, on ne cesse de répéter que l'on fait de grandes distributions d'argent; et cependant, jusqu'à cette époque, il a été impossible de pouvoir découvrir la source de ces largesses. En ce moment même où nous sommes fondés à croire qu'il y a eu quelques manœuvres dans les ateliers des travaux publics, par toutes les déclarations dont vous avez entendu la lecture, il vous sera facile de conclure que si le sieur Thévenot était chargé d'opérer un mouvement, il était mal payé par ceux qui le faisaient agir, à en juger par les petites sommes qu'il est accusé d'avoir distribuées; cependant les sieurs Rutteau, Gallet et Gonnard ont déposé, au comité des recherches, deux assignats de 50 livres qui leur avaient été donnés par le sieur Thévenot, avec leur attestation signée d'eux trois. Quoique cette somme ne soit pas très considérable, elle est cependant fort au-de-sus des moyens présumés du sieur Thévenot; et il est de la dernière importance de découvrir quelles sont les personnes qui le faisaient agir, et qui lui donnaient les moyens de soudoyer les ouvriers des ateliers.
En conséquence, Messieurs, votre comité a cru de son devoir d'ordonner l'arrestation des sieurs Thévenot et de Lacombe : elleaété faite le 28 mars à 3 heures du matin. Leurs papiers ont été visités avec soin. On a trouvé un nombre d'exemplaires assez considérable, d'un avis du Père Duchène aux ouvriers des ateliers; il est à remarquer que ces exemplaires étaient encore mouillés. Indépendamment de ce pamphlet, il y en avait plusieurs autres, tous tendaut à décrier l'Assemblée nationale et ses travaux. »
On a également trouvé, chez Thévenot, un écrit imprimé, venant du club monarchique, à l'adresse de M. Dagien, rue Traversière, qui anuonce que l'assemblée, fixée à vendredi, est remise au lundi suivant. Vous vous rappellerez qu'il en est question dans une des déclarations dont je vous ai donné lecture. La lettre du Père Duchêne tendait à animer et à irriter le peuple contre le club des Jacobins, et à lui persuader que le club monarchique étaitentièrement dans ses intérêts, etqu'il fallait le protéger et le soutenir. La dame de Lacombe n'a pas été mise en prison, mais elle est gardée chez elle jusqu'à ce que vous ayez prononcé sur son sort. Plusieurs enfants en bas âge, dont elle a soin, ont déterminé le commissaire à la faire simplement garder dans sa maison ; et votre comité a approuvé cette indulgence. Cependant, Messieurs, il paraît par les différentes déclarations que nous avons mises sous vos yeux, que s'il existe un complot, elle en est informée ; et il paraît que le sieur de Lacombe était peu instruit de ce qui se passait.
L'interrogatoire des sieurs Thévenot, de La-combeetladamedeLacombea été fait, et sur toutes lesquestions, ils ontunanimementet formellement nié tous les faits. Le sieur Thévenot, lorsqu'on lui a présenté les deux assignats de &0 livres, a nié les avoir donnés; cependant MM. Rutleau, Gallet et Gonnard persistent dans leurs dépositions. Il n'est nullement question de M. de La-combe dans aucun des entretiens dont je vous ai donné connaissance; et les seuls motifs qui ont déterminé son arrestation est la quantité d'exemplaires de la lettre du Père Duchéne aux ouvriers des ateliers, que l'on a trouvés chez lui. D >ns son interrogatoire, il persiste à dire qu'il n'en avait nulle connaissance : et la même espèce de papiers, qui ont été trouvés chez le sieur Thévenot, et sa liaison intime avec Mm8 de La-combe, donnent lieu de croire que ces papiers peuvent avoir été placés chez lui sans son aveu.
Les sieurs Rutteau, Gallet, Gonnard et Ginnet auront sans doute rendu un service important en découvrant un projet dont les suites auraient pu devenir funestes. Cependant, Messieurs, cette affaire n'étant point encore éclaircie, le comité n'a pas cru devoir vous proposer aucune mesure pour témoigner à ces citoyens la reconnaissance qui leur sera due, lorsque cette affaire, examinée dans tous les points par un tribunal, vous mettra à portée de connaître exactement la vérité.
Votre comité, Messieurs, ne se permettra aucune réflexion sur cette affaire qui est encore sous un voile que l'on n'a pu pénétrer ; il croit qu'il est important qu'elle soit éclaircie, et c'est dans ces vues qu'il vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que l'aifaire du sieur Thévenot et du sieur et dame de Lacombe sera renvoyée au tribunal de leur arrondissement, pour y être statué ainsi qu'il appartiendra; que la liberté sera provisoirement rendue au sieur de Lacombe, mais que le sieur Thévenot et la dame de Lacombe seront gardés en état d'arrestation, jusqu'à ce que le tribunal ait prononcé. »
Messieurs, il me semble que si le projet de décret du comité était adopté, nous irions positivemeqt contre ce que nous avons décrété. En effet, le Corpslégislatif, par là, déclarerait qu'il y a lieu à accusation contre ces deux particuliers. Or, il n'y a que les membres du Corps législatif qui soient soumis à ce genre d'épreuve. Que devait donc faire votre comité des recherches? il devait s'adresser à l'accusateur public de l'arrondissement de la prison où ils sout incarcérés, pour que, d'après la vue des pièces, cet accusateur public fasse les poursuites nécessaires. L'Assemblée nationale ne devait pas perdre son temps à entendre des détails de cette nature ; et c'est le perdre en compromettant la Constitution. Je demande la question préalable sur le projet du comité.
(de Saint-Jean-d'Angèly). Je demande à modifier l'avis de M. le rapporteur et celui du comité. Je ne suis pas de l'avis du préo-piuant, parce que toutes les fois qu'au milieu des soupçons qui nous environnent et qu'on cherche à semer autour de nous, il paraît se présenter un fil pour nous guider enfin dans ce labyrinthe; il n'y a pas un véritable ami de la chose publique qui ne doive s'empresser à le saisir et à fixer enfin sur les vrais coupables ces soupçons
qui peut-être sont tombés sur des innocents. C'est sous ce rapport, je crois, que la question préalable ne peut pas y être appliquée.
D'un autre côté, je dis que l'Assemblée nationale a ordonné que, lorsqu'elle croirait qu'il y a lieu à accusation pour crime de lèse-nation, elle aurait le droit d'ordonner par un décret non susceptible de sanction, l'information ; mais ce n'est pas encore ici le cas, puisque l'existence du crime de lèse-nation n'est pas prouvée; elle ne peut que décréter que son président se retirera par devers le roi pour le prier d'ordonner qu'il sera informé contre les particuliers, qui cependant demeureront en éiat d'arrestation, puisqu'ils v ont été mis, pour, après l'information rapportée à l'Assemb ée nationale, être par elle jugé s'il y a lieu ou non à renvoyer par-devant le tribunal d'Orléans. Cette, marche concilie tout à la fois et le décret constitutionnel que vous avez rendu, et l'intérêt, national qui est enfin d'éclairer, s'il est possible, cet abîme de conjurations dont on nous entoure.
Voici comme je propose de rédiger le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rennu par son comité des recherches, décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres à l'accusateur public au tribunal de l'arrondissement de Paris, pour qu'à sa diligence il soit informé contre les sieur Thévenot, sieur et dame de Lacombe, sur les faits portéven la dénonciation des sieurs Butteau et Gannet, et, l'information faite et rapportée à l'Assemblée nationale, être, par elle, décidé s'il y a lieu ou non à accusation de crime de lèse-nation; que cependant le sieur de Lacombe sera élargi, et que la dame de Lacombe et le sieur Thévenot demeureront en état d'arrestation. »
, rapporteur. J'adopte cette rédaction.
Je n'ai qu'un mot à dire sur le projet de décret qui vient de vous être présenté. De deux choses l'une : ou.il est question de crime de lèse-nation, ou il n'en est pas question. S'il est question d'un crime de lèse-nation, c'est devant le tribunal d'Orléans qu'il faut le renvoyer. S'il n'est pas question d'un crime de lèse-nation, le comité des recherches ne devait pas s'en occuper.
Il me paraît que le préopinant va un peu trop vite. Lorsque l'information judiciaire aura constaté s'il y a délit, quels sont ceux que l'on présume être les coupables, ce sera alors que l'Assemblée nationale, sur le compte qui lui en sera rendu, déclarera par un décret s'il y a lieu ou s'il n'y a pas lieu à accusation.
Quant à présent, Messieurs, voilà des recherches, voilà des faits, voilà di s détails dans lesquels il n'est pas possible de s-e dissimuler qu'il y a quelque chose de réel. Voilà un fil qu'il est important de ne pas voir se rompre dans les mains de celui qui l'a saisi. Voilà des particuliers sur lesquels des accusations, qui sont plus ou moins vraisemblables, se réunissent. L'As-emblée nationale n'ordonne pas dans cet instant qu'il y a lieu à accusation ; mais elle se met a portée, par les voies juridiques, de déclarer qu'il y a ou qu'il n'y a pas lieu à accusation. D'après cela, je crois que l'Assemblée nationale ne doit pas faire de difficulté d'ordonner le renvoi par-devant le juge ordinaire pour, l'information faite, être statué ce qu'il appartiendra.
Je rejette la question préniable qui a été uçmandéesurleprojetde décret. J'adopte au contraire le projet ne décret que je regarde comme fondé sur l'intérêt vraiment national; et cet intérêt, le voici :il me semble qu'il est de la plus haute importance de prouver & la nation, pour la dernière fois, que les conjurations quinou3 ont été si sagement dénoncées par le comité des rech rches ne sont que des chimères absurdes. (Applaudissements à droite.)
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret.) (Applaudissements dans les tribunes.)
Je demande l'impression dit rapport.
A droite : Aux voix I aux voix !
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande que l'on renvoie après la décision sur le fond, celle de l'impression.
(L'Assemblée adopte le projet de décret tel qu'il a été rédigé par M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Augély).
Je demande l'ordre du jour sur l'impression, Il est clair que vous donneriez trop beau jeu & tous ceux qui peuvent se trouver impliqués dans cette affaire, si vous imprimiez par noms et surnoms, et par tous les détails pos~ sibles. (Murmures à droite.)
M. Delavigne aime les procédures secrètes : cela est incompatible avec la liberté.
J'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée qu'il est impossible de ne pas imprimer le rapport qui a été fait à la tribune, parce que tous les journaux ont pour principe de dénaturer tout ce qui se dit daus cette Assemblée. (Non! non!)
A l'observation que vient de faire le préopinant, j'en adresse une seconde qui s'adresse essentiellement au comité des recherches. 11 paraît très fâcheux que les principes d'inquisi ion puissent assez prévaloir dans l'As-semb ée pour qu'un membre puisse vous proposer d'adopter les formes inquisitoriales, c'est-à-dire les formes d'instruction f-ecrète. (Rires à gauche.) Si le comité «tes recherches, dont je n'ai jamais reconnu l'utilité ni la légalité, fait une dénonciation, cette dénonciation, faite dans l'Assemblée en présence d'un si grand nombre de Spectateurs, ne doit avoir aucune suite sécrète ; elle doit être authentique. Les suites doivent être solennelles.
Si le comité des recherches accuse un citoyen guel qu'il soit, il faut que ce citoyen puisse f-e justifier, et accuser à son tour le comité des recherchés. Quant à moi, qui malheureusement ai pris tant d'aucienm s habitudes, et des principes èt des formes absolument contraires à la liberté, je ne sais pas encore nui le rapporteur a voulu accuser; mais quel qu il soit, mon Opinion est qu'après s'être lavé, il puisse à son tour accuser les intentions de ce comité, et je m'en charge.
J'appuie la demande d'impression.
Je demande qu'il soit voté des remerciements au comité des rt cherches pour tous les avis salutaires qu'il nous donne.
C'est par une erreur de fait bien étrange qu'on insiste avec tant de chaleur Fur l'impression du rapport. Les rep-oches faits au comité des recherches, sous prétexte de pro»-cédures inquisitoriales, sont absolument déplacées...
Je demande la parole.
En effet, il ne s'agit pas ici d'une procédure instruite par le comité; les renseignements qu'il vouâ a communiqués n'ont rien qui caractérise une procédure. Le comité vient vous dire : Nous apprenons qu'on fait telles ou telles menées, qu'on cherche à soulever les ateliers, qu'on a paye des gens pour exciter ces soulèvements...
C'est ce qu'il faut prouver.
Il faut bien informer de ces faits-là. Certes, il est extrêmement intéressant pour tous ceux qui ne veulent prendre part à aucune menée, qu'on enconnaisee promptement les auieurs. (Applaudissements à droite.) Et qu'on ne dise pas que le comité des recherches a fctfl trépassé en cela ses pouvoirs ; car il n'a fait que vous donner lecture des pièces qui lui ont été remises.
Je ne conclus pas, cependant, comme ces messieurs, qu'il faille imprimer le rapport; et en cela je me conforme à vos décrets. L'Assemblée n'aura le droit de l'imprimer qu'après l'information faite par les tribunaux; car ce n'est qu'alors seulement qu'il y aura des accusés et c'est alors qu'il faudra leur communiquer la procédure écrite. Jusque-là vous ne devez pas publier des soupçonsquinesontfondés suraucune instruction juridique.
Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour sur la motion de l'impression.
Je persiste à demander l'impression du rapportet j'observe qu'il est échappé uTeassertion bien étrange au préopinant. Il est bizarre qu'on n'ait pu trouver ai cune trace de procédure dans une affaire où il y a une arrestation de plusieurs mois. Ce sont des idées bien incohérentes que l'absence de toute procédure à côté d'une longue arrestation.
D'autre part, ce qui se ait amp;amp;amp; cette tribune ne peut être secret ; mais il ept important que rien ne soit dénatuié. Il faut que ceux qui accusent dans cette tribune présentent une responsabilité.
Je cherche vainement une raison d'humanité qui s'oppose à l'impression.
(L'Assemblée terme la discussion et déclare, après une épreuve douteuse, qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour sur la demande d'impression du rapport.)
Je demande la parole pour un amendement.
Je demande comment il est possible de faire un amendement sur l'impression d'un rapport. CeUx qui font cette demande entendent-ils proposer de n'imprimer que la moitié de ce rapport?
Pour satisfaire la bQnne volonté de ces messieurs, le comité des recherches demande lui-même l'impression. (Applaudissements à droite.)
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du rapport de M. de Sillery.)
, au nom des comités des recherches et des rapports réunis. Messieurs, par l'article 2 de votre décret du 4 avril dernier, vous avez autorisé les corps administratifs à dénoncer, et les tribunaux à poursuivre toutes les personnes ecclésiastiques ou laïques qui se trouveraient dans les cas indiqués par les articles 6, 7 et 8 de la loi du 26 décembre 1790 relativement à la prestation du serment. Ce décret, en redoublant d'une part par sa première disposition l'activité des corps administratifs, des muui' ipalités et des tribunaux, a multiplié, dans toute l'étendue de l'Empire, les poursuiteset les procédures intentées contre les ecclésiastiques dissidents que la malveillance ou un fanastisme absurde ont rendus perturbateurs du repos public ; mais il a en même temps entravé, par sa seconde disposition, la marche de ces procédures par la nécessité deles interrompre après le décret, etd'en envoyer des copies à l'Assemblée nationale pour être statué par elle sur les cas qui pourraient être de nature à être renvoyés au tribunal chargé de connaître des crimes de lèse-nation.
Ces cas seront rares sans doute, et cependant celte dernière disposition de l'article embrasse tout dans sa généralité. Il en pourrait résulter deux inconvénients très graves qui ne peuvent être dans l'esprit du décret que l'Assemblée nationale a prècéd mment rendu, puisqu'ils sont également opposés aux vues de sagesse et d'humanité qui la dirigent. Le premier serait de favoriser par une interruption, par une suspension plus ou moins longue, mais qui le serait nécessairement, les manœuvres de ceux qui, quoique prévenus de délits graves, n'auraient été l'objet d'aucun décret, ou contre lesquels il n'en aurait été décerné que de trop peu rigoureux, qui leur laisseraient ! usage d'une liberté dont ils abusent, le second serait de faire languir dans les prisons des accusés plus malheureux que coupables, et dont la procédure, si elle était immédiatement suivie, se terminerait peut-être, en peu, par un jugement d'absolution.
Vous sentez parfaitement la possibilité de ces deux inconvénients contraires, et qui méritent également de vous toucher; dans tous les cas d'ailleurs, ce n'est jamais sans inconvénient et sans danger qu'on interrompt et qu'on suspend l'activité de la ju>tice, lorsque surtout les poursuites se dirigent contre les personnes ; aussi a-t-il déjà été adressé sur tout cela diverses considérations à vos deux comités.
Cependant Votre décret du 4 avril s'exécute dans tout le royaume, et les copies de procédures qui sont envoyées parles tribunaux en exécution de ce décret, s'accumulent dans vos comités; chaque jour en accroît le nombre, il est évidemment impossible que vos comités vous rendent compte en particulier de chacune de ces procédures, et pourriez-vous vous-mêmes consacrer à les entendre uu temps que tant d'o-péritions importantes réclament chaque jour plus impérieusement? Il est donc indispensable ae chercher un autre moyen de prévenir les abus qui pourraient résulter dans l'Etat, de votre décret du 4 avril, et vos comités n'ont pu l'apercevoir que dans l'autorisation qu'ils vous déinand nt pour renvoyer immédiatement à la poui suite des tribunaux toutes les affaires qu'ils ne jugeront pas de nature à vous être rapportées.
Ils vous proposent, en conséquence, le décret suivant s
« L'Assemblée nationale, sur les représentations qui lui ont été faites par ses deux comités des rapports et des recherches, relativement à l'exécution de ll'article 2 de son décret du 4 avril dernier, concernant les personnes ecclésiastiques ou laïques qui seraient dans le cas d'être poursuivies par-devant les tribunaux, en vêtu des articles 6, 7 et 8 de la loi du 26 décembre dernier;
« Décrète que, d'après l'examen que sesdits comités des rapports et des recherches auront fait, soit conjointement ou séparément, des différentes procédures dont copies leur sont adressées conformément à la seconde d sposiiion dudit arti le 2 du décret du 4 avril dernier, ils s-ont autorisés à renvoyer immédiatement au ministre de la justice, tontes celles dont le jugement ne pourrait être attribué à la haute cour nationale établie à Orléans, et qui ne seraient conséquem-ment pas de nature à être rapportées à l'Assemblée, afin que, sur le renvoi, le ministre de la justice prenne toutes les mesures nécessaires pour qu'à la diligence des commissaires du roi près les tribunaux où ces procédures auraient été introduites, les errements en soient incessamment repris, et qu'elles y soient définitivement jugées. »
(de Saint-Jean-d1 Angêly). Messieurs, il ne me paraît pas pos-ible que, par un décret, l'Assemblée nationale donne à deux de ses comités, ni même à tel nombre qu'on voudra, une attribution telle que celle qu'on vous propose. Si ce décret était adopté, il serait possible que les comités s'érigeassent en juges des affaires les plus importantes et remplissent une fonction que l'Assemblée nationale ne doit pas déléguer; et en effet ce projet ne tend à rien moins qu'à mettre deux comités à la place de l'Assemblée nationale.
Je demande donc que vous décrétiez l'ajournement et que vous passiez à la discussion sur les domaines congéabks.
Rien ne me paraît plus sage à moi que le décret qu'on vous propose; car en quoi cousiste-t-il ? Il consiste seulement à autoriser les comités à f.iife une séparation entre les délits qui peuvent être qualifiés de délits de lèse-nation et les délits ordinaires. Ce projet tend à autoriser vos comités à faire cette séparation, et à ne pas vous présenter les affaires qui n'ont aucun caractère de délit de lèse-nation, qui doivent être livrées alors à la poursuite des commissaires du roi, sous l'inspection du ministre de la justice. O-, il n'y a dans cette proposition rien de contraire aux intérêts de la nation, parce que les délits seront poursuivis, et que la société sera par conséquent vengée. Le détail de toutes ces procédures absorberait d'ailleurs un temps infiniment pré v ux à l'Assemblée, et il n'y a, d'autre part, aucun inconvéni nt à laisser aux comités le soin de disposer de ces divers renvois qui n'influent en aucune manière sur le jugement du fond.
Il y a même dans cette mesure un grand avantage pour les particuliers qui, emprisonnés depuis longtemps, sous une inculpation qui peut-être ne sera pas justifié', que la multiplicité et l'importance de vos affaires vous permettent d'examiner la nature de l'accusation portée contre eux.
Or, comme l'intérêt de la nation n'est pas ici compromis, je demande la question préalable sur l'ajournement, et que le projet de décret soit mis aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte le projet de décret des comités.)
, au nom du comité des domaines, propose à l'Assemblée de faire un rapport sur l'échange de la forêt de Biix, en Normandie.
(L'Assemblée décrète que ce rapport sera mis à l'ordre du jour au commencement de la séance de mardi prochain, au soir.)
demande la parole pour soumettre à l'Assemblée quelques observations relativement à l'état de l'armée.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour et demandent qu'on passe à la discussion sur les domaines congéable?.
(L'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
V Assemblée passe à la suite de la discussion sur les domaines congéables.
lit une opinion sur celte matière et propose un projet de décret.
combat le projet de décret présenté par M. Lanjuinais.
La suite de la discussion est renvoyée à la séance de lundi soir.
lève la séance à 10 heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Observations sur l'état de l'armée, par M. Achard de Bonvouloir, député du département de la Manche, ci-devant Cotentin.
J'ai demandé plusieurs fois la parole sans pouvoir l'obtenir, pour réveiller la sollicitude de l'Assemblée sur l'état de l'armée; elle me fut cependant accordée par M. de Puzy, président, dans la séance du 28 mai au soir ; mais, au moment où j'étais à la tribune pour en profiter, un opinant réclama l'ordre du jourf-ur les domaines congéables, et quoique j'insistasse pour conserver la parole, en annonçant l'objet important et urgent de ma motion, elle me fût ôiée.
Ne pouvant prévoir quand j'obtiendrai la faculté de parler pour remplir un devoir que je regarde comme très pressant, je me détermine à faire imprimer ce que j'eusse dit, et à le distribuer aux membres de l'Assemblée.
Je crois devoir à mes collègues cet avertissement; à ma pairie, à mes commettants, au militaire dont je me glorifie d'avoir longtemps fait partie, à moi-même, cette exposition publique de mes sentiments.
Dans un moment où tout annonce que nous allons avoir besoin de l'armée pour défçndreles
limites de l'Empire, tout nous invite à prendre, dans une sérieuse considération, le maintien de la discipline et la position affreuse où se trouvent les officiers qui en sont le nerf.
Jamais peut-être la France n'a eu plus de besoin d'avoir de bonnes armées; et jamais ses armées, tant de terre que de mer, n'ont été dans un état plus critique.
Une armée sans discipline n'est qu'un ramassis d'hommes incapables de résistance. Occu-pons-uous donc de cette grande considération, afin que nos ennemis, voyant notre contenance, renoncent à des projets qu'ils n'ont pcut-êire fondés que sur la supposition de notre faiblesse, dans un moment où les liens de la discipline paraissent avoir été brisés exprès pour nous livrer à leur discrétion. Empressons-nous de les rétablir. Si nous tardons, nous n'aurons réellement plus d'armée; nous l'aurons détruite nous-mêmes. Et si quelque partie de ce beau royaume devient la proie de nos voisins, nous devons en être responsables.
Nous pouvons avoir à combattre demain des armées aguerries et disciplinées. Il serait insensé de se flatter qu'il suffit du nombre, du courage des individus et de quelques séductions pour les vaincre. C'est l'ensemble, et non la multitude, c'est l'ordre et la tactique qui gagnent les batailles. Ce sont les batailles qui décident du sort des Empires. C'est la discipline qui conserve les armées. C'est la conduile des officiers et l'obéissance des soldats qui les rend victorieuses.
Ceux qui vous diraient le contraire, ceux qui croiraient pouvoir impunément démonter tous les ressorts de la force publique et les rétablir à leur gré, ceux qui vanteraient des ressources justement suspectes, comme si elles étaient éprouvées; ceux qui hasarderaient de vous laisser ainsi à découvert devant un ennemi entreprenant et ne craindraient pas d'exposer d'aussi grauds intérêts: ceux-là seraient les véritables eunemis de la patrie, qu'ils compromettraient par malice ou par ignorance, mais.toujours de fait. Ce seraient des traîtres ou des insensés également d'accord avec vos ennemis pour vous livrer sans défense. Cette discipline, qui fait la force des armées, n'est point le fruit d'un moment. Elle a pour base les mœurs; elle se mûrit par l'habitude; elle dépend beaucoup de l'opinion. Ce n'est qu'à la longue qu'un officier acquiert la confiance de sa troupe ; ce n'est qu'à la longue que l'esprit de corps se forme et qu'un régiment devient bon.
Tous les jours, nous entendons le récit de nouveaux attentats. Tous les jours, on cite des sokiats révoltés, des officiers massacrés. N'est-il pas temps d'arrêter le cours de tant de crimes?
Tous ces excès dérivent de la même source et se perpétuent par la même cause. Des factieux les commandent, et notre indifférence les autorise. Les officiers du régiment de Beauvoisis, attaqués, blessés, mis en fuite par leurs soldats: M. de Macnemara, massacré par des grenadiers; le brave Mauduil, coupé en morceaux par son propre régiment, dont les remords ne peuvent réparer la perte; et cent autres traits pareils qui nous ont été dénoncés, demeurent sans vengeance. On dirait que, dans ces temps malheureux, le crime seul trouve des défenseurs; il trouve au moins des apologistes qui savent le pallier ; et personne n'élève la voix pour l'ordre et la justice!... Faut-il le dire enfin? Les jurés militaires ne trouvent pas un coupable, surtout lorsque le crime est capital.
L'Assemblée nationale fait des lois: mais à quoi serviroot-elles si nous les laissons sans force? Non seulement on nous reproche cette inexplicable indifférence, mais on va même jusqu'à nous accuser de renfermer dans notre sein les instigateurs qui suscitent lesjpeuples à les violer. G'est, sans doute, une calomnie, mais de grands crimes se commettent sous nos yeux, nous les voyons ét nous ne les empêchons pas.
Des clubs, sous le faux nom d'amis d'une Constitution qu'ils renverseront par leurs excès, sollicitent publiquement les soldats à l'insubordination, à la révolte contre leurs officiers, à les assassiner. « Chassez vos officiers, dit-on aux sous-officiers, et vous aurez leurs places... » Et c'est à des soldats, à des hommes dont on dit qu'on cherche à relever l'existence, qu'on veut rendre dignes du nom honorable de citoyen, qu'on ose proposer de devenir officiers, eu marchant sur le corps de ceux auxquels la loi leur ordonne d'obéir.
On sait que, dans une grande garnison, des soldats français ont été dire à des Suisses : « Si nous renvoyons nos officiers, renverrez-vous les vôtres? » Ces braves Suisses ont répondu avec indignation : « Nous.....nous serons fidèles aux lois qui nous ordonnent de leur obéir; » et ils ont été aussitôt renouveler à leurs officiers l'assurance de leur attachement et de leur fidélité.
Malheureux et trop braves soldats de Château-vieux, qui avez dû expier votre erreur par le supplice..;., que je vous plains! On avait osé vous dire qu'en vous révoltant vous seriez plus honorés : on vous avait peint vos officiers comme des traîtres ; vous vous êtes laissé surprendre par des imposteurs ; vous avez payé votre erreur de la vie......Mais, ceux qui vous ont conduits dans cet horrible précipice, à quels tourments ne devraient-ils pas être dévoués. Ils sont responsables de votre sang. C'est à vos compatriotes, s'ils peuvent les connaître un jour, malheureuses victimes de leurs calculs 1 Ces conspirateurs qui vous ont séduits, entraînés, ont-ils eu le courage, pendant le cours de la longue procédure qui vous a condamnés, de venir crier aux juges, à la nation : Arrêtez I Faites grâce 1 G'est nous qui sommes les vrais coupables ; c'est nous qui avons séduit, trompé leur simplicité. Nous leur avons déguisé le crime; nous le leur avons présenté sous les apparences de l'honneur, du patriotisme ; nous avons eu de la peine à nous faire entendre; ils ont résisté très longtemps: mais, une fois persuadés, ils ont persévéré dans leur erreur avec un courage qui prouve ce qu'ils auraient fait pou;; une meilleure cause.
L'emploi qu'ils ont fait de ce courage était coupable; ils ont mérité la mort; ils l'ont subie; et cette justice nécessaire a laissé dans tous les cœurs un sentiment profond de pitié et d'horreur.....peut-être d'estime!....
C'estun grand exemple pour leurs compatriotes 1 Exemple qui n'était pas nécessaire pour les rendre fidèles, mais qui servira à les rendre moins faciles à persuader. Il servira à prouver aux soldats qui veulent conserver leur honneur, qu'ils ne peuvent s'écarter un instant de l'observation de la loi, sans s'exposer à se voir entraîner dans de plus grands crimes, et à mourir honteusement de la mort des lâches.
Eh bien 1 ces crimes se commettent encore tous les jours sous nos yeux, sans mystère comme sans obstacle.
Nous ne pouvons ignorer que dans toutes les garnisons il y a des cabarets où l'on paye la dépense des soldats; que l'armée est partagée en sous-officiers et soldats, qu'on tient en fermentation pour les décider à se défaire de leurs officiers et que ces mêmes officiers voient préparer les moyens de se faire chasser par leurs sous-officiers et soldats.
Ceux qui ont suscité le crime de Nancy sont les mêmes hommes qui suscitent ceux d'aujourd'hui. Dominateurs dans ces clubs soi-disant amis de la Constitution, c'est de ces foyers que partent les ordres et le venin qui va s'insinuer dans l'esprit et corrompre le cœur de tous les soldats; et voilà pourquoi on avait tant de cœur à les y faire aller.
Les barbares I ils provoquent les soldats aux crimes qui sont utiles à leurs desseins secrets, pour les abandonner ensuite froidement au châtiment I Car, en dernière analyse... on leur conseille en secret dans les cabarets de violer les lois de la discipline : on les enivre avec du vin préparé, on les excite par des plaisirs, on les suborne avec de l'argent... Mais, en public, on est obligé de les condamner; et ces malheureux instruments qu'on emploie finissent par être victimes abandonnées, comme les Suisses de Châ-teauvieux, par leurs corrupteurs, qui deviennent ainsi leurs véritables bourreaux.
On va jusqu'à nous faire l'injure de dire que quelques-uns même de nous font usage de ces moyeus coupables, du moins on nous accuse de les autoriser. Repoussons cette odieuse calomnie en faisant enfin justice et en prenant des moyens efficaces pour arrêter le cours de ces attentats.
C'est par le ministre de la guerre que nous devions être avertis officiellement de l'état critique où se trouvent les troupes; rendons-le responsable des insurrections qui peuvent résulter de sa négligence.
On vous dit que les officiers manquent de patriotisme, qu'ils sont ennemis de la Constitution?... Mais qui tient ce langage? Ceux qui ont besoin de leurs places, qu'ils ont promises en payement des crimes qu'ils ont achetés... Quelle Ereuve avons-nous de l'incivisme des officiers? n croirons-nous les comptes infidèles que nous avons reçus dé l'affaire du régiment de Beauvoi-sis, comptes démentis hautement par le colonel, par les olttciers et par les procès-verbaux!
Peut-on croire que, si ces sous-officiecs succombent aux tentations qu'on leur offre pour remplacer leurs officiers, la patrie puisse compter davantage sur des hommes qui n'auront obtenu leurs places qu'à force de crimes. Gomment ces nouveaux officiers, qui ne seront parvenus qu'en violant toutes les lois de la discipline, établiront-ils leur autorité sur leurs soldats, hier leurs camarades et toujours leurs égaux? Croit-on que ceux-ci ne soient pas empressés de parvenir par la même voie? Et qu'aurons-nous à leur dire, quand ils voudront avoir leur tour dans ce pillage et défaire ce qu'ils auront fait? Quel fond pourrons-nous faire sur une armée corrompue, indisciplinée, dépourvue d'officiers accrédités et ayant 1 habitude au commandement? Pourra-t-elle résister à vos ennemis du dehors, dont les armées aguerries sont parfaitement disciplinées? N'au-rons-nous pas tout à craindre, pour notre propre liberté, d'une multitude d'hommes sans frein, sans lien, avertis, par l'essai que nous leur aurions laissé faire de leurs propres forces, qu'ils peuvent tout oser? Si un ambitieux sait s'emparer de leur confiance, et les associant à partager se3
conquêtes, rétablir par leurs forces, à son profit et à nos dépens, ce régime féodal que vous vous applaudissez tant d'avoir aboli, quels dangers ne peuvent-ils pas faire courir à ceux mêmes qui les auront dégagés du frein des lois, efr qui se flattent peut-être bien légèrement de les avoir toujours sous leurs étendards?... Mais non... Si quelques individus sont gangrenés, le soldat français, en général, est encore pur, l'honneur fait fa base dé son caractère; qu'on l'abandonne à lui-même, toute son énergie sera en tribut à la gloire et à la vertu. Il est confiant, franc, loyal ; il suffit dè le préserver de ces nommes dangereux qui l'égarent.
La gangrène dont on cherche à vicier l'armée française prend sa source dans les déclamations des clubs, soi-disant amis de la Constitution, dans les calomnies que l'on répand jusque dans cette enceinte; dans les adresses injurieuses aux officiers, dont l'Assemblée souffre la lecture saus improbation, ou au moins sans information légale; dans l'assurance que ces clubs donnent journellement aux sous-officiers de remplacer immédiatement tous les officiers, moyen odieux de rendre ces sous-officiers, jusqu'ici les premiers coopérateurs dés officiers dans le maintien de la discipline, leurs plus dangereux ennemis.
Ce qui vient de se passer au Mans est une preuve de l'autorité que ces clubs exercent dans les départements, en rivalité, en opposition même, aux 'corps administratifs* aux municipalités et aux tribunaux, qui sont obligés de céder, je ne dis pas simplement à leur influence, mais à leur volonté absolue, bien plus active et plus forte que le pouvoir exécutif.
Le régiment ci-devant de Chartres vivait en paix sous la protection des lois au Mans, généralement aimé et estimé de tous les citoyens, ce qui est attesté par les certificats authentiques des corps administratifs et de la municipalité. Un mai avait été élevé à la porte de l'évêque : il est abattu pendant la nuit. On en accuse les dragons. Il n'y aucune preuve contre eux; toutes les présomptions mêmes les déchargent de cette accusation ; mais les dragons n'ont pas voulu chasser leurs officiers; ils concourent ensemble au maintien de la tranquillité publique, à l'exécution des ordres de la municipalité... Le club veut qu'ils partent, malgré le désir de la municipalité et du département, sans avoir demandé l'érdre du pouvoir exécutif. Et le ministre même nous laisse ignorer qu'il a été obligé de déférer à la volonté du club. Ce qui s'e6t passé au Mans contre le régiment de Chartres arrive à peu près â Limoges. Le ministre a été obligé, sur la demande d'un club, d'en faire partir un régiment qui était toujours demeuré fidèle aux lois et à la discipline.
Souffrirons-nous que ces clubs, ces prétendus amis de la Constitution, empêchent ainsi l'exécution des décrets et méconnaissent les pouvoirs établis pour les faire respecter?
Déjà ces clubs instruits, ou présumant que, dans un mois, on enverra ies lettres de convocation pour la législature qui doit nous remplacer, déjà ces clubs désignent nos successeurs et menacent, si on en nomme d'autres, de soulever le peuple. Déjà on' connaît, dans les départements, les futurs législateurs : c'est ainsi qu'ils y ont envoyé les noms des hommes qui doivent remplir les places ecclésiastiques et celles dès tribunaux, de manière que c'eBt souvent un homme inconnu des électeurs qu'ils sont obligés de nommer, parce qu'il n'y aurait pas de sûrëté
d'en nommer un autre; est-ce là le vœu libre du peuple, et peut-on appeler libre une nation où de pareils actes de despotisme sont commis, «t où les lois sont Bans-force pour les repousser?
Cette puissance des clubs a été en quelque sorte consacrée bous nos yeux, puisque pour être admis et accueilli dâns une place, il. fallait -auparavant avoir été initié au club des Jacobins de Paris.
C'est là que des évêques, des curés ont été recevoir leurs pouvoirs et leur consécration; c'est là que des généraux vont recevoir le bâton de commandement.
Ce nouveau genre de despotisme, qui entreprend d'asservir également l'armée, peut détruire ainsi toute les forcés de la nation* et nous rendre la conquête facile de nos voisins.
Ou doit peut être tenir quelque compte aux offi-? diète français de leur dévouement, de leur courage, et de la vertu dont ils ont besoin pour résister à tant d'outrages, à tant de corruptions dont on les environne; au torrent épouvantable dont tous les efforts tendent à leur faire perdre la confiance qu'ils ont méritée, et n'a-t-on pas essayé aussi de les corrompre eux-mêmes? de les soulever contré leurs officiers supérieurs et généraux? Ne lés a-t-on pas entraînés un moment à faire des pétitions, former des comités afin de s'autoriser de leur imprudence, pour établir ceux qu'on dèvait faire tenir ensuite à leurs soldats contre eux-mêmes?
Si quelques individus, si même quelques régi-mènts en petit nombre ont cé reproche à se faire, s'ils se sont laissé égarer un moment, bientôt ils ont Bénti et expié par leurs remords cette erreur passagère.
Si nops laissons subsister l'état actuel des choses, nous contribuons, par notre silence (car je suis loin dé penser qu'aucun membre de i'As-sémbléè soit complice), nous contribuons à lous les crimes qui se Commettent tous les jours. Em-pressons-nous donc de rétablir l'ordre, en faisant exécuter les lois.'
Si je ne préférais pas le salut de ma patrie à ce sentiment si n&tiîrel, qui m'attache à plusieurs officiers, du nombre de ceux que la vertu seule retient dans un poste qui ne leur présente plus que dés dégoûts et de,s dangers (et Certes, c'est bien la presque totalité) : j'aurais été ie premier a dire : On veut conserver dans l'armée les officiers actuels, et alors on leur doit l'appui des lois auxquelles ils obéissent, et qu'ils défendent : ou on n'en veut plus, et alors il faut le dire franchement.
Qu'on épargne aux officiers les horreurs de la position où ils sont, et dans laquelle il est barbare de les laisser; et aux sous-officiers et soldats des crimes par lesquels il n'est pas nécessaire de les faire passer pour leur faire prendre la place des officiers. Si c'est là le but qu on se propose, donnez-leur leur retraite, et pourvoyez à la récompense de leurs services passés.
Mais loin de moi la tentation dè céder à un mouvement d'intérêt personnel dont ma patrie serait la victime, et dont la générosité de ces braves officiers s'indignerait; ils mettent heureusement pour nous, ils mettent encore de la gloire à servir une patrie qui lés abandonne, à tenir un poste périfleui. Profitons de ce sentiment pendant qu'il Subsiste, dans un moment où nous avons bèsoin detoutes nos forces : cueillez encore lefruit d'un arbre dont vous avez voulu couper les racines.
Rétablissons l'ordre et la discipline dans l'armée, ou bien, au premier choc des étrangers,
nous verrons tout s'écrouler avec rapidité; que nous servira notre Constitution, quand nos provînmes seroiil; la conquête des peuples voisins?
J'entends dire que l'anarchie est complète. Je pense, moi, qu'il n'est point impossible de rétablir roi-dre et la discipline si les clubs cessaient enfin d'abreuver les soldats de'leurs poisons, si au lieu de les égarer par un faux patriotisme, on ne leur vantait que le véritable, qui est le dévouement aux lois et l'amourde l'honneur; si enfin, ouvrant les yeux sur l'abîme dans lequel des factieux^ des intrigants, des philosophes, des ignorants, des traîtres peut-être peuvent précipiter notre malheureuse patrie, nous songions sérieusement à préparer des défenses de l espèce de celles qui décident du sort des armées, au lieu de nous amuser à des lieux communs de métaphysique ;si enfin on rappelait seulement le soldat français à des principes naturels, si on rendait sa confiance à ses officiers, n®08 trouverions encore des armées françaises. Nos grenadiers sont encore dé là même trempe que Ceux de Denain, de Fontenoy et de Bergnen. Mais ces grenadiers, si justes appréciateurs du mérite militaire qui ne consisteras seulement dans la bravoure, savent si leurs officiers ne leur sont pas nécessaires, et s'il est aisé de les remplacer.
On parle d'un complot, à peu près général, d'expulser les ôfjftciers par la violence et même d'en massacrer quelques-uns désignés. Ce complot n'est encore que dans la résolution des Conspirateurs ; il ne circule encore que dans les clubs où on sait qu'il a été agité.Oar je suis loin Ée croire les soldats de l'armée capables d'y avoir adhéré. Plusieurs régiments auxquels on a osé en faire des insinuations ont répondu d'une manière digne de cet honneur qui a toujours caractérisé le soldat français.
L'imagination a peine à se prêter à la croyance d'un pareil projet. Mais faut-il le dire? Déjà plusieurs événements trop constatés autorisent toutes les défiances, et accréditent des bruits qui eussent été tout à fait incroyables :dans tout autre temps.
Les officiers occupent leurs places sous l'autorité de la loi. S'ils ne méritent plus sa protection, elle doit prononcer légalement leur destitution. Tant qu'elle ne l'aura pas prononcée, elle doit les protéger avec énergie. Qui de nous peut dire que . ce n'est pas là notre devoir fégt ne serait-cé pas méconnaître cette souveraineté de l'Assemblée nationale, dont on nous parle tous les jours, que de douter qu'elle n'en ait la possibilité, comnpe elle en a le droit? Nous nous rendons donc coupables si nous n'en déployons pas toute la puissance, dans cette grande circonstance, avec la force nécessaire pour faire respecter les lois et y soumettre tous les militaires depuis le premier grade jusqu'au dernier.
Je pense donc que l'Assemblée nationale doit mander le ministre de la guerre, pour qu'il rendë compte de l'armée et des précautions qu'il a dû prendre pour arrêter les désordres qui la détruisent; et qu'elle doit le rendre personnellement responsable des insurrections qui arrivent dans les régiments, toutes les fois qu'il n'aurait point employé les moyens que lui donne la loi pour les prévenir. Car c'est un crime égal contre la sûreté de l'Etat, que de démanteler ses forteresses ou de dissoudre ses armées.
Ces observations étaient livrées à l'impression, lorsqu'on a rendu compte à l'Assemblée de ce que les officiers du régiment de Dauphiué ont été renvoyés par leurs soldats.
La conduite que l'Assemblée va tenir dans cette occasion fera connaître si elle a encore la puissance de faire observer les lois. Car, si nous souffrons cet acte séditieux, nous prouvons à l'Europe eritière que nous sommes sans forcé; et nous prononçons nous-mêmes rétatd'aoarchieoùest réduit l'Empire.
Nous dira-t-on encore que l'insurrection est le plus saint des devoirs, lorsqu'elle a lieu pour le renversement des lois que nûus-mêmès avons faites?
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté.
donne connaissance à l'Assemblée d'une adresse du sieur Domergue, ci-devant receveur des décimes à Narbonne, place qu'il a remplie pendant 46 ans.
(Cette adresâe est renvoyée au comité des pea-sions.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder un congé d'un mois à M. de Saint-Mars, d 'puté du département de Seine-et-Oise, et à M. de Trie, député du dëpartemènt de la Sçine-Inférieure.
(Ces congés sont accordés.)
, au nom du comité de vérification. Messieurs, il y a dans ce moment dans la ville de Colmar, chef-lieu du département du Bas-Rhin, une insurrection très vive; et cette insurrection est dirigée contre tous les pouvoirs. De mauvais citoyens ont égaré le peuple en lui persuadant que la religion est en danger; l^s corps administratifs n'ont déployé aucune force; la pluralité des officiers municipaux s'est mise à la tête des factieux ; le tribunal de justice a refusé de faire informer.
Dans cet état de choses, les bons citoyens ont écrit à la députation d'Alsace, au nom de laquelle j'ai l'honneur de vous parler en ce moment, pour empêcher que le mal ne fasse de plus grands progrès.
Il y a dans cette ville un régiment de chasseurs commandé par M. Louis deNoailles et qui y tient garnison on a tâché de séduire ce régiment et on a voulu l'engager à se réunir aux factieux.
Les bons citoyens et la députation d Alsace désireraieut comme une chose très nécessaire et tiès instante que M. de Noailles, membre de l'As-semblée nationale, connu par sort zèle et son patriotisme, allât se mettre au moins pendant quinze jours à la tête de sou régiment pour rétablir l?ordre.
C'ést pour obtenir cette demande de la députation d'Alsace que j'ai
l'honneur de vous prier d'ao corder un congé de quinze jours à M. de
Noailles,
(Ce congé est accordé.) ' v
Un membre propose unè nouvelle rédaction de Varticle 10 du titre II du décret sur la convocation de la première législature, dans les termes suivants :
« Les possesseurs de biens-fonds qui,, pour cause de dessèchement, défrichement et autres améliorations, doivent, pendant un temps déterminé, jouir d'une modération sur leur contribution foncière, seront censés, quant à l'activité et à l'éligibilité, être imposés au sixième du revenu net de ces propriétés. » (Adopté.)
, au nom du comité des contributions publiques, fait une nouvelle lecture des décrets rendus les 23 èt M de ce mois sur l'abolition des procès des anciennes fermes et régies, et propose quelques changements qui sont adoptés par l'Assemblée.
En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les procès pendants avec contestation en cause et ceux suivis de jugements sujets à l'appel, et non passés en force de chose jugée, pour fraude ou contravention relative aux droits çi-devant perçus par la régie générale, et les fermes et régies particulières des ci-devant pays d'Etats et Villes qui levaient des impôts à leur profit, sont annulés, sans que les parties puissent rien répéter le3 unes contre les autres.
« Seront seulement restituées les amendes consignées depuis le 1er mai 1790, [et les effets saisis depuis la même époque, ou le prix qu'ils auront été vendus, pourvu que les réclamations en soient aites avant le 1er janvier 1792, .
Art. 2.
« Les soumissions faites auxdites fermes et régies par les négociants, marchands et autres, de rapporter des décharges d'acquits-à-caution et passeports relatifs aux droits supprimés sont annulées.
Art. 3.
« Quant aux procès pendants avec contestation en cause entre les fermes et régies, et les redevables, pour tout autre objet que fraude, contravention ou rapports de décharges, ou certificats d'acquits-à-cauiion, les demandeurs fourniront tous les moyens et pièces, les déposeront au greffe avant le 1er juillet, et de même les défendeurs avaut le 1er août prochain. Les juges seront tenus, à peine de tous dommages et intérêts, de juger dans les trois mois suivants, et ne pourront avoir égard à ce qur n'aura pas été produit dans les délais prescrits.
Art. 4.
« A défaut par les deux parties de remplir les dispositions précédentes, les procès seront annulés de droit, et sans qu'il soit besoin de jugement. A défaut par les demandeurs d'exécuter ce qui les concerne, ils seront de droit déchus de leurs demandes ; et à défaut d'exécution de la part des défendeurs, les juges prononceront sur les pièces des demandeurs.
Art. 5.
Les promesses ou obligations de pensions ou
traitements, qui auraient été contractées pour cause de démission d'emplois des fermes et régies, sont annulées, sauf à ceux au profit desquels elles auraient été faites du consentement de leurs supérieurs, et à titre de retraite, à présenter leurs mémoires au comité des pensions, pour en être fait le rapport à l'Assemblée, d'après l'avis des directoires de district et de département.
Art. 6.
« Les baux à loyer faits par les anciennes fermes et régies, les directeurs et employés supprimés, pour les magasins, maisons et bureaux établis dans le royaume, demeureront résiliés à; compter du l*r janvier 1792. » (Ce décret est adoptée)
, au nom du comité d'agriculture et de commerce, présente un projet de décret relatif à l'entretien des jetées du port de Dieppe.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité d'agriculture et de commerce, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le roi sera prié d'ordonner qu'il soit pourvu aux réparations nécessaires et indispensables à l'entretien provisoire des jetées du port actuel de Dieppe, notamment de la tête de la jetée de l'ouest, et dé l'Epi du petit Veulet.
Art. 2.
« Sa Majesté sera également priée de donner des ordres pour que le projet des travaux qui s'exécutent actuellement à Dieppe, pour l'établissement d'une nouvelle passe, sùit examiné de nouveau par une commission composée de plusieurs officiers de la marine, et de plusieurs ingé-niéurs des ponts et chaussées; laquelle commission entendra, en présence des deux membres du département de la Seine-Inférieure, de deux membres du district de Dieppe, ou de leurs directoires, et de la municipalité de la même ville, non seulement les marins et les habitants de la ville de Dieppe, mais un certain nombre de capitaines de navires des port3 les plus voisins, qui seront appelés à cet effet, dont du tout sera dressé procès-ver bal, afin que, sur le rapport avantageux que la commission fera du projet déjà entrepris, les travaux de la nouvelle passe soient invariablement continués avec activité, ou qu'ils soient définitivement abandonnés, si, d'après le nouvel examen, il est jugé que ce projet ne doive pas être suivi.
Art. 3.
« Les travaux pour l'établissement de la nouvelle passe seront suspendus jusqu'au résultat du rapport ordonné par le présent décret; et cependant, jusqu'à la décision, il sera pourvu à l'eniretien de ceux déjà faits, pour en empêcher le dépérissement. » , (Ce décret est adopté.)
Messieurs, la ville de Saint-Tro-pez demande, conformément à votre décret, que vous vouliez bien lui accorder l'élection d'un tribunal de prud'hommes.
Il faut renvoyer au comité pour savoir si le département est de cet avis.
C'est un comité qui vous
propose (Murmures et interruptions.)... Il semble que quand on ne vient pas avec une pancarte grande comme çà (il montre son bras), on ne puisse rien dire comme rapporteur.
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
appuie la motion de renvoi au comité.
Monsieur Malouet, je vous prie de dire si vous parlez comme rapporteur ou comme pétitionnaire.
Je parlé comme pétitionnaire.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour!
(L'Assemblée décrète le renvoi de la demande de la ville de Saint-Tropez au comité de marine.)
, au nom du comité des domaines, fait un rapport sur l'échange de la forêt de Brix> et s'exprime ainsi :
Messieurs (1), un des échanges qui ont fixé les premiers le3 regards du comité des domaines, c'est celui de la forêt de Brix.
Cette forêt et quelques bois qui y étaient annexés étaient situés dans la presqu'île du Goteo-tin, reste des anciennes forêts qui couvraient ce beau pays, avant les progrès de la culture et de la population.
Mais ce reste n'était pas ce qu'avaient été les parties défrichées ; la surface en était hérissée de rochers et de montagnes ; des roules et des chemins la traversaient en tout sens. Soit ingratitude du sol, soit le voisinage de la mer, soit les dégradations,elle offrait de grands intervalles de landes et de bruyères, et, presque partout des bois abroulis et déshonorés.
On y comptait 14,105 arpents, à la mesure de 18 pieds par perche, en plusieurs parties séparées. Le produit, année commune, était de 15,000 livres, et les frais d'administration le réduisaient à 9 ou 10,000 livres.
Telle qu'elle était, cette forêt fut présentée à la dame de Langeac, comme un objet digne de 80n attention.
On proposa d'abord, pour elle, un arrentement en grains, et sa proposition quadruplait le produit de la forêt de Brix.
La superficie devait être vendue au profit de l'Etat, et on l'évaluait 4 à 500,000 livres.
Bientôt les défrichements et la population devaient accroître encore la richesse nationale, et donner de nouvelles bases aux impositions.
Les administrateurs d'alors furent séduits par un pareil projet, et, en effet, il s'offrait sous des couleurs très favorables.
Mais on fit bientôt sentir à Mm0 de Langeac qu'elle pouvait calculer mieux pour ses intérêts; qu'un échange lui donnerait d'autres sûretés et d'autres avantages.
On en vint donc à la proposition d'un échange.
La dame de Langeac n'avait pas dans ses mains des possessions qu'elle pût présenter en contre-échange.
Le comté de Saiht-Hilpise en Auvergne, dont on vantait les mouvances, et une forêt de450 arpents dans un pays inaccessible, était le seul objet qui fût à sa disposition.
On s'assura, pour elle, de la terre d'Effoy en Champagne, et de 974
arpents de bois qui en dé
Enfin on acquit, dans le parc de Versailles, le château et la seigneurie de Ternay, et la ferme du bois d'Arsy.
Tous ces objets épars formaient, ensemble, un revenu d'environ 22,000 livres brut.
C'est avec cela que M. de La Vrillière, ancien ministre, sollicite et obtient, en son nom, l'échange : 1° de la forêt de Brix et ses dépendances, contenant 14,105 arpents ; 2° de la fief-ferme de Soliers, de la fief-ferme de Vaubadon, de la fief-ferme de Fontenay-Lépinel, de la fief-ferme de la comtesse de Boulogne et d'Andrieu, delà lande d'Andrieu, du patronage de la cire d'Hotot, d'environ48 arpents de bois, et partout la justice et les droits de mouvance. Ces derniers objets, situés dans l'élection de Bayeux, et destinés uu sieur de Fontette, chancelier de Monsieur, frère du roi, et vendeur d'une partie des terres données en contre-échange, étaient, presque tous, des domaines engagés. Le roi fut soumis, par le contrat, à rembourser la finance d'engagement. Il fut soumis encore à tous les frais nécessaires nour l'évaluation et laconsommation de l'échange. Des terrains démembrés autrefois de la forêt de Brix avaient été accensés et devaient des rentes. Ces rentes furent comprises dans l'échange, et les terrains renfermés dans la directe de l'échangiste. La somme annuelle de ces rentes s'élève à environ 6,000 livres. Au moment où le contrat est signé, le sieur de La Vrillière fait sa déclaration en'faveur de la dame de Langeac.
Les évaluations sont pressées avec toute l'ardeur de l'intérêt et toute la force de l'autorité.
Cependant les agents de la dame de Langeac entreprennent quelques défrichements, sollicitent des censitaires, cherchent partout des acquéreurs; mais le bon sens des habitants de la contrée tes défendit de pareilles spéculations; ils ne voyaient dans les terrains de la dame de Langeac qu'une propriété incertaine et suspecte, et ses efforts n'aboutirent, en Normandie, qu'à d'inutiles dépenses.
Ses conseils se reployèrent sur Paris, et ce fut sur Monsieur, frère du roi, qu'ils jetèrent leurs vues. Monsieur était alors dans l'âge de l'inexpérience, entouré d'hommes qui étaient, la plupart, les créatures de la dame de Langeac o V du ministre qu'elle gouvernait. Le sieur de Fontette, le chancelier de Monsieur, était intéressé lui-même dans l'échange, et comme possesseur, en espérance, d'une partie des objets échangés.
Il ne fut pas difficile de persuader à un frère du roi, et à cet âge et dans ce temps, qu'une pareille possession était digne de lui; que son nom déterminerait la confiance; que des cultivateurs, des acquéreurs, s'offriraient de toutes parts, et lui créeraient là d'immenses revenus. Quant à la validité de l'échange, il ne venait pas dans l'idée d'élever le moindre doute.
Monsieur fut donc subrogé aux droits de la dame de Langeac, le 13 mai 1775 ; mais un acte secret lui faisait payer bien cher cette subrogation.
Un capital de 1,585,000 livres, et 10,000 livres de rentes viagères en faveur de la dame de Langeac, furent le prix de la subrogation, et il fallut encore abandonner au sieur de Fontette tous les objets de l'échange, Situés dans l'élection de Bayeux, pour acquitter ce qui lui était dû des terres qu'il avait vendues à la dame de Langeac, etdonneràun desagents decette dame53$arpents à raison de 2 sols de cens par arpent : 500 au-
très arpents furent inféodés au sieur Guyon de Fremont, grand maî're des eaux et forêts de la généi alité de Caen; mais sons la redevance de 5 livres par arpent, san3 retenue d'impositions royales, et rachetable seulement au denier 25; rente assez importante relativement à l'éiat de stérilité des terrains, et aux frais qu'il fallait faire, et qu'il a réel ement faits pour les mettre en valeur : il y a en outre fait des constructions considérables; et a depuis transmis sa propriété à un autre.
La Normandie ne fournit encore ni censitaires, Di acquéreurs. Une compagnie se présenta enfin en 1776, sou-^ le nom de Sainte-Agathe, entreprit degrandsdéfrichements, perdit environ600,000 livres, et obtint, de la bienfaisance de Monsieur, la résiliation d'un marché ruineux. : ,
A la fin de l'année 1778, des particuliers osèrent tenter de nouveaux hasards, mais divisé-ment.
Les 13,000 arpents ou environ qui restaient à Monsieur furent partagés en 14 lots, et chacun de ces lots fut subdivisé entre plusieurs acquéreurs.
On évalua la superficie qui existait sur chaque lot, et la totalité du prix s'éleva à 400,000 livres. Les 400,000 livres furent payées comptant.
Le sol de chacun des lots fut évalué, et la valeur, réduite à un taux moyen, donna pour prix la somme de 1,300,000 livres, qui fut constituée en rente foncière rachetable;. on y ajouta 2 sous de ceos par arpent. Du reste, à chaque lot fut attaché un certain nombre de fiefs, avec les droits de mouvance : tous furent affranchis de tout impôt et de toute dîme pendant 40 ans; et après 40 ans, la dîme ne devait être perçue qu'au 1/40. Les terrains démembrés autrefois de la forêt, et accensés, furent assignés aux tiefs qui devaient être érigés. Les renies devaient être perçues par les concessionnaires, et versées dans le trésor de Monsieur ; mais les profits féodaux devaient appartenir aux concessionnaires.
Les nouveaux propriétaires ont enclos, à grands frais, leurs terrains, il les ont aplanis, il les ont défr.cbés : tous ont bâti des fermes ou des moulins, lormé des chemins, construit des ponts.
Mais tous n'ont pas eu des succès, ou plutôt aucun n'en a encore eu. Plusieurs ont été forcés d'abandonner leur possession à d'autres, après avoir épuisé leurs ressources; plusieurs ont dépensé beaucoup, pour n'obtenir qu'un très mince revenu; et il est tel, à qui il en coûte 150,000 livres, pour avoir 2,000 livres de rente. Quelques-uns ont fait des accensements des parties de leurs terrains, les plus voisines des anciennes habitations; mais par petites quantités, d'un arpent, de deux arpents, ainsi que le comité s'en est convaincu par les actes; et la plupart de ces censitaires doivent plusieurs années de leurs redevances.
Tous les renseignements qu'a pris voire comité sur les lieux, le témoignage unanime des députés du département delà Manche, constatent tous ces faits, et justifient que les acquéreurs ont fait un marché onéreux, et qu'aucun d'eux n'a encore obtenu l'intérêt de ses avances à 5 0/0.
Tels ont été, Messreurs, les principes et les circonstances de cet échange, et tels sont les événements qui en ont été la suite*
Le comité des domaines n'a vu que la fraude dans ceux qui en ont été les artisans. S'il était aujourd'hui possible de les atteindre, il vous proposerait, sans balancer, non seulement de proscrire l'échange, mais d'en punir les auteurs.
Mais ce n'est plus le sieur de La Vrillière, ce n'est plus la dame de Langeac que votre décret pourrait frapper : le tombeau les a mis tous deux à l'abri de vos coups, et ils ne peuvent dé-ormais tomber que sur celui qui a été déjà la victime de la fraude et de l'intrigue. En anéantissant l'échange, vous ne pouvez que rendre à Monsieur les objets qui ont été donnés en contre-échange, et ces objets sont aujourd'hui dépouillés de tous les avantages de la féodalité : ils ne valent pas la moitié des sommes qu'il a réellement payées ; et il sera encore obligé de restituer, soit à la nation, soit aux acquéreurs, les 400,000 livres qu'il en a reçues.
G'est là, Messieurs, qué conduit directement la rigueur des principes, et votre comité ne peut pas vous proposer de les adoucir.
Quant aux acquéreurs, leur position est bien différente, et il a paru impossible à votre comité de porter atteinte à leur possession; impossible sous les rapports de la justice, impossible sous les rapports de l'inférêt national.
Sous les rapports de la justice, ils ont contracté sur la foi d'un échange que tout les autorisait à croire irrévocable; ils ont contracté avec toute la franchise delà bonne foi; ils ont payé ou consenti de payer tout ce que valait réellement l'objet qu'ils acquéraient à l'époque où ils ont acquis, peut-être tout ce qu'il vaut encore aujourd'hui, après toutes les dépenses qu'ils ont faites. Les rentes qu'ils ont consenties, ils les doivent encore ; et la nation retrouve et sa chose, et le prix de sa chose. Leur nombre est d'ailleurs très considérable, et forme une colonie agricole très intéressante : il se monte, à peu près, à 1,000 familles, et présente une population de près de 5,000 individus.
Impossible, sous les rapports de l'intérêt national, vous ne pouvez les déposséder qu'en leur remboursant le prix de leurs améliorations, le prix de leurs constructions ; et nous vous l'avons déjà dit, ce prix est tel pour la plupart d'entre eux, qu'ils n ont pas l'intérêt de leurs avances à 2 0/0.
Il n'y aurait donc qu'à perdre à les exproprier ; mais expropriés une fois, qui oserait se mettre à leur place et succéder à leurs dépenses ?
On regarderait avec effroi une propriété si incertaine, que ni la bonne foi d'un contrat, ni douze années de sacrifices et de dépenses n'auraient pu garantir; et, au lieu de 85,000 livres de rente, il ne resterait à la nation qu'un désert et des ruines.
Nous n'avons pu penser, Messieurs, que rien de pareil pût être proposé à une Assemblée sage qui veut régénérer la France, mais qui veut la régénérer surtout par la justice.
Mais, en reconnaissant la propriété des acquéreurs, il n'est pas possible de leur laisser des droits féodaux sur les terrains autrefois démembrés de la forêt et accensés ; ces droits doivent appartenir au domaine, qui n'en a point encore été dessaisi, puisqu'il n'y a point eu de fiefs érigés.
En nous résumant, Messieurs, vous voyez qu'on a fait céder par le roi une masse de bois de 14,105 arpents, qui a coûté à Monsieur 1,685,000 livres, y comprenant le fonds de la rente viagère de 10,000 livres, et dont il a retiré, soit en argent, soit en rentes, 1,700,000 livres. Le roi a reçu cinq petites terres séparées, situées en différentes provinces, produisant brut au plus 22,000 livres par an. Certes, s'il y eut un échange ruineux, ce fut celui dont il s'agit ; doit-on s'en
étonner? Les noms des auteurs vous avaient fait préjuger cette lésion, avant d'en avoir les détails.
Nous n'hésiterons donc pas, Messieurs, à vous proposer le décret suivant :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale révoque et
annule le contrat d'échange de la forêt de Brix et des autres biens
domaniaux, passé devant Duclos-Dufresnoy, notaire au Gbâtelet de Paris,
le 17 octobre 1770, entre les commissaires du roi et le sieur de La
Vrillière qui en a fait sa déclaration le même jour,: au profit de la
dame de Langeac, ensemble les arrêts et lettres patentes qui ont précédé
et suivi ledit contrat.
« Art.2 Révoque et annule pareillement les sous-aliénations de parties desdits domaines, faites aux sieurs de Fontette et Lecanut, tant par ladite dame de Langeac que par Monsieur, comme étant en ses droits; ordonne en conséquence qu'à l'avenir lesdites parties de biens seront.régies et administrées, pour le compte de la nation, par les préposés à l'administration des domaines.
« Art. 3 A l'égard des autres aliénations faites par Monsieur, à divers particuliers, à titre d'in-féodation ou par baux à cens et rentes, elles sont irrévocablement confirmées par le présent décret, à la charge par les concessionnaires de tenir directement leurs propriétés du domaine de la nation ;. de payer au Trésor public, entre les mains des préposés de l'administration, les cens, rentes et redevances dont ils ont été chargés, ainsi que les droits casuels qui écherront jusqu'au rachat qui pourra en être fait en la forme et au taux réglés par les précédents décrets.
« Art. 4. Les rentes .dues, ci-devant au domaine sur les terrains anciennement démembrés de là forêt dé Brix et accensés avant l'échange^- appartiendront à la nation et seront perçues par la régie du domaine, ainsi que les droits casuels qui pourraient échoir, nonobstant toutes clauses contraires portées aux contrats desdits acquéreurs.
« Art. 5. Autorise Monsieur à se mettre en possession et à disposer, ainsi qu'il jugera à propos, des biens donnés en contre-échange par le sieur de La Vrillière, par le susdit contrat.du 17; octobre 1770, à la^charge par Monsieur de rendre au Trésor public la somme de 400,000 li-^ vres qu'il a reçue des ioféodataires..»
Le décret qu'on propose à l'Assemblée est un jugement rendu contre Monsieur ; je demande s! Monsieur a été entendu.
, l'apportent. Oui, monsieur ; et je suis bien aise de trouver une occasion de rendre justice à la loyauté de Monsieur; toutes les pièces nous ont été données par les gens de l'administration des biens de Monsieur. Je dis avec plaisir qu'il a donné à tous les citoyens du royaume l'exemple de sa soumission aux lois, de sa loyauté, de sa franchise car tout ce que nous avons su vient de Monsieur. (Applaudissements.)
Monsieur a revendu une grande partie de ses terres ; il y a deux ou trois cents personnes qui en ont envie : je l'ai dit a M. le président du comité.
Je propose un amendement que le comité adopte; le voici : Dans l'article 3, à la place des mots : « A l'égard des autres aliénations faites par Monsieur à divers particuliers, etc... », je
propose .de mettre : « A l'égard des autres aliénations faites par Monsieur ou par M. de Fontette à divers particuliers, etc... », le reste comme au projet* ;
(L'amendement de M. de Wimpfen est adopté.)
En conséquence, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée décrète ce qui suit :
Art. ler.
« L'Assemblée nationale révoque et annule le contrat d'échangedé la forêt de Brix et des autres biens domaniaux, passé devant Duclos-Dufresnoy, notaire au Ghàtelet de Paris, le 17 octobre 1770, entre les commissaires du roi et le sieur de La Vrillière, qui en a fait sa déclaration le même jour* au profit de la dame de Langeac ; ensemble les arrêts et lettres patentes qui ont précédé ledit contrat.
Art. 2.
« Révoque et annule pareillement les sous-aliénations de parties desdits domaines, faites aux sieurs de Fontette et Lecanut, tant parladite dame de Langeac que par Monsieur, comme étant en ses droits ; ordonne en conséquence qu'à, l'avenir lesdites parties de biens seront régies et administrées, pour le compte de la nation, par les préposés à l'administration des domaines.
Art. 3.
« A l'égard des autres aliénations faites par Monsieur ou par M. de Fontette à divers particuliers, à titre d'inféodation ou par baux à cens et rentes, elles sont irrévocablement confirmées parle présent décret, à la charge par les conws-sionnaires de tenir directement leurs propriétés du domaine de la .nation, de payer au Trésor public* entre les mains des préposés de l'administration* les cens, rentes et redevances dont ils ont été chargés, ainsi que les droits casuels qui écherront jusqu'au rachat qui pourra en être fait en la forme et aux taux réglés par les précédents décrets.
Art. 4.
« Les rentes dues ci-devant au domaine sur les terrains anciennement démembrés de la forêt de Brix et accensés avant l'échange, appartiendront à la nation et seront perçues par la régie du domaine ainsi que les droits casuels qui pourraient échoir, nonobstant toutes clauses contraires portées aux contrats desdits acquéreurs.
Art. 5.
« Autorise Monsieur à se mettre en possession, et à disposer ainsi qu'il jugera à proposées biens donnés èn contre-échange par le sieur de La Vrillière, par le susdit contrat du 17 octobre 1770, à la charge par Monsieur de rendre au Trésor public la somme de 400,000 livres qu'il a reçue des inféodataires.»
(Ce décret est adopté!)
au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif au traitement des membres des congrégations-séculières qui ont accepté ou qui accepteront des places de fonction-naires ecclésiastiques.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, en se réservant de prononcer sur l'existence ou la suppression des congrégations séculières ecclésiastiques, décrète
que, dans le cas de leur suppression, la loi du 24 Juillet, qui conserve aux religieux et ecclésiastiques pensionnés, qui accepteraient ou auraient accepté des places de vicaires ou de curés, le tiers de leurs pensions indépendamment de leurs traitements; et celle du 9 janvier dernier, qui leur conserve la moitié de leur traitement dans le cas de leur acceptation desdites places dans le couraot de l'année 1791, sera applicable aux membres des congrégations séculières qui auraient accepté ou accepteraient des places de fonctionnaires ecclésiastiques. »
propose un amendement sur ce projet de décret.
présente quelques observations sur cet amendement.
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Goupil-Préfeln et adopte sans modification le projet de décret du comité.)
, au nom du comité militaire, soumet à l'Assemblée la suite du projet de décret sur le remboursement des charges et offices militaires (1).
Les dispositions présentées par le comité sont, après l'adoption de quelques amendements, mises aux voix dans les termes suivants :
De la gendarmerie.
« 1° Les officiers du corps de la gendarmerie, qui ont $ubi la réforme du 2 mars 1788, seront remboursés de la finance de leurs charges sur le pied fixé par l'article 13 de l'ordonnance du 24 février 1776, et aux conditions portées par l'article 9 de l'ordonnance dudit jour 2 mars 1788.
« 2° En conséquence, le ministre justifiera de l'emploi des sommes qui ont dû être versées au département de la guerre, et ledit remboursement fera exécuté successivement, à raison de 500,000 livres par an, conformément audit article 9.
« 3° Les gratifications accordées lors de la suppression du corps, et qui n'ont pas été payées, le seront incessamment; savoir: au sieur Desvil-lettes, 2,000 livres; au sieur Levasseur, 1,200; à chacun des sieurs Debray et Faucon fils, palefreniers, 200 livres. »
Des chevau-légers et gendarmes de la garde.
Les officiers des chevau-légers et gendarmes de la garde seront, en outre de leurs brevets de retenue, remboursés du surplus de leur finance, en exécution de l'ordonnance portant réforme de ces deux compagnies, en date du 30 septembre 1787.
Des charges des régiments d?états-majors.
« Les ci-devant pourvus des charges des régiments d'états-majors de la
cavalerie et des dragons, ayant dû perdre un quart de leur finance a
chaque mutation, seront remboursés de la partie de la finance de leur
charge qu'ils justifieront devoir encore exister aux termes de
l'ordonnance de 1776, sauf leur recours contre qui de droit.
« Les titulaires des charges de commissaires des guerres qui étaient encore en activité au 1*' janvier dernier seront remboursés du montant de leur brevet de retenue, et ils continueront à être payés de l'intérêt desdits brevets, comme ils l'étaient par le passé, jusqu'à quinzaine après la sanction du présent décret. Les intérêts reprendront cours du jour de la remise de leurs brevets et titres au comité des pensions, pour cesser quinzaine après la sanction du décret qui liquidera chacun desdits commissaires. Seront, en outre, lesdits commissaires des guerres remboursés des sommes qu'ils ont payées, en exécution de l'article 1er de 4a déclaration du 20 août 1767, et dont ils auront quittance des parties casuelles.
Des officiers du point d'honneur.
« Les rentes et pensions assurées aux officiers du poiat d'honneur leur seront continuées jusqu'à leur mort, conformément à l'édit du 13 janvier 1771; et l'état desdites rentes et pensions sera rendu public par la voie de l'impression.
De la connétablie.
« Les officiers et les gardes de la connétablie qui auront été soumis au centième denier, en 771, seront remboursés conformément aux décrets sur le remboursement des offices de judicature. Les gardes auront, en outre, droit à l'indemnité accordée par l'article 15 du décret du 24 décembre 1790.
De la maréchaussée.
« 1° Les pourvus d'offices de la-cidevant compagnie de la maréchaussée de Bourgogne seront remboursés sur le même pied que l'ont été les titulaires de la même compagnie, réformés par l'ordonnance du 18 avril 1778.
« 2° Seront aussi les mêmes officiers rembour sés aux termes de l'article 10 des décrets des 2 et 6 septembre 1790, des droits de mutation et de marc d'or qu'ils justifieront avoir payés.
Compagnie de la prévôté.
« Les pourvus d'offices de la compagnie de la prévôté de l'hôtel, dont la finance est déterminée par l'édit du mois de mars 1778, et qui justifieront, par les brevets dont ils sont actuellement porteurs, l'avoir payée, en seront remboursés sur e pied porté en l'article 2 dudit édit. A l'égard des porleurs de brevets de retenue qui excéderaient a finance énoncée en l'article 2 de l'édit, pu qui seraient relatifs à des offices dont la finance n'a pas été réglée par -l'édit, l'Assemblée ajourne la question sur le remboursement ou indemnité desdits brevets, pour lui en être fait rapport en même temps que de ce qui regarde les charges de la maison du roi, suivant le décret de 26 du présent mois, concernant la liste civile.
Des équitations royales.
« Les directeurs brevetés d'académies d'équi-tation sont déclarés susceptibles des récompenses et pensions accordées aux fonctionnaires publics pour raison de leurs services. »
(Ce décret est adopté.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre des administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin.
Cette lettre est ainsi conçue:
« Strasbourg, le 25 mai 1791.
« Messieurs.
« Le fanatisme, l'intérêt monacal, le désespoir des nobles émigrés, les fureurs du cardinal de Rohan, et toutes les passions que peut produire ledélire de l'aristocratie, nous environnent de tant de piège3, de tant de malheurs qu'avec un zèle infatigable il nous est impossible de faire triompher ta bonne cause et de soutenir la chose publique dans ce département, sans des mesures extraordinaires que notre position réclame impérieusement aujourd'hui et qui ne peuvent être différées.
« Ce que nous avons l'honneur de vous propo-poser consiste à nous accorder un renfort considérable de gardes nationales tirées de l'intérieur de la France, et dont le patriotisme puisse déjouer les intrigues des ennemis de la Constitution que nous avons le malheur de nourrir au milieu de nous. Nous sommes forcés d'en convenir à regret, mais nous devons, à la vérité, cet aveu qui nous coûte. Parmi les excellents patriotes qui vivent dans ce département, qui sont animés pour la Constitution du dévouement le plus sincère et qui brûlent d'en donner les preuves, il est encore malheureusement des esprits subjugués par les prêtres qui croient défendre la religion lorsqu'ils ne font qu'obéir aveuglément aux impulsions des ecclésiastiques réfractaires : ce ne sera qu'avec bien du temps et des difficultés que la raison triomphera de leurs vieux préjugés couverts par l'ignorance, et soigneusement entretenus par l'ancien clergé. Ils évitent toute communication avec les prêtres assermentés et constitutionnels ; les églises sont vides lorsque ceux-ci célèbrent l'office divin, tandis qu'elles présentent un concours prodigieux d'assistants à une simple messe basse dite par un moine réfractaire à la loi. Plusieurs curés, qui ont prêté le serment à leur arrivée dans leurs paroisses pour en prendre possession, ont risqué d'être massacrés par le peuple; et peu s'en est fallu qu'ils ne scellassent de leur sang les actes publics d'obéissance à vos décrets. Quelques-uns ont été obligés de quitter leurs cures, où les curés rebelles continuent leurs fonctions comme s'ils n'étaient pas remplacés.
« Les paroisses se sont organisées et les curés ne sont nombreux encore que dans le seul district de Strasbourg. Ceux deHaguenau, Benfeld et Wissembourg présentent des obstacles beaucoup plus difficiles à vaincre pour le remplacement des curés, soit par la rareté des sujets, soit par la mauvaise disposition des habitants de campagne. Pour prévenir les malheurs et pour assurer l'exécution de la loi, il a fallu détacher des troupes de ligne dans les communautés et les distribuer dans les parties de ce département où les habitants paraissent opposer le plus
de résistance à l'acceptation du nouveau régime. Les détachements divers, forment un total de 2,400 hommes. Si, par suite d'une attaque du dehors et d'une invasion d'ennemis, les troupes détachées étaient forcées de rejoindre leurs drapeaux, si elles étaient rappelées par le général, le désordre le plus désastreux se manifesterait à l'instant dans la campagne; on y verrait éclater le feu de l'insurrection, et tout bientôt retomberait dans le tumulte de l'anarchie. Les prêtres fidèles deviendraient les premières victimes de la vengeance de leurs anciens confrères, et les bons patriotes, accablés par le nombre, périraient en regrettant le peu d'attention qu'on aurait apporté à la conservation de leurs jours et à la garde de leurs propriétés.
« Les préparatifs qui se font du côté droit du Rhin et le rassemblement de troupes dans le voisinage de Worms et de Mannheim, le bruit de guerre qui retentit constamment sur nos rives, tout annonçe une attaque du dehors. Le projet peut échouer, mais il y aurait trop de sécurité à braver légèrement les apparences. Il est donc infiniment essentiel de conserver l'ensemble des troupes de ligne et de ne point affaiblir la partie dé l'armée vouée à notre défense par des détachements dans les villages, où le soldat, quelquefois entraîné à la licence, oublie aisément la discipline, s'écarte si aisément d'un genre de vie sévère, qui seul Convient à un militaire prêt à combattre et à repousser l'ennemi.
D'un autre côté, nous croyons avoir prouvé qu'il était indispensable et nécessaire que nos communautés eussent un nombre suffisant d'hommes armés destinés à protéger la nomination des nouveaux curés contre les entreprises perlides des malveillants et seconder les efforts de notre administration.
« Nous vous prions, en conséquence, Messieurs, de décréter qu'il sera incessamment envoyé 5,000 gardes nationales, tirés de l'intérieur de la France, dans le département du Ras-Rhin, pour être répartis dans les communautés qui le composent. Nous vous demandons 5,000 hommes, parce que c'est à peu près le nombre qui est nécessaire à nos besoins pour assurer la Constitution et la tenue exacte du service : nous vous prions de les faire tirer des parties intérieures de la France, parce que nous avons besoin, dans ce département, d'hommes, d'un caractère bien prononcé qui puissent servir de modèle à ceux de nos compatriotes, dont l'opinion vacillante ne repose point encore sur aes principes invariables, dont le patriotisme bien décidé, et à toute épreuve, ne se laisse pas séduire par de vaines promesses, épouvanter par de fausses alarmes, ralentir par des nouvelles forgées à plaisir ; mais qui, inébranlables au milieu du choc des contrariétés, des intérêts et des passions, marchent d'un pas ferme et rapide au but proposé par la Constitution.
« Nous regrettons bien sincèrement que la situation des finances de ce département ne nous permette pas de subvenir à la paye des gardes nationales; c'est un sacrifice de plus que nous aurions éu le bonheur de faire à la patrie commune : mais, nous regardant comme les barrières de l'Empire, il paraît évident que les dépenses occasionnées par la nécessité d'une juste défense soient supportées par le Trésor public.
« Il ne nous reste qu'à vous prier d'accélérer, autant qu'il sera possible, la décision que nous sollicitons à cet égard ; car chaque jour de péril devient plus proche, et malheureusement nos
ressources diminuent à mesure; que le danger; nous menace, L'ennémi du dehors. peut nous attaquer .en face; l'ennemi du dedans nous mine sourdement. Les prêtres rebelles, plus dangereux, sentant l'avantage qu'ils ont, redoublent leurs manœuvres. En accueillant la demande, que nous avons l'honneur de vous faire, youS donnerez une nouvelle pre,uve,de votre sollicitude paternelle pour un.dépafyjipent que sa positjoq rend tous Jeg joujs plus digne d'attirer votre attention et de ressentir les effets de vos bontés.
« Nous sommes avec respect, etç...
Sitjnèï Les administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin. »
(de Saint-Jeàn-d'Angêly). Il n'est pas nécessaire de s'étendre sur l'urgente nécessité de prendre une détermination relativement à la lettre dont vous venez d'entendre la lecture. Je ne doute pas qu'une des principales mesdres qu'il y ait à proposer ne paraisse à Vos comHés, à qui je fais la motion de la renvoyer, possible à adopter; et je ne doute point, moi personnellement, de son succès.
Je suis convaincu qu'une très grande portion de la garde de l'intérieur du royaume, et particulièrement de là garde nationale parisienne, s'empressera d'aller porter à nos frères du Bas-Rhin le même courage, le même zèle'là même énergie qu'elle a développée. (Applaudissements des tribunes.)
Je crois devoir rappeler que déjà un très grand nombre de citoyens, d'amis de la liberté et surtout d'amis delà paix quton veut troubler sur les confias de l'Empire, pour pouvoir la troubler ensuite au milieu ; qu'un très grand nombre de citoyens, dis-je, se sont déjà fait inscrire pour cette mission honorable et glorieuse, et je ne doute pas qu'aussitôt que vous leur aurez permis de partir, vous n'ayez plus d'autre embarras que celui de choisir parmi, ceux qui s'offriront; mais; pour qu'on puisse prendre une détermination aussi prompte que la nécessité semble l'exiger, je demande que la,lettre dont vous venez d'entendre la lecture soit, .renvoyée aux comités diplomatique et militaire réunis pour en faire le rapport demain sans faute à midi, (i gauche: Oui 1 oui !)
Un membre : M. le procureur général syndlic du département .des Vosges m'écrit que ce département manqûe d'armes et il en demande avec les plus vives instances. Il vient de recevoir une quantité de 1,600 fusils pour 562, municipalités dont la plupart sont composées de 10 à 12 . villages, formant une . population de. 10 à 12,000 hommes. Ce département n'a point de poudre, et cependant le même procureur général me marque que, dans les arsenaux et dans les magasins, il y en a de grandes quantités.. ..
Vous voyez, Messieurs, combien il est intéressant que ce département soit armé. J'ai l'honneur de vous représenter: qu'il touche à l'Alsace, de toutes les pro.vinces.de la France la plus exposée. J'ajouterai même, Messieurs, qu'il y a de ce côté de nos frontières un passage où, dans la supposition d!une irruption, l'on pourrait s'introduire jusqu'au milieu du département. Je demande, avec le renvoi de la lettre de Strasbourg au comité, que l'Assemblée veuille bien ordonner queJé comité prendra en considération la situation de ce département, afin de mettre le peuple à l'abri d'un coup de main.
On vient d'envoyer au comité diplomatique une lettre de Pontarlier, dans laquelle on témoigne également que malgré le sang-froid que l'Assemblée nationale a gardé sur tous ces bruits, ainsi que le commandait sa dignité, bruits dont la plupart sont mal fondés, il est cependant de sa justice et do son amour pour lés peuples, de terminer les alarmes qui régnent sur toutes nos frontières.
J'ai reçu des administrateurs du district de Pontarlier des détails sur l'état de l'émigration. Cette ville est une de celles qui s'en rendent plus facilement compte parce qu'elle est au passage. L'on m'écrit dans cette lettre qu'il passe tous les jours quinze ou vingt berlines pleines de monde, escortées de beaucoup de domestiques, de beaucoup de gens à pied et à cheval, lesquels emportent de l'argent.
Aussi la municipalité, la garde nationale et le directoire du district se sont réunis pour faire de concert cette lettre, afin quelle ait plus de poids auprès de l'Assemblée nationale. Il y a d'autres objets qu'il est inutile d'énumérer maintenant; mais je demande que cette lettre soit jointe au rapport que le comité diplomatique doit faire, puisque cela regarde la même frontière.
Dans les départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d'être, infectés de moines... (Rires et applaudissements.) Je disais donc, Monsieur le Président, que dans les deux départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d'être infectés de moines ; le terme n'est pas trop fort, Messieurs...
Un membre à droite : Le terme est insolent.
Ce sont vos camarades... Je disais donc que ces hommes après avoir été traités par la nation comme vous savez (Rires à droite.) avec munificence, avec générosité, puisqu'on a donné à ceux qui demandaient l'aumône 8 ou 9 livres de rente; et dans, nos provinces c'est une grande somme. Ceux qui ne pensent pas comme cela sont accoutumés aux déprédations. Je dis donc, Messieurs,; que xes hommes vous payent de l'ingratitude la plus monstrueuse; que ces hommes sont perpétuellement à colporter de maigODS en maisons, de. châteaux , en châteaux, d'un côté du Rhin à l'autre, toutes sortes de pamphlets, d'écrits incendiaires, tous plus abominables les uns que les autres, et qui ressemblent à leurs auteurs.
Eh bien ! Messieurs, les départements ont voulu s'en débarrasser ; ona voulu, par exemple, envoyer des capucins à Belfort, où il y a des hommes vraiment constitutionnels (Rires); et où nous saurions bieu les contenir, car il y a une justice prompte. On a voulu les déplacer : ces mauvais citoyens, ces hommes, reste.de ces déprédateurs de ma province qui existent encore à Golmar, ces hommes qui rendaient toujours des arrêts en faveur du riche contre le pauvre, et qui vivaient de la substance du malheureux; ces hommes ont fait entrer le peuplé en insurrection, et ont empêché le département d?en venir à bout, du moins jusqu'à présent.
; Je demande donc que le département soit autorisé non seulement à envoyer chez nous, où nous les contiendrons, mais dans l'intérieur du royaume, ces moines incendiaires; et là, quand une fois ils y seront, ils n'infecteront plus la province. (Murmures prolongés.)
Je demande premièrement que ma demande
soit aussi renvoyée au comité de Constitution, pour que, sur son rapport, l'Assemblée statue. Je demande en outre que la loi par laquelle vous avez ordonné que les protestants de la Franche-Comté seront réintégrés dans leurs dro ts, soit exécutée, et qne l'Assemblée demande à M. le garde des sceaux, pourquoi elle n'est point en vigueur, pourquoi ces hommes se plaignent inutilement, pourquoi les églises qu'on leur a ôtées ne leur sont pas rendues. Il faut qu'on les leur restitue, et que quelques monstres, soi-disant ecclésiastiques, ne viennent point avilir notre sainte et sacrée religion. Par l'intolérance qu'ils montrent, ils la font haïr dans'cette province. Qu'ils soient doux comme Jésus-Christ et nous vivrons en paix.
Il y a environ quinze jours que l'on a dit à cette tribune. « Encore deux mois, et la Constitution est faite ; » et alors tous les suppôts du despolisme ont frémi d'un bout du royaume à l'autre. (A droite : Ah l Ah !) Oui, .j'ose le répéter, encore deux mois, et la Constitution est faite ; mais, pendant ces 2 mois, il faut que tous les bons citoyeus se rallient, se serrent, parce que le fanatisme, le despotisme, la tyrannie dans lesquels la France a gémi si longtemps, vont réunir leurs efforts pour tâcher de la rendre esclave, ou delà plonger dans lës horreurs de l'anarchie.
Voilà quels sont aujourd'hui les projets de nos ennemis. Ils sont allés dans les cours étrangères faire retentir le bruit des fers qu'ils veulent continuer de porter; ils ont cherché à attirer la fureur des despotes sur la France; mais leurs efforts seront aussi vains qu'impuissants : quatre millions de Français les attendent. Ils seront invincibles puisqu'ils combattent pour la liberté. (Applaudissements. )
Le déparlement du Bas-Rhin vous demande de lui envoyer 5,OOOgardes nationales, s'ilen demandait 50,000, il les aurait sous huit jours. (.Applaudissements,.) Oui l oui 1 ils seront prêts sous huit jours ; et si la patrie n'avait pas besoin de nos conseils, nous irions la défendre nous-mêmes, les armes à la main. Mais ce n'est pas assez; on vous parled'une armée étrangère que jeregarde comme aussi peu effrayante qu'elle est ridicule en elle-même. Il y a bien des officiers; mais on y compte peu de soldats ; mais cette armée n'osera jamais se présenter sur nos frontières, tant que l'union, la paix régneront dans toutes nos contrées.
Alors qu'ont fait ceux qui étaient à la tête de ces officiers ? Ils ont cru qu'ils devaient s'associer des fanatiques pour séduire le peuple; car ce n'est qu'en égarant ce bon peuple, qu'on parvient à le porter à l'insurrection contre une Constitution faite pour son bonheur; ils se sont donc ralliés, et ce sont des Français qui osent aujourd'hui venir porter les armes contre leur patrie.
Que devons-nous faire dans les circonstances actuelles? Il faut que nous fassions enfin, puisqu'ils nous y forcent, il faut que nous fassions suspendre sur leur tête le glaive de la justice; il faut que nous sachions quel doit être le sort de ces rebelles qui ont l'infamie de porter les armes contre leur patrie, et je demande que le comité de Constitution, réuai avec le comité de jurisprudence criminelle, nous présente dans deux jours une loi qui décide le sort des rebelles. (Applaudissements.)
Les craintes qu'on cherche à répandre sous prétexte d'épouvan-
tails extérieurs, sont fomentées par des personnes qui sont dans l'intérieur du royaume, et fort près de nous, s'il n'y en a pas parmi nous. En conséquence, je demande que le comité des recherches qui, qu'on me permette de le dire, fait beaucoup mieux son. devoir que le comité diplomatique, lui soit adjoint, ainsi que le comité militaire. En voici la raison.
11 se fait, Messieurs, des émigrations nouvelles tous les jourp; n'en craignez cependant pas les suites. Il est des ci-devaut nobles dans ma ci-devant province, devenus fous de rage, qui ont pris le parti de sortir tous (Rires.) ; il n'y a pas d'inconvénient à cela; mais l'inconvénient consiste dans la mauvaise intention des personnes qui espèrent le plus grand succès de ce parti insensé.
J'ai déposé hier au comité des recherches une lettre explicative de ces zélés contre-révolutionnaires. Ne redoutez pas encore les événements, car cette lettre annonce que ce ne sera que dans deux mois d'ici la contre-révolution. (Murmures.) Ce monsieur, l'auteur de la lettre, est un de ces personnages qu'on appelait ci-devant gentilshommes...
Un membre à droite : Ils le sont encore.
Il est à Paris; il sert près du roi, et il s'appelle Aubier ; il a écrit, dans une lettre que j'ai vue, que, pourvu que l'on veuille bien attendre encore deux mois, il répond de la cure de Paris.
C'est vrai.
Voilà, Messieurs, les alarmes que des imbéciles cherchent à répandre; mais, quelque dépourvues de fondement qu'elles soient, il est de notre devoir de tranquilliser nos concitoyens, nos frères, sur les inquiétudes par lesquelles on cherche à les travailler.
Je demande en conséquence la réunion du comité des recherches, et que les trois comités nous proposent demain un décret qui vous donne des mesures pour empêcher que désormais les mauvais prêtres, les gens sans religion, et qui prétendent en avoir, puissent continuer d'agiter le peuple; et pour qu'ils soient punis, ainsi que vous l'avez décrété, comme perturbateurs du repos public.
Je mets aux voix la demande de MM. Regnauld et Biauzat tendant au renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis.
Et ma proposition?
Messieurs, je vous observe que le Code pénal est à l'ordre du jour de de-1 main.
C'est bien alors.
(L'Assemblée consultée décrète le renvoi de la lettre des administrateurs du département du Bas-Rhin aux trois comités des recherches, militaire et diplomatique réunis.)
(de Nemours). Voici, Messieurs, l'instruction pour les colonies, telle que les.commissaires que vous avez désignés croient devoir vous la présenter après un mûr examen :
« Extrait des procès-verbaux de l'Assemblée nationale relativement à l'état des personnes dans les colonies.
Décret du 13 mai 1791.
« L'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des personnes non libres ne pourra être faite par le Corps législatif pour les colonies, que sur la demande formelle et spontanée des assemblées coloniales. »
Décret du 15 mai 1791.
« L'Assemblée nationale décrète que le Corps législatif ne délibérera jamais sur l'etàt politique des gens de couleur qui ne seraient pas nés de père et de mère libres* sans le vœu préalable, libre et spontané dés colonies ; que les assemblées coloniales, actuellement existantes, subsisteront ; mais que les gens de couleur, nés de père et de mère libres, seront admis dans toutes les assemblées paroissiales et coloniales futures, s'ils ont d'ailleurs les qualités requises.»
Extrait du procès-verbal du 17 mai 1791.
« Sur ce qui a été observé qu'il serait extrêmement utile de faire accompagner d'une instruction pour les coloniesTes décrets des 13 etl5 mai, l'Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de préparer et de rédiger cette instruction.»
Extrait du procès-verbal du 21 mai 1791.
« Un membre dès comités chargés de rédiger Une instruction aux colonies en a présenté une qu'il a déclaré être son ouvrage individuel. ^Assemblée en a ordonné l'impression et a ajourné la délibération y relative à demain. L'Assemblée a, de plus, chargé son Président de se retirer par devers le roi, à l'effet de le prier de donner les ordres nécessaires pour l'expédition la plus prompte d'un aviso, qui porterait aux colonies les derniers décrets rendus sur l'état des personnes et l'instruction qui y sera annexée. »
Extrait du procès-verbal du 21 mai 1791.
« Après avoir observé combien le retard de l'envoi de l'adresse que l'Assemb'ée a décrétée pour les colonies, à l'effet d'expliquer le sens véritable du décret, relatif aux droits de citoyen actif accordés aux gens de couleur libres, propriétaires et contribuables, nés de père et de mère libres, pourrait'nuire à la tranquillité et à la sûreté des colonies, un membre a proposé d'adopter, sauf rédaction, celle qui avait été précédemment lue dans une des séances de l'Assemblée.
« La proposition de nommer 4 commissaires pour revoir et corriger l'adresse dont il s'agit, ayant été mise aux voix, elle a été décrétée par l'Assemblée ; et M. le Président a nommé MM. de La Rochefoucauld, Ëmmery, Prugnon et Goupil-Préfeln, pour s'occuper de ce travail ; ils se sont sur-le-champ retirés avec l'auteur pour y procéder. »
Extrait du procès-verbal du 29 mai 1791.
« Un membre a donné lecture, ainsi qu'il suit, du projet d'instruction ordonné pour les colonies, par les décrets du 17, du 21 et du 27 mai :
« Exposé des motifs des décrets des 13 et 15 mai sur Vétat des personnes dans les colonies.
« L'Assemblée nationale, occupée de tous le3 moyens d'assurer la prospérité des colonies, de faire participer les citoyens qui les habitent aux avantages de la Constitution, de consolider la fortune des planteurs, de leur donner les marques d'affection qui dépendent d'elle, d'unir d'intérêt avec eux tous les hommes dont les forces et l'attachement peuvent concourir au maintien de l'ordre, et continant le travail qu'elle avait commencé sur des objets si dignes de sa sollicitude, a reconnu que les circonstances locales et l'espèce de culture qui fait prospérer les colonies obligent d'admettre dans fa constitution coloniale quelques exceptions aux principes généraux.
« Il lui a paru que le Corps législatif ne peut être mieux éclairé sur ces exceptions que par le vœu des colonies elles-mêmes. Elle a en conséquence jugé convenable d'opposer une entière loyauté aux inquiétudes qu'on cherche à répandre dans les colonies et d'expliquer nette^ ment ses intentions sur la faveur de l'initiative qu'elle a cru devoir accorder aux diverses as-semblées coloniales par son décret du 28 mars, relativement aux lois à faire sur l'état des personnes.
« Le point fondamental et le seul véritablement important, celui sur lequel les gens malintentionnés voulaient alarmer les colonies, était la conservation des moyens que les propriétaires ont de les mettre en valeur. L'Assemblée nationale a déclaré que le Corps législatif ne délibérerait sur l'état des personnes non libres que d'aorès les propositions spontanées que pourraient lui faire les assemblées coloniales.
« L'Assemblée nationale a pu prendre cet engagement, parce qu'il ne s'agissait que d'individus d'une nation étrangère, qui, par leur profonde ignorance, les malheurs de leur expatriation, la considération de leur propre intérêt, l'impérieuse loi de la nécessité, ne peuvent espérer que du temps, du progrès de l'esprit public et des lumières, un changement de condition, qui, dans l'état actuel des choses, serait contraire au bien général, et pourrait leur devenir également funeste.
« La confirmation des lois relatives aux personnes non libres était ce qu'avaient souhaité les citoyens des colonies : c'est à cet égard seulement que l'initiative leur avait été donnée sur l'état des personnes, et qu'elle était intéressante pour eux ; car, où la propriété est assurée, où la culture et le commerce peuvent prospérer, là se trouvent toutes les sources de richesses et tous les moyens de bonheur. L'Assemblée nationale a cru devoir les garantir aux colonies par les expressions les plus claires, et sans aucune équivoque.
« Une autre question s'est élevée sur la manière dont l'initiative coloniale serait exercée, et sur les personnes qui auraient le droit d'y concourir par elles-mêmes ou par les représentants qu'elles envoient aux assemblées coloniales. La
raison, le bon sens, le texte positif deslois disaient que le3 colonies sont composées de tous les citoyens libres qui les habitent, et que tous ces citoyens devaient donc prendre part à l'élection des assemblées destinéesà exercer pour eux leur droit d'initiative. Sous l'ancien régime même, et sous le plus despotique des régimes, l'édit de 1685 avait donné aux affranchis tous les droits dont jouissaient alors les autres citoyens. Ii aurait fallu une loi nouvelle pour les exclure des nouveaux droits dans lesquels tous les citoyens sont rentrés par la Révolution. Et s'il y avait eu quelque incertitude, elle aurait été levée parle décret du 28 mars, qui, reçu dans les colonies avec reconnaissance, et y réglant les droi ts de citoyen actif, d'après les mêmes principes constitutionnels par lesquels ils le sont en France,dit formellement et sans exception (art. 4), que « toute personne libre, pro-« priétaire, ou domiciliée depuis deux ans, et « contribuable, jouira du droit de suffrage qui « constitue la qualité de citoyen actif. »
« 11 ne dépendait pas de l'Assemblée nationale de se refuser à rendre ce décret du 28 mars ; il ne dépendait pas d'elle d'en' restreindre le sens, en portant atteinte aux droits essentiels des citoyens ; elle ne pouvait accorder à une partie de l'Empire la faculté d'exclure des droits de citoyen actif des hommes à qui les lois constitutionnelles assurent ce3 droitsdans l'Empireeniier. Les droits des oitoyens sont antérieurs à là société; ils lui servent de base: l'Assemblée nationale n'a pu que les reconnaître et les déclarer, elle est dans l'heureusè impuissance de les enfreindre. Elle n'a pu en .détourner les yeux lorsqu'elle a été obligée de prononcer sur les propositions que les députés des colonies ont faites à sa tribune.
« Ils y ont exposé que leurs commettants jugeaient utile et même nécessaire, qu'ils désiraient vivement que l'on conservât une classe intermédiaire entre les personnes non libres et les citoyens actifs; classe qui, jouissant des droits civils, ne vît encore les droits politiques que comme une expectative honorable et avan-, tageuse assurée à ses descendants. Ils ont cru que l'initiative des colonies devait avoir lieu pour la détermination de cette classe intermédiaire : ils ont réclamé cette initiative comme une conséquence du décret du 28 mars, qui, au contraire, l'excluait sur ce point: ils ont proposé d'attendre que les colonies se fussent expliquées relativement à ce qu'elles croiraient convenable de faire pour leurs citoyens libres qui ne seraient pas entièrement de race européenne.
a Sans doute, et ils ne l'ont pas dissimulé, ils ne sollicitaient pour les colons blancs le privilège de l'initiative sur ce qui concerne les hommes libres d'une autre couleur, que pour ménager aux assemblées coloniales l'avantage de reconnaître et d'assurer elles-mêmes les droits de celte classe de citoyens : mais ce voeu, qu'il est toujours honorable d'avoir désiré d'émettre, l'Assemblée nationale n'a pas dû l'attendre lorsqu'il s'agisssait d'un droit naturel, social et positif déjà déclaré par elle. Pour faciliter aux colons des moyens de s'honorer par des actes de bienfaisance, elle n'a pas dû cesser un instant d'être juste, conséquente à ses propres décrets, fidèle à ce respect pour les droits des citoyens, sur lequel elle a si solidement fondé la Constitution de l'Empire français.
« Ce qu'elle a pu, ce qu'elle a fait, est d'apporter dans sa résolution toute la condescendance pour les opinions reçues dans les colonies, qui ne lui
était pas formellement interdite par les lois constitutionnelles. Elle pouvait repousser la proposé tion d'une classe intermédiaire. Elle pouvait se renfermer dans le sens littéral du décret déjà rendu sur les personnes libres. Elle a préféré de traiter les colons qui représentent les fondateurs des colonies, comme une mère tendre, qui non seulement veut le bien de ses enfants, mais se plaît à le faire de la manière qui se rapproche le plus des idées dont ils ont contracté l'habitude. Elle a consenti à former la classe intermédiaire que sollicitaient les colons blancs. Elle y a compris les affranchis, et même les personnes libres, nées d'un père ou d'une mère qui ne le serait pas. Elle a étendu sur eux l'initiative concédée par la métropole aux colonies; elle a ainsi augmenté dans les assemblées coloniales le droit éminent qu'elle leur avait déjà conféré rèlafivement aux personnes non libres; ce droit précieux, d'être l'origine d'un plus grand bien, qui est un des plus beaux et des plus nobles attributs du corps constituant,
« Les colonies doivent savdir néanmoins que l'Assemblée nationale ne se serait pas permis cette condescendance pour des préjugés, si elle n'y avait pas envisagé un principe de justice; car ce n'est que par la justice que l'on peut influer sur ses résolutions. Mais les colons blancs sont tous nés de père et de mère libres : demander la même condition aux hommes d'une autre couleur pour jouir comme eux des droits de citoyen actif, ce n'est que maintenir une égalité constitutionnelle et légitime.
« Les citoyens de la classe intermédiaire ne sont donc point lésés ;"et quant aux colons, un moment de réflexion paisible suffira pour leur faire comprendre à quel point il était important que l'Assemblée nationale leur attachât, par un intérêt commun, tous les citoyens libres, nés de-père et de mère libres. En reconnaissant chez ceux-ci, comme elle l'avait déjà fait, les droits que leur donnent la nature et la société, elle a créé dans les colonies la puissance la plus propre à y résister, et aux troubles intérieurs, et aux attaques de.l'ennemi.
« L'Assemblée nationale a pris encore une autre précaution bien propre à prévenir toute agitation dans les colonies : c'est d'établir un délai entre la promulgation de la loi qu'elle devait à la patrie et à l'humanité, et la première occasion d'appliquer cette loi. Le Corps législatif a confirmé les assemblées coloniales actuellement existantes, et leur a continué l'exercice du droit d'initiative acco'dé aux colonies, quoique ces assemblées n'aient pas été élues par la totalité des citoyens libres, nés de père et mère libres ; de sorte qu'ils n'auront tous à concourir qu'aux assemblées primaires qui se tiendront pour les élections qui se feront à l'avenir, dont les règles locales, pour les colonies, ne sont pas encore décrétées, et auxquelles même s'étend leur droit d'initiative.
« Pendant cet intervalle, les préjugés auront le temps de s'affaiblir : les sentiments de justice et d'humauité, l'évidence de l'intérêt commun de tous les hommes libres dans un pays où la sûreté générale demande entre eux Ta plus grande union ; tous les motifs les plus puissants sur la raison, sur la sensibilité et sur le civisme produiront leur effet ; et où la patrie ne voit que des enfants chéris, ces enfanls se plairont à contribuer à son bonheur, en se regardant comme frères.
« L'Assemblée nationale s'applaudissait d'un
ouvrage dans lequel la politique, la modération, la raison et l'équité lui paraissaient si heureusement conciliées, lorsqu'elle a vu avec douleur quelques députés des colonies regarder comme une diminution des concisions précédemment faites aux assemblées coloniales ce qui n'est en soi qu'une extension donnée à ces mêmes concessions.
« Cep députés ne peuvent manquer d'abjurer bientôt une erreur si contraire aux intentions et à la teneur des décrets du Corps législatif et constituant. Ils regretteront de l'avoir manifestée, en déclarant qu'ils s'abstiendraient des séances où leur devoir les appelle,
« L'Assemblée nationale les plaint d'une conduite qu'elle aurait pu frapper de son improba-tion ; et, dans l'affection véritablement maternelle dont elle est animée pour les colonies, elle se borne à empêcher par la présente instruction que l'erreur de leurs députés n'y devienne con-tagieuse.
« Quel plus beau témoignage d'estime et de çonfiance pouvait-elle donner aux assemblées coloniales, que dé leur accorder l'initiative sur leurs lois constitutiopnellès et sur l'état des personnes non libres, ou qui ne sont pas nées de père et de mère libres? De quelle plus belle fonction, pouvait-elle les revêtir, que de eejle de venir avec sagesse au secours de l'humanité souffrante, d'éclairer le Corps législatif sur tous les adoucissements qu'il sera possible de procurer un jour à cette classe infortunée, de proposer tous les changements qu'un meilleur ordre ae choses exige, tous les tempéraments, toutes les modifications aux lois générales que les localités pourront rendre nécessaires, de préparer le bien que les*législatures auront à effectuer, et que Tes côlons auront toujours la gloire d'avoir provoqué?
« Peut-on imaginer un plus grand nombre de concessions, plus honorables et plus flatteuses? y a-t-il quelque exemple d'une métropole qui ait abandonné a ses colonies l'exercice d'un pareil droit sur les actes les plus importants de la législation?
« L'Assemblée nationale a tout accordé aux colonies; tout, excepté le! sacrifice des droits imprescriptibles d'Une classe de citoyens que la nature et les lois rendaient parties Intégrantes de la société politique; tout, excepté le renversement des principes créateurs de la Constitution française, qui ont obtenu, qui devaient obtenir l'assentiment unanime de tous les hommes qui veulent vivre et mourir libres.
« Si la réaction des préjugés, des passions et des intérêts particuliers est dans tous les lieux la même; si elle oppose partout quelque résistance au perfectionnement de l'esprit humain et au cours rapide de la régénération sociale et de la prospérité publique, la justice, la raison, ont aussi partout leur salutaire et très puissante influence. L'Assemblée nationale ne doutera donc jamais que les colons appelés, comme Français et par le vœu qu'ils ont c'airement exprimé, au droit et à4'honneur de jouir des bienfaits de la Constitution, n'aient le noble amour-propre de s'élever à sa hauteur et de s'en montrer complètement dignes.
« Dédaignant le soupçon et l'imputation d'avoir manqué envers eux à ses engagements, au moment même où elle y ajoute encore, par égard pour leurs habitudes, il suffit à l'Assemblée nationale de les inviter à comparer et à
peser ses décrets. Ils y trouveront sa constante attention pour leurs intérêts : elle ne veut point d'autre préservatif contre tous les efforts que l'on ourrait faire pour égarer leur opinion ; elle se fie leur raison et au patriotisme dont ils ontdans tous les temps donné un si grand nombre de preuves. Elle est convaincue que rien .-ne peut les détourner de l'obéissance qu'ils doivent aux décrets du Corps législatif sanctionnés par le roi.
« Sûre de ses principes, investie de toutes les forces de la volonté générale, la nation française doit au maintien de Pordre, à l'intérêt même des colons blancs, à leur sûreté, à la conservation de leurs rapports commerciaux avec la métropole, de prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour assurer dans les colonies l'exécution de 6es lois, pour prévenir le danger des fausses intèrprêtations, et pour arrêter les coupables efforts de tous ceux qui n'aspirent à ^.diviser les esprits, et à fomenter des troubles que pour mettre la liberté publique en danger. Mais la soumission, mais la reconnaissance-des colons libres de toute couleur, et surtout de ceux qui tien tient de plus près à la mère patrie, de ceux qui se sont toujours distingués parmi ses enfants, lui paraissent encore plus solidement fondées sûr leur propre intérêt, sur l'attachement et sur le zèle que mérite, qu'inspire la Constitution, et qu'on n'altérera jamais dans le cœur des bons citoyens. Ghez eux toute passion cède à l'amour oe la patrie, et si quelquei insinuation tendait à l'affaiblissement de ce lien sacré, ils la repousseront avec horreur.
« Dans cette juste confiance, et sans rien préjuger sur le vœu que les colonies sont autorisées à émettre relativement aux lois qui peuvent leur convenir, l'Assemblée nationale a chargé ses comités réunis de Constitution, des colonies, de commerce et de marine, dé rédiger sans délai des orojets d'organisation qui séront envoyés aux colunies, non pour porter aucune atteinte à leur initiative, mais comme un recueil- d'idées qui peuvent être salutaires. Les assemblées coloniales sont exhortées à les considérer d'après leur valeur , intrinsèque, sans y attacher le poids d'aucun désir du Corps législatif; elles~pourront les adopter, les modifier, les rejeter même avec une entière liberté, en y substituant lés autres propositions qu'elles croiraient avoir à faire pour leur plus grand bien. L'Assemblée nationale ne doute pas qu'elles ne proposent à la prochaine législature les lois et les mesures les plus propres à concilier tous les intérêts des colonies et de la métropole, et à concourir efficacement à la plus grande prospérité de toutes les parties de l'Empire français. »
(L'Assemblée adopte cette instruction.)
(de Saint-Jean-d Angèly). Monsieur le Président, je demande que vous soyez chargé dé vous retirer aujourd'hui par devers le roi pour lui porter l'instruction qui vient d'être lue, et le prier de la faire expédier le plus tôt possible dans les colonies; car je dois vous prévenir, Messieurs, qu'un des projets sur lequel les ennemis de la liberté publique qui veulent empêcher l'exécutiop de Votre décret se reposent le plus, est Celui-ci : ils espèrent que les mauvaises interprétations qu'ils ont envoyées aux colonies y produiront promptement leur effet, y occasionneront un mouvement que!conque qu'on se flatte de vous exagérer ici, s'il n'était pas asseï fort au gré de la malveillance, pour arracher de
vous, ensuite par la terreur, la révocation du décret que vous ave? rendu.
Je crois devoir avertir l'Assemblée nationale qu'un très grand nombre de citoyens redoutent cette manœuvre, à la possibilité de laquelle on croira, quand on connaîtra, par l'expérience pas^ sée, toutes celles dont nous avons été environnés, et tous les moyens que l'on a Dàis en oeuvre pour anéantir en France les décrets protecteurs de la liberté. (Murmures et applaudissements,)
J'appuie cette motion.
11 est une réponse à faire à M. Regnaud. Je ne sais pas quels sont les mouvements dont on a parlé; mais ce que je sais bien, c'est qu'il est très fâcheux que l'Assemblée n'ait pas voulu connaître quelles sont les difficultés qui, sans mauvaise volonté, contrarieront l'exécution parfaite du décret. (Murmures.)
, Vous opposez-» vous à la motion de M. Regnaud?
11 est très extraordinaire, lorsqu'on a repoussé de toutes les manières les représentations qui arrivent journellement de nos ports, et de la part de ceux qui ne peuvent pas etre accusés d'être imbus des préjugés coloniaux, mais seulement pénétrés des difficultés, des désordres que peuvent y exciter les nouveaux décrets, et qu'on y a substitué avec une grande affectation, une lettre du département de Bordeaux, très contradictoire au vœu du commerce et à son opinion motivée; il est bien extraordinaire, dis-je, que l'on annonce maintenant des mouvements combinés, tandis qu'on n'a pas voulu connaître, apprécier, juger les représentations...
Des factieux...
M. Malouet n'a jamais d'autre projet que d'attaquer les décrets. Il prêche toujours contre les opérations de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée pourrait être comparée à ce roi qui défendit, sous peine de mort, de; lui annoncer qu'il était malade, et qui en mourut- parce qu'aucun médecin n'osa le lui dire. L'Assemblée nationale doit entendre tout ce qu'on a à lui dire.
Je demande qu'on entende ceux qui ont des choses utiles à dire.
On ne peut pas être entendu quand on plaide contre un décret.
Je n'ai pas cru qu'il me fût permis d'interrompre M. Malouet, parce que, suivant moi, il n'attaque point les décrets.
La preuve que je n'ai pas eu de mauvaises intentions, c'est que je n'ai rien dit sur le projet d'instruction, quoique je ne la croie ni utile, ni convenable; c'est que je n'ai pris la parole que lorsque M. Regnaud, sans mauvaise intention sans doute, mais d'une manière qui m'a paru très insidieuse, vous a présenté les difficultés attachées à votre décret, comme la suite de mouvements combinés par des ennemis de la Révolution. Or, Messieurs, je dis qu'une telle observation est d'autant plus déplacée, que les ports
de mer qui se sont montrés les plus ardents pour la Révolution sont dans ce moment-ci dans une alarme extrême sur les suites de votre décret... (C'est faux!) Messieurs, cela est; je le certifie, et je ne doute pas qu'un très grand nombre de membres dans cette Assemblée n'en ait aussi la certitude. D'après cela, s'il avait été question de concerter les mesures pour, sans rétracter votre décret, en atténuer les inconvénients et en rendre l'exécution plus facile...
Je demande la parole.
Vous l'aurez, Monsieur. Je crois qu'il eût été possible, par un article interprétatif qui est à peu près indiqué dans les instructions qu'on vient de vous lire, mais qui se trouve.contrarié par les paragraphes qui précèdent et qui suivent, il eût été possible de rendre aux colonies la paix qne cette nouvelle disposition va tout à fait leur ôter; il eût été possible qu'après avoir prononcé le principe de l'admissibilité des gens de couleur dans les assemblées primaires, vous laissassiez aux assemblées coloniales à déterminer les conditions d'éligibilité pour les assemblées représentatives. (Murmures.)
Encore une fois, si on ne vous avait épargné des développements et des détails de localités qui contrastent trop avec les principes prononcés de notre Constitution, et avecle langage habituel de l'Assemblée, vous auriez senti qu'il est contre toute possibilité qu'un nègre libre se trouve admis comme juge de paix ou comme administrateur à côté d'un colon blanc qui aurait chez lui ses neveux ou ses frères esclaves.
D'après cela, il ne faut pas que l'Assemblée nationale, qui-a droit au respect et à l'obéissance de la part de toutes les parties de l'Empire, s'accoutume dans ce moment à croire que les observations qui lui seront probablement présentées par les colonies, soient le résultat de mouvements combinés. Il n'y a point de colon qui ne perde en cessant d'être Français; il n'y a point de colon qui ne sente avec horreur les inconvénients affreux d'une scission; il n'y a point de colon instruit qui ne sache que, même en voulant se rendre indépendant de la France, il éprouverait sur cela les plus grandes difficultés. Que signifient donc ies inconvénients dont on vous parle ? Il semble qu'il y a déjà un plan de conspiration formé à Paris delà part des colonies contre la métropole.
Voix diverses ; Oui ! oui 1 — Non ! non î
Je demande que l'Assemblée entende un de ses membres, qui lui dira la vérité, (ilfwr-mures prolongés à gauche.)
(de Saint-Jean-d'Angèly). Je demande, Monsieur le Président, que vous imposiez silence à M. Lavie.
Je demande que, quand on dit qu'il y a des traîtres parmi les colons, je puisse donner un démenti formel à qui l'avance. On dit qu'il y aune conjuration ; je dis que ce n'est pas vrai.
Je ne finirai point sans vous dire que les instructions que vous venez de décréter feront encore plus de mal que le décret, si vous ne voulez point y ajouter un article ; si vous ne renvoyez com plètemen t et décidément aux assemblées coloniales à exercer leur initiative pour la
détermination du mode et des conditions d'éligibilité aux assemblées représentatives...
Un membre : Le décret est rendu.
Non, Messieurs, cela n'est pas décrété.
Plusieurs membres : Si ! si !
Cela n'est pas vrai, cela n'est pas possible!
Non, Messieurs, cela n'est point décrété. Je tiens dé plusieurs membres de la majorité qu'ils n'ont pas entendu ce que l'on voulait dire. D abord, pàr vos assemblées coloniales, ils ont cru qu'il était question d'assemblées primaires. Or, l'assemblée coloniale est la représentation de l'Assemblé nationale dans chaque colonie. C'est donc une chose très différente d'admettre des gens de couleur nés de pères et mères libres pour exercer les droits politiques dans les assemblées primaires, ou de les admettre saus autre condition aux assemblées représentatives. Cette dilférence-là est le nœud de la difficulté : cette différence seule est l'objet de l'effroi et des désordres possibles dans les co!ônie3 ; cette différence-là pourrait produire dans les colonies des explications satisfaisantes, si vous leur donnez le temps de les proposer. Vous reconnaîtrez par là, Messieurs, les inconvénients d'une admission trop subite aux assemblées représentatives de la part des gens de couleur dans telle ou telle position ; il n'est pas de vrai colon qui ne sache qu'il y aurait les plus grandes difficultés à remplir un pareil projet.
Je propose donc de décréter, en admettant les hommes de couleur et nègres libres aux assemblées primaires, que les assemblées coloniales auront l'initiative de déterminer le mode et les conditions d'éligibilité aux assemblées représentatives. Je crois ma proposition propre à prévenir les troubles et je persiste à demander quelle soit mise aux voix. (Murmures.)
Je mets aux voix la proposition de M. Regnaud.
Avant que vous mettiez aux voix la motion de M.Regnaud, je demande à exposer comment on se comporte ici pour rejeter ses fautes sur ses adversaires. Comment M. Regnaud a-t-il préditce qui arriverait aux colonies? C'est que sans doute il a connaissance de certaines adresses qui sont arrivées à l'Assemblée nationale, entre autres de celle du commerce de Nantes, qui nous dit positivement ce qui arrivera dans les colonies. Je demande qu'on en fasse lecture comme on a fait lecture de plusieursautres, de celle du café national de Bordeaux, entre autres.
(de Nemours). Il y a quatre jours que j'ai vu sur le bureau du comité colonial une adresse de Nantes qui annonce de grands malheurs et qui est contraire à vos décrets. Or, le courrier n'est point encore revenu de Nantes. L'adresse ne peut donc en arriver.
L'adresse de Nantes...
Un membre : Dites : de quelques négociants.
Eh bien 1 l'adresse du commerce de
Nantes est arrivée ici; elle a été envoyée aux députés extraordinaires du commerce qui l'ont remise au comité colonial. Premier fait !
Je demande si l'on n'a pas envoyé de Bordeaux, par un courrier extraordinaire, l'adresse que vous avez reçue.
(de Nemours). J'ai demandé à un membre du comité si l'adresse que je voyais était vraiment du commerce de Nantes; un autre m'a répondu : elle n'est pas encore arrivée.
J'atteste qu'elle est du commerce de Nantes et je délie M. Dupont de prouver le contraire.
(de Nemours). Je n'en sais rien. (Murmures à droite.)
J'atteste de plus que ceux qui se sont réunis pour envoyer cette adresse ont prouvé qu'ils sont bons citoyens. Ils connaissent parfaitement les colonies, et ils font un acte de patriotisme...
Et d'humauité.
en vous indiquant les inconvénients de votre décret pour que vous puissiez les prévenir. L'adresse de Bordeaux vous parle aussi d'in-convénients et demande également qu'on les prévienne.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que la meilleure manière... (Murmures prolongés et interruptions.)
Il est bien étonnant que la députation de Nantes ne sache pas qu'un de ses confrères a reçu ou a connaissance d'une adresse de Nantes. Il est certain qu'il y a une partie des négociants de Nantes, qui, dès les premiers moments de la Révolution, se sont montrés très contraires au nouvel ordre de choses, qui ont manifesté des opinions anti-civiques, même sur l'émission des assignats... (A droite: Elle n'a pas tort.)
M. Blin n'a pu et n'a dû recevoir aucune adresse : il ne peut tenir ce qu'il vous a dit, que de MM. les députés du commerce de la ville de Nantes, qui sont à Paris, et qui se donnent un très grand soin pour lui faire parvenir ces sortes d'éclaircissements ; pour nous, nous n'en avons aucune connaissance; mais.je puis dire quelque chose de contraire, c'est que la majorité du commerce est dans les principes conformes à ceux qui ont dicté votre décret du 15 mai.
Il a été envoyé par le commerce du Havre une adresse, cette adresse témoigne les craintes et les doutes que doit produire l'envoi de votre décret; cette adresse-là est signée de la quasi-totalité des habitants du Havre ; elle est ici entre les mains des députés. (Bruit.)
Oui, entre vos mains.
Ce n'est pas en refusant d'entendre les adresses des différentes villes du royaume; ce n'est pas en rendant difficile le chemin qui peut les faire parvenir jusqu'à nous, que vous pourrez apprendre si elles sont controuvées ou réelles; si elles sont véritablemant le vœu
du commerce de la France, ou si elles ne le sont pas; si vos décrets s'accordent avec l'opinio i, avec les intentions des peuples. Il n'y a d'autre moyen «le s'ecl.iirerà cet égard que d'ouvrir toutes les issues; il faut que l'Assemblée nationale ordonne que si le commerce a des adresses à lui présenter (Murmures à gauche), elles arrivent jusqu'à elle; il faut que l'Assemblée ne veuille pas oublier que le principe de tous ses décrets a été non seulement qu'ils lussent utiles aux peu- Eles, mais même qu'ils obtinssent l'opinion pu- lique. C'est l'opinion publique, dont vpus êtes environnés, qui t'ait toute votre force; C'est elle qui est votre pouvoir exécu if. Lorsqu'elle vous ab mdonriera, vos décrets ne seront plus exé utés.
Je dem inde donc que l'Assemblée nationale veuille bien s'éclairer sur l'effet véritable qu'a produit la publication de votre décret du 15 et qu'elle suspende toutes mesures ultérieures, jusqu'à ce que...
Plusieurs membres à gauche .'A l'ordre du jour 1
Je demande donc que l'Assemblée nationale suspende toutes mesures ultérieures jusqu a ce que...
Jusqu'à ce qu'on ait pu exciter des troubles dans les colonies.
Jusqu'à ce qu'elle connaisse d'une manière certaine, d'une manière légale l'opinion du commerce de France, et qu'elle puisse Îïroliter des lumières que lui donneront li s co-ous et les négociants ; car il ne faut pas penser que l'Assemblée nationale soit le foyer exclusif de toutes lumières, qu'elle soit infaillible...
Un membre à gauche : Consultez les hommes libres et nou les négociants.
Si l'Assemblée nationale a rendu un décret funeste à la tranqu llité, à la prospérité, à la richesse nationale, ce qu'elle peut faire de mieux, c'est de suspendre l'exécution ou d'y ajouter quelques modifications.
La question préalable sur la proposition de M. de Cazalès.
Je demande si l'intention de l'Assemblée a éié d'accoider, non pas l'initiative, mais li criiique de ses uecrets, à ceux qui écrivent dans les départements pour solliciter la résistance.
Je demande si l'intenlion de l'Assemblée est de fermer la voie aux réclamations du peuple.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. de Cazalès.)
(Les tribunes applaudissent.)
(montrant les tribunes). Apprenez à ces messieurs à ne pas huer une partie de l'Assemblée ; qu'elle sache se respecter elle-même I
Plusieurs membres réclament la question préalable sur le renvoi de la motion de M. Malouet.
L'Assemblée ne peut refuser de renvoyer à l'examen une proposition... {Murmures et interruptions.)
J'appuie la question préalable* Il serait indécent de laisser dire à l'Assemblée qu'elle ne savait pas ce qu'elle faisait.
Non, vous ne le saviez pas.
Je mets aux voix la question préalable proposée sur la motion de M. Malouet.
A droite : Eh 1 Messieurs, ne prenons pas part à un tel décret.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y pas lieu à délibérer sur la motiou de M. Malouet.)
Je dois déclarer que je n'ai pas reçu d'autre airesse que celle de Bordeaux dont il a été donné lecture à l'Assemblée.
Je vais mettre aux voix la question préalable invoquée contre la motion de M. Regnaud, tendant à-charger le Président de se retirer par devers le roi pour le prier de faire parvenir le plus tôt possible aux colonies l'instruction dont M. Dupont vient de donner lecture.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la motion de M. Regnaud, qui est ensuite mise aux voix et adoptée.)
indiqué l'ordre du jour de la séance de demain.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d'avant-hier 28 au soir et d'hier 29 au matin, qui sont adoptés,
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une note du ministre de la justice ainsi conçue :
« Le roi a sanctionné, le 27 mai présent mois, les décrets de l'Assemblée naliouale, dont voici l'état:
« Le décret du 24 mai 1791, sur les formalités à observer r« lativeme t aux quittances de finance présentées à la liquidation.
« Le décret des 16 et 18 du même mois, portant organisation de la régie des droits d'enregistrement, timbre, hypothèques^ et des domaines nationaux.
« Le i écret du 18 du même mois, qui autorise des.acqui.-itions et loeation d'immeubles destinés à former l'emplacement des directoires des départements de la Moselle et de l'Allie".
« Le décret du 19 ou même mois, portant conservation, dans l'artil erie, des 62 capitaines qui étaient attachés aux directions.
« Le décret du même jour, qui réduit à une seule paroisse celles ci-devant existant dans les villes de Vendôme et de Montoire.
« Le déciet des 19 et 21 du même mois, sur
« Le décret du 20 du même mois, qui attribue provisoirement aii directoire dû district dë Metz la connaissance des difficultés relatives aux rôles Jéè ëoo tri bliti dits ét èhatges pàrticuliêrèà aux juifs,- pcttir être jugées àiii* l'avis dë là municipalité de la même ville.
« Le décret du 21 du même mois, qui autorise lë prdjët d'afrosëmëdt des tallëës a'Arqttéà, Marignane et Marseille, proposé par lë§ sieurs Fabre ffêteS, èt en dêtërniibe les conditions;
« Lé décret du 21 dU mênië mois, relatif à l'établissement d'un tribunal de commerce dans la ville de Lydn;
Le décrët du 25 dtt tnênle mois, pour l'envoi de médiateurs qtii interposent les bons offices dë la France entre lëâ AvignoùàiS et les Comtàdins, et fjortunt d'autres mesures et prêéattitlods à l'ôd-câSidtf dès hostilités eiistatit étitrë ëM, le tout âtant qtt'il soit feris dè fiàrti Ultérieur relafcivëment àux droits de la France sur ce pays.
« Le ministrëde la justice transmet S Monsieur lë Président les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune dëstjyèllëé est là sanction du roi.
« Signé : M.-L.-F. Duport. »
, au nom du comité de Côiiamp;amp;amp;tiiutîoh, fait un rapport sur la translation des tendres de Voltaire a Sainte-Geneviève et s'exprime ainsi :
Messieurs, c'est le 30 mai 1778, que les honneurs de la sépulture ont été refusés à Voltaire, et c'est ce même jour que la reconnaissance nationale doit consacrer, en s'acquitiant envers celui qui a préparé les hommes à là tolérance et à la liberté. Oui, Messieurs, la philosophie et la justice réclament, pour l'époque de leur triomphe, celle où le .fanatisme persécuteur a tenté de proscrire sa mémoire.
Les cendres de Voltaire, qui furent rejetées de la capitale, avaient été recueillies datti l'église de l'abbaye de Sellières; la vente du lieu de leur sépulture a excité le zèle de la municipalité de Paris qui a réclamé là possession dé ces rèstës précieux»
Bientôt les villes de Troyes et de Romilly les ont ambitionnés, et l'uhé d'elles avait délibéré qu'ils seraient partagés; c'e.-t ainsi qu'eu Italie deux cités se sont disputé lèS mânes d'un poète célèbre.
Vous avez Ordonné à votre comité de Constitution de vous rendre compte de la pétitionne la ffiun ici (.alité dë Paris; son bbfèt est Que Vdftaire, né et mort dans tes murs, soit tratnSfêrë de l'église deRomily, où il est aëttfellèment dépèsé, dans le monttmëht destiné à recevoir les cendres des grands îfoûiiïièS par la patrie reconnaissante.
Le titre dë graud a été dëfdné à Voitaiie par l'Europe étonnée.
Mort, toutes les nations le lui ôtft consacré; et, quand tàtta Ses détracteurs ont péri, sa mé-moire t êt devenue immortelle.
Voltaire a crée tio ittouùment qui repose sur les plu* grands bienfaits comme Sur fës plis sublimés productions du géni-; féÇrairë a tèr-rassé Je fanatisme, dénoncé les erreurs jus-(rtfaloïs i tôlfttréeS dé nos sn'tqaés in.-ttfutions; il a dé hiré le vè'fle qùi couvrait toutes les tyrannies; il avait dit,-avant laConsfitutîon française: Qui sert bien son pays, n'a pas beioin d'aiéux; les serf» du Mont-Jura t'avaient vu ébranler l'arbre antique que vous avez déraciné,c it & crié Ven-
geai) ce podr les Sirvèn et les Caïàs àgsstëslnés àti ndtti de là jbstice; il a cttô véngëàncë riour l'h lima ni tê ertiièrë, avant quë vous ëffàÇassieZ dë nos codés sanguinaires lés ldtà c(ui ont iihinoll ces célèbres victimes.
Là nàiion a rëçii l'oUtrage fait à çë grand homme; là hatiort lë réparera; èt. les Français, dë Venus librés, dêce'rriertfttt àti Libérateur de ty pensée l'hotineur qu'a rëçii d'etix "É des fondateurs de sa liberté.
Voltii le projét de décret cjtië uoui votfs ipro-posons; .
« L'Assemblée nàtiotidë, après îlirâîr entendu le rapport du comité dë Constitution,
Décrété qùe Marie-François Ârouët-Voltaire ëst digne de recevoir les honneurs décernés aux grands hommes ; qri'èn conséquence sès cendres seront transférées dë l'église de Romilly dans eelle de Salhte-Geneviève à Paris.,
« Elle charge le directoire du département dë cette ville de l'exécution du présent décret. » (Vifs applaudissements.)
Je demande i'impreSsion de ce rapport.
(de Saint-Jean-d'Angèly)* Quand j'unis ma voix à celle de ( eux qui, ju.-tes appréciateurs des hommes, réclament pour Voltaire et pour l'honneur de la France le rang qui lui appartient parmi les génies qui l'ont illustrée; quand jë viens proposer un amendement au décret du comité* Ce n'est pas aux talents seuls c(ile je rends hommage; ce .n'e^i pas à l'esprit le plus distingué de son siècle, à l'homme que la nature n'a pas ençç>re jemplacf sur le glo.he; ce n'est pàs à celui qùi exerça sur tous ies arts, sur toutess les sciences le despotisme du taiëot. §es titrés, tout précièux .qu'ils sont * ne suffiraient pas pour décider les'rëprése'ûtants de la nation française à décerner.au philosophe de Ferney les honneurs qu'on sollicite poiir sa cendre. Je les réclamé poUr le philosophe qui osa, un des premiers, parier âiix peuples de leurs droits, de leur puissance, au milieu d'une cour corrompue.
Voltaire, ocint line des faiblesses fut d'être courtisan, parlait aux courtisans l'austère langage de la Vérité; il rachëtyitv par la (namè^e dont il burinait les vices des tyrans qui avaient opprimé les nations, quelques flatteries qui lui échappaient pour lëâ despotes, qui les enchaînaient encore. Soù régàrd perçant a lu dans l'avenir, et a aperçu l'aurùrè de la Iiber(éj, dé la régénération française» dont il jëtait les sëibences avèc autant, de soin que de courage. Il savait que, pour qu'un peuple devînt libre» il fallait qu'il cessât u'étrë ignorant; it savait qu'on n'enchaîne les nations que dans les té èbres; et que, quand les lumières viennent éclairer la honte de leurs fers, etteS rougissent de les porter, et veulent les briser, Elle* les brisent en ëffet; car vouloir et faire est la même cho-e pour une grande nation.
Voltaire écrivit donc l hi-toirë, et l'écrivit entouré d'esclàvës, de censeurs roystu^,' ei dë despotes, en homme libre et ëfl philosophe cô'ttrà-geux. . ..
J'emprunterai ici les expressions d'un amî dè la liberté qui le louait il y a 12 ans, comme il faut lè louer aujourd'hui, M. DuciS. , _
« L'histoire moderne avant lui, vous lè savéé, portait encore l'empreinte de ces temps, torbarjes où les oppresseurs et fès tyrans des n^Wônà séqls étaient comptés parmi l'espèce M^uà&î otj.. Iq peuple et tout ce qui n'était qu'homme n'était
rien. Les gouvernements avaient cHangé. L'hÔmme était rentrédu moins dans une pàrtiè desés débits, niai's l'histoire frappée dé l'esprit de Pahciebne Servitude, sans faire ttrt pas en avant, semblait rëstée au siècl e de la féodalité ; el le n'osait en quelque Sdrte croire à l'affranchissement du peuple, et le Repoussait de ses annales, comme autrefois il était répoussé de la cour et des palais de ses tyrans}.
« C'est M. de Voltaire qui le premier a sehti, a marqué la place que la dignité de l'homme dfevait occuper dans l'histoire; il a donc voulu bue l'hiStoire désormais, au lieu d'être le tableau clés cours et des champs de bataille, fut éelul des nations, de leurs moeurs, de leurs lois; de lëUr caractère, ët il a lui-même exécuté ce grand projet. Polybe avait écrit l'histolfre guerrière; Tacite et Machiavel, l'histoire politique; BoSsuet, Phls-toirfe religiéuse; M. de Voltaire écHvit lé premier l'histoire philosophique et morale. Aussi cet homme extraordinaire, qui a renouvelé parmi nous pres^ que tous lés champs de la littérature, à fait par son exemple une révolution dans l'histoire. y
Cette révolution. Messieurs, a préparé la nôtre; c'est le prémier titre de Voltaire à la reconnaissance nationale.
Ahl Messieurs, si les regrëtë 0e la pertë d'uti grahd homme sont longs et presque éternels, combien deviennent-ils plus Vifs, quand On sent le besoin qu'on aurait de son génie!
Que ne peut-il. sortir du tdmbeati, Pàpôtrë dë la tolérancë religieuse, pour voir la liberté Religieuse proclamée par vous, au hàlliëu des clameurs impuissantes de l'ignorance ou dë m perversité , de quelques hommes trompés ou corrompus!
Comme il terrasserait les pyginées qui croient pouvoir renverser l'édifice qué vous élevez f Gomme il confondrait les faux prophètes qui veulent combattre la vérité el se flattent en vain de l'obscurcir! Comme il éclairerait cette partie du peuple qu'on veut égarer I
Cette jouissance hé lui a pas été réservée; il n'a vu que se préparer la liberté. Ses derniers moments ont encore été maftjùës par là persécution; elle s'est attachée à sa cendre qu'elle a Poursuivie, à sa mémoire qu'elle a voulu ÛétHr, ous tous, Messieurs, allez les Vëngéh
Enfin, M ssieurg, le dernier titre de Voltaire à la reconnaissance publique est celui qui honore, embellit tous les autres : il fut l'aûài de l'humanité. Il réclama contre le Code pénal, eontre ëes formes de procédure barbares qui avaient ebtyté la vie à tant d'innocents; il aperçut le pnêmîer que des lois sur lesquelles avàîènt coulé les larmes de tànt de malheureux condamnés sans être coupables, devaientêtre effacées pair tes larihes mêmes et ne plus être la base des jugements chez un peuple sensible et bon. Il travailla à réparer les erreurs des magistrats; il rendit dû moitlS l'honneur à ceux auxquels la vië ne pouvait êtrë rendue.
Par lui des hommes serfs devinrent libres ; par lui la féodalité fut combattue pendant longtemps; sans lui vous n'auriez peut-être pas osé la détruire...
Plusieurs membres t Votre amende'riiëiit?
(de Saint-Jeàft-tfAntfély.) Je ne résiste pas à l'impatience de l'Assemblée : j'ai fini; j'en ai dit assez pour les aûiis de la liberté; je n'avais rien à dire à ceux qui ne le sont pas.
Mon amendement n'a sans doute pa3 besoin 4'ètre motivé; je l'énonce simplement
Mon amendement est dë décerner, aux frais de la nâtlbhj unë statue à Voltaire.
Si cët amendement est contesté, je demande à 1'appUyéR et j'oSe ctoirë que je donnerai à l'Assemblée des motifs qui la détermihëront, auxquels il né Sera pas possible de se refuser.
J'ajouterai, Monsieur lé Président, que si cette Statue ëst décernée, il y sera tois pi us de Zèle et pldsdë surveillance «Ju'à Ctlle quia été décernée à J.-J. Roussëatt ét de laquelle on ne s'est point encore occupé.
L'Assemblée a, en effet, décrété une statue pour J.-J. Rousseau (1); je ne sais pourquoi le comité des pensions ne s'est pas encore occupé de cet objet.
, au nom du comité des pensions. Il est bien étonnant qu'on vienne dire Ici, sans connaître le comité, sans s'infbrmer de ce qu'il fait, qti'il n'a pas peiisé à la statue de J.-J. Rous-seàtt. ïl y a Si bien pensé, qu'il : à écRit aux artistes poui* fâire exécuter ce que vous avefc décrété ët qu'il adlt être incessamment proposé un concdurs.
Plusieurs quéstions s'agitent â ce propos i la première est de savoir s il doit être fait une statue simple ou un groupe; ensuite si cette statue doit être élevée sur une placé publique ou placée dans un musée.
NoUs évohs pensé que ce n'était pas peut-être le moment d'acquitter cette dette sacrée et de vous proposer une augmentation de dépense; tiôUS n'àVotts pas crû, d'autre part, devoir interrompre vbs trètvaux pour cët objet; mais nouS vous ën ferbiis lé rapport au premier moment.
Au moment où l'on s'occupe de Voltaire, il est de la reconnaissance de la nation de iaire également transférer dans la basilique de Sainte-Geneviève les cendres de Mon-tesquieu, qui sont actuellement déposées à Saiot-Roch»
Montesquieu est le seul, peut-être, des écrivains qui soit mort avec l'espoir fondée avec la consolation qu'il ne laissait pas une ligne à effacer dans ses écrits.
Voltaire lui-même a rendu la même justice à l'auteur de l'Esprit des lois lorsqu'il écrivait : « Le genre humain avait perdu ses titres; Montesquieu les a trouvés et les lui a rendus. »
La nation ne s'est pas acquittée envers lui ; ses cendres doivent reposer dans le monument que la nation a consacré aux grands hommes.„ J'en fais lu motion expresse.
Jë né Conteste pas l'âmende-ment dtt préopinaht; niais je crois qu'il est extrêmement dabgëreux d'accoutumer l'Assemblée et sùCcessi^émënt les législatures qui lui succéderont à décerner dë pareils honneurs sûr la chaleur d'une motion. L'A^mbtéè doit mettre de la dignité dans de semblablés délibérations ; elle doit mûrir son vœu dans le silence et ne se déterminer, sur des objets aussi majeurs, que d'après les rapports les plus imposants.
Je demande donc que toutes les demandes accessoires au sujet du décret
soient renvoyées au comité de Constitution qui, sans doute, se
souviendra que les cendres de VHôpital, le plus grand législateur qu'ait
eu la France, reposent sans honneurs dans l'église du Village de Vignai,
à deux lieues de Paris,
(L'Assemblée, consultée, décrète que les motions de M. Regnaud (de Saint-Jean-d Angély) et de M. Prugnou sont renvoyées à son comité de Constitution, pour lui en rendre compte.)
Je mets aux voix le projet de déc et du comité de Constitution ; j'en donne une nouvelle lectuie:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution,
« Décrète que Marie-François Arouet-Voltaire est digne de recevoir les honneurs décernés aux grands hommes; qu'en conséquence, ses cendres Seront transférées de l'église de Romilly dans celle de Sainte-Geneviève, à Paris.
« Elle charge le directoire du département de Paris de l'exé ution du présent décret. »
(Ce décret est adopté.)
On a proposé l'impression du discours prononcé par M. Gossin à l'occasion de ce décret.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du rapport de M. Gossin.)
Un membre présente un mémoire de MM. Divil et Drans, par lequel ils annoncent la possibilité d'une fabrication de billon tiré du métal des cloches, et l'a-surance que la nation retirerait, tous frais faits, 26 sous de la livre d'un métal dont on ne lui avait offert, jusqu'à présent, que 12 sous; à ce mémoire sont joints deux modèles de pièce de la fabrication proposée.
(L'Assemblée ordonne le renvoi du mémoire de MM. Divil et Drans, et celui des deux pièces données pour modèle, à son comité de monnaie, avec l'invitation de lui en rendre compte dans le cours de la semaine.)
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de domaines nationaux à diverses municipalités.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport quilui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1791, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déieiminée par le même décret; savoir:
A la municipalité de Remollou, département des Hautes-
Alpes, pour........7,350 1. >» s. Otë
A celle de Saint-Etienne-l'Allier, département de l'Eure.pour.................12,760 » »
A celle de Vaudry, département du Calvados, pour..... .....8,781 11 6
A celle d'Aubry-le-Panthon, département de l'Orne, pour.33,000 » »
A celle de Caen, départemént du Calvados pour.....2,630,858 1. » s. » d.
A la même, pour.1,708,898 18 1 0
A celle de la Souterraine, département de la Creuse,pour..............94,908 16
À celle de Lus-la-Croix-Haute, département de la Drôtne,pour..............7,768 » »
A celle de Chalen-çon, même département, pùur........836 ». »
A celle de laGarde-Adheymar, même département, polir....3,905 » »
A celle de Mar-sanne, même département, pour......6,016 » »
A celle de Bonlieu, même département, pour...............24,896 » »
A celle de Mirman-de, même département, pour........10,550' 9
A celle de Saint-Paul - Trois-Châ-teaux, même département, pour.......1,170
A celle de Valence etBourg-lès-Valence, même département,pour..............31,379 16 9
A celle de Monte-lier, même département, pour......34,306 8
A celle de Chàteau-neu f-de-Gal aure, même département, pour...............16,943 4
A celle de Montmi-rail, même département, pour.........11,578 » »
A celle de Mont-Dauphin, département des "Hautes-Alpes, pour..........7,876 » »
A celle de Cre-voulx, même département, pour.......4,909 » »
A celle de Saint-André, même département, pour........26,550 5 1
A celle de Fressi-nières, même département, pour...5,222 4 »
A celle de Cnan-cela, même département, pour.........3,337 1 ; »
A celle de Saint-Crépin, même département, pour.....,.10,282 12 »
A celle de Guil-lesire, même département, pour.......13,051 9
A celle de Rizoul, même départemeot, pour. .............4,560 7 1
. A celle de Saint-Etienne, même département, pour....1,472 »
A celle d'Embrun,
même département,pour...............196,486 1. 11 s. ». d.
A celle de Saint-Sauveur, même département, pour.........13,246 18
A celle de Crottes,', même département, pour...............51,112 17 6
A celle de Réalon, même département, pour...............7,851 16
A cel'e du Puv-Saint-Eusèbe, même département, pour..2,794 » »
A celle de Saint-Jean-Saint-Nicolas, même département, pour................16,609 »
A celle de Saint-Apollinard, même département, pour.........1,697 6
A celle d Orcières, même département, pour.............1,560
A celles de Bresiés et Rochebrune, même département, pour..8,120 12
A celle de Saint-Clément, même département, pour.........12,804 »
A celle de Baratier, même département, pour............5,703 10 »
A celle de Puy-Sa-nières, même département, pour.......17,220
A celle d'Avançon, même département, pour...............7,201 10
A celle de S uze, même département, pour..............1,549 18
A celle d'tëpinasse, même département, pour...............3,889 17
A celle du Vars, même département, pour...............4,203 » »
A celle de Montgar-din, même département, pour.........4,451 4
A celle de Chorges, même département, pour...............10,690 15
AcelledeDormans, département de la Marne, pour........154,550 3 6
AcelledeMirepoix, département de l'A- riège, pour.............179,940 16
A celle de Saint-Li-sier, même département, pour.........7,580 » »
A celle de Dama-san, département de Lot-et-Garonne, pour. 39,320 » »
A celle de Maren-nes, département de la Charente-Infé-rieure, pour........325,984 » 4
A celle ue Gaslelja-loux,départementde Lot-et-Garonne, pour.89,432 12 4
« Le tout ainsi qu'il est plu3 au long détaillé
dans les décrets de vente et estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom des comités militaire et de Constitution. Messieurs, il s'est élevé quelques difficultés sur l'interprétation du décret relatif à l'organisation de la gendarmerie nationale; l'Assemblée peut seule les lever. Il est d'ailleurs indispensable de donner les éclaircissements demandés pour mettre de l'activité dans cette partie du service.
En conséquence, vos comités militaire et de Constitution m'ont chargé de vous présenter le projet de décret interprétatif dont la teneur suit :
« L'Assemblée nationale, anrès avoir entendu le rapport de ses comités de Constitution et militaire, en interprétation de l'article 6 du titre II, et des articles 7, 8 et 9 du titre VII du décret concernant l'organisation de la gendarmerie nationale, déclare que le titre VII ayant pour objet la composition actuelle delà gendarmerie nationale, et le titre II, l'avancement futur des officiers de ce corps, les dispositions relatives à l'âge des officiers de ligne qui pourront y être admis, énoncées en l'article 6 du titre II, ne sont point applicables à la présente composition:. En conséquence, l'Assemblée nationale décrète que les officiers des troupes de ligne, âgés de plus d.î 45 ans, qui ont été élus par les directoires de département pour la présente composition, sont bien et valablement élus, pourvu que les autres dispositions du décret aient été observées; et qu'il n'y a lieu à empêcher que lesdits officiers élus soient pourvus par le roi. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des monnaies. Messieurs, votre comité des monnaie* m'a chargé de vous présenter 4 articles additionnels au décret du 3 mars dernier, sur l'emploi de l'argenterie des églises, chapitres et communautés religieuses, jugée inutile au culte. Les voici :
« Art. 1er. Les opérations prescrites par
l'article 5 du décret rendu le 3 mars dernier pour la distraction des
matières étrangères à l'or ou à l'argent, et p ir l'article 6, pour
constater le poids et convertir l'argenterie en lingots, seront faites
en présence des directeurs des monnaies, des deux plus anciens gardes
des orfèvres, et en outre, de 2 commissaires du directoire du
département, dans les hôtels des Monnaies qui sont situés dans un
chpf-lièu de département, ou de 2 commissaires du directoire du
district, dans les villes qui ne sont qu'un chef-lieu de district, et de
2 commissaires dé l'Assemblée nationale, dans l'hôtel des Monnaies de P
-ris.
« Art. 2. Avant de faire la distraction prescrite par l'article 5 du décret du 3 mars, il sera procédé à la pesée de chaque lot d'argenterie brute, en présence desdits officiers et commissaires, qui en dres-eront procès-verbal, ainsi que de la nouvelle pesée qui sera faite immédiatement après la distraction des matières étrangères, -et de cejle des lingots, après que la fonte aura été faite aussi en leur présence.
« Art. 3. Les morceaux d'essais, qui, aux termes de l'article 6 du décret du 3 mars, devront être envoyes sous cachet à l'hôtel des Monnaies de Pans, le seront nommément au premier commis des finances au département de la monnaie.
« Art. 4. Les frais de port de l'argenterie envoyée aux Monnaies seront payés par les directeurs des monnaies, auxquels il en sera teau compte par le Trésor public, sur la représentation des quittances des messageries ou autres voituriers; et il sera tenu compte également aux directeurs des monnaies, par le Trésor public, des frais de foute, à raison de 3 sous pas marc. »
L'article premier du projet qui vous est présenté porte que les opérations relatives à la distraction des matières étrangères à l'or et à l'argent, à la constatation du poids et à la conversion de l'argenterie en lingots, seront faites, dans l'hôtel des Monnaies de Paris, en présence de 2 commissaires de l'Assemblée nationale.
Je demande que ces opérations, au lieu d'être faites en présence de 2 commissaires de l'Assemblée, le soient en présence de 2 commissaires du département de Paris.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, le projet de décret amendé est soumis à la délibération dans les termes suivants :
u L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapporteur de son comité des monnaies, décrète ce qui suit ;
Art. 1er.
« Les opérations prescrites par l'article 5 du décret rendu le 3 mars dernier, pour la distraction des matières étrangères à l'or ou à l'argent, et par l'article- 6, pour constater le poids et convertir l'argenterie en lingots, seront faites en présence des directeurs des monnaies, des 2 plus anciens gardes des orfèvres, et en outre de 2 commissaires du. directoire du département, dans les hôtels des Monnaies qui sont situés dans un chef-lieu de département, ou de 2 commissaires du directoire du district, dans les villes qui ne sont Su'un chef-lieu de district, et de 2 commissaires u département de Paris, dans l'hôtel des Monnaies de Paris.
Art. 2.
« Avant de faire la distraction prescrite par l'article 5 du décret du 3 mars, il sera procédé à la pesée de chaque lot d'argenterie brute, en présence desdits officiers et commissaires, qui en dresseront procès-verbal, ainsi que de la nouvelle pesée qui sera faite immédiatement après la distraction des matières étrangères, et de celle des lingots, après que la fonte aura été faite aussi en leur présence»
Art. 3.
« Les morceaux d'essais qui, aux termes de l'article 6 du décret du 3 mars, devront être envoyés sous cachet à l'hôtel des Monnaies de Paris, le seront nommément au premier commis des finances au département de la monnaie.
Art. 4.
« Les frais de port de l'argenterie envoyée aux Monnaies seront payés par les directeurs des monnaies, auxquels il en sera tenu compte par le Trésor public, sur la représentation des quittances dès messageries ou autres voituriers; et il sera tenu compte éealement aux directeurs dès monnaies,,par le Trésor publie, des frais de fonte, à raison de 3 sous par marc. » (Ce décret est adopté.)
, rapporteur. Je vous prie, Messieurs, d'ordonner que le décret que vous venez d'adopter sera porté dans le jour à la sanction, parce que les opérations sont suspendues dans tous les départements.
(Cette motion est décrétée.)
, au nom des comités de. judicature et de Constitution. Messieurs, vous vous rappelez sans doute avec quel intérêt vous vous êtes occu* pés de Y institution des jurés, et du soin que .vous avez mis à la décréter; il s'agit maintenant de la réaliser et de faire jouir la France de ses bienfaits. Nous vous présenterons incessamment le complément des lois relatives à cette institution ; mais auparavant, il y a quelques articles de dé-tail que vos comités ont cru nécessaire de vous soumettre. Il y en a qui regardent tout le royaume en général ; il y en a d'autres qui sont particuliers" à la ville de Paris, parce que l'administration de cetle ville exige des différences dans l'application de cette loi.
Je ne vous cacherai pas, Messieurs, que vos comités ont pensé qu'il pouvait être très utile que cette institution commençât par la ville de Paris, parce que, l'organisation des jurés se faisant sous les yeux des législateurs, ils seraient à même d'en remarquer les défauts s'il y en a quelques-uns et de les corriger.
Tels sont les motifs du projet de décret que vos comités m'ont chargé de vous présenter, projet de décret relatif à l'élection et aux traitements des officiers du tribunal de Paris.
Vous vous rappelez, Messieurs, que le procureur syndic du district est chargé par votre décret de la formation du juré d'accusation ; comme il n'y a point de procureur syndic dans la ville de Paris, nous vous proposons l'article suivant :
Art. ler.
« Le procureur de la commune de la ville de Paris et la municipalité rempliront, pour la formation du juré d'accusation, les fonctions attribuées aux procureurs syndics du district. » (Adopté.)
, rapporteur. Nous avons pensé qu'un seul accusateur près du tribunal-criminel ne pourrait pas suffire à Paris où il y a une grande quantité d'affaires; nous avons pensé qu'il fallait en mettre deux. G'est l'objet de notre second article que voici :
« Il y aura auprès du tribunal criminel deux accusateurs publics. »
Je crois qu'il serait plus convenable de donner à l'accusateur public un substitut qui serait payé par la nation.
, rapporteur. J?adopte l'amendement et je rédige comme suit l'article ;
Art. 2.
« Il y aura auprès du tribunal criminel un accusateur public, et un substitut salarié. » (Adopté.) ,
, rapporteur. Voici l'article 3 :
« Le traitement au président sera le triplé de celui accordé aux juges de district de la ville de Paris. »
Je demande que le traitement du président soit le même que celui du président de la Cour dë cassation. (Murmures.)
[4es=ieurs, l'Ascemblée nation le n'a pis Jiési é à donner des traite mens de 15, 20 et 30'mille francs pour les fo ictio s financières qui occupent peuMHre deux ou trois heures par jour dans un cabinet où l'on est fort à ViAm»; et l'on irait éplucher sur 1és fonctions qui de* mandent un sacrifice entier, un dévoueme et absolu aux fonctions les plus affligeantes de l'humanité. Voyez, Messieurs, si vous voulez faire cette vilenie*là»
Je demande la question préalable sur l'amendement.
Je persiste dans l'amendement.
(L'Assemblée, Consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement.)
Je demande que le traitement du président soit-, dans tout le royaume, le double de celui attribué aux juges de district du lieu. Que peut-on demander de plus raisonnable?
(L'A-semblée adopte l'amendement de M. Lan* juinais.)
En conséquence, l'article 3 est mis aux voix daus les termes suivants :
Art. 3.
« Le traitement du président sera, dans tout le royaume, le double de celui attribué aux juges de district du lieu. » (Adopté.)
Art. 4,
Celui des accusatpurs publics sera des trois quarts de celui de président. » (Adopté)
Art. 5.
« Il y aura, auprès du tribunal, un commissaire du roi, dont le traitement sera égal à celui des commissaires du roi du tribunal criminel. » (Adopté.):
, rapporteur. Voici l'article 6 :
« Le greffier du tribunal criminel aura 4,000livres de traitement ; il sera remboursé tous les trois mois, par forme d'indemnité seulement, des frais de ses expéditions. »
Je demande qu'on (donne au greffier 6,000 livreB ; c'est la place la plus pénible.
, rapporteur. J'adopte l'amendement de M. Loys. *
Je demande si le greffier du juré fera payer les expéditions.
, rapporteur. Je propose, comme le nombre des expéditions est très considérable, maist cependant inconnu, que le traitement du greffier et la paye de ses commis soient pris en considération dans l'article et que le département soit chargé de fixer quel sera le prix qu'on lui donnera pour chacune de ses expéditions.
Avant de fixer le traitement, il faut décréter qu'il n'y aura point de frais d'expédition, et, comme le timbre est une charge pour l'Etat, je propose dé le supprimer et que les, expéditions se fassent sur papier libre.
Je demande,que le traitement soit fixé à 4,000 livres; il sera toujours
temps d'augmenter Pi le greffier fait sur ce point des observations nouvelles.
Plusieurs membres : Aux voix î aux voixl
(L'Assamblée, consultée, décrète que le greffier aura 6,000 livres de traitement fixe à Paris.)
, rapporteur. Jte propose de renvoyer au département à fixe" une so me pour les expéditions gratuites que le greffier sera teaa do fournira l'accusé.
Mais cela n'est pas ad->missive; il faut"prendre l'esprit de l'article et en changer la rédaction. Il faut charger le département de rembourser au greffier, tous les trois mois, les déboursés et frais des exoédiliong qu'il sera tenu de donner gratuitement; et alors il fournira son état comme on faisait à l'intendance et souvent on ea retranchera une partie.
, rapporteur. C'est là l'intention de l'article; mais ceue minière d'opérer par des mémoires est toujours onéreuse à la nation*
Je croi* que le mémoire est le seul moyen qu'on puisse adopter; car un forfait peut être d'un très grand dé-avantage ; il pour* rait surcharger le Trésor public; it pourrait de même écaserun greffier» Ainsi je demanderais que l'article fût décrété dans ces t rmês : :
« Le greffier fournira l'état de ses déboursés» qui 6era réglé par le département. *
Un membre : Je demande, pour détruire les abus, que les états Boient signés du président du tribunal.
,rapporteur. Voici comme je pfo* pose de rédiger l'article :
Art. 6.
« Le greffier aura 6,000 livres de traitement fixe à Paris. Ii sera remboursé tous les troiii mois» par le département, par forme d'indemnité seulement, des frais de ses expéditions, qu'il sera tenu de fournir gratuitement aux accusés; l'état des frais sera certifié par le président. » (Adopté.)
Je demande que le papier timbré soit supprimé pour toutes les expéditions dépendant du tribunal criminel, et qiron y substitue le papier libre,
Un membre demande lerenvol de la motion de M. Tuaut de La Bouverie au comité des contributions, pour en rendre compte.
(Ce renvoi est décrété.)
, rapporteur. Voici l'article 7 *.
Art. 7.
« Il y aura 3 huissiers de service auprès du tribunal. Leur traitement sera de t,200 livres chacun. » (Adopté.)
, rapporteurt donne lecture de Far-ticle 8 ainsi conçu :
Art. 8.
« Les électeurs actuels de Paris se ras?emiteront pour nommer le président du tribunal criminel et le suppléant, les deux accusateurs publics et le greffier, et nommeront en même temps
aux places de juges el de suppléants, vacantes dans les tribunaux. » (Adopté.)
, ra^orfew. Voici maintenant quelques articles qui ont trait à la totalité du royaume :
Art. 9.
« Dans les villes de chef-lieu de département où siègent les tribunaux criminels, il y aura, auprès des commissaires du roi, un adjoint. »
Il n'y a qu'un seul dé-Êartement dans le royaume (l'Ardèclie) ou le tri-unnl criminel ne soit pas dans une ville où il y ait un tribunal de district. Il est donc indispensable d'établir auprès du tribunal criminel de ce département Une commis-ion ad hoc et permanente. En conséquence, je demande que l'Assemblée décrète qu'il y aura un commissaire du roi près de ce tribunal criminel.
L'Assemblée nationale a rejeté par la question préalable la proposition de nommer un commissaire du roi près les tribunaux criminels dans chaque tribunal criminel, et l'Assemblée ne l'a point fait sans connaissance de cause; Vu la nature des fonctions attribuées pour le civil anx commissaires du roi, il est visible qu'ils n'auraient eu rien ou presque rien à faire : il;adonc fallu les occuper dans les affaires criminelles. Je réclame donc le décret déjà rendu par l'Assemblée nationale. Si on pouvait tous les jours proposer sous d'autres formes des mutions repoussées, alors la dictature dea coïni tés, serait irrésistible, puisqu'ils seraient toujours les piai-tres des moyens qu'ils jugeraient à propos de choisir pour faire prévaloir enfin leur système chéri. Je demande la question préalable.
Je prie l'Assemblée de considérer que cette proposition n'a jamais été discutée, et je vais répondre d'une manière péremptoire aiix observations du préopinant. Dans l'ancien régime, sans doute, le même individu pouvait servir au même tribunal et auprès du même, ta t au civil qu'au criminel, parce que c'était le même tribunal el les mêmes juges qui rendaient la justice sous ces deux rapports.
Ainsi, dans le nouveau régime, si le tribunal criminel et les juges se trouvaient réunis au mêrpe tribunal tendant la justice en matière civile, tout ce qqe vous a dit le préopinant serait parfaitement exact. Vous pouriiez ordonner ce qu'on a fait jusqu'ici; mais, Messieurs, le tribunal criminel e-t tout à fait différent du tribunal de district. Vqs comités ne pensent pas que l'institution des jurés puisse produire l'elfét que vous en attendez, ou même qu'elle puisse subsister, si vous n'adoptez pas la proposition qui vous est faite. Si vous voulez l'environner des instruments qui lui sont nécessaires, il n'y a pas de meilleure sauvegarde pour la liberté publique que l'institution des jurés; elle vaut mieux pour la liberté de la France que plusieurs lois politiques que vous avez faites. L'expérience le prouve chez nos yoisins; mais une institution aussi utile qui demande tant de précautions, établie dans un moment de révolution, après l'usage des anciens tribunaux, demande de votre part des précautions particulière-.
Les comités n'ont vu que deux partis à prendre, ou suspendre tout ce qui regarde les jurés, jusqu'aux époques où les législatures croiront
qu'il est praticable, ou admettre ce qui vous est actuellement proposé. Comment est-il possible que, parce qu'on demande des adjoints aux commissaires du roi, on ne veut pas voir qu'ils sont rigoureusement nécessaires ? Mais, Messieurs, s'il était nécessaire d'en é'ablir deux auprès du tribunal criminel, il faudrait les établir, ou renoncer à l'institution des jurés. Ici on ne fait autre chose que vous proposer une disposition qui est prouvée nécessaire, d'une manière mathématique; car il est physiquement impossible que le mè ne homme puisse être, dans les occasions important s, iout à la fuis auprès du tribunal criminel et du tribunal civil. Je conclus, Messieurs, à ce qu'on adopte l'avis des comités.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(L'article 9 est adopté sans modifications.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10 ainsi conçu :
« Le greffier criminel aura, dans les dénarte-ments, u i traitement fixe de 1,000 écus; il sera éga'ement remboursé de ses frais de la manière déterminé par l'article 6.
Je propose d'attribuer à ces greffiers les trois quarts du traitement du président.
Voix diverses : Les deux tiers ! — Lp tiers I
(L'Assemblée, consultée, décrète que le traitement du greffier criminel dans les départements sera du tiers de celui du président.)
En conséquence, l'article est mis aux voix en ces termes ;
Art.. 10.
« Le greffier criminel aura, dans les départements, un traitement fixe du tiers de celui du président; il sera également remboursé de ses frais de la manière déterminée par l'article 6. » (Adopté.)
Art. 11.
« Toute consignation d'amende, en matière criminelle, est défendue. » (Adopté.)
Un membre : Je vais découvrir à l'Assemblée un abus qui s'est introduit dans quelques tribunaux. Les commissaires du roi p ès certains tribunaux ont établi des secrétaires, sous le nom de secrétaires au parquet, dont ils font payer les salaires par les plaideurs au moyen d'un tarif que ces com uissaires du roi ont fait éux-mêmes et dont les droits sont plu-* ou moins exagérés.
Je demande que les comités de Constitution et de ju'iicature nous donuent une loi pour défendre à tous les commissaires du roi d'avoir des secrétaires au parquet.
J'appuie l'amendement. Je crois nécessaire à la chose publique d'extirper l'infernale habitude de piller les plaideurs.
Je ne crois pas qu'il faille renvoyer aux comités la proposition qui vient d'être faite : il a été décrété que la justice serait rendue gratuitement. Il est juste que les commissaires du roi ne puissent exiger, quoi que ce soit d'un plaideur; ou s'ils s'avisent d'établir des secrétaires, et de leur attribuer des appoi tements, il est évident qu'indirectement ils exigent des parties ce que la loi leur a défendu d'exiger.
Je demande que dès à présent il soit décrété que les commissaires du roi ne pourront faire payer leurs secrétaires par les parties, et qu'il soft statué que les parties, qui auront été obligées à faire quelque payement de cette e-pèce, soie t au onsées a en réclamer le remboursement contre les commissaires du roi. (Applaudissements.)
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande qu'au lieu de cela, l'Assemblée décrète que tous les juges ou commissaires du roi qui, par le passé, auraient pe çu ou percevraient à l'avenir quelque chose qui ne leur serait pas attribué par la loi, et auraient exiiré de l'argent des parties par eux ou par leurs secrétaires, seront poursuivis comme concussionnaires et destitués de leurs offices. (Applaudissements.)
, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle. J propo-e à l'As-emblée de passer à l'ordre du jour, parce que l'ordre du jour est le Gode pénal et qu'un titre de ce projet contient précisément d* s dispo itions qui ont trait à la punition des délits commis par les fonctionnaires publies qui rec vraient inégalement de l'argent.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Je demande que l'on fixe le traitement des adjoints au commissaire du roi, que vous venez d- décréter. Je demande encore qne M. le rapporteur nous explique si les adjoints pourront faire le service devant les tribunaux civils.
Je demande le renvoi de ces objets aux comités.
(Ce renvoi est ordonné.)
La discussion est ouverte sur le projet de Code pénal (1).
, rapporteur. Messieurs, bien que le projet de Gode pénal que vos comités m'ont chargé de vous présenter con i'-nne un grand nombre d'articles et soit fort étendu, il se réduit cependant à quelques principes généraux assez simples. La quesiiou la plus importante de cette matière et sur hqueHeje crois que l'Assemblée doit d'abord fixer son attention est cel e-ci : La peine de mort sera-t-elle ou non cons» rvée ?
Le préambule de toute la discussion est de fixer le princ pe sur cette grande »t importante question; c'est donc, Messieurs, la proposition que j'engage l'Assemblée de soumettre tout d'abord à la délibération.
Vos comités ne pourraient à cet égard que vous répéter ce qu'ils ont dit dans leur rapport ; nous n'avons donc rien à ajouter pour le moment. Nous nous contentons de vous prier d'ouvrir la discussion sur cette question unique : La peiue de mort sera-t-elle conservée ou non ?
Le projet qui vous est soumis demande le plus mûr examen, et nous avons
eu tr» p peu de temps pour l'approfondir. Kn parcourant ce projet, j'ai
aperçu des détails iuti-
Lorsque, Messieurs, vous étiez dans l'énergie de votre jeunesse comme Assemblée, je crois ou'un ouvrage de ce genre aurait pu vous être proposé. Vo saviez encore toute la vigueu-, tout le ressort nécessaire pour vou-! eu occ iper; mais aujourd'hui, Messieurs, vous m'excuserez si je prends la liberté d'observer à l'Assemblée qu'elle n'est plus dans ce temps heureux » ù elle jouissait de toute sa fo ce, de tout sou courage ; il est plusieurs ex°mples qui ont prouvé à lEurope, à ia France, à l'Assemblée elle-même, qu'elle touche à l'âge où la force s'épuise, où le courage disparaît... (Murmures au centre.)
A l'extrême gauche : Il a raison.
D'après ces observations, d'après la considératio i que j'invite l'Assemblée à faire de sa las-itude, je vais proposer à l'Assamblée d'ajourner I proj t de Co ie pénal qui lui est présenté. J'ajoute à ces considérations quelques aut'es observations. Pour tracer un svetème criminel, je crois qu'il faudrait d'abord partir des princi es généraux, pour en déduire successivement les conséquences. Eh bien, Messieurs, eu parcourant le rapport de votre comité, il m'a semblé qu'il ne vous avait pas mis à même de saisir les urincipes qui' l'ont guidé. Je n'ai vu aucune espèce de p incipe posé dans ce rapport. Il me semble que les principes de la jurisprudence criminelle sont ceci : nous avons intérêt de maintenir l'ét it social : après cela, chaque individu a intérêt, sous cet état sociil,que sa vie, sa liberté, son honneur soient conservés. Voilà, je crois, les éléments dont il faut partir pour nacer des lois criminelles. Jecrois qu'il y a délit où la prospérité, Flic nenr, la liberté des individus nt étél»les és.Eh bien! Messieurs,au premier pas, je vois les comités omettre totalement ce point : l'honneur descioyens n'est pas mis à couvert par la loicrimi elle qu'on vous propo-e. 11 n'y a aucune espè e de loi répressive sur la calomnie. La calomnie, Messieurs, est un des délits les plus dangeieux qui puissent exist r. Assurément, je crains bien moin-î le voleur qui s'introduit dans ma maison, qui me vole mua argent et mes effets, que je ne crains l'être abominable qui m'enlève mon honneur,q.ii me suppose, qui me pein* à mes concitoye s sous es couleurs atroces, sous des couleurs dangereuses. Sous ce premier rapport, je voi« donc que le comiié lui-mém *, m igré toute l'attention qu'il a donnée à son travail, malgré le zèle qu'il y a apporté, a donné un témoignage de la lassitude dans laquelle était en ce moment l'Assemblée. (Bruit.)
La loi criminelle doit être considérée comme ayant di-ux objets: premièrement, la détermination des actions qui sont imputé' s à quel tu'un ; secondement, la fixation des peines qui doivent réprimer ses délits; et j'ob erve, sous le p emier point de vue, que le comité n'a pas eu même assez de temps à lui pour saisir tous les rap-
ports qu'il a omis ; car le* actions qui blessent l'honneur des citoyens doivent être Comptées parmi les délits les plus g aves. Je m arié e à cette observation unique. Je ne vai» pas bien loin, car j'ai d'âbord observé à l'Assemblée qu'il m'a élé impossible, et il me Semblé, à moi, qu'il est impossible à tout bon esprit de déterminer sur une lecture, sur un examen île trois jours, toutes les idé s sur un pareil travail.
Je m'ariête donc sur cet objet : aptès cpla, en jetant un coup d'oeil sur le système général du comité, voici l'observation que je fais : il me semble, et il a semblé même au Comité, qu'il doit exister une sorte de rapport entre tes délits et les peines. Je dis qu'il a semblé mè ne au comité, car, au début du rapport, j'aperçois que le comité-, en partant des lois anciennes, leur fait leur procès sur ce qu'il n'existait aucun rapport entre les délits et les peines. Or, Messieurs, voici comment le Comité détermine ces rapports entre les délits et les peines.
Il me semble, à moi, que,pour établir ces rapports, il faudrait faire porter les peines sur les mêmes objets que portent les délits. Hé bien, le comité prend un tout autre plan, de manière que si j'ai trahi mon pays, on m'enferme; si j'ai tué mon père, on m'enferme; tous les délits imaginables sont punis de la manière la plus uniforme. Or, je demande quelle espèce de rapport le comité met entre cette manière uniforme de punir l'étonnante diversité des délits qui peuvent être corn-1 mis par les hommes en société. 11 me semble, à moi, voir un médecin qui, pour tous les maux, a le même remède. J'ajouterai seulement que tous les législateurs, à ce que je crois, ont tiré un très grand parti des peines pécuniaires, et qu'il est une infinité de délits auxquels elles conviennent parfaitement. 11 est une infinité de délits que les hommes commettent par esprit de cupidité et d'avarice; punircette espèce de délit p^rde^peities pécuniaires, voilà ce que j'appelle établir des rapports entre les délits et les peines.
Je propose donc à l'Assemblée d'ajourner et de renvoyer à la législature prochaine la discussion du projet du Code pénal sauf quelques réformes particulières que vous pouvez faire, dès à présent, sur nos lois criminelles actuelles.
La proposition de M. Chabroud est inadmissible et je suis d'avis qu'il nous faut discuter en entier le Code pénal.
L'institution des jurés est matériellement impossible sans la réformation du Code pénal; elle exige que telle peine corresponde à tel délit; elle devient inutile, si on ne décrète pas la loi qui doit régler invariablement la décision des juges.
M. Chabroud vous propose de remédier à quelques points essentiels. Ce n'est pas là, comme on voudrait vous le persuader, une économie de temps; et la réforme particulière à laquelle le préopinant Voudrait que vous vous bornassiez entraînerait une discussion tout aussi longue et bien plus imparfaite que la réforme constitutionnelle que vous proposent vos comités!
Vous avez fondé une Constitution nouvelle dont la liberté fait la base, et le code monstrueux que nous vous proposons de détruire est incompatible avec elle. D'ailleurs, le projet de vos comités contient plusieurs articles constitutionnels sur lesquels vous ne pouvez vous dispenser de prononcer et qu'il est impossible de renvoyer à lalégislature. Il est plusieurs anciennes lois criminelles qu'il est impossible de laisser subsister, les unes par leur opposition aux: principes, les au-
tres par leur barbarie. Vous avez dernièrement eu 1«'B oreilles frappées par le Bruit de ce sup« plice affreux dont la seule idée fait frémir; pou-vez-vous laisser subsister plus longtemps une pareille at'OCité, la loue?
M. Chabr iud Vous dit: 11 faut simplement adoucir les peines atroces qui existent; il faut établir une proposition exacle entre les peines et les délits. — J'y ajouterai ce dont, à son défaut, l'Assemblée conviendra: Il faut aussi changer un grand nombre de peines, et ainsi reprendre en détail toutes les peines, tous les changements qu'il demande et tout? ceux qui sont nécessaires.
Pour faire un bon G >de pénal, il faut concevoir un système de pénalité qui pui-se se graduer de manière qu'on puis e en considérer l'ensemble; or,toutes lessubstitUtionsdepeinespourles divers genres de crimes auxquelles nous serions fatalement entraînés si nous ne décré ions pas l'ensemble du projet du comité, rendraient le travail infiniment i lus long que la décrétation du Gode soumis à la discussion de l'Assemblée.
Je demande donc la question préalable sur l'ajournement»
Un membre observe qu'il serait possible de remédier à la rigueur excessive de quelques peines portées par nos anciennes lois et propose que les comités de Constitution et de judicature soient tenus de présenter dans la quinzaine les modifications les plus indispensables.
Vous avez été frappés de la justesse des observations de M. Chabroud, je pense cependant que, pour l'établissement du haut juré, il faut déterminer la nature des peineB qui s ront infligées aux crimes de lèse-nation, aux délits contre la Constitution. Remarquez que ceux qui vraisemblablement attenteront à cette Constitution sont une espèce d'hommes accoutumés aux douceurs de la vie, ce qui pourra changer la nature de vos idées sur les peines qu'ils devront encourir.
Je demande en conséquence la division de l'ajournement.
La question préalable sur la division. Nous demandons un Code pour des hommes libres, et nous le demandons sur-le-champ.
J'appuie la question préalable.
Je demandé à parler sur la division (Murmures.)... Notre Code pénal est infiniment barbare; il faut sans doute le corriger; mais il làut le corriger plus sagement qu'on ne nous le propose. Je demande donc.» (Murmures et interruptions.)
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer ni sur la division ni sur l'ajourne-* ment.)
En conséquence, la discussion est ouverte sur l'ensemble du projet do Gode pénal et particulièrement sur la question de savoir si la peine de mort sera ou non conserrée.
Messieurs (i), la peine de mort sera-t-ellé conservée ou abolie? Si on
la conserve, à quels crimes sera-t-elle réservée? Je passe avec respect
devant un autre problème qui précède ces deux-là. Il est de savoir si
l'homme a pu trans-
Dans le nombre des hommes qui gouvernent l'opinion, Montesquieu, Rousseau, Mably et Filan-gieri, maintiennent qu'il l'a pu. Beccaria ie nie; et chacun sait quel est, depuis 25 ans, l'ascendant de son esprit sur les autres esprits. Cette question a des profondeurs que l'œil peut à peine mesurer. Je m'arrête donc sur les bords, et je suppose que la société ne puisse priver de la vie un de ses membres sous peine d'être injuste ; cette supposition adoptée, voici mon raisonne^ ment: garantissez-moi que la société pourra dormir sans cette injustice-là. C'est un point si con* eidérable, et tout y tient tellement, qu'il faut d'abord s'y attacher.
Une des premières attentions du législateur doit être de prévenir les crimes, et il est garant envers la société de tous ceux qu'il n'a pas em- Eêchés lorsqu'il le pouvait. 11 doit donc avoir deux uts: l'un d'exprimer toute l'horreur qu'inspirent de grands crimes, l'autre d'effrayer par de grands exemples. Oui, c'est l'exemple, et non l'homme puni, qu'il faut voir dans le supplice.
L'âme est agréablement émue, elle est, si je puis le dire, rafraîchie à la vue d'une association d'hommes qui neconnaît ni supplices ai échafauds. Je conçois que c'est bien la plus délicieuse de toutes les méditations; maiboù se cache la société de laquelle on b.mnirait impunément les bourreaux? Le crime habite la terre, et la grande erreur des écrivains modernes est de prêter leurs calculs et leur logique aux assassins; ils n'ont pas vu que ces hommes étaient une exception aux lois de la nature, que tout leur être moral était éteint; tel est le sophisme générateur des livres. Oui, l'appareil du supplice, môme vu dans le lointain, effraye les criminels et les arrête ; l'échafaud est plus près d'eux que l'éternité. Ils sont hors des proportions ordinaires; sans cela assaasine-raient-ils? Il faut donc s'armer contre le premier jugemeut du cœur, et se défier des préjugés de la ver lu.
1° Il est une classe du peuple chez qui l'horreur pour le crime se mesure en grande partie sur l'effroi qu'inspire le supplice; son imagination a besoin d être ébranlée, il fautquelque chose qui retentisse autour de son âme, qui la remue profondément, pour que l'idée du supplice soit inséparable de celle d'un crime; singulièrement dans ces grandes cités, où la misère soumet tant d'individus à une destinée malheureuse.
Cette quantité n'est point à négliger dans le calcul du législateur. Avant de briser un ressort tel que celui de la terreur des peines, il faut bien savoir que mettre à sa place, et se souvenir du précepte, hAten-vous lentement, dès là surtout que la mesure du danger est inconnue.
2° Vous avez effacé l'infamie qui faisait partie de la peine; le criminel, s'il est père, ne léguera plus l'opprobre à ses enfants; or, si vous supprimiez à la lois et la mort et la honte, quel frein vous resterait-il?
Personne ne combine comme un scélérat froid; il se disait alors : J'ai deux chances, la première est la fuite (et l'homme conserve toujours l'espérance d'échapper); la seconde est la soustraction à la mort, si j'ai la maladresse de me laisser prendre. Telle serait sa petite géométrie ; et à quel degré ne menacerait-elle pas la société entière I
Celui qui veut commettre un Crime, répondra-t-on peut-être, commence par se persuader qu'il échappera au supplice ; et il part aç cette espèce de certitude qu'il se compose.
Si l'objection est exacte, la conséquence immédiate est qu'il faut abolir, non la seule peine de mort, mais toutes les autres, puisque le scélérat calcule comme si ces deux choses n'existaient pas; si c'est ce que l'on veut dire, toute discussion doit finir là. Mais c'est à peu près discuter l'évidence, que d'ériger en probème si la perspective de la mort, si le spectacle de ceux qui la subissent, laissent le scélérat tranquille. Il lui faut un ébranlement et des impressions physiques \ son âme est fermée à toute autre émotion.
Le méchant ne craint pas Dieu, mais il en a peur; tel est le sentiment qu'éprouve le scélérat à la vue de l'échafaud. Gardez-vous donc de désespérer de l'énergie dë ce ressort, très malheureusement nécessaire. Que prétehd-on, au reste, lui substituer? Un supplice lent, un supplice dè toUB les jours? L'idée n'est pas neuve. Mais quelques années sont à peine écoulées, que le sentiment d'horreur qu'inspire le crime s'affaiblit, on ne voit plus que la peine et son éternelle action; le criminel finit par intéresser, et alors on est bien près d'accuser la loi. Tout cela ne varie que par des plus oude3 moins, plus difficiles à exprimer qu'à saisir : or, est-ce Une bonne législation que celle qui fait infailliblement passer la pitié de l'assassiné à l'assassin?
La société doit garantir, protéger et défendre; le pourra-t-elle réellement avec cela? Observez que la nécessité a presque dicté leB mêmes lois par toute la terre et c'est une terrible autorité que celle du genre humain. A côté d'elle se place un raisonnement qui n'en est pas indigne. Qui vous répondra qu'aucun de ces criminels, que vous condamnerez à un perpétuel esclavage, ne brisera ses fers et ne viendra effrayer la société par des crimes nouveaux? Que deux seulement échappent dans une année, et voilà 100 autres scélérats qui se livreront au crime, dans l'espoir d'échapper comme eux.
Quelle inégalité ne jetez-Vous pas entre le pauvre et le riche! De tous les êtres un geôlier n'est pas le plus incorruptible; il y a des choses que le riche trouve toujours à acheter, ou par lui ou par sa famille, lorsqu'il a une grande mesure d'intérêt à le faire. Ainài vous assurez l'impunité à celui qui aura de l'or et des patrons; toujours il échappera à vos lois, et le pauvre seul sera puni. Je me trompeencore dans un sens ; l'adresse du scélérat robuste finira, dans plus d'une occasion, par lui tenir lieu d'or. Quelle est la prison dont, à la longue, des êtres de cette trempe ne s'échappent pas?
Je suppose (et l'hypothèse est dure) qu'ils subissent leurs 12 ou leurs 24 années; combien ne se corrompront pas, entre eux, des hommes qui seront en communauté de vices pendant 24 ans? que seront-ils ea sortant de là? Si & la longue l'haleine de l'homme est mortelle à l'homme, plus encore au moral qu'au physique, qu'aurez-vous à espérer d'eux? Mettez pemant 24 ansj pendant 10, et même beaucoup moins, un homme honnête eu société avec des assassins,, s'ils ne se corrompt pas, l'expérience des siècles aura tort.
Sans être exagérateur ni fataliste, On peut dire qu'il est des hommes dont la probité n'est qu'une impuissance; ii en est qui ne s'éehappetit. de Brest où de Toulon que pour se faire conduire à la mort, c'est ce qui explique l'endurcissement des vieux crimiualistes. Si vous forcez vos juges à respecter la vie de ces êtres qui regardent les supplices comme leur mort naturelle, que deviendra la sûreté publique? 11 faudra donc rendre
à chaque citoyen l'exercice de sa force individuelle.
Observez qu'aujourd'hui la justice criminelle est généreuse, qu'elle e»t même m gnanim ; la procédure nVt plu* un duel entre elle et l'accusé, elle associe le public à ses décrets, et l'on a éiui*é tout pour que h tête d'un innocent ne puisse plus tomber. Si à l'établissement des jurés vous joignez l'abolition de la peine de mort; si vous ôtez à l'homme, c'est-à-dire à un être qui abuse de tout, le plus grand des freins, craignez que dans 20 ans la Frauce ne soit plus qu'une forêt.
La Toscane, me dira-t-on, en est-elle une? et cependant la p ine de mort y est ab lie.
Quelle distance entre les rapportsI La Toscane est un petit Eat, et le prince un père de famille qui surveille et embrasse d'un coup d'œil tout son duché.
Ecuutoos M. Dupaty, dans ses lettres sur l'Italie..»
« Le grand-duc voit passer, pour ainsi dire, une pensée mécontente au fond de l'âme, et l'arrête tout court par un seul mot. Ou lui reproche d'avoir des espions; il répond :;je n'ai pas de troupes. »
Un tel gouvernement prévient les crimes, et n'a plus à les punir. C'est une machine qui peut aller en petit, parce que tout est sous la main du mécanicien, et que les frottements sont piesque nuls; mais essayez de les exécuter en grand; voyez si l'empereur a confirmé, s'il a adopté les lois du grand-duc.
L'impératrice de Russie, Elisabeth, fit serment, en montant sur le trône, de ne punir de mort aucun criminel, et ce serment fut accompli. On s'empressera d'assurer que depuis elle il y a eu moins de crimes en Russie que dans le temps où les supplice^ y étaient prodigués.
Si la conséquence est exacte, je demande pourquoi Catherine l'a rétablie, pour fies cas rares je l'avoue, mais elle l'a rétablie. Si elle avait pu ne pas le faire, aurait-elle perdu cette occasion de plus de faire parler les bouches de la Renommée, elle dont le cœur est le théâtre «le toutes les ambitions, elle qui voudrait monter au temple de la gloire par tous les chem!ns?
La sagesse américaine a-t-el le proscrit la peine de mor? Ce peuple, qui a procédé avec tant de maturité, s'est-il privé d'un tel ressort? Celui que l'on peut regarder comme l'héritier de la sagesse des peuples primitifs ne l'a-!-il pas conservée? Seulement nul eoupab'e ne peut subir sa sentence qu'el'e n'ait été revue p ir l'empereur, car il serait barbare, dit la loi le la Chine, qu'un fils mourût à Vinsu de son père, i
Les fon dateurs de ces em . ires ont bien vu que nécessairement il falait gouverner par les sensations et par la crainte ceux que l'on ne pouvait gouverner par la frison.
A cela s'unit m e vérité non moins importante, c'est que la scie 'ce du législateur ne consiste pas tant à porter des lois qu'à counal re celles qu'il ne f iut pas faire. Or, dans quel moment aboli-riez-vous la peine de mort? Dans un moment d'anaichie, où vous n'avez pas assez de toutes vos forces contre la multitude, à qui l'on a appris qu'elle pouvait tout; où il faudrait multiplier les f eins et les barrières contre elle, loin de les affaiblir; dans uu moment enfin où le sentiment de la religion est prêt à s'éteindre dans plusieurs clas-es de la société, et où les mœurs eu général ne sout pas d'une très grande pureté.
Ne croyez pas que vous allez faire sortir de
terre une génération propre à recevoir Vos lois ;' il faut vous borner à examiner ce que vous devez craindre, ce que vous devez espérer des hommes d'après ce qu'ils ont été dans tous les siècles.
Sans doute on doit laisser crier le préjugé, mais c'est lorsque l'on a pour soi la raison. Quel fut à Rome, dans la liste des empereurs, le premier désapprobateur de la peine de mort? Néron. Pendant plusieurs année.!»,chaque fois qu'il signait un arrêt de mort, il s'écriait : Jj voudrais ne pas savoir écrire. Vellem nescire litleras. Constantin, que plus d'un historien accuse d'avoir été l'assassin de presque toute sa famille, fit apprendre à écrire à son fils en l'obligeant à copier des lettr s de grâce.. Trajan, Mirc-Aurè'.e et. le pieux Anto-nin,ces êtres que le genre humain produitèoûnmiî des monuments dont il s'honore* ont-ils aboli la peine de mort?
Titus se fit souverain pontife, dit Suétone, pour n'être ni l'auteur ri i le c imp'ice de la mort d'à > cun citoyen; ut puras servaret manus : nec auclor posthàc cujusdam necis, nec conscius. Prétendrons-nous être plus éclairés que T' ajan et Marc-Aurèlc, et plus humains que Titus? Il voulut conserver ses mains pures, mais il s'arrêta là, comme à une limite sacrée.
, Je le demande une sèconde fois, quelle peiuo subsiitue-t-on à celle de mort? La perte de l'honneur et celle delà liberté, pendani un temps donné. 1° La perte de l'honneur; mais c'est le crime qui a tué l'honneur du coupable, et non la peine que vous lui infligez : il a ie courage d la honte, voilà trop souveni ce qui lui reste; 2° la perte de la liberté; mais jusqu'à ce moment la conversion de la peine de mort en prison perpétuelle avait été considérée comme une grâce. Le comité propose donc de donner, ou à peu près, des lettres de grâce aux assassins : voilà où la manie du système conduit des hommes qui ont la plus grande honnêteté et : la meilleure tête. Là où l'honneur se tait, il ne reste plus qu'à faire parler la terreur, et l'ennemi le plus terrib e de la société est celui qui la livre à la merci des scélérats. Dans chaque grande époque, une nation est domi ée par une idée principale qui la maîtrise et l'entraîne. Aujourd'hui règne la vieille chimère de la perfection. On se crée un monde, sinon imaginaire, au mi iris très difficilement possible; et c'e-t dans cette espèce dè région que les faiseurs résident; ayons le bon droit de les y laisser, et d'habiter avec la sagesse du monde réel.
La triste nécessité de la peine de mort ainsi établie, je me porte sur la seconde que-lion : Y aura-t-il des peines au. delà de la simple mort ?
Une réflexion dont il est impossible de se défendre, c'est que le? lois pénales de presque toutes les nations ont été faites par les puissants et par les riches, contre ce que l'on appelait alors le peuple ; en sorte que le plus beau présent à faire aux empires est un .bon Code pénal. Il y a deux vérité - qu'il ne faut jamais séparer: rien d'impuni, voilà la première ; rien de trop puni, c'est la seconde.
La peine doit être mesurée et sur le degré du crime, et sur l'utilité de l'exemple.
Le premier art d'un gouvernement est de savoir récompenser et punir. C'est donc sur l'espoir de prévenir de nouveaux crimes, qu'il fautcal u-ler les! peines sans jamais oublier que, moins ell s sont atroces, moins les crimes sont fréquents, et que quelquefois une lui trop rigoureuse les produit. La mort la plus douce est donc aussi le supplice le plus cruel que le législateur puisse
et doive infliger : enfin la dernière et plus consolante conséquence, c'est que le dictionnaire des supplices à mnrt doit être réduit à une seule ligne, et le Gode réconcilié avec l'humanité.
Je suis encore à concevoir comment les criminalités qui ont fait une échelle de peines atroces n'ont pas senti vaciller leur plume„en la traçant.
Si la mort d'un grand criminel est un acte d'humanité envers la société, un supplice recherché est un inutile et daagereux attentat de la part du législateur. » :
Je dis inutile, et l'histoire l'atteste ; chaque fois qu'elle par^e des {supplices recherchés, elle a à raconter de grands crim s.
Je dis dangereux, parce que ces supplices inspirent pour les coupables un intérêt qui est presque inséparab e d'une sorte d'indignation et d'horreur contre tes juges; parce qu'en inspirant cette pitié dangereuse, ils familiarisent la multitude avec le spectacle des cruautés et le bruit des douleurs, et entretiennent une sorte de férocité plus propre à multiplier les crimes qu'à les prévenir.
Est-il possible ensuite de fae pas établir des gradations quelconques, et de ne pas distinguer les fautes et les crimes ? Ce serait un beau travail que celui qui présenterait l'échelle exacte de tous les délits, et celle des peines correspondantes.
À Athènes, on avait gravé quelques lois pénales sur des colonnes placées auprès dés tribunaux ; mais là, comme ailleurs, on se plaignait de ce que la punition ne suit pas la règle uniforme.
Tout être qui n'est pas privé du don de penser sentira que ta plus difficile des tâches est d'établir une proportion exacte entre les peines et les délits: toujours il faudras'arréier, apiès un certain nombre de pas, uans cette carriere', à moins que l'on ne parvienne à donner (si je puis m'ex-piimer ainsi) une nouvelle éjitiou de l'esprit et peut-être du cœur humaiu.
Dans l'impossibilité d'obtenir ce but, convenons au moins que tout ce qui est au delà de la simple mort est supérieur au pouvoir delà société, qui doit venger i'ordrê public, punir et non tourmenter.
Fais qu'il sente la mort, disait Galigula au bourreau. Ces mots, qui sont l'histoire de l'âme de cet affreux et sombre tyran, auraient suffi seuls pour lui attirer la vertue ise indignation de Tacite et l'horreur du monde; c'est là cependant Ce qu'a répété, pendant des siècles, îlot e Gode pénal; et longtemps on s'y est accoutumé, parce que l'homme s'accoutume à tous les i-peciacles et ù toutes les idées, parce qu'il y a eu des bourreaux qui ont vécu près de 100'ans.
Entier tout vivant dans la mort! n'est-ce donc pas assez? Ajouter d'S tourments à la mort est un genre d«* barbarie qui n'a appartenu qu'à l'espèce humaine. Ce ci** st pas seulement chez les sauvages de l'Amérique, ce n'est pas dans le xme siècle, c'est à la veille du xixe, que des hommes ont livré des hommes au supplice de la roue, du feu, et à d'autres que l'on envisage qu'avec Je sentiment de l'infini, et quant à l'horreur et quant à la durée. Sans vouloir outrager les mânes de quelques vieux magistrats, on e-t tenté de dire qu'ils ressemblaient un peu aux druides, qui sacrifiaient des hommes. Une belle amende honorable à faire à l'humanité serait d'ordonner que le Code pénal sera brûlé par la main du bourreau, et je voudrais pouvoir évo-
quer l'ombre des Poyet et Pussort pour les en rendre témoins.
Maintenant, à quels crimes la peine de mort sera-t-eile réservée? Si rien n'est plus précieux que la vie d'un citoyen, celui-là qui la lui arrache doit-il la conserver, doit-il continuer à jouir de la lumière dont l'assassiné ne j ouit plus?
Un écrivain qui n'a eu que le ciel pour maître, et que le philosophe a mis au rang des grands législateurs, dit: Si quis aliquem interfeceritvo-lens occidere, morte morialur... Sans placer ce principe dans le ciel, je crois qu'il est bi^n près de ressembler à ces vérités suprêmes, qu'aucun peuple n'est libre de ieconnaître ou ae ne pas reconnaîire, qu'une assemblée ne décrète ni ne juge, mais profère, recon iaît et confesse.
Ce n'est pas seulement d'après l'ancienne et l'universelle loi du talion, que celui qui a arraché la vie à son semblable doit subir la mort, c'est encore parce qu'il faut que la société soit vengée.
Mais aussi que cette peine demeure réservée à l'assassinat, sacs distinction des moyens employés pour le commettre, à l'empoisonnement, à t'incendiât, au crime de lèse-nation ; Frédéric II s'en était fait une loi le jour où il s'assit &ur le trône; pendant 46 ans, elle a été exécutée, et les plus durs raisonneurs n'ont pas osé dire qu'elle avait multiplié les crimes.
Cependant une question délicate à traiter est de savoir si celui qui commet un vol avec effraction, à main armée, doit perdre la vie. Il st bien constant que son intention est de tuer celui qui essayera de lui opposer une légitime résistance; c'est dans ce projet seul qu'il est armé; mais une intention non réalisée est-elle au niveau du crime même, et doit-elle être punie comme lui? Punira-t-on de mort un projet, lorsqu'il ne tend pas à compromettre le salut public? Ce voleur est fonde à vous dire : je n'ai pas tué; et en prononçant contre ce crime la peine capitale, vous te conduisez à assassiner, puisque par là il supprime un témoin. Tel est le grand reproche que l'ou n'a cessé d'élever contre là loi de François Ior. Convenons de sa justesse, mais avouons en même temps que, la vie de chacun étant sous la ga'd' de tous, la condamnation à la mort conire un assassin n'est que la déclaration d'un droit naturel, et que c'est quelque chose que le repos de la société.
Bien certainement il faut joindre la pitié à la justice; changer, aulani que cela est praticable, les scélérats en serviteurs de la patrie, punir utilem nt, punir exemplairement, sans répandre un sang nécessaire à l'Etat; le grand objet doit être de le servir.
Mais le comité, en proposant la peine de mort contre les criminels de lèse-nation, reconnaît doue que cette peine est utile, qu'elle est nécessaire; il reconnaît qu'elb n'est pas bonne, lapré-teimue maxime, qu e la mort ne répare rien.
Ceux qui menacent l'existence physique de tous les membres de la société, et attentent à cell de plusieurs, sont-ils plus dignes de vivre que ceux qui menacent sa vie poliiique ? La nature me donne le droit d'ôter la vie à celui qui veut me la ravir, dès qu'il ne me reste que ce moyen de me sauver; la société ne m'en a interdit l'usage qu'en me disant : je me charge de l'exercer.
Il est d'une inutilité complète de prouver que ce sont là les seuls crimes qu'elle d *it punir de mort; l'équiié naturelle n'a besoin que d'être avertie. Quelle proportion des législateurs oiit-ils pu apercevoir entre une somme d'argent et la vié
d'un homme ? Comment doriè ont-ils calculé ces rapports-là?
S'ils étaient pour un itfoiîieiit rappelés à la vie, Je leur dirais : la guperétiiiBh des anciennes règles n'est plds, cdhsditea ibUs lës ho minés assemblés, èt j'emploie d'avancé leur f'épeihsë.
J'ajotiiei ais. àidez-thoi pfbtdt à transporter âii milieu de nous l'autel que lès Athéniens-avaient fait élever à la miséricdrdë. Ah {.nous atonS bieii qdèlijUëè sabrifibes expiatoires à: lui faire.
J'excepte cependant;, et l'Assemblée exceptent sûrement âvëc moi, 1$ faBricateur dë faux assignats : belui-là tue le corps social,, et tout ést dans cë iiiot: PëriSse cet affreux talent, périssent ses àfff'eiix jiossei-jSëtirS !
Au reste, si jamais il plaît à l'Etehièl de former un pëuple neuf, ët qé l'établir dans une île tddte lieu te, té comité jpoqrrà lai prdpbser Son code ; encore si ce bebple ëst sage et ses législateurs àtiSés, la proposition séra-t-éllë ajournée à mille et un an.
Je demandé donc qdë la peiné dé mort soit conservée poiïr tes rriminëls de lèse-natibn, les assassins^ leS empoisonneurs, les. inceriaiiireS et lës fabricàtëiirs de faux assignats, saris que jamais il puisse être prBiioticé autotteVpipÉ 3ti aëlà de Id simple inort. (Applaudissants.)
(L'Assemblée décrète l'intpréssicjd au discours de M. Prugnon.)
La ndiivelle ayant été portée à Athènes be des citoyens avaient été cour damnés à mbrt dàns la ;vifte d'Àrgos, on coiirut dans les tenjples et on conjura lés dieux de dé-tournër des Athétijçns dpg pensées Si cruelles ët si funestes. Jë viens priér non les dieux, inais les légLlateuirà crpi doivent êtrë les organes et; les ijitet'prëtës des lois éternelles que là divinité a ct|clëeë aux hommes, d'ëffacërdp Code des Français lès.Ibis de satig qui coihmandeût des meurtres juHdiquës, ët que repIpUssëht leurs Ébeëiifàëif leur CbnstituUdd iibtiyéllë. Jë veux l^ttr jji'bttvëÉ- ; 1' qtie la pëidë d^ riiort est essentiellement injuste ; 2° qu'elle d'est pas ta piu& rëjiriDeknte ifes peîfies, ë), qu'Ole niultipiië lës cri mes beidtoiip plus qd'elle ne les prévient.
Hdrs delà Société civile qu'un ënnemi aclijiroè vienne attaquer mës jottrs, oti fjue,repbuSsé. vingt fois, il revienne ebcbre ravàger le champ que mes mains ont cultivé ; puisque je né puiâ opposer que mes fortes individuelles aux siennes,.il faut que je përiàse ou que je té tue ; ët la.loi de la défense naturelle me justifié et m'àpfoityûvè. Mais dans là ëpciëté, quànd la foiré dë tolis est armée cbntre un seul, quel principe de justice peut l'autoriser à lui donner la mort? Quelle nécessité peut l'ën abSoudrë? tyn vainqueur oui fàlt mourir ses ennemis captifs estappelé barbare ! (Murmhres.) Un ijbmmè fait qUi égorge uti enfànt qu'il jjëut (Jésàrmer et jbutiïr paraît up monstre 1 (Mkfihur'es.) Un accusé que la spÊiélë coridacdnë n'est tout au plus pour elle qu'iin ebhemi vainfed et impuissant, il est devant elle plus faible qu'un enfant devant un homme fait.
Il fàlit prier M, Robespierre d'aller débiter son Opinion dans là forêt dé Bdndy:
Les principes que je développe sodt ce\ii de tçbsj lés, hunimes céiëhre^ qui, eertalriémept. ne m'eusjfént jas dit.comme % Maury : Allez débiter ces maximes dans la forêt dé Borldy.
Ainsi, aiix yetlx de là vérité ët de la Jdstice, ces ScèneS de mort qu'elle ordonne àvec tant d'appareil ne sdht àbtre chose que de lâches assassinats, que dés cri nies sdlennëls, commis, non par des indiVidus, iiiàis par des nations en-tièrèSj àVec deS fbhijës légâles. Quelque cftielles, quelqlië ëxiravàgàiiteâ que soient bës lois, ne vous en étonnez plus. Elles sont l'ouvragé de quelques tyrans ; elles sont les chaînes dont ils accablent l'espèce humaine ; elles sont les armes avec lesquelles ils la subjuguent ; elles furent écrites avec du sang: « Il n'est point pëniiis de mettre à. mort un .citoyen romain, » tel était la loi que le peuple avait portée ; mais , Sylla vainquit, et dit : fous ceux qui ont porté les armes contre moi sontt dignes, dç mort. Octave et les compagnons de ses forfaits continuèrent cette loi.
Sous Tibère, avoir loiië Brutus fut un brime digne de mort. Càligula condamna à mort ceux qui étaient assez sacrilèges pour se déshabiller devant l'image (le l'empereur. Quahd ta, tyrannie eut inventé les crimes de lèse-majesté, qui étaient oU 'des actions indifférentes ou, des actions héroidues, qui eût osé penser queïlés pouvaient mériter unë peine plus douce cjtiië la mort, à mofns de se rendre cdupàble lul-tbôme de ièse-tiiajésié?
Quand le tànatisnie, né de l'union ttlbnsthiêilSe de J'igUoràncè et du despotiémë, inventa à sop tour les. crimes de lèse-majesté divine quand il conçut dans sBh délire ,1e prbjét de venger Dieu lui-mêthe, de fàïlut-il pàs qu'il lui bffilt aussi du sang, et qu'il le mit. àu mp.ihS au nivéaii des monstres i^bi se diSàierit ses imagés ?
La peine de inbrt. est nécessaire^ disent les partisans $ë répuque et barpjitë routinéisans elle, il n'est p'diilt de frein aSsèz pUlSsant pour le criinë. Qui.vdUs l'a ait ? Avez-Vous câfculé tous les ressorts par lesquels les Ibis pénales beu-vent agir sur la sensibilité hiimaitië ? Héias ! avant la mort, combien de douleurs physiques et morales l'homme ne péiit-il |Sàs endurer.
Le désiir ue vivre cédé à l'OrgUeii, ia plus impérieuse de toutes les pàssions qui màîlriàent le cœur de l'homnië ; la plus terrible de toutes les péirieS pour l'homme sociai, c'est l'opprobre, c'est l'accablant témoignage de rexécj'âtjôn pù-blique. Quançi ié législateur petit fràppei- les citoyens pat tant d'endroits sensibles ét d^ liant de manières, co m nient pourrait-il Se ct'Oirë réduit à employer la peine aë mort? Les ^eides ne sont pàs laites pour tourmenter les cOupàbles, maiS pour prévenir le crime liât là crâinte de les ehcourir. . ,
ke législateur, qui préfère la mort ét lëg péines atroces aux moyens pùiâ doux qui Soilt en son pouvoir, outragé la délicatesse publidiie, 'êrhOpsse le sentiment m'oral chezle peuple.qu\l gouverne, semblable à un précepteur mal liabile qui, par lé fréquent usage des châtiments 'cruels, abrutit et dégrade l'âme de sou élève} enfin, il use et affaiblit lès ressorts du gouvernement,, éù tou-lant lës tendre aVec plus de force.
Lë législateur quj etabtit cette peiné rçhonce à cë principe salutaire que le moyen le pîUs efficace dé ( réprimer les crirlaes, est d'adapter les îéineS âii caractère dés dlfférënteS pàssîohs qul ! es produi^ ni, et de lëS punir pour ainsi dire pâr àlës-mêmés. Il confond toutes les îqéçs, il trduble tous les rapportS| èt coitràrie oiiv'eirte-ment le but des ldi^ pénales.
Li, peine de mort est néçessaire. ditës-vous? Si cela est, pourquoi plusieurs peuples ont-ils su
g'ëti passer? Par quelle fatalité Ces peuples outils été les plus sages, les plus heureux et lés plus libres? Si la peine de mort est la plus propre à prévenir les grands crimes, il faut donc qu'ils aient été plus rares chez les peuples qui l'ont adoptée et prodiguée : or, c'est précisément tout le contraire. Voyez le Japon; nulle part la peine de mort et les supplices ne sont autant prodigués; ntillë part les crimes ne sont ni si fréquents, ni si atroces. Ou dirait que les Japonais veulent disputer dë, férocité avec lès lois barbares qui les outragent ët qui les irritent. Lès républiques de la G/èce, où les peines étaient modérées, où la peine de mort était ou infiniment rare, ou absolument inconnue, offraient-elles plus dë critùes et moins de vertus que les pays gouvernés par des lofs; de sang? Croyez-vous que Rome fût souillée par plus de forfaits, lorsque dans les jours de sa gloire, la i0»i Porcia eut anéanti les peines sévères portées par les rois et £ar les décemvirs, qu'elle ne le fut sous Sylla qui les fît ré vivre, et sous les empereurs qui en portèrent la rigUèur à un excès digne de leur infâme tyrannieI La Russie a-t-elle été bouleversée depuis que le despote qui là gouverne a entièrement supprimé la peine de mort, comme S'il eût voulu expier, par cet acte d'humanité et de philosophie, le crime dë retenir des millions d'hommes sous le joug du pouvoir absolu?
Ecoutez la voix de la justicë et de la raison; elle nous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homme condamné par d'autres hommes sujets à Teneur. Eussiez-voùs itnâgihé l'ordre judiciaire le plus parfait, eussiez-vous trouvé les juges les plus intègres et les plus éclairés, il restera toujours quelque place à l'erreur èt à la prévention. Pourquoi vous interdire le moyen de les réparer? Pourquoi vous condamner à l'impuissance de tendre une main secourable à l'innocence opprimée?Qu'importent ces stériles regrets, ces réparations illusoires que vous accordez à une ombre vaine, à une cendre insensible? Elles sont les tristes témoignages de la barbare témérité de vos lois pénales. Rivir à l'homme la possibilité d'expier son forfait par sdn repentir OU par des actes de vertus; lui fer-cfïér impitoyablement tout retour à la vertu, à l'ëstirïie de soi-même, se hâter de le faire des-cèndre, pour ainsi dirë, dans le tombeau encore tout couvert de la tache récente de son crime, c'est à més yeux le plus horrible raffinement de la cruauté.
Le premier devoir du législateur est de former et de conserver les mœurs publiques, source de toute libërté, source de tout bonheur social ; lorsque, pour courir à un but particulier, il s'écarte de cë bùt général et essentiel, il cotiimut la plus grossière et la plus funeste des erreurs.
Il "faut donc que la loi pré-ente toujours aux peuples le modèle le plus pur de la justice et aè la raison. Si, à la place de Cette sévérité puissante, calme, modérée qui doit tes caractériser, elles mettent*la-colère et la vengeance;, si elles font .couler le sang humain qu'elles peuvent épargner, et qu'elles n'ont pas le droit de répandre; si elles étalent aux yeux du peuple des scènes cruelles et des cadavres meurtris par des torturés, alors elles altèrent dânis le cœur des citoyens lès idées du juste et de l'injuste; elles font germer, au sein de la société, des préjugés féroces qui en produisent d'autres à leur tour. L'homme n'est plus pour l'homme uii objet si sacré? on a une idée moins
grande de sa dignité quand l'autorité publique se joue de sa vie. L'idée du rheurtre inspire bien moins d'effroi, lorsque la loi même en donne l'exemple et le spectaele; l'horreur da crinie oi-minue dés qu'elle ne le punit plus que par un autre crime. Gardez-vous bien de confondre l'efficacité des peines avec l'excès de la sévérité : l'un est absolument opposé à l'autre. Tout seconde les lois modérées ; tout conspire Contre les lois cruelles.
On a observé que, dans les pâvs îibres, les crimes étaient plus rares^ et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays librès sont ceux où les droits de l'homme sont respectés, et où, par conséquent, ,Ies lois sont justes. Partout où elles offensent l'humanité pâr un excès de rigueur, c'est une preuve que la dignité de l'homme n'y est pas connue ; que celle du citoyen n'existe pas : c'est une preuve que le législateur n'est qu'un maître qui com-jnande à des çsclaves, et qui les châtie 'impitoyablement suivant' sa fantaisie.
Je conclus à ce que la peiue de mort soit abr, 'gée,.,(Applaudissements.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
Messieurs, l'Assemblée a ajourné hier, à l 'heure dç deux heures, l'ai faire relative aux mesures' à prendre pour la province d'Alsace en raison de son état actuel.
Les comités sont assemblés dans ce , moment-ci ; probablement ils ne sont pas prêt3.
donne à l'Assemblée quelques détails sur les affaires politiques du royaume et sur l'état de situation dans lequel se trouvent les frontières; et dans la persuasion où il paraît être que les gardes nationaux de l'Empire pourraient être mis,en activité, il ajoute
Je prends, Messieurs, occasion de cette,circon-tance pour vous rappeler le décret que vous avez rendu et p'ar lequel vous avez actordé des pensions aux yeuves des gardes nationales de Mëtz qui ont piéri en voulant faire exécuter la loi à Nancy. Il est bien étonnant que, dé^ puis U mois que ce décret est rendu, il n'ait pas encore reçu son exécution. Je çrois cepèn?-dant qu'il est du devoir de l'Assemblée nationale de ne pas les laisser sans récompense, surtout après l'avoir promise.
Je demande donc que le comité dës pensions nous présente sans délai uu rapport sur cet objet.
jë demande que ce rapport soit fait, samedi soif au plus tard.
(L'Assemblée ordonne que son comité des pensions sera tenu dç. lui faire, samedi soir* le rapport dés récompenses à accorder aux veu.ves et enfants dont les tparis ou les pères sont morts à Nancy pour ia, défense dë là loi.)
fève ia séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes:
Adresse du sieur Franconi, écuyer, citoyen de Lyon, qui se.pl sint d'être sans cesse inq i> te dans l'exercice de sou art, par les entrepreneurs des spectacles : il supplie l'Assemblée de decréier que tous privilèges accordés à certains entiepre-neurs des spectacles ne port roni aucun préjudice au libre exercice ue l'art de l'équitation du sieur Franconi, lorsqu'il se conformera aux loi* de la police.
(Cette demande est renvoyée au pouvoir exécutif.)
Adresse du sieur Bienvenu, souscrite par plus de 70 citoyens de Quimperlé, qui se plaignent très amèremt nt des griefs des otliciers de l'armée, qui toujours, et partout, alfecient le plus iuso-lent mépris pour la Constitution: ils joignent leur vœu unanime pour leur licenciement, à celui qui est déjà parvenu à l'Assemblée, de presque toutes lts parties du royaume.
Je demande le renvoi de cette adresse au comité militaire, en le chargaut de rendre compte incessamment à l'Assemblée des mesures à prendre pour pié^enir ces délits et de présenter ses vues sur le licenciement et le renouvellement du corps des officiers.
Je demande la parole pour faire taire M. Bouche, qui calommie.
J'espère que ma motion aura pour approbateur, non seulement l'Assemblée nationale, mais la Fiance entière.
Je demande à appuyer la motiou avec preuves.
Nous n'ignorons pas, Messieurs, que c'est dans ce corps que se cachent les ennemis de la Constiiutiou. Vous semez que je parle en général et que je ne puis me dissimuler que, dans le corps des officiers, il y a d'excellents citoyens, de bons patriotes; mais quil y en a beaucoup de ténébreux et d'audacieux. Il y a assez longtemps que ces derniers, en affectant un respect hypocrite peur le roi etunméprisinsultant pour les décrets de l'Assemblée nationale, égarent nos braves soldatssurleursvériiablesdevoirs; il y a ass« z longtemps qu'ils ont soulevé contre eux l'opinion publique et ne méritent plus votre confiance.
Il est temps, Messieurs, et l'intérêt public le réclame, il est temps de faire cesser ces menées ténébreuses qui produiraient peut-être des elfeis funestes qu'il est de votre prudence de prévenir.
Il est étonnant que M. de Murât veuille prendre la défense des officiers
qui se comportent de la manière la plus dangereuse, la plus coutraire à
la Constitution.
Il n'est pas étonnant qu'il se trouve ici des défenseurs des officiers, J ignore jusqu'à quel point il est permis de les calomnier dans le sein de cette Assemblée; ce que je sais, c'est que les officiers de l'armée, placés depuis longtemps entre un devoir pénible et les désagréments et les vexations de toute espèce, donnant à la patrie la plus grande preuve de leur dévouement (Murmures)... en résistant aux attaques auxquels ils sont livrés tous les jours; ce que je sais, c'est que l. ur patriotisme (Murmures)... ne mérite pas d'êti e l'objet, dans l'Assem-bl e na ionale même, des calomnies de la malveillance et d'un système de persécution qui -parait combiné contre eux.
Je crois effectivement que l'Assemblée nationale peut s'occuper de leur sort ; mais je crois que c'est pour les défendre contre ceux qui ne leur rendent pas l'hom nage où à la sagesse de leur conduite. (Applaudissements à droite.)
Je ne crois pas que nous de ions nous occuper de l'objet intéressant que présente la motion de M. Bouche; mais nous devons remarquer que cet objet contient un article très essentiel à décréter.
M. Mirabeau nous a légué une motion teneflant à licencier l'armée pour la recréer tout de suite. Cette motion est aujourd'hui la propriété des amis de la Constitution ; il est de notre devoir de la soutenir. Je la réitère et j'en demande le renvoi au comité ue Constitution.(Applaudissements.)
Et moi je m'oppose à ce que l'Assemblée nationale se souille d'un si honteux renvoi. (Murmures à gauche.)
Ce serait le seul moyen de rame «er le calme dans l'armée et d'assurer à la pairie d s défenseurs que l'amour des armes et le patriotisme détermineront à embrasser cette profession.
Je demande la parole pour appuyer la motion de M. Bouche et j'appuie de même celle de M. Biauzat. Je n'ai pas besoin de calomnie, de médisance contre le corps des officiers pour vons montrer l'utilité, le besoin urgent, de vous occuper de l'objet de ces deux motions dans le plus court délai possible.
11 n'est pas possible qu^ les régiments demeurent tranquilles dans leurs garnisons, tant que le corps des officiers sera composé comme il l'est actuellement. Je n'ai pas besoin de vous affliger en vous retraçant le récit de toutes les histoires scandaleus» s arrivées, non seul» ment depuis la Révolution, mais depuis 40 ans; et nous nui sommes députés des provinces des villes frontières, nous savons que nous tremblions plus.devant u t régiment fi ançuis, que nous n aurions tremblé devant l'enuemi..... .
A droite : C'est qu'ils mettaient de la police 1
Le vœu le plus cher à mon cœur est certainement le rétablissement de 1 or-ire, tant dans les régiments que dans les villes où ces régiments sont en garnison ; et certes il ne faut pas s'étonner si l'ordre n'y existe pas : le mode d'avancement que vous avez décrété paraît illusoire aux soldats et aux citoyens. Les soldats
parviendront-ils suivant votre nouveau "mode à une place d'officier; un bourgeois fera-t-il entrer son fils dans un régiment : il aura contre lui tout le corps di s officiers, il sera exposé à mille désagréments, et peut-être à la mort ; il sera obligé de prêter le collet à tout le corps des officiers...
A droite: Il faut les renvoyer.
Patience! nous les renverrons.
Il n'y a personne dans cette Assemblée, et même parmi les militaires de cette Assemblée, qui ne sente la vérité de ce que j'avance... (Murmures à droite.)
Adroite .-Non! le diable m'emporte!
Allez débiter vos calomnies ailleurs. Monsieur ie Président, vous devriez imposer silence à un calomniateur.
Je demande que l'opinant soit entendu avec toutes ses atrocités.
Je n'ai pas nié qu'il y ait de bons patriotes dans le corps des officiers; je crois même qu'il y en a un grand nombre...
A droite: Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas.
mais tout en rendant justice à la probiié et au patriotisme même d'un grand nombre d'ofliciers, je ne puis pas m'empécher d'observer que la chaleur que 1 on met à écarter ces deux motions... (Murmures et interruptions à droite.)
Je demande le renvoi au comité, sans discussion.
On propose de renvoyer au comité les deux propositions faites, afin que le comité presenie, dans mi court délai, à l'Assemblée un moyen de formation nouvelle des officiers; mais il y en a un bien simple; c'est ie mode d'avancement que vous avez décrété, qui ne sera pas illusoire, quand vous aurez décrété le lici n-ciemententier du corps des officiers, en commençant par la tête, c'est-à-dire par les colonels. Gela ne fera pas plaisir aux jaunes, mais cela sera juste : alors vous donnerez les 3 premières places à l'ancienneté, et la quatrième au choix du roi, ainsi que vous l'avez décrété; tout le monde sera content, et tout restera dans l'ordre. Mais comme les espiîis sont en fermentation, qu'il est essentiel de faire cesser le plus tôt possible une fermentation aussi Dangereuse, je demande que dans 3 jours le comité soit chargé de vous présenter un nouveau mode à cet e va.* A. (Applaudissements à gauche; murmures à droite.)
Je demande que la discussion soit fermée.
La motion de fermer la discussion est faite et appuyée ; mettez-la aux voix, Monsieur le Président.
Je demande que ces messieurs ui ont le droit de calomnier, aient la patience 'entendre.
Je mets aux voix la motion de fermer la discussion.
A droite : Non! non!
Je demande la parole sur la motion de fermer la discussion... (Murmures à gauche.)
Quand vous avez entendu les propositions les plus affreuses...
Un membre : Je demande que MM. les curés ne parlent point pour les militaires.
Il y aurait trop d'avantage pour les calomniateurs, pour les traîires vendus aux euuemis de l'Etat, qui ont intérêt à détruire l'armée, si, après des calomnies comme celles que l'on vient d'entendre, et dont l'effet funeste serait de dégoûter, s'il é«ait possible, à l'instant même, les bons serviteurs de la patrie, les officiers généreux et fidèles qui se dévouent depuis si longtemps, et d'une manière si pénible... (Murmures à gauche.)
A gauche : Ah! oui!
L'insolence de ces murmures-là ne m'empêchera pas de continuer mon opinion.
A gauche : La discussion est fermée I
Je disais qu'il y aurait trop d'avantage pour les traîtres à la patrie, et leurs projets criminels, s'ils avaient la faculté de semer impunément la calomnie; s'il leur était libre de suivre cette maxime d'une pièce dont l'immoralité déshonore notre théâtre; calomnions toujours, il en restera quelque chose, sans qu'il fût possible de leur répondre-; il est de l'intérêt de l'Assemblée nationale, autant que de sa dignité et de la sûreté de l'Etat, de ne pas empêcher de combattre des calomniateurs soudoyés qui viennent ici accuser les défenseurs de la patrie, pour ensuite faire colporter, par tous les papiers publics, les atrocités dont ils soutient nos ore.lles, et par ce moyen affaiblir la barrière qu'il faut opposer dans ce moment, aux ennemis qui nous menacent de toutes parts. (Rires à gauche.)
, montrant le côté droit. Ils sont là, nos ennemis.
Oui, les ennemis du crime (grands murmures), et puisque les ennemis de l'Etat trouvent ainsi en tout état de cause des bouches dans l'Assemblée nationale, il importe à votre sûreté, non moins qu'à votre dignité, de ne pas souffrir qu'on ferme la discussiou sur de pareilles impostures. Les renvoyer à vos comités, sans qu'elles fussent démenties, serait leur donner une importance qu'il vous convient de ne pas leur lais-en Il laut que les mêmes organes qui les publieront, publient en même temps les réponses, alin que la nation soit en état d'apprécier et de juger la calomnie et le calomniateur, et de quel côie sont lts véritables traîtres.
Je m'oppose dune formellement à ce qu'on décrète le renvoi des motions de MM. Bouche et Biauzat au comité, sans autre discussion ; car c'est uouner un caractère et une importance dangereuse à la calomnie, c'est insulter l'Assemblée, elle-même; c'est manquer aux bons citoyens; et les
traîtres achetés par les ennemis de la France ou les scélérats qui veulent la subvertir, y trouveraient seuls leur compte. (Violents murmures.)
Je demande l'impression du discours de M. Virieu : c'est véritablement un modèle d'éloquence (Murmures).. Puisqu'il ne renferme que les mots de calomnie, calomniateur, atrocité, scélérat, traître, il faut que l'on puisse l'accuser s'il a calomnié lui-même.
A gauche : Il faut envoyer l'auteur et le discours à l'Abbaye.
et un autre membre protestent entre les paroles de M. Lavie.
11 faut que lès membres de l'Assemblée se respectent entre eux, et, de même que je veux qu'on n'emploie euvers eux que des termes respectueux, je veux aussi qu'ils n'en emploient pas d'autres eux-mêmes.
Nous ne sommes pas ici pour entendre des criailleries; je demande que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion.).
Je mets aux voix le renvoi des 2 propositions.
Je demande la question préalable sur le renvoi. M. Biauzat vous a dit que la motion qu'il vient de faire, était un legs que M. de Mirabeau avait laissé à l'Assemblée. C'est précisément parce qu'on vous a dit que c'était un legs de M. de Mirabeau que cette proposition ne doit pas plus être agréée dans la bouihe du légataire, qu'elle ne l'a éié dans celle du propriétaire : Lorsque M. de Mirabeau vous la fîi, vous avez senti combien elle était injuste. Ce qu'il y a de juste a éié prévu par vos décrets sur l'organisation militaire; vous avez créé ces lois; l'ailes-les exécuter et n'exigez pas, comme on vous le propose, l'injustice en principe, en étant des places a ceux qui en sont pourvus, pour les donner à d'autres.
Rappelez-vou3 que la motion de M. de Mirabeau a été rejetée par l'ordre du jour dans une séance du matin; elle doit avoir, à bien plusforte raison, le même sort dans une séance du soir.
C'est ainsi qu'on use le temps sans rien uire. On a lu une adresse; elle est fondée sur l'injustice de ceux qui abusent de leur place pour accabler ceux que la hiérarchie des pouvoirs leur soumet. Je ne prétends calomnier personne; mats il y a trop de plaintes de cette espèce, venues de toutes les parties de l'Empire, pour qu'elles n'aient pas quelque fondement...
et un autre membre interrompent violemment.
Je disais, Messieurs, que des bruits fâcheux viennent de trop de points de l'Empire pour ne pas mériter l'attention de l'Assemblée.
D'après cela, je considère que nous avons des lois; il n'en faut pas faire de nouvelles mais il ( faut faire exécuter celles qui existent. C'est ainsi que l'on rendra justice à qui il appartient, en I renvoyant au comité l'adresse qui vient d'être lue, avec charge de proposer les mesures néces- J
saires pour l'exécution de vos précédents décrets. (App laudissemen ts.)
Je demande, par amendement, quo l'on renvoie en même temps au comiié militaire l'adresse des corps administratifs de la ville de Strasbourg, qui est arrivée ce matin, en y joignant toutes les pièces capables d'éclairer le comité sur le péril auquel l'incivisme des chefs des régiments expose la chose publique.
Dans cette' adresse, on porte les plaintes les plus fortes contre ies officiers de la garnison, qui, dans leur délire, ont tellement poussé à bout la garde nationale au point de la mettre en insurrection, que, peut-être avant 15 jours, on fera main, basse sur eux.
Je demande que si ces officiers ontété calomniés, on punisse, les calomniateurs, ou bien que l'on mette ordre à l'état de choses actuel et qu'enfin nous vivions en paix.
Messieurs, les diverses motions qui vous ont été faites sont des moyens pour rétablir l'ordre dans l'armée. L'Assemblée n'est pas dans l'usage de renvoyer des motions à ses comités; de semblables renvois pourraient être interprétés et exciter des mouvements qui seraient contre son vœu.
Vous renverrez donc les adresses purement et simplement; le comité vous rendra compte des moyens qu'il juge ta convenables pour en remplir l'objet. Si les motions que Pon a faites entrent dans ses vues, il vous les représentera'; s'il ne les juge pas bonnes, leurs auteurs seront toujours à même de les reproduire alors.
J'appuie la motion de M. d'André et je demande que le comité soit tenu de faire son rapport dans 3 jours.
(L'Assemblée, consultée, décrète le renvoi au comité militaire des adresses des citoyens de Quimperlé et des Corps administratifs de Strasbourg.)
Permettez, Messieurs, à un défenseur de; la liberté, à un apôtre de la Révolution, de vous faire part, au nom de lu députation de Bretagne, d'une lettre de M. de Botherel, ci-devant procureur général syndic des ci-devant Etats de Bretagne. Voici cette lettre, envoyée à toutes les communes de la province de Bretagne :
« Dans le moment où, par un oubli malheureux de ses droits et prérogatives, le peuple breton égaré, semble s'aveugler sur ses propres intérêts, nous qu'il honore de sa confiance nous ne pouvons trahir nos devoirs, et nous osons seuls lutter contre la séduction dont nos malheureux concitoyens sont la victime : les Bretons peuvent méconnaître leurs prérogatives; mais nous devons les leur rappeler, parce qu'elles sont le gage de leur bonheur. C'est en leur nom que nous avons cru devoir vous adresser la protestation que nous vous adressons. C'e-t au nom de nos concitoyens, qui nous ont confié la défense de leurs droits, que nous vous conjurons de faire connaître aux habitants de votre paroisse cette réclamation.
« Notre zèle ne doit pas vous être suspect. Représentants nés trots ordres, nous sommes également attachés à chacun d'eux; et notre plus ardent désir, c'est de pouvoir vous rendre vo3 droits tels que vous nous les avez conliés, de rétablir dansla province la concorde quedesgens mal intentionnés ont troublée, et de faire, s'il se
peut, cesser des divisiQns dont le malheur public est le déplorable effet.
« Nous sommes, etc.
« Signé : BoTHEREL. 1
« P. S. Nous adressons cette 'protestation à tous les trésoriers de toutes les paroisses de la Bretagne. Veui liez, je vous en prie, instruire ceux de votre voisinage, afin que si elle ne leur parvient pas, ils demandent à la poste qtiels^ son); çeux qui, intéressés à vous tacher la position et les malheurs dont vous êtes menacés, l'auraient interceptée. »
Messieurs, je ne Vous lirai que la protestation, c'est-à-dire le résumé des protestations de cet. ancien procureur général syndic :
« Du 13 mai 1791.
Messieurs,
« Loin de nous le projet d'exciter aux armes nos concitoyens. Arbitre de paix, notre devoir est de ménager leurs intérêts aux dépens des nôtiîes propres. Dussent leurs coups Venir nous chercher, nous périrons victimes honorables de notredevoir ; et notre dernier soupir sera pour le honheur et la paix de toute la Bretagne ; nous ne croirons pas l'avoir acheté trop cher, au prix de notre sang.
« C'est dans ces sentiments et pressantes Considérations que nous, procureur général syndic des Etat s de Bretagne; persistant dans n os anciennes oppositions et protestations, les confirmant et renouvelant en tant que de besoin, protestons, pour la gloire de Dieu, le saiut de notre patrie et celui de nos concitoyens, contre tonte atteinte portée ou qu'on voudrait porter à la religion catholique, apostolique et romaine, qui nous a été révélée par Jésus-Christ lui-même. Nous réclamons, pour la perpétuité et l'intégrité des droits èa* crés de la couronne, tels que la nation bretonne, fidèle au contrat d'union et à ses engagements, les a reconnus et les reconnaît encore pour inaliénables dans les mains du monarque, comme dans celles de ses autres prédécesseurs.
« Nous protestons, avec l'indignation qtie doit éprouver tout sujet fidèle, contre les attentats sur l'autorité légitime du souverain, sa liberté et sa personne sacrée, et déclarons nous opposer formellement à l'aliénation de son domaine, à l'usurpation des apanages de Bretagne. Nous protestons contre l'aliénation et la vente dea biens ecclésiastiques et domaniaux en Bretagne, comme étant la propriété des établissements ecclésiastiques, et l'ancien héritage de nos ducs, qui ne peuvent qu'indûment être affectés au payement des dettes de la France, pour lesquelles la Bretagne ne peut être obligée, n'y ayant point consenti, rendant responsables de ces biens ceux qui les achèteraient ou les vendraient.
« Nous protestons également contre les usurpations sur la hiérarchie ecclésiastique, suppression d'évêcbés, abbayes, rnonastères et çures, sans l'autorisation des Etats et du clergé. Déclarons responsables en Bretagne ceux qui, au mépris des formes ecclésiastiques, en occuperaient les divers emplois et en toucheraient les émoluments.
« Nous protestons contre la suppression de la noblesse (Rires à gauche) et au nom de la noblesse de Bretagne, dont une portion ne tient point son rang et sa distinction de la France, mais qui en jouissait avant le règne de Charles VIII, et ^ui, longtemps avant l'union, a fourni à la France
d'illustres défenseurs dans les temps difficiles de Charles V et de Charles VII.
« Nous protestons, pour l'intérêt du peuple breton, de nullité et d'illégalité contre la nomination des députés, dés sénéchaussées et diocèses de Bretagne aux Etats généraux du royaume, comme n'ayant pas été faite en états, suivant les formes constitutionnelles de la province. Déclarons nulles^et indûment perçues les contributions et impositions'établies eh Bretagne, sur l'autorisation des Etats généraux, sans l'avis et lé cottsenr tement des Etats de province, et en déclarons responsables tous ceux qui en auront autorisé ou fait faire la perception.r
« Nous protestons contre la distribution et circulation forcée d'un papier-monnaie qUi n'a point été accepté en Bretagne, suivant les formes et usages, et qui, appuyé sur une hypothèque inique, ne peut que tomber en discrédit ét attirer la ruine de nos concitoyens.
« Nous protestons contre l'extinction de l'ancienne magistrature, la formation des nouveaux tribunaux de justice et d'administration, au mépris du 'contrat de l'union et des serments renouvelés de règne en règne et à chaque tenue des Etats, et déclarons responsables dé tous les délits, abus d'autorité, entreprises, impôts (A gauche : Ah! ah! En-voilà assez.),'dettes, les membres de ces tribunaux.
« Nous protestons contre la transcription faite ou qui doit se faire dès prétendus décrets de l'Assemblée nationale; contre toute promulgation et exécution qui pourront être faites par ordre de ces juges et administrateurs, comme incompétents et sans qualité. En un mot, nous protestons contre tous actes et décrets qui pourraient être préjudiciables et attentatoires aux droits, franchises et libertés de la Bretagne; et nous déclarons formellement nous y opposer.
« Fait au Plessis.
« Signé : BOTHEREL. »
Je demande la parole pour une motion d'ordre. ;
Je demande si M. Coroller est fondé de procuration de M. de Botherel pour lire la pièce dont il vient de faire lecture ou s'il ne l'a fait qu'à cause des domaines congéables qui sont à l'ordre du jour.
Je demande le renvoi au comité des recherches, l'Assemblée n'ayant jamais permis la lecture d'aucune protestation dans son enceinte.
Je demande la parole pour une motion a-ordre. La séance de ce ; soir a été destinée à la discussion des domaines i congéables ; je dethande que l'ASsembléé veuille ' bien s'en occuper et passer à l'ordre du jour.
Je demande, mol, que l'Assemblée prenne en considération Cette foule Jde protestations incendiaires qui paraissent tous [les jours. J'en ai vu une, signée d'un ci-devant noble, qui déclare protester « cootre l'inique — ce sont ses propres expressions — contre l'ini-ique décret du 19 juin 1790, en attendant qu'il puisse faire mieux. > Elle est signée et je la remetrai au comité des recherches.
Je demande, en ajoutant à la, motion que vient de faire M. BoiSsy, que le comité-des recherches soit tenu, à jour fixe, de présenter un projet de décret contre toutes ces
protestations, pour mettre enfin un terme au délire des ennemis du bien public.
(L'Assemblée, consultée, renvoie la protestation de M. de Botherel au comité des recherches pour la prendre en considération ainsi que celles du même genre et en rendre compte dans la huitaine par la présentation d'un projet de décret.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les baux à convenant et domaines congéables (1).
Messieurs, dans la nuit du 4 août et jours suivants, vous avez détruit la féodalité, ennemi monstrueux et barbare qui pressurait tous les Français et leurs propriétés. Dans cette suppression avez-vous compris les usrmeots sous l'empire desquels gémissent plus d'un million de citoyens bretons qui réclament votre sollicitude et vos soins ?
On vous dira sûrement, Messieurs, qu'il n'y.a de véritable propriétaire que le foncier. C'est là un paradoxe, pour ne pas dire uneherésie détestable. (Rires à droite.) Eu effet, Messieurs, dans l'association qu'il y a entre le propriétaire et le colon, les murs, les fossés, les arbres fruitiers lui appartiennent encore.
Si la prospérité du royaume vous est chère, détruisez ces usements détestables qui nuisent à l'agriculture et à l'éducation des bois dans ma province. Mes codéputés et moi, nous avons cha rge ex presse, par nos cahiers, de réformer ce tte charge onéreuse. Il eat certain que le fonds appartient entièrement au propriétaire foncier et non pas au colon.
Je demande donc la question préalable sur le projet des comités, me réservant d'ailleurs de lui en substituer un autre, dans le cas où elle serait admise.
, rapporteur, développe les motifs qui ont dicté le projet de décret des comités; il fait connaître la nature et les effets du bail à domaine congéable, dans lequel on ne trouve rien que de confoime aux premiers principes de la justice et de la liberté naos les conventions sociales; il ne dissimule point les abus dont le temps l'a infecté et que les comités conviennent d'anéantir ; il répond aux oiveises objections des adver.-aires du projet et lermme ainsi :
Adopteriez-vous même cette idée de suppression des baux à domaine congéable? ce ne serait pas encore une raison d'admettre la question préalable qu'on demande sur le projet du comité; car il ne s'y trouve que trois articles concernant les baux à passer ; tous les autres ne concernent que les bàux existants. Nous ne vous proposons donc pas d'abolir ce contrat, mais d'en supprimer les abus que personne n'enteud soutenir.
Je demande donc qu'on aille aux voix sur le projet des comités, article par article.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
fait lecture d'un nouveau projet de décret conforme aux idées émises dans son opinion.
(L'Assemblée accorde la priorité au projet des comités.)
, rapporteur, fait lecture de l'article premier du projet des comités,
ainsi conçu : er.
« Les concessions ci-devant faites dans les départements du Finistère, du Morbihan et des Gôtes-du-Nord, par lès propriétaires fonciers aux domaniers, sous les titres de baux à convenant ou domaines congéables, et de baillées ou renouvellement d'iceux, continueront d'être exécutées entre les parties qui ont contracté sous cette forme, leurs représentants ou ayants-cause, mais seulement sous les modifications et conditions ci-après exprimées ; et ce, nonobstant les usements de R han, Cornouailles, Brouerec, Tréguier et Gouello, et tous autres qui seraient contraires aux règles ci-après exprimées, lesquels usements sont à cet effet,, et demeureront abolis, à compter du jour de la publication du présent décret. »
Il me semble que l'article est mal ré âgé, en ce que l'abolition des usements se trouve à la fin, de manière qu'elle est à peine aperçue.
Je demande que l'on fasse deux articles de ce premier article : le premier annoncerait aux colons le principe consolant qu'ils ne sont plus sous le régime féodal, que les usements sont pour toujours abolis; le second porterait que les baillées à domaine congéable actuellement existantes subsisteront, suivant les règles qui seront prescrites.
, rapporteur. Cette proposition ne peut êire admise, parce que ce serait une manière indirecte de vous faire préjuger les disposit ons de 1 article 7 qui conserve les usements, relativement à la distinction du fonds et des édifices, au terme du payement des redevances convenan-cières et à la faculté de bâtir.
Je demande en conséqruence que la délibération sur l'amendement de M. Le Chapelier soit suspendue jusqu'à ce que l'Assemblée ait délibéré sur cet article.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement de l'amendement de M. Le Chapelier et adopte sans modification l'article premier du projet des comités.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain soir.)
annonce que la séance de demain soir sera entièrement consacrée à la continuation de la discussion sur les domaines congéables.
La séance est levée à neuf heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires commence la lecture du procès-verbal de la séance d'hier, au matin.
Messieurs, je demande à faire
Il est essentiel; que la gendarmerie soit composée de telle façon que les officiers de ce corps puissent faire un service [habituel et journalier, et que leurs places ne soient ] pas[ considérées par les directoires de département' comme d^s retraites dues à la vieillesse. Tel lé a été d'ailleurs la volonté de l'Assemblée en déterminant l'activité de service nécessaire pour obtenir ces places et l'âge au delà duquel'elles ne pourront être pbtenues. Bll
Par le décret d'hier, vous avez introduit une exception qui peut être'suscèptïble deg plus grands inconvénients; et d'éxcèption én exception, vous arrivez à détruire votre décret primitif sur l'organisation de ce corps".
Je demande donc que votre décret d'hier soit rapporté.
Je demandé lé YédVôi de la motion au comité et le rapport du décret à l'Assemblée.
Je demande que M: Rabaud, qui a fait rendre ce décret, soit entendu avant que rien soit changé aux dispositions adoptées hier.
Un membre dit qu'en prononçant ce rapport, il convient de renvoyer la- question au comité militaire..
(L'Assemblée, consultée,- décrète que le décret interprétatif rendu à la séance d'hier au matin, et relatif à la gendarmerie- nationale, sera regardé comme non-avenu et-que- la-question est renvoyée au comité militaire-.) - ......
M. le secrétaire continue la lecture du procès-verbal de la séance d'hier, au-ma tin......
Messieurs,, la .rédaction, de votre décret d'hier, concernant la. nomination et le traitement des membres des .tribunaux criminels est obscure et erronée ; je. crois .qu'on. ne peut l'adopter dans la forme où. il est présenté.
Je demande donc que la .rédaction de ce décret soit renvoyée au comUé. de. jurisprudence criminelle, pour que M. le .rapporteur nous en fasse uue plus claire et plus.complète.avec la distinction précise et nette .des traitements qui I seront attribués aux jurés ji,e Paris .et. à. ceux des proyincesc du royaume. ..........
(Ce renvoi est décrété.) ......
(Le procès-verbal est adopté.). ......
Up, de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir, qui est adopté.
Messieurs, le' rapport que je suis chargé de vous faire sur'^organisation des bureaux et des dépenses de Tàdniinistration de la caisse de l'extraordinaire ês't prêt ; lorsque l'Assemblée voudia m'entendré," j'è suis disposé à prendre la parole.
(L'Assemblée décrète que ce rapport sera mis à l'ordre du jour de jeudi prochain.)
, au nom' du co'ïiiiU ~c?emplacement, présente trois projets de'décret :
Le premier, relatif à l'emplacement du corps administratif du district de Péronne, est ainsi conèu ;
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Pé' onne, département de la Somme, à acquérir, aux frais des administrés et dans les termes prescrits par les décrets de l'Assemblée nationale, la maison des cordeliers de cette ville, pour placer le corps administratif du district.
« L'autori°e également à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs portés au devis estimatif du 27 février dernier ; le montant de laquelle adjudication sera supporté par tous les administrés.
« Excepte de la présente permission d'acquérir, le jardin et les deux portions de terrains situés à ses extrémités, lesquels jardins et ter* rains seront vendus dans les formes ci-dessus prescrites. »
(Ce décret est adopté.}
Le deuxième, relatif à l'emplacement des corps administratifs du département d?Indre-et-Loire et du district de Tours, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département d'Indre-et-Loire à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formas prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux,* pour y établir le corps administratif du département, la portion de bâtiments de l'intendance, qui est au fond de la premièie cour, et en face de la rue de la Sellerie, ainsi que ladite cour et les issues qui sont au midi, donnant sur la rue des Fossés-Saint-Georges, avec l'aile de ladite maison, entre ladite cour et la deuxième cour de ladite intendance et une portion de l'aile des bâtiments qui règne sur la rue, au rez-de-chaussée, tel que le tout est énoncé et détaillé aux articles premier, jusques et compris l'article 39 du procès-verbal de visite et estimationdesdiis bâtiments dressé par le sieur Deschamps, expert, le 23 février dernier.
« Autorise ézalement le directoire du -district de Tours à acquérir, aussi aux frais des administrés, et dans les formes ci-rlessus prescrites, pour y placer le corps administratif du district, une autre portion des bâtiments de ladite intendance, qui règne sur la rue de la Sellerie, tel que le tout e-t énoncé et, détaillé dans les articles 40, jusques et compris l'article 63 du procès-verbal du 23 février dernier.',, ' '
« Autorise pareillement'tant lé'directoire du département que celui du district, à faire procéder, chacun pour ce qui peut fés concerner, à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur' lé devis estimatif qui en sera dressé ; pour, lé montant de ladite adjudication, être supporté par lesdits administrés.
« Excepte de la présenté permission d'acquérir, les deux corps de bâtiments et objets accessoires qui sont dans la deuxième cour de ladite intendance, ainsi que ladite deuxième cour, tels qu'ils sont désignés et détaillés' au susdit procès-verbal estimatif, dans leS' articles' 74, jusques et compris le derniéf article 10V, pour être tous lesdits objets ci-dessus éicêptés, réservés, loués et vendus én la mâtiîè're accoutumée, et le prix du loyer ou dé la véûte versé à la caisse du district. »
(Ce décret est adopté.)
Le troisième, relatif à Y emplacement' du corps administratif du distict de Châtellefàult, est aiii|i^conçu :
« L'Assemblée nationale, onïle rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Ghâtellerault, département de la Vienne, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la Teste des biens nationaux, la partie de: la maison et la cour des minimes de Ghâtellerault, tracées sur le plan qui sera jôint à la minute du présent décret, par les lettres Dd, AN, M, II, IL L et 0, pour y placer le corps administratif du district.
« L'autorise également à faiue procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le deyis estimatif qui en a été dressé le 21 avril dernier, pour, le montant de ladite adjudication, être supporté par les administrés ;
« Excepte de la présente permission d'acquérir tout le surplus de ladite^naison, église, chapelle, cloître, jardins, prairies et autres dépendances, pour être, lesdits objets ci-dessus réservés, vendus dans les formes prescrites. » (Ce décret est adopté.)
, au nom du comité cen-tralde liquidation, présente un pr&fet de décret portant remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée du département dé là maison du roi et de celui des finances. ]
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport dé son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le directeur général de la liquidation, décrète qu'en conformité de ses précédents décrets, sur la liquidation des dettes de l'Etat et sur les fonds destinés à l'acquit de ladite dette, il sera payé aux ci-après nommés, pour les causes qui vont être expliquées, lés sommes qui seront pareillement déterminées, savoir :
I. — Arriéré de là maison du roi de l'annee 1789.;
Palefreniers, garçons d'attelage et autres employés de la maison du roi.
SaVary.............. . 4501. » S. »
Meunier.....^. ...... 730 » n
Belet............... .426 5 »
Police'.....— 343 15 »
Fecon.i. 550 i V
Savary.............. . - 456 5 »
Tudart.............. 426 5
Bourdon............ 426 5 . »
Lassenet............ 343 : 15 »
Les François........ . 343 15 »
Mareschaux......... 343 15 9
Tonnèl...... ..... .. 412 10
Vincent,............ 962 - 10 »
Dëschesues.......... 343 15 ' %
Matinot............. 426 5 »
Fontaine............ 426 5 »
Simon.............. 426 5 »
Brunei.............. 962 10 »
Le Blanc........... V 343 15 »
Gauthier............ . 343 15 »
Lescalier............ 343 15 »
Calorbe............. 343 15 »
Larcher............. M 343 15 »
Sunnet.............. . 426 5 »
Lhuillier............ 426 fi
Paul.............. 426 : % »
uambournac n.... i,„ „.. 343 I. 15 s. p
343 15 »
343 15 »
Batardy.............. 343 15 »
Le Sage neveu,..... * 343 15 »
Le Sage oncle.......,* 343 15 »
343 15 »
343 15 »
343 15
343 15 »
Girdist jeune... ...Y.. 412 10 n
Giroist aîné........i. 412 10 »
618 15 ? M
285 ' » * »
P.-H. Jardin.......... 481 5 »
Arson....... 708 15 »
Veuve Darmand...... 137 10
Laplài ne l'aîné ...... . 343 15 A
343 15 »
343 ' 15 «
343 15 " » '
Gigaudet.............. 350 w M
Gigaudet père........ 343 15 »
Martin l'aîné.......... 618 1 15 »
343 15' J)
675. » n
Veuve dé Rose........ 137 10 «
112 10 : »
Lépinay ............. ' 1P » »
Dernes père........... 75 l
Lajeunessé........... - 112 10 »
Mêzières............. 75 » »
Dernes père.......... tP j t 343 ...15: ! J>
Mezières fils........... . 343 15 A
Mezières père......... 343 15 : >
343 15 »
Théodore............ 343 15 »
Gaudon........ 343 15 »
Veuve Breton dit Saint-
Cyr................. 137 10 »
Veuve Lescallier......_ 137 10 »
Fourn ier...m...... : 343 15 - »
343 15 »
343 15 M
343 15 »
343 15 »
Deveau l'aîné......... 426 5 »
426 ï 5 »
426 5 »
440 » »
La Forest............ 750 » >»
550 » M
Rabane.............. 550 »
550 » »
Mariotte........ 550 » %
La Forest....... » .... 550 »
Léger dit Marion...... 550 » à
ûuval.... »........v;1.5 550 » »
550 » »
Veuve Lévêque....... 112 10 - »
Langlais............ 412 10 »
Lorcet l'aîné.. ....... 750 » »
Rivet................ 550 » 1
Veuve Gôttereau...... 137 10 »
Forestier............. 550 »
Balet................ 600 » »
Veuve Collet......... 150 A »
Languedoc... ; i.....» 550 » i)
414 3 9
Le Blanc...... 375 » i»
Veuve ThoiraS. ....... 381 5 »
Veuve Possieu... 137 10 »
Courtois........;.... 436 10 . »
436 10 Y »
Le Blanc.............
Leroux..............
Ferré.;...............
Richard..............
Cietérs..... v...
Cietérs...............
Ancelin...... 'mm-»
-Blanchard.....-v;v.'...
Sollior Prempin... v?Larcher..
Pei rier...........
Gillot.........
Marion...............
Veuve Gillot.......... t
Savary........«
Veuve Languedoc...
De Brie...............
Sauce..... — .......;
Beau fils......--
Simon..... r.......
Brunei.... ;...... ?fl
Affolder........
Camuset.............
Veuve Lefort,........
Déveaux ...i.........
Legrand .............
Mezières fils....,r....
Saint-Louis... ........
Charles . i----.....
SimpneaU.... i.......
Siraont au............
Reignard... V.'.......
Huart................
Paulraier;.,... .......
Biiuclïn...............
Morin... ... ɧ.,...
Delauge. .............
Darel...... ............
Lacour...............
Veufe Meunier . ......
Regttau It. . . . ........
Montfort.............
Griliers........
Villiers ........
Lépinay fils..........
Foyen des Gaffin......
Glouet.............
Bel langer.............
Gillot l'aîné..........
Maillot.. Molin..........
gaillard......,..,,......
151 parties prenantes. Total..............
If) 10 W
10; »
10
15" »
5
6
10
436 1. i0 s. » d. 436 66V ' 618 962-550 96t 618* i 750 Ji 426 " 426 550 550 : 112 .550-. 225 426 440 550 750 750 343 412 137 :426f 343
-593 1343 343
15 10 It) fr-iS i-5 15 15
' 75 _ ir* )> '
343 V*rr ! S
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225 ; » »
.... 343 15 »
343 15 8' L
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343 15
343 15
440 »
m'- 5
675 »
550
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426 ; s »
: i, 426 ; 5 " . » j
. 64,938 i 13 s, . ,9 d.
Différents employés de la maison de la reine, pour les années 1787, 1788 ét 1789.
Brochant, marchand
de draps.............
Augeard, secrétaire des commandements de la reine, toutes déductions faites, là Somme
de..../..............
Tampé , marchand
de galons............
L'abbé Heuré, clerc de » chapelle, toutes
déductions faites.....
Comynel, gentilhom-
143,721 1. 6 s. 10 d.
7,044 223,610
6 6
me servant, toutes déductions faites........
Moutard, libraire... Chertemps, marchand de vin.i.'.v.1..
Gérdret, marchand de toiles.,......».,
Nau et Germain, marchands de soie....
Femme Bauvet, femme de chambre , de la reine, toutes déductions, faites............
Paul y, secrétaire ordinaire du conseil de la rejne, t^jutes, déductions faites..... "f;....
Courtois, sommier de fruiterie, 1 toutes Réductions fa us..;.....
Pascal v. ..accordeur de cîacevîn...
Basin, garçon de la chamb e d la reine, toutésdédufîtions faites L'abbé Poulain, toutes déductions faites..
Femme Gopgenpt, femtiie de chambre de la reine, toutes déductions fanes...........
Petit de Vie vigne, écuyer de main ordinaire de la reine, toutes déductions faites.
Robillard, toutes déductions faites....,..
Lé Doulx de Glari-gny, valet de chambre, \ toutes déductions fai-> tes..................
Hachette, porteur de
la bouche............
B réhaut, sommier
d'échansonnerie......
Fauvel, hâteur de cuisine, toutes déduction^ faites... Ml y*..
Loir, valet de çham-bre, toutes déductions
faites........'........
Fauvel, potager de cuisine commune, toutes déductions faites..
Bazin, toutes déductions faites..........
Làrsonneur, ancien coiffeur de la reine...
Champion, huissier ordinaire, toutes déductions faites.......
Ltpinei' seltièr caros-
sier.................
Laverne, successeur du chevalier d'honneur, toutes déductions faitès...........
Huart, aide d'échansonnerie commune, toutes déductions faites.----.....j.iri....
Galand, valet de chambre, toutes dé-i durions faites.......
631
1,773 1. 6 s. » d. 4,240 12 »
94,517 6 2
70,556 16 8
26,733 6 8
3,646 7
6,930 » »
897 14 » 4,000 4 »
7,153 10 » 605 12 »
8,861 8 »
7,782 '» » 442 » »
6,167 B 3,000 1 » ...» 2,000 » »
634- 16 »
2,312 17 »
634-16 » 15,018 12 » 200 À »
8,952 » » 134,226 il »
750 » »
1,128 6 » 4,182 »
Femme Padelin, fille de cabipet.
Malherbe, avocat général du conseil, toutes déductions faites..,..
Le même, pour son épouse, femme de
chambre.............
Femme Sarjayes, femme de chambré, toutes déductions faites ..................
Boucquillard, pourvoyeur des écuries....
Bonnefoy du Plan, valet de chambre tapissier...............
Thorozet, Randon,
marchand linger......
Bonnefoy, layandier du linge du corps, toutes déductions laites..
Le même, comme garde-meuble, toutes déductions faites.......
Le même, comme valet de chambre tapissier, toutes déductions
faites................
Le même, comme concierge du château
de Trianon...........
Fortin, concierge du commun à Versailles..
Fem me Cam pan, femme de chambre .de la reine, toutes déductions faites...........
Femme Augué, femme de chambre, toutes déductions faites......
FemmeTerrasse,femme de chambre, toutes déductions faites.....
Femme ; Arcambal, femme ae chambre, toutes déductions faites .................
Leblanc, concierge
du petit commun.....
Maillet-Dunozau, comme cessionnairé du sieur Vivier, doreur
sur métaux..........
De Saint-Jean, valet de chambre, toutes déductions faites.......
Coissolle, oflicier de la fruiterie, toutes déductions faites.......
De Geqrges, toutes déductions faites.....
Bourguignon dit Lacroix, premier garçon de la bouche de la reine, toutes déductions
faites................
LaCroix, pâtissier.. Bâillon, premier valet de chambre, toutes
déductions faites.....
Dumoustier, huissier de la chambre, toutes déductions faites.....
j,321 1. 5 s.
3,645 »
" 7361 S »
9,966 8 »
100.B38 9 8
28*940 16 8
51,582 1 9
/9,272 17 »
7,909 14 »
7,231 16 »
IÔ;50Û - »
3,285 »
' ' 5,907 12 » 8,861 .., 8 ... ».
: 8,86V '8 »
1,753 16 »
3,285 » »
44,210 5 »
" 2,306" 17
. 35,093 15 1
' ' '4,71'4 ' 7 g-
» d,
327 » » "8,000 » »
4,5325 » 2,174 18 |
Thoret, aide de la fruiterie, toutes déductions faites...........
Reignier, prévôt de danse................
Favournin, pâtissier, toutes déductions faites............*.,...
Famin, toutes déductions. faites...........
Bonnefoy,garde-meuble de la reine, toutes déductions faites.....
61 parties prenantes. Total................
; ; sri i. .9 ; ' 4/20D;. ; «
; ;7,opp »
; ; 2,039 , . 2 136,724" ' ; >;
s. » d.
1,310,8831.17 s. 3 d.
II. — Jurandes et maîtrises.
Indemnités et remboursements dus aux aspirants aux maittises.
Pierre - Constantin
Gaultier..............
Georges-André Pajar-
niche................
François Danjonx... Sébastien Raimond . Pierre-Henri Genty.. Jacques Véronique..
Jean le Bail I y......
Jean la Barthe......
Schindeler .........
C -riaque Hans......
Jean-Fran çois Gervais
Claude Duguet......
Félix Ve lier........
Ignace la floudé.... Jean-Antoine de Lyon Charles Houdan ....
838 1. ,9 s. 3 d
471 19 »
292 5 »
292 5 »
293 6 »
295 '2 9
2'9'6 13 4
199 ' "3 1
'219" ' '2' ' 5
339 '14 11
'446 5
199 * » »
'493 ' ' 14 3
287 ' '5" »
395 "3 8
322 14 8
16 parties prenantes Total...........
5,681 1. 19 s. 5 d.
III. 7- Arriéré du département des finances.
Achat pour le compte du roi:
La dame Duplessis de Gravelle, pour une maison achetée par le roi, pour l'agrandissement des
halles, la somme de...
Avec les intérêts à compter du lor janvier 1791, jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars.
Ponts et chaussées. Généralité de Paris.
1 Faure Laperouse, entrepreneur des ponts et chaussées, la somme de...................
Généralité de Vlle-de-France.
François Prévost, entrepreneur des ponts et chaussées, la somme de
32,000 1. » s. » d.
37,570 3 4
6,826
Edme Raymond, entrepreneur, la somme
de................... 2,346
Bézier du Boulay, entrepreneur, la somme
de................... 5,778
Léonard Le Grand, en- — trepreneur, la somme
de................... 3,720
Charles Druart, entrepreneur, la somme
de........................125
Laurent Marchand, entrepreneur, la somme de...................2,606
4 François Prévost, en- r trepreneur, la somme
de..................................262
Bézier du Boulay, entrepreneur, la somme
de................... 10,674
Houillier, entrepreneur, la somme de... 421
Renoult, entrepreneur, la somme de.... 1,312
François Prévost, entrepreneur, la somme
de................... 10,000
Léonard Le Grand, entrepreneur, la somme
de...........................6,760
Bézier du Boulay, entrepreneur, la somme
de.............................491
Pierre Daubresse, entrepreneur, la somme
de...............................2,432
Jean Millet, entrepreneur, la somme de________87
FaureLapérouse, entrepreneur, la somme
de................................; 496
Le même, la somme
de................... 3,325
Laurent Marchand, entrepreneur, la somme de..................1,596
Faure Lapérouse, entrepreneur, la somme
de......................................599
Le même, la somme
de..........................479
Laurent Marchand, entrepreneur, la somme de............... 469
François Legros; et ......
Piérre Julien, entrepreneurs, la somme de.. . 2,524
Jacques Méry, entrepreneur, la somme de. 384
Bernard Duplan, entrepreneur, la somme
de........................" 96
Jean Millet, entrepreneur, la somme de... 1,947 ' Faure Lapérouse, entrepreneur, la somme
de..................................510
Louis Destrost, entrepreneur, la somme
de................... ~ 309
Jean Millet, entrepreneur, la somme de.. 1,703 Bernard Duplan, en-
ARGHIVES PARLEMENTAIRES.
1. » s. 5 ,3 6 16 U
>7^±trf » 6 i 19 8
1 1
13 4 11 10
6 7
14 8
7 . 2.
19 :3 6 11
; 16 .. % 2 fS?
5 5 1 8
7 11
d.
16
3 10
18
12 19
trepreneur, la somme
de......; —........
' Clément Fromentia, entrepreneur, la somme de...............
{SI mai 1791.] 633
1,7121. 5 s. '8d3 9,364 9 8
Généralité de Bordeaux.
Guillaume Roux Gi-rouard et compagnie,
la somme de.........
Larade et Bideguain, entrepreneurs, la somme de...............
Généralité de Châlons.
Michel Augustin Me-niI, entrepreneur, la somme de............
Généralité de Rouen.
Jean Le Teliier, entrepreneur, la soramude.
Thomas Lasseaux, entrepreneur, la somme
; Etienne Le Blond, entrepreneur, la somme
de....... — .......
Pierre-Nicolas Lé Teliier, entrepreneur, la
somme de............
Jean Le Teliier, entrepreneur, la somme
de...................
Firmin Sé échal, entrepreneur, la somme
de...................
Guillaume Frémont, entrepreneur, la somme de...............
LouisPimbert, entrepreneur, la somme de.
Jean Le Teliier, entrepreneur, la somme
de..................
E'ienneLe Blond, entrepreneur, la somme
de...................
Jean-Baptiste Lefèbvre entrepreneur, la somme de .... i..........
Le même, la somme
de..................
François Deléau, entrepreneur, la somme
de .................r
Le même, la somme
de ..................
Etienne Le Blond,en-trepreneur, la somme
de....... ..........
Pitrre-Nicola^Le Teliier, entrepreneur, la
somme de...........
Joseph Legrand, entrepreneur, la somme
de ..................
Louis Glanard, entrepreneur, la somme>de.
354,700 7 4
10,515 » 2
8,000 » »
3,730 » »
3,096 » f
. 6., 400., .2. .1
"240 » "'»
9,402 1 6
' 1,334 6 5
660 . n »
285 5 »
3,620 » »
3,495 7 11
200 » »
1,100 * »
2,817 2 5
522 8 »
4,753
1,239
1
4
1,291 9 2 1,263 » A » ;
196 1* 6 s: 8 d.76 " "i" ;
Pierre Lamy, entrepreneur, la somme de.
Louis Glanard, entre preneur, la somme
de...... —....—
Firmin Sénéchal, entrepreneur, la, somme de..................
Généralité d?Alençon.
Jean Than, entrepreneur, la pomme de....
Généralité de Montpellier.
Pâscal Éstève, entrepreneur, la somme de.
Journet et Ci8, entrepreneurs, la somme de...................
Généralité de Besançon.
Jean - Claude Gho -gnard, entrepreneur, la somme dè............
Généralité de Grenoble
Jean Lemoine, entrepreneur, la somme de.
Joseph Charière, entrepreneur, la somme de...................
Généralité de Nancy.
Louis Breg, entrepreneur, la Somme de....
8,910 13 -2
. Généralité de Caen.
LafontaineHuet, en-
trepreneur, la somme
de.................. 251 19 9
Jean-Baptiste Martin,
entrepreneur, la som-
me de............... 11,901 11 1
Mathieu Bouliée, en-
trepreneur, la somme
de ...... "2;383' ' 13 1
Louis Gaugain, en-
trepreneur, la somme
de.................. 352 13 6
Etienne Bâché, en-
trepreneur, la somme
de.................. 10,442 15 5
Jacques-Martin Mau-
rice; entrepreneur, la
somme de ........... 4,046 12 ' 8
Le même, la somme
de ................. 6 ,619- 8 - 6
Le même, la somme
680 18 »
m
24,508 10,689
7,725 43
17
13 19
9 11
15,260 4 6
10 10
8,476 1 11
[31 mai n91.j Généralité de Caen.
GuillaumeBlouet, entrepreneur, la somme de...................
Généralité de Soissons.
Louis Duroché,entre-preneur, la soinme de.
74 parties prenantes. Total................
2,821 1, 6 s. 1 d.
14,078
704,329 i. 1 s. » d.
traitements et appointements A differents employés.
Entrepreneurs et fournisseurs.
Les sieurs Mariton et Couturier, conducteurs des' chaînes dès galériens; pour les années 17£~ et 1789, la somme de.
Mesnârd de Chouzy, commissaire ' général de la maison du roi, pour traitement pendant l'année 1789, ci.
De Bar, secrétaire du bureau général des dépenses de la maison du roi, pour appointe-tements pendant l'année 1789, la sommé de Happe,, architecte de la ville, pour les travaux faits dans l'arsenal de Paris, la somme de./......'....:......
Regnard et Meignen, pour fourniture de charbons à la ville de Paris, en 1789, la somme de.. /.... .«K'W.-..
Poilleux, pour les intérêts à 5 0/0, du prix d'une échoppe acquise par le roi, la somme de Charles1, professeur d'hydrodinamiqûe, pour son traitement de l'année 1789, la somme
de...................
Duverdier, secrétaire de fa garôe de Paris, pour gratification pendant les mois de juillet, août et septembre 1789, la somme de.,.......
5,934 1. 18 s. » d.
6,250
2j666 - 13 4
5,760
28,571 - 8- 6
600
1,400
150
8 parties prenantes. Total.........
51,332 1. 19s. 10 d.
IV. — Remboursement de charges et offices.
brevets de retenue.........
Jacques-Léonard-Joseph Dupont, la somme de 70,000 livres, pour indemnité de brevets de rete-
nue à lut accordés sur la charge de commissaire des guerres dont il était
pourvu, ci........... 70,000 1. » s. »
Avec les intérêts, à compter du 8 mars 1791.
Joseph-François Chevreau de Vaudouleurs, la somme de 120,000 livres pour indemnité du brevet de retenue à lui accordé sur la charge de commissaire des guerres dont il était pourvu, ci........... 120,000 » *
Avec les intérêts, à compter du 28 mars 1791.
D'Ecquevilly, la somme de 25,000 livres pour indemnité dû brevet de retenue à lui ac-cordé sur la charge de lieutenant général de la province de Champar gne, ci..25,000 * »
Avec les intérêts, à compter du 3 février dernier.
Joachim Montagu, la somme de80,000 livres pourindemnité du brevet de retenue à lui accordé sur la charge de lieutenant générai de Basse-Auvergne, ci... 80,000 » » à la charge, par ledit Montagu, dans la quittance qu'il donnera de ladite Somme de 80,000 livres, d'acquitter et de décharger en même temps l'état de toutes répétitions relatives à la finance, si aucune a existé, deladite charge, énoncée au traité originaire fait par le sieur Bautru de Nogent.
Avec les intérêts, à compter du 18 mars dernier.
Marc-René de Monta-lambert, la somme de 100,000 livres pour indemnité du brevet de retenue à lui accordé sur la charge de sous-lieutenant des chevau-
légers, ci............ 100,000 » »
Avec les intérêts, à compter du 17 janvier 1791.
Charges.
De LaHaye. là somme de 581,723 livres pour remboursement de la charge de receveur des finances de la généralité d'Alençon, dont il était pourvu, ci......
à, la charge par ledit
581,723
sieur de La Haye, de justifier du payement de la somme de 377,370 1. 15 s. qu'il doit au Trésor public, et de rapporter sou compte de ce qu'il a dû recevoir de contribution patriotique, reçu, arrêté et déclaré quitte par l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire.
Jacques-Bernard Le Carpentier, la somme dé 109,3921J16 s. pour le remboursement de l'office de receveur des finances de Valogne, dont il était pourvu, ci
Avec les intérêts de la sommé de 105,000 livres, à compter du 1er janvier dernier.
Jean - Annibal Ber-thier de Pontrené, la somme de 118,696 1. 2 s. pour remboursement de l'office de receveur particulier de l'élection de Caen, dont il était pourvu, ci...
Avec les intérêts dë la somme de 114,000 livres, à compter du 1er janvier dernier.
Lentaigne de Logi-vière, la somme de 63,674 1.6 s. pour remboursement de l'office de receveur partlcu* lier de Morlaix, dont il était pourvu, avec les intérêts de 61,000 livres, à compter du 1er janvier dernier, ci.
Benigne-Marie Bar-roy, la somme de 228,232 1. 19 s. pour remboursement de la charge d'ancien payeur des rentes, dont il était pourvu, avec les intérêts, à compter du 17 mai 1791, ci...
10 parties prenantes.
Total........
109,392 1. 16 s. » d.
118,696
63,674 6
228,232 19
1,496,719 1. 3 s. » d.
V. — Créances sur le ci-devant clergé.
Demoiselle Jacquemine de Partout, la somme de 1,150 livres, avec les intérêts, à compter du 11 janvier 1791, cl.... 1,150 1. » S. » d.
José p h- Barthélémy Syéyès* la somme de 4,000 livres, remboursable en 1793, aux termes du contrat du 13 mars 1783 et de l'échéance y portée, avec les arrérages de
la rente dudit capital, sauf la retenue de8 imposition?, n'y ayant pas d'autorisation contraire dans les lettres patenes du 3 avril 1782, sur le pied de la constitution, juequ'au jour du rembour«e-ment, après que vérification aura été faite par les directoires du district et du département du Vâr,de ce qui peut être dû de L'arrérage d£ ladite rente, ci 4,.000 1. » s. » d,
2 parties prenantes.
Total........ 5,150
Total général et récapitulation, la somme de trois millions six cent trente-neuf mille trente-cinq livres-quatorze sous trois deniers,ci................... 3,639,035L 14 s. 3 d.
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité central de liquidation, rend compte de la réclamation du sieur de Bel tonde, commissaire des guerres àBelfort, et des difficultés relâtivi s à la liquidation de son office, dont il a perdu le brevet. 11 propose d'autoriser ledit sieur de Bellonde à suppléer la présentation de ce brevet par des certificats, en forme authentique, tirés des bureaux de la guerre.
Il présen'e, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central d^ liquidation, qui lui a rendu compte du rapport fait par le commissaire du roi, directeur général de .la liquidation,' sur la réclamation de Je an-Henri de Bellonde, et les difficu'té* relativesà la liquidation de son office, attendu que l'original de son brevet de retenue de la charge de commissaire des guerres se trouve adiré par l'effet d'un vol qui à été fait dans sa maison, décrète que ledit de Bellonde rapportera des certificats,, en forme arthçntique, des bureaux de la guerre, pour justifier fin nom de la personne à: laquelle, il ,a.succédé dans la p'ace de commissaire des guerres, à moins qu'il n'ait été pourvu sur un édit de création de l'époque ^ie ses provisions, du fait qu'aucune personne n'a été ni agrééë tîï pourvue à l'effet ae lui succéder; d'après lesquelles justifications et six mois après la date de la sanction du présent décret, il sera remboursé de:la somme de 10 000 livres pour le montant de son brevet de retenue, en rapportant par lui, à ladite époque, un certificat de non opposition délivré par le çonseïvaleur des hypothèques,' et un acte reçu par lé juge du district dé son domicile, portant qu'il a juré et affirmé avoir adiré son brevet, et De l'avoir affecté à aucun créancier dont les droits subsistent; qu'il ne l'a déposé pour gage entre les mains de personne, et qu'en cas de fausse déclaration, il se soumet envers les créanciers qui auraient privilège ou hypothèque sur sonLbrevet, à la peine du stellionat, »
Plusieurs titulaires d'offices ou de charges se trouvent dans la même posi^ tion que M. de Bellonde ; il faut, dpn.c, rendre sur cet objet une loi générale. Je demande, en conséquence, que la réclamation de M. de Bellonde soit renvoyée aux comités de judicature et de liquidation.
Un membre : Une loi générale sur cet objet serait dangereuse et ouvrirait la porte à la fraude. Ceux qui, comme M. de Bellonde, seraient dans l'impossibilité de représenter leurs titres, pourront suivre la marche qu'jl leur a tracée.
(L'Assemblée ferme la dispnssjçn. et adopte sans modification Vprojet^àe décret du comité.)
, au nom du comité des do-maines. Messieurs, il s'est élevé quelques dou|63 sur le véritable sens de l'article 31 du titre III du décret du 18 de ce mois sur l'organisation de la régie des domaines et des droits d'enregistrement. On paraît vouloir en induire que la disposition de cet article est applicable à la première nomination des régisseurs.
Votre comité me charge, en conséquence, de vous proposer le projet de " décret interprétatif suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que la disposition de l'article 31 du titre III du décret du 18 oe ce mois, sur l'organisation de la régie des domaines et droits d'enregistrement, n'est pas applicable à la première nomination des régisseurs, mais seulement aux nominations postérieures au premier établissement. »
(Ge décret est adopté.)
Un membre représente qu'il est inutile de faire un décret particulier sur un objet si peu important et qu'une simple déclaration mentionnée au procès-verbal do.t être sulfisante.
Un membre observe que le décret, sur l'organisation de la régie des domaines et droits dVn-registrement n'est pas encore sanctionné et qu'on peut y joindre le décret qui vient d'être rendu en forme d'article additionnel.
(L'Assemblée, consultée, ordonne que le décret ci-de-sus sera joint sous forme d'article additionnel à celui du 18 de ce mois sur la régie des domaines et droits d'enregistrement.)
Je demande, Messieurs, que le décret que vous avez rendu relativement aux émigrants, qui reçoivent des pensions, très considérables, soit exécuté, parce que ce n?est qu'avec de la fermeté et de la vigueur que l'on pourra ramener tous les particuliers à l'ordre. Les fonctionnaires publics, qui errent loin de la France, emploient rargent gji'ils.reço.iyent d'elle à lui susciter des ëhnemfe, à lever des armées contre elle ; voilà l'usageTqu'ils font de ce numéraire qu'ils nous enlèvent et dont 1a perte seule est pour nous un fléau.
Il faut que M. Camus, qui est à la fête du comité des pensions, fas-e des diligences pour que ce décret soit exécuté avec la plus grande exactitude {Vifs applaudissements dans les tribunes) ; je demande que l'état des fonctionnaires publics qui ont quitté le royaume soit présenté sans retard à l'Assemblée.
Je demande qu'on propose in-ces^amm^nt à l'Assemblée une mesure pour renouveler les ètats-màjors de Varmée.
Je saisis, Messieurs, l'occasion qui m'est offerte, pour dénoncer non pas seulement à l'Assemblée nationale, mais à la nation, ûn autre abus du même genre et qui tient peut-être aux vues du même plan.
Il est connu que plusieurs des officiers des ré-gimeuis, qui sont en garnison dans nos frontières, vont journellement, sous divers prétextes, tantôt de plaisir, tantôt d'affaires, chez l'étrang r, arborant dan? ces voyages cette cocarde blanche, insigne de raliement et de reconnaissance des ennemis de la liberté et de la souveiaineté du peuple français, et reviennent ensuite en France y colporter des libelles antinatriotiques.
Je demande que l'Assemblée veuille bien s'occuper de cet objet et prenne des précautions pour empêcher nos officiers d'entretenir d'S liaisons dangereuses avec les ennemis de l'Etat.
Je demande le renvoi des trois propositions qui viennent de vous être faites aux comités diplomatique, militaire, des re herchi s et des rapports, pour en rendre compte incessamment.
(Ce renvoi est décrété.)
, au nom du comité de judicature, demande la parole pour soumettre à l'Assemblée une difficulté qui retarde la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour.
, rapporteur, insiste pour être entendu demain à l'ouverture de la séance.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour et renvoie à l'ouverture de la séance de demain le rapport du comité de judicature sur la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le Codepénal (Peine de mort)( 1).
(2). Messieurs, c'e-t un seutiment pénible que celui de présenter une opinion qui semble contrarier les droits de l'humanité.
Je fais aussi violence à mon caractère, pour n'écouter que l'utilité publique, le bien général, celui de la société entière. Tels sont les puissants intérêts qui commandent des sacrifices à ma sensibilité.
Notre législation criminelle prononce, j'en conviens, des supplices qui la déshonorent.
Un saint respect pour la justice et pour l'humanité doit nous porter à abolir des peines trop sévères.
Mais ne nous laissons pas entraîner au delà des bornes de la raison.
Mais la protection due aux citoyens honnêtes contre les attaques des méchants, la sûreté, la tranquillité publique, exigent de mesurer les peines à l'atrocité des crimes, et de ne pas sacrifier, au nom de l'humanité, l'humanité même.
Car perdre de vue le terme nécessaire de la gradation proportionnelle des délits et des peines, ce seiait, au lieu de servir la nature, s'imposer la loi barbare de 1a faire frémir.
Anéantissez la peine de mort pour tous les crimes, excepté pour
l'homicide, et vous ferez des lois sages, justes, salutaires.
Que la fragilité d'un moment ne soit pas punie comme un crime.
Qu'un valet iripon ne soit pas jugé comme un meurtrier.
Mais que l'homme qui verse le sang de son semblatile, qui le prive de la vie, ne puisse pas conserver lui-même ce précieux présent de la na ure.
Je dis donc que tout homme qui, volontairement, attente à la vie d'un autre, par le fer, le poison ou le feu, doit être puni de mort.
J'appuie ma proposition: 1° sur les lois de tous les peuples ; 2° sur l'interê! de la société et de l'humanité même; 3°sur le sentiment des philosophes les plus humains et les plus sensibles.
Je réponds, en très peu de m ts, aux principaux moyens que l'on emploie pour rejeter, dans tous les cas, la peine de mort.
Oui, Messieurs, presque tous les peuples l'ont décernée cette peine; elle a été en usage dans tous les siècles.
Si t ous in errogeons ceux, de l'antiquité, nous verrons qu'en Egypte l'homicide et le parjure étaient frappés de mort.
En Judée, les peines capitales étaient communes.
A Athènes, à Rome, la peine de mort a toujours été prononcée contre le meurtrier.
Elle est admise chez tons les peuples de nos jours, particulièrement en Angleterre ; et les lois criminelles adoptées par cette nation ne peuvent pas nous être suspectes, puisq ie c'est d'ede que nous avons emprunté l'instituiion des jurés.
Or, une expérience si longue, si universelle, en un mot, cehe de tous les siècles et de tous Ie3 peuples, ne présente-t-elle pas un argument bien fort contre l'abolition de la peine que votre comité prononce?
L'histoire des hommes, qui est univoque pour frapper de mort celui qui tue son semblable, n'est-elle donc, ainsi que vous l'a dit un préopinant, qu'une longue suite d'erreurs; et m- prou-ve-t-etle pas plu ôt la justice et la nécessité de la peine? N'est-eile pas un témoignage plus fort que celui produit par des idées neuves et philosophiques, qui, quoique sémillantes, ne peuvent jamais avoir le même caractère de crédibilité et de conviction, que celles dictées par l'expérience.
Les raisonnements les plus simples viennent à l'âppui de ces premières propositions.
Dans l'état de nature, j'ai le droit de repousser la force par la force, et de donner par conséquent 1a mort à celui qui attente à ma vie.
Eu entrant eu société, j'ai résigné ce pouvoir de me défendre, à la loi ou au magistrat qui en est l'organe.
Il ne peut ni ne doit en user, que comme j'en aurais usé moi-même. It est obligé de veiller à la conservation de mon existence; et l'homme qui en a interrompu le cours, qui m'a empêché de vivre, doit être condamné â mourir, autie-ment la peine serait au-dessous de la gravité du crime.
Si le sort d'un citoyen vertueux est pire que celui d'un meurtrier, il n'y a plus d'ordre, de sûreté, de droit sacré parmi les hommes; l'on fait naître le plus grand de tous les maux, celui de l'impunité. La haine d'un scélérat pourra
se satisfaire aisément,, parce qu'il préférera la perte de sa liberté, au sacrifice de sa vengeance.
Otez, au contraire, à cèlui qui médite la mort d'ùn homme, la satisfaction la plus attrayante -pourun cœur vindicatif, je veux dire la jouissance, du triomphe; et vous verrez que la crainte de perdre la vie, arrêtera son bras et calmera sa fureur.
Personne ne s'est plus élevé que Montesquieu contre la sévérité des peines.
Il soutient, dans tous ses ouvrages, qu'il ne faut pas mener les hommes par les voies extrêmes ; qu'on doit être ménager des moyens que la nature nous donne pour1 les conduire.
Mais il n'hésite pas de penser que l'homicide volontaire ne peut pas échapper à la peine de mort.
« Un citoyen (1), dit-il, mérité la;mort, lorsqu'il a violé la sûreté, au point qu'il a ôté la vie, ou qu'il a entrepris de l'ôter. Cette peine de mort est comme le remède de la société malade. »
Ecoutons le célèbre citoyen de Genève, dans son Contrat social (2). Son opinion ne peut pas être suspecte ; il fut, pendant tout le temps de son existence, l'ami de l'humanité et le consolateur des malheureux.
« Tout malfaiteur, dit-il, attaquant le droit social, devient, par ses forfaits, rebelle et traître à la patrie; il cesse d'en être membre, en violant ses lois, et même il lui fait la guerre. Alors la conservation de l'Etat est incompatible avec la sienne ; il faut qu'un des deux périsse : et quand on fait mourir.le coupable, c'est moins comme citoyen, que comme ennemi, La procédure, le jugement sont les preuves de la déclaration qu'il a rompu, le traité social, et par conséquent qu'il n'est plus membre de l'Etat. Or, comme s'il est reconnu tel, tout au moins par son séjour, il doit en être retranché, par l'exil* comme infracteur du pacte, ou par la mort, comme ennemi public; car un^tel ennemi n'est pas une personne morale c'est un homme ; et «'est alors que le droit de la guerre est de tuer le vaincu
Mably, i dan s ses Principes des lois (3), prouve, d'après les raisonnements les plus solides, qu'il y aurait infiniment de danger pour l'ordre social, pour l'intérêt de tous, de proscrire la peine capitale enfait d'hotaicide. Il démontre que quoique les lois ne puissent être trop douces, elles seraient injustes si elles rabrogeaient.il termine son opinion, en soutenant * qu'il tf y a que deux coupables qui méritent la mort, l'assassin et celui qui trahit sa patrie, soit pour y établir le pouvoir arbitraire, soit pour la soumettre à une : puissance étrangère ».
Un philosophe, que l'on appelle le Montesquieu de l'Italie, et que la mort a arraché trop jeune encore aux lettres, à la raison, à l'humanité, Filiangiéri (4), n'a pas professé des principes différents. Cet auteur, aussi sensible qu'humain, les présente comme n'étant pas capables de former les moindres nuances de doute; il les donne comme une vérité reconnue etgénéralementsentie.
« Tout le monde sait (ceaont ses expressions) que la société a droit de punir de mort l'homme atroce qui a fait périr son semblable,
Dans l'état d'indépendance naturelle, ai-jedroit de tuer l'homme injuste
qui m'attaque? Personne ne doute de ce principe. Si j'ai droit de le
tuer,
M. Julien d'Entand de Genève, dans son Essai de jurisprudence criminelle, soutient, avec autant de justesse que d'érudition, que l'on ne peut se dispenser d'infliger la peine de mort contre le meurtrier. U appuie son sentiment sur l'équité admirable de la |oi du talion.
OÈil pour mil, dit-il, dent pour dent, celui qui tue est digne de mort.
« La simplicité de ces idées, fait qu'elles s'offrent naturellement à l'esprit; et, comme maxime, la loi du talion me paraît une excellente boussole pour le législateur ».
Ces autorités sont aussi décisives que lumineuses; elles sont fondées sur des vérités éternelles et incontestables; et lorsque Montesquieu a adopté une opinion, qu'elle a été défendue par Mably, par Rousseau, suivie par un de leurs disciples les plus distingués, et par les hommes les plus versés dans la jurisprudence criminelle, il semble que ces sentiments réunis sont capables de balancer celui de votre comité, et de justifier que, lorsque l'on vous propose l'abolition de la peine de mortF dans le cas d'homicide, l'on n'a pas peut-être assez réfléchi sur les moyens que je viens de développer, et qui tiennent à ces grands principes dictés pour le maintien de l'ordre et de la sûreté publique. •
Mais il faut l'avouer, Messieurs, l'opinion de votre comité n'est pas isolée, elle a des sectateurs; c'est la même que Beccaria a adoptée: c'est celle d'un littérateur de nos jours, célèbre par ses talents et son civisme {l). -: -
Le sentiment qui les anime est, sans doute, louable ; c'est l'élan de là sensibilité naturellequi les emporte tfop loin ; et en examinant, avec le calme de la raison et l'impassibilité que doit inspirer une question de cette nature, les moyens sur lesquels ces auteurs estimables établissent leur système, il sera facile d'en démontrer le danger.
Mais avant de répondre aux objections particulières, je dois en combattre Une générale que l'on ne manquera pas de réaliser contre lés môyens que je viens d'exposer. Elle consiste à dire, qu'il est injuste de ranger sur la même ligtie que les meurtres ordinaires, les elnpoteonnements, les parricides, les régicides, les.infanticides^ et les autres délits qualifiés, qu'un côhcours de circonstances particulières rend quelquefois atroces, et contre lesquels l'on doit sévir autrement qtte par une peine uniforme et nar simple mort.
Je réponds sur cette difficulté :
1° Que la plupart de ceux qui se rendent coupables de ces espèces de meurtres, ne connaissent point la cruauté du moyen qu'ils emploient pour atteindre leur but. La passion ne réfléchit pas ; et tout devient égal à ses yeux, pourvu qu'elle sè satisfasse. Il est Certain qù'elle préférera toujours la marche la moins révoltante, lorsqu'elle sera en son pouvoir ; et je ne sais si lé sang-froid, qui permet le choix de l'instrument le plus convenable pour ôter la vie à quelqu'un, n est pas plus criminel que la fureur qui saisit pour cela, tout ce qui tombe sous sa main;
2° Les causes des meurtres qualifiés sont souvent étrangères à l'intérêt privé de leurs auteurs, ou sont .du moiqs. presque toujours, des provocations qui en atténuent l'atrocité.
Il est excessivement rare qu'un fils porte une main sanguinaire sur celui
dont il a reçu le jour,
Le fanatisme qui poignarde les rois, qu'on ne saurait, sans injustice; placer dans la classe des tyrans, est l'ouvrage de quelque vice radical dans la législation.
N'est-ce pas au point d'honneur qui rend une fille chasie, qu'un doit attribuer le défaut de tendresse dont son enfant est la victime?
On ne voit pas que les meurtres qualifiés soient plus fréquents dans les pays où ils sont punis comme les meurtres ordinaires.
En Angleterre, le parricide, l'infanticide, l'empoisonnement ne conduisent qu'au gibet; et certainement ils y sont plutôt moins communs qu'ailleurs, où l'on f.iit subir d'affreux tourments à ceux qui s'en rendent coupables.
Enfin, indépendamment de l'inutilité des supplices rigoureux qui révoltent la nature et font frémir l'humanité, il n'y a point de comparaison entre l'inconvénient d'infliger une peine fixe qui soit, en certain cas, au-dessous de ce que mériterait le délit, et celui de punir arbitrairement, parce que Cet arbitraire occasionnerait fréquemment une inégalité réelle dans l'usage que les juges feraient de leur pouvoir ; et une inégalité apparente, à cause delà diversité qui règne presque toujours entre les opinions, sur la valeur des circonstances qui caractérisent la gravité du délit.
J'admets donc la seule peine de mort, je veux dire la simple privation de la vie, sans torture, pour toute sorte d'homicide volontaire; et je crois avoir démontré que mes principes n'ont rien d'inconciliable avec la justice et la sévère proportion qui doit exister entre les délits et les peines.
Je reviens aux objections particulières.
Les sectateurs de l'opinion de votre comité disent d'abord que la jpeine de mort n'est appuyée par aucun droit.
J'ai prouvé qu'elle était fondée sur la loi naturelle, qui est la première de toutes les lois ; sur la violation du pacte social, sur la sûreté générale et individuelle de chaque citoyen.
Un opinant (1) m'a paru vous présenter hier des idées bien étranges sur la peine de mort ; il a comparé l'assassin à celui qui, dans un corn-, bat, ôte la vie à un autre; à celui qui, sans le vouloir, tue son semblable,
Voici ma réponse :
Tuer celui que l'Etat a déclaré son, ennemi, n'est pas un meurtre; c'est remplir, au contraire, son devoir de citoyen ; c'est faire un acte nécessaire, indispensable pour le salut de la patrie.
Donner la mort, sans'le vouloir, ne doit pas être non plus mis au rang des homicides ; c'est quelquefois une imprudence blâmable et digne de repréhension.
Tuer à son corps défendant, pour se préserver d'un mal considérable, ne saurait être équita-blement envisagé comme un meurtre; c'est l'exercice d'un droit naturel et incontestable, même dans l'état de société.
Mais exécuter totalement ou partiellement le dessein formel de tuer
quelqu'un qui ne vous fait aucun mal; mais enlever la vie à un autre,
par des motifs de haine, de vengeance, de perfidie, de cupidité:
Voilà l'idée juste delà nature du délit;
Voilà le crime qu'il faut punir.
On ajoute:
« Des travaux pénibles, passés dans la servitude et la douleur ;
« Une prison perpétuelle, ou, pour un long temps, esclave des lois dont on était protégéj expo-é aux regards et aux mépris de ses concitoyens; devenu l'opprobre et l'horreur de ceux, dont on était l'égal :
« Voilà des peines plus sévères què la mort, et qui font une impression plus forte que celle du supplice, dont la vue endurcit l'âme, plutôt qu'elle ne la corrige. »
Ces portraits sont bien tracés, ces images séduisantes; mais leur éclat est trompeur et mensonger. Ne nous en laissons pas éblouir; voyons les faits, interrogeons l'expérience, marchons à la lueur de son flambeau, elle est un guide assuré.
Les travaux pénibles, que l'on veut substituer à la peine de mort, so it partout le partage de l'indigence; et l'on voudrait confondre le criminel avec l'indigent, l'assassin, le parricide, avec l'homme poursuivi par l'inlortune, ou accablé par le malheur..
L'abjection, le mépris, l'opprobre de ses semblables ne sont pas une peine pour le scélérat, mais plutôt un jeu.
Celui qui a eu la férocité de tremper ses mains dans le sang de son semblable a abdiqué tout seutiment d'honnêteté, de pudeur; il ne craint plus rien, excepté la mort : et si vous permettez qull, vive, au lieu d'être frappé de l'état d'infamie auquel il sera réduit, il le regardera comme un bienfait- j'ai presque dit comme un triomphe, parce qu'il servira encore d'aliment à sa vengeance et a sa fureur ; il osera peut-être paraître tranquille, heureux au milieu de son forfait.
Que l'on ne dise pas que l'on envisage souvent la mort avec un air tranquille, ferme, que le fanatisme l'embellit. ,
Je réponds que ce langage est celui de l'illusion.
Je soutiens que la vie passera toujours, parmi les hommes, pour le plus grand des biens.
La mort n'est qu'un instant, je l'avoue; mais un instant qui décide de. tout, qui termine le temps, et ouvre les portes de l'éternité. Cet instant fait frémir la nature : il n'est pas si facile à un coupable de se familiariser avec cette idée.
Celui que l'on mène au gibet regarderait comme une faveur la prison la plus dure, les travaux les plus pénibles, l'esclavage perpétuel.
L'idée de ces peines n'aura jamais autant de pouvoir que celle de la mort, pour l'éloigner du crime.
Demandez à ces anciens magistrats, obligés, par devoir, de suivre les traces des délits, d'en combiner les causes, de calculer le délire des passions, de sonder les cœurs et les consciences des accusés. Us vous répondront qu'ils se sont convaincus que la çraiûte de perdre la vie était, pour les coupables, un frein à leur excès; que cette seule idée avait épargné bien du sang et des victimes.
D'ailleurs ces cachots, ces chaînes, ces travaux pénibles que l'on présenté, comme devant former des peines habituelles, ne seront-ils jamais des armes impuissantes? Les hommes auxquels vous les confierez ne se lasseront-ils pas d'en user? La pitié n'entrera-t-élle jamais dans l'âme de ces gardiens? Croyez-vous qtfils soient
assez généreux pour ne pas vendre une indulgence qui ralentirait leur cruauté et affaiblirait le pouvoir de vos lois ?
Une considération encore bi^n puisante et que Vous ne devez jamais perdre de vue, est celle que beaucoup de criminels briseront leurs chaînes, soit en achetant leur liberté, soit en tâchant de la conquérir par la force, par Tadre-se; en Un mot, par mille moyens que l'on emploie, et auxquels la surveillance la pjus active n'a jamais pu obvier.
Cette seule idée de pouvoir échapper par la suite aux i.eines que l'on veut substituer à celle de mort, ranimera l'espéra i ce des malveillants : il ea est plusieurs qui, dans cet espoir, se livreront avec confiance au crime.
Ceux qui échapperont à ces peines chercheront de nouvelles victimes pour les immoler à leur vengeance.
Le crime amène d'autres crimes ;
Et celui qui, une première fois, a versé, avec craintè et Irayeur, le i-aug d'un homme, portera, dans une récidive, des mains encore meurtrières, avec une brutalité féroce et tranquille.
J'invoque ici l'autorité des exemples.
Que des juges, soit par excès d'indulgence, parce que la preuve d'un délit ne leur aura pas paru parfaite, aient mitigé contre un coupole la rigueur de la peine, et que ce ui qui méritait la mort n'ait été condamné qu'aux galères à vie; s'il brise ses chaînes, un des premiers usages qu'il fait de la liberté, est celui d'attenter encore à la vie de son semblable.
Si ce second crime est avéré; si ce coupable est repris et traduit aux tribunaux, quelle est la réponse qu'il fait à ceux que la loi appelle à le juger?
Il leur dit qu'il croyait échapper encore à la mort.
Il leur avoue que, s'il avait imaginé d'être privé de la vie, il n'aurait pas été assa. sin.
D'après de tels faiis, dont la certitude est notoire, je demande si la société peut, sans danger, conserver la vie au meurtrier.
Je demande fi le repos public, l'utilité générale, l'humanité même n'exigent pas que l'on prononce que les jours de l'assassin ne doivent pas être respectés?
C'est, Messieurs, la patrie qui le commande; c'est la sûreté de tous les citoyens qui le sollicite.
Que la mort la plus douce soit le supplice le plus cruel que pui.-se admettre le législateur.
Qu'il ordonne que l'on prendra, comme autrefois, dans le sénat de Rome, le deuil, lorsqu'il fauiira prononcer la mort d'on citoyen.
Punissez à regret, mais punissez : le bonheur de tous commande ce sacrilice à la nature.
Je conclus à ce que l'Assemblée natiouale décrète :
1° Que la peine de mort sera conservée, sans qu'elle puisse, dans aucun cas, être suivie de tourments ni de tortures;
2° Qu'elle ne sera appliquée qu'aux crimes d'homicide, d'empoisonuement, d'incendie et de haute trahison.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du discours de M. Mougins de Roquefort.
(1). Messieurs, j'examine de tous les genres de peines le plus révoltant
aux yeux de la nature, le plus cruel
Nous recevons avec ta vie le besoin de la conserver. La fuite de la douleur est un instinct bienfaisant de la nature;la conservation des êtres est son grand but, et la première comme la plus sacrée de ses lois, celle sans laquelle l'univers ne serait bientôt qu'une vaste solitude. C'est aussi la loi de toute société : les hommes ne se réunissent que pour se protéger et se défendre; ils ne mettent leur force eu commun que par le sentiment de leur faiblesse individuelle, et le soin de leur existence est le puissant mobile qui les anime et les dirige sans cesse. Peut-on bien concevoir qu'un homme cède à un autre homme le droit de lui ô er la vie, qu'il consente librement à être puni de iport? Cette vie lui appartient-elle? Pdot-il iD disposer, ou, pour mieux dire, et sans agiter un point si délicat, doit-il le faire? N'est-ce pas à la nature à reprendre dans son cours le dépôt précieux qu'elle lui a confié? devancer ce temps est une lolie ou un crime ; et si l'homme ne peut pas violer cette loi immuable qui gouverne impérieusement tous les êtres, comment peut-il donner à la société un droit qu'il n'a pas lui-même, et comment la société se prétend-elle investie de ce droit?
Je sais, et c'est une objection mille fois répétée, je sais que l'homme risque sa vie dans les combats; qu'il se fait un devoir et un honneur de mourir les armes à la main; que cette condition du pacte social est regardée chez tous lëspéup'L s comme légitime et sacrée; que de là on induit que, si pour le salut de la patrie il peut disposer de la vie, rien ne l'empêche de la sacrifier pour la réparation des délits qui troublent l'ordre public.
Cet exemple est sans force, et la conclusion en est fausse; car ce n'est pas pour sauver sa vie que l'homme s'expose à la mort: ce n'est que pour détourner le glaive qui menace sa tête, qu'il perce le sein de son ennemi. Sans doute, la mort peut être la suite de sa défense s'il est le plus fa ble et s'il succombe. Mais loin de consentir librement à sa destruction, il repousse avec énergie le danger qui menace ses jours. De ce que les hommes ont la férocité de s'égorger entre eux, s'ensuit-il que ces actes de violence et de barbarie seraient légitimes et qu'ilfaille les ranger au nombre de leurs droits?
Le pouvoir de disposer de la vie des hommes n'appartient donc point à la société, et la loi qui punit de mort blesse tous les principes de la raison, de la justice; c'est un abus criminel de la force.
Ce ne sont point là des idées spéculatives enfantées par l'enthousiasme de l'humanité et par l'amour irréfléchi dune perfection chimérique; ce sont des vérités absolues que les préjugés et la prévention peuvent obscurcir, mais non pas effacer.
Je ne dissimulerai point cependant que des écrivains distingués par leurs talents, à la tête desquels je place cet homme de génie, ce philosophe ami uu genre humain, à qui vous avez décerné le plus bel hommage qu'un citoyen puisse recevoir chez un peuple libre, ont soutenu que l'homme pouvait traniinettre à la société le droit de disposer de sa vie; mais je dirai aussi que celte doctrine a été vivement combattue et
avec le plus grand succès par des hommes non moins recommandables. Beccaria, dont le nom seul vaut un éloge, est de ce nombre.
Au surplus, je n'arrête point là mes réflexions; et, portant plus loin mes regards, je soutiens que la peine de mort est non seulement un délit dans l'ordre de la nature, mais qu'elle est absurde et barbare. «
Je l'envisage sous le rapport des individus, sous le rapport de la société, et enfin sous le rapport du dédommagement dû à celui qui a souifert ou à sa famille.
Quel est le.but essentiel des peines par rapport aux individus? De corriger l'homme et de le rendre meilleur. La loi ne punit pas pour le plaisir cruel de punir; ce serait une inhumanité. La loi ne se venge pas, parce qu'elle est sans passions et au-dessus des passions. Si la loi condamne à des privations, à des souffrances, c'est pour exciter le repentir dans l'âme du coupable; c'est pour le ramener à la vertu et l'empêcher, par le souvenir de ses maux, de retomber dans le vice. Mais une loi qui tue est sans moralité et s'écarte évidemment de l'objet que le législateur doit se proposer. Elle ne laisse aucun retour au coupable, puisqu'elle l'assassine; et elle agit avec la fureur des meurtriers.
On traite, je lésais, cet espoir de retour, d'une vaine illusion ; on veut que celui qui est tombé dans le crime soit incapable de repentir et de devenir jamais homme de bien ; on se représente ces monstres de scélératesse qui désho norent le genre humain; on ne voit plus alors dans les coupables que des hommes d'une per-'versité profonde, qui ne rêvent que forfaits, et qui, échappés à leurs fers, sont tout prêts àcom-mettre de nouveaux crimes ; quelques exemples viennent fortifier cette opinion, et on justifie ainsi à sa conscience la barbarie de la loi.
Mais de bonne foi avons-nous jamais rien tenté pour ramener un coupable à la vertu ? Nos prisons sont-elles des asiles propres à améliorer les hommes? Ne sont-elles pas au contraire des repaires de corruption? Quels sont les gardiens de ces sombres demeures? Gomment sont-elles surveillées? Avons-nous jamais fait luire le moindre rayon d'espérance au repentir, présenté la plus légère récompense à une bonne action, offert du travail à l'oisiveté? Enfin qu'avons-nous fait?... et cependant nous décidons sur-le-champ que celui qui s'est rendu coupable ne peut ni se corriger, ni devenir meilleur; nous l'effaçons de la liste des hommes.
Il est plus simple, sans doute, et plus expé-ditif surtout, de faire périr un homme que d'entreprendre sa guérison; mais la nature et la raison se révoltent de cet acte barbare.
Les Américains et les Anglais ont déjà fait dans ce genre des essais bien consolants pour l'humanité et qui prouvent contre la cruelle doctrine de ceux qui désespèrent de pouvoir à jamais changer les penchants dépravés des coupables.
Quel est le but essentiel des peines par rapport à la société? D'intimider par l'exemple les hommes qui seraient tentés de se livrer au crime, et de prévenir ainsi les désordres qui troublent la tranquillité publique.
Or, la ràison, l'expérience de tous les siècles et de tous les peuples prouvent que la cruauté des peines n'a jamais rendu les délits plus rares.
Ce n'est pas l'effroi du supplice qui arrête la main sacrilège de l'assassin. L'espoir de l'impunité le rassure sur le danger qu'il court. Le scélérat se flatte toujours d'échapper à la sur.
veillance delà loi et d'ensevelir ses crimes dans l'oubli. La certitude d'une peine légère épargnerait à l'humanité plus de forfaits qu^ les potences, les roues et les bourreaux. Ainsi, qu'on ne croie pas que l'homme assez barbare pour tremper la main dans le sang de son semblable soit retenu par l'appareil éloigné d'une fin cruelle.
Et qu'est-ce que la mort pour ceux à qui la vie est à charge, pour ceux qui ne tiennent à rien sur la terre, qui ne possèdent rien? Un moment de douleur que le courage fait supporter, que l'audace brave, que le fanatisme quelquefois embellit. Eh combien de criminels marchent de sang-froid à l'échafaud? Il en est même qui vont jusqu'à répandre des lueurs de gaieté sur cette terrible catastrophe. Rappelez-vous ce mot effrayant de Cartouche, ce mot qui est dans le cœur de presque tous les scélérats : Un mauvais quart d'heure est bientôt passé.
Par quelle inconséquence un peuple qui enseigne a ses guerriers le mépris de la vie, qui flétrit du sceau de l'ignominie ceux qui n'affrontent pas le trépas, met-il la mort au rang des peines, et la représente-t-il comme la plus affreuse de toutes ? Je ne prétends pas affaiblir par là la juste indignation que cet acte sanguinaire excite, mais faire voir de plus en plus combien il est absurde et horrible.
Les contrées où les supplices sont les plus cruels, sont celles où les crimes sont les plus fréquents. Jamais le nombre des malfaiteurs ne fut plus considérable dans l'Attique, que lorsque les lois atroces de Dracon furent en vigueur. Il n'existe pas de lieu sur la terre où les tourments soient plus multipliés qu'au Japon, et ce pays pullule de voleurs et de meurtriers. L'Europe, où l'on compte tant de crimes qui se lavent dans le sang'du coupable, fourmille de brigands.
Jamais l'Egypte n'a joui d'une plus grande félicité et d'une meilleure police que sous le règne de ce roi trop peu connu, Tabacos, qui bannit la peine de mort de ses Etats.
Rome eût peu de crimes à punir tant qu'elle respectâmes lois Valeria et Porcia, qui défendaient de mettre un citoyen à mort.
Dans la Corée où les châtiments ont peu de rigueur, ouïe seul crime capital est de maltraiter son père, il. est très rare que la société et l'ordra public soient troublés.
Ils ne le furent pas sous le règne brillant et vertueux de ce Jean Gomnène, qui ne permit pas à la justice d'infliger des peines corporelles.
En Toscane, les crimes n'ont jamais été plus rares que dans les années qui ont suivi l'abrogation de la peine de mort.
On a observé que, dans plusieurs Etats où la bienfaisance et l'humanité avaient proscrit la peine de mort, la prudence et la sûreté publique l'avaient rappelée. Cette remarque générale et vague a paru faire quelque impression sur les esprits; elle mérite d'être expliquée.
Lorsqu'un gouvernement dégénère, lorsque les institutions qui rendaient un peuple heureux s'affaiblissent; lorsque les mœurs se dépravent, lorsque la corruption se glisse dans toutes les classes de la société, les crimes deviennent plus communs : le législateur fait tousses efforts pour les réprimer. Les lois douces et modérées qui étaient bonnes dans l'ancien ordre de choses lui paraissent insuffisantes;il ne voit plus que la rigueur des supplices pouccontenir les malfaiteurs; il les augmente à mesure que les crimes se multiplient, et les crimes ne s'en multiplient pas
moins, parce que la source du mal n'est pas tarie.
Voilà ce qui, dans certaines circonstances et dans quelques pays, a fait revivre les meurtres judiciaires, qui pour l'honneur de l'humanité avaient disparu un instant, et la barbarie du Gode pénal a suivi, dans ieur progression, les vices du gouvernement.
Ailleurs; l'abolition de la peine de mort s'est opérée, sans qu'à la vérité le gouvernement ait changé ; mais le gouvernement étant arbitraire et corrompu, faisant dès lors un grand nombre de victimes et de malheureux, on n'a pas dû s'apercevoir que cet acte d'humanité ait diminué les délits, et le législateur a conclu que l'adoucissement des peines était un bienfait au moins inutile, s'il n'était pas nuisible.
Je prends la Russie pour exemple : peut-on être étonné que, sous un régime aussi despotique où l'homme languit encore dans le plus honteux esclavage, où le peuple est aussi opprimé, la peine de mort, détruite par Elisabeth, ait ensuite été rétablie? Les crimes, dans un" semblable pays, doivent nécessairement être communs quelles que soient les peines. Je suis convaincu cependant que leur douceur ne peut avoir que de9 influences salutaires.
Dans un bon gouvernement* les crimes sont nécessairement rares et les peines fort modérées. Plus un pays est libre, plus son Gode pénal est humain : je pourrais invoquer les Républiques anciennes à l'appui de eette vérité
On a opposé l'exemple des Etats-Unis de l'Amérique, cette terre de la liberté, où 1a peine de mort est conservée.
Il est vrai que les Américains, enfants de l'Angleterre et en ayant reçu les lois, n'ont pas encore effacé cette tache de ieur Gode criminel ; mais aussi c'est là seulement où elle existe, et on citerait difficilement des exemples de citoyens mis à mort au nom de la loi.
Dans aucun pays du monde les crimes ne sont plus rares, dans aucun pays l'homme coupable n'est traité avec plus de bontéi plus d'humanité ; c'est là où l'on voit le méchant égaré revenir à la vertu, c'est là où l'on voit de ver-, tueux quakers dévouer leur vie entière à la consolation des infortunés que les maisons de correction renferment, leur prodiguer les soins les plus touchants et les plus fraternels.
Ou il faut vouloir fermer les yeux à l'évidence, ou il faut convenir que la peine de mort estime barbarie sans objet, qu'elle ne produit aucun des heureux effets que le législateur doit se promet-tre, soit par rapport aux particuliers, soit par rapport à la société.
Il n'y a qu'un mot à dire sur le but des peines par rapport au dédommagement dû à celui qui a souffert ou bien à sa famille, s'il n'est plus. Il est trop clair que la mort d'un assassin ne rend pas la vie à celui qui en est privé. Il est trop clair que les trésors qu'un voleur a pu ravir ne se retrouvent pas dans les cendre»; donc je ne verrais là qu'une veDgeance que le premier mouvement peut autoriser, mais que la réflexion rendrait atroce, qui, fût-elle d'ailleurs dans le coeur humain, ne peut pas souiller la loi»
La sévérité excessive des peines produit encore ce fâcheux effet, qu'elle donne l'exemple de la barbarie; qu'ellehabitue le peuple àdes spectacles affreux, à l'effusion du sang humain, qu'elle le rend- cruel, qu'elle corrompt ses mœurs.
S'il est une nation des regards de laquelle il faille détourner ces scèneslugubres et déchirantes, c'est la nation française, eette nation si douce,
si généreuse, si sensible, pour laquelle le sentiment de l'honneur est une passion vive et qui craint bien plus l'infamie que la mort.
On ne peut, sans frémir, jeter un coup d'oeil sur l'affreux tableau des supplices inventés par les hommes. Est-ce donc là eette créature si parfaite qui se dit orgueilleusement l'image de la divinité sur la terre? Sont-ce là les effets bienfaisants de cet art social si vanté?
Loi fatale du talion, c'est toi qui as égaré presque tous les législateurs, c'est à toi qu'on doit Imputer la peine de mort ! Elle est belle sans doute cette maxime qui commande de ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'il nous fît; mais celles-là est injuste et détestable qui veut qu'on fasse à autrui ce qu'il nous a fait : et c'est là la loi du talion ; c'est là la loi qui dit : rendez crime pour crime, barbarie pour barbarie, supplice pour supplice. Quoil parce qu'un homme a versé du sang, il faut que la loi en verse; parce qu'un homme a péri, il faut en assassiner un autre ! C'est cependant là la logique et la morale des apologistes de la loi du talion. Est-il possible que de bons esprits se soient laissé entraîner à des principes aussi révoltants et qui outragent à ce point fa raison et l'humanité?
Certes, j'abhorre comme vous l'homme barbare et dénaturé qui fait couler le sang de son semblable. Gomme vous je veux qu'il soit puni, mais ce n'est pas en abrégeant sa vie par un meurtre, c'est en prolongeant sa peine, en l'appliquant à tous les moments de son existence, en lui imposant des privations de toute espèce, en le rendant utile à la société qu'il a offensée, en faisant de ses longues souffrances un exemple redoutable pour ceux qui seraient tentés de l'imiter. J'évite des détails douloureux dans lesquels votre comité est entré; mais soyez bien convaincus que les peines effrayent moins par leur rigueur momentanée que par leur continuité; que plus une impression est violente, moinselleest durable; que le supplice barbare de la mort est Une cruauté inutile.
Montrez-vous humain, c'est la première vertu des législateurs, fit combien ce sentiment devient-il un devoir pl us impérieux, lorsqu'on pense que les Crimes sont les fruits empoisonnés des mauvais gouvernements? Calculez en effet tous les maux d'une administration corrompue, d'impôts injustement répartis, de règlements qui énervent l'industrie qui tient le commerce, de lois civiles qui dérangent sans cesse l'égalité ; calculez, dis-je, tout ce que ces causes peuvent produire, et sur les hommes,; et sur leurs affections, et sur leurs mœurs privées, et sur la morale publique, combien elles plongent de citoyens dans la misère et le désespoir ; et que n'engendre pas à son tour la misère, cette lèpre qui ronge et détruit insensiblement le corps social? Pénétrez-vous profondément de ces vérités, et tremblez en punissant, tremblez de vous montrer trop sévères»; expiez auparavant les fautes de l'ancien régime; cicatrisez les plaies qui couvrent cette foule immense d'infortunés, rappelez-les à la vertu en les rappelant au bonheur ; faites des lois sages ; régnez par la justice, et alors vous aurez bien plus fait que de punir, vous aurez prévenu les erimes.
Je rejette donc avetf vos comités la peine de mort.
La peine de mort doit-elle être conservée, oui ou non ? Le comité vous aurait sans doute évité cette discussion si, au lieu d'examiner la peine de mort dans ses effets,
il en avait approfondi la cause; c'est ce que je Vais faire én peu de mots.
La peine de mort, regardée dans sa cause et dans ses effets, n'est autre chdse, dans le Contrat social, que la clause compromissoire, ou la clause par laquelle chaque individu assure, sur sa vie, la vie de ceux avec qui il est en société ; et sous ce point de vue, la peine de mort est en quelque sorte la base fondamentale de toute l'agrégation politique; et quand elle a porté la péinede mort. C'est comme si. elle eût dit à tout homme : si-vôtre vie vous est chère, respectez celle de votre semblable, car Vous en répondez sur votre propre vie. L'argument par lequel on prétendrai t établir que là loi n'a paS le droit d'attenter à la vie dés hommes s'applique à tous les systèmes : car ceux qui rneuirent sOus le fer d'un àssassin, encourdgé par la dodèëur dé la peine, meurent aussi Sous le fer de la loi.
Abolir la peîtië de mort, c'est donc affaiblir d'autant cette réstionsabilité ; c'est mettre dan3 la balance, d'un côté là vie dë chaque citoyen, de l'autre la privation temporelle de la liberté. Pour mieux sentir PinsuffiSanèe de la loi qu'on vous proposé, il faut la supposer adoptée et la mettre en action.
Je suppose donc, Messieurs, qu'un scélérat se glisse parmi vous, que là il choisisse sa victime, qu'iM'égorge à vos yeux, que se retournant froidement il vous dise : Ce n'est pa& la peine de m'intërroger, j'avoue tout, j'ai tué cet homme de dessein prémédité. qu'Ôn nie conduise au cachot. À l'indignation qui s'emparerait dë Vous, an frémissement dont vous ne Seriez pds les maîtres, vous sentiriez {'insuffisance de ià loi, et vous regretteriez de l'avoir portée.
Messieurs, celui qtii médité' Un Code pénal doit se représenter la société comme composée de Sciasses d hOïflftfès ; ia première dë ceux qui naissent bobs et vertueux ; rà Seconde de ceûi qui naissent scélérats ; la troisième, et la pltts nombreuse, celle de ceux qui! apportent en naissant des dispositions équivoques, et que les Circonstances ou l'éducation déterminent àù vice ou à la vertu. Les pèines ne Sont pas pour les deux premières èïassês d'hommes,, les tins n'en, ont pas besoin, les atutres ont le féroce éoUrage de les mépriser. Elles ne sont donc vraiment applicables qu'à la troisième,, et c'est pour ceux-ci que je parle.
ôtez potir cèiix-ci là peine de mort, et alors Fimaginàtion la plus faible s'attache sans horreur, je pourrais même dire avec trànquillité, à l'idée de la peine qui y supplée. Quelques annéespassées dans Une parfaite inaction, mêlées de quelques jours de douceur et de.éonéoïation; voilà ce que calculé l'homme qui médite de devenir criminel, il s'y accoutume bientôt, et dès qu'il a reconnu le tefme extrême où le crime peut le conduire, rl l'a déjà commis dans Son âme* et il ne lui manque plus que l'occasion.
C'est ici, Messieurs,;le ïiéû de Vdûs présenter uùe réflexion qu'on ne doit jamais perdre de vue dans la discussion du Code pénal, c'est que la loi ëst mauvaise, la ïôî est un mal, lorsqu'elle ne prévient pas le crime ; c est dans les prisons même qu'on doit aller chercher la solution du problème qu'on veut résoudre. Dans le moment ôû l'on s'occupe du jugement d'tfti procès criminel, non seulement ceux qui y sont impliqués, mais ceux qui ont commis de pareils forfaits, sont dans des transes terribles et des agitations continuelles.
N'avez-vouS pas, Messieurs, des hommes qui
pour un modique salaire se dévouent à un séjour aussi pénible que celui du cachot? Ceux par exemple qui travaillent aux mines ne renoncent-ils pas à la lumière du jour? N'affrontent-ils pas les dangers de toutes espèces, ne Se vouent-ils pas encore à des travaux, non seulement pénibles, mais qui abrègent visiblement leurs jours? Ët si des hommes honnêtes souffrent tout cela pour un modique salaire, jugez, Messieurs, s'il faudra beaucoup d'argent pour engager un scélérat à affronter le cachot 1 (Applaudissements.)
Le second inconvénient, c'est que la peine du cachot, telle qu'elle est proposée, tend à rendre à là société des membres infects ; c'est une vérité démontrée pour tous ceux qui connaissent le cœur de l'homme : rien n'est plus rare qu'une Conversion sincère. Celui qui de sang-froid a égorgé sott semblable, celui quia résisté à cette voix impérieuse qui lui criait : tti ne tùeras pas, doit demeurer toujoùrs suspect à la société qu'il a souillée de son crime, et le législateur ne pourrait le rendre à la vie sociale sans Consentir à se Charger, sous sa responsabilité, de tout le mal qui pourrait se commettre.
Souvent mon devoir m'a appelé dànscesàsilesoù le crime attend son châtiment ; j'y ai vu combien là peine de mort est supérieure, à toute autre; j'y ai vu -les coupables se féliciter de n'être condamnés qu'aux galères, tant il est vrai que nulle peine ne peut remplacer celle de là mort. Mais dans ces prisons les hommes devenaient-ils meilleurs? Au contraire, ils y tiennent entré eux une espèce d'école de Onmes; ils s'instruisent mutuellement sur la manière dé combiner les tours les plus adroits, sur la manière d'échapper à la conviction ; le législateur peut-il ensuite rendre à la société de pareils hommes, sans se rendre responsable des crimes qu'ils commettront ? Je ne vous dirai rien de la nullité du travail que Vous ferez faire par ces hommes, à qui on ne peut sans danger coniler aucun instrument ; je ne vous parlerai pas des dépenses de construction et d'entretien des cases que vous donneriez à ces cénobites d'une nouvelle espèce.
Jé me hâte de revenir au principe; c'est que la responsabilité de lâ vie ne peut être assurée que sur la vie même; et je pense que si vos comités ont cru faire preuve cfe philosophie en vous proposant d'abolir la peine de mort, Ce* n'est qu'en rejetant cette opinion que vous montrerez combien la vie d'un homme vous est chère. (Applaudissements.)
Un grand nombre de membres demandent à aller aux voix.
L'AssemÈfée n'est pas encore complète,; il est impossible d'enlever une délibération pareille.
Vos deux comités de Constitution et de légistation criminelle, qui forment un nombre assez considérable d'hommes, ont été unanimement d'accord sur le projet qu'il vous ont présenté. Je demande à parler en leur nonh
(Après quelques débats, l'Assemblée décide quê M. Duport sera entendu.)
(1). Messieurs, s'il est une question qui n'appartienne qu'à la raison,
qui soit au-dessus de tous les intérêts et de tous les partis,
C'est ici que, sans danger et sans crainte, nous devons chercher à éclairer notre délibération de cette philosophie bienfaisante et douce qui, après avoi,r été longtemps, au sein du despotisme, la consolation et l'espoir des citoyens éclairés et vertueux, a depuis présidé aux veilles des législateurs. Elle seule peut dégager la question des préjugés qui l'entourent encore, et qui, comme tous les autres, se sont établis et fortifiés par l'habitude et la paresse de l'esprit; elle seule peut élever l'âme au-dessus de ce sentiment secret de défiance et d'appréhension personnelle qui nous détourne involontairement de l'idée d'aucune diminution, d'aucun changement même dans les peines, car souvent, démêlant mal les causes qui font naître et entretiennent les crimes atroces dans une société, chacun, en opinant pour la peine de mort, croit augmenter ainsi les chances en faveur de sa propre sûreté.
J'ai tâché d'approfondir davantage la matière; et, quel que soit le mérite des idées que je vais vous soumettre, j'ai du moins la conscience que l'opinion qu'elles expriment s'est formée chez moi avec réflexion. (Murmures.) Eh! qui oserait, Messieurs, essayer d'influer sur une aussi grande délibération par de simples aperçus, ou y apporter une détermination légère et peu réfléchie?
Je ne m'engagerai pas dans la question métaphysique de savoir si la société a ou non droit de vie et de mort sur ses membres. Les hommes, a-t-on dit, n'ont pu donner à la société sur eux que les droits qu'ils avaient eux-mêmes : or, personne n'a le droit de mort sur les autres, ni sur lui-même; car il n'y a que des malades ou des insensés qui se tuent.
D'autre part, on soutient que la société peut faire tout ce qui est-indispensable à sa conservation, et qu'elle peut en conséquence établir la peine de mort, si elle la juge indispensable pour se conserver.
Il serait possible de répondre d'abord, que jamais un simple meurtrier ne peut mettre en danger une société entière. (Murmures.) On pourrait ajouter que les hommes ont gardé et gardent encore dans l'état de société l'exercice de la défense personnelle, dont l'obligation immédiate peut seule motiver et justifier la mort de celui qui attaque, et qu'ils ne remettent à la société qu'on droit de protection générale, celui de prévenir et réprimer les agressions, droit qui ne renferme point la nécessité, par conséquent l'excuse du meurtre.
Mais, sans entrer plus avant dans cette discussion, je vais poser la question d'une manière moins favorable peut-être à l'opinion que je défends, mais propre à conduire à un examen plus facile, et à une solution plus prompte et plus complète de la difficulté. J'accorde qu'il faut établir la peine de mort, si elle est indispensable à la conservation de la société, ou, ce qui est la même chose, au maintien des droits naturels des hommes. Sans doute, on ne me contestera pas que, si cette peine n'est pas nécessaire à cet objet, elle doit être abolie. Ce principe, Messieurs, je le puise dans vos propres décrets,, dans l'article 8 de la Déclaration des droits qui porte : La loi ne peut établir que des peines strictement et évidemment nécessaires.
Or, je prétends prouver non seulement que la peiDe de mort n'est pas nécessaire, mais : 1° qu'elle n'est pas propre à réprimer les crimes auxquels on veut l'appliquer; 2° que, bien loin
de les réprimer, elle tend au contraire à les multiplier.
Je n'ai garde ici, Messieurs, d'abuser de l'humanité qui semble embellir la cause que je défends, et d'opposer à mes adversaires la défaveur de celle qu'ils soutiennent; je conviens qu'aucun motif honteux ne peut les porter à se déterminer en cette matière : et il ne faut se défendre que d'une résolution légère et de la fausseté du raisonnement.
De la manière dont la question vient d'être posée, il résulte déjà qu'il est un cas où la société a le droit de donner la mort ; c'est lorsque sa conservation tout entière y est intéressée : ainsi, lorsqu'un chef de parti est arrêté, et que son existence, en prolongeant la guerre et l'espoir de ses adhérents, peut compromettre la sûreté de la société entière, sa mort est indispensable, et dès lors elle est légitime.
Vos comités ont admis ce principe ; il ne trouvera pas de contradicteur. Mais alors la mort n'est point une peine; et c'est comme telle que nous allons la considérer ici, comme étant la punition d'un coupable que la société retient dans les fers, et dont elle peut aisément empêcher, pour l'avenir, les mauvais desseins. Aualysons cette peine.
Qu'est-ce que la mort? La condition de l'existence; une obligation que la nature nous impose à tous en naissant, et à laquelle nul ne peut se soustraire. Que fait-on donc en immolant un coupable ? Que hâter le moment d'un événement certain ; qu'assigner une époque au hasard de son dernier instant. N'est-on pas déjà surpris qu'une règle immuable de la nature soit devenue, entre les mains des hommes, une loi pénale; qu'ils aient fait un supplice, d'un événement commun à tous les hommes? Comment ose-t-on leur apprendre qu'il n'y a de différence matérielle entre une maladie et un crime, si ce n'est que celui-ci fait passer, avec moins de douleur, de la vie au trépas? Gomment n'a-t-on pas craint de détruire la moralité dans les hommes et d'y substituer les principes d'une aveugle fatalité, lorsqu'on les accoutume à voir deux effets semblables résulter de causes si différentes ?
Les scélérats qui, comme presque tous les hommes, ne sont guère affectés que par les effets, ne sont malheureusement que trop frappés de cette analogie; ils la consacrent dans leurs maximes; on la retrouve dans leurs propos habituels : ils disent tous que la mort n'est qu'un mauvais quart d'heure, qu'elle est un accident de plus dans leur état; ils se comparent au couvreur, au matelot, à ces hommes dont la profession honorable et utile offre à la mort plus de prises et des chances plus multipliées. Leur esprit s'habitue à ces calculs, leur âme se fait à ces idées, et, dès lors, vos supplices perdent tout leur effet sur leur imagination.
Législateurs, quoi que vous fassiez, vos lois n'empêcheront pas que la mort ne soit nécessaire pour l'honnête homme comme pour l'assassin. Que faites-vous de plus contre ce dernier? Vous rendez son époque un peu moins incertaine; et c'est de cette légère différence que vous attendez tout votre système de répression! Vous oubliez qu'il n'y a que la mort actuelle qui puisse être vraiment répressive; voilà la source de l'erreur. On dit qu'il n'est pas d'homme sur lequel elle n'ait une grande influence; je l'avoue, lorsqu'elle est devant ses yeux, inévitable et instante; mais, sitôt que son image ne se présente que dans un.
avenir éloigné, elle s'enveloppe de nuages, on ne l'aperçoit plus qu'à travers les illusions de l'espérance; alors elle cesse d'agir sur l'imagination, elle cesse de devenir un motif ou un obstacle à nos actions.
Je vais plus loin: l'assassin est-il le seul qui courre le risque de hâter la fin de sa vie? L'officier civil, le militaire, le simple citoyen ne doivent-ils pas être prêts à s'offrir à ia mort plutôt que de trahir leur devoir? G'est vous-mêmes qui le leur prescrivez. Mais comment espérez-vous assouplir ainsi l'esprit des hommes et en modifier leurs pensées au point de les diriger à votre gré vers des idées contradictoires? Quelle est votre position? Vous n'avez que la mort à offrir au crime et à la vertu. Vous la montrez également au héros et à l'assassin : à l'un, à la vérité, comme un devoir qui l'associe à une gloire immortelle; à l'autre, comme un supplice ignominieux. Mais c'est donc encore sur une distinction subtile et métaphysique que s'appuie uniquement le ressort que vous employez ; c'est dans l'amour de l'estime, dans la crainte du blâme que vous cherchez à trouver le seul mobile qui doit animer les hommes ou les contenir. Vous réussissez sans doute pour l'homme vertueux, que l'on peut aisément diriger par ce genre d'influence; mais aussi vous échouez nécessairement contre le scélérat; celui-ci ne voit que l'effet matériel dans votre supplice; sa moralité ne saurait l'atteindre. L'infamie ne le touche point; la peine, pour lui, n'est que la mort: la mort n'est qu'un mauvais quart d'heure.
Je le demande aux plus zélés partisans de la peine de mort; qu'ils répondent au dilemme suivant : ou le scélérat est affecté de l'idée de l'infamie attachée à son supplice, alors il est bien plus utile de la joindre à un supplice vivant et durable; car il y sera certainement plus sensible lorsqu'il en sera personnellement l'objet, que lorsque après lui elle doit s'attacher à sa mémoire; ou bien il ne s* ra pas affecté de l'idée de l'infamie, alors vous êtes forcés de convenir que la mort n'est plus pour lui qu'un accident commun à tous les hommes, que le crime et la vertu accélèrent également, et qui ne renferme plus rien de pénal, plus rien de capable de réprimer et de contenir : il est donc évident, dans les deux cas, que la peine de mort est non seulement inutile, mais peu propre à réprimer les crimes.
Ainsi raisonne surtout l'homme que votre loi a pour objet, non le citoyen qui est guidé par la considération de ses devoirs, non le fripon ou le vil escroc pour lequel d'autres peines sont destinées: mais l'homme sanguinaire et féroce, qui conçoit un forfait et calcule froidement les moyens de l'exécuter; voilà celui que vous menacez de la mort pour le détourner de son crime. Mais ne voyez-vous pas que cet homme est déjà familiarisé avec l'idée de la mort et de l'effusion du sang? Vos menaces ne sauraient le retenir, et votre loi même l'y encourage.... (Murmures et interruptions.)
Si Montesquieu ou Beccaria était en ce moment dans cette tribune, je demande qui oserait l'interrompre. (Éclats de rire). G'est Cependant leurs idées que je présente ici.
Vos menaces ne sauraient retenir cet homme et votre loi-même l'encourage. L'horreur du meurtre diminue en lui, lorsqu'il se dit à lui-même qu'il s'expose à la même peine; une sorte de courage semble ennoblir son crime et le rendre moins odieux à ses yeux. Voulez-vous, je le répète, vous assurer que l'image de la mort ne se mêle jamais aux motifs qui déterminent
nos actions ordinaires; voyez si ceux qui se livrent à dés excès, sont retenus par- la crainte de la mort qui les suit? La raison leur dit bien néanmoins qu'ils raccourcissent la carrière de leur vie, mais la mort est un frein impuissant pour eux; et vous espérez qu'e'le arrêtera le scélérat qui est poussé vers le crime par son caractère, par ses habitudes, et souvent par le besoin et le désespoir!
C'est une grande faute dans laquelle on tombe involontairement, que de se prendre soi-même pour juge de l'effet de la peine que l'on destine au meurtrier. Pour déterminer la mesure de cette peine, ce n'est pas sur ce que vous éprouvez, ce n'est pas sur les sensations d'un citoyen paisible, mais sur celles d'un scélérat, qu'elle d-oit être calculée.
Les hommes, à la vérité, craignent tous la douleur; et si vous voulez consentir à prolonger la mort par ces tourments raffinés que renferment les lois actuelles, peut-être parviendrez-vous à inspirer aux assassins un véritable effroi. Sans aucun doute, vous rejetterez avec horreur cette idée, s'il était possible qu'elle vous fût présentée; mais par là vous décidez en même temps l'abolition de la simple peine de mort; car l'expérience a prouvé que la mort, lorsqu'elle n'est que la mort en perspective, est insuffisante pour réprimer, et qu'il faut y joindre pour cela des tortures et cet appareil d'atrocité et de barbarie, inventé contre des esclaves, lorsqu'on semblait avoir oublié qu'ils étaient des hommes.
Cherchons donc ailleurs des moyens de réréprimer les crimes.
Je ne cesserai de la répéter, cette vérité qu'on semble mépriser parce qu'elle est trop simple; le premier de ces moyens et le plus efficace, c'est la justice, la douceur des lois et la probité du gouvernement.
Le second est dans ces institutions locales établies pour prévenir chez les hommes le désespoir ou l'extrême pauvreté, source ordinaire des crimes. Je ne crains pas de le dire, ton t cet appareil de peines, ces lois, ces tribunaux, tous ces remèdes qui s'appliquent aux effets, ne sont rien près de ceux qui vont à la source du mal. Fournissez aux hommes du travail, et des secours à ceux qui ne peuvent travailler, vous aurez détruit les principales causes, les occasions les plus ordinaires, je dirais presque l'excuse de tou^ les crimes.
Vous avez regardé avec raison l'établissement du Code pénal comme un de vos principaux devoirs; mais i'ose vous déclarer que les trois quarts de ce Code sont dans le travail que votre comité de mendicité doit vous présenter.
Enfin, nuisqu'après tous ces moyens il faut encore établir despeines pour réprimer des crimes, et puisque cette répression consiste moins à prévenir l'acte matériel du crime, que l'intention qui le médite et la pensée qui le calcule, tâchez d'approprier vos efforts à cette fin; observez pour cela l'individu dont vous voulez modifier la volonté et arrêter les desseins.
Un assassin est véritablement un être malade dont l'organisation viciée a corrompu toutes les affections. Une humeur âcre et brûlante le consume; ce qu'il redoute le plus, c'est le repos, c'est un état qui le laisse avec lui-même ; c'est pour en sortir qu'il brave continuellement la mort et cherche à la donner ; la solitude et sa conscience, voilà son véritable supplice. Cela ne vous indi-que-t-il pas quel genre de punition vous devez lui infliger, quel est celui auquel il sera sensible?
N'est-ce pas dans la nature de la maladie qu'il faut prendre le remède qui doit la guérir? C'est aussi là que vos comités l'ont puisée : telles sont les vues qui les ont déterminés. Je ne les discute pas en ce momegt; je me borne à conclure ici que la mort ne saurait être une peine, puisqu'elle n'en a point le premier caractère, celui d'être répressive, et que l'iufamie qu'on y attache est inutile, ou serait jointe avec plus d'avantage à un supplice vivant et durable.
2° Je dois prouver davantage et démontrer que la peine de mort a pour effet de multiplier les crimes atroces.
La société n'est qu'une imitation de la nature; elle a le même but qu'elle, la conservation des individus et le maintien de leurs droits. Si leur empire a les mêmes bornes, leurs agents sont aussi les mêmes ; et si la société cesse de consulter la nature, si elle ose contrarier cet ordre éternel auquel l'univers entier est soumis, et dont l'observation forme l'harmonie du monde, bientôt tout devient désordre et confusion : il se forme une opposition entre les moeurs et les lois. L'homme, livré à deux puissances contraires, ne reconnaît plus le fil qui doit le guider dans sa conduite ; ses devoirs cessent de lui être tracés, et les limites qui séparent les vertus et les vices deviennent de plus en plus variables et incertaines.
Les gouvernements anciens, au milieu de beaucoup d'erreurs, avaient saisi cette importante maxime d'identifier les lois et les mœurs, en ralliant ainsi à des principes communs l'esprit et le cœur des hommes, en donnant une direction uniforme et un parfait accord à leurs opinions et à leur conduite : l'action sociale s'augmentait chez eux de l'union de ces divers ressorts ; la force était une, énergique et facile. C'est avec cette justesse de vues et cette simplicité de moyens qu'ils étaient parvenus à donner aux hommes cette élévation dans le caractère, cette dignité simple avec lesquels contrastent si fort l'affectation, la sécheresse et la frivolité des mœurs modernes.
Mais je reviens à la question.
S'il est vrai que, pour maintenir les droits primitifs de l'homme, la société ne puisse faire mieux que d'imiter les moyens que la nature emploie, voyons quels sont ceux que celle-ci met en usage" pour assurer le premier et le plus important de tous, je veux dire la conservation des individus.
Un homme rencontre son ennemi seul, il est le plus fort; il ne sera pas vu ; qui le détourne d'attenter à sa vie? Qui maintient notre existence au milieu de tant de haines, de vengeances, de passions sans cesse exaltées? Pensez-vous que ce soient vos prohibitions légales ou (a crainte de vos peines? Non : mais cette prohibition plus forte, que la nature a gravée dans le cœur (les hommes ; mais cette voix qui crie à tous les êtres de ne pas attaquer leur semblable, de ne pas attaquer un être sans défense, de ne pas attaquer quiconque ne les attaque pas ; c'est sous cette garantie profonde, c'est à l'abri de ces sentiments que les individus vivent tranquilles, et que ia société ne présente pas un spectacle continuel de violences et de carnage. On fait en général trop d'honneur aux lois, en leur attribuant l'ordre et l'harmonie qui lègnent dans un Etat civilisé. Le gouvernement y peut beaucoup ; mais c'est moins par les règles qu'il prescrit aux individus, que par le caractère et les sentiments qu'il leur inspire; le reste appartient à la na-
ture, qui, ayant voulu notre conservation, nous a doués des affections nécessaires à ce but, je veux dire, la compassion et l'humanité.
Voilà ce que Fait la nature. En succédant à ses droits, vous avez contracté les mêmes obligations; voyons si vous saurez aussi bien les remplir; voyons si les moyens qu'elle emploie se sont affaiblis ou renforcés dans vos mains.
Comme elle, vous défendez le meurtre... (Bruit.)
Si l'Assemblée ne veut pas m'entendre... (Bruit). (Il quitte la tribune.)
Monsieur Duport, je vous prie de continuer.
Si on veut déshonorer l'Assemblée en décidant en deux séances une question aussi importante, il est scandaleux d'entendre des murmures quand on discute la plus grande question qui puisse être traitée à la face du ciel. On doit écouter au moins ; je demande que M. Duport soit entendu.
Je demande que M- Duport soit invité à continuer son opinion.
M. Duport a la parole et je ne la donnerai à personne.
J'insiste d'autant plus pour que M. Duport soit entendu.
Plusieurs membres : Laissez-le donc parler 1
J'ai toujours suivi le devoir d'un honnête nomme. Le devoir d'un honnête homme est, lorsqu'il s'est formé une opinion, de la défendre de tout son pouvoir et de ne céder qu'à vos décrets.
Voilà donc ce que fait la nature. En succédant à ses droits, vous avez contracté les mêmes obligations; voyons si vous saurez , aussi bien les remplir; voyons si les moyens qu'elle emploie se sont affaiblis ou renforcés dans vos mains.
Comme elle, vous défendez le meurtre; mais au milieu de la place publique et du peuple qui s'y assemble, je vois un homme massacré de sang-froid par votre ordre ; mes yeux, ces organes qui transmettent au dedans des sensations si vives et si puissantes, ont été offensés de ce spectacle. L'homme que l'on fait mourir a, dites-vous, assassiné son semblable; mais l'idée éloignée de son crime s'absorbe et se perd dans la sensation présente et bien plus vive de son supplice. Le spectateur, celui même que l'indignation contre le coupable a conduit à le voir périr, au moment de l'exécution lui pardonne son crime ; il ne vous pardonne pas votre tranquille cruauté ; son cœur sympathise secrètement avec le supplicié contre vous; les lois de son pays lqi paraissent moins chères et moins respectables, en ce moment où elles blessent et révoltent ses plus intimes sentiments; et, en se retirant, il emporte avec lui, suivant son caractère, des impressions de cruauté ou de compassion, toutes différentes de celles que la loi cherchait à lui inspirer. Il se forme au mépris, non de sa propre vie, sentiment presque toujours généreux, mais de celle de ses semblables. Si quelquefois il a médité de se défaire de son ennemi, ou d'assassiner un citoyen, cette horrible entreprise lui paraît plus simple et plus facile, elle fatigue moins ses sens depuis qu'il a vu la société elle-même se permettre l'homicide.
Ainsi donc une peine qui n'est point répressive pour l'assassin devient encore dangereuse et corruptrice p%ur le spectateur, elle est à la fois inutile et funeste; et vous, loin de favoriser la nature dans les moyens qu'elle emploie pour la conservation des individus, vous atténuez ces moyens, et vous multipliez ainsi les crimes en détruisant leur plus grand obstacle : je veux dire l'horreur du méurtre et de l'effusion du sang.
Au-dessus de vos lois, et avant vos conventions, il existe des causes et des agents que vous ne pouvez dénaturer ou contrarier sans danger. Ce n'est pas l'injustice du meurtre que "la nature a proscrit, c'est le meurtre lui-même, toutes les fois qu'il est volontaire. Ce qu'elle repousse avec horreur, c'est que plusieurs hommes, de sang-froid, en massacrent un seul sans défense. Voilà le plus grand crime à ses yeux ; ce qui le prouve, c'est qu il révolte à la fois toutes les sensations humaines. Eh l ne pouvez-vous punir les hommes sans corrompre chez eux les habitudes et les mœurs ?
Maintenant mettons en balance vos moyens et ceux de la nature, et comparons le résultat. Elle défend, je le répète, le meurtre volontaire, et sa défense s'exprime par cet instinct primitif qu'il ne faudrait plus que renforcer et raffermir pour en rendre l'effet certain et invincible.
Vous aussi vous défendez le meurtre, mais vous vous en réservez l'exclusif usage ; ce n'est pas l'homicide que vous improuvez, mais seulement l'illégalité de cette action ? vous altérez des agents doux et directs de l'humanité et de confiance, et vous mettez à la place des agents indirects, deB peines à la fois cruelles et sans effets. Les bases de la moralité des actions ne sont plus les mêmes : cet instinct que vous avez affaibli agissait sur tous les hommes, dans toutes les situations; la défense légale, au contraire, n'a lieu que lorsqu'il craint d'être vu ou qu'il n'espère pa3 d'échapper : d'autre part, celui qui hésite encore dans cette horrible résolution du crime se Sent moins retenu par la prohibition de la loi, par les idées métaphysiques qui en dérivent, que par les avertissements actuels et physiques que ia nature lui donne. Que doit-on chercher? C'est que la nature soit la plus forte dans cette lutte que l'assassin lui livre, lorsqu'il veut commettre un crime; au lieu de cela, vous déplacez le lieu du combat, vous donnez à l'esprit à décider ce qui appartenait à l'âme; vous sou'-mettez au calcul ce qu'il fallait laisser au sentiment; le meurtre cesse d'être une action atroce, puisque vous vous le permettez, il n'est plus qu'une action illégale ; ce n'est plus qu'une simple formalité qui sépare l'assassin et le bourreau; c'est cette formalité qui devient toute la garantie que vous donnez à chaque individu de sa conservation. Vous avez affaibli ces motifs puissants et actuels de nos actions, qui nous viennent de la nature et de notre organisation, pour y substituer des principes métaphysiques et artificiels dont l'effet, nul sur ceux que vous avez intérêt et intention d'atteindre, est funeste pour tous les autres; pour punir quelques hommes, vous les corrompez tous : car, s'ils ne se rendent pas cri-minels2 vos peines au moins tendent à les rendre durs, insensibles, inhumains. Ainsi, sans le savoir, sans le vouloir, vous empoisonnez la source du bonheur de la vie domestique et privée et de toutes les jouissances sociales.
J'ose l'affirmer, Messieurs, la peine de la mort, fût-elle utile, ne compensera jamais les maux infinis qu'elle fait en altérant le caractère de tous.
Croyez-vous donc que c'est pour sauver un assassin que je parle? Croyez-vous que je pense qu'il ne mérite pas la mort? Oui, sans doute, il la mérite; et si je ne la lui donne pas, c'est pour apprendre aux autres, par mon exemple, à res^ pecter la vie des hommes, c'est pour ne pas détruire én eux les sentiments ies plus propres à entretenir parmi eux la bienveillance et la sûreté.
Au lieu de ces ressorts impuissants, unissez franchement votre puissance à celle de la nature : elle a horreur du meurtre-; montrez une horreur semblable : elle se brise en voyant un homme massacré de sang-froid par plusieurs hommes. Eloignez ce spectacle de lâcheté et de barbarie, que tes hommes aient une règle constante et sure d'obéissance, qu'ils n'aient plus à choisir entre des exemples et des lois ; mais que les uns et les autres les amènent à respecter la vie et la sûreté de leurs semblables.
Que nous oppose-t-on, Messieurs? Des usages. Il en est de récents dont il nous serait facile de fortifier notre opinion : mais que font aujourd'hui les usages devant les raisons?
Je cherche celles qu'on allègue en faveur de la peine de mort; toutes semblent se réduire à cet adage vulgaire, qu'il faut du sang pour du sang,, qu'il faut tuer celui qui assassine.
Analysons cette idée pour, voir ce qu'elle .peut produire de vérité. On conviendra aisément que c'est de la peine du talion que vient l'usage de de tuer l'assassin, et que la peine du talion elle-même tire son origine de là. vengeance individuelle, qu'elle tend à en perpétuer et consacrer l'idée. La nature, à la vérité, indique ce sentiment de la vengeance ; mais c'est précisément pour en prévenir les effets, que les hommes se sont réunis en société, et leur premier acte a été de remettre à la société le droit de punir. Dans les premiers temps, l'on conçoit facilement que la peine du talion a dû, chez plusieurs peuples, former elle seule tout le Code pénal. Elle semble conforme à l'idée primitive de la justice; elle paraît être la sanction de cette maxime : ne fais pas à autrui ce que tu né voudrais pas que Von te fit. Lorsque la doctrine de l'intérêt général est encore ignorée; lorsque l'intérêt particulier seul sert de mesure aux actions et de base aux lois, alors on doit naturellement désigner pour peine le traitement que chaque homme aurait fait subir sur-le-champ à son ennemi ; mais, à mesure qu'une société se civilise, lorsque les inégalités de toute espèce s'y introduisent et sont consacrées par les lois, l'on ne tarde pas à voir combien la peine du talion devient injuste, dangereuse et même impraticable dans presque tous les cas ; car comment punlra-t-on, par le talion, le faux, le vor, l'incendie, l'effraotion?
L'expérience et la raison démontrent bientôt que l'être moral qu'on appelle la société ne doit pas agir, comme les individus, par l'effet d'aucun mouvement de colère ou de vengeance dont elle n'est pas même susceptible} mais que, ramenant tout au seul principe de futilité punlique, la société doit établir, entre les délits et les peine?, le rapport et la proportion que cette même utilité publique indique.
Le législateur, forcé de ramener à l'exécution d'une même loi tant d'intérêts divers qui s'y rapportent si inégalement, et d'unir ensemble des fils d'une longueur si différente, doit chercher un point commun et proportionnel entre toutes les parties : Il doit établir sdn système de impression sur un sentiment qui aoit parmi les
hommes le plus fort, le plus constant, le plus général; il faut qu'il évite surtout de ravaler la justice à l'idée d'une vengeance particulière, et de justifier par ses exemples les moyens que cette vengeance n'est déjà que trop portée à employer ; et s'il veut donner à un peuple un caractère élevé et un véritable esprit public, il faut qu'i 1 tâche d'ennoblir, de toute la grandeur de l'intérêt général, ces actes de justice que l'intérêt particulier sollicite. Il faut que les citoyens ne voient jamais dans les tribunaux les instruments des passions privées, mais qu'ils les regardent comme les organes placés au milieu d'eux pour faire une application particulière et locale des lois que la raison publique a consacrées, comme des canaux par lesquels la volonté générale se répand sans cesse pour rectifier et corriger les aberrations de l'intérêt patticulier. Rien n'est donc plus dangereux que l'idée du talion.
Si maintenant l'on demande quel est ce sentiment universel et constant sur lequel on peut établir un système de répression et de peines, tous les êtres sensibles répondront de concert : c'est l'amour de la liberté, la liberté, ce bien sans lequel la vie elle-même devient un véritable supplice ; la liberté dont le brûlant désir a développé parmi nous tant et de si courageux efforts; la liberté enfin dont la perte, à laquelle on peut ajouter la privation de toutes les jouissances de la nature, peut seule devenir une peine réelle, répressive et durable, qui n'altère point les mœurs du peuple, qui rend plus sensible aux citoyens le prix d'une conduite conforme aux lois; peine susceptible d'ailleurs d'être graduée de manière à s'appliquer exactement aux différents crimes, et à permettre que l'on observe entre eux cette proportion si importante qu'exigent les différents degrés de perversité et de nuisibilité.
Telle est la base du système de pénalité que vos comités vous présentent, Messieurs; mais, en détruisant toute l'atrocité des peines, ils ne croient pas pour cela en avoir diminué la juste sévérité; ils pensent, au contraire, que celles qu'ils vous proposent d'établir sont plus répressives et plus fortes, ont un effet plus durable, plus profond et plus sûr dans l'âme des malfaiteurs, et qu'ainsi, la garantie que la société doit aux individus étant plus assurée, le véritable but des peines est mieux rempli.
Les peines que nous établissons, Messieurs, sont véritablement plus grandes et moins cruelles; cela même est un argument invincible et auquel je défie tous mes adversaires de répondre, d'autant mieux qu'ils nous fournissent eux-mêmes la majeure du raisonnement. Une prison longue, pendant laquelle on est seul, privé de la lumière et de tous les bienfaits de la nature, est, disent-ils, une peine plus dure que la mort. Eh bien ! Messieurs, si c'est par compassion que vous établissez la peine de mort, décernez-la donc aux fripons, et réservez une peine plus forte pour ceux qui ont assassiné, empoisonné leurs semblables. Ne voyez-vous pas que, quelle que chose que vous fassiez, il faudra que le faussaire, le voleur avec effraction, soient punis par une dure et longue détention? Alors, dans votre propre système, ces individus sont plus punis que l'homme qui a assassiné son bienfaiteur. Voulez-vous donc favoriser ces attentats plus que les simples larcins, y inviter même en leur montrant une peine plus douce et passagère? Que devient alors la justice? que devient l'ordre social, qui exige que la peine augmente en proportion de l'énormité du crime ?
Le voleur, menacé de 12 années d'une prison affreuse, se dira: au lieu de dérober, je n'ai qu'à tuer, assassiner, la peine»-sera moindre, je serai moins puni. Non seulement ainsi vous donnez un funeste encouragement au plus grand des forfaits, mais vous assurez un brevet d'impunité à tout criminel qui ne craint pas la mort. Il n'existe pas au monde un individu qui ne redoute d'être 12 années au cachot; ainsi, dans notre système, la répression s'étend à tous, mais, si vous ôtez la vie pour punir le meurtre tout assassin qni est affranchi de la crainte de la mort, ce qui n'est pas rare, peut impunément braver la société, la nature et les lois.
Nous sommes bien éloignés néanmoins, Messieurs, de vouloir remplacer la peine de mort par des supplices perpétuels. Il nous a paru que, déraciner dans l'homme l'espérance, c'était détruire en lui le principe même de la vie, le seul qui le soutienne au milieu de ses souffrances, et qui, en allégeant le poids de son malheur, le lui rende possible à supporter. G'est anéantir l'homme; il serait plus humain de le faire périr. La société, j'ose le dire, n'a pas le pouvoir de faire éprouver à un individu une si complète dégradation de lui-même ; et d'ailleurs la raison et la justice s'y opposent; car jamais l'on ne doit désespérer de l'amendement cl'un coupable; sa correction même est un des objets de la peine; elle n'existerait plus, si l'homme était condamné à un éternel supplice.
Enfin, Messieurs, vous avez paru désirer d'établir la revision des jugements. Mais cette institution ne devient-elle pas ridicule et même insultante pour les citoyens, lorsqu'elle consiste à donner le moyen de prouver l'in nocence d'un homme qui n'est plus? Que dans le cas où l'erreur du jugement n'est rectifiée qu'après la mort du condamné, on rétablisse sa mémoire, j'y vois peu d'avantages, néanmoins cela me paraît possible ; mais que la société ne préfère pas mille fois de conserver la vie et de rendre la liberté à un homme injustement condamné, voilà ce qu'il est difficile de concevoir. Lorsqu'un faussaire aura succombé par l'effet d'une erreur, il pourra rentrer dans la société par l'effet de la revision de son jugement ; et un citoyen faussement accusé, injustement condamné pour cause d'assassinat, sera provisoirement mis à mort. Quelle disparate ! quelle incohérence ! quelle contradiction dans les principes 1 .Toutes ces lois ne peuvent à la fois se rencontrer dans le même Code, dans une Constitution qu'un peuple éclairé s'est donnée à lui-même à la fin du xviif siècle...
Daiguez, Messieurs, considérer cet objet avec l'attention qu'il commande, et le traiter avec toute la dignité du Corps constituant, et non avec cet esprit tranchant et léger qu'on a quelquefois tenté d'introduire parmi vous, et qui tend à éloigner de vos décrets le respect et la confiance qu'ils doivent exiger. Gardez-vous de ceux qui voudraient reléguer dédaigneusement cette question dans le domaine de la pure philosophie, et lui refuser l'analogie directe qu'elle a avec le succès de vos travaux.
Pour ceux qui observent avec attention, il en est bien autrement. Parmi les opinions diverses qui agitent un peuple entier, à travers les combinaisons politiques et sociales qui le modifient, il est toujours quelques sentiments généraux qui ressortent et prédominent sur tous les autres. Parcourez les divers pays, vous en reconnaîtrez les habitants à ces sentiments qui composent le véritable caractère national : chez l'un, c'est la
franchise ; chez l'autre, la fierté, la douceur; chez d'autres aussi, la cruauté ou l'artifice ; ces qualités ou ces vices, c'est en général le gouvernement qui les donne; et un habile législateur n'a jamais manqué l'occasion de former l'esprit national d'un peuple, ou de corriger celui auquel la nature l'a disposé ; c'est par là qu'il assure d'avance une obéissance parfaite aux lois, qu'il prépare les esprits à remplir les devoirs que la société leur impose; c'est par là qu'en rattachant des opinions éparses à des principes constants, il se donne une influence vaste et profonde, à l'aide de laquelle il peut continuellement ramener les actions des hommes à des vues d'intérêt général et de bonheur public.
S'il nous eût été permis de séparer nos travaux des circonstances qui les environnent et semblent les commander, c'eût été une entreprise utile à la fois et sublime, d'établir autour de notre Constitution politique toutes les institutions morales qui peuvent l'appuyer et l'affermir ; d'offrir ainsi un but commun à toutes les affections des hommes, et de les unir à ce but par le lien sacré du patriotisme et de la vertu ; enfin de remettre la défense de notre édifice social sous la garde de ces trois puissances invincibles, lorsqu'elles sont unies : les mœurs, la force et l'intérêt.
Le temps et les circonstances ont manqué à ce vaste projet : il faut à cet égard reculer nos espérances; il faut même en reporter le principal effet vers la génération qui s'avance, et qui, plus heureuse que nous, profitant et de nos sacrifices et de nos fautes, jouira de la liberté sans mélange et sans regret. Mais au moins faisons tout cequ'il nous est permis de faire; si nous sommes forcés de refuser d'adopter quelques vérités, au moins ne consacrons point d'erreurs; ne consacrons que des principes vrais, si nous ne pouvons pas admettre tous ceux qui pouvaient être utiles.
N'appréhendons pas, non plus, de heurter un reste de préjugé populaire contre la suppression de la peine de mort. Le peuple est juste, en masse; il l'est nécessairement, car il est placé au milieu de l'intérêt général. Soyez sûrs, Messieurs, que la loi qui abolira la peine de mort sera aussi respectée et plus respectable qu'un grand nombre de celles que vous avez rendues ; d'ailleurs, ce n'est pas toujours par une obéissance ponctuelle et servile aux ordres de l'opinion, que les législateurs portent les lois les plus utiles à leur pays; souvent ces lois n'ont de rapport qu'à des besoins momentanés, et rte remédient qu'à des effets : les résultats heureux et vastes, qui décident du bonheur des peuples, tiennent en général à la méditation et au calcul.
J'ai toujours dirigé, autant qu'il m'a été possible, mes travaux particuliers vers ce but, de placer dans le Code de nos lois des institutions fortes et profondes, dont l'effet est longtempsina-perçu parmi les idées générales, et semble s'effacer par fe sentiment exclusif delà liberté, mais dont les avantages augmentent tous les jours, et seront plus sentis à mesure que cette chaleur patriotique, qui maintenant nous anime, fera place, en se refroidissant, à des jugements plus sévères de la raison, et à une expression plus pure de l'intérêt public.
Souffrez, Messieurs, qu'en finissant j'ajoute, aux raisons qui semblent déterminer la question, des motifs puisés dans les circonstances présentes. Lorsque notre Révolution a commencé, elle nous a trouvés tels qu'un long despotisme et la corruption qu'il entraîne nous avait formés. Cette Révolution a vu pendant son,cours se développer
toutes les passions, tous les intérêts ; elle a mis en dehors nos qualités et nos vices; elle a rendu l'un et l'autre plus sensibles, et l'on a vu malheureusement à côté du spectacle sublime du patriotisme et de la générosité, le monstre hideux de l'intérêt et de la haine. On a pu regretter quelquefois que l'esprit national n'ait pas été adouci d'avance par des institutions plus humaines. Le caractère des individus divisés par tant d'opinions, fatigués par une lutte si longue et si nouvelle, a dû naturellement s'altérer et s'aigrir. Si les hommes ont acquis la force nécessaire pour être libres, ils ont aussi pu contracter une dureté qui rend le commerce de la vie difficile et fâcheux. Il est des individus qui, tirant leur caractère des événements, sont devenus féroces lorsqu'ils devaient être courageux et fermes : ils seront faibles et vils, lorsqu'on leur demandera l'obéissance et la douceur.
Depuis qu'au lieu de rectifier par nos lois l'es-pritnational,nousl'avons malheureusement transporté dans notre Constitution, et que la mobilité est devenue un des principaux caractères de notre gouvernement; depuis qu'un changement continuel dans les hommes a rendu presque nécessaire un changement dans les choses, faisons au moins que les scènes révolutionnaires soient le moins tragiques et leurs conséquences le moins funestes qu'il sera possible ; pour cela tâchons d'adoucir le caractère national, et de le fixer non à cette pitié molle des esclaves, mais à cette humanité vraie des peuples libres.
Vous le savez, Messieurs, on vous reproche vivement le changement qui s'est fait dans le caractère des Français. Des qualités douces et brillantes l'embellissaient. Elles ont disparu, et l'on attend avec inquiétude si elles seront remplacées par des vertus ou par des vices. On vous accuse d'avoir endurci les âmes, au lieu de les affermir, comme on vous reproche d'avoir substitué, aux abus de la prodigalité, les abus plus funestes peut-être d'une mesquine parcimonie.
Faites cesser ces clameurs, ôtez-leur du moins tout fondement raisonnable. Que vos vues jusqu'au moment de votre séparation se dirigent vers les moyens d'inspirer au peuple la généralité, la fermeté et une humanité profonde; vertus dont l'alliance est si possible, si naturelle même, et qui forme le plus beau caractère que l'homme puisse recevoir de la nature et de la société. Pour y parvenir, rendez l'homme respectableàl'homme; augmentez, renforcez de toute la puissance des lois, l'idée que lui-même doit avoir de sa propre dignité, vous aurez tout fait en lui inspirant Je principe de toutes les vertus, je veux dire le respect pour lui-même et cette fierté véritable qui se fonde, non sur des distinctions vaines, mais sur la jouissance pleine de tous les droits qui appartiennent à l'homme. Quiconque se respecte est nécessairement juste ét droit, les autre s ont de lui une garantie constante qui le suit dans toutes sesactions. L'hommeqni respecte les aul res, agit bien en public; celui qui se respecte lui-même, agit toujours bien, même en secret.
A ce moment, Messieurs, où les Français dirigent toutes leurs pensées vers leur nouvelle Constitution, où ils viennent puiser avidement oans vos lois, non seulement des règles d'obéissance, mais encore les principes de justice et de morale, si longtemps méconnus, qui doivent guider leur conduite, qu'ils ne rencontrent pas une loi dont l'effet seul est une leçon de barbarie et de lâcheté. Ne profitez pas de ce besoin de voir et d'être ému, qui agit chez tous les hommes,
pour les assembler et leur apprendre qu'il est des cas pù l'on peut commettre un homicide ; songe? que la spciété qui ne peut être passionnée, qui ne peut éprouver ces mouvements dont la violence semblé excuser le meurtre, loin de le légitimer par son autorité, le rend plus odieux cent fois par sotî appareil et son sang-froid : car je Conçois la colère, la vengeance et ses suites dans un premier mouvement, la nature même noiis l'indique*, mais, s'il est quelqu'un qui kit pu, sans éprouver une violente sensation d'horreur et de pitié, voir infliger la mort à un autre homme, je désire de ne le jamais rencontrer ; non seulement il est étranger aux affections douces qui font le bonheur de la vie, mais il a arrêté sa pénsée sur un meurtre : la nature cesse de me protéger contre lui, il ne lui faut plus qu'un intérêt pour me massacrer.
Faites cesser, Messieurs, l'entreprise parricide de tourmenter la nature et de corrompre ses sentiments. La peine de mort offre encore à vos yeux un caractère de réprobation, puisqu'elle a une origine semblable a celle de tous les abus que vous avez détruits ; elle doit comme eux sa naissance à l'esclavage, c'est contre les esclaves qu'elle a été inventée...
Gaïn était-il un esclave? (Murmures)
On objecte l'histoire de Gaïn. Certainement la société qui existait alors n'avait fait aucune loi; mais il est biën extraordinaire que l'exemple tyu'qh choisit soit entièrement contre mes adversaires. Dieu ne dit-il pas dans la Bible : que Caïn ne soit pas tué, mais qu'il conserve aux yeux çles hommes un signe de réprobation. ~ C'est précisément ce que l'on vous propose aujourd'hui. (Applaudissements répétés.)
Apprenez donc. Messieurs, combien Vos lois sont odieuses par l'horreur invincible qu'inspirent ceux qui les font exécuter; honorez au contraire votre Code 4'une iolaralogue à votre^Constitution j propre à fortifier les sentiments qu'elle a voulu inspirer aux Français, d'une loi qui a fait la gloire et la sûreté des peuples anciens, d'une loi que le despotisme a bien osé promulguer avant -vous, ét maintenir avec succès dans des pays voisins ; d'une loi que les peuples esclaves adopteront, si, comme vous, ils sont appelés un jour à fonder leur Constitution- d'une loi enfin sollicitée par eette opinion saine dë tous les hommes éclairés, qui ont su dérober leur raison à l'influence des préjugés anciens et à celle des circonstances du moment.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Duport.
Je mets aux voix la motion de l'impression.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrète que le discours ne sera pas imprimé.
Plusieurs membres représentent que la motion n'a pas été epténdue et insistent pour que l'épreuve soit renouvelée.
( L'épreuve est renouvelée et l'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Duport.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain,)
Un homme également connu
par son éloquence et sa philosophie, M. Vabbé Raynal, m'a fait l'honneur de passer chez moi ce matin; il m'a remis, en me priant de la présenter à l'Assemblée nationale, une adresse de lui; elle es.t écrite avec toute la liberté qu'on lui connaît. En félicitant l'Assemblée de ses travaux, il ne l'adule point sur les fautes qu'il croit qu'elle a commises. L'Assemblée veut-elle en entendre la lecture. (Oui! oui!)
, secrétaire, lit cette adresse qui est ainsi conçue: '
« Messieurs,
« En arrivant dans cette capitale, après une longue absence, mon cœur et mes regards se sont tournés vers vous. Vous m'auriez vu aux pieds de cette auguste Assemblée, si mon âge et mes infirmités me permettaient de vous parler, sans une trop vive émotion, des grandes choses quevouB avez faites, et de tout ce qu'il faut faire encore pour fixer sur cette terre agitée, la paix, la liberté, le bonheur qu'il est dans votre intention de nous procurer.
« Ne croyez pas, Messieurs, que tous ceux qui connaissent le zèle infatigable, les talents, les lumières et le courage que vous avez montrés dans vos immenses travaux, n'en soient pénétrés de reconnaissance; mais assez d'autres vous en ont entretenus, assez d'autres vous rappellent les titres que vous avez à l'estime de la nation. Pour moi, soit que vous me considériez commê un citoyen usant du droit de pétition, soit que, laissant un libre essor à ma reconnaissance, vous permettiez à un vieil ami de la liberté de vous rt-hdre ce qu'il vous doit pour la protection dont vous l'avez honoré, je vous supplie de ne point repousser des vérités utiles. J'ose depuis longtemps parler aux rois de leurs devoirs ; souffrez qu'aujourd'hui je parle au peuple de ses erreurs, et à ses représentants des dangers qui nous mé-naçent.
« Je suis, je vous l'avoue, profondément attristé des crimes qui couvrent de deuil cet Empire. Sérait-il donc vrai qu'il fallût me rappeler avec effroi que je Buis un de ceux qui, en éprouvant une indignation généreuse contre le pouvoir arbitraire, ont peut-être donné des armes à la licence? La religion, les lois, l'autorité royale, l'ordre public redemandent-ils donc à la philosophie, à la raison, les liens qui les unissaient à celte grande société de la nation française, comme si, eh poursuivant les abus, en rappelant les droits des peuples et les devoirs des pripces, nos efforts criminels avaient rompu ces liens? Mais non, jamais les conceptions hardies de la philosophie n'ont été présentées. par nous comme la mesure rigoureuse des actes de la législation.
« Vous ne pouvez nous attribua sans erreur, ce qui n'a pu résulter que d'une fausse interprétation de nos principes. Ëh! cependant prêt à descendre dans la nuit du tombeau, prêt à quitter cette famille immense dontj'aiardeihment désiré Je bonheur, que vois-je autour de moi? Des troubles religieux, des dissensions civiles, la consternation des uns, la tyrannie et l'audace des autres, un gouvernement esclave de la tyrannie populaire, le sanctuaire des lois environné u'hommes effrénés qui veulent alternativement ou les dicter, ou les braver; des soldats sans discipline, des chefs sans autorité, des ministres sans moyens, un roi, le premier ami de son peuplé, plongé dans l'amertume, outragé, menacé, dépouillé de toute autorité, et la puissance pu-
blique n'existant pins que dans les clubs, où des hommes ignorants et grossiers osent pro- ' noncer sûr toutes les questions politiques. (La partie gauche éclate en murmures.)
Si l'on est d'avis d'entendre ces insolences-là, jè m'en vais...(Bruit prolongé)... Celui qui a provoqué |a lecture d'un pareil écrit est inalgnè...
En vous annonçant la lettre de M. l'abbé Raynal, j'ai prévenu qu'elle était écrite avec liberté, et qu'elfe ne nattait pas i'Assemblée. J'ai dernapdé si ejle voulait en entendre la lecture.
La lectureI la lecture! Il n'y a que des citoyens sans courage, qui ne souffrent pas qu'on leur dise des vérités.
L'Assemblée nationale soutiendra toujours son caractère et entendra toujoprs volontiers...
Ptysieurs membres : La lecture} la lecture !
Il faut aVoU* le courage d'entepdre jusqu'au bout.
, secrétaire, continuant la lecture ;
«.... Telle est, Messieurs, n'en doutez pas, tel}e est Ja véritable situation q& îj| France; un autre que moi n'oserait peut-être vpus Je dire;... »
Un membre i Bah ! M. Malouet et les Siens qous le disent tous les jours.
Laissez dire, ]\J. Malouet l
, secrétaire, lisant :mais je l'ose, parce que jë" le dois, parce que je touche ^ ma quatre-yingtième année,., »
On s'en aperçoit!
, secrétaire, lisant :
«.......parce qu'on ne saurait m'accuser de regretter 1 ancien régime; parpe qu'en gémissant sur l'état de désolatioq est l'église de France (Rires, ironiques)j on ne m'accusera pas d'être un prêtre fàn^tique; parce qu'en regardant comme le seul moyen de salut le rétablissement de l'autorité légitime, on lie m'accusera pas d'en être le partisan et d'en attendre les faveurs; parce qu'en attaquant devant vous les cjtoyens qqj ont incendié le royaume, qui en ont perverti l'esprit public par leurs écrits, on ne m'accusera pas de méconnaître le prix de la liberté de la presse.
«Hélas! j'étais plein d'espérance et de joie, lorsque je vous ai vus poser les fondements de la félicité publique, poursuivre les abus, proclamer tous les droits, soumettre aux mômes lois, à un régime uniforme les diverses parties de l'Empire. Mes yeux se sont remplis de larmes, quand j'ai vu les plus méchants des hommes employer les plus viles intrigues pour souiller la Révolution; quand j'ai vu le saint npm de patriotisme prostitué à la scélératesse, et la licence marcher en triomphe sous les enseignes de la liberté. L'effroi s'est mêlé à une juste douleur quand j'ai vu
briser tous les ressorts du gouvernement, et substituer d'impuissantes barrières à la nécessité d'une force active et réprimante.
« Partout j'ai cherché les vestiges d« cette autorité centrale qu'une grande nation dépose dans les mains du mon^rquë pour sa propre sûreté : jè ne les ai plus trouvés nulle part. Jgaî cherché lès principes conservateurs des propriétés, et je les ai vus attaqués. iH s'èlève de tris grands murmures.) J'ai cherché pous quel abri repose la liberté individuelle, et j'ai vu l'audace toujours croissante, invoquant, attendant le signal de la destruction que sont ppêtp à donner les factieux et lés novateurs aussi dangereux qpelés factieux. J'ai entendu ces voix insidieuses qui vous environnent de femssès terreurB, pour détourper vos regards des véritables dapgers; qui yous inspirent de funestes défiances, pour yous faire abattre successivement tous les appuis du gouvernement monarchique. J'ai frémi Surtout fors-qu'en observant dans sa nouvelle vie ce peuple qui veut être libre, je l'ai vu, non seulement méconnaître les vertus sociales, l'humanité, la justice, seules bases d'une liberté véritable, mais encore recevoir avec avidité les nouveaux germes de corruption, et se laisser par 1& entourer d'une nouvelle chaîne d'esclavage;'
Ahl Messieurs, combien je souffre, lorsqu'au milieu de là capitale et dans le sein des lumières, je vois ce peuple séduit accueillir avec une ioie féroce les propositions les plus coupables, sourire au récit des assassinats, chaqter ses grimes comme des cpnquêtes, appeler stupidement des ennemis à Ia Révolution, la souiller avec comT plaisance, fermer lës yeux à tous les maux dont il s'accable... »
Un membrç : Au comité de santé l'auteur et la lettre!
A gauche : On ne peut entendre cela; c'est un rapport de M. Malouet.
On a rendu un grand service à la nation, en faisant lire cette adressera aujourd'hui.
4 gauche : Apparemment .que c'est aujourd'hui le rétablissement du despotisme.
, secrétaire, continuant la lecture :
«.....car il ne sait pas, ce malheureux peu-; pie, qu'un seul crimp est la source d'une infinité de calamités. Je le vois rire et danser sur les bords de j'abîme qqi peut engloutir même ses éspérauçes. Oe spectacle de joie est cé qui m'a le plus profondément ému.
« Votre indifférence sur cette déviàtipn affreuse de l'esprit public est la. première et là seule cause du changement qui s'est fait à votre égard, de de ce changement par lequel des adulations corrompues ou des murmures étouffés par la crainte ont remplacé les hommages purs que recevaient vos premiers travaux. Mais quelque courage que m'inspire l'approche de ma dernière heuré, quelque devoir que m'inspire même l'amour de la liberté, j'éprouve cependant, en vous parlant, le respect et la sorte de crainte dont aucun homme ne peut se défendre, lorsqu'il se place par la pensée dans un rapport immédiat aveu les représentants d'un grand peuple.
« Dois-jé m'arrêter ici. ou contipuer à vous parler çqmmë là postérité ? Oui. Messieurs, je vous crois dignes d'entendre cé langage........»
Monsieur le Président, je demande la parole contre vous après la lecture.
, secrétaire, lisant :
«.....J'ai médité toute ma vie les idées que
vous venez d'appliquer à la régénération du royaume : je les ai méditées dans un temps où, repoussées par toutes les institutions sociales, par tous les intérêts, par tous les préjugés, elles ne présentaient que la séduction d'un vœu consolant. Alors, aucun motif ne m'appelait à en faire l'application, ni à calculer les effets des inconvénients terribles attachés aux factions, lorsqu'on les investit de la force qui commande aux hommes et aux choses, lorsque la résistance des choses et des passions des hommes sont des éléments nécessaires à combiner. Ce que je n'ai pu ni dû prouver dans les circonstances et les temps où j'écrivais, les circonstances et les temps où vous agissez vous ordonnent d'en tenir compte, et je crois devoir vous dire que vous ne l'avez pas assez fait.
« Par cette faute unique, mais continue, vous avez vicié votre ouvrage, vous vous êtes mis dans une situation telle que vous ne pouvez le préserver d'une ruine totale qu'en revenant sur vos pas.....» (Murmures à gauche.)
A gauche : Cela est très bien joué ! Gela veut dire qu'il faut réintégrer le clergé dans ses prétendus droits I
, secrétaire, lisant :
«.... ou en indiquant cette marche rétrograde à vos successeurs.....» (Murmures à gauche.)
A gauche : G'est le développement du système des messieurs (la droite), qui veulent que la prochaine législature soit constituante I
, secrétaire, lisant :
«.....Graindrez-vous de supporter seuls toutes
les haines qui environnent l'autel de la liberté? Croyez, Messieurs, que ce sacrifice héroïque ne sera pas le moins consolant des souvenirs qu'il vous sera permis de garder. Quels hommes que ceux qui, laissant à leur patrie tous les biens qu'ils ont su lui faire, acceptent et réclament pour eux seuls les reproches qu'ont pu mériter des maux réels, des maux graves; mais dont ils ne pouvaient aussi accuser que les événements ? Je vous crois dignes d'une si haute destinée; et cette idée m'invite à vous retracer sans ménagement ce que vous avez attaché de- défectueux à la Constitution française.
« Appelés à régénérer la France, vous deviez considérern'abord ce que vous pouviez conserver de l'ordre ancien, et de plus ce que vous ne pouviez pas en abandonner. La France était une monarchie; son étendue, ses besoins, ses mœurs, l'esprit national, s'opposent invinciblement à ce que jamais des formes républicaines puissent y être admises, sans opérer une dissolution totale de l'Empire. Le pouvoir monarchique était vicié par deux causes : les bases en étaient entourées de préjugés, et ses limites n'étaient marquées que par des résistances partielles. Epurer les principes en asseyant le trône sur sa véritable base, la souveraineté de la nation. Poser ses limites en les plaçant dans la représentation nationale, était ce que vous aviez à faire. Eh 1 vous croyez l'avoir fait ! Mais en organisant les deux pouvoirs, la force et le succès de la Constitution dépendent de leur équi-
libre. Vous n'aviez à vous défendre que contre la pente actuelle des idées. Vous deviez voir que dans l'opinion le pouvoir des rois décline et que les droits des peuples s'accroissent (Murmures.) : ainsi en affaiblissant sans mesure ce qui tend naturellement à s'accroître, vous arrivez forcément à ce triste résultat: un roi sans autorité, un peuple sans frein. (Murmures.) C'est en vous livrant aux écarts des opinions que vous avez favorisé l'influence de la multitude et multiplié à l'infini les élections populaires.
« N'auriez-vous pas oublié que les fréquentes élections, que les élections sans cesse renouvelées et le peu de durée des pouvoirs sont une source de relâchement dans les ressorts politiques ? N'auriez-vous pas oublié que la forme du gouvernement doit être en raison de ceux qu'il doit soutenir ou qu'il doit protéger? Vous avez conservé le nom de roi; mais dans votre Constitution il n'est plus utile et il est encore dangereux : vous avez réduit son influence à celle que la corruption peut usurper; vous l'avez, pour ainsi dire, invité à combattre une Constitution qui lui montre sans cesse ce qu'il n'est pas et ce qu'il pourrait être. Voilà déjà un vice inhérent à votre Constitution, un vice qui la détruira si vous ou vos successeurs ne vous hâtez de l'extirper.
« Je ne vous parlerai point des fautes qui peuvent être attribuées aux circonstances, vous les apercevrez vous-mêmes ; mais le mal que vous pouvez détruire, comment le laisseriez-vous subsister? Gomment, après avoir déclaré le dogme de la liberté des opinions religieuses, souffrez-vous que des prêtres soient accablés de persécutions et d'outrages ?.....» (4 gauche : G'est une infamie et une calomnie !).....
« Gomment, après avoir consacré les principes de la liberté individuelle, souffrez-vous qu'il existe dans votre sein une institution qui serve de modèle et de prétexte à toutes les inquisitions subalternes qu'une inquiétude factieuse a semées dans toutes les parties de l'Empire? Gomment n'êtes-vous pas épouvantés de l'audace et du succès des écrivains qui profanent le nom de patriote? Vous avez un gouvernement monarchique, et ils le font détester; vous voulez la liberté du peuple, et ils veulent faire du peuple le tyran le plus féroce; vous voulez régénérer les mœurs, et ils commandent le triomphe du vice et l'impunité des crimes.
« Je ne vous parlerai pas de vos opérations de finance. A Dieu ne plaise que je veuille augmenter les inquiétudes ou diminuer les espérances. La fortune publique est encore entière dans vos mains ; mais croyez qu'il n'y a ni impôts, ni crédit, ni recette, ni dépenses assurées là où le gouvernement n'est ni puissant, ni respecté. (Murmures.)
« Quelle sorte de gouvernement pourrait résister à cette domination des clubs? Vous avez détruit les corporations, et la plus colossale de toutes les agrégations s'élève sur vos têtes, et menace de dissoudre tous les pouvoirs. La France entière présente deux tribus très prononcées, celle des gens de bien, des esprits modérés, classe d'hommes muets et consternés maintenant, tandis que des hommes violents s'électrisent, se serrent et forment un volcan redoutable qui vomit des torrents de laves capables de tout engloutir... » (A gauche : Ce ne sont que des déclamations vagues\)
«... Vous avez fait une déclaration des droits, et cette déclaration est parfaite si vous la dé-
gagez des abstractions métaphysiques qui ne tendent qu'à répandre dans l'Empire français des germes de désorganisation et de désordres... » (A gaucheC'est un blasphème!) ...« Sans cesse hésitant entre les principes qu'on vous empêche de modifier, et les circonstances qui vous arrachent des exceptions, vous laites toujours trop peu pour l'utilité publique, et trop pour votre doctrine. Vous êtes souvent inconstants et impolitiques, au moment où vous voulez n'être ni l'un ni l'autre... »
A gauche : C'est M. Malouet qui est l'auteur de cette lettre.
C'est une calomnie contre l'abbé Raynal; il est incapable d'une telle production, même à quatre-vingts ans.
, secrétaire, lisant :
« ... Vous voyez qu'aucune de ces observations n'échappe aux amis de la liberté. Ils vous redemandent le dépôt de l'opinion publique, dont vous n'êtes que les organes.
« L'Europe étonnée vous regarde; l'Europe qui peut être ébranlée jusque dans ses fondements parla propagation de vos principes... » (4 gauche: Tant mieux!) «... s'indigne de leur exagération. (Murmures.) Le silence de ses princes est peut-être celui de l'effroi. Eh! n'aspirez pas au funeste honneur de vous rendre redoutables par des innovations immodérées, aussi dangereuses pour vous-mêmes que pour nos voisins !
« Ouvrez encore une fois les annales du monde, appelez à votre aide la sagesse des siècles! Voyez combien d'empires ont péri par l'anarchie. Il est temps de faire cesser celle qui nous désole, d'arrêter les vengeances, les séditions et les émeutes, de nous rendre enfin la paix et la confiance. Pour arriver à ce but salutaire, vous n'avez qu'un moyen, et ce moyen serait, en revisant vos décrets, de réunir et de renforcer des pouvoirs affaiblis par leur dispersion ; de confier au roi toute la force nécessaire pour assurer la puissance des lois, de veiller surtout à la liberté des assemblées primaires, dont les factions ont éloigné tous les citoyens vertueux et sages. (On applaudit et Von murmure.) Croyez-vous que le rétablissement du pouvoir exécutif puisse être l'ouvrage de vos successeurs? Non, ils arriveront avec moins de forces que vous n'en avez; ils auront à conquérir cette opinion populaire dont vous avez disposé. Vous pouvez seuls recréer ce que vous avez détruit ou laissé détruire. Vous avez posé les bases de cette Constitution raisonnable, en assurant au peuple le droit de faire des lois et de statuer sur l'impôt. L'anarchie anéantira ces droits eux-mêmes, si vous ne les mettez sous la garde d'un gouvernement actif et vigoureux, et le despotisme vous attend si vous ne le prévenez par la protection tutélaire de l'autorité royale.
« J'ai recueilli mes forces, Messieurs, pour vous parler le langage austère de la vérité; pardonnez à mon zèle et à mon amour pour la patrie ce que mes remontrances peuvent avoir de trop libre, et croyez à mes vœux ardents pour votre gloire, autant qu'à mon profond respect. » « Signé : Guillaume-Thomas Raynal. »
A droite: L'impression! l'impression!
Plusieurs membres à gauche demandent Ja parole.
Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.
J'ignore quelle impression a faite sur vos esprits la lettre dont vous venez d'entendre la lecture; quant à moi, l'Assemblée ne m'a jamais paru autant au-dessus de ses ennemis qu'au moment où je l'ai vu écouter, avec une tranquillité si expressive, la censure la plus véhémente de sa conduite et de la Révolution qu'elle a faite. (La partie gauche et les tribunes applaudissent à plusieurs reprises.) Quelqu'un se serait-il flatté qu'il existe en France ou ailleurs un homme assez grand pour opposer avec succès sa censure aux opérations des représentants de la nation française et au vœu général de cette même nation ? (Nouveaux applaudissements.) Je ne sais, mais cette lettre me paraît instructive dans un sens bien différent de celui où elle a été faite. En effet, une réflexion m'a frappé en entendant cette lecture. Cet homme célèbre qui, à côté de tant d'opinions qui furent accusées jadis de pécher par un excès d'exagération, a cependant publié des vérités utiles à la liberté; cet homme, depuis le commencement de la Révolution, n'a point pris la plume pour éclairer ses concitoyens ni vous. Et dans quel moment rompt-il le silence? Dans le moment où les ennemis de la Révolution réunissent leurs efforts pour l'arrêter dans son cours. (Les applaudissements recommencent,)
Je suis bien éloigné de vouloir diriger la sévérité, je ne dis pas de l'Assemblée, mais de l'opinion publique sur un homme qui conserve un grand nom. Je trouve pour lui une excuse suffisante dans une circonstance qu'il vous a rappelée, je veux dire son grand âge. (Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) Je pardonne même à ceux qui auraient pu, sinon contribuer à sa démarche, du moins à ceux qui sont tentés d'y applaudir; je leur pardonne, parce que je suis persuadé qu'elle produira dans le public un effet tout contraire à celui qu'on en attend.
Elle est donc bien favorable au peuple, dira-t-on; elle est donc bien funeste à la tyrannie cette Constitution, puisqu'on emploie des moyens si extraordinaires pour la décrier, puisque, pour y réussir, on se sert d'un homme qui, jusqu'à ce moment n'était connu dans l'Europe que par son amour passionné pour la liberté, et qui était, jadis, accusé de licence par ceux qui le prennent aujourd'hui pour leur apôtre et pour leur héros. (Nouveaux applaudissements.) Ils ont donc acquis bien des droits à la reconnaissance des nations, ceux qui ont contribué à cette Révolution ; ils sont donc bien dignes d'être imités par tous ceux qui gouvernent ou qui représentent les peuples, dira-t-on, puisque l'on a pous?é l'acharnement contre eux au point de se couvrir du nom d'un tel homme pour les calomnier, puisque, sous son nom, on produit les opinions les plus contraires aux siennes, les absurdités mêmes que l'on trouve dans la bouche des ennemis les plus déclarés de la Révolution (Applaudissements.), non plus simplement ces repi oches imbéciles prodigués contre ce que l'Assemblée nationale a fait pour la liberté, mais contre la nation française tout entière, contre la liberté elle-même ; car n'est-ce pas attaquer la liberté que de dénoncer à l'univers, comme les crimes des Français, ce trouble, ce tiraillement qui accompagne nécessairement toute Révolution, qui est une crise si naturelle de la liberté, que sans cette crise la maladie du
corps politique, le despotisme et la servitude, géraient itiCtiràbles? (ApplaudissefrienH.)
N'est-il pas évident que C'est là liberté qu'on veut attaquer avant qu'elle soit encore solidement affermie sur tous ses fondement», lorsqu'au moment où les représentants de la nation sont sur le point de compléter leur ouvrage et de fixer définitivement le véritable caractère de leurs opérations, de l'incliner ou vers le despotisme, ou vers la liberté, on les prépare par de telles insinuations et par l'autorité imposante d'un grand nom à se défier de leurs principes, à renverser, à altérer par un dernier décret l'ouvrage qu'ils ont préparé par les décrets précédents.
Non, Messieurs, nous ne nous livrerons pas aux alarmes dont on veut nous environner} nous ne concevrons pas de mépris pour les principes de la liberté, de prévention contre ceux qui la défendent, ni contre ee peuple généreux., bon et patient, que toutes vos calomnies (il s'adresse à ta droite) né remettront pas dans vos fers. (Murmures prolongés à droite.) Ge peuple, objet de nos travaux, soutien de la Révolution que vous calomnies en vain,i et qui sera toujours juste, toujours patient, toujours vertueux et l'appui le plus ferme de sa liberté. (Vifs applaudissements à gauche.)
C'est en ee moment où, par une démarche extraordinaire, on vous annonce clairement quelles sont les intentions manifestes, quel est 1 acharnement des ennemis de l'Assemblée et de la Révolution ; c'est en oe moment que je ne Grains painjfe de renouveler en votre nom le serment de suivre .toujours les principes sacrés qui ont été fô base de voire Constitution, de ne jamais nous eçartçr de ces, pHneipesa pour revenir par Une voie oblique et indirecte au c^espptisme, ce qui serait le seul moyen de ne laisser à. nos successeurs et à la nation que trouble^ et ànaxciue, ; car il y a trouble, il y a anarchie toutes lés fois que, d'un côté une, nation a çooçU I espérance de la liberté, qu'on lui eâ a donné le gage assuré dans la reconnaissance des principes sur lesquels efie est fondée, et que de l'autre on ('entraîne hors de èes principes et qu'on vêut fa rappeler àù despotisme.
Je fie Veux Jjtfirft tn'occuper davantage de la disttribe que voUg aVez lue*, entendue. Tout ce que je peux faire,, c'est de dontièr Un sentiffiefft de considération à un autétir célèbre dont on n'a bas craint de dêëhônoifér fa vieillesse.- It suffit que f'ÀssemWéé natfcrhale soit au-dessus de Çoutes îé'é ôaiômnies et que,, réparant la faiblesse qu'elle attrait pu montrer quelquefois pour lès ennemis du peuple et qu'on se gardera bien de lui reprocher, elle confdtide tous les siens en servajnt re pettple et la liberté avec ëë courage et êette étlergië qu'elle a déployée dans le commten-èëment de là Révolution.
L'Assemblée s'est honorée en entendant la lecture de là lettre de 1 abbé Raynal ; je demande qu'Où passé à l'ordre dipt jour. (Applaudissements a gauche et. dans. les tribunes).
Yoipè nontbréUieè â gauche 1 A l'ordre du jour!
Avant die mettre aux voix lattiotion de passer â l'oxdtfè du jour,, je demjande que M. Rœdere^ tjoi veut parier cdo.tïê moi, soit entendu,.... (4 (jàuèhë : Qui,! oui 1 —^ Au centre: Nonî ûOju! A l'ordre d.u jour'O La motfofl de ûasser à l'Ordre, du jotir offre rïdéë de ne pas délibérer ultérieurement sui1. la le.ttted,e, St l'abbé
Raynal. C'est en ce sens que je vais la mettre aux voix, en continuant à demander, pour moi, que l'on veuille entendre M, Rœderer.' Il aufra là parole immédiatement après la délibération.
(L'Assemblée, consultée, décide à 'la presque unanimité qu'elle passe à l'ordre du jour sur la lettre de M. l'abbé Raynal).
Monsieur1 Rœderer, vous avez là parole. (Bruit.)
Monsieur le Président, il peut être utile pour vous qu'on parle; mais il est peut-être dangeteui pour la nation que l'on parle contre le Président. (Bruit)
Un membre : Je m'ppposeà ce que M. Roéderer soit entendu.
Monsieur Rabaud, prenez ma place, je ne puis mettre cette motioh aux voix.-
J'insiste pour que M. Rœderer ne soit pas entendu.
Un membre: De qtielle utilité est-il pour la hatiofl, qu'on vous entende, M. Rœderer?
Je deûKtfltfè que M. le Président seit rappelé à forarê; voilà ma motion. (Applaudissements à tJUUché et dans les tribunes.)
, président^ quitte le fâtiteUil.
le remplace. (Violent tUfhulte à. droite).
monte à la trifrtfne.
Je demande que M. le Président soit entendu.
A droite M., Ràbaud, vous ùe pouvez tenir le fauteuil,
et plusieurs membres du ëôtê droit entourent îë fauféùit du Président et lé bureau des secrétaires.
A droite : A bas f à bas M. Rabaùd P
se Couvre.
Tous les meriibreï du côté gauchée découvrent. (Rires à dïoité.)
, s'adressant â M; Rabaud-Sttirit-Etienne. VOttè n'êtes pas le Président !
Je fais là motion que M. Rabaud soit rappelé à l'ordre.
A droite : A bas ! à bas M- Ramp;baud I
M. Bureaux de Pusy a prié M. Rabaud de prendre sa plàee. Ce qu'on peut faire encé moment, c'est d'èntendre l'accusation, que je crois très ridicule, dê M, Rœderer, et d'èntéfltfre là màhière dorft il la motive. (Le calme se rétablit.) -
se découvre. (Rires â droite;.)
Il est évident que M. Rabaud n'a pris le fauteuil du Président, que parce que M. Bureaux de Pusy l'en a prié, ét toutes vos clameurs sont parfaitement dénuées de fondement.
Il est contre la dignité de l'Assemblée de voir son Président sut1 la simple accusation d'un seul membre, quitter le fauteuil. Il ne peut, lorsqu'il est. inculpé, le quitter que par votre Ordre. (Applaudissements.).
Au centré: Oui.» oui 1 C'est juste! L'ordre du jour!
Je demande qu'en attendant que l'Asseoàblée prononce, ce soit M. Rabaud qui occupe le fauteuil*
A droite: M. de fionnay, lorsqu'il a été accusé, dans le temps de la fédération, a gardé le fauteuil.
Lorsque M. de Pusy a voulu quitter le fauteuil, je me suis trouvé son plus proche voisin. (Interruptions à droite*) Je vous supplie de m'entendre jusqu'au bout.
Il m'a très vivement prié ae prendre sa place; je m'y refusais,..
Plusieurs membres autour du bureau : G'est vrai ! C'est vrai !
il est parti. J'appuie la motion de M. de Folleville.
Au centre : Vous ne pouvez pas faire de motion dans ce moment.
Si l'Assemblée l'ordonne, je vais céder la place à M. de Pusy. Je mets aux voix si l'Assemblée ordonne que M. de Pusy reprenne le fauteuil.
(L'Assemblée décrète que M. Rureaux de Pusy reprendra le fauteuil.)
remonte à la présidence. ( applaudissements.)
J'ose croire que l'Assemblée me rendra justice et je la supplie d'entendre Une explication qui ne sera pas longue.
Ce matin, M. l'abbé Raynal est entré chez moi; il m'a prié de remettre à l'Assemblée, sous forme de pétition ou de toute autre manière, un écrit signé de lui, que je n'ai pas eu le temps de lire alors, comme vous pouvez en juger... (Murmures à Vextrêmé gauche.)
Eh ! quand vous l'auriez lu !
M. l'abbé. Raynal, en me remettant la lettre qu'on, vous a lut, m'a prévenu que si elle n'était pas rendue publique dans l'Assemblée par la voie qu'il me demaadait, elle le serait par l'impression. Lorsqu'il m'a eu quitté, j'ai lu sa lettre ; je ne vous ai pas dissimulé, dans le peu de mots que j'ai dit.... (Murmures àgauche.) Je prie qu'on m'écoute jusqu'au bout.
Je ne vous ai pas dissimulé, dans la manière dont je l'ai annoncée à l'Assemblée, et qui ne me paraît nullement prêter à inculpation, le sens - dans lequel elle était écrite. L'inculpation de M. Rœderer, — il vient de me le dire, -pçrte sur ce qu'il prétend que j'ai dit à l'Assemblée que l'écrit de M. l'abbé Raynal la blâmait des fautes qu'elle avait commises. Or, j'ai dit, et j'en atteste tous mes voisins* j'ai dit que dans la li-
berté de son style, M. l'abbé Raynal ne ménageait point l'Assemblée sur tes fautes qu'il croyait, qu'elle avait commises.
Enfin d'après l'annonce qtie m'avait faite M. l'abbé Raynal, qu'il livrerait â l'impression cet écrit, d'après la, réputation dôfit. il jouit dans lé monde, j'ai crû remplir les. fonctions que. l'Assemblée m'avait confiées", ét p^è prêter â sa Vraie dignité, en lui dofinant cSonnàiàsance de cet écrit dans toute sou étendue. (Applaudissements à droite et au centré.)
Je demande qu'o5passe à l'ordre du jour ; il n'en faut pas davantage*
(L'Assemblée,, consultée, décrète Qu'elle passe à l'ordre du jour.) (1)
fail donner lecture* par un de MM. les secrétaires, d'une lettre de la municipalité de la ville de Carpentras, demandant la réunion de cette ville à l'Empire français» Cette lettre est ainsi conçue :
« Carpentras, le 21 mai 1791.
« Messieurs,
« lin peuple qui travaille à conquérir sa liberté et qui la défend les armes à la main, peut s'attendre à être regardé d'un œil de faveur par oeux dequiil a suivi de si près l'exemple et les leçons. Le vœu du peuple de Carpentras vous a été porté* et, si jusqu'à ce jour ce peuple n'a pu obtenir d'être réuni à l'Empire français, il n'en a pas moins conservé l'espérance.
» Il est. constant, Messieurs, d'après le journal de vds séances sur la pétition du Comtat-Venais-sin et de la ville d'Avignon, que le point essentiel qui vous a empêché de prononcer le décret de réunion sollicité avec les plu» vives instances, a résulté principalement de la persuasion où vous avez été que notre vœu de devenir français n'a jamâi» été sincère. Il est également vrai que ce doute, en retardant notre bonheur, nous laisse dans l'anarchie; nous osons vous rappeler, Messieurs, que notre délibération prise en assemblée générale et constituée le 14 janvier 1791, époque antérieure à toute incursion sur notre territoire, prouve irrésistiblement qu'elle n'a été dictée que par le désir passionné de faire partie de la nation française, et que nous avons été entraînés par le plus pur sentiment de nos cœurs, et par la sublimité de votre Constitution.
« Ne doutez plus, Messieurs, de la sincérité d'un vœu librement et solennellement étais ; et nous n'aurons plus la douleur de nous trouver dans l'état le plusalarn^ant, auquel un peuple puisse être réduit, à celui d être sans lois ejb sans monarque. C'est pour remettre les choses dans leur "droit naturel, et, c'est pour faire disparaître jusqu'à l'ombre du doute que l'oà a pu élever sur la liberté de notre vœu pour devenir français,, que nous venons interrompre quelques instants vos travaux, pour vous déclarer, à la face de toutes les nations, que nous ayons toujours eu, et que nous conserverons jusqu'au dernier soupir de notre vie, le désir de voir s accomplir, sans délai* une réunion qui doit faire à jamais notre félicité.
« Nous démentons en conséquence tous ceux qui pourraient encore rendre
suspect ou contredire ce vœu librement exprimé et solennellement ratifié
; et à l'appui de cette nouvelle déclaration, qui n'est qu'une suite de
celle que nous avons déjà faite, nous espérons que le décret de notre
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président et Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les maire, officiers municipaux et notables de la maison commune. »
(Suivent plus de trente signatures.)
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités diplomatique et d'Avignon 1
Il n'est pas nécessaire de renvoyer cette lettre au comité diplomatique; il n'aura pas d'autre conclusion. Il faut s'emparer tout bonnement d'Avignon; il faut aller tout bonnement aux voix sur cela. C'est ce qu'on veut: c'est ce que nous voulons; c'est ce que vous voulez. Il n'y a pas à balancer ; je fais la motion que vous vous empariez de tout ce qui conviendra.
Je ne m'oppose pas au renvoi de la lettre que vous venez d'entendre à vos comités ; j'observerai seulement à l'Assemblée qu'elle a déjà décrété que des commissaires médiateurs seraient envoyés dans le Comtat; il faut par conséquent attendre le résultat de leurs opérations.
A gauche : Oui ! oui! certainement!
(L'Assemblée renvoie la lettre de la municipalité de Carpentras aux comités diplomatique et d'Avignon.)
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre de M. le ministre de la guerre ainsi conçue :
« Paris, le 31 mai 1791.
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a ordonné de communiquer à l'Assemblée nationale des lettres de MM. d'Albignac et Roqueville, qui contiennent les détails de ce qui vient de se passer au 38e régiment, ci-devant Dauphiné.
« En examinant avec attention ces pièces, surtout celles qui contiennent la demande des sous-officiers et soldats, on ne trouve pas dans cet événement le caractère de ceux que font naître le hasard ou des circonstances imprévues ; il paraît plutôt être dû à des manœuvres combinées.
« Des mesures ordinaires seraient insuffisantes, et celles qui peuvent remédier au mal appellent touie la sagesse de l'Assemblée.
« Je suis, etc.
« Signé : duportail. »
Plusieurs membres : Aux comités militaire et des rapports.
Je demande le renvoi de cette lettre et des pièces qui y sont jointes aux comités militaire et des rapports ; mais jedemande qu'avant de punir les coupables, s'il y en a, l'Assemblée ordonne, par uu décret, au régiment de Dauphiné de reprendre ses officiers. (Murmures à gauche). Le royaume est dans le plus grand danger ; l'armée peut se dissoudre si on laisse aux soldats l'empire sur leurs officiers.
J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que la motion de M. l'abbé Maury ne me paraît nullement dans les principes. Un ré-
giment quelconque ne peut pas avoir chassé ses officiers; l'Assemblée nationale ne peut pas les regarder comme chassés. C'est toujours, quoi qu'il soit arrivé, un acte de violence criminelle de leur part, et l'Assemblée nationale n'a pas d'auire devoir que de faire ordonner à la force publique de rétablir ces officiers dans leurs postes: si l'Assemblée ne prend pas cette marche, elle livrera le royaume à la plus affreuse anarchie, l'anarchie des soldats. (Murmures à gauche.)
Ceux-là seuls sont les véritables ennemis de la patrie qui vous conseillent de rompre tous les liens delà discipline militaire, et ceux qui m'in-lerrompent seront peut-être les premiers à gémir de ce désastre.
Je vous invite donc, par le seul zèle pour le salut public, à rétablir l'ordre dans les régiments par les mesures les plus sévères.
(L'Assemblée, consultée, décrète le renvoi de la lettre du ministre de la guerre et des pièces y jointes aux comités militaire et des rapports réunis.)
, qui était absent par congé, annonce son retour à l'Assemblée.
lève la séance à trois heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
opinion de M. J. Jallet, curé, député de la ci-devant province du Poitou, sur la peine de mort. (Discussion sur le Gode pénal.)
Je pense que la peine de mort est absurde et inutile. Je suis convaincu que les législateurs n'ont pas le droit de l'établir; si c'est une erreur, elle n'est pas dangereuse, et il me sera permis de tenir encore à mon idée par le sentiment, qui est pour moi la meilleure des démonstrations.
Si j'ai raison, j'eusse été coupable de me taire. Avec peu de talent pour me faire écouter, j'ai trop peu de voix pour me faire entendre dans la tribune de l'Assemblée nationale. Je dois donc faire imprimer mon opinion; l'importance du su jet me répond de l'indulgence des lecteurs.
Il n'y a, chez toutes les nations, que des lois incohérentes, sans rapport ni entre elles, ni avec les grands intérêts du genre humain ; c'est qu'il n'y a, chez aucun peuple, un système général et réfléchi de législation; on a fait des lois pour le besoin du moment.
Un principe très important et très négligé, c'est que toute loi qui peut altérer le moral de l'homme est mauvaise; je n'ai fait que l'indiquer dans mon écrit, et encore dans une note, mais cela suffit ; l'Assemblée nationale possède dans son sein plusieurs membres capables d'en sentir la vérité, d'en donner les développements et d'en faire l'application. (Avis de l'auteur.)
Messieurs,
Proportionner les peines aux délits, éviter également une sévérité excessive et une indulgence dangereuse; établir des châtiments qui préviennent le crime par l'exemple, qui rendent le coupable à la société, en le rendant à la vertu : voilà
le grand problème que se propose une nation qui s'occupe d'une législation pénale.
Les législateurs de tous les peuples connus, un peiit nombre excepté, ont admis la peine capitale. Cet accord, presque général, ne vous en imposera pas, sans doute, Messieurs. Faits pour donner l'exemple et non pour le recevoir, vous adoptez, non ies lois des autres peuples, mais celles qui, d'après une sévère discussion, vous paraissent justes et utiles; et après avoir donné à la France un gouvernement qui n'a point de modèle dans l'histoire, vous couronnerez votre ouvrage en donnant à l'univers le modèle d'une jurisprudence pénale, établie sur les bases du droit naturel, chef-d'œuvre de législation désiré depuis si longtemps par les amis de l'humanité.
Tous les législateurs sont partis de ce principe vrai; les crimes doivent être punis; mais ils ont écarté cet autre principe, non moins certain, et plus salutaire : les coupables doivent être corrigés. C'est l'oubli de ce second principe qui les a l'ait tomber d'erreurs en erreurs, en appliquant les conséquences du premier.
Ils out dit : les plus grands crimes méritent la plus grande des peines, celle de mort; mais ils n'ont pas réfléchi que la loi qui établit la peine capitale est aussi absurde que barbare, et nul d'entre eux n'a examiné si elle n'était pas injuste.
Un assassinat vient de priver la société d'un de ses membres, et la loi, en mettant à mort l'assassin, la prive d'un autre. Ainsi, la société, par l'effet de cette institution vicieuse, double réellement la perte de l'espèce humaine.
Mais si 10, 20, 100 individus sont complices, auteurs, instigateurs d'un crime pour lequel la loi prononce la peine capitale, faudra-t-il élever autant de gibets? Faudra-t-il donner au peuple le hideux spectacle du carnage? Alors on deviendra atroce en voulant être juste. Abandonnera-t-on quelques têtes à la sévérité de la loi, en faisant grâce au plus grand nombre? Je demande où est la justice? Mouérera-t-on la rigueur de la loi en faveur de tous? Dans ce cas, la loi est méconnue : disons mieux, elle n'est plus (1).
Or, une loi, qui va directement contre l'intérêt de la société, puisque son effet est de s'affaiblir; une loi qu'il faut souvent faire fléchir suivant les circonstances, qu'est-ce autre chose, Messieurs, qu'une loi évidemment absurde?
Pour établir la peine de mort, il faut, Messieurs, que vous décidiez, comme une vérité certaine, l'une de ces deux choses : qu'il vaut mieux égorger un coupable que de le corriger ; et quel ennemi de l'humanité oserait avancer une maxime aussi barbare? Ou bien : que le
cœur d'un coupable, une fois égaré, est corrompu pour toujours (1); qu'il n'y a plus pour lui d'espérance de retour à la vertu; et alors je vous demande comment vous pouvez juger ainsi des années qui ne sont pas encore, et y prévoir des crimes, et de quel droit vous osez condamner d'avance une longue vie sur l'erreur d'un moment?
Supposons, Messieurs, que chez une nation éclairée les punitions légales eussent été, jusqu'à ce jour, ce qu'elles doivent être, purement correctionnelles; quel serait le réformateur qui oserait proposer à une telle nation d'admettre la peine capitale? On trouverait, sans doute, fort étrange que l'on conseillât à la société de détruire ses membres, plutôt que de s'occuper des moyens de les réformer, et l'on rejetterait avec indignation une nouveauté aussi atroce. Vous êtes éclairés, Messieurs; vous êtes sensibles, vous êtes justes et vous effacerez de votre jurisprudence des lois qui la déshonorent.
Le législateur, en prononçant la peine capitale, manque donc son objet principal, la correction du coupable. Il eu manque encore un autre essentiel, celui de l'exemple. Toute peine doit être non seulement correctionnelle, autrement elle est absurde; mais encore elle doit être exemplaire, c'est-à-dire prévenir le crime par l'exemple; sans quoi elle est inutile.
Il y a longtemps qu'on a observé qu'il y avait plus de crimes chez Les peuples dont les lois sont les plus sévères. La disproportion énorme, qui se trouve entre un délit quelconque et la peine de mort, fait que ies crimes Se multiplient
à mesure que la peine capitale s'étend à un plus grand nombre de délits. Les scélérats qu'une correction salutaire eût pu ramener à l'amour de l'ordre, sachant le sort qui les attend, mettent du courage à braver l'échafaud. La certitude de périr pour un premier forfait leur fait compter pour rien même les plus grands qu'ils commettront désormais; ils savent qu'on ne peut les faire mourir qu'une fois.
Depuis un grand nombre do siècles, on punit de mort, en France, le croiriez-vous, Messieurs, plus de cent espèces de crimes ; que l'on daigne en citer un seul que l'exemple de la peine capitale ait fait disparaître. La peine capitale n'est donc pas exemplaire, comme on le prétend ; elle l'est même si peu, que le vol se commet souvent au lieu même, à l'instant même où se fait t'exé-tion d'un voleur.
Quel exemple, Messieurs, que celui qui ne prévient pas même le crime dans le moment qu'on le donne! Quel exemple que celui d'une exécution qui n'est, dans le fait, qu'un spectacle de quelques minutes, après lesquelles le cadavre disparaît et l'exemple avec lui! Quel a donc été, jusqu'ici, l'effet de tant d'échafauds dressés, de tant de sang répandu par les lois, sinon de multiplier, à pure perte, les outrages faits à l'humanité (l)r
Les législateurs, ayant méconnu le vrai principe qui devait les diriger dans l'établissement des peines, il n'ont plus connu de bornes. Au iieu de graduer les peines sur l'intérêt de la société, ils les ont mesurées sur l'indignation qu'ils sentaient pour les crimes ; ils ont osé donner à l'action des lois, pour réprimer les coupables, le caractère et le nom de vindicte publique, de vengeance des lois. Gomme si la loi, qui est la volonté du corps social, devait être le produit des passions humaiues (2). Aussi, une fois hors du chemin tracé par la raison, chaque pas qu'ils ont l'ait a été une nouvelle chute ; et l'on ne peut voir sans frémir qu'ils en tont venus jusqu'à se faire un art et un mérite des raffinements de barbarie qu'ils ont inventés.
Considérons, en effet, Messieurs, les lois pénales de presque tous les peuples, sans excepter les nôtres ; nous verrons des législateurs calculer froidement la mesure des supplices qu'ils pourront ordonner pour chaque crime ; nous les verrons accumuler les tourments; employer les roues, le fer, le feu, les eaux bouillantes, pour conduire un être sensible, par des gradations barbares, au desespoir et à la mort.
Rappelez-vous, Messieurs, s'il vous est possible de supporter un tel souvenir ; rappelez-vous ce malheureux jeune homme coupable, sans doute,
puisqu'il attaquait le culte établi, mais que la raison, la réflexion, aidées par une correction salutaire, eussent pu replacer au rang des citoyens (1). Il souffrit la question ordinaire et extraordinaire ; il eut les mains coupées, la langue arrachée ; il fut enfin, vivant encore, jeté au feu. Que font de plus les cannibales?
Quand on pense que ce sont des hommes qui ont médité ces atrocités, qui les ont rédigées en lois, qu'ils en ont laissé l'application à des hommes sujets à l'erreur et aux passions, et suriout quand on réfléchit que de telles barbaries ont pu être mille fois dirigées contre des innocents..., alors l'expression manque au sentiment, et c'est la sensibilité du lecteur que j'interroge en ce moment.
Vous écarterez ces horreurs, je le sais, Messieurs; vous l'avez promis. Les peines que vous prononcerez seront modérées; vous remplirez l'engagement sacré qu'à la l'ace de l'univers vous avez contracté avec l'humanité (2)'; vous ne permettrez pas qu'au milieu de vous on calcule la force et les ressorts d'une machine destinée à ôter la vie à un homme dans le moins de temps possible; vous ne permettrez pas qu'on s'applaudisse d'une telle découverte, comme d'un bienfait envers le genre humain. On ne reprochera pas à l'un des peuples les plus doux et les plus éclairés de l'Europe,qui vient de rétablir l'homme dans sa dignité primitive, de n'avoir été juste qu'à demi, et d'avoir moins fait pour la vie de l'homme que pour sa liberté.
Vous avez senti, Messieurs, la nécessité de réformer Vos lois criminelles, qui ressemblaient pius au code d'une nation barbare, qu'à la jurisprudence d'un peupie policé. Vous avez établi des conseils pour les accusés, quelque publicité dans la procédure, et surtout les jurés. Ces établissements sont sages; mais qu'espérez-vous de ces précautions? qu'il ne périra plus d'innocents? Ne vous en flattez pas, Messieurs; mais seulement que peut-être il en périra moins.
Un homme est soupçonné d'un assassinat. L'instrument meurtrier trouvéauprès du cadavre, présenté à la plaie et s'y rapportant parfaitement, est marqué des lettres do son nom et reconnu par lui. Ses voisins l'ont vu sortir de chez lui, peu d'instants avant le meurtre; ils l'ont vu rentrer avec ses habits ensanglantés, avec la précipitation et l'effroi d'un coupable. Ces mêmes habits ont été trouvés soigneusement cachés dans sa maison (3). Le jury, car la scène est en Angleterre, le jury s'assemble. De 12 membres dont il est composé, 11 jugent l'accusé coupable. Le douzième refuse d'accéder à leur opinion, et, à défaut d'unauimité (4), le prévenu
est déclaré innocent. Il l'était en effet, Messieurs, et ce douzième juré était lui-même l'auteur involontaire de l'homicide. Il réussit, par de louables efforts, à se faire nommer juré. Qu'un autre eût occupé sa place, l'innocent eût péri, la sentence eût été régulière, et la vérité ensevelie pour jamais. Ce jury n'était donc autre chose, Messieurs, qu'un tribunal d'aveugles agitant, dans de profondes ténèbres, le glaive de la loi, et qui,.sans une circonstance unique, eussent égorgé l'innocence avec la plus parfaite sécurité.
Ces jurés, ces témoins, ces j'iges ne seront-ils donc pas toujours des hommes? seront-ils donc toujours exempts de l'erreur involontaire, triste apanage de l'humanité? auront-ils plus de sagacité, disons vrai, auront-ils plus de bonheur, car c'en est un, pour écarter les nuages qui, quelquefois, dérobent aux faibles yeux des nommes la vérité, que n'en ont eu tant de magistrats éclairés, attentifs, que la droiture de leurs intentions, la pureté de leur coeur n'ont pu consoler, quand une triste découverte leur a fait apercevoir qu'ils étaient tombés dans une erreur funeste? Une lumière tardive est venue les éclairer; le sang innocent avait déjà coulé par leurs mains; ce souvenir cruel a répandu l'amertume sur le reste de leurs jours.
0 vousl représentants d'une grande nation 1 chargés de la mission sublime de lui donner des lois, ne doutez pas qu'en signant laloi qui établit la peine capitale, vous ne signiez, pour les siècles qui suivront, l'arrêt de mort d'une infinité d'innoce: ts. Sachez qu'il ne vous est pas permis de donner à vos juges le droit de condamner à mort, si vous ne leur donnez, en même temps, une vue perçante à laquelle rien n'échappe, une infaillibilité que rien ne puisse égarer; car si vos lois, malgré vos précautions, font périr uu seul innocent , c'est un véritable assassinat. Alors ce n'est pas le juge qui est l'assassin ; c'est le législateur.
Non, Messieurs, si la peine capitale pouvait être admise, ce ne serait qu'à l'éternel auteur de toute justice qu'il appartiendrait de l'établir; ce ne serait qu'à lui, comme au seul être infaillible, qu'il conviendrait de la prononcer.
Aussi, Messieurs, ne pensez pas que Dieu, qui connaît les passions, la faiblesse, et surtout l'ignorance de l'homme, ait voulu lui laisser le pouvoir de disposer de la vie de ses semblables et exposer ainsi les innocents aux déplorables suites d'une erreur irréparable.
Transportez-vous au berceau du genre humain ; voyez un frère assassiné par son frère ; considérez le coupable déchiré par les remords, et craignant pour lui-même le sort qu'il a fait subir ; mais écoutez : On ne tuera point Caïn, dit l'Eternel. Qui osera donc prononcer la peine de mort pendant que Dieu même défend qu'on en punisse un fratricide ?
Ecoutez la loi donnée à l'universalité du genre humain, par le souverain législateur du monde : Vous ne tuerez point. Ce commandement est prohibitif, pour me servir du langage des moralistes, c'est-à-dire qu'il oblige toujours tous et chacun (1). De quel droit les sociétés se
croiraient-elles dispensées de l'observer? Trou-vera-t-on le pour et le contre dans le même précepte ? Prétendra-t-on que l'homicide est permis aux sociétés, par la même loi qui le défend aux individus?
La peme de mort était établie, à la vérité, dans l'ancienne loi, dont Dieu lui-même était l'auteur. Mais je ne vois là qu'un exemple surnaturel, extraordinaire ; une exception que le divin auteur de la loi générale a voulu et a pu seul y mettre. Je vois qu'en certain cas, le législateur a fait dépendre l'exécution de la peine capitale d'une épreuve miraculeuse ; et nous n'avons pas de telles ressources pour éviter de funestes méprises.
Je ne vois point que Dieu ait prescrit aux autres nations d'adopter les règlements civils qu'il avait donnés aux juifs, ni que la législation hébraïque ait été formée pour être, exclusivement à toute autre, la législation universelle. Chaque nation doit donc prendre pour rè^le de ses lois pénales, non une jurisprudence particulière et théocratique, mais la loi éternelle donnée au genre humain.
Jésus-Christ a aussi parlé dans l'Evangile de la peine de mort; mais qu'on lise le contexte des passages, on demeurera convaincu que Jésus-Christ n'y donne pas des lois, mais qu'il y cite des laits. Il ne restera aucun doute sur son intention, si l'on considère sa réponse quand on lui amena la femme adultère, qui devait être lapidée, suivant la loi. L'exemple de la loi judaïque ne prouve donc rien contre la loi positive et générale : Vous ne tuerez point.
Tout le monde convient que la loi qui défend l'homicide oblige tous les individus, mais on prétend aussi qu'elle n'oblige pas la société, il s'agit donc d'examiner si la société a, en qualité de souverain, le droit de disposer, en certains cas, de la vie de quelques-uns de ses membres.
Le souverain ne peut avoir d'autres droits que ceux qu'il tient de la nature même du pacte social; l'effet du pacte social est de réunir les volontés privées pour en former la volonté générale; les forces particulières, pour en composer la force publique ; et les droits individuels, pour en faire le droit commun, afin que les propriétés de chacun soient défendues par tous, sous la protection de la loi.
Les propriétés de l'homme sont de deux sortes; ses propriétés naturelles et ses propriétés acquises. Il doit celles-ci à l'exercice de sea facultés intellectuelles et corporelles; celles-ci, il les tient de la uature : ce sont la vie et la liberté.
Entre ces deux espèces de propriétés, il se trouve une différence essentielle et décisive dans la question qui nous occupe; c'est que l'homme a le droit d'aliéner ses propriétés acquises, mais que ses propriétés naturelles sont inaliénables.
Rappelez ici, Messieurs, vos propres maximes. Vous avez déclaré que le principe de la souveraineté réside dans la nation, mais vous n'avez pas indiqué ce principe; c'est la liberié individuelle primitive de Ihomme. Les nations ne sont indépendantes et libres que parce qu'elles sont composés d'hommes que la nature a fait libres et indépendants ; nul contrat, nulle prescription ne peut priver les nations de Ljur souveraineté, parce que cette souveraineté, ayaut
idée de conquête sur les autres nations; elle a senti qu'il était défendu aux nations, comme aux particuliers, d'être injustes; elle sentira qu'il n'est pas plus» permis aux sociétés d'être homicides qu'aux individus
pour principe la liberté naturelle de l'homme, elle est inaliénable comme Id liberté.
C'est donc un principe du droit naturel que l'homme n'a pas le droit d'aliéner sa liberté. 11 serait bien étrange qu'il eût le droit d'aliéner sa vie 1 il peut sans doute disposer de ses propriétés acquises, elles sont à lui; sa vie, sa liberté sont à la nature. Il peut aliéner les propriétés qu'il s'est faites, parce qu'elles né sont pas à lui, mais il ne peut aliéner ses propriétés naturelles, parce qu'elles sont à lui.
L'homme, en se rangeant sous le pacte social, met ses propriétés naturelles sous la protection de la société; c'est^pour les conserver, et non pour les perdre qu'il met sa liberté et sa vie sous la sauv garde commune. Je vois bien là un dépôt, comment peùt-on y Voir une aliénation?
Comment quelques législateurs se sont-ils cru fondés à établir des condamnations contre le cadavre des suicidés, si ce n'est qu'ils ont pensé que l'homme n'avait pas le droit de disposer de sa vie ?
Mais ce droit qu'ils ne trouvaient pas dans l'homme, ils croyaient le voir dans la société, et ils ne s'apercevaient pas que ce droit ne pouvait appartenir à la société, sMl n'eût pas appartenu d'abord à chaque individu.
Si le souverain a le droit de disposer, en certains cas, de ses membres, ce ne peut être qu'en vertu d'une loi consentie par tous. Or, nul n'ayant droit de disposer de sa vie, nul ne peut consentir, qu'on dise comment le souverain a pu l'établir (1) ?
Elle s'est pourtant établie, cette loi cruelle 1 et il n'est pas difficile d'eu découvrir l'origine. Elle n'est certainement pas dans la nature; nous ne la trouvons pas dans les principes du pacte social ; elle n'a donc pu naître que de la dépravation de ces mêmes principes et de la corruption des gouvernements.
N'en doutez pas, Messieurs, cet usage barbare est né sous la verge du despotisme^ jamais l'homme, vivant sous de sages lois qu'il aurait consenties, n'eût imaginé qu'il avait droit de disposer de la vie de ses semblables. Mais quand les chefs des nations qui, dans l'origine, ne purent être que des pères de famille, eurent oublié que c'étaient leurs enfants qu'ils étaient chargés de régir par la confiance, pour ne plus voir dans les peuples que des esclaves qu'ils devaient asservir par la terreur ; quand les chaînes de la servitude eurent avili les âmes, abattu les courages, l'homme qui, jusqu'alors, avait obéi sans effort sous un gouvernement paternel et juste, ne put être retenu dans l'oppression que par les supplices : arraché violemment de son état naturel, il fallut bien le contenir par des. moyens pris hors de la nature.
Quelles peines pouvaient, en effet, infliger les rois pour se" faire craindre, quand ils eurent dé-
daigné de se faire aimer? Quels moyens leur restait-il ? La privation des biens ? Mais les propriétés ne sont rien sous les gouvernements arbitraires. L'estime publique ? elle est nulle sous les lois des despotes. L'honneur? en est-il sans liberté? Il ne restait donc que la peine de mort. L'usurpateur de laJiberté de ses égaux ne tarda pas à se croire en droit de disposer de leur vie ; les législateurs adoptèrent, sans examen, ce système barbare ; la jurisprudence devint un répertoire de lois de sang.
L'infamie qui résulte de l'exécution publique (1), vint ajouter à l'humanité de nouveaux outrages, et enfanta de nouveaux crimes. Pour dérober à l'échafaud un parent, un ami, les poignards et Fes poisons pénétrèrent dans les cachots ; on devint homicide pour n'être pas déshonoré. Ainsi l'oubli des principes a fait l'opprobre et le malheur de la société.
Bien plus, après avoir cru pouvoir mettre à mort, au nom des lois, pour des délits, on crut devoir égorger, au nom de Dieu, pour des opinions. Oui, Messieurs, c'est à cet horrible préjugé qui a placé la peine de mort au rang des punitions légales, que sont dus tant de meurtres, tant d'atrocités par lesquels des fanatiques ont cru venger la divinité. C'est ce préjugé funeste qui a souillé nos annales par des horreurs que nos larmes n'elfaceront jamais de notre histoire.
Il suit évidemment, Messieurs, des principes que je viens d'indiquer :
1° Que l'homme n'étant pas toujours exempt d'erreurs involontaires, qui, dans mille circonstances, peuvent devenir inévitables, la loi qui prononcerait la peine capitale ne serait, en certains cas, qu'un ordre du souverain d'assassiner un innocent :
Le législateur ne doit donc pas établir la peine capitale ;
2° Que la loi étant l'expression de la volonté générale, comme par le résultat des volontés particulières, nul individu n'ayant le droit de disposer de sa vie, et ne pouvant donner à la société un droit que lui-même il n'a pas, la loi qui établirait la peine de mort serait évidemment nulle, comme n'ayant été ni pu être consentie par personne :
Le législateur ne peut donc établir la peine de mort, sans blesser tous les principes du droit naturel et du pacte social ;
3° Que les punitions légales ne devant être que des peines purement correctionnelles, le législateur doit écarter de ses lois pénales tout ce qui pourrait leur faire perdre ce caractère si essentiel, si utile, si précieux pour la société :
Nulle loi ne doit donc prononcer de peine perpétuelle.
Articles proposés.
L'Assemblée nationale, voulant établir sur les principes immuables du droit naturel Je Gode pénal qu'elle se propose de donner à la nation ; considérant que le principal objet des punitions légales est de corriger les coupables, et de les rendré à la société eu les rendant à la vertu, déclare :
1° Que la peine de mort ne doit être prononcée pour quelque délit que ce soit;
2° Qu'aucune peine ne sera perpétuelle ;
3° Que, dans aucun cas, il ne sera imprimé sur les coupables aucune marque de flétrissure ineffaçable.
Réflexions importantes sur l'adresse présentée à VAssemblée nationale, le 31 mai 1791, par Guillaume-Thomas Raynal (1), par M. de Si-néty, député à l'Assemblée nationale.
Un philosophe octogénaire, un auteur savant dont les écrits ont eu la plus grande influence sur les mœurs de ce siècle et sur la politique des gouvernements, a présenté, le 31 mai 1791, une adresse à l'Assemblée nationale : elle a fait des impressions qui pourraient.être dangereuses; le nom seul de Guillaume-Thomas Raynal donne aujourd'hui la plus grande importance à cet écrit. Il paraît donc utile et pressant d'éclairer l'opinion publique sur cet ouvrage, au moins indiscret, qui pourrait l'égarer.
J'en ai écouté la lecture avec cette curiosité, avec cette sérieuse attention à laquelle invite la célébrité de son auteur, et avec cet intérêt que doivent inspirer les lumières d'un philosophe qui vient à la un de sa carrière, donner des leçons sévères aux législateurs d'un peuple, dont peut-être, il se reproche tacitement d'avoir poussé l'amour de la liberté au delà des bornes que la sagesse humaine n'avait pas encore marquées, et que les repreésntants de la nation s'occupent de poser.
Telles étaient les premières dispositions de mon intelligence, lorsque, à l'annonce d'une adresse de Thomas Raynal, le plus cher, le plus sacré de tous les intérêts, celui de la patrie, effaça, pour un moment, de mon souvenir, l'opinion personnelle que j'avais conçue de ce .philosophe. Préparé par ce sentiment, j'oubliai les démarches par lesquelles il avait, quoique indirectement peut-être, participé aux premières explosions de la Révolution, en 1789; et le rôle, combiné sans doute avec de plus puissants agents, qu'il avait joué, avant la convocation des Etats généraux, dans une ville de premier ordre (Marseille), que des émotions populaires ont alors agitée et alarmée dangereusement.
J'attendais, avec une certaine confiance les aveux d'un auteur célèbre, qui, prêt à descendre au tombeau, n'avait rien à dissimuler; et les leçons que son génie éclairé par sa propre expérience, dépouillé de toutes passions, et gémissant sur les maux présents et accidentels de sa patrie, semblait vouloir donner aux législateurs ae la France, pour perfectionner leur étonnant et difficile ouvrage, dont lui-même croit avoir donné les premiers éléments, et pour les aider à réparer les imperfections dont toutes les opérations de l'esprit humain sont susceptibles, et les erreurs dans lesquelles le philosophe lui-même craint de les avoir entraînés par ses systèmes, dont sa théorie impolitique et exagérée n'avait pas su prévoir les premières conséquences.
Tel était le sentiment intime qui, dans ce premier moment, rappelait à de douces espérances toutes mes facultés intellectuelles, et toutes les sensations de mon âme, lorsque les premières déclamations contenues dans cette adresse, contre l'Assemblée nationale, et Contre ses opérations, me forcèrent au recueillement de la réflexion, tandis que l'applaudissement ou le blâme étaient vivement distribués à cette diatribe, suivant l'impression différente qu'elle faisait sur les esprits.
Bientôt un orateur, par son opinion plus froide, détermina l'Assemblée nationale à vouer à l'indifférence cette production indiscrète d'un philosophe hardi, et parvint ainsi à rejeter une discussion d'autant plus épineuse, que si les déclamations de Thomas Raynal étaient fondées, les remèdes qu'il offrait étaient, dans les circonstances présentes, ou impuissants, ou inefficaces ; et si elles ne l'étaient pas, elles ne tendraient qu'à encourager les malveillants, à justifier les entreprises dont ils menacent ]a patrie, à ranimer le fanatisme, à favoriser ses excès, et ce qui est sans doute plus dangereux encore, à égarer la vertu et le patriotisme, et à susciter enfin la plus fatale de toutes les insurrections contre les nouvelles lois établies.
M'étant donc recueilli pour pénétrer les motifs secrets de l'auteur, est-ce, me disais-je, l'orgueil de la caducité d'un philosophe qui, après s'être fait Une grande réputation par le courage avec lequel il a frondé tous les préjugés et tous les gouvernements, et par son zèle à professer ses principes abstraits sur la liberté, qu'il n'a jamais pu définir dans son acception politique, aspire aujourd'hui aux derniers honneurs de la célébrité, en invectivant, sans mesure, et de la manière la plus dangereuse pour l'ordre public, toutes les institutions nouvelles auxquelles une nation devenue libre, commence à se soumettre? Est-ce une coalition politique d'un auteur célèbre avec les détracteurs de la Révolution, qui, voulant abuser aujourd'hui de l'opinion publique qu'il a su lui-même exalter par l'exagération de ses principes philosophiques, se serait prêté à devenir l'organe d'Un parti mécontent, qui a mis sa dernière ressource et ses plus chères espérances dans de nouveaux désordres et dans l'anarchie, qu'amèneraient nécessairement les opinions Vacillantes, incertaines et contrastantes, sur le nouvel ordre établi? Est-ce un patriotisme aveuglé et mal entendu qui encourage l'auteur à semer, parmi les représentants de la nation, qui touchent au terme de leur carrière politique, l'incertitude et l'effroi sur les effets des nouvelles lois qu'ils ont données à l'Empire français? Est-ce enfin un espoir coupable qui, lui rappelant les moyens dont il s'est servi, pour donner des armes à la licence, en déclamant autrefois contre les autorités arbitraires, l'engage à tenter aujourd'hui d'armer la liberté, encore mal appréciée, contre des institutions en faveur desquelles là religion, les lois, l'ordre public et l'autorité légitime réclament la plus tranquille obéis-sance?
Plus j'ai étudié, plus j'ai approndi cette fameuse adresse de Thomas Raynal, répandue avec affectation et avec profusion à Paris, et qui inspirait un si grand dissentiment d'opinions,; plus j'ai été alarmé de l'impression qu'elle pouvait et qu'elle devait faire, plus j'ai été convaincu que Raynal qui, toujours enivré de l'orgueil de la philosophie, avait joui, plus qu'aucun autre auteur, de sa célébrité, et du glorieux avantage de dominer sur l'esprit de son siècle, cherchait aujourd'hui à exer-
cer le mêmeempiresur l'opinion, publique, et que fier d'avoir,opéré perses systèmes.et par ses intelligences secrètes avec Iles premiers sectaires,de la Révolution, cette première et terrible exaltation du patriotisme, il.se flattait encore, dans ces derniers moments de crise, de le,diriger, en sens rétrograde, contre le nouvel ordre,de choses, qui n'a pu satisfaire les vues intéressées et ;les combinaisons particulières de tous ceux qui, dans le principe, l'avaient associé à leurs mystères politiques.
En effet, si dans ces moments on avait pu conr nattre la vie politique de Thomas Raynal, dans Marseille, les systèmes et les dogmes qu'il y ipro-fessait depuis plusieurs années^ ses liaisons intimes avec un ministre que tout de monde sait avoir tonjoupsambitionnéila première place dans la Révolution, tet avec tous les amis et les adorateurs qu'il avait dans cette ville si l'on avait pu pénétrer dans Je* motifs des intelligences secrètes ae Raynal avec Mirabeau, au mois de mars 1789, lorsqu'il ,v,int dans cette ville allumer les premiers flambeaux de la Révolution, et les conférences qu'il avait eues alors avec cet homme si célèbre par la profondeur de sa politique et par les différents rôles auxquels les circonstances -l'ont appelé, .et.qui, secrètement soutenu par le ministre, détournait alors la surveillance publique de sa connivence avec lui, par des éqrits qu'il répandait contre son administration ; l'on pouvait savoir commet Thomas Raynal, à cette (époque, s'était agité dans tous ies sens pour avoir la confiance des corporations des ouvriers de MarseUile, pour exalterleurs prétentions;comment il était parvenu à diriger leurs délibérations da06 leurs assemblées primaires et à participer à la rédaction de leurs cahiers ; si l'on pouvait s'assurer enfin, comme pn l'a .toujours soupçonné, qu'il correspondait sur tous les mouvements préparatoires de la Révolution avec le ministre ,et sa famille, rappelant ainsi tous les rôles que Thomas Raynal avait joués, dans ces premières époques, onne pourrait se détendre dans ce moment de luisoupçonnerdes motifs aussi dangereux aujourd'hui en poliitiqiue, que sa conduite, avant et pendant les élections au 1789» a .été active.
Rapprochant .ainsi les premières causes des trouble® qui ont agité le royaume même avant la convocation des Etats gé&éraux,\et de £eux qui particulièrement ont alors trou blé la tranquillité do Marseille, du moment où Thomas Raynal se présente & F Assemblée nationale avec cette audace d'autant moins excusable, qu'il ne devait point avoir oublié les causes réelles de cette licence dont il déplore justement aujourd'hui les effets, j'ai vu tomber uevant moi., à la lecture de .cette adresse, le masque du philosophe et je n'ai vu en lui qu'un homme entraîné par la passion la plus .dangereuse pour la paix publique, et qui, pe jouant du bonheur des peuples et de leur tranquillité, n'a cessé d'aspirer à cette coupable célér brité,qu'acquerront toujours les déclamateurs qui cherchent à éloigner les citoyens de l'obéissance aux lois, et qui jouissent orgueilleusement de la fatale satisfaction d'incendier leur patrie par des i é volutions successives, et de l'espoir criminel d t bouleverser les Empires.
En effet, me ,&uis-je dit, qu'est donc venu faire à Paris Thomas Raynal, à cette époque du mois de la Révolution ? Qu^vait-jl à dire à l'Assemblée nationale au moment où elle venait d'annoncer la lin ,de ses travaux, qu'il n'eut pas dû lui dire avec plus de fruit un an plus tôt, s'il eut eu des intentions pures ? De quelle utilité
a-rt-p-ii cru que pouvaient être aujourd'hui ses prétendues vérités dont il se fait un mérite de menacer la nation et ses représentants? Etait-ce le moment le plus favorable de les dévoiler, et pourquoi n'en a-t-il pas en plus tôt le désir et lé courage ?
Quoi 1 le philosophe ausJtère qui se vante avec tant de complaisance d'avoir, depuis si longtemps, parlé aux rois de leurs devoirs, .voyait-il donc avec une froide indifférence, depuis 25 mois, les opérations successives de.l'Assemblée nationale contre lesquelles il s'élève aujourd'hui avec tant d'indiscrétion ? N'a-t-il su emboucher la trompette de \'indignation, que lorsque son génie prophétique ne lui offrait que dans un avenir éloigné les maux des peuples qui, quoique sous un gouvernement absolu, vivaient dans un état de tranquillité ? et s'étaiWl imposé silence lorsque ses conseils auraient pu porter un remède prompt aux maux présents, pour le rompre ensuite avec plus d'éclat à l'instant où l'ordre public commence à s'établir ? ou son esprit, affaissé par l'âge, a-t-il, pendant cette longue et célèbre session du Gorps législatif,été plongé dans la plus profonde léthargie et ne s'est-il réveillé que dans ie moment important où il est venu se montrer sur notre horizon politique ?
Thomas Raynal n'a cessé d'habiter Marseille qui, plus qu aucune autre ville de l'Empire Français a ressenti les effets de sa doctrine et de la Révolution, Il n'a pu un instant ignorer les décrets des législateurs; il en calculait froidement les effets, il en était témoin, i'1 en jugeait l'influence sur un vaste, riche et orageux horizon qu'il habitait. Dans combien d'occasions essentielles, depuis vingt-cinq mois, n'aurait-il pas pu donner d'utiles conseils aux représentants de la nation, et des leçons de sagesse à ses concitoyens? La voie des pétitions lui était ouverte, comme à tous ies Français ; et il a toujours trop bien présumé de lui-même pour douter qu'elles fussent accueillies. Pouvant éclairer l'Assemblée nationale par ies lumières de son génie, de la philosophie, qui sait si bien lire dans l'avenir, n'eut-il pas pu, n'eut-il pas dû la préserver des erreurs dont il l'accuse ? Pourquoi a-t-il gardé jusqu'à ce jour le plus profond silence? Que peut^on penser 4e l'inertie de son patriotisme? Et pourquoi l'époque de sa Vie qui lui présentait les plus belles occasions d'être utile à son pays, a-t-élle été celle où il a affecté l'indifférence d'un froid cosmopolite et où lui qui s'enorgueillit aujourd'hui d'avoir toujours dit aux rois des vérités sévères, s'est refusé de les exposer aux yeux d'un roi vertueux, qui les a toujours accueillies, et qui méritait l'affection et l'admiration d'un philosophe patriote, aux législateurs qui sans doute pouvaient avoir besoin d'un guide sage, éclairé et consommé en politique, et aux peuples-: qu'il fallait surtout préserver du danger de la liberté mal appréciée?
Certes, si l'on veut bién réfléchir à cette longue inertie d'un homme' célèbre, qui a prêché avec tant de succès le dogme de la liberté, qui se vante d'avoir établi la religion bienfaisante, en la faisant adorer par des peuples et redouter par les tyrans; si l'ohvvoit avec urt juste regret la nullité de son civisme, pendant le, long espace de temps où ses concitoyens, agités paT toutes les .passions et par tous les intérêts;' avaient besoin d'être guidés dans la nouvelle route qûe leurs législateurs leur avaient ouverte vérs le temple de la liberté, on ne peut au moins, sans la plus îvive surprise, voir Thomas Raynal venir, dans
l'Assemblée nationale, dans un moment si peu opportun, lui reprocher ses prétendues erreurs, tonner contre ses lois, alarmer la confiance publique, détourner les citoyens de l'obéissance prescrite aux législateurs, de rétrograder, de démolir l'édifice de la Constitution, qu'ils ont élevé au milieu de tous les obstacles et de tous les dangers, et dont le faîte est déjà perfectionné; et préparer ainsi une nouvelle révolution, objet des espérances et des intrigues criminelles des ennemis de la patrie; lorsque les vœux de tous les bons citoyens, dans l'état actuel des choses, n'ont plus qu'à se réunir pour rétablir l'ordre, le calme et la paix, par l'obéissance aux lois, et par le respect qui est dû à tous les pouvoirs constitutionnels.
Sans doute, Thomas Raynal, associé aux'mys-tères politiques d'un ministre si puissamment soutenu par l'opinion publique, si présomptueux dans ses espérances, et de tous ses agents et ses sectateurs, avait voulu avec eux changer l'Em-piref rançais par une Révolution mémorable; ils avaient tous le même projet; ils tendaient tous an même but, et l'intérêt, l'ambition, la vanité du ministre, du philosonhe et de tous leurs coopérateurs avaient arrêté un plan plus utile sans doute à leurs vues particulières qu'au bonheur des Français; ils avaient voulu une révolution, ils en avaient préparé, combiné tous les mouvements, en profitant avec adresse des insurrections préliminaires ef anticipées, dans lesquelles les noms des principaux chefs, portés en triomphe par la classe du peuple qui les connaissait le moins, annonçaient bien l'enthousiasme qui dirigeait les mouvements tumultueux qu'ils étaient peu soucieux de réprimer. Ils voulaient une Révolution, mais telle que leur génie l'avait conçue pour leur propre gloire, ou pour leurs intérêts. Ils avaient rassemblé les représentants de la nation, non pour obéir aux lois que devait leur dicter leur sagesse, mais pour les conduire et les gouverner à leur gré; ils voulaieut détruire tous les pouvoirs pour élever leur autorité permanente sur leurs débris; ils voulaient abolir les premiers ordres de l'État, pour n'avoir plus à craindre leur influence, et pour flatter la vanité et satisfaire l'ambition de leurs agents qu'ils se proposaient de leur substituer, en les choisissant parmi tous ceux qui s'étaient plus particulièrement dévoués à leurs projes; ils voulaient établir la secte des philosophes, qui les avaient servis sur les ruines de la religion ; ils voulaient enfin atténuer l'autorité royale pour régner par le suffrage de la nation, sans être exposés aux orages de la cour.
Leurs projets n'ont pas réussi; les représentants de la nation les ont déjoués; la Révolution s'e-t faite, mais elle a été pour les Français et non pour ceux qui voulaient profiter de l'exaltation préparée du peuple.
Elle est donc consommée cette mémorable Révolution, et eltel'estindubitablementà cette même époque où Thomas Raynal vient semer l'effroi sur les derniers pas des législateurs, provoquer le mépris et la désobéissance d'un peuple encore exalté et armé contre toutes les lois nouvelles qu'il faudrait au Contraire faire aimer par la confiance, faire respecter par la persuasion et affermir par l'amour de l'ordre et de la paix, pour obtenir cette tranquillité qui doit être le vœu le plus cher de tous les bons citoyens.
Elle est consommée cette Révolution; elfe a déjoué tous lesintérêts, détruit toutes les oppositions, dominé toutes les factions ; mais les mouvements
convulsifs du peuple, suscités dans les premiers jours de son enthousiasme, l'agitent encore parce que, s'il est enivré de ses succès, il est peut-être plus inquiet du danger, dont la Constitution qu'il chérit, paraît encore menacée pour quelques instants.
Cette inquiétude sans doute est dangereuse, cette longue exaltation est alarmante, mais elle est et sera peut-être encore quelque temps la suite naturelle des intrigues de ceux qui l'ont crue nécessaire à leurs projets, des déclamations des philosophes qui n'en ont pas prévu les effets, et des manœuvres préliminaires des premiers chefs de la Révolution. C'était lorsque les chefs, fes philosophes exerçaient encore un empire absolu sur l'opinion publique et sur les actions du peuple, que ces orgueilleux instituteurs du genre humain devaient, par des leçons de sagesse et de modération, diriger leurs nouveaux pupilles dans la route de la liberté, et non dans un moment où le corps politique se fortifiant tous les jours, il3 veulent lui préparer une seconde crise, et où leur3 conseils dangereux en ébranlant la base de l'édifice que les législateurs ont élevé, pourraient en entraîner la chute, et écraser la nation entière sous ses ruines.
Mais Thomas Raynal, qui voit ces laves enflammées qui embrasent l'Empire, n'avait-il pas vu sous ses yeux tous les hommes violents qui se pressent, s'électrisent et forment ces volcans redoutables, qui, selon lui, vomissent des torrents de feu?Ne les a-t-il pas vus, dès le principe s'agiter? Ne doit-il pas se reprocher de les avoir, par ses écrits, lancés lui-même contre ces gens de bien, ces esprits modérés, dont il peint justement la consternation, lorsqu'une seule production de son génie, alors dominateur sur l'opinion, aurait produit les plus heureux et les plus salutaires effets en leur faveur?
Est-ce en avouant aujourd'hui,dans sa farr^use adresse, que les conceptions trop hardies de la philosophie ne devaient pas être la mesure rigoureuse des actes de la législation, qu'il pourra échapper au reproche, trop bien fondé, que ses systèmes philosophiques et ses principes métaphysiques sont peut-être la première cause des maux qu'il déplore? Et n'était-ce pas pour lui un devoir sacré de prévoir l'effet dangereux de ses écrits, et d'en préserver la nation, en donnant lui-même l'interprétation nécessaire à ses principes, pour épargner au genre humain les erreurs dans lesquelles il a pu l'entraîner, et qu'il reproche si amèrement à des législateurs qui, s'ils étaient coupables, ne le seraient aujourd'hui que pour avoir été ses disciples?
Serait-ce par l'effet d'une conversion miraculeuse, que l'auteur qui avait, dans ses écrits, attaqué la religion, en professant orgueilleusement I apostasie du sacerdoce, accusé aujourd'hui les législateurs de la France, ceux qui, par leurs nouvelles lois, ont rétabli cette même religion dans sa pureté primitive, eten ont proscrit à jamais les abus dont elle gémissait d'avoir livré à la désolation VEglise de France? Est-ce pour consommer cet acte d'hypocrisie qu'il reprend à cette occasion le titre de prêtre et de prêtre pacifique? Son esprit, aujourd'hui sur son déclin, aurait-il reçu un trait de lumière qui lui fait reconnaître la légitimité des autorités qu'il a, de tout temps, attaquées avec audnee, et dont il a favorisé la destruction ? Est-ce enfin par un Juste remords et par te sage repentir de l'homme rn'èt à.descendre au tombeau» qu'il reconnaît les dangers de la liberté indéfinie de la presse et de la cupi-
dité des écrivains, qui, par l'abus qu'ils en ont fait, ont incendié lé royaume, comme lui-même avait, avant eux, perverti l'esprit public?
J'aimerais à me le persuader; mais quels que soient les motifs de Thomas Raynal, ses aveux, ses remords, ses conseils aujourd'hui sont plus dangereux qu'utiles, et il sait trop bien calculer la marche irrésistible des événements politiques; il connaît trop l'esprit humain, il sait trop bién lpprécier les causes premières de nos maux, les circonstances qui nous environnent, leur impérieuse puissance, pour n'avoir pas senti lui-même l'inefficacité et le danger de ses-leçons.
Mais en analysant les leçons amères que Thomas Raynal nous donne sous le titre hypocrite d'adresse, et raisonnant avec lui sur les passages les plus saillants, j'oserai, je me ferai même un devoir de lui dire avec franchise :
Tuteur sévère des rois, vous vous vantez de leur avoir, depuis longtemps,parlé de leurs devoirs, et vous vous arrogez, de là, le droit de vous établir régent présomptueux des représentants de la nation ; mais vous n'avez pas oublié que vos anciennes déclamations ont dégradé, aux yeux des peuples, cette autorité des monarques que vous poursuiviez ; et vous vous servez des mêmes moyens pour déprécier, dans l'opinion publique, par vos critiques exagérées, les législateurs et leur ouvrage, et c'est ainsi sans doute, que voulant égarer le peuple, vous lui prêchez la désobéissance aux lois. Il n'est cependant point d'ordre public, point de tranquillité, point de bonheur à espérer sans cette obéissance civique à tout ce que les législateurs] légitimement constitués ont établi pour organiser la société politique. Il est sans doute des vérités qu'il ne faut pas taire quelque fâcheuses qu'elles puissent être. Les représentants du peuple Français, qui délibèrent avec tant de publicité, ont ouvert le sanctuaire des lois à toutes les vérités ; ils aiment à les entendre ; ils ont même sacrifié aux avantages de cétte publicité tous les intérêts, tous les ménagements politiques qui pouvaient exiger souvent du mystère; mais s'il est utile et toujours glorieux de les éclairer, il est toujours dangereux de les- incriminer en les accusant d'être les auteurs des maux qu'on ne pourrait attribuer qu'aux malheureuses circonstances qui ont toujours embarrassé leurs travaux.
Si, comme vous êtes forcé de l'avouer dans votre adresse, votre indignation généreuse contre le pouvoir arbitraire a pu donner des armes à la licence, première et unique cause que vous déplorez, craignez encore de réaliser pour longtemps cette anarchie effrayante dont vous menacez la France, en attribuant la cause de nos maux aux législateurs et à leur ouvrage, et en rompant,-aussi indiscrètement que vous osez le faire, tous les liens de la confiance du peuple envers ses représentants.
Ne voyez-vous pas que vous provoquez, par une aussi coupable déclamation, la plus dangereuse de toutes, les insurrections contre les lois, de la même manière que vous l'avez suscitée Contre lés rois? Et que restera-t-il donc pour régénérer une seconde fois un peuple immense, épuisé par les premiers efforts, égâré par vos sophismes, lorsqu'il n'aura plus aucune autorité à respecter, aucune loi à exécuter, aucun guide légal à suivre? Lorsqu'il n'aura plus ni législateurs, ni roi; lorsque tous les garants de la tranquillité publique auront été anéantis par vos impolitiques déclamations et lorsque les peuples n'auront plus d'autre guide que votre génie exa-
géré: d'autres magistrats qu'un faux instituteur dé l'humanité, et d'autre point de ralliement qu'auprès du sceptre fragile ae votre orgueilleuse philosophie?
Vous faites un tableau vraiment déchirant de l'état actuel de la France : mais fut-il aussi fidèle qu'il est trop fortement nuancé, où tous les désordres que vous analysez existent-ils principalement, si ce n'est dans les lieux où vous avez plus solennellement professé votre doctrine? Et pourquoi cette partie méridionale de la France qui vous a recueilli dans votre disgrâce, qui a eu l'avantage, en vous possédant avant et pendant la Révolution, de croire donner asile au plus sage et plus prévoyant philosophe de ce siècle, a-t-elle été la plus douloureusement agitée de troubles? Pourquoi votre patriotisme et votre amour pour des contrées qui vous chérissaient ont-ils été constamment paralysés et muets dans des circonstances si critiques et si importantes pour leur bonheur; dans les moments malheureux d'aveuglement involontaire où votre philosophie et votre perspicacité politique auraient pu répandre dans l'opinion publique des lumières douces et persuasives qui, en éclairant le peuple et pénétrant dans son esprit et dans son cœur, l'auraient rappelé à ses devoirs, en lui prêchant la concorde et l'union, lui auraient fait distinguer les bons citoyens d'avec les perturbateurs, et auraient préservé les vrais patriotes de leurs erreurs innocentes, et les gens de bien des coupables injustices des factieux et de leurs fureurs?
Quoi, vous, Raynal, auteur célèbre, philosophe octogénaire, vous qui, par l'unique effet de la confiance, avez dirigé les premiers pas des Marseillais, de ce peuple toujours prêt à s'enivrer de l'amour de la liberté, dans les premiers sentiers de cette étonnante Révolution ; vous qui connaissez le caractère moral de ce peuple qui se vante d'avoir civilisé les Gaules, que les siècles n'ont point changé, qui avait su conserver, dans tous les temps, son régime de liberté, en se faisant chérir et respecter par le despotisme même; vous que tant de citoyens de cette ville ont consulté pour la confection de leurs cahiers, vous dont le génie et les conseils les ont éclairés et conduits dans leurs premières délibérations sur la régénération de la France; indifférent, depuis cette époque, d'une aussi glorieuse influence en votre faveur, à leurs intérêts, à leurs maux, à tous les événements ^accidentels qui, sous vos yeux, depuis 26 mois, ont troublé la tranquillité d'une ville si importante pour la prospérité de l'Empire français; vous vous êtes condamné au plus morne silencé, à une nullité aussi caduque, que votre zèle, dans les premiers moments, avait été actif.
N'avez-vous pas eu assez d'occasions de dire des vérités utiles à vos concitoyens? C'était sur cet important théâtre de vos premiers succès, à titre de révolutionnaire, qui vous était si familier et qui ne devait pas vous être indifférent, que vous auriez dû essayer vos forces, avant de venir en faire, auprès de l'Assemblée nationale, un usage indiscret qu'on pourrait attribuer à l'orgueil, bien plus qu'au patriotisme.
Si la force des circonstances a enfanté des écrivains incendiaires, si des plumes vénales ont été indiscrètement employées par tous les partis, depuis si longtemps en opposition, et par des factieux qui les soudoient, peut être faudrait-il convenir que dans les moments où il importait essentiellement au salut de l'Empire que l esprit public se formât il était d'une sage politique de tolérer tacitement, ou du moins de ne point s'op-
poser à ces combats littéraires qui, en éclairant les bons citoyens, devaient, tôt ou tard, démarquer les intrigants, les factieux, les malveillants, et quiap liaient tous les vrais patriotes au poste que l'intérêt public marquait à leur surveillance.
Peut-être une inquisition sévère contre les libellâtes aurait-elle encore plus excité leur cupidité, stimulé la curiosité, et trompé l'ignorance sai s pouvoir empêcher la publicité des écrits politiques.
Tous les partis alors se seraient également irrités de cette infructueuse inquisition, arme émous-sée de l'ancien pouvoir arbitraire ; un seul parti aurait eu les avantages de la victoire, celui qui aurait été vaincu par cette timide police des despotes aurait sourdement ourdi ses trames et sa vengeance, et ses coups auraient été d'autant plus dangereux qu'ils auraient été plus cachés et plus ignorés. Il eut manqué aux citoyens ces moyens de réfléchir, de s'instruire, de comparer, de combattre même les écrits contradictoires, de juger leurs auteurs et leurs partisans. Et l'on serait arrivé, plus dangereusement et plus tard, à à cette époque où la réflexion, la sagesse et même la satiété ont non seulement provoqué le sentiment du mépris et de l'indifférence, pour cette multiplicité d'écrits éphémères ; mais les ont déjà proscrits dans l'opinion publique.
Mais quel que soit le mal qu'a pu faire la liberté indéfinie de la presse, liberté que des minisires, vrais machiavélistes avant la convocation des Etats généraux avaient mise en activité, ét dont ils avaient voulu se servir pour semer la division; liberté que les circonstances les plus impérieuses et une sage politique, peu à portée à la vériié des esprits vulgaires, n'ont pas permis encore de l'imiter; c'était à tvous, Raynal, qui deviez payer cette dette à la contiance publique, à qui vous deviez votre réputation, à user des bienfaits de la presse pour en réprimer les abus, pour combattre les erreurs et la malignité des folliculaires de tous les partis, de toutes les factions ; c'était à vous qu'il appartenait de prêcher dans cette Révolution, qui est presque votre ouvrage, la morale pure et bienfaisante de la raison, de l'humanité et du respect pour les lois; mais de la prêcher saintement, fortementet loyalement, en attendant que l'enthousiasme irréfléchi et le fanatisme de la liberté pussent se modérer, et que le patriotisme et l'amour du bien public pussent opérer sur les facultés intellectuelles de tous les citoyens ce que des lois réglementaires sur la liberté de la presse auraient essayé vainement et n'auraient pu obtenir que d'une manière illusoire. C'était surtout aux auteurs qui ont commencé à pervertir Vesprit public par des principes exagérés des systèmes abstraits, incohérents en politique, des déclarations audacieuses, de l'amender parla voix de la sagesse et de la raison, et par le sincère aveu de leurs erreurs, substitué à cette généreuse indignation contre tous ceux qui ne reçoivent pas la loi de leur philosophie.
Les législateurs de la France ont proclamé tous les droits ; ont poursuivi tous les abus. Ils ont fait des lois pour régler et modifier les uns, et pour proscrire à jamais les autres. Tel était dites vous, l'objet de vos plus chères espérances. Si malgré leur sollicitude te saint nom du patriotisme a été prostitué à la scélératesse, la licence a marché en triomphe sous les enseignes de la liberté, votre douleur, Raynal, est jusie et fondée.
Mais pouvez-vous indiscrètement, et sans injustice attribuer aux représentants de la nation,
l'inexécution des lois, et l'impui«sance momentanée de l i force active, pour réprimer la licence?
Pouvez-vous ignorer, vo >s penseur profond, politique accompli, que les longs et vio ents combats des abus contre les droits, que les regrets si actifs de la cupidité et de la vengeance, que les folles espérances et les sourdes intrigues des adorateurs aveugles de l'ancien régime, que l'intérêt personnel déjoué et irrité, qu'enfin l'insidieuse politique d'une cour aussi légère qu irréfléchie et des anciennes autorités depuis longtemps aussi nulles qu'inconséquentes, ont, par les fautes les plus grossières, par l'impéritie la plus téméraire, fait passer le sceptre des lois dans les mains de la multitude; ont entretenu dans tout l'Empire, et principalement dans la capitale, cette dangereuse méfiance entre deux partis, dont l'un, formidable pour la masse, a voulu, à quelque prix que ce fût, conserver ses droits qu'il avait conquis; et l'autre, puissant encore par les anciens préjugés et parles prestiges de son antique domination, s'est laissé enlever de vive force, ce qu'il devait abandonner avec loyauté; ont excité continuellement, par cette lutte terrible, ces commotions effrayantes, ces insurrections fréquentes qui, trop souvent, ont environné les travaux des législateurs, des orages les plus alarmants, et qui, malgré leurs soins et leur constante sollicitude, ont toujours trop bien servi les traîtres et les factieux de tous les partis, ont exalté et égar^ le peuple, onttrompé, inquiété et alarmé le plus vertueux des munarques, qui devait, surtout dans ce moment de crise politique, fixer l'admiration des philosophes; ont armé dés hommes méchants et souvent féroces, contre la tranquillité publique, et la sûreté individuelle; et ont enfin, dans plusieurs circonstances graves, paralysé les pouvoirs constitutionnels que l'Assemblée nationale s'efforce, journellement, de réintégrer et de soutenir, et qui, certainement reprendront toute leur vigueur et leur activité, lorsque la liberté, mieux appréciée, ses dogmes mieux connus, ses bienfaits mieux sentis auront dissipé les orages, anéanti les factions, et aboli la licence, en ramenant les vertus sociales.
Vous avez médité, dites-vous, toute votre vie, les idées de régénération, par la promulgationdes-quelles vous prépariez tous les Empires et toutes les instituions humaines à des changements les plus hardis. Et c'était pour vous un rêve consolant que de voir changer au gré de vos systèmes la face de tout l'univers. Vous avez sans doute eu la bienfaisante intention de servir l'humanité souffrante et avilie, dans les gouvernements qui comptaient pour trop peu les hommes arbitrairement asservis : mais vous avouez n'avoir jamais pesé les inconvénients terribles attachés aux abstractions, ni combiné les éléments des passions humaines : c'est avouer autrement que votre génie, fécond en spéculations,-a plané avec complaisance sur l'horizon d'un monde idéal, et qu'en conséquence, ses productions philosophiques ont dû être plus dangereuses qu'utiles aux sociétés déjà policées, et à des hommes livrés à de vieilles passions.
Ainsi, entraîné par la chaleur de votre imagination, vous avez abusé de vos talents, pour égarer la crédulité des hommes. Avez-vous pu penser que ce qu'un philosophe froid, studieux, que rien ne distrait, n'avait ni pu.combiner, ni su prévoir, pourrait être prévu et combiné par un peuple ardent, léger, irréfléchi, livré depuis tant de siècles à la nullité politique, et, ce qui est encore pis, à la corruption des mœurs, qui
cependant pourrait s'enthousiasmer de vos idées séduisantes?
Daignez donc avouer que vos écrits, tout sublimes qu'ils sont, n'offraient à la faiblesse et à l'ignorance humaine, qu'un venin dangereux ; semblables à ces remèdes dont l'essence première est uti poison subtil, dont les principes sont morbiflques, étj qui ne peuvent être salutaire-ment employés que lorsque l'art de la chimie les a décomposés, préparés, modifiés, et lorsqu'une main habile les administre et sait les appliquer à la maladie à. laquelle ils sont propres. Ignorez-vous que les poisons, longtemps avant d'avoir acquis les qualités précieuses de la préparation, n'ont été employés qu'en tremblant par la médecine, et qu'ils ont conduit au tombeau, avec des douleurs cruelles, tous les malheureux sur lesquels des médecins ignorants ont osé en faire les essais.
Vos idées étaient sublimes, sans doute, mais vous avez négligé de les adapter à l'usage et aux mœurs des hommes de ce siècle. Vous avez livré ces remèdes politiques à l'ignorance des peuples dont le gouvernement était vicié, sans prendre la peine de les instruire sur les moyens de les préparer, de les décomposer, de s'en servir sans danger; et votre art empirique a offert à des malades, dont vous n'avez pas étudié le tempérament susceptible d'inflammation, un poison dangereux dont ils ont usé sans mesure et sans ménagements; vous l'avez livré à leur inexpérience, sans vous mettre nullement en peine de ses effets : le peuple s'en est enivré par la plus fâcheuse conhance ; et c'est à vous qui l'avez séduit, qu'on peut faire le reproche que vous adressez aux législateurs qui n'ont point vicié leur ouvrage, mais qui ont administré des remèdes politiques à une nation attaquée dâns une longue maladie dont vos rêves séduisants, tout consolants qu'ils étaient pour le philosophe, devaient augmenter le danger pour des hommes simples et peU éclairés.
Le conseil que vous donnez aux représentants de la nation ae revenir sur leurs pas, pour toutes les institutions qu'ils ont créées, n'estai! pas encore un remède empirique plus dangereux qui, en paralysant pour quelque temps tods les pouvoirs, en mettant encore en jeu toutes les passions et tous les intérêts, en ranimant de nouveau les intrigues et les espérances, exposerait aujourd'hui Te corps politique à une crise alarmante, qu'il n'est pas en état de soutenir , et le conduirait à la dissolution par les angoisses les plus cruelles? Et c'est encore ici que j'ai le droit dé vous renouveler le reproche de jeter au hasard vos idée? conçues, sans doute avec hardiesse, mais exposées sans réflexion et sans vous inquiéter dés effets qu'elles doivent, ou du moins qu elles peuvent produire.
Plus sages que vous ne le croyez, les législateurs n'exposeront pas la nation à d'aussi dangereux essais, n'emploieront pas des remèdeB si irritants : ils laisseront le corps politique, dont ils ont assuré la èonvalescrfice après une longue et terrible maladie, se reposer de la fatigue qu'unè si douloureuse crise lui a fait souffrir ; ils donneront le témps à ses organes de se fortifier, & ses mouvements de se régler, à ses facultés physiques de reprendre cet équilibre qui doit fairé sàforbè; ils ont étudié son tempérament; ils reconnaissent que s'il doit être du plus grand danger de changer ses principes régénérateurs et le régime de sa nouvelle Constitution, il est certain aussi que le temps seul et l'expérience
peuvent en corriger les imperfections et donner à ceux qui les suivront dans leur glorieuse et pénible carrière les, moyens de préparer des remèdes simples, doux, bienfaisants, qui, sans crise, sans commotion, lui assureront une existence heureuse forte et immuable.
D'après de telles réflexions, il devient inutile de réfuter,dans tous les détails, les reproches que vous faites à l'ouvrage des représentants de la nation, reproches pleins d'exagérations, de fausses applications et dont il serait bien facile de démontrer l'injustice. Et, fussent-ils auesi fondés que vous osez le prétendre; fût-il aussi juste, que vous le croyez, d'attribuer aux imperfections de la nouvelle Constitution les maux dont vous l'accusez d'être la cause, et qui ne sont, au contraire, que les effets dç§ circonstances fâcheuses qui Contrarient, depuis % aôs, son établissement, j aurais encore à vous reprocher avec bien plus de fondement, qu'en analysant avec soin les caractères vicieux que .vous lui trouvez, aucun moyen de les amender; car je vous ai démontré que celui que vous conseillez, le seul qui vous paraisse salutaire, celui de rétrograder sur tout ce qui s'est fait, de reprendre l'édifice par ses bases, de revenir sur nos pas, est aussi dangereux qu'il est impraticable, aussi nuisible qu'in-consé iuent, aussi effrayant que destructeur, et qu'il ûous conduirait certainement à cette cruelle anarchie, par l'effroi de laquelle vous voUjez acquérir la funeste célébrité d'avoir entraîné, dans l'espace de 2 ans, le plus bel empire de l'univers, dans les dangers de deux révolutions.
Tel est le langage austère de la vertu que j'ose tenir à Thomas Rayqal, et que tout citoyen ami de -l'ordre et de la paix lui tiendra comme moi ; telles sont les réflexions qu'il aurait dû faire lui-même, avant de s'engager à la démarche indiscrète qu'il s'est permise, en présentant son adresse à l'Assemblée nationale.
Quinze mois plus tôt, sans doute, les conseils du célèbre Thomas Raynal eussent été salutaires; ils eussent alors servi de préservatif; ils ne peuvent être employés comme remède. Et qu'il ne vienne pas nous dire qu'il ne pouvait alors prévoir les suites de nos travaux ; les principes de notre régénération étaient fixés, les bases étaient posées. Toutes les lois faites depuis n'en sont que les conséquences; il pouvait les calculer; et c'eût été dans là confection de ces mêmes lois que ses conseils auraient été accueillis, ses lumières utiles, et qu'elles auraient servi à modifier l'exagération ou l'extension des principes de toiis ceux des rep; éventants de la nation qu'il considère comme ses disciples en philosophie et en législation.
Pourquoi donc Thomas Raynal n'a-t-il paru sur notre horizon politique qu'au moment où l'Assemblée nationale touchait au terme de ses travaux, lui qui, jusqu'à l'instant où elle s'est constituée, toujours armé du flambeau de la vérité et rayonnant dés lumières de la philosophie, avait pris le soin bienfaisant de reformer tous les gouvernements et d'instruire l'univers.
Pourquoi, avec une telle tâche à remplir, son génie, qui semble aujourd'hui vouloir jouer un rôle tutélaire, a-t-U donc dormi d'un sommeil léthargique, jusqu'au mootierit où il se croit obligé d'annoncer, avec une voix effrayante, la mort politique de ce grand Empire, si l'on ne croit pas à ses prétendues vérités.
S'il a pu. s'il a dû, H y a longtemps, saisir des : circonstances plus favorables au succès dé ses remontrances; s'il les a laissées volontairement
échappér, sans doute le rôle qu'il vient jouer aujourd'hui ne convenait pas plutôt à sa gloire mai entendue et à ses vues particulières.
Peu avant l'époque présente, Mirabeau, qui, bien avant d'être élu député, avait concerté avec.lui ses premiers projets; Mirabeau qui savait son secret politique, et qui, sans doute, connaissait ses manœuvres préparatoires de la Révolution, vivait encore au commencement d'avril; mais le législateur célèbre, qui a joué le premier rôle dans l'Assemblée nationale, avait; en politique profond, abandonné, depuis longtemps, les systèmes particuliers du ministre, du philosophe son ami et de leurs sectaires; il avait su éclairer sans eux l'opinion de l'Assemblée, dé la capitale et du royaume.
Thomas Raynal, malgré tout le courage qu'il affecte, n'eut pas osé, pour sa propre gloire, du vivant de Mirabeau, adresser aux représentants de la'nation des reproches aussi amers dont il aurait dû recueillir pour lui sa principale part. Mirabeau n'aurait pas souffert, sans impatience, des conseils qui exposent la France entière à une seconde révolution. L'éloquence du législateur eût arraché sans ménagement le masque du philosophe; divisés depuis longtemps de projets, Thomas Raynal n'eût pas Osé combattre Mirabeau vivant, et l'intérêt de sa réputatidp, l'amour de la célébrité, et peut-être le succès de quelques nouveaux projets qu'il n'a pas voulu laisser pénétrer, réclamaient de sa sage politique qu'il n'attaquât un tel rival, qu'après sa mort : car, quelle erreur Thomas Raynal peut-il reprocher a l'Assemblée nationale qui ne soit principalement une erreur de Mirabeau.
On pourrait prêter les mêmes calculs au ministre ami de Thomas Raynal; en effet, son livre volumineux contre l'Assemblée nationale, et dont l'adresse de Raynal est un petit extrait, n'a paru aussi qu'après la mort de Mirabeau.
Se seraient-ils flattés de gouverner de concert l'opinion publique qui les a si longtemps servis, et de parvenir, en effrayant le peuple français sur l'avenir, en l'irritant contre ses représentants, par déclamations combinées contre leur ouvfage, ae diriger irrésistiblement le vœu de la nation vers un changement favorable à leurs anciens projets, et que de nouveaux combats de passion et d'intérêts amèneraient une autre révolution, dont la marche rétrograde serait confiée à leurs soins ?
Mais le régime des révolutions est trop dangereux sans doute, il coûte trop à l'humanité; il dénature trop le caractère moral des peuples, il égaré trop leurs passions; il nuit trop enfin à leur tranquillité, pour que dans l'espoir d'un mie ix idéal, et qu'il, est presque physiquement, impossible de réaliser, le plus adroit, le plus profood politique puisse le faire accepter comme un remède nécessaire à nn grand Empire, que les suites d'une crise douloureuse exposent encore à des dangers que la prudence seule peut détourner. Et que propose-t-on donc aux législateurs, par cette marche rétrograde, qu'on leur prescrit comme une nécessité absolue, si ce n'est une seconde révolution?
Quel moyen prend-on pour la déterminer et la provoquer, si ce n'est celui de lâ déclaration contre les législateurs, et de la critique là plus sévère contre leur ouvrage et cctatre les lois?
Mais, a-t-on su calculer les terribles résultats du choë des opinions vivantes, des passions qui sônt en opposition, et les effets que doit nécessairement produire ce mouvement rétrograde,
qu'on veut donner aux travaux presque complets des législateurs?
Le génie hardi qui inspire ces déclamateurs. a-t-il pris la peine d'étudier l'esprit national el l'amour idolâtre du peuple Français pour cette liberté, qui lui est d'autant plus Chère qu'il sait qu'il l'a conquise, et son inquiète sollicitude pour le maintien absolu d'une Constitution dont il croira toujours que sa liberté dépend, qui flatte son orgueil, exalte son âme? Oii si tous les calculs politiques, si toutes ces combinaisons morales n'ont point frappé le ministre génevois, et le philosophe son ami, voudraient-ils se rendre tous deux garants et responsables des désordres qu'une nouvelle commotion doit faire naître indubitablement dans l'état actuel de licence qu'ils déplorent ; de ce qu'il doit résulter des ressources qu ils offrent si facilement aux factieux, qui quoique aujourd'hui déjoués, rentreraient bientôt en activité, et des occasions qui se présenteraient bientôt aux ennemis de la patrie, qui s'agitent dans tous les sens et sur tous les points au fanatisme implacable ; enfin aux passions irritées qui peuvent, de concert, incendier ce bel Empire et le livrer à fa plus cruelle anarchie, à la faveur de laquelle* après avoir consommé toute la masse des maux qui peuvent affliger une nation, le despotisme le plus accablant, du chef de parti le plu3 coupable, mais le plus heureux, viendrait certainement établir son empire sur les ruines de la liberté?
Si toutes ces considérations politiques n'ont point encore frappé ces esprits, plus présomptueux que sages, plus audacieux que prévoyants, plus métaphysiciens que législateurs, qu'ils rentrent un instant en eux-mêmes; qu'ils réfléchissent sur l'état actuel de la France entière, sur les opinions dominantes, sur les formidables, coalisations de ces sociétés politiques qu'ont enfantées l'inquiétude de la Révolution et l'enthousiasme de la liberté; qu'ils veulent bien enfla calculer les effets des conseils qu'ils nous donnent, et les moyens de les mettre à exécution dans ces moments oû ils nous présentent une alternative douloureuse; mais qui ne laisse aux législateurs et à leur sagesse qu'un choix en faveur duquel il est bien facile heureusement de se décider .
Ah 1 s'ils aiment sincèrement la patrie, qu'ils se méfient de ces conceptions si hardies qui méprisent les combinaisons politiques, de ces idées métaphysiques! qui égarent presque toujours la raison, de cette théorie audacieuse gui contraste toujours avec la pratique; qu'ils jugent de la France et de ses ressources par l'état où elle est et non par ce qu'elledoitêtre, d'après léurs idées abstraites et leurs soptiismes dangereux; qu'ils compatissent aux maux de la nature humaine, aux faiblesses, aux passions, aux erreurs des hommes, aux maladies d,ont les corps politiques peuvent être atteints; qu'ils instruisent les peuples par des leçons de" sagesse, par leur propre intérêt, par la mécëssité toujours impérieuse de leur bonheur;' qu'ils n'irritent point leurs opinions dominantes, lors surtout qu'elles sont les fruits précoces de leurs ouvrages philosophiques; qu'ils n'essayent pas d'élever le faible génie des hommes et leurs facultés, encore trop bornées, à la hauteur de ces trop sublimes conceptions; et faisant généreusemént un retour sur eux-mêmes, qu'ifs avouent enfin l'exagération de leurs principes; qu'ils descendent de cette région lumineuse d'où ils planent, depuis si longtemps, sur l'horizon d'un monde idéal, dàùs
ces contrées souvent ombragées par l'ignorance qu'habite la partie la plus nombreuse et la moins contemplative des humains; et sè met'ant ainsi à leur portée, abjurant ouvertement toute ambition, tout orgueil, toute passion, qu'ils apprennent au peuple à être heureux, non en provoquant en lui cet amour inconsidéré et toujours _ dangereux des changements et des commotions politiques, mais'en leur inspirant le respect pour les lois légitimement établies, la religion bien entendue, les bonnes moeurs^ le désir de la paix, l'amour de son semblablé, la probité, enfin cette unique et sage passion de l'homme de bien, du bon citoyen, qui modifie et règle tous les autres; le pur patriotisme, qui commande tous les sacrifices pour le maintien de l'ordre, de la confiance et de la tranquillité ; qui fait aimer toutes les autorités légitimes, et qui se soumet, avec une résignation religieuse aux volontés de l'Être suprême, qui prescrit à tous les mortels l'obéissance aux lois, comme leur premier devoir.
C'est sur ces sages principes que doit être composée une adresse, non à l'Assemblée nationale, ni telle que celle de Thomas Raynal, qui ne tend qu'à déprécier, dans l'opinion publique, son ouvrage, puisque le rétablissement de l'ordre si justement désiré, ne peut dépendre que de son heureuse influence sur l'esprit public; mais à toUS les Français qui peuvent encore respecter Ja célébrité de ces philosophes qui ont voulu les éclairer.
Puissent ils, ces auteurs célébrés, user avec sagesse de la confiance de leurs concitoyens; (et que Thomas Raynal leur dise enfin, avec le courage et le dévouement d'un homme de bien, qui se voit à la fin d'une brillante carrière :
Français, j'ai publié dès écrits philosophiques, mais abstraits; ils ont été Je fruit d'une longue théorie conçue dans l'étude et dans le silence, dont j'ai Cru faussement les principes trop faciles a être appréciés par des hommes trop novices encore dans l'art de les appliquer à leur bonheur. Voué par goût aux sciences métaphysiques, mon génie, facile à s'exalter en faveur de l'humanité, a cru ne devoir respecter aucun des antiques contrats qui formaient les liens des gouvernements, aucune des institutions qui attachaient les citoyens à leur vieille patrie, aucune des autorités qui réclamaient leur obéissance.
Les abus des pouvoirs qui, dans tous les Empires, pèsent injustement sur les peuples, m'ont irrité contre l'autorité, et m'ont enflammé pour la liberté, j'ai prêché dest dogmes abstraits, peu à portée encore de l'intelligence des nations, depuis trop longtemps asservies par l'ignorance, les préjugés et les passions. Entraîné par les conceptions hardies que m'inspirait l'amour de la liberté. Je n'ai pas conçu l'idée de préserver les peuples de la fausse interprétation de mes principes ét de leur propre exagération; j'ai cru que la théorie d'un philosophe pouvait s'appliquer à la pratique dés gouvernements, et les abstractions du génie aux lois politiques des sociétés.
J'ai lancé les traits de mon indignation contre l'autorité arbitraire ou absolue; mais sans réfléchir que la licence pouvait se saisir de ces armes dangereuses que je lui présentais ; que le peuple, encore peu versé dans la science de la. liberté sociale, pouvait se blesser lui-même dans le premier usage qu'il en ferait; que' l'intrigue, la politique, les factions, la trahison, l'hypocrisie pourraient s'en Bervir contre les citoyens trom-
pés et égarés par letfr propre exaltation ; enfin, j'ai conçu l'homme, non tel qu'il est, mais tel queje désirais qu'il fût pour son bonheur ; je l'ai pris dans l'état de nature pur et parfait, et non dans l'état malheureusement vicié de la société.
Adqptant mes principes, qui n'étaient rigoureusement applicables qu'à l'être pur sortant des mains du Créateur, je n'ai point sU les modifier et les mettre à la portée des hommes en faveur desquels je les promulguais.
Voilà mes erreurs, l'expérience m'instruit : je les avoue. Une révolution à jamais mémorable m'éclaire à la fin de mes jours ; elle m'apprend à mieux connaître les hommes dont j'ai jugé les facultés intellectuelles, d'après les seules conceptions de mon génie, sans avoir étudié leurs passions, parce que ma tendre sollicitude n'avait envisagé que leurs maux.
Mon amour pour l'humanité s'est accru à la vue des erreurs, des excès, des faiblesses même qui gouvernaient les peuples ; j'ai caressé leurs plus chères affections, en offrant à leurs vœux et à leurs espérances l'image de la liberté ; je leur ai indiqué les moyens de la conquérir, sans les préserver des abus de leur conquête ; et les maux que souffrent mes concitoyens et ceux dont ils peuvent être menacés, affligent ma vieillesse qui n'a point affaibli mes tendres affections pour eux, mais dont l'expérience a mûri mes réflexions; et d'après la pureté des sentiments qui m'inspirent, et le patriotisme qui m'anime, je recueille aujourd'hui toutes mes iorces pour ajouter à mes ouvrages incomplets, les leçons de sagesse, de modération, de justice et de politique bienfaisante qui manquent à mes écrits ; leçons que j'aurais dû présenter depuis longtemps aux hommes comme la mesure rigoureuse de leur application à mon pays, d'après son étendue, sa population, sa richesse, et à mes concitovens, d'après leur caractère moral, leur génie et leurs intérêts.
Les législateurs de la France ont suppléé, autant qu'ils l'ont pu, à l'iihperfection de mes systèmes exagérés sur la liberté : ils sont au moment de compléter leur sublime ouvrage. Les orages dont ils ont été sans cesse environnés, altèrent peut-être encore la légitime confiance qui est due à leurs institutions, et c'est l'unique cause des malheurs qui affligent encore ma patrie, suite funeste, mais inévitable du choc terrible des opinions, des intérêts, des passions.
Prophète courageux de la liberté, j'ai le bonheur, avant de descendre au tombeau, de ia voir naître sur i'horizon où Dieu permet que je respire encore; j'ai la satisfaction, moi qui n'ai cessé de combattre le pouvoir arbitraire, de voir régner en France un roi vertueux qui, le premier, a eu le courage de faire le sacrifice de ses an^ tiques prérogatives royales, aux lois nationales ; qui n'a eu cette ferme volonté que pour le bonheur des Français; qui, désirant être éclairé par la nation, a éloigné .pour jamais les coupables intrigues qui repoussaient loin de lui la vérité, en environnant son trône des ténèbres de l'erreur et de l'intérêt; qui n'a vu que des abus dàns tout ce qui n'était pas prescrit par la loi, que déprédation dans tout ce qu'on lui demandait, comme munificence, qu'exaction arbitraire et injuste dans tout ce que la cupidité fiscale lui arrachait comme la dette du peuple envers l'Etat ; que vexation arbitraire dans tout ce qu'on cherchait à obtenir de lui à titre de précaution réclamée par la sûreté publique; qui a appelé
courageusement la réforme de tous les abus, sans aucun regret pour ses antiques droits et pour ses jouissances personnelles ; qui, comme un rocher inébranlable, au milieu d'une merorageuse, a résisté, pendant toutes les crises de la Révolution aux inductions dangereuses qui pouvaient compromettre le^ort de l'Etat, et le détourner de l'accomplissement de ses vues bienfaisantes ; et qui enfin, par tant de sacrifices et par tous les efforts magnanimes de sa vertu, a mérité l'amour des Français, le respect des philosophes et les hommagës de l'univers et de la postérité.
Mais comme le dernier souffle de ma vie est à ma patrie et à mes concitoyens, je vièris remplir un devoir sacré, en les! invitant, pour leur bonheur, à l'oubli absolu des haines politiques, à la confiance envers les législateurs, au respect pour tous les pouvoirs constitutionnels, à l'exacte obéissance aux lois ; en leur recommandant les sentiments d'humanité, sans lesquels nulle société ne peut exister, mil bonheur ne peut être durable ; et la tolérance paisible et respectueuse des opinions sur lesquelles le régime de la liberté ne peut exercer des persécutions sans se rendre coupable des crimes du despotisme; en les Rappelant enfin à l'idée si consolante et régénératrice de toutes les vertus, qui offre sans cesse aux vœux de tous les mortels, la justice, la protection, la bienfaisance de l'être suprême qui veille sur ies destinées des Empires, et qui seul*peut assurer et perpétuer leur bonheur.
Puissent mes concitoyens, dociles à la voix d'un vieil ami de la liberté, oublier les premiers égarements de son génie, pour ne se rappeler que ses dernières leçons ; et prophétisant aujourd'hui la prospérité immuable de ma patrie, comme j'ai osé annoncer la conquête de sa liberté, si, dans les derniers jours de ma vie, je vois sa félicité se réaliser, j'oserai me glorifier d'y avoir contribué, et, satisfait d'en jouir un instant, mes yeux se fermeront sans remords et sans regrets, en contemplant l'aurore de cette liberté qui va régner dans l'univers ; et j'entrerai dans la nuit dé l'éternité, avec cette joie pure, la seule dont mon cœur puisse s'enivrer, qu'inspire le sentiment du vrai patriotisme, à la vue du bonheur à jamais durable de ses concitoyens.
Telles auraient dû être, Raynal, vos dernières paroles. C'est par ces vérités réelles, toujours utiles, jamais abstraites, que vous auriez préparé les douces jouissances nés bienfaits de la Constitution ; qu'usant avec sagesse de votre célébrité, vous aurif z pu inspirer des sentiments que la pure morale de la vertu et la politique des âmes ùonnêtes doivent sans cesse prêcher. Il Vous eut resté encore assez de temps à vivre, pour voir naître les beaux jours dé la régénération de votre patrie et en calculer l'immense durée ; et si Dieu, qui vous réservait peut-être une aussi douce jouissance, vous eut alors appelé dans le séjour de l'éternité, la reconnaissance de tous les Français vous y aurait accompagné ét aurait accordé à vos cendres les honneurs immortels qui sont dus à votre génie, et qu'auraient encore mieux mérités votre patriotisme et ses bienfaits.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Les membres composant les six tribunaux criminels établis à: Paris parla loi du 14 mars 1791» sont admis à la barré.
Ce sont : MM. Cahouet, Cousin, Thirria, Le Maître, Gosnard Salladin, Eude, Petit, Roussel, Huran, d'Obsen, Aubert, Grandidier.Dugué, Boucher, de Plane, Boulanger, Lorrin, Brière, Pioche, Allou, Sellier, Robert, Salle, Fouénet-Dubourg, Pelletier., Pulleu, Marquis, Bidault, d'Herbeiùt, Gusnier, JPiot, Moreau, Huilliard, Le Tavernier, Grangier, Legeudre, Chalumeau, Silly, Poullin, Hua.
L'un d'entre pux prend la parole et dit
« Messieurs, l'état effrayaut des prisons de Paris vous a déterminés à demander des iuges aux départements voisins. Convoqués par la loi du 14 mars, nous sommes venus pour donner à la justice une activité nécessaire, pour arrêter les désordres du crime par l'application prompte et rigoureuse des lois. Cependant les lois n'auront point repris leur vigueur, la justice n'aura pas recouvré son empire, si vous ne ^evez les obstacles qui nous entravent, qui nous arrêtent à chaque pas.
Daignez nous entendre avec attention; car ce sont des motifs graves qui nous animent, et c'est sur le salut public, que vous allez prononcer.
« Nous avons à juger douze ou quinze cents procès, dont l'instruction est plus ou moins avancée. Vos décrets n'ont point été rigoureusement suivis ; ici, les adjoints ont signé l'information et chaque déposition de l'information, mais ils n'en ont pas exactement coté et signé toutes les pages; là, il n'est pas dit que leurs signatures aient été données à l'instant même et sans désemparer ; tantôt on a omis de déclarer à l'adjoint les noms du plaignant et de l'accusé ; tantôt on ne l'a point averti de l'obligation dans laquelle il est de se récuser, au cas prévu par la loi. On a même constamment omis de nommer les adjoints qui ont signé l'ordonnance sur la plainte et les actes subséquents. Ces vices se reproduisent, ou dans la plainte, ou dans l'information, ou dans le décret. Enfin, il n'y a peut-être pas une procédure qui ne porte, pour ainsi dire, avec elle son germe de mort, sa nullité.
Dans cette position, que doivent faire des juges qui révèrentialoi, mais qui aiment le bien public, le but essentiel de toutes les lois ? Faut-il prononcer généralement toutes les nullités ? C'est, en d'autres termes et dans la. circonstance particulière où nous sommes, anéantir toutes les procédures qui existent depuis dix-huit mois, effacer les preuves de tous les crimes, entasser, refouler dans les prisons les malheureux dont elles regorgent et qu'elles peuvent à peine contenir ; c'est dire que, pendant six mois, il y aura des juges, mais point de justice, ou que la justice laborieusement occupée à recomposer ses formes, aurà négligé pour , longtemps le moyen de justifier, et perdu pour toujours le moyen de condamner et de punir, y
« Nous ne parlons pas des dépenses énormes qu'il faudrait faire pour recommencer inutilement tant de procès. Cette considération n'est rien devant les principes. Le véritable intérêt de la nation, G'est l'intérêt de la loi. Mais remarquez qu'ici la loi irait directement contre le but qu'elle se propose. Remarquez que nous ûe jugeons pas des prôcès qui" naissent dé jour ën jour, que1 nous n'avons pas des nullités accidentelles à prononcer. Nous avons à juger une masse ancienne de procès toute viciée, toute infectée de nullités dès l'origine. Nous ne pouvons pas détruire une procédure, sans en détruire mille. Le même principe nous conduirait forcément au même résultat.
« Les prisonniers sont dans une agitation qui tend à ^insubordination et à la révolte. Tourmentés par la captivité, par ia douleur, par les maladies, par tous les genres de calamités qui se réunissent sur eux, et qui les pressent, les uns sont abattus et se consument lentement ; les autres s'irritent-et se roidissent violemment contre leurs fers.
« Et ne croyez pas, Messieurs, qu'il y ait ici aucune exagération. Nous avons vu, jusque dans nos audiences, des preuves marquées de désespoir* Récemment, une femme que la justice n'a pas trouvée coupable, a été emmenée dans un de nos tribunaux. A l'instant même où son procès allait être rapporté, son conseil l'abandonna. On lui donne un autre conseil ; on lui dit que le lendemain elle sera jugée; il n'y avait qu'un jour à atteudre; mais un jour est apparemment un siècle dans les prisons. L'infortunée fond en larmes; elie pousse des cris déchirants ; elle se frappe la tête contre le barreau, en maudissant ses juges; et le public, témoin de cette scène, la voit emporter par deux fusiliers.
« Oui, les maux sont multipliés, ils sont constants, et jusqu'ici nous en avons inutilement cherché les remèdes. Nous nous sommes assemblés plusieurs fois, nous avons tenu des conférences, nous avons exposé au ministre de la justice nos difficultés; le- ministre n'a pas cru pouvoir les résoudre. 11 nous a dit que nous avions la loi sous les yeux, et que nous trouverions dans nos lumières et dans nos consciences les motifs de nos décisions. Certes, c'est toujours là que nous les avons cherchés, ces motifs : mais avec les mêmes intentions, nous sommes arrivés à des résultats différents. Les uns, attachés au texte de la loi, l'ont appliquée scrupuleusement dans tous les cas; les autres, croyant saisir l'esprit de la loi, sa volonté qui est le bien, ont craint de faire le mal en son nom ; ils n'ont point prononcé les nullités, lorsqu'elles se tournent contre les accusés eux-mêmes, et que leurs conseils se gardent de les faire valoir. Ils ont distingué dans les nullités celles qui attaquent le corps des preuves, l'information, par exemple, ou plutôt, les dépositions que contient l'information, et celles qui n'attaquent que les actes étrangers, isolés de 1 information.
« Cependant l'esprit des tribunaux n'étant pas le même, chacun suit le sien; l'un infirme ce que l'autre aurait confirmé; l'uu fait languir un accusé pendant 6 mois, pour la plus grande perfection de la procédure, tandis que l'autre le fait sortir 6 mois plus tôt, pour le plus grand bien de la justice. Il faut un accord entre nous ; et puisque nous voulons tous l'utilité publique, il faut que nous y arrivions tous.
« Vous pouvez, Messieurs, nous conduire à ce but également désiré. Vous pouvez nous autoriser à n'avoir égard aux nullités, qu'autant
qu'elles attaquent le corps des preuves, et nous dispenser de les pronôncèr, lorsquelles ne frappent que sur lès actes de procédure et de simple instruction.
« Nous attendrons, Messieurs, avec respect le décret que vous prononcerez dans votre sagesse. Des circonstances graves ont déterminé notre démarche; elles détermineront sans doute votre décision. Le temps presse, la justice souffre, les accusés languissent, les prisons regorgent : ces demeures souterraines qui recèlent dans leur sein les éléments de tous Iestcrimes, travaillées depuis longtemps d'une fermentation sourde, peuvent s'entr'ouvrir par une explosion subite et vomir sur Paris tous les désordres à la fois. »
Messieurs, l'Assemblée nationale partage les sentiments d'humanité qui vous animent et il est bien pénible pour elle que ces sentiments soient combattus par le respect qu'elle doit elle-même aux lois qui, par sonorgane, ont proclamé la volonté nationale sur les formes de la procédure criminelle.
L'Assemblée nationale, Messieurs, se fera rendre compte de votre pétition ; elle en balancera dans sa sagesse les inconvénients; et ce sera pour elle une véritable jouissance si elle peut, en l'adoptant, couvrir du voile de l'humanité les défauts de forme que vous lui dénoncez, et dont les suites effraient: justement votre sensibilité.
(L'Assembléedécrètequelapétitiondesmembres des tribunaux criminels de Paris sera renvoyée aux comités de législation criminelle et de Constitution, pour lui en être rendu compte à la séance de jeudi matin, 2Juin, à l'heure de midi.)
Unê dêputation des graveurs de Paris est admise à la barre.
Un d'entre eux prénd la parole et fait connaître la pénible existence des artistes sous le règne du despotisme, se promettant que tout sera reconquis sous le règne de la liberté; et passant rapidement sur la défaveur que l'art de la gravure éprouve en France, il présente un mémoire et un projet de loi pour démontrer l'utilité de la gravure, l'importance de la cultiver et les moyens d'encouragements qu'il convient de lui donner. Il termine ainsi :
Comme artistes, nous n'avons pas besoin de Jois :1e génie n'en connaît pas d'autres que celles qu'il .s'impose à lui-même. Mais, comme membres de l'Etat, nous devons être protégés; car il s'enrichit de notre industrie. Nous venons solliciter une loi qui assure notre propriété, en défendant les contrefaçons, seul moyen de la conserver.
répond ; L'Assemblée nationale, Messieurs, connaît les rapports intimes qui lient les arts à la liberté publique. Ceux-là ont bien méconnu ou calomnié les vues du Corps législatif, qui ont craint ou feint de craindre ae voir les arts oubliés ou tombés en décadence sous le gouvernement libre que la volonté souveraine de la nation vient d'élever sur les débris du despotisme.
Les arts, sous le régime d'où nous sortons, n'étaient cultivés que par lé désir qu'avaient les riches, de varier les jouissances du luxe et par le besoin de satisfaire leur caprice; soU; le régime -de la liberté, au contraire, ils auront > uraigui-lon, l'enthousiasme de la gloire, et pour protecteur, l'amour de la patrie. Dans peu, les artistes français feront revivre, sous nos yeux, tous les chefs-d'œuvre qui ont illustré Athènes et Gorinthe.
Au nom de l'Assemblée, qui examinera votre demande avec la. plus grande attention, je vous exprime toute sa satisfaction et je vous invite à assister à la séance.
Sans doute, la gravure mérite l'attention d'une Assemblée qui peut s'illustrer de tant de manières; mais ceux qui demandent des régies pour conserver leurs propriétés, devraient aussi établir des règles pour s'opposer à ces gravures licencieuses qui propagent les mauvaises mœurs. (Murmures.)
Je demande. donc que l'Assemblée prenne en même temps des mesures pour la conservation des bonnes mœurs, scandaleusement violées tous les jours. (Murmures,) Je suis trop vieux pour que ces écarts liceucieux dont je me plains puissent influer sur moi;, mais ils corrompent la jeunesse.
On ne peut pas plus faire de lois sur les gravures que sur la liberté de la presse. Je dis qu'il faut renvoyer purement et simplement au comité de Constitution. ; (L Assemblée décrète le renvoi du mémoire des graveurs de Paris au comité de Constitution.)
Le sieur F. E. Giraud, citoyen de Bordeaux, est admis à la barre et dit :
J'apporte au milieu de vous, Messieurs, un tableau scrutateur pour accélérer le scrutin des assemblées primaires et des assemblées d'électeurs. Huit jours au plus, huit jours I suffiront avec ce moyen pour compléter toutes les élections dans l'étendue du royaume, en liste simple et avec la dernière pureté.
Les avantages du tableau que je vous présente, Messieurs, sont aussi vrais qu'incalculables; ils concourent par leur étonnante simplicité à assurer chaque citoyen que son vœu ne peut être ni soustrait, ni changé; à tranquilliser la classe des laboureurs qui, ne sachant pas lire, ne pourront être trompés; à défier les scrutateurs d'être de mauvaise toi et à assujettir continuellement leur travail à la sanction publique.
L'Assemblée reçoit avec satisfaction l'hommage que vous lui faites de votre travail et elle vous accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne le renvoi du mémoire et du tableau de M. Giraud au comité de Constitution.)
A l'appui de la dénonciation du sieur Boterel, ci-devant procureur général-syndic de la ci-devant province de Bretagne, dénonciation que j'ai faite hier à l'Assemblée au nom de la députation de la ci-devant province, j'ai l'honneur de vous présenter et de remettre sur le bureau toutes les pièces relatives à cette affaire. Ces pièces m'ont été adressées par les directoires des départements du Morbihan et des Gôtes-du-tford.
ajoutent que le tribunal a déjà rendu un décret de prise de corps contre ce citoyen factieux et qu'il a pris toutes les mesures pour faire mettre ce décret à exécution.
(L'Assemblée ordonne que la dénonciation relative au sieur Boterel et les pièces y jointes seront envoyées au comité des recherches, pour lui en être rendu compte dans la séance de samedi soir.)
Messieurs, l'accusateur public
près le tribunal de Bélême a rendu plainte contre le sieur Poulet: l'information a été instruite et un décret çle prise de corps a été rendu. Le sieur Poulet en a appelé au tribunal du district de Mortagne, qui a commis la double erreur d'accueillir l'appel d'une procédure qui n'a pas reçu de jugement définitif et de statuer lui-même en dernier ressort. '
(L'Assemblée décrète que les pièces.de la procédure seront renvoyées au ministre de la justice, chargé.de faire exécuter les lois.)
, au nom du comité militaire, propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que son décret, qui interdit à ses membres militaires d'accepter aucun avancement hors de leur rang d'ancienneté, ne s'étend pas aux grades qu'ils peuvent acquérir par leur nomination à des places d'aides de camp, siir la présentation des officiers généraux, à qui le choix en appartient.»
Le décret qu'on vous propose est si peu le vœu unanime du comité, que, contre i usage constant du comité, la rédaction qu'on vous présente ne nous a point été com* muniquée, et qu'elle n'est signée d'aucun de nous.
Ce décret renferme des inconvénients multipliés : d'abord il tend à interpréter la loi antérieure portée sur les aides de camp, de manière à attribuer au général d'armée le droit de conférer exclusivement des grades, et à imposer au roi la nécessité de confirmer ces choix ; ce qui attaque la base de la constitution militaire, détruit l'égalité d'avancement et porte atteinte à la considération due au pouvoir exécutif.
En second lieu, ce décret consacre explicitement la violation formelle du décret qui interdit, pendant 4 ans, aux membres de l'Assemblée nationale, la faculté d'obtenir aucune grâce du pouvoir exécutif ou de ses agents. Or, avec le décret qu'on vous propose, un membre de l'Assemblée, qui ne serait que capitaine, pourrait être fait lieutenant-colonel hors de son rang.
Je demande donc la question préalable.
Les officiers généraux peuvent avoir des aides de camp lieutenants-colonels ; mais je ne pense pas que vous deviez leur donner l'autorité de créer des lieù-tenants-eolonels.
J'appuie la question préalable.
On ne doit pas étendre une loi prohibitive et rigoureuse; voilà mon principe. Et ie dis, Messieurs, que ceux, qui s'opposent à l'admission du décret proposent une extension.
En effet, il ne S'agit pas ici d'une placé qui dépende delà libéralité du pouvoir exécutif, puisque c'est le général qui nomme. A la vérité, le roi doit confirmer; mais c'est ici évidemment que serait l'extension, car votre décret n'a point dit que les membres du Corps législatif ne pourraient pas accepter de places à la nomination des généraux, sauf la confirmation du roi...
Un membre : Ge n'est pas là la question l
Il me semble donc que le dé cret prohibitif doit être restreint dans son sens littéral et le projet actuel adopté.
, Dans l'espèce particulière,
M. Lucbner ayant quatre aides de camp à nommer, dont deux du grade de capitaine, un dé celui de lieutenant-colonel et un île celui de colonel, il est évident qu'il pouvait choisir le député dont il s'agit pour son aide de camp, dans le grade que celui-ci occupe déjà dans l'armée;-et-al ors-il n'y aurait pas eu lieu à réclamation. Mais puisqu'il est question de faire passer, par le seul fait du choix de M. Lucliner, ce député du grade de capitaine à celui de lieutenant-colonel, ili est évident qu'il s'agit d'un avancement hors de raDg.
J'insiste donc sur.....
M. de Broglie rie met tant de chaleur à cette question, que parce que son. cousin est en rivalité pour cette place avec M. de Pusy.
Je dois remercier le préopinant de me fournie, Contre son intention, le moyen de présenter à l'Assemblée une explication simple,et satisfaisante sur ce fait. Mon cousin, qui est, lieutenant-colonel, est désigné par M. Luckner pour être son aide de camp. Si M. de Pusy, puisque le préopinant l'a nommé, gagne sa cause, en acquérant le grade de lieutenaut-colonel, il assurera à mon cousin un avancement proportionné, et M. Joseph de Broglie deviendra le premier aide de camp de M. Luckner, avec,le grade de colonel; mais mon amitié ne peut me forcer à méconnaître Ja loi. Je demande que l'Assemblée ne se laisse pas entraîner à une mesure déshonorante, pour favoriser un de ses membres : J'insiste sur la question préalable.
Je ne demande que l'exécution stricte et rigoureuse de la loij sans modification ni interprétation; et je requiers d'ailleurs la lecture de vos décrets des 7 et 8 avril dernier. (Applaudissements à gauche.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des dispositions des décrets des? et 8avril 1791 portant:
« Què les militaires, membres de l'Assemblée nationale, pourront être employés, pendant l'exercice de leurs fonctions de députés, dans le grade dont ils sont actuellement pourvus; qu'ils avanceront, pendant les 4 ans qui suivront, la cessation de leurs fondions, à ceux qui leur seraient dévolus par ànêieprieté; mais qu'ils ne pourront profiter, pendant ce téirips, du cjhoix du roi pour obtenir un grade supérieur à celui dont ils jouissent aujourd'hui. »
(L'Assemblée," consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à, délibérer sur le projet de décret du comité militaire.) ". .
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les baux à Convenant et do-maines Congéables ; mais M. Salle demande à être entendu pour faire une communication au nom des comités diplomatique et militaire.
Messieurs, je suis chargé par vos comités7 diplomatique, militaire, ecclésiastique, des recherches et des rapports réunis; de vous rendre compte des événements qui ont eu lieu à Colmar, les 21, 22 et 23 mai dernier. Si l'Assemblée veut bien m'accorder la parole, je suis prêt à lui faire ce rapport. {Oui! oui!)
(L'Assemblée décrète qu'elle entendra de suite lé rapport sur les événements de Colmar et elle décrète qu'elle tiendra demain soir, mercredi, une séance extraordinaire, pour continuer la discussion sur les domaines congéables.)
, au nom des comités diplomatique, militaire4 ecclésiastique, des rapports et des recherches réunis, fait un rapport sur les troubles de Colmar et s'exprime ainsi : '
Messieurs (1), vous parler des départements du Rhin, c'est vous rappeler un des principaux objets de votre sollicitude; C'est vous indiquer tout à la fois et les plus chères espérances des ennemis de la chose publique, et tous les soins que vous devez prendre Çour déjouer leurs coupables manœuvres.
G'est dans le trouble et l'anarchie que les factieux se reposent aujourd'hui du succès de leurs vœux; il leur importe d'agiter l'Empiré, mais c'est surtout sur nos frontières qu'ils réunissent tous leurs efforts : ils assiègent ae terreurs ridicules un peuple, simple; et comme la différence du langage et d'antiques préjugés livrent de préférence les habitants des départements, du Rhin à toutes leurs insinuations perfides, ils ne cessent de les tourmenter de leurs intrigues séditieuses : ils veulept dévaster cette importante frontière par les horreurs d'une guerre de religion^, et la tenir de cette manière ouverte aux invasions de la horde de brigands rassemblés de l'autre côté du Rhin VpoUr leurs intérêts communs. Pour le succès de cette œuvre exécrable, les plus corrompus des hommes sont devenus tout à coup religieux : après avoir caché sous le masque de l'hypocrisie la soif du sang qui les dévore, après avoir habilement semé toutes leurs fureurs^ parmi les citoyens au nom d'une religion sainte, ils se découvrent enfin, ils annoncent hautement leur projet; et si vous ne mettez un terme à leur insolence, si vous n'arrachez à leurs machinations perfides cette province qu'ils se plaisent à troubler, il est difficile de savoir où peut s'arrêter leur audace.
Messieurs, vous connaissez les dispositions des corps administratifs des
départements du Rhin. Déjà vous avez été obligés de retïrer, dans votre
sagesse, au directoire de Strasbourg tous ses pouvoirs. Vous savez avec
quelle faiblesse de son côté celui qui siège à Colmar a soutenu
l'exécution de la loi. Dès son installation, il s'est signalé par un
acte de pusillanimité condamnable, en abandonnant le chef-lieu du
département, au risque d'enhardir les ennemis de la chose publique. A la
vérité, sur les sollicitations de votre comité des rapports, il a repris
ses fonctions; mais ç'a été inutilement qu il s'est vu investi enfin de
son autorité et protégé de toute La force de la loi : son caractère
était décidé, et tous ses actes d'administràtion ne devaient plus être
qu'un tissu de faiblesses et de fausses mesures. Je n'ai pas besoin,,
Messieurs, de vous rappeler ce qui vous a déjà été dit de sa négligence
par un précédent rapport. Je ne vous ferai pas remarquer que cette
négligence a été partagée par toutes les autorités établies à Colmar;
que la municipalité, dans les divers événements qui ont eu lieu, n'a
montré que préventions en faveur des perturbateurs de l'ordre; que lors
de l'arrivée des commissaires du roi, elle n'a pas même requis la garde
nationale pour les protéger, et les mettre nors d'insulte. Je ne vous
rappellerai pas qu'à celte époque le tribunal, bien loin de poursuivre
les coupables, les protégeait en quelque sorte par son silence, et qu'il
a fallu toute l'activité des commissaires pour lui faire commencer
contre eux quelques informations. Tous ces
Le directoire du département du Haut-Rhin, en conséquence des décrets de l'Assemblée sanctionnés par le roi, avait, par un arrêté notifié le 21 ruai, assigné aux capucins de Colmar, qui avaient déclaré vouloir suivre la vie commune, les maisons de Belfort et de Neufbrisac, pour s'y retirer. Au moment où la nouvell^de cette mesure se répandit dans la ville, il se manifesta une fermentation considérable, et dans la nuit même un attroupement armé se forma au-devant du couvent des capucins. L'arrêté donnait 8 jours à ces religieux pour se déterminer : les mal intentionnés répandirent le b^uit qu'ils devaient être enlevés de force pendant la nuit; ils peignirent comme un attentat à la religion, comme un sacrilège que le peuple ne devait pas souffrir, une violence à la réalité de laquelle ils eurent l'adresse de faire croire une multitude fanatique et aveuglée.
Il parait que cette aventure n'aurait pas eu de suite, si le département, de concert avec toutes les autorités administratives, avait pris des mesures pour y porter remède : mais cette multitude fut abandonnéeà elle-même, ou pour mieux dire, aux suggestions perfides de ceux qui la dirigeaient ; aucune force armée ne fut requise pour maintenir l'ordre, et les séditieux, après avoir pris, par le fait, les capucins sous leur protection contre l'autorité de la loi, enhardis par l'impunité, se préparèrent le lendemain à de nouveaux attentats.
Il y avait quelques jours que les augustins de "Colmar, ayant opté pour la vie privée, plutôtque de se retirer à l'abbaye de Pairis, que le directoire leur avait désignée, les portes de leur église avaient été fermées. Le dimanche 22 mai, lendemain de la scène des capucins, la multitude se dirige vers cette église; les portes en sont enfoncées, et le cloître se trouve exposé au pillage et aux plus horribles excès. Le3 fanatiques remplissent l'église, s'y mettent en prière, en profanent la sainteté par leurs imprécations contre les lois; on y fait les propositions les plus violentes, on parle de se porter à l'évêché, de chasser de la ville les prêtres assermentés. Toutes les autorités se taisent pendant ce temps-là, on laisse les imaginations échauffées en proie à toutes les extravagancesquepeutenfanterledélire religieux; seulement la municipalité fait faire des patrouilles à la garde nationale et à la troupe de ligne, mais elle ne prend aucune mesure particulière. Deux citoyens, au milieu du silence coupable des magistrats, se hasardent de pénétrer jusque dans l'église, pour se faire, à leur défaut, les organes de la loi ; ils veulent prêcher la paix; ils courent risque de leur vie, ils sont blessés et foulés aux piecis par cette multitude égarée, ce n'est qu'avec peine qu'ils s'échappent; et cet attentat laisse dans leur indifférence les officiers municipaux. Cependant les forces ne leur manquaient pas; la garde nationale entière était restée fidèle, et se tenait ralliée sous ses drapeaux; le régiment des chasseurs d'Alsace, en garnison dans cette ville, montrait la même fermeté; c'était une
poignée de séditieux qu'il fallait dissiper, il suffisait de lui en témoigner l'intention pour la mettre en fuite; la garde nationale, la troupe réglée en demandait l'ordre avec instance, et cet ordre n'a pas été donné.
B:en loin de là, Messieurs, les patrouilles saisissent dans les rues une quarantaine de personnes armées; ces gens appartiennent tous à des citoyens notables, ce sont leurs domestiques, leurs enfans, leurs affidés ; le fil de Cette trame est dès lors dans les mains de l'autorité : eh bien, 2 officiers municipaux, dontla conduite n'est pas désavouée par leurs collègues, se hâtent de rompre ce fil : ils font, sans aucune forme préalable, ouvrir les prisons, et mettent en liberté tous les prévenus presque au moment de leur arrestation.
Ces dispositions ne vous paraîtront pas étonnantes, lorsque vous saurez que la preuve est à peu près acquise qu'un officier municipal s'est mis à la tête de ces troubles ; lorsque vous saurez que le frère du procureur de la commune est un de ceux qui ont été arrêtés par les patrouilles; lorsque vous saurez enfin que, sur la pétition de 150 citoyens actifs en convocation de la commune, ayant pour objet de faire délibérer les citoyens sur la question de savoir si on demanderait la rétractation de l'arrêté du département qui avait fait fermer l'église des Augustins, la municipalité a accordé cette convocation illégale, et que même elle s'est jointe aux pétitionnaires pour appuyer leurs voeux de son suffrage.
La scène de l'église des Augustins a duré toute la nuit, et toute la nuit la force armée a été sur pied, sans avoir été employée un seul instant contre cette sacrilège extravagance. Enfin les fanatiques se sont retirés vers le jour, mais par fatigue, sans contrainte, et rendus, comme vous pouvez bien croire, plus audacieux encore par cette seconde impunité.
Le lendemain, le directoire paraît prendre quelques mesures ; il écrit au procureur de la commune de faire des informations, il lui indique quelques témoins. Mais, au lieu de suivre cette première démarche, et après avoir lui-même qualifié de délits les attentats qui venaient de se passer, il reçoit dans une assemblée, à laquelle il avait appelé le district et la municipalité, le vœu d'une prétendue délibération de commune, sur la retractation de son arrêté concernant la fermeture des portes de l'église des Augustins. Cette rétractation est délibérée; et la volonté d'une poignée de factieux devient la loi du directoire, au grand scandale de la force armée tout entière qui ne demande que des ordres pour faire exécuter la loi.
Le directoire arrête que « provisoirement, et « jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait ma-« nifesté ses intentions, l'église des Augustins « restera ouverte ».
Je dois le dire cependant pour la consolation des amis de l'ordre qui m'entendent, toutes ces fausses mesures sont loin d'avoir été délibérées à l'unanimité; vos comités ont reconnu avec satisfaction, par quelques lettres particulières non suspectes, que plusieurs membres des trois administrations, et particulièrement le chef de la municipalité, avaient montré une grande énergie; que plusieurs membres du directoire enfin avaient refusé de souiller leur signature en l'apposant au pied de ce monument de faiblesse et de lâcheté; mais c'est en ceci, Messieurs, que la majorité du directoire nous a paru plus coupable. Comment aurions-nous pu les trouver excusables, ces magistrats insensibles à la voix de
leur devoir, ëf qui n'Ont trbuvé dans le courage de leurs collègues .Di aiguillon, ni motifs de pu-aèdi' capables de les empêcher dë profaner la loi?
Nops ne croyons point,, disent ces adminis-« trateurs à l'Assemblée nationale,, devoir vous « laisser,ignq^er que 4ans cet instant (c'est-à-« (lire, Messieurs», après la, rétractation de leur « arrêté), que dahs.Çet instant ia fermentation dë « iiotre ville ëst poussée £ son comblé : l'évêque i y est menacé, un membre du département y « a été grièvement outragé ; des officiers muni-« cipaux . sont accusés d'ayoir protégé et fo-« mentë l'insurrection^ et nous sommes actuel-« lement occupés à rechercher la preuve de cé « fait. D'un autre côté, ia gardé tiatipnale, qui « a témoigné dans cette occasion le zèle le plus » généreux, se croyant paiement compromise « par le résultat de cette affâiïe, menace de dbn-« nèr sa démission, et déjà le bruit,, ççûrt que « des compagnies de soi-disant catholiques vont î se former sur lés débris de cette milice patrio-« tique. »
Ainsi donc, Messieurs, désaveu du directoire, cet incendie qui, comme vdtis l'ayez vu, pouvait s'étéindre si aisément, devient fol-rnidable par l'impunité accordée aux coupables, par la faiblesse des administrateurs, et surtout par Je. découragement de ia force armée, qui se plaint de n'avoir pas- été secondée, qui s'indigne de voir cette municipalité se bâter de ia , flétrir, en quelque sorte* en rendant Jà, liberté, sans aucune formé et contre le vœu même du département, à ces brigands armés q uë les, patrouilles a vaien t arrêtés. Ajoutons, si nous devons en croire ces lettres particulières jlônj je jViens de vous parler, et qui sont loin de contredire celle ^.département, ajoutons que ce sont .des officiers mûnicj-t paux même qui parlent de former une nouvelle garde nationale catholique ; ajoutons que les malintentionnés répandent le bruit que des gardes nationaux Luthériens ont souillé dans ia nuit du 22 au 23 mars, par des ordures et des indécences, 1 église des Àugustins et le sanctuairë même; ajoutons que cette absurdité, ridicule, puisque régiifee n'a pas cessé .d'être pleipe jusqu'au jour, puisque nul garde^ national n'a quitté sbn poste, puisque la munipipalitê; n'a introduit dans' ce|iè église aucune force armée; ajoutons, dis-jë, que cëtte absurdité trouve cependant croyance parmi les séditieux disposés sans doute â ajouter foi à tout, pour se justifier d'autant plus a eux-mêmes tous leurs excès; ajoutonseqfin que là,calomnie se répand de toutes parts dans les cain-pagnes, qu'elle appelle à, venger ces prétendues profanations tous les catholiques dès deux départements. ,
Cette mesure, comme vous* le savez, Mes^iëurs, est familière à nos lâches et perfides ennemis. C'est ainsi qu'ils appelaient à la ^éstxiicfiQii de Mines, ou plutôt de nos nouvelles lois, tous lgs fanatiques du midi de..lâ>Pr.àpcè^c'est.encore ainsi qu'ils étaient parvenus à réunir çp fàmeux ç^mp dë Jalès, dont là première nouyëyé les Jjt tressaillir de joie ; car telle ëst l'atrocité clé lëûr âme occupée en apparence des choses dp. çiej, mais dévoréë en effet, des passions,les plus haineuses, qu'il leur faut 4ës rêves dë désordre $t de boucheries, au défaut du. sang des français, dans lequel ils brûlent de sebaignër. (Applaudis-serments.),
Ain®i donc, grâces aux soins des prêtres d'un Dieu de paix les citoyens des 2 départements du Rhin sont peut-êtrë prêts à s'entre égorger I Et ce-
pendant nos ënnemiS du dehors ïi'attendëiit que nos dissensions pour.tebtér quelque entreprise contre nous. Lé nombre des rebeileS ub la rive droite du Rhin.së grossi^, jbhaquè jour : il se fait, par cette frontièr^, dès émigrations bornpreuses qui vont rènfofcef léups quartiers. Déjà le nom français éSt insulté avec audace par Ces traîtres: et toutes les affairea.de celte partie de la France né nous ont que trop protivê que le fil dëà troubles qui l'agite est dans, leur8 mains.
I II est donctemps, Mëàèieurs, de prendre, aes mesures efficaces pour rappeler à la charité de l'Evangile wdeS prêtres sàçhlegës et: fàctiedx....^ (Assentiment dans tèi tribunes; murmures â droite.)
Qui Sont dans les bêtes féroces qui occùpènt ieS tribunes, qui Crient oui ét qui provoquent le désordre?
, rapporteur... pour donner aux départements du Rhin upë; administration réprimante et protectrice, et pour gâràntir cette |ron-tiérë des insultés de ces ridicules croisés, de ces ^athdliqiiés sans pudeur et,sans mœurs, dé tes faux braves auxquels.il fâiit sè montrer, enfin pour leur apprendre cë qu'ils soîit. (Applaudissements.)
Les mesures .générales propres à remplir Ce grand objet yous.,Seront incessamment présentées, Messieurs, âu nom aq. vos comités. En attendànt que leurs idées soient arrêtées, je suis chargé par eux ae vous présenter leurs VUes relatives aux administrations dii Haut et Bas-Rhin, an.nrdë ;vous mettre", en état de délibérer sans retard sur cette partie là plqs Urgente dû ,mal.
Je m'a,rréte d'abprcl à l'^minjstratiop du Haut-Rhin, ddfjt je vieitts.dëmèttre soqs vos yeux les. dernier^ procédés it et j'obsëfve, ^ cet égard, qq'ij faiit distinguer ce qui concerne le département et les administrations inférieures, d'avéé cë qui est relatif au tribunàl.
Il h'y à pas inoyën dé douter, Messieurs, que le directoire du département n'ait montré depuis qu'il existe, et surtout dahs çès derniers, moments, une fàiDiessë coupable. Y â-t-iî rien de p|ps fjj-ne^te à l'autorité (je la loi,, lorsque la force PU-pli^ue lui reste én. efitier, qtië ae j^trôgrëdèr lâ-chenient au gré des clameurs çl'une méprjfable faction? Colmar offrq, aujourd'hui le triste exemple de cette attéiqtë portée à la puissance nationale, Les bons citoyens y sont découragés, insultés; les prétentions des factieux croissent d'heure en heure; ils démandent aujourd'hui que Pévêqjue soit qbassé ; demain ils demanderont que ce soit lé département^ ils rétabliront l'ancien conseil : e^, la faiblesse des administrateurs augmentant en raison.de Ijàuaace,,dés séditieux, ceux-ci n'âpr.ont pas même besoin d'appeler à ëux leurs élmis^e I âiitrp rJivè.pou!r consommer au milieu d'eux ia co^trè^éyolùj^dn..
II ëst donc, inut^lé, ^ssjéjir^ dé m'éten^ré davantage pour voiis faire sentir, quë là chose publique ëst en péril dansées, mains de cesadrhi-nistrateurs. Qiiand leur conduite précédente ne le démontrerait pas, il suffirait, sans doute dê là rétractation dë leur airét^ç^^Qanilà.ferriieture dés portes dè l'église dés Aiigiistins, èt des circonstances qui ont accompagné cet acte de faiblesse.
. La mesure qu'il vous est nécessaire de prendre p'à pas paru douteuse à vos comités. L'administrateur qui, soit par impéritie, soit par mauvaise volonté, met la chose publique ën danger, né
doit pas restet en plàcë. 11 faut quë le fardeau qui reiribâjfratsfeèf jassë à Un citoyen plus digne. Vos coènitls Ont ^Uleirieril observé quë ceux du directoire qUi n'ont pas signé l'arrêté dë rétractation ne devàiéht pas êtré .cbnfôndus avec les signataires. lié oiit donc cfii qu'en brdribnçant la suspêûsion dë ceS dèrniët's, il fallait maintenir les aUtrès et leur donnër lé droit de s'jadjoindre autant dë mëidbrëS dli; ^ètiSçil qu'il y en aura dans le' directoire dë Suspendus par l'effét dé vbtré décret.
QUdHt aux àdmjnisttatioris infériètires, et surtout à là {rjurilpipàlité, les mesures à prëndrë tint paru à ydà ctfmitéè d'dnë importance encore plus gf-abdei cètr la pi'ëuVë des délits dé! quelques officiers riijUJiiCipaùXi dàns lès scènes des 21, 22 et 23 mai, eSl poui* ainsi dire acquise; il pourra y avoir lieu à des poursuites judiciaires : il a dès ldïs paru rëgiilièr à vos comités de donner a U nbu-Veaii dirëctoirë lè drdit d'examiner la conduite de çëS administrations inférieures, dé suspendre èt dè tëtbdiacer, par des membres pris dans ies çqnkéils aè Cë£ administrations^ tous cèUx qui pài1 léur iiégligënce ou leurs actions, soit përsôn-nelles, soit administratives, âiiraient compromis là chose publique, et de les dénoncer niême aux tribunaux; s'il y a liëu.
Etifin, MessieUrS, il vous importe atissi dë jii-eh-dre un parti à l'égard du, tribunal de Colmar: Suivant une lettre de l'accusateur public, il ré-ëùlie qdjàydnt ptésënté &a plainte sur lès délits dés 21 èt 2$ itiaii, le tribunal a refUsé d'agir; et quoique cette pièce,, telle qu'elle existe dans nos mains;- ûe soit ni écrite de là main de cet offi-cièr; hi Sigtiéë, elle bbus a cependant paru d'un grand poids, attendu qu'elle est certifiée pa'r un membre dè çèttë Assemblée, qui hous à dohné jraw.|oia.lMt qjrufïè à la main droite
avait forcé l'àècusâteur public à dicter cette lettré au lieu dè l'é'dttrë lui-même. (Murmures à dtôitê.) . , J'ajputerai quer les pièces ^u ^ireçtpire, ainsi .que trois^lettres qu^Jé,.qommiàsâire du ibi près du tribupal de.Colmâr â écriras à M. jS gai-de Jes sceaux sur cette affairé, et qui pôùs dut été communiquées, gardent $lleficè.sur.la cbfidiiitç de ce tribunal ; ce qùi annoncé àssëz qu'il res(è en effet dans 1'inaetipn,. u
Après vous avoir fait remârquer cette xircops-tance importante pour l'éclaircissement de laquelle vos comités vous proposerontune mesUre, je dois vous rappeler, Mëssieurs, l'indifférence profonde dans laquelle les commissaires du roi ont trouvé bë tribunal émjêveli SUr lès sèèûëstjui àvaifent eu fîètî avaht leur arrivée, telles que les enrôlements faits presqâë (jùbliqiieiïiërit sous ses veux pour l'armée de M. de Condé : telles encore quë lès difficultés quë lescommlssairès ont éprouvées pour faire informer sur le fait de la sédition arrivée à leur occasion. MàiS iîë sërâ vbus én apprendre assez sans ddute, qùe Ile vous dire qu'après âvbir iùfdf-mé ëttfih èiif le fâit dë cëttë sédition, malgré leS prêuvéè t(Ui rësUltènt des procédures qu'il a prises, quoique les oùtrages faits k là pôtéonné dès commissaires solént constatés, le tribunal de Colmar a cependant déclaré qu'il n'y avait lieu à aucune poursuite sérieuse.
Et comment en effet qe tribunal pourrait-il protéger la loji dans les circonstances où il se trouve? Ce sont les parents, les amis desjriges qu'il s'agit de poursuivre : cette épreuve est trop rûde pour des hommes dont le patriotisme n'est rien moins que prouvé.
L'usage dë l'Assetriblëë^ touteâ les fois que de grands événements ont agité toùte unè ville,
ayant toujours été d'attribUet' la Connaissance des faits à un tribuilal désintéressé," vos Comités ont cru qu'ils pouvaient vous firoposer cette mesure avec d'autant plus dè Confiât cë qU'il leur a paru qde Tinloftnation pouirâit, en effet, Prouvér un déni de justice tie ld part ou tribunal de Colmar.
Jë n'ai pas besoip d'àjdulër, Môlsiëurs, qu4)|-ést nécessaire dë çkssel' l'arrêté de rétractation du dirëctoirë du dépdi'tëmëntdu Haut-Rhin, concernant l'égllsètieS Augù^titlS: il( faut donnër un grand caraetèrë à l'autoHté de là loi; il faut quë lèé ëlàiheurs des faetipiife apprennent à së taire devant la puissance publique ; il faut qUe ces hbmmes; encore pleins "dès petites intrigues de l'ancien régime. et qui, sivec de petits moyens, trouvaient l'art d'inqùiëtër up ministre despote, sachent enfin de quel poldë est s tir le front du bitoyen le joiig de la volohté iiationâle. ,
Il mé reste, Mës^iëUrjs, â vo.ltë dire"in mot dë f'administration. dU Bàs-Rhin, de laquelle il a parti riéceSsq,irë à fop comité dé Votis ëntfëtenir égalèrent; {jour mettlë de l'ë.nsemblë Sdr toute cette frontière. Lë directtiirë cie ces département est sUsjjendU par vos décrets; celui qdë MM. les coinmissâirëS du roi y ont provisbireniynt substitué marche âvëb précision et mérite l'estimé des bons citoyens : mais sa situation est précaire, ët sbri ënërgië pëUé éb êeriti£ de cette cir-constanbe. D'dn autre côjé, MM., léè commissaires ydils ont rendu leur compte, et vous drit mis à portée de prononce!* définitivement. Enfin les élections dolivelles s'ajjproctib'n.t; et il faut que voiis mettiez clé département èii éwt d!è ibarcner du même pas que lès autrë^.
Je vous observerai d^abora qùd les torts reprochés ad départeïùent du Bas-Rhin; r'elatifS à la vëhte dés biens nâtionatjx et à i'ëlëctioii de I'éyê-t|Uë, soht déjà suffisamment toinàtàtés paV Uh jijé-Cédent rapport : lès Secrétariats dé vos comités dès fëchërchès et des rapports.so'nt teriiplis des plaintes du district èt de la municipalité de Strasbourg; Constamment ëntrafés par ce directoire, soit par de fâussës intëi'prëtâtîpp tîël lois, sbit par des disputes sur leur copïpétence,
Vtius vous solivenez, Messfeuirs, de là faveur qu'il accorda atix bëtitionùai^es ^oi:tlisant câtho-îiquës ; voùs sâtëz avècùuèlîë aâdabè il Contesta aux. commissaires dti roi leur pouvoifv;. comment . il osa leur présenter ces 'mëiriëf pétitionnaires, , dont i'.ôbjet était de faire U Strasbôùrg cë que leurs partisans avaient fait dads le midi de la FroinCë; vbtls ayez vu enfin, par le rapport de. MM. les commissaires, comment ce directoire ëssayà. dë leur ôtër lâ confié ri cë publique par dès arrêtéi contraires à leùhs prHblatnàtions, ët aVec qùéllë impûdëtfëe iî beiisùràit lëdrS intentions et lëttr èdnauiîé: Je n'ajotitéhai à cela qu'un peul fait,, c'ëst qdë parmi les papiers qùè MM, les Commissaires ont troutés chez M. ûufrenay, envoyé par Uh de vos déchets au tribùnai q'Orléans, ils ont saisi Une liste sur laqûèlle presque tous les ïioms dès membres de ce dirëctoirë se trouvent inscritspàrfni d'autres homs jùstëment suspects, et qui uoivent jouèr ini rôle dans la procédure du caMinâl de Rbh^u:
D'ailleurs, si cés membres, qui rie sont suspendus que pour lebrs fonctions dans le directoire, restaient dans le département comme membres du cbnséil, il s'ensuivrait qu'ils Se troiiveraient juges des opérations- dU diïebtoire actuel, lors de la reddition de ses comptes : cet inconvénient est Si grave; qu'il a paru impossible de ti'y pas remé-dièr.
Vos coihités bnt observé, d'un autre côté, sui-
vant le compte qui leur a été rendu par MM. les commissaires, que le conseil du département, au moment de sa réunion, loin de s'être .élevé contre les mauvaises opérations du directoire, les avait toutes ratifiées à une grande majorité. Le conseil a, dès lors, partagé toutes les fautes du directoire; il est donc essentiel d'écarter ce corps administratif dans sa totalité. A la vérité il y a dans ce conseil de bons citoyens, mais, en prononçant la dissolution du corps entier, suivant le droit que la Constitution en donne à l'Assemblée nationale, ceux que les électeurs trouveront dignes de leur confiance pourront être réélus. Cette mesure qui laisse aux bons citoyens toutes leurs espérances, et qui n'est réprimante que pour les mauvais, a paru propre a vos comités à remplir tout ce que votre sagesse exige que vous fassiez pour la tranquillité de ce département : ,et votre droit, à cet égard, ne peut pas vous être contesté ; car il résulte d'un décret formel rendu sur les corps administratifs le 15 mars dernier.
Ainsi donc, eu déclarant la dissolution du département du Bas-Rhin, il ne vous restera plus qu'une chose à faire; ce sera dè décréter que jusqu'à la prochaine élection, le directoire provisoire établi dans le département du Bas-Rhin continuera ses fonctions.
Vos comités, Messieurs, termineront leur opinion, en rem plissai it, par mon organe,, un devoir bien cher à leur cœur. Ils vous feront remarquer la bonne intelligence qui règne entre la troupe de ligné et la garde nationale de Golmar; Je zèle et le dévouement que ces dignes soldats de la patrie ont témoignés dans les circonstances présentes; la fermeté avec laquelle ils ont résisté aux sollicitations secrètes, à la contagion de l'exemple, à toutes les impressions funestes que pouvait leur donner l'inaction coupable de toutes les autorités civiles : et ils vous demanderont, Messieurs, de témoigner à ces braves soldats, à ces dignes citoyens, toute votre satisfaction.
C'est dans ces principes, et d'après ces vues, que vos comités auront l'honneur ae vous proposer le décret suivant :
« L'A9semblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis diplomatique, militaire, ecclésiastique, des recherches et des rapports, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale annule
l'arrêté du directoire du département du Haut-Rhin, en date du 13 mai,
portant rétractation d'un arrêté du 11 du même mois, en conséquence
du-quel les portes de,l'église des Augustins delà ville de Colmar
avaient été fermées : décrète que cet arrêté du 12 mai, ainsi que celui
notifié le21 concernant la translation des capucins, seront exécutés
dans leur entier, et que le roi sera prié de donner à cet égard tous
ordres nécessaires.
« Art. 2. Les membres du directoire du département qui ont signé ledit arrêté, sont suspendus de leurs fonctions; et, pour les remplacer provisoirement, les membres restants sont autorisés à s'adjoindre, à leur choix, autant d'administrateurs pris dans le conseil du département.
« Art. 3. Aussitôt que le directoire ainsi formé sera réuni, il s'occupera dè l'examen de ia conduite du district et de la municipalité de Colmàr : il suspendra ceux des membres desdites administrations dont la conduite aurait compromis la sûreté publique, et il les dénoncera à l'accusateur public s'il y a lieu, sauf à les remplacer par d'autres membres pris à son choix ; savoir : pour le directoire du district, dans le conséil de cette administration, et pour la municipalité, parmi
tous les membres sans exception qui composaient la municipalité et le conseil général de la commune à l'époque du 1er décembre 1790; et sous la charge encore de rendre compte au roi de ses opérations, aux termes du décrét du 15 mars dernier, concernant les corps administratifs.
« Art. 4. L'Assemblée nationale renvoie au tribunal de district d'Altkirch la poursuite des faits relatifs aux émeutes et séditions qiii ont eu lieu à Golmar, tant le 14 février dernier à l'occasion de l'arrivée des commissaires du roi dans cette ville, que les 21, 22 et 23 mai suivant ; décrète que toutes les pièces de ces procédures commencées au" tribunal de Colmar seront remises à celui d'Altkirch pour être suivies conformément aux derniers errements et jusqu'à jugement définitif, sauf l'appel ainsi qu'il appartiendra.
« Art. 5. Le roi sera prié d'enjoindre à son commissaire, près le tribunal de Golmar, de lui rendre compte de la conduite de ce tribunal à l'occasion des événements qui ont eu lieu dans cette ville, pour, sur la connaissance-qui en sera donnée à l'Assemblée nationale, être statué ce qu'il appartiendra.;
« Art. 6. La suspension du directoire du département du Bas-Rhin, prononcée par le décret du 12 février 1791, sanctionné le 18 du même mois, continuera à avoir son effet jusqu'à la prochaine élection des corps administratifs; et jusqu'à la même époque les administraieurs, commis à la place de ce directoire, continueront à en remplir les fonctions.
« L'administration du département du Bas-Rhin sera renouvelée en totalité à la prochaiue élection.
« Art. 7. L'Assemblée nationale charge son président de témoigner sa satisfaction à lagarde nationale de Colmar et au premier régiment de chasseurs à cheval en garnison dans cette ville. »
Il me semble que l'article 5 est mal rédigé; il faut dire d'une façoti précise que c'est le ministre de la justice qui rendra compte à l'Assemblée. (Cet amendement est adopté.)
On entend un coup de sifflet sur la terrasse des Feuillants.
Plusieurs membres se lèvent et prient le Président d'envoyer savoir ce que c'est.
Huissiers, je vous charge de vous informer quel est l'audàcieux qui ose insulter ainsi l'Assemblée.
C'est la seconde représentation de l'abbé Raynal.
(Le calme se rétablit.)
Le projet de décret des comités est mis aux voix, avec l'amendement de M. Tuaut de La Bouverie, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis, diplomatique, militaire, ecclésiastique, des recherches et des rapports, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale annule l'arrêté du directoire du département du Haut-Rhin, en date du 23 mai, portant rétractation d'un arrêté du 12 même mois, en conséquence duquel les portes de l'église des Augustins de la ville de Golmar avaient été fermées ; décrète que cet arrêté du
12 mai, ainsi que celui notifié le 21, concernant la translation des capucins, seront exécutés dans leur entier, et que le roi sera prié de donner, à cet égard, tous ordres nécessaires.
Art. 2.
« Les membres du directoire du département qui ont signé ledit arrêté, sont suspendus de leurs fonctions; et pour les remplacer provisoirement, les membres restants sont autorisés à s'adjoindre, à leur choix, autant d'administrateurs pris dans le conseil du département.
Art. 3.
« Aussitôt que le directoire, ainsi formé, sera réuni, il s'occupera de l'examen de la conduite du district et de la municipalité de Colmar : il suspendra ceux des membres desdites administrations dont la conduite aurait compromis la sûreté publique, et il les dénoncera à l'accusateur public, s'il y a lieu, sauf à les remplacer par d'autres membres pris à son choix; savoir : pour le directoire du district, dans le conseil de cette administration, et pour la municipalité, parmi tous les membres, sans exception, qui composaient la municipalité et le conseil général de la commune, à l'époque du 1er décembre 1790, et sous la charge encore de rendre compte au roi de ses opérations, aux termes du décret du 15 mars dernier, concernant les corps administratifs.
Art. 4.
« L'Assemblée nationale renvoie au tribunal de district d'Altkirch la poursuite des faits relatifs aux émeutes et séditions qui ont eu lieu à G d-mar tant le 4 février dernier, à l'occasion de l'arrivée des commissaires du roi dans cette ville, que les 21, 22 et 23 mai; décrète nue toutes les pièces de ces procédures, commencées au tribunal de Colmar, seront remises à celui d'Altkirch pour être suivies conformément aux derniers errements, et jusqu'au jugement définitif, sauf l'appel, ainsi qu'il appartiendra.
Art. 5.
« Le roi sera prié d'enjoindre à son commissaire près le tribunal de Colmar, de lui rendre compte de la conduite de ce tribunal, à l'occasion des événements qui ont eu lieu dans cette ville, pour, sur la connaissance qui en sera donnée à l'Assemblée, par le ministre de la justice, être statué ce qu'il appartiendra.
Art. 6.
« La suspension du directoire du département du Bas-Rhin, prononcée par le décret du 12 février 1791, sanctionné le 18 du même mois, continuera à avoir son effet jusqu'à la prochaine élection des corps administratifs; et jusqu'à la même époque, les administrateurs commis à la place de ce directoire continueront à en remplir les fonctions.
« L'administration du département du Bas-Rhin sera renouvelée en totalité à la prochaine élection.
Art. 7.
« L'Assemblée nationale charge son président de témoigner sa satisfaction à la garde nationale de Colmar et au premier régiment de chasseurs à cheval en garnison dans cette ville. »
(Ce décret est adopté.)
L'Assemblée ordonne ensuite l'impression du
rapport de M. Salle et charge son président de porter demain le décret à la sanction.
lève la séance à dix heures.
séance du er
juin 1791
La séance est ouverte à neuf heures du matin,
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, 31 mai, au matin, qui est adopté.
, au nom du comité d'imposition. Messieurs, le 18 du mois dernier, à propos de l'organisation de la régie des domaines et des droits d enregistrement, l'Assemblée a décrété que les places des régisseurs seraient données aux directeurs de l'ancienne régie, à l'exclusion des administrateurs, qui avaient dit dans un mémoire à l'Assemblée nationale qu'ils ne voulaient pas être employés concurremment avec des hommes qui avaient été leurs inférieurs.
Depuis l'exclusion prononcée, MM. les administrateurs ont calculé que la morgue n'était bonne à rien; ils ont sollicité chez le ministre; ils ont sollicité au comité des domaines, dont ils ont fait mouvoir plusieurs membres auprès du ministre; enfin, ils ont obtenu la promesse d'être nommés,
Il restait à lever l'obstacle que leur présentait le décret du 18 mai; le comité a fait pour cela décréter à la séance d'hier que le décret du 18 mai n'était pas applicable à la première nomination des régisseurs, mais seulement aux nominations postérieures au premier établissement.
Cette addition change absolument, dénature votre premier décret; elle ne peut qu'avoir été surprise à l'Assemblée. Il est évident que si l'on permet qu'il soit fait, au commencement des séances, des additions de nature à changer vos décrets, on n'aura jamais une marche sûre.
Je demande donc que votre décret d'hier soit rapporté.
(de Saint-Jean-dAngély) appuie la motion de M. Defermon.
Si vous admettiez l'interpellation injuste qu'on a voulu insinuer au ministre, il en résulterait cette absurdité que les commissaires nommés par Je roi seraient eux-mêmes exclus pour l'établissement de la régie des domaines et des droits d'enregistrement, et que les anciens administrateurs qui ont rendu des services à l'Etat... (Murmures et marques dimproba-tion dans les tribunes.)
Je demande à l'Assemblée qu'une fois pour toutes on impose silence aux
tribunes.Où est doncla liberté due aux opinions? Où est donc le respect
dû à la volonté nationale? Nous ordounons tous les jours qu'on
respectera les tribunaux, qu'on respectera les corps administratifs,
qu'on ne se permettra dans la salle d'au-
Je demande, Monsieur le Président, qu'il soit rendu un décret pour qu'à la première marque d'approbation ou dîimprobation les tribunes soient exclues de l'Assemblée. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Un membre : La motion de M. d'André est trop véhémente. Il convient sans doute d'empêcher ces témoignages d'improbàtibn qui, je lè conçois, sont très gênants ; il convient de ramener au silence la personne ou les personnes qui se permettent des écarts contraires au respect dû à l'Assemblée nationale; mais il ne faut pas popter le dépit et l'intolérance au point d'expulser les tribunes : car, par un décret, vous avez ordonné que les discussions seraient publiques et qu'en excluant les tribunes, vous vous rendriez suspects.
Je demande que mon opinion soit connue de toute la France.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
On fait Ja motion quela discussion soit fermée.
L'Assemblée ne peut pas fermer la discussion quand il s'agit de notre liberté.
Un membre : Le premier deyoir de FAssemblée est de se faire respecter.
Il y a un décret rendu ; je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Rien n'est si facile que de sien-tendre, lorsqu'on parle ep silence. J'ai dit et je pense que les tribunes doivent être contenues par l'autorité et la dignité de l'Assemblée nationale; je dis que ceux qui manqueraient dans les tribunes doivent en être punis'ét exclus.
S'il est permis aux assistants à nos séances, non seulement d'applaudir, mais encore d'im-prouver, je conviens, quoique pour ma part je n'aie guère d'applaudissements des tribunes, je oon viens que cè ne sont pas les applaudissements, qui gênent la liberté des opinions : car dans ce moment où je suis bien sûr de n'en pas recevoir, je ne crains cependant pas de m'énoncer. Mais pe qui gêne l'Assemblée, ce sont ces huées indécentes qu'on se permet depuis quelques jours. Quel est celui d'entre nous qui ne se le rappelle pas? Et lorsque j'ai fait la proposition tout à l'heure, c'est lorsque les huées sont venues de cette tpibunerlà. (Il montre une tribune à droite.)
Ouivce sont les huées qui contraignent la liberte; et certainement je prouve bien dans ce moment-ci que les huées nè m'empêchent pas de parler ; je prouve bienque je m'embarrasse fort peu de ce qu'on dit; mais le public qui saurait que l'on se permet de huer ou d'applaudir pourrait croire que les délibérations ne sont pas libres.
Il faut donc pour l'Assemblée, pour la tranquillité publique, pour la confiance générale, que l'Assemblée soit tranquille. J'ai donc eu raison de m'élever contre les huées que j'avais
entendues; d'après cela, j'ai donc bien fait dédire qu'à là première marque d'jmprofratipn, il fallait qup les personnes qui l'auraient donnée fussent exclues.
Ainsi, je demande que l'on passe à l'ordre du jour, la motion subsistance telle que je l'ai faite, et que M. je Président ait là bonté de transmettre cèt'qrdre à l'officier de garde»
Je prie M. d'André de rédb ger sa niôtioh dans les termes où il l'a exprimée.
Il faudra en faire lecture à l'Assemblée.
Je fais la motioq expresse de défendre aux personnes qui sont ou qui seront admises dans les tribunes de donner aucune marque d'approbation ou d'improbation, et d'ordonner que celles qui s'écarteraient de cette règle par des clameurs ou des murmures indécents soient sur-le-champ contraintes d'en sortir.
(Cette niotion, mise aux voix> est décrétée.) '
Monsieur l'officier de garde, vous venez d'entendre le décret que l'Assemblée vient de rendre. Vous voudrez bien l'insérer dans la consigne et tenir la main à ce qu'il soit désormais exactement observé.
, au nom du comité d'imposition. Je reviens à la proposition de M. de Vis-mes : il faut que l'Assemblée sache que ces administrateurs >qu'Qn dit si intéressants pour la choèè publique l'ont abandonnée quand ils opt c^u qu'ils étàjpqt nécèssairés.' !Et cp sont ces hpmmesrla pop lesquels on vient dire qu'il est écréme mênt utile à la phqse publique qu'ilé soient mis en place!
Moi, je dis qq'il ^st extrêmement intéressant pour la chose publique qqg lorsque vous payez les directeurs médiocrement, vo^s leur donniez l'qssurànces de J êx'ecutiqn dq dépret, éi que, lorâqdè votre décret est expressif, vous hé le rétractiez pas, sous prétexte de doute qui n'existe pas.
Je demande l'exécution de l'article 31 de votre décret du 18 mai et la radiation de celui d'hier dè vo|re procès-verbal.
(ci-devant Delley d'Agiér). Jé dèmandè ! ja priorité pour la première môtion de M. Defermon.
SI on demande la priorité pour la motion de M. Tleférmon, qui consisterait dans le rapport pur et simple du décret d'hier, je dèmande alors qu'on passe à l'ordre du jour.
Je demande le renvoi de là question aux comités d'imposition et des domaines, réunis.
(Ce renvoi est décrété.)
, au nom du comité $ agriculture et de Commerce. Messieurs, vous avez
ordonné que le rapport que j'ai eu l'tionneur de vous faire le 21 mai
dernier, relativement au canal de Gi-yovs (1) serait imprimé pt
distribuer ayant que le projet de décret ne fût mis en délibération.
Cette impression est aujourd'hui terminée ; y est
Je vous demande de vouloir feien fixer la discussion de'pet objet a rqrdt'P du jour du la éôaqce de samedi $ôir.
(Çjette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est un rapport du c^mity dp juffiçaiure sur ta Uquïaatïpn 4es offices dé ta chambre des comptés de Paris.
{de Coûtantes), au nom dy comité de judicature. Messieurs, le primpe qui doit servir de base à la liquidation qës offices de la chambre des comptes de Paris a été par vous déterminé : l'article 3 du décret des 2 et 6 septem-r bre dernier porte « que les offices non soumis 4 l'évaluation prescrite par l'édit dé 1871, et qui ont étp simplement fixés, seront liquidés sur le pied du dernier contrat Authentique d'acqUisitipn »Les offices dont il s'agit il étaient pas sujets à l'évaluation, ils ont éprouvé une fix^tipn; ils doivent être remboursés d'après le prix porté au dernier contrat authentique de phoque titulaire.
Il ne pput y avoir aucqop éqqivoque sur ce principe"; friâis il sp présente une" importante dit? ficulté flans l'application. tfpe clause, insérée dans la presse totalité dès Jraités dVficps de la chambre des comptes de Paris, donne lieu à une incertitude sur pe qui forme le véritable prix des contrats. Daps tpus les aptes où ceitte clause se rencontre, on forme la question de savoir si une partie du prix total -n'est pas applicable au titre hu de l'office, et si l'autre partie n'a pas réelle^ ment pour objet une cession de droits détachés et distincts du corps de l'office.
11 semble d'abord que rien n est plus facile que de constater ce fait, et cependant p est la manière dp l'éfilaircir qui excite un genpe d'embarras. Pour mettre l Assemblée nationale en état de prendre un parti eu grande connaissance de cause, il convient dè lui jîopner quelques éc|air-cissenipnts.
Quatre classes composaient cette compagnie, saps compter le parquet : savoir, 13 présidents, 78 maîtres, 3§ correcteurs et 82 apditeurs.
Il y a pu perses créations cps offices, mais toutes sont fort anciennes : il a été imposa sible, a la plupart'des divers titulaires, de représenter les quittances justificatives delà finaqce vefspe par leurs ànpiéns prédécesseurs au Trésor royal. Cependant il pu a été produit plusieurs dans les bureaux de la liquidatipq, qui constatent qu'il a été payé pour îês qffices de président 360,000 livres, et pour ceux de maîtres 150,000 livres. On voit encore qu'il a été préè une assez grande quantité de ces offices (JflRuis 1631 jusqu'en I60O, et que dès lors la finance était portée aq taux que nous venons d'indiquer. 4 Elle a été depuis augmentée par i'acqqisi-tion fstite en commun de plusieurs parties de rentes sur l'État, et par la réuniqp ap corps de plusieurs qffipes acquis des deniers de la compagnie et encore existants, de valeur de plus de 800,000 livres.
Ce qu'il y a de portai p, c'est que dp temps immémorial les offices de la cpambre des comptes ont été vendus à un prix uniformp dans chacune des 4 clasge^ qui la composant..
En 166&, une |oi q(iini§tpriplje, dont les officiers indiquent un motif qu'i) «St inutile 4 apRrofopdir, fixa les offices sans le concours de la compagnie. L'édit pprta la finance dps présidents à 20Q,0QQ li-vres, celle des maîtres à 120,000 liv., celle des
correcteurs^50,000ljvr^setpplledes auditeurs ji 45,000 livres. La Chambré se refusa d'abord à l'enregistrement ; mais elle y fut contrainte au mois de décembre de la môme annép. Elfê} pûregistraj de l'ordre pt commandement du roi, pet éait qui fut porté à cettp cour par M, le duc d'Orléans, frèrp du roi, yehu exprès, assisté d'ùa t^aréchq.1 de France ét de deuxconspillers d'Etat.
pattplpi prqtiibait, sousles peiqps plus graye^. de vendre au dpià du prix de la fixation : si Plie eût été exécutée purement et simplement, chaque officier aurait alprp $é constitue q^ps une pgrje considérable- Lés présidppls, qui avaientjîêril au Trésor royal 360,ÔÛQ liyrps, aqraiedt perdu 16Q,QQ0livres; les tnaîtres auraient perdu3Q,O0i)li-vreg ; fps correcteurs, 31,000 livres, etles audir teurs 27.Û00 livrés.
Pour éviter cette perte, les officiers, à mesurp qu'ils vendaient leurs offjpes, inséraient dans les contrats la clause que nous allions hipptôt mettre sous vos yqux.
L'édit du ujôjs (Je févripr 1771 autorisa ung nouvelle fixation. La chambre des comptes fie Paris profita aussitôt aë la faculjp qqi li^i était accordée a cet égard- Lps présidents (jrd'ipàire^ fixèrent leurs offices à 300,000 livres ; IpS maîtres fixèrent les leurs à 144,0QQ liyres; lés correcteurs à 81,000 livres, et les aqjliteurs à 72,000 livres, et c'qst d'après cptte nouvelle fixation quq les droits de mulatjqn pt de marc d'or ont été perçus depuis 177l.
On voit que les officiers de la chambre den comptes ne portèrent pas encore tpjis la fixation de leurs chargés au tau£ de |a financp p^r fjis payée, ni à cpluj dps contrats il'acqmsi|ipil qui n'a poipt varré; pour se mettrp au pif et rebouvrer, quand ils vendaient, le principal qu'ils avaient déboursé,.ils étaippt obligés de faire, apr^s {771, ppur somme à la vpnté beaucoup moindre, ae qu'ils avaiçpt fait avant 1771, pour unp som^p très considérable.
Pour pp pqint fatiguer l atteutiq fj de l'Agseip-biée par la multiplicité dps pàlcuif, jp pjehdrai pour exemple les offices de maîtres ; là mffiÇûHé est la même pour les autres officiers, et la même raison do décider s'applique a tous-
Lorsqu'avant 1771 un maître des cofpptps voulait vendre son office,;.il s'adressait au premipp président, qui, par unq police établie ffôhs le corps, indiquait le sujet quj se. proposait- Le vendeur, qui avait payé lui-méiné à son prédécesseur? lo0,000 livrer pour l'offipp, youlait recevoir la même somme dé go^ successeur : l'édit de 1665 donnait dpVeqlrayes à la liberté : le nrix était constamment de i 5ft),Qp0 Uyrps; tous les pontrais en font foi les nptgir^, ohlir gés comme les parties de sp confocmqr a} écllç, inséraient bien, à la vépté, dans les contrats hu i prix total effectif de 150,00(1 livrgg, piais ij^ ¥ joignaient une explication d'après laquelle 120,000 livres seiiieqaeiit paraissaient lp f»rix dp l'offipe, « etlégurplus pour cession dp droits pphp et à échoir, dp rôles d'épices, dp comptes 0PP-sentés ou à présenter» §rr^tp§ pu nqp ^rr^tps».
Votre comité s'est fait rpppésputpr les contrats produits au bureau de la liquidatiop, iïfs'est ppjjr vaincu que, dans la presque totalité, lps vendeurs se réservaient les èpices des rôles arrêtés juS| qu'au premier- du ra°is dan? lequel se faisait la vente; mais ils cédaient, garantief m épicês résultant des gèles non arrêta, et tquf ce qui serait employé dans ces rôles squ£ lep? nom.
Pour bien concevoir quel poiiyadt être l'ohjpt
de la cession, il faut savoir que les différents comptes, sujets à l'examen de la chambre, devaient, aux termes des lois, être présentés à certaines époques par les comptables, qui quelquefois consignaient, entre les mains du receveur des épices, les sommes qui devaient être distribuées aux officiers ; mais les retards successivement apportés dans les anciens comptes, et souvent l'insuffisance et l'illégalité de ceux présentés de nouveau, les délais d'ailleurs accordés aux comptables par les lois modernes qui avaient dérogé à l'édit de 1669, toutes ces considérations opéraient cet effet que les comptes ne s'examinaient qu'après 4 années, à dater de celle pour laquelle ils étaient rendus, sauf les comptes du Trésor royal, de la marine, des colonies et de la caisse des amortissements, qui, par le fait des comptables et des faveurs ministérielles, n'étaient présentés qu'à des époques encore plus reculées.
Ainsi, l'officier qui était nouvellement pourvu assurait le compte antérieur de 4 ans à sa réception, et celui qui quittait laissait à son successeur, par la même raison, les comptes de 4 années à régler, sauf ceux qui remontaient à un temps plus ancien.
A mesure que les comptes d'une année étaient réglés, ou plutôt chaque mois après le jugement des comptes, il se faisait un rôle d'épices qui établissait la répartition à faire entre chacun des membres de la compagnie et sur le champ même la distribution se faisait. L'édit du mois de décembre 1511 ordonne que la répartition et le payement seront faits aux officiers par chacun mois dans les proportions indiquées. Cet édit a été scrupuleusement observé jusqu'à l'époque actuelle.
Mais d'après l'explication que nous avons donnée, le rôle d'épices qui s'arrêtaient tous les mois et la distribution qui en résultait, avaient pour cause l'examen de comptes anciens.
Il faut maintenant vous dire, Messieurs, que ce que cédaient les vendeurs par la clause bizarre qui contenait l'abandon à l'acquéreur de rôles d'épices anciens, échus et à échoir, arrêtés ou non arrêtés, s'appliquait aux épices consignées ou non consignées pour les comptes présentés ou non présentés, non examinés, non jugés, mais qui se reportaient à une comptabilité d'années pendant lesquelles le vendeur avait exercé son office.
Les maîtres des comptes disent aujourd'hui que la cession qui a fait l'objet apparent de ces clauses répétées dans presque tous les contrats; est une véritable fiction qui n'était employée que pour repousser une injustice ministérielle au moyen laquelle la finance, réellement ver.-ée au Trésor public, se trouvait arbitrairement et despotique-ment diminuée.
Ils disent que l'édit de 1665 n'a rien changé au prix total et effectif des contrats, qu'il est vrai que gênés par cette loi tyrannique, les vendeurs comme les acquéreurs étaient obligés d'y exprimer que le corps de l'office était vendu 120,000 livres, et de donner aux autres 30,000 livres une cause supposée, pour que les conventions, d'ailleurs justes, restassent telles qu'elles devaient être.
Ils regardent qu'il n'était pas juste en effet que ceux qui avaient acquis, moyennant 150,0001ivres avant 1665, perdissent 30,000 livres par l'effet d'uneloi oppressive, et qu'il ne l'était pas davantage que leurs successeurs éprouvassent eux-mêmes cette perte.
Ils prétendent établir que les objets cédés en apparence, en outre le corps de l'office, sont une chimère, et que constamment les acquéreurs n'avaient rien à recevoir co nme cessionnaires : et voici comme ils prouvent cette assertion. D'abord les officiers cèdent sans garantie les rôles d'épices des comptes échus ou à échoir, ce qui décèle déjà que l'objet cédé n'est pas envisagé comme certain ; en second lieu ce qu'on cédait était chimérique.
Les épices n'étaient acquises qu'au profit de celui qui faisait le travail; ce n'était cas Ja date de la présentation d'un compte ni l'époque de l'année pour laquelle il était rendu qui déterminaient et acquéraient un droit aux officiers, ce n'était que celle où le compte étant réglé et le travail fait, chaque officier qui avait participé à ce travail devait avoir ses honoraires.
Ainsi, quoique on officier eût été en exercice pendant l'année 1780, il n'avait aucun droit acquis sur le compte qui serait rendu de cette même année, s'il vendait son office avant l'époque de la présentation du compte ou même avant celle du jugement de ce même compte.
L'édit de 1511, que nous avons cité, porte à cet égard une disposition essentielle: Voulons et nous plaît, etc... « lesquels deniers qui provien-« dront pour l'examen, clôture et expéditions « desdits comptes voulons être payés et distribués « par chacun mois; c'est à savoir à nosdits pré-« sidents, maîtres, et à chacun d'iceuxpour icelle « part, quote et somme qui sera ci-après décla-« rée, et ceux d'iceux qui seront résidants et « vacants journellement, et ordinairement ès ma-« tinées et après-dînées, des jours non fériables « en icelle chambre, et qui auront entre, résidé « et vaqué à Vaudition, examen, clôture et corrects. lions de nosdits comptes, 11 aux autres frais et « affaires de ladite chambre et charges que ils « et chacun d'eux respectivement, sont tenus nous « servir en icelle et non autrement, selon le rôle « qui, à la fin de chacun mois, en sera fait, ainsi « que les rôles des bourses que nos notaires et « secrétaires prendront en notre chancellerie, « et par les rôles de la distribution desdits « deniers, qui en seront faits et certifiés par cha-« cun mois, quant à la vacation et résidence des-« dites matinées et après-dlnées, par celui ou ceux « qui seront à ce commis et ordonnés par nosdits « présidents et maîtres des comptes, etc. »
L'édit du mois d'août 1669, concernant la comptabilité, défend aux officiers des chambres des comptes de faire payer les épices des comptes avant que les états linaux aient été assis, les acquits remis au ^arde de livres et les comptes rendus aux parquets.
Ces lois, fondées sur la justice qui veut qu'une rétribution soit le fruit du travail, et que cette rétribution appartienne à celui qui l'a fait, prouve évidemment que, soit que les épices des comptes à examiner fussent consignées d'avance par les -comptables ou non, elles n'appartenaient aux officiers que du moment où-ils avaient assisté et vaqué à 1 audition, examen, clôture et correction des comptes pour raison desquels les épices se distribuaient. Celui qui n'avait pas rempli ces conditions, celui qui n'avait fait aucun travail ne devait avoir aucune part dans les émoluments qui étaient destinés à en être la récompense.
Gomment concevoir, d'après cela, qu'un maître des comptes ou tout autre officier de cette cour pût vendre ou céder sérieusement ce qui ne lui appartenait pas? Quel droit était donc acquis à celui qui vendait, par exemple, son office en 1780,
sur les comptes non examinés, non clos,non jugés des années 1777, 1778 et 1779? A l'époque de cette vente, un des comptes de ces années n'avait pas même été lu.
Dira-t-on que les épices étaient quelquefois consignées d'avance? Mais, encore une fois, ce n'est pas le moment de la présentation du compte qui rend l'officier propriétaire de3 épices, c'est celui de l'examen et jugement de ce compte.
En vaiu la très majeure partie des contrats désigne la cession par ces mots insignifiants de rôles, d'épi es à échoir, de comptes à arrêter ; il est évident qu'en ce cas le vendeur cédait ce qui ne lui appartenait pas, ou plutôt qu'on ne prenait un pareil parti que pour se soustraire à la rigueur d'une loi dont on est forcé de reconnaître l'injustice.
Les officiers de la chambre des comptes n'auraient certainement jamais osé ni voulu céder à un étranger de pareils droits, s'ils eussent vendu antérieurement leurs offices à d'autres ; cependant ils les cédaient mais sans garantie aux acquéreurs de leurs officés, et la raison ou le prétexte était affaire de convention entre eux. Les vendeurs cédaient ce qui ne leur appartenait pas, les acquéreurs achetaient ce qu'ils savaient bien aussi ne pas appartenir à leur vendeur, et tout cela se passait ainsi pour colorer le détour que les vendeurs étaient obligés de prendre pour sauver une partie du capital qu'ils avaient réellement payé, etqu'eux ou leurs prédécesseurs avaient exactement payé dans le Trésor public.
L'usage du retard constamment apporté dans le jugement des comptes a été reconnu par l'Assemblée nationale, qui a aussi consacré le principe que les épices n'appartenaient pas aux officiers, quoiqu'elles fussent consignées, lorsque les comptes n'avaient pas été réglés.
Elle a été décrétée le 22 décembre dernier.
« Toute présentation de compte, aux cham-« bres des comptes, cessera de ce jour.
« Il ne sera consigné, par les comptables, au-« cunes épices pour raison des comptes de l'an- née 1787, dont la présentation devait être faite « au 31 décembre de l'année 1790, et pour ceux « des autres années qui n'auraient pas encore « été présentés.
« Dans le cas où, avant la publication du pré-« sent décret, il y aurait eu des épices consi-« gnées pour raison desdits comptes, elles seront, « par les receveurs des épices, restituées aux « comptables. »
Ce décret, suivant les officiers de la chambre des comptes, donne lieu à des conséquences en leur faveur.
S'il est constant, comme on n'en peut douter, d'après la raison et d'après les édits de 1511 et de 1669, et enfin d'après le décret de l'Assemblée nationale, que les épices qu'auraient pu consigner les comptables pour l'année 1787, ou autres antérieures, n'appartenaient qu'à ceux qui feraient le travail; il est aussi vrai que la cession qui leur a été faite de pareils droits pour des comptes non examinés par les vendeurs, est illusoire et nulle.
S'il en était autrement, il faudrait supposer, ce qui est absurde et inique, que l'Assemblée, en suspendant l'examen des comptes de la part des cours, aurait été obligée de laisser aux officiers dont elle anéantissait les fonctions, des droits, des émoluments pour des travaux qu'elle fait faire par d'autres fonctionnaires qu'elle paye.
S'il en était autrement, il faudrait supposer qu'un
acquéreur quelconque d'un office à la chambre des comptes de Paris, en exerçant pendant quatre ans, aurait été fondé à percevoir le travail de huit années; mais cette hypothèse est ridicule. L'ofticier, qui traitait en 1780, examinait les comptes de quatre années, antérieurs à sa réception ; était-ce alors au droit de son vendeur qu'il percevait les épiceâ de ces comptes? Non, c'était à sou propre droit, le vendeur qui n'avait fait aucun travail à cet égard, n'avait aucune rétribution à exiger. C'étaient cependant ses épices qu'il cédait. Si cet officier acquéreur en 1780 vendait lui-même en 1784, avait-il quelques droits sur les comptes de 1780, 1781, 1782 et 1783?Non,sansdoute, dès qu'ils n'étaient pasexa-minés, il ne pouvait donc pas plus sérieusement les céder que son vendeur n'avait pu lui abandonner à lui-même les épices des quatre années antérieures à sa réception.
Ce qui peut prouver encore combien la cession dont il s'agit était chimérique, c'est que de temps immémorial les offices n'ont jamais changé de prix.
Si avant 1771, la fixation de 1665 qui réduisait la finance à 120,000 livres, eût réellement été considérée comme déterminant la valeur de l'office nu, il y aurait eu en ce cas 30,000 livres de recouvrements cédés aux maîtres des comptes, et pareille somme aux correcteurs. Déjà une pareille quantité de recouvrements pour des offices dont le produit correspondant à peu près à la finance, était à peu près uniforme pour chaque classe, ne peut se supposer.
Mais, d'ailleurs, pourquoi depuis 1771, époque, à laquelle la nouvelle fixation des maîtres a été portée à 144,000 livres, le prix de ces prétendus recouvrements de rôles, au lieu d'être de 30,000 livres, s'est-il partout, dans tous les contrats faits depuis cette époque, uniformément réduit et soutenu à 6,000 livres? La raison en est sensible, disent les officiers de la chambre des comptes; c'est qu'au moyen de ce que la fixation était augmentée de 24,000 livres, il n'y avait plus de motifs de mettre celte somme en recouvrements apparents; le vendeur n'avait d'autre but que de toucher 150,000 livres qu'il avait déboursées, on en attribuait 144,000 livres à la finance, et la même fiction qui, pour les contrats antérieurs à 1771, portait les prétendus recouvrements à 30,000 livres ne les portait plus, après cette époque, qu'à 6,000 livres , mais la cession des rôles d'épices étant idéale dans un cas, l'était également dans l'autre.
Il ne faut pas laisser ignorer à l'Assemblée nationale qu'il s'élève encore une grande présomption en faveur des officiers qui réclament dans ce moment ; elle se lire de ce que dans les contrats représentés des officiers qui ont acquis en famille à titre successif ou contractuel, le prixesténoncéeneutier nuementde 150,000 livres, sans distinction, parce que ces officiers n'avaient à craindre ni inquiétude, ni recours, ni la prohibition de l'édit de 1665.
Les officiers qui ont été pourvus avant 1771, seront traités, disent-ils, d'une manière bien rigoureuse, si, parce que ceux de leurs confrères qui ont acquis depuis eux, ont pu mettre une expression dans leurs contrats qui était interdite aux premiers par une autorité despotique, ils éprouvaient comparativement une perte de 24,000 livres, tandis que les offices sont les mêmes, que le prix est réellement aussi le même, et que le Trésor public a également reçu de chacun d'eux la même somme. Ils regrette-
raient §lors que ypus n'eussiez pas ordonné qu'ils sëraiept remboursés sùr le pied ou dé lafinailéëj ou aU moins ae la nxatiqq faite en vertu dé l'édit de 1771.
yptf'e ëomné, Messieurs, à la prëjnière lecture derquélq^s çpùtràtè, ay^if cqpbii cfii'ë officiels de la chambre dps compté^ qè' Pàrfs n'èïàïent fondés à 'fécljatper que le prix gui,1 sujyant! çes mêtûes 'Gôtitra'tk/'éfaif attril^uë au corps dé Imp fl6e. ifavait côtnpàr^ jeur position relativemè'ùt aux clauses dé leprè pontrats à'fcfêlfe 'jl'bfficiërs ministériels, ce|siQntt^ires de rècôuy^ements or, comme cps recQqvrëtnepts, ne isbnt pas r'eto-fcpnrsàbles, parce que aâ'pu'pu lés toiletter, ji àjait tiré èjc>nt:r^! fes' pffiçi'èrfe dë ta Chambre des comptes 10s mêpQés cptfséqiiençes.
Mais ce premier Upérçu de quelques 'membres du comité a' cessé dp fixèr ïepr ppinibn, d'aprèé l^examen approfondi 'qùi a étè^ait de là question.
Des recouvrements dot ppur bbjerdes droits acquis an cédant, ues pommée duès ét payables ; les épipéâ à percevoir sur lès comptes bon présentés, ne'sont ni dues, ni échues/'ellës'në peuvent dpnp être considérées copame des yecquvré-ments. '
Il éû est de même des copiptes présentés et non jugéà. Çpcrrêsultp é^idêqiiiïent 'dp 'Ce qitè j*ài eu Thonnebr de Vous p^pBsë^ prècédem-i ment ': là comparaison fié peut donc ày$r iîè'ù.
Votive comité" s'est cpnVajqçù que dès' ibrs que vous avez dçfcrêié tfu^ ce ne èeràjt ni ïa' finapée ni la fixation qui sCTyiràifenïde basVauVemjDOÙr-! semedt, mais le pnx du coqtrati iî faût cheVchér avec scrupule en quoi consiste lé véritable prix'.
Il a fêté fr&pfié ae Tinyariâ'fiilîté ae^ contrats, qqarjt |t& !!prix "dahs toutes'*'d'éj>Md un |eO}RS ïMffî^çodrial 1 il a considéré encoVë rtinimrtflitê' ou ' la dafis toùs les'çpritrata,' rèlativèrnent ati détour qu^ péçeesjtaient l'édit de 1665 bt èurtput le'défaut d'objet d'une cession qui çedéran même pas dans ffntèBybn^eèlledpà partifiè. L'a finance versée aq ' Trésor public d'ég^lej^ent fixé Son attentipn,' et il a pensé que TÂSseml)lé nâ|;ionàle, séyèrë lorsqu'il s'agii^db la d'is^pëftïôdT dfeé fonds ppbïjcs, ferait jàlo\is£! de rëbtfre ùpê justice rigoureuse à des officiers'«Lppës avoir Versé au Trésor publit, des sommes qui ne sçjnt pas inférieures au remboursement ®jjf sollicitent, font encore^profiter là patio rï du fruit de Jëurs économies, puisqué les féritiion? et àcquislëidns par eux faites excèdent 800,000 livres.
Nous rie'vous aVoii's pas, Messieurs,'entretenus de quelques contrats dans lesquelson:a abandonné aux àcquêreufi qiïeï^Uesbbftiopé: dfdtfrérages de gages, pbur raison desquels il y a eu pot-Hp-vin Stipulé où payé; cette cession nè péut pas être enVfsàgée comme celles dotat ijous vous"avons parlé : if paraît juste que ceiix dqs officiers'qui ont reçq de pareilles cessions en supportent là déduction. Le moyen dè savoir en quoi consistent ces gages dans lè^ cobtrats où la désignation de leur valeur n'a pas été ïàilje. est siniplé; il consiste £ ne leur payer réxcêdenft de la fixation qu*en obligeant çes officiers à représenter un extrait dû registre, desdits gage? avéC le certificat dp' pâye'ur qui les acquittait.1 !
Nous terminons, MesSièuFs/pri vous rëfldant compte d'une réciatoàtibh' que font plusieurs of-fiCierS qui, ayant été aûdjtëurs 'des comptes à Paris,' ont quitté ces offres'pour' bçcupër ççiix de maîtres. II était souvent d Usage qu'en pareil cas le,roi fît'remise du droit de survivance pour l'office de maître, ét célte remise était fondée
et gur seryiçes déjà rendus par l'officier, et sqr !èe ffQ'én "faisant or'jèinâirqmpnt pourvoir d uri premier offic^ dâps fa potêm'e compsigpîe, Ils kvaiènt déjà àéguitté un'drbit né suryivapce.
Ces officiers, qui pqt pa^sé sdccessivëmelit à deux qffices, deqfl&Qtfeût qu'il leur soft tenu compte,' lors de Ja liquidation, d'q droit qu'ils ont acquitté (Ibmme audîteups. puisque cè droit représenté cëltîi qp'ils auraient dù payer, en occupant les offices- de maîtres, llp qlsènj que la nation ne leur remboursera que cp qu'elle lèur eût remboursé, s'ils è^sseptcodëeryé ieqrs premier^ qmcèà, et i)s ajoutent qûé :sil le tir pût fallu payer un po'iiYeaii drôiidé s^rvivanée, la plupart . dé ceux qin bnt pàHsé'de |à Place ^'auçliteur à cell 3 qe rpp.ître, Sauraient pàs abdiqué leurs premiers emplois. Ils'se réservaient même ce retour lorsqp'ils vendaient ceux-ci, pn Obligeant Ijes açquéftetj.rs à ne sé fajre ppqrvpir, quelprs-qu'eux-mëqies auraiept ét£ pourvus' des offices de m'a|tres^' ; 1
Voii-ê èopûité a pensé, Messieurs, que 1$ Réclamation de èêttè portion d'officiers est fondée sur la justice et sur l'équité. Il pe s'agit pas "de leur rembourser deux droits de survivance, il n'est question de lèur rembour§er que pélui qu'ils'ont pà^é. Ils ont payé lè droit' de survivance poinme apditeurs 't s'fjs n'en Ont pas payé ùp nouveau cqxiime rQ^îtf^s, c'est parce: qu'ilsàv^éQ't'ét^ auditeur^; je premier droit payé a été lé motif de la dlsp^psp du payement du sepopd, et il a paru à vptre ébrni^é que le premier tiayément étant appliqué par le fait au second office', (a justice exi^e que ^ débours, dppt le Trésor public a P|o-fftjô. ^oit' restitué aux tifficjér? qhï le réclàWeïiJ,. (Té'tip réStjtùtjon ës{ déterininée par les fflêmes raisons qui votis ont pûr^ àordoutier que les ti-tjiîjiires qui ëtàieiit ppi^rVUs» lors de vbtrè décret du mois dé éepteqibi^ '(jèfpjert ^raîqht'rejnBôj|c-r. sés des droits de. million, marc dfgr et fr'ai4 fie provision.
Voici lé prqjet de décret que votre copaité m'% chargé de ybus présènter ;
« L'Assemblée nâtio^aje, anrè§ avqir éhténdii son poipité de] iudicaturè, refatiVernéiit aq rem-boursement à faire' aux officiers dè la chambre des Comptes dp Paris,
J « Décrète qUe, sur le remboursemêht qui fera fait àces officiers, (le la soqimq totale stipulée en leurs contrats d'acquisitions, déduction lj^ii^ sera faite dU mont^rii des gages arriérés pt eux cédés pj^r lè|qi^S'.'contrats, suivaôtlê, prix Y èqoncé.'et à défaut de fixatîbh désdits gages/d'aprè^ l'état qui sera certifié paf je payeur qp ces mêmes ga^es, avec mentioiï de ce qui se trouvait,éCbp au moment de la cession;
« Décrète également que ceux des auditeurs et correcteurs des comptes qui, en passant apx qf-fiçes de ipaîtfejî, n'ont pas payé de ftouy^aux droits de gjirviyàncè, seront fembour^ê^ cé^ dèsdit^ droits qu'ils ' avaient acquitté^ en se ^atit pourvoir des Rfétaférff oiuces. '>t
Je demande la question préalable Sur le projet dp fiéprét- Lprsàu'ô'n yous a présenté un décret sur lessUnslîmts (rAix. M. Cornus vous a fait rejeter Ip^épret pat la raicpr| que cês^ekeeptipnè pôùrr^ieûV tppde de votre' remboursement. L'éxceptibn qu'on vqus propose aujourd'hui est apsioluinént de là rqêine nature et doit subir le même sort. Jp conclus donc à la question pi-éal^le sur.|%vi| du pomit^
Il est question desavoir
si, Jprsqup la nation rerqbpurse, elle doij; rembourser plus qu'elle n'a reçu. Les réglés pjpnt dan§ les contrats. Il est clair que la nation ne péilt pas dbnàer moins qu'elle n'a reçu ; 0n çotts^-queu'de, je demande qu'on ïfl$tte $}ix ypi^l'artfàle-
Et n'est-ce pas sur le pied (le l'édit dé mi 'qp'jis pot p^ ! .Q'esjj donc $ur te piëd qq'i| faut les rgin^oursér.
Si l'opinant veut (Jpe la nation lés paye suf le p|ed de l'évalqâtiqn ae 1771 i j'y consens ; mais certain^paént gTle ùe peut pas les évaluer, d'après l*édit 1665 qui Jéur vole i(î,000 écus.
C'est déj^ urç avpubjep jpréçieux de la part dq préqpinânt que dèVdopyenir que le remboursement doit sp faire au taux oe Kédiv de 1771. La qUestjqn est de saVoir Si la natiopi doit payer moins qu'elle .n'a reçu, ou si le payer ce qu'elle à, reçu*.. Si roq yept ^eççibour^er topt ce que le Trésor public a reeu^ellè ^ouiîrà faire une disposition d'équité, mais elle âtjeamir4 l'ordre eç la chose publique; jia'rjl est'impossible qu'elle puisse faire exjster'uhe parente fjipppsi-tion.
Eh 1 devez-vous par qnç mesure dé bienfaisance particulière, par une exception à la loi qùé Je salut public vous a dictée, adopter ce qu'pp vqus propose en faveur des çhé^firps dps comptes. Il faut éxamjnqf leurs contrats soqs dpux ppihts de vue. D'une paft, je ne prpQds le t^xté de îpiî? çpp-trat que d^n^ le rapport qijj vous a été fàij; par le comité.
Les maîtres dp^ comptes disent aujourd'hui que la cession, qui fait l'opjet apparent de ces clauses répétée^ aps presque top§ les contrats, ést une véritable fjçtiqn qui n'était emplçyée qùfî pqur repousfpr line injustice ministérjejle môyâa de laquelle lafinaupe, réellement Versée au Trésor pubfic, se trouyajt arbitrairement et fJeSpoliquê-ment diminuée-
lls disent que l'^it de p'â rien pjiangé ^u prix total et effectif des contr^; qu'il es); vrai que, gênes par cette Ipi tyranmcmê, les'vendeurs compte les acquéreurs étaieot o^irgps ^y expri-mer qqe le corps de Fpftjce était vendu i|0?pû(!| livres, et de donner aux autres 3O,PQ0. liyrés Une cause supposée pour qqe les conventions, d'ailr leurs justes, restassent telles qu'elles devaient être.
Vqitè l'aveu qui s'oppose à Ja réqlamatiop que l'pn fait pour les pffipiers de la cjiàmbré ops çqnjptes. Ypilà l'aveu que çi on veut accorder cé qu'on vous defnaoaè, il fpipt que ji^ loi 4e 1665 ne sojt pas exécute. Je vois dans le même rapport que les objpis cédés pn appafrencpj et outre le corps d'Qftjpé, sont upp chimère. Quqj i la convention n'avait qu'uriécaùse supposée^ pt aujourd'hui on veut que, parce que cette" clause est supposée, vous la preniez pour une capse réelle, c'est-à-dire qu'il faudrait dire que voiis décrétiez que celui q]q\ a yiolé loi ayçp popp^issanpe ae cause jouisse de plus d'avantages que çelpi qui ne l'aurait pas violée, $on. Messieurs, il est impossible d'admettre de pareiilès dispositions. Je persiste à demander la question préalable.
Plusieurs membres : Fermez la discussion. (L'Assemblée? consultée, ferme la. discussion.)
Plusieurs membres La question préalable sur le projpt jtfe décret.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur 18 projet d'ë'décret dp eoôffte de iu'diçàturq:^
Messieurs, le ijty? grand bienfait que yb$s aygz accordé aux tillés maritime! dij royaume est {ieV^uV.dépurs tiipg mois. |à cause d'pil désprOTë feîfràpnj; ffiie' Ww, wY,^ «Sj cesser,' ' ' y* J.^* ' v\ '
Lès 'M fléc^mbre ,et fi janvier, voug ayez décrété qu'il serait6f §é de^ ir^nnoux de commerce dà'ns toutes les villes'6u il existe dqS amirauté^
Vos eqmit^ r^Ùuis dé Constitution, d£ m^Lfiii^ : ej; #ècommercé,^fbrépfçhàrges^dé vous pr^entpr un trayait dont le prËmièr effét sera ^arrêtér : rapti^ît^ defelqr?LbIe ij'és amirautés. Un mepabre de cette Aîssèmpl^ ptint qu'pn ' sprsëbirâit à : l^rgab^ati'on dës gquyeiîux tribunap^' jusqu'a-pfès lé'tappQrt''des ;:domités.!
Les cbolés ay^Uf rès0 ciiiq qiola dans pqt état, Jfis^ïiues ' tQafitiii\è^ se sçnt |rpuy;èg| en blitte au 4ésp6'tisme^'^pifàîit deg 'arpirâutesi4 qqi p pnt piqs rjpb à ménager-
Vous avez déjâ^ecu pnq fpule d'adresses des villes maritimes/ Blusieurs de lèurg députés ex-fraôrdinàiref sdllicitent appî^s ae YOti^ Ja forma-tmp IribiJna'ux, ' et la |0yée du Sursis qui s'y bppp^ Je me jofns ài pu?, pour vqus prier d orçjopner que dâqs troi^ jours au p)tard vqs" pbmités de cppsntptiob, dé com-merçe'et de nqarigi^ réunij, yqus fef-oqt le rapport, dont ils opt e^ chargé'^ p^r y^'trè décret du 6 janvier. ?
(L'AssemWâp ^prêçe que ce rapport fiera fait au p(f|S tàcd qàp'^ bn|tai|ié.)%
L'ordre du jour est la suifâ de fyftiscussiqn sur le ffomd^. coM (P^e §e mmJ.fu. '
(2). Messieurs, je pe m'att§cherai Je dr.ojt' gn'qnt lés p^fipbs dp dis^ poser fie' 1p. ffe dès individus qui pp| rquipu ^véq eltès'le lieq 8ppiai, pii ri'a pas prâint ^ttaduer daris trihtlne? |yep q^e. sftrle^^'d^surafic^. ce p'rincin^ inqqnlestuple'; mais flç'cueil qup voûâ avez fgit à cët étramp;amp;amp;pêp sptème, m'^ dispense plfiir, q^naërït d'en rejew les
Je jne renfertfterai done dans la question simple qui a 6t6 proppsee par vqs corning : la peine de mort dqit-elle 6tre ^bolie^
Je compte, Messieurs, avec voacomités sur un avenir heqreu$ et profibain,
pù la paix parfai-tement rétablie, le boqpiidrèmainlepu, la liberté
affermie, les cfleqrs des citoyens form^ par une éducation nationale,
les piœurs réopérées, sep-dront praticable el suffisant le cpde pénal
qu'ils nous présentent. Alors des peines seulement afflictives,
infamaptes et exemplaires pourront être assez répressives. Mais pour peu
quê ,i'pn considère notîie position àptuei(e, pii conviendra qu'elle
n'eit Pi^s favorable à la suppression des moyens les plus propres 4
contenir les méchants et arrêter les désordres* Ce n'ést pas dans un
moment où les esprits soqt agités, par 1% huine, l'intrigue, les
faqtjops, la vengeanqe, ('ambition, le fanatisme, par toqtes les
passions qui portent aux plus cruels excès i dans un moment QÛ la
liberté a peine à lutter centre les efforts de la licence; daps un
moment où l'ou se plaint généralement que les prisons regprgept.de
malfai-
Je sais que les exécutions à mort ne produisaient pas pleinement de nos jours l'effet principal qu'on doit attendre des peines, celui de l'exemple. Plus d'une fois le moment, et même le lieu du supplice dont on punissait le voleur, ont été choisis par des hommes audacieux pour commettre des vols. Mais si l'exemple était nul, pour quelques-uns, il faut avouer qu'il ne l'était pas pour le plus grand nombre. Il était assez ordinaire, dans nos ci-devant provinces, de voir le père de famille, l'instituteur, le maitre d'atelier, conduire à ces tristes spectacles ses enfants, ses élèves, sas ouvriers; profiter de ces punitions du crime pour leur donner des leçons de vertu ; leur rappeler souvent la fin honteuse qui attendait le coupable; enfin il est notoire que les pays où les forfaits étaient punis avec exactitude, étaient ceux où les forfaits étaient le plus rare.
Qu'arriverait-il aujourd'hui de l'abolition delà peine de mort qu'on entend remplacer par celle du cachot? C'est que le cachot qui, jusqu'ici, n'était point regardé comme une peine, mais seulement comme un lieu de détention, ne serait point, quoi qu'on dise, envisagé comme une peine. Les termes de cachot, de gêne, de prison, ne seront vus que comme des mots différents, mais ne présenteront qu'une seule idée, celle d'être renfermé pour un temps limité. Or, cette perspective serait loin d'effrayer l'espèce féroce et malheureusement trop nombreuse, qui s'est fait une habitude du crime.
En vain les diverses gradations présentées par les comité0, seraient-elles adoptées, je les maintiens insuffisantes. Un peu plus ouuu peu moins de fers, un peu plus ou un peu moins de lumière, toutcela n'est rien pour des êtres qui se font un jeu de passer d'une prison à une autre, et qui, sachant très bien, pour la plupart qu'on s'échappe assez facilement de nos geôles, de nos maisons de force, de nos galères, ne verraient pas plus d'impossibilité à s'évader des cachots, des gênes, des prisons, que proposent les comités.
Je vois, Messieurs, avec effroi, les plus grands maux être la suite d'un tel ordre de choses, s'il était accueilli. Vos peines pour les délits les p'us graves, étant une fois considérées comme illusoires, on n'entendra plus parler que de ces crimes : tous ies intervalles, tous les degrés intermédiaires des délits légers aux délits les plus atroces seront bientôt franchis; il n'y aura plus de vols sans assassinats; enfin nos propriétés seront rarement attaquées sans que nos jours soient évidemment en danger. Je ne citerai pas, Messieurs, pour justifier cette trop légitime crainte, les exemples frappants et les autorités nombreuses qui prouvent la nécessité de la peine de mort dans les grands Etats, surtout lorsque les mœurs y sont corrompues.
Cependant, loin de moi, Messieurs, loin de moi l'idée désespérante de ne pouvoir, dès cet instant, rayer de la liste barbare de nos anciennes lois criminelles ces peines atroces qui torturaient, avilissaient l'humanité: ces nuances froidement calculées de tourments, dont les exécuteurs étaient àmon sens, moins inhumains que les inventeurs. J'ai trop gémi sur cette jurisprudence sanguinaire pour ne pas m'empresser d'en solliciter la réforme. Hâtons-nous dès aujourd'hui de proscrire de nos livres les termes de bûcher, de roue, de torture. Faisons plus, réduisons au plus petit nombre de cas possible, l'application de la mort simple. Affranchissons-en et le vol
domestique, qui n'était plus puni, parce qu'il l'eût été trop rigoureusement, et le sortilège, qui ne dut son existence qu'à la superstitieuse crédulité de nos pères, et les vols avec effraction, assez ordinairement accompagnés du meurtre, parce qu'ils étaient punis du même supplice; et certains attentats contre la Divinité, à laquelle seule il appartient éminemment d'en faire justice. Bornons là, comme l'ont proposé les préopinants, à l'homicide, à l'empoisonnement, à l'assassinat, à l'incendie, au crime de lèse-nation au premier chef; ainsi réduite, la peine de mort en deviendra plus effrayante; j'espère même que confirmée par l'autorité nationale, elle acquerra plus d'efficacité.
Il est cependant encore un autre crime, pour lequel il me paraît nécessaire de conserver la peine de mort : c'est celui de fabrication de faux assignats. Messieurs, la fortune de plusieurs millions de Français, le succès de notre glorieuse Révolution, la fin de vos grands travaux, la sûreté de l'Etat, dépendent de la confiance et de la solidité du numéraire fictif que vous avez mis et que vous allez mettre en émission. La contrefaçon de ce précieux papier offre l'attrait le plus séduisant aux ennemis d^ votre gloire d'une part, et de l'autre à la cupidité. Déjà, vous le savez, malgré la sévérité des lois existantes, des tentatives formidables ont été faites contre cette partie de la fortune publique. Grâceà de vertueux citoyens et à la surveillance salutaire de celui de vos comités qu'on se plaît à calomnier, avec le plus de malignité, nous avons élé préservés des maux incalculables de cette dangereuse machination.
Mais, Messieurs, ce succès pour le passé, au lieu d'une imprudente sécurité, commande à votre sagesse de nouvelles précautions pour l'avenir. J'estime donc qu'il serait convenable de comprendrela fabrication de faux assignats dans les crimes de lèse-nation au premier chef, et conséquemment d'y appliquer la peine de mort.
Il est temps, Messieurs, de terminer cette discussion. Vous y avez donné tout le temps ou l'attention qu'exigeait son importance. Vous n'avez plus qu'à vous défier d'un faux sentiment d'humanité pour rendre aux vrais intérêts de l'humanité, ce qu'elle attend de votre sagesse et d'un patriotisme éclairé. Des esprits méchants et hors de toute mesure, critiqueront, je vous le présage, votre détermination. Mais, dans cette occasion, comme presque dans toutes les autres, vous aurez pour vous les gens raisonnables et modérés, les francs et solides amis de la Constitution et d u bien public, et avec de tels suffrages on redoute peu les efforts de la malveillance, lors même que, pour rendre son venin plus dangereux, elle a réussi à se procurer pour interprètes ceux sur les principes desquels on avait plus lieu de compter.
monte à la tribune.
Un grand nombre de membres : La discussion fermée I la discussion fermée !
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
Voici comme je propose de poser la question, ou plutôt, j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée un p/ojet de décret qui me paraît concilier, jusqu'à un certain point, les principes de sagesse et de philosophie qui vous ont été présentés par les partisans du projet du comité avec les considérations très importantes
qu'ont fait valoir, pour les circonstances actuelles, les adversaires de ce projet.
Plusieurs membres : Il ne s'agit pas de cela !
Voici mon projet :
« Les législatures statueront, ainsi qu'elles jugeront convenable, sur l'abolition ou la conservation de la peine de mort... » (Murmures.)
Un membre : Il ést inutile de le dire ; ci la va de droit 1 Ce n'est ici qu'un acte de législation et non pas de constitution.
, continuant la lecture:
«... et jusque-là cette peinenepourra être prononcée que contre les criminels de lèse-nation, les assassins, les empoisonneurs, les incendiaires et les contre facteurs des espèces ou obligations monétaires de l'Etat. »
Jamais question ne fut plus facile à poser que celle-ci. Si l'Assemblée nationale juge à propos de conserver la peine de mort, elle déduira tous les cas où elle voudra la conserver, de manière que, dans ce momënt-ci, il p'y a qu'à poser la question dans les termes suivants : « La peine de naort sera-t-elle abolie ou non ?»
, rapporteur. Il me semble. Messieurs, que l'un a compliqué là question en y joignant plusieurs autres questions acces.-oires qji ne devraient pas y être jointes dans ce moment-ci, et qui ne sont que secondaires.
Voici les questions accessoires soulevées par le projet de M. Merlin : d'abord la conservation de la peine de mort sera-t-elle décrétée comme article. constitutionnel ? (Non L non !)
Après cela vient une autre question fort complexe qui est la suivante : Dans quel cas la peine de mort sera-t-elle encourue? Car si la peine de mort est conservée, cela concerne le code pénal.
Enfin une troisième question est celle-ci. La peine de mort sera-t-elle réduite à la simple privation de la vie?
Or, je pense que ce n'est pas encore le moment de nous occuper de tous ces objets; et je crois que la seule manière de poser la question, le seul moyen dè la dégager des questions incidentes dont Ja discussion l'a embàrrassée, est de consulter I Assemblée sur ce point :
« La peine de mort 8era-t-elleabolie ou non? »
Je demande qu'on ajoute : « Quant à présent. »
(L'Assemblée, consultée, décrète que la peine de mort ne sera pas abolie.)
, rapporteur, te propose de décréter que la peine de mort sei a réduite à la simple privation de la vie, sans tortures.
, aîné. Je vote, moi, Messieurs, pour que la peine de mort soit réduite à la simple privation de la vie; mais j'ai une exception à proposer et j'en frémis d'avance : c'est celle du parricide. Je sais que Solon honora l'humanité par un mot célèbre ét je voudrais être dans les temps heureux de ce peuple dont le code pénal se taisait sur ce monstrueux crime, parce qu'il ne lui paraissait pas concevable. Mais pour nous, nous en avons été avertis par trop d'exemples
pour que nous puissions garder cet honorable silence.
Gardons-nous de croire à cette pureté de mœurs; gardons-nous de croire surtout à la piété de ce peuple que nous avons vu s'émouvoir dans les derniers temps, à Versailles, pour arràcher au supplice un criminel qui avait commis un crime affreux de parricide : je frémis, Messieurs, de le rappeler.
Je souffrirais encore, Messieurs, si la main impie qui aurait tranché les jours à l'auteur des siens lui restait encore et n'était punie du der-nier supplice!
Voilà, donc, Messieurs, l'a simple mutilation à laquelle je conclus contre le parricide. (Murmures et applaudissements.)
(1). Ce n'est pas dans un moment d'orage que l'on doit jugér l'événement de Versailles et je propose de ne pas déshonorer notre législature. (A droite : Allons donc1)
Je demande l'ordre du joui: sur la motion de M; Garat.
Messieurs, si nous n'étions pas dans des circonstances orageuses; si la commotion donnée aux esprits par uue grande et étonnante Révolution ne devait pas durer quelque temps ; si les vices nombreux que,les gouvernements absolus prodiguent à l'espèce humaine pouvaient disparaître à la voix du législateur ; sji enfin la mendicité, cette lèpre des gouvernements, pouvait être facilement extirpée, je m'affligerais, avec tous les amis de l'humanité, de voir depuis deux jours cette lutte entre lès droits de l hu manité et la tyrannie de l'habitude, entre le philosophes et les çriminalistes.
Mais l'histoire de tous les peuples, celle mê me des législateurs les plus célèbres, nous pro uve que les lois criminelles n'ont pas été perfectionnées tout à coup. Les connaLsances que les peuples ont acquises, et qu'ils acquerront sur les rèules les plus sûres que l'on puisse t enir dans la législation pénale, les progrès de l'art social amèneront nécessairement clés lois douces. C'est le plus beau triomphe de la liberté, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particulière du délit. C'est aussi le triomphe de la raison du législateur, lorsqu'il applique les lois suivant les besoins des peuples, et selon le degré de perfection qu'ils peuvent supporter.
11 n'est personne qui ne déteste les lois par lesquelles l'homme est obligé de faire violence à Pnom me. Il n'est pas de législateur qui ne désire, dans le fond de son âme, d'abolir, s'il est possible, la peine de mort. Il n'est pas d'homme destiné à voter dans la législation, qui ne sache que la sévérité des peines conviéi^ mieux au gouvernement despotique, dont le principe est la terreur, qu'à la monarchie ou la république, gouvernées par les lois et par la vertu.
On n'a cessé de vous répéter ces vérités de tous les temps, que l'amour de la patrie, la honte et la crainte du blâme sont des motifs réprimants, qui peuvent arrêter les plus grands crimes.
Vous savez que les peines doivent diminuer à mesure que l'on s'approche
de la liberté; et l'expérience prouve que chez les peuples libres, où
les peines sont douces, l'esprit du citoyen eu est frappé, comme dans
les autres gouverne-
Sans doute. onnë peut poiijtëster due proclamer des lois erUelleé, Qui arrêtent le mal subifedaént, è'ësf flSer. Je c!psi g,d-toutumer Bientôt l'|^a^inà/ion peirjék les plus fo'rtêSl c'est çofysâcrêi'. la tjârbaç|è du Mgi s| iàtëlir. lie àtipplicë hdrHble dé là roue ^sppudit quelques instants .les crimes; quelques mpis ajïj-ês, |è .tflal fut Ië' mêçije, ciiçiig jtés esprits des feito^h e rdmgDs., pai' J à .laLèl'i e'immiei
Ne conâùlsbnd pas, tfotik dlt-dn,.Jés l)djp|mes par les voies extrêmes : ce n'est .pââ ld dOUcPur des jtëinj?S qui ési :4anâê^u^/,à jâ lûr^ti so-ëialë1; fe'eet rinipiifiitë dû crirftè. et JMjjjraijë du crime vient souvent de là"Hureîe uë là loi; Ne faisons pas les leçgps de cruauté à un peuple gujr noijs avons 'rendu Me/'
Là hbntfe,1 Eéflsieurf,' vpM lë fléaii dd^li ttire ^ âbnnë à l,hômmé,.Là plus grande pélrtlé des p'einë^ ësl l'Jprçmle çtô M Bbuflïii; ; 1$ pfite dé la lumière, les travaM lès plus iils, les jnus dangereux et l'appareil .des chaînes dpyànf .sés coDÎçlÉdyétis libres. G'Bat d'jjilieuri uu spëfâaçle bierijligubre que belui des ifl&ppëhté cdijaumiï&. Qdèreré^vP.ùé, tiit-on, pour les eti$S màïfieureçii et irrêprocfiablp^qufe les Mbudabx pût .pgB^ë : avec, le gipve pi {pis .7 De hqoi iert à leurs cènd/é^, de aiiéii) èejft a iLlotiëtè une .t^rdMë et réflâbilitatioh jdp |a meinOire? Avéç Jà iiéîne, 3è mort, il ne |pu§ réste çenèndâtitj pôiir l'inridcëii cé', i uridiqûeMnt. a§sassiri("ie, qtie là fbrmè dërlstjll'p që frënàbilitâtion.,
.Cég. mdljfg.^bnt'.&ës|ietii$,' ét, sàns -pnllosôpHfes de l'^pliliou a,e' M ; peitle de mort auraient à.kjoutêi' ijiëji d'autrèi. $Btife ëhçore plus ptlissjirftsj |Rtâ^ràipnt jmdlrê^ue la ^bèiété, dans le,,Systpmè pëhàk np.peSt avdlr rîbur but aufe, Hoh intérêt; flU'éjfe doit cfièrchpr le repôs et nOri làypnëeâripe ; î}iie Ip cOqpàbîê^ tué,par leslàrvé déë idrs^ne donné ba&Unëkeïïi-plé ëracàçp et du/|bler,; qiiè m Peifie aë ajôrt Se prbcurè a la, sfodad .apCliô pëd^mtii^apmenÉ uë la prdàcriptiOiji d'Uq dito|j;h, dans l'espefce ibêfiJp dë sat punition ; ku^.la jrejiié .de mdçt n'ëèt.plus i la peiné la blus teMmaniej p'itfgqufe tôhtlmiome k Ub iris,tant te Çoiiragé de .la mBrt, èt qtie rarp-fnf'iit il ë[à 2y ànSi le courage ue la hontfe; Ils fufr^iefit bu ajouter,,.enfin, fmk là dù lë jufé n'eât pàS. uriànimp, Jà dù. ja èoèvictibn dû. fer.irile et du criminel nfe doit lias eire gétiéràlè, il ne faut pas pxpoâei' la loi 1 ptifiir de mort rinfio-cence.
Mais, iePp||} M, ëobVen^nt de. tBlis cés principes^ què M, thison, y JhjiosophXé ét la lUStlce. prodlamèn^uèpuMji nous dàbs lé^ t circtoitancps, somibps-nbus ddnfe le dègrë tqe perfe.cijqri spcialé qui prisse appeler î'aiiOiîtioiï de là, ppiuedè mort ? Cette oefrie esf-ellet datlS ('^tut, àfi^èj açè î^iQfeè, et daijs là ptuàtlqn ou so'nt les esprits, une penâéë(mdins réprimante auë cëllêile Ja pprte dp l'iidndèur et de la libèrtà;?..pbfin,j ja ioêiëte est-elle, ^iir-ngàmment ràêsUréè contré lés' plus grands, fifcéîç-rats, en les renfermant da.ns des prispns dont ils piejkënt S'é^àHpi'iNbs lois SofltTëllps plus hu-maidës en rafnùahi leurs éupplicès par là perle aë la luinièrê pfndjlgt 20.ans 7
Voilà, en atrniere.ârialysP, l'état dë là aiïMmlm pour lë Corps législatif àëtuëlleiriént assemblé.
Il est beau, il-est touchant sans doute de voir Une assemblée d'hommes libres agiter solennellement là qufegtioh Ûë l'abolition dè lapëm^ie mort; l'exemple de la Russie et de quefljfîëâ
États dë l'Ëtirope poilfâit jtistifiët dàns toiië leS cas la résolution du législateur franèàis; Si Cettë question s'agitait dans des temps ordinaires,v ce serait Ud crime contré rhùmàriité d'h'Mtër à prononcer cette. abolition. Èffaçer cette loi de nos codes sanguinaires, ce feeràit stipuler pbur le^enrèhUmâin; mais, dané l'état actuel, réduire tdûs Tés suppliipëà à la pélfie Sitnpië dë inort; pour lès càs trè's rares ou elle pleut être absolument nécessaire, c'est stipuler pour le repos de la société!
Cë n'est pàs assez d'avoir établi là lifierté et la sûreté politique dans son ràppbrt avè'c là Constitution, il faut l'établir encore dans ceux avec le citoyen et avefc M iodiêté. Elfes codfeiëteiit dâns là ôûretë. où dailS rdpinidh tjUe lè's citoyens et la èodéfe ont dé lëbr Sûreté géiiêràle et îhdivi-diiélle; alitremerit la Cbnstitution poiirràit être îlnre èt tioh pàs le bitoyen.. C'est donc d'un système de pénalité analogue à l'état dé là sd-piété, que son repos et sa sûreté dépendent.
Qup voyà|ns-noûs d^bs l'état àctUfel de la France ? Pâtlon^ s préténtibri et sans eicës ; yps.àncipriripS forcés ^udiciàireë vdût diSbraîtrej vds j(ir|s dé Spijt' baâ êtàbliâ : l'esprit de béttë liisfitiitiôn;hdj)éilt sé formèi- daiiè uh instant; les élavlM^fid^l|lpàl6|tié» dèMii^ut des ôpé-ràtloiis ierttëè; les prlsobs pénales he peuvent pas être construites subij^mentrenfin, aucuns de| iûfetrdffiëbfs nb"ufëâùii dii codé pénal propre ne sont faits. Votte réformé dans là peine dp.mort y PphiQu:éé^iujuÉii,'d.JïDi;.pHr jr lô'l » P.ëu.t dÔpc amèner (ëSçHmes, t)4r le changement sûbit des peines, Hit iâiré éspèrër i'iiiputiité, par lé défaut d'établissements relatifs à pe changement; ët^fflissenfëpts. qbi, dan's tin rbyàiime aussi peu-pm/uetfont étte imrîïërisés,
D'tid âutrP côte, la fërmëtitàtidil dès esprits, inévitable dans tiu mdmènt de révolutipp ; les sécbiissès a® l'esprit public peut éprouver dans je pasiage d'uçe Iégiblatùre à tiUe autrë ; deux partié divisant ,1a Fraiipé, lès teng|ajices et. les haidës, h'ayaht riéii.dùi les coiiijirfme pt cjui les ârrêté; uiie pbpulatidif immense san^ travail ; déé bf-ig^ndS étriihgérs, intrddqifs pai- lës tijal-veUlants ou par la liçppce dans ië royatimè ; la mejnidicité dpnf les .fi&ui .frqjâf m être adoucis, et fiont leè Vices n'otit pU êtrë encofrë réprimés : le çLirai-jfé ebfin, l'haoitudé dès lois fiënalès atrbd^, tout bmmàit i^bâér un devoir rigdu-rèux aux législatéilrs'dê la Révolution dé maintenir encore la peiné de ifajort ; fflàis. Çe hé doit jamàis être c(ue' là pèfdé feimple dë morf. Que les tortures différentes ; que ces hideuses formes, inténtêes plûftôt par des bourreaux que jrar cles législateurs, disoaraissent à votre. Voix î II esf uii terme Où là sévérité de (a jùstice ttdit S'àrrêtèr: la loi n'est pas faite jpBftr dispéitêf dè férocité avec les scélérats.
Vous rêservëi-ë^ la pèlne ; dè tttôrt pour les àSsàskîÉls, lés çohtreféfèté^s d'às^gnàtp, M infcèiï-diaifés, Ifeèf è'ÉfiTpbiS(ttïiéur8, lès 'ënhe.ttiiô aè la patrie et les ministres prévaricateurs. J'àdf-kis bien désiré que le faux témoin, dans les crimes càpitaui, fût niiùi de fnort; bàr c'est ùn vil àssàssin. Mais au mdîÛÉ, à l'exemple de Solbn, voUS në' riàmriiëretf jaÈ le pàrricidé : rendons Cèt noniriiàgp.â fa riàtiirè.
Ce tf'éfet qu'àVëc uné! gràhde répugnâncè que je vais porter à ià tribune unvcpii aussf contraire a Éridri cœur potfr là cBrlsefvatfori de la peine de
Mais, tfhël est MMmèr fàisotfiiâhlè qtrf n'a Iras OfrèërVé là gfàndé différence qui së trdufë
ici entrb le législateur et lë philb&'filië i Cë dfei--pier.peut agrandir à son gré,le çljamp dë l'instruction ; il pèut puoliér. toutes sçs ytiës, iî p^ut écrire tous eës ftriiicijjës.; Mais lë lééislàtéur ëàt souvent borné par la possibilité des çirçonstanpes ét uu tëifeSj ,pâr ,1'étât tlës Bhô&$.ët dêfe esprits,
Sihods polidoris Un liédp'lé nquvëàu, ëi houS pbraohs jnéthe d/S lois dans Hëq teàps clljLcûéë, lë tn'tjpnorerais dé âbiiteriir lâ^sëHlé dpiqibii; le sëiii pridèipe qUé là1 iègiitàtlijti (l'un peuple libre el éclairé peut placer dans son codé, celui de l'abolition de la peine de mort. Quand les KuSsé'à oiif ëxisté soué cëttë loi, des Frahçàii ne pëuiëBt ëri être ioc(ighés.
Mais cëttë espéi-ancë n'e^t due retardée; çé priddipé deè.législâilbnk ne pedt être lopgtëbipi rëfusë à ra Francë: Cet objet n'est qu'uii artfcle pîirenifefït ië^latif: Cbaqiië législature pëut dboîir lâ peine, dé mort ; et s'il est dans ses poii] vblrS ùne bbrfton utilë ét biehfàislhtë,6'esjt sân$ doute d'éieVér là riàlibri; par le Systèttiê dés îoiS criminelles, au degré de douceur, de civilisation et d'honneur àuqUel ellë a droit aë prêtëndrë.
Oui, Messieurs, l'état actuel du royaume nous kbsbudrâdë la conservation de là peiné ae mort; on nous pardonnera cette sagesse ti;iiide, ën faveur dë' la ^ùrété sociale dui aUrà été nbtrè motif.
Les homnàès, Surtout àccoutumés âui ttavaux de la législation, connaiSsëtit cbtte maxiihé de là pratique dans le cas où les ësprits ont élë gâtés par dés pëinés trop rigoùreusès. Mbhtes^uiett, s'occûpàntdèé mdyenS de réfBrmër lés lois ët les peines atroces du Japon, dit ces pardleS remarquables ||| ;
« Un législateur sage aurait cherché à ramener les esprits par un juste tempérament des peines et des récompenses, par des maxiuiëS dë philosophie, de morale et de religion, assorties à ces caractères, par la jUstë applicatiori desrèglës de l'honneur, par lë" Supplice de la honte, pat là jouissance d'une doucë tranquillité.
« Et s'il aVàit craint que les esprits acbbttttiméB à n'être arrêtés (tue par une pèirië crueltè, ne pussent plus l'être par une plus douce, il aurait agi d'une manière sourde et insèhsiblè; il. àU-rait, dans les cas particuliers les plus graciables, modéré là pelhe dù crime, jusqu'à ce qu'il eût pu parvenir à la modifier dans tbus lës cas. »
Mais, comme dit l'auteur dë l'Esprit ties: lôïs, le despotisme ne connaît pas ces ressorts,il né suit pas Ces Voies. Elles ne Sont dignes que d'un siècle éclairé, d'iiné nation libre et d'uiï législateur philosophé.
Faisons aujourd'hui le bien possible, distinguons là matiièyè dé poser ces principes ènCohs-titution et ejn législation. La ptènlière S'etdblit avec énëi'gie; les. Modifications, les mësures timides, les ménagements indttStriëtix Sbnt ignorés ët doivent l'être du pouvoir èbriStitqant. te principe constitutionnel est tout; au delà, il. n'y a que dangers, Çiië corruption. Mais, en législation.' Ses progrès ne peuvent être ni aiissi rapides, ni aussi fortement prononcés. La législation se compose d'uiië foule de méditations et d'idéëà, dë rapports diverè èt nombréùx, d'intérêt$ mqitidUels që tout genrë. La Constitution, àu coh traire, n'eih-brasse que de grands rapports, ellq.jie frapne, pour ainsi dire, qdë IeS sbthmitéê dë3 pouvoirs.
LaisSdns doric, puisque des drCphètatibéà ,impéh rieuses iidus y forcent,
laissons à nos sUCcëSseurs rfio n heur d'abolir la peiné de mort;
laglbirë d'avoir
C'set pt.d'ajirè^ ,Çë*li:pnBidéra|;iorii que j'ài i'libnL nëur (Je jnmppsër lë.brbjèt de dëci*èt suivaiit :
«: L'Assëltjlllëe.nàJfônaie décrété ce qui Siiit .:
. « 1° La pëibé de mort n'ëst pas abolie,
«.. 2° Ilië.iera réduite a &ih[jlê pHvàtion dë la vië. sans k^bùn.genré tte.torture.
« Elle ne jiburrà ê.£re prp^bdcëe quë contrë lçs Criminels ^e iesè-rn^tion, les èQntréfaCteurS,(fàsf si^hais, lès èthpdisbnnëtîH, lës incëndlâiifes ët les assassins. »
L'AsSëniblée a cpnéerVé là peine aë fnort par la jéulë dobsidéràtibn ^ii[un homme nuisible doit êtrë Soustrait à là Société. Je demande donc non seulement aue cette peine rie jtatf. pdint Hdcbnltia^bé'é^ dë, tbrtures, ifiais-qu'ëllé lie soit point a^graVée par cët appareil effrayant qui la rend plus terrible à celûi cfilt doit l'éprouver et que les exécutions se,fassent à hliis cïoi. [Mùrniurët) Le lé0iSiatëi|r në qolfpbint àliër au delà qè.çe çjui est nécessairë tibur la conservation dë là société.
En décrétant que la ,'peine.de mort në sera pas àbôïle, je cr'bis qu'il ri'ëst aucun des membre§ de cette Assemblée ,qui; aiLentendu cdhfbUdré, sous là mênoie peirie, lé sim^e âssàs-sin, le parricide, rinfpLnt^ciçl.e, le. régicide et le crimihel dë lèse-nation ku jjreniièr cnëfJ
Je crois donc, Messieurs, qu'il serait {josslblë de^mettre, méfne dans hi peine de mqrt.^ç'es^à-dirë dans son àpparejl Jt flbn ulins êès dBhleUrs, une différence, qne gradâtioU tjrbnbrtidqnèë aux différents genres dé crimeis et à .Iëur àtrocitë.
Jë Voudrais.par eiëuîlilè,'aué lë uârHcidë, l'infanticide, ië rë^ipidè ët çéliii qui aqrait cdmijlis Un crime de lése-nation M prëmièr chef, fUSsënt exposés pendant plusieurs jours, aux rëgârds dû public, dans lieu du supplice ppur p^qétreijle peuple de l'horreur dû crime dont ils ont souillé la société.
, rapporteur, Je demande, au nom du comité, la qués-tion préalable sur l'amendement de M. de Custihe. Le principe de toute peine est qu'elle Soit répressive par l'exemple ; elle ne doit donc pas être secrète. > , . x. . ii ;
Quant au crime pour lequel M. Carat a demandé la mutilation de lé main, il noUs fait tous frissonner d'horreUr; mais je dois vous ràpjièler le principe, qui est,que la peine doit être grave, non sëulêùiënt ëh râiSon ae l'atrocité dès crirtrës,
mais en raison de leur fréquence. Or, pour réprimer le crime dont il s'agit, nous avons heureusement deux obstacles; celui de la loi, et un autre plus puissant encore que la loi, qui rend ce crime plus odieux et plus rare, je veux dire le sentiment de la nature. (Murmures à droite.)
Voulez-vous que la peine de mort, réduite à la simple privation de la vie, exempte surtout des tortures, et réservée aux meurtriers qu'aucun motif n'excuse, ne perde rien de son efficacité pour l'exemple? qu'elle influe utilement sur les mœurs, qu'elle devienne une leçon salutaire pour ceux qu'un penchant secret entraîne insensiblement vers le crime? Faites que la punition du coupable présente un spectacle imposant; liez au supplice l'appareil le plus lugubre et le plus touchant; que ce jour terrible soit pour la patrie un jour de deuil; que ia douleur générale se peigne partout en grands caractères.
Imaginez les formes les plus compatibles avec une tendre sensibilité; intéressez tous les cœurs au sort de l'infortuné qui tombe sous le glaive de la justice, que toutes les consobtions l'environnent; que ses tristes dépouilles reçoivent les honneurs ae la sépulture. Q ie le magistrat couvert du crêpe funèbre annonce au peuple l'attentat et la triste nécessité d u ie vengeance légale. Que les différentes scènes de cette tragédie frappent tous les sens, remuent toutes les affections douces et honnêtes; qu'elles inspirent le plus saint respect pour la vie des hommes; qu'elles arrachent au méchant les larmes du repentir; qu'elles appellent enfin les réflexions les plus morales et tous les sentiments civiques.
L'amondement de M. Garat consiste à infliger au parricide Ja mutilation de la main.
Je propose un sous-amendement ; c'est que les empoisonneurs et les incendiaires soient mis au même rang que le parricide.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je mets aux voix la question préalable.
(Unepremièreépreuveestdouteuse,uneseconde a lieu.)
Monsieur le président, je fais la motion que, dans cette épreuve, vous ne comptiez pas les voix des prêtres caiholiques que leur religion empêche de voter. L'Assemblée a décrété que 1 s ecclésiastiques ne pourraient siéger dans les tribunaux; je crois utile qu'ils s'abstiennent de cette délibération.
Oui! La religion leur ordonne de prendre le parti le plus doux, m mitiorem partem.
Je n'ai pas prononcé à la première épreuve le décret, parce qu'en croyant voir la majorité pour l'adoption de la question préalable, je l'ai trouvée peu considérable.
Sur ce, s'est furmée une motion incidente : on a proposé que les prêtres caiholiques ne délibérassent point. (Murmures à droite.)
Je n'ai voulu faire de ma motion qu'un avertissement.
Dans ce cas, je continue ;
j'ai vu à la seconde épreuve la majorité et je prononce :
« L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Garat. »
Je demande par amendement qu'on se borne à renvoyer au Go-mité le classement des divers appareils exemplaires qu'il jugera dans sa sagesse convenir d'appliquer aux différents crimes, suivant leur atrocité.
Il est possible que plusieurs motifs aient décidé la majorité de l'Assemblée à perpétuer la peine de mort. Gomme je suis persuadé qu'un homme détruit par l'ordre de la société, massacré de sang-froid, ne peut que rendre les mœurs du peuple féroces et barbares, je demande que l'amendement de M. de Gustine, qui tend à détruire l'appareil, c'est-à-dire, la publicité, soit renvoyé auGomité.
Plusieurs membres: C'est décrété.
J'ai trop de respect pour les décrets de l'Assemblée pour revenir sur un décret; mais c'est une proposition toute nouvelle de savoir s'il est utile et à l'amélioration des mœurs et au moindre nombre de crimes, qu'il y ait un mode que le comité vous proposerait, qui assurerait la punition d'un homme condamné, qui en rendrait l'exécution publique et certaine, et qui, cependant, n'accoutumerait pas le peuple à cette atrocité, à ce spectacle abominable, qui fait plus d'assassins qu'il n'en éloigne du crime.
L'amendement de M. de Gustine que personne n'avait soutenu quand il a été proposé, qui n'a pas en conséquence été mis aux voix, vient d'être reproduit par M. de Lameth. Je demande la question préalable sur cet amendement, et voici sur quoi je me fonde.
Cet amendement a l'air de réduire en matière de crimes l'action de la loi à une vengeance. S'il n'était question que de le mettre hors d'état de nuire, certainement, Messieurs, vous n'auriez pas employé la peine de mort; vous auriez employé ia réclusion.
C'est donc uniquement pour l'exemple que vous avez voulu la peine de mort, et cet appareil peut être gradué; car alors vous atteignez, pour ainsi dire, l'égalité des supplices que la simple privation de la vie ne peut pas vous présenter.
Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. de Gustine, reproduit par M. de Lameth, et que le comité soit chargé de présenter la gradation de l'appareil.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Gustine, tendant à ce que la peine de mort soit infligée sans appareil.)
aîné. Je demande qu'on renvoie au comité l'amendement de M. Le Grand tendant à établir une gradation dans l'appareil de la peiue.
, rapporteur. Le comité adopte le principe proposé par M. Le Grand, principe qui consiste à mettre dans l'appareil certaines gradations analogues aux différents genres de crimes et proportionnées à leur intensité... Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas
d'attirer la farouche curiosité du peuple à un spectacle de cruauté qui se perpétué pendant plusieurs jours, mais simplement de vouer a l'ignominie et à l'exécration publique, pendant plusieurs jours, les gens qui ont manqué à la société.
11 me semble que vous pouvez consacrer le principe en ce moment-ci et renvoyer aux comités pour le mode de gradation de cet appareil.
11 me semble qu'il ne faut pas décréter que vous ferez souffrir une agonie à un homme condamné.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix le principe !
, rapporteur. Nom le principe que je propose :
« Sans aggraver en aucun cas les tourments, il y aura dans l'appareil du supplice des gradations analogues aux différents genres de crimes et proportionnées à leur intensité.»
(L'Assemblée consultée décrète ce principe;),
, rapporteur. Je propose maintenant le renvoi au comité pour déterminer le genre et le mode des gradations dont vous Venez de décréter le principe et pour fixer les crimes auxquels elles seront appliquées.
(Ce renvoi est décrété.)
Je demande qu'on fasse une exception pour le régicide et qu'il puisse être soumis à la peine de la mutilation.
aîné. Cet amendement n'est pas pro-posable; il serait peut-être outrageant pour la nature humaine qu'après avoir réglé cette exception pour le parricide on vînt l'admettre pour le régicide. Les jours d'un roi ne sont pas plus précieux pour un citoyen que les jours d'un père.
Plusieurs membres >A l'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Madier de Montjau.)
, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, a delibérer sur cette disposition :
« La peine de mort sera réduite à la simple privation de la vie, sans tortures. »
(Cette disposition est décrétée.)
, rapporteur. Messieurs, pour abréger la discussion du travail que nous avons l'honneur, de vous présenter, nous ne croyons pas devoir vous soumettre encore les divers articles de notre projet de décret; nous vous proposons tout d'abord de discuter et de fixer les trdis questions principales :
La première-est de savoir si, dans certains cas, une marque indélébile serait imprimée sur la personne du condamné;
La deuxième, si les condamnés seront voués à des travaux publics ou s'ils seront confinés et détenus dans des maisons particulières;
La troisième, si la peine infamante, sans être afflictive, aura ou non plusieurs degrés.
Votre comité, ayant cru qu'il, y avait bien des inconvénient^ _ à mettre: ainsi l'honneur én frac-
tions, pose cette maxime, que la peine purement infamante n'aura qu'un seul degré. Je demande à l'Assemblée de décider si elle discutera ces 3 questions.
Il me semble que M. le rapporteur a oublié une idée qui pourrait, dans beaucoup de cas, remplacer la premièré; c'est de vous proposer si vous adopterez, oui ou non, la déportation; Car, dans le cas où vous jugeriez à propos d'adopter cette peine, elle remplacera presque toujours celle de la flétrissure avec un fer chaud; et elle aurait, selon moi, ce grand avantage qu'elle pourrait être perpétuelle ou à temps, et que vous pourriez permettre aux transportés de rentrer dans la société, selon qu'ils auraient donné des marques de conversion plus ou moins sincères.
Je demande que cette question soit mise la première à l'ordre : Y aura-t-il lieu ou non à la peine de la déportation? »
, rapporteur. Cette question a fixé les regards de vôtre comité. La déportation a certainement un grand avantage, celui de mettre hors de la société des portions dangereuses de cette société; mais elle a aussi des inconvénients. Votre comité ne l'a considérée que comme une peine secèndaire-èt accessoire qu'il faut infliger, outre la peine ordinaire, à un sujet réputé Incorrigible; il l'a donc adoptée, mais en cas de récidive seulement dans un même crime.
Je ne crois pas que ce soit le moment dé traiter cette question. Puisque vous avez à traiter celle de savoir si un coupable pourra ou non être frappé d'une marque, vous devez traiter en même temps la grande question de là réhabilitation, de la_ réintégration du condamné dans l'état de citoyen. Je demande que cette question soit jointe à la première de celle proposée par le comité.
, rapporteur. Je n'ai pas présenté la question de la réhabilitation, parce que j'ai cru qu'elle ne pouvait pas-faire de difficulté.
aîné. Je demande qu'on "-s'occupe des questions posées par le comité dans l'ordre où il les a proposées, et pour ma part je soutiens que toute marque perpétuelle est un empêchement de retour à la vertu.
Pour fixer les idées de l'Assem--blée, je crois qu'il faudrait réunir dans une motion deux des idées qui vous ont été présentées, à savoir : que la réintégration pourra avoir lieu — et alors on en déterminera les cas dans le Code pénal — et qu'il n'y aura aucune marque perpétuelle.
Il me semble que l'on vous propose de décider bien rapidement une question générale, susceptible de grands développements.
En prononçant, sans autre détail dans ce mo--ment-ci, qu'aucune flétrissure perpétuelle ne sera appliquée à un criminel, vous perdriez de vue que votre intention est de . réduire la peine de mort à un très petit nombre de cas. 11 se trouve donc des crimes très graves qui ne seront punis que temporairement; et vous n'avez pas encore examiné si la justice n'exige pas que
des crimes très graves, non punis par la mort, soient cependant punis pendant toute la vie du criminel.
Ainsi donc, Messieurs, si dans ce moment-ci la discussion s'établissait sur l'exposé de la définition des crimes que vous voulez punir, nous balancerions dans nos débats si telle peine est bien adaptée à tel crime, et peut-être alors trouverions-nous qu'il y a deâ cas où une flétrissure perpétuelle doit être infligée à un tel crime.
Je m'oppose donc à cette discussion vague et générale, et je demande qu'on détermine le délit afin qu'on puisse leur appliquer des peines analogues.
Permettez-moi d'observer que le préopinant a conclu contre son propre raisonnement ; car il ne s'agit ici que d'une chose : c'est de la marque de flétrissure perpétuelle. Il n'y a personne qui ne doive convenir, même ceux qui sont d'avis de continuer la peine perpétuelle, que l'effet de la revision est entièrement perdu avec une flétrissure perpétuelle. Il faut rendre l'homme à la société avec l'état et les avantages de l'innocence, ce que vous ne pouvez pas faire si ces hommes portent une marque indélébile.
appuie l'opinion de M. Duport.
La première question que vous avez à examiner est de savoir s'il y aura des peines, ou si, dans tous les cas, les peines ne seront que temporaires, et je demande que ta première question qu'on examinera soit celle-ci : Les peines, dans tous les cas, seront-elles temporaires, ou bien pourront-elles, en certains cas, être perpétuelles?
Plusieurs membres : Aux voix l aux voix ! Fermez la discussion 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Voici la disposition que je propose :
« La réintégration dans l'état de citoyen pourra avoir lieu et aucune marque indélébile ne sera imprimée sur la personne du condamné. »
(Cette disposition est décrétée.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
Je viens de recevoir une lettre de M. le ministre des affaires étrangères, dont il va vous être donné lecture.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Ce serait une tâche difficile à remplir, et même absurde à tenter, que celle de répondre aux calomnies répandues habituellement dans une partie des nombreux journaux dont nous sommes inondés. Le parti le plus sage, et surtout le plus facile, est sans doute d'abandonner ces calomnies au mépris qui les attend, lorsque le calme, dont elles ont pour principal objet d'éloigner le retour, permettra de les apprécier à leur juste valeur.
« Mais cependant, lorsque ces calomnies sont de nature à alarmer la nation entière, lorsqu'elles tendent à élever les défiances les plus injustes j et les plus outrageantes sur les intentions de la j
famille royale; lorsqu'elles se trouvent consignées dans un journal qui, jusqu'à présent, n'était pas encore confondu avec ceux qui paraissent n'avoir d'autre but que celui d'agiter le peuple, de l'égarer et de le porter à des excès ; lors, dis-je, que toutes ces circonstances se trouvent réunies, ils est de mon devoir, comme fonctionnaire public et comme ministre du roi, de démentir avec la plus grande publicité ce que la malveillance invente et répand, et ce que la défiance n'est que trop portée, dans les circonstances actuelies, à accueillir.
« Je crois donc devoir mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale un
article inséré dans le numéro 151 du Moniteur, sous le titre d'Allemagne
(1). L'auteur suppose que deux contre-lettres ont été envoyées, en même
temps que les instructions du roi, dans les cours étrangères; il prétend
que son correspondant de Francfort a les copies fidèles des
contre-lettres; et ne craignant pas de prêter à Sa Majesté le projet
d'évasion le plus absurde, il affirme que ces détails partent des
Tuileries; qu'ils sont portés dans une cour d'Allemagne par des lettres
confidentielles, et que ce même correspondant de Francfort a vu deux
fois les lettres originales. La précaution que prend l'auteur de garder
l'anonyme et de cacher le nom de son correspondant porte assez le
caractère de la calomnie ; mais cette réflexion, toute simple qu'elle
est, ne suffit peut-être pas dans ce moment.
« Quant aux contre-lettres qui paraîtraient me regarder personnellement, si j'étais nommé dans le Moniteur (et il dépend de son auteur de me nommer), j'en traduirais sur-le-cliam|j l'imprimeur devant les tribunaux : l'auteur de l'article serait forcé de se faire connaître; et je croirais donner une preuve de mon respect pour la liberté de la presse, en sollicitant contre lui les peines de la calomnie. Il est temps de regarder comme des ennemis publics ceux qui, ne cessant de tromper le peuple pour l'agiter, font naître au milieu de nous des périls réels, en en présentant sans cesse de chimériques.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président, votre, etc.
« Signé : montmorin. »
« P.-S. — Je viens dans l'instant, Monsieur le Président, de mettre cette lettre sous les yeux de Sa Majesté; et non seulement elle m'a permis, mais elle m'a ordonné d'avoir l'houneur de vous l'envoyer, et de vous prier d'en donner connaissance à l'Assemblée nationale. » (,Applaudissements.)
A droite : Le Moniteur a obtenu une tribune dans cette salle pour assister aux séances. Qu'on ie chasse 1
Plusieurs membres demandent l'impression de la lettre de M. de Montmorin.
J'en demande l'insertion au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'insertion au procès-verbal de la lettre de M. de Montmorin.)
Je demande qu'il soit ordonné à l'accusateur public de poursuivre l'imprimeur du Moniteur, sauf à lui à faire connaître l'auteur de l'article indiqué dans la lettre de M. de Montmorin. (.Murmures et applaudissements.)
A droite: La motion est appuyéeI
A gauche : L'ordre du jourl
J'ai fait une motion, elle est appuyée. Je demande qu'on la mette aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour sur la motion de M. Loys.)
Puisque l'Assemblée a décidé qu'elle ne passerait pas à l'ordre du jour sur la proposition qui a été faite, il faut donc la discuter. La proposition consiste à décider que l'Assemblée nationale dénoncent l'accusateur public.....
A droite : Non ! non I
Que l'auteur de la motioi! la déduise alors!
Je demande que l'Assemblée nationale ordonne à l'accusateur public de rendre plainte contre l'imprimeur de la feuille du Moniteur, sauf à l'imprimeur à nommer celui qui lui a remis l'article*
A gauche s Cela ne nous regarde pas.
Sur l'opinion que vous avez conçue de la proposition déduite par son auteur, convient-il que l'Assemblée nationale descende dans l'arène avec un journaliste? (Murmures et applaudissements.) Est-il de la dignité de l'Assemblée à dénoncer ce journaliste à l'accusateur public, et de prendre fait et cause? Pourquoi? S'agit-il d'une chose d'intérêt général?... (i droite : Ouil ouil) S'agit-il d'une chose qui compromette la sûreté de l'Empire?... (A droite : Ouil ouil)
Messieurs, j'ai trop bonne opinion de la manière de penser de ceux qui m'écoutent pour m'imagi-ner qu'ils puissent croire que le salut public dé» pende de la liberté ou de l'insolence avec laquelle Un folliculaire publie les nouvëlles qu'il recueille. Puisqu'il n'y a dans l'article rien qui intéresse la sûreté générale, ni même qui compromette i'in* térêt particulier, puisqu'il u'y a dans cet article que des déclamations vagues dix fois plus que détruites par la réclamation du ministre et par l'accueil que vous avez fait à sa lettre, je ne vois pas pourquoi l'Assemblée différerait de passer £ l'ordre du jour. (Applaudissements,)
Il n'est pas question de folliculaire, il n'est pas même question de M- de Montmorin, mais du roi. Le roi lui-même est accusé, et le Corps législatif ne peut pas voir avec indifférence le cnef de la nation accusé dans une feuille par des faits vrais ou faux. Je demande donc que l'accusateur public poursuive l'imprimeur dè cette feuille pour savoir de qui il tient cet article.
Je demande que l'on renvoie en même temps à l'accusateur public la lettre de M, l'abbé Raynal.
On vous propose ici de violer vos propres décrets sur l'ordre judiciaire. En effet, examinons ce que nous avons à faire ici dans la question présente. Nous recevons une information de la part du ministre, à laquelle il a cru donner de l'authenticité, en en faisant part à l'Assemblée nationale. Quand la lettre qui la contient a été lue, son objet est rempli. Qu'est-ce que nous pouvons taire ici? Sommes-nous faits pour dénoncer à l'accusateur public..... (A droite. Oui! oui I) Sommes-nous faits pour dénoncer à l'accusateur public les faits qui sont consignés dans la lettre de M. de Montmorin ?
Je ne le crois pas, car ce serait se méprendre bien étrangement sur la force des mots, que d'ordonner à l'accusateur public une poursuite criminelle, ou dénoncer un fait : ce ne serait pas la même chose; car l'ordre que vous donnez de poursuivre est le commencement de la procédure, et il ne peut s'établir que sur les faits que vous lui aurez dénoncés. Je demande s'il est possible à l'Assemblée, sans la plus violente injustice, de mettre dans la balance de la justice criminelle son opinion sur un seul individu, et d'ordonner aux tribunaux de poursuivre cet individu avec l'opinion déjà énoncée du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Quand vous avez décrété les cas dans lesquels le Corps législatif pouvait se porter dénonciateur, je proposai que. dans les circonstances données, un individu pût être dénoncé par l'Assemblée nationale, et M, Loys lui-même a demandé l'ajournement......
Il s'agit ici d'un crime de haute trahison.
Vous avez toujours pensé qu'une poursuite criminelle ne peut avoir lieu que pour un crime méritant peine afflictive et infamante. Pouvez-vous ordonner une poursuite criminelle en ce moment, èt le délit dont il est question est-il de nature à encourir peine afflictive et: infamante? (4 droite: Oui l oui j ) Je demande si çe n'est pas d'ailleurs faire une injustice flue de mettre dans la balance l'opinion de i'Assemblée sur un simple individu, en ordonnant de poursuivre avec l'opinion connue du gouvernement.
Je demande pour l'honneur de rassemblée que son Président soit chargé de se retirer par devers le roi pour lui Ïiorter l'arrêté par léquel l'Assemblée a consigné a lettre de M. de Montmbrin dans son procès-verbal.
Je demande la question préalable sur toutes les propositions. Si lorsqu'un ministre se plaint d'une injure qu'il a reçUe d'un écrivain... (A droite : C'est le roi! c'est le roi!), soit que ce ministre parlât en son nom, soit qu'il se couvrît du nom plus respecté du roi, si dans ce moment, dis-je, il sortait du Corps législatif un décret qui chargeât le Corps législatif lui-même de la vengeance de ce ministre, par lequel l'Assemblée législative se. chargeât -d'armer ellé-mème le pouvoir judiciaire contre l'individu qui serait accusé devant elle, lé Corps législatif serait le plus terrible fléau de la liberté individuelle. -
Je réclame, moi, devant l'Assemblée nationale, les premiers principes de la justice, et je demande à l'Assemblée si, de quelque part que vienne une dénonciation, Soit" d'un ministre, soit d'un autre dénonciateur, elle peut adopter cette dénonciation, la dénoncer elle-même à son tour aux tribunaux, sans juger elle-même si cette dénonciation est vraie ou fausse.
Or, ici, quelles preuves avez-vous contre l'assertion de récrivain? L'assertion de M. de Mont-morin, et rien de plus.1 Est-ce ici qu'on peut accueillir un système qui tendrait à défendre aux citoyens de révéler des faits importants au salut publièifi (Applaudissements*) Il serait dangereux de dire aux citoyens que celui qui attaquera un; ministre se. trouvera entre la poursuite ministérielle et celle de l'Assemblée.nationale ;il se présente ici une question d'un plus grand intérêt. Àvez-vous fixé le degré clés opinions à l'égard des hommes en place? Savez-vous 6i vous n'adopterez pas la différence à faire entre les hommes en place et les simples particuliers?, Pouveiz-Vous oublier, que l'opinion des hommes qui, ont le pillé d'idéès sur la liberté de la presse est que cette liberté doit être illimitée quand il s'agit des hommés publies, et que l'action en calomnie soit interdite aux hommes en place? (Murmures.)
Je demande donc la question préalable sur toutes les propositions avec d'autant plus de raison qu'il serait du plus dangereux exemple que l'on pû.t faire, avec quelque espérance de succès, des motions aussi serviles que celle sur laquelle vous avez à délibérer. (Applaudissements.)
Le preopinant s'est trompe sur un fait. Il ne s'agit pas ici d'une réparation à, faire au ministre, il
est question d'une insulte grave faite au chef du pouvoir exécutif; et la probité du roi est absolument intéressée à ce que la fausseté de cette lettre soit absolument démontrée. Le roi serait le plus fourbe des hommes si, après tout ce qu'il à dit, il eût nourri un projet aussi coupable que celui qu'on vous a dénoncé.
Plusieurs membres à droite : Aux voix! aux voix!
Je n'appuie cependant pas pour cela la motion de M. Loys ; mais je dis que la dénonciation formelle qu'en a fait M. ae Montmorin, est certainement une attaqué, une inculpation Suffisante pour que l'écrivain du Moniteur y réponde; Si le Moniteur,après le défi de M. de Montmorin, ne le nomme pas, si des preuves ne sont pas données, il passera aux yeux du public pour un calomniateur. (Applaudissements.)
Oui, mais le calomniateur ne sera pas puni.
Plusieurs mmèm. Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
lève la séance à 3 heures.
Séance du er
juin 1791
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, fait lecture des adresses suivantes :
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Neufbrisach, qui fait éclater ses sentiments de patriotisme, et supplie l'Assemblée'de placer dans cette ville un des nouveaux corps administratifs.
Adresse de la société dès amis de la Constitution, établie à la dotât, qui présente à l'Assemblée j nationale le tribut dé son admiration et de son i dévouement.
Adresse des administrateurs composant le direc-\ toire du département de la Charente-Inférieure, contenant deux exemplaires imprimés d'un pro-jjetludans le Conseil général d'administration, Isur l'établissement d'un prix annuel d'agriculture dans chacun des districts du département, i Ils supplient l'Assemblée de vouloir bien autoriser I cét .établissement.
Adresse des'administrateurs composant le directoire du département de la Gironde, qili annoncent que l'embargo, qu'ils avaient mis momen-; tafiément sur les navires du Commerce, à été levé. Les négociants, ont voté une adresse qu'ils envoient aux colons et aux négociants de nos îles. iPlus de 800 jeunes gens se sout déjà fait inscrire pour se rendre dans les colonies.
Adresse des officiers municipaux de Perpignan, contenant le procès-verbal
de la réception honb-
Adresse des officiers municipaux de Saint-Denis-en-Val, département du Loiret, d'Honnecourt, département du Nord, .de Sousmoulins, département de la Charente-Inférieure, et des -amis de la Constitution, séant aux Jacobins à Béziers, qui instruisent l'Assemblée des honneurs funèbres qu'ils ont rendus à Mirabeau. .
Adresse dés membres de la société des amis de la Constitution, et des fabricants, négociants et autres citoyens de la ville de 3 Lille\ département du Nord, qui exposent la détresse extrême de cette ville par la pénurie du numéraire; ils dénoncent une lettre du ministre de l'intérieur, par laquelle, au mépris de l'ordonnance de 1691, qui n'a pas encore été abrogée; non seulement on tolère, mais encore on autorise la sortie du numéraire. Ils supplient instamment l'Assemblée de décréter au plus tôt la prohibition absolue de la sortie du numéraire.
Adresse de MM. Charmot. Ils prient l'Assemblée, au nom de 17 communes, d'ordonner que les directoires des départements répondront, dans le mois, aux mémoires qui leur seron t'présen tés.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.) - T M& -
Adresse de MM. Rousseau, Franchaut, Arnout, GuillOt et autres, formant la société des amis de la Constitution de la ville de Lorient-, ils "demandent qu'il soit ouvert un registre où tous les citoyens qui voudront porter en personne, aux colonies, les secours nécessaires à leur tranquillité, puissent S'inscrire, ainsi que ceux qui désireraient, par leur moyen pécuniaire, contribuer à la dépense.
(Cette adresse est renvoyée au comité colonial.)
fait donner lecture d'une lettre du directoire du district de Confolens ; elle porte que les .deux frères Sardins, ayant excédé un aubergiste de Chabanais, furent mandés par la municipalité et refusèrent de se-rendre, ce qui engagea le procureur d'office et le commandant de la garde nationale d'aller devers eux avec une compagnie d'hommes armés; que les deux frères tirèrent des coups de fusil, tant sur le procureur du roi que sur le commandant de la garde nationale qui, se voyant ainsi provoquée, à son tour, fit feu, et tua les deux frères; que depuis la tranquillité est rétablie dans l'endroit.
jfait donner lecture d'une lettre du directoire du département du Morbihan, qui se joint à M. Masle, son évêque, pour obtenir l'élargissement" des laboureurs détenus dans les prisons de Vannes, depuis le 13 février dernier, et la cassation de toute procédure relativement à eux.
(Cette lettre, ainsi que la demande de l'évêque, sont renvoyées au comité de judicature.)
annonce l'hommage que font à l'Assemblée : 1° M. Joutielton, d'un travail sur la réforme de la médecine; 2° M. Carré, d'un mémoire dont l'objet est de rechercher les causes du dépérissement du commerce et des manufactures, et de supprimer la mendicité en offrant, à la classe pauvre des moyens dé subsister, par la fabrication des matières premières, telles que le lin, le chanvre, la laine et là soie,
(L'Assemblée renvoie le premier mémoire à son
comité de salubrité, et le second à celui d'agriculture et de commerce.)
fait donner; lecture d'une lettre de M. François de Neufchâteau, ainsi conçue r
« Monsieur le Président,
« Un citoyen que ses malheurs et sa faible santé condamnent à la solitude, ne pouvant suivre que de loin le spectacle des grands travaux de l'Assemblée nationale, a cru ne pouvoir mieux employer ses lectures, qu'en essayant de rapprocher la Constitution française des maximes les plus célèbres des sages de l'antiquité; Cette idée a produit l'ouvrage que j'ai l'honneur d'offrir à cette Diète auguste, et qui porte pour titre : « L'origine ancienne dès principes modernes, ? J'ose supplier l'Assemblée d'en agréer les 600 exemplaires qui lui seront remis de ma part par son imprimeur. Ce n'est qu'une faible partie de mes recherches sur ce point. J'ai choisi les citations, au lieu: de - les multiplier. Ce n'est pas sans surprise et sans plaisir, peut-être, que l'Assemblée nationale va reconnaître ses pensées et retrouver, en quelque sorte, l'esprit de ses décrets, dans l'esprit et dans les pensées des Xénophon, des Aristote, des Platon, des Polybe, des Cicéron, des Tite-Live, etc. Je n'ai gâté ce parallèle par aucune idée étrangère. J'ai recueilli les textes, j'ai traduit les passages ; c'est tout ce qu'il fallait pour, ouvrir un champ vaste à la réflexion. Je serais payé de ma peine si l'Assemblée nationale daignait agréer mon hommage, et m'encourageait à finir le tableau dont je ne lui présente aujourd'hui que l'ébauche.
« Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : François de Neufchateau, ancien procureur général du roi au conseil souverain du Cap, dénuté suppléant à l'Assemblée^ nationale, administrateur du département des Vosges, juge dé paix de Vicnerai.
« A Vicherai, district de Neufchâteau, département des Vosges, le 20 mai 1791. »
, Messieurs, l'ouvrage de M. de Neufchâteau nous a été distribué ce matin ; il est on ne peut plus patriotique; je demande qu'il en soit fait mention honorable dans le procès-verbal.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera fait mention honorable de l'ouvrage de M. de Neufchâteau et que sa lettre sera insérée dans le procès-verbal.)
M. Rossignol, soldat citoyén de Paris et ancien directeur du doublage des vaisseaux, est introduit à la barre. Il y fait hommage du moyen de garantir les panons de fusils, les armes bianches, les ouvrages en fer, cuivre et nouveau fer-blanc, de toute atteinte de rouille, ainsi que d'une nouvelle vaisselle.
(L'Assemblée accorde. au sieur Rossignol les honneurs de la séance, et renvoie l'examen de sa découverte au comité militaire.)
Un membre expose que de 6 commissaires nommés pour veiller à la fabrication des assignats de 5 livres, 5 se trouvent, par leurs occupations ou leur santé, dans l'impossibilité d'accepter la commission;'il propose que l'Assemblée nomme, samedi prochain, 5 [nouveaux commissaires.
(Cette motion est décrétée.)
Un membre observe que, le 4 janvier dernier, M. Mangios a fait hommage à l'Assemblée d'un plan d'hypothèques qu'elle a renvoyé à ses comi-tés'de commerce, de judicature et des impositions ; il demande que ces comités soient tenus de faire incessamment leur rapport qui est d'ailleurs prêt et, à cet effet, de se rassembler pour entendre le rapporteur nommé par le comité d'agriculture et de commerce.
(Cette motion est décrétée.)
, au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret sur la circonscription des paroisses ae plusieurs villes et bourgs de divers départements.
Après quelques débats, le projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants :
a L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique :
« 1° De l'arrêté général du directoire du département de la Seine-Inférieure du 18 mai dernier, sur les délibérations respective? des directoires des districts de Montivilliers, de Cany, de Dieppe, de Neufehàtel et de Gournav, concernant la circonscription des paroisses de plusieurs villes et bourgs de ces districts et de l'avis donné par l'é-vêque de ce département à la Suite de chacune de ces délibérations;
« 2° De l'arrêté du directoire du département de la Manche, du 4 mars dernier, sur tes délibérations du directoire du district de Carentan, et du conseil général de la commune de Lessey, des 8 février et 7 janvier précédents, concernant la circonscription de la paroisse du bourg de Lessev, et la translation de son église paroissiale, et de l'avis de l'évêquedu département, donné le 14 du mois de mai dernier ;
« 3° De l'arrêté du directoire du département de la Haute-Vienne, du 28 avril dernier, sur les délibérations du directoire du district de Limoges, des 9,12, 20 et 21 du même mois, concernant la circonscription des paroisses de Limoges; et de l'avis de Léonard Gay de Vernon, évêque de ce département, du 21 dudit mois ;
4° De l'arrêté du directoire du département de la Haute-Marne^ du 17 mai dernier, sur les délibérations du directoire du district et du conseil général de la commune de Langres, des 13 et 18 du même mois, concernant la circonscription des paroisses de la ville de Langres, et de l'avis de l'évêque de ce département, du 13 dudit mois ;
« 5° De l'arrêté du directoire du département du Pas-de-Calais, du 7 mai dernier, sur les délibérations du district de Saint-Omer, du 3 du même mois, et de la municipalité d'Aire, du 7 février précédent, concernant la circonscription des paroisses de la ville d'Aire, et de l'avis donné [>ar Pierre-J. Porion, évêque de ce département, e 3 du mois de mai ;
6° De l'arrêté du directoire du département de Puy-de-Dôme, du 4 mai dernier, sur la délibération du directoire du district de Clermont-Fer-rand, du 6 février précédent, concernant la circonscription des paroisses de ce district, et de l'avis de Jean-François Périer, évêque de ce département;
7° De l'arrêté du directoire du même département de Puy-de-Dôme, du 16 mai dernier, sur la délibération du directoire du district de Riom, du il du même mois, concernant la circonscription des paroisses de cette ville, et de l'avis
donné le même jour par Pierre-Claude Tailhand, curé à Riom, fondé au pouvoir spécial de Jean-François Périer, évêque de ce département;
8° De l'arrêté du directoire du même département, du 14 mai dernier, sur les délibérations du directoire du district, et de la municipalité de Saint-Mihiel, des 26 avril et 28 mars précédents, concernant la circonscription de la paroisse de Saint-Mihiel, et la translation de son église paroissiale, et de l'avis donné le 2 dudit mois de mai, par Jean-Baptiste Aubry, évêque du département de la Meuse;
9° De l'arrêté de ce même département, du 6 mai dernier, sur les délibérations du directoire du district de Clermont, et du conseil général de la commune de Montfaucon, du 15 avril précédent, concernant la translation de l'église paroissiale du bourg de Montfaucon, et de l'avis de l'évôque de ce département, donné à la suite de l'arrêté susdaté;
« 10° De l'arrêté du directoire du département de l'Eure, du 27 avril dernier^ sur la délibération du directoire du district ae Pont-Au-demer, du 16 mars précédent, et de l'avis de l'êvêque de ce département, du 27 avril.
Décrète :
Art. 1er.
Département de la Seine-Inférieure, district de Montivilliers. Ville de Montivilliers.
«Les 3 paroisses de Montivilliers seront réunies en une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Sauveur. Les églises des deux paroisses de Sainte-Croix et de Saint-Germain, supprimées, seront conservées comme oratoires.
Art. 2.
Ville du Havre.
« Les 2 paroisses de Notre-Dame et de Saint-François ae la ville du Havre sont conservées. Celle de Notre-Dame comprendra toute la partie de l'ancienne et de la nouvelle ville à l'ouest, au dedans et hors des murs, depuis l'ancien bassin jusqu'à la mer; celle de Saint-François comprendra toute la partie de l'ancienne et de la nouvelle ville à l'est, depuis la ligne de démarcation ci-dessus tracée jusqu'au rempart.
Art. 3.
Bourg d'Ingouvllle.
L'église des pénitents du boUrg d'Ingouville est érigée en église paroissiale, sous l'invocation du patron de la ci-devant succursale de ce bourg, laquelle demeure supprimée, et dont le territoire formera celui de la nouvelle paroisse.
Art. 4.
Ville de Fécamp.
« 11 n'y aura, pour la ville de Fécamp, que deux paroisses; savoir: celle de Saint-Etienne et celle de la Trinité; cette dernière sera desservie, sous ce nom, dans l'église du ci-devant monastère des bénédictins de cette ville.
Art. 5.
District de Cany, bourg de Veulles.
« Les deux paroisses du bourg de "Veulles seront réunies en une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Martin.
Art. 6.
Bourg de Çanville.
« Il n'y aura, pour le bourg de Ganville, qu'une seule paroisse qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Martin. Celle de Notre-Dame est supprimée.
Art. 7.
District de Dieppe. Villô de Dieppe.
« Il y aura, pour la ville de Dieppe, deux paroisses, qui seront desservies sous les noms et dans les églises de Saint-Jacques et de Saint-Rémi.
« L'église de Notre-Dame-des-Grèves, ci-devant dépendante de la paroisse de Neuville, sera conservée comme oratoire de ladite paroisse de Saint-Jacques.
« L'église ci-devant paroissiale de Boutoilles sera conservée comme succursale, pour former, avec son ancien territoire, une dépendance de la paroisse de Saint-Rémi.
Art. 8.
Ville d'Eu.
« Il y aura, pour la ville d'Eu, et pour les campagnes environnantes, une seule paroisse qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Notre-Dame. Les paroisses de Saint-Jean, de Saint-Jacques, delà Trinité, d'Etalondes, de Saint-Pierre, de Harancourt et de Petit-Marais, sont supprimées. Les églises de Saint-Pierre-en-Val et Pons, et d'Etalondes, seront conservées comme oratoires de la paroisse de Notre-Dame.
Art. 9.
Ville de TrépDrt.
« La paroisse de la ville de Tréport réunira à. son territoire celui de la paroisse de Floques, dont l'église sera conservée comme oratoire.
Art. 10.
Bourg d'Arqués.
« Les paroisses d'Archelles, de Martigny et de Sairit-Denis-Rouxménil, sont réunies à celle du bourg d'Arqués, qui sera desservie dans l'église paroissiale de ce bourg.
Art. 11.
Bourg de Criel.
« Les paroisses de Tocqueville et de Touffre-ville seront réunies à celle du bourg de Criel, qui sera desservie dans l'église paroissiale de ce bourg.
Art.12.
bourg d'Envermen.
« Les paroisses d'Auberville-sur-Eaune, de Saint-Laurent-d'Envermen, de Saint-Ouen-sous-Bailly, et Gouchaupré, sont réunies à celle du bourg d'Envermen, pour ne former, à l'avenir, qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans l'église principale de ce bourg.
Art. 13.
Bourg d'Auffray.
« La paroisse d'Auffray sera conservée. Les hameaux de Saint-Quentin, Sainte-Catherine et la Petite-Motte seront ajoutés à son territoire.
Art. 14.
Bourg de Tostes.
« La paroisse de Saint-Vaast-du-Val sera réunie à celle du bourg de Tostes, et son église sera conservée comme oratoire.
Art. 15.
Bourg de Longueville.
« Les paroisses de Vaudreville, Saint-Crespin, Griquetot et Crépeville seront réunies à celle du bourg.de Longueville, et ne formeront qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans 1 église principale de ce bourg.
Art. 16.
Bourg de Bacqueville.
« La paroisse de Lamberville sera réunie à celle du bourg de Bacqueville. L'église, nouvellement bâtie au hameau de Pierreville, sera conservée comme oratoire (ou succursale) de la nouvelle paroisse.
Art. 17.
Bourg d'Un.
« Les hameaux de Blanque et dé Saint-Jean seront réunis au territoire de la paroisse du bourg d'Un.
Art. 18.
District de Neufchâtel, Ville de Neufchâtel.
« Il y aura, pour la ville de Neufchâtel, une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église paroissiale de Notre-Dame, et qui sera formée des paroisses de Saint-Pierre, de Saint-Jacques, de Notre-Dame et de Saint-Vin-cent-de-Nogent. L'église de Saint-Vincent sera conservée comme oratoire.
Art. 19.
District de Gournay. Bourg de Vieux-Manoir.
« Les paroisses de Saint-Aubin-sur-Cailly et de Vieux-Manoir sont réunies, pour ne former qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans l église principale du Vieux-Manoir,
Art. 20,
« Toutes les nouvelles paroisses du département de la Seine-Inférieure, désignées dans les articles précédents, seront limitées ainsi qu'il est expliqué d aï) S "l'avis particulier de chacun des directoires de district, sauf les différences qui auront été réglées par l'arrêté susdaté dé ce département.
Art. 21.
Département de la Manche. Bourg de Lessey.
« Il y aura, pour le bourg de Lessey, une seule paroisse qui sera desservie sous le nom et dans l'église de la çi-devant abbaye de Sainte-Opportune. L'église ci-devant paroissiale, ainsi que les deux succursales qui en dépendaient, sont supprimées.
Art. 22.
Département de la Hautë-Vienne. Ville de Limoges.
« Il y aura, pour la ville de Limoges, quatre paroisses; savoir ; la paroisse cathédrale, qui sera desservie sous l'invocation et dans l'église de Saint-Etienne, et les paroisses de Saint-Pierre, de Saint-Michel et de Saint-Thomas-d'Aquin. Ces paroisses seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué-dans la délibération du directoire du district de Limoges, du 9 avril dernier.
Art. 23.
Département de la Haute-Marne. Ville dé Ldngres.
« Il y aura, pour la ville de Langres, 2 paroisses : celle de Saint-Mammès, qui sera la paroisse cathédrale, et celle de Saint-Martin. Elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans la délibération susdatée du directoire du district de Langres. Les paroisses de Saint-Pierre èt de Saint-Amatre sont supprimées. L'église de Brevoine sera conservée comme oratoire.
Art. 24.
Département du Pas-de-Calais. Ville d'Aire.
« Il n'y aura, pour la ville d'Aire intra muros, qu'une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Pierre. Lé fort de Saint-François dépendra de cette paroisse. Celle de Notre-Dame est supprimée.
Art. 25.
Département du Puy-de-Dôme. District de Clermont.
« L'église du ci-devant monastère des minimes de la ville de Clermont sera conservée comme Oratoire de la paroisse cathédrale. Les paroisses du district de Clermont, hors la ville, chef-lieu dè ce district, seront au nombre de 54 dont suit l'état :
« Paroisses de :
v Allaignat.
« Aubière, à laquelle sera réuni Pérignat-les-Sarliève. Il f aura à Pérignat un oratoire.
« Aulnat.
« Authezat. dont est distrait le territoire de
Corent-la-Sauvetat, qui continuera d'en faire partie, aura une succursale.
« Beau mont.
« Blanzat, qui comprendra Serre et les Mauvaises.
« Bourg-Lasticq, à laquelle sera réunie la paroisse de Saint-Sulpice, distraction faite des hameaux dè Lasticq, Méauzat et Granges.
« Briffon, à laquelle sera réunie la paroisse dé Tortebesse, qui formera une succursale, i.« Cebasal.
«. Ceyrot.
« Chamalières, qui joindra à son territoire celui du hameau de Villars.
« Chanonat, à laquelle sera réunie la paroisse de Jussat.
« Cournon, dont les deux paroisses sont réunies sous le nom et dans l'église de Saint-Martin.
« Crest (le).
« Geille, à laquelle sera réunie la paroisse de Saint-Jean-lès-Monges, distraction faite des hameaux réunis à la paroisse de Heum-l'Eglise. Il y aura à Saint-Jean-lès-Monges une succursale.
« Gersat.
« Herment, qui comprendra, outre son territoire, les hameaux de Lasticq, Méauzat et Granges, distraits de Saint-Sulpice ; et le hameau de Laveix, les domaines de la Conche, Barberolles et Ville-Vault, distraits de la paroissç de Verneugeol.
« Heum-l'Eglise, au territoire de laquelle seront réunis ceux du hameau de Bourgeade, du domaine de Bareix, du Moulin-lès-Bois, et des prairies de Banson, distraits des paroisses de Geille et de Briffon.
Lempdes.
« Lussat, qui conservera son territoire actuel, excepté le hameau dè Lignât.
« Malentrat.
« Martres-d'Artières (les), qui comprendra le territoire de Cormètle, et celui du hameau de Lignât, distrait de Lussat.
« Martres-de-Veyres' (les), qui réunira à son territoire celui de Corent, distrait d'Authezat.
« Mezaye.
« Messeix, à laquelle sera réunie la paroisse de Savennes, qui formera une succursale.
« Monton, qui aura pour succursale l'église de Talende-Majeure, avec son territoire.
Muràt-le-Quaïré.
« Nabouzat, qui comprendra dans son territoire celui du village d'Olmon, lequel est distrait de Saint-Bonnet.
« Nohanent qui comprendra, outre son ancien territoire, les hameaux de Chanat, la Moutaire, Largnat, Làsgoutas et l'Etang.
« Olby.
« Olloix.
« Omme.
« Orcet, qui comprendra le Cendre. Il y aura au Gendre un oratoire.
« Orcines.
« Orcival, à laquelle sera réunie celle de Saint-Bonnet* dont l'église sera conservée comme succursale.
« Planzat.
« Pont-du-Ghâteau, dont les deux paroisses seront réunies sous l'invocation et dans l'église dé Saint-Martin.
« Prondines, qui comprendra, outre son ancien territoire, celui du lien de Peyrol. Il y aura à Peyrol une succursale.
« Queuille (la), à laquelle est réunie la paroisse de Perpezat, en ce qui n'est pas réuni à Rochefort. Il y aura une succursale à Perpezat,
« Roche-Blanche (la), qui comprendra Mor-dogne.
« Rochefort, oui comprendra le territoire de Saint-Martin-de-Tours, dont l'église sera conservée comme succursale, et ceux des villages de Bouchetel, Ourseyra, l i Gratade, le Cros, le domaine dé Bomparentet le moulin de Chezverdier, distrait de la paroisse de Perpezat.
« Romanibac.
« Royat.
« Sauvagnat.
« Saint-Amant, à laquelle sera réunie la paroisse de Talende-Mineure.
« Saini-Barthélemy-d'Aydat, à laquelle seront réunies les paroisses de Montredon et de Saint-Julien-d'Aydat, qui seront conservées comme succursales.
« Saint-Genest-Champanelle, à laquelle seront réunis la paroisse de Laschamp, et les hameaux de Tedx, de Nadeillat et de Fontfrède. Il y aura à Laschamp un oratoire. .
« Saint-Julien, près Hermenfc, qui comprendra, dans son territoire, celui, du hameau de Pierre-Fite-Basse.
« Saint-Pierre-Roche,
« Saint-Sandoux.
« SaintrSatumin.
« Ver net, à laquelle sera réunie la paroisse de Sauzet-le-Froid, dont l'église sera couservée comme succursale.
« Verneugeol, qui n'éprouvera d'autre changement quë la di.-traction faite d'une partie de son territoire, en faveur d'Herment.
« Vernines; il y aura, pour le territoire d'Au-rières, en ladite paroisse de Vernines, une succursale.
Art. 26.
Ville de Riom.
« Il y aura, pour la ville de Riom, deux paroisses, l'une sous le nom et dans l'église de Saint-Amable, l'autre sous le nom et dans l'église de Notre-Dame : elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans la délibération susdatée du directoire du district de Riom; les paroisses de Menestrol, de Saint-Jean et de Pessat-Villettesont supprimées. L'église du ci-devant monastère des cordeliers de la ville de Riom sera conservée comme oratoire de la paroisse de Notre-Dame.
Art. 27.
Département de la Meuse. Ville de Verdun.
« Il y aura, pour la ville de Verdun et ses faubourgs, 2 paroisses, savoir : la paroisse cathédrale et celle de Saint-Sauveur. '
« La chapelle de Saint-Barthélemy sera conservée dans son ancien état de succursale, et av c son ancien territoire hors des murs ; elle dépendra de la cathédrale.
« L'église des ci-devant minimes sera formée en succursale pour le faubourg du Pavé, dépendant de la paroisse Saint-Sauveur.
« Les églises de Belleviile et de Haudainville seront conservées comme succursales de ladite paroisse.
« L'église des ci-devant augustins sera conser-véè comme oratoire de la paroisse cathédrale.
« Les paroisses de Saint-Médard, deSaint-Pferre-d'Angély, dé Saint-Amand, de Saint-Aury, de Saint-Pierre-le-Chairy, de Saint-Victor et d'Hau-dainville sont supprimées.
« Les nouvelles paroisses seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté susdaté du directoire du département de la Meuse.
Art. 28.
Ville de Saint-Mihiel]
« La ville de Saint-Mihiel aura 2 paroisses desservies à l'avenir, l'une dans l'église du ci-devant monastère des bénédictins, pour la partie de cette ville appelée la Halle, ses faubourgs et les hameaux de Chauvoncourt et Menonville ; et l'autre dans l'église de Saint-Etienne, pour la partie de Saint-Mihiel, appelée le Bourg, et pour les faubourgs contigus.
Art. 29
Bourg de Montfaueon.
« L'église paroissiale du bourg de Montfaueon sera transférée dans l'église ci-devant collégiale dudit lieu.
Art. 30.
Département de VEure. Ville de Pont-Audemer.
« Il n'y aura, pour la ville et les faubourgs de Pont-Audeftier, qu'une seule paroisse, qui sera desservie sous le nom et dans l'église de Saint-Ouen. Elle comprendra le territoire des paroisses supprimées de Notre-Dame-du-Pré, de Saint-Aignan et de Saint-Germain, sauf les portions de cette dernière, qui en seront distraites, pour être réunies aux paroisses des campagnes voisines. L'église de Saint-Germain sera conservée comme oratoire.
Art. 31.
« Il sera'envoyé les dimanches et fêtes, dans chacun des oratoires mentionnés au présent décret, par les curés respectifs, un de leurs vicaires pour y célébrer la messe, et y faire les instructions spirituelles sans pouvoir y exercer les fonctions Curiales. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les baux à convenant et domaines congéables (1).
, rapporteur, fait lecture de l'article 2 du projet de décret des comités, ainsi conçu :
« Aucun propriétaire foncier ne pourra, sous prétexte des usements dans l'étendue desquels les fonds sont situés, ni même sous prétexte d'aucune stipulation, insérée au bail à convenant ou dans la baillée, exiger du domanier les droits et prérogatives ci-après exprimés, et déjà supprimés expressément ou implicitement, comme dérivant de la féoda ité et de la justice; savoir : ,Ie droit de suite à sa ci-devant justice ou juridiction; celui de suitô à son moulin; l'obligation par le domanier de faire la recette du rôle de ses cens et rentes, et le droit de déshérence ou échute.
Je propose une disposition additionnelle qui doit être placée dans cet
article et qu'il est essentiel de décréter ; c'est que la loi ne
reconnaîtra point de concession à çonve-
M. Lanjuinais a présenté son amendement sur une idée trop générale. On pourrait adoptpr cette disposition additionnelle si on la restreignait ainsi :
« La présomption du domaine congéable n'aura pas lieu par suite et en conséquence de l'ancienne distinction de la qualité noble ou roturière du possesseur. »
J'adopte cette rédaction.
Personne ne s'attendait à cet article. Je crois qu'il serait sage de le renvoyer, sans rien préjuger pour ou contre, aux comités qui y entendent mieux que nous.
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'amendement de M. Lanjuinais aux comités.)
Il est telle condition que l'on regarde comme féodale et qui ne l'est point, à laquelle plusieurs ontpu donner naissance, et qui se perd dans la nuit des temps comme la suite du moulin; et je ne conçois pas d'après cela comment il est possible d'en proposer la destruction surdes allégations vagues. Vous gêneriez les conventions qui existent dans toutes les parties du royaume; car moi, possesseur en Dauphiné, je puis y avoir passé un bail à convenant et me trouver dans le cas de la loi qu'on vous propose... (Interruption.)
Un membre : Concluez donc!
Il est inconcevable qu'on soit interrompu quand on défend des propriétés. Le Corps législatif peut bien prononcer que les conventions, de quelque espèce qu'elles soient, seront à l'avenir illicites, mais je demande que la convention soit entretenue jusqu'à la fin des baux existants seulement. Si l'Assemblée la juge mauvaise, il convient alors qu'elle dise qu'elle n'aura pas lieu ; mais cela ne doit pas avoir un effet rétroactif.
J'observe à M. de Virieu que là suite de moulin est dans le principe un droit de fief et Une preuve que l'usement dérive de la féodalité et même de la mainmorte. Tous les droits féodaux doivent être absolument supprimés ; je demande donc qu'il soit dit dans l'article que :
« Tous les droits et redevances convenancières, de même nature et qualité qtie les droits féodaux, Seront supprimés sans indemnité, conformément aux décrets des 4 août 1789 et jours suivants, expliqués en détail dans le décret des 15 mars 1790 et autres subséquents. »
J'appuie la rédaction de M.Lanjuinais qui me paraît beaucoup plus claire.
En adoptant la rédaction de M. Lan juinaiB, je voudrais qu'on ne supprimât pas l'énumération.
(L'Assemblée consultée rejette l'amendement de M. de Virieu ét adopte celui dèM. Lànjuinais, avec l'observation de M. Tronchet.)
En conséquence, l'article 2 est mis aux voix dans les termes suivants ;
Art. 2.
« Aucun propriétaire foncier ne pourra, sous prétexte des usements dans l'étendue desquels les fonds sont situés, ni même sous prétexte d'aucune stipulation insérée au bail à convenant ou dans la baillée, exiger du ddmanier aucuns droits ou redevances convenancières de même nature et qualité que les droits féodaux supprimés sans indemnité, par les décrets des 4 août 1789 et jours suivants, par le décret des 15 mars 1790, ou autres stibséquents, et notamment l'obéissance à la ci-devant justice ou juridiction du foncier, le droit de suite a son moulin, la collecte du rôle de ces rentes et cens, et le droit; de déshérence ou échute. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3, ainsi conçu :
Art. 3.
« Pourront les domaniers, nonobstant tous usements ou stipulations contraires, aliéner les édifices et superfices de leurs tenues* pendant la durée du bail, sans le consentement du propriétaire foncier, et sans être sujets aux loas et ventes; et leurs héritiers pourront diviser entre eux lesdits édifices et superfices, sans lë consentement du propriétaire foncier, sans préjudice de la solidarité de la redevance ou des redevances dont lesdites tenues sont chargées. »
Un membre propose, par amendement, de déclarer rachetable le droit de lods et vente des édifices et superfices, ainsi qu'il l'est dans les baux de cens et rente.
Un membre répond que ce droit est le prix d'une confirmation de propriété qui nlexiste pas dans les baux à convenant.
(L'Assemblée repousse l'amendement et adopte l'article S sans modification.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, ainsi conçu :
« Le propriétaire foncier ne pourra exiger du domanier aucuns des services d'hommes, voitures, chevaux ou bêtes de somme qui n'auront point été expressément stipulés et détaillés dans le bail ou la baillée, et qui n'auraient été exigés qu'en vertu des usements ou d'une clause de soumission à iceux. Lesdits services qui auront été expressément stipulés ne pourront être exigés qu'en nature et ne s'arrérageront point. »
Je crois que l'on devrait ôter ces mots : « les services d'hommes ». Je. ne sais pas ce que c'est que des services d'hommes, si ce n'est pas la servitude personnelle. (Marques d'assentiment.)
Quant à la dernière partie de l'article, le colon serait grevé si, au moment où les travaux de l'agriculture sont dans la plus grande activité, il était obligé de faire Servir ses chevaux à faire des charrois de corvéë.
Je demande donc que les journées dont sont tenus les domaniers soient payables à leur option en nature ou en argent, suivant l'apprécis qu'en fera tous les 5 ans le tribunal du district.
(L'Assemblée adopte le premier amendement de M. Le Chapelier, et rejette le second.) 1
Un membre propose, par amendement, d'insérer
dans l'article que les abonnements faits relative» ment au service des baux seront exécutés suivant la convention.
(Cet amendement est adopté.)
Un membre demande la question préalable sur l'article du comité.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
En conséquence, l'article est mis aux voix avec les amendements dans les termes suivants :
Art. 4.
Le propriétaire foncier ne pourra exiger du domanier aucunes journées d'hommes, voitures, chevaux ou bêtes ae somme qui n'auraient point été stipulées et détaillées par le bail ou la baillée, et, à leur défaut, par actes recognitoires, et qui n'auraient été exigées qu'en vertu des usements ou d'une clause de soumission à iceux : Iesdites journées qui auront été expressément stipulées ne s'arrérageront point; elles ne pourront être exigées qu'en nature, et néanmoins les abonnements seront exécutés suivant la convention. >> (Adopté.)
(La suite de la discussidu est renvoyée à une prochaine séance.)
lève la séance à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mardi, 31 mai, au soir, qui est adopté.
Un membre fait part d'une réclamation du sieur Kuhn, membre du département du Rhin, relative à l'article 6 du décret de mardi soir. 31 mai, concernant le renouvellement tant du directoire gue du conseil général du département du Bas-
Un membre fait la motion qu'on rende en définitif au'sieur Kuhn la même justice qu'on lui a rendue lors de la suspension provisoire du directoire du département du Bas-Rhin, et qu'en conséquence il soit excepté du renouvellement de ce directoire, comme il l'a été de la suspension provisoire.
(Cette motion, mise aux voix, est décrétée.) ;
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, 1er juin, au matin, qui est adopté.
Plusieurs particuliers attachés aux états-majors demandent que le comité des pensions s'occupe de la liquidation qu'ils réclament.
, au nom du comité des pensions.
J'ai reçu une lettre du président du tribunal du district de Saint-Germain en Laye qui demande qu'une députation de ce tribunal soit admise à la barre pour instruire l'Assemblée d'une procédure criminelle commencée contre un de ses membres. Je vous demande vos ordres à cet égard.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la députation du tribunal du district de Saint-Germain en Laye sera admise à la barre.)
Messieurs, vous avez rendu un décret, par lequel il est permis amp;amp;amp; tous les citoyens de s'assembler pour célébrer les mystères de leur religion. (Murmures.) Ce matin, dans l'église des théatins, on y a célébré la messe. Après que les particuliers, qui s'y étaient rendus sans bruit, en sont sortis, une cinquantaine d'individus sont entrés, ont renversé rautel, et y ont commis les actes de la plus grande violence. Comme il est arrivé plusieurs fois que l'on a vu insulter les maisons religieuses et les églises, 6ans que l'accusateur public, ni que la municipalité remplissent leurs fonctions, j'ai cru devoir rendre compte de ce fait à l'Assemblée nationale pour qu'elle ordonne que la municipalité... (Murmures et applaudissements.)
(de Saint-Jean-d'Angèly). L'Assemblée nationale ne peut pas être érigee en tribunal de police. On ne lui doit pas compte de détails semblables à ceux dont on veut l'entretenir; le département de Paris a assez prouvé et il prouvera, j'espère, qu'il saura maintenir l'exécution des lois. (Murmures à droite.)
Il n'a rien prouvé encore.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il a très bien prouvé que vous ne donnez jamais aux autres ce que vous exigez d'eux. (Murmures à droite.)
Je dis. Messieurs, que c'est le département de Paris quia provoqué par sa pétition la loi sage et bienfaisante qui assure à tous la liberté ; que c'est le département qui est préposé,, sous les ordres du roi et de l'Assemblée nationale, pour inspecter le peuple s'il manque à son devoir, faire exécuter les lois de police et maintenir l'exercice de la liberté que vous avez décrétée.
Le délit dont on vienF de vous parler est sans doute répréhensible, et je ne doute pas que le département ne s'empresse de prendre les moyens nécessaires pour en faire poursuivre les auteurs. L'Assemblée nationale a le droit, sans doute, de surveiller les corps administratifs quand ils ne remplissent pas leurs devoirs, mais ce n'est pas lorsqu'ils n'ont pas eu le temps de le remplir ; ce n'est pas lorsau ils n'ont pas eu le temps physique ae les dénoncer, qu on doit venir occuper l'Assemblée nationale de ces objets. On ne peut se plaindre à elle que si le département a refusé d'entendre. Si M. Dufraisse veut faire une dénonciation, c'est à la municipalité, c'est au département, c'est là qu'il doit allèr et non pas à l'Assemblée nationale. Il ne doit pas intervertir l'exercice des pouvoirs qu'elle a délégués. Je demande qu'on passe à l'instant à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Vous voulez détruire la religion...
Plusieurs membres à gauche: C'est une calomnie 1 C'est une calomnie!
If faut que l'Assemblée décide si elle veut permettre tous les cultes excepté le culte catholique, qu'on se décide.
Plusieurs membres à droite : Oui ! oui ! Il faut qu'on se décidé.
Il faut vider ma motion.
(L'Assemblée décrété l'ordre du jour.)
Messieurs, par une adresse qu'ils nous ont fait parvenir, les professeurs laïques de l'université de Douai, inquiétés dans leurs fonctions par les corpé administratifs de cette ville, recourent à l'Assemblée pour savoir : 1° Si le serment exigé d'eux, par les décrets du 22 mars et du 15 avril derniers, est le simple serment civique des citoyens et fonctionnaires publics ordinaires, ou le serment imposé aux ecclésiastiques fonctionnaires publics par le décret du 27 novembre 1790; 2° dans quelle forme, en quel lieu et dans quels temps ils sont tenus de prêter ce serment..... (Murmures à droite.)
A droite : Pas de serment!
Vos décrets ont suffisamment distingué ces objets; je demande donc que l'adresse des professeurs laïques de l'Université de Douai soitrénvoyée au pouvoir exécutif.
(Ce renvoi est décrété.)
Un membre proposé de renvoyer une pétition des héritiers et représentants de Guillaume Mahy, ci-devant de Corméré, à l'agent du Trésor public, pour faire signifier, s'il y a lieu, tous actes nécessaires en mainlevée de l'opposition formée parle procureur général du roi en la cour des aides entre les mains de l'acquéreur de Ja terre de Corméré, en vue du certificat de quitus en bonne forme et autres titres justificatifs de pleine et entière libération envers le Trésor national.
(Ce renvoi est décrété.)
, au nom des commissaires de l'extraordinaire, fait un rapport sur l'organisation et la dépense des bureaux, tant de l'administration que de la trésorerie de la caisse de l'extraordinaire; il s'exprime ainsi :
Messieurs (1), vous connaissez l'importance et les objets principaux du
travail des deux établissements dont je suis chargé de vous proposer
l'organisation et la dépense. La caisse de l'extraordinaire recueille,
de toutes les parties du royaume, les fonds que la nation a destinés à
l'acquit de sa dette; elle doit payer cette dette; elle doit opérer la
libération complète de l'Etat. Vous avez voulu qu'elle fût composée
d'une trésorerie et d'une administration t la trésorerie destinée à
recevoir et à verser les fonds ; l'administration, destinée à accélérer
la rentrée des fonds, à en surveiller l'emploi, et à vous faire
connaître, par des tableaux et des dénombrements, toutes les parties,
soit de revenus, soit
Notre premier devoir, en ce moment, Messieurs, est do rendre aux deux personnes qui sont, l'une à la tête de l'administration, l'autre à la tête de la trésorerie, le témoignage public qui leur est dû. Il est impossible de mettre plus de zèle, de porter plus d'activité dans tous les détails relatifs à l'administration, que ne le fait M. Amelot ; sa surveillance sur toutes les parties n'est jamais suspendue ; la correspondance, les comptes, la situation des débiteurs, celle.de la caisse, tout est chaque jour présent à son esprit. M. Le Cou-teulx du Moley, chargé de la trésorerie, a donné une preuve de patriotisme, en préférant, soit au repos, soit à des affaires plus faciles et plus lucratives, auxquelles sa fortune lui permettait de se livrer, un travail utile à l'Etat, mais conti-, nueL. pénible et difficile par le maniement jour-; nalier de la masse énorme des effets remis a son administration.
M. Amelot et M. Le Couteulx sont secondés dans leurs opérations par des agents qui ont aussi le droit d'être cités. La surveillance dont vous avez chargé vos commissaires les,a mis en relation plus particulière avec MM. Gojjlefroy et Dutertre, dans les bureaux de l'administration, Dibarrat, dans le bureau de la trésorerie. C'est à eux qu'on doit l'établissement ët la perfection de l'prdre qui règne dans la comptabilité d^ la caisse de l'extraordinaire; ordre qui est tel qu'à chaque instant de chaque jour, on peut connaître sa véritable situation. Vous avez, Messieurs, les résultats de cette comptabilité dans les comptes qui sont imprimés, et qui vous sont remis chaque mois, de la situation de la caisse, et dans les tableaux de la perception de la contribution patriotique, qui vous sont pareillement remis mois par mois.
Après avoir rendu aux deux chefs de l'administration et de la trésorerie, et à leurs principaux agents, la justice qui leur est due, nous ne devons plus nous-occuper que^de vcuis exposer, avec franchise, ce qui nous a paru bon ou mauvais dans l'organisation des bureaux de l'une et l'autre partie ; et de porter, dans la dépense, l'économie que la situation des finances et le vœu de la nation exigent. Une circonstance nous oblige à détailler nos observations, L'administrateur et le trésorier de la caisse de l'extraordinaire vous ont fait distribuer, l'une et l'autre, l'état et la dépense de leurs bureaux ; n'étant pas d'accord avec eux, sur plusieurs objets, nous ne saurions nous dispenser de vous faire connaître les motifs de la différence de sentiment qui est entre eux et nous.
Administration de l'extraordinaire.
Cinq parties principales composent le travail de la caisse de l'extraordinaire: 1° surveillance et correspondance pour faire arriver à la caisse de l'extraordinaire les deniers qui doivent y entrer; 2° surveillance particulière de l'état de la contribution patriotique; 3° délivrance de mandats et ordonnances pour les payements ; 4° état de la situation et de la comptabilité de la caisse ; 5° dénombrement des biens nationaux.
Toutes ces parties nous paraissent nécessaires. Peut-être la quatrième,qui concerne la situation et comptabilité de la caisse, semblerait-elle superflue, ce travail devait être particulièrement celui du trésorier ; mais le bureau de comptabilité établi à l'administration a le grand et inappré-
ciable avantage d'être le contrôle journalier delà comptabilité ae la caisse, de prévenir les erreurs, d'empêcher qu'elles n'échappent à la vue, de fournir les moyens sûrs de les corriger. Il ne faut donc rien changer à l'étahlissément de ces bureaux.
Celui du dénombrement des biens nationaux est un des plus importants, surtout dans la situation actuelle des finances. Il est fâcheux qu'il n'ait été mis en activité que plus tard que les autres ; il est fâcheux qu'on n'ait, quant à présent, que des matériaux très imparfaits pour dresser des 'états dont l'exactitude serait extrêmement à désirer. Nous douions aussi qu'on ait pris, dans ce;bureau, le meilleur ordre de travail possible pour obtenir des matériaux imparfaits, comme nous l'avons dit, le résultat le moins imparfait possible; mais la brièveté de l'intervalle dans lequel il faut présenter à l'Assemblée un résultat au moins approximatif, ne permet plus de changer l'ordre du travail.
Tout ce qui appartient aux différentes parties* que nous venons d'énoncer doit être conservé, mais l'organisation particulière de chacun des bureaux qui en composent l'ensemble, paraît susceptible de réforme. Les états de M. Amelot distinguent, dans les bureaux, d'abord les directeurs, puis des chefs; en troisième lieu, des principaux commis, ensuite des vérificateurs, des sous-vérificateurs, des teneurs de registres, et enfin des commis aux écritures. Cette multitude de subdivisions embarrasse la machine, au lieu delà simplifier; ce grand nombre de grades supérieurs et inférieurs est moins propre à exciter l'émulation, qu'il ne l'est à favoriser la paresse, parce qu'il n'est personne qui ne sache, pour peu qu ou ait d'expérience du travail dés bureaux, que dès qu'un employé en a un autre sous lui, il se décharge sur lui de là majeure partie de son travail. C'est beaucoup moins dans la vue de devenir plus utile, qu'on ambitionne tous ces grades intermédiaires, que dans le désir de gagner plus d'argent en travaillant moins.
11 ne faut dans un bureau que trois sortes de personnes : 1® l'administrateur, ou le premier commis qui le représente lorsque les branches de l'administration sont trop multipliées, pour que le chef se trouve partout en même temps; 1° les commis qui fout le travail du bureau; 3° lés expéditionnaires qui mettent au net les résultats du travail. Tous les commis et tous les expéditionnaires étant égaux entreeux,tous étant immédiatement subordonnés au directeur ou premier commis, le travail est également réparti; chacun est dans la même activité; et les appointements ne pouvant être qu'égaux, à raison de la nature de la place, c'est l'assiduité seule, la constance dans le travail, et l'ancienneté/ qui promettent des augmentations, et qui établissent des différences dans les traitements. Nous proposons donc de retrancher toutes les nuances inutiles de chefs, principaux, vérificateurs, sous-vérificateurs, etc.
L'état distribué par M. Amelot annonce un bureau de dépêches, composé de premier commis, commis, secrétaire de cabinet, établissement su-perflurou au moins, expressions ambitieuses. Il faut tout simplement indiquer des commis qui enregistrent les mémoires et font les renvois ; des expéditionnaires qui mettent les adresses, et un commis particulièrement aux ordres de l'administrateur. Peut-être que, réduit à sa simplicité naturelle, ce bureau ne coûterait plus, comme on l'annonce, 13,800 livres par an.
Ceci nous conduit à la dépense des bureaux de l'administration. M. Amelot la porte, avec une augmentation qu'il démande, à la somme de 397,660 livres pour le3 seuls appointements des commis, et leurs menues fournitures, telles que plumes, etc., et pour les gages des garçons de bureaux, mais non compris son traitement personnel et les frais de bureau.
La somme de 397,660 iivres paraît excessive et mal répartie.
Le nombre total des commis, en y comprenant l'augmentation demandée, est de 165, les appointements de chacun étant supposés de 2,000 livres, le total s'élève à la somme de 330,000 iivres. Il ne s'agit pas cependant de donner à chacun cette somme de 2,000 livres sans plus ni moins ; il est des expéditionnaires dont les, appointements ne doivent pas être portés à 2,000 livres; et il est des commis qui méritent des appointements plus forts; mais l'expérience apprend que, quand on a une masse un peu considér&bie de commis à payer, on peut établir ce taux commun de 2,000 livres par tête,rcomme donnant une latitude suffisante pour fournir à une distribution équitable. Soit, par exemple,comme dans le cas présent, la somme de^SOjOOO livres, à distribuer entre 165 commis; voici de quelle manière il est possible de la faire :
40 Commis à 1,200 livres chacun. 48,000 liv.
40 — à 1,800 — 72,000
40 - à 2,000 — 80,000
40 — à 2*400 — 96,000
5 — à 6,800 — 34,000
165 Commis
330,000 liv.
On conçoit qu'il est possible de varier la distribution de beaucoup de manières; nous avons seulement voulu montrer, par ce tableau, qu'il est très facile d'appointer convenablement, et dans des proportions justes, un nombre de commis, en supputant le total, sur le pied commun de 2,000 livres par tête.
M. Amelot demande pour ses directeurs ou premiers commis, 10,000 livres, par an, et même jusqu'à 12,000 livres. Cette somme est excessive, soit que l'on considère la différence nécessaire qu'il y aura entre ce traitement et celui des autres commis, soit que l'on lasse attention à l'influence qu'il aurait sur le traitement de l'administration. J'ai déjà rendu justice au travail des premiers commis de l'administration de l'extraordinaire; mais la disproportion serait manifestement trop forte, entre des appointements de 12,000 livres et des appointements de 100 louis pour des personnes employées à un travail de même genre. Si le premier commis était payé cinq fois plus-que le commis, l'administrateur en cnef réclamerait la même proportion en sa faveur; et l'on verra dans un moment combien il serait peu convenable de donner 60,000 livres à l'administrateur. Un travail utile doit fournir de quoi se soutenir avec modestie et retenue; le luxe et le faste sont les ennemis mortels de l'application soutenue qu'un travail exige. L'Assemblée nationale n'a accordé que 6,000 livres de traitement aux premiers commis de la direction delà liquidation, et je ne vois pas, quant à moi, de motif raisonnable pour traiter les premiers commis de l'administration de l'extraordinaire, différemment de ceux de la direction de liquidation.
Après les appointements des commis, on doit s'occuper des frais de bureaux. C'est une dépense que l'Assemblée nationale voudra abandonner,
sans doute, pour l'administration de la caisse de l'extraordinaire, comme elle l'a abandonnée pour la direction de la liquidation. La somme de 30,000 livres a été fixée pour cé dernier établissement; elle semble pouvoir être la même pour le premier. Le nombre des commis est, à la vérité, moins considérable dans l'administration de la caisse de l'extraordinaire; mais, eu égârd à la disposition du local, ils se trouvent divisés dans un plus grand nombre de bureaux : ce qui augmente nécessairement la dépense du bois et de la lumière. Il est entendu, au reste, que l'on ne doit pas comprendre,dans ces frais de bureaux,les dépenses des étatset comptes imprimés, non plus que Celles des registres, tableaux et instructions qu'on est dans le cas d'envoyer aux receveurs et aux administrateurs de district : ce sont des frais étrangers à la manutention intérieure des bureaux, manutention de laquelle seule on doit s'occuper en ce moment.
Il reste à déterminer le traitement de l'administrateur. Vos commissaires, Messieurs, avaient prié M. Amelot de leur faire connaître ses vues a cet égard; il s'y est refusé, et les commissaires ne dissimuleront pas qu'ils ont été très embarrassés à déterminer son traitement. lia été arrêté que l'on proposerait à l'Assemblée de régler le traitement de M. Amelot à 40,000 livres, eu égard, surtout, à ce que celui des ministres est porté à 100,000 livres ; cet arrêté ne doit pas cependant, Messieurs, m'empêcher de vous proposer, sur ce sujet, quelques réflexions que je crois devoir à l'Assemblée.
Si nous avions les vertus des Spartiates, celles qui conviendraient aujourd'hui à notre Constitution, il ne s'élèverait pas de débâts sur l'excès des traitements des fonctionnaires publics. Ceux-ci seraient les premiers à repousser loin d'eux tout ce qui n'est propre qu'à alimenter le luxe, lorsqu'une fois les besoins d'une honnête médiocrité sont satisfaits. Mais nous ne sommes pas encore arrivés à cette austérité de mœurs ; et, avant d'arriver à mépriser les richesses, il faut s'être accoutumé à les regarder avec l'œil de l'ihdifférence.
Peut-être serait-ce une idée heureuse de conduire la nation et ses représentants à l'indifférence pour les objets de superfluité et de luxe, en distinguant, par une sévère modestie, l'homme de la nation, de l'homme de la cour ; le représentant du peuple, de l'agent du ministère; 1e citoyen élevé par le vœu de ses concitoyens à une place quelconque, du ministère appelé par le roi pour exécuter ses ordres.
Nous avons vu un temps où cette mode s'était introduite. Le chef de la maison, le propriétaire, affichait dans son extérieur personnel la simplicité et la modestie ; il prodiguait l'or sur l'habit de ses gens, il en décorait ses appartements, ses chàrs ; comme si l'on eût senti dès lors toute la supériorité que l'homme doit tirer de lui-même, de ses talents, de son existence ; tandis que l'éclat des ornements extérieurs, utile pour couvrir les défauts, ne fait que nuire lorsqu'il empêche d'apercevoir les beautés qui constituent la perfection de la personne. J'avoue que cette idée appliquée d'une part à la nation, propriétaire de toute la puissance de l'Etat, souveraine et grande par elle-même ; d'autre part aux agents du jour ou qu'elle a délégués et qui la servent, me paraîtrait extrêmement propre à élever nos conceptions à la hauteur des idées d'un peuple libre, & maintenir dans notre âme cette
fierté qui ne plie point, et qui ne cède à rien de périssable ou de mortel.
Mais de tels essais ne doivent point se faire aux dépens, des intérêts du peuple, et il faudrait les compromettre pour enrichir les nombreux agents du pouvoir exécutif. Ce sont donc d'autres vues qui doivent nous guider; il faut se renfermer dans les principes propres à la chose. Il est question de déterminer le traitement dû à une personne chargée de fonctions publiques : Or, qu'est-ce qu'accorder un traitement aux frais de l'Etat? C'est fournir à cette personne : 1° le nécessaire; 2° une sorte d'avance qui lui épargne des inquiétudes par lesquelles la suite de ses travaux pourrait être interrompue ; 3° la mettre à couvert des pertes involontaires et moralement inévitables que le travail qu'on lui confie peut occasionner.
1° Le nécessaire. A quoi doit-on évaluer la somme nécessaire à un chef de maison pour vivre à Paris, sans dépendre des besoins journaliers* et pour conserver la décence convenable à quiconque est le représentant ou l'agent de ses concitoyens ?
Vous avez décidé cette question, Messieurs, lorsque vous avez fixé à 6,500 livres par année, l'indemnité due aux représentants de la nation pourleur séjour à Paris. Vous avez jugé qu'uniquement livérs aux travaux publics, entièrement occupés des fonctions que la nation vous a confiées, votre dépense ne devait pas excéder 550 livres par mois : et j'avoue que je ne conçois pas qui est-ce qui, d'après cet exemple, pourrait refuser de donner tout son temps à la chose publique, en sercontentant d'un salaire de 6,000 à 7,000 livres. Voilà le nécessaire.
2° L'aisance. Elle,doit être bien suffisante, si on ajoute une somme égale à l'évaluation du nécessaire. Un citoyen chef de famille a décemment le nécessaire avec un traitement de 6,000 livres ; il vivra dans l'aisance, s'il reçoit un traitement de 12,000 livres.
3° Indemnité de la responsabilité* Lorsque les fonctions que l'Etat confie entraînent une responsabilité, il est juste d'accorder, en sus du nécessaire et même de l'aisance de quoi dédommager des erreurs ou des méprises qui échappent presque inévitablement à l'homme le plus soigneux. L'Assemblée nationale a déjà eu à prononcer dans un cas semblable, relativement au directeur général de la liquidation. Vous avez considéré, Messieurs, que ce commissaire du roi était responsable des faits dont il présente le rapport à vos comités ; vous avez augmenté son trai* tement, à raison de cette responsabilité, et vous l'avez fixé à la somme de 25,000 livres.
Pourquoi le commissaire du roi à l'administration de l'extraordinaire rècevrait-il plus que le commissaire du roi à la liquidation? L'un et l'autre sont des agents du pouvoir exécutif, commis par lui pour arriver à une fin commune, à l'acquittement des dettes de l'Etat. Le commissaire du roi pour l'administration de la caisse de l'extraordinaire a été dénommé commissaire du roi administrateur :. cette dernière expression n'ajoute rien à la qualité de commissaire du roi; elle a été nécessaire parce que la caisse de l'extraordinaire ayant deux parties distinctes, l'administration et la trésorerie, il fallait distinguer la personne nommée par le roi pour l'administration, et la personne nommée pour la trésorerie.
11 a été présenté un autre motif d'accorder, au commissaire administrateur de la caisse de l'extraordinaire, un traitement supérieur à celui du
commissaire directeur de la liquidation; savoir: que le premier a l'honneur de travailler avec le joi, honneur que la second n'a pas.
J'avoue que quelques efforts que j'aie fait pour me pénétrer des conséquences qu'on assure résulter, pour la détermination pécuniaire de l'honneur de travailler avec le roi, il m'aétéim-possible de sentir la plus légère impression de ce qu'on disait à cet égard. L'honneur ne se donne pas pour de l'argent; et il n'autorise pas non plus à demander dè l'argent. Est-ce la dépense que peut occasionner la nécessité de se rendre chez le roi, qui formera un titre à une augmentation de traitement? Cette nécessité a-t-elle fait ajouter à l'indemnité du membre de l'Assemblée nationale qui est nommé son président? Non sans doute, ce ne devait pas être un motif pour y ajouter, car i'avoue que je suis singulièrement charmé quand je vois le président de l'Assemblée nationale se rendre à pied, ou en voiiurede place chez le roi. La simplicité avec laquelle le président dè l'Assemblée arrive au nom de la nation, et son contraste avec le faste de la cour me plaisent infiniment. Je suis persuadé que cette simplicité ne plaît pas moins au peuple, et je suis convaincu que, si elle se conserve, ce ne sera pas un des plus faibles moyens d'amener la nation à la modestie et à la frugalité qui sont des vertus essentielles à un peuple libre.
En rejetant la comparaison de la personne du commissaire de l'extraordinaire avec la personne du commissaire de la liquidation, on a prétendu que c'était avec les ministres que le commissaire de l'extraordinaire devait être comparé; on a observé que les fonctions du commissaire de l'extraordinaire n'étaient pas moins importantes que celles du ministre descontributions publiques, et l'on n'a pas manqué d'ajouter que le ministre des contributions publiques avait un traitement de 100,000 livres.
Il y a deux réponses bien simples à ces observations : 1° le commissaire de l'extraordinaire n'est pas ministre, donc il ne faut pas lui donner le traitement d^un ministre; 2° U fait exécuter, à l'égard des ministres, le décret qui fixe leur traitement, puisque ce décret est prononcé; mais si, allant au delà de cette exécution pure et simple; on veut argumenter du décret pour exemple, et conclure, du cas sur lequel il a prononcé, à d'autres cas, il est permis d'examiner les bases du décret, de croire qu'il a trop donné aux ministres, et de soutenir que cette décision ne saurait être tirée à conséquence.
J'ajouterai une dernière observation. Le commissaire de l'extraordinaire est logé aux dépens de l'Etat, Son logement ne consiste pas, comme celui du directeur de la liquidation, dans un retranchement fait sur le caninet de travail pour y prendre l'emplacement d'un lit; c'estun logement complet, lequel, à quelque somme qu'on l'évalue, ajoute au traitement de 25,000 livres.
Mon avis particulier est donc que le traitement du commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, soit réglé à la somme de 25,000 livres. Je passe à ce qui regarde la trésorerie.
De la trésorerie de la caisse de l'extraordinaire.
Les opérations de la caisse de l'extraordinaire consistent dans la recette des fruits et des capitaux que les biens nationaux et la contribution patriotique produisent; 2Û dans le payement des
dettes de l'Etat, à mesure qu'elles sont liquidées; et dans les versements de secours à fournir au Trésor public;* 3Q dans l'extinction des assignats, vérification et déchar ge des numéros, enregistrement des assignats à nrûler, et brûlement; 4° la dernière partie du travail dè la caisse de l'extraordinaire est de tenir écriture de toutes ses opérai tions, de manière qu'elles puissent être contrôlées et justifiées les unes par les autres, ét qu'à chaque jour, à chaque instant, la nation et l'Assemblée soient en état de connaître la situation de la caisse de l'extraordinaire.
Je répéterai ici avec plaisir, que les livres de la caisse de l'extraordinaire, depuis l'organisa-tions du mois de décembre dernier, sont tenus dans le plus grand ordre; mais je ne dois pas croire qu'il y a aussi dans cette machine des rouages qui sont inutiles, et qui, en compliquant son jeu, lui ôtent une partie ae sa perfection.
M. LeCouteulx emploie 72 commis. Je n'insisterai pas sur ce nombre, quoiqu'il me semble excessif, parce qu'il ne faut pas donner le prétexte de se plaindre qu'bn rend le travail impossible, faute de bras nécessaires ; mais on ne saurait se dispenser de remarquer qu'il y a, au moins, quelques grades inutiles, et des distributions qui sembleraient pouvoir être mieux faites. Dans le bureau central, composé d'employés destinés à aider particulièrement le trésorier, on trouve un directeur à 8,000 livres", un commis à 3,000 livres, un autre à 1,800 livres, et deux garçons de bureau à 830 livres chacun. Pourquoi un directeur sous le trésorier ? G'est, a-t-on dit, pour le remplacer dans des moments, soit de maladie, soit d'absence indispensable. Mais les véritables suppléants d'un trésorier ne sont-ils pas ses coopérateurs journaliers, son caissier et son teneur de livres ? Le caissier doit correspondre immédiatement avec l'un et avec l'autre; Un directeur de trésorerie, placé entre le trésorier et les autres employés, paraît être absolument inutile. Un traitement de 8,000 livres, pour une place de ce genre, est une véritable déperdition de deniers, d'autant plus qu'on trouve, immédiatement après le directeur, un commis aux appointements de 3,000 livres, pour être, également, à la disposition permanente du trésorier. Celui-ci peut remplacer le tré£brier dans ce qu'il ne saurait faire par lui-même, et qui ne pourrait être exécuté ni par le caissier, ni par le teneur de livres, ni par le premier commis de la correspondance.
M. LeCouteulx demande un Commis de plus pour la suite, d£ns le bureau des livres. Il est facile d'en trouver deux de remplacement dans le bureau central.
En supposant nécessaire un nombre de com>-mis, égal à Celui qui est porté dans l'état de M. Le Gouteulx, c'est-à-dire le nombre 72, et en calculant de la même manière que nous l'avons fait pour les bureaux de l'administration, il est facile d'établir la dépense des bureaux de la trésorerie :
72 commis à 2,000 livres..................144,000 liv.
9 garçons de bureau à 720 livres. 6,480 Menus frais des commis pour plumes et lumières........................................5,084
155,564 liv.
Le comité a proposé d'allouer la somme de 160,000 livres ; on va voir la destination de l'excédent de 4; 500 livres. La distribution des assignats est sujette à des
mécomptes plus fréquents, et, en général, plus importants que celle des éctis. Si l'on se trouipe dans le compte des écus, c'est en formant les piles de 11 ou 21 écus, au lieu de 10 et de 20. Il est rare que l'on compte une pile de plus qu'on ne doit payer; alors même, l'erreur n'est que de 60 livres où de 120 livres; il est extrêmement rare que ,1e mécompte se trouve dans le nombre des sacs, et que l'erreur se trouvé ainsi à 1,000 ou 1,200 livres. Les assignats sont plus difficiles à compter que des écus; souvent deux assignats tiennent collés ensemble ; l'un des deux échappe au doigt et à la vue : alors l'erreur ne peut pas être moindre de 50 livres; elle peut être de 2,000 livres.
L'expérience vient malheureusement à l'appui de ces observations. Les déclarations de M. Le Couteulx et de ses caissiers attestent, depuis le mois de décembre dernier, une perte de 28,582 livres, par l'effet des mécomptes; et comme le trésorier et ses agents doivent être responsables de ces pertes, quoique presque inévitables, il faut leur donner un traitement qui les dédommage de la responsabilité. La perte qui résultera de l'augmentation du traitement sera toujours beaucoup moins considérable que le serait le danger de cônsentir à allouer au trésorier et ses agents tous les mécomptes sur lesquels on ne pourrait avoir d'autre assurance que leur déclaration.
Vos commissaires ont pensé, Messieurs, que ces motifs devaient vous déterminer à fixer le traitement du caissier à 8,000 livres; et ils ont porté à la même somme le traitement du teneur ae livres qui est, sans contredit, la personne la plUs importante pour la manutention de la caisse extraordinaire. Les recherches qu'il a fallu faire pour trouver un homme capable de diriger Une si grande comptabilité et qui voulût s'en charger; le sacrifice que M. Dibarrat (teneur des livres actuel) a fait d'un état lucratif pour servir uniquement Ja patrie, ont convaincu ié comité qu'il était de rigoureuse justice de lui régler un traitement de 8,000 livres. C'est à cause de l'excédent de ce qui paraît dû au trésorier et au teneur dé livres, que vos commissaires proposent la somme intégrale de 160,000 livres, a distribuer entre les employés de la trésorerie de l'extraordinaire.
Vous vuudrez, sans doute, que les frais de bureau soient abonnés. Vos commissaires ont estimé qu'ils pouvaient l'être à la somme de 20,000 livres par année, sans y comprendre les frais déport, soit de la posteaux lettres, soit des Messageries, ni les frais d'impression.
Le traitement du trésorier de l'extraordinaire ne devrait pas, d'après les observations générales qui ont été précédemment laites, excéder 20 à 25,000 livres; mais il y a ici la considération particulière des mécomptes à la délivrance des assignats. J'ai déjà dit que, depuis le mois de décembre, jusqu'à ce jour, ils atteignaient la sdmme de 28,582 livres. Il ne restera pas plus de 12)000 livres sup le traitement de l'année, si le trésorier supporte seul la perte des mécomptes. Le comité a donc pensé, unanimement, qu'avec une manutention aussi- périlleuse que celle de Ij2u0,€00,000 de livres en assignats, il était juste d'.accorder au trésorier un traitement de 40,000 livres, en le soumettant expressément à la res- Îionsabilité des mécomptes dont l'importance est e motif d'un traitement aussi considérable. Il est à propos de savoir, d'ailleurs, que M. Le Couteulx n'est pas logé dans l'hôtel de la caisse de
l'extraordinaire. 11 y a seulement un cabinet de travail.
Les traitements divers dont vos commissaires, M s.-ieurs, viennent de vous présenter l'état, doivent commencer à courir de différentes époques.
M. Amelot fut chargé d'un travail relatif à la contribution patriotique, au commencemént de février 1790- Le 25 avril, il fut nommé commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire, sous les ordres du premier ministre des finances. Dans le courant de mai suivant, il reçut, pour son travail, une gratification ae 5,000 livres. Le 17 septembre, la commission en vertu de laquelle il administre directement, sous les ordres du roi, lui a été expédiée. Le comité propose de fixer l'époque à laquelle son traitement commencera à avoir cours au 1er octobre 1790.
M. Le Couteuix a été nommé le 3 mars 1790; il est entré en fonction le 17 avriL Le comité propose de faire courir son traitement du 1er mai 1790.
A l'égard des employés dans l'administration et la trésorerie, et des frais de bureaux abonnés, l'ordre qui sera établi par votre décret, Messieurs, ne peut dater que du 1er avril dernier; parce qu'avant cette epoque, les bureaux n'étaient pas complètement formés. Les dépenses des appointements des employés et frais de bureaux ont été fortes, jusqu'au 1er avril, sur les sommes particulières dont vous avez ordonné le payement, mais comme vous n'avez rien fait délivrer que des acomptes, il devient nécessaire, pour solder, que l'administrateur et le trésorier vous présentent un état général de leurs dépenses, jusqu'à ce moment ; et une disposition semblable ayant été omise, à l'égard de la direction de liquidation, dans le décret du 4 mai dernier, il sera convenable de rendre commun à la direction ce que vous décréterez pour les dépenses de la caisse de l'extraordinaire, antérieures au 1er avril.
Dès le premier instant où l'on stccupa d'organiser une administration relativement à la rentrée de la contribution patriotique, qui fait l'une des parties de l'administration actuelle de la caisse de l'extraordinaire, M; Godéfroy, l'un dés coopérateurs de M. Amelot, àu travail duquel nous avons déjà rendu justice, se livra tout entier aux opérations qui devaient préparer l'organisation actuelle, il établit dès lors la division des matières, l'ordre des registres et la correspondance. La justice demande, pour ces travaux extraordinaires, et vu la modicité des sommes qui lui out été payées en 1790 (environ 3,000 livres), une giatifieaiion de 3 ou 4,000livres. Il paraîtrait juste u'en accorder une de 2,400 livres à M. Paruon, employé aussi, dès la même époque, à ce travail.
Nous avons parlé jusqu'ici, Messieurs, de l'organisation et de la dépense des bureaux de l'administration et de la trésorerie de l'extraordinaire : Il reste à vous dire un mot du local où ils sont établis.
Lorsqu'au mois de décembre dernier, nous vous proposâmes de placer la caisse de l'extraordinaire dans l'ancien, hôtel de l'administration des domaines, il avait déjà été fait par les admnistra-teurs des finances, des dispositions pour exécuter ce plan; et nous fûmes déterminés à vous proposer d'adopter ce local par trois considérations : 1° les dépenses qu'on avait faites, 2° l'annonce que les dépenses qui restaient à faire étaient peu
importantes; qu'à la fin de janvier, au plus tard, l'administration et la trésorerie seraient établies dans les lieux qui leur étaient destinés; 3° l'assurance qu'on nous donnait également que cet emplacement très vaste suffirait abondamment pour toutes les opérations qui se faisaient alors soit chez M. Amelot, rue Neuve-des-Mathurins, soit chez M. Le Couteulx, rue Montorgueil, et qu'on n'aurait jamais à chercher d'autre empla-placement pour ces divers objets.
Nous avons vu avec douleur que les travaux de constructions et réparations s'étaient prolongés et par conséquent que la dépense s'était augmentée jusqu'au mois d'avril; de manière que ce n'est qu'au 17 avril que la trésorerie de Pextraordinaire a été transportée dans son emplacement actuel. L'administration y était au premier du même mois. ' »
Nous avons appris avec plus d'étonnement que, dans le moment actuel, il fallait faire de nouvelles dispositions pour établir les bureaux dé l'échange des promesses d'assignats décrétées au commencement de l'année dernière; et du payement des coupons retranchés des premiers assignats. Mais ce qui nous a beaucoup plus surpris encore a été d'entendre assurer que la signature des assignats de 5 livres, si elle avait lieu, ne pourrait se faire dans les bureaux destinés à la signature des assignats actuellement en circulation. Il est réellement inconcevable qu'un emplacement aussi vaste que celui de l'ancienne administration de3 domaines ne suffise pas pour établir la totalité des bureaux nécessaires à la signature et à la circulation des assignats. L'attention de l'Assemblée doit se fixer sur cet objet, et il est nécessaire, Messieurs, que Vous vous fassiez réprésenter sans délai l'état des dépenses qui ont été faites pour disposer l'ancien hôtel des domaines à l'usage de la caisse de l'extraordinaire, ainsi que le plan de la distribution et de l'emploi de toutes les parties dè l'hôtel.
D'après ces différentes observations, voici le projet de décret que vos commissaires de l'extraordinaire ont l'honneur de vous présenter.
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport des commissaires nommés pour surveiller la caisse de l'extraordinaire, décrète sur l'organisation et les dépenses, tant de l'administration que de la trésorerie de la caisse, ce qui suit :
« Art. 1er. Les bureaux de la caisse de
l'extraordinaire sous le commissaire du roi seront composés chacun d'un
premier commis; et sous Celui-ci, dès commis et expédionnaires dont le
nombre et les appointements seront déterminés par le commissaire du roi,
aux conditions portées dans les articles suivants.
« Art. 2. Le total dé la dépense pour lesdits bureaux est fixé à 35,000 livres par mois (420,000 livres par artVsur laquelle somme le commissaire du roi prélèvera, chaque mois, la somme de 3,333 livres pour son traitement (40,000 livres par an, sauf amendement) et 2,500 livres pour les frais de bureau (30,000 livres par an), les dépenses d'impression en ce, non comprises. Le surplus sera distribué, par le commissaire du roi, entre les différents employés dans les bureaux, à raison de leur travail et de leur assiduité.
« Art. 3. Aucun employé, même les premiers commis, ne pourra ,aVoir au delà de 66o 1. 13 s. 4 d. par mois (8,000 livres par an}.
Art. 4. Au mois de décembre de chaque année; le commissaire du roi rendra publie, par la voie de l'impression, l'état de ses bureaux, la liste nominative des employés et le rôle de la répartition faite entre eux de la somme destinée à leurs appointements.
« Art. 5. Le traitement du commissaire du roi courra à partir du 1er octobre 1790. II sera payé, au sieur Godefroy, l'un des premiers commis de l'administration, la somme de 4,000 livres, pour l'indemnité à lui due de son travail extraordinaire pendant l'année 1790; et au sieur Pardon, la somme de 2,400 livres, pour pareille cause. Les appointements des employés et frais du bureau seront payés sur le pied porté par les articles précédents, à compter du 1er avril dernier.
« Art. 6. Les bureaux de la trésorerie de l'extraordinaire seront composés, sous le trésorier, d'un caissier, d'un teneur de livres, d'un premier commis de correspondance et des commis et expéditionnaires que le trésorier jugera nécessaire d'employer.
« Art. 7. Le total de la dépense des bureaux de la trésorerie est fixé à la somme de 18,333 livres, 6 sols, 4 deniers, sur laquelle somme le trésorier prélèvera, pour son traitement, celle de 3,333 livres (40,000 livres par an), et celle de 1,666 livres pour les frais de bureau, (20,1)00 livres par an), les dépenses d'impression, dé ports par la poste et les messageries en ce, non comprises. Le surplus sera distribué par le trésorier entre les différents employés, dans ses bureaux, à raison de leur travail et de leur assiduité.
« Art. 8. Le trésorier et ses employés sont responsables des erreurs et mécomptes d'assignats et d'écus.
« Art. 9. Aucun employé dans les bureaux de la trésorerie ne pourra avoir plus de 666 livres, 13 sous, 4 deniers par mois (8,000 livres par an).
« Art. 10. Au mois de décembre de chaque année, le trésorier rendra public, par la voie de l'impression, l'état de ses bureaux, la liste nominative des employés et le rôle de la répartition faite entre eux de la somme destinée à leurs appointements.
« Art. 11. Le traitement du trésorier courra à compter du lor mai 1790; les appointements des employés et frais.de bureau seront payés sur le pied porté, par les articies précédents, à compter du 1er avril dernier.
« Art. ,12. L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, le trésorier de la caisse et le directeur général de la liquidation dresseront incessamment l'état de toutes les dépenses' relatives à la formation de leurs bureaux et établissements, et aux dépenses faites pour les appointements des employés jusqu'au 1er avril dernier, et ils la présenteront à l'Assemblée pour que, sur le rapport qui lui en sera fait, elle décrète lé payement des sommes qui seront reconnues être légitimement,dues.
« Art. 13. Il sera remis, sans délai, à l'Assemblée nationale un état de toutes les dépenses faites depuis le mois de novembre dernier, en constructions, réparations et distributions, à l'hôtel de la caisse de l'extraordinaire; ensemble une description sommaire de la distribution actuelle des différentes parties dudit hôtel, avec l'indication des usages auxquels elles ont été employées ou pourraient l'être. »
Le projet qui vous èst soumis est trop important pour être adopté par l'Assemblée sans avoir été attentive-
ment examiné par elle. Je demande donc l'impression du rapport et du projet de décret dont il vient de vous être donné lecture et l'ajournement de la discussion jusqu'après l'impression.
J'appuie la motion de M.Fré-teau; je demande en outre qu'il soit rendu un compte exact du dénombrement des biens nationaux.
(ci-devant Oelley d'A-gier). On pourrait autoriser M. Amelot à réclamer des différentes municipalités du royaume des états plus exacts que ceux qu'on en a reçus jusqu'ici au comité d'aliénation.
, rapporteur. Le meilleur moyen à cet égard serait d'envoyer des commissaires sur les lieux.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du raport et du projet de décret de M. Camus et l'ajournement de la discussion jusqu'après l'impression.)
, rapporteur, présente des observations sur plusieurs inconvénients, qui résultent journellement de la difficulté que les administrateurs de district trouvent à concilier les dispositions de quelques décrets, qui semblent ordonner différents payements sur le produit des biens nationaux, avec le décret du 15 décembre, qui ordonne l'annulation de tous les assignats au moment de leur remise entre les mains des receveurs des districts.
(L'Assemblée décrète que ses comités d'aliénation, des finances, des domaines et de l'extraordinaire lui présenteront incessamment un projet de décre: relativement aux dépenses à faire sur le produit des domaines nationaux, et sur la manière de les acquitter.)
, au nom du comité des finances. Messieurs, votre comité des finances m'u chargé de vous entretenir de la situation faite au Trésor public par le versement de numéraire dans la caisse de Sceaux et de Poissy.
Plusieurs membres : A demain 1 à demain 1
, rapporteur. Le renvoi à demain coûterait cent mille livres à la nation. (Mouvement d'attention.)
Vous avez décrété, Messieurs, le 13 mai dernier, la suppression de la caisse de Poissy et vous avez dit qu'à compter du 15 juin, date à laquelle cette caisse cesserait de fonctionner, tous les droits affectés jusqu'alors à cet établissement cesseraient d'être payés.
Probablement on ne vous a pas rendu compte de ce que coûtait la caisse de Poissy jusqu'à ce jour. Uu usage que les circonstances avaient nécessité était que le Trésor public fournissait à chaque marché une avance en numéraire de 300,000 livres, afin que les herbages rapportassent du numéraire dans les provinces. Mais vous savez l'abus effroyable que l'on faisait de ce secours public : celte avance très considérable a pu paraître nécessaire à l'époque à laquelle elle était faite; mais aujourd'hui elle est évidemment inutile, puisque les herbages eux-mêmes revendent au Trésor public, à de très gros intérêts, le numéraire qu'il leur fournit.
Nons croyons donc, dans les circonstances I actuelles, pouvoir vous proposer de supprimer J
dès ce moment l'avance du Trésor à ta caisse de Poissy; c'est faire, d'ici au 15 de ce mois, une économie de 12 à 1,500,000 francs. (Applaudisse-ments.)
En conséquence, voici le décret que votre comité des finances me charge de vous présenter ?
« L'Assemblée nationale décrète qu'à compter de ce jour, le Trésor public cessera d'avancer, à la caisse de Sceaux et de Poissy, aucune somme en écus.
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction. » (Ce décret est adopté.)
, au nom des comités de Constitution et de la législation criminelle, fait lecture du décret concernant l'établissement du tribunal criminel du département de Paris et fixant le traitement de ses membres et de ceux des autres départements, décret dont les dispositions avaient été adoptées dans la séance du 30 mai et dont la rédaction avait été renvoyée aux comités.
Ce décret est ainsi conçu ;
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit ;
Art. 1er.
« Le procureur de la commune de la ville de Paris et la municipalité rempliront, pour le juré d'accusation, ies fonctions attribuées aux procureurs syndics de district. » (Adopté.)
Art. 2.
« Le président du tribunal criminel de Paris aura un su
Art. 3.
« L'accusateur public à Paris aura également un substitut. » (Adopté.)
Art. 4.
« Le traitement du président du tribunal criminel, dans tout le royaume, sera le double de celui attribué aux juges de district. » (Adopté.)
Art. 5.
« Cellui de l'accusateur public, également dans tout le royaume, sera des trois quarts de celui du président. » (Adopté.)
Art. 6.
« A Paris, le traitement du substitut du président sera des deux tiers de celui du président. » (Adopté.)
Art. 7.
« A Paris, le traitement du substitut de l'accusateur public sera des deux tiers de celui de l'accusateur public. > (Adopté.)
Art. 8.
« Il y aura, auprès du tribunal criminel de Paris, un commissaire du roi, dont le traitement sera égal à celui des autres commissaires de la ville. » (Adopté.)
Art. 9.
« Le greffier criminel à Paris aura 6,000 livres de traitement fixe, et dans les autres villes un traitement des deux tiers de celui du président criminel du lieu. Il sera, en outre, remboursé, tous les trois mois, par le département, par forme d'indemnité seulement, des frais des expéditions qu'il sera tenu de fournir gratuitement aux accusés. L'état de ces frais sera certifié par le président. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10, ainsi conçu :
« Il y'aura à Paris, auprès du tribunal criminel, 3 huissiers avec un traitement de 1,200 livres chacun, et 2 dans les tribunaux criminels des autres départements, avec un traitement de 4,000 livres. » (Murmures)
plusieurs membres : C'est trop I
Vous donnez , aux juges de paix 600 fivres et vous voulez donner 4,000 livres aux huissiers ; cela ne me paraît pas juste.
(de Saint-Jean-d1 Angély). le crois qu'il làut donner 600 livres à l'huissier du tribumat criminel des: départements, à la charge par lui de faire le service auprès du tribunal, et décider que, pour les frais de transport, l'expédition de l'exploit ou du décret qu il signifiera, il sera payé parle département.
Je crois qu'il faut proportionner le traitement aux endroits qu'habite l'huissier.
(L'Assemblée ajourne la question du traitement des huissiers des tribunaux criminels des départements.)
, rapporteur, met en conséquence l'article 10 aux voix dans les termes suivants :
Art. 10.
« Il y aura à Paris, auprès du tribunal criminel, 3 huissiers avec un Iraitemenl de 1,200 livre» chacun, et 2 dans les tribunaux criminels des autres départements. » (Adopté.)
Art. 11.
. n Le commissaire du roi, dans les chefs-lieux de département, aura un adjoint pour les matières criminelles, avec le même titre et le même traitement. » (Adopté.)
Art. 12.
» Toute consignation d'amende en matière criminelle est défendue. » (Adopté.)
Art. 13.
« Les électeurs actuels du département de Paris se rassembleront pour nommer les ftmc-tionnairessusdits, et nommeront en même temps aux places de juges et de suppléants, valantes dans les tribunaux de la capitale. » (Adopté.)
, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle. Messieurs, vous avez chargé vos comités de Constitution et de législation criminelle de vous rendre compte d'une pétition des juges criminels du département de Paris. Les six tribunaux criminels se sont trouvés partagés d'opinions sur le point de savoir s'il fallait recommencer les nombreuses procédures dans lesquelles le Chàtelet avait introduit des nullités par la violation de vos décrets. La majorité des juges, touchée de la longueur du temps de la nouvelle instruction qu'il faudrait faire, si les procédures faites par le Châtelét étaient déclarées nulles, vous a présenté avant-hier une pétition dans laquelle ils vous exposent les inconvénients qu'il y aurait de laisser languir les prisonniers et vous demandent de valider lesdites procédures.
Vos comités ont pensé unanimement que, lorsqu'une loi criminelle a établi des nullités, lors-
qu? elle a cru certaines formes tellement nécessaires, soit pour l'innocence de l'accusé, soit pour la conservation des droits de la société, lorsqu'elle a déclaré nulle toute procédure qui ne ies contiendrait pas, il est évident que tout jugement qui est rendu d'une manière contraire, dans lequel ces formes ont été violées, n'est pas un jugement légal. C'est même jusqu'à quelque point un assassinat; nul juge n'a le droit de Condamner un homme sans observer les formes que la société a cru indispensables pour sa condamnation.
D'un autre côté, rien ne peut empêcher l'Assemblée nationale de suivre inflexiblement les principes de la justice qui veulent qu'aucun effet rétroactif ne soit donné à la loi. Vous avez le droit de changer les lois pour l'avenir ; mais vous n'avez pas le droit de regarder les lois anciennes comme n'ayant pas existé, ni les lois existantes comme n'existant pas.
Ainsi, malgré les inconvénients, malgré les lenteurs qu'exigera le renouvellement des procédures, malgré le désir que nous aurions eu de soulager les malheureux prisonniers et d'abréger lé temps déjà trop long de lèur détention, vos comités se sont déterminés, par les considérations que je viens de vous exposer, à vous proposer de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'adresse des juges des 6 tribunaux criminels de Paris.
Messieurs, les prisons regorgent de prisonniers; ces prisonniers sont coupables ou innocents-: s'ils sont coupables, les preuves ont dépéri ou vont dépérir dans la nouvelle instruction qu'on vous propose; s'ils sont innocents, Vous allez les laisser gémir dans les prisons pendant des siècles. Comment voulez-vous recorn mencer les procédures dans un nombre aussi prodigieux que celui qui existe?
D'ailleurs, la pétition des tribunaux criminels m'a paru être parfaitement juste, parce qu'elle a bien distingué entre les nullités qui frappaient décidément sur lPs peines et sur les confrontations, sur ce qui peut porter la Couvietion, et entre les simples nullités qui ne portaient que sur les actes de procédure. Or, Messieurs, tous les actes de procédure ne servent pas éminemment à la conviction des coupables. Ce n'est que le témoignage des témoins qui peut les convaincre,. (Interruptions.)
Je vous demande, Messieurs, qu'en déclarant qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur là pétition,, on ajoute au décret que toutes espèces de formes prescrites, tant par les^anciens-règlements non abrogés, que par les nouveaux règlements qui ont été faits, doivent être rigoureusement tenues pour causes de uullité.
Je. ne crois pas possible de mettre dans un préambule que la loi doit être observée.
J'ajou lerai . Messieurs, u ne > dernière observa- tion,; La sévérité de la décision que nous voua proposons pourra être tempérée en décrétant, ; d'après les notes qui seraient remises par les tribunaux et la municipalité dé Paris, les moyens qui paraîtront nècéssaires pour accélérer le jugement des prisonniers. . .
(L'Assembréé décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'adresse des membres des six tribunaux criminels de Paris.)
, secrétairet fait
lecture d'une lettre du ministre de la guerre ^dressée à M. le Présidént et ainsi conçue:
« Paris, le 29 mai 1791.
« Monsieur le Président,
« Le roi m'ordonne de vous communiquer quelques observations sur l'article 38 du décret sur l'organisation du pouvoir exécutif. Cet article est ainsi conçu :
« Le pouvoir exécutif ne pourra faire passer « ou séjourner aucun corps de troupes de ligne « en deçà de 30,000 toises de distance du lieu des « séances du Corps législatif, si ce n'est sur sa ré-« quisition, ou avec son consentement exprès. »
« Il existe aux environs de Paris, à une distance plus rapprochée que celle indiquée dans l'article, plusieurs endroits où les troupes sont dans l'usage de loger, tels quë Saint-Denis, Pou-toise, Meiun, Senlis, Luzarche, etc. L'exécution rigoureuse du décret forcerait de les abandonner, parce que dans le mouvémènt journalier des troupes, il serait impossible d'interrompre les travaux du Corps législatif pour obtenir son autorisation sur le simple passage donné par forme à un régiment qui change d'emplacement.
« Cependant ces gîtes d'étapes sont placés sur des directions très fréquentées, et servent aux mouvements qui font porter les troupes des départements maritimes sur ceux du Nord, de la Moselle et du Rhin ; leur suppression nécessite des détours considérables, qui augmenteraient les routes, ainsi que la dépènse, et augmenteraient considérablement les opérations qui demandént une grande célérité.
« On pourrait obvier à ces inconvénients, en se bornant à instruire l'Assemblée nationale du passade des troupes en deçà de la distance désignée, lorsqu'elles excéderaient 100 hommes, par une note officielle qui indiquerait le nombre des troupes, la date de leur passage et la route qu'elles suivent; mais comme le décret porte qu'il laudra une autorisation expresse du Corps législatif, et par conséquent antérieure à l'envoi des ordres, cette mesure, que Sa Majesté m'a chargé de vous indiquér, ne peut avoir lieu que lorsque l'Assemblée nationale aura prononcé si elle l'adopte.
« Je vous prie donc, Monsieur le Président, de vouloir bien lui soumettre cette proposition. Le roi m'ordonne en même temps d'instruire l'Assemblée nationale que dans ce moment des corps de troupes sont placés en demeure en deçà de 30,000 toises de Paris. A Versailles, un régiment d'infanterie et un détachement de chasseurs, qui fournit également des détachements dans les environs ; à Rambouillet, un régiment de chasseurs, qui fournit des détachements aux environs; à Saint-Germain, un détachement de chasseurs.
« Ces troupes ont été rassemblées par la nécessité de maintenir la tranquillité publique, et sont reconnues très utiles par les corps administratifs, qui en désirent la conservation.
« Je me borne donc, aux termes de l'article ci-dessus, à demander que l'Assemblée nationale Veuille bien autoriser leur séjour ultérieur dans les emplacements qu'elles occupènt.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : duportal. »
Je demande le renvoi au comité de Constitution. (Murmures.)
, au nom du comité de Constitution. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée
que le décret sur l'organisation du Corps législatif, dans lequel se trouve la disposition rappelée par le ministre, dans sa lettre, n'est pas "complet, qu'il n'a pas encore été présenté à l'acception du roi et que, par conséquent, la loi n'est pas encore faite. C'est le zèle du ministre de la guerre qui le détermine dans ce moment-ci à demander une autorisation, puisque le temps de l'exécution de la loi qui a été rendue n'est pas encore venu.
Une autorisation n'est donc pas encore nécessaire et le ministre de la guerre peut, sur ce point, ordonner les arrangements qui lui paraîtraient utiles au service public.
Je ne m'oppose pas d'ailleurs au renvoi de la lettre au comité qui présentera de suite à l'Assemblée son avis sur la question ; quant à moi, personnellement, je pense qu'il suffira d'en instruire le Corps législatif. . (L'Assemblée décrète que les remarques de M. Démeunier seront insérées au procès-verbal; élle ordonne de plus le renvoi de la lettre et des observations du ministre de la guerre au comité de Constitution pour en rendre compte.),
, au nom du comité diplomatique. Messieurs, lorsqu'à la mort de Benjamin Franklin vous décrétâtes que l'Assemblée porterait le deuil, vous chargeâtes votre Président d'écrire au Gongrès pour lui faire part de votre décision. Le Président du Congrès, M. Washington, vous répondit dans le temps par une lettre qui a été rendue à l'Assemblée nationale.
Aussitôt que le Congrès a repris ses séances, il a chargé le ministre des affaires étrangères de l'Amérique de vous donner une nouvelle preuve des sentiments de fraternité qui l'unissent à ce royaume et du désir sineère de voir continuer la paix et l'union quirègneut entre eux et vous.
Le ministre écrivit donc une nouvelle lettre. C'est cette lettre qui a été envoyée au comité diplomatique et dont je vais avoir l'honneur de vous donner lecture; elle est accompagnée d'une lettre particulière des représentants de l'Etat de Pensylvanie, dont je vous donnerai également lecture.
Voici la lettre de M. Jefferson :
« Monsieur,
« Je suis chargé, parle président des Etats-Unis de l'Amérique, de communiquer à l'Assemblée nationale l'expression de la sensibilité du Congrès pour l'hommage que les représentants libres et éclairés d'une grande nation ont rendu à la jmémoire de Benjamin Franklin, par leur décret du 11 juin 1790.
« Il était naturel que la perle d'un tel citoyen excitât de vifs regrets parmi nous, aù milieu desquels il vivait, qu'il avait si longtemps et si éminemment servis, et qui sentions que sa naissance, sa vie etses travaux avaient été intimement liés aux progrès et à la gloire de sa patrie; mais il appartenait à l'Assemblée nationale de France de donner le premier exemple d'un hommage publiquement rendu par le corps représentatif d'un grand peuple au simple citoyen d'une autre nation ; et en effaçant ainsi des lignes arbitraires de démarcation, ne réunir, par les liens d'une grandéfraternité, tous les hommes bons et grands, quel qu'ait été le lieu de leur naissance ou de leur mort.
« Puissent ces démarcations disparaître entre nous, dans tous les temps et dans toutes les cir-
constances, et puisse l'union de sentiments qui mêle aujourd'hui nos regrets, continuer à cimenter les liens d'amitié et d'iniérêtqui unissent nos deux nations! Tel est le vœu constant de nos cœurs, et personne ne le forme avec plus d'ardeur et de sincérité, que celui qui, en remplissant l'honorable devoir de transmettre l'expression d'un sentiment public, se félicite de pouvoir en même temps offrir l'hommage du profond respect et de la vénération avec lesquels il a l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé : Th. Jefferson. »
Philadelphie, 8 mars 1791.
(Applaudissements à gauche.)
Avant de vous donner lecture de la lettre des représentants de l'Etat de Pensylvanie, permettez-moi de vous donner connaissance de l'extrait de leurs délibérations :
« Nous, députés de la République de Pensylvanie, chambre des représentants, vendredi 8 avril 1791.
« L'adresse à l'Assemblée nationale de France lue le 6 du présent mois, a été lue pour la seconde fois et adoptée à l'unanimité; en conséquence, il a été résolu, ique l'orateur signerait ladite adresse par ordre de la Chambre et la transmettrait au Président de l'Assemblée nationale de France ».
La lettre des représentants de VEtat de Pensylvanie a été envoyée à l'ambassadeur de France en Angleterre qui l'a fait passer à M. le Président de l'Assemblée nationale; la voici :
« Monsieur,
« Les représentants du peuple de Pensylvanie ont unanimement manifesté le désir d'exprimer à l'Assemblée nationale de France les sentiments de sympathie qui les attachent à ses généreux travaux dans la cause de la liberté; ils lui adressent leurs félicitations bien sincères sur ses succès, dont ils ont suivi le progrès avec la plus tendre sollicitude et la plus vive satisfaction.
« Une nation qui, déployant une politique si magnanime, et animée du plus noble enthousiasme, a si généreusement interposé sa puissance, prodigué ses trésors, et mêlé son sang avec le nôtre pour défendre la liberté américaine, a droit sans doute à la plus entière réci-firocité de nos sentiments pour elle, et aux vœux es plus ardents que l'attachement et la reconnaissance puissent exprimer.
« Profondément pénétrés de ces sentiments, nous regrettions sans cesse qu'un peuple brave et généreux, qui s'était fait volontairement le défenseur de nos droits, ne jouît pas lui-même des siens, et qu'après nous avoir aidés à nous placer dans le temple de la liberté, il ne retrouvât dans ses foyers que la servitude. Heureusement la scène a changé, et votre situation actuelle excite en nous tout ce que la sympathie la plus douce peut faire éprouver au cœur humain.
«Nous voyons dans ce moment, avec des transports d'affection et de joie, le glorieux triomphe que vous avez assuré à la raison sur les préjugés, à la liberté et à la loi sur l'esclavage et sur le despotisme. Vous avez noblement brisé les fers qui vous attachaient à votre ancien gouvernement, et entrepris, aux yeux de 1 Europe étonnée, une Révolution fondée sur cet axiome pur et élémentaire, que le principe de tout pouvoir réside naturellement dans le peuple, qu'il en est
la source, et que toute autorité doit émaner de lui.
Cette saine maxime, sur laquelle reposent et dont se glorifient nos constitutions américaines, ne pouvait plus être inconnue ou négligée au milieu du foyer de patriotisme et de philosophie, qui, depuis longtemps, éclairait la France.-
« Nous nous félicitons de ce que votre gouvernement, quoique différemment organisé, offre une telle homogénéité de principes avec le nôtre, qu'il ne peut manquer de cimenter l'amitié qui nous unit par des liens encore plus étroits, puisqu'ils seront plus fraternels.
Pour preuve de cette disposition, nous pouvons vous assurer que les suffrages et les sentiments de nos concitoyens se réunissent unanimement dans la plus vive prédilection pour votre cause et pour votre pays. Nous prévoyons avec joie le bonheur et la gloire qui vous attendent, lorsque les ressources dont vous êtes entourés, ces richesses que la nature a répandues sur vous d'une main si libérale, auront acquis toute l'activité que doit leur donner un gouvernement libre.
« Nous nous plaisons à espérer qu'aucune circonstance pénible ou malheureuse n'interrompra votre glorieuse carrière, jusqu'à ce que vous ayez complètement rendu au bonheur d'une igale liberté civile et religieuse, tant de millions de nos frères, jusqu'à ce que vous ayez complètement détruit les odieuses et arrogantes distinctions entre l'homme et l'homme, jusqu'à ce qu'enfin vous ayez fait germer dans l'esprit du peuple l'enthousiaste et généreuse passion de la patrie, au lieu de ces sentiments servilement romanesques, qui concentrent toutes les affections d'une nation dans la personne d'un monarque. (Vifs applaudissements ù gauche.)
« Mais, tandis que nous considérons avec respect et admiration les principes que vous avez établis, et que nous unissons nos vœux pour qu'ils puissent à jamais braver les attaques du temps, de la tyrannie ou de la perfidie, nous ne pouvons que nous réjouir de ce que, dans les progrès de votre Révolution, vous n'avez éprouvé qu'un petit nombre de ces crises convulsives. (Murmures à droite.) qui se sont si souvent et si fortement renouvelées dans" le cours de la Révolution américaine. (Vifs applaudissements à gauche.)
« Si notre vif intérêt pour vos succès pouvait s'accroître par quelques motifs étrangers, il suffirait sans doute, pour le porter à son comble, de la réflexion satisfaisante et philanthropique, que, par l'influence de votre exemple, les autres nations de l'Europe apprendront à apprécier et à rétablir les droits de l'homme, et que l'on verra devenir de plus en plus générales ces institutions politiques, dans lesquelles l'expérience aura développé à tons les yeux des principes favorables au bonheur de l'espèce humaine, et convenables à la dignité de notre nature » (Applaudissements.)
« Par ordre de la Chambre des représentants :
« Signé ; Wm Bingham, orateur. »
« Philadelphie, 8 avril 1791. »
Plusieurs membres : L'impression 1
Il faut en envoyer un exemplaire à M. l'abbé Raynal.
Je demande la parole.
Plusieurs membres ; Ce n'est pas fini !
, rapporteur. Messieurs, vous venez d'entendre les sentiments des Américains et les expressions de leur gratitude et de leur touchante bienveillance pour vous.
La probité de la morale sévère et humaine de ces peuples nous sont de sûrs garants de là sincérité de leur affection. Nos intérêts vont désormais se confondre, et des devoirs plus étroits voirt^ nous unir.
Nous les avons aidés à vaincue et à s'affranchir. Ils nous instruisent, àleur tour, à êtretolé-rants, justes et humains.... {A droite : Oui ! oui !) à respecter la foi des serments... (Murmures à droite; applaudissements à gauche. — A gauche : Quil oui J) et l'obéissance due aux lois, à honorer dans l'homme la dignité de l'homme et à préférer à toutes les qualités brillantes, même aux dons du génie dans la politique, et aux faveurs du sort dans les combats, l'horreur du sang de nos semblables, et pour les propriétés, enfin, la soumission aux autorités légitimes. (Vifs applaudissements,)
Un peuple animé de ces sentiments peut se glorifier d'être plus que le conquérant du monde; il en est l'ibstituleur et l'exemple. C'est donc dans ses ports, c'est dans ses places maritimes, c'est dans ses heureuses et paisibles contrées qu'il habite, qu'il est à désirer que nos négociants aillent de préférence s'instruire dans le commerce, se former aux vertus qui le font fleurir : l'économie, la simplicité et la pureté des mœurs, la droiture et la prolfité.
Par ces considérations, le comité pense que l'Assemblée nationale doit chercher à multiplier, le plus qu'il lui sera possible, ses relations commerciales avec l'Amérique.
Louis XVI, avant d'obtenir le titre de restaurateur de la liberté française, mérita celui de bienfaiteur du Nouveau-Monde. Ainsi, loin de porter atteinte à sa prérogative royale, en lui exprimant vos désirs à cet égard, c'est entrer dans ses vues, c'est coopérer à ses plus glorieux* projets, c'est déférer au vœu de son cœur, que de resserrer les nœuds qui unissent la nation française au sort - de ces braves insurgent», dont la vigilance et généreuse équité, fut, après la justice de leur cause, l'énergie de leurs efforts, et leur inflexible courage, le plus ferme appui, comme elle est encore le sûr garant de leur indépendance.
Le comité diplomatique, Messieurs, a l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture d'une lettre du ministre des Etats-Unis d'Amérique, adressée à son président, signée Jef-fèrson, et, de celle des représentants de l'Etat de Pensylvanie eu date du 8 avril dernier, par eux adressée ati président de l'Assemblée, ensemble le rapport dè son comité diplomatique,
« Ordonne que les % lettres eus-énoncées seront imprimées et insérées dans le procès-verbal de'sa séance ;
« Charge son président de répondre à la lettre des représentants de l'Etat de Pensylvanie et d'exprimer au ministre des Etats-Unis d'Amérique qu'elle désire voir se resserrer dé plus en plus les liens de fraternité qui unissent les 2 peuples ;
« Décrète, en outre, que le roi sera prié de faire négocier avec les Etata*Unis un nouveau traité de commerce qui puisse multiplier entre les 2 nation des relations également avantageuses à l'une et à l'autre. » (Applaudissements à gauche.)
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Gode pénal (Travaux forcés) (1-). f '
, rapporteur, soumet à la discussion la question suivante :
« Les condamnés à des peines afflictives seront-ils employés à des travaux publics, ou seront-ils enfermés dans des maisons particulières? »
Il rappelle succinctement les principes de morale et de justisequi ont déterminé lescopàités dé Constitution et de législation criminelle à adopter la seconde opinion.
Sans m'arrêter aux difïérentès considérations qui vous Ont été soumises dans le rapport, par le comité lui-même, indépendamment encore du spectacle dégradant, pour l'humanité, de voir des hommes chargés de chaînes, traités ignominieusement et arbitrairement dans leurs ateliers, il est une autre considération plus puissante je crois, qui vous détermi nera à rejeter cette proposition ; cette considération vient de ce que ces gens-là seraient occupés à des travaux publics, et que les travaux publics sont l'apanage de la classe laborieuse et indigente qui a besoin de ce tràvail pour subsister.
Je demande donc que l'Assemblée nationale prononce actuellement et positivement que les condamnés ne seront pas employés aux travaux publics.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix!
Je demande que M. le rapporteur veuille bien nous dire si le comité entend que les chaînes de Toulon, de Marseille soient conservées ou supprimées.
, rapporteur. Il faut distinguer entre les condamnés et ceux qui le seront par la suite. Les condamnés qui sont à présent sur les galères subiront leur peiné, jusqu'à ce que le temps{spit expiré ; quant à ceux qui le seront par la suite, ils seront punis suivant le Code pénal nouveau, et ne seront pas conduits aux galères.
La peine des galères,telle qu'elle avait été instituée anciennement, n'existe plus. Il n'y a plus «de Chiourme ; ainsi, quoique la dénomination soit conservée, il n'existe plus, dans nos ports, qu'une maison de force dans laquelle sont renfermés lés condamnés. Les trëfyaux des ports reçoivent des secours évidents de cette réunion dç condamnés. 6,000 forçats sont distribués dans les ports de Brest, Toulon etRochefort. Ces6,000 forçats coûtent à l'Etat 1,600,000 livres. D'après les calculs faits, il y a à peu près un million de gagné, par le travail de ces hommes; et cependant leurs vêtements, leur nourriture, et ce qu'ils peuvent ajouter par leur travail même à leur nourriture, les mettentabsôlumerit hors de l'état des bommes qui souffrent physiquement : ils sont tréS empressés à demander eux-mêmes a être compris dans les distributions de corvée.
Je sais que c'est une punition nouvelle que de les soustraire aUx travaux
des ports. Il s'agit donc de'savoir si, en proscrivant les travaux
publics pour les condamnés, vous voulez ôtèr aux arsenaux cette
ressource. Il y a plus d'un incon-
Plusieurs grands accidents étaient résultés du séjour des forçats dans les ports; et cependant l'utilité qu'on en tire pour les travaux les plus fatigants est telle, que l'administration des ports est intervenue plus d'une fois, lorsqu'il a été question de changer la peine des galères. Je crois que c'est une considération très importante, que celle de savoir û vous supprimerez ou si vous conserverez cette institution, en l'améliorant; tel est mon avis.
L'Assembléenationale a décrété hier, qu'après l'expiration de la peine, si le condamne 6e conduisait bien, il pouvait espérer une réintégration dansjses droits de cité et de citoyen. Je demande, Messieurs, que vous ayez la bonté de peser jusqu'à quel point la délibération que vous avez prise hier est incompatible avec le régime des galères. (Murmures.)
On lit dans la Constitution de la Pensylvanie l'article suivant :
« Pour détourner plus efficacement de commettre des crimes par l'aspect des châtiments et de longue durée et soumis à tous les yeux, et pour rendre moins nécessaire des supplices sanglants, il sera établi des maisons de force, où les coupâmes, convaincus de crimes non capitaux, seront punis par des travaux rudes. Ils seront employés à travailler à des ouvrages publics pour réparer le tort qu'ils auront fait à certains particuliers. Toutes personnes auront, à certaines heures convenables, la permission d'y entrer pour voir ces prisonniers au travail. »
Messieurs, le même châtiment des travaux publics se trouve dans plusieurs codes pénaux de divers Etats de l'Europe; le roi de Suède, le margrave de Bade, le grand-duc de Toscane, l'empereur l'ont adopté ; et sa sagesse, sa moralité a été vantée par presque tous les écrivains qui, dans les derniers temps, se sont occupés de la réforme de nos lois criminelles. Le seul Filangieri s'y est refusé. Ce nom, réuni à celui de vos comités de Constitution et de législation criminelle, forme sans doute une autorité imposante.
Lorsqu'on a tant soit peu médité les raisons respectives, on trouve que la peine des travaux publics a en effet de grands avantages; elle remplit, comme l'ont reconnu plusieurs législateurs ae la Pensylvanie» le principal objet de la punition des crimes, qui est de les prévenir par la terreur; pour cela les coupables ne doivent pas être entassés dans les galères, il faut établir des maisons de force dansles différents départements : c'est l'oisiveté, c'est la fainéantise qui engendrent la pente au crime; quelle peine mieux proportionnée, mieux réprimante qu'un travail rude et journalier ? Les travaux publics présentent une. grande facilité à bien graduer la peine suivant la nature du délit; le châtiment peut être ou augmenté ou diminué soit par sa durée, soit par la nature et le gepre des travaux.
Il est également possible d'empêcher que la réunion de plusieurs coupables consomme leur corruption. On pourra, comme l'a observé M'. Pas-toret, séparer le scélérat de l'homme qui n'aura commis qu'un délit ordinaire, et ce dernier, du coupable qui n'aurait commis qu'un délit encore plus léger. Réunis d'ailleurs au moment de leurs travaux, mais sous une inspection salutaire, ils
seront isolés avec soin dès qu'ils auront cessé ce travail. Ces avantages sont-ils compensés par ceux qu'on a trouvés dans les maisons de force? Je ne le crois pas. C'est pour cela que je conclus contre l'avis de vos comités ; et je crois que les condamnés à des peines afflictives doivent être dévoués à des travaux publics.
Si VOUS voulez continuer l'envoi des gens aux galères, il faut que vous renonciez à les réintégrer dans les droits de citoyen; en effet jo soutiens qu'un homme pervers, qui peut se coaliser,devient nécessairement plus pervers encore; que ce n'est point aux galères, que ce n'est point dans les prisons, que ce n'est point dans les lieux où les scélérats sont seuls ou ensemble, que jamais ils ne peuvent se corriger : le moyen unique de les corriger, c'est de les renfermer seul à seul.
C'est un mot que celui de galères. Les gâlères ne sont pas à proprement parler une peine, mais seulement un lieu de détention. Rien n'empêche que les maisons de force ne soient principalement établies dans nos ports afin qu'on puisse au besoin appliquer les condamnés qui* seront enfermés aux travaux de ces ports et des arsenaux, surtout dans le3 temps où les ouvriers viendraient à manquer ou seraient d'un salaire trop dispendieux. Au surplus, je ne m'oppose pas à la proposition de vos comités.
, rapporteur. Je réponds d'abord à M. Malouet que le comité ne propose pas de dissoudre les ateliers qui sont employés dans les ports : dissolution qui pourrait dans ce moment opérer un grand danger pour la chose publique. U s'agit de savoir si, quant à l'avenir, il est absolument utile à la chose publique de fixer dans les ports les travaux pour les galériens (Oui! Oui!), s'il est de l'intérêt public; d'envoyer à l'extrémité de la France, leseondamnés de tous les départements de la France, c'est-à-dire d'éloigner l'exemple du lieu où le délit a éclaté.
il n'est pas ici question de savoir si L'on pourraou non faire travailler les condamnés, mais de savoir si les condamnés seront voués aux travaux publics, ce qui est bien différent. Je pense qu'éloignant à présent la question de savoir dans combien de départements vous mettrez des maisons de peine, vous devez prononcer qu'ils ne seront pas condamnés aux travaux publics.
Au lieu des mots « travaux publics » qui ont été employés par le rapporteur, je propose que l'on se serve de l'expression : « travaux forcés » par opposition aux travaux liDres, qui appartiennent exclusivement aux hommes libres. Et comme l'exécution des décrets entraîne toujours beaucoup de longueur, je oropose de décréter actuellement le principe qu ils seront condamnés à des travaux forcés, et de renvoyer à la prochaine législature pour les détails du décret.
La discussion est embarrassée par deux eauses. La première, c'est que dans la séance d'aujourd'hui on n'a point posé la question sur laquelle on devait prononcer. La seconde, c'est qu'on a oublié le* point qui nous occupe, Il me semble donc, pour réduire la déli-
bératiôn à son véritable point, qu'en adoptant le changement proposé par M. Rabaud, il faut poser ainsi le question : « Cohservera-t-on oui ou non les travaux forcés comme base du Code pénal? ». Pour ma part je demande que l'Assemblée décide qu'il y aura une peine d'un travail forcé.
, rapporteur. La manière dont M. Démeunier vient de poser la question, change absolument toute l'opinion, tout le système de votre comité.
Un membre à gauche. Il n'y a pas de mal à cela.
, rapporteur. Or, si vous voulez changer ce système, ll'faut au moins le discuter; et si vous adoptez pour sysième pénal les travaux forcés, en voici l'inconvénient : qu'un homme condamné ne veuille point travailler, on ne peut l'y forcer qu'à coups de bâtons... (A droite : Ouil ouil.) Alors vous le soumettez à l'arbitraire du conducteur, ce n'est plus la loi qui prononce la peine, c'est le conducteur qui la rend ce qui lui convient.
Plusieurs membres. Aux voix! aux voix!
Je suis étonné que sur une question aussi intéressante personne ne se soit donné la peine d'examiner ce que le comité vous propose de substituer aux travaux publics. Je trouve que son opinion aura non seulement les inconvénients des galères telles qu'elles existent, mais encore des inconvénients particuliers. Premier inconvénient : la dépense de construction des maisons de forse dans 83 départements ; second inconvénient, la corruption, car tout le monde sait que les hommes détenus, dans ce qu'on appelle maison de force, s'inoculent leurs vices.
Ensuite voici des inconvénients particuliers à l'opinion du comité : le premier c'est que vous accoutumerez à l'oisiveté les criminels qui seront dans les maisons de force; il y a des criminels qui aimeront mieux vivre de pain et d'eau que ae travailler ; c'est leur caractère commun. Ces travaux, dit-on, serviront d'exemple : eh bien 1 Messieurs, de deux choses l'une : ou le peuple qqi les ira voir les soulagera par ses largesses, alors la peine cesse avec l'exemple ; ou il ne les soulagera pas, alors le peupleest méchant, parce qu'il s'accoutume à voir souffrir ses semblables, et l'exemple est nul, tandis que les ports vous présentent des travaux qui demandent un très grand nombre de bras, tandis qu'il vous reste des landes immenses à défricher, tandis que vous avez des canaux à ouvrir et des marais à dessécher. Envoyez là vos condamnés, et ils seront utiles à la société; ils deviendront meilleurs car ils contracteront l'habitude du travail. Je demande donc qu'il soit dit que les travaux forcés publics seront conservés.
Je demande qu'on décrète le principe tel que je l'ai proposé.
La question ne me parait pas très bien posée. Je crois que les motifs du préopinant ne sont pas justes, ou plutôt qu'il oublie les véritables motifs de la question : il s'agit de savoir si la condamnation à des travaux forcés est utile ou non, si elle» présente aux condamnés un moyen d'amélioration. Je ne le crois pas ; car au
lieu de faire contracter l'amour du travail, vous inspirez l'horreur du travail. On vous l'a déjà dit et je vous le répète : vous ne pouvez faire travailler les condamnés qu'en les luisant assommer de coups, et qu'en laissant leur sort à l'arbitraire. De là résulte un inconvénient très grave; c'est que vous avilirez, que vous déshonorerez aux yeux de l'homme indigent mais vertueux, le travail, cette tâche vraiment noble et respectable de l'humanité, si vous en prostituez la nécessité à l'expiation du crime et de la scélératesse. Je voudrais donc qu'on adoptât un genre de punition capable de rendre l'homme meilleur au lieu de le faire plus dépravé. • (Applaudissements à gauche.)
Je demande que l'Assemblée décrète qu'il n'y aura pas de travaux forcés, ou bien que prenant les articles du Gode pénal tels qu'ils lui sont présentés par le comité, elle examine si les peines proposées sont proportionnées aux délit*; cet ajournement de la question jusqu'après l'examen des articles laisserait toujours à l'Assemblée la liberté d'appliquer les travaux forcés aux délits qui seraient jugés les plus graves.
Je demande qu'on mette aux voix la proposition de M. Démeunier, afin qu'au moins nous ne perdions pas le fruit de notre délibération. (Murmures.)
, rapporteur. J'observe que si l'Assemblée décrète qu'il y aura des travaux forcés, il faut qu'elle nous accorde quelques jours pour réformer notre travail.
Plusieurs orateurs, en entrant dans des détails d'exécution, prolongent excessivement la délibération,* il n'est actuellement question que de consacrer le principe. On peut charger le comité de déterminer les crimes auxquels cette peine sera applicable, puisqu'elle ne sera pas la base fondamentale du Gode pénal dans toutes ses parties, quand même elle serait adoptée.
Ma proposition est simple : Conservera-t-on la peine des travaux forcés ? Si l'A-semblée décrète qu'il y aura des travaux forcés, il est clair que cela ne préjuge rien ; mais que l'Assemblée aura seulement.voulu qu'il y ait des circonstances où l'on puisse prononcer cette peine.
(La discussion est fermée.)
L'Assemblée adopte le principe suivant :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il y aura des travaux forcés, auxquels les condamnés à des peines afflictives seront employés, dans le cas et de la manière déterminés par la loi. »
lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neu£ heures et demie du malin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mercredi au soir, qui est adopté.
M. le secrétaire fait ensuite lecture d'une adresse du département de la Côte-d'Or aux citoyens de ce département sur la nécessité d'accélérer le payement des impôts arriérés et du second tiers de la contribution patriotique.
Cette adresse est ainsi conçue :
« Citoyens,
« C'est toujours avec une nouvelle satisfaction que nous venons nous entretenir avec nos frères sur les moyens les plus efficaces de con-olider cette liberté, objet unique de notre ambition commune : c'est toujours avec confiance que nous rappelons aux amis de la Constitution les secours que la patrie a droit d'exiger d'eux, en retour de la protection qu'elle leur accorde.
« La répanition des impositions ordinaire? de 1790 est plus retardée, dans les départements de l'ancienne Bourgogne, que dans tout le reste du royaume : et certes, ceux qui auront connaissance de nos sollicitudes à cet égard depuis le moment de notre installation ; ceux qui sauront avec quelle activité continue nous avons pressé le département de cet impôt, toujours éloigné par Tobstinaiion des anciens administrateurs ; ceux enfin qui, moins instruits dés obstacles que nous avons successivement éprouvés, vomiront s'as-urer, par l'inspection de nos registres, de nos efforts constants à les surmonter ; ceux-là n'imputeront pas à notre négligence le retard do la répartition.
« Màis nous oublions l'intérêt de notre justification, lorsque nous pensons que ce retard forcé peut servir de prétexte à accuser tous les citoyens clu département d'une indifférence coupable pour la patrie:
« G'est donc au nom de cette patrie qui réunit toutes vos affections ; c'est au nom de votre propre gloire, que nous vous invitons à prévenir un soupçon aus-i injurieux, par votre empressement à acquitter les contributions arriérées. (Jue l'impôt de 1790, payé aussitôt que réparti, apprenne aux autres sections du royaume, que vous ne leur cédez pas plus en patriotisme qu en courage ; que vous connaissez vos devoirs autant que vos droits de citoyens.
« G'est avec plus de regret que nous rappellerons à quelques-uns de vous qu'il reste une partie des impositions de 1788 et 1789 à acquitter; et nous recommandons aux municipalités la plus grande activité dans la vérification dont nous les avons chargées, de l'état des recouvrements des collecteurs. Aucune excuse ne peut justifier ce retard, aujourd'hui que l'impôt n'est plus la proie des ministres déprédateurs et des courtisans ; aujourd'hui que la nation surveille elle-même l'emploi de tous les revenus publics. Que ceux qui sont encore en retard se hâtent donc de réparer leur négligence, s'ils ne veulent pas s'exposer aux poursuites que l'intérêt de la patrie ne nous permettra plus de suspendre; s'ils ne veulent pas, ce qui sans doute leur serait plus sensible, faire suspecter leur patriotisme.
« Nous vous recommanderons encore l'acquittement d'une autre contribution, dont la dénomination suffira sans doute pour intéresser votre civisme : la contribution patriotique. Rapnelez-vous avec quel empressement vous êtes venus faire à la patrie l'offrande de cette contribution, avec quel empressement vous en avez acquitté le
premier tiers. Le second terme est échu : appor-terez-vous moins de zèle à réaliser aujourd'hui ce nouveau secours à la patrie, que vous n'en avez mis à le lui promettre? Non, sans doute. Ceux qui se sont montrés, ceux qui se montrent encore les plus ardents défenseurs de la Constitution, ne lui refuseront pas ce nouveau témoignage de leur amour (1).
« Citoyens, il ne vous reste qu'un pas à faire pour reçue1 llir les fruits de cette heureuse Constitution : encore un léger effort pour'verset dans le Trésor national toutes lys contributions arriérées, et vous allez jouir, dès cette année, des bienfaits d'un nouveau système de contribution, qui, pour la première fois, rétablira parmi vous l'égalité des charges communes. Le pauvre ne payera plus la portion du riehe : l'agriculteur ne recevra plus, pour prix de sa laborieuse industrie, une surcharge immodérée des impôts de tous les genres : les taxes barbares qui augmentaient le prix du pain, du vin, du sel, ae la viande, du tabac et de toutes les autres denrées dont la nature ou les habitudes sociales nous ont rendu l'usage nécessaire, ne reparaîtront plus : le commerce, délivré de toutes ses entraves, ne sera plus arrêté par des barrières multipliées ; et les contributions nécessaires à l'activité du gouvernement seront désormais supportées par tous les citoyens, sans aucune exception, dans la juste proportion de leurs propriétés et facultés respectives. ,
« Hâtez-vous donc, citoyens, d'acquitter l'arriéré des anciennes impositions; hâtez-vous d'effacer ces dernières traces de l'inégalité oppressive, sous laquelle des clauses privilégiées vous ont trop.longtemps asservis ; et que le souvenir qui vous en restera ne serve plus qu'à vous faire mieux goûter les bienfaits du nouveau système de contribution que la Constitution a établi.
« F iit au directoire du département de la Gôte-d'Or, le 24 mai 1791, l'an second de la liberté de l'Empire fra »çais. Signé : i"' Minard, vice-président par intérim, et H.-M.-F. Vaillant, secrétaire. »
(L'Assemblée applaudit à cette lècture et décrète l'insertion de l'adresse dans le procès-verbal.)
M. le secrétaire donne ensuite lecture :
1° D'une adresse des administrateurs du département de Maine-et-Loire, relative aux frais d'administration.
(Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
2° D'une adressedes artistes de la ville de Cler-mont-Ferrand, cou tenant une pétition relative aux droits de patente.
(Cette adresse est renvoyée aux comités de liquidation et des contributions publiques, réunis.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Messieurs, tandis que le comité de révision s'occupe du classement dés articles constitutionnels, it serait utile qu'à l'exemple du comité d'aliénation, chaque comité s'occupât également de la réunion et du classement, par ordre de matières, de tous les décrets législatifs dont il a présenté les projets. J'en fais la motion expresse.
(Cette motion est décrétée.)
Messieurs, vous avez ordonné que les dépenses de la ville de Paris seraient payées par le Trésor public jusqu'à l'établissement des nouvelles contributions. Il y avait alors une raison décisive, c'est que les entrées de Paris entraient dans le Trésor public et qu'il aurait fallu régler à cet égard des proportions.
Les nouvelles contributions sont aujourd'hui établies; les dépenses publiques sont établies dans la ville de Paris ; et cependant, la ville de Paris n'a encore rien payé.
Je demande que cet abus cesse et que, pour le faire cesser, l'Assemblée veuille bien ordonner à son comité des contributions de présenter sous trois jours un projet de décret qui indique les fonds sur lesquels seront prises à l'avenir les dépenses de la ville de Paris.
, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, il y avait à cet égard un décret qui mettait pour un temps les dépenses de chaque département à la charge du Trésor public. Depuis que la contribution est établie, votre comité, qui a dans son sein des membres du département de Paris, a déjà examiné cette question ; mais il n'a pas encore les notions nécessaires pour savoir si la municipalité de Paris peut ou non subvenir à ses besoins.
Je ne crois pas possible de pouvoir présenter un projet de décret à cet égard avant S jours.
Je borne ma proposition à 8 jours; voici donc ma motion :
« Le comité des contributions publiques sera chargé de présenter, sous 8 jours, un projet de décret, pour faire fixer la manière dont il sera pourvu aux dépenses de la ville de Paris, en sorte que le trésor public n'en soit plus chargé. »
(Cette motion est adoptée.)
J'ai à faire une proposition qui, suivant moi, se lie indispensablement à celle de M. Lanjuinais.
Une des principales dépenses de la ville de Paris, c'est la garde soldée de Paris. Vous savez, Messieurs, les services que les individus composant cette garde ont rendus à la Révolution. Les ennemis de la Constitution, pour exciter du mécontentement dans cette^ troupe, Ont l'audace de lui insinuer qu'après la Constitution achevée et lorsque Paris n'aura plus besoin, pour sa tranquillité intérieure, de tous les défenseurs qui le rendent maintenant formidable aux malveillants, l'Assemblée nationale abandonnera ces braves citoyens, qu'elle les laissera sans ressources et sans emploi.
Il n'y a personne d'entre nous qui puisse avoir une telle idée : il nous faut faire cesser ces perfides insinuations. Il répugne à notre loyauté de laisser soupçonner que nous ne récompenserions pas de braves soldats qui ont bien servi leur patrie; et nous ne pourrons mieux les récompenser qu'en leur assurant une place honorable dans les troupes de ligne.
Je demande, en conséquence, que le comité militaire soit tenu de rendre compte très incessamment des mesures à prendre pour décider et assurer le sort de la garde soldée de Paris, dans le temps où la ville de Paris n'aura plus besoin de son secours. (Applaudissements.)
(Cette motion est décrétée.)
, au nom des comité de Constitution et militaire, rend compte à l'Assemblée d'un éîettre du département de Corse relative à l'organisation de la gendarmerie nationale de ce département et s'exprime ainsi ;
Messieurs (1), je suis chargé par vos comités de Constitution et militaire, de vous communiquer une lettre du directoire du département de Corse et d'appuyer auprès de vous la demande qu'elle renferme.
Voici cette lettre :
« Messieurs,
« Parmi les lois que vous avez décrétées pour le maintien de l'ordre du royaume, l'organisation de la gendarmerie nationale est sûrement l'une $es institutions les plus sages. Nous sommes pénétrés de respect pour vos décrets; nous devons veiller à leur exécution; mais il est aussi de notre devoir de vous faire des représentations lorsque nous trouvons des inconvénients dans l'application d'une loi générale à ce département.
« Les articles du décret qui accordent exclusivement aux officiers-majors de la gendarmerie la moitié, des places de capitaines et des maréchaux dés logis et le tiers des places de lieutenants aux officiers et ci-devant officiers de la ci-devant maréchaussée, sont un obstacle puissant en Corse, à l'utilité de ces établissements, comment pourrait-on confier des fonctions civiles en même temps que militaires, à des gens qui ne connaissent point ce pays? Nous n'avons que très peu de maréchaussée en Corse. Le choix des officiers et sous-officiers attribué au directoire du département devrait nécessairement tomber en partie sur ces personnes qui n'ont aucune connaissance, ni de la position du pays, ni des usages et des coutumes, des mœurs et de la langue des habitants; et dont le patriotisme, le zèle, la capacité, nous seraient généralement inconnus. Ces raisons puissantes nous déterminent, Messieurs, à supplier l'Assemblée nationale de vouloir bien nous autoriser à choisir aux places de gendarmerie des personnes qui, à notre connaissànce, ont servi avec distinction, ont bien mérité de la patrie, et donné des preuves de zèle et d'amour pour la Constitution et qui jouissent de l'estimo et de la reconnaissance publique.
« C'est à regret que nous nous trouvons dans la nécessité ae demander des
exceptions pour la Corse. Nous voudrions partager eh tout le sort de nos
frères, mais nous croirions, Messieurs, trahir les intérêts de ce
département si nous n'exposions à l'Assemblée nationale ce qui peut leur
convenir. Si nous, pouvions nous flatter que notre demande fût
favorablement accueillie, l'intérêt de ce département nous déterminerait
aussi à'supplier l'Assemblée nationale de décréter que la dépense pour
le renouvellement et l'entretien des chevaux soit employée à
l'augmentation du nombre des brigades à pied. Les montagnes dont la
Corse est traversée, lès difficultés des chemins et, en môme temps
l'étendue de sa surface et le nombre dé ses districts, persuadent
aisément
Il résulte des dispositions de cette leltre et des notes remises aux comités par MM. les députés de Corse, que ce département forme deux demandes.
La première, est que sa gendarmerie soit composée dans ce premier moment d'officiers, sous-officiers et soldats qui aient servi dans le régiment provincial Corse, ou dans les troupes de ligne. Cette demande vous paraîtra juste, puisqu'il n'y a pas en Corse de maréchaussée, et que le ci-devant régiment provincial en faisait les fonctions; elle porte d'ailleurs à une mesure économique, puisqu'elle fait bénéficier le Trésor public des traitements accordés par vos décrets aux officiers et sous-officiers du régiment provincial, et qui se montent à la moitié des appointements dont ils jouissaient.
La seconde demande a pour objet de porter à 36 brigades le nombre de 24 que vous aviez accordé à la Corse. La localité de ce pays rendant inutiles les brigades à cheval, le département vous prie de lui accorder 36 brigades à pied; et à l'appui de cette proposition, je tiens un calcul qui présente que 24 brigades à cheval font une dépense presque égale à celle de 36 à pied.
Ces deux demandes ont paru à vos comités réunir le double avantage de satisfaire au vœu du département de Corse et en même temps d'offrir des vues d'économie ; j'ai donc été chargé par eux de vous proposer le projet de décret suivant:
« L'Assemblée nationale,considérant que, dans le, département de Corse, il n'y avait point de maréchaussée; que le ci-devant régiment provincial en a toujours fait le service; après avoir entendu ses comités de Constitution et militaire sur les observations faites par le directoire du département de Corse, décrète :
« Que la gendarmerie de ce département sera composée au moment de cettepremière formation, d'officiers, sous-officiers et soldats qui avant servi dans le régiment provincial corse^ ou dans les troupes de ligne; qu'attendu la localité, cette gendarmerie, au-lieu de 24 brigades à cheval, sera composée de 36 brigades à pied, lesquelles seront divisées en trois compagnies sous les ordres d'un colonel et de deux lieutenants-colonels; qu'au surplus, les décrets rendus sur l'organisation de la gendarmerie en général seront exécutés en Corse comme dans tous les autres départements. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de judicature, fait un rapport sur la liquidation des offices municipaux acquis par les villes et municipalités; il s'exprime ainsi :
Meseieurs (1), la vénalité de? offices, supprimée par votre décret du 4
août 1789, n'avait pas seulement frappé les offices de judicature, elle
avait également atteint les olfices municipaux, les fonctions de
mandataires des communes qu'elle avait longtemps respecté. Vous avez
reconnu dans votre sagesse qu'il n'était pas moins impolitique et
injuste de vendre et rendre héréditaire le droit
Dans les premiers temps du régime féodal, dans ces temps déplorables où les droits des hommes étaient méconnus et outragés, dans ces temps d'ignorance et de barbarie où les grands feudataires avaient usurpé tous les droits des peuples, les villes et communautés n'avaient pas le droit d'être défendus ou représentés par des citoyens dignes de leur confiance, elles étaient soumises au gouvernement oppressif et arbitraire des comptes et des barons ; les Français étaient alors dans la servitude et n'osaient briser leurs fers.
Ce ne fut que dans le xiie siècle que les villes et communautés recouvrèrent le droit d'élire leurs officiers municipaux; elles profitèrent du besoin d'argent où se trouvèrent alors les comtes et les barons et autres propriétaires de fiefs, dont la pieuse crédulité, égarée par le fanatisme, les portait à aller combattre dans des régions éloignées ; elles acceptèrent les propositions qui leur furent faites alors d'acquérir le droit de nommer elles-mêmes leurs magistrats et leurs administrateurs, et payèrent la finance qui fut exigée. Au momentde cette rédemption, les villes et communautés ont conservé le droit d'élire leurs officiers municipaux pendant des siècles.
Louis XI rendit deux ordonnances en l'année 1256, pour régler la forme des élections des maires et échevins par la commune assemblée.
Ce ne fut qu'à la fin du xvii® siècle que les habitants des villes perdirent le droit d'élire leurs officiers municipaux ; mais alors la pénurie des finances, les besoins d'argent toujours renaissants sous un monarque ambitieux, déterminèrent le gouvernement à enlever aux communes ce droit précieux ; et par une extension reconnue jusqu'alors, Ja fiscalité enveloppa dans la pénalité générale, au profit du Trésor public, les mandataires de la commune : on confia le droit de défendre les cités et d'administrer leurs revenus à des hommes souvent sans mérite et sans connaissances nécessaires, mais qui avaient assez d'argent pour'payer la finance exigée.
La première loi qui fut rendue pour établir la vénalité, sur les offices municipaux, est l'édit de juillet 1681, qui assujettit à la vénalité quelques offices municipaux de la maison de ville de Paris; les offices de maire ou de prévôt des marchands et les échevins furent exceptés de la vénalité, et la nomination de ces officiers fut conservée à la commune par la voie des élections, quoique, par un abus criminel, les élections fussent toujours dirigées vers celui qui était indiqué par les ministres.
L'intention de votre comité, Messieurs,n'est pas de vous proposer la manière de pourvoir au remboursement des offices municipaux de la ville de Paris. Cette ville, dont les rapports politiques sont si différents des autres villes du royaume, se trouve dans une position particulière relativement à ses officiers municipaux : quelques-unes ont, à la vérité, versé originairement la première finance dans le Trésor public, et néanmoins, depuis la vénalité de leur3 offices ne profitait qu'à la caisse municipale; c'était des marins du corps de ville que ces officiers recevaient leurs provisions, leurs
offices tombaient dans les parties casuelles et la ville percevait en outre à son profit, le prêt et l'annuel et les droits de mutation : et plusieurs offices ne devaient leur création qu'au corps de ville; de sorte que votre comité ne pourrait vous proposer relativement à la municipalité de Paris, que les mêmes dispositions contenues dans l'article 2 de votre décret du 3 mai 1790 et jours suivants qui porte que « les finances des offices sup-« primés de la maison de la ville de Paris seront « liquidées et remboursées, savoir, des deniers « communs de la ville, s'il est justifié que ces « finances aient été versées dans sa caisse ; et par « le Trésor public s'il est justifié qu'elles y aient « été payées. »
L'unique objet de ce rapport est de déterminer si l'on remboursera les offices municipaux des autres villes du royaume, créés avant 1771, acquis et réunis ou non réunis aux hôtels de ville, et de quelle manière on procédera à leur remboursement.-
Ces villes ne furent point aussi favorablement traitées que celle de Paris, tous leurs offices mu-nici paux furent assujettis à la vénalité royale sans destruction.
Ce fut au milieu d'une foule d'édits bursaux, dont les causes étaient plus ou moins injustes, que parut l'édit d'août 1692, qui créa des maires en titre d'offices dans toutes les villes du royaume. Cet édit fut bientôt suivi de 2 autres édits des mois de mai et d'août 1702, qui créèrent des lieutenants de maire, aussi en titre d'offices pour exercer, en la place des maires, les fonctions qui leur étaient attribuées.
Un autre édit de novembre 1706 érigea ces mêmes charges en titre d'offices formés et héréditaires, avec la qualité de conseiller du roi, maires et lieutenants de maires alternatifs et mi-trien-maux.
Plusieurs provinces, villes et communautés, jalouses de conserver leur ancien droit d'élection, acquirent et réunirent ces offices au corps de ville, et furent par là maintenues dans le droit d'élire leurs officiers municipaux, comme auparavant.
Mais les différents offices municipaux qui avaient été créés par les édits d'août 1692, mai et août 1702, et décembre 1706, furent supprimés par l'édit de juillet 1724, qui restitua aux communes leur ancien droit d'élire leurs officiers municipaux.
Les habitants des villes ne jouirent pas longtemps de cet avantage, neuf ans après il leur fut retiré. Le gouvernement prétexta alors que les élections donnaient lieu à l'intrigue et à la cabale ; en conséquence, par l'édit de 1733, les offices municipaux furent de nouveau assujettis à la vénalité et taxés à une nouvelle finance. Plusieurs villes et communautés rachetèrent comme ci-devant ces mêmes offices, quelques-unes les réunirent au corps de ville et obtinrent des arrêts du conseil qui les supprimait et les incorporait aux hôtels de ville. D'autres au contraire ne furent pas traitées aussi favorablement, elles furent assujetties à donner un homme vivant et mourant pour les offices municipaux qu'elles acquéraient.
Les plaintes qui étaient portées de toutes parts contre les administrations et les exactions des officiers municipaux créés en titre d'offices dé-term nèrent le gouvernement à rendre aux villes et communautés le droit d'élire leurs officiers municipaux; en conséquence, par édits des mois d'août 1764 et de mai 1765, la vénalité des offices municipaux fut de nouveau supprimée.
Instruites par le passé, les villes et communautés auraient dû se tenir dans la défiance et craindre que le gouvernement n'abusât encore de nouveau de son autorité pour rétablir bientôt la vénalité qu'il venait de supprimer, afin de se procurer une nouvelle finance; la presque totalité des villes ne crut pas cependant qu'on pût leur ôter le droit des élections : mais elles ne furent pas longtemps dans leurs erreurs; sous un ministre dont le principal talent était de pressurer le peuple et de le surcharger d'impôts, parut l'édit de novembre 1771. On y prétexta les mêmes, motifs qu'en 1773; en conséquence, les édits d'août 1764 et de mai 1765 furent révoqués, et les offices municipaux rétablis en titre d'offices formés et héréditaires dans toutes les villes et communautés du royaume où il y avait corps municipal, à l'exception des villes de Paris et de Lyon.
Pour engager les villes et communautés et les particuliers qui avaient acquis les offices municipaux, et qui avaient été liquidés en exécution des édits d'août 1764 èt de mai 1765, mais qui n'avaient été remboursées qu'en quittances de finances, à acquérir de nouveau les offices municipaux rétablis par l'édit de 1771, cet édit ordonna que la finance de ces offices pourrait être payée moitié en quittance de finance ou contrat provenant de la liquidation de pareils offices supprimés par les édits de 1764 et 1765; plusieurs villes et communautés profitèrent de cette facilité et acquirent encore les offices municipaux.
Par le récit que nous venons de faire il est justifié que les officiers municipaux ont éprouvé, pendant moins d'un siècle, trois créations et aeux suppressions; jamais l'ancien gouvernement n'a été plus injuste; et sa conduite n'a jamais été plus inconstante qu'à l'égard des municipalités. Il semble que l'on ne restituait momentanément aux villes et communautés le droit d'élire leurs administrateurs, que pour avoir l'occasion de faire revivre la vénalité sur les offices municipaux, et d'exiger une nouvelle finance suivant les besoins du fisc, ou selon le caprice de ses agents. La vénalité existait encore sur ces offices au commencement de cette session, lorsque votre sagesse a reconnu la nécessité de la supprimer, el de rendre aux citoyens le droit précieux de choisir leurs officiers municipaux.
C'est dans cet état que plusieurs villes et communautés se présentent pour réclamer de votre justice le remhoprsement des finances qu'elles ont versées au Trésor public dans les différentes époques que nous venons de rapporter pour l'acquisition des offices municipaux, de même que vous avez ordonné le remboursement des offices municipaux dont des particuliers étaient pourvus en titre d'offices.
Les titres des municipalités réclamant les sommes versées au Trésor public pour l'acquisition ou extinction des offices municipaux ont paru, à votre comité, plus ou moins fondés. Les unes, en acquérant, ont éteint et supprimé les offices qui ont été réunis et incorporés aux hôtels de ville : les autres ont simplement acquis les offices municipaux pour jouir du droit de les élire, mais n'ont point éteint la vénalité sur ces offices, qui a été conservée dans tout son entier dans la personne de l'homme vivant et mourant qu'elles étaient tenues de fournir, et au nom duquel étaient expédiées les provisions et le centième denier acquitté.
Les villes de la première espèce, c'est-à-dire celles qui ont éteint et réuni à l'hôtel de ville les
offices municipaux, ont, par cette réunion, joui de la plénitude de leurs droits ; elles ont été libres d'élire tels de leurs concitoyens qui leur convenaient ; elles n'étaient point exposées, comme celles de la seconde espèce à la perte des offices qui, n'existant plus, n'étaient plus dam le cas de tomber dans les parties casuelles; elles n'étaient point non plus tenues de présenter un homme vivant et mourant, d'obtenir des provisions et de payer en son nom des droits de marc d'or et de centième denier, et des droits de mutation par son décès: leur position était donc bien plus avantageuse; mais les sommes que ces villes ont versées au Trésor public pour opérer cette réunion doi-vent-elles leur être remboursées par la nation ? Voilà, Messieurs, la seule question qu'il importe de décider.
Les munipalités de cette espèce qui se présentent pour obtenir le remboursement des finances qu'elles ont versées prétendent qu'on ne peut le leur refuser, puisque l'Etat en a profité; qu'elles sont, à cet égard, dans la même position que les titulaires d'offices municipaux dont on ne peut contester le remboursement ; que si elles n'avaient pas éteintces offices, ils seraient aujourd'hui possédés en titre par des particuliers qui recevraient leur remboursement des deniers de la nation.
Votre comité, Messieurs, a senti toute la force rie cette objection ; mais elle n'est pas à beaucoup près „ sans réponse. Il est de principe que l'on ne doit d'indemnité et de remboursement, qu'à celui qui éprouve, par l'effet de vos décrets une perte, une éviction quelconque ; en pariant de ce principe, il est facile d'apprécier la prétention des villes qui se trouvent dans la première espèce.
Lorsqu'elles ont obtenu d'acquérir les offices municipaux pour les éteindre, quel avait été leur objet? Celui de couserver la liberté et le droit d'élection dont elles avaient joui jusque là : cette espèce de confirmation étant mise à prix d'argent ; mais le payement qu'elles faisaient était bien plutôt une taxe sè^he volontairement acquittée, le prix d'une renonciation de la part du roi à l'établissement des offices municipaux en titre, que l'acquisition de ces offices municipaux, et la preuve s'en tire évidemment, et de l'extinction de ces titres, et de l'affranchissement du droit de centième denier, et de la casualiié résultant de l'extinction des offices rachetés, et plus encore de ce qu'aucuns gages ni droits n'étaient attachés à la finance payée ; or, des offices qui n'existaient plus à l'époque de vos décrets ne peuvent être présentés au remboursement.
Il ne pourrait tout au plus être question que d'une indemnité, mais cette indemnité ne peut être réclamée qu'autant que l'objet pour lequel la taxe avait été acquittée serait, en tout ou partie, enlevé à la commune qui l'avait fournie.
Mais ici, Messieurs, qu'enlèvent vos décrets à ces communes ? Elles avaient voulu se conserver Je droit d'élection, vos décrets le leur assureut d'une manière pleine et irrévocable.
Diront-elles qu'elles tiennent cette justice d'une loi générale et commune à ceux qui n'ontpas payé, comme à ceux qui l'avaient fait? Gela est vrai; mais peu leur importe que d'autres obtiennent aujourd'hui de votre justice ce dont celles-ci jouissaient avant elles; c'est cette jouissance anticipée qu'elles ont payée. Puisque vos décrets ne la troublent pas, puisqu'ils la confirment, puisqu'ils n'enlèvent à ces communes,
ni l'objet acquis, ni des jouissances émolumen-taires, ni des prérogatives honorifiques, le marché fait et consommé de bonne foi qui trouve sa consolidation dans vos décrets ne peut donner lieu à aucune indemniié.
11 faut encore considérer, Messieurs, que cette réunion ayant été payée de ces deniers communs des villes, provenant, pour la majeure partie des octrois et sols pour livre additionnels sur les deniers d'entrée et d'octrois que la plupart des villes obtenaient du gouverne.rient, en réunissant les oifices municipaux aux corps de ville, il n'était pas juste de leur rembourser ce que déjà elles avaient reçu du peuple.
Ces considérations, Messieurs, ont porté votre comité à penser qu'il n'était dû aucune indemnité, ni remboursement de finance aux villes et communautés qui ont acquis et supprimé et réunis aux corps de ville les offices municipaux, pour jouir du droit d'élection que vos décrets ne leur enlèvent pas, et qui, au contraire, leur est conservé.
A l'égard des villes de la seconde espèce, c'est-à-dire celles qui ont acquis les offices municipaux, mais qui n'en ont pas éteint la vénalité, votre comité, Messieurs, a pensé qu'on devait les considérer comme des officiers municipaux pourvus de titres d'offices : en effet, leur position est absolument la même. Ces municipalités, de même que les officiers municipaux en titre d'offices, recevaient des provisions sous le nom des personnes qu'elles présentaient, elles payaient également les droits de mutation et de marc d'or. Comme les officiers municipaux pourvus en tiire, elles étaient assujetties au payement du centième denier, à la casualité et à l'évaluation prescrite par l'édit de 1771. Enfin les offices municipaux, par elles acquis, ont réellement été supprimés par votre décret qui supprime la vénalité des offices municipaux, et vous avez ordonné qu'il serait procédé à la liquidation de tous les offices supprimés par vos décrets.
Ces motifs ont déterminé votre comité à vous proposer de décréter que la liquidation des offices municipaux ainsi acquis, mais non supprimés et réunis par les villes, et pour lesquels il était fourni homme vivant et mourant, au nom duquel étaient expédiées des provisions et les droits acquittés, sera faite de la même manière que les otlices de municipalités possédés en titre par des particuliers.
Votre comité, Messieurs, après vous avoir exposé les motifs qui lui ont paru devoir vous porter à accorder à certaines municipalités le remboursement de la finance de leurs offices municipaux, et à le refuser à d'autres, doit vous rendre compte de quelques cas particuliers où se trouventplusieurs municipalités du royaume.
Il y a des villes et communautés qui, lors de la création des offices municipaux, n'ayant pas les fouds sulfisants pour les éteindre et les réunir aux hôtels de ville, mais craignant d'être privées à perpétuité du droit d'élire leurs administrateurs, ont eu recours à des particuliers qu'elles ont engagés à verser dans le Trésor public la finance exigée pour les différents offices municipaux, et ont consenti qu'il exerçassent sur les commissions qu'elles délivreraient, les places municipales jusqu'au remboursement de la finance qu'elles se sont réservé de faire à leur volonté, époque à laquelle elles rentreraient dans le droit d'élire leurs officiers municipaux.
D'autres villes, qui n'avaient pas également leurs fonds suffisants pour l'acquisition et réu-
nicm des offices municipaux, en ont néanmoins supprimé la vénalité et conservé le droit d'élection ; mais on a imposé aux citoyens élus aux charges municipales l'obligation de payer individuellement la finance qui avait été fixée pour l'office dont ils remplissaient les fonctions, à la condition que celui qui aurait fait cette avance en serait remboursé lors de la prochaine élection par celui qui le remplacerait: telles sont les municipalités de Besançon» de Cambrai et de plusieurs autres villes.
Plusieurs particuliers, exerçant les places municipales qui jeur ont été confiées, soit par les commissions, soit par la voie des élections, pour en jouir et les exercer conformément aux conditions exigées par les villes et municipalités de la première espèce dont on vient de rendre compte,-se présentent à la liquidation et demandent à être liquidés comme les autres officiers municipaux pourvus en titre d'offices.
Votre comité, Messieurs, a pensé que la prétention de ces particuliers n'était pas fondée : ils ne peuvent avoir plus de droit que les municipalités auxquelles ils doivent leur existence. Or, on a démontré que les offices municipaux acquis, supprimés et réunis par les villes, n'existant plus à l'époque de vos décrets, n'étaient pas susceptibles d'être liquidés ; vous avez seulement ordonné la liquidation et le remboursement dés offices municipaux dont la vénalité subsistait à l'époque de votre décret du 4 août ; mais la vénalité n'existait pas plus alors. sur cette espèce de charges municipales, elle avait cessé d'exister dès le moment de leur réunion aux hôtels de ville. On ne peut donc considérer ces particuliers comme des créanciers des villes et communautés ; c'est donc en cette seule qualité de créanciers qu'ils pourraient se présenter, leur position est la même que celle des autres créanciers des municipalités qui" ont prêté leurs fonds pour l'acquisition ou réunion de partie ou de la totalité du titre des offices municipaux et semblent devoir être remboursés par les caisses municipales; mais la plupart des créanciers des villes et communautés n'avaient d'autres hypothèques que les deniers d'octroi et sols par livre additionnels sur les droits des entrées de ville supprimés par vos décrets, de sorte qu'ils seraient exposés à perdre ce qu'ils ont porté sur la foi des édits qui leur donnaient pour gages ces mêmes droits ; el les villes et communautés qui, par un motif louable, ont préféré recourir à la voie des emprunts, plutôt que de mettre de nouvelles taxes sur le peuple, se trouveront forcées de manquer à leur engagement si l'Assemblée nationale ne leur procurait le moyen de se libérer enyers leurs créanciers.
Votre comité, Messieurs, n'a pas dû vous dissimuler les inquiétudes des créanciers des villes: plusieurs adresses vous sont parvenues à ce sujet et il. vous aurait proposé quelques articles relatifs aux dettes des municipalités, contractées pour l'acquisition ou réunion des offices municipaux, si le comité des contributions publiques ne l'avait prévenu. Vous avez annoncé par votre décret du mars dentier, rendu sur le rapport de ce comité, que votre intention était de vous occuper du sort de ces créanciers, et vous avez ordonné : « que les municipalités des villes donneraient., dans le plus court délai possible, l'état détaillé de kurs dettes, et de la cause de ces dettes et l'emploi des fonds qui en sont provenus. »
Dans çes circonstances, votre comité de judica-
ture se bornera à vous proposer de décréter les articles suivants :
Art. ler. Les villes"et communaùtés qui ont
éteint et réuni aux corps dé vil te les offices municipaux créés par
édit d'août 1692,mai et août 1702, décembre 1706; novembre 1733 èt 1771,
ne pourront prétendre à aucun remboursemen t des finances qu'elles ontr
versées au Trésor public pour opérer ladite réunion.
« Art. 2; Les offices municipaux, acquis par les villeset communautésqui n'ont point été éteints et réunis aux corps de ville dont la vénalité a été conservée, et pour lesquels lès municipalités étaient tenues de fournir«un homme vivant et mourant au nom duquel étaient expédiées les provisions et le centième denier acquitté, seront remboursés par l'Etat et il sera procédé à leur liquidation dans les mêmes formes et de la même manière que pour les offices municipaux pourvus en titre d'offices, ainsi qu'il est prescrit par les articles f et 2 du déeret des 2 ét 6 septembre dernier.
« Art. 3. L'Assemblée nationale déclare qu'elle n'entend pas comprendre dans les dispositions ci-dessus les offices municipaux de la ville dé Paris qui seront liquidés et remboursés conformément à l'article 2 du décret du 3 mai 1790. »
Un membre : Sî l'on admet les dispositions contenues dans l'article Ie* de ce projet de décret, il en résultera qu'en privant du remboursement les villes qui ont acheté et revendu les offices municipaux, ce sera les autoriser à refuser de rembourser à ceux auxquels elles les ont vendus, les sommes qu'elles en ont reçues pour le prix de ces mêmes offices: en raison de l'injustice qui résulterait de pareils procédés, je demande le rejet de cet article.
Un membre : Je demande l'adoption de l'article, sauf l'ajournement de ce qui regarde l'action en recours des particuliers dont les offices sont supprimés, contre la ville de laquelle ils ont acquis.
Je demande ou que ce projet soit rejeté totalement, ou qu'il soit ajourné au moment où vous vous occuperez' de ee qui concerne les municipalités.
11 faudrait ajourner purement et simplement^ en renvoyant au comité lia question de savoir si l'Assemblée nationale se chargera des dettes sur les offices municipaux aliénés par les villes*
Le comité de jndicature ne comprend point dans son projet de décret les offices qui, acquis par les villes, avaient été revendus par elles à des particuliers, en vertu d'une clause expresse portée par l'édit d'achat, qui les autorisait à disposer de ces offices, .et à délivrer des provisions. Ces offices sont évidemment dans le cas de ceux qui, n'ayant point été réunis aux corps de ville, doivent, être, remboursés par l'Etat.
Je demande que la question soit renvoyée au comité, qui paraît n'avoir pas une connaissance suffisante, de ces objets et qu'eu conséquence l'ajournement soit mis aux voix.
J'appdïê l'ajournement.
(L'Assemblée consultée, ordonne l'ajournement du projet de décret et l'impression du rapport de M. Lofiicial.)
Je demande qu'il sort sursis
au remboursement de tous offices municipaux ou autres relatifs au service et à la policé des villes, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué, par une loi générale et pour toutes les villes du royaume, sur le remboursement desdits offices.
Je demande la question préalable sur cetté motion.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
La liquidation des offices qui ont été acquis directement du roi et payés au Trésor public par les titulaires ne doit pas être suspendue; je demande que cette exception soit insérée dans l'article.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence, le projet de décret suivant est mis aux voix :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera sursis à }a liquidation, et même au remboursement de tous offices municipaux, et généralement de tous offices relatifs au service et à la police des villes, et notamment de la ville de Paris, qui n'auraient pas été acquis directement du roi et payés au Trésor public par les titulaires anciens ou actuels, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué, par une loi générale et pour toutes les villes du royaume, sur le remboursement desdits offices. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de Gode pénal (1).
, rapporteur. Messieurs, je viens soumettre à votre délibération la rédaction en articles de décret des principes sur Je God'e pénal que vous avez adoptés ier dans la séance précédente. Vous avez été frappés de cette idée, qu'il y aurait un grand danger de priver les ports et les arsenaux des travaux des condamnés; dans ce moment-ci, une grande partie des condamnés employés à ces travaux, qui portent improprement le nom de galères, sont absolument nécessaires. Vous avez pensé en outre, Messieurs, qu'il pouvait être utile d'employer les condamnés, non seulement aux travaux, des ports et 4es arsenaux, mais encore à ceux des mines, au dessèchement des marais, etc...
C'est d'après ce principe que vos comités vous proposent une peine afttictive, une peine correspondante à celle des galères qui sera à proprement parler les galères de terre, oui, provisoirement et dans ce moment-ci, maintiendra les condamnés aux travaux auxquels ils sont employés, et qui laissera aux départements et au Corps législatif la latitude nécessaire pour former des dépôts de condamnés dans les lieux où leur présence sera nécessaire pour des .travaux durs et péniblës ; mais pour des travaux utiles,
Ce premier principe adopté, il est nécessaire de vous rappeler que, dans
l'ordre des peines actuel-lement existantes, là péine correspondante aux
galères est celle de la réclusion dans un hôpital, des femmes qui se
sont rendues coupables de crimes, et délits. En effet, il est impossible
d'envoyer les femmes aux travaux publics. Du moment que vous adoptez ce
système, votre comité doit vous proposer aussi une peine correspond
daaite à celle de l'hôpital et que votre comité qualifiera de la
réclusion dans les maisons de
Voilà doue, Messieurs, le premier ordre de peines :ce sont des travaux forcés conformes au principe que vous avez décrété hier ; les condamnés porteront la chaîne. Mais, Messieurs, it est une autre espèce de criminels qu'il serait dangereux de joindre à d'autres, employés ètdes travaux communs et utiles : Ce sont, par exemple, ceux qui se sont rendus coupables du crime de lèse-nation, mais dont la gravité du délit ue sera pas au premier chef et ne leur fera pas encourir la peine de mort. Alors il pourrait y avoir uu grand inconvénient à livrer ces criminels d'Etat aux travaux publics. Vos comités ont pensé qu'il fallait une peine particulière, non seulement pour ces criminels, mais encore pour eeux qui à raison de leurs crimes, qui ne ïes conduiraient pas à la peine de mort, ne devraient pas être joints à la troupe des autres condamnés aux travaux publics, parmi lesquels ils pourraient répandre leurs vices; ils ont pensé qu'ils devaient être enfermés dans un lieu obseur où ils soient Drivés de toute communication avee leurs sem-olables.
Ainsi, Messieurs, après la peine des galères de terre où les condamnés seront employés à des travaux communs, votre comité a pensé qu'il devrait être établi une réclusion particulière, où quelques criminels devaient êtreséjparésdes autres hommes, même des autres coupables. Cette réclusion a, je le répète, inutilité d'empêcher que ces hommes corrompus ne gangrènent ceux qui se trouveraient avec eux.
Enfin, Messieurs, il esl d'autres crimes moins graves tels que ceux pour lesquels, dans l'ordre actuel, il était d'usage d'appliquer la peine du bannissement; tout le monde est d'avis qu'il faut supprimer la peine du bannissement, et lui en substituer une autre. Condamner ceUx qui seraient susceptibles de la peine du bannissement, aux galères de terre, ce serait aggraver leur peine; c'est pour ces circonstances que les comités vous proposent un troisième ordre de peines, c'est de les renfermer dans des maisons où il' leur sera offert des travaux volontaires ; voilà donc les trois ordres de peine que vos comités vous proposent.
Vous ne voudrez pas sans doute conserver l'usage d'envoyer les voleurs d'une province dans une autre. Il paraît plus convenable que désormais ils soient enfermés dans une maison située près le tribunal criminel, oùrilspourront se livrer à des travaux non forcée, sur le produit desquels il sera prélevé un tiers au profit de l'Etat', un tiers pour leur être remis au moment de leur sortie de la maison et un tiers pour leur permettre de se procurer une meilleure nourriture._____
(M. Le Pelletier-Saint-Fargeau lit une série d'articles relatifs aux diverses peines et conformes aux principes qu'il vient d'exposer.)
Après avoir entrepris la réfor-mation du Code pénal, il m'a paru fort utile que ^Assemblée discutât la grande question de "savoir si la peine de mort serait abolie ou conservée et cette autre de savoir si on conserverait une peine des travaux publics. Maintenant, il me semble que délibérer sur les différents genres de peines, sans connaître les délits auxquels elles doivent être appliquées, c'est décréter de pures abstractions, c'est marcher dans les ténèbres. Il me semble plus utile et plus sage de passer aux détails
des délits ; c'est en appréciant les circonstances de chaque délit qu'on pourra se déterminer sur le genre de peine.
Je demande donc qu'on passe au titre qui concerne ies délits; ensuite, on discutera le titre des peines actuellement proposé par M. le rapporteur.
, rapporteur. Il faut définir les peines avant de savoir pour quels crimes elles seront prononcées. D'ail-! leurs la graduation que nous vous proposons n'exclut pas tous les autres genres de peines qu'on pourra proposer, lorsqu'il* sera nécessaire d'en faire l'application aux délits. .
Je demande donc que le projet, dont je viens de vous donner lecture, soit mis aux voix article par ar ticle.
(L'Assemblée décide que les dispositions proposées par M. Le Pelletier-Saint-Fargeau, et relatives aux peines, seront d'abord mises en discussion article par article.)
L'article premier est ainsi conçu :
« Les peines qui seront prononcées contre les' accusés trouvés coupables par le juré, sont la peine de mort, la chaîne, la réclusion dans la maison de lorce, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique, le carcan. » .
Comme il ne contient que l'énumération de toutes les peines, il ne pourra être mis en délibération que lorsque tous les autres auront été décrétés.
L'article 2 n'est autre chose que la rédaction du principe que vous avez décrété ; le voici :
Art. 2.
« La peine de mort consistera dans la simple privation de la vie, sans qu'il puissse jamais être exercé aucune torture envers les condamnés. » (.Adopté.y
, rapporteur. Messieurs, vous avez posé le principe que la peine de mort existerait, mais qu'elle serait exemple de torture, et réduite à la simple privation de la vie; votre comité a donc uû chercher le genre de mort qui faisait le moins souffrir le condamné. Il se trouvait partagé entre celui de la potence et celui de la décollation : La peine de la potence lui a paru être la plus longue, et, par conséquent, la plus cruelle.
Une autre considération a encore déterminé l'avis de votre comi'é.t c'est que vous avez.déjà énoncé votre vœu d'éloigner de la famille des condamnés toute espèce de tache ou d'infamie résultant des crimes d'un de ses membres. Or, en présence des préjugés actuels de l'opinion, le genre de supplice que nous vous proposons est celui qui dispose le plus les esprits à accueillir le principe qui est dans vos cœurs ; il nous a donc paru que c'était la décollation qUe vous deviez adopter.
Nous vous proposons, en conséquence, l'article suivant :
Art. 3.
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée ».
U me semble que le comité défère à un préjugé qui n!existe plus. La décapitation exige beaucoup d'adresse» Elle peut ex-
poser le condamné à des souffrances horribles. Je voudrais d'ailleurs que dans an une espèce de supplice il n'y eut du sang répandu; ce serait à mon avis le plus horrible spectacle à présenter a.u peuple que celui de la décollation. Je pencherai donc à préférer le supplice de ia potence.
Il faut un spectacle terrible pour contenir le peuple.
Plusieurs membres : Aux voix î aux voix !
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande que la discussion ne se prolonge pas sur un sujet aussi douloureux; chacun doit trouver dans son cœur un motif de sa décision et je demande que l'on aille aux voix à l'instant. Il ne faut pas prolonger la peine que chacun de nous éprouve en ce moment.
Quand il s'agit d'arracher la vie, on ne peut pas penser à quelque douce manière ; il faut bien que le cœur se ferme bn instant pour prononcer la loi terrible que l'intérêt de la société demande au législateur.
Ce qui peut rendre plus douces ou plus atroces les mœurs du peuple n'est certainement pas un objet étranger à nos observations. Je demande que la discussion soit.continuée, et je rappelle aux comités que, quand il s'est décidé à nous proposer pour l'exemple un appareil au supplice ae la mort, il nous a dit qu'il y répugnait, parce qu'il ne fallait pas iaccoutumer le peuple à voir périr son semblable. Je lui demande si celte considération ne s'élève pas avec la plus graude force contre la décollation qu'il veut faire adopter : Accoutumer le peuple à voir ruisseler le sang de son semblable, n'est-ce pas faire croire au peuple irrité contre un coupable, qu'il ne peut se venger qu'avec son sang? Je demande donc que la peine de la décollation disparaisse; que l'on choisisse la plus douce, la moins douloureuse, et nous nous réunirons tous pour l'adopter. Si le supplice de la potence paraît encore trop douloureux, je demande que le comité soit chargé de nous présenter un genre de mort plus doux.
Nous partageons la sensibilité du préopinant, mais vous avez remarqué que le grand objet du comité était d'épargner au peuple dés spectacles féroces et barbares. Il y a une expérience certaine, c'est que le supplice de la décollation exigera une très grande adresse. 11 y a des exemples où l'on a vu le supplicié exécuté avec beaucoup de maladresse. Je demande s'il peut y avoir des spectacles plus propres à occasionner la férocité des mœurs que celui où l'on est témoin-d'un sup-. plice dë cette nature. Je crois qu'il faut inviter le comité à Vous proposer une autre peine.
Voix diverses : Oui I oui 1 — Non 1 nonl
Je m'élève de toute ma force contre le supplice de la décollation.
, rapporteur. Il est difficile de puiitier par les expressions que l'on emploie et par les objections que l'on fait une discussion de Ce genre. Vos opinions sont partagées entre deux propositions : celle qui vous a été faite par M. Chabroud et celle du comité. Il Xaqt d'abord juger la priorité.
Votre comité persiste dans sa première opinion ; l'humanité ét le préjugé paraissent devoir lui obtenir la préférence.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres demandent la priorité : les uns pour l'avis du comité, les autres pour celui de M. Chabroud.
Je demande le renvoi aux comités..
A gauche : Allons doncl
met aux voix la priorité.
(Une première épreuve est douteuse ; une se-seconde épreuve a lieu.)
prononce, sur l'opinion du buréau, que la priorité est accordée à l'avis du comité.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix !
Je mets aux voix l'avis du comité.
(L'épreuve a lieu.)
J'ai prononcé tout à l'beure sur l'opinion du bureau. Maintenant qu'il s'agit du fond même de la question, j'ai la même incertitude sur le résultat de la délibération; je ne puis donc prononcer.
J'ai une simple observation à faire.
, rapporteur. Pour abréger cette triste discussion, un ami de l'humanité vient de me communiquer une idée qui peut-être conciliera les opinions; on évite à la fois l'effusion du sang qui proviendra de la décollation et les horreurs qui sont attachées à la potence : ce serait de faire attacher le condamné à un poteau et de l'étrangler avec un tourniquet. (Murmures.)
D'autres membres de l'Assemblée ont à proposer un autre genre de supplice qui n'a ni l'horreur, ni l'appareil de la dé-côllatioff ou de la potence. (Murmures.) Pour que l'on puisse juger du mérite de ces propositions, j'insiste pour que l'article soit renvoyé au comité et pour que ce ne soit pas dans l'Assemblée qu'on s'étende sur cette triste discussion.
(de Saint-Jean-d'Angély). Lorsqu'on offre à l'Assemblée de lui présenter des idées propres à soulager l'humanité, elle ne peut se refuser à l'ajournement.
Plusieurs membres : La délibération est commencée.
Messieurs,quelque chose que vous fassiez, vous ne trouverez jamais un genre de mort qui soit doux ou exempt de douleur ; c'est là une erreur. Les peines doivent être considérées non sous le rapport de la punition du coupable, mais sous celui de l'intérêt de la société; or, l'intérêt delà société est de donner un grand exemple. Il est extrêmement important que l'homme exposé à toutes les passions 'de l'humanité rentre Chez lui'après un supplice, lé
cœur pénétré de terreur et d'effroi. Je ne crois pas que le supplice de la décollation soit plus rigoureux au physique que celui de la potence ou que tout autre supplice ; mais il a pour la société l'avantage d'être plus effrayant pour le méchant et d'être plus susceptible de conserver les mœurs.
En conséquence, je demande que l'avis du comité soit mis aux voix. :
Plusieurs membres : Aux voix I aux Voix 1
Dans cette malheureuse et bien pénible discussion, il est peut être une considération qui vous fera pencher en faveur de l'avis du comité;' c'est la nécessité de faire disparaître légalement de la société un supplice qui a été si illégalement employé et qui a si malheureusement servi pendant la Révolution aux vengeances du peuple et à l'assouvissement de la rage. (Applaudissements.) Je suis donc de l'avis du comité.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix !j
Je consulte à nouveau l'Assemblée sur l'avis du comité ; voici son article :
Art. 3.
« Tout condamné à mort' aura la tête tranchée. »
(Cet article est adopté.)
Les articles 4, 5 et 6 sont mis aux Voix dans les termes suivants :
Art. 4.
« L'exécution se fera dans la place publique de la ville où le juré d'accusation aura été convoqué. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les condamnés à la peine de la chaîne seront employés à des travaux forcés.au profit de l'Etat, soit dans l'intérieur des maisons ae force, soit dans les ports et arsenaux, soit pour l'extraction des mines, soit pour le dessèchement dés marais, soit enfin pour tous autres ouvrages pénibles, qui, sur la demande des départements, pourront être déterminés par le Corps législatif. » (Adopté.),:
Art. 6.
« Les condamnés à la peine de la chaîne traîneront à l'un des pieds un boulet attaché avec une chaîne de fer. »
(de Saint-Jean-d'Angély). Messieurs, je désirerais que'lè comité s'expliquât sur la question de savoir, si, comme par le passé, les condamnés seront enchaînés deux à deux, ou s'il entend abroger cet usage. On se ferait difficilement une idée de l'extrême facilité avec laquelle les hommes condamnés aux galères brisent les chaînes les plus fortes, malgré la précaution avec laquelle ils sont gardés. Ce n'est, pour ainsi dire, que le soin qu'on a pris de les réunir, qui empêche qu'ils ne s'évadent, parce qu'il est bien plus difficile de réunir la volonté de deux personnes que d'une seule. Ainsi je demande que le comité s'explique sur ce point.
, rapporteur. Toute juste que sojt l'observation du pré-opinant, je ne pense pas qu'elle soit de nature à changer la disposition de l'article proposé ; elle
pourra trouver place dans une disposition particulière.
(L'Assemblée* consultée, renvoie aux comités l'observation de M. Regnaud (de Saint-Jean d'An-gèly), pour être placée dans une instruction, et adopte l'article 6).
, rapporteur. Voici l'article 7 :
« La peine de la chaîne ne pourra excéder vingt années. »
Cette disposition me paraît infiniment juste. Dans l'ancienne jurisprudence, le crime se prescrivait par un intervalle de trente années; lorsqu'il y avait jugement, la peine se prescrivait par un intervalle de vingt années... (iMurmures.)
Un membre : Ce n'est pas cela !
On me dit que ce n'est pas cela. C'est un fait à vérifier ; au surplus, cela ne change rien à mon hypothèse, (Murmures.)
Pourquoi, au bout de cé temps, la loi remettait-elle la peine? Parce qu'elle croyait que la crainte continuelle de cette peine avait suffi pour faire expier au coupable son crime. Or, il s'agit de savoir si la peine elle-même n'est pas plus forte que la crainte.
Nous devons donc, Messieurs, imiter la sagesse de l'ancienne loi et dire que les peines ne seront pas perpétuelles ; d'ailleurs c'est concourir au ut moral du comité, qui n'a jamais vu dans les peines que l'espoir d'amender les hommes; je demande donc que l'avis du comité soit adopté.
Je crois qu'on ne doit pas dans ce moment-ci fixer le maximum de la peine ; mais je crois d'un autre côté que vous pouvez très bien décider si la peine sera temporaire. L'objet de la délibération me paraît donc devoir se fixer sur ce point : la peine de la chaîne sera-t-elle, oui ou non, temporaire?
, rapporteur. J'adopte volontiers la proposition de M. Mou-gins; ou pourrait alors renvoyer la question de la durée de la peine de la chaîne, après que les articles suivants auront été décrétés, afin de la proportionner aux différents délits auxquels elle peut être appliquée.
Je pense pour ma part, Messieurs, que la peine de la chaîne doit être temporaire. Vous avez décidé, en effet, que la peine de mort serait prononcée pour les plus grands crimes; or, je dis que les autres délits ne doivent pas être punis d'une peine perpétuelle; Si vous prononciez ce décret, il en résulterait que vous porteriez une loi dure et orùelle i car, Messieurs, retracez-vous l'image d'un malheureux gémissant pendant toute sa vie dans les horreurs d'une prison : cet état serait pire que la mort; cette idée contraste avec resprit.de vos nouvelles lois
Je parle à des législateurs , sensibles et humains ; ils ont prononcé à regret la perte de la vie et, en partageant leur opinion, j'ai éprouvé le même sentiment. Ils ne voudront pas, dans des délits moindres que ceux que l'on appelle qualifiés, établir un genre de peine qui affligerait d'une manière bien dure l'humanité.
Je conclus à ce que l'Assemblée décrète que la peine de la chaîne sera temporaire.
Je pense au contraire que non seulement il faut décréter que les peines dont il s'agit seront temporaires, mais qu'il importe même dé fixer le maximum auquel elles pourront être portées. En voici les raisons.
Le système de vos peines est de faire à l'humanité l'honneur de n'en pas désespérer. Or, si dans une pénitence de 20 années, on ne suppose pas que l'homme a corrigé sa mauvaise habitude par ses réflexions, vous ne devez pas espérer davantage qu'il s'est corrigé par un espace de 10 années de plus. Votre comité propose même qu'ils aient l'aptitude à posséder toutes les charges et tous les honneurs de la société; il faut donc être conséquent avec votre nouveau système, et nous qui voulons faire des lois infiniment plus douces que celles de l'ancien régime, nous devons supprimer la perpétuité. Vous avez d'ailleurs la ressource de la déportation pour débarrasser la société d'un homme qui lui serait dangereux.
Je demande donc qu'il soit déclaré, dès à présent, que la durée des peines sera toujours temporaire.
Je crois qu'il serait absurde de fixer un maximum de temps. Comme les peines doivent être infligées à chaque crime, il n'est pas possible de déterminer leur latitude plus ou moins grande ou de laisser de l'arbitraire dans un genre aussi sérieux de l'application de la peine au crime. Ainsi, point de maximum.
Quant à la question de savoir si la peine de la chaîne sera temporaire, il est à craindre que nous ne connaissions pas assez quels sont tous ces crimes qui, dans l'ancien système de peine, étaient punis de la peine de mort^et auxquels dans le projet du comité il faudra plus au moins déterminer la gravité de la peine à infliger.
Je crois donc que la même raison d'équité qui ordonne d'adopter à chaque crime la peine qui lui convient, doit vous faire renvoyer la question de la durée de la peine au temps où vous1 vous occuperez en détail de chaque délit.
Un membre propose de renvoyer l'examen en entier de l'article aux comités, afin que cette question soit plus exactement déterminée, parce qu'il peut y avoir des-circonstances, telles que la récidive, où il serait peut-être indispensable d'ordonner la perpétuité de la peine de 1JTchaîne.
Messieurs, je crois, contrairement à l'opinion de M. Delavigne, qu'il est d'un préalable nécessaire, avant de fixer les peines, de savoir si ces peines seront temporaires.
U me semble qu'il n'est pas dans l'intention' de l'Assemblée d'ajourner ce que l'on peut décider.
Je crois que l'Assemblée peut décréter que la peine de la chaîne ne sera pas perpétuelle, en se réservant de fixer le terme plus ou moins long de sa durée, suivant la nature des délits* et d'en régler l'application à mesure que les cas lui seront présentés.
L'Assemblée ferme la discussion.)
, rapporteur. Voici comment on pourrait concevoir l'article :
Art. 7.
« La peine de la chaîne ne pourra, en aucun cas, être perpétuelle. » {Adopte.)
Je demande que cette dispo- ' sition ait un effet ré troaeti f.
(Cette motion est rejetée.)
Les articles suivants sont mis aux voix dans ces termes :
Art. 8.
« Dans le cas où la loi prononce la peine de la chaîne pour un certain, nombre d'années, si c'est une femme ou une fille qui est convaincue de s'être rendue coupable desdits crimes, ladite femme ou fille sera condamnée, pour le même nombre d'années, à la peine de laréclusion dans la maison de force. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les femmes et les filles condamnées à cette peine seront enfermées dans une maison de force, et seront employées dans l'enceinte de ladite maison à des travaux forcés au profit de l'Etat. » (Adopté.)
Art. 10.
« Les corps administratifs pourront déterminer le genre des travaux auxquels les condamnés seront employés dans lesdites maisons. » (Adopté,)
Art. 11.
« Il sera statué par un décret particulier dans quel nombre et dans quels lieux seront formés les établissements desdites maisons. » (Adopté.)
Art. 12.
« La durée de cette peine ne pourra, dans aucun cas, être perpétuelle. » (Adopté.)-
Art. 13
« Tout condamné à la peine de la gêne sera enfermé seul dans un lieu éclairé, sans fer ni lien. » (Adopté,)
Art. 14.
« Il ne sera fourni, au condamné à ladite peine, que du pain et de l'eau aux dépens de la maison, le surplus sur le produit de.son travail.» (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de Particle Î5, ainsi conçu :
« Il lui sera procuré du travail à son choix dans le lieu où il sera détenu. »
ChacuD sent qu'il ést impossible de' laisser de;travail au choix du prisonnier ; autrement il choisirait des ouvragés qui exigent dès instruments de fer ou qui exigent du chanvre et du lin, avec le secours desquels il fabriquerait des cordes et il se sauverait.^
, rapporteur. Il est 'bien évident que, s'il demande un genre de travail qui favorise sou évasion, on le lui refusera.
Il n'y a qu'à mettre: «au choix des administrateurs de la maison. »
, rapporteur. On peut rédiger comme suit Partiels ;
Art. 15.
« Dans le lieu où il sera détenu, il lui sera procuré du travail à son choix dans le nombre des travaux qui seront autorisés par les adminis-teurs de ladite maison» » (Adopté.)
Art. 16.
« Le produit de son travail sera employé ainsi qu'il suit :
« Un tiers sera appliqué à la dépense commune de la maison.
« Sur une partie des deux autres tiers, il sera permis au condamné de se procurer une meilleure nourriture,
« Le surplus sera réservé pour lui être remis au moment de sa sortie, après que le temps de sa peine sera expiré. » (Adopté.) '
Art. 17.
« Il sera statué par un décret particulier dans quel nombre et dans quels lieux seront formés les établissements destinés, à recevoir les condamnés à la peine de la gêne. » (Adopté.)
Art, 18.
« Cette peine ne pourra, en aucun cas, être perpétuelle. » (Adopté.)
Art. 19.
« Les condamnés à la peine de la détention seront enfermés dans l'enceinte d'une maison destinée à cet effet. » (Adopté.)
Art. 20.
« Il leur sera fourni du pain et de l'eau aux dépens de la maison, le surplus sur le produit de leur travail. » (Adopté.)
Art; 21.
« Il sera fourni aux .condamnés du travail à leur choix, dans le nombre des travaux qui seront autorisés par les administrateurs de ladite maison. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 22, ainsi conçu :
« Les condamnés pourront, à leur choix, travailler ensemble ou séparément. »
Il pourrait résulter les plus grands inconvénients de la , réunion des condamnés. Rassemblés dans le même lieu, ils pourraient comploter .d'égorger, ceux qui veillent sur leurs travaux et qui sont chargés de la police. Je demande donc que les malfaiteurs détenus dans les maisons de correction ne puissent travailler ensemble sans le vœu des administrateurs de département.
, rapporteur.. La réflexion du préopinant est très juste.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'amendement.
Si l'on n'admet pas l'amendement proposé, il est évident que vous ne pouvez plus accorder le premier point de police aux administrateurs ; car le premier point de police est de séparer les condamnés quand il est nécessaire. ,
(L' Assemblée, consultée, décide qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement.)
Le comité paraît d'accord sur-ce point que les administrateurs des maisons |de correction aient le pouvoir de séquestrer ceux qui manqueront à la police, Je demande que l'article le comprenne expressé-
ment; et je ferai une observation, c'est qu'en renvoyant aux instructions, on nous a fait décréter plusieurs choses que nous ne voulions pas décréter, entre autres sur le droit d'enregistrement.
Je demande donc que l'article comprenne ce qu'il doit comprendre et qu'il exprime la faculté réservée à ceux qui seront chargés de la police de la maison de détention de séparer les détenus quand les circonstances l'exigeront.
J'abandonne mon amendement et je me rallie à celui de M. Brillât-Savarin.
, rapporteur. L'article serait, avec l'amendement, rédigé comme suit :
Art: 22.
« Les condamnés pourront, à leur choix, travailler ensemble ou séparément, sauf, toutefois, les réclusions momentanées,. qui pourront être ordonnées par ceux qui serout chargés de la police de la maison. » (Adopté.)
Art. 23.
«'Les hommes et les femmes seront enfermés et travailleront dans des enceintes séparées. » (Adopté.).
Art. 24.
« Le produit du travail des condamnés à cette peine sera employé ainsi qu'il est spécifié en l'article 16 ci-dessus, n (Adopté.)
Art. 25.
La durée de cette peine ne pourra excéder 6 années. »
J'insiste pour que la latitude reste indéfinie, dans la fixation de la durée de la péine.
, rapporteur. Il nous a paru que le tourment était assez long.
(L'article 25 est adopté.)
Art. 26.
« Il sera statué, par un décret particulier, dans quel nombre et dans quels lieux seront formés les établissements desdites maisons de détention.» (Adopté.)
Art. 27.
« Quiconque aura été condamné à une despeines de la chaîne, de la réclusion dansia maison de force, de la gêne, de la détention, avant de subir; -sa peiné, sera préalablement conduit sur la place publique de la ville où le juré d'accusation aura été convoqué.
« Il y sera attaché à un poteau placé sur un échafaud,etil y demeurera exposé aux regards du peuple pendant 6 heures,; s'il est condamné aux peines de là chaîne, ou de la réclusion dans ia maison de force ; pendant 4 heures, s'il est condamné à la peine de la gêne ; pendant 2 heures, s'il est condamné à la peine de la détention. Au-dessus de sa tête, sur un écriteau seront inscrits, en gros caractères, ses noms, sa profession, son domicile^ la cause de sa condamnation et le jugement rendu contre lui. » (Adopté.)
Art. 28.
peine de la déportation aura lieu dans le
cas et dans les formes qui seront déterminées ci-après. »
Je demande le renvoi au chapitre qui pariera de la déportation.
Puisque l'Assemblée est dans l'intention de mettre la déportation au nombre des peines, je lui demande de décréter que la déportation ne pourra avoir lieu que dans des lies désertes. L exemple de l'Angleterre nous prouve le dauger de transporter dans les colonies : chez les Anglais, la déportation se fait dans les colonies du continent ; les habitants de ces colonies s'en sont plaints plusieurs fois et en ont été très incommodés. Nos colonies seraient effrayées d'une pareille population.
Il me semble que c'est aussi le cas d'ajouter la peine de la récidive.
, rapporteur. La réflexion du préopinant n'a pas échappé aux comités et ils en ont senti toute la justesse. Le comité de mendicité a, comme celui de jurisprudence criminelle, des vues sur ce mode de déportation. En conséquence, les deux comités ont été trouver le ministre de la marine pour conférer avec lui; il est dans l'intention des comités et du ministre, non pas de souiller nos colonies, mais de former sur les terres diverses de la côte d'Afrique un établissement séparé, uniquement destiné à recevoir et les mendiants de la classe la plus dangereuse, et en même temps les condamnés à la peine de la déportation.
(L'article 28 est adopté.)
L'article 29 est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 29.
« Le lieu où seront conduits les condamnés à cette peine sera déterminé incessamment par un décret particulier. « (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 30 ainsi conçu :
« Le coupable qui aura été condamné à la peine de la dégradation civique sera conduit au milieu de la place publique où siège le tribunal criminel qui l'aura jugé.
« Le greffier du tribunal lui adressera ces mots à haute voix : Votre pays vous a trouvé convaincu dune action infâme : la loi et le tribunal vous dégradent de la qualité de citoyen français.
« Le condamné sera ensuite mis au carcan au milieu de la place publique ; il y restera pendant 2 heures, exposé aux regards du peuple. Sur un écritfeau seront tracés, en gros caractères, ses noms, son domicile, sa profession, le crime qu'il a commis et le jugement rendu contre lui. »
Je propose par amendement que l'on mette : « la loi et le tribunal ».
, rapporteur. J'adopte.
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'article est mis aux voix-dans ces termes :
Art. 30.
« Le coupable qui aura été condamné à la peine de la dégradation civique sera conduit au milieu de la place publique où siège le tribunal criminel qui l'aura jugé.
« Le greffier du tribunal lui adressera ces mots à haute voix : Votre pays vous a trouvé convaincu d'une action infâme: la loi vous dégrade de là qualité de citoyen français.
« Le condamné sera ensuite mis au carcan au milieu de la place publique ; il y restera pendant 2 heures, exposé aux regards du peuple ; sur un écriteàu seront tracés, en gros caractères, ses noms, son domicile, sa profession,' le crime qu'il a commis et le jugement rendu contre lui. » (Adopté.)
Art 31.
« Dans le cas où la loi prononcera la peine de la dégradation civique ; si c'est une femme ou une fille qui est convaincue de s'être rendue coupable desdits crimes, le jugement portera : « telle... est condamnée à la peine du carcan ». (Adopté.)
Art. 32.
« Toute femme ou fille qui aura été condamnée à cette peine sera conduite au milieu de la place publique de la ville où siège le tribunal criminel qui l'aura jugée.
« Le greffier du tribunal lui adressera ces mots à haute voix : Votre pays vous a trouvée convaincue d'une action infâme.
« Elle sera ensuite mise au carcan et restera pendant deux heures exposée aux regards du peuple : sur un écriteàu seront tracés, en gros caractères, ses noms, sa profession, son domicile, le crime qu'elle a commis et le jugement rendu contre elle. » (Adopté.)
Art. 33.
«. Les dispositions portées aux deux précédents articles s'appliqueront également dans le cas où la loi prononcera la peine dé la dégradation civique ; si c'est un étranger qui est convaincu de s'être rendu coupable desdits crimes, en ce cas le greffier adressera ces mots au condamné : Vous avez été convaincu d'une action infâme. *
Je demande que si c'est un étranger qui est convaincu de s'être rendu coupable des crimes contre lesquels la loi prononcera la peine de la dégradation civique, il soit expulsé du royaume.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article 33.)
, rapporteur. Il nous reste, Messieurs, à statuer sur l'article 1er que nous avons ajourné à la suite de cette délibération. Le voici ;
Art. 1er.
*« Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le juré, sont la peine de mort, la chaîne, la réclusion dans la maison de force, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique, le carcan. » (Adopté.) m
, rapporteur. Messieurs, il nous faudrait maintenant examiner la question relative à la dégradation des différentes espèces de crimes et à la récidive. Mais les dispositions qui concernent cet objet ont besoin de quelques modifications nécessitées par les changements qui, en vertu de vos décrets, «pnt dû être apportés au plan primitif de vos
comités. Aussi, si l'Assemblée le juge convenable, nous pourrions passer dé suite au titre relatif à la réhabilitation des condamnés.
Messieurs, je n'ai qu'une simple observation à faire. Lorsque j'ai demandé que le titre que vous venez de décréter fût renvoyé à la fin du travail, on m'a fait cette observation, qui m'a paru être saisie par toute l'Assemblée, à savoir que la nomenclature des peines, telle qu'elle serait votée, n'exclurait pas les nouvelles propositions qui pourraient être faites,par la suite, au cours delà discussion.
Je demande qu'il soit fait mention de cette réserve au procès-verbal.
, rapporteur. La demande du préopinant me paraît juste. Après avoir épuisé l'ordre des peines que le comité vous propose, si dans la nomenclature des délits vous trouvez quelque délit auquel il faille appliquer quelque peine nouvelle, alors certainement vous vous réservez cette faculté.
(La motion de M. Chabroud est adoptée.)
L'Assemblée passe à la discussion du titre relatif à la réhabilitation des condamnés.
, rapporteur. Voici, Messieurs, l'ensemble des articles r datifs à la réhabilitation :
« Art. 1er. — Tout condamné qui aura subi sa
peine pourra demander à la municipalité du lieu dè son domicile une
attestation à l'effet d'être réhabilité.
« Savoir: les condamnés aux peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, dix ans après l'expiration de leurs peines ;
Les condamnés à la peine de la dégradation civique ou du carcan, après dix ans, à compter du jour de leur jugement.
« Art. 2. Huit jours au plus, après la demande, le conseil général de la commune sera convoqué, et il lui en sera donné connaissance.
« Art. 3. Le conseil général- -de la commune sera de nouveau convoqué au bout d'un mois : pendant ce temps chacun de ses membres pourra prendre sur la conduite de l'accusé tels renseignements qu'il jugera convenables.
« Art. 4. Les aviseront recueillis par la voie du scrutin, et il sera décidé à la majorité si l'attestation sera accordée.
« Art. 5. Si la majorité est pour que l'attestation soit accordée, deux officiers municipaux revêtus de leur écharpe conduiront le condamné devant le tribunal criminel où le jugement de condamnation aura été prononcé.
«Ils y paraîtront avec lui dans l'auditoire en présence des juges et du public.
«Après avoir fait lectureldu jugement prononcé contre le condamné, ils diront à haute voix:
« Un tel.... a expié son crime en subissant sa peine, maintenant sa conduite est irréprochable; nous demandons, au nom de son pays, que la tache de son crime soit effacée. »
« Art. 6. Le président du tribunal, sans délibération, prononcera ces mots : « Sur l'attestation et la demande de votre pays, la loi et le tribunal effacent la tache de votre crime. »
Il sera dressé du tout procès-verbal et mention en sera faite sur le registre du tribunal criminel, en marge du jugement de condamnation.
« Art. 7. Cette réhabilitation fera cesser dans
la personne du condamné tous les effets et toutes les incapacités résultant des condamnations.
« Art. 8. Si la majorité des voix du corps municipal est pour refuser l'attestation, le condamné ne pourra former une nouvelle demande que 2 ans après, et ainsi de suite de 2 ans en 2 ans, tant que l'attestation ne lui aura pas été accordée. »
Voilà l'ensemble des articles; si l'Assemblée le désiré, je vais les reprendre article par article.
(ci-devçtnt Delley d'Agler). Il me semble que, dans ces articles, il est supposé que l'homme n'est pas sorti dè son pays et qu'il est encore vis-à-vis du tribunal qui l'a jugé ; car s'il avait voyagé, s'il n'était arrivé que depuis peu de temps dans sa municipalité, si enfin il se trouvait établi dans une autre, alors les mesures présentées par le rapporteur seraient insuffisantes.
, rapporteur. L'observation du préopinant nécessite un amendement au projet du comité. Le.préopinant vous a fait considérer le cas où le condamné serait à cent lieues d'un tribunal qui l'aurait condamné. Il est très facile, par un amendement, d'éviter l'inconvénient et de dire « soit les officiers municipaux du lieu de son domicile, soit les officiers municipaux de la ville où siège le tribunal criminel ».
Je-propose, par amendement, que l'exercice du droit de citoyen àctif soit suspendu à l'égard 'du réhabilité dans le cas du crime de vol, jusqu'à ce qu'il ait restitué la valeur du vol et qu'il ait représenté la quittance.
Plusieurs membres : Et les dommages-intérêts.
Egalement.
Je demande qu'on ajoute: « dommages-intérêts etautrespeines pécuniaires qui ont été prononcées ».
, rapporteur. J'adopte.
Un membre propose par amendement que la demande de celui qui sollicite sa réhabilitation soit affichée 8 jours avant que celle-ci soit prononcée*
(L'amendement n'est pas appuyé.)
Je demande que l'individu qui sollicite sa réhabilitation soit domicilié au moins depuis 2 ans dans l'étendue du territoire de la municipalité OÙ il forme sa demande; je demande en outre qu'il soit tenu de rapporter les attestations de bonne conduite que lui auront délivrées les différentes municipalités où il aura pu résider pendant les 10 ans qui devront précéder sa demande. Ces attestations délivrées par le conseil général de la commune devront être tellement légales et régulières qu'aucune espèce de suspicion ne puisse être faite sur leur sincérité.
, rapporteur. J'adopte. Voici, eh conséquence, avec les amendements, les articles que nous vous proposons t
Art. 1er.
« Tout condamné qui aura subi sa peine, pourra demander à la municipalité du lieu de son domicile une attestation, à l'effet d'être réhabilité, savoir i
« Les condamnés aux peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, delà détention, 10 ans après l'expiration de leurs peines; les condamnés à la peine âé la dégradation civique, ou du carcan, après 10 ans, à compter du jour aeleur jugement. » (Adopté.)|
Art. 2. .
« Aucun condamné ne poura demander sa réhabilitation, si depuis 2 ans accomplis il n'est pas domicilié dans le territoire de la municipalité à laquelle sa demande est adressée, et s'il ne joint à ladite demande des certificats et attestations de bonne conduite qui lui auront été délivrés par les municipalités ëur le'territoire desquelles il a pu avoir son habitation ou son domicile, pendant les 10 années qui ont précédé sa demande.» (Adopté.)
Art. 3.
« Huit iours au plus après la demande, le conseil général de la commune sera convoqué, et il lui en sera donné connaissance. » (Adopté)
Art. 4.
« Le conseil général de la commune sera de nouveau convoqué au bout d'un mois; pendant ce temps, chacun de ses membres pourra prendre sur la conduite du condamné les renseignements qu'il jugera convenables. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les avis seront recuèillis par la vole de scrutin, et il sera décidé,, à la majorité des voix, si l'attestation sera ou non accordée. » (Adopté.)
Art. 6.
« Si la majorité est pour que l'attestation soit accordée, 2 offieiers municipaux, revêtus de leur écharpe, ou, avec leur procuration, 2 officiers municipaux de la ville où siège le tribunal criminel du département dans le territoire duquel le condamné est actuellement domicilié, conduiront le condamné devant le tribunal criminel.
« Ils y paraîtront avec lui dans l'auditoire, en présence des juges et du public.
« Après avoir fait lecture du jugement prononcé contre le condamné, ils diront â haute voix : Un tel a expié son crime, en subissant sa peine ; maintenant sa conduite est irréprochable; nous demandons, au nom' de son pays, que la tp-che de son crime soit effacée. » (Adopté.)
Art. 7.
« Le président du tribunal, sans délibération, prononcera cetf mots : Sur Vattestation et la demande de votre pays, la loi et le tribunal effacent la tache de votre crime, » (Adopté.)
Art. 8.
« Il sera dressé du tout procès-verbal. » (Adopté.)
Art. 9.
« SI le tribunal criminel, Où le jugement de
réhabilitation sera prônortcé, est autre que celui où a été rendu le jugement de condamnation, la eopie dudit procès-verbal sera envoyée pour être transcrite sur le registre, en marge du jugement de condamnation. » (Adopté.) *
Art. 10.
« La réhabilitation fera cesser dans la personne du condamné tous les effets et toutes les incapacités résultant de la condamnation. » (Adopté)
Art. 11.
« Toutefois, l'exercice des droits de citoyen actif du condamné demeurera suspendu à l'égard du réhabilité, jusqu'à ce qu'il ait satisfait aux dommages et intérêts, ainsi qu'aux autres condamnations pécuniaires qui auront pu être prononcées contre lui. » (Adopté.)'
Art. 12.
« Si la majorité des voix du corps municipal est pour refuser l'attestation, le condamné ne pourra former une nouvelle demande que deux ans après, ainsi de suite de 2 ans en 2 ans, tant que l'attestation n'aura pas été accordée. » (Adopté.)
, rapporteur. Messieurs, l'institution que vous venez de décréter est la proscription naturelle des lettres de grâce; car c'est avoir mis une réhabilitation réfléchie et légale à la place d'une réhabilitation arbitraire. Je vous propose, en conséquence, la disposition suivante :
« L'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon, de commutation de peine est aboli. »
On vous propose d'abolir les lettres de grâce, de rémission,d'abolition et de commutation de peines. J'observerai que, dans tous les pays où il y a un pouvoir exécutif déposé dans les mains d'un seul (4 gauche : Ah 1 ahl), le monarque étant l'exécuteur des lois ou n'étant rien, il a joui partout et il a dû jouir (Je la faculté d'accorder des grâces et surtout des rémissions de peine. (Murmures.) Cette institution, dont il est possible d'abuser, car on abuse malheureusement de t®ut, cette institution est nécessaire à la sage administration de la justice elle-même; car la justice rigoureuse veut que tout meurtrier même involontaire soit condamné à mort parle juge. (A gauche : Non! nonl)
Un membre : C'est sur ce point-là que portent nos décrets sur les jurés.
E» ce cas, vous avez seulement changé l'arbitraire de place; il était à la chancellerie, Vous l'avez transporté dans les tribunaux. Ce n'est point aux jurés qui sont les témoins d'un fait et qui ne sont pas des juges, ce n'est point aux juges même a décider si un homme mérite grâce, parce que les juges étant les officiers de la justice ne sont pas des ministres de miséricorde, ils ne doivent pas l'être, et dans une sage Constitution ils ne l'ont jamais été.
Aussi, Messieurs, en Angleterre où l'on a su se préserver du despotisme, non seulement on n'a point enlevé au roi le droit de faire grâce, mais on lui en a imposé le devoir ; car le serment que le roi d'Angleterre fait à son sacre est conçu en
ces termes : Je promets de faire exécuter justice avec miséricorde. Voilà ce que le roi d'Angleterre promet.
On a voulu que le dépositaire du pouvoir exécutif fût plus clément que la loi; car la loi ne doit point connaître de clémence, et il faut pourtant bien qu'il y ait dans le royaume un ministre de la clémence publique. Si le roi ne l'est pas, qui le sera ? Si une commutation de peine qui est souvent un grand acte de justice n'est plus désormais au pouvoir du roi, ne voyez-vous pas que vous ôtez au roi le seul moyen qu'il y eût dans l'ordre ancien d'arrêter les effets de la prévention ou de l'injustice des juges ? Si vous apprenez que dans lé royaume le peuple, trompé par des vraisemblances séduisantes, a préjugé un accusé, que cet accusé a été traduit devant les jurés, queles jurés ont cédé sans examen ou par frayeur... (i gauche: Oh! oh!).
Je souhaite, Messieurs, que nos jurés soient des hommes inacessibles à la crainte, car je ne dois pas supposer l'hypothèse de la corruption ; j'admets donc que vos jurés s'établiront, ce qui ne m'est pas encore démontré, et je vous en demande pardon. Messieurs, c'est avec l'institution des jurés que les Anglais ont su allier ia prérogative de la couronne. Il n'existe pas dans l'univers un monarque qui n'ait ce droit-là ; et je ne sais pas, Messieurs, pourquoi on voudrait l'enlever au chef suprême de la première monarchie de l'univers. Quelle méfiance peut-on avoir avec les nouvelles précautions que vous avez prises pour organiser la législation criminelle; avec la responsabilité des ministres; avec la précaution que vous pouvez prendre de faire enregistrer lés lettres de grâce, car les lettres de grâce en elles-mêmes n'ont jamais été exécutées sans être enregistrées? Quelles précautions Ja nation va-t-elle prendre contre son roi, pour l'empêcher d'exercer des actes de clémence, même en matière de commutation de peine ?
Messieurs, vous avez placé la loi sur la tête de tous les Français. La loi ne connaît que des prin- _ cipes généraux de tous les temps et de tous les lieux; mais souvent la loi générale n'est pas la justice particulière; et cette justice particulière qu'on appelle souvent, et avec raison, clémence, doit être mise en dépôt dans les mains du roi. Or, dans l'organisation du pouvoir judiciaire, le peuple choisissant ses juges, le roi n'ayant même pas le droit de commutation de peine, nous établissons un gouvernement absolument républicain ; nous séparons le roi de la Constitution, et nous faisons une grande faute, car notre intérêt est de le lier à la Constitution, et nous le rendons étranger à tout. (Murmures.)
Au reste, Messieurs, ceux qui s'opposent à cette discussion voudront bien me pardonner les instances que je fais en faveur des véritables intérêts de la nation. Il est de l'intérêt de la nation, Messieurs, que son roi puisse quelquefois remédier aux erreurs des jurés, et aux erreurs des lois elles-mêmes, car les iois ne sont pas infaillibles. Je demande donc que le roi jouisse de toUs les droits de rémission, de commutation de peine et même de grâce absolue, sous la condition d'un enregistrement qu'il est très facile de déterminer.
Je ne demanderai pas des lettres de grâce pour un assassinat prémédité, pour un assassinat sur le grand chemin ; mais pour les crimes inférieurs, pour les crimes mêmes qui rie méritent pas la peine de mort, je crois qu'il n'y a , aucun inconvénient à allier à ia prérogative royale le droit
de faire grâce, droit que le roi d'Angleterre exerce avec les applaudissements de sa nation; car les anglais désirent que le roi fasse beaucoup de grâces; les jurés savent fort bien qu'il y aura au moins un tiers, et souvent la moitié de leurs jugements qui ne seront pas exécutés : ils le savent et ils s'en applaudissent.
Et remarquez, Messieurs, que, par un mouvement dont la promptitude me paraît inexplicable, (Murmures) les mômes hommes qui ne voulaient pas avant-hier qu'on pût condamner un seul homme à mort, ne veulent plus aujourd'hui qu'on puisse faire grâce à un seul condamné : ou plutôt cette prévention me paraît fondée sur un préjugé qui peut souvent nous égarer.
Si nous représentons sans cesse le pouvoir exécutif comme un hors-d'œuvre de la Constitution, comme un pouvoir menaçant pour la nation, nous ne pouvons pas trop, le détruire. Si nous le considérons att contrairè comme lé nerf de l'Etat, comme l'unique moyen de faire perpétuer dans le royaume la Constitution qu'on lui donne, nous rie détruirons pas les pouvoirs qui doivent être délégués par la nation et qui ne peuvent tourner qu'à son profit. En matière criminelle, le roi ne peut jamais faire seul l'application de la loi, mais il doit seul juger si la loi peut n'être pas exécutée contre tel ou tel individu.
J'entends dire dans cette Assemblée : mais si le roi est l'exécuteur de la loi, il n'en est donc pas le dispensateur. Voilà, Messieurs, une grande erreur. 11 est l'exécuteur de la loi, mais il s'agit de savoir s'il peut dispenser de l'exécution d'un jugement particulier. (Murmures.) L'exécution générale est un devoir du roi. Il doit favoriser, protéger, ordonner l'exécution de la loi; mais je maintiens que le droit de faire grâce est une partie du pouvoir exécutif. Cela est tellement démontré que si vous ne l'accordez pas au roi, bien certainement vous ne l'accorderez à personne.
Enfin, Messieurs, quand on parle aux représentants d'un peuple généreux et sensible.... (A gauche : Ah I ah 1)
Plusieurs membres à droite : Cette conduite est indécente.
Il serait véritablement curieux de savoir quelle est la personne qui s'arroge le droit de censure sur l'Assemblée nationale.
C'est l'abbé Raynal.
Souffrez qu'une partie des citoyens, qui fera en sorte de n avoir pas besoin de grâce fasse tous ses efforts pour que le droit de grâce soit accordé au roi. Je dis, Messieurs, et la nation né me dementira pas, que si cette Suestion était agitée au milieu des communes u peuple français, ce même peuple porterait avec acclamation, au trône de son roi, cette belle prérogative de fermer les tombeaux.
Il n'est personne ayant quelque connaissance du droit public qui ne sache que c'est la plus belle prérogative de la couronne. Qu'on mette aux voix, par appel nominal, cette proposition, et nous verrons qui osera s'y opposer.
Je ne demande pas un pouvoir dont le roi ne puisse pas abuser, car on abuse de tout; on abusera mêcqe des Assemblées
nationales, et ce n'est pas une raison pour les supprimer. Quelle est belle cette prérogative de pouvoir sauver la vie à son semblable ; de pouvoir se dire à soi-même : aujourd'hui j'ai empêché u« infortuné de terminer, dans la douleur et dans l'opprobre, le cours de sa vie ! Cicéron, qui le savait bien autant que nous, ne cessait d'en vanter les douceurs à César, parce qu'il savait en même temps qu'il importait au bonheur du peuplé de nourrir l'âme de son roi de ces sentiments exquis, de ces" sentiments d'humanité qui éveillent la sensibilité au fond du cœur des rois, souvent trop éloignés des misères humaines. Il savait qu'il ne fallait pas faire du roi une loi, c'est-à-dire un rocher. Il faut en faire un homme sensible', il faut lui accorder le droit de faire des grâces, il faut lui laisser cette toute-puissar.ce pour le bien; il faut que sur le trône,où il a des peines qui lui sont exclusivement réservées, il ait aussi des douceurs et des consolations qui n'appartiennent qu'à lui seul. (Applaudissements à droite).
Il faut vous rappeler que c'est à nous, représentants amovibles de la nation, qu'est réservée toute la rigueur de la législation. C'est bien assez pour nous, Messieurs, d'être obligés, par les grandes considérations de l'intérêt du bien public, de décréter la peine de mort, sans que dans notre Code nous prenions la précaution barbare de prémunir des nommes contre la grâce même du chef suprême de l'Etat. Non, Messieurs, cette précaution n'est pas digne de vous ; cette conditionne convient point a des législateurs : elle serait la plus barbare de toutes les lois, elle serait une loi inouïe dans l'histoire des nations.
On a accordé à des généraux d'armée le droit de faire grâce : vous le leur accorderiez vous-mêmes, si vous signiez aujourd'hui la patente de leur commandement ; et le roi, le chef suprême de .l'Etat, sera privé de ce beau droit qu'il ne pourra jamais diriger contre la nation, de ce droit dont l'abus même serait excusable, parce que tous les abus de clémence et de miséricorde trouvent leur excuse au fond de toutes les âmes sensibles. Vous avez assez limité la prérogative royale, vous avez cru devoir prendre des précautions contre les erreurs et les infidélités des ministres; mais, dans ce moment, vous attaqueriez une grâce qui tient essentiellement au fond du cœur de tous les bons rois, une prérogative dont ils doivent être infiniment jaloux, une prérogative dont vous ne sauriez les priver sans les déshériter du sentiment le plus doux qu'ils puissent goûter sur leur trône, sans les dénoncer aussitôt à la nation comme des gens que vous avez crus assez peu dignes de sa confiance pour ne mériter pas même d'exercer ce droit.
Non, Messieurs, je le répète, des Français, des hommes, des législuteucs, n'opposeront pas cette barrière à la clémence du roi ; ils ne lui contesteront pas le droit de faire grâce ; ils ne s'imagineront pas servir la cause publique en enlevant au pouvoir exécutif tous les pouvoirs qu'ils ne peuvent exercer eux-mêmes ; en anéantissant tous les pouvoirs dont ils ne peuvent pas s'emparer. (Applaudissements à droite.)
J'excepterais, Messieurs, très volontiers les crimes de lèse-nation, et contre lesquels le Corps législatif aura décrété qu'il y a lieu à accusation. Remarquez que, dans les occasions où les coupables sont très multipliés, dans l'insurrection d'une ville, d'un régiment par exemple, on eût bien fait d'accorder grâce par des lettres d'amnistie. Vous ne pouvez pas l'anéantir ce
droit-là, parce qu'il est impossible, dans plusieurs circonstances, d'exécuter les lois à la rigueur.
Si je voulais opposer déclamations à déclamations, je dirais que la prérogative du droit de faire grâce, remis entre les mains du roi, ne serait vraisemblablement, comme tous les autres actes qui émaneront du pouvoir exécutif, que l'expression de ceux qui l'entourent habituellement. (Applaudissements à gauche; murmures à droite )
Je demande que cette question ne soit pas jugée aujourd'hui.
Je disais donc que, de la manière dont on envisage les choses et les personnes dan3 l'atmosphère du pouvoir exécutif, je doute que la cause du peuple, celle des citoyens, fût la mieux écoutée. (Applaudissements.)
On a dit que la clémence était un devoir des rois; on a cité à cet égard tous les rois qui existent et notamment celui d'Angleterre. On devrait se borner à cette seule citation, car c'est dans ce pays seul qu'il existe une Constitution dans laquelle les droits des hommes ont été plus ou moins respectés, mais où du moins ils ont été reconnus; il est temps de faire cesser le prestige qu'on a voulu nous imposer à cet égard.
11 est bien vrai que le roi d'Angleterre a le droit de faire grâce, que les Anglais lui ont en général jdivisé l'administration de la justice en justice "exacte et rigoureuse et en justice d'équité et de clémence. Ils ont bien senti que non pas la clémence, mais l'équité est une portion nécessaire de la justice elle-même. Ils n'ont donné à leurs jurés que le droit de dire purement et simplement leur opinion sur le crime et non sur des circonstances très évidentes qui l'atténuent. Ils ne leur ont donné que le droit pur et simple de déclarer que l'accusé est coupable ou non.
Je demande la parole.
11 n'y a qu'à feuilleter tous les registres de la chancellerie sur les grâces accordées. M. Duport, qui est un ci-devant conseiller au parlement, sait bien que sur 100 lettres de grâce, il y en a 90 accordées à la classe la plus malheureuse du peuple. (Murmures.)
Je rends grâce à l'opinant qui m'a interrogé pour me dire d'abord que, sur un très grand nombre d'arrêts qîii ont été rendus au parlement, les grâces ont été accordées à la classe du peuple, je vais lui répondre catégoriquement. Il est constant que, tant que l'usage des lettres de cachet a subsisté, l'on ne donnait pas même au peuple cette apparence de justice que les hommes considérables commençassent une instruction criminelle. (Applaudissements à gauche. Murmures à droite.) Votre comité des lettres de cachet peut vous l'attester s'il était nécessaire, car je ne crois pas qu'il y ait un homme de bonne foi qui puisse]douter que, dans l'ancienne manière dont la justice était administrée, les hommes prétendus comme il faut, les hommes qui avaient des moyens de fortune ou de crédit, ne trouvassent celui de se soustraire aux premières poursuites de la justice.
J'atteste encore que, dans la manière dont la justice était administrée, il y avait effectivement,
non pas seulement des lettres de commutation, mais étonnamment de sursis qui étaient accordés aux différents criminels et cela surtout au parlement de Paris, par cette raison que les accusés avaient plus aisément aCcès auprès des hommes puissants qui distribuaient les sursis : je ne dis pas que ce soit en faveur des hommes considérables que ces sursis avaient été accordés, car je répète qu'à de très petites exceptions près, jamais un homme considérable n'a été mis en jugement. (Applaudissements à gauche.)
Et M. le duc de d'Aiguil-lon, au parlement de Bretagne?
Ce n'était pas sur de simples malheureux que le droit de grâce s'exerçait, c'était en faveur de ceux, de quelque classe qu'ils fussent, qui savaient les intéresser en leur faveur. Cela même a été un objet constant de réclamation de la part des anciens tribunaux, parce qu'ils s'étaient aperçus que l'administration de la justice était extrêmement partiale, et qu'elle ne présentait plus au peuple le seul, le véritable et le plus utile exemple qu'elle puisse leur accorder; une application impartiale de la loi pour tout le monde.
Je reprends mon observation et je dis que la justice des Anglais est-divisée, qu'ils ont donné aux jurés le droit pur et simple de déclarer si l'accusé a véritablement commis tel crime;mais quelquefois, par un verdict spécial, ils s'en rapportent aux juges pour savoir si véritablement l'accusé est coupable. Les Anglais ont attribué au roi en général le jugement des. circonstances atténuantes, et c'est sur ce jugement qu'est fondé principalement la nécessité du droit de faire grâce attribué au roi : ce droit s'exerce par le ministère même des juges qui viennent des sessions; ils rapportent au roi la liste des différents condamnés, et la note des circonstances qui peuvent déterminer une commutation, ou même l'abolition de la peine ; et c'est sur cela que le roi exerce un droit nécessaire dans la jurisprudence anglaise : voici un autre fondement de ce droit.
Les Anglais ont admis cette doctrine générale de peines, ils ont condamné presque tous les crimes à la peine de mort; ainsi un simple voleur qui vole au-dessus d'un schelling est condamné à mort par la loi. Mais voilà comment ils ont cru qu'il était nécessaire d'établir cette peine, en se réservant de l'atténuer dans les circonstances; ils ont^pour principe cette maxime que Cicéron a exprfmée, et qui est que la crainte doit aller à tous, et la peine à un petit nombre : me-tus ad omnes, pœna ad paucos. Voilà la base du code pénal anglais. Mais vous concevez que ce serait un système atroce qui ne pourratt subsister dans aucun pays, s'il n'était pas exercé avec miséricorde, et voilà pourquoi dans le sacre du roi d'Angleterre où il est dit qu'il exercera la justice, il lui est imposé de l'exercer avec miséricorde. Ainsi le système anglais est complet, il veut d'une pari la peine de mort pour tous, me-tus ad omnes; et ensuite que les circonstances puissent être choisies, et que le jugement de ces circonstances soit réuni dans les mains du roi, qui est pœna ad paucos. C'est par là que dans de certaines circonstances l'on ordonne une commutation de peine, et que la peine de mort est comme en France à peu près réservée à des crimes atroces.
Voilà le double système des Anglais, et comme vous voyez il résulte évidemment de ce double système la nécessité absolue que le roi d'Angle-
terre ait droit de faire grâce. Mais chez nous cette nécessité existe-t-elle? Non. Le droit de grâce doit-il exister ? Je ne le pense pas, parce que selon nous les fonctions dés jurés ne se bornent pas seulement à examiner le fait matériel, mais à examiner lë fait intentionnel. G'esten examinant les témoins; c'est en confrontant les preuves; c'est en rassemblant les différentes circonstances d'une affaire que l'on est parfaitement instruit du fait.
L'examen du fait appartient nécessairement aux jurés; il serait ridicule de le transférer au roi : comment le roi serait-il mieux instruit du fait que les j u-rés ? Je sens bien comment il le ferait; plus mai, parce que la vérité ne parvient presque jamais jusqu'à lui. (Applaudissements à gauche.) Il ésl dphCévident que les jurés peuvent d'abord examiner le fait dans toutes les-circonstances, et ensuite il est évident qu'ils ohtune aptitude bien plus grande à connaître la vérité.du fait dans toutes ses circonstances, que le roi qui ne peut les savoir que par des gens placés hors du lieu oïl le délit a été commis, et intéressés en général à lui cacher la vérité.
Cependant, Messieurs, je vous prie de saisir cette distinction qui me paraît très juste; c'est que si vous séparez du droit de faire grâce cette nécessité dé tempérer la loi par l'équité, Cëst-à-dire que dans telle circonstâncela loi ne puisse être rigoureusement appliquée,que reslera-t-il du droit de faire grâce? line restera qu'un droit arbitraire, de caprice, qu'il est absolument in digne d'hommes libres d^établir et de souffrir, c'est-à-dire un droit que les despotes n'Osent pas avouer ; car ils établissent toujours le* droit de faire grâce sur les motifs que je viens de vous dire* et si vous les séparez, le droit de faire grâce n'est plus que celui de déterminer sans aucun motif à qui l'on accordera ou à qui l'on n'aècordera pas une faveur injuste puisqu'elle est contraire à la loi ; voilà ce qui résulte du droit de faire grâcê bien décomposé; (Vifs applaudissements.)
Le jugement doit être libellé.
On dit que le jugement doit être libellé; je ne sais pas si l'on pense bien à Ce qu'on dit, car on vous dit bien qu'il faut que l'application dé la loi au fait soit libellée; mais comment cela instruit-il celui qui ultérieurement doit avdir à décider si les circonstances peuvent atténuer le délit? Rappelez-vous, Messieurs, que la procédure par devant les jurés ne se fait pas par écrit. Ainsi il vous faudrait donc» comme en Angleterre, que le roi soit instruit des circonstances par les juges.
En Angleterre cela peut se faire ainsi pour deux raisons ; d'abord parce que les juges sont institués par le roi, parce qu'ils reviennent à Londres* après avoir jugé 'dans le3 comtés, et ensuite par le respect qui vient du temps, qui Vient encore d'autres circonstances, et qui entoure la qualité de juge. Mais je vous demande, Messieurs, quelle sûreté il y aurait pour votre liberté, si les juges en France avaient le droit de déterminer presque nécessairement la volonté du roi, sur tel ou tel individu. Car remarquez bien que les jurés, éparpillés pour ainsi dire, aussitôt après le jugement, il n'y a qu'eux qui pourraient déterminer le roi à faire grâce ou non; or, cela est évidemment absurde. Ainsi, je pense, Messieurs, qu'en France Vous avez pour l'intérêt public, l'équité confondue avec la justice.
On vous a dit qu'on abusait de toutes les institutions) cela est vrai; mais quel est le moyen d'éviter les abu& du pouvoir, c'est de remettre le pouvoir dans la main de celui qui n'a aucun intérêt d'en abuser : or, il est évident que les jurés qUi auront des imperfections, parce que ce sont des hommes, n'ont d'ailleurs aucun intérêt à l'injustice; au contraire, ils ont par eux-mêmes l'intérêt le plus grand à la justice, par la raison qu'ils en font tous les jours l'objet : et quant au roi, on se méprend bien, ce me semble, dans la manière dont on en a parlé tout à l'heure. Qui est-ce qui rend le roi nécessaire à notre Constitution? Qui est-ce qui le rend inviolable? C'est qu'il est plutôt un pouvoir qu'un individu. Ainsi ce n'est pas la sensibilité d'un rpi, d'un homme, qui doit servir dé base à la liberté d'un pays, mais l'exercice régulier d'un pouvoir légal. (On applaudit à plusieurs reprises.) le pense donc que l'on cherche à égarer la sensibilité de l'Assemblée.
Enfin, l'on vous a dit que, si le peuple français était assemblé en comices, il donnerait unanimement au roi le droit de faire grâce. Tel est l'avantage des gouvernements représentatifs, que le peuple choisit pour le représenter un petit nombre de personnes,afin de se prémunir contre ces mouvements oratoires, avec lesquels, du haut d'une tribune, on pourrait l'égarer. (Nombreux applaudissements.)
La dernière phrase du préopinant m'a béaucoup soulagé;, je me sentais forcé de commencer par une expression fort dure, mais il m'a rendu libre à cet égard.
Je dois donc dire qu'il n'y a que la plus profonde ignorance de la forme de la législation anglaisé, qui ait pu lui faire dire ce qu'il a dit dans cette tribune. Il vous a dit que, dans la forme anglaise, ia justice était divisée en 2 branches, dont l'une était livrée aux jurés et l'autre remise au roi. Je réponds que les jurés anglais jugent suivant l'équité en matière criminelle, et j'en cite une preuve à laquelle je défie le préopinant et tous ceux qui l'ont instruit de répondre: c'est le texte même de l'institution du juré anglais. 11 y verra que ce n?est pas sur le fait pur et simple que le juré doit prononcer, mais bien, si le fait a été commis malicieusement; et cela est si rigoureux, que si le mot malicieusement n'était pas compris dans ,l'acte d'accusation, il serait nul. Les jurés anglais jugent, comme les vôtres, de la moralité des actions ; et malgré cela, la nation anglaise a cm devoir laisser au roi Je droit de faire grâce avec la plus grande latitude et je crois qu'il faudrait la restreindre en France; P- r--i '
On vous à dit qu'on avait été forcé de lui laisser ce droit, parce qu'à des crimes très peu condamnables, on appliquait toujours la peine de mort; mais on a oublié de vous dire que tous ces crimes-là sont effacés indépendamment de la grâce du roi par le bénéfice du clergé, tellement que dans 136 espèces de félonie, c'est-à-dire de.crimes capitaux, il y en a 128 qui sont remises par le bénéfice du clergé.
Ainsi, ce n'est pas d'après le véritable tableau des lois anglaises, que vous devez vous décider, puisqu'il ne vous a pas été présenté. Conservez au roi la prérogative de faire grâce; Car enfin il faut la placer chez le roi ou ailleurs.
Mais si un coupable est
dans le cas de la mériter, si vous la lui avez promise, à qui la demandera-t-il?
A qui Char-lemagne l'a-t-il demandée lorsqu'il fut question du prince bavarois? N'est-ce pas âu peuple français assemblé ?
Plusieurs membres : L'ajournement I
Je demande que ia discussion soit fermée et qu'on mette aux voix l'article du comité ; car cette question ne peut faire la plus légère difficulté; il n'y a pas de Constitution si on met quelqu'un au-dessus de la loi.
Plusieurs membres: L'ajournementl
Il faut savoir auparavant si l'Assemblée renonce elle-même au droit de faire grâce.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Il est permis de parler sur l'ajournement... (A droite .-Non! non !)..# Il y a une tactique à droite qui fait que l'on élève des doutes sur les questions les plus simples, par des demandes ingénieuses d'ajournement. Il n'est jamais entré dans l'esprit d'un seul dés membres de l'Assemblée, composant la majorité qui a fait la Constitution, d'accorder au roi le droit de faire grâce. Je soutiens, et il est prouvé que ce sera toujours contre les intérêts du peuple, que ce droit arbitraire sera exercé.
Si ce que je viens de dire est démontré, il est inutile d'ajourner cette question et de perdre du temps. Il n'est pas question de rien enlever au roi, il n'est question que de ne pas lui donner un droit déplorable qui amènerait la destruction du civisme, du patriotisme et de l'attachement à la Constitution... (A droite : Au contraire)... Il sera du devoir de tout bon citoyen de défendre la prérogative constitutionnelle du roi, lorsque nous l'aurons constituée, et ce sera un acte d'incivisme éclatant que de l'attaquer et même de ne pas la défendre, comme doit le faire un citoyen libre, et non pas comme un lâche courtisan.
Je conclus, et je dis qu'il est impossible de mettre le roi au-dessus de la loi. Je ne balance pas à dire que si vous hésitez à prononcer sur une pareille question, vous donnerez à la dernière opinion politique le droit de douter du civisme de la majorité de cette Assemblée. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande la parole.
, rapporteur. On ne doit jamais craindre la lumière : le comité est donc bien éloigné de se refuser à une nouvelle discussion sur une question aussi importante. (Applaudissements.y *
Plusieurs membres: Aux voix l'ajournement!
(L'Assemblée, consultée, décide que la suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre du ministre de la guerre, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Les instances qui me sont faites chaque jour en faveur du nommé Muscar, sous-officiér du 71° régiment d'infanterie, ci-devant Vivarais, détenu en prison depuis Pépocjue des troublés survenus dans ce corps, me forcent de nouveeu de mettre cette affaire sous les yeux de l'Assemblée nationale.
« J'ai lieu de penser, par le silence que tous les papiers publics ont gardé sur la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à l'Assemblée le 15 avril dernier, relativement à ce sous-officier, que cette lettre, égarée apparemment dans l'immensité des papiers qui lui sont journellement adressés, n'aura pas été iue.
« Je la transcris ici, etj'ose vous prier de vouloir bien en faire lecture à l'Assemblée nationale.
« Du 15 avril 1791.
« Monsiéur le Président, des désordres arrivés « dans le 71* régiment, ci-devant Vivarais, à « l'époque du mois de janvier 1790, avaient donné « lieu à l'emprisonnement du nommé Muscar, « sous-officier dans ce régiment. L'Assemblée « nationale, par un décret du 16 avril de la même « année, a ordonné qu'il serait sursis à toute « procédure.
« Depuis que le ministère de la guerre m'est « confié, j'ai toujours désiré que cette affaire pût « être jugée ; et dès que les nouveaux tribunaux « militaires entrant en activité m'en ont paru « fournir les moyens, j'ai écrit plusieurs fois à « Ce sujet à MM. du comité des rapports. Le co-« mité me parait penser que l'Assemblée natio-« nale, en ordonnant un sursis, et en ne décrétant « aucune disposition ultérieure, a eu peut-être « en vue d'ensevelir dans l'oubli des erreurs « commises dans un moment de fermentation et « de troubles. En conséquence, il penche à croire « que le nommé Muscar devrait être mis en li-« berté; mais il me semble que le décret m'in-« terdit de proposer au roi ce parti.
« Je vous prie donc, Monsieur le Président, de « vouloir bien prendre les ordres de l'Assemblée. « sur le sort de ce sous-officier, et de me faire « connaître ce qu'elle aura jugé à propos de dé-« cider à cet égard.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé: Duportail. »
, au nom du comité des rapports. Voici le projet de décret que votre comité des rapports m'a chargé de vous soumettre relativement à l'objet contenu dans la lettre du ministre, dont il vient de vous être fait lecture:
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le comité des rapports, décrète
que le sieur Muscar
(Cedécret est adopté.)
Le comité militaire ne nous a pas encore fait son rapport sur l'insurrection du régiment de Dauphiné; si cette insurrection reste impunie, la vie même des officiers ne sera plus en sûreté.
L'objet dont parle M. de Murinais fait partie des mesures générales dont les comités réunis s'occupent sans relâche depuis sept jours.
, au nom des comités de féodalité, d'agriculture et de commerce, militaire et de marine, fait un rapport sur les privilèges exclusifs ci-devant accordés au corps des bélandriers de Dunkerque, bateliers de Conaé.
Il propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de féodalité, d'agriculture et de commerce, militaire et de marine, décrète ce q\}i suit :
Art. Ier.
« Les privilèges exclusifs, ci-devant accordés aux corps des bélandriers de Dunkerque, des bateliers de Condé, et tous autres des départements du Nord et du Pas-de-Calais, de charger de certaines marchandises en certains lieux desdits départements, sont révoqués, ainsi que tous prétendus droits réclamés par différentes communes, de faire exclusivement le tirage des bateaux, lequel pourra être fait par les bateliers, par qui et comme ils jugeront convenable.
Art. 2.
« Tous règlements relatifs au mode d'admission à l'état de navigateur, au régime et à la police de la navigation dans lesdits départements, seront exécutés moyennant le payement des -droits de patente, jusqu'à ce qu'il ait été rendu par le Corps législatif un décret sur la navigation fluviale pour tout le royaume.
Art. 3.
« L'Assemblée nationale n'entend rien innover au traité passé à Crespin, entre les bateliers de Condé et ceux de Mons, le 14 août 1686.
Art. 4.
« Usera, d'après l'avis du département du Nord, pourvu à l'indemnité qui pourrait être due aux bélandriers de Dunkerque, à raison des 120 bélandres qu'ils ont dû construire en exécur tion de l'arrêt du conseil du 23 juin 1781 ; et Sa Majesté sera priée de donner les ordres nécessaires pour assurer le service du port et la rade de Dunkerque. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité Remplacement, présente un projet de décret autorisant le directoire du district ae Provins à faire une acquisition pour l'emplacement du corps administratif, et dit :
Provins a une localité décisive, c'est qu'il y a dans son sein des maisons religieuses assez riches .en archives et en manuscrits. Il faut
réunir ces différents dépôts et leur donner une assiette fixe ; on ne peut les exposer à des déplacements sans en compromettre le sort.
On y rencontre des manuscrits qui peuvent être précieux, non pas seulement aux annales de la monarchie qui n'offraient alors pour chaque règne que l'histoire d'un roi, d'un ministre et d'un général, mais à l'histoire des mœurs et des usages. ;
Beaucoup de savants religieux sont morts, si je puis le dire, dans les mines ; il faut conserver les morceaux qui sont laborieusement extraits de la carrière, parce que, dans tout ce cuivre, on peut découvrir des paillettes d'or.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer:
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Provins, département de Seine-et-Marne, à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets, les deux ailes de bâtiments dépendant de la maison des bénédictins de Saint-Ayont de Provins, l'une au couchant sur la cour d'entrée, et l'autre au midi pour y placer le corps administratif du district.
« L'autorise pareillement à faire procéder à l'adjudication, au rabais, des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Herbelot, ingénieur des ponts et chaussées, le 21 avril, pour le montant de ladite adjudication être supporté par lesdits administrés.
« Excepte de la présente permission d'acquérir tous les vieux bâtiments, l'église, les jardins et autres terrains non compris dans les objets ci-dessus détaillés, pour être, lesdits objets vendus, séparément en la manière accoutumée, à la charge, par l'adjudicataire, de laisser 30 à> 40 pieds de large au delà de l'aile du midi desdits bâtiments, et dans toute leur longueur, jusqu'aux vieux bâtiments exceptés de l'acquisition. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité d'emplacement, présente un projet de décret autorisant le directoire du district de Bergerac à faire une acquisition pour l'emplacement du corps administratif et au bureau de conciliation.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Bergerac, département de la Dor-(Jogoe, à acquérir, aux frais des administrés, et dans ies formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale, la maison des jacobins de Bergerac, pour y placer le corps administratif du district et du bureau de conciliation.
« L'autorise pareillement à faire procéder à l'adjudication, au rabais, des réparations et arrangements intérieurs nécessaires, sur le devis estimatif dressé par le sieur Martin,-ingénieur des ponts et chaussées, le 4 mai dernier; ie montant de laquelle adjudication sera supporté par les administrés.
« Excepte de la permission d'acquérir, le cloître, le parterre, l'écurie, la cour y attenant et le jardin, pour être, lesdits objets exceptés, vendus séparément dans les formes prescrites. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des finances. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de
s'occuper des moyens de fabrication des assignats de 5 livres, le 20 du mois dernier; j'ai déjà eu l'honneur de vous rendre compte de ce qui concernait la fabrication du papier et la forme des assignats ; il nous reste encore à vous proposer quelques articles pour déterminer les précautions à prendre, afin d'assurer l'exécution de la fabrication. Le papier sera livré aux époques annoncées; Vos commissaires vous en ont renouvelé l'assurance; les travaux de l'imprimerie sont préparés de manière à n'apporter aucun retard; mais, malgré ces dispositions, il nous reste encore à assurer la majeure, ta plus embarrassante : l'assignat, au sortir de l'imprimerie, doit encore être timbré, numéroté,^enregistré, signé; ces opérations si multipliées demandent un grand nombre d'agents, et par conséquent un local spacieux et sûr pour le contenir.
Permettez que nous entrions dans quelques détails sur ces opérations. L'expérience a prouvé qu'un balancier servi par trois hommes pourrait timbrer par jour 20,000 assignats. En doublant les hommes et faisant travailler jour et nuit, on obtiendra de chaque balancier 40,000 assignats: quatre balanciers ainsi montés fourniront 160,000 assignats par jour, faisant dans un mois 25 millions. Les assignats devant être timbrés, numérotés, exigent un grand nombre d'employés; un numéroteur ne peut faire que 3,000 numéros ou signatures par jour, et c'est même compter sur la plus grande célérité possible ; pour obtenir 160,000" assignats par jour, il faut rigoureusement 53 numéroteurs, mais attendu les accidents, les dérangements, il faut en porterie nombre à 60. Les signatures exigent le même temps, par conséquent le même nombre d'employés.
Après les détails de la fabrication, vous avez encore à fixer votre attention sur le local dans lequel il sera possible, commode et sûr d'établir cette fabrication, et ensuite sur lé mode de la surveillance. Les premiers assignats ont été si-gués et numérotés chez M. Le Couteulx, rue Mon-torgueil, et ensuite dans ses bureaux à la caisse de l'extraordinaire. Il avait bien voulu se charger du soin de faire tout le travail, et nous devons un juste tribut de reconnaissance au zèle avec lequel il s'en est acquitté; mais ce qu'il a pu faire lorsque le service de la caisse de l'extraordinaire n'avait pas encore acquis cette facilité, devient impossible aujourd'hui.
Il a exposé à vos commissaires qu'en continuant à se charger de fractions aussi multipliées, l'émission des premiers assignats ne ressemblait en rien à celle des assignats de 50 livres. Pour la fabrication de ceux-ci, le nombre des agents sera presque redoublé ; il devient donc impossible de placer cet atelier à la caisse de l'extraordinaire ; dès lors, point de surveillance immédiate de la part du trésorier ; les bureaux dans lesquels sont aujourd'hui les signataires, les numéroteurs, les enregistreurs ne sont pas, à beaucoup près, assez Vastes pour contenir le nombre qu'il sera nécessaire de placer : il a donc fallu que vos commissaires cherchent un local qui réunît tous les avantages de l'étendue et de la sûreté. On leur a indiqué remplacement de la maison des Augustins, place des Victoires ; il leur a paru remplir leurs vues.
Voici le projet de décret :
« Le roi sera prié de nommer un commissaire, lequel sera chargé de suivre et de faire exécuter la fabrication des assignats, depuis le moment où le papier lui sera remis, sur son récépissé,
jusqu'à leur entière perfection et dépôt à la caisse de l'extraordinaire.
« Le commissaire déposera chaque jour, à la caisse de l'extraordinaire, tous les assignats qui seront terminés; il en recévra un:récépissé qui lui servira de décharge.
« Il remettra au comité des finances l'état de3 agents qu'il croira nécessaires à cette opération ; cet état sera concerté avec le commissaire du roi de la caisse de l'extraordinaire, et it .y sera statué par l'Assemblée sur le rapport du comité.
« Les bureaux des signatures, numérotage et enregistrement seront placés à la bibliothèque des Augustins, place des Victoires. »
Je demande la question préalable sur le projet du comité, et en voici les motifs : il a été décidé que le commissaire du roi de la caisse de l'extraordinaire continuera à s'occuper delà signature des assignats; je ne vois donc pas pourquoi on veut nommer d'autres agents, d'autres commissaires du roi. Une autre considération, c'est que, dans le commencement de la signature des assignats, il s'est glissé des fautes; or, si vous nommez de nouveaux signataires et si on multiplie et renouvelle les agents, les premiers inconvénients reparaîtront.
II me semble qu'il faudrait supprimer la signature et se servir d'une griffe, parce que cela serait uniforme ; ce moyen déjà présenté à votre comité a été rejeté, par cette raison que rien n'est aussi facile à imiter qu'une griffe, et que rien n'assure moins l'authenticité d'une signature qu'une griffe.
Il y a à la tête de la caisse de l'extraordinaire M. Le Couteulx ; je ne vois pas la nécessité de mettre un second commissaire du roi à la tête du numérotage des petits assignats ; il suffirait peut-être d'y établir un sous-chef pour en inspecter la fabrication.
, rapporteur. Le peuple croirait que vous n'avez pas pris autant de précautions pour les assignats de 5 livres que pour les assignats de 50 livres et cette opinion les discréditerait. Quant au commissaire du roi, il ne peut être chargé que d'une administration et non d'une responsabilité de numéraire ; il faut donc qu'il y ait à la tête de cette opération un homme responsable. Or, il est impossible que le commissaire. de la caisse de l'extraordinaire soit responsable d'une opération que la multiplicité de ses occupations ne lui permet pas de surveiller.
En ce qui concerne la signature des assignats, je fais-une seule observation : c'est que, par un décret du mois de mai dernier, l'Assemblée a décidé que les assignats seraient signés.
Je ferai remarquer à M. de Cernon que sa dernière observation n'a pas de valeur, car si l'on trouve un moyen plus utile, il faut l'adopter.
On vous propose de prier le roi de nommer soixante personnes pour signer les assignats; donner à un même papier soixante signatures différentes, n'est-ce pas une chose illusoire et ridicule, comment pourra-t-on les reconnaître ? Je demande que la signature soit faite à la griffe ou dans l'impression, ce qui épargnera une somme de 50,000 écus.
J'ai l'honneur de vous, assit-
rer que le comité des finances et M. Camus lui-même ont été d'accord que la signature était inutile.
Un membre : Gela n'est pas vrai, Monsieur Bouche.
Prouvez-le, Monsieur, et prouvez poliment ce que vous venez de dire d'une manière si désobligeante.
J'ai résisté à l'idée de la signature, parce que je n'ai pu croire que cette formalité pût, au fond, être de la moindre utilité ; d'ailleurs je vous demande si vous devez vous déterminer à dépenser 150,000 livres, pour avoir le plaisir de voir une signature manuscrite sur un assignat; il est plus simple et plus court d'adapter à la planche même d'impression une signature et un paraphe difficiles à contrefaire.
C'est donc sur la signature seule que je demande la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décide que les assignats de 5 livres ne seront pas signés à la main et décrète qu'il sera ajouté à la planche d'impression une signature et un paraphe.)
Il serait peut être nécessaire que M. le commissaire nommât des personnes pour vérifier le numérotage et le timbrage.
D'après la décision qui vient d'être prise, il devient plus inutile qu'auparavant d'instituer un second commissaire du roi. Le décret, à mon avis, doit donc se réduire à ceci : « M. Le Gouteulx proposera au comité des finances un état des nouveaux commis nécessaires pour les nouvelles opérations. » C'est là sa mission ; il peut tout faire sans que l'on soit obligé pour cela de créer un nouveau ministère.
VaXné. J'appuie la proposition de M. Chabroud ; nous ne pouvons mettre trop de simplicité dans cette opération ; quant à la multiplicité des places, elle n'est qu'un moyen de corruption, ét elle ne tend qu'à rendre la responsabilité illusoire.
Je demande le renvoi à demain, et que le comité des finances ait, avec le comité des assignats, de nouvelles conférences.
Je demande que vous mettiez la question préalable sur tout le décret et que, relativement aux difficultés auxquelles M. le rapporteur rie veut pas se prêter, on renvoie lé projet de décret à demain, et je demande qu'on renvoie aux 2 comités les mesures à prendre.
, rapporteur. Je demande qu'on renvoie le tout.
On ne veut renvoyer à demain que pour se donner les moyens de travailler; l'Assemblée et la disposer à adopter le projet de1 décret.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à déli- ) bérer sur la proposition d'instituer un nouveau commissaire du roi et renvoie le surplus du projet au comité.)
L'ordre du jour est la suite ie la discussion du , projet du Code pénal.
Je rappelle à l'Assemblée qu'elle a renvoyé hier à sa séance d'aujourd'hui la suite de la discussion sur les lettres de grâce; c'est cette question qui est actuellement en délibération.
(1). Demander si l'on accordera au roi le droit de faire grâce, c'est demander, en d'autres termes, si lorsque les jurés auront regardé comme certain, si, lorsque l'accusé sera convaincu, si lorsque le juge anra appliqué la loi, alors il est libre au pouvoir exécutif de s'élever au-dessus de cette loi, de mettre sa volonté particulière au-dessus de la yolonté générale : c'est là en définitive où doit se réduire cette grande question, qui vraiment n'en est pas une.
Il est inutile, je pense, d'examiner quelle est notre législation ancienne, relativement aux lettres de grâce; cependant si nous voulions jeter un coup d'œil sur cette législation, nous ne tarderions pas à nous apercevoir que ce n'était pas un droit, que c'était un abus qui s'était érigé et qui était monté à la hauteur d'une loi. En effet, qu'étaient les lettres de grâce? Les lettres de grâce contenaient, dans le préambule, les faits qui étaient exposés par le condamné; et les lettres adressées aux tribunaux se terminaient ainsi : « s'il vous appert que les faits contenus dans les présentes sont vrais, etc... »
Ainsi, Messieurs, l'enregistrement était ou une formalité purement illusoire ou une formalité réelle. Si la formalité était illusoire, alors il était plus simple que le roi s'élevât sur-le-champ, au-dessus de la loi, et fit grâce sans aucune espèce d'enregistrement. Mais si, au contraire, cette formalité était de rigueur, je maintiens alors que les lettres de grâce étaient des lettres, pour ainsi dire, sans aucua effet, puisqu'il est vrai que, si les juges qui avaient condamné trouvaient, dans leur âme et conscience, que les faits exposés par celui qui devait subir la peine, étaient des faits faux,des faits inexacts, ils étaient les maîtres, je dis plus, ils avaient le droit de s'opposer à l'enregistrement.
Ainsi vous voyez que, dans l'ancien ordre de choses, le droit de faire grâce, dans son véritable rapport, était véritablement illusoire, si les juges eussent fait leur devoir; parce que tout juge voyant l'exposé faux avait le droit de s'opposer à l'enregistrement. Mais que signifie donc une lettre de grâce? Voici un dilemme extrêmement simple. Ou un homme est innocent, ou il est coupable. Si un homme est innocent, il n'a pas besoin de lettres de grâce; s'il est coupable, c'est une grande injustice que de lui faire grâce ; c'est un délit envers la société, c'est une infraction à la loi, car il n'appartient pas dans un état libre qu'aucun homme, qu'aucun corps, qu'aucun pouvoir se mette au-dessus du pouvoir ae la loi.
Ce qui pouvait faire tolérer dans l'ancien régime les lettres de grâce,
c'est que notre jurisprudence confondait les délits involontaires et
ceux qui étaient commis .de dessein prémédité ; en effet, un homme en
tue innocemment un autre. Dans notre système actuel qu'en arriverait-il?
Le juré le trouverait innocent. Dans l'ancien il ne pouvait trouver de
rémission à sa peine, que dans la miséricorde du prince. Aujourd'hui le
principal inconvénient n'existe plus, et la principale base qui donnait
lieu aux lettres de grâ,ce a heureusement disparu avec un meilleur
système pénal.
Je vais répondre encore à quelques objections. On dit : Mais il est des cas où l'utilité publique paraît réclamer la grâce du coupable. Que d'une norde de bandits qui désolent un pays, un complice révèle à la justice les délits qui ont été commis dans cette province; Comme il rend alors un service à la chose publique, il faut l'attirer par l'espoir, afin de découvrir ce fléau et d'y remédier. Eh bien I s'il en est ainsi, que faut-il alors? Ce ne sout pas des lettres de grâce, c'est une loi précise. Ainsi lorsque vous trouverez des cas de rémission qui paraîtront fondés et sur la justice et sur l'utilité publique, vous ne devez rien laisser à l'arbitraire, mais vous devez, par une loi claire et précise, déclarer qu'alors en faveur du service qui est rendu à la patrie par ce qui vient de lui être révélé, le complice a la rémission des délits qu'il peut avoir commis. Si la chose publique exige que dans des cas déterminés l'on fasse grâce à un coupable, devéz-vous donner au ^pouvoir exécutif le droit de refuser cette grâce ou de l'accorder arbitrairement.
Dans un gouvernement bien organisé, nul homme ne doit se mettre au-dessus de la loi; car enfin, Messieurs, qu'est donc le despotisme, si ce n'est le droit qu'a un homme de se placer au-dessus de la loi et de ne point obéir. C'est là la définition exacte du despotisme. Lorsque la loi a prononcé, nul ne doit avoir, sous le prétexte de clémence, le droit de l'enfreindre, car c'est ainsi que les abus s'introduisent : la clémence d'une nation est d'être juste. (Applaudissements.)
J'ajouterai, Messieurs, que si vous placez la - clémence autre part, vous n'avez plus de système pénal; que dans toutes circonstances le roi serait e grand juge du royaume deVant lequel on se pourvoirait contre lejugementqui aurait été précédemment rendu. Et c'est y déroger que d influencer la loi ; c'est v déroger que d'adoucir la loi lorsqu'elle- punit. Eh 1 Messieurs, vous avez, autant que. votre humanité, vous l'a permis, réduit les peines, vous n'avez appliqué la peine de mort qu'à un très petit nombre de crimes. Ils vous ont paru tellement atroces, tellement nuisibles à la société que vous n'avez pas cru que les législateurs eussént le droit de rendre à la sodété ceux qui en seraient coupables, et vous voudriez que ce droit fut une prérogative du trône ? Enten-driez-vous donc qu'on pût remettre cette peine dans les délits auxquels vous l'auriez attachée? . Non sans doute ; et ensuite quelles sont les peines qui vous restent? Les peines temporaires; et ne nous le dissimulons pas, Messieurs, ceux qui seraient exempts de cette peine seraient toujours ceux qui approcheraient le plus près du trône, ce seraient toujours les hommes en place, les courtisans; et jamais l'homme malheureux ne serait celui qui aurait le bénéfice des lettres de grâce. Ainsi, Messieurs, quand un ministre aurait été déclaré coupable, que deviendrait la responsabilité si le roi était le maître de la soustraire aux lois.
Si au contraire le roi ne peut exercer cette prérogative que sur la déclaration d'un juré, vous lui conférez un droit illusoire, injurieux à la dignité du monarque; les lettres de grâce aéraient
renvoyées, non plus aux juges, mais aux jurés, puisqu'il est vrai que les lettres de grâce ne sont fondées que sur des faits qu'allègue le condamné. Etpensez-vous, Messieurs,que les jurés qui avaient prononcé sur le fait en grande connaissance de cause penseraient alors autrement, parce que la lettre ae grâce leur serait présentée? Non? sans douté, ce serait une chose purement illusoire, et si vous accordiez un autre choix, je ne crains pas de le dire, vous blesseriez les premiers principes de la raison et de la justice, et vous porteriez l'atteinte la plus funeste à votre Constitution.
Je conclus avec votre comité pour qu'il n'y ait point de lettres de grâce. (.Applaudissements.)
Un membre : Le droit de faire grâce appartient au souverain. La souveraineté appartient à la nation, source de tout pouvoir : donc le droit de faire grâce appartient à la nation; vous n'avez pas le droit d'ôter à la nation un droit, un pouvoir politique qui lui appartient.
(1). Ce n'est pas delà prérogative de la couronne que je viens vous entretenir : vous savez que c'est un mot vide de sens, s'il ne présente pas une utilité publique; c'est déjà une assez belle prérogative pour le roi que d'être en possession d'exercer tous les pouvoirs qui sont reconnus être d'une utilité publique. Il faut donc, avant de réclamer pour le roi le droit de faire grâce aux criminels condamnés, commencer par examiner, non pas si ce droit est une prérogative qui lui appartient, mais si ce droit, exercé par son autorité, est une institution utile et nécessaire pour le plus grand bien de tous.
On a beaucoup dit que le droit de faire grâce n'était que le droit de la vendre. Cette objection, ou plutôt ce reproche me paraît peu fondé ; car on peut en dire autant de la justice. On l'a vendue souvent, on la vendra peut-être encore quelquefois, il ne s'ensuit pas que la justice doive être abolie, (Murmures.) On abuse de tout; et tel est le sort des institutions humaines. Il ne s'ensuit pas qu'il faille tout abolir. Les bonnes lois doivent, non pas détruire toutes les institutions pour se livrer à des novations perpétuelles, mais détruire les abus.
La question est donc réduite à cette proposition : est-il utile que le droit de faire grâce soit, non pas accordé (il ne s'agit pas de faire un cadeau au trône), mais attribué comme partie intégrante de la législation constitutionnelle au monarque? et alors cet attribut ne sera pas de notFe part une concession,;mais un devoir.
J'aurais trop d'avantàges sur les partisans du système contraire, si je
voulais établir la discussion, d'après l'état actuel des choses,
c'est-à-dire avant l'établissement desjuré3,et même pendant la première
année do leur établissement: car ce temps sera un temps d'imperfections
pendant lequel un remède de lois, si je puis employer cette expression,
sera encore nécessaire comme il l'était jadis, et ce n'est pas un
reproche que je veuille faire à la sublime, à la salutaire institution
des jurés qui, quoi qu'on en ait dit, s'établira en France, je l'espère.
Il faut donc réduire encore la .question, et supposer l'institution des
jurés en plein exercice, et l'ordre judiciaire parfaitement établi, et
c'est même alors que je pense que, dans tout gouvernement libre, le
droit de faire grâce
J'ai dit délégué, car observez qu'il ne pourrait, comme tous les autres pouvoirs, émaner aussi du peuple et lui appartenir aussi parle fait,puisqu'il serait sans doute impossible d'exécuter au milieu de toute une nation un jugement criminel qu'elle voudrait modifier ou supprimer; or, ce pouvoir du peuple, le peuple ne peut pas le perdre puisqu'il lui appartient. 11 doit donc le déléguer puisqu'il ne peut pas en faire usage. C'est donc en ce sens que le droit de faire grâce est une prérogative du monarque, et, pour préserver cette idée de toute défaveur, je dois définir ici ce que c'est que prérogative.
C'est mal à propos que plusieurs personnes ont entendu parla une propriété-, inhérente à la personne qui en jouit ; car jamais un pouvoir public ne peut être la propriété innée d'un individu ; il ne peut lui appartenir que par une convention réciproque entre le peuple et lui, et c'est dans cette convention que consiste la prérogative : ce terme, qui tire son origine du latin prœ-rogatum, signifie c/iosa demandée d'avance. Un roi a pu diie d'avance au peuple qui voulait lui confier le gouvernement : j'accepterai, sous telle ou telle condition que je demande, que vous stipuliez d'avance.
Le droit de faire grâce est donc nécessairement une prérogative du roi; en ce sens, que le roi n'a pu raisonnablement se charger de faire rendre la justice sans demander d'avance le droit de faire grâce, inséparable du droit de juger : or, une des premières fonctions de nos rois a été de rendre la justice. Ne devaient-ils pas avoir le droit de faire grâce aux accusés, qui, coupables au yeux de la loi, ne l'étaient pas aux yeux des juges? Le juge applique la loi au nom du roi; le roi est donc le garant des jugements? Mais quelle responsabilité, quel devoir que celui de prononcer des meurtres légaux, et de ne pouvoir absoudre l'innocence, victime de la sévérité de la loi!
Conclura-t-on de là qu'avec l'institution des jurés et des juges électifs la justice ne doit pas être rendue au nom du roi? Vous aurez donc un pouvoir exécutif qui n'exécutera pas, qui ne pourra surveiller l'exécution de la plus belle, de la plus majestueuse des lois. La loi de la grâce, la loi de la clémence est aussi constitutionnelle que toute autre, et c'est de plus la loi de la nature. A qui donc la société déléguera-t-elle le droit de pardonner, si ce n'est à ceiui à qui elle a délégué le droit de puhir?
Je conclus donc, Messieurs, que le roi doit avoir, de par la Constitution, le droit de faire grâce aux criminels condamnés, sauf les exceptions qu'on trouvera bon de prononcer, suivant les formalités qui seront établies, toutes choses qui pourront donner matière à des amendements sur lesquels je me réserve de parler, le cas échéant.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl
, rapporteur. Je prie l'Assemblée de ne pas fermer la descussion; car on n'a pas encore touché au véritable point de la question. 11 ne s'agit pas ici de savoir si la société a le droit de faire grâce, cette question a été décidée affirmativement par la loi sur les jurés; il s'agit uniquement de savoir si l'usaee des lettres de grâce, tel qu'il subsistait dans ^ancien ordre de choses, est utile à conserver ou doit être aboli.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix !
Ce que jë crains le plus dans cette question, ce sont les tournures oratoires, les mouvements artificiels, les abstractions métaphysiques, les idées vagues de bienfaisance par lesquelles on cherche à obscurcir les idées les plus claires et les raisons les plus solides. La question est de savoir si le pouvoir exécutif doit conserver le droit d'empêcher Pexécu-tion des jugements; il est très inutile à cet égard d'aller chercher des exemples dans la pratique des nations étrangères, où l'on ne trouverait pas, je pourrais le prouver, cette uniformité qu'on vous a si légèrement alléguée. Consultons la nature même des choses : le pouvoir exécutif a la fonction essentielle d'exécuter la loi; dont il ne doit pas avoir Je droit et le funeste pouvoir de la paralyser et de la réduire à l'inaction. Et par quel motif d'utilité s'écarterait-on du principe?
Je vous supplie, Messieurs, de "considérer d'ailleurs ce qui résulterait du droit terrible et funeste que l'on vient de réclamer pour la couronne. A qui croyez-vous que serait faite, pour l'ordinaire, l'application de cette prérogative exorbitante de faire grâce au crime? Sera-ce à un vigneron auvergnat qui aura tué un homme involontairement, ou ne s'en servira-t-on pas plutôt pour soustraire à un juste châtiment l'homme de cour qui aurait réprimé par un meurtre l'insolence d'un vigneron auvergnat? (Applaudissements.) J'ajoute que ce pouvoir, comme tous les autres, serait plutôt le pouvoir du minisire que le pouvoir du roi, et que sur mille lettres de grâce il n'y en aurait peut-être pas une qui fût dictée par quelque intérêt per-sonnel au roi, au nom duquel elle serait expédiée. Le roi lui-même ne doit-il pas sacrifier une affection particulière à l'intérêt ae la société? et certes il est trop bon, trop juste pour ne pas le faire. Oui, l'intérêt de la société, la sûreté publique exigent que les lois aient, dans tous les temps, l'èxécution la plus rigoureuse; car enfin il n'est pas possible de transiger avec les principes. Je dois fidélité au roi; mais il me doit sûreté et protection, et il est inconciliable de me faire forcer a exécuter mes engagements, et de lui donner le droit de violer les siens. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I
L'article du comité portant que l'usage des lettres de grâce, de rémission, de commutation de peine est aboli, me paraît iocomplet et inutile; les juges ne pouvant prononcer qu'en vertu d'une loi, il e3t clair qu'ils n'ont pas le droit d'entériner des lettres de grâce qui ne sont autre chose que la violation de la loi; mais il s'agit de savoir si dans des cas déterminés un homme ne pourra pas, en considération de son génie, des services qu'il a rendus à sa patrie, obtenir une rémission de peine.
Voici donc le décret que je propose :
« Nulle procédure criminelle ne pourra être arrêtée, supprimée, ou déclarée comme non avenue, et la peine prononcée ne pourra être remise ou commuée que par un décret du Corps législatif sanctionné par le roi, et seulement dans les deux cas suivants, savoir : en cas d'amnistie générale ou à cause de services importants rendus à l'Etat, et sauf dans tous les cas l'action civile et en dommages-intérêts au profit des parties intéressées ».
, rappor-
teur. La seule question qui est soumise par le | comité est de savoir si l'usage des lettres de grâce actuellement existant...
Il n'existe pas. (Murmures,)
, rapporteur... doit être aboli.
Il ne s'agit pas ici d'examiner le droit que doit sans doute avoir le Corps législatif de prononcer une amnistie qui s'applique toujours à un fait d'ordre générah II s'agit des lettres de grâce qui ne s'appliquent jtju'à des faits particuliers, par lesquelles on annulle une procédure, un jugement rendu. Et remarquez qu'on ne veut point abro- i. ger le droit de miséricorde. Le droit de raiséri- i corde est utile quand il est exercé avec discré- j tion et discernement, et sans arbitraire ; ainsi ne : nous occupons pas de cet objet. Il s'agit uniquement ici d'abroger l'usage abusif des lettres de ; grâce.
Qu'est-ce que l'usage des lettres de grâce ? Ce n'est pas la faculté d'accorder arbitrairement, par pur caprice, la grâce à un condamné, 'et dé lais- i ser exereer toute la rigueur de la loi envers un I autre condamné. Or, le droit de grâce entre les mains d'un ministre a toujours été et sera toujours l'instrument arbitraire de la faveur. Or, c'est une injustice, un attentat contre la société, une barbarie contré le condamné, ét un meurtre, que de lui faire subir toute la rigueur de 1a loi ; tandis qu'à côté de lui le pouvoir arbitraire vieti-drait déployer en faveur d'un homme coupable "du même crime le droit de miséricorde.
Mais qu'on ne craigne pas de voir périr des victimes innocentes de ia rigueur de la loi : le droit de miséricorde existe dans votre législation criminelle, et voici comment il est exercé :
Un assassinat a été commis ; il s'agit de savoir s'il l'a été volontairement ou non, et c'est dans ce dernier cas que les lettres de grâce étaient accordées. Eh bien 1 vos décrets sur la procédure par jurés rendent ici l'usage dés lettres de grâce au ministère inutiles ; car la première question qui est proposée aux jurés est celle-ci : Le fait a-t-il été commis volontairement ou non ? Si les jurés déclarent qu'il a été commis involontairement, l'accusé est absous et remis en liberté.
Le fait peut aussi avoir été commis volontairement, et cependant il a pu l'être légitimement. Ainsi un bomme m'attaque ; pour défendre ma vie, je le tue. C'était encore un des cas où l'on accordait des lettres de grâce. Cette question est proposéeauxjurés,etilsrépondent:L'nommeaété tué légitimement. Dans ce cas, comme dans le précédent, il n'est pas besoin de lettres de grâce> car il n'existe point de crime, puisque c'est à son corps défendant que l'accusé a donné la mort. 11 est absous par la seule déclaration du juré.
L'homme a encore pu être tué, non pas volontairement, mais par l'effet de l'imprudence ou de la négligence de celui qui luir a donné la mort. C'était encore un cas graciable. Eh bien lici l'institution d'un juré d'accusation rend de même inutile l'usage des lettrés de grâce ; caria question de savoir si le fait a été commis par négligence ou par imprudence est proposée aux jurés ; et sur leur déclaration affirmative, l'accusé est absous du crime d'assassinat, et renvoyé au tribunal pour y être condamné en dommages et intérêts, et même en des peines correctionnelles.
Mais épuisons tous les cas. Un homme a pu être tué volontairement ; il a été tué sans imprudence ; mais cependant il a existé dan3 le fait
quelques circonstances atténuantes. Par exemple, l'homme qui a donné'la mort a été provoqué d'une manière grave. H n'avait cependant pas le droit de donner la mort ; sa propre vie n'était pas en danger. Il est coupable; mais il l'est -moins que celui qui a tué de dessein prémédité. Aussi existe-t-il dans votre Code pénal une disposition particulière qui atténue la peine, parce qu'il a existé dans le fait quelques circonstances qui en atténuaient la gravité. Ainsi, la pré voyance de la loi se met encore ici à. la place de l'arbitraire des lettres de grâce.
Poussons plus loin les hypothèses et parcourons toutes les objections. On dit que l homme a pu être tué sans que le fait eût été accompagné d'aucune des circonstances dont je viens de parler ; mais que cependant l'accusé peut encore être, sous certains égards, excusable; que les grands services qu'il a rendus à la patrie peuvent faire pardonner la fougue d'un tempérament violent. Eh bien, votre loi criminelle prévoit encore ces inconvénients ; et après que toutes les questions précédentes , ont été pesées et soumises aux jurés, on vient encore leur dire : Descendez dans votre cœyir; voyez dans toutes les circonstances du crime s'il existe un motif d'excuse.
C'est là qu'est exercé, âu nom de la société, le droit de miséricorde, mais une miséricorde raisonnable et réfléchre. Et c'est après que tous ces degrés ont été remplis, après que toutes ces précautions ont été prises, que l'on propose de porter au roi la question de savoir si le crime doit être puni, si une procédure si rigoureuse, si favorable au coupable doit être annulée 1 Quelle est donc l'idée qu'on se forme des jurés ? Ce sont des citoyens, c'est tout le pays; et c'est lorsque le pays a été souillé et témoin d'uti crime ; c'est lorsque tout le pays dit : non, cet homme n'est point excusable ; la justice, l'utilité publique exigent une réparation et une vengeance ; c'est alors qu'on vous propose de porter au roi la question de savoir s'il infirmera le jugement de tout le pays I (La très grande majorité de VAssemblée et les tribunes applaudissent.)
Je demande que l'usage des lettres de grâce soit aboli.
Le droit de miséricorde ne doit appartenir au roi que pour tout fait qui n'a pas été jugé par des jurés ; mais à l'égard de tous les autres faits antérieurs qui n'ont pas été soumis à l'examen des jurés, il faut que le droit de miséricorde soit laissé au roi.
Je demande donc que, conformément au projet du comité, l'usage des « lettres de grâce soit aboli; mais que cette abrogation n'ait lieu que pour les crimes et délits jugés par les jurés. (Applaudissements.):
, rapporteur. J'adopte l'amendement.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
M. le rapporteur vient d'expliquer fort nettement que le droit de miséricorde...
Plusieurs voix : La discussion est fermée!...
Messieurs, on demande à proposer un amendement. Il est de mon devoir de laisser la parole à un membre qui a un amendement à proposer.
Il n'y a qu'à mettre aux voix, si l'on peut proposer un amendement. M. le rapporteur vient de dire que ,1e droit de miséricorde ne peut s'exercer que lorsque le crime a été trouvé excusable, et qu'il y a des précautions prises dans le Code pénal pour que ce jugement fût déféré aux jurés; mais, lorsquils ont proposé que le délit est excusable, voilà le moment d'appliquer le droit de miséricorde. Or, trouvez-vous plus raisonnable d'accorder ce droit au juge qu'au roi ? (Murmures prolongés à gauche.)
A gauche : Votre amendement 1.
Messieurs, je n'aime point à recevoir des ordres particuliers, et je ne les recevrai jamais. Ainsi, votre ton imposant ne m'en imposera pas. Je vais dire mon amendement, le motiver à ma manière, et personne ne peut m'en empêcher; et votre train ne signifie rien.
Un membre : Votre train ?
Oui 1 c'est le mot.
Un membre à, droite : Monsieur le Président/ faites donc dire à M. Malouet son amendement et qu'il finisse.
Monsieur, vous n'êtes pas juge de ma conduite, c'est l'Assemblée. Monsieur Malouet, continuez votre opinion.
Il n'y en* aura pas un mot de retranché. Vous avez tous éntendu qu'il était nécessaire qu'il y eût un droit.de miséricorde; que ce droit de miséricorde s'exerçait utilement, lorsque ce crime, soumis au jugement des jurés, était trouvé excusable ; je dis que jamais une grâce n'a été accordée, que quand un crime a été jugé excusable. Qu'ainsi lorsque vous empêchez l'inconvénient très grave qu'une grâce soit accordée quand le crime est inexcusable, il faut encore que le mot grâce, que le mot miséricorde soit prononcé et qu'il appartient à la dignité du roi de prononcer miséricorde, en vertu ce la loi qui l'accorde, lorsque le crime est excusable. Je conclus donc à ce que, quand les jurés auront prononcé que le crime est excusable, le prévenu soit renvoyé par-devant le roi, pour prononcer la loi.
Plusieurs membres : La question préalable !
, rapporteur. 11 y a deux réponses fort simples à faire à la propor sition du préopinant. L'une est un décret, l'autre est la raison. Par le décret rendu sur la procédure criminelle par jurés, vous avez un article qui dit, que dans le cas où le juré aura répondu excusable, eu ce cas le juge prononcera que l'accusé est innocent. Ensuite, Messieurs, voici quelle en est la raison; c'est que le préopinant désire que le nom du roi se trouve à côté du droit de miséricorde. Cette idée-là est très belle et très vraie; mais elle existe par le fait; car au nom de qui la justice est-elle rendue ? Cest au nom- du roi. (Murmures à droite.) Ainsi, au moment oùletribunal prononce, Vàccusé est acquitté; c'est au nom du roi qu'il prononce ce jugement, et c'est au nom du roi que se rendent tous les jugements.
Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Malouet.)
, rapporteur. Voici l'article que nous vous proposons :
« L'usage de tous actes tendant à empêcher ou à suspendre l'exercice de la justice criminelle, l'usage des lettres de grâce" de rémission, d'abolition, de pardon, et commutation de peine, sont abolis. » (Adopté.)
(Les tribunes applaudissent.)
Un membre : Monsieur le Président, je demande que vous fassiez éxécuter le décret rendu relativement aux tribunes.
,rapporteur. J'observerai à l'Assemblée, avant de passer à d'autres articles, que dans le titre de la réhabilitation des condamnés, qui a été décrété hier, il y a quelques changements à faire quant à la rédaction.
Monsieur le Président, d'après le décret que l'on vient de rendre, on peut adopter tout de confiance, il n'est pas besoin de discuter.
Monsieur le Président, je crois que vous devez rappeler monsieur à l'ordre.
,rapporteur. Messieurs, voici les difficultés qui se sont présentées dans le titre de la réhabilitation des condamnés : vous avez décrété qu'il faudrait des preuves de dix années de bonne conduite, pour que les condamnés puissent avoir droit à la réhabilitation. Sur cette proposition, on a présenté quelques amendements à l'Assemblée ; on a demandé que le condamné eût un domicile fixe et certain depuis 2 ans, avant de pouvoir demander au corps municipal son attestation pour parvenir à la réhabilitation; d'autres personnes ont demandé que l'on y joigne encore des attestations et des certificats de bonne conduite de toutes les municipalités dans le territoire desquelles il aurait vécu depuis dix ans ; c'est cet amendement qui présente quelques difficultés.
Il est bien difficile de faire représenter à un homme des certificats de toutes les municipalités où il a pu avoir un domicile ou une habitation passagère ; cela est très difficile et même impossible, si l'homme a été voyager dans les pays étrangers; car alors il ne peut pas représenter une suite "non interrompue pendant les 10 années, depuis l'instant où il a fini l'expiration de la peine. C'est * pour suppléer à cette précaution, qu'il paraît impossible d'exiger, que le comité vous propose de déterminer/que nul ne pourra demander la réhabilitation si, depuis 3 ans, il n'a un domicile fixe,
Messieurs, vous avez eu l'indulgence d'admettre le condamné à une reintégration dans tous ses droits : vous avez attaché uue condition essentielle, c'est la preuve de bonne conduite pendant dix ans, et vous avéz assujetti, par l'amendement de M. Delavigne, cet homme, qui changerait de domicile, à prendre des certificats dans toutes les municipalités, où il établirait un domicile quelconque; C'est là ce qui a été décrété textuellement : op vous propose de revenir expressément sur ce décret, en se cou-
tentant d'un certificat de bonne conduite pendant trois ans. Je demande la question préalable.
, rapporteur. Une faut pas faire une loi dont on puisse éluder l'exécution ; or, vous ne pouvez pas exiger de certificats d'un homme qui, après être sorti d'une maison de peine, Ira pendant quelques années en pays étranger, qui s'y est bien conduit, et qui, s'il se conduit bien en France, est dans le cas de réhabilitation, puisque vous ne pouvez point demander d'attestation du témps qu'il a été absent du royaume. Tout homme qui ne voudra pas prendre la formalité que vous lui imposez ici, dira : «J'ai été én pays étranger » ; et comment lui prouverez-vous qu'il n'y a pas été?
aîné. Je compte pour rien le temps qu'un homme aura passé dans les pays étrangers» Ce n'est que devant ses concitoyens qu'il doit chercher à regagner l'opinion nécessaire pour parvenir à la réhabilitation. Je demande qu'on ne puisse le réhabiliter que lorsqu'il aura demeuré assez longtemps dans le même lieu, pour pouvoir se procurer une attestation des officiers municipaux de ce lieu.
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
, rapporteur. Nous passons, Messieurs, au titre dé la récidive ; voici lès dispositions que nous vous proposons :
Art. 1er.
« Quiconque aura été repris de justice pour Crime, s'il est convaincu d'avoir, postérieurement à la première condamnation, commis un second crime emportant l'une des peines de la chaîne, de là réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, de la dégradation civique ou du carcan, sera condamné à la peine prononcée par la loi contre ledit crime; et après l'ayoïr subie, il sera transféré pour le reste de sa vie au lieu fixé pour la déportation des malfaiteurs. » (Adopté.)
Art. 2.
« Toutefois, si la première condamnation! n'a emporté autre peiné que celle de la dégradation civique ou du carcan, et que la même peine soit prononcée par la loi'contre le second crime dont ie condamné est trouvé convaincu, en ce cas le condamné ne sera pas déporté; mais, attendu la récidive, là peine de la dégradation civique ou du carcan sera convertie dans celle de 2 années dé détention. »'
Je pense que, dans lé cas prévu par cet article, il faut établir la déportation. En effet, quel est le principe de la déportation ? C'est lorsqu'une fois un homme a été repris et condamne, la société n'espérant plus de lui aucune espèce d'amendement, ne peut plus le laisser subsister parmi elle. Je vous prie de remarquer que la peine de récidive était, par la loi de 1724, presque toujours la mort. On était parti d'un bon principe, èt on avait une application fausse. On avait dit: Toutes les fois qu'un homme est repris* la société doit s'en débarrasser, parce que s'il est repris une seconde fois, il deviendra voleur.
On avait donc établi un très bon principe,
mais on en avait tiré une conséquence atroce qui est que par la récidive on devait nécessairement être condamné à mort.
La peine de mort était appliquée, par loi de 1724, pour ceux qui avaient été condamnés aux galères à temps, et le principe de cette condamnation était qu'un homme que la société a déjà pris et condamné, était trop dangereux pour y rentrer. Mais la loi de 1724 est trop forte, parce qu'il ne faut pas condamner un homme à mort parce qu'il a été repris une seconde fois. Je pense qu'il doit être déporté;, et si, pour cette récidive, vous ne le condamnez qu'au carcan et qu'il rentre pour la troisième fois dans la société, vous êtes sûrs qu'il commettrait les mêmes désordres. Ainsi je pense que, pour que notre système soit adopté en entier, on ajoute la déportation à l'article.
, rapporteur. Messieurs, il s'agit de savoir actuellement si le condamné, qui est repris de justice et qui mérite une peine infamante, c'est-à-dire la peine de la dégradation civique,'sera déporté pour la récidive : c'est-à-dire s'il éprouvera une . espèce de mort civile, ou bien si sa punition sera aggravée. Pour entendre la question, il faut savoir à quel crime s'applique la dégradation civique ; elle s'applique à un très petit nombre de cas. Elle ne s'applique point aux violences, elle ne s'applique point au vol, elle s'applique à quelques actions de bassesse. L'homme qui viole le secret d'une lettre, par exemple, fait une infamie, et en conséquence il est dans le cas de la dégradation civique. Or, voulez-voiis, Messieurs, que cet homme qui a commis ce délit, qui s'est flétri dans la société, lui voulez-vous imprimer la mort civile, voulez-vous arracher cet homme à son pays? (Oui! oui!)
Voici un autre cas, c'est celui qui insulte, d'une manière grave, un fonctionnaire public. Or, un homme, dans un instant d'emportement, aura manqué d'une manière grave à un fonctionnaire public, vous devez lui imprimer'une note d'infamie; mais devez-vous encore une fois lui imprimer pour cela la mort civile ? Après cela, je persiste à demander que dans le cas où la récidive ne porterait que sur un délit peu important, la peine infamante soit, eu raison de la récidive, convertie en 2 ans de détention.
Il faut bien saisir la question que nous avons à juger, line s'agit pas de savoir si un homme qui aura commis uue première fois ce que le rapporteur appelle une action basse, sera déporte; mais il s'agit de savoir si cet homme, après avoir été dégradé civilement, si cet homme, après avoir perdu tous ses droits de citoyen, et ne profitant pas de la correction que la société lui adonnée, retombe encore dans le crime; il s'agit, dis-je, de savoir si la société peut encore le recevoir dans son sein ; s'il s'agissait d'appliquer à la récidive toute peine de mort, il y aurait sans doute beaucoup à balancer; mais prenez garde ici qu'il ne s'agit que de la simple déportation, c'est-à-dire d'adopter une proposition qui tend à purger le corps social de voir les individus qui la déshonorent et la troublent sans cesse; je crois que cela ne peut pas faire de difficulté.
Je demande que la récidive de la dégradation civique soit, dans , tous les cas, punie de 2 ans de détention, et que la déportation
ne puisse avoir lieu que pour les délits qui auraient éprouvé une détention de 2 ans. Je propose donc pour amendement que la déportation ne puisse avoir lieu que pour la récidive après 2 ans de détention.
J/article que l'on vous propose me paraît très oiseux à décréter, et je désirerais qu'il fût utile. Vous avez supprimé toute marqué extérieure pour découvrir le premier crime. Hier, on demanda au comité de Constitution quelles voies on pourrait employer pour reconnaître ceux qui avaient commis Une première faute, il répondit' qu'il n'y en avait point. Un homme se rendra coupable, par exemple, dans le département du Var, du crime qui méritéra la peine de la récidive; il ira ensuite dans le département du Morbihan commettre le même crime, voilà certainement une récidive, mais où les preuves de la récidive se trouveront-elles? Il s'en suivra de là que cet homme sera puni une seconde fois comme s'il n'était coupable que pour la première. Il serait important que votrë comité dé Constitution mît sous Vos yeUx un moyen quelconque de pouvoir reconnaître la récidive.
(L'Assemblée nationale charge son comité de Constitution de lui proposer, sans délai, ses vues sur les moyens de reconnaître les coupables qui auraient récidivé.)
(L'article 2 est ensuite mis aux voix et adopté.);
, rapporteur. Nous pàssoris maintenant au titre relatif aux effets des condamnations ; voici l'article 1er :
« Quiconque aura été condamné à l'une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, de la dégradation civique ou du carcan, sera déchu de tous les droits attachés à la qualité de citoyen actif et rendu incapable dé les acquérir; son témoignage et son affirmation ne seront point admis en justice.
« Il ne pourra être rétabli dans ces droits ou rendu habile*à les acquérir, que sous les conditions et dans les délais prescrits au titre de la. réhabilitation. »
Je ne voudrais pas qùe leur témoignage seul fût suffisant; mais je ne voudrais pas qu'ils fussent exclus de témoigner.
(L'amendement de M. Legrand est adopté.)
Èn conséquence, l'article est mis aux voix, avec l'amendement, dans les termes suivants :
Art. 1er.
« Quiconque aura été condamné à l'une des peine de la chàîne de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, delà dégradation civique, ou du carcan, sera déchu de tous les droits attachés à la qualité de citoyen actif, et rendu incapable de les acquérir.
« Il ne pourra être rétabli dans ces droits, ou rendu habile à les acquérir, que sous les conditions et dans les délais prescrits au titre delà la réhabilitation. » (Adopté.)
, rapporteur. Voici l'article 2 :
« Quiconque aura été condamné à l'une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne ou de la détention, indépendamment des déchéances portées eu l'article précédent, sera inhabile, pendant la durée de sa peine, à l'exercice d'aucun droit civil. »
Voici la rédaction que je propose :
Art. 2.
« Quiconque aura été condamné à l'une des peines de la chaîne, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, ou de la détention, indépendamment des déchéances portées en l'article précédent, ne pourra, pendant la durée de sa peine, exercér par lui-même aucun droit civil; il sera, pendant ce temps, en état d'interdiction légale, et il lui sera nommé un curateur pour gérer et administrer ses biens. »
Je demande la priorité pour la rédaction de M. Merlin.
Plusieurs membres . Aux voix ! aux voix 1
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la rédaction de M. Merlin, qui est ensuite mise aux voix et adoptée.)
, rapporteur. Voici l'article 3,:
« Ce curateur sera nommé par le président du tribunal criminel. »
Je ne vois pas pourquoi, par cette disposition particulière, on intervertirait toutes les règles. Dans tous les cas où un particulier ne peut pas exercer ses droits, administrer ses biens, on s'adresse à ceux qui ont un intérêt plus immédiat à ce que ses affaires Soient bien gérées. L'interdit, le mineur sont renvoyés à leurs parents, qui leur donnent un curateur. Je ne vois pas de raison différente au cas actuel.
, rapporteur. J'adopte l'Observation et je propose la rédaction suivante :
Art. 3.
Ce curateur sera nommé dans les formes ordinaires et accoutumées pour la nomination des curateurs aux interdits. » (Adopté.)
Art. 4.
« Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura»subi sa peine, et le curateur lui rendra compte de son administration et de l'emploi de ses revenus. » (Adopté.)
Art. 5.
Pendant la durée de sa peine, il ne pourra lui être remis aucune portion de ses revenus ; mais il pourra être prélevé sur ses biens les sommes nécessaires pour élever et doter ses enfants, ou pour fournir des aliments à sa femme, à ses enfants, à son père ou à sa mère, s'ils sont dans le besoin. »
Je propose, par amendement, d'ajouter après les mots : « pour fournir des aliments à sa femme », ceux-ci : « en cas que la curatelle ne lui ait pas été confiée ».
Je demande que la mère continue à être curatrice si elle a droit de l'être par la loi.
, rapporteur. Cela est de droit. :
(L'article 5 est adopté sans modification.)
, rapporteur. Voici l'article 6 :
« Ces sommes ne pourront être prélevées sur ses biens qu'en vertu d'un jugement rendu par le tribunal criminel à la requête des demandeurs, sur l'avis du curateur et sur les conclusions du commissaire du roi. »
L'amendement que je propose sur cet article, c'est qu'il soit encore nécessaire, pour la fixation des sommes à prélever en faveur de la femme, des enfants et des père et mère, que l'avis des parents qui auront nommé le curateur intervienne.
Je demande que ce soient les voies ordiuaires qui décident du prélèvement de ces sommes.
, rapporteur. J'adopte les amendements et je propose la rédaction suivante :
Art. 6.
« Ces sommes ne pourront être prélevées sur ses biens qu'eu vertu d'un jugement rendu à la requête des demandeurs, sur l'avis des parents ou du curateur, et sur les conclusions du commissaire du roi. » (Adopté.)
Art. 7.
Les conducteurs des condamnés, les commissaires et gardiens des maisons où ils serontenfermés, ne permettront pas qu'ils reçoivent pendant la durée de leur peine aucun don, argent, secours, vivres ou aumônes, attendu qu'il ne peut leur être accordé de soulagement qu'en considération et sur le produit de leur travail.
« Ils seront responsables de leur négligence à exécuter cet article, sous peine de destitution. »
Il est impossible que vous empêchiez quelqu'un de faire l'aumône à un prisonnier et celui-ci de la partager avec son geôlier. De là je conclus que l'article est inutile.
, rapporteur. Si vous n'établissez pas la défense de donner aux condamnés, alors celui qui aura de la fortune pourra obtenir toute sorte de soulagement et d'adoucissement dans son état; de plus il lui serait loisible d'employer à son évasion les sommes qu'il pourrait recevoir ; d'ailleurs, vous avez décrété que le prisonnier aurait des secours par son travail et ce, pour qu'il soit porté au travail par son propre instinct.
Il serait barbare d'exclure les charités qui peuvent être faites aux condamnés. Je demande la question préalable sur l'article.
Si vous n'adoptez pas l'article du comité, vous donnez au condamné le moyen de rendre nulle la punition. En lui donnant la faculté de recevoir, vous lui fournissez les moyens d'économiser et d'amasser, et consé quemment de corrompre son geôlier. C'est avec e l'or qu'on parvient à se procurer la liberté et à adoucir la rigidité des gardiens. Je demande que l'article soit adopté.
appuie l'opinion de M. Prieur.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article du comité, qui est ensuite mis aux voix et adopté.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre de M. Ameloty commissaire du roi, près la caisse de l'extraordinaire, ainsi conçue :
« Paris, le 4 juin 1791.
« Monsieur le Président,
« Nulle considération particulière ne doit arrêter un administrateur responsable, lorsque le succès des opérations qui lui sont confiées se trouve essentiellement compromis. Je réclame, par votre organe, l'attention et la justice de l'Assemblée : l'objet au nom duquel je les invoque ne peut manquer de les obtenir.
« Par deux décrets, l'un du 27 décembre 1790, pour la formation d'un bureau du Trésor public, l'autre du 16 mai dernier, article 8, pour la régie du droit d'enregistrement, l'Assëmblée a reconnu la nécessité des différents degrés de surveillance indispensable dans toute adminis^ tration publique, pour l'unité des principes et la sûreté au travail. Cependant le rapport fait jeudi dernier, au nom des commissaires de la caisse de l'extraordinaire, et le projet de décret présenté sur l'organisation des bureaux de son administration, la décomposent entièrement. Déjà ses ressorts se relâchent, son ensemble se détruit par la seule idée de l'anéantissement des degrés ae surveillance que j'avais établis, dès le principe, sur les mêmes bases déjà décrétées pour le Trésor public.
« Je supplie, donc l'Assemblée, Monsieur le Président, de se faire rendre un compte plus détaillé des travaux de l'administration de la caisse de l'extraordinaire, et de nommer à cet effet douze commissaires ou un plus grand nombre, si elle le juge convenable. L'Assemblée ne verra pas avec indifférence ma sollicitude sur une administration importante qu'elle a créée, et qui mérite en cet instant les regards les plus attentifs, puisque son succès doit concourir si utilement à l'affermissement de la Constitution. En effet, les domaines nationaux forment l'hypothèque de la dette publique : le gage qu'ils offrent à tous les créanciers de l'Etat repose sur les soins et l'activité de cette administration. Elle soutient seule le crédit national ; elle presse la rentrée des produits qui le garantissent; elle est enfin le séquestre de tous les créanciers de l'Etat.
« Je suis, etc.
« Signé : AMELOT. »
Plusieurs membres : Au comité des finances 1
Il est inutile de renvoyer cette lettre au comité des finances pour avoir son avis, puisque c'est de son action qu'on se plaint ; ce renvoi tient par trop aux principes de l'ancien régime, sous lequel on renvoyait à l'intendant les plaintes portées contre lui.
Il n'y a pas de difficulté à nommer les commissaires demandés par M. Amelot; je demande qu'il soit procédé à leur nomination.
(L'Assemblée décide que douze commissaires seront nommés pour lui rendre le compte le plus ample de l'organisation de la caisse de l'extraordinaire.)
Un membre propose que ces commissaires soient désignés par le président.
Je m'oppose à cette motion. Ce relâchement dans la procédure pourrait bientôt
en amener d'autres par la suite; et il se pourrait faire qu'un jour, dans l'avenir, le président de l'Assemblée fût un homme infiniment dangereux.
(L'Assemblée décide que les douze commissaires seront nommés dans les bureaux, à la suite de la séance.)
M. de Menou, membre du comité diplomatique et rapporteur de l'affaire d'Avignon, m'a remis une lettre qu'il a reçue ce mâtin du ministre de l'intérieur et à laquelle était jointe une adresse au roi signée des officiers municipaux et notables de la ville de Carpentras. Il va vous être donné lecture de ces deux pièces.
Un de MM. les secrétaires donne lecture :
1° De la lettre du ministre de l'intérieur, ainsi conçue :
« Paris, ce 2 juin 1791.
« Monsieur,
« J'ai remis au roi la lettre des officiers municipaux et notables de la ville de Carpentras que vous m'aviez demandé de présenter à Sa Majesté.
«Le roi, après en avoir pris lecture, m'a chargé de la faire passer à celui des comités de l'Assemblée qui s'occupe plus particulièrement de l'affaire d'Avignon.
« J'ai, en conséquence, l'honneur de vous adresser cette lettre, conformément à l'instruction de Sa Majesté.
« Je suis, etc.
« Signé : Delessart. »
2° De Vadresse des officiers municipaux de la ville de Carpentras, ainsi conçue :
« Carpentras, le 21 mai 1791.
« Sire,
« Livrés à la joie la plus pure, d'après l'émission libre du vœu que nous avons porté d'être réunis à l'Empire de Votre Majesté, nous attendions avec soumission et respect le moment fortuné qui devait combler nos espérances,
« Ce moment n'est pas arrivé, Sire, ét cependant notre .infortune déchirerait le cœur paternel de Votre Majesté, si elle lui était connue dans tous ses détails.
« Nous osons vous rappeler que nous sommes français d'origine et d'affection.
Daignez, Sirè, vous occuper en ce moment de nos maux; ils cesseront, et vous préserverez un peuple sensible et reconnaissant des horreurs de l'anarchie et du désespoir.
« Nous sommes, avec respect, etc., vos très humbles, très fidèles et très obéissants sujets.
« Le maire et les officiers municipaux de la commune de Carpentras.
« Signé : d'Aorel, maire.»
« Suivent les signatures des officiers municipaux et notables. »
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires, d'une lettre du conseil du département de Paris, ainsi conçue :
« Paris, le 3 juin 1791.
« Monsieur le Président,
« Le conseil du département de Paris a l'honneur de vous envoyer un mémoire qu'il a fait rédiger sur une discussion qui s'est élevée entre lui ei le tribunal du IVe arrondissement, à l'occasion de la loi du 15 avril dernier, concernant
l'hôpital des Quinze-Vingts. Le recours aux législateurs est la seule voie pour terminer cette discussion.
Le conseil vous prie de vouloir, bien présenter,, à l'Assemblée nationale le mémoire, et lui procurer une décision, qu'il est d'autant plus intéressant d'obtenir promptement, que le procureur général syndic est assigné pour la seconde, fois à lundi prochain, et qu'il est heure de faire reprendre son cours à une administration importante et de ne point compromettre la sûreté de fonds considérables.
Nous sommes avec respect, Monsieur lé Président, les membres du.conseil du département.
« Signé : La rochefoucauld, Président. »
Je demande le renvoi de cette lettre aux comités de Constitution et des rapports et qu'il soit donné un sursis à l'assignation du procureur syndic.
Plusieurs membres .- Aux comités de Constitution et des rapports.
Je ne trouve rien de raisonnable dans le renvoi au comité de Constitution ; l'affaire est du ressort du comité des rapports. Il a été rendu par l'Assemblée un décret qui renvoie l'affairé très compliquée des Quinze-Vingts aux tribunaux. Sur ce, le directoire du département s'est permis des actes qui ont été condamnés aux tribunaux et aujourd'hui, il arrive à ce propos une adresse de la part de ce département. Cette adresse doit être renvoyée au comité des rapports pour vous en rendre compte. (Applaudissements.)
Ma proposition est d'autant plus raisonnable que plusieurs membres du directoire du département sont membres du comité de Constitution; l'Assemblée ne veut pas sans doute qu'ils soient juges et parties.
Je demande donc le renvoi seul au comité des rapports.
Le directeur du département, de Paris abuse vraiment de la proximité de l'Assemblée nationale. Je demande la question préalable sur le tout.
La raison pour laquelle on a demandé le renvoi au comité des rapports et à celui de Constitution, c'est parce que la loi du 15 avril a été rendue sur le rapport du comité des rapports et que, d'autre part, dans le moment actuel, il estques-tion de décider la démarcation du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, ce qui est strictement du ressort du comité de Constitution.,.
Voilà pourquoi on vous a demandé le renvoi aux deux comités.
Les comités n'étant pas des juges, mais étant simplement chargés de faire un rapport à l'Assembléè, je ne vois pas d'inconvénient à ce double renvoi.
Je soutiens que l'objet en question n'est du ressort ni du comité des rapports, ni du comité de Constitution. Je crois qu il faut déclarer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, puisque les tribunaux sont saisis.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi.) ' M fi |g
Je demande la priorité pour le renvoi simple au comité des rapports, et si l'Assemblée renvoie aux deux comités, je demanderais qu'au moins MM. les membres du comité de Constitution, qui sont membres du directoire, ne se présentent pas au comité et n'assistent pas aux séances où l'on traitera cette affaire. (Murmures.)
J'applaudis à l'observation de M. de Lameth, et je rassure que les membres qu'il désigne s'abstiendront de paraître au comité.
(L'Assemblée, consultée, décrète le renvoi de l'adresse et du mémoire du conseil du département de Paris aux comités de Constitution et des rapports.)
invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d'uji président, de trois secrétaires, de douze commissaires Ghargés de rendre compte de l'organisation de la caisse de l'extraordinaire et de cinq commissaires chargés de veiller à la fabrication des assignats.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des prieur et autres professeurs de la faculté de droit de Douai, qui prêtent entre les mains de l'Assemblée nationale leur serment civique» et particulièrement celui de remplir avec •zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui leur seront confiées. Ils font une pétition relative à l'étendue de leur serment.
Adresse de la société des amis de la Constitution d'Ambert, séante à la maison commune, contenant l'expression de leur vive reconnaissance, au sujet du décret qui ordonne la création des assignats de cinq livres.
Adresse de la société des amis de la Constitution de Millau, qui présente à l'Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement : elle demande que, vu les difficultés qui s'opposent à la prompte perception de l'impôt pour cette-année, en attendant que les nouveaux rôles puissent être mis à exécution, tous les contribuables soient tenus de payer de suite, par acompte sur les impositions de 1791, la moitié de celles payées en 1790.
Adresse de la société des amis de la Constitution de Vendôme, qui demande que tous les officiers, sous-officiers et soldats des troupes de ligne du royaume, soient tenus de prêter individuellement le serment civique.
Adresse de plusieurs négociants du Havre, qui présentent à l'Assemblée leurs hommages et leurs sincères remerciements pour le décret qu'elle.a rendu en faveur des hommes libres de couleur.
(1) Cette séance est incomplète au Moniteur. .
Cette adresse est ainsi conçue :
« Havre, le 21 mai 1791. « Chers et dignes représentants de la nation. « Nous vous présentons nos hommages et nos sincères remerciements pour le sage décret que vous avez rendu en faveur des hommes libres de couleur. Bien loin de nous alarmer, il nous tranquillise, et nous le regardons comme le conservateur de nos colonies. Les hommes libres de couleur, reconnaissants et satisfaits, se réuniront aux bons patriotes, aux vrais amis de la justice et de l'humanité, et seront désormais les plus fermes appuis de nos colonies; bien loin d'y causer une scission, ils nous en assureront de nouveau la possession, et formeront avec les soldats patriotes, qu'on y enverra, une armée redoutable, qui déjouera toutes les tentatives des sinistres ennemis du bien public, de tous ceux qui, corrompus par le luxe et la mollesse, et grevés de dettes, cherchent la division et à rompre nos liens avec elles. Tous les propriétaires, noirs ou blancs, auront un égal intérêt de veiller à la sûreté de leurs propriétés, et maintiendront la paix et la tranquillité sans la moindre effusion de sang ; notre commerce renaîtra, et nous joui- \ rons tous du bonheur précieux que nous préparent la Révolution et vos lois sages auxquelles nous nous soumettons ; pénétrés de la plus intime reconnaissance nous jurons de maintenir la Constitution de toutes nos forces et de mourir plutôt que de perdre notre liberté.
« Ce sont là les sentiments et les accents de nos cœurs, que nous aimons à épancher dans votre sein, et nous vous assurons de notre plus profond respect.
« (Suivent les signatures d'un certain nombre de négociants.) »
Je demande gue cette adresse et les noms des signataires soient imprimés; car j'ai des preuves que la majorité des négociants de ce pays n'est pas de cet avis. Je demande donc l'impression.
Voix diverses : Oui, à vos dépens 1 —L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
M. le secrétaire continue la lecture des adresses :
Adresse du sieur Mercier, graveur et mécanicien, de Lyon, qui fait hommage à l'Assemblée d'un moyen de réduire les cloches en monnaie, et présente 2 médailles de cette matière.
(L'Assemblée reçoit avec satisfaction les 2 médailles du métal des cloches, et les renvoie, ainsi que le mémoire qui les accompagne, à son comité aes monnaies.)
Adresse des sieurs Combet-Donnous et Gautier, en qualité de membres de la société des amis de la Constitution de Montauban; ils demandent le licenciement de l'armée.
Adresse des sieurs Leuraut, Laurent Mongeat, Houbin et autres, comme membres de la société des amis de la Constitution de Strasbourg ; ils demandent que la cavalerie nationale soit armée de pistolets comme la cavalerie de ligne.
(L'Assemblée renvoie ces 2 adresses à son comité militaire.)
Adresse des sieurs Laurent, Raphaël Roubin, Rivage-le-Pic et autres, formant la société des amis de la Constitution de Strasbourg; ils exposent qu'à la fonderie de canons de ladite ville, il y a pour 5 à 600,000 livres de cuivre en plateaux;
que cet approvisionnement y est inutile, et pourrait former une grande quantité de monnaie.
(L'Assemblée renvoie,cette adresse à ses comités militaire et des monnaies.)
Adresse du sieur Charles Gaillard de Saudray, qui fait hommage à l'Assemblée de la partie d'un plan d'organisation de la force publique intérieure; il demande que les compagnies soient portées de 50 à 212 hommes.
(L'Assemblée renvoie Cette adresse à son comité militaire.)
Adresse des sieurs Labqrre, Mortier. Pascal, Bar-ralier et autres, formant la société des amis de la Constitution de Toulon; ils représentent que dans un siècle de lumières, d'égalité, les Français ne doivent pas laisser subsister des lois arbitraires, qui enlèvent aux citoyens les droits imprescriptibles de la nature; qu'il est de la gloire de l'Assemblée d'anéantir toutes celles qui existent sur les successions en ligne directe et collatérale. Ils pensent qu'il est nécessaire de laisser au père une partie disponible de ses biens, mais qu'il faut la restreindre au dixième. Moins les lois, disent-ils, accorderont au despotisme paternel, plus le sentiment et la raison auront de force.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de Constitution.)
Le sieur Castel est admis à la barre. Il fait hommage à l'Assemblée du tableau des progrès de la Révolution et s'exprime ainsi :
« Représentants du peuple français,
« Peut-on vous faire un hommage plus digne de vous que celui du tableau historique de notre heureuse Révolution et de vos sublimes travaux? Cet ouvrage, présenté en cartes, a l'ayantage d'exposer sans cesse aux yeux du peuple qui vous doit sa liberté et sa nouvelle Constitution, ce que le marbre et l'airain consacreront un jour à la postérité..
« Daignez accepter mon hommage; c'est la plus précieuse récompense que puisse recevoir un citoyen voué tout entier à la liberté, embrasé de son feu sacré et qui donnerait son sang pour le soutien de la Constitution. »
(L'Assemblée agrée l'hommage du sieur Castel.)
Un de MM. les secrétaires : Je viens de confier à une personne près de la tribune Yadresse des négociants du Havre; et cette personne me l'a. emportée et l'a donnée à M. de Menonville. (Mouvement.)
Je vous somme, Monsieur le Président, de donner des ordres pour faire arrêter sur-le-champ M. de Menonville. (Bruit.)
Je ne donnerai des ordres que lorsque l'Assemblée elle-même sera dans lordre.
(Un huissier rapporte la pièce.)
Je demande que cette pièce-là soit paraphée, puisqu'on ne peut pas en avoir l'impression. (Murmures.)
Il s'agit de savoir si un membre peut prendre copie d'une adresse.
Plusieurs membres : A l'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
annonce :
1° Qre M. Boesnier, ancien maître particulier
dés eaux et forêts de Blois, fait hommage à l'As-sembléè d'un ouvrage de sa composition, intitulé : Réflexions sur les bois, et les moyens de procurer au royaume un approvisionnement plus favorable des .bois de.chauffage et de construction.
(L'Assemblée reçoit cet hommage et renvoie l'écrit à son comité d'agriculture et de commerce.)
2° Que M. Brion, ingénieur-géographe du roi, a l'honneur de présenter à l'Assemblée une carte de sa composition, contenant la division de la France en 83 départements.
(L'Assemblée reçoit l'hommage et ordonne qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires d'une adresse de M. Grouber de Groubentall, homme de loi, notable-adjoint de la section de l'hôtel de ville de Paris, qui fait hommage à l'Assemblée des ouvrages qu'il a publiés depuis quinze ans sur l'administration publique et notamnaent sur celle des finances.
(L'Assemblée agrée cet hommage et ordotine que ces ouvrages seront déposés dans ses archives.)
Suit la teneur de l'adresse de M. Grouber de Groubentall :
« A l'Assemblée nationale.
, « Messieurs,
« Si 33 années de travaux consécutifs sur toutes les parties de l'administration publique, notamment sur celle des finances ; si leur utilité démontrée par le nombre de décrets rendus conformément à ces travaux ; si le sacrifice entier des années les plus précieuses de ma via et celui de ma fortune; si enfin les risques que j'ai courus depuis, le ministère de M. de Silhouette, jusqu'à la retraite de M. l'archevêque de Sens,en dévoilant et contrariant les abus de l'ancien régime, et en livrant à l'impression à mes frais, en 1775 et 1788, la suite des principes que l'Assemblée nationale a canonisés, dans un temps où il n'était permis d'écrire ni de penser ; si, dis-je, la réunion de toutes les preuves du patriotisme le plus pur et le plus désintéressé peuvent paraître de quelque prix aux yeux de la nation, je ne dois pas craindre de me présenter pour participer à ses bienfaits, surtout lorsque je n'ai rien sollicité, rien obtenu sous la précédente administration.
« Je suis né à Paris en 1739 ; mon père, natif de Gratz, capitale de la Styrie, était fils de ce qu'en France on nommait ci-devant un intendant des finances, toute sa famille remplissait des places distinguées dans l'administration de l'Empire, et tenait un rang dans la noblesse.
«.Mon père, après avoir fait ses premières armes sous le prince Eugène au siège dé Belgrade en 1717, s'est attaché à la partie diplomatique, et est venu en France en qualité de conseiller de légation aux congrès dè Cambrai et de Soissons.
« Après avoir fait à Paris abjuration des erreurs de Calvin, il s'y est marié; son abjuration l'a privé de toute sa fortune paternelle ; il n'en a pas vécu moins honorablement ; ses enfants, dont je suis l'aîné, ont reçu l'éducation la plus soignée : des pertes successives l'ont fait recourir à l'expédient ruineux du viager; je l'ai perdu en 1765, et n'ai tenu de lui, pour toute fortune, que des recouvrements jusqu'à présent encore incertains.
Elevé sous les yeux d'un père extrêmement instruit dans toutes les parties de l'administration, c'est à lui, sans doute, que j'ai dû le goût
qui m'a dominé depuis l'âge de 15 ans et les principes que je n'ai cessé de professer depuis celui de dix-huit.
« Livré, depuis ce dernier âge, à l'étude suivie de tout ce qui pouvait intéresser l'administration publique, et particulièrement celle des finances, j'ai, dès mes premiers pas dans cette carrière, reconnu la nécessité de tout renverser et de tout réédifier; je ne me suis jamais départi de ce principe, qui souvent m'a fait regarder comme visionnaire par les gens peu instruits, et cependant toutes mes visions ont fait fortune.
« Dès 1759, c'est-à-dire à l'âge de 20 ans, je voulus hasarder mes premiers travaux, j'en donnai l'aperçu à M.de Silhouette,alors contrôleur général, et je demandai à ce ministre une conférence à cet effet; le 23 avril, il me répondit en propres termes : « Il me paraît, monsieur, par le « seul exposé des projets sur lesquels vous « voudriez m'entretenir, qu'ils vont au renver-« sement général de tout ce qui existe en ce « moment, et vous devez vous-même en inférer « combien l'exécution en serait impossible; en « conséquence, l'audience que vous me demandez « deviendrait inutile ». Il est évident que M. de Silhouette n'avait pas fait ses études à l'Assemblée nationale, car autrement il n'eût rien trouvé d'impossible.
« Cette leçon ne me fit pas changer d'opinion, et j'osai, en 1765, aux risques d'encourir l'indignation de nos seigneurs des cinq grosses fermes, proposer l'abolition et le remplacement de la gabelle ; mais après m'avoir gratifié d'une leçon, il en aura pu prendre une à son tour à l'Assemblée nationale, puisqu'il existe encore, et il aura pu juger plus sainement de l'utilité ou de l'inutilité du plan que je lui soumettais alors.
« Malgré ce peu de succès, rien n'a été capable jde me décourager; plus j'ai trouvé d'obstacles vis-à-vis des ministres, et plus je me suis attaché à suivre le fil de leur administration pour en démêler les vices.
« J'ai remarqué depuis trente ans que la manie favorite des ministres des finances a toujours été de vouloir qu'on les crût fort instruits et surtout infaillibles ; ils ont voulu paraître capables et en état de se suffire à eux-mêmes, lorsque toute leur besogne ne présentait que la bigarure maladroite de tous les plans qu'on avait la sottise de leur confier, et dont, suivant le style d'usage dans les bureaux ministériels, les circonstances ne permettaient pas de faire usage.
« Je continuai néanmoins de travailler, dans l'espoir d'un temps plus favorable, que je pressentais, par la disposition des choses, ne devoir pas être fort éloigné ; cependant, l'époque en fut extrêmement rapprochée par le décès de Louis XV.
« A peine son successeur fut-il sur le trône qu'il manifesta ce désir constant de faire le bien, dans lequel il a été si mal secondé, mais qu'il n'a jamais démenti depuis le premier moment.
« Son avènement à la couronne fut l'aurore d'un beau jour dont nous commençons à peine à voir la première lueur; la liberté ae la presse sur les matières d'administration parut prendre faveur sous M. Turgot; je me hâtai d'en profiter, et je fis alors imprimer mon premier essai sur les finances, intitulé : La Finance politique, reduite en principes et enpratique que j'eus l'honneur de présenter au roi et à là famille royale, le 15 février 1775. Le succès qu'éprouva ce premier ouvrage très imparfait, et composé avec tous les ménagements qu'exigeaient les circonstances, me déter-
mina de faire uné seconde édition, dans laquelle je me permis d'ajouter une dissertation sur les causes de la cherté des grains et sur les moyens d'y remédier ; je me permis même, en traitant cette matière délicate, d'attaquer de front le système destructeurdes économistes; et de ce moment je me fis de cette secte dangereuse et du ministre qui la protégeait, des ennemis irréconciliables. Mon ouvrage eut cependant encore les honneurs de la présentation au roi le 1er octobre même année.
« Lors de ce premier ouvrage, mon but n'avait été que de préparer les esprits et de les amener par degrés à une -révolution générale, que je regardais comme indispensable ; j'avais ébauché le plan d'une imposition unique, celui des administrations provinciales, et celui de la destruction absolue du colosse monstrueux de la France.
« M. Turgot, tout en contrariant sourdement la publicité de mes travaux, fit dans le pays de Gex l'essai d'une partie de mes plans; j'en fus instruit dans le temps par M. de Voltaire (1) ; M. Nec-ker fut alors un de nos panégyristes (2) ; M. de Vergennes fut de tous les ministres le seul qui encouragea mon zèle (3); mais de tous les suffrages que je réunis, celui du roi de Prusse fut le plus capable de l'exciter.
« Je me disposais, d'après ce premier succès, à donner à nos travaux une suite plus intéressante, mais je rencontrai constamment les obstacles les plus insurmontables à leur publicité; l'insouciant Maurepas fuyait les innovations, le garde des sceaux les craignait, chacun voulait rester dans sa position et s'y trouvait bien ; le public seul, et moi le premier, s'en trouvait fort mal. C'est ainsi que j'ai lutté pendant l'espace de 12 années, alternativement victime, et de l'inquisition ministérielle, et de la férule censo-riale.
« Cependant mes premiers enfants faisaient fortuue; d'après mes plans on
démolissait la bastille des finances, et l'on élevait l'édifice des
administrations provinciales; cette circonstance fut la seule où je me
sois permis de solliciter quelque grâce pour moi-même. La division de la
ferme générale en 3 compagnies de finances, me fit naître l'idée
d'entrer dans l'une des 3 et je demandais avec confiance une place qui
pout-vait, en raison de la nature de mes travaux, devenir encore plus
utile à l'administration qu'à
« D'après l'essai d'une administration provinciale établie dans le Berry, par arrêt du 12 juillet 1778, plusieurs provinces estimèrent que ce plan, incohérent dans son ensemble, devait être insuffisant dans ses résultats, et fort éloigné des avantages dont il paraissait susceptible. En conséquence, 2 prix furent proposés par 2 provinces, et je concourus à tous deux, sur les invitations les plus fortes et les plus pressantes.
« A l'époque de la proclamation de ce prix, l'Académie de Rouen déclara que les mémoires présentés au concours n'avaient pas rempli l'objet proposé; j'avoue qu'à ne juger que d'après mon travail, cette annonce me parut plus que suspecte ; l'Académie de Châlons-sur-Marne fut de meilleure foi; si elle ne décerna pas le prix, du moins elle garda le silence sur les causes qui l'en empêchèrent; mais je crus devoir les éclaircir.
« J'écrivis en conséquence et l'on me manda, le 14 septembre 1780, que le ministre de la province (M. de Vergennes) avait demandé au nom du roi à l'académie, qui n'avait pas cru devoir s'y refuser, la communication et l'envoi des mémoires qui avaient concouru pour le prix proposé; qu'ensuite le même ministre, au même nom, avait écrit que, d'après l'examen fait de ces mémoires, l'intention du roi n'était pas qu'ils fussent rendus publics, ni que le prix fût décerné. La lettre finissait ainsi c « L'académie,n'a pas cru devoir résister à l'autorité royale et a envoyé les mémoires à M. le comte de Vergennes, à qui elle a marqué que 3 lui avaient paru surtout mériter une attention particulière; le vôtre, Monsieur, est de ce petit nombre... Elle est très fâchée de la circonstance, car votre mémoire contenait d'excellentes choses,
« J'étais plus que fondé à croire que cette interversion de choses n'était ni l'ouvrage de M. de Vergennes, ni l'effet de la volonté du roi; j'écrivis en conséquence à ce ministre, en lui envoyant copie de la lettre que j'avais reçue, et le priai de m éclaircir de la vérité d'un lait qui m'intéressait d'assez près ; il le .fit de bonne grâce, et par sa réponse du 26 septembre 1780, il m'apprit n'avoir agi dans cette affaire que comme ministre du département de la Champagne et de l'ordre de M. Necker. Le secret de cet événement, qui n'en était pas un pour moi, me fut confirmé par là même, et je vis que le directeur général n'avait empêché la proclamation du prix et la publicité des mémoires, crue parce qu'ils détruisaient de fond en comble 1 édifice mal assis de son administration du Berry; j'en fus encore mieux convaincu par le silence obstiné qu'il garda sur les réclamations que je lui adressai à ce sujet.
« Il venait de gagner complètement sa partie contre moi, en me privant de
l'honneur auquel j'avais concouru, et de l'avantage de pouvoir être
utile à mes concitoyens par mon plan d'adminis-
« En 1782, jé me décidai de faire un abrégé théorique sur 1 administration des finances et du royaume, qui fut remis au roi au mois de décembre de la même année. C'est ce même travail, communiqué en 1785 à M. de Calonne, qui fit la base du mémoire qu'il donna au roi en 1786, et d'où résulta la première Assemblée des notables.
« Je fis en vain les plus grands efforts pour rendre ce mémoire public; le censeur objecta constamment le renversement général que je proposais, et termina par un refus ; aussi le roi dé Prusse, à qui j'avais eu l'honneur d'en adresser copie, faisant suite à mes précédents travaux, m'écrivit en 1783 au sujet de celui-ci : « Selon « son mérite, il aurait été à désirer que son im-« pression n'eut pas rencontré tant d'obstacles..., « et je suis bien charmé de le posséder en ma-« nuscrit, comme un monument de vos talents « et de vos travaux utiles. »
« En 1785, étant de loisir à la Bastille (2), je m'occupai dés moyens de libération de la dette publique, et je fis mon mémoire sur l'emprunt public et la libération (3). Je le fis communiquer a M. de Calonne, j'eus le consentement de le rendre public, mais je fus encore arrêté par un censeur à la dévotion du ministre qui me fit prier, en 1786, d'en suspendre la publicité.
« J'avais mis en ordre mes différents manuscrits, dans la vue de les communiquer à la première Assemblée des notables ; je n'en pus Obtenir l'agrément jusqu'à la retraité de M. de Calonne; mais trois mois après la clôture de l'Assemblée, je reçus l'ordre de tout rendre public, ce que je ne me fis pas répéter : l'on me demanda même d'ajouter un travail particulier sur l'impôt territorial, et le ministre qui me l'ordonna, me manda sur l'ensemble que cet ouvrage était fait pour intéresser tous ceux qui prenaient part à la chose publique.
« Dès que cet ouvrage parut, il souleva contre moi la noblesse et le
clergé de France, parce que je détruisais de fond en comble les
privilèges et les prétentions de ces deux ordres ; un mois après qu'il
fut rendu public, M, Necker reprit les rênes de l'administration: mon
ouvrage devait lui déplaire, ses principes en finance n'étaient pas les
miens, d'ailleurs je réclamais contre ses plagiats vis-à-vis de moi ; je
me plaignais de l'abus qu'il avait fait de son autorité pour empêcher la
proclamation du prix 'des Administrations provin-
« Malgré les nombreux ennemis de mes travaux, ils ont été connus, jugés, et j'ose dire, généralement applaudis : ce succès échauffa mon zèle, et dès que les Etats généraux furent convoqués, j'osais entreprendre un nouvel ouvrage, contenant méthodiquement tout ce qui devait faire l'objet du travail des Etats, avec tous les plans de réforme et d'amélioration appropriés à la circonstance.
« Ce nouveau travail devant former le 38 volume de ma Théorie générale était prêt en février 1789. La prudence me conseilla d'attendre l'ouverture de l'Assemblée : les divers événements survenus m'empêchèrent de hasarder ce volume; j'attendis jusqu'en septembre pour donner un prospectus et ouvrir une souscription ; j'eus le-malheur de le faire paraître au moment de la révolution du 6 octobre et de la transplantation de l'Assemblée à Paris ; mon prospectus fut victime des circonstances, et le défaut de souscription dans un moment où le numéraire commençait à se raréfier, m'obligea de suspendre mon édition, que je me suis vu forcé de retarder jusqu'à ce moment, ainsi que la publicité d'autres travaux non moins importants au bien de nos concitoyens, jusqu'à ce que les temps devinssent plus favorables, et, que le goût des feuilles ephémères dont Paris est inondé, fut entièrement passé.
« Enfin, en mars 1790, j'ai donné, sous le titre de Y Anti-Moine, mon mémoire sur les moyens et la nécessité d'abolir les maisons religieuses en France.
« Mais, avant l'impression de cet ouvrage, j'avais fait remettre au comité des pensions, le 27 janvier précédent, par l'un des membres de l'Assemblée, mon plan explicatif du régime des pensions, d'après le mémoire que j'avais déjà fait imprimer sur cette matière, et qui se trouve page 149 du second volume de ma Théorie générale des finances ; j'y avais joint un travail sur la première classe imprimée des pensions, intitulé Contrôle général des pensions, article par article. L'honorable membre à qui j'avais adressé le tout, en m'accusant la réception, me manda ce qui suit:
« J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez « fait l'honneur'de m'ècrire, en date du 22 cou-« rant, avec celle adressée à MM. du comité de « l'examen des pensions, et le mémoire que vous « avez rédigé sur cet objet; j'en ai pris connais-« sance avec le plus grand intérêt; j'ai été en-« chanté des excellentes vues qu'il renferme sur « la meilleure distribution des grâces pécuniai-« res, et je n'ai pas moins été satisfait des obser-« vations que vous avez faites sur divers favoris « de la Fortune qui ont plus ou moins étrange-« ment joui des abus du temps passé.
« J'ai remis sur-le-champ, Monsieur, votre « mémoire et votre lettre au comité, à M. le baron « de Menou, l'un des principaux membres de ce « comité, homme ferme et intègre, et très bon « citoyen : je lui ai recommandé fortement votre « mémoire; il l'a reçu avec beaucoup de plaisir, « se proposant bien 'd'en faire usag^, et hier au « soir à l'Assemblée, il m'a dit en être fort satis-« fait; je lui ai recommandé de ne point l'égarer. « Je désire de tout mon cœur, Monsieur, que
« vous continuiez un travail si important, et dont « l'occasion de profiter est enfin venue : car, en « toutes autres circonstances, il n'aurait jamais « fallu songer à leur réforme, tant que l'auto-a rité se trouvait dans les mains de ceux qui en « jouissaient. »
« J'aurais bien désiré, sur l'invitation flatteuse de l'honorable membre, pouvoir continuer mon Contrôle, mais j'avoue que je me suis effrayé à la seule idée d'un ouvrage au moins de "4 volumes, sans mission précise pour l'entreprendre.
« De tout ce que je viens d'exposer, il résulte évidemment que, nouveau saint Jean, j'ai été le précurseur, le prophète, et tout au moins l'un des instruments utiles de notre régénération, et si j'avais pu m'abandonner aux écarts de l'a-mour-propre, il m'eût été pardonnable en quelque sorte de m'y livrer, lorsque j'ai vu couronner nos travaux du plus brillant succès (1). Je ne me disculperai cependant pas du mouvement secret de satisfaction que j'ai ressenti, en voyant que l'opinion des représentants de la nation était sur les objets les plus importants, conforme à la mienne, ou que mes faibles lumières avaient pu accroître celles de l'Assemblée.
« Maintenant, et pour justifier ce que j'ai dit dans le cours de ce mémoire, il ne me reste plus qu'à rapprocher de mes travaux et de mes plans les principaux décrets que l'Assemblée a rendus sur les mêmes objets que j'ai discutés dans mes ouvrages. «
« Or, j'ai proposé dans ma Théorie générale de l'administration des
finances, l'égalité d'impositions; la suppression de l'ordre du clergé;
l'établissement des administrations provinciales ou de département ; la
suppression de la dîme ecclésiastique; la fixation du minimum du
traitement des curés à 1,200 livres; l'établissement du culte gratuit ;
la suppression des droits de péage, hallage, pontonage, et autres de
même nature; celle des corvées et banalités; celle des justices
seigneuriales ; l'aliénation à forfait des domaines de la couronne;
celle des biens ecclésiastiques, le mode de cesventes ; l'emploi du prix
des mêmes Ventes à l'acquittement de la dette nationale; la suppression
des milices; la réforme des poids et mesures ; la suppression de la
gabelle; celle des apanages des princes ; l'autorisation du prêt à
intérêts sans aliénation de capital ; la réforme du régime des pensions;
la suppression des maisons monastiques ; la création de papier-monnaie
pour la vente des biens monastiques et domaniaux; la réforme de la
jurisprudence; la
« Je crois même pouvoir ajouter avec confiance, et par suite de la cohérence de nos.travaux, que dans la quantité d'objets que l'Assemblée doit encore discuter, et sur lesquels elle doit; statuer, une partie de ses décrets sera encore conforme aux différents plans que j'ai publiés sur les mêmes matières, et notamment en ce qui concerne la nature et l'assiette des impositions, le mode des perceptions, etc...
« Mais pour ne laisser aucun doute sur la vérité de ce que je viens d'exposer dans ce mémoire, j'ai cru devoir déposer au comité des pensions, à qui j'ai l'honneur de l'adresser: l°un exemplaire de la seconde édition de ma Finance politique, réduite en principes et en pratique ; 2° les deux premiers volumes de ma Théorie générale de l'ad ministrationpublique des finances,qui est déjà entre les mains de plusieurs membres de l'Assemblée, et dont je désire infiniment que MM. du comité des pensions veuillent bien faire une lecture suivie ; 3° un exemplaire de VAnti-Moine ; 4° le prospectus que j'ai donné l'année dernière d'une nouvelle édition de ma Théorie générale augmentée d'un 3e volume, et dans lequel se trouve la table des matières insérées dans ce volume;,5° Un Discours sûr l'autorité paternelle et le devoir filial, considérés d'après ta nature, la civilisation et le pacte social, pour servir à l'établissement indispensable d'un tribunal de famille. ,
« Si, d'après l'exposé contenu dans ce mémoire, d'après les preuves que j'y joins des faits avancés par moi, d'après la certitude de mon zèle, de mes sacrifices, et que je n'ai rien demandé ni obtenu sons l'ancien régime, si ce n'est deux brevets de Bastille (1), si enfin la nation daigne me reconnaître quelques talents, et se persuader de leur utilité, j'ose croire aussi qu'elle daignera leur fixer la récompense dont elle les jugera dignes, et me mettre à même, par là, de les continuer, et de parachever tout ce qui me reste encore à mettre au jour, sur les objets qui peuvent intéresser le plds la chose publique et le bonheur de nos concitoyens.
« Paris, ce 1er juin 1791.
« Signé : Grouber de Groubentall, homme de loi, notable, adjoint. »
, au nom du comité militaire, propose diverses modifications au décret du 26 mai 1791 sur la répartition, par département et par district, du nombre d'hommes qui devront être fournis pour compléter celui des auxiliaires destinés à recruter l'armée en temps de guerre (2)..
Ces modifications consistent dans la suppression des observations faites
au tableàu de repartition des auxiliaires par département, la
suppression de la récapitulation, ainsi que des observations
Il soumet en conséquence à la délibération le projet modifié, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur les propositions faites par le ministre de la guerre, pour la répartition de 100,000 soldats auxiliaires dans les départements du royaume, a approuvé qu'il en fût réservé 25,000 pour le service de la marine, et a adopté le projet de répartition contenu dans le tableau ci-après, pour le3 75,000 soldats auxiliaires destinés au service de l'armée de terre ; en conséquence, elle décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Dans chacun des 83 départemeuts, un préposé par le roi sera chargé de vérifier l'âge, la taille et l'aptitude au service des soldats auxiliaires du département, d'en tenir le contrôle, de veiller aux remplacements, et de rendre compte au ministre de la guerre de toutes les opérations relatives à cet objet.
Art . 2.
« Dans chaque district, un officier ou sous-officier de gendarmerie nationale sera chargé de tenir les contrôles particuliers des auxiliaires du district ; il entretiendra une correspondance suivie à cet égard avec le préposé par le roi, pour surveiller dans le département tous les détails relatifs aux auxiliaires.
Art. 3.
« Le ministre de la guerre adressera au directoire de chaque département un état relevé sur le tableau général des auxiliaires, et qui indi -quera pour combien d'hommes ce département a été compris dans la répartition générale. Le directoire de département en fera ensuite la répartition particulière par district et en adressera l'état aux directoires de district et en remettra le double au préposé par le roi, et veillera à ce que les directoires de district fassent aussitôt publier dans les municipalités de leur arrondissement la loi relative aux auxiliaires.
Art. 4.
« Les hommes qui voudront entrer dans les auxiliaires remettront leurs soumissions à la municipalité du chef-lieu du canton, qui les adressera au directoire de district, et celui-ci les fera remettre à l'officier de gendarmerie nationale, pour en former un état général par district.
Art. 5.
« Lorsque le nombre de soumissions pour entrer dans les auxiliaires s'élèvera à plus de moitié du nombre déterminé pour chaque district, l'officier ou sous-officier de gendarmerie nationale, chargé de ce détail dans chaque district, en préviendra le préposé par le roi, qui sera tenu de se rendre au chef-lieu du district pour faire la revue de réception.,
Art. 6.
«Tous les hommes qui auront présenté des soumissions seront prévenus à l'avance de se rendre au jour fixé dans le chef-lieu du district, pour y passer la revue de réception.
Art. 7.
« Cette revue sera faite par le préposé du roi/ en présence'd'un membre du directoire du dis-
trict, et de l'officier ou sous-officier de la gendarmerie nationale, qui en signeront avec lui le procès-verbal.
Art. 8.
« Il ne sera reçu dans les auxiliaires que des-personnes domiciliées, ayant au moins 18 ans, et pas plus de 40 ans d'âge, et réunissant d'ailleurs toutes les qualités requises par les règlements pour entrer dans l'infanterie. On admettra de préférence ceux qui auront servi dans les troupes de ligne, et qui produiront des certificats de bonne conduite.
« Le procès-verbal constatera les noms, lieux de naissance et du domicile, âge, taille, signalement et observations sur les sujets qui seront admis. Il fera également mention de ceux qui auront été refusés.
Art. 9.
« Les hommes admis contracteront, dans les; formes prescrites par la loi sur le recrutement, un engagement de 3 ans, sous la condition de joindre, aussitôt qu'ils en seront requis par les corps administratifs, les renseignements qui leur auront été désignés pour y servir sous les mêmes lois et ordonnauces, et avec le même traitement que les autres soldats. Leur solde d'auxiliaire courra du jour de leur engagement signé.
Art. 10.
« Le procès-verbal d'admission clos et arrêté, il sera ouvert, par l'officier de gendarmerie nationale, un contrôle par district dans la forme gui sera donnée, où tous les auxiliaires seront inscrits nominativement et par canton ; il en sera tenu un contrôle général par le préposé du roi, auquel l'officier ou sous-officier ae gendarmerie nationale adressera tous les mois les mutations qui pourront survenir.
Art. 11.
« L'existence desdits hommes, les mutations et décès seront constatés tous les 6 mois par les revues qu'ils passeront dans le chef-lieu du district au jour fixé. Ces revues seront faites par le préposé du roi, en présence de l'officier ou sous-officier de gendarmerie nationale, et d'un membre du directoire du district, qui signeront l'état de cette revue.
Art. 12.
« Il sera remis un double de cet état de revue,
aussi signé, au receveur du district,d'après lequel il payera les auxiliaires, immédiatement après la revue; c'est-à-dire de 6 mois en 6mois, et dans le chef-lieu du district.
Art. 13.
« Le préposé par le roi dressera, d'après les revues particulières faites dans lés districts, un état de revue générale par département, qui servira à la décharge du trésorier des troupes, auquel les receveurs de district verseront pour comptant les revues particulières de district acquittées de 6 mois en- 6 mois, ainsi qu'il vient d'être dit.
Art. 14.
« Le préposé par le roi sera tenu, lors des révues tous les 6 mois, d'examiner les remplacements qui sont proposés-dans les-auxiliaires de chaque district; de vérifier la tenue des 'contrôles, et l'exactitude des payements'; il' Sera personnellement responsable âu ministre4e.là guerre des abus qu'ji.auxsiiJ..tolérés.
Art. 15.
« Dans Tintervàllé des revues, Tes, auxiliaires pourront ; é'absèntçr ' dé lçùr .district, mais seulement avec m congé signé. àà A'ôfficier, de gendarmerie, .nationale,. .qui ne. .pourra. l'expédier que sur-la demande et l'attestation- de *la municipalité,- et à-la charge -d'être -présent à- la première revue.
Art. 16.
Tout auxiliaire qui ne se sera pas présenté à la revue, et qui ne pourra justifier auprès- du préposé parle roi,et d'un membre du tfirectoiredu département; par un'certificat authentique, de l'impossibilité où il aurait été dé "s'y trouver, et de la validité des causés ! dè . son absénce, sera rayé du.contrôle, privé, de. sa solde, et des droits que lui donnent les décrets -des 4 -février et 16 avril dernier.
Art. 17
« Les revues seront faites «assez promptement pour ne jamais exiger de la part -des-auxiliaires un séjour de plus de -24 heures dans le chef-lieu du district,- à l'exception cependant delà revue de réception, pour laquelle il sera pris le temps nécessaire pour's'âsâurër que les hommes réunissent les qualités réqûîsès.
TABLEAU
de répartition des auxiliaires par département.
NOMS DES DEPARTEMENTS.
Nord........
Aisne.......
Ardennes Meuse.......
Marne......
Moselle .....
Meurthe.....
Vosges......
Bas-Rhin....
Haut-Rhin.
Haute-Saône.
Doubs......
Jura......!..
Ain..........
Isère....... .
Hautes-Alpes. Basses-Alpes..
Drôme.......
Var.......
Bouches-du-Rhône..
Gard ..............
Hérault............
Lozère.............
Ardèche............
Tarn...............
Aveyron...........
Pyrénées-Orientales.
Ariège.............
Aude..............
Haute-Garonne.....
Hautes-Pyrénées....
Gers...............
Basses-Pyrénées
Landes.............
Gironde........
Charente-Inférieure.
Vendée............
Loire-Inférieure.....
Deux-Sèvres........
Morbihan..........
Finistère...........
Côtes-du-Nord.
Ille-et-Vilaine......
Manche............
Calvados...........
Eure..............
Orne.-..............
Seine-Inférieure....
Somme..........h
Pas-de-Calais.......
Oise...............
Seine-et-Marne......
Paris..............
Loiret.............
Eure-et-Loir........
Seine-et-Oise.....
Aube..............
Haute-Marne........
Côte-d'Or...........
Saône-et-Loire
Nièvre.............
Yonne.............
Rhône-et-Loire.....
NOMBRE
de districts.
8 6 6 8 6 9 9 9 4
3 6 6 6 9
4
4
5
6 9 6 8
4 7
7
8 9 3
3 6 8
5
6 6
4 7 7 6 9 6 9 9 9 9 7 6 6 6
7
5
8 9
5 3 7
6 9 6 6 7 7 9 7 6
NOMBRE D'HOMMES A FOURNIR
par district.
300 100 300 300 300 400 400 400 400 400 300 400 300 200 200 100 100 100 100 200 50 100 50 KO 50 50 100 50 50 50 50 50 50 50 200 100 100 100 50 80 50 50 50 '100 200 100 100 200 200 200 100 100 600 100 100 200 200 100 200 200 100 100 200
PAR DÉPARTEMENT.
2,400 600 1,800 2,400 1,800 3,600 3,600 3,600 1,600 1,200 1,800 2,400 1,800 1,800 800 400 800 600 900 1,200 400 400 350 350 250 450 300 150 300 400 250 300 300 200 1,400 700 600 900 300 450 450 450 450 700 1,200 .600 600 1,400 1,000 1,600 900 500 1,800 700 600 1,800 1,200 600 1,400 1,400 900 700 1,200
NOMBRE D'HOMMES A FOURNIR
NOMBRE
NOMS DES DÉPARTEMENTS.
DK DISTRICTS.
par district, par département.
Cantal............................... 4 50 200
Puy-de-Dôme........................... 8 50 400
3 50 150
4 50 200
Lot..................................... 6 50 300
Lot-et-Garonne....................n..... 9 80 450
Dordogne............................... 9 50 480
6 100 600
Cher.................................... 7. 50 350
Creuse.................................. 7 50 350
Haute-Vienne............................ 6 50 300
Vienne.:*.... .V....................... i. 6 50 3(J0
Indre............................... 6 80 300
Allier................................... 7 80 350
Sarthe.................................. 9 100 900
Loir-et-Cher............................. 6 100 600
Indre-et-Loire........................... 7 100 700
Mayenne-et-Loire......................... 8 100 800
Mayenne................................ 7 100 700
Corsé................................... 9 100 900
$47 75,000
(L'Assemblée adopte ce projet modifié et ordonne qu'il en sera fait une expédition authentique pour remplacer celle du décret du 26 mai dernier.)
fait donner lecture, par un de MM. les secrétaires,d'une lettre signée de plusieurs officiers du régiment de Port-au-Prince qui demandent à rendre compte à l'Assemblée des événements arrivés sous leurs yeux à Saint-Domingue.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 31 mai 1791.
« Monsieur le Président,
« Nous arrivons de Saint-Domingue. Nous sommes porteurs d'une lettre de l'assemblée provinciale du Nord pour l'Assemblée nationale. Nous avons l'honneur de la joindre ici. Officiers du régiment du Port-au-Prince et destinés à subir le même sort que M. Mauduit, le hasard seul nous a dérobés à la mort. Nous désirons rendre compte aux représentants de la nation des faits qui se sont passés sous nos yeux. Nous attendons les ordres qu'il vous plaira nous faire passer.
« Nous sommes etc.
« Signé : Germain,aide-major général; Gallerot, lieutenant, etc. »
Suit l'adresse de rassemblée provinciale du Nord de Saint-Domingue ; .
« Messieurs,
« L'assemblée provinciale du Nord et les citoyens de cette province qu'elle a l'honneur de représenter, toujours pleins d'un ^aint enthousiasme pour lés précieux travaux dés pères de la patrie, toujours prêts à verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour en maintenir les décrets sanctionnés, ont reçu à bras ouverts dans leurs foyers, et le représentant d'un roi chéri,
s'éloignant d'un lieu oû son autorité a été méconnue par des troupes et des équipages insubordonnés, et des citoyens et des militaires fuyant le crime.
« Les braves officiers et soldats du régiment du Port-au-Prince, ayant en horreur de servir sous des drapeaux teints du sang de leur colonel, vont exposer aù tribunal suprême de la nation leur conduite. L'Assemblée provinciale du Nord, partageant leurs sentiments d'indignation contre les réfractaires des lois, ne peut que réunir sa voix à la leur. Elle sait que l'innocence n'a pas besoin d'appui auprès du Sénat auguste des Français; mais elle saisit avec empressement cette occasion pour donner à des militaires, attachés à leur devoir, à des frères qui ont concouru avec elle dans l'exécution des décrets nationaux concernant la colonie de Saint-Domingue, ce témoignage de son estime et de son attachement.
« Nous sommes, etc.
« Signé : Les membres de l'assemblée provinciale du Nord. »-
(L'Assemblée renvoie l'adresse à son comité colonial et ordonne que les officiers du régiment de Port-au-Prince seront introduits mardi soir à la barre.)
Messieurs, j'ai eu un ministère bien pénible à remplir lorsque, sur la
fin du mois de juillet 1789 (1), je montai, par l'ordre exprès de mes
-commettants, à cette tribune pour communiquer à l'Assemblée le détail
de la désastreuse catastrophe qui était arrivée au château de Quincey,
près Vesoul, en Franche-Comté, après l'explosion d'une prétendue mine
qui avait ôté la vie a trois personnes. Les procès-verbaux dont je
donnai
J'ai cru qu'il fallait, pour la décharge des accusés, vous faire part de ce jugement. Le voici:
Ouï le rapport fait publiquement à l'audience par François-Michel Courtot, juge du tribunal, les conclusions motivées du,commissaire du roi, tendantes à ce que les accusés soient déchargés des accusations portées contre eux à la plaidoirie d'Etienne Roussel, homme de loi, défenseur de Jacques Quincy, déclarons la contumace bien et duement instruite à l'encontre d'Alexis, allemand de nation, tonnelier de profession, de l'officier.: Siblùt et de sa servante, âgée d'environ 30 ans, et nonobstant icelle, renvoyons les accusés quittes et absous des accusations portées contre eux sans dépens.
Jugé à la charge de l'appel, par François-Michel Courtot, François Guny, Antoine Garnier, juges, et Frédéric Siroutot, premier suppléant ; et prononcé à l'audience du 21 mai 1791.
Signé : Courtot, Guny, Garnier et Siroutot.
« Signé : BAILLY. »
Comme l'accusation a été publique et qu'elle se trouve consignée dans le procès-verbal de l'Assemblée nationale, il me paraît convenable de donner à la justification la plus grande authenticité.
Je demande donc que le dispositif du jugement du tribunal de Vesoul, dont il vient de vous être donné lecture, soit inséré au procès-verbal de ce jour.
(La motion de Sérent est décrétée.)!
Le scrutin pour la nomination du Président de VAssemblée n'a pas donné de-résultat; les voix se sont réparties entre MM. Dau-,chy et Robespierre. Mais aucun d'eux n'ayant obtenu la majorité absolue, il y a lieuà un second tour.
Les nouveaux secrétaires sont MM. Grenot, Maurietde Flory et Régnier, qui sont élus en remplacement de MM.> Fournier de La Gharmie, Besse et Verchère de Reffye.
Les commissaires chargés de veiller à la fabrication des assignats sont MM. Devillas,Le Goazrede Kervélégan, Berthereau, Le François et Ménager.
Enfin les commissaires pour la caisse de Vextraordinaire sont MM. Chabroud, de Goulmiers d'Abbecourt, de Dieuzie, Gourdan, Roger, Geoffroy, Prévôt, de Prez de Crassier, Dauchy, de Toulongeon, Pougeard du Limbert et Melon.
, au nom du comité des pensions. Messieurs, vous avez rendu, le 16 janvier dernier, un décret par lequel vous avez chargé lè comité des. pensions de vous faire un rapport sur les pensions ou récompenses qui sont dues aux patriotes, tant gardes nationales que troupes de ligne, qui avaient été blessés dans
la malheureuse affaire de Nàncy, ainsi qu'aux veuves et enfants des personnes qui y ont été tuées. Le comité des pensions m'a chargé de vous communiquer le résultat de. ses aperçus, sur les pièces qui lui ont été communiquées par le ministre de la guerre dans cette affaire. Je dois me borner seulement à vous désigner quelles sont les personnes qui ont paru mériter des gratifications.
Voici notre projet de décret :
« L'Assemblée nationale;"après avoir "entendu le rapport" de son comité déspénSiorts, délibérant sur l'exécution dé 'Son décret dû^O janvier dernier, par lequel elle, a. chargé .son .comité.de lui faire le rapport.des.gratificalionset récompenses
3ui peuvent être dues- «aux p&rsoanes qui ont onné des preuves de courage-et -de- bravoure à Nancy, décrète ce qui- suit- :
« Art. 1er. Ceux qui' ont été* estropiés à
l'affaire de Nancy; ' et' dôht' ' lèS' HOtnà' sU'iyènt ; savoir :
Ficher, spcièn prejmiér présWeiir. au ! biiceau des finances ;
Ravjaux,.peintre, et Larlvière, caba-retier, recevront, chaque année
pendant leur vie, à compter-du- -31 août 1790,- 200 - livrés dè pension.
« Art. 2: Ceux qui nnt été blessés à l'affaire de Nancy, et dont les' noms Sdivént';" savoir :
« Les sieurs Parisot, ' manœuvre; Bedon, compagnon menuisier; Henri, Poirson, maître de billard, et Henri Veissembourg, manœuvre, recevront chacun 400 livres de gratification ;
« Les sieurs Maurice, peintre, et Lanicque, compagnon serrurier, recevront chacun 300 livres de gratification;
« Les sieurs Gabriel Gouton, parfumeur et Hesse, compagnon couvreur, chacun 200 livres de gratification ;
« Les sieurs Lorfaufan, jardinier, et Maréchal, compagnon menuisier, chacun 150 livres de gratification ;
Les sieurs Reigner, compagnon teinturier ; Da-viel, actuellement dans la garde nationale parisienne; Odart, cabaretier; Cazanas, manœuvre, recevront chacun 100 livres de gratification.
« Art. 3. Les 8 frères puînés de Nicolas-Mau-riCe Robert, tanneur, tué à l'affaire de Nancy, et dont la mère est morte pçu de temps après, recevront chacun 200 livres de gratification.
« Art. 4. La veuve du sieur Fiacre, cabaretier, tué à ^affaire de Nancy, recevra chaque année, pendant sa vie, à compter du 31 août 1790, une pension de 150 livres ; ses enfants chacun 100 livres de pension, jusqu'à l'âge de 20 ans, et chacun 500 livres lors de leur établissement.
« Art. 5. Le fils, âgé de 20 ans, du sieur Marchand, peintre, tué à l'affaire de Nancy, et la mère du sieur Lalance, cordonnier, aussi tué à l'affaire de Nancy, recevront chacun 400 livres de gratification-
« Art. 6. La veuve du sieur Varnold, capitaine au régiment de Gastella, suisse, et la veuve du sieur Schuphauwer, lieutenant dé grenadiers au régiment de Vigier, suisse, recevront, par provision, 300 livres de pension chaque année, à compter du 31 août 1790 ; et leurs enfants recevront, aussi, par provision, 150 livres de pension chacun, à compter de la même époque ; l'Assemblée nationale se réservant d'augmenter et de régler ultérieurement les indemnités ou secours dus aux veuves et enfants de ces officiers, suivant les traités qui peuvent exister entre ies suisses et la nation française.
« Art. 7. Il sera versé entre les mains de la municipalité de Metz une somme de 690 livres,
pour être comptée par elle aux divers particuliers compris dans l'état des pertes de meubles, quelle a fourni au ministre, le 8 décembre 1790.
« Art. 8. Le ministre de la guerre est chargé de se procurer et de présenter, le plus'tôt-possible, à l'Assemblée nationale, un état détaillé des Officiers et soldats de troupe de ligne des détachements commandés pour l'affaire de Nancy, et qui y ont été blessés ou estropiés ; et cependant chacun di s hommes compris dans la liste adressée par le ministre à l'Assemblée nationale, le 31 octobre 1790, recevront 100 livres par provision, sauf à augmenter par la suite en faveur dé ceux dont les blessures mériteraient par leur gravité une gratification plus considérable, ainsi que pour ceux qui se trouveraient estropiés. »
(La discussion est ouverte sur ce projet de décret, article par article.)
, rapporteur, donne lecture de l'article premier.
Parmi ceux que comprend l'article premier, est le nommé Raviaux, peintre, marié, ayant quatre enîants, qui a reçu six coups de feu dans cette action. L'un de ces coups ae feu lui a fait perdre un œil ; il a dix- huit ans de service dans les'troupes de ligne. Vous accordez aux soldats qui se retirent, après trente ans de service, plus qu'à cet homme. Je demande donc pour lui 400 livres de pension au lieu de 200 que propose le comité ; il l'a, je crois, bien mérité. (Vifs applaudissements.) -
(L'Assemblée* consultée, décrète l'amendement de M. Emmery.)
, rapporteur. Voici, avec l'amendement, l'article premier :
« L'Assemblée nationale après avoir entendu le rapport de son comité des pensions, délibérant sur l'exécution de son décret du 16 janvier dernier, par lequel elle a chargé son comité de lui faire le rapport des gratifications et récompenses qui peuvent être dues aux personnes qui ont donné des preuves de courage et de bravoure à Nancy, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Ceux qui ont été estropiés à l'affaire de Nancy, et dont les noms suivent, savoir.: les sieurs Ficher, ancien premier président au bureau des finances, et La Rivière, cabaretier, recevront chaque année pendant leur vie, à compter du 31 août 1790, 200 livres de pension.
« Le sieur Raviaux, peintre, recevra chaque année pendant sa vie, 400 livres de pension. » (Adopté.)
Art. 2.
« Ceux qui ont été blessés à l'affaire de Nancy, et dont les noms suivent, savoir : les sieurs Parisot, manœuvre; Bedon, compagnon menuisier; Henry Poirson, maître de billard, et Henry Weissembourg, manœuvre, recevront chacun 400 livres de gratification.
« Les sieurs Maurice, peintre; Lanicque, compagnon serrurier, recevront chacun 300 livres de gratification.
« Les sieurs Gabriel Bouton, parfumeur; et Hesse, compagnon couvreur, recevront chacun 200 livres de gratification.
« Les sieurs Lorfaufan, jardinier, et Manéchal, compagnon menuisier, chacun 150 livres de gratification. y
« Les sieurs Reigner, compagnon teinturier; Dajviel, actuellement dans la garde nationale parisiennè; Odart,-cabaretier ; Cazanas, manœuvre, recevront chacun 100 livres de gratification.
Je propose, par amendement, que le sieur Henry Poirson pour lequel le comité propose dans cet article une gratification de 400 livres, soit porté pour une pension de 200 livres.
Je vous supplie de considérer ce qu'est Henri Poirson, et ce qu'il a fait : Henri Poirson est un ancien militaire qui a servi 22 ans dans le régiment de Champagne. Il a pris son congé étant sergent-major, et n'a pas reçu un sou de retraite. Ce brave nomme, si peu récompensé pour ses services, j'oserai même dire payé d'ingratitude puisqu'il n'a rien touché, et qui a été prêt à combattre les ennemis de la Révolution-dès qu'on l'a appelé, a reçu un coup de feu si considérable, qu'il a été près de 2 mois à l'hôpital de Nancy entre la vie et la mort, et il s'en ressentira toute sa vie. Est-ce^-trop pour un homme qui a été blessé plus que les autres, et à qui vous devriez, relativement à ses anciens services, un traitement considérable; est-ce trop de-200 livres de pension ?
Je supplie l'Assemblée de remarquer qu'elle ne doit pas se livrer trop précipitamment à un excès de générosité parce que cela fera planche pour l'avenir.
Planche4.
Tant qu'on ne fera que des choses comme cela,; on fera de bonnes planches.
En Bretagne,dans le département du Morbihan, plusieurs citoyens-soldats sont restés sur le carreau. Une quantité de blessésne vous ont rien demandé. ; et nous voyons avec étonnement que pour le pay3 messin on demande tout. (Murmures prolongés.) Que l'on donne en gratification tout ce que l'on voudra; mais point de pension. N'intervertissons pas l'ordre, sans quoi nous allons dégrader l'honneur, la dignité des gardes nationales. Nous les voyonstous servir avec le même zèle, avec un courage égal. Voyez ces braves patriotes de Paris, qui ont tant souffert pour le service de la patrie (Applaudissements.)-, vous demandent-ils des récompenses ? Vous demandent-ils des faveurs ?
Est-ce à l'affaire desThéa-tins qu'ils ont si bien servi?
Un membre à gauche : Oh 1 ceux-là ont été bien payés, et l'on sait à peu près par qui ils l'ont été.
Un membre : Oui ; et c'est par ceux qui s'en plaignent.
, rapporteur. Je suis étonné qu'on interrompe d'une manière aussi indécente. Est-ce sur des choses aussi sérieuses qu'il est permis d'employer une telle dérision? (Applaudissements.)
Si vous jugez à propos, ce que je ne présume pas, d'admettre l'amendement de M. Emmery, il faut que vous expliquiez pourquoi vous donnez à celui-ci plus qu'àf'autre, et qu'alors vous mettiez dans l'article : « En considération de ses services antérieurs. » .
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amencU-ment de M.Emmery.
(Aprèsune épreuve douteuse, l'Assemblée dé.-cJare qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Emmery.)
Si vous adoptez cet amendement, Messieurs, tous ceux qui o t servi auciennemeutviendroniiéclamerle prix de leurs services.
J'observe qu'on donne très mal à propos le caractère d'un amendement à la demande de M. Emmery. Celui-ci voulant récompenser cet ancien militaire ou' patriotisme qu'il a montré dans l'affaire de Nam y, et en même temps îles services qu'il a rendus pendant 22 ans dans l'armée ue ligne, demande qu'on lui tixe une pt n?ion ; le comité, au contraire, sans avoir égar - à ses anciens services, est d'avis de donner une .-impie gratification. Ce sont là iissuréme t 2 propositions bleu distinctes ; il faut accorder lu priorité à l'une ou à l'autre. Je la demande pour la pioposition du comité.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à l'avis du comité.)
Un membre : Je demande par amendement que la gratilicatio i proposée par le comité et qui n'est que de 400 livres soit portée à 600 livres en faveur de cet ancien soldat.
Je prétends qu'il faut s'en rapporter à la fixation du coin té qui. mieux instruit que les membres de 1 Assemblée des services rendus et de la gravité des blessures, est aussi censé les apprécier et les récompenser mieux qu'eux. Je demaude la question préalable sur cfct amendement.
(L'Assemblée, consultée, décrète la question préalable sdr l'amendement etadopte sans modification l'article 2 du comité.)
Art. 3.
« Les 8 frères puînés de Nicolas-Maurice Robert, tanneur, tué à l'affaire de Nancy, et dont la mère est morte quelque lemps après, recevront chacun 200 livres de gratification. » (Adopté.)
Art. 4.
« La veuve du sieur Fiacre, cabaretier, tué à l'affaire de Nancy, recevra chaque année, pendant sa vie, à compter du 31 août 1790, une pension de 151) livres, ses enfants chacun 100 livres de pension, jusqo'à l'âge de 20 ans, et chacun 500 livres lors de leur établissement. » (Adopté.)
Art. 5.
« Le fils,, âgé de 20 ans, du sieur Marchand, peintre, tué à l'afiaire de Nancy, et la mèrë du sieur Lalance, cordonnier, aussi tué à l'affaire de Nancy, recevront chacun 400 livres de gratification. » (Adopté.)
Art. 6.
La veuve du sieur Yarnold, capitaine au régiment de Casteiia suisse, et la veuve du sieur Scbuphauwer, lieutenant aux grenadiers, au régiment de Vigier suisse» recevront, par provision, 300 livres de pension par chaque année, à compter du 31 août 1790, et leurs enfants recevront aussi par provision 150 livres de pension à chacun, à compter de la même époque, l'Assemblée nationale se réservant d'augmenter et de ré-
gler ultérieurement les indemnités ou secours dus aux veuves et enfants de ces officiers, suivant les traités qui peuvent exister entre les Suisses et la nation française. » (Adopté.)
Art. 7.
« Il sera versé entre les mains de la municir palité de Metz une somme de 690 livres, pour être comptée parcelle aux divers particuliers compris dans l'état des pertes de meuMes qu'elle a fourui au ministre le 8 uécembre 1790. » (Adopté.)
Art. 8.
« Le ministre de la guerre est chargé de se procurer et de présenter, le i»lus têt possible, à l'Assemblée nationale, un état détaillé des olfi-ciérs et soldats de troupes de ligne, des détachements commandés pour l'affaire de Nancy, et qui y ont été blessés ou estropiés ; et cependant chacun des hommes compris dans la liste adressée par le ministre à l'Assemblée nationale, le 31 octobre 1790, recevront 100 livres par provision, sauf à augmenter par la suite, en faveur de Ceux dont les blessures mériteraient, par leur gravité, une gratification plus considérable, ai n - i que pour ceux quise trouveraient estropiés. » (Adopté.)
, rapporteur. Voici, Messieurs, un autre projet de décret que je suis également chargé de vous présenter par votre comité des pensions ; il est relatif aux récompenses à décerner aux vainqueurs de la Bastille :
« L'Assemblé", délibérant sur l'exécution de son dé ret du 16 janvier dernier, qui porte que les personnes qui prétendront devoir être comprises au nombre des vainqueurs de la Bastille, et sur les demandes desquelles il n'a pas , été statué par le décret du 19 décembre précédent, seront tenues de se présenter à la direction générale de liquidation, pour y rapporter la preuve des faits qu'elles allégueront ; après avoir entendu le rapport fait par le comité des pensions, du compte rendu au comité par le directeur général de liquidation, conformément au décret du 16 janvier, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Les blessés au siège de la Bastille, et dont le3 noms suivent, savoir ;
Louis-Philippe Adenot, Joseph Bérard, Jean Baron, Jean-Baptiste Cretaine, Joseph-Anne Gruau, Etienne Delorme, Jacques Drouet, Clément Demay, Gengenback, Nicolas Gregy, Dominique Hardy, Antoine La Fond, François Lambeau, Jacques Marion, Reolle-Mercier," Antoine-Charles Perrio, Ovide-Hippolyte Piette, Jean-Baptiste Vasse, Bernard Vener, recevront chacun 400 livres de gratification.
Art. 2.
Ceux qui ont été estropiés au siège de la Bastille, et dont les noms suivent, savoir ;
Jean-Baptiste Aloix, Louis Bernard , Jean-Eiienne-Anne Grigault, Christophe Guignon, Louis Tournai, recevront chaque année,-pendant leur vie, à compter du 14 juillet 1789, chacun 200 livres de pension.
Art. 3.
Les personnes ci-après nommées, savoir :
Jean-Claude Bouilly-Beauchéne, Antoine-Nicolas Bouillat, Noël de Joui, Pierre-Joseph de Lau-rière, Mathieu Fougerand,.Pierre Gueraud, Pierre Laloux, Jean-Baptiste Mondon, Charles-Léopold
Nicolas, Julien Savigny, sont reconnues pour avoir donné des preuves de courage et de bravoure au siège de la Bastille; la liste de leurs noms sera jointe à celle déposée aux archives de l'Assemblée nationale : il sera fourni à chacun d'eux, si fait ua été, un habit et un armement complet, conformément au décret du 19 juin 1790, et ils jouiront des autres avantages honorifiques assurés aux vainqueurs de la Bastille par le même décret.
Art. 4.
L'Assemblée renvoie au comité de liquidation la demande du sieur Souberbieïle, chirurgien, en payement et remboursement des traitements et fournitures qu'il prétend avoir faites à diverses personnes, pour blessures reçues au siège de la Bastille.
Art. 5.
« Toutes autres réclamations déjà faites et qui ne sont pas admises par le présent décret ou par les précédants, demeurent définitivement rejetées,et l'Assemblée nationale, considérant qu'elle a donné à toutes les personnes qui pouvaient être fondées à se faire comprendre dans le nomnre des vainqueurs de la Bastille, ou dans le nombre des veuves et enfants des personnes tuées à ce siège, un temps plus que suflisant pour présenter et établir leurs demandes, déclare qu'à compter de ce jour, elle ne recevra plus de pétition tendant à se faire comprendre dans la liste des vainqueurs de la Bastille.
Art. 6.
« Les pièces produites par les personnes auxquelles il a été accordé des pensions ou gratifications, ou qui ont été reconnues vainqueurs de la Bastille, seront ou resteront déposées entre les mains du directeur général, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, et les pièces produites par les personnes dont les demandes n'ont pas été admises, pourront ôtre retirées par elles, en donnant décharge. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité de commerce et d'agriculture, soumet à la délibération le projet de décret sur les réparations et améliorations à faire au canal de Gioofs (1).
Plusieurs membres proposent des amendements à' ce projet.
Je crois que le projet qui vous est soumis pas le comité du commerce et d'agriculture embrasse des détails qui ne doivent point regarder l'Assemblée nationale. Je propose d'y substituer celui-ci :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce et d'agriculture sur la pétition des propriétaires du canal de Givors, décrète :
Art. 1er.
« Les propriétaires du canal de Givors exécuteront les travaux désignés dans l'arrêté du directoire du département de Rhône-et-Loire, du 3 lévrier 1791, conformément au plan y annexé.
Art. 2.
« Ils acquerront les propriétés nécessaires à la
confection de ces travaux, et de ceux autorisés par les lettres patentes du mois de décembre 1788, enregistrées au parlement de Paris le 5 septembre suivant, d'après l'estimation faite pa? des experts pommés par le directoire du département; les difficultés, s'il en survient, seront portées d'abord au directoire de district, et terminées définitivement par celui du département.
Art. 3.
« Les règlements rendus les 13 février 1782 et 11 février 1783, pour ia police particulière du canal, seront provisoirement exécutés. »
Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet de M. Delandine.
(L'Assemblée, consultée, accorde cette priorité.)
y rapporteur. Je me rallie à la rédaction de M. Delandine.
(L'Assemblée, consultée, adopte le décret proposé par M. Delandine.)
Je prie l'Assemblée de considérer qu'il est important de terminer le décret sur les domaines congéables. Je demande que, pour en finir, l'Assemblée tienne lundi fcoir une séance extraordinaire, dans laquelle cette matière sera traitée exclusivement à toute autre.
(Cette motion est décrétée.)
lève la séance à dix heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de vendredi au matin, qui est adopté.
, au nom des comités de Constitution et de législation criminelle, propose d'ajouter à l'article 2 du titre du Code pénal sur la réhabilitation des condamnés, tiècrété dans la séance d'avaut-hier 3 juin, la disposition suivante :
« Lesquels certificats et attestations de bonne conduite ne pourront être délivrés qu'à l'instant où il quittera lesdits domicile ou habitation.»
(Cette addition est adoptée.)
En conséquence, l'article est mis aux voix dans les termes suivants :
Art. 2.
« Aucun condamné ne pourra demander sa réhabilitation, si, depuis deux
ans accomplis, il n'est pas domicilié dans le terriioire de la mu-nicipa
ité à laquelle sa demande est adressée, et s'il ne juint a cette demande
des certificats et attestations de bonne conduite, qui lui auront été
délivrés par les municipalités sur les territoires desquels il a pu
avoir son habitation ou son domicile pendant les dix années qui ont
(L'Assemblée adopte cet article et décrète qu'il sera substitué à l'article 2 adopté dans la séance du 3 juin.)
L'ordre du jour est ,un rapport sur les lois rurales.
, au nom des comités d'agriculture et dè commerbe,de Constitution, de féodalité, des domainesyde mendicité, des impositions, de législation criminelle et d'aliénation (1). Messieurs, vous touchez au terme de vos travaux eh agriculture : elleva jouir de vos Bages lois, et ce nese^a point le comité que vous avez chargé spécialement de défendre les droits et les intérêts des cultivateurs, qpi, abusant de vos moments, prolongera, sans nécessité, vos grandes opérations.
Un rapport vous, a déjà été présenté sur les lois rurales : vous y avez vu les principaux objets qui doivent composer le code de ces lois, de ce code où tout doit être simple comme les hommes au bonheur desquels il est destiné, et qui, daus la clarté et dans lu précision où nous désirons de le faire parvenir, influera plus que tout autre sur la prospérité de l'Empire et sur la félicité de ces robustes et premiers agents.
Vous aurez remarqué dans les principes de votre comité, qu'il s'est coustamment attaché à définir, sans erreur, la propriété territoriale. Elle est la plus sacrée, parce qu'elle est la caution de toutes es autres; elle est la première, parce qu'elle est la plus utile. C'est par la culture qu'elle peut obtenir le rang que nous lui assignons. La culture et l'utilité fondent ses droits imprescriptibles dans l'ordre social. Pour cultiver avec le plus grand avantage,; le: propriétaire doit jouir de tous les avantages possibles de la protection de la loi; mais il doit, pour les mériter et les conserver, les faire refluer sur la société entière.
C'est donc à ces litres, Messieurs, que 8 de vos comités réclament aujourd'hui, pour les habitants de la campagne, la liberté la plus étendue. De grandes vues politiques viennent- à l'appui de la justice, pour déterminer l'Assemblée nationale à exciter puissamment, dans le cœur des hommes de la campagne, l'amour de la patrie et les soins qu lis doivent prendre des rejetons de la vertu civique. Si jamais le temps, trompant nos espérances, atténuait le civisme^de nos villes; de ces villes qui, plus éclairées que no3 campagnes, se sont élevées plutôt qu'elles contre le despotisme, mais qui par le luxe et la mollesse, inséparables de l'opulence, pourraient, avant les campagnes, s'endormir dans la jouissance des droits de l'homme; il faudrait que la liberté fût si bien consolidée dans les moindres hameaux, qu'il suffît à un citoyen d'en respirer l'air pour se guérir de la maladie politique dont il serait menacé. (Applaudissements.)
^ C'est à ce dessein que les articles de ces lois, qui nous ont paru être
constitutionnelles, auront pour objet d'établir, sous les divers
rapports, que le territoire de la France, dégagé de toutes les chaînes
qui pesaient sur lui, n'est dépendant que de là loi, qui ne parle que
pour conserver la sage liberté, ét pour défendre les propriétés contre
toute atteinte.
Ces lois, soit constitutionnelles, soit réglementaires, soit même de pure instruction, seront divisées en huit courtes sections.
Vos comités ont fait leurs efforts pour mettre le plus de Raison , et de brièveté qu'il leur a été possible, dans ce travail difficile à conduire à la perfection, vu la différence des objets, des localités, des coutumes, et le contraste des divers intérêts'. Ce sont ces difficultés qui rendront, peut-être, les transitions d'une section à l'autre un peu brusquées; mais-vous ferez la réfKxion, Messieurs, que fe sujet ne comportait pas plus de suile, et qu'une division plus ménagée n'eût amené que des remplissages, et consommé, sans utilité, plus de vos moments. Vous daignerez comparer les divers articles des lois qui vous sont soumises, aux productions de la campagne, qui, variées à l'infini, s'entendent cependant pour se rapprocher dans leurs effets, et assurer nos jouissances, notre tranquillité et le maintien de l'ordre social.
La première section, composée de très peu d'articles, aura pour dénomination : Principes généraux sur la propriété territoriale.
La seconde section, sera relative aux propriétés rurales et aux habitations, aux enceintes, au domicile respectable des laboureurs, à leurs relations les plus habituelles, à tout ce* qui tient de plus près à la sûreté, à l'agrément de la vie agricole, qu'il est si juste de protéger et si politique de mire aimer. Nous n'entrerons point ici dans les détails; nous espérons que la conviction sortira, Messieurs, du seul énoncé des articles de cette partie du projet de décret; ils ne font que renouveler vos principes, ces principes que chacun retrouve dans son propre cœur.
Cette section vous présentera cependant un objet délicat de discussion : la durée des baux et leurs conventions. En consacrant la libre convention, vos comités ont dû prévoir le cas où la clause relative au Changement de propriétaire ne serait pas énoncée dans un bail, el ils vous proposent, pour l'avenir, quelques modifications au droit que les acquéreurs ont eu jusqu'à ce jour de prendre possession de leur propriété affermée, pour la cultiver eux-mêmes en dédommageant leur fermier. Après avoir agité plusieurs fois cette question, nous avons vu qu'elle renfermait une ligne de ; démarcation difficile à suivre, entre la -liberté des conventions et l'intégrité du droit dé propriété, et nous avoi.s tâché de ne point nous en écarter. Nous nous sommes dit : le bail n'est point une aliénation de la propriété; il n'en est pa3 même-une suspension; il n'est qu'un changement conventionnel dans la manière d'en jouir : il est donc juste, quand une condition n'a pas été imposée par l'ancien propriétaire, de donner au nouveau le droit d'interpréter la réticence, sans nuire toutefois à la partie qui a contracté, mais qui a consenti à cette même réticence. Nous nous sommes dit: l'intérêt de l'agriculture est que la culture ne change pas trop souvent de mains, parce que l'expérience est la première lumière agricole; ainsi il serait à désirer que chaque propriétaire fît valoir son champ : mais quand le propriétaire
n'en a ni le goût, ni les moyens, il est utile au bien général que le fermier qui le représente, soit protégé par la loi. Les mêmes vues, l'intérêt de l'agriculture et l'intérêt même du propriétaire sont donc alors que la loi excite les contractants à faire de longs baux. En conséquence, vos comités ont établi qu'à l'avenir, lorsque la clause du changement du propriétaire n'aura pas été déterminée dans un bail, de 6 années et au-dessous, le fermier ne pourra être déplacé; mais que dans les baux au-aessus de 6 années, quand la même clause n'aura pas été énoncée, le changement de propriétaire donnera ouverture à la résiliation du bail : à ce moyen le fermier serait dédommagé au préalable, à dire d'experts, suivant le prix de la ferme, et d'après les avances et les améliorations qu'il aurait faites jusqu'à l'époque de la résiliation^ et ce serait le moyeu d'engager les fermiers à faire beaucoup d'avances utiles a la terre, dans les premières années, et d'empêcher l'acquéreur d exercer inconsidérément le droit que la loi lui accorde.
Un autre objet, non moins intéressant, aurait été traité dans cette section : jè veux parler des saisies réelles qui, jusqu'à présent, Ont été faites sous la forme la plus destructive de la propriété et de la culture; mais nous nous sommes interdit de traiter cet objet, dans la certitude où nous sommes qu'il vous en sera fait un rapport qui rectifiera tous les vices des lois anciennes.
Les irrigations et le cours libre des eaux se lient si intimement à l'agriculture que, sans cette liberté, il n'y a point de fécondité constante. Les précautions nécessaires à prendre pOtir que les arrosements ne soient point gênés, les obligations et les droits respectifs des propriétaires, à cet égard, formeront la troisième section.
La quatrième section traitera des troupeaux, richesse première des cultivateurs. Par quelle cause sont-ils si peu nombreux en France? Pourquoi n'ont-ils ni la beauté, ni la force que notre sol, gourmandé par le travail, ou sollicité par les soins, pourrait leur communiquer? Gomment n'existe-t-il aucun établissement national, de pure race de troupeaux étrangers et propres à perfectionner l'espèce des troupeaux de laFrance; aucun encouragement destiné à éveiller et récompenser l'industrie en ce genre? Ce ne sera que très peu, sous ces rapports importants, que l'objet sera envisagé. Cette discussion plus approfondie tient au projet de décret sur les primes que l'Assemblée nationale a renvoyé à ses comités. Il est principalement question, en ce moment, des lois générales qui influeront sur la conservation des troupeaux et des prairies artificielles, sur la nécessité de laisser au propriétaire le droit de décider du nombre et de l'espèce de bestiaux qui lui conviennent, et la liberté de les gouverner selon son intérêt.
Les troupeaux amènent nécessairement la. grande question du parcours, usage malheureux qui tient au morcellement des terres et à l'entrelacement des propriétés; usage indestructible, tant qu'on ne favorisera point, par une loi, comme en Angleterre, l'échange, l'arrondissement et la clôture des héritages.
Tout ce que ce droit avait de féodal, Messieurs, a été anéanti par vous; mais, comme droit de propriété ou d'usage, il existe encore : ici, de particulier à particulier; là, de village à village; ailleurs, la coutume le rend commun à plusieurs départements.
Il peut être réciproque ou non réciproque. Il est, en quelques lieux, fondé sur des titrés; plus
souvent il n'est consacré que par l'habitude ou l'abus. Il n'a, sans doute, existé, d'abord, que par des .conventions entre les propriétaires, différant en cela de la vaine pâture qui peut exister,.sans le parcours; qui n'est considérée, que comme le glanage de l'herbe, comme une faveur d'usage accordée à l'habitation; qui est une habitude sans titre, et sans réciprocité, puisque ceux qui en jouissent peuvent ne point posséder d'autres terres dans leurs paroisses que l'emplacement de leurs maisons. Celle-ci fut probablement bornée dans le principe aux grands chemins, à l'herbe des prés durant l'hiver, aux terres en friche, sans produit, qui, longtemps, furent en grand nombre. A mesure qu'elles ont été mises en culture, la vaine pâture s'est étendue par abus chez les particuliers jusqu'aux prairies artificielles, aux prairies naturelles après la première coupe de l'herbe, aux terres labourables non ensemencées, qui donnent l'herbe la plus salutaire, et à toutes terres non closes.
Plusieurs coutumes ont détruit le parcours et la vaine pâture, telles que celles de Paris et d'Orléans; plusieurs n'ont fait que les restreindre.
Voici lés motifs qui ont déterminé beaucoup de provinces à s'affranchir de ces usages abusifs. Le parcours-entraîne avec lui la plus grande servitude de l'agriculture, les troupeaux en commun; d'où il résulte la communication et la propagation immédiates de toutes les épidémies des bestiaux. Il en résulte encore qu'on est forcé en beaucoup d'endroits de n'avoir que telle où telle espèce dé bestiaux, telle ou telle quantité de chacune. Uu propriétaire ne peut disposer à sa volonté du parcage de ses troupeaux, et des engrais nécessaires à ses champs. Les exploitations se trouvent gêDées. Les petits propriétaires ou cultivateurs n'ont point à se louer de cette association avec les riches. Les uns sont opprimés, les autres sont oppresseurs, et l'agriculture et le bien général en souffrent. La vaine pâture confondue maintenant, presque partout, avec le parcours, eu a tous les vices, et n'est plus un soulagement pour les pauvres, parce qu'elle est devenue commune aux riches, dont les nombreux troupeaux devancent toujours les leurs, au parcours ou à la vaine pâture.
Vos comités, Messieurs, ont senti toute la force de ces motifs, et se sont convaincus que toute communauté de propriété et de jouissance est nuisible àla liberté ; par conséquent à l'industrie, à la prospérité des grandsétablissements de troupeaux, et à la multiplicité des petits. Il leur a paru que l'avantage que les pauvres croient en retirer n'est qu'illusoire. Ils ont pensé queles.troupeaux se^ ront plus nombreux et plus sains, les terres mieux cultivées, les propriétés plUs tranquilles, et les cultivateurs plus libres, lorsque la vaine pâture et le parcours obligés n'existeront plus. Vos comités ont cependant observé qu'il est impossible de détruire les conventions de cette espèce, ét même de défendre qu'il s'en forme de semblables; mais ils croient qu'on pourrait parvenir à en détruire, peu à peu, l'habitude, à en modérer l'extension, à en diminuer les mauvais effets, et à venir au secours de la culture et de la liberté, en permettant à chaque propriétaire, de se clore ou non, à sa volonté, et d'anéantir par cela* même chez lui le parcours.
Le droit de se clore est un principe qui dérive de votre Constitution.La clôture fut pour l'homme, dans l'état de barbarie, le premier avertissement de la propriété et servit contre l'envahissement.
Dans l'état de la société, elle est utile à la conservation, et une suite de la liberté : elle est même une loi très politique, sous plusieurs rapports. Au surplus, la quantité des bestiaux que chacun pourra faire conduire au pâturage, sa propriété non close, modifiera avec justice cette partie du décret.
Dans le cas où il y aura un titre autre que l'usage, qui forcera un champ clos à être un lieu de parcours, réciproque ou non, il faudra encore, selon vos comités, que ce droit soit rachetable à dire d'experts. Enfin, pour produire tout l'effet désiré, vt)S comités vous proposeront de favoriser les échanges ; ce sont elles qui feront disparaître l'entrelacement des terres, concourront a l'économie de l'exploitation et à l'indénendance des propriétés entre elles. Le moyen ae les multiplier est de ne les assujettir à aucun droit de l'enregistrement des actes, excepté pour la somme de retour dans l'échange.
Quant à la vaine pâture, née dans des siècles différents du nôtre, lorsque la France était moins peuplée et moins cultivée, elle put être autrefois sans inconvénient; mais les propriétés s'étant entrelacées, la population ayant augmenté, les habitations s'étant multipliées et rapprochées les unes des autres, les lois doivent rectifier ce qui, sous l'apparence d'un petit bien particulier, produit un grand mal général, en entravant l'agriculture. Le Corps législatif ne doit donc admettre aujourd'hui la vaine pâture qu'avec des restrictions ; elles se bornent à laisser au conseil général de la commune des pays de vaine pâture le droit d'assigner chaque année les cantons, les terres et les saisons où il sera permis à tous les habitants pauvres de la municipalité, de conduire les bestiaux au pâturage, dans les héritages non clos; ainsi, ce qu'il y a de vicieux dans cet usage disparaîtra sans convulsions ; ce qui en est bon sera conservé; l'intérêt de l'agriculture et celui des pauvres se concilieront avec les diverses localités.
Les communaux, se trouvant liés nécessairement au pâturage et aux parcours, seront le sujet de la section cinquième : nous avons cru, dans cette question délicate, devoir écarter toutes lois prématurées. Il est des moments où il ne faut s'avancer vers l'utilité générale, qu'escorté de la précaution, où il convient d'attaquer l'abus, plutôt avec la lime qu'avec la hache.
Un décret qui détruirait tout à coup les communaux produirait une commotion trop vive, embarrasserait extrêmement les communautés qui ont beaucoup de bestiaux, et les cultivateurs qui, dans leurs exploitations, ont compté sur cette ressource, et n'avaient pu prévoir le nouvel ordre de Choses. Il est prudent et patriotique,en laissant agir l'esprit public sur 1 intérêt particulier, de soumettre la conversion de ces propriétés communes en propriétés particulières, aux soins des assemblées administratives qui, sans se rebuter par les difficultés de l'exécution, régleront leur activité, et les instructions qu'elles donneront sur les localités et les circonstances. C'est d'après ces réflexions, Messieurs, que vos comités ont été persuadés que les lois coercitives sur cette matière n'étaient point encore de saison, et qu'elles devaient être réservées à la sagesse des législatures, et au moment où la France entière, accoutumée à la liberté et à sa nouvelle gloire, respirera, sans nulle inquiétude, dans Tordre et la paix. (Applaudissements.)
Mais, vu la réclamation et le vœu unanimes de plusieurs centaines de municipalités qui demandent à partager des communaux, vu les actes de
violence et d'injustice qui ont été commis dans quelques-unes, vos comités ont pensé qu'il ne serait point du caractère du corps constituant, de ne pas manifester vers quel but la législation doit tendre, de ne pas faire connaître qu'il regarde les communaux comme destructeurs de l'agriculture et de la population, comme un droit de parcours, et un droit de vaine pâture réunis, dans leurs effets, pour produire la stérilité et ne point payer de subsides.
Vous pouvez ne pas tout [réformer, mais vous ne devez déguiser aucune vérité utile ; vos opinions manifestées sont des germes créés par le patriotisme, et qui seront fécondés par la reconnaissance : l'Assemblée nationale ne peut dissimuler à la nation ce que l'observation et l'expérience ont appris à tous les yeux qui savent voir ; ce serait avoir peu approfondi celte matière, que de croire que les troupeaux seront moins nombreux en France par le partage des communaux qu'ils ne le sont aujourd'hui. Les communaux partagés seront cultivés : la culture augmente les productions et nécessairement aussi le nombre des troupeaux d'une et d'autre espèce.
Ce que j'avance est prouvé par l'exemple de l'Angleterre, de la Prusse, des provinces de Frauce où il n'y a point de communaux, et qui sont les plus florissantes. La seule précaution que l'état de notre agriculture exige à l'égard des communaux, est que le Corps législatif ne mêle point trop de son autorité à leur partage, que son opinion connue tende à dégoûter de les conserver, et que ses décrets se contentent d'empêcher que le partage n'en soit injustement fait.
Si vous considérez ensuite, Messieurs, les communaux sous le rapport moral, vous serez encore plus convaincus de leurs funestes effets. Les communaux étendus annonc°nt le plus souvent un pays misérable. Ils portent l'habitant à l'inertie et le retiennent dans l'indigence : le malheureux qui s'arroge le droit de dévaster les bois communs, et par extension les bois particuliers, qui jouit en même temps du droit d'errer avec de maigres bestiaux sur des prés et des landes où l'herbe n'a pas le temps de naîire, est presque toujours un fainéant, et quelquefois un homme à qui il ne manque que l'audace ou l'occasion pour être dangeieux. Trompé par les faibles ressources que les communaux lui offrent, la prévoyance n'éveille jamais en lui l'activité : né miséiable, il reste tel; pour lui la vieillesse et les infirmités n'attendent point l'âge. Il n'a servi qu'à peupler la terre de mendiants et d'infortunés ; il en disparait sans éprouver des regrets et sans en laisser après lui. Il s'éteint dans une indifférence absolue, parce que toute sa carrière a été sans action, sans sentiment et sans utilité. (Applaudissements. )
Ce n'est pas là l'existence que l'Assemblée nationale veut perpétuer ; il est donc digue d'elle d'annoncer qu'elle reconnaît que les communaux sont contraires, dans leurs effets, à l'équité, à la culture, à une bonne administration. Il est bon que l'Assemblée nationale fasse pressentir que, comme incultes et inutiles, ils sont, en ce moment, l'objet de l'indulgence de la loi, et que, comme appartenant à une confusion de volontés et d'actions, ils sont encore l'objet de son inquiétude.
Il est inutile de rechercher à quelle époque ils ont commencé, s'ils ont ou non précédé la monarchie, s'ils sont ou ne sont pas des concessions Volontaires des rois, ou des ci-devant sei~
gneurs, ou si des peuplades, formant une réunion d'habitations, ne se sout point emparées des terres vagues adjacentes. Laissons les commentateurs de l'histoire se perdre en conjectures dans la nuit des temps. Faisons des dispositions qui ménagent les divers intérêts, et marchons à l'utilité générale, éclairés du flambeau de la raison.
Il est prouvé que les pauvres ne jouissent point des communaux, et que la nation collectivement n'en retire presque aucun avantage. Les pauvres n'ont pas le moyen d'acheter des bestiaux; les petits propriétaires en ont peu ; les grands propriétaires et leurs fermiers sont les seuls qui aient de nombreux troupeaux, sont les seuls qui jouissent habituellement de ces terrains, sont les seuls qui en soient de fait les véritables possesseurs.
Le pauvre habitant, par leur partage, obtiendra une petite propriété, et par les dessé he-ments ou les défrichements, il trouvera, de plus, du travail dans la propriété nouvelle de ses co-partageants. Voilà le bien véritable que vous pouvez faire, Messieurs, aux pauvres habitants des campagne-". Cette opération sera également avantageuse à la nation ; elle retirera pir la suite une imposition proportionnée au revenu net de ces terrains mis en valeur, et rendus au commerce. Leur partage et leur culture diminueront la somme des impositions des autres propriétaires, et l'augmentation des productions fera baisser le prix des denrées.
J'ai eu l'honneur de vous dire, Mesaipurs, qu'une infinité de municipalités demandent le partage des communaux. Vous vous doutez que les habitants, qui ont une nombreuse famille, demandent que le partage ait Ii u par tête ; que les petits propriétaires, qui ont peu d'enfan s, désirent qu'il soit fait par feux, et que l'intérêt des grands propriétaires serait qu'il s'exécutât uniquement au marc la livre des contributions foncières.
Le moyen de rapprocher des intérêts si opposés est de faire entrer dans la balance les contributions, les feux et les têtes. On a proposé à vos comités un mode par lequel les feux deviendraient la base d'un partage qu'on modifierait ensuite, en disant qu'un lertam nombre d'enfants ou un certain taux de con ribmions équivaudrait à un feu de pl is, et que le tout ainsi concourrait progressivement au partage. Ce parti ménagerait les grands prop iétairesy nuirait pu à l'exploitation actuelle de leur-? fermiers, et cependant il n'est si pauvre hibiiant et propriétaire, ou domicilié ou externe, qui ne fût dans le cas d'avoir une petite portion du communal.
Cependant vos comités ont préféré un antre mo ib de partage qui leur paraît plus simple encore, et qui, étant dans le même principe que le précèdent, est encore moins compliqué dans l'exécution. Cest de diviser le pariage d'un communal en deux parties égiles, et qu'une moitié soit partagée par têie d'habitant; l'autre moitié au marc la livre de la contribution foncière; et d'ajouter que chaque enfant donnera une part de pins dans le partage par tète. Aucune i' justice ne se présente ici. On dote toute la génération actuelle et on transige ainsi avec la postérité. On rend à l'indigence ce qu'elle a droit de réclamer. On laisse à Ja propriété ce qui lui appartient. On part de ce grand principe, qu'il faut être scrupuleusement juste envers les pauvres et exactement juste envers les riches,
parce que le pauvre n'a la propriété de son salaire et de ses simples vêtements, qu'au même droit que le riche conserve ses trésors, qu'au droit de la loi. Par l'adoption de ce mode de partage, les pauvres, les habitants, les fermiers, les propriétaires domiciliés ou externes, ceux qui ont beaucoup d'enfanis, ceux qui ont de grandes exploitations* tous ont une portion du communal, en proportion de l'utilité dont ils sont à la patrie.
Vos comités, Messieurs, vous proposeront de plus de soumettre cette division à la surveillance des assemblées administratives, qui ne pourront l'autoriser que d'après le vœu du conseil général de la commune, énoncé à la majorité absolue, sur la pétition des habitants ; ainsi le communal ne se partagera en totalité ou en partie, ne se vendra, ne s'amodiera que de la volonté des intéressés, et ils seront seulement obligés, quand ils auront cette volonté, de se conformer au mo le de pariage le plus équitable, que vous adoperez.
Mais, si le conseil général de la commune croit qu'il est plus avantageux de les vendre ou de les aSFermer, que de les partager, l'argent sera placé ou employé pour le plus grand avantage de la communauté, et les individus n'en pourront rien exiger personnellement. Vos comités ont regardé cette condition comme propre à faire prendre aux communautés un parti plus sage sur le partage, la vente ou l'amodiation de ces terrains, comme tendant à moins déshériter la postérité des habitants, et comme faite, ainsi que vos décrets sur l'exemption d'imposition accordée aux des-échements et aux défrichements, pour exciter à partager, plutôt qu'à vendre, les terrains qui seront de nature à être, cultivés. Néanmoins, en laissant une grande latitude aux volontés des communes, vos comités ont craint la destruction des bots, et ils ont établi qu'ils seront provisoirèmcni exceptés du partage de la vente et île I a nodiation, et que, dans tous les cas, ils seront soignés, repeui-lés et gardés.
Vos comités ont craint aussi que le partage des mont ignés et des ter ains, qui ne seraient pas cultivés avec avantage, n'en amenât le défrichement, et ils en ont encore fait une exception.
Les récoltes, dont le seul nom exprime tonte l'importance, fixeront votre attention après les communaux. Vos comités, pénétrés du respect qui est dû aux pro lue ions du sol, qui satisfont aux premiers besoins des hommes, et qui varient leurs subsistances et leurs joui-sances na-turelles ont rassemblé dans la rixiôme se tion toutes les lois qui peuvent protéger les fruits de la terre, depuis l'instant où ils donnent des espérâmes, jusqu'à celuioùils comblent les vœux du l iboureur.
Dans cette section, le glanage, cette propriété concéié- à l'indigence par l'humanité, et qui n'est même qu'une iréléteme accordée aux hommes sur les animaux, seia dirigé, par des principes justes, soulagea les pauvres se ils, et ne s* ra plus détourné, de sa véritable destination.
La septième section renfermera ce qui concerne les communications nécessaires à l'agricu ture et au commerce, la facilité des transports et des secours de village à village, les abus des sentiers de traverse dans les campagn s, les moyens d'entretenir les chemins vicinaux dans un état qui, sans devenir trop coûteux, en puisse permettre l'usage.
La dernière partie de ce travail présentera le
le moyen d'exécuter les autres : elle traite de la manière dont la police des campagnes sera exercée: Vos comités ont répété, d'après vos décrets, Messieurs, que le juge de paix et ses assesseurs seront les chefs de cette police, soutenue parles officiers municipaux et la gendarmerie nationale ; mais vos comités ont jugé indispensable, pour seconder les officiers municipaux, d'établir des gardes champêtres dans les municipalités. Ils seront nommés chaque année au printemps, à la majorité absolue des voix du conseil général de la commune. Ils rempliront, mais toute l'année, les fonctions des anciens gardes messiers, connus presque partout. Plusieurs municipalités peu étendues pourront se réunir pour n'en avoir qu'un. Leur nomination, leur responsabilité, leur salaire et les amendes feront les objets des divers articles.
Les amendes, ajoutées à la réparation du dommage dénoncé par le garde champêtre, ne s'élèveront qu'extraordinairement au-dessus de la valeur de 3 journées de travail, au taux du pays; et elles seront, le plus souvent, bornées à la valeur d'une seule journée. 11 est prouvé que les sortes d'amendes produisent ou de plus grands délits ou l'impunité. 11 suffit que l'amende atteigne l'homme de la campagne, pour le rendre circonspect. Sous l'empire de la liberté, il ne faut pas, comme on l'a dit trop souvent, que les lois soient sévères : ce qu'il importe, c'est que, respirant l'humanité, leur vigilance soit sans cesse active, et leur prononcé sans pardon. Les lois rurales, surtout, doivent briller par ce caractère.
Tels sont, Messieurs, les objets importants qui composent les 8 sections du projet de décret qui suit, auxquelles vos comités ont cru qu'il serait utile d'en joindre une neuvième qui vous sera présentée," et qui traitera des prix d'encouragement, donnés en nature, des fêtes champêtres, et des moyens de provoquer des conférences,entre les cultivateurs, et d'étendre ainsi les lumières et les observations pratiques de la bonne agriculture. Si le temps qui vous entraîne, Messieurs, ne vous permettait pas de vous occuper du projet de décret en entier, qui aurait cependant l'avantage de lier, par toutes leurs relations, les hommes de la campagne à vos travaux, vos comités vous prieraient instamment de décréter au moins, sans différer, les articles constitutionnels (A gauche : Tous ! tous I) qui sont en très petit nombre, et qui sont les bases éternelles de la .liberté rurale. (.Applaudissements.)
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
SECTION I.
Des principes généraux sur la propriété territoriale.
« Art. 1er. Le territoire de laFrance, dans
toute son étendue, est libre, comme toutes les personnes qui l'habitent.
Toute propriété territoriale ne peut êlre sujette envers les
particuliers, qu'aux,redevances et aux .charges dont la convention n'est
pas défendue par la loi; et envers la nation, qu'aux contributions
publiques établies par le Corps législatif, et au sacrifice que peut
exiger l'intérêt générai, sous la condition d'une juste et préalable
indemnité.
« Art. 2. Les piopriétaires sont libres de varier à leur gré la culture, l'exploitation et les productions de leurs terres, et de disposer dés
fruits dans l'intérieur du royaume, et au dehors, en se conformant aux lois d'exportation.
« Art. 3; Tout propriétaire pourra obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contigués, à moitié frais.
SECTION II.
Des propriétés rurales et des habitations.
« Art. 1er. La durée et les clauses des baux
des biens de campagne seront purement conventionnelles : ne pourront,
cependant les tuteurs, curateurs et .usufruitiers, faire des baux de
plus de dix années.
« Art. 2. Dans un bail de six années et au-dessous, fait après la publication du présent décret, quand il n'aura pas été statué sur la clause du changement de propriétaire, la résiliation du bail iraura lieu que de gré à gré.
« Art. 3. Quand il n'aura pas été statué sur la clause du changement de propriétaire, dans les baux de plus de 6 années, le nouveau propriétaire pourra en exiger la résiliation, sous la condition de cultiver lui-même sa propriété ; mais en dédommageant au préalable le fermier, à dire d'experts, des avantages qu'il aurait retirés de son exploitation, continuée jusqu'à la fin de son bail d'après le prix de la ferme et d'après les avances et les améliorations qu'il aurait faites à l'époque de la résiliation.
« Art. 4. Celui qui voudra se clôre d'un mur dans les campagnes sera tenu de l'élever en entier sur son propre terrain ; mais si le propriétaire voisin en veut tirer une autre utilité que celle de la clôture, il payera, à celui qui l'aura bâti en proportion de la partie dont il fera usage, la moitié de la valeur actuelle du mur, et la moitié de la valeur du terrain où il sera construit.
« Art. 5. Toute haie plantée à l'avenir, à moins qu'elle ne soit rendue commune de gré à gré, sera deux pieds en dedans du terrain du plan-leur, qui ne pourra la laisser s'élargir de manière à nuire à l'héritage voisin, et nul fossé ne sera à moins de distance d'un terrain étranger que de dix-huit pouces, et avec un glacis intérieur.
« Art. 6. Les officiers municipaux seront tenus de faire, dans leurs paroisses, la visite des fours et cheminées, après qu'elle aura été annoncée au prône, et ils veilleront en général à la salubrité, à la sûreté et à la tranquillité des campagnes.
« Art. 7. Nul agent de l'agriculture ne pourra être arrêté dans ses fonctions agricoles extérieures, excepté pour crime, avant qu'il ait été pourvu à la sûreté des bestiaux servant à son travail ou confiés à sa garde; et il y sera toujours pourvu immédiatement après l'arrestation, et sous la responsabilité de ceux qui l'auront exécutée.
« Art. 8. Aucuns meubles et ustensiles de l'exploitation des terres et aucuns bestiaux servant au labourage ne pourront être saisis ni vendus pour cause de dettes, si ce n'est par la personne qui aura fourni ces ustensiles ou ces bestiaux, ou pour l'acquittement de la créance du propriétaire vis-à-vis de son fermier; et ce seront toujours les derniers objets saisis, en cas d'insuffisance d'autres effets mobilier?.
« Art. 9. Les ruches, à défaut d'autres objets, ne seront également jamais saisies pour dettes
que par le vendeur ou le propriétaire vis-à-vis de son fermier; encore est-il déf.ndu de troubler les abeilles dans leurs courses et leurs travaux; en conséquence, une ruclie, même saisie, ne pourra être déplacée que dans les mois de décembre, janvier et février.
« Art. 10. Le propriétaire d'un essaim aura le droit de le réclamer et de s'en ressaisir, tant qu'il n'aura point cessé de le suivre; autrement il appartiendra au propriétaire du terrain sur lequel il sera posé.
«Art. 11. Les vers à soie sont aussi insaisissables durant leur éducation, ainsi que la feuille de mûrier qui leur est nécessaire.
« Art. 12. L s arbres fruitiers à haute tige, comme châtaigniers et noyers, et les arbres de futaie, tels que les chênes, ormes et a i très ne pourront à l'avenir être plantés à moins de quatre toises de distance d'un terrain étranger, si ce n'est d'un commun accord entre les propriétaires. Les arbres fruitiers ou ceux qui, comme les peupliers, donnent peu d'ombrage, pourront n'en être éloignés que de deux toises.
« Art. 13. Sur la réquisition du propriétaire qui aura à se plaindre dune plantation faite contre les règles énoncées dans l'article précédent, les arbres seront enlevés, mais s'ils sont restés plantés durant un an, san3 que la réclamation légitime ait été signifiée, l'acquiescement sera censé donné.
« Art. 14. L 'S cultivateurs des biens ruraux seront tenus de faire écheniller une fois par an les arbres fruitiers de leurs jardins ou de leurs vergers, et les haies à la proximité de moins de deux toises des héritages qui ne leur appartiennent point, sous peine d'un sou d'amende par pied d'arbre ou par toise de haie.
« Art. 15. Toute personne qui aura allumé du feu dans les champs plus près que 25 toises des maisons, bois, vergers, haies, meules degrain, de paille ou de foin, sera conduite à la maison d'arrêt, y restera 3 jours, et payera une amende de la valeur de 6 journées de travail au taux du pays fixé par le directoire du département, nonobstant le dommage, s'il y en a.
« Art. 16. Les dégâts que les animaux domestiques de toute espèce, soit à l'abandon, soit à garde faite, pourraient occasionner sur les propriétés d'autrui, seront payés par les personnes qui auraient la jouissance ou la conduite de ces bestiaux, et il y sera satisfait, même par la vente des bestiaux, s'ils ne sont pas réclamés, ou que les dégâts n'aient pas été payés dans la huitaine.
SECTION III.
Des irrigations et du cours libre des eaux.
« Art. lor. Nul ne peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière : ainsi les propriétaires riverains peuvent, en vertu du droit commun, et nour leur intérêt personnel, y faire des prises d'eau, sans néanmoins en détourner, ni embarrasser le cours d'une manière nuisible au bien général et à la navigation établie.
« Art. 2. Tout particulier a droit de donner à la source qui jaillit sur son terrain, ou aux eaux artificielles qu'il a rassemblées, tel cours qui lui est utile, ainsi que de faire à sa volonté des fossés dans sa propriété, pour modérer, accélérer ou détourner le cours de ces eaux.
« Art. 3. L'eau d'aucune fontaine publique ne doit être altérée et l'on ne fera rouir le chanvre dans aucune eau vive et courante.
« Art. i. Les moulins et usines ne pouront être établis sur aucun Cours d'eau commun, sans le consentement préalable du directoire du département, donné après l'avis du directoire du district, qui aura entendu la municipalité ; un décret du Corps législatif sera nécessaire si le cours des eaux,sur lequel on voudra former l'établissement, est du nombre de celles qui seront considérées comme propriété nationale.
« Art. 5. Le consentement du directoire du district et les observations de la municipalité seront également nécessaires, avant qu'un particulier puisse faire un étang d'eaux stagnantes de plus de 3 arpents d'étendue, mesure d'ordonnance, ou cultiver dans la même étendue le riz par submersion.
« Art. 6. Les propriétaires et fermiers des moulins et usines construits ou à construire, seront garants de tous les dommages que la trop grande élévation de leur déversoir causerait, et ils seront forcés de les tenir à une hauteur qui ne nuise à aucune propriété et qui sera réglée par le directoire du département.
« Art. 7. Les propriétaires riverains des ruisseaux les entretiendront dans leur libre cours, chacun devant soi.
« Art. 8. Chacun d'eux pourra faire usage de l'eau pour l'arrosement pendant la quantité d'heures déterminée par la municipalité, et d'après l'étendue de la partie de son terrain bordée par les eaux, dans les lieux où cette division est consacrée par l'usage.
« Art. 9. Il ne sera libre à aucun propriétaire de détruire le gué d'une rivière sans le consentement des corps administratifs.
SECTION IV.
Des troupeaux, du parcours et de la vaine pâture.
« Art. 1er. Chaque propriétaire sera libre
d'avoir chez lui telle quantité et telle espèce de troupeaux qu'il
croira utile à la culture et à l'exploitation de ses terres, et de les y
faire pâturer exclusivement, pourvu qu'il ne cause aucun dommage à
autrui.
« Art. 2. Le droit de clore ou de déclore les héritages appartiendra à tous les propriétaires, l'Assemblée nationale abrogeant toutes les lois et coutumes qui portaient, a cet égard, une atteinte à la propriété et à la liberté.
« Art. 3. La clôture affranchira un héritage du droit de parcours réciproque ou non récipro-ue entre particuliers, si ce droit n:'est pas ion-é sur un titre. Toutes les lois et usages contraires sont abolis.
« Art. 4. Entre particuliers, tout droit de parcours, même dans le» bois, sera rachetable, à dire d'experts, suivant l'avantage que pouvait en retirer celui qui avait ce droit, s'il n'était pas réciproque, ou après avoir pris en considération le désavantage qu'un des propriétaires aurait à perdre la réciprocité, si elle existait. Le cautionnement dans les bois, au lieu du rachat, ne pourra avoir lieu que de gré à gré.
« Art. 5. L'acquéreur des bois ou des biens nationaux qui se trouveraient grevés de cette servitude, en sera affranchi : le Corps législatif déterminera, d'après les observations des corps administratifs, et sur le rapport des experts,
dont un sera nommé par le procureur syndic du directoire de district, et l'autre par la partie intéressée, quel dédommagement sera dû aux communautés ou aux particuliers qui jouissaient de ces droits.
« Art. 6. Le parcours général dans une municipalité, soit fondé sur un titre, soit simplement établi sur un usage non contesté, pourra subsister provisoirement dans les départements où Tentrelicement des propriétés ou d'autres causes le rendent maintenant indisi ensable.
« Art. 7. Chaque propriétaire cependant aura le droit de soustraire son héritage au parcours général en le closant d'une haie vive où sèche ue palissades ou d'un fossé suffisant pour en défendre l'entrée, ou de toute autre manière locale, dans les endroits où il y en aurait d'établie par l'usage.
« Art. 8. Dans aucun cas le parcours général ne pourra s'exercer sur les prairies artificielles, et sur aucune terre ensemencée ou plantée de quelque production que ce soit.
« Art. 9. Partout où les prairies naturelles sont sujettes au parcours général, elles seront défendables depuis ie premier février jusqu'au premier novembre.
« Art. 10. Les communautés qui ont le droit de parcours les unes sur les autres jouiront de tous les mêmes droits que les particuliers entre eux, en se soumettant aux condi'ions expliquées dans les articles 3 et 4 de la présente section.
« Art. 11. Tous particuliers dont les buis seraient assujettis envers une communauté à un droit de parcours fondé sur un titre ou sur un usage non contesté, seront les maîires de l'obliger, à leur choix, soit àu cautionnement, soit au rachat, sauf l'exception suivante.
« Art. 12. Si, d'après les observations de la communauté, adressé s auxcorps administratifs, il était constaté que l'exercice de ce droit de rachat, de la part du propriétaire, contrarierait l'intérêt de l'agriculture, en soustrayant trop subitement une étendue considérable de terrain à la pâture, le dir ctoire de départeu ent pourrait, ans ce ca- seul, et pour dix ans seulement, ordonner que la communauté ne serait obligée qu'au cannmnemeni.
« Art. 13. Si te rachat du droit est préféré au cantonnement, l'emploi des deniers sera fait con-formémen aux dispositions de l'article 10 de la SeC'ion suivante.
« Art. 14. Le droit de parcours dans les bois, de communauté à communauté, dj communautés à particuliers, de particu iers, vis-à-vis l'un ae l'autre, ne pourra jamais être exercé, même provisoirement, quel qu'en soit le.titre, que dans les bois hors de garue.
« A t. 15. Dans les municipalités où l'usage du troupeau en commun existe, tout p'opriéiaire ou fermier sera maître de faire garder ton troupeau sé| art ment; mats il n'aura le droit d'envoyer en troupi au séparé, sur les champs sujets au par-cour général, que la quantité de bestiaux qu'il y en enverrait d.ms le troupeau commun, et cttie quantité Sera déterminée, dans chaque municipalité d'après l'étendue et la bonté des terres non closes.
« Art. 16. Quand un propriétaire aura clos une partie de sa propriété, il sera réglé par le conseil général de la commune, en proportion de l'étendue de la renclôture, comnien ce propriétaire enverra de moins de bêies de bétail d ns le troupeau en commun, ou dans son troupeau séparé, suf les terres soumises au parcours général. S'il
dosait toute sà propriété, son droit au parcours serait anéanti.
« Art. 17. Dans les cantons où l'usage a conservé la vaine pâture aux bestiaux des pauvres domiciliés, qui n'ont point de terres, le conseil général de la commune décidera et fera annoncer chaque année quelle quantité de bestiaux ces domiciliés pourront envoyer à la vaine pâture, quelles parties de son arrondissement, quelles terres en seront l'objet, en quelle saison les bestiaux pourront aller dans les unes et dans les autres; enlin quelles précautions chacun de ces domiciliés sera obligé de prendre pour que les tr.on petits troupeaux à part ne puissent pas nuire aux champs ensemencés.
« Art. 18.L'usageétabli dans quelques localités de râteler les prés, à tirer du glanage de l'herbe, ne pourra être exercé qu'après l'enlèvement total de la récolte.
« Art. 19. Par la nouvelle division du royaume, si quelques sections de paroisse se trouvaient réunies à des paroisses soumises à des usages différents des leurs, soit le parcours, soit la vaine pâture, soit le troupeau en commun, la plus petite partie dans la réunion suivra la lui de la plus grande, et les corps administratifs décideront à l'amiab'e des contestations qui naîtraient à ce sujet. Cependant, si une propriété n'était point en i relacée dans les autres, et qu'elle ne eénât point le droit provisoire de parcours, auquel elle n'était point soumise, elle serait exceptée de cette règle.
« Art. 20. Les propriétaires ne pourront être empêché-! de transporter leurs troupeaux d'une paroisse sujette au parcours, où ils ne résinent pas,etoû i'sont néanmoins des terres qui ne sont point affermées; toutefois ils ne pourront les faire pâ'urer que sur leur propriété, ou mettre dans le troupeau commun, que le nombre de têtes de bétail autorisé par l'usage ou la convention.
. « Art. 21. Les échanges de terres qui, à ce moyen, deviendront coritiguës aux héritages d'un même propriétaire, et contribueront ainsi à la commodité et à l'économie de IVxploitati'»n, ne seront soumis à aucun droit envers le Trésor public, excepté pour la somme qui pourra être donnée en retour.
« Art. 22. Aussitôt qu'un propriétaire aura un troupeau malade, il sera tenu d'en faire Sa déclaration à la municipalité, et elle assigne'a sur le terrain du parcoursgénéral un espace où il pourra faire pâturer son troupeau exclusivement, jusqu'à parfaite guérison.
« Art. 23. Un troupeau atteint de maladie contagieuse, qui sera rencontré au pâturage sur les héritages d'autrui, ou sur les terres du parcours géréral, autres que celles qui auront été désignées pour lui seul, sera saisi par les gardes champêtres, et pourra l'êire par toute personne; il >era ensuite mené au lieu du dépôt désigné à cet eflet par la municipalité.
« Art. 24. Le maître de ce troupeau sera condamné à une amende dé la valeur d'une journée de travail, au taux du pays, par tête de bêtes à laine, et à une amende triple par tête d'autre bétail; il répondra en outre du dommage qui pourra être occasionné par la communication de la maladie.
« Art, 25. Le cultivateur qui aura des chèvres ne pourra les mener aux champs, qu'attachées, dans bs pays où elles ne sont pas rassemblées et conduites en grands troupeaux.
« Art. 26. Lorsqu'elles feront du dommage aux
arbres fruitiers, bois, haies, vignes et jardins, le cultivateur à qui elles appartiendront, en outre de la réparation du dommage, payera une amende de la valeur d'une journée de travail par tète du troupeau.
« Art. 27. Les assemblées administratives emploieront constamment les moyens de protection et d'encouragement qui seront en leur pouvoir, pour la multiplication des bestiaux de pure race étrangère, qui seront utiles à l'amélioration de nos troupeaux de toute espèce.
« Art. 28. Ces assemblées encourageront les habitants par des récompenses, suivant les localités, à la destruction des animaux malfaisants qui peuvent ravager les troupeaux.
SECTION V.
Des communaux.
« Art. 1er. Les officiers municipaux et le
conseil général de la commune sont spécialement chargés, sous la
surveillance du directoire de district et l'autorité du directoire de
département, de chercher à tirer le meilleur parti des communaux, pour
l'avantage de toute lacommunauté,par leur partage volontaire ou leur
vente, ou leur amodiation, ou par la bonification de leur culture.
« Art. 2. Dans les communautés, en en exceptant provisoirement les bois, ainsi que les terrains inontueux et trop inclinés, et ceux où trop peu de terre recouvre des rochers dont le défrichement serait contraire à la prospérité de l'agriculture, pourront être partagés, vendus on affermés, soit en partie, soit en totalité, d'après la pétition de la commune; son vœu ne sera manifesté légalement qu'à la majorité absolue du conseil général. Le partage n'aura son effet qu'après la demande qu'il en fera, l'avis du directoire du district et l'autorisation du directoire de dépar-ment.
« Art. 3. Dans les communautés où le partage sera décidé légalement, il se fera moitié par tête, moitié au marc la livre des contributions foncières.
« Art. 4. Seront admis au partage par tête, tous les habitants, soit-propriétaires, soit fermiers, métayers et locataires, pères ou mères de famille, domiciliés dans la paroisse depuis 2 ans à compter de la publication du présent décret. Le père ou la mère de famille, indépendamment de sa part, aura droit, comme tuteur, à une part de plus par tête d'enfant; pour tous les mineurs qui ne seraient pas en puissance de père ou de mère, le même droit sera exercé par leurs tuteurs ou curateurs.
« Art. 5. Les propriétaires externes et ceux qui n'auraient que des terres sans habitations auront droit au marc la livre de leurs contributions foncières, seulement dans la moitié assignée aux propriétaires mais non dans celle des habitants qui ne sera partagée que par les domiciliés propriétaires ou non, comme il est dit à l'article précédent.
« Art. 6. Les parts seront tirées au sort, et si elles sont échangées par convenance, elles ne seront soumises à aucun droit d'échange; dans tous les cas le partage des communaux sera affranchi du droit d'enregistrement des actes.
« Art. 7. Il ne sera pas nécessaire de partager, en autant de parties que de têtes, chaque morceau séparé des communaux d'une même muni-
cipalité; il suffira que dans la totalité le partage se trouve justement proportionnel.
« Art. 8. Quand un communal sera dans le cas d'être vendu, autrement qu'en rente foncière, le conseil général de la commune pourvoira, sous l'autorisation de l'assemblée administrative, au placement de la somme de la vente.
« Art. 9. Les revenus communaux résultant, soit d'une vente faite, soit d'une amodiation, appartiendront à la commune en corps, et non aux individus, qui ne pourront en réclamer person-nellemement aucune part.
« Art. 10. Si des communaux avaient été légalement donnés aux paroisses, sous des conditions particulières énoncées dans les actes, ces conditions seront prises en considération et exécutées en cas de partage.
« Art. 11. Jusqu'au partage des communaux, nul habitant n'a le droit de s'approprier individuellement la moindre partie de ces terrains, de les clore, de les défricher. Les habitants qui commettraient cette usurpation seraient dépouillés du terrain, perdraient leurs frais, leur récolte et le droit qu'ils auraient au partage.
« Art. 12. Tant qu'il existera des communaux, les propriétaires ou fermiers ou habitants ne pourront y envoyer, sans le consen'ement de la communauté, un plus grand nombre de bestiaux que celui permis par les ordonnances, ou par la convention que la majorité des voix du conseil général de la commune autorisera.
SECTION VI.
Des récoltes.
« Art. 1er. La municipalité du lieu pourvoira
à faire serrer la récolte d'un fermier, d'un habitant ou d'un
propriétaire infirme ou aûcideniell^-ment hors d'é at de la faire
lui-même ; elle aura soin qne cet acte de la protection de la loi et de
la fraternité soit exécuté aux moindres frais possibles.
« Art. 2. Si quelqu'un coupe des blés en vert ou détruit d'autres productions de la t'jrre, avant leur maturité, il payera, en dédommagement, au propriétaire; une somme é^ale à la valeur que l'objet aurait eu dans sa maturité; il sera condamné à une amende égale à la somme du dédommagement, et il sera détenu 3 jours à la maison d'an êt.
« Art. 3. Personne n'entrera dans les blés en tuyau, ni dans les autres récoltes pendantes, si ce n'est le propriétaire, sous peine de payer le dommage et une amende de la valeur d'une journée de travail, au taux du pays.
« Art. 4. Le glanage sera conservé dans Ipb lieux où il est d'usage pour les femmes, les vieillards, les enfants, les infirmes pauvres de la commune; les hommes valides, quoique pauvres, ne pourront être admis à profiter ae ce secours qu avec une permission signée de la municipalité.
« Art. 5. Les glaneurs ou glaneuses n'entreront dans les champs moissonnés et ouverts qu'après l'enlèvement des gerb s, sous peine de confiscation de leurs glanes; le glanage leur est interdit dans les terrains clos, sous peine d'une amende jointe à la confi-cation.
« Art. 6. Défenses sont faites aux pâtres ou bergers de mener les troupeaux d'aucune espèce dans les champs moissonnés et ouverts, que 4 jours après la récolte, sous peine d'une amende
elle sera triple, en outre delà réparation du dommage, si les bestiaux ont pénétré dans un champ clos.
« Art. 7. Le chaume tenant à la terre par les racines ne pourra être arraché et enlevé que par le propriétaire ou ceux qui seront à ses droits.
« Art. 8. Les vignes sont défensables en tout temps, et pour toute espèce de bestiaux.
« Art. 9. Chacun sera libre de vendanger au moment qui lui conviendra; on ne pourra entrer dans les vignes ouvert s pour y grappiller, que 24 heures après que le raisin en sera enlevé, ou qu'à l'époque déterminée par la municipalité.
« Art. 10. Ceux qui voleront des productions de la terre, qui peuvent servir à la nourriture des hommes ou des animaux domestiques, soit dans les clos, soit dans les champs ouverts, seront mis 3 jours à la maison d'arrêt et payeront une amende de la valeur de 3 journées de travail au taux du pays, en outre du dédommagement dû au propriétaire.
« Art. 11. Le vol, la rupture ou l'incendie des instruments de l'exploitation des terres qui aurait lieu dans les champs clos ou ouverts, sera puni de peines doubles ae celles portées dans l'article précédent.
« Art. 12. S'il y a récidive, ou si l'incendie a détruit des blés, eu d'autres productions utiles de la terre, le coupable sera jugé suivant les lois criminelles.
« Art. 13. Les propriétaires des bois et bouquets où. il y aura des lapins seront obligés de les détruire à la réquisition de la municipalité ou des cultivateurs des champs voisins, et ils seront tenus de se conformer, pour les grands arbres qui sont à la lisière, aux conditions expliquées dans les articles 12 et 13 de la deuxième sectiou du présent décret.
« Art. 14. Nulle autorité ne pourra suspendre ou intervertir les travaux de la campagne dans les opérations de la semence et des récoltes.
SECTION VII.
Des grandes routes, des chemins vicinaux et des sentiers.
« Art. 1er. Les agents de l'administration ne
pourront faire fouiller dans un champ pour y chercher des pierres ou du
sable nécessaires a l'entretien des chemins, qu'au préalable ils n'aient
averti le propriétaire.
« Art. 2. Le propriétaire sera justement etçréala-blement indemnisé des matériaux qu'on lui enlèvera, et de tout le dommage qui sera causé à sa propriété, conformément à l'article 2 de la première section.
« Art. 3. Les plantations des grandes routes seront faites sur les côtés du chemin, et non sur les champs voisins; et entre les champs et les arbres, il y aura toujours un fossé de six pieds de largeur.
« Art. 4. Les chemins vicinaux, reconnus par le directoire du district pour être nécessaires à la communication des paroisses, seront rendus praticables et entretenus aux dépens des communautés sur le territoire desquelles ils passent; il pourra y avoir à cet effet une imposition au marc la livre de la contribution foncière.
« Art. 5. Sur la réclamation d'une des communautés, le directoire du département, instruit par celui du district, ordonnera l'amélioration d uq
mauvais chemin, afin qpe la communication ne soit interrompue dans aucune saison.
« Art.. 6. Les sentiers dé traverse, dans l'étendue des prés ét pâtures, ne pourront avoir lieu, et ils cesseront d'être tracés dans les champs aussitôt qu'ils seront commencés, sous peine d'amende.
« Art. 7. Les propriétaires des champs atte-nant aux chemins vicinaux auront soin de ne point les détériorer en les traversant avec la charrue, et de ne point empiéter sur leur largeur.
« Art. 8. Les arbres à planter sur les chemins vicinaux ne pourront être placés à moins de deux toises du bord du chemin; ceux qui existent maintenant dans les haies qui bordent les chemins seront éloignés tous les 3 ans, pour la commodité des voyageurs et pour le ressuie-ment des routes.
« Art. 9. Toute personne qui déclora un champ, pour se faire un passage payera le dommage et l'amende, à moins que le juge de paix du canton ne décide que le chemin vicinal est impraticable ; alors le dommage et les frais de reclôture seront à la charge des communautés.
« Art. 10. Celui dont la propriété se trouvera enclavée dans les propriétés d'autrui, et qui n'aura point d'issue, aura le droit de se faire donner un passage pour enlever les productions de son champ, en payant l'indemnité (1) ; l'issue sera tracée dans la direction la pluâ courte vers le chemin.
« Art. 11. Les gazons des chemins ou de tous . autres lieux, appartenant aux communautés, ne pourront être enlevés par personne; celui qui commettra ce délit sera détenu 24 heures à la maison d'arrêt, obligé à la réparation du dommage, et condamné à une amende de la valeur d'une journée de travail au taux du pays.
SECTION VIII.
Des gardes champêtres ou messiers.
« Art. 1er. Pour assurer les propriétés et
maintenir la police des campagnes, il sera établi des gardes champêtres,
sous la surveillance des officiers, et sous la juridiction des juges de
paix.
« Art. 2. Plusieurs municipalités pourront choisir et payer le même garde champêtre et une grande municipalité pourra en avoir plusieurs.
« Art. 3. Dans les municipalités où il y a des gardes établis pour la conservation des bois, ils pourront remplir les deux fonctions.
« Art. 4. Les gardes champêtres ne seront nommés de droit que pour une année, et cependant ils pourront être continués chaque année par une nouvelle nomination. Ils seront élus le premier dimanche de mars, à la majorité absolue du conseil général de la commune, et à l'issue de la messe paroissiale.
« Art. 5. S'i|s ne sont pas continués, ils prolongeront leurs fonctions jusqu'au 15 mars de l'année suivante de manière que l'ancien et le nouveau garde soient tous deux quelques jours ensemble eii activité; chaque année, à l'époque du 1er mars, la section du présent décret sera lue et affichée à la porte de l'église.
« Art. 6. Ils seront élus, cette année, 15 jours après la réception du
présent décret et la muni-
« Art. 7. La municipalité sera pareillement responsable, chaque année, dés délits qui pourraient être commis sur son territoire, entre l'expiration des fonctions d'un garde et la convocation du conseil général de la commune, destinée à la nomination d'un autre garde.
« Art. 8. En cas de négligence ou de malversation de la part des gardes, ils seront révoqués par le conseil général de la commune, et remplacés le dimanche d'après leur destitution.
« Art. 9. Les gardes champêtres seront reçus, feront, affirmeront et déposeront leurs rapports devant le juge de paix ou un assesseur, dans là forme prescrite par la loi du 25 décembre 1790, relative à la punition des délits commis dans les bois; leurs rapports feront foi en justice.
« Art. 10. Avant de leur faire prêter le serment, le juge de paix qui les recevra leur fera lecture de cette section du présent décret, et leur eu remettra un exemplaire imprimé.
« Art. 11. Les gardes veilleront sur toutes les propriétés dont la conservation leur aura été confiée par l'acte de leur réception.
« Art. 12. Dans l'exercice de leurs fonctions, ils auront à la main un bâton ferré; ifs porteront en autre, sur le bras droit, une plaque où seront ces mots : La loi, le nom de la municipalité et celui du garde.
« Art. 13. Les gardes des particuliers seront assujettis à toutes les dispositions de l'article précédent, seront reçus et assermentés comme les gardes champêtres et seront obligés d'obtenir, tous les ans, l'agrément du conseil général de la commune.
« Art. 14. Quand ils auront eu connaissance de quelque délit, ilsferont leur dénonciation, dans les 24 heures, au juge de paix du canton ou à l'assesseur le plus voisin de ieur domicile.
« Art 15. Après avoir fait leur rapport au iuge de paix ou à un assesseur, ils en avertiront le procureur de la commune, qui sera tenu d'ap: peler, par devant le juge de paix, la partie lésée et la partie délinquante, à l'effet d'opérer sans .Hélai la punition et 1a réparation du délit, sur quoi il sera prononcé par le juge de paix, après qu'il aura entendu le rapporteur et les parties.
« Art. 16. Ils seront payés tous les 3 mois par le trésorier de. la commune, suivant le prix détermiué par elle et approuvé par le directoire du département : les gages seront prélevés sur les revenus de la communauté dont toutes les amendes rurales feront partie. Dans le cas où ces fonds ne suffiraient point pour le salaire du garde, la somme qui manquerait serait ajoutée au rôle et au marc la livre de la contribution foncière.
« Art. 17. Il y aura une amende pour tous les délits dénoncés par; le garde champêtre, et ce, en outre de la somme due au propriétaire ou à la personne qui aura souffert du dommage. La somme de l'amende sera versée au trésorier de la commune et versée dans la caisse de la municipalité.
« Art. 18. Les amendes ordinaires seront de la valeur commune d'une journée de travail, au taux du pays, déterminé par le directoire de département; du double dans le cas de récidivé dans l'année, ou si le délit a été commis avant ou après le coucher du soleil, et du triple quand.
les deux circonstances précédentes du délit se réuniront, excepté les cas extraordinaires prévus et dénommés dans le présent décret, où l'amende sera plus forte.
« Art. 19. Le délinquant mis à l'amende et condamné à payer une somme due pour le dommage sera responsable, par corps, s'il y a contribué personnellement. 11 ne pourra cependant être plus de 3 jours à la maison d'arrêt, après lesquels il sera élargi ; mais s'il n'a pas payé alors l'amende et le dommage, il pourra, dans le mois, être contraint d'y satisfaire par la saisie et la vente d'une partie de son mobilier, jusqu'à concurrence exacte de la somme totale dans laquelle entreront les frais de la saisie, de la vente et de l'arrestation.
« Art. 20. Les père, mère, tuteurs, maîtres, entrepreneurs de toute espèce, seront civile ment garants de tous les dégâts et délits commis par leurs enfants, pupilles, domestiques, ouvriers, voituriers et autres subordonnés; lestimatioa des dommages sera toujours faite par le juge de paix ou ses assesseurs.
« Art. 21. Les domestiques, ouvriers, voituriers ou autres subordonnés seront, à leur tour, responsables sur leurs salaires, envers leurs commettants, des délits dont ils se seront rendus coupables.
« Art. 22. Si les gardes champêtres étaient insultés, frappés ou troublés dans leurs fonctions, ou si, pour réprimer d'autres délits, ils auraient besoin, d'aide, its réclameront les agents de la force publique, et ceux-ci, et tous les citoyens présents seront tenus, au nom de la loi, de leur prêter du secours, à peine de répondre eux-mêmes de l'amende et de la réparation civile du délit.
« Art. 23. Les gardes seront responsables de3 infidélités de leurs rapports et dénonciations, jusqu'à concurrence d'une année de leurs gages. S'ils commettent cette faute grave, ils seront destitués et détenus trois jours à la maison d'arrêt ; et, dans le cas où ils auraient accusé faussement un particulier d'avoir refusé de leur prêter secours dans leurs fonctions et qu'ils l'auraient ainsi rendu responsable du délit, le tribunal de justice du district prendra connaissance de l'affaire et décidera de la réparation. »
, rapporteur. Je vous rappelle, Messieurs, que, si vous ne décrétez pas tous les articles du projet, votre comité vous prie instamment de décréter les articles constitutionnels.
Si tout le décret n'est pas constitutionnel, au moins il est la racine de votre Constitution ; et je crois que, si vous n'établissez pas les bases de l'agriculture sur des fondements solides, il est impossible que vous parveniez à semer dans l'esprit du cultivateur cet esprit de civisme dont yous avez le plus grand besoin, et quiseul peut assurer et maintenir votre Constitution.
C'est pourquoi je vous demande en grâce, Messieurs, que yous vouliez bien vous occuper, sans discontinuatioo, de la totalité du projet, et de le décréter, sauf les amendements.
Nulle Constitution ne peut exister qu'elle n'ait pour hase le respect dû aux propriétés ; ce respect a été trop longtemps méconnu, pour qu'effectivement vous puissiez finir votre session avant d'avoir prescrit les règles qui
doivent inspirer le respect qui leur est dû. Je demande, en conséquence, non seulement que les articles que l'on vient de vous présenter soient décrétés, mais que tous les articles qui règlent, ©t le respect qui est dû à la propriété, et la manière de la conserver, soient décrétés par l'Assemblée nationale.
Ce n'ést que par un accord parfait dans l'ensemble de no- lois (Murmures.), que vous pourrez réaliser le bonheur que vous avez annoncé aux Français; et c'est, sans contredit, le bonheur, qui doit rejaillir sur le cultivateur, et qui tient à la beauté et à ia perfection de notre ouvrage. Je demande qu'on passe de suite à la discussion et que vous prononciez les articles constitutionnels.
Messieurs, je crois d'abord que le seul objet que doit avoir l'Assemblée dans çe moment, c'est de marcher leplus rapidement possible à la tin de la Constitution française : tout autre objet doit être étranger à nos travaux. Nous avons actuellement de très grands ouvrages à terminer; le Coie pénal que nous avons entrepris et qu'il faut terminer; les gardes national s, que vous avez à terminer aussi, beaucoup d'autres objets ; enfin, la révision de vos uéciets, sur laquelle on ne saurait trop tôt attirer voire attention, et sur laquelle il faudrait déjaque le comité por ât toute la sienne.
Je crois qu'il ne peut y avoir qu'un avis dans l'Assemblée, c'est de discuter sur-le-champ les articles constitutionnels du Code rural, et de renvoyer le reste.
Plusieurs membres : Au soirl au soirl
Je m'oppose formellement à ce qu'on renvoie aux séances du soir le projet de décret relatif aux lois rurales. Déjà nous avons fait la triste expérience que ces renvois au soir, loin d'abréger nos travaux, ne font que les allonger. Le projet relatif aux fortifications et aux rapports des forces réglées avec les gardes nationales avait été renvoyé au soir.
Dans le cours de la discussion de ce que vous aviez regardé comme simple loi, il s'est rencontré tout à cou]j des articles constitutionnels; alors il a fallu renvoyer aux séances du matin. Vous perdez ainsi sans cesse votre temps.
Plusieurs membres : Mais, monsieur, vous nous le faites perdre.
Je demande sans restriction que l'on décrète,les articles constitutionnels, et que le- reste soit renvoyé après que la Constitution sera entièrement terminée.
S'il y a à l'ordre du jour 8 articles constitutionnels, il faut les discuter Quand nous aurons le grand Code rural que l'on nous promet, nous examinerons s'il faut ou s'il ne faut pas.discuter. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle s'occupera-deç articles constitutionnels du projet de lois rurales.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er ainsi conçu :
Art. 1er.
« Le territoire delà France, dans toute son étendue, est libre, comme les personnes qui l'habi-
tent. Ainsi, toute propriété territoriale ne peut être sujette envers les particuliers qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi ; et envers la nation, qu'aux contributions publiques établies par le Corps législatif,, et aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d'une juste et préalable indemnité, »
demande que cet article soit divisé en deux afin de bien faire ressortir la disposition contenue dans la première phrase.
(L'Assemblée ne donne pas suite à la motion de M. Bouche et adopte l'article 1er sans changement).
, rapporteur, donne lecture de l'article £ ainsi conçu :
« Les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture, l'exploitation et les productions de leurs terres, et de disposer des fruits dans l'intérieur du royaume, et, au dehors, en se conformant aux lois d'exportation, d
Un membre propose de dire : « de disposer des fruits de superfice ».
, rapporteur. Op pourrait dire : « de dispenser des fruits et productions ».
Un membre propose d'ajouter les mots : « arbres épars. »
demande qu'il soit libre à tout propriétaire de conserver chez lui le produit de ses récoltes, de les y vendre ou de les envoyer au marché.
11 faut renvoyer au comité le projet de décret et accorder une séance solennelle pour savoir s'il sera permis à tout propriétaire de disposer de ses bois et de les ravager.
Un membre répond que le comité des domaines s'occupe de la discussioa de cet objet.
Je demande qu'on examine si la culture du riz ne demande pas une exception 4 la liberté del'agriculture,attenduque l'expérience a prouvé que cette culture a constamment entretenu la contagion dans la partie méridionale où elle a été en usage.
Je demande qu'on ajoute à l'article ces mots: en se conformant aux lois de police territoriale.
Je demande qu'on ajoute ces mots : en se conformant aux lois des plantations.
, rapporteur. Les j différents amendements qui sont proposés sur l'article sont presque tous compris dans les divers titres du projet de décret; l'essentiel dans ce moment est de décréter l'entière liberté des propriétés.
On pourrait ajouter ces i mots : « sans préjudiciér aux droits d'autrui. »
, rapporteur. J'adopte; voici la rédaction que je propose:
Art. 2.
« Les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture, l'exploitation de leurs terres, de conserver à leur gré leurs récoltes, et ne d sno-ser de toutes les productions de leur propriété, dans l'intérieur du royaume et au-dehors, sans préjudicier aux droits d'autrui, et en se conformant aux lois. » (Adopté.) '
, rapporteur, donne lecture de l'aniclé 3, ainsi conçu :
« Chaque propriétaire sera libre d'avoir chez lui tel e quanti é et telle espèee d * troupeaux qu'il croira utiles à la culture et à l'exploitation d * ses terres, et d • les y faire pâturer exclusivement, pourvu qu'ils ne causent aucun dommage à autrui. »
Quelques municipalités sout régies par des lois paiticuhères Sur les droits de parcours ; je demande qu'il soit ajouté a l'article : « sans rien préjudicier quant à présent au droit de parcours uans les pays où il a lieu ».
, rapporteur. J'adopte l'ameudemeut.
Un membre observe que l'interprétation d'une loi qui ne serait pas suivie des règlements d'exécution pourrait exciter des troubles ou causer des alarmes ; il demande l'ajournement de l'article.
Il s'agit dans les dispositions de l'article qui uuus occupe d'une question neuvè qui intéresse essentiellement l'éducaiion trop négligée des bêtes à laine; j'ai sur cet onjet les choses les plus intéressantes à communiquer à l'Assemblée. En conséquence, j'appuie la motion d'ajournement.
, rapporteur. Je consens à l'ajournement.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement de l'article 3 jusqu'au moment où les comités lui présenteront les articles réglementaires^)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ainsi conçu :
« ilul ne peut se prétendre propriétaire exclusif des eaux d'un fleuve ou d'une rivière : ainsi les propriétaires riverains peuvent, en vertu du droit commun, et pour leur intérêt personnel, y faire des prises d'eau, sans néanmoins en détourner, retenir, ni embarrasser le cours d'une manière nuisible au bien général et à la navigation établie.-»
(Cet article est également ajourné jusqu'au moment où les comités présenteront à l'Assemblée les articles réglementaires.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5, ainsi conçu :
Art. 5.
« Nul agent de l'agriculture ne pourra être arrêté dans ses fonctions agricoles extérieures, excepté pour crime, avant qu'il ait été pourvu à la sûreté des bestiaux servant à sou travail, ou confiés à sa garde; et même én cas de crime, il sera toujours pourvu à la sûreté des bestiaux, immédiatement après l'arrestation et sous la responsabilité de ceux qui l'auront exercée. » (Adopté.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6, ainsi conçu :
« Aucuns meubles ou ustensiles de l'exploitation des terres et aucuns bestiaux servant au labourage ne i ourront être sai-is ni vendus pour cause de dettes, si ce n'est par la personne qui aura fourni les i ustensiles ou les bestiaux, ou pour l'acquittement de la créance du propriétaire vis-à-vis de son fermier; et ce seront toujours les derniers objet- saisis, en cas d'insulfisauce d'autres objets mobiliers. »
, C'est le produit de la culture qui doit être saisi pour 1» payement des dettes, et non point les ustensiles et les bestiaux qui servent à cette culture.
Je demande que les engrais soient compris daus l'exceptiou prévue par cet article.
, rapporteur. J'adopte l'amendemunt de M. Lapoule, et je propose, en conséquence, l'article dans ces termes :
Art. 6.
« Aucuns engrais, meubles ou ustensiles de l'exploitation des terres et aucuns liestiaux servant au 1 ibourage ne pourront être saisis ni ven lus jpour cause de dettes, si » e n'est par la personne qui aura lourni 1 s ustensiles où les bestiaux, ou pour l'acquittement de la créance du propriétaire vis-à-vis de son f rmier; et ce seront toujours les derniers objets saisie, en cas d'insuffisance d'autres objets mobiliers. » (Adopté.)
Art. 7.
« La durée et les clauses des baux des biens de campagne seront purement conventionnelles. » (Adopté.)
Art. 8.
« Nulle autorité ne pourra suspendre ou intervertir les travaux de la campagne, dans les opérations de la semence et des récoltes. »
Cet article est conçu en termes trop généraux; il faudrait qu'il fût expliqué d'une façon précisé, de crainte qu'il ne laissât quelque incertitude dans les esprits sur l'application de ces mots : nulle autorité. »
, rapporteur. L'article a pour but d'empêcher que le cultivateur soit sans cesse troublé dans son travail par des règlements religieux; il est bien ehiendu qu'il peut y avoir exception pour les lois qui pourront être votées par le Corps législatif.
(L'article 8 est adopté sans modification.)
propose de décréter, comme article additionnel, que la réunion des municipalités n'emportera par réunion de territoire.
Un membre demande qu'on s'occupe d'une loi concernant les baux par tacite reconduction.
, rapporteur, demande l'ajournement de ces deux objets.
(L'ajournement est décrété.)
L'Assemblée vient de décréter la liberté des propriétés territoriales; elle ne
peut se dispenser d'assurer (a liberté des personnes. Ou sait que dans l'ancien régime, les huissiers obligés de saisir les fruits pendant par racine pour le recouvrement des deniers publiques, forçaient indistinctement le premier citoyen qu'ils rencontraient d'être gardien ou séquestre des objets de ladite saisie.
Je demande que ces séquestres ne puissent être que volontaires et que nul ne puisse être forcé de servir de gardien ou de séquestre.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Delà vigne.)
, au nom des commissaires de la caisse de l'extraordinaire. J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que samedi prochain, U (te ce mois, il sera brûlé à la caisse de l'extraordinaire la somme de huit millions de livres en assignais ce qui portera la somme brûlée à ceut quarante-sept millions.
, au nom du comité de liquidation, se présente pour faire un rapport sur la répétition d'une somme de 4,1 amp;amp;amp;8,850 livres, formée par M. d'Orléans.
(L'Assemblée, en raison de l'heure avancée et considérant que cette question peut être susceptible d'une longue discussion, ajourn»ce rapport à la séance du 13 juin, au matin.)
La dèputation du tribunal du district de Saint-Germain en Laye amp;amp;amp; st arrivée; l'Assemblée veut-elle la recevoir?
Voix nombreuses : Oui 1 oui 1
(L'Assemblée décide que la dèputation sera admise.)
Plusieurs membres de la partie droite sortent de la salle.
, membres du tribunal du district de Saint-Germain en Laye, sont admis à la barre.
, orateur de la dèputation, s'exprime en ces termes :
« Messieurs;
« Une municipalité a tlénoncé à l'accusateur public près le tribunal du district de Saint-Germain en Laye un membre de l'Assemblée nationale (1).
« La plainte, a été rendue; l'information a été prise; et, d'après les preuves résultant de cette information, le tribunal a pensé qu'il y avait lieu à décret contre l'accusé.'
« En conséquence, Messieurs, pour se conformer aux lois, le tribunal de district de Saint-Germain en Laye nous a députés près de vous pour déposer sur le bureau l'expédition des pièces de conviction et de la procédure.
« Il ne nous appartient pas, Messieurs, d'inviter l'Assemblée à donner promptement une décision sur cette affaire; cependant il est de notre devoir de vous exposer que ce qui se passe tous les jours sous vos yeux, les manœuvres qu'on met en usage pour répandre le trouble et l'inquiétude daus les campagnes, les efforts multipliés que l'on fait pour détruire la confiance que l'on doit avoir dans les représentants du peuple et la reconnaissance que méritent vos travaux, toutes c,es circonstances, dis-je, semblent indiquer la nécessité de déployer contre les malveillants toute, la rigueur de la loi. »
Messieurs, l'Assemblée nationale prendra en considération la demande que vous venez lui adresser.
remet sur le bureau, entre les mains d'un de MM. les secrétaires, un paquet cacheté.
Un membre demande le renvoi des pièces au comité des rapports.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le paquet cacheté remis sur le bureau par MM. Paré et Legras, membres du tribunal de Saint-Germain en Laye, sera renvoyé au comité des rapports pour dresser procès-verbal des pièces qu'il contient et lui rendre compte incessamment de l'affaire.)
Un membre : Les honneurs de la séance ! (Mouvement.)
sortent de la salle.
lève la séance à trois heures.
fin de la table chronologique du tome xxvi.
agents du Trésofr dés décrété qui les autorisent à faire des poursuites (27 mai 1791, t. XXVI, p. 492).
sident de répondre à ces deux lettres et décrète que le roi sera prié de faire négocier un nouveau traité de commerce avec les Etats-Unis (ibid. p. 710).
question y relative (14 mai 1791, t. XXVI, p. 73) ; — débat : de La Rochefoucauld, de Menou, de La Rochefoucauld (ibid. et p. suiv.); Fréteau, de Saint-Martin, Fréteau (15 mai, p. 87 et suiv.); — l'Assemblée décrète l'ordre du jour (ibid. p. 88).
(p. 578), — sur l'avancement des membres militaires de l'Assemblée (p. 671); — sur le Code pénal (p. 688),— sur les lois rurales (p. 767).
sur l'organisation du Corps législatif (p. 209), (p. 223 et suiv.), — sur la perception des impôts (p. 300). — Son opinion, non prononcée, sur la réunion d'Avignon à la France (p 3S2 et suiv.). — Fait un rapport sur les domaines nationaux à réserver au roi (p. 468 et suiv.). — Parle sur le Code pénal (p. 685 et suiv.).
admis á rfempjâcèr de Paroy* démissionnaire} (t. XXVI, ps 133). — Prête serment (p. 158).
Rapport par Catnus sur l'organisation et la dépense des bureaux, tant dë l'administration que de la trésorerie de la câisse de l'extraordinaire (2 juin, p. 700 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 705); — débat préalable : Fréteau, de Folleville, Pierre Dedëlây, Câttius, râppôftëur [ibid. et p. suiv.).
Lettre d'Amélbt, bomtnisSairë du roi près a
caisse de l'extraordinaire, demandant la nomination de 12 commissaires chargés d'étudier et de rendre compte de l'organisation de cette caissé (4 juin, p. 741); — discussion : Le Déist de Botidoiix, Chabroud (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 742).
Rapport par de. Cernon sur la situation faite au Trésor public par le versement de numéraire dans la caisse de Sceaux et de Poissy (2 juin, p; 70b) 5 — projet de décret (ibid.)) — adoption (ibidi).
des assignât de 5 livrés ët de la monnaie de Suivre (t. XXVI, p. 254), — le dèfénd (p. 255), (p. 256); — fait un nouveau rapport sur la fabrication des petits assignats (p. 272 et suiv.);—le défend (p. 273), (p.274).— Présente un projet dë décret relatif à l'acquittement des gages àrriérés des ci-devant cours SoUverainës, chancelleries et bureaiix des finances, des pays d'élection et des pays conquis (p; 493 et suit;)-. — Fait un ràpport sur là situation fàite aii Trésor public par le versement dë numéraire dans la caisSe dé Sceaux et de Poiësy (p; 706). — Fait un autre rapport sur la fabrication dés assignats de 5 livres (p; 732 et suit.); — le défend (p. 733);
chaussée du Poitou. Fait un rapport sur les événements arrivés à Aix, Toulon et Marseille (t. XXVI, p. 281 et suiv.).
rapporteur (ibid.), — adoption (ibid.); — adoption sans discussion de l'article 29 (ibid.) ; — article 30 : Cigongne (ibid.); — adoption avecamendemeni (ibid. p. 7-25) ; — adoption sans discussion des articles 31 et 32 (ibid.) ; — article 33 : Ménard de La Groye (ibid.) ;— adoption (ibid.; — adoption sans discussion de l'article 1er qui avait été réservé (ibid.); — sur la demande de Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, l'Assemblée passe à la discussion du titre relatif à la réhabilitation des condamnés (ibid.) ; — texte de ce titre (ibid. et p. suiv.); — discussion : Pierre Dedelay, Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporieur, Régnier, un membre, Delavigne (ibid. p. 726); — adoption, avec amendement, des divers articles de ce titre (ibid. et p suiv.) ; — discussion sur les lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon, de commutation de peine : abbé Maury, Gualbert, abbé Maury, Dupori, Dufrais-e-Duchey, Duport, Menon-viMe de Villiers, abbé Maury, Leleu de LaVille-aux-Bois, Charles de Lameth, Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur (ibid. p. 727 et suiv.); — Pétion, de Tou-longeon, Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporieur, Gou-pil-l'réfeln, Lanjuinais,LePelletier-Saint-Fargeau, iap-porteur, Mougins, Malouet..Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur (4 juin, p. 734 et suiv); — l'Assemblée décrète l'abolition des lettres de grâce (ibid. p. 738);— discussion surune rectification autilre de la réhabilitation demandée par Le Pelletier-Saint-Fargeau : Durget. Moreau, Le Pelletier-Saint Fargeau, rapporteur, Garat ainé (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrété l'ordre du jour (ibid. p. 739); — titre de la récidive (ibid.)', — discussion: adoption sans discussion de l'article 1er (ibid.); — anicle 2 : Duport, Le Pelletier-Saint-Fargeau, rapporteur, Prieur. Legrand, Bouche (ibid. et p. suiv.) ; — adoption (ibid, p. 740) ; — discussion du titre relatif aux eflels des condamnations : article 1er : Legrand (ibid.); — adoption avec amendement (ibid.);—article 2 : Merlin (ibid.); — adoption de la rédaction proposée par Merlin (ibid ); — anicle 3 : Chabroud (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.) ; — adop ion sans discussion de l'article 4 (ibid.); — anicie 5 : Thévenot de Maroise, Loys (ibid ); — adoplion (ibid.) ; — article 6 : Chabroud, Delavigne (ibid. et p. suiv.);— adoption avec amendement (ibid. p. 741) ; — article 7 : Couppé, Le Pelleticr-Saint-Fargean, rapporteur, Lapoule, Prieur (ibid.);—adoption (ibid.); — Le Pelletier-Saint-Fargeau propose une mo'dificaiion à l'article 2 du titre sur la réhabilitation des condamnés (5 juin, p. 755) ; — adoplion (ibid. p. 756.)
Reynaud, de Traey, Barnave, Roussillon, de Curt (ibid. p 42 et suiv.); — reprise de la discussion de l'article 1er: Pétion de V lien uve, de Barrère de Vieuzac, Moreau de Sainl-Méry, Bouchotte, Malouet, Bou-cholte, Dupont (de Nemours), abbé Maury, Louis Monneron, Rœderer, Regnaud (de Saint-J ean-d' Angély), Moreau de Siint-Méry, Robespierre, llœderer, Rewbell, Moreau de Saint-Méry, Boutrin, de Traey, Barnave, Alexandre de Lameth (ibid. p. 45 et suiv.); — adop ion avec amendement (ibid. p. 62); — Barnave demande la discussion de l'article 14 qui deviendrait l'article 2 (ibid.) ; — débat : Rœderer, Delavigne (ibid. et p. suiv.) ; — Raymond, au nom des commissaires des citoyens de couleur, demande leur admission à la barre (14 mai, p. 65) ; — débat : Pétion de Villeneuve, Martineau, Bouche,Malouet, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Rostaing (ibid. et p suiv.); — l'Assemblée décrète l'admission (ibid. p. 66); —discours de Raymond, au nom de la députation (ibid- et p. suiv.); —reprise de la discussion : abbé Grégoire, oreau de Saint-Méry, Gaultier-Biauzat, Moreau de Saint Méry, Louis Monneron, Malouet (ibid. p. 69 et suiv.);—incident: abbé Maury, de La Rochefoucauld, de Menou, Malouet (ibid. p. 73 et suiv.); — reprise de la discussion : Barnave, Merlin, Foucault-Lardimalie (ibid. p. "73 et suiv.);—l'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la lre partie de l'article 14 (ibid. p. 75) ; — lettre des co nmissaires des citoyens de couleur à l'Assemblée (15 mai 1791, t. XXVI, p. 89); — Lucas en demande l'impression (ibid.)', — débat; deCustine, Goupil-Préfeln (ibid.),—l'Assemblée décrète l'ordre du jour (ibid.)', — Rewbell propose un amendement a l'article 14 (ibid. et p. suiv.); — texte de cet amendement (ibid. p. 90) ; — discussion : Gombert, Regnau I (de Saint-J ean-d' Angély), Barnave, La vie, de Traey, Foucault-Lardimalie, Rewbell, Barnave, Robespierre, abbé Maury, Rœderer, Prieur, Lucas, abbé Maury, Goupil-Préfeln, Rœderer, Bégouen, de Virieu, Lavie, Malouet, de Gouy-d'Arsy, Foucault-Lardimalie, Aubergeon-Murinais (ibid. et p. suiv.); — adoption de l'amendement de Rewbell (ibid. p. 97);—Regnaud (de Saint-J ean-d'' Angély) fait la motion qu'il soit rédigé une instruction pour être inte au décret (17 mai 1791, p. 133) ; — discus-ion : Gaultier-Biauzat, Defermon, Dupont, Regnaud (de Saint-Jeun-d'Angély) (ibid. p. et suiv.) ; — adoption de cette motion (ibid.) 134). — Projet d'instruction présenté par Dupont (de Nemours) (21 mai, p. 263 et suiv.); — discussion: Bouche, Dupont (de Nemours), rapporteur, Martineau, Dupont (de Nemours), rapporteur, Goupil-Préfeln, Treilhard, Dupont (de Nemours), rapporteur, Nairac, Prieur, Dupont (de Nemours), rapporteur (ibid. p. 264 et suiv.). —Louis Monneron demande l'a option s mf rédaction du projet d'instruction de Dupont (de Nemours) (27 mai, p. 494) ;— discussion : de Folleville, Regnaud (de Saint-J ean-d' Angély), Dupont (de Nemours) (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée nomme 4 commissaires chargés de revoir et de corriger cette instruction (ibid. p. 495) ; (— texte du l'instruction (29 mai, p. 603 et suiv.) — adoption (ibid. p. 603) ; — Regnauld (de Saint-Jean-d1 Angély) demande que le président de l'Assemblée soit chargé de présenter, sans délai, l'instruction à la sanction du roi (ibid. et p. suiv.) ; — débat à ce sujet : Maloupl, Boutteville-Dumetz, deCazalès, Malouet, Lavie, Malouet, Foucault-Lardimalie, Dupont (de Nemours), Blin, Maupassant, Bégouen, de Cazalès, Delavigne, Rewbell (ibid. p. 607 et suiv.) ; — adoption de la motion de Regnaud (de Saint-J ean-d' Angély) (ibid. p. 609).
Lettres des députés de Saint-Domingue, de la Guadeloupe et de la Martinique faisant connaître qu'ils s'abstiendront des séances de l'Assemblée (16 mai 1791, t. XXVI, p. 122 et suiv.); — discus-ion : Rewbell, Malouet, Lucas, Dupont (de Nemours), Malouet (ibid. p. 123); — l'Assemblée décrète l'ordre du jour (ibid.).
Lettre des députés extraordinaires du commerce de la France demandant à être admis à la barre pour faire des observations sur le décret du 15 mai sur h s colonies (22 mai, p. 299);—discussion: Bégouen, Delavigne, Rewbell, Defermon (ibid. et p. suiv.) ; — l'Assemblée passe à l'ordre du jour ((ibid. p. 300).
Adresses de la chambre de commerce de la ville de Bordeaux, du directoire du département de la Gironde, etc., relatives au décret du 14 mai 1791 sur les
colonies (24 mai, p.357 et suiv.);—discussion : Prieur, de Virieu, Pétion, Prieur, de Virieu, Gaultier-Biauzat, de Rostaing, Goupil-Préfeln (ibid. p. 360 et suiv.); — l'Assemblée décrète que les adresses seront annexées au procès-verbal et que le président écrira au directoire du département de la Gironde et à la chambre de commerce de Bordeaux pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée (ibid. p. 361).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Prugnon, tendant à autoriser les corps administratifs de Nancy à coutinuér de tenir leurs séances dans l'hôtel de la ci-devant intendance (14 mai, p. 64).
Adopiion d'un projet de décret, présenté par Prugnon, relatif à l'établissement des bureaux do perception et magasins de la régie des droits de traites de Sarreguemines (14 mai, p. 64).
Adoption d'un projet de décret relatif à l'emplacement du directoire de Seiiie-et-Oise, présenté par Prugnon (16 mai, p. 98).
Adoption d'un projet de décret relatif à l'emplacement du directoire du département de la Meuse el du tribunal du district de Bar-le-Duc, présenté par Prugnon (ibid.).
Adoption de deux projets de décret, présentés par Prugnon, relatifs à l'emplacement du directoire du département de la Moselle et au logement de l'évêque
de Moulins (18 mai, p. 190) : — adoption d'une modification au décret relatif âu logement de l'évêque de Moulins (19 mai, p. 217).
Adoption de quatre projets de décret, présentés par Prugnon, relatifs à l'emplacement : 1 ̊ dés'directoires du département du Doubs et du district de Besançon ;2 ̊ du corps administratif et du district de Céret ; 3 ̊ du corps administratif du district de Lure ; 4 ̊ du corps administratif du district de Mauriac (26 mai, p. 462 et suiv.).
Adoptiqn d'un projet çl§ clpcret, présenté p^r Brugnon, tendant à gutoriseç le (ïireptqire de la Qjçqnde à acquérir lp çjqyepné pqpr. y loger l'é-vêque (28 mai, p. 575).
Adoption d'un trois projets de décret, présentés par Prugnon, relatis à l'emplacement des porps adminis-tratifs du district de Péronne, au département d'In-dre-et-Loire, du district de Tours et du district de Chàtellerault (31 mai,p. 629 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Prugnon, sur l'emplacement du corps administratif de Provins (4 juin, p. 33$).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Pru-gnpn, sur l'emplacement du cpypg ^dmic|istj§tif jlq gêrserap'(4'j^gj'Rl 732.
sion dé farcie Mm p. 3^5); Y. 'article 4ia : Le Ctiàpelier, jiq mgmhi'g (ibid.); — adoption avec amen-dement (iojd. p. ^16)'; — adoption des articles 50 à 59 (ibid.y. — ^r^icje §0, : Duport, Thouret, rapporteur, Ifjupqr! (ièia.) adoption des articles 61 à 64 (ib'ià. e^ guiv.), — article 65 : adqptian sauf rédaction (ïbï$. p. tPil); — adpptioE| de l'article 07 (ibid.) — ar-ticle.70 ; Alexançlre de Lameth, Thouret, rapporteur (iè^.) ; — feqvoi au cpmité de l'amendement d'A-lexa'ndVq ^e/Lamet^ ($ià.) ; —adoption de l'article 82 ($ià>) I -r-article 83 : ^ù.?o.t, Martinéau, Briois-Beau-met?i pn tnçmnn»; Rœderer, Thévenot de Maroise (ibid. et p. suiv.) | — renvoi aux cpmités des contributions publiques et de Çoqstitution de deux anien-àèmentg de Buzot gt de Rœderer (ibid. p. 318); — àdoptjqiij avçç amendement de l'article 83 (ibid.); — aiiqpttqn des articles 88 à 96 (ibid. e:t p. suiy.); gçtiçles 08 et 99 : ^leçandré de Lameth, Thouret, ç^ppprtéur p. ^î?)». ~ renvoi de ces articles au cqmii^ (ibid).
Lut1'? de Punqrtal, iqinistre de la guerre, au sujet de I article 38 qù décret, sur l'organisation du Çprps lé|[istati| relatif âu passage et au séjour des troupes (2juîp., p- et suty.); —débat : Démeunier (tftl'd.); — rçnvpi ap cqmit^ de Constitution (ibid.).
Etat de consistance et des revenus des domaines à réserver au roi {ibifi. p. 477 et suiv*)?
chaussée d'Arles. Fait un rapport sur les dispenses et empêchements de mariage (t. XXVI, p. 159), — sur le refus du curé de Saint-Sulpice de publier les bans de mariage du comédien Talma (p. 186 et suiv.) , — sur la saisie des traitements accordés au clergé futur (p. 188).
de son nom pour le scrutin au sujet de la réunion d'Avignon à la France (t. XXVI, p. 382).
Projet de décret, présenté par Legrand, relatif au traitement des membres des congrégations séculières qui ont accepté des places de fonctionnaires ecclésiastiques (29 mai,p. 599etsuiv.); — discussion : Goupil-Préfeln, abbé Goutte» (ibid. p. 600) ; — adoption (ibid.).
Lettre du département de la Corse relative à l'organisation de la gendarmerie nationale de ce département (3 juin, p. 714 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 715); — adoption (ibid.).
Parle sur la liquidation des offices municipaux (p. 719).
Adresse du département de la Côte-d'Or aux ci- - toyens de ce département sur la nécessité d'accélérer le payement des impôts arriérés (3 juin, p. 713).
Suite de la discussion du projet de décret sur les brevets d'industrie; — adoption sans discussion des articles 10 et 11 du titre II modifiés (14 mai 1791, t. XXVI, p. 79) ; — adoption sans discussion du titre III (ibid.)', — adoption sans discussion du tarif des droits à payer au directoire d'invention et au secrétariat du département (ibid. p. 80).
liquidation des arriérés du département de la maison du roi, de celui de la guerre, etc. (p. 301). — Parle sur les baux à convenant (p. 592), — sur les officiers des tribunaux criminels (p. 615), — sur les émigrants (p. 637), —sur la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris (p. 682), (p. 683). — Présente un projet de décret sur la circonscription des paroisses de plusieurs villes et bourgs de divers départements (p. 694 et suiv.). — Parle sur les baux à convenant (p. 697 et suiv.), (p. 698), —sur les dépenses de la ville de Paris (p. 714), — sur la liquidation des offices municipaux (p. 718), — sur le Code pénal (p. 736).
Projet de décret relatif au remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée des départements de la maison du roi, de la guerre et de la marine, présenté par Camus (17 mai, p. 134 et suiv.); — discussion : Martineau, Defermon (ibid. p. 134) ; — adoption avec modification (ibid. p. 141).
Rapport et projet de décret sur la liquidation des arriérés du département de la maison du roi, dgr--celui de la guerre, de celui des finances, etc^^re-sentés par Lanjuinais (22 mai 1791, t. XXyiy'p. 301);— discussion : Gaultier-Biauzat, Charrier, Madier de Montjau, Lanjuinais, rapporteur, Rewbell, Charrier, Dubois-Crancé, de Lachèze, Camus, Garat, Vieillard (de Coutances), Camus, Foucault-Lardimalie, Madier de Montjau {ibid. p. 301 et suiv.); — l'Assemblée décrète la nomination de quatre commissaires chargés de se transporter dans les bureaux pour vérifier 1 ordre suivant lequel se font les rapports de liquidation (ibid. p. 303); — texte du projet de décret
présenté par Lanjuinais (ibid. p. 304 et suiv.); — adoption (ibid. p. 309); — noms des membres ae la commission (24 mai, p. 345).
Adoption d'un projet de décret relatif à la décharge des quittances de finances présentées à la liquidation (24 mai, p. 346).
Lettre des commis composant la section de la liquidation des offices de judicature au sujet de l'inculpation faite, dans la séance du 22 mai, contre les bureaux de liquidation (26 mai, p. 462).
Projet de décret, présenté par "de Cernon, concernant l'acquittement des gages arriérés des ci-deyant cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances, des pays d'élection et des pays conquis (27 mai p. 493 et suiv.); — adoption (ibid. p. 494).
Projet de décret sur une difficulté élevée pour le remboursement des offices de substituts du procureur général au ci-devant parlement de Metz, présenté par Audier-Massillon (28 mai, p. 576) ; —discussion : un membre, Camus (ibid.); — rejet (ibid.).
Projet de décret sur le remboursement des charges et offices militaires, présenté par de Wimpfen (28 mai, p. 576 et suiv.)| — discussion : article 1er : un membre (p. 577) ; — adoption (ibid.) ; — adoption sans discussion de l'article 2 (ibid. p. 578); — article 3 : de Folleville, Defermon, de Tracy, d'Aubergeon-Mu-rinais, Camus, de Liancourt, de Wimpfen, rapporteur, de Folleville (ibid.); — adoption (ibid. p. 579); — adoption (ibid. p. 579); — adoption des articles 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 (29 mai, p. 600 et suiv.). —Projet de décret, présenté par de Montesquiou, portant remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée du département de la maison du roi et de celui des finances (31 mai, p. 630 et suiv.); — adoption (ibid. p. 636).
Rapport par de Montesquiou sur les difficultés relatives à la liquidation de l'office du sieur de Bellande, commissaire des guerres (31 mai, p. 636); — projet du décret (ibid.) ; — discussion : de Folleville, un membre"(ièïd.); — adoption (ibid.).
Rapport par Vieillard sur la liquidation des offices de la chambre des comptes de Paris (1er juin 1791, t. XXVI, p. 679 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 682); — discussion : Lanjuinais, Briois-Beaumetz, Lanjuinais, Briois-Beaumetz, Defermon (ibid. et p. suiv.); — rejet (ibid. p. 683).
Rapport par Lofficial sur la liquidation des offices municipaux acquis par les villes et municipalités (3 juin, p. 715 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 718); — discussion : un membre, Moreau, Lanjuinais, Merlin (ibid.).
Lanjuinais demande qu'il soit sursis au remboursement de tous offices municipaux ou autres relatifs au service et à la police des villes (3 juin, p. 718 et suiv.);— discussion: Moreau, Gossin (ibid. p. 719); adoption de cette motion (ibid.).
discussion des articles 6 et 7 (ibid.) ; — art. 8 : d'Au-bergeon de Murinais (ibid.); — adoption (ibid.).
Rapport et projet de décret présentés par de Sillery sur le traitement du corps de la marine (12 mai, p. 2 et suiv.) ; — l'Assemblée ajourne la discussion après l'impression du rapport (ibid. p. 3); — discussion : adoption sans discussion de l'article' lor (26 mai, p. 463)) ; — article 2 : d'André, Millet de Mureau, de
Sillery, rapporteur, Prieur, de Sillery, rapporteur, de Noailles (ibid.); — l'Assemblée décrète qu'il sera procédé au vote sur l'article par division (ibid); — adoption de la première partie (ibid.); — rejet de la seconde partie (ibid. p. 464) ; — adoption sans discussion des articles 3, 4, 5 et 6 (ibid.) ; — article 7 : un membre (ibid.); — adoption (ibid.); — adoption sans discussion de l'article 8 (ibid.); — article 9 : d'André (ibid.); — ajournement (ibid.); — article 9 (nouveau) (article 10 du projet) ; — adoption sans discussion (ibid.) :— de Noailles propose un article 10 nouveau (ibid.);— adoption (ibid. p. 465); — adoption, sur la proposition de Sillery, d'une disposition additionnelle à l'article 10 (27 mai, p. 491).
Thévenard est nommé ministre de la marine et des colonies (17 mai, p. 149):
Tarbé est nommé ministre des contributions et revenus publics (28 mai, p. 579).
Sur la demande de Boutteville-Dumetz, l'Assemblée décrète que le rapport du comité des monnaies sur l'organisation des monnaies lui sera présenté à la séance du jeudi 19 mai 1791 au soir (17 mai 1791, t. XXVI, p. 165); — rapport par de Virieu (19 mai, p. 238 et suiv.);— adoption sans discussion des titres I, II, et du titre III jusqu'au chapitre V (ibid. p. 241 et suiv.) ; —adoption sans discussion des chapitres VI à IX du titre III et des titres IV et V (21 mai, p. 288 et suiv.); — adoption de modifications aux articles 6 et 11 du titre II proposées par Moreau (25 mai, p. 446) ; — texte du projet de décret modifié (ibid. et p. suiv.).
Rend compte de la réclamation du sieur de Bellonde, commissaire des guerres à Belfort, et des difficultés relatives à la liquidation de son office (p. 636).
Motion de Montesquiou relative aux moyens de remédier à la rareté du numéraire (17 mai, p. 142 et suiv.); —rapport et projet de décret présentés par
. Anson (19 mai, p. 220 et suiv.); — discussion : Rœderer, Fréteau de Saint-Just, de Folleville, Salle, Nairac, Anson, rapporteur, Duport, Chabroud, Anson, rapporteur, Rœderer, Fréteau de Saint-Just, de Montesquiou, Prieur, de La Rochefoucauld (ibid. p. 221 et suiv.); — adoption des articles 1 et 2 et renvoi de l'article 3 au comité des contributions (ibid. p. 223); — rapport par Rœderer sur l'article 3 (20 mai, p. 246); — discussion : Nairac, Fréteau de Saint-Just (ibid.); — adoption avec amendement (ibid ).
leur élection et leur traitement, présentés par Duport (30 mai 1791, t. XXVI, p. 614); — discussion : adoption sans discussion de l'art. 1 "(ibid;,—art. 2 :Dup©rt, rapporteur, Ramel-Nogaret (ibid.)', — adoption avec amendemcntj^ïèid.) ; — art. 3 : Defermon, Martin, Lanjuinais (wid. et p. suiv,V, — adoption sans discussion des articles 4 et 5 (ibid.); — art. 6 : Loys, Defermon, Duport, rapporteur, Tuaut de La Bouverie, Gaultier-Biauzat, Duport, rapporteur, Defermon (ibid.)',— adoption avec amendement (ibid.); — renvoi au comité des contributions d'une motion de Tuaut de La Bouverie sur la suppression du papier timbré pour les expéditions du tribunal criminel (ibid.) ; — adoplion sans discussion des art. 7 et 8 (ibid. et p. suiv. ;— art. 9 : Boissy-d'Anglas, Robespierre, Démeunier, (ibid.); — adoption "(ibid. ); — art. 10 : Chabroud (ibid.); — adoption avec amendement (ibid.); — adoption sans discussion de l'article 11 (ibid.); — sur la motion de Bouche l'Assemblée renvoie le décret au comité de jurisprudence criminelle pour rédaction (31 mai, p. 629); — projet de décret rectifié (2 juin, p. 706); — adoption sans discussion des art. 1 à 9 (ibid.); — discussion sur l'article 10: Mougins de Roquefort , Regnaud (de Saint-Jean-d Angély), Loys (ibid. p. 707);— adoption avec modification (ibid.);— adoption sans discussion des art. 11, 12 et 13 (ibid.).
Adoption d'un projet de décret sur la réunion des Earoisses de Vendôme et de Montoire,présenté par anjuinais (19 mai, p. 236 et suiv.).
Projet de décret, présenté par Legrand, relatif à la circonscription des paroisses de Péronne, Néelle, Montdidier, Doullens, Ham et Abbeville (28 mai, p. 575 et suiv.); — adoption (ibid. p. 576).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Lanjuinais, sur la circonscription des paroisses de plusieurs villes et bourgs de divers départements (1er juin, p. 694 et suiv.).
si elle doit être conservée ou abolie. Voir la discussion sur le projet de Code pénal (t. XXVI, p. 617 et suiv.), (p. 637 et suiv.), (p. 656 et suiv.), (p. 683 et suiv.);— l'Assemblée décrète le maintien de la peine de mort (ibid. p. 685);—discussion sur la manière ae l'appliquer (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète que la peine de mort sera réduite à la simple privation de la vie, sans torture (p. 689).
du district du Lure, du corps administratif du district de Mauriac (p. 462 et suiv.). — Présente un projet de décret tendant à autoriser le directoire de la Gironde à acquérir le doyenné de Bordeaux pour y loger l'évêque (p. 575). — Demande la translation des cendres de Montesquieu à Sainte-Geneviève (p. 611).— Parle sur le projet de Code pénal (p. 618 et suiv.).— Présente trois projets de décret relatifs à l'emplacement des corps administratifs du district de Péronne, du département d'Indre-et-Loire, du district de Tours et du district de Châtellerault (p. 629 et suiv.). — Présente des projets de décret sur l'emplacement des corps administratifs de Provins et de Bergerac (p. 732).
une motion au sujet du commerce d'argent (p. 147). — Parle sur l'organisation du Corps législatif, (p. 252), (p. 271 et suiv.), — sur les procès entre les anciennes compagnies des ferme et régie générales et les citoyens (p. 31.3), — sur la comptabilité (p. 441) ; — sur les colonies (p. 494 et suiv.), — sur la répartition des contributions (p. 496), — sur la convocation de la première législature (p. 580), — sur un complot (p. 589), — sur les poursuites pour violation de serment (p. 591), — sur les troubles du département du Bas-Rhin (p. 602), — sur les colonies (p. 606 et suiv.), — sur la translation des cendres de Voltaire (p. 610 et suiv.), — sur les commissaires du roi près les tribunaux (p. 617), — sur les officiers des tribunaux criminels (p. 707), — sur le Code pénal (p. 720), (p. 721).
suiv.). — Parle sur l'organisation du Corps législatif (p. 203 et suiv.), (p. 210), {p. 211), (p. 229), — sur la convocation de la première législature (p. 509), p. 579 et suiv.), (p. 582), — sur les officiers des tribunaux criminels (p. 616), — sur le projet de Code pénal (p. 622 et suiv.), — sur l'adresse de l'abbé Raynal (p. 653 et suiv.), — sur la fuite du roi (p. 692).
De Lessart, ministre de la marine par intérim, envoie à l'Assemblée des dépêches sur l'état de la Martinique (16 mai, p. 122).
Renvoi au comité des recherches d'un procès-verbal du directoire du département de la Corrèze relatif aux troubles de la ville de Tulle (19 mai, p. 217).
Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Gard relative aux troubles d'Avignon (21 mai, t. XXVI, p. 281).
Rapport et projet de décret concernant les événements arrivés à Aix, Toulon et Marseille, présentés par Cochon de L'Apparent (21 mai, p. 281 et suiv.) ;— adoption (ibid. p. 285).
Lettre de l'assemblée provinciale du nord de Saint-
Domingue sur les événements arrivés à Port-au-Prince (21 mai, p. 285).
Rapport et projet de décret relatifs aux troubles qui out eu lieu à Millau, présentés par Boullé (21 mai, p. 288) ; — adoption (ibid.).
Rapport par Chabroud sur l'affaire du régiment Royal-Comtois et la sentence du conseil de guerre de 1773 (24 mai, p. 346 et suiv.); — projet de décret (ibid.p. 352); —pièces justificatives (ibid. et p. suiv.); — débat préalame : Martineau, de Folleville, d'André (ibid. p. 335); —l'Assemblée décrète l'impression du rapport et l'ajournement du projet de décret (ibid.).
Lettres do M. Du Cbaffaud, commandant le vaisseau VApollon, et de M. Bélisac, commandant le vais-eau le Jupiter, au sujet des affaires de Saint-Domingue (24 mai, p. 361).
Rapport par Bouche sur les troubles de Colmar (28 mai, p. 595 et suiv.); — nouveau rapport par Salle (31 mai, p. 672 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 676) ; — discussion : Tuaut de La Bouverie (ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 677).
Lettre des administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin (29 mai, p. 601 et suiv.); — débat : Regnaud (de Saint-J ean-aAngély), Rabaud-Saint-Etienne, Lavie, Prieur, Gaultier-Biauzat (ibid. p. 602 el suiv.) ; — renvoi aux comités des recherches, militaire et diplomatique . réunis [ibid. p. 603;.
Envoi, par le ministre de la guerre, des lettres de MM. d'Albignac et Roqueville relatives à ce qui s'est passé au régiment de Dauphiné (31 mai, p. 656) ; — débat: abbé Maury, de Cazalès (ibid.)] — renvoi aux comités militaire et des rapports (ibid.).
Regnaud (de Saint-J ean-d' Angély) demande l'érection, aux frais de la nation, d'une statue de Voltaire (30 mai, p. 611); — renvoi de cette motion au comité de Constitution (ibid. p. 612).
fin de la table alphabétique et anàlytiquedu tome xxvi.
Paris. — Société d'Imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue J.-J.-Rousseau. (Cl.) 227.3.87.